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(Onze heures treize minutes)
M. LEBEL (président): Qu'on ouvre lespor-tes. A l'ordre,
messieurs!
Présentation de pétitions. Lecture et réception de
pétitions. Présentation de rapports de comités
élus. Présentation de motions non annoncées.
Présentation de bills privés. Présentation de bills
publics.
M. BELLEMARE: A.
Bill 295
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose
la première lecture de la Loi concernant la ville de
Montréal.
L'honorable ministre des Affaires municipales.
M. LUSSIER: Ce projet de loi apour but d'autoriser la ville de
Montréal à effectuer certains travaux pour les fins de Terre des
hommes. Elle ratifie son pouvoir d'acquérir le moyen de transport connu
sous le nom d'Expo-Express. La loi permettra à la ville d'adopter un
budget spécial aux fins de combler un déficit en tout temps, et
non plus uniquement entre le 1er janvier et le 1er mars. Cette loi permettra,
de plus, à la ville d'imposer et de prélever dans l'ancienne
cité de Saint-Michel, du 1er janvier 1969 au 30 avril prochain, les
taxes générales ou spéciales prévues au budget de
cette ancienne cité pour 1968, ce qui est la quote-part de cette
ancienne cité, qui n'a pas été prélevée en
1967 pour le métro, ainsi que les taxes scolaires. Enfin, le projet de
loi autorise la ville de Montréal à décider, avant le 22
janvier prochain, soit de remplacer ses contributions aux caisses de retraite
de ses employés, pour l'exercice financier en cours et le prochain, par
des obligations qu'elle pourra y déposer, soit de changer la fin de son
exercice financier, de façon qu'il se termine désormais le 31
mars au lieu du 30 avril.
M. LESAGE: Est-ce que le projet de loi est imprimé et prêt
pour distribution?
M. LUSSIER: Le projet de loi est imprimé et prêt pour
distribution.
M. LESAGE: Très bien. Hier soir, j'ai reçu les
épreuves du projet de loi. Je l'ai étudié et j'ai
continué cette étude ce matin avec le député de
Mercier. Parlant en notre nom, à nous deux, puisque nous sommes les deux
seuls, à ma con- naissance, à l'avoir étudié, nous
serions disposés à procéder à l'étude en
deuxième lecture aussitôt que le bill sera distribué.
M. LE PRESIDENT: La deuxième lecture aura lieu à la
même séance.
M. LESAGE: Au sujet des bills publics, est-ce que l'autre projet de loi
qui apparaît, en appendice, au nom du ministre des Affaires municipales
concernant la possibilité d'homologation des terrains qui,
éventuellemant, constitueront le site du nouvel aéroport
international dans la grande région de Montréal est
imprimé?
M. BELLEMARE: Oui, il est imprimé. Si on avait
l'unanimité, on pourrait peut-être, vu qu'il est donné
comme avis, le lire en première lecture, quitte à le
discuter...
M. LESAGE: Quand nous aurons eu le temps d'en prendre connaissance.
M. BELLEMARE: ... quand vous déciderez que c'est le temps
opportun.
M. LESAGE: Le leader de la Chambre est d'une amabilité, ce matin,
dont je lui sais infiniment gré.
M. BELLEMARE: C'est parce que je viens de vivre une séance
orageuse.
M. LESAGE: Ah bon! Est-ce que cela veut dire qu'à l'avenir, si
l'on veut voir le ministre de l'excellente humeur qui est la sienne, il faudra
auparavant lui procurer des séances orageuses?
M. BELLEMARE: Vous me servez de miroir, souvent.
M. LESAGE: Merci du compliment, au moins pour ce matin.
Eh bien, aussitôt que le billaura été
distribué, je l'examinerai avec les députés qui sont plus
particulièrement intéressés...
M. BELLEMARE: D'accord.
M. LESAGE: ... et, je ferai signe au ministre qui, de toute
façon, lui, doit continuer le travail en comité ad hoc sur le
bill 290. Alors, première lecture.
Bill 296
M. LE PRESIDENT: Avec le consentement unanime de la Chambre, l'honorable
ministre des Affaires municipales propose la première lectu-
re de la loi favorisant l'aménagement des environs du nouvel
aéroport international de la région de Montréal.
L'honorable ministre des Affaires municipales.
M. LUSSIER: Ce bill a pour objet d'interdire, d'ici le 15 juin 1969, la
construction ou l'amélioration des constructions sur un territoire d'une
superficie maximale de 60 milles carrés. Le gouvernement du
Québec a le devoir de faire en sorte que le développement
économique et l'aménagement des environs de cet aéroport
se fassent de façon harmonieuse et rationnelle pour profiter le plus
possible à l'ensemble des citoyens du Québec.
Il appartiendra au lieutenant-gouverneur en conseil de délimiter
le territoire en question. L'arrêté en conseil délimitant
le territoire devra être publié sans délai dans la Gazette
officielle de Québec.
M. LE PRESIDENT: La première lecture est adoptée. De
consentement unanime, la deuxième lecture à la même
séance ou à une séance subséquente.
L'honorable ministre d'Etat à l'Education.
Manifestation du 5 décembre
M. MORIN: M. le Président, je voudrais faire rapport à
cette Chambre sur la manifestation du 5 décembre devant l'édifice
principal du Parlement. Le ministère de l'Education a fait enquête
sur la manifestation qui s'est déroulée jeudi dernier, le 5
décembre, devant l'édldlce principal du Parlement. Ainsi que l'a
annoncé, dès vendredi dernier, l'honorable premier ministre,
cette enquête devait permettre de répondre en particulier aux
questions suivantes: 1- Quelles sont les écoles qui ont
été impliquées dans la manifestation? 2- Quels sont les
élèves qui y ont participé? 3- Quel est le niveau
d'enseignement des écoles qui ont été touchées? 4-
De quelles commissions scolaires relèvent ces écoles? 5- Sur
l'incitation de qui les élèves sont-ils venus manifester au
Parlement?
L'enquête a été faite avec la collaboration de la
Commission des écoles catholiques de Québec. C'est principalement
à partir des rapports transmis par elle et provenant des res- ponsables
de" chacune de ces écoles secondaires que les réponses aux
questions posées ont été préparées.
Question 1 - Quelles sont les écoles qui ont été
impliquées dans la manifestation?
Question 4 - De quelles commissions scolaires relèvent ces
écoles?
Selon les informations recueillies, voici les écoles et les
commissions scolaires de la région du Québec métropolitain
impliquées dans la manifestation. a) Sur les quinze écoles
secondaires appartenant à la CECQ, six n'ont pas participé, neuf
ont participé. b) Aucune école de Ville-Vanier et de Sillery ne
participait. c) Aucune école appartenant aux régionales suivantes
n'a participé: Orléans, Jean-Talon, Chauveau, Tilly, Tardivel et
Louis-Fréchette.
Question 2 - Quels sont les élèves qui y ont
participé?
Question 3 - Quel est le niveau d'enseignement des écoles qui ont
été touchées? a) Environ 5,000 élèves ont
quitté l'école, en principe pour manifester. De ce nombre, on
sait que plusieurs n'ont participé ni à la marche, ni à la
manifestation mais ont gagné leur domicile. On évalue à
3,000 élèves au maximum le nombre de participants à la
manifestation. b) De quelques écoles, il y a eu des participants venant
du secondaire 1 et du secondaire 2, mais en général les
participants étaient des élèves des secondaires 3, 4 et 5.
On notait aussi la présence de petits groupes venant de CEGEP et de
l'université Laval. c) On sait, par ailleurs, que l'âge moyen, en
secondaire un, est de treize et quatorze ans, et, en secondaire cinq, il est de
17 et 18 ans.
Question 5 - Sur l'incitation de qui les élèves sont-ils
venus manifester au parlement? La réponse à cette question
implique des jugements de valeur qu'il appartiendra à chacun de porter
à partir de l'exposé du déroulement des
événements et des gestes posés par les divers
catégories de personnes en cause. a) Dans les jours qui ont
précédé la manifestation, des tracts ont circulé
dans l'ensemble des écoles secondaires, dans
les CEGEP, dans les centres commerciaux et ont même
été distribués de porte à porte, invitant les gens
à manifester.
Deux tracts d'origine inconnue furent distribués, tandis qu'un
autre fut distribué par le conseil étudiant dans certaines
écoles,,
Le mercredi 4 décembre, réunion des exécutifs
étudiants des écoles secondaires de Québec à
l'école Cardinal-Roy, de deux heures de l'après-midi
jusqu'à onze heures du soir.
L'autorisation de tenir cette réunion a été
donnée par le directeur des écoles secondaires, à la suite
de pourparlers entre lui-même, le président des étudiants
et le directeur de l'école Cardinal-Roy, pour les considérations
suivantes: « Occasion pour la fédération des
étudiants de réfléchir avant de poser les gestes du 5
décembre. Mieux vaut prévenir les dégâts
plutôt que de les subir et connaître au plus tôt leurs
réactions. »
Au cours de la réunion, on discute de l'opportunité d'une
marche sur le Parlement pour protester contre le projet de loi et pour
réaffirmer la priorité du français. Le vote fut pris. Dix
écoles votèrent pour la manifestation et cinq contre. Ce vote
correspond, à une exceptionprès, au nombre d'écoles qui
ont manifesté. Après la prise du vote, on procède à
l'organisation de la manifestation: Trajet, service d'ordre, tracts, etc.
Au cours de la même réunion, le président des
étudiants tente de rejoindre les autorités de la CECQ pour les
informer du vote et demander que les cours soient suspendus pour la
matinée du jeudi, les cours devant reprendre normalement à une
heure trente l'après-midi. La personne rejointe à la CECQ adopte
la position suivante, selon le rapport qu'elle a elle-même fait: «
Le mercredi 4 décembre, vers sept heures trente de l'après-midi,
le président de la fédération des conseils
étudiants de nos écoles m'a téléphoné pour
me demander l'autorisation de la Commission scolaire de Québec pour
organiser une manifestation de protestation contre le bill garantissant les
droits linguistiques des minorités dans la province. Il
prétendait qu'au moins 75 organisations à travers toute la
province devaient participer à cette manifestation.
Je lui ai répondu que je ne pouvais me rendre à sa
demande; a) Parce que je ne connaissais pas la teneur de ce prétendu
bill, b) Parce que je n'avais aucune autorité pour parler au nom de la
CECQ et, environ dix minutes plus tard, le directeur de l'école
Cardinal-Roy me demandait quelle attitude les directeurs des écoles
devaient adopter devant ce projet de manifestation.
Je lui ai répondu; a) Qu'il devait y avoir classes comme
d'habitude et que les professeurs de- vaient être en classe pour donner
leurs cours, b) Qu'advenant le départ d'élèves pour cette
manifestation, on ne devrait pas se servir de la force pour les retenir, c)
J'ai ajouté que, si tout se passait dans l'ordre et que si les
élèves revenaient en classe à une heure trente, je croyais
qu'on devait être compréhensif et qu'on ne devait pas appliquer de
sanctions et de représailles trop sévères.
Le directeur de l'école Cardinal-Roy m'a demandé
l'autorisation de transmettre ce message à ses collègues qui
communiqueraient avec lui. Je lui ai accordé cette permission.
»
Le directeur de l'école Cardinal-Roy raconte, dans les termes qui
suivent, son intervention auprès de l'assemblée des
exécutifs étudiants: « L'assemblée me donne droit de
parole. J'attire l'attention des étudiants sur les risques qu'ils vont
prendre. Je dis qu'il revient à chaque président de vendre son
idée à sa direction locale. Je leur permets de citer mon nom en
référence ».
C'est dans cette perspective que les exécutifs étudiants
semblent avoir pris contact, soit dans la soirée du 4, soit le matin du
5 décembre, avec la direction de leurs écoles respectives pour la
réalisation de leur projet. Le 5 décembre, à partir de
huit heures trente, le directeur de l'école Cardinal-Roy répond
brièvement aux appels des autres directeurs. Je cite le directeur de
l'école Cardinal-Roy: « a) Nos étudiants ont besoin d'une
manifestation de groupe on la leur refusait depuis septembre b)
Ils la feront avec nous ou contre nous; c) Ils ne sont pas tellement
préparés et les risques sont sérieux; d) Cependant, le
motif est louable et la confiance des étudiants en leur comité
d'ordre est grande; e) S'ils échouent, nous en tirerons les
leçons ».
Voici quelques exemples des délibérations auxquelles a
donné lieu chez les directeurs des écoles la position qu'ils
avaient à prendre. « II fallait prendre une décision
immédiatement avant neuf heures quinze. Informations
détaillées demandées au président et au
vice-président sur les raisons, les moyens, les buts poursuivis, les
autorisations de la CECQ. La réunion s'étant terminée la
veille vers onze heures, d'autre part, le mouvement FESQ, la
Fédération des étudiants, ayant été
encouragé par la CECQ évidemment, je cite toujours les
rapports des directeurs des écoles la décision des
élèves portait en elle-même une ratification officielle. En
effet, il est inconcevable que la CECQ encourage aveuglément un
organisme ayant une telle puissance. C'est effectivement ce qu'elle ferait si
elle n'avait pas un observateur ou un moyen de contrôle quelconque sur
ses activités.
Et si la CECQ déconseillait l'application d'une décision,
elle devait en informer qui de droit, et immédiatement. A neuf heures,
jeudi, nous n'avions eu aucune nouvelle. « Par le directeur des
écoles secondaires, ou la veille, j'avais appris que le directeur des
écoles secondaires serait à l'extérieur de la ville, pas
de renseignements possibles c'est toujours des citations des directeurs
d'écoles son remplaçant n'avait pas été
indiqué. Il faut souligner qu'il ne semblait y avoir personne de la CECQ
responsable et disponible en ce moment. L'histoire illustre qu'en de telles
circonstances, les subalternes sont pris pour prendre des décisions
très exposées à la controverse et l'histoire illustre
aussi que ce sont ces subalternes qui écopent des coups. « Le
président des élèves m'informe que le directeur de
Cardinal-Roy avait les réponses à mes hésitations, dit un
autre directeur d'école. Après l'appel, j'ai examiné la
thèse sur laquelle les élèves avaient pris position,,
Cette thèse: opposition au projet de loi sur les droits des
minorités, étant déjà très
controversée dans les milieux patriotiques, sociaux et autres, je
considérais que les élèves s'étaient formé
une opinion personnelle que je devais respecter, même si personnellement
je pouvais différer ».
Le but était correct. Le moyen; marche au parlement,
procédé que je condamnais en soi, mais, dans les circonstances,
ils voulaient faire connaître leur opinion et le projet de loi avait
été prévu, par la radio, comme pouvant être soumis
à la Législature le jour même. Leur attitude devait
être connue le jour même, d'où la marche.
Légalité. Ils demandaient des autorisations. Si nous
refusions, les conséquences pouvaient être aussi graves qu'elles
pouvaient être impondérables. Raison d'ordre éducationnel.
Des jeunes de 14 ans à 19 ans qui prennent conscience de tels
problèmes méritent qu'on les guide. Les commissions scolaires,
les parents, les ministères ont répété à la
jeunesse qu'ils devaient s'intéresser aux problèmes qui les
concernaient. « Si ces mêmes organismes veulent être
conséquents, ils ne doivent pas se dérober devant les
conséquences ou les rejeter sur des éléments
inférieurs. En somme, CECQ absente, FESQ organe avec la CECQ. But
poursuivi: raisonnable. Légalité: j'approuve la marche.
»
Dans une autre déclaration de directeur d'école: «
Ma position a été d'abord nettement ré-fractaire. Le
président me servit l'argument qu'il ne s'agissait pas pour la direction
de prendre position, mais qu'il désirait tout simplement avoir la
possibilité de prendre la parole au « télévox
» pour donner des directives aux étudiants afin que la marche se
déroule dans le meilleur ordre possible. Encore, il me
répéta qu'il s'agissait d'une marche pacifique et que tous les
moyens avaient été prévus pour empêcher tout acte
répréhensible et qu'il pouvait compter sur un groupe
d'étudiants qui pouvaient surveiller étroitement les
manifestants. « Alors, je lui ai répliqué que leur passer
le « télévox », c'était implicitement prendre
position. Les échanges se continuèrent quelque peu. Je tiens
à signaler qu'ils se faisaient à huis clos. Il était
déjà neuf heures trente-cinq. Aucune permission n'était
autorisée. Le président me demanda de se retirer quelques minutes
pour aller consulter son exécutif étudiant. Je lui ai dit que, de
mon côté, je ferais quelques consultations, et reviendrais dans
cinq minutes. Après consultation, pour éviter le pire, nous avons
cru bon d'autoriser la démarche en posant certaines conditions. Parmi
ces conditions, j'ai signalé que tout devait se passer dans l'ordre, que
les étudiants qui désiraient recevoir des cours pouvaient
demeurer en classe et qu'ils devaient être de retour à une heure
vingt-cinq sans faute et sans retard. Le départ des étudiants se
fit par petits groupes, à partir de dix heures deux minutes. » Fin
de ces citations des directeurs d'écoles.
Jeudi matin, à neuf quinze, l'exécutif étudiant de
chaque école expose, soit par « l'intercom » de
l'école, soit par tracts, le but de la manifestation et demande aux
étudiants de se grouper à la sortie de l'école pour neuf
heures trente. Selon les mêmes sources, la plupart des professeurs n'ont
appris que le matin même du 5 décembre, qu'il y avait
manifestation devant le parlement. Il semble bien que les professeurs n'ont pas
participé à la manifestation, du moins, en tant que groupe. Ce
qui n'exclut pas la participation à titre individuel de quelques
professeurs. C'est ainsi qu'un des rapports reçus relate l'anecdote
suivante: « Une fois les étudiantes parties, l'inquiétude
de ce qui pourrait se passer a incité des professeurs à aller
voir ce qui se passait. Une voiture est donc partie et a fait une
réunion pédagogique en cours de route. »
M. LEFEBVRE: Ils ont fait quoi? UNE VOIX: Une réunion
pédagogique.
M. MORIN: La règle suivante semble avoir été
appliquée au sujet de la poursuite de l'enseignement au cours de la
matinée du 5 décembre: les professeurs ont donné des cours
quand 50% des élèves étaient dans la classe, selon une
demande de la direction. Dans une école, une réunion
pédagogique a été tenue. Dans les écoles où
aucun élève n'a participé à la marche, les pro-
fesseurs ont donné leurs cours comme à l'ordinaire. Les
étudiants se sont rendus de leurs écoles respectives au parlement
selon l'itinéraire prévu lors de la réunion du mercredi.
Un service d'ordre étudiant encadrait la manifestation. Un des
principaux leaders des étudiants explique, de la façon suivante,
l'incident des balles de neige. Un caméraman de la
télévision serait monté sur le porche de l'entrée
centrale et aurait demandé aux étudiants de lui lancer des balles
de neige afin de présenter...
M. LAFRANCE: Un vrai roman. Je les ai vus.
M. MORIN: ... à la télévision un effet vivant. Il
aurait même demandé de viser son objectif. C'est ainsi qua les
étudiants ont commencé à lancer des balles de neige.
Toujours selon le témoignage du mémo leader étudiant, la
participation des étudiants à la manifestation n'a pas
donné les résultats voulus. Les étudiants sont
déçus et ont tiré une leçon de cette
expérience. Il semble que les étudiants connaissant les
conséquences d'une telle action y penseront deux fois avant de s'y
engager une seconde fois.
Comme je l'ai déjà mentionné, les réponses
aux questions posées, de même que la relation des
événements reproduisent aussi fidèlement que possible, les
données et les témoignages recueillis au cours de l'enquête
du ministère de l'Education, en collaboration avec la CECQ. Ces
données et ces témoignages apparaissent dans les documents que
j'ai ici en main et dont je suis disposé à remettre un exemplaire
au chef de l'Opposition. Je sais que le Solliciteur général
aurait quelque précision à apporter.
M. LE PRESIDENT: L'honorable solliciteur général.
M. Armand Maltais
M. MALTAIS (Limoilou): Voici, M. le Président, une brève
déclaration en marge d'une enquête préliminaire qui est
parvenue au ministère de la Justice. Jeudi le 5 décembre 1968,
dans la matinée, de nombreuses personnes se sont attroupées aux
abords de l'édifice principal du parlement de Québec et se sont
livrées à des manifestations. Vers la fin de la matinée,
ils étaient environ 1,800 qui criaient, injuriaient et lançaient
des roches, des boules de neige, des bouteilles vides de bière, des
bouteilles d'encre, etc.
Plusieurs étaient porteurs de pancartes et d'autres de drapeaux
rouges. Cette manifestation s'est poursuivie...
UNE VOIX: Un drapeau quoi? M. MALTAIS (Limoilou): Rouge.
M. LESAGE: Cardinal ou rouge Guevara, plutôt?
M. ROY; Mais ils attendaient Boisvert.
M. MALTAIS (Limoilou): Cette manifestation s'est poursuivie dans
l'après-midi et à cause de l'inconduite remarquable de certains
manifestants, quinze d'entre eux ont dû être arrêtés
par des agents de la Sûreté du Québec, dont deux
professeurs, l'un de Sillery et l'autre de Sainte-Foy.
Les autres étaient des étudiants de Québec et de la
région et dans deux cas les individus arrêtés,
domiciliés à Montréal, se sont dit chômeurs. Deux
étudiants d'âge mineur furent subséquemment remis sous la
garde de leurs parents, quitte à les traduire éventuellement par
voie de sommation devant la cour du Bien-Etre social. Les autres ont fait
l'objet d'une dénonciation devant un juge de la cour des Sessions de la
paix à Québec. La sûreté nous a fait parvenir copie
de circulaires distribuées parmi les étudiants la veille de cette
démonstration. Quatre copies de ces circulaires sont disponibles pour
production. A notre demande la Sûreté poursuit son enquête
afin d'établir premièrement les circonstances de la distribution
de semblables circulaires à l'adresse des étudiants, le
degré de participation des maisons d'enseignement de la région de
Québec ainsi que, de toute personne en autorité, à
l'incitation faite aux étudiants pour qu'ils participent à cette
manifestation, la preuve de la présence en nombre important de jeunes
enfants d'âge scolaire c'est-à-dire de 10 à 16 ans à
cette manifestation.
M. le Président, j'ai ici en main quatre exemplaires de quatre
circulaires qui ont été distribuées dans les circonstances
qui font l'objet de la déclaration que je viens de faire et, avec votre
permission, je suis prêt à déposer ces quatre exemplaires
dont le titre pour chacune de ces circulaires est le suivant : Le premier :
Québécois réagissons; le deuxième: Menace de
trahison; le troisième: Au Québec, l'anglais langue officielle?
Le français langue folklorique? Jamais plus et le quatrième:
Etudiants.
M. LESAGE: Ces circulaires ont-elles été
distribuées au cours de la manifestation ou avant la manifestation, soit
le matin, soit la veille, aux étudiants des écoles secondaires de
la Commission des écoles catholiques de Québec en
particulier?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. MALTAIS (Limoilou): D'après les renseignements obtenus
jusqu'ici, que j'admets être incomplets, ces circulaires auraient
été distribuées la veille. Maintenant, à quel
endroit? Je ne peux préciser davantage.
M. LESAGE: L'enquête se poursuit? M. MALTAIS (Limoilou): C'est
ça.
M. LE PRESIDENT: Est-ce le voeu de la Chambre que ces circulaires soient
déposées?
De consentement unanime, les circulaires seront
déposées.
M. LESAGE: Est-ce que le ministre d'Etat à l'Education
considère que l'usage du « télévox » par des
élèves dans une école alors que, par ce système,
ils peuvent atteindre tous leurs confrères ou leurs consoeurs de
l'école, est une procédure que l'on peut considérer comme
normale dans les circonstances qui prévalaient, le matin du 5
décembre?
M. MORIN: Je pense que la question du chef de l'Opposition demanderait
surtout que je porte un jugement, que je donne une opinion personnelle, et je
me dois de ne pas le faire ici en cette Chambre.
M. LESAGE: Indépendamment de l'opinion du ministre d'Etat
à l'Education, est-ce qu'il a l'intention de discuter de ce point
particulier, comme de la possibilité de la distribution des circulaires
mentionnées par le Solliciteur général, avec les plus
hautes autorités de la Commission des écoles catholiques de
Québec?
M. MORIN: II est de notre intention, au ministère de l'Education,
et nous en avons même causé, le ministre de l'Education et moi, de
le faire. Evidemment, nous poursuivons les démarches, afin que de telles
manifestations ne se reproduisent plus ou, dans tous les cas, que certaines
personnes prennent davantage leurs responsabilités.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond.
M. LAFRANCE: Je voudrais un renseignement additionnel de la part du
ministre d'Etat à l'Education. Est-ce que le ministre a recueilli la
version des étudiants eux-mêmes, non pas des leaders?
Personnellement, et d'autres personnes ont fait la même
expérience, j'ai inter- rogé des jeunes, qui m'ont affirmé
que ce sont des professeurs qui leur ont dit de venir manifester. Comment
expliquent-ils ça?
M. MORIN: Voici. Il nous a été fourni une foule de
renseignements qui semblaient venir d'étudiants. Mais, d'un
étudiant à l'autre, parfois, les versions étaient
très contradictoires. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas
voulu en faire mention, dans ce long rapport, que j'ai soumis tout à
l'heure à la Chambre. Il était en effet très difficile,
à l'intérieur d'une même école, et même
à l'intérieur d'une même classe, de faire corroborer par
des confrères ce qu'un de leurs confrères venait de nous
dire.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances.
M. DOZOIS: Etant donné que le ministre d'Etat à
l'Education a lu un long rapport, qui sera évidemment reproduit dans le
journal des Débats, que le ministre intérimaire de la Justice
fait un rapport, j'estime qu'on devrait imprimer en appendice, au journal des
Débats, le contenu des circulaires qui ont été
déposées, de façon que le dossier soit complet. C'est une
suggestion que je fais.
M. GERIN-LAJOIE: Les circulaires elles-mêmes?
M. DOZOIS: Oui, de façon que le dossier soit complet.
M. LESAGE: En appendice au journal des Débats, quant à
moi, d'accord.
UNE VOIX: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté. (Voir annexe)
L'honorable ministre des Richesses naturelles.
Questions et réponses
Mises à la retraite à
l'Hydro-Québec
M. ALLARD: Faisant suite à la question que m'a posée
l'honorable député de Saguenay et qu'a commentée le chef
de l'Opposition, à savoir si le gouvernement approuve la politique de
l'Hydro-Québec de mettre à pied les employés manuels
à 60 ans, alors qu'ils n'ont droit à aucune pension, je dois dire
aux hono-
rabies députés que, règle générale,
l'Hydro-Québec ne met pas à pied les employés manuels
permanents qui ont atteint l'âge de 60 ans. Cependant, sur les chantiers
de construction, elle met à pied certains employés temporaires
qui ont atteint l'âge de 60 ans, lorsqu'ils occupent des postes
exposés, soit pour leur propre sécurité, ou celle de leurs
compagnons. Les autres employés temporaires sont gardés
jusqu'à l'âge de 65 ans.
D'après les renseignements que m'a fournis la direction de
l'Hydro-Québec, sur les chantiers de Manic et Outardes en avril dernier,
lors du rappel des employés au printemps, 84 employés avaient
atteint l'âge de 60 ans. Cinquante-neuf n'ont pas été
rappelés en vertu de ce règlement relatif au poste exposé
et les 25 autres, qui occupaient auparavant des postes non exposés, ont
été placés sur une liste de rappel qui, me dit-on, sera
utilisée après la liste normale de rappel de la convention
collective.
M. LESAGE: Je retiens, de ce que vient de dire le ministre, que sur les
84 employés ce qui correspond assez bien aux renseignements
qu'avait obtenus et transmis le député de Saguenay 84
employés ont été, en définitive, remerciés
de leurs services, parce que, dit-on, ils occupaient des postes comportant des
activités qui pourraient mettre en danger leur personne ou celle de
leurs compagnons. Sur ces 84 employés, 25 auraient été
rappelés dans d'autres fonctions... c'est ça?... qui ne
comportaient pas les mêmes dangers.
M. ALLARD: Us ont été placés sur la liste de
rappel.
M. LESAGE: Les vingt-cinq n'ont pas été
rappelés?
M. ALLARD: ... vingt-cinq autres occupant auparavant des postes non
exposés ont été placés sur une liste de rappel.
M. LESAGE: Et les 59 autres ne sont pas sur la liste?
M. ALLARD: En vertu de ce règlement, ils ne sont pas
placés sur la liste de rappel.
M. LESAGE: Cela veut donc dire que 84 personnes ayant atteint
l'âge de 60 ans, dont plusieurs étaient à l'emploi de
l'Hydro-Québec depuis dix ou douze ans, même depuis le
début de la Bersimis, se trouvent mises à pied. Il y a là
des pères de famille. Est-ce que le ministre n'entend pas prendre avec
l'Hydro-
Québec les dispositions nécessaires pour voir à ce
que ces gens-là puissent gagner leur vie? Leur situation est absolument
intolérable.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'ai cru, au début de l'intervention
de l'honorable chef de l'Opposition, qu'il voulait faire un court
préambule à une question supplémentaire, mais je vois
qu'on s'engagerait dans un débat si je le laissais poser d'autres
questions du même genre.
M. LESAGE: Le député de Saguenay a quand même une
question.
M. MALTAIS (Saguenay): Le ministre me permettra certainement, vu qu'il
s'agit de quelque chose qui peut se répéter un peu partout dans
d'autres chantiers, l'Hydro étant un peu partout dans la province, de
lui poser une question supplémentaire.
Est-ce que le ministre considère qu'on lui a donné, avec
la liste qui lui a été fournie, des raisons autres que celle que
ces gens auraient atteint l'âge de 60 ans, ou si c'est le seul motif de
leur mise à pied?
M. ALLARD: J'ai transmis à la Chambre les détails et les
informations qui m'ont été fournis par l'Hydro-Québec,
responsable de l'embauchage de ces employés.
M. MALTAIS (Saguenay): Eh bien, je fournirai moi-même une liste au
ministre, des mardi prochain, de tout ce qui s'est passé à
l'Hydro-Québec.
M. ALLARD: Il me fera plaisir de recevoir les informations
additionnelles du député de Saguenay et je les transmettrai
immédiatement à l'Hydro.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond.
Bill 56
M. LAFRANCE: Ma question s'adresse au leader parlementaire. Est-ce que
c'est son intention de soumettre en première lecture le bill 56, comme
le gouvernement s'y est engagé depuis quelques jours?
M. BELLEMARE: Je crois que des épreuves ont été
remises ce matin à l'honorable chef de l'Opposition, qui en a fait
parvenir le texte à certains de ses députés...
M. LESAGE: En entrant en Chambre, j'avais trois épreuves du bill
56. J'en ai remis une à l'ancien ministre de l'Education et j'ai remis
l'autre au député de Richmond. J'en ai gardé une au cas
où j'aurais quelques minutes pour la regarder.
M. BELLEMARE: C'est pour ça que dès que nous avons
reçu les épreuves, nous en avons remis trois à l'honorable
chef de l'Opposition.
M. LESAGE: Est-ce que le leader du gouvernement a une idée du
moment où le bill pourrait être distribué? Cela ne devrait
pas être très long, n'est-ce pas?
M. BELLEMARE: Je pense que, dans le courant de la journée,
après le dîner, ou après le déjeuner, comme on dit,
nous pourrons peut-être avoir suffisamment de copies.
M. LESAGE: Oui.
M. LAFRANCE: En tenant compte d'autres précédents, est-ce
qu'on ne pourrait pas le passer en première lecture
immédiatement?
M. LESAGE: Pour ce qui est de la procédure, je dois faire
remarquer qu'un rapport de comité sur les bills 56 et 61 apparaît
au feuilleton.
La procédure à suivre, à ce moment-là, c'est
de revenir en Chambre avec le nouveau bill, non pas en première lecture,
mais comme étant le fruit du rapport du comité.
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. LAFRANCE: M. le Président, je regrette d'insister. Ai-je
l'assurance du leader qu'il sera présenté en première
lecture demain?
M. BELLEMARE: Ah, bien, c'est sûr!
M. TREMBLAY (Montmorency): M. le Président, pourrais-je avoir une
copie de ces documents qui ont été transmis au chef de
l'Opposition officielle, concernant le bill 56?
M. BELLEMARE: Comme vous êtes un membre de cette honorable
Chambre, oui.
M. TREMBLAY (Montmorency): Je n'ai pas compris la réponse.
M. MALTAIS (Saguenay): Pourriez-vous en envoyer une à tous les
chefs de parti? S'il y en a d'autres qui démissionnent, pourriez-vous
leur en faire parvenir également?
M. BELLEMARE: Je suis bien heureux de considérer l'intervention
de l'honorable député de Saguenay en faveur de son grand ami, le
député de Laurier.
M. LESAGE: Au sujet des copies, ce matin, étant donné que
je ne puis m'absenter de la Chambre, je vais demander au personnel de mon
bureau de bien vouloir faire des photocopies pour les députés de
ce côté-ci de la Chambre. Nous allons nous servir de notre
Xerox.
M. BELLEMARE: Nous allons nous occuper des honorables chefs
indépendants.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de
Mercier.
Taxis Murray Hill
M. BOURASSA: M. le Président, une question au ministre des
Transports. Pourrait-il donner les conclusions des rencontres qu'il a eues
récemment avec les représentants des chauffeurs de taxi de la
compagnie Murray Hill? Le ministre est sans doute au courant que certains
groupes de chauffeurs de taxi ont menacé de faire des manifestations au
cours de la semaine prochaine, et il se souvient certainement des
manifestations qui ont eu lieu, il y a quelques semaines. Alors, la question,
je pense, est d'urgence.
M. LIZOTTE: M. le Président, j'ai reçu, il y a quinze
jours, le président de la Fraternité des taxis de la ville de
Montréal, M. Vincent» J'ai reçu également les
représentants de la compagnie Murray Hill. Je n'ai pas reçu de
demande de la part de ce mouvement pour l'indépendance des taxis de
Montréal, qui apparemment groupe un petit nombre de ceux qui voudraient
tout briser, comme vient de le dire le député de Mercier.
J'ai demandé aux officiers du ministère des Transports
d'étudier les ordonnances de la régie relativement aux permis
accordés à certaines compagnies de transport privées,
Murray Hill, par exemple. Lorsque j'aurai le rapport des officiers du
ministère des Transports et des Communications relativement à la
violation de certains articles de ces pouvoirs accordés, à ce
moment-là, nous prendrons les dispositions pour que la paix revienne en
ce qui concerne les taxis de Montréal.
M. BOURASSA: Question supplémentaire. Est-ce que le ministre
admet qu'il faudra probablement un amendement à la charte de la ville de
Montréal pour empêcher la sollicitation, et serait-il d'accord
avec cet amendement?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Malheureusement, je ne peux permettre cette
question parce qu'elle demande, en plus d'une opinion personnelle, une opinion
juridique au ministre.
M. BOURASSA: M. le Président, je pense que la question est
importante.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. GABIAS: La bête prend du poil.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je ne doute pas que la question puisse
être importante... A l'ordre!
M. GABIAS: Un autre chef de l'Opposition. Tiens, il est revenu en
Chambre!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je m'excuse bien sincèrement de
troubler certains dialogues, mais je dois répéter à
l'honorable député de Mercier que, malheureusement, je ne peux
permettre cette question parce qu'elle demande une opinion. Les
règlements, et non pas moi personnellement, défendent ce genre de
questions.
M. BOURASSA: M. le Président, ma question ne demande pas une
opinion si je la pose ainsi...
DES VOIX: A l'ordre!
DES VOIX: C'est une autre question.
M. LE PRESIDENT: Malheureusement, ma décision est rendue.
M. GABIAS: II « bourasse » ce matin; il a passé une
mauvaise nuit.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Est-ce que je dois rappeler aux honorables
députés que j'ai quand même, je pense, le privilège
et surtout le devoir d'entendre les honorables opinants, ce qui m'est
très difficile depuis quelques minutes?
L'honorable député de Drummond.
M. PINARD: M. le Président, avec votre permission, est-ce que ce
serait légal si le député de Mercier posait la question
suivante au ministre des Transports: Est-ce l'intention du ministre des
Transports de proposer un amendement à la charte de Montréal pour
régler le problème des taxis?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Cette question serait légale.
M. BOURASSA: Je n'ai pas à répéter la question que
vient de reprendre le député de Drummond, je veux simplement
signaler l'importance du problème. Il y a eu des manifestations, de la
violence, c'est incontestable. Le ministre peut-il répondre à
cette question?
M. LE PRESIDENT: La question formulée par l'honorable
député de Drummond était régulière et
légale, mais je répète que celle qui est actuellement
présentée par l'honorable député de Mercier ne
l'est pas.
M. PINARD: M. le Président, comme ma question est dans l'ordre,
pourrais-je avoir une réponse du ministre des Transports?
UNE VOIX: En temps et lieu.
M. LIZOTTE: Pourriez-vous répéter votre question? Vous
avez tellement parlé entre vous autres par les yeux.
M. PINARD: M. le Président, avec votre permission, je
répète ma question au ministre des Transports: A-t-il l'intention
de proposer un amendement à la charte de la ville de Montréal
pour régler le problème qui vient d'être soulevé par
le député de Mercier, relativement aux chauffeurs de taxis?
M. LIZOTTE: Si la ville de Montréal a des amendements à
proposer, elle les proposera elle-même, par ses officiers.
UNE VOIX: C'est ça.
M. BELLEMARE: Deuxième lecture du bill 295.
Régionale de Lignery
M. LESAGE: J'ai posé une question, hier, au ministre d'Etat
à l'Education, au sujet de la régionale Lignery. Le ministre
d'Etat à l'Education est-il en mesure de répondre?
M. MORIN: Malheureusement, je ne suis pas en mesure de répondre,
parce que je n'ai qu'une réponse fragmentaire. J'attendais d'une minute
à l'autre des renseignements supplémentaires. Aussitôt que
je les aurai, je les fournirai au chef de l'Opposition,
Message du Conseil législatif
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! On me permettra de transmettre à
cette Chambre un communiqué reçu du Conseil législatif.
« Conseil législatif, le 13 décembre 1968.
Le Conseil législatif informe l'Assemblée
législative qu'il a voté sans amendement les bills suivants:
Bill numéro 293, intitulé Loi modifiant la loi des
associations coopératives;
Bill numéro 294 intitulé Loi modifiant la loi des caisses
d'épargne et de crédit.
Attesté Léonard Parent greffier associé du Conseil
législatif. »
Bill 295 Deuxième lecture
M. LE PRESIDENT: De consentement unanime, l'honorable ministre des
Affaires municipales propose la deuxième lecture de la Loi concernant la
ville de Montréal.
L'honorable ministre des Affaires municipales.
M. BELLEMARE: Si l'honorable ministre veut me le permettre, je voudrais
donner avis que le comité ad hoc sur le bill 290 continuera de
siéger, du consentement unanime de la Chambre.
M. LESAGE: Pendant que le leader du gouvernement est en Chambre,
pourrions-nous prendre entente au sujet de ce qui va se dérouler en
Chambre, après que nous en aurons terminé avec l'étude du
bill de la ville de Montréal? Il est fort probable que ce sera cet
après-midi seulement. A ce moment-là, nous aurons peut-être
reçu...
M. BELLEMARE: Oui.
M. LESAGE: ... le texte de l'autre bill, concernant l'aéroport
international. Si nous avions quelque temps pour nous réunir en caucus,
même restreint, de ce côté-ci de la Chambre, nous pourrions
peut-être aviser le ministre que nous serons prêts à
procéder. Alors, il y aurait peut-être lieu, à ce
moment-là, et je veux m'entendre avec lui dès maintenant, de
suggérer une suspension des travaux de la Chambre jusqu'à rappel
signalé par le son des cloches.
M. BELLEMARE: Pour le bill...
M. LESAGE: Pour le bill et pour le budget supplémentaire qui doit
être déposé par...
M. BELLEMARE: Si je comprends bien...
M. LESAGE: C'est-à-dire qu'exactement la même
procédure s'appliquerait dans le cas du budget supplémentaire qui
doit être déposé par le ministre des Finances.
M. BELLEMARE: Aucune objection,
M. LESAGE: J'essaie de collaborer, dans la mesure...
M. BELLEMARE: Aucune objection à cet ordre dans les travaux. Si,
à ce moment-là, nous en avons fini, en bas, avec le comité
de la construction, le bill 290, nous vous en ferons rapport.
M. LE PRESIDENT: Dois-je comprendre qu'il y a motion de l'honorable chef
de l'Opposition pour suspendre les travaux à loisir?
M. LESAGE: Non.
M. BELLEMARE: Non.
M. LESAGE: Je discutais avec le leader de la Chambre. Je pense qu'il
était temps de le faire, pendant qu'il était encore ici, au sujet
de la procédure que nous suivrons.
M. GABIAS: Un petit club privé.
M. LESAGE: Je ne pensais pas que... Oh non, M. le Président, je
ne commencerai pas...
M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, l'ordre des travaux de la
Chambre, c'est que...
M. LESAGE: Vous admettrez que j'ai résisté à la
tentation.
M. BELLEMARE: ... actuellement, c'est la deuxième lecture du bill
295...
M. LESAGE: Elle était forte.
M. BELLEMARE: ... quand la deuxième lecture du bill 295 sera
terminée, que le comité aura siégé, que le rapport
sera fait, que la deuxième lecture sera adoptée, ce qui sera
peut-être dans le courant de l'après-midi, il est possible
qu'à cause du budget supplémen-
taire, les notes qui ont été remises à l'honorable
chef de l'Opposition, et aussi le bill qui a été introduit ce
matin, au sujet de l'aéroport de Drummondville, soient transmis pour
étudier...
M. PINARD: Enfin, on sait qui est le « boss »
M. BELLEMARE: ... pour donner plus de latitude aux honorables
députés de l'Opposition d'étudier plus à fond ces
deux bills très importants, il y aura suspension des travaux et nous
reviendrons à la Chambre à l'appel des cloches.
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, je voudrais poser une
question à propos du bill de Montréal.
M. LE PRESIDENT: C'est parce que je dois signaler quand même que
la deuxième lecture est maintenant appelée et que l'honorable
ministre des Affaires municipales avait déjà la parole. A ce
moment-là, je suggérerais que l'honorable député de
Laurier pose sa question à l'honorable ministre après son
intervention, à moins que ce soit sur une question de
procédure.
M. LEVESQUE (Laurier): C'est une simple question de procédure
pour essayer de voir clair dans l'histoire. C'est parce que
régulièrement on allait plutôt en comité entendre
les parties. Si on commence ici, est-ce qu'on va quand même descendre au
comité pour entendre les gens de la ville tout de suite après la
deuxième lecture?
M. BELLEMARE: Le comité, c'est ici, le comité
plénier.
M. LEVESQUE (Laurier): Oui. Autrement dit, est-ce que les gens de la
ville de Montréal, enfin le président de l'exécutif, comme
d'habitude, et les officiers vont être entendus ou non?
M. BELLEMARE: Non, non, c'est un bill public que nous
présentons.
M. LEVESQUE (Laurier); Ah bon!
M. BELLEMARE: Et c'est un bill qui va être discuté ici en
comité plénier et reporté en troisième lecture.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales.
M. Robert Lussier
M. LUSSIER: M. le Président, la ville de Montréal nous a
fait valoir qu'elle avait besoin de pouvoirs spéciaux pour faire face
à la situation qui la confronte actuellement. Ces pouvoirs
spéciaux visent principalement à permettre à la
ville...
M. LESAGE: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait
attendre quelques instants que les conversations privées soient
terminées afin que nous puissions suivre ses propos que j'anticipe comme
étant fort intéressants?
M.LUSSIER: Restez dans les mêmes dispositions.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! L'honorable ministre des Affaires
municipales.
M. LUSSIER: Ces pouvoirs spéciaux visent principalement à
permettre à la ville de maintenir l'équilibre de son budget,
à répartir sur une plus longue période des investissements
affectés à des travaux de nature capitale sur le site de Terre
des hommes et à prévoir l'imposition de taxes dans les
territoires de l'ancienne cité de Saint-Michel entre la fin de
l'exercice financier normal de cette cité, soit le 31 décembre
1968 et le début de la période d'imposition des taxes
prévues par le règlement d'annexion, soit le 1er mai 1969.
Ces mesures concernant Terre des hommes font l'objet du premier article
du projet de loi. L'équilibre du budget et les moyens d'y parvenir font
l'objet des articles 2 à 5 et 9 du projet de loi. Les mesures permises
par ces articles permettent à la ville de Montréal d'adopter un
budget spécial en tout temps pour suppléer à
l'insuffisance des revenus et lui accordent en outre l'option entre deux
méthodes pour réduire son déficit.
Jusqu'à maintenant la ville ne pouvait adopter un budget
spécial qu'entre le 1er janvier et le 1er mars de chaque année.
De plus, seuls les propriétaires fonciers devaient supporter les
augmentations de taxes imposées à l'occasion du budget
spécial. Dorénavant, un budget spécial pourra être
adopté en tout temps au cours de l'exercice financier et le conseil
pourra se procurer les revenus supplémentaires dont il a besoin, des
mêmes sources que celles où il peut puiser lors de l'adoption de
son budget annuel, c'est-à-dire des taxes de toute nature, les permis et
les licences.
L'enregistrement et le transfert des obligations présentent pour
la ville de Montréal des situations que ne rencontrent pas les autres
municipalités. C'est pourquoi le présent projet de loi
prévoit, pour cette ville, une situation particulière. Lors de
l'annexion de la ville de Saint-Michel, la loi a prévu que cette
annexion se ferait aux conditions prévues dans le règlement
d'annexion de la ville de Montréal. Or, le règlement d'annexion
prévoyait des taux de taxes préférentiels pour les
contribuables de la ville de Saint-Michel, à compter du 1er mai 1969, et
cela pour une période de trois ans.
Comme l'annexion est entrée en vigueur au cours de la
présente année, le projet de loi que nous avons devant nous
permet à la ville de Montréal de fixer le taux des taxes dans la
ville de Saint-Michel entre le 1er janvier 1969 et le 1er mai 1969, date
à laquelle entrera en vigueur le taux des taxes prévu par le
règlement d'annexion. Des mesures alternatives facilitant
l'équilibre du budget sont traitées à l'article 9. Comme
il s'agit là de mesures quipeuvent avoir une importante
répercussion sur les finances de la province, comme il s'agit de
mécanismes financiers et que mon collègue, le ministre des
Finances, est plus versé que moi dans ce domaine, je l'invite à
expliquer cet article du bill.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances.
M. Paul Dozois
M. DOZOIS: M. le Président, ce que j'ai à dire sur le bill
de Montréal est, à mon avis, de la plus haute importance. Les
commentaires que je désire faire sont peut-être aussi importants
que ceux que je ferais lors d'un discours sur le budget. Je demande la bonne
attention de la Chambre. J'espère que, si je dévie quelque peu de
l'observance stricte des règlements, on me permettra de le faire,
d'autant plus que j'estime que, sur une question comme celle-là, le
débat doit être le plus large possible. La forme de débat
que l'on acceptera je la reconnais à n'importe quel autre membre de la
Chambre.
M. LESAGE: Nous aurons sans doute besoin nous-mêmes du même
degré de liberté.
M. DOZOIS: Oui, d'accord.
M. LE PRESIDENT: Si on me permet, immédiatement. L'honorable
ministre vient de me souligner qu'il y aura un manquement au règlement.
Il semble y avoir consentement unanime de la Chambre.
M. LESAGE: Non, ce n'est pas directement un manquement au
règlement, mais, simplement, il va falloir faire des
considérations d'une nature assez générale face aux
difficultés que la ville de Montréal doit surmonter à
l'heure actuelle.
M. DOZOIS: C'est cela. Exactement.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances.
M. DOZOIS: Je remercie mes collègues de cette Chambre, tant ceux
de l'Opposition que ceux du gouvernement. Je pense que nous attachons tous de
l'importance au problème qui se pose actuellement à la
métropole du pays. A ce sujet, j'invite également les
journalistes, même s'ils sont peu nombreux au moment où j'adresse
cette supplique je reconnais qu'il n'y en a qu'un pour le moment
à relire les épreuves de ces commentaires que je ferai, à
tête reposée. Je leur demande de témoigner beaucoup de
compréhension devant ce problème qui, à mon avis, est
d'une extrême gravité.
M. HANLAY: Qui est responsable de l'extrême gravité?
M. DOZOIS: Bien, si le député de Sainte-Anne me le permet,
je ferai mon exposé tel que je l'ai conçu. J'ai des notes
suffisantes, je crois, pour couvrir l'ensemble du problème qui se pose
actuellement à l'administration municipale. Quant à placer des
responsabilités sur l'administration de Montréal, il y a un
conseil où les membres peuvent faire valoir leurs idées.
De plus, le député de Sainte-Anne, qui est membre des deux
organismes, a le droit de parole dans cette Chambre. Je l'invite à
ajouter à ces commentaires ou à ceux que je ferai. Il y a aussi,
au-dessus de l'Assemblée législative et du conseil de ville, de
Montréal un organisme qui est souverain et qui pourra juger
éventuellement les administrateurs de la ville de Montréal, c'est
le corps électoral.
Les électeurs de la ville de Montréal porteront
éventuellement un jugement sur la situation que nous connaissons
actuellement. M. le Président, je pense que, pour bien comprendre ce
problème, il faut s'attacher au fait que Montréal est la
métropole du Canada. Je pense que nous sommes fiers que cette
métropole du Canada soit dans notre province. On peut discuter sur la
façon dont cette métropole a été bâtie, a
été organisée, est administrée, mais, quant
à moi, qui suis Montréalais de naissance qui ai pris une part
active
à l'administration de la ville de Montréal jusqu'en 1956,
et qui ai fait partie du comité exécutif pendant neuf ans, je
dois dire que je suis fier de ma ville.
Je pense que les administrations qui se sont succédé ont
voulu faire de la ville de Montréal une grande ville et lui conserver ce
titre de métropole. L'administration qui est actuellement en place, je
ne veux pas porter de jugement sur elle, son administration. Mais je dois dire
que, comme citoyen de Montréal, j'ai été fier de l'Expo,
que je suis fier du Métro, et que je suis fier d'une foule
d'améliorations qui ont été apportées. Evidemment,
ces améliorations se sont faites à coups de millions.
Il y en a, je le sais, qui prétendent que la ville de
Montréal a trop dépensé et que, maintenant, les citoyens
doivent en payer la note. Il ne m'appartient pas, je le répète,
de porter un jugement sur l'administration de Montréal comme telle mais,
à titre de ministre des Finances, je fais face actuellement à ce
problème qui a été soumis tout d'abord à mon
collègue du ministère des Affaires municipales. Je viendrai plus
tard à différents aspects de ce problème, mais je voudrais
dire immédiatement à cette Chambre comment il se fait que
Montréal soit dans une pareille situation.
Comme vous le savez, M. le Président, il y a d'abord un
écart d'environ $10 millions dans l'estimation de la taxe de vente, dans
le dernier budget de la ville de Montréal. Cet écart, M. le
Président, et je préviens, puisque je suis à la veille de
faire une remarque que certains pourraient croire teintée de
partisa-nerie, que cette remarque, je la fais en toute objectivité, je
n'accuse personne. Je pense que cette situation a été
créée de bonne foi, purement et simplement.
Lorsqu'il y a eu un changement, en 1965, dans la méthode de
répartition de la taxe de vente, le gouvernement du temps a dit en cette
Chambre en a informé les autorités de la ville de Montréal
que cette nouvelle base procurerait $11 millions de plus, en revenu de la taxe
de vente, que les revenus prévus de l'année
précédente, ceci veut dire qu'en 1964, lors de la première
formule de partage, la ville de Montréal avait reçu $29.6
millions. Du moins, c'est ce qu'on avait affirmé en cette Chambre.
L'année suivante, à la suite du rapport de la commission
Bélanger, qui a suggéré la formule actuellement en
vigueur, le premier ministre du temps avait dit, ici, de son fauteuil, et je
pourrais lui citer la page du journal des Débats, que ça
apporterait à ville de Montréal $11 millions de plus, donc $40
millions.
M. LESAGE: C'était au rapport Bélanger.
M. DOZOIS: Oui, mais peut-être pas quant au montant.
M. LESAGE: Peut-être pas quant au montant, mais...
M. DOZOIS: Je le dis, je n'impute de motifs à personne. Je ne
porte pas de jugement. Je pense que la chose a été faite de bonne
foi et que le premier ministre du temps, qui a fait cette affirmation, s'est
basé sur des renseignements que les fonctionnaires de son
ministère ou du ministère du Revenu lui ont fournis.
M. LESAGE: C'est-â-dire sur le rapport Bélanger et sur les
calculs faits par les experts du ministère des Finances et du
ministère du Revenu, sur la foi du rapport Bélanger.
M. DOZOIS: Je pense que tout le monde était de bonne foi, et la
ville de Montréal a mis à son budget $40 millions de revenus. Or,
les revenus réels, à la fin de l'année, se sont
élevés, pour ce poste, à $33,464,000. Donc, dès la
première année, il y a un déficit de $6,536,000 dans ce
revenu. Et la ville de Montréal a bâti son budget d'année
en année sur cette base de $40 millions. ' Mettons-nous à la
place des administrateurs de la ville de Montréal. S'ils avaient voulu
ramener d'un seul coup cette estimation à un chiffre plus réel,
il aurait fallu qu'ils augmentent les taxes de $6 millions l'année
suivante. Or, la ville de Montréal a continué de faire des
estimations de cet ordre, espérant probablement que ces chiffres se
rétabliraient et qu'elle pourrait peut-être enfin recevoir ce
montant. Malheureusement, le montant de la taxe de vente qui revient à
Montréal, s'est maintenu à environ ce chiffre, sauf pour
l'année 1966-67. La ville de Montréal a alors ajouté
à son revenu le montant qu'elle recevra cette année,
c'est-à-dire la division de l'accumulation du surplus de trois ans. Elle
l'a escompté dans ses revenus et elle l'a considéré comme
un compte à recevoir. Cette année-là, elle a prévu
plus de $38 millions de revenus. Mais dès l'année suivante, les
revenus de la taxe de vente sont de nouveau tombés à $34 millions
ou $33 millions. Cette année, la ville a budgété $43
millions et les revenus de la taxe de vente s'élèveront
probablement aux environs de $33 millions. Donc, il y a au départ un
déficit de $10 millions à ce poste.
Les administrateurs de Montréal, vous le
savez, ont lancé une taxe volontaire et ont prévu dans
leur budget un revenu de $32 millions. Inutile de raconter les
péripéties de cette taxe volontaire, tout le inonde les
connaît. Il arrive cependant que la ville ne peut en espérer
qu'environ $10 millions au maximum. Il y a donc $22 millions de déficit
à ce poste également, ce qui fera, au total, $32 millions. Le
déficit réel...
M. LESAGE: II y avait aussi, je pense bien, une surestimation de la
croissance économique de la région.
M. DOZOIS: La croissance économique? C'est fort possible. Je n'ai
pas analysé la chose. Les administrateurs de la ville de Montréal
ne m'ont pas fourni une étude poste par poste afin de déterminer
d'une façon sûre et certaine qui serait le déficit
approximatif réel, mais ces deux postes apportent un déficit de
$32 millions, à n'en pas douter. Y aura-t-il des économies dans
les dépenses? Y aura-t-il des revenus plus substantiels à
certains postes? Peut-être. Je l'ignore. De toute façon, lorsque
l'année se terminera, le déficit global pourra se situer
peut-être à $18 millions, $20 millions, $22 millions, $25
millions, $30 millions. Je ne le sais pas, mais il sera sûrement de cet
ordre.
M. LESAGE: J'ai été dérangé par quelqu'un.
Le ministre attribue combien à la surestimation des revenus de la taxe
de vente pour cette année?
M. DOZOIS: C'est $10 millions pour la taxe de vente. La taxe
volontaire?
M. LESAGE: A quoi attribue-t-il. C'est bien, merci.
M. DOZOIS: A la taxe volontaire, $22 millions.
M. LESAGE: J'ai compris.
M. DOZOIS: Or, vous le savez la charte qui régit la ville de
Montréal prévoit que le budget doit être
équilibré.
Il y a l'article 678 qui dit que lorsque le conseil constate, sur
rapport du comité exécutif, que les revenus ne seront pas
suffisants pour payer les dépenses prévues au cours de
l'année, il doit augmenter, sur rapport du directeur des finances, la
taxe foncière. Mais cette augmentation de taxe ne doit pas
dépasser $0,15 par $100 d'évaluation, ce qui apporterait, dans
les conditions actuelles, une taxe d'environ $8 millions ou $9 millions.
M. LESAGE: C'est ça,$6 millions par $0.10...
M. DOZOIS: Le rôle étant d'environ $6 milliards.
M. LESAGE: Oui, à peu près $6 millions par $0.10? A peu
près...
M. DOZOIS: Oui, c'est vrai, le rôle est de $6 milliards.
M. LESAGE: Je pense que le calcul est plus facile comme ça.
M. DOZOIS: Oui, c'est plus facile. La situation, pour être
corrigée, demande des amendements à la charte de Montréal.
La ville de Montréal se trouve dans la situation où le directeur
des finances ne peut pas émettre de certificat, tant pour la votation ou
l'approbation d'un règlement d'emprunt que pour des emprunts que la
ville de Montréal pourrait ou voudrait faire sur le marché. Or,
augmenter la taxe pour combler un tel déficit représenterait une
augmentation assez considérable que les citoyens de Montréal
acquitteraient. Je comprends les administrateurs de la ville de Montréal
d'hésiter à augmenter la taxe foncière dans cette
proportion car il faut l'admettre, la taxe foncière à
Montréal, si on considère la taxe pour fins municipales et pour
fins scolaires, est déjà relativement élevée. Les
administrateurs ne veulent pas placer la ville de Montréal en
concurrence désavantageuse avec d'autres villes de son importance ou
peut-être même d'autres villes de la banlieue. Mettons-nous
à la place des industriels ou de ceux qui veulent s'établir dans
une municipalité. Si le taux des taxes locales est tellement
élevé que cela représente pour eux des économies
appréciables de s'installer dans une ville voisine ou même dans
une ville d'une autre province, il y a un danger de ralentir l'économie
de cette ville et, par ricochet, de ralentir toute l'économie de la
province. Je l'admets.
J'ai déjà dit en d'autres circonstances que la
prospérité de Montréal se reflétait sur l'ensemble
de la province, comme je soutiens également que la
prospérité d'une ville de la Gaspésie, du Lac Saint-Jean
ou de l'Abitibi se reflète sur Montréal.
Je pense que tout le monde admettra ce principe. Alors, tout
naturellement, les administrateurs de la ville de Montréal se sont
tournés vers Québec, de même que de nombreux citoyens, pour
demander de l'aide...
M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le ministre des Finances me permet
juste une question d'information? On parlait de taxe foncière. Est-ce
qu'il y a actuellement un gros décalage en ce qui concerne les
entreprises par rapport aux villes de banlieue, justement, entre
Montréal et les banlieues?
M. DOZOIS: II y a sûrement un décalage...
M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le ministre aurait un exemple?
M. DOZOIS: II y a actuellement une équipe de spécialistes,
de fonctionnaires triés sur le volet qui étudient tout ce
problème. Je peux citer un cas que je n'ai pas vérifié; la
taxe foncière à Montréal est $1.30 et on dit qu'à
Hampstead, elle est de $0.70. Evidemment, là on compare une petite
ville...
M. LEVESQUE (Laurier): II n'y a pas beaucoup d'industries...
M. DOZOIS: ... où il n'y a pas d'industries, mais où il y
a des résidences assez cossues. Je pense que la ville de Hampstead a le
plus haut revenu moyen de toutes les villes du Canada. Ce qui permet d'avoir,
pour les services que cette municipalité est appelée à
donner à ses citoyens, un service de police réduit au minimum. Il
en est de même pour le service d'incendie, etc.
Je pense qu'il y a quand même là un danger. Les
administrateurs de la ville de Montréal sont conscients de ce danger et
ils ne veulent pas augmenter de façon exagérée la taxe
foncière. Je ne les blâme pas. Comme je le disais il y a un
instant, ils se tournent donc vers nous, avec de nombreux citoyens, pour dire:
Que Québec nous aide!
Je les comprends, et je dois dire qu'il m'est pénible de ne
pouvoir me rendre à cette demande. Je le répète, je suis
un Montréalais, un ancien membre du comité exécutif, j'ai
vécu ces problèmes, je les ai vus poindre à l'horizon, et
il m'est pénible d'être dans la situation de ne pouvoir
accéder à cette demande. Montréal, je le
répète, doit continuer à prospérer, et on doit lui
fournir tous les outils nécessaires pour connaître une plus grande
prospérité, qui se réflétera inévitablement
sur la prospérité de l'ensemble de notre province.
Je sais que plusieurs, y compris les membres de l'Opposition, qui l'ont
fait en d'autres circonstances, suggèrent que Québec partage avec
les villes certains impôts, qu'on verse aux municipalités, entre
autres à Montréal, une plus grande part de la taxe de vente. Je
sais qu'on a dit, par exemple, qu'on n'aurait pas dû changer les
dispositions de la taxe de vente et en laisser un tiers aux
municipalités, plutôt qu'un quart.
On sait qu'un tiers représentait 2% de lataxe de vente
perçue par la province, alors qu'un quart représente encore 2%.
On a laissé entendre que si on avait maintenu ce tiers, cela aurait
donné plus d'argent aux municipalités. C'est évident, cela
leur aurait donné $40 millions de plus, mais $40 millions de moins dans
les coffres de la province. Je reviendrai sur cet aspect.
On a suggéré de partager ou d'inclure, si l'on veut, la
taxe des repas et la taxe des chambres d'hôtel à la taxe de vente,
de façon que les municipalités participent également au
partage de cette taxe, comme les municipalités participent au partage de
la taxe de vente. Sur la même base, cela donnerait $13 millions de plus
aux municipalités mais coûterait $13 millions au trésor
provincial.
Si on appliquait le même partage quant à la taxe sur
l'essence, cela coûterait $90 millions à la province, et cela
donnerait $90 millions de plus aux municipalités. Je sais que plusieurs
ont défendu cette thèse à l'effet que les villes devraient
participer au partage de la taxe sur la gazoline, parce que cette taxe a
été appliquée tout d'abord pour aider à la
construction de routes et qu'une ville comme Montréal entretient un
réseau routier considérable et a des véhicules qui ne
sortent jamais des limites de la ville. Il serait peut-être
justifié de répartir une partie de cette taxe, je l'admets. C'est
même une thèse que j'ai déjà défendue
personnellement.
D'autres suggèrent qu'on partage l'impôt sur le revenu. On
nous a demandé, entre autres, de permettre que certaines villes
prélèvent un impôt sur le revenu ou encore de partager les
ressources fiscales de la province en donnant un subside aux
municipalités, un subside de $10 par tête, comme on me l'a
suggéré dans certains milieux. C'est encore $60 millions que cela
nécessiterait, que la province n'aurait plus, mais qui serait au service
des municipalités.
Il y a ceci, cependant. C'est que si Québec débourse aux
municipalités $10 millions, $20 millions, $30 millions, $50 millions ou
$100 millions, Québec doit se procurer cet argent. Malheureusement, je
n'en imprime pas. Je le regrette, j'aimerais peut-être avoir un tel
pouvoir, ça réglerait une foule de problèmes et je vous
dis que je m'endormirais peut-être beaucoup plus tôt, le soir,
lorsque je me couche.
M. LESAGE: Vous avez tort, prenez des pilules, dormez bien.
M. DOZOIS: Oui, la meilleure pilule, cela serait que je trouve l'argent
pour administrer la province et répondre à toutes les demandes
que nous recevons.
M. LESAGE: Oui, mais à défaut de ça, avez-vous
pensé à Caouette?
M. DOZOIS: Oui, je vois que le chef de l'Opposition y pense
peut-être plus que moi. Disons que lui, il y pense et moi, je ne l'oublie
pas.
Je dis que, quel que soit le montant, dans les circonstances actuelles,
que ce ne soit que $10 millions, si je le prends dans le trésor
provincial, comme ministre des Finances, pour le donner aux
municipalités, je dois me procurer cette somme. Que voulez-vous, comme
ministre des Finances, je ne dispose que des ressources fiscales et des
emprunts.
Dois-je augmenter les impôts de la province pour les remettre aux
municipalités? Ce serait peut-être une solution. Mais, puis-je,
comme ministre des Finances, augmenter davantage la taxe de vente de 8%? Je
reconnais que c'est un des taux les plus élevés en
Amérique. Je le reconnais. Puis-je élever cette taxe de 8% sur
les repas et les hôtelleries? On connaît les récriminations
que ces taxes causent.
L'impôt sur le revenu? Nous avons ajouté, sur une base
temporaire, au dernier budget, une surtaxe de 6%.
L'impôt sur les corporations? Il y a peut-être des
possibilités, mais ce ne serait pas objectif de la part du gouvernement
ou de n'importe quel gouvernement d'augmenter cet impôt à moins
qu'il y ait une entente avec les autres provinces. Chose que je n'écarte
pas comme possibilité, M. le Président, mais pour le moment, je
ne peux recourir à une telle augmentation de taxe.
La taxe sur la gazoline? Nous maintenons un différentiel de un
cent avec l'Ontario. On nous a prévenu qu'un différentiel plus
considérable occasionnerait une perte de revenus pour la province, parce
que les camionneurs s'approvisionneraient en Ontario avant de traverser les
frontières du Québec, qu'un différentiel d'un cent, ne
présente pas ce danger, mais que deux cents le présenterait.
M. le Président, il faut être prudent. Le raisonnement que
je faisais tout à l'heure pour la ville de Montréal à
l'effet qu'elle ne peut pas se placer dans une situation concurrentielle
inférieure à ses concurrentes, vaut pour nous aussi, comme
province, car nous ne pouvons pas nous placer dans une situation
concurrentielle inférieure. Je sais que des projets d'installations
industrielles au Québec se font souvent en calculant les impôts
qu'auront à payer ces gens, et nous pourrions être dans un cercle
vicieux si nos taxes sont tellement élevées que nous ralentissons
l'économie de la province et en ralentissant l'économie de la
province, le retour des taxes est moins considérable, et, le retour des
taxes étant moins considérable, nous ne pourrions faire face non
seulement aux nouvelles obligations que nous devons assumer mais aux
obligations que nous assumons présentement.
M. le Président, on a suggéré et je dois
vous dire que j'y ai pensé souvent qu'on doit repenser notre
système fiscal. On a dit que le rapport Bélanger devrait
être appliqué dans son intégrité. Je dois dire qu'il
reste peu de choses à prendre dans les recommandations du rapport
Bélanger. C'est-à-dire qu'une foule d'entre elles ont
été appliquées par nous ou par l'ancien gouvernement.
Ce qui reste à faire pour appliquer certaines recommandations du
rapport Bélanger, devrait être fait en collaboration avec d'autres
provinces ou avec le fédéral.
Il y a, par exemple, dans ce rapport, une recommandation d'appliquer la
taxe sur les gains de capital. C'est évident que la province de
Québec ne peut pas appliquer une telle réforme fiscale sans le
faire de concert avec les autres provinces ou avec le fédéral.
Autrement, on verrait une fuite de capitaux du Québec et même des
gens possédant de tels capitaux fuir la province de Québec. Non
seulement, nous mettrions une barrière qui empêcherait d'en
attirer d'autres, mais nous ferions fuir du Québec les gens qui
possèdent des capitaux.
Ces améliorations contenues dans le rapport Bélanger
pourront être faites, mais en coopération avec les autres
provinces et avec le gouvernement fédéral.
M. le Président, je pourrai en parler en d'autres occasions, car
j'ai en main un rapport qui m'a été remis récemment
ce serait trop long de le commenter ce matin sur les recommandations du
rapport Bélanger. On y parle de ce qui a été fait; de ce
qui n'a pas été fait et, quand ça n'a pas
été fait, on dit pourquoi.
Je ne voudrais pas laisser croire, cependant, que tout ce qui n'a pas
été fait, c'est parce que ce n'était pas possible de le
faire. J'admets que certaines recommandations du rapport Bélanger ne
rencontraient pas les vues du gouvernement ou la politique fiscale que nous
préconisons.
Nous n'avons pas voulu et nous avons étudié cette
question étendre la taxe de vente aux services. Je ne dis pas que
c'est une décision ferme, pas plus que je ne veux laisser croire
aujourd'hui que cette modification sera incluse dans le prochain budget.
Je dis que, jusqu'à présent, nous avons étudié cet
aspect de la taxe de vente et que nous n'avons pas voulu aller plus loin que
cet article du rapport Bélanger, qui recommandait d'augmenter le taux de
la taxe de vente.
M. LEVESQUE (Laurier): C'est quasiment le début du discours du
budget, c'est vrai,
M. DOZOIS: J'ai dit, au début de mes remarques, que le discours
que je faisais ce matin était presque aussi important qu'un discours que
je ferais à l'occasion du budget. C'est pour cela que j'ai
demandé l'attention des membres de cette Chambre, de même que la
bonne compréhension des représentants de la presse.
J'aurai sûrement l'occasion, M. le Président, de reprendre
ces commentaires sur l'application du rapport Bélanger. Je suis
prêt à recevoir des suggestions à ce sujet, car je suis
conscient de ce problème et je voudrais, dans la mesure où c'est
possible, le résoudre à l'avantage de tous. Je le
répète, je ne veux pas régler un problème
uniquement pour procurer des avantages à un parti politique. Je pense
qu'on peut s'élever, dans une question aussi cruciale que
celle-là, au-dessus des considérations partisanes, car c'est
toute l'économie de notre province qui est en jeu.
Alors, c'étaient les commentaires que je voulais faire sur la
politique fiscale. J'ai parlé également des emprunts. Or, les
emprunts, on le sait, doivent couvrir la marge établie par
l'insuffisance de revenus pour faire face aux dépenses ordinaires et aux
dépenses en immobilisation. Lors du discours du budget, j'ai
annoncé pour la province un programme d'emprunt de $240 millions. Or,
actuellement, au moment où je vous parle, nous avons emprunté
$299 millions. J'ai donc dépassé ce programme de $59 millions. On
dira que c'est beaucoup. Bien sûr, c'est beaucoup, mais il m'en faudrait
davantage comme ministre des Finances.
Et, encore une fois, je ne veux blâmer qui que ce soit. Il est
probable que, dans des circonstances semblables, j'aurais agi comme on a agi
dans le passé. Je dois, cependant vous rappeler que, lors du
débat sur l'adresse en réponse au discours du trône, en
1966, j'avais décrit dans quelle situation se trouvait le fonds de
roulement, à cette époque. Vu qu'on faisait face à un
marché qui était probablement ascendant à cette
époque. On avait emprunté $449 millions, alors que le programme
prévoyait $600 millions. Je ne prétends pas qu'on aurait dû
emprunter ces $150 millions au total. Les $449 millions qui avaient
été empruntés n'étaient pas suffisants pour couvrir
les déboursés du gouvernement du temps: dépenses
ordinaires en immobilisation et dépenses extrabudgétaires. Si
bien que le fonds de roulement a été réduit. Nous avons
recommencé au mois de septembre 1965 à utiliser les bons du
trésor, pratique que je ne peux pas blâmer, mais qui
dénote, cependant, que le fonds de roulement était moins
plantureux qu'auparavant.
M. LESAGE: Evidemment, quand le ministre parle d'un programme d'emprunts
de $240 millions et d'emprunts, jusqu'à aujourd'hui, de $299 millions,
il ne parle pas des bons du trésor?
M. DOZOIS: Non.
M. LESAGE: Il n'inclut pas les bons du trésor?
M. DOZOIS: Non, pas du tout.
M. LESAGE: Bon. Ce sont des emprunts à long ou moyen termes.
M. DOZOIS: A long terme ou à moyen termes.
M. LESAGE: C'est cela.
M. LEVESQUE (Laurier): Là-dedans, dans les $240 millions...
M. LESAGE: C'est ce qu'on appelle le programme d'emprunt, qui n'a rien
à faire avec l'émission de bons du trésor.
M. DOZOIS: Pas du tout. Mais cela a créé une situation
telle, lorsque nous avons pris le pouvoir, que nous avons tenté de
modifier le budget parce que les conditions du marché d'emprunt
devenaient de plus en plus difficiles. Nous avons, je l'ai dit en d'autres
circonstances, à même ce programme d'emprunt de $600 millions,
quand même réussi à emprunter $525 millions. C'était
un effort suffisant, satisfaisant, dans les circonstances, tenant compte des
conditions du marché, car, une seule fois - je l'ai dit dans le discours
du budget au cours des six années précédentes, on
avait dépassé ce montant. On avait emprunté $529 millions.
Dans cette première année, nous avons réussi,
malgré des conditions excessivement difficiles, à emprunter $525
millions.
M. LEVESQUE (Laurier): Evidemment, l'Hydro est inclus.
M. DOZOIS: Les $525 millions comprennent l'Hydro.
M. LEVESQUE (Laurier): Combien l'Hydro ajoute-t-elle, cette
année, pour que nous puissions comparer le total?
M. DOZOIS: Cette année, le programme de l'Hydro était de
$210 millions. Nous avons tout lieu de croire que l'Hydro pourra atteindre ce
niveau d'emprunt.
M. LEVESQUE (Laurier): Il n'est pas question de le dépasser, mais
de l'atteindre.
M. DOZOIS: Non, elle a besoin de ces $210 millions pour son programme
d'expansion.
M. LESAGE: Pendant que le ministre fait une pause, parce que je ne veux
pas le déranger lorsqu'il suit le cours normal de son exposé,
pourrais-je lui demander si cette obligation de dépasser le programme
d'emprunt, jusqu'à aujourd'hui, d'une somme de $59 millions, a
été principalement causée par une diminution des revenus
par rapport à l'estimation des revenus, ou principalement par une
augmentation des dépenses par rapport à l'estimation des
dépenses?
M. DOZOIS: M. le Président, je suis très heureux qu'on me
pose la question. Les revenus sont légèrement supérieurs
à ceux que nous avions prévus. Cependant, les dépenses
sontplus considérables.
M. LESAGE: Le budget supplémentaire nous indiquera-t-il les
postes?
M. DOZOIS: Nous avons déjà eu un budget
supplémentaire d'une trentaine de millions...
M. LESAGE: Oui.
M. DOZOIS: ... avant l'ajournement de la session. J'apporterai demain un
budget supplémentaire...
M. LESAGE: Demain ou cet après-midi?
M. DOZOIS: Demain ou cet après-midi, mais j'espère que ce
sera cet après-midi.
M. BOURASSA: De quel ordre? Est-ce que c'est trop
prématuré?
M. DOZOIS: J'allais le dire. J'apporterai un budget
supplémentaire d'environ $35 ou $40 millions. Je vous préviens.
Ce budget supplémentaire, seulement au poste du ministère de la
Famille et du Bien-Etre social, réclame $31 millions de plus.
M. LEVESQUE (Laurier): Pour l'assistance? M. DOZOIS: Pour l'assistance
sociale. M. LESAGE: C'est clair. M. BOURASSA: Nous en parlerons
bientôt.
M. DOZOIS: Oui. Pour l'assistance sociale, $31 millions de plus. Nous
prévoyons peut-être même un dépassement de $39
millions. Mais, comme les Chambres se réuniront de nouveau avant la fin
de l'année financière, nous adopterons un autre budget
supplémentaire, s'il y a lieu.
Je reviendrai sur cet aspect des finances de la province, mais pour
l'instant, je veux revenir à cette question des emprunts. Je
dépasse actuellement les emprunts de $59 millions. J'avertis
immédiatement la Chambre que j'espère les dépasser
davantage, précisément pour remplumer le fonds de roulement, car
il faut bien concevoir que les sorties de la caisse ne correspondent pas
nécessairement aux entrées de fonds.
M. LESAGE: Pas le même jour.
M. DOZOIS: Cela n'arrive pas le même jour. Souvent, cela n'arrive
même pas le même mois.
M. LESAGE: J'ai dit le même jour. J'ai donné ça
comme image.
M. DOZOIS: Oui, oui. Il y a des mois, M. le Président, où
mon sous-ministre et mon comptable s'arrachent les cheveux; moi, je ne me les
arrache pas, parce que je n'en ai plus. Et je dois confesser en toute candeur
que nous sommes parfois obligés de retarder des paiements. Je pense
qu'on ne m'accusera pas, quand je fais un tel aveu, de mauvaise administration.
Que voulez-vous, le fonds de roulement est trop petit, malgré que nous
ayons réussi à augmenter notre marge bancaire de bons du
trésor.
M. LESAGE: De combien est-elle maintenant?
M. DOZOIS: Elle est de $100 millions. M. LESAGE: Elle est de $100
millions.
M. DOZOIS: Oui, alors qu'elle était de $50 millions...
M. LESAGE: Je le sais.
M. DOZOIS: ... elle est de $100 millions. Malgré tout ça,
lorsque nous recevons une avalanche de demandes de paiement pour les
subventions aux commissions scolaires, les pensions, etc., à certains
moments nous sommes obligés, parce que cette marge bancaire est
épuisée, de retarder de quelques jours les paiements. M. le
Président, j'estime que ce n'est pas sain et qu'il me faudrait encore
$50 millions ou $60 millions. Je comprends que je fais des aveux qu'on
qualifiera peut-être d'imprudents, qu'on qualifiera peut-être de
propos susceptibles d'effrayer les financiers. Je pense cependant qu'on
comprendra la situation. On ne peut pas administrer un organisme aussi
important que la province de Québec avec un fonds de roulement qui
était peut-être suffisant il y a cinq ans ou dix ans, mais qui,
devant l'ampleur des transactions financières que je suis appelé
à faire comme ministre des Finances, est nettement insuffisant. Pour ce
qui est de l'augmentation des emprunts sur le programme prévu, tenant
compte des conditions actuelles, tenant compte des ouvertures dont nous avons
su bénéficier sur les marchés européens, si je peux
dépasser davantage ce chiffre d'emprunt, je le ferai,
précisément, M. le Président, pour remplumer le fonds de
roulement de la province.
M. LESAGE: Cela va être difficile parce qu'il y a
déjà $30 millions de budget supplémentaire, un autre
montant de $40 millions aujourd'hui ou demain, et le ministre en prévoit
un autre avant la fin de l'année financière.
M. DOZOIS: Peut-être, oui, oui.
M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que l'augmentation des revenus est un peu
importante par rapport aux prévisions?
M. DOZOIS: Pardon?
M. LEVESQUE (Laurier): L'augmentation des revenus par rapport aux
prévisions, est-ce qu'elle couvre quelque chose, d'après
vous?
M. DOZOIS: Non, non...
M. LESAGE: Le ministre a dit: Légère augmentation.
M. DOZOIS: Oui.
M. BOURASSA: Un ou deux pour cent?
M. DOZOIS: Je ne le sais pas en pourcentage, disons que c'est une
augmentation, mais que l'augmentation est légère.
M. BOURASSA: L'an dernier, elle avait été de 2% ou 3%.
M. DOZOIS: Devant cette situation, je sais qu'on me parlera de
gaspillage dans l'administration.
J'estime qu'en très grande majorité, les fonctionnaires
sont honnêtes, dévoués et loyaux. Du gaspillage, il y en a
sûrement. Je n'ai pas la candeur d'affirmer dans cette Chambre qu'il n'y
a pas de gaspillage, lorsqu'un organisme comme le nôtre a, à son
service, 40,000 ou 50,000 employés et que son administration est
disséminée aux quatre coins de la province. Je ferais rire de moi
si j'affirmais en cette Chambre qu'il n'y a pas de gaspillage. Dans toutes les
grandes organisations, sans mentionner de nom, qu'on prenne les grandes
banques, les chemins de fer, ou des organismes de cette envergure comme la
ville de Montréal qui a quinze ou vingt mille employés, il y a
inévitablement du gaspillage.
Cependant, nous nous efforçons de rendre les contrôles plus
sévères par le Conseil de la trésorerie qui a
été créé par l'ancienne administration. Nous avons
conservé les mêmes méthodes et, les arrêtés
ministériels qui avaient été passés et qui avaient
institué précisément ces contrôles, n'ont pas
été aboli. Au contraire, nous en avons passés d'autres.
Nous avons, avec l'expérience qui nous est fournie quotidiennement par
des employés du contrôleur, établi des contrôles plus
sévères.
Au fur et à mesure que nous nous rendons compte qu'il peut y
avoir des abus, du gaspillage ou un manque de contrôle budgétaire,
nous resserrons constamment tous ces contrôles. Je dois dire que je suis
très bien servi, j'ai une collaboration de première classe de
tous les hauts fonctionnaires du Conseil de la trésorerie et je dois
vous dire que je n'en ai aucun nouveau, depuis que je suis là.
C'étaient tous des employés qui étaient chez le
contrôleur avant le 5 juin 1966. Ce sont d'excellents employés et
je les félicite, je les remercie de leur collaboration. Je peux compter
sur eux entièrement et complètement.
A part du gaspillage, M. le Président, je pense qu'il appartient
à une administration comme la nôtre de tenter d'améliorer
l'ordre administratif, de mettre plus d'efficacité. L'ancien
gouvernement l'a fait, et nous avons continué à le faire depuis
avril 1967. Plus de 20 groupes d'experts ou de conseillers en administration
ont travaillé
sur place et ont fait des améliorations, ont
suggéré des améliorations. Un groupe a été
engagé récemment pour mécaniser tout le contrôle du
ministère du Revenu. Que voulez-vous, jusqu'à maintenant,
ça avait été fait, ce qu'on appelle à la mitaine,
alors que dans d'autres juridictions, on l'avait mécanisé. Le
ministère du Revenu n'était pas encore prêt. Cette
année, on nous a demandé les crédits nécessaires et
nous avons retenu une firme qui nous était recommandée par M.
Després, et nous lui avons confié le mandat. Nous espérons
que, d'ici un an ou un an et demi, la mécanisation sera installée
à ce ministère et le contrôle des revenus se fera d'une
façon beaucoup plus efficace.
Nous faisons notre possible dans ce domaine. Je pense qu'il est de notre
devoir de faire tout ce que nous pouvons, premièrement, pour
éviter le gaspillage car nous administrons les fonds publics, les taxes
des citoyens et aussi pour tenter d'améliorer les méthodes
administratives.
Je vous préviens que nous étudions présentement
l'engagement d'autres groupes pour améliorer d'autres secteurs de
l'administration. Nous ne reculons devant rien. Nous avons été
satisfaits, jusqu'à présent, des firmes qui ont été
engagées sous l'ancien gouvernement et nous les avons gardées.
Nous avons reçu des rapports qui nous ont aidés grandement
à améliorer nos méthodes d'administration, et c'est dans
cette voie que nous nous dirigeons.
En dépit de tous ces efforts de contrôle du salaire et de
l'application de meilleures méthodes, les dépenses
gouvernementales montent en flèche. Dans les trois domaines
prioritaires: l'éducation, le bien-être social et la santé,
nous sommes en face de hausses constantes des coûts.
A l'éducation, M. le Président...
M. LESAGE: Est-ce que je pourrais attirer l'attention du ministre sur un
point? Il est près d'une heure et il veut commencer un chapitre. Si nous
suspendions la séance immédiatement, il ne serait pas
obligé de couper son intervention dans le milieu d'un chapitre.
M. DOZOIS: Très bien. Alors, je demande la suspension du
débat, M. le Président. Je remercie le chef de l'Opposition.
M. LE PRESIDENT: Jusqu'à quelle heure ? M. DOZOIS: Jusqu'à
2 h 30 ou 3 heures? M. LESAGE: Trois heures?
M. LE PRESIDENT: La Chambre suspend ses travaux jusqu'à trois
heures.
Reprise de la séance à 15 h 5
M. LEBEL (président): Al'ordre, messieurs! L'honorable ministre
des Finances.
M. DOZOIS: M. le Président, avant de reprendre mes commentaires
où je les avais laissés à l'ajournement, je voudrais faire
une remarque je la fais en bonne part et j'espère qu'on
l'acceptera avec l'esprit dans lequel je la fais à l'effet que je
suis informé, à tort ou à raison je n'ai pu
vérifier qu'unou des journalistes je n'accuse personne en
particulier s'apprêteraient à faire un titre flamboyant des
propos que j'ai tenus ce matin pour dire que la situation financière de
la province de Québec serait dans un état
épouvantable.
M. LESAGE: Votre description n'était pas teintée d'un rose
flamboyant.
M. DOZOIS: Non, je l'admets. Tout ce que je demande je n'ai pas
l'intention de diriger l'information à laquelle le public a droit
c'est qu'avant de tirer des conclusions et de titrer les nouvelles, on entende
la fin de mon exposé. C'est raisonnable, je crois.
Je soutiens que la situation financière de la province de
Québec est peut-être difficile, qu'elle fait peut-être
passer au ministre des Finances des heures pénibles, mais je ne veux pas
qu'on nous qualifie, en somme, d'insolvables. Ce n'est pas vrai.
Nous pouvons être gênés momentanément parce
que l'argent n'entre pas à flots comme nous voudrions qu'il entre, mais
j'estime que, dans les circonstances, il faut être prudent et ne pas
faire à la province une réputation qu'elle ne mérite pas.
J'estime que la province de Québec est capable de faire face à
ses obligations, qu'elle fera toujours face aux emprunts qu'elle contracte, que
la population saura toujours faire les sacrifices qu'elle doit faire pour
maintenir le progrès, le progrès à tous les points de vue,
le progrès économique. Surtout, je pense qu'on peut avoir
confiance en la population.
Je suis sûr que les gouvernements qui se succéderont
sauront faire face aux situations qui se présenteront, comme ceux qui
ont dirigé les affaires de cette province dans le passé.
Après cette remarque, je voudrais reprendre mes commentaires de
ce matin. Si je me rappelle bien, je disais: En dépit de tous les
efforts, de contrôles plus sévères et de l'application de
meilleurs méthodes, les dépenses gouvernementales montent en
flèche.
Je vous signalais que, dans les trois domaines prioritaires:
l'éducation, le bien-être social
et la santé, nous étions en face de hausses constantes des
coûts.
Je voudrais, M. le Président, vous référer à
un document qui a été distribué en cette Chambre, au mois
de janvier 1964. Il s'intitule: « Etudes et documents » et porte la
date de janvier 1964. Le ministre de l'Education du temps, le
député de Vaudreuil-Soulanges, nous avait distribué cette
étude qui nous donnait une projection des coûts de l'enseignement
au Québec, à compter de 56/57 jusqu'en 66/67. Nous étions,
à cette époque, en 1964. Je pense qu'il y a tout lieu de croire
que, lorsque ce document a été préparé,
c'était, au moins, dans les trois ou quatre derniers mois de
l'année 1963.
On constate qu'en 63/64 le coût total prévu était de
$823 millions. Je précise que ce document portait sur l'ensemble de
l'éducation, tant pour les commissions scolaires et les écoles du
gouvernement que pour les institutions privées et les
universités. Il ne s'agit pas seulement du secteur strictement
public.
Or, le document fait une projection quant aux coûts. On
prévoyait $823 millions, en 63/64, et on estimait que l'éducation
coûterait, en 66/67, soit trois ans plus tard, $1,203,000,000. J'ai
demandé au ministère de l'Education, en prenant ce document comme
base, de tenter d'établir comment cette projection s'est
réalisée dans le temps. En 63/64, le coût s'est finalement
établi à $819 millions au lieu de $823 millions. En 66/67, cela a
coûté $1,226,000,000, alors que la projection qu'on faisait trois
ans plus tôt prévoyait $1,203,000,000. Une erreur de $23
millions.
M. LESAGE: Sur une somme de $1,226,000,000, ce n'est pas
énorme.
M. DOZOIS: Oui. C'est pour dire que ces projections étaient assez
justes. Cela dénote cependant à quel rythme...
M. LESAGE: Oui, oui.
M. DOZOIS: ... le coût de l'éducation augmente dans la
province de Québec. Et depuis...
M. LESAGE: C'était quand même prévu.
M. DOZOIS: Oui.
M. LESAGE: Assez justement.
M. DOZOIS: Assez justement. Et, depuis ce temps, la progression a
continué et, pour 68/69, l'on prévoit que, sur la même
base, le coût de l'éducation s'établira à
$1,545,000,000.
M. LEVESQUE (Laurier): Quelle est la projection pour cette
année-là, juste pour voir si ça se tenait?
M. DOZOIS: Non, non. Le document faisait une projection jusqu'en
66/67.
M. LEVESQUE (Laurier): Ah, c'est très bien.
M. DOZOIS: Or, M. le Président, enpassant, je dois vous signaler
que, d'une façon constante, depuis 62/63, la proportion des salaires,
dans le coût de l'éducation, s'établit à 70%. En
62/63, les salaires représentaient $499 millions, sur une dépense
totale de $713 millions, soit 70%. Et cette année, 68/69, les salaires
s'élèveront à $1,081,000,000, soit 70% de
$1,545,000,000.
M. LEVESQUE (Laurier): Un milliard quoi?
M. DOZOIS: $1,081,000,000. C'est donc dire que cela dénote que le
coût de ces services augmente beaucoup plus rapidement que
l'économie de la province. Quant au bien-être social, M. le
Président, je ne veuxpas, au sein de cette Chambre, faire une revue
complète, mais prenons comme exemple l'assistance-chômage, qui est
un des postes peut-être les plus coûteux de ce
ministère.
En 60/61, on déboursait $28 millions pour 27,000
bénéficiaires. En 65/66, ce coût était monté
à $72 millions. Vous voyez la progression: $28 millions à $72
millions, et le nombre de bénéficiaires 27,000 à 65,000.
Depuis 65/66, cette augmentation se continue pour 68/69, et c'est une
estimation, il en coûtera $158 millions pour 121,000 assistés.
M. BOURASSA: Cela a doublé depuis deux ans?
M. DOZOIS: Cela a doublé depuis deux ans.
M. LAFRANCE: Est-ce que cela comprend les allocations familiales?
M. DOZOIS: Cela a doublé depuis deux ans. Non, cela n'est pas
compris.
M. LAFRANCE: Non.
M. DOZOIS: Seulement l'assistance-chômage.
M. BOURASSA: C'est le chômage que vous avez réduit,
ça?
M. DOZOIS: Nous voyons que cela part de
$28 millions pour monter à $72 millions et de $72 millions
à $158 millions, c'est-à-dire plus de deux fois et demie en cinq
ans et le double, au bout de trois années de fonctionnement Quant
à la santé, le coût s'élevait à $23,594,000
dans les hôpitaux psychiatriques, en 1962-1963; en 1965-1966, $52
millions; en 1968-1969, $87 millions. Je pourrais vous donner le nombre de
lits, de même que le nombre de patients en pension. Cela n'a pas
changé tellement. De 20,075 lits, en 1962-1963, c'est maintenant 23,000
sujets si l'on compte le nombre de lits et le nombre de patients en
pension.
Quant à l'assurance-hospitalisation, en 1962, elle a
coûté $170 millions. En 1966, $344 millions; en 1968, $432
millions. On voit la montée en flèche de ces coûts. Je
pourrais faire...
M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que je pourrais avoir les chiffres de
1962-1963, pour l'hospitalisation seulement?
M. DOZOIS: Pour l'hospitalisation, en 1962, $170,356,000. En 1966,
est-ce que le député de Laurier l'a?
M. LEVESQUE (Laurier): Oui.
M. DOZOIS: Je pourrais faire le tour de tous les ministères et
vous faire part d'augmentations proportionnellement tout aussi spectaculaires.
Nous réduisons souvent des demandes de crédits très
légitimes pour ne pas alourdir davantage notre budget. Nous ne pouvons
malheureusement pas accepter toutes les demandes et toutes les exigences de la
population, même si elles sont des plus légitimes. Prenez, entre
autres, la pollution des eaux. Je pense que c'est un problème qui
préoccupe tous les citoyens de cette province. C'est un problème
grave. A mon avis, on est en train de détruire une richesse
naturelle.
Alors que j'étais ministre des Affaires municipales, j'avais
demandé à la Régie des eaux de faire un plan pour
régler ou, du moins, une amorce de règlement cette
question qui est très grave. L'on m'a fait un plan pour lutter contre la
pollution des eaux. De 1967 à 1981 c'est-à-dire pour une
période de 14 ans le coût estimé était d'un
milliard de dollars. Il faudrait donc dépenser quelque chose comme $70
millions de dollars par année, pendant 14 ans, pour régler le
problème de la pollution, avec les connaissances que nous avons du
problème dans le moment. C'est une demande légitime de la part du
ministère des Affaires municipales et de la Régie des eaux.
Je le dis et je le répète, nous sommes tous conscients que
c'est là un problème très grave, mais $1 milliard
ça ne se trouve pas n'importe où et n'importe quand, M. le
Président.
Je me rappelle qu'au mois de février dernier, la Chambre de
commerce de la province de Québec, dans son mémoire annuel, nous
demandait toutes sortes de réformes dans l'administration de la
province. Il y avait des suggestions fort heureuses, mais la demande principale
que nous faisait la Chambre de commerce, c'était un programme de voirie.
Un programme de voirie, non pas projeté pour 15 ou 20 ans, mais pour
très bientôt, très prochainement, et qu'une estimation
très conservatrice a fixé à $1 milliard. C'est
évident, des routes, c'est nécessaire et ça assure le
développement économique de la province de Québec. Je suis
entièrement favorable à un tel programme, mais débourser
$1 milliard dans l'espace de quelques années pour améliorer notre
système routier, exige quand même que le ministre des Finances se
procure les fonds nécessaires, soit par des taxes, soit par des
emprunts.
M. le Président, je pourrais vous citer d'autres demandes qui
nous viennent de tous les secteurs de la population. Et je sais qu'il y a de la
place pour toutes sortes d'améliorations. Ce sont toujours des demandes
très justifiées, mais je pense quand même qu'il va falloir
garder de la mesure, car, inutile de se leurrer, Québec n'a pas les
moyens de se payer les plus belles routes du monde. Elle n'a pas les moyens de
se payer les plus beaux théâtres. Elle n'a pas les moyens de se
payer les meilleurs orchestres symphoniques du monde. Elle n'a pas les moyens
de se payer les plus belles écoles. Je ne parle pas du nombre
d'écoles, ni de la grandeur de nos écoles pour accommoder tous
les enfants qui doivent les fréquenter, mais je dis que nous n'avons pas
les moyens de nous payer les plus belles écoles du monde, pas plus que
nous n'avons les moyens de nous payer les plus beaux campus universitaires, ni
de payer les meilleurs salaires au monde.
Je le répète, sachons garder de la masure. M. le
Président, récemment, l'Orchestre symphonique de Montréal
a fait un appel assez pathétique au public. Les dirigeants de
l'Orchestre symphonique ont dit: Si la population ne nous aide pas, l'Orchestre
symphonique disparaîtra.
On a bien mentionné que les gouvernements aidaient l'Orchestre
symphonique, mais je ne me rappelle pas avoir vu dans les journaux que l'on
disait dans quelle mesure cet organisme était aidé par les
gouvernements.
Remarquez, M. le Président, je ne suis pas
contre, au contraire ! J'ai toujours personnellement encouragé et
aidé l'Orchestre symphonique.
Je pense que c'est nécessaire, dans une ville comme
Montréal, que nous ayons un orchestre symphonique qui ajoute du lustre
à la métropole du pays, qui procure à un secteur important
de la population une distraction qui lui convient. Tout le monde ne peut pas
aimer que le hockey ou le baseball. Les amateurs de musique ont droit, eux
aussi, aux loisirs de leur choix.
Mais je veux tout de même vous signaler qu'en 1961, l'Orchestre
symphonique de Montréal recevait du Conseil des arts du Canada$30,000,
de Québec $15,000, et du Conseil des arts de Montréal, $45,000,
soit un total de $90,000. L'on recevait, de plus $56,000, de dons du public, et
l'orchestre bouclait son exercice. En 1962, cela monte à $110,000. En
63/64, à $120,000; en 64/65, à $154,000; en 65/66, à
$265,000; en 66/67, à $380,000; en 67/68, à $490,000; en 68/69,
à $515,000. C'est-à-dire $265,000 du Canada, $130,000 de la
province, $120,000 du Conseil des arts de Montréal, pour un total de
$515,000. Or, on nous a annoncé qu'il y aurait, malgré ces
subventions substantielles, un déficit de $200,000.
Je me suis demandé ce qui ne marchait pas, car j'avais
reçu une demande au conseil de la trésorerie, en tant que
président de ce conseil.
Il faudrait garantir le déficit en question, sinon l'orchestre
disparaîtrait. Je me suis enquis de ce qui existait à Toronto.
En 65/66, à Toronto, on recevait du Canada $100,000, de la
province $42,500, du municipal $43,500, soit un total de $186,000,
comparé pour la même année à $265,000 pour
Montréal. En 68/69, chez nous, $515,000, à Toronto, $410,000,
c'est-à-dire à Toronto $250,000 du fédéral, et
à
Montréal, $265,000 de la province d'Ontario, $100,000 et de la
province de Québec, $130,000. Du municipal; $60,000 de la ville de
Toronto, $120,000 de la ville de Montréal.
Je ne sais pas, je n'apporte pas de réponse, je ne veux pas
critiquer les administrateurs. Je sais que ces gens servent
bénévolement, mais il reste quand même, dans l'espace de
quelques années, que les subventions à cet organisme
montréalais sont passées de $120,000, il y a à peine cinq
ans, à $515,000, et malgré ces $515,000, il y a un déficit
de $200,000. Je vous le cite, non pas pour critiquer ces gens. Je le
répète, je suis favorable à un orchestre symphonique, mais
uniquement pour vous montrer l'augmentation des coûts et à quelle
sorte de dépenses nous faisons face.
Je sais que mon collègue des Affaires Culturelles encourage
fortement et recommande souvent des subventions, à toutes sortes de
groupes artistiques, qui me surprennent et me font même sursauter.
Il veut encourager les arts mais il se produit que dans ce domaine, nous
sommes en concurrence avec le gouvernement d'Ottawa, qui, lui, ne manque pas
d'argent, et qui veut...
M. LESAGE: Ce n'est pas ce qu'il dit.
M. DOZOIS: Oui, mais apparemment, il n'en manque pas pour
s'ingérer dans des juridictions que, nous, nous prétendons
être nôtres. Il prend cet argent et offre des subventions telles
que si nous ne le suivons pas sur ce terrain, c'est le fédéral
qui l'occupera, ce terrain. C'est un exemple du gouvernement
fédéral qui empiète sur des domaines que nous voulons
conserver et qui nous force souvent à faire des dépenses que nous
pourrions peut-être limiter un peu plus. Mais nous faisons face à
la concurrence du gouvernement d'Ottawa qui veut à tout prix prendre
notre place dans ce domaine vital de la culture. Je félicite notre
collègue de faire face à cette tendance et de tenter de la
combattre.
Il y a un autre domaine qu'il est peut-être délicat de
toucher présentement, mais j'ai dit tout à l'heure que nous ne
pouvions pas, ou n'avions pas les moyens de nous payer tout ce qu'il y a de
plus beau. Il faut quand même nous regarder et essayer d'apprécier
quelle est notre capacité de payer, quelle est notre mesure.
Il y a le domaine des salaires. Je ne dis pas cela parce qu'il y a
actuellement des négociations en cours. Si on attendait qu'il n'y ait
pas de négociations en cours, on ne pourrait jamais parler de cette
question parce qu'il y en a tout le temps. La ville de Montréal fait
face présentement à des demandes d'augmentations spectaculaires.
Je répète que nous n'avons pas les moyens de payer les meilleurs
salaires au monde. C'est ce qui se produit dans bien des domaines.
Prenons le domaine des enseignants, précisément. On me
contredira peut-être, mais je ne prétends pas que les chiffres que
je donnerai sont valables pour toutes les échelles des professeurs. Je
vous cite quelques échelles. D'autres échelles sont
peut-être inférieures, mais cela indique cependant que d'une
façon générale, les salaires que nous offrons se comparent
avantageusement avec cent des autres villes du Canada et même des
Etats-Unis.
Prenons un professeur qui a quinze ans de scolarité et un an
d'expérience. Actuellement, à la table des négociations,
nous offrons $5,570 par année. A Ottawa, pour le même
échelon, c'est $5,000. A Toronto, $5,200; à Vancouver,
$5,400.
M. LEVESQUE (Laurier): Vous êtes dans la négociation
provinciale?
M. DOZOIS: La négociation provinciale. M. HYDE: L'échelle
n'est pas acceptée.
M. DOZOIS: Non, c'est ce qui est offert et qu'on ne trouve pas
suffisant. Pour seize ans de scolarité et un an d'expérience,
Québec offre $6,130, Ottawa, $5,400; Toronto, $5,600, Vancouver,
$5,930.
Pour quinze ans de scolarité et sept ans d'expérience:
Québec, $6,985; Ottawa, $7,100; Toronto, $7,400; Vancouver, $7,185.
C'est un exemple qu'à certains niveaux ça peut être
inférieur. Pour sept ans d'expérience et seize ans de
scolarité: Québec, $7,665; $7,500, à Ottawa; $7,800,
à Toronto; $7,974, à Vancouver. Pour quinze ans de
scolarité et quinze ans d'expérience: $9,230, à
Québec; $7,700, à Ottawa; $8,200, à Toronto; $7,950,
à Vancouver. Pour seize ans de scolarité et quinze ans
d'expérience: $10,070, à Québec; $8,700, à Ottawa;
$9,500, à Toronto; $9,430, à Vancouver.
Si l'on fait des comparaisons pour cette dernière
catégorie avec Los Angeles et New York, on constate que, dans le
Québec, l'offre est de $10,070; à Los Angeles, $9,420 et,
à New York, $11,150. Je vous signale, pour New York et Los Angeles,
qu'il faut tenir compte que le coût de la vie est de beaucoup
supérieur aux Etats-Unis qu'au Québec.
On a dit également qu'il y avait des difficultés dans
cette négociation quant à la charge d'enseignement de ces
professeurs. Or, 3 l'élémentaire, au Québec, c'est un
maître pour 27 élèves; en Ontario, un pour 28; en
Colombie-Britannique, un pour 30; au Nouveau-Brunswick, un pour 30; au
Manitoba, un pour 28. Au secondaire, Québec, un pour 17
élèves; Ontario, un pour 20; Colombie-Britannique, un pour 21,
Nouveau-Bruns-wick, un pour 19; Manitoba, un pour 20.
Il est évident que si, dans le Québec, nous sommes
obligés de fournir des professeurs pour enseigner à 17
élèves au lieu de 20 ou de 21, cela prend un plus grand nombre de
professeurs et cela rend le coût de l'enseignement beaucoup plus
élevé dans le Québec qu'ailleurs. Je le
répète, je ne suis pas contre le fait de payer des salaires
décents. J'espère qu'un jour toute notre population pourra gagner
suffisamment non seulement pour faire face aux augmentations du coût de
la vie, mais pour pouvoir vivre décemment. Mais prenons garde! Nous
sommes en train de vicier notre économie. Si nous ne prenons pas garde,
notre économie va être dans un tel état que non seulement
on ne pourra pas payer des salaires semblables, mais qu'il faudra faire face
à une situation qui nous obligera à réduire ces salaires
qu'on nous force à donner présentement.
M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le ministre des Finances pourrait
donner une évaluation, probablement unitaire, de ce qu'ajoute la
différence d'un élève par professeur?
M. DOZOIS: $5 millions et demi.
M. LEVESQUE (Laurier): Un élève vaut $5 millions et demi
sur cette base!
M. DOZOIS: Oui.
M. LEVESQUE (Bonaventure); Le ministre permet-il une autre question
pendant que nous sommes arrêtés un instant?
M. DOZOIS: Certainement.
M. LEVESQUE (Bonaventure): Le ministre vient de donner un tableau
comparatif des salaires payés à certaines catégories de
citoyens au Québec par rapport à certaines catégories tant
au fédéral que dans les autres provinces canadiennes.
Le ministre aurait-il un tableau comparatif du fardeau fiscal pour
chaque catégorie de citoyens au Québec par rapport aux
mêmes catégories de citoyens dans les autres provinces du
Canada?
M. DOZOIS: Non, Je ne peux pas répondre au député
de Bonaventure. Je pense qu'il pose là une question très
intéressante. Je pourrai la relire attentivement.
M. LEVESQUE (Bonaventure): En d'autres mots, le citoyen
québécois, qui doit payer des taxes tant au municipal qu'au
provincial et au fédéral, est dans une situation relative plus ou
moins bonne vis-à-vis des autres citoyens du Canada, qui ont, eux aussi,
à faire face à des responsabilités semblables aux niveaux
municipal, provincial et fédéral.
Ce qui m'intéresserait, ce serait un tableau qui donnerait,
justement comme on l'a fait dans le domaine des salaires, la comparaison qu'il
y a entre le fardeau fiscal actuel du citoyen québécois et le
fardeau fiscal des autres citoyens du Canada.
UNE VOIX: Oui,... peut-être une réponse. M. MASSE: Si vous
le permettez, M. le
Président, c'est une question que nous nous sommes posée
dans le cours de l'année. Nous avons demandé des études
pour tenter de répondre à une grande partie de cette
question-là, à savoir si le coût des services publics au
Québec est plus élevé per capita que dans les autres
provinces.
Il semble que, jusqu'à maintenant, la réponse soit
affirmative et que, per capita, les services publics au Québec,
traitements, administration, subventions, etc., coûteraient plus cher
qu'ailleurs. Mais, je le dis sous toutes réserves, l'étude est
loin d'être terminée, parce que c'est assez difficile à
réaliser, mais il semble que c'est oui.
Deuxièmement, pour le coût des enseignants, par professeur,
c'est un peu plus que $5 millions, ça joue entre $8.5 millions et $9.5
millions, selon que c'est à l'élémentaire ou au
secondaire.
M. LEVESQUE (Laurier): Ce n'est pas pondéré, je veux
dire... ça joue entre 8 et quoi?
M. MASSE: Entre $8.5 millions et $9.5 millions, selon que c'est à
l'élémentaire ou au secondaire.
M. LEVESQUE (Laurier): par élève? M. MASSE: Oui.
M. LEVESQUE (Laurier): Chaque élève qu'on enlève de
la classe ou qu'on ajoute à la classe fait une différence
de...
M. MASSE: C'est exactement ça. Passé de 1-27 à 1-28
et de 1-17 à 1-16, ça roule entre $8.5 millions et $9.5
millions.
M. LEVESQUE (Laurier): Autrement dit, à la place du chiffre
approximatif de 5.5...
M. MASSE: Oui, et cela ne tient pas compte de l'augmentation des
coûts d'équipement. Parce qu'il est évident que s'il y a
moins d'étudiants par classe, il y a plus de classes. Mais, ce montant
ne tient pas compte des coûts d'équipement.
M. DOZOIS: M. le Président, il y a un autre secteur. Puisqu'il en
est question présentement, je veux couper court à cette
nomenclature qui peut être fastidieuse mais, nous sommes actuellement en
négociations avec le secteur hospitalier. J'ai lu, ces jours derniers,
que l'on prétendait que, dans la province de Québec, on payait
des salaires de famine comparés à d'au- tres provinces.
Rapidement, car je ne vous donnerai pas tous les chiffres que j'ai ici, j'en ai
des pages et des pages, laissez-moi tout simplement vous signaler qu'au
Québec la convention actuelle prévoit, pour une infirmière
licenciée, un salaire hebdomadaire de $90 à $114, alors
qu'à la B.C. Hospital Association, il est de $90 à $114, soit le
même. Le « pay research » du bureau du Canada établit
une moyenne, pour le Canada, de $90 à $109. Dans la fonction publique,
l'échelle actuelle est, pour la classe 2, de $91 à $115, et pour
la classe 1, de $109 à $132. Je pense que les salaires que nous payons
actuellement au Québec se comparent avantageusement à ce qui se
paie ailleurs.
Les techniciens de laboratoire au Québec: Echelle actuelle
je ne parle pas de ce qui est offert à la table de négociations,
je l'ignore -mais l'échelle actuelle est de $90 à $105 par
semaine. Elle est à la B.C. Hospital Association de $84 à $111,
soit un minimum inférieur et un maximum supérieur. Quant à
la fonction publique à l'heure actuelle, c'est de $89 à $114.
Pour les préposés à l'entretien ménager, je
donnerai ces comparaisons pour un salaire horaire: Québec, convention
actuelle:$1.52 à$1.65. B.C. Hospital Association: $1.33 à $1.62.
Dans la fonction publique, l'échelle actuelle est de $1.86.
Et voici pour les cuisiniers des hôpitaux: L'échelle
actuelle du salaire horaire est de $2.27 à $2.43, A la Saskatchewan
Hospital Association, elle est de $0.95 à $2.62 comparé à
$2.27 et $2.43. Dans la fonction publique, l'échelle actuelle est pour
le niveau quatre de $2.30 et pour le niveau trois de $2.90.
Je pourrais continuer à fournir ainsi des comparaisons mais, je
le répète encore uns fois, je serais le premier à me
réjouir que le Québec paie les plus gros salaires, offre à
ses citoyens des services de toute première qualité, qui
dépasseraient tout ce qu'on peut obtenir dans les états les plus
riches de nos voisins les Etats-Unis.
Mais, je dis: Revenons sur terre et tentons de nous faire un habit
à notre mesure.
M. le Président, devant l'augmentation de ces coûts, et je
ne le reproche pas, je pense qu'on a mis en marche des rouages qu'on peut
difficilement arrêter, des dépenses qu'on peut difficilement
comprimer. J'ai dit que je présenterai un budget supplémentaire,
sur lequel je n'élaborerai pas. A l'occasion de ce budget, mon
collègue, ministre de la Famille et du Bien-Etre social pourra donner
des explications, mais il y a une augmentation, une projection de coûts
de $39 millions au ministère de la Famille et du Bien-Etre social pour
l'assistance-chômage.
Nous avions également une demande d'augmentation de
crédits de $27 millions au ministère de l'Education pour la
construction d'écoles parce que le programme a été
accéléré pour pouvoir terminer à temps les
constructions d'écoles pour les élèves qui entreront au
mois de septembre prochain. Et ce programme qui avait été
tracé depuis plusieurs années faisait partie d'un programme de
deux ou trois ans, si bien que l'an prochain, le programme tracé
était pour 123 écoles et s'élevait à $170
millions.
Je ne dis pas que ce programma a été accepté d'une
façon définitive, mais nous l'avions accepté pour
l'année en cours et nous avions mis en chantier 102 projets
d'écoles en nous basant sur le fait que peut-être nous pouvions
récupérer d'Ottawa $57,800,000, si je me rappelle bien. Or, j'ai
reçu ces jours derniers une lettre de M. Benson m'informant que le
montant qui était mis à la disposition de la province de
Québec et qui, normalement, aurait dû s'élever à $80
millions l'an prochain, est réduit à $34 millions.
Ce qui veut dire que si nous voulions maintenir ce programme de
construction, tenant compte des constructions qui sont actuellement en chantier
et qui seront terminées au cours du prochain exercice, nous pourrions le
faire, mais ça nécessiterait de la part du Québec un
déboursé additionnel d'environ $50 millions. Il faudrait le
débourser et le considérer comme compte à recevoir et si
on nous limite à $34 millions par année, c'est dire que ce
montant nous le récupérerons au complet dans deux ans et demi.
Pendant ce temps-là, c'est le Québec qui devra le financer.
C'est pour cela, M. le Président, que dans le budget
supplémentaire qui sera déposé probablement ce soir ou
demain au plus tard, il n'y aura aucun versement additionnel de prévu
pour la construction d'écoles, car j'ai dit aux fonctionnaires tant du
ministère de l'Education que du ministère des Finances que dans
les circonstances et vu cette lettre que j'ai reçue il y a deux jours
à peine de M. Benson, il fallait reviser complètement tout ce
programme de construction de nos écoles.
Il ne s'agit pas, encore une fois, de priver les enfants de locaux
essentiels pour poursuivre leurs études, mais il faut quand même,
si nous nous arrêtons à un programme de construction, que nous
puissions faire face à ces dépenses.
M. le Président, j'ai peut-être été long,
mais j'estimais qu'il était essentiel et nécessaire que je fasse
cet exposé devant tous les collègues de cette assemblée et
devant les représentants de la presse afin que tous soient saisis du
sérieux de ce problème et qu'on réalise que ce n'est pas
par fantaisie que le bill que nous étudions pré- sentement
comporte les dispositions que vous savez.
C'est donc dans ce contexte que j'ai accueilli les demandes de la ville
de Montréal. Tout d'abord à l'occasion d'une causerie que
prononçait M. Saulnier au Board of Trade, il y a une couple de mois, je
crois, il a fait un exposé de la situation et a laissé deviner
qu'il viendrait frapper à notre porte. Vous me permettrez et je
le cite beaucoup plus pour m'amuser, M. le Président, que pour autre
chose quand M. Saulnier, à cette occasion, a rappelé qu'en
1966 il m'avait demandé, comme ministre des Finances, de lui abandonner
1% de la taxe de vente.
Je lui avais volé son idée et l'avais utilisée en
appliquant une augmentation de 2%. Je vous dirai que cela m'a amusé.
Cela a apparemment amusé d'autres personnes, puisqu'on a même fait
des caricatures I ce sujet. Depuis, j'ai dit à M. Saulnier je
pense que mes collègues doivent le savoir que lorsqu'il m'avait
téléphoné au mois de décembre 1966, j'étais
déjà plongé dans l'étude du budget de la province.
Devant les besoins de la province à cette époque, j'avais
discuté avec le premier ministre du temps, M. Johnson, de l'augmentation
de la taxe de vente. Nous ne savions pas exactement à cette
époque si elle serait de 1% ou 2%.
Tout ce que je pouvais dire à M. Saulnier, c'est la
réponse que je lui ai faite à l'époque, car vous savez que
je ne suis pas dans la même situation que lui qui peut parler de ses
taxes douze mois par année. Moi, si je laissais deviner la moindre
chose, ou si je donnais une Information à un moment où je ne suis
pas sensé la donner, je serais requis de donner ma démission pour
indiscrétion sur les dispositions budgétaires.
M. LESAGE: Le ministre admettra que cela ne l'empêche pas de
donner des préavis d'augmentation de taxes. C'est ce qu'il a fait depuis
le matin.
M. DOZOIS: Non, au contraire. J'ai précisément dit que les
augmentations de taxes étalent impossibles.
M. LESAGE: C'est bien ce que je pense.
M. DOZOIS: Je pense que le chef de l'Opposition n'a pas saisi la
portée de mon argumentation. J'ai même mentionné des taux;
j'ai dit que la taxe de vente était la plus élevée
d'Amérique.
M. LESAGE: J'ai compris cela.
M. DOZOIS: J'ai dit aussi qu'à mon avis,
nous étions rendus à un maximum. Il faudra donc prendre
d'autres moyens. Je vais en énumérer quelques uns avant de
reprendre mon siège. Il y aura évidemment des économies,
et peut-être des économies qui feront mal. Mais j'estime que des
augmentations de taxes ne sont pas possibles.
Je voulais tout simplement raconter cette anecdote pour vous expliquer
que si on m'a caricaturé au sujet de ce 1%, je savais que Je me
dirigeais dans cette voie. Mais la discrétion ministérielle et le
serment que j'ai prêté d'être discret sur ce qui se passe au
cabinet m'empêchaient de dire à M. Saulnier: « Votre 1% ne
comptez pas dessus puisque je l'utiliserai moi-même ». Mais ce
n'est pas lui qui y avait pensé le premier.
M. le Président, un peu plus tard je crois que
c'était le 12 novembre mon collègue ministre des Affaires
municipales a reçu un mémorandum de M. Saulnier. Dans ce
mémorandum, M. Saulnier expose la situation et propose des moyens pour
redresser la situation financière de Montréal. Ces moyens
étaient de deux ordres: à court et à long termes.
Premièrement, à court terme, il nous demandait de ramener son
année financière au 31 mars pour la faire coïncider avec
l'année financière de la province. On sait que l'année
financière de Montréal se termine actuellement le 30 avril. Si la
ville de Montréal avait les revenus de douze mois et les dépenses
de onze mois, cela lui rapporterait environ $12 millions pour l'exercice en
cours. M. Saulnier aurait comblé la différence de son
déficit budgétaire par une taxe additionnelle. Il nous demandait
donc de changer cette disposition de l'article 678. Il demandait
également au gouvernement d'accorder une subvention de $10 millions pour
couvrir l'écart entre l'estimation de la taxe de vente à $43
millions et le revenu anticipé de $33 millions.
Comme solution S long terme, il nous proposait de remettre aux
municipalités qui subventionnent leur service de transport public
l'équivalent de 1% de la taxe de vente perçue selon la formule
actuelle.
Et il ajoutait: « Ces subventions ne seront versées,
toutefois, qu'aux seules municipalités dont l'effort fiscal municipal
atteint celui de Montréal, compte tenu de l'évaluation municipale
et des taux des différentes taxes imposées dans chacune
».
Vous comprendrez que 1% de la taxe de vente dans Montréal
représente $16 millions au minimum par année. Evidemment, si le
gouvernement acceptait un tel principe, d'autres municipalités
pourraient peut-être se qualifier au même titre que Montréal
et demander le même genre de subvention. Pour l'exercice en cours, la
province aurait dû verser pour la taxe de vente $10 millions et
$10 millions pour le prochain exercice parce que le même écart
aurait subsisté et $16 millions, soit le 1% de la taxe de vente,
pour un total de $26 millions.
Or, M. le Président, je ne suis pas pour répéter
tout ce que j'ai dit jusqu'à présent. Je vous ai dit que, dans la
situation actuelle, comme ministre des Finances, je ne pouvais pas recommander
à mes collègues de verser $10 millions ou $20 millions à
la ville de Montréal.
Voilà pourquoi, M. le Président, je voulais vous mettre au
courant de cette situation. Il faut, cependant, faire quelque chose. Nous
étudions. Je sais que l'on dira: Encore des études! Mais, ce
n'est pas un problème facile à régler. J'ai confiance que
finalement nous trouverons des solutions à ce problème, car il
faut aider Montréal et il faut aider une ville comme Québec.
Même si je suis Montréalais, je crois qu'il faut songer à
une ville comme Québec.
Il faut songer à d'autres villes de la province.
Québec, notre capitale, voit ses finances connaître de
mauvaises années depuis longtemps, parce que toute une partie de la
ville a un cachet historique. La ville doit dépenser des sommes
considérables pour conserver ce cachet historique et pour maintenir des
installations qui ne lui rapportent pas autant que si tout était
rasé. Des terrains de cette valeur pourraient être rebâtis
pour des fins qui apporteraient des augmentations de taxes beaucoup plus
considérables.
Il faut sûrement trouver des solutions à ce
problème. Pour ma part, je n'aurai de repos je sais que mon
collègue des Affaires municipales pense de même que lorsque
nous aurons trouvé une solution pour procurer aux municipalités
des revenus qui leur permettent de s'acquitter de leurs devoirs
vis-à-vis de leurs contribuables.
Mais, pour revenir au problème de Montréal, M. Saulnier a
pensé que cette solution de changer l'année financière
pourrait lui causer quelques embêtements sur les marchés
financiers. Il nous a suggéré d'exempter la ville de
Montréal du paiement de ses contributions aux diverses caisses de
retraite. Ce qui représenterait pour Montréal une économie
d'environ $10,500,000. Vous savez, M. le Président, qu'en vertu de la
Loi des régimes supplémentaires de retraite...
M. LESAGE: $10,500,000 par année.
M. DOZOIS: Par année, oui. Vous savez, M. le Président,
qu'en vertu de la Loi des ré-
gimes supplémentaires de retraite, lorsqu'on donne l'explication
du mot régime assuré: «C'est un régime
supplémentaire dont les rentes et autres prestations sont totalement
assurées ou garanties soit par le gouvernement du Canada ou d'une
province, soit par une compagnie ou société d'assurance
enregistrée dans la province ».
Or, la ville de Montréal n'étant pas un gouvernement d'une
province ni du Canada et n'ayant pas un régime de retraite assuré
par des sociétés ou des compagnies d'assurances est un
régime non assuré et la loi prévoit ou les
règlements plutôt édictés selon cette loi
prévoient que ce fonds doit être sur des bases actuarielles. Or il
a été établi que le fonds de Montréal actuellement
est déficitaire, un déficit actuariel de l'ordre de $170 millions
environ. Et, M. Saulnier prétend que son gouvernement est responsable et
offre autant de garanties que d'autres gouvernements de province, puisque nous,
dans la province de Québec, nous considérons qu'avec un
régime assuré, disons au Nouveau-Brunswick, à
l'Ile-du-Prince-Edouard ou en Saskatchewan, même s'il n'est pas sur une
base actuarielle, nous acceptons de faire des échanges avec ces gens et
c'est un régime assuré au sens de notre loi. M. Saulnier
prétend que son gouvernement offre autant de garanties qu'une province
ou que le gouvernement du Canada et qu'éventuellement, dans vingt,
vingt-cinq ou trente ans, lorsque les revenus de ces fonds de retraite ne
seront pas suffisants pour payer les rentes, la ville ajoutera dans son budget
les fonds nécessaires pour faire face à cette dépense.
M. LEVESQUE (Laurier): Le déficit actuariel rejoindrait dans
quoi? Vingt ans à peu près.
M. DOZOIS: On ne fait rien dans le moment pour combler ce déficit
actuariel. Les contributions de $10.5 millions dont je parlais tout à
l'heure, c'est tout simplement le pourcentage établi pour la ville, pour
les contributions régulières de tous les jours.
M. LESAGE: Les contributions qui sont dues dans l'année.
M. DOZOIS: C'est ça, dans l'année. M. LESAGE: De la part
de la ville.
M. LEVESQUE (Laurier): La progression du déficit, est-ce qu'elle
est enrayée actuellement par ces contributions?
M. DOZOIS: Non. Pour enrayer le déficit, les règlements
avaient prévu que ça pourrait être remboursé, les
$171 millions, sur une période de vingt-cinq ans; on n'apas exigé
le remboursement du capital, mais on a demandé cependant que la ville
paye l'intérêt sur ce déficit de façon qu'il ne
s'accroisse pas.
M. LESAGE: Est-ce qu'avec les paiements qui se font par la ville de
Montréal ça empêche le déficit actuariel de
s'accroître?
M. DOZOIS: Non.
M. LESAGE: La réponse que vient de donner le ministre serait
affirmative. Est-ce que ça empêche le déficit actuariel de
s'accroître?
M. DOZOIS: Non, puisqu'on ne paye pas d'Intérêt sur ce
déficit.
M. LESAGE: On ne paye pas d'intérêt?
M. DOZOIS: Non. Ainsi que la ville de Québec, ils ont
été exemptés par un amendement aux règlements de
payer l'intérêt sur les déficits actuariels.
M. LESAGE: Il est clair que ça s'accroît alors.
M. DOZOIS: Mais, actuellement, si la ville devait payer ces
contributions sur les salaires actuels, contributions courantes, payer
l'intérêt sur le déficit actuariel et amortir le
déficit actuariel, la ville devrait débourser $23 millions par
année. M. Saulnier prétend que ce n'est pas nécessaire et
que ces fonds de retraite devraient être sur la même base que celui
de la province. Vous savez que dans la province, nous avons le système
désigné sous le nom de « pay as you go »,
c'est-à-dire que le gouvernement dans chaque budget, met les montants
nécessaires pour payer les pensions qui seront payées au cours de
l'année. Or, la situation des fonds de pension à
Montréal, pour l'année 1968, les contributions des
employés s'élèvent à $6,770,000 alors que les
pensions à payer s'élèvent à$8,800,000 mais comme
il y a de l'argent dans ces fonds de retraite, il y a des revenus de placement
que j'ignore mais je sais que c'est au-delà de $100 millions et
mettez-les au minimum, si on a fait des placements moins fructueux, il y a
quelques années, mettez un minimum de 5%, ils reçoivent au moins
$5 millions de revenus de placement.
Ils ont, au cours d'un an, $6,770,000 de revenus des employés,
plus $5 millions au minimum de revenus de placements, ce qui leur fait environ
$11 millions ou $12 millions de revenus pour faire face à des
déboursés de $8,800,000.
M. LEVESQUE (Laurier): ... $8 millions, les pensions courantes, cela
coûte à peu près $9 millions, $8,800,000...
M. DOZOIS: C'est cela.
M. LEVESQUE (Laurier): Les $23 millions dont parlait tout à
l'heure le ministre des Finances, quand il disait, si la ville payait tout,
est-ce que cela inclut les déboursés courants pour les pensions
ou est-ce simplement par rapport au déficit et aux contributions?
M. DOZOIS: Les $23 millions consisteraient en des versements que la
ville ferait pour couvrir...
M. LEVESQUE (Laurier): Un terrain.
M. DOZOIS: ... premièrement, sa contribution courante de
l'année. Deuxièmement, l'intérêt sur le
déficit actuariel et, troisièmement, un amortissement du
déficit actuariel. Les fonds de pension recevraient, au cours de
l'année, $23 millions de cette source et $6 millions de la part de leurs
membres, pour faire un total de près de $30 millions. Ils auraient,
à ce moment-là, $8,800,000 de rentes à payer à ces
pensionnés et le fonds s'accumulerait à ce rythme-là, si
bien que, dans vingt-cinq ans, il n'y aurait plus de déficit acturiel.
Ce serait une situation, je crois idéale.
M. LEVESQUE (Laurier): Vos calculs sont-ils basés sur vingt-cinq
ans pour amortir le déficit?
M. DOZOIS: Oui. Quand je parle de $23 millions, l'amortissement est
basé je cite cela de mémoire, cependant sur un
remboursement de vingt-cinq ans.
Je n'ai pas voulu me rendre 2 une telle demande avant qu'une
étude soit faite de cette question. J'ai consulté M. De Coster,
qui m'a dit: Moi, je suis chargé, de par la loi, d'administrer cette
loi. Si le Parlement décide d'amender cet article, qui dirait, entre
autres, qu'un régime assuré je l'ai décrit tout
à l'heure est un régime dont les rentes et prestations
sont totalement assurées ou garanties par le gouvernement soit du
Canada, soit d'une province on pourrait ajouter, soit d'une
municipalité ou de Montréal, si on veut limiter cela à
Montréal M. De Coster m'a dit, je le souligne: Si vous changez la
loi, j'obéirai et j'appliquerai la loi. Actuellement, je l'applique
telle qu'elle est rédigée. J'ai cependant cru qu'il était
difficile de nous rendre à pareille demande avant qu'une étu- de
soit faite. Est-ce que nous devons faire une modification aussi profonde,
passer de la méthode actuarielle à la méthode du «
pay as you go », avant de faire une étude? Je me suis posé
la question et peut-être faudrait-il en venir là. Peut-être
que ce serait raisonnable. Je ne suis pas en mesure de répondre.
J'estime que la ville de Montréal est probablement capable et
suffisamment solvable pour faire face éventuellement au paiement des
pensions qui sont exigées, même si ses fonds ne sont pas
suffisants pour faire face à cette dépense. Alors, j'ai cru, dans
les circonstances... oui.
M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le ministre, avant que l'on quitte le
sujet des $10,500,000 de contributions on parle de la Régie des
rentes, de la loi, etc., est-ce que cela comprend ce que doit payer la
ville de Montréal, comme employeur, à la Régie des rentes?
Est-ce que c'est une des...?
M. DOZOIS: Non, non, non.
M. LEVESQUE (Laurier): C'est additionnel?
M. DOZOIS: Oui. Elle verse, je crois, $1.5 million S la Régie des
rentes pour la rente du Québec. C'est strictement une contribution pour
le régime de retraite des employés. Il y a quatre fonds: pour les
policiers, les pompiers, les manuels, les cols blancs. La contribution de la
ville de Montréal se totalise à environ $10,500,000.
M. LESAGE: Est-ce que les associations ont été
pressenties?
M. DOZOIS: Pardon?
M. LESAGE: Est-ce que ces associations d'employés ont
été pressenties?
M. DOZOIS: Non. Je ne sais pas si M. Saulnier les a pressenties. Mol, je
ne les ai pas pressenties. C'est pourquoi nous avons discuté cette
question au cabinet, et nous avons prévu la disposition que vous
retrouvez dans le projet de bill qui est présentement devant la Chambre.
Nous avons dit: voici un versement que la ville effectue, $10,500,000, non pas
pour payer des rentes au cours de l'année actuelle, mais probablement
dans vingt ans, vingt-cinq ans ou trente ans.
Or, nous avons assimilé ça à une dette de la ville.
Nous avons fait le raisonnement suivant: pourquoi obliger la ville de
Montréal àprendre
de l'argent qui provient des taxes pour le transporter aux fonds de
retraite où les administrateurs du fonds de retraite achèteront
peut-être des obligations de la ville de Montréal, de la ville de
Valleyfield, du Lac Saint-Jean ou de n'importe où?
Je comprends que ce serait peut-être là brimer l'autonomie
des administrateurs de ces fonds de retraite; mais, comme mesure temporaire, en
attendant que nous fassions cette étude, nous avons pensé que ce
serait une solution au problème immédiat de la ville de
Montréal de procéder ainsi, ce qui ne l'obligerait pas à
verser $10 millions en argent provenant des taxes, mais plutôt à
déposer des obligations portant intérêt à un taux
qui serait courant. C'est pour ça qu'on retrouve dans le bill cette
disposition à l'effet que le taux d'intérêt serait
fixé par le comité exécutif, mais approuvé par le
lieutenant-gouverneur en conseil.
M» LESAGE: Est-ce que le ministre me permettrait une question? Je
comprends que c'est une opinion que je demande, mais il est difficile pour moi
de procéder autrement. Comment, d'après le ministre, pourrait
être affecté le crédit de la ville de Montréal aux
yeux des prêteurs si nous l'obligions à une émission
d'obligations, forcée après tout?
M. DOZOIS: J'ai pensé à ce problème, mais je ne
vois pas c'est une opinion, peut-être d'autres ne la partagent-ils
pas quelle différence il peut y avoir entre l'obligation de la
ville de Montréal qui s'en acquitte, parce que c'est une obligation qui
deviendra échue dans dix ou quinze ans... Actuellement, la ville de
Montréal verse sa contribution pour des gens qui, éventuellement,
prendront leur retraite et les fonds sont suffisants pour payer les retraites
courantes. Or, c'est un engagement pour l'avenir. Je me suis fait le
raisonnement suivant: Obligeons la ville de Montréal à
déposer cet argent qui sera utilisé en temps utile. En somme,
nous disons de même à la ville de Montréal pour des
dépenses d'immobilisations:Vous faites un pavage qui durera vingt ou
trente ans, alors vous empruntez et vous paierez ce pavage dans vingt ans,
c'est-à-dire que la génération qui utilisera ce pavage le
paiera au fur et à mesure qu'elle l'utilisera. J'ai assimilé
ça un peu à ce raisonnement. Peut-être cela fera-t-il du
tort au crédit de Montréal je l'avoue, c'est une question
d'opinion comme ça peut lui faire du tort de reculer son
année financière.
Je tiens cependant à dire à cette Chambre que si je
sentais que c'est le désir unanime des membres de cette Chambre
d'exempter temporairement la ville de Montréal de toute contribution au
fonds de pension pour un temps limité en attendant que nous fassions
cette étude, je pourrais considérer une modification au projet de
loi. Avec l'entente, cependant, que lorsque cette étude serait
terminée, s'il était évident et si le rapport
était convaincant pour ceux qui seront en place à cette
époque qu'on doive maintenir la base actuarielle, la ville devra
s'acquitter de cette obligation, c'est-à-dire que si ça dure deux
ans, il y aura un remboursement de l'ordre de $20 millions ou $21 millions
selon le cas. Peut-être à cette époque pourra-t-on exiger
que cela soit fait sous forme d'obligations de la ville de Montréal. Je
suis prêt à le considérer si c'est le désir unanime
de la Chambre.
M. LESAGE: M. le Président, je m'excuse, mais étant
donné que nous sommes dans le vif au sujet du bill, il n'y a pas
d'erreur, je pense bien que le ministre...
M. DOZOIS: Oui, mais il est plus important de régler un
problème que de suivre la procédure.
M. LESAGE: Je pense que oui, s'il y a moyen de régler le
problème. Du moment qu'on dispense la ville de payer au moment où
c'est dû, qu'on lui permette de verser un billet à ordre. C'est
ça?
M. DOZOIS: C'est ça, et qui porte intérêt.
M. LESAGE: Que fait-on? On remplace une promesse de payer par des rentes
ce qui serait le cas, s'il y avait dispense de paiement par une
promesse de payer un montant d'argent. N'est-ce pas ça?
M. DOZOIS: Je pense, quand même, qu'il y a une différence.
Elle est peut-être légère.
M. LESAGE: On remplace une obligation de payer plus tard par une
autre.
M. DOZOIS: Je pense qu'avant de prendre une décision de cette
nature il faut étaler tous les aspects du problème.
M. LESAGE: Oui, il faut penser à Québec et aux autres
villes.
M. DOZOIS: Le jour où l'on mettra tous les fonds de pension sur
une base de « pay as you go », il faut songer qu'il y aura
peut-être des
municipalités qui, devant des négociations de conventions
collectives, plutôt que de donner $0.10 d'augmentation, diront
peut-être: Bien, ça ne me coûte rien si je donne telle
amélioration dans le fonds de pension; ce sont les autres qui paieront
dans vingt ans. Ces municipalités seront peut-être tentées,
pour épargner $0.10, $0.15 ou $0.25 d'augmentation l'heure, pour
l'année en cours et pour éviter certains ennuis à leurs
administrateurs, de donner des avantages qui seraient très coûteux
pour leur avenir.
Il y a peut-être moyen de contourner cette difficulté, en
donnant au régime des rentes le pouvoir de contrôler les
modifications des régimes des rentes des municipalités, qui
seraient sur des bases de « pay as you go », pour que ça
n'augmente pas de façon inconsidérée. Je dois vous faire
remarquer que le déficit actuariel des fonds de pension de la ville de
Montréal était, à venir jusqu'à l'an dernier, je
pense, d'environ $150 millions. Cela a fait un saut à $171 millions,
lorsqu'on a consenti des augmentations de conditions aux policiers. Avant, la
pension des policiers était basée sur le nombre d'années
de services, multiplié par 2%. On a consenti à 2.5%. Alors,
d'après les actuaires, le déficit actuariel a monté
à $171 millions.
La différence qu'il y a, cependant comme l'affirmait le
chef de l'Opposition entre ne pas verser de contributions et les verser
sous forme d'obligations, c'est que, si la ville de Montréal ne verse
rien, dans deux ans, le déficit actuariel se sera accru de $21 millions,
plus l'intérêt de cette somme de $21 millions.
M. LESAGE: C'est dû aux augmentations de salaire.
M. DOZOIS: Le versement d'obligations qui porteraient
intérêts a au moins cette différence qu'il y aurait des
intérêts de payés à chaque année sur la somme
de $21 millions. C'est peut-être une différence très mince,
mais c'en est une.
M. LEVESQUE (Laurier): C'est comme une sorte de fonds
d'amortissement.
M. DOZOIS: Oui. C'est ça. Alors, M. le Président, c'est un
problème difficile, je l'admets. Je le répète, car je veux
bien qu'on me comprenne: Si je sens que c'est le désir unanime des
membres de cette Chambre d'accéder à la demande de la ville, je
serai prêt à considérer une modification au projet de loi,
pourvu que cette exemption soit limitée à une courte
période. Si le rapport d'un comité nous convainc qu'il faut
revenir à la basse actuarielle, la ville devra déposer, à
ce moment, des obligations, plus l'intérêt pour combler ce
vide.
M. LEVESQUE (Laurier): Je l'ai peut-être manqué par
distraction, mais le ministre des Finances parle d'un comité
d'étude sur le régime actuariel ou de « pay as you go
» pendant cette période. Est-ce que ça existe ou si c'est
un projet?
M. DOZOIS: Cela n'existe pas, mais, vu que M. Saulnier ne demande pas
cet amendement uniquement pour régler un problème temporaire,
mais qu'il prétend que, d'une façon permanente, la ville de
Montréal devrait être considérée au même
niveau qu'un gouvernement provincial...
M. LESAGE: Pour faire cela, M. Saulnier devrait prétendre que
nous pourrons faire la même chose pour les autres municipalités.
Si nous le faisons pour Montréal, je ne vois pas pourquoi on ne le
ferait pas pour Québec.
M. DOZOIS: Oui, je crois. Mais devons-nous le faire pour Montréal
et Québec et nous arrêter là? Pourquoi pas Montréal,
Québec, Sherbrooke, Trois-Rivières?
M. LESAGE: C'est la question que je pose: Où nous
arrêtons-nous?
M. DOZOIS: Alors, c'est pour cela que..»
M. LEVESQUE (Laurier): On s'arrête à l'an 2000.
M. DOZOIS: ... que j'ai songé à former un comité.
Est-ce que ça prendrait deux mois à un comité d'experts
pour faire rapport sur uns question comme celle-là, ou six mois, ou un
an? Je l'ignore, je ne suis pas actuaire. Je sais que le chef de l'Opposition a
déjà eu des velléités d'actuaire...
M. LESAGE: Malheureusement, je n'ai pas fait les études.
M. DOZOIS: Mais j'estime qu'une formule comme celle-ci j'en ai
parlé à M. Saulnier peut-être que nous pourrions,
nous ou le régime des rentes, nommer un actuaire. La ville de
Montréal pourrait nommer un autre actuaire et les deux nommeraient un
président et ils seraient chargés d'étudier cette
question, d'entendre peut-être les objections venant de ceux qui sont
concernés, les employés de la ville, les administrateurs de ces
fonds de pension et nous faire un rapport.
M. LESAGE: Ces études ne devraient pas être faites
seulement pour la ville de Montréal, il faudrait qu'elles soient faites
pour les autres municipalités de la province.
M. DOZOIS: Peut-être. Non, alors là ça
devrait...
M. LESAGE: C'est assez difficile de justifier...
M. LEVESQUE (Laurier): Bien, il y a une différence
d'espèce.
M. DOZOIS: J'ai l'intention de recommander à mes collègues
du cabinet que dès que ce problème...
M. LESAGE: Bien une différence d'espèce entre
Montréal et Québec. C'est sûr que Montréal est
beaucoup plus gros, mais il ne faudrait tout de même pas penser que l'on
va convaincre les citoyens de Québec, à partir de son maire, que
Québec n'a pas le droit, à cause de ses obligations
spéciales, au même traitement que la ville de Montréal.
M. DOZOIS: En tout cas, M. le Président, je dis que c'est ma
ferme intention, vu la demande sérieuse ds M. Saulnier qui me demande de
l'exempter d'une façon permanente et définitive de cette
obligation de verser les $10,500,000 par année qui peut
s'accroître et qui l'oblige, lui, à percevoir $0.15 de taxe ou
l'équivalent, je suis prêt, moi, à l'étudier.
Maintenant, qu'est-ce qui existe ailleurs? Je ma suis enquis, M. le
Présidant, et aux Etats-Unis il y a un? loi qui régit les fonds
de retraite des municipalités, dans l'Etat du Massachusetts et ils ne
sont pas sur une base actuarielle. Ce n'est ni une base d'actuarielle, ni une
base de « pay as you go ». A Chicago, ce n'est pas une base
actuarielle, mais la ville doit quand même verser une contribution qui
prend la forme d'une taxa. A Chicago, il y a une taxe calculée chaque
année pour le fonds de retraite. Elle est imposée dans ce
but-là, et le produit de cette taxe va directement dans le fonds de
retraite. Il y a toutes ces formules. Au Canada, c'est assez varié, mais
la plupart des municipalités ont des fonds de retraite sur une base
actuarielle.
Alors, M. le Président, je ne propose pas d'amendement, et je
répète l'offre faite en vus de régler ce problème.
S'il y en avait qui étaient de cet avis, je suis très
disposé en comité à étudier une proposition dans ce
sens-là.
M. LESAGE : Je ne veux être ni malin ni méchant, mais
est-ce que le conseil des ministres est d'accord?
M. DOZOIS: Le conseil des ministras? M. LESAGE: Oui.
M. DOZOIS: Sûrement. J'ai pris sur moi de consulter quelques
collègues sur cette modification, étant donné que la ville
s'engagerait moralement, parce que j'ai discuté d'un amendement possible
avec des légistes. On ne voit pas comment on pourrait mettre dans un
article...
M. LESAGE: Au régime des rentes, non.
M. DOZOIS: ... que, dans deux ans, ils pourraient ou ne pourraient pas
verser telle ou telle chose. Alors je pense que, s'il y avait amendement, ce
serait que la ville soit exemptée pour une période de deux ans ou
d'un an, par exemple, de verser cette contribution.
M. LESAGE: Quelle est l'opinion du ministre, un an ou deux ans?
M. DOZOIS: Bien, je pense que, dans les circonstances, il faut que ce
soit deux ans parce qu'il y a l'année en cours et que tout de suite,
dans un mois, nous aurions le problème puisque la ville de
Montréal doit étudier incessamment son budget et savoir à
quoi s'en tenir. Alors il faudrait que ce soit pour les années 68/69 et
69/70. Et à la fin de 1969, je pense, lorsque la ville préparera
son budget pour l'exercice 70/71, je pense que là, le comité, que
j'ai l'intention de demander à mes collègues de créer,
aura produit son rapport et le-gouvernement qui sera au pouvoir à ce
moment prendra une décision à la lumière de ce
rapport.
Si j'étais là et qu'on me recommandait de remettre le
fonds sur une base acturielle, j'exigerais que la ville verse des obligations
pour combler ces $21 millions qu'elle n'aurait pas versés et portant
intérêt au taux qu'on déterminerait.
M. LEVESQUE (Laurier): Le ministre permet-il, pour qu'on comprenne les
implications, puis pour voir si je me trompe? Si on le faisait pour cette
année, ça doublerait pour les deux ans. Si on faisait verser
à la ville les obligations prévues, cette espèce d'emprunt
forcé ou de fonds d'amortissement, et qu'on les faisait amortir
vraiment, normalement, ces intérêts fixés, cela voudrait
dire, à peu près,
je crois, une somme, intérêts et capital, sur 20 ans, si je
ne me trompe, d'à peu près $1 million ou $1 million et quart ou
et demi, quelque chose comme cela?
M. DOZOIS: Plus que cela.
M. LEVESQUE (Laurier): Ce n'est pas tellement la somme qui peut
créer la difficulté pour Montréal, c'est la question
d'opinion. Je veux dire qu'elle sauverait quand même $9 millions. Ce ne
serait pas nécessairement la somme; ce serait plutôt l'opinion
qu'on peut avoir sur ce qui affecte ou n'affecte pas le crédit
M. DOZOIS: Non. Je pense qu'il y a peut-être une question de
principe en jeu. Doit-on le permettre aux municipalités? Le chef de
l'Opposition a soulevé l'objection: Si on le permet à
Montréal, ne faudrait-il pas le permettre aux autres
municipalités? C'est là le problème. J'ai
suggéré qu'il y ait au comité des représentants de
Montréal et peut-être des représentants de l'Union des
municipalités, à un comité comme celui-là, y
compris la ville de Montréal. Le comité n'est pas formé.
Dans les prochains jours dès que ce problème sera
réglé temporairement, f estime que c'est une solution absolument
temporaire que nous apportons nous allons y consacrer toute notre
attention.
M. le Président, je continue. En comité, lorsque nous
étudierons l'article 9 en particulier, peut-être pourrons-nous y
revenir après que tous les membres qui s'intéressent à
cette question auront réfléchi sur la portée d'une telle
modification. Je voudrais tout simplement faire quelques commentaires avant de
reprendre mon siège. Je veux dire que ce bill permettra
premièrement à la ville de Montréal, par les amendements
à l'article 678, de prélever une taxe supérieure à
$0.15 du $100 d'évaluation pour effacer le déficit
budgétaire qu'elle a présentement. Elle choisira, avant le 22
janvier, une des deux formules qui sont dans le bill, soit ramener son
année financière et la faire coïncider avec celle de la
province, au 31 mars, ou passer le règlement qui lui permettrait de
verser sa contribution au fonds de pension pendant ces deux
années-là, sous forme d'obligations, comme on l'a expliqué
tout à l'heure.
Vous avez remarqué que, dans le bill, il y a une disposition qui
tient compte du fait que la ville a versé, depuis le 1er mai
jusqu'à aujourd'hui, des contributions à ces fonds de pension.
Evidemment, dans la première rédaction que nous avions eue, les
fonds de pension étaient obligés, dès que le bill
était sanctionné, de remettre à la ville les contributions
ainsi faites. Nous avons pensé que ce remboursement à la ville
pourrait se faire sur une période d'un an et demi, je crois, de
façon à donner le temps aux fonds de pension de recevoir d'autres
revenus, de se remplumer et peut-être de disposer des actifs que ces
fonds de pension ont dans le moment. Les fonds qu'ils ont reçus sont
peut-être placés. Les forcer à les rembourser
immédiatement à la ville de Montréal pourrait encourir des
pertes sur des ventes qu'ils seraient obligés de faire, sur un
marché peut-être pas favorable au genre d'obligations qu'ils
détiendraient.
M. LESAGE: M. le Président, à la suite de ce que vient de
dire le ministre, je voudrais être bien sûr que j'interprète
bien l'article 9. Je m'excuse. C'est bien une alternative qu'on offre à
la ville de Montréal?
M. DOZOIS: Oui.
M. LESAGE: C'est bien l'un ou l'autre?
M. DOZOIS: L'un ou l'autre.
M. LESAGE: En vertu de A, c'est un soulagement pour deux ans, tandis que
l'application de B constituerait un soulagement pour une année.
M. DOZOIS: Pour une année. M. LESAGE: C'est ça.
M. DOZOIS: En somme, comme nous ne pouvions pas nous rendre à la
demande du président du comité exécutif, M. Saulnier,
à l'effet de l'exempter des versements, nous nous sommes fait le
raisonnement suivant.
Nous pouvons faire trois choses: augmenter les taxes pour couvrir la
totalité du déficit, utiliser la première formule que
lui-même nous avait demandée dans un mémoire qu'il a soumis
au ministre des Affaires municipales de changer son année
financière ou, l'autre option ce n'est pas lui qui nous l'a
suggérée, mais elle découle, si vous voulez, d'une
suggestion qu'il nous avait faite que la ville soit exemptée.
M. LESAGE: Option à laquelle le ministre est revenu
lui-même, il y a quelques instants. La suggestion de monsieur Saulnier.
Il a dit...
M. DOZOIS: Oui, oui, j'ai dit qu'évidem- ment...
M. LESAGE: ... si j'ai bien compris, que si les députés
étalent d'accord, les...
M. DOZOIS: M. Saulnier, m'a fait sentir qu'il n'utiliserait ni l'une ni
l'autre de ces formules. Il tenait beaucoup je lui ai promis de le faire
à ce que je soumette a la Chambre cette opinion que je serais
prêt, si c'était le désir unanime de la Chambre,
d'accéder à son désir.
M. LESAGE: Et je comprends que le ministre se soit ainsi...
M. DOZOIS: Ce n'est pas un engagement qui va au-delà de
ça.
M. LESAGE: Le ministre parle au nom du gouvernement?
M. DOZOIS: Ou. M. le Président, je réalise pleinement que,
par ce bill, nous avons recours à des expédients. Il n'y a pas
d'autres qualificatifs. Ce sont vraiment des expédients, et il est
malheureux que nous soyons obligés d'avoir recours à ces
expédients. C'est sûrement une situation qui ne peut pas se
perpétuer. Le Québec, comme les autres provinces, a juridiction
en certains domaines et doit avoir les ressources fiscales suffisantes pour
s'acquitter de ses obligations.
M. le Président, je dois assister la semaine prochaine à
la conférence des ministres des Finances à Ottawa.
Malheureusement, le gouvernement fédéral a pris une position
ferme et rigide, mais j'espère que les membres du gouvernement d'Ottawa
Je sais qu'ils sont aussi occupés que nous prendront le
temps de lire ces quelques réflexions que j'ai faites cet
après-midi et qui exposent la situation financière de la province
de Québec. Je tiens cependant à préciser que je n'ai pas
fait cet exposé uniquement dans ce but. Je dis « uniquement,
» parce qu'il est évident que J'espère, en leur faisant un
tel exposé, ne pas avoir à le répéter à la
conférence des ministres des Finances la semaine prochaine à
Ottawa. J'espère qu'on aura le temps de lire ces quelques
réflexions et de constater dans quelle situation se trouvent les villes
et les provinces.
Ce n'est pas là. un problème particulier I la province de
Québec. Toutes les provinces sont dans la même situation. Tout ce
que nous demandons, c'est qu'enfin le gouvernement fédéral
respecte le pacte de la Confédération, se mêle de choses
qui sont strictement de sa juridiction et ne nous embarque pas dans des do-
maines qui ne le concernent pas. Nous ne voulons pas qu'il détermine
à notre place des priorités que nous voulons établir
nous-mêmes. C'est là le fond du problème.
J'ai entendu et j'ai lu depuis quelques mois plusieurs ministres du
gouvernement fédéral qui veulent se lancer dans le
développement urbain. J'ai même lu des articles qui
préconisaient un ministère du développement urbain. M. le
Président, je leur demande de se mêler de leurs affaires. Cela
concerne les provinces. Si le gouvernement fédéral s'embarque
dans ce domaine du développement urbain, je dis que ce n'est pas de sa
juridiction. On va dépenser de l'argent pour assurer le
développement urbain? Nous leur disons: Donnez-nous cet argent avant
d'assurer un plus grand développement urbain...
M. LESAGE: Est-ce que le ministre n'aimerait pas mieux dire: Faites-nous
la place pour que nous allions le chercher nous-mêmes?
M. DOZOIS: Bien, Je dis...
M. LESAGE: Au lieu de dire: Donnez-nous cet argent.
M. DOZOIS: J'y arrive. M. LESAGE: Oui.
M. DOZOIS: Je dis, M. le Président, que plutôt que le
fédéral s'occupe de développement urbain, il faut que nous
ayons les moyens financiers, les ressources financières pour maintenir,
au moins, ce qui se fait comme développement urbain. Nous n'avons pas
besoin qu'Ottawa s'en mêle, qu'on nous remette... C'est
préférable, « remettre » à « nous donner
»?
Qu'on fasse de la place ou qu'on nous remette les droits de taxation.
Que le gouvernement d'Ottawa cesse de dépenser de l'argent pour des fins
qui ne sont pas fédérales et qu'on nous fasse un transfert net de
ressources, et nous allons nous occuper de nos affaires. C'est simple, et je
pense que le meilleur moyen de sauver la confédération, pour ceux
qui croient à un système fédéral, c'est de laisser
aux provinces leur propre juridiction. Le meilleur moyen de détruire la
confédération, c'est de continuer cette politique de vouloir
s'immiscer dans les domaines qui sont de la juridiction des provinces ou
d'inciter les provinces à assumer des obligations qui, selon elles, ne
font pas partie de programmes prioritaires.
Je ne veux pas m'embarquer dans toute la
kyrielle des programmes que préconise Ottawa et qui ne les
regardent pas, mais je pense que j'en dis suffisamment.
M. LESAGE: Vous compléterez la semaine prochaine,,
M. LEVESQUE (Laurier): Vous êtes tous appelés à
passer à la télévision; n'oubliez pas qu'il vous faut
votre...
M. DOZOIS: Je suis prêt à leur répéter
ça la semaine prochaine et à en ajouter. Je n'ai pas objection,
comme ministre des Finances participant à cette conférence,
qu'elle soit télévisée, radiodiffusée et que les
journalistes y assistent.
M. LEVESQUE (Laurier): N'oubliez pas votre coeur.
M. DOZOIS: J'espère qu'on pourra discuter au grand jour et que le
peuple du Canada sera témoin des demandes des provinces. Je sais que
toutes les provinces, quelle que soit la couleur de leur gouvernement,
réclament du gouvernement d'Ottawa c'est un voeu unanime qui a
été émis en maintes circonstances qu'il leur
remette des ressources fiscales suffisantes pour leur permettre de s'acquitter
de leurs devoirs. Je ne peux croire que l'on voudrait étouffer les
provinces ou les faire mettre à genoux pour accaparer des pouvoirs qui
leur appartiennent actuellement. J'espère que ce ne sont pas les
intentions de ceux qui font partie du gouvernement fédéral:
J'espère qu'ils comprendront, s'ils veulent vraiment sauver la
confédération, qu'ils doivent permettre aux provinces
d'être en mesure de faire face à leurs obligations. Je demande que
ce bill soit adopté. Je sais que ce n'est peut-être pas la
réponse idéale à laquelle non seulement l'administration,
mais tous les citoyens de Montréal pouvaient s'attendre. J'espère
que, très bientôt, nous pourrons apporter des solutions qui
pourront réjouir davantage les contribuables de Montréal.
M. LESAGE: Je n'interviens pas dans le débat, à ce
moment-ci. J'ai attendu à la fin pour poser une question au ministre des
Finances. C'est au sujet de la lettre qu'il a reçue de M. Benson. Si
j'ai bien compris, M. Benson lui a dit que la contribution
fédérale au programme de construction d'écoles passait de
$80 millions à $34 millions. Est-ce pour l'année courante ou pour
l'année prochaine? Je vais poser toute ma question d'un bout, parce que
je ne pourrai pas la poser en comité, d'après notre
règlement. Est-ce que M. Benson a donné les raisons de cette
décision qu'il a annoncée au ministre des Finances?
M. DOZOIS: C'est une longue lettre de quatre pages que j'ai reçue
avant-hier, alors que j'étais plongé dans tous ces
problèmes.
M. LESAGE: C'était pour aider, ça.
M. DOZOIS: Oui, cela a été la cerise sur le gâteau.
J'ai reçu cette lettre et je l'ai lue très rapidement. Il y avait
un tableau qui l'accompagnait et j'ai cru comprendre qu'il s'agissait du
programme d'austérité.
M. LESAGE: J'y ai pensé.
M. DOZOIS: Alors, nous étions censés recevoir des
projections. Je pense que cela s'élevait à $80 millions;
c'était réduit à 43% de ce montant, ce qui
représente $34 millions.
M. LESAGE: C'était reporté?
M. DOZOIS: Pour l'an prochain.
On nous a averti que, pour l'an prochain...
M. LESAGE: ... pour l'an prochain c'est parce que l'on prolongeait
l'exécution du programme, je suppose.
M. DOZOIS: J'en ai discuté avec les fonctionnaires de mon
ministère, à qui j'ai remis des copies, et j'ai demandé de
m'analyser cela le plus rapidement possible.
M. LESAGE: Oui.
M. DOZOIS: Dans une courte discussion que j'ai eue avec eux, j'ai
compris que nous pourrions, l'an prochain, construire pour $200 millions
d'écoles et avoir droit à une ristourne de $80 millions ou de $90
millions, si l'on veut, mais que l'an prochain, nous ne pourrions pas recevoir
plus que $34 millions. Si bien que...
M. LESAGE: Le reste viendrait par la suite.
M. DOZOIS: Le reste viendrait, si on maintient la même restriction
l'année suivante, je recevrais une autre somme de $34 millions, ce qui
ferait $68 millions. L'année suivante, je recevrais $22 millions, si le
programme me réservait $90 millions de...
M. LESAGE: Dans le fond, le gouvernement
fédéral fait la même chose au ministre des Finances
que le ministre des Finances voulait faire aux municipalités pour la
taxe de vente qui était due alors qu'il répartissait sur deux ans
et demi, trois ans...
M. DOZOIS: Bien, je ne sais pas. M. LESAGE: Cela y ressemble.
M. DOZOIS: C'était pour d'autres considérations.
M. LESAGE: Peut-être.
M. DOZOIS: On peut bien en discuter.
M. LESAGE: Ah, non! Ah, non!
M. DOZOIS: ... cet après-midi mais je crois que le
problème a été réglé.
M. LESAGE: Ne gâtons pas le climat.
M. DOZOIS: Je pense que ce problème a été
réglé cependant. Il y a eu un amendement à la loi.
M. LESAGE: C'est ce que l'on appelle l'austérité
appliquée à dose successive.
M. DOZOIS: Peut-être.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Mercier.
M. Robert Bourassa
M. BOURASSA: II est clair que l'exposé que vient de faire le
ministre des Finances peut être interprété comme la
première tranche de son discours du budget. Je pense que vous n'aurez
pas d'objection, M. le président, étant donné que le
ministre des Finances a demandé une interprétation assez large
des règlements pour discuter de toutes ces questions, à ce que
pour ma part également, je puisse discuter des questions qu'il a
traitées.
M. DOZOIS: Je l'avais demandé aussi.
M. BOURASSA: Merci. Pour le ministre des Finances, si on peut
résumer son exposé dans une phrase, a voulu affirmer, je crois,
que le Québec actuellement vit au-dessus de ses moyens. Je suis d'accord
avec cette interprétation. Je suis d'autant plus d'accord qu'il y a
quelques semaines, j'avais signalé dans une causerie devant la chambre
de commerce des problèmes financiers considérables auxquels le
Québec devait faire face. D'ailleurs, j'ai retrouvé dans
l'exposé du ministre des Finances des réponses ou des
commentaires à plusieurs affirmations ou raisonnements que j'avais faits
dans cette causerie.
La minute de vérité financière paraît bien
être arrivée au Québec actuellement Si, pour le
vérifier, nous examinons simplement, très rapidement, le taux de
croissance des dépenses et des revenus de la province, il est
très facile de conclure sur cette affirmation. Des finances saines sont
absolument essentielles à tout gouvernement, et peut-être
davantage à celui du Québec, puisqu'il y a une interaction
croissante entre le politique et l'économique. Si nos finances ne sont
pas saines ou si en d'autres termes, nous sommes dans une situation de
dépendance financière vis-à-vis des organismes ou des
institutions, il est clair que le pouvoir de négociation du
Québec pour appliquer toutes ses politiques et j'inclus la
politique linguistique peut subir une entrave sérieuse. Ainsi,
parce que nous sommes un groupe francophone majoritaire, parce qu'il est
essentiel comme c'est la politique de mon parti d'avoir le
français comme langue prioritaire de modifier une situation,
où 80% ou 85% de ceux qui dans le secteur privé des affaires
administrent au niveau supérieur ou moyen ce que l'on peut
appeler en anglais le « middle et 1'upper management » ne
sont pas francophones, je veux signaler à cette Chambre qu'il y a une
relation étroite entre des finances saines et le pouvoir du gouvernement
québécois d'appliquer aussi vigoureusement que possible une
politique conforme aux véritables intérêts du
Québec.
Si nous cherchons à définir très rapidement
l'impasse financière, un chiffre peut suffire à la mettre en
relief. C'est que les dépenses du Québec augmentent depuis cinq
ans, pour prendre une période qui exclut la parti-sanerie, d'environ
l8%, et ceci est dû...
M. DOZOIS: Par année?
M. BOURASSA: Par année, pardon, je m'excuse. Ceci est dû au
fait que les trois secteurs principaux, soit les secteurs qui se trouvent
à constituer les deux tiers du budget, au titre des dépenses
totales, et presque les trois quarts, au titre des dépenses ordinaires,
augmentent à un rythme tel qu'il y a un écart continu entre le
rythme d'augmentation des revenus et le rythme d'augmentation des
dépenses, puisque le rythme d'augmentation des revenus se situe, en
période normale, à environ 8%.
Le ministre des Finances, dans son exposé, a fait certaines
admissions ou certains aveux que je n'ai pas à répéter
ici, mais qui démontrent d'une façon aussi claire, aussi
évidente, et peut-être aussi dramatique que possible, les
problèmes financiers extrêmement épineux du
Québec.
Quels sont les moyens de résoudre ce problème? À la
fin de son exposé, le ministre des Finances a mentionné qu'il
gardait beaucoup d'espoir ou, du moins, qu'il voulait garder beaucoup d'espoir
dans la prochaine conférence fiscale fédérale-provinciale.
Nous avons prouvé, lorsque nous étions au pouvoir, que sur ce
plan-là, nous n'avions de leçons à recevoir de personne ni
sur la façon avec laquelle nous avons négocié, ni sur les
résultats que nous avons obtenus.
Encore ici, pour illustrer, sans multiplier les chiffres, mais pour
illustrer seulement par un chiffre l'attitude et les succès que nous
avons obtenus, rappelons-nous qu'en 1962, les paiements de
péréquation au Québec, c'est-à-dire les paiements
qui sont donnés inconditionnellement au Québec en raison de son
niveau de revenu inférieur ou de sa relative faiblesse
économique, rappelons-nous, dis-je, que ces paiements en 1962 ou 1963,
s'ils sont restés stables durant quelques années, ces paiements
étaient d'environ $70 millions en 1963, alors que, pour le
présent exercice, les paiements de péréquation, si on y
ajoute la péréquation spéciale, se chiffreront à
pris de $400 millions.
Il faut donc tout de même admettre qu'il y a eu progrès
considérable pour le Québec de ce côté. Mais nous
sommes entièrement d'accord avec le ministre des Finances pour
considérer et pour affirmer qu'il est inadmissible que le gouvernement
fédéral s'introduise dans des champs ou des compétences de
juridiction provinciale et empêche ainsi la province, dans une certaine
mesure, et les autres provinces également, parce que, sur ce plan, nous
ne sommes pas isolés, empêche les provinces, dis-je, d'organiser
leur budget ou leurs dépenses selon leurs propres priorités.
Il est clair que, pour le Québec, à cause de ses
caractéristiques particulières, le fait, dans son cas, de ne pas
avoir toute cette liberté dans l'organisation de ses priorités,
peut entraîner les effets les plus nocifs.
Je n'ai pas l'intention d'entreprendre de discuter, à l'occasion
de ce débat, quels pourraient être les résultats de
solutions beaucoup plus radicales qui ont été proposées.
J'aurai certainement l'occasion d'en discuter en d'autres lieux ou à
l'occasion d'autres débats. Mais je pense qu'il est nettement
prématuré de dire que le Québec pourrait obtenir un gain
fiscal net, s'il avait la totalité de ses champs de taxation par rapport
à la totalité des priorités à assumer.
On n'a qu'à signaler, à cet égard, qu'avec un
niveau de revenu inférieur, par exemple, de 30% à celui de notre
voisin, les rentrées fiscales du Québec sont
nécessairement inférieures à la moyenne nationale.
Qu'on pense seulement qu'un point de l'impôt sur le revenu des
particuliers rapporte ici 50% de moins qu'en Ontario et on réalisera
qu'il est un peu illusoire de penser que nous pourrions faire des gains fiscaux
nets en ayant la totalité, et des revenus, et des dépenses.
Si l'on considère l'autre possibilité qui a
été suggérée par le ministre des Finances,
c'est-à-dire le recours aux emprunts, je pense qu'on ne peut pas
blâmer le ministre des Finances d'avoir emprunté comme il l'a fait
et même d'avoir excédé le montant d'emprunt qui
était prévu. Mais, on peut lui signaler qu'il est, quand
même, dangereux de multiplier les emprunts à moyen terme, surtout
si c'est pour financer des investissements à long terme et si ces
emprunts sont faits dans des pays où les taux de change sont
susceptibles de varier.
Le ministre comprendra que je veux référer ici aux
emprunts qui ont été faits en Allemagne. Avec les rumeurs d'une
réévaluation du mark rumeurs qui se renforcissent de temps
à autre et qui, évidemment, se trouvent à
accélérer, à certaines périodes, la pression sur
cette monnaie il comprendra, comme la chose paraît
prévisible, sinon certaine, que ceci pourrait augmenter le coût
des emprunts du Québec d'une façon substantielle.
M. DOZOIS: Je peux dire au député de Mercier que je suis
parfaitement conscient de cette éventualité et que je me suis
réjoui lorsque c'est venu seulement tout près d'être
réévalué. Je touche du bois pour que ce ne le soit
pas.
M. BOURASSA: Tout dépendra, évidemment, du montant de la
réévaluation. Si nous avions une réévaluation de
5%, avec les taux d'intérêt que la province a payé, je ne
pense pas qu'elle serait perdante, mais si la réévaluation
était supérieure au montant de 5%, je pense que, là,
ça pourrait aggraver les remboursements, et en capital, et en
intérêts, évidemment, que le Québec doit faire
à ce pays.
M. DOZOIS: Disons que c'est un risque calculé.
M. BOURASSA: D'accord. Donc, concessions fiscales du gouvernement
central et emprunts. Ces deux sources répondent plus ou moins
difficilement aux exigences de la situation actuelle. Il reste les revenus.
Le ministre des Finances a mentionné qu'il était
impossible, actuellement, d'accroître les impôts au Québec.
J'ai déjà fait cette affirmation. Il a démontré,
à l'aide de plusieurs impôts, qu'il était, à toutes
fins pratiques, impossible de le faire parce que la loi sans prendre
exactement son expresion, mais je pense que c'est ce qu'il voulait dire
des rendements décroissants pourrait se mettre à fonctionner,
étant donné que, si nous augmentons trop le taux d'impôt,
nous risquons que le volume des achats je pense aux taxes à la
consommation soit réduit et, donc, d'annuler toute augmentation
du rendement qui pourrait résulter de la hausse des taux.
Ce n'est pas, M. le Président, à un député
de l'Opposition de suggérer des augmentations de taxes. Vous me
permettrez, quand même, de signaler au ministre qu'au cours de finances
publiques que je donne à l'université de Montréal, dans
l'examen que j'ai fait passer à mes étudiants, la semaine
dernière, j'avais une question qui était la suivante: Si vous
étiez ministre des Finances en mars 1969 et qu'il vous faille
accroître les impôts de $100 millions on dit partout qu'il
faut les accroître de $100 millions quels seraient les
impôts que vous augmenteriez et à quel taux?
M. DOZOIS: J'ai passé mon examen cet après-midi.
M. BOURASSA: Je me permettrai, si le ministre m'y autorise, de lui faire
parvenir les meilleures copies d'examen qui m'ont été remises, au
cas où il serait obligé de manquer à sa promesse de ne pas
augmenter les impôts. D'ailleurs, il lui est déjà
arrivé de promettre de ne pas augmenter les impôts et d'être
forcé, par la suite, de le faire.
M. LAVOIE (Laval): II y a cinq étudiants qui ont proposé
de changer de gouvernement
UNE VOIX: Ce sont les plus brillants.
UNE VOIX: Est-ce que le député de Laval pourrait
répéter?
M. LAVOIE (Laval): Il y a cinq étudiants qui ont proposé
de changer de gouvernement.
M. DOZOIS: Ah bon! rien que cinq? Quatre-vingt-quinze ne veulent pas
changer?
M. LAVOIE (Laval): Les cinq premiers de classe.
UNE VOIX: Ce sont les plus brillants.
UNE VOIX: Cinq veulent changer et quatre-vingt-quinze ne veulent pas
changer.
UNE VOIX: Est-ce que c'est à Ottawa?
UNE VOIX: A Montréal.
M. DOZOIS: C'est un bon pourcentage, 5%.
UNE VOIX: A Ottawa, il n'y a rien de surprenant.
M. BOURASSA: M. le Président, il est clair qu'il y a une
saturation des impôts, quand on voit les effets de ces impôts dans
la région de Hull où le commerce et l'économie en sont
sérieusement affectés. Il faut éviter que ce qui existe
actuellement dans les régions limitrophes s'étende de plus en
plus à l'intérieur de la province.
Si on ne peut pas augmenter les impôts, on doit, au moins pour
ceux qu'on vient d'augmenter, le faire avec autant d'équité que
possible. Je voudrais, à l'occasion de cette discussion sur la
fiscalité québécoise, m'élever contre la
façon dont on a augmenté les droits sur les plaques
d'immatriculation il y a quelques semaines.
Alors que j'étais à la commission Bélanger, nous
avions enquêté sur cette question. Le ministre m'a dit,
l'année dernière à l'occasion de la discussion des
crédits sur les finances, qu'une étude fouillée
était faite au ministère des Finances, pour appliquer les
recommandations qui concluaient pour un taux progressif plutôt que pour
une augmentation touchant les propriétaires de voitures modestes. J'ai
été très étonné et très
déçu de constater que l'augmentation qui a été
faite a touché indirectement, il est vrai, parce que la taxe
frappe un bien de consommation davantage les petits contribuables que
les' gros contribuables.
M. le Président, lorsqu'il est obligé d'augmenter les
impôts comme il l'a fait depuis deux ans, lorsqu'il augmente les
impôts de $350 millions, soit autant que toutes les autres provinces
réunies, le gouvernement doit faire des efforts aussi grands et aussi
intenses que possible pour que ces augmentations d'impôt soient
équitables. Or, la dernière qu'il a faite, il y a quelques
semaines, révèle un désintéressement frappant
vis-à-vis de l'équité ou de la justice fiscale. Et
à ce titre, il doit être sérieusement
blâmé.
Il y a évidemment une autre source de reve-
nus qui pourrait quoique là je ne peux avoir tous les
renseignements requis puisque ceci relève de l'administration
à mon sens, rapporter des revenus additionnels au gouvernement, c'est la
lutte contre l'évasion fiscale.
Nous avons déjà suggéré et je l'ai
fait en Chambre des moyens administratifs pour augmenter les pouvoirs du
ministère du Revenu vis-à-vis de l'évasion fiscale. J'ai
constaté, depuis les deux derniers budgets, que le gouvernement avait
effectivement suggéré certains amendements qui
renforçaient les pouvoirs du ministère du Revenu. Je pense que
ces amendements sont insuffisants, qu'il y a encore des lois qui ne permettent
pas, par exemple, ce qu'on appelle dans le milieu juridique, les jugements
expé-ditifs, jugements qui empêchent efficacement la fraude
fiscale pouvant se faire rapidement.
Il n'y a donc aucune raison, encore une fois, lorsqu'on augmente les
impôts à un tel rythme, pour que le gouvernement ne prenne pas
tous les pouvoirs nécessaires pour réduire l'évasion. Je
viens de lui donner un exemple. Je peux également lui donner l'exemple
des pouvoirs d'enquête et de vérification qui pourraient
être renforcés et qui pourraient être au moins égaux
à ceux qui existent ailleurs au Canada, permettant ainsi au
ministère du Revenu et au gouvernement de réduire la fraude et
d'accroître ses rentrées fiscales.
Le ministre des Finances a parlé du rapport Bélanger.
Evidemment, je ne m'attendais pas ce matin à ce discours du budget, ou
à cette première partie du discours du budget du ministre des
Finances.
J'ai donc dû improviser une partie de ma réplique. Mais le
ministre des Finances a dit ce matin qu'il restait très peu de
recommandations du rapport Bélanger à appliquer. Or, j'ai
été étonné de cette affirmation. Pour ma part,
durant l'heure du « lunch », j'ai vérifié les quelque
166 recommandations du rapport Bélanger. Je dois le contredire sur ce
point, parce que j'ai trouvé très peu de recommandations qui
étaient, en fait, appliquées. Evidemment, je sais que certaines
recommandations peuvent être appliquées par arrêté en
conseil. Par exemple, je me demande si les dividendes perçus des
sociétés étrangères sont taxés au
Québec, si l'exemption inadmissible à mon sens qui
existait pour les dividendes des sociétés
étrangères demeure encore.
Il y a toute une série de recommandations que je n'ai pas
l'intention d'énumérer ici, mais qui m'apparaissent valables,
applicables à court terme et aptes à améliorer
l'équité du régime fiscal. Je pense aux crédits
d'impôt, à la taxation des religieux, admise par eux-mêmes,
pour ce qui a trait aux reçus de charité, à toutes les
recommandations touchant aux successions. Il y en a un très grand nombre
qui ont simplement pour but d'humaniser davantage la loi de l'impôt et
non de réduire les rentrées fiscales. Je pense aux
recommandations touchant la machinerie industrielle aux fins d'augmenter ou de
favoriser davantage la productivité de nos entreprises, à toutes
les recommandations de la fiscalité municipale que le ministre avait
déclarées - alors qu'il était dans l'Opposition -
être parmi les meilleures du rapport. J'en ai vu très peu qui sont
appliquées, de même que dans les autres secteurs. Alors, je suis
forcé de contredire le ministre, lorsqu'il dit qu'il en reste
très peu à appliquer. Je pense que cette discussion ou ce sujet
pourra être repris éventuellement, puisque le ministre a fait
mention d'un rapport dont il disposait à cet égard sur le nombre
de recommandations appliquées et celles qui restent à
appliquer.
M. DOZOIS: Le député de Mercier me permettrait-il une
question?
M. BOURASSA: Oui.
M. DOZOIS: Je sais qu'il a parlé du changement de notre loi de
l'impôt sur le revenu, quant aux dividendes. J'ai dit que j'avais un
document qu'il aurait été trop long de passer en revue cet
après-midi, mais je puis lui lire ceci: « Par arrêté
en conseil no 661 du 20 mars 1968 concernant la déduction des dividendes
sur la même base que ce qui est prévu à l'article
correspondant à la loi fédérale. »
M. BOURASSA: Oui.
M. DOZOIS: On a passé cela. Maintenant, il y en a toute une
série comme cela. Je pourrai rencontrer le député de
Mercier. Je pourrais même lui remettre une copie de ce rapport,
éventuellement. Il va constater qu'il y a une foule de choses qui ont
été faites par arrêté en conseil, parce que la loi
nous permettait de le faire. Je dis qu'il y a peu de choses dans les
premières recommandations du rapport Bélanger, qui n'ont pas
été appliquées. Le député de Mercier sera
surpris.
M. BOURASSA: M. le Président, j'ai dû vérifier
rapidement, parce que le ministre est arrivé avec ce problème ce
matin. Cela fait quand même trois ou quatre ans que j'ai terminé
mon travail. Mais, j'en ai vu, par exemple dans la fiscalité municipale,
pour ce qui a trait à l'évaluation, à la définition
de la machinerie indus-
trielle, pour ce qui a trait aux crédits d'impôts, pour ce
qui a trait au niveau des exemptions, j'ai trouvé nombre de
recommandations qui, puisqu'elles exigent des changements législatifs,
ne sont pas encore appliquées.
D'ailleurs, pour ce qui a trait à la fiscalité, comme, de
façon générale, sauf exception, il faut des amendements de
nature législative, je ne vois pas comment on a pu tellement appliquer
ces recommandations par des arrêtés en conseil qui ne nous sont
pas connus. Donc, si nous examinons, comme nous venons de le faire, emprunts,
revenus, concessions fiscales, la limite ou la marge de manoeuvre du
gouvernement est très mince. Il reste les dépenses. Le
gouvernement pourrait-il être plus efficace? Le gouvernement pourrait-il
être plus rationnel dans l'organisation ou la gestion de ses
dépenses? J'ai ici quelques exemples qui parlent par
eux-mêmes.
Nous avons au Québec les coûts de services hospitaliers les
plus élevés du Canada. Ce n'est pas uniquement à cause du
niveau des salaires, mais à cause du fait que nous avons par exemple 30%
de plus de personnel par jour-patient au Québec qu'en Alberta, pour
prendre un exemple, ou que nous avons 15% de plus de personnel par jour-patient
au Québec qu'en Ontario. Ceci se trouve à mettre en relief des
faiblesses administratives. Le ministre des Finances a mentionné
tantôt que le Québec payait des salaires extrêmement ou
relativement élevés par rapport aux autres provinces. Il a
donné des cas concrets assez impressionnants par eux-mêmes.
Mon parti est pour une politique salariale, le chef du parti l'a en
effet énoncée à plusieurs reprises. D'ailleurs,
l'élaboration de cette politique salariale a commencé sous le
gouvernement du chef de l'Opposition. Mais il faut quand même, et
ça, c'est la responsabilité du gouvernement, que le gouvernement
voie à augmenter la productivité de ses employés. C'est la
fonction des syndicats d'obtenir des salaires qui satisfassent leurs membres.
On ne peut les blâmer de demander des salaires tels qu'ils
répondent aux pressions qui leur sont faites, mais c'est la
responsabilité du gouvernement, outre d'établir une politique
salariale, de voir à ce qu'il y ait autant de productivité que
possible chez les employés de l'Etat.
Or, je donne dans le cas des services hospitaliers des exemples qui
démontrent que nous sommes en net recul au Canada sous ce rapport. Pour
donner un exemple bien concret, il est difficile de voir comment nous pouvons
financièrement régler nos problèmes dans le secteur des
services hospitaliers, si, par exemple, ce sont des infirmières
diplômées qui servent le café aux malades. Il y a une
responsabilité directe, certaine, de la part du ministère de la
Santé, de voir à ce que tous ses employés ne soient pas
improductifs ou ne constituent pas une perte de ressources pour l'Etat ou le
ministère de la Santé
Qu'on regarde également, M. le Président, le taux de
croissance. Pourquoi le Québec a-t-il le taux de croissance le plus
élevé de toutes les provinces dans le coût des services
hospitaliers? Qu'on constate ce qui arrive dans l'assistance...
M. GABIAS: Ah oui!
M. BOURASSA: ... sociale. Comment le gouvernement peut-il expliquer que,
même lorsqu'il y avait des baisses de chômage, il y avait
augmentation des paiements de l'assistance-chômage?
M. GABIAS: Augmentation des services.
M. BOURASSA: Comment le gouvernement peut-il expliquer que, même
avec une baisse...
M. GABIAS: Augmentation des services.
M. BOURASSA: ... de chômage, il y avait augmentation des paiements
de l'assistance-chômage? Je parle des paiements de
l'assistance-chômage.
M. GABIAS: C'est l'augmentation des services.
M. BOURASSA: Comment peut-il s'il vous plaît
commentpeut-il expliquer autrement que par une administration inefficace...
M. GABIAS: Ah non! ah non! voyons donc, on est sérieux.
M. BOURASSA: ... M. le Président,...
M. DOZOIS: M. le Président, si le député de Mercier
le permet. S'il veut discuter sur ce ton, je peux lui dire que c'est dû
à la faute de son gouvernement, qui n'a pas mis en place les
mécanismes nécessaires pour contrôler cette effusion des
fonds du gouvernement. Si vous voulez changer de ton, je suis prêt
à changer de ton.
M. LACROIX: Vous n'avez pas été élu en 1966?
M. DOZOIS: Non, mais vous l'avez été pendant six ans, vous
avez tout gâté.
M. LACROIX: Vous l'avez été 16 ans... M. GABIAS: Parlez
donc à votre siège.
M. DOZOIS: Si c'est le ton qu'on veut donner au débat, je suis
prêt à vous suivre n'importe quand.
M. BOURASSA: M. le Président, je répondrai au ministre des
Finances par les chiffres eux-mêmes qu'il a donnés tout à
l'heure.
M. DOZOIS: Oui.
M. BOURASSA: ... il a dit que, depuis deux ans, le nombre des
assistés sociaux avait doublé, alors que, de 1962 à 1967,
il avait également doublé...
M. DOZOIS: Non, c'estfaux, précisément, ç'a
augmenté de $27 millions à$72 millions. Si le
député de Mercier sait compter...
M. BOURASSA: Non, non, je parle du nombre.
M. DOZOIS: ... ça veut dire que ç'a triplé.
M. BOURASSA: Non, mais s'il vous plaît, M. le Président, si
le ministre veut garder son calme...
M. DOZOIS: Oui, je veux le garder.
M. BOURASSA: Je parle du nombre, je ne parle pas du montant.
M. DOZOIS: Oui, je vais le garder. Je vais le garder si vous restez
raisonnable.
M. BOURASSA: Je ne parle pas du montant, je parle du nombre des
assistés sociaux. Est-ce que le ministre a dit 34,000 en 1961 ou
1962?
M. DOZOIS: En 60/61, 27,000; ç'a monté en 61/62. Je vais
les donner année par année. En 61/62, 51,000, là,
ç'a doublé dans un an; 51,000, 52,000, 55,000, 59,000, 65,000,
76,000, 99,000, 121,000.
M. BOURASSA: Donc, si on prend les chiffres mêmes du ministre, on
voit que de 1962 à 1966, il y a eu un peu plus qu'une augmentation du
simple au double. Alors que de 1966 à...
M. DOZOIS: De 1961 à 1965, ça fait plus que le double.
M. BOURASSA: C'est ce que je viens de dire.
M. DOZOIS: Et de 65,000 à 121,000, ça fait un peu moins
que le double.
M. BOURASSA: Oui. Il reste que c'est pour une période de deux
ans.
M. DOZOIS: De trois ans, pardon.
M. BOURASSA: De 1966, nous sommes en 1968.
M. DOZOIS: Cela part de 65,000, 76,000, 99,000, 121,000. Cela fait
quatre chiffres différents.
M. BOURASSA: En quel mois? Décembre 1965?
M. DOZOIS: En 65/66, donc, au 31 mars.
M. BOURASSA: Il reste quand même qu'il y a eu une augmentation
considérable depuis deux ans dans le nombre des assistés sociaux
et qu'il y a une augmentation également extrêmement importante
dans le nombre des montants qui sont affectés à l'assistance
sociale. Or, si l'on considère que durant la grève des postes,
sur les chèques qui ont été envoyés à tous
les assistés sociaux, il y a eu un fort pourcentage de retours,
démontrant par le fait même qu'il y a des sommes extrêmement
importantes sous ce titre, qui ne profitent pas réellement à ceux
qui en ont besoin...
M. GABIAS: Comment, des retours? Non mais qu'est-ce que sont ces
retours?
M. BOURASSA: Je veux signaler au ministre l'importance de prendre toutes
les mesures administratives efficaces pour empêcher des abus comme ceux
que je viens de signaler.
M. GABIAS: Lesquels?
M. DOZOIS: Cela fait plus d'un an qu'Ils sont en train d'installer la
mécanisation des opérations au ministère en question. Si
l'ancien gouvernement avait été prévoyant, ça fait
longtemps qu'il l'aurait installée.
M. BOURASSA: Je ne parle pas au passé. Je parle au
présent. J'admets que nous n'ayons pas nécessairement une
virginité absolue sous le rapport de la gestion des dépenses dans
tous les ministères, mais nous sommes présentement
en décembre 1968, en face d'une impasse financière comme
je pense jamais le Québec n'en a connue, et c'est pour cela qu'il faut
faire d'autant plus d'efforts dans la gestion efficace des dépenses. Or,
je donne des cas, dans le domaine hospitalier, dans le domaine de l'assistance
sociale. Je pourrais en donner également dans l'éducation, au
niveau du personnel de direction dans un grand nombre de commissions scolaires
régionales. Je donne des cas dans ces trois secteurs qui constituent
près des trois quarts des dépenses du gouvernement. Je donne des
cas où, selon les chiffres que je soumets, il y a certainement une
gestion des dépenses au moins douteuse et qui pourrait être
très sérieusement améliorée.
M. GABIAS: Est-ce que le député reconnaît que les
services ont été augmentés? Le nombre de services a
été augmenté.
M. BOURASSA: Je donne...
M. GABIAS: A l'intérieur, par exemple, du service
hospitalier.
M. BOURASSA: Le ministre, malheureusement, ne comprend pas ce que je
dis.
M. GABIAS: C'est donc facile d'insulter son semblable! C'est donc
facile! Lui qu'on voulait reconnaître comme un bon critique
financier.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. GABIAS: On pensait que c'était un bon critique financier.
M. LACROIX: II ne connaît rien dans les chiffres.
M. BOURASSA: Le ministre était absent ou n'écoutait pas.
J'ai simplement fait des comparaisons pour jour/patient entre
différentes provinces et j'ai dit que, dans certains cas, il y avait 30%
de plus de personnel par jour/patient pour les mêmes services.
M. GABIAS: Ah! non, non, non, non!
M. BOURASSA: Voyons! Consultez les études qui ont
été faites là-dessus.
M. GABIAS: Oui...! Qu'il y a deux ans, et les mêmes services
qu'aujourd'hui.
M. MAILLOUX: $1,200,000,000 de plus!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Lorsque l'honorable député de
Mercier aura fini son intervention, je tiens à signaler que tous les
députés auront le privilège d'intervenir.
M. BOURASSA: J'ai donné des exemples. Je pourrais en donner
d'autres.
M. GABIAS: ... exemple hier.
M. BOURASSA: Je pourrais en donner d'autres. Par exemple, dans le cas
où on fait du drainage de façon abusive, nuisant ainsi aux
sources d'approvisionnement des municipalités. Ce manque d'action
concertée entre les différents ministères aboutit, dans le
cas que je vous signale, à des dépenses de la part d'un
ministère pour du drainage qui est fait d'une façon abusive, et
à des dépenses d'un autre ministère pour corriger ce qui a
été fait par le premier. On pourra en discuter à
l'occasion des crédits. Je pourrais signaler également combien,
dans plusieurs cas, le ministère des Travaux publics, en construisant
des ponts, obstrue ou obture des cours d'eau que le ministère des
Richesses naturelles est obligé par la suite de canaliser de nouveau.
Encore là...
M. GABIAS: Donnez donc des exemples.
M. BOURASSA: Encore là, en raison d'un manque...
M. GABIAS: Il y a toujours une limite!
M. BOURASSA: ... de coordination entre les différents
ministères.
M. GABIAS: Ce sont des affirmations gratuites.
M.BOURASSA: Je ne vais pas énumérer tous les exemples qui
pourraient être donnés..»
M. GABIAS: Donnez-en quelques-uns toujours.
M. BOURASSA: ... du gaspillage qui est fait par l'administration
présente. Je pense que ceux que j'ai donnés sont suffisamment
probants.
M. GABIAS: Quelques-uns, quelques-uns.
M. BOURASSA: Je ne parle pas des cas particuliers, mais le ministre des
Finances a admis ce matin qu'il y avait du gaspillage. Je m'étonne que
le député de Trois-Rivières s'oppose au fait que le...
M. DOZOIS: Je pense que la façon dont le député de
Mercier relate les propos que j'ai tenus ce matin peut être
interprétée bien injustement à mon égard. Il dit
que j'ai affirmé qu'il y avait du gaspillage»
M. BOURASSA: Vaguement.
M. DOZOIS: De la façon qu'il le dit. c'est comma si j'avais
affirmé ce matin que j'étais conscient qu'il y avait du
gaspillage, que je connaissais ce gaspillage et que je ne faisais rien pour le
corriger,, C'est l'interprétation qu'on pourrait donner à ses
paroles. J'ai dit que je tenais pour acquis que, dans un organisme aussi
considérable que le nôtre, je serais mal venu de prétendre
qu'il n'y en apas. C'est complètement différent des paroles que
me met dans la bouche le député de Mercier.
M. GABIAS: C'est pour cela qu'on lui demande des exemples. Il n'est pas
capable d'en donner.
M. BOURASSA: Je ne veux pas...
M. DOZOIS: Heureusement que mon fils a fini ses études; il va
vous enseigner... Il ne suit pas vos cours.
M. BOURASSA: II n'a pas subi l'examen, encore?
M. DOZOIS: Oui, il a été admis au Barreau. Il n'a pas
suivi vos cours; vous n'y étiez pas dans ce temps-là.
Heureusement!
M. HOUDE: Cela va manquer à sa formation.
M. GABIAS: Il n'était pas professeur d'université,
toujours?
M. BOURASSA: Je ne veux pas ici en faire une débat contre le
ministre des Finances personnellement. Je blâme l'administration comme
telle; je blâme les différents ministères qui contribuent
à l'acuité des problèmes financiers actuels du
Québec. Mais je pense que j'ai suffisamment prouvé que...
M. GABIAS: Pas un seul exemple!
M. MAILLOUX: Que le député de Trois-Rivières se
présente à la « chefferie » 1
M. HOUDE: Les preuves sont tellement évidentes!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BOURASSA: Je pense que j'ai suffisamment prouvé que c'est
surtout dans les principaux secteurs du gouvernement qu'il y a encore
énormément à faire pour opérer des économies
et que le gaspillage a, dans le cadre actuel, atteint des proportions
inacceptables, inadmissibles et injustifiées.
M. GABIAS: Des affirmations gratuites!
M. MAILLOUX: Ecoutez, écoutez!
M. GABIAS: Prenez donc votre siège.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Sans être professeur de
droit parlementaire, puis-je suggérer aux membres de la Chambre de se
rappeler l'article 285, s'ils veulent passer leurs examens? L'honorable
député de Mercier.
M. BOURASSA: Le ministre des Finances ce matin, a fait l'éloge
des fonctionnaires de son ministère, notamment de ceux du Conseil de la
trésorerie et de ses autres fonctionnaires. Je ne sais pas s'il a
perçu, dans le discours que j'ai prononcé devant la chambre de
commerce, des attaques indirectes contre ses fonctionnaires, mais je voudrais
faire une mise au point là-dessus.
Tout ce que j'ai mentionné, ce sont des faiblesses
administratives. Je n'ai voulu d'aucune façon et d'aucune manière
attaquer ses propres fonctionnaires et surtout attaquer la bonne volonté
dont ils font preuve pour faire face à cette situation.
N'ayant pas été au gouvernement, je ne connais pas leur
compétence; je leur fais confiance, mais je constate des faiblesses
administratives qui ne sont pas dues aux fonctionnaires eux-mêmes, mais,
évidemment, aux mécanismes qui existent présentement.
M. GABIAS: Donnez donc des exemples.
M. BOURASSA: Donc, il faut transformer radicalement la gestion des
dépenses. Il faut faire des analyses de rentabilité, qui ne se
font pas actuellement. Pourquoi ne pourrions-nous pas avoir, par exemple, des
analyses de rentabilité pour les soins à domicile, pour les
services des cliniques externes, de telle sorte qu'on ne serait pas
obligé, chaque année, de mettre « X » dizaines de
millions additionnels, sans savoir si ces services qui sont donnés sont
encore rentables?
En d'autres termes, il faut que le gouvernement mette l'accent sur la
productivité. Des réformes budgétaires ont
été apportées. Je pense notamment aux réformes qu'a
apportées M. McNamara, alors qu'il était secrétaire! la
défense aux Etats-Unis. Il a adopté un plan qu'on peut
résumer en anglais, si vous me le permettez, par P.P.B.S., «
Planning, programming, budgeting system », qui a donné des
résultats très efficaces, puisque M. McNamara a réussi
à réduire le taux de croissance des dépenses d'un
ministère de quelque $80 milliards je crois, dont on connaît
l'importance et dont on connaît les besoins aux Etats-Unis.
D'ailleurs, cette formule est également considérée
actuellement par le gouvernement central et par le gouvernement de l'Ontario.
Elle suppose des analyses de coûts et de bénéfices, de
façon à évaluer constamment les effets des programmes
gouvernementaux. Il est clair que cela entraînerait, sur le plan
administratif, un regroupement des services et des ministères selon des
critères fonctionnels, l'affectation des dépenses plutôt
par programme que par ministère et un contrôle plus rigoureux, et
surtout plus rationnel, du ministère des Finances, d'après des
normes justificatives de productivité.
Or, si nous examinons les différents rapports annuels qui sont
faits, nous ne voyons aucune trace de ces analyses de rentabilité ou de
ces analyses de coûts et de bénéfices. C'est pourquoi on
peut certainement être justifié de condamner l'inaction du
gouvernement actuel vis-à-vis des réformes à apporter
à la gestion de ces dépenses. Il pourrait, par ce moyen, montrer
qu'il a la volonté d'établir une gestion des dépenses plus
efficace. Il faut bien distinguer, quand on parle de réduction des
dépenses. Il ne s'agit pas de réduire des dépenses qui
sont nécessaires et conformes aux besoins des Québécois,
mais il s'agit de les réduire par une administration plus efficace.
M. GABIAS: $200 millions à $2 milliards.
M. BOURASSA: Si nous considérons, pour faire suite justement
à la remarque du ministre des Institutions financières, qu'il y a
vingt ans le budget était de $200 millions et qu'il touchera les $3
milliards au cours du prochain exercice financier, nous ne pouvons que
réclamer avec autant de force que possible, lorsqu'on est rendu avec un
budget de cette nature, que des efforts soient faits et que ces efforts soient
beaucoup plus vigoureux que ceux qu'on nous a énoncés ce matin et
que ceux qui se pratiquent actuellement.
M. le Président, ceci se trouvait à constituer la
première partie de mon exposé. Je veux conclure cette
première partie avant de discuter de la question de Montréal
proprement dite dans la deuxième partie de mon exposé, en raison
du projet de loi qui est devant nous. Mais je veux signaler, en terminant, sur
cette question, qu'il est essentiel d'opérer ces réformes, si
nous voulons inspirer confiance en l'Etat du Québec. Nous sommes, dans
ce parti, pour un rôle aussi efficace et étendu que possible de
l'Etat comme instrument social, économique et politique, en tenant
compte des exigences du contexte nord-américain.
Nous croyons qu'il est nécessaire, si nous voulons inspirer cette
confiance, si nous voulons susciter ce dynamisme de l'Etat du Québec,
que l'Etat, en tout premier lieu, donne l'exemple. Je pense qu'actuellement,
à cette époque précise, le meilleur secteur où il
peut donner un exemple de dynamisme, c'est bien celui de la réforme
administrative ou celui de la gestion de ses dépenses.
Or, on vient de démontrer, je pense, comment, sous ce rapport, il
apparaît singulièrement faible.
Pour ce qui a trait à la ville de Montréal, M. le
Président, il est facile, je crois, de trouver ou de donner plusieurs
raisons qui peuvent justifier, de la part du gouvernement, une attention
spéciale à la situation actuelle de Montréal.
Qu'on considère, en premier lieu, l'importance du déficit.
On prévoit actuellement, pour Montréal, un déficit de
l'ordre de $25 millions à $30 millions. Ceci veut dire un déficit
d'environ 10% du budget. Alors, il ne s'agit évidemment pas d'une somme
minime. L'importance de la somme met elle-même en relief le
sérieux de la situation.
Par ailleurs, si nous examinons le niveau des taxes, à
Montréal, en incluant la taxe d'eau et la taxe d'affaires, en
considérant également que Montréal est imposé
à 86.5%, en moyenne, de la valeur marchande, ce qui veut dire que, dans
certains cas, la valeur estimée peut être supérieure
à la valeur marchande réelle, donc, si nous considérons
tous ces facteurs, je pense que nous sommes justifiés de dire que
Montréal est l'une des villes les plus taxées de la province.
En outre, si nous considérons la région
métropolitaine elle-même, nous constaterons que Montréal,
même si cette ville n'a que 50% de la valeur foncière de la
région métropolitaine, c'est-â-dire l'Ile Jésus,
l'Ile de Montréal et le comté de Chambly, que Montréal,
même s'il a 50% de la valeur foncière, c'est-à-dire $5
milliards, par rapport à $10 milliards, perçoit
65% des revenus. Ceci démontre donc pour la région,
l'effort fiscal de la ville de Montréal.
Troisièmement, si nous examinons le service de la dette de la
ville de Montréal, elle était, au dernier budget, de 16%. Le
service de la dette de la province est d'environ 5%. On doit donc conclure que,
comparativement à un très grand nombre d'autres villes, et
comparativement à la province, Montréal a un fardeau de la dette
qui est sensiblement plus important.
Examinons maintenant la situation sur le plan des emprunts.
Montréal a fait des dépenses, au titre du Métro et de
l'Expo, qui ont été considérables, au cours des
dernières années et sa dette a augmenté en
conséquence.
Pour, quand même, faire voir que Montréal s'est
imposée une discipline financière, on doit signaler qu'elle s'est
abstenue d'avoir recours au marché des emprunts depuis le 1er
février dernier. On peut donc blâmer difficilement l'extravagance
de Montréal, puisqu'elle s'est imposée une discipline
financière aussi serrée.
Examinons maintenant la situation des taxes à Montréal
pour voir jusqu'à quel point elle peuvent être accrues. Au niveau
de la taxe sur les entreprises, vous avez une taxe scolaire de $2.45 et vous
avez une taxe municipale de $1.30. Outre cela, vous avez une surtaxe et
Montréal est la seule ville qui ait cette surtaxe qui frappe les
immeubles qui ont une valeur supérieure à $100,000. C'est une
surtaxe de $0.30 par $100 d'évaluation.
Donc, que ce soit comparativement aux autres villes ou que ce soit dans
la nature même de ses impôts, on constate que Montréal fait
un effort fiscal considérable. IL est important de ne pas forcer
Montréal à accroître ses impôts d'une façon
trop radicale, puisque ceci peut mettre en danger le développement
immobilier de la ville et entraîner un ralentissement économique
dans la construction.
Aussi, que ce soit au niveau des emprunts ou au niveau des taxes, on ne
peut pas dire qu'on peut avoir tellement plus que dans la situation actuelle.
Il reste donc certains expédients que Montréal a
déjà utilisés. On sait que Montréal, depuis sept
ans, je crois, recourt, pour équilibrer son budget, à la vente de
certains immeubles de son actif. Mais, la vertu d'un tel procédé
s'amenuise ou diminue avec le temps, dans la même mesure, clairement,
où les immeubles sont vendus. Ceci a donc un intérêt
décroissant pour la ville de Montréal et, après avoir
utilisé pendant sept ans ce procédé, on ne peut
certainement pas prévoir que la ville de Montréal pourra y
recourir encore pour faire face à sa situation financière. On
peut admettre également qu'agir de la sorte n'est pas une façon
de favoriser une comptabilité orthodoxe.
Si l'on examine maintenant la nature des sources de revenus de
Montréal ou des municipalités, on s'aperçoit que ces
sources de revenus sont parmi celles qui ont le taux de croissance le plus
faible. Ainsi, l'impôt foncier, qui est la principale source de revenus
des municipalités, et notamment de Montréal, a un taux de
croissance ou une élasticité, si vous me permettez cette
expression qui est inférieur au taux de croissance du produit
national brut.
Si, par exemple, le produit national brut augmente de 10%, on admet que
l'impôt foncier augmentera de 9%, alors que les impôts provinciaux
ou les impôts fédéraux, notamment l'impôt sur le
revenu, ont un taux de croissance qui est supérieur à celui du
produit national brut. Si, par exemple, le produit national augmente de 10%,
l'impôt sur le revenu des particuliers ou les rentrées fiscales
provenant de cet impôt pourront augmenter de 14%.
Or, bien que les municipalités ou Montréal aient un taux
de croissance dans leurs dépenses aussi important, aussi exigeant que
les provinces et que le gouvernement fédéral, elles ont des
sources de revenus dont l'élasticité est sensiblement
inférieure à celle des gouvernements supérieurs.
Le ministre des Finances a parlé ce matin de la formule de la
taxe de vente qui avait été adoptée par l'ancien
gouvernement. M. le Président, j'aurai sûrement l'occasion de
développer cette question, mais je veux signaler comment, là
aussi, nous avons du gaspillage en raison des imperfections de la formule qui
se sont révélées avec le temps.
Une période de transition a été établie qui
a permis de plafonner, dans une certaine mesure, ou de réduire les cas
abusifs. Mais, actuellement, maintenant que la période de transition est
terminée, il est clair que, pour un grand nombre de
municipalités, les paiements de taxe de vente mènent au
gaspillage. Le ministre des Finances avait promis, au cours du dernier budget,
de réformer cette formule. Il y a des façons de réformer
cette formule. On peut imposer des plafonds aux taux de croissance; cela existe
dans le cas de la taxe d'affaires où, je pense, un amendement a
été adopté, au cours de cette session, et qui faisait
suite à une recommandation de la commission Bélanger, qui
stipulait que la taxe d'affaires ne devait pas constituer plus de 25% des
revenus des municipalités. Alors, pour empêcher que des sommes
considérables soient ainsi distribuées à des
municipalités, l'ancien premier ministre donnait des exemples à
cet
égard, où des municipalités pouvaient se dispenser
de percevoir des impôts fonciers tout simplement parce qu'elles
recevaient suffisamment, en paiements de la taxe de vente.
Alors, vous avez là des sommes quand on sait que $125
millions sont distribués sous cette forme où vous pouvez
avoir des économies considérables avec une réforme de la
formule de la taxe de vente, une réforme qui est pressante. Si on
retarde trop cette réforme, il sera d'autant plus difficile d'appliquer
des mesures qui réduiront les sommes distribuées, parce que les
municipalités se seront habituées à recevoir ces sommes.
Alors, il faut espérer qu'au prochain budget, nous trouvions des
dispositions qui permettent de corriger cette formule de taxe de vente.
M. GABIAS: Trop d'argent pour les villes. M. BOURASSA: Pardon?
M. GABIAS: Trop d'argent pour les municipalités.
M. BOURASSA: M. le Président, je ne veux blesser ni insulter le
député des Trois-Rivières ou le ministre des Institutions
financières, mais je me demande s'il comprend la raison d'être de
ma proposition.
M. GABIAS: Oui, oui. Vous voulez réduire la taxe de vente, alors,
moins d'argent pour les municipalités, ce n'est pas
compliqué.
M. BOURASSA: M. le Président, en espérant convaincre le
député des Trois-Rivières, j'ai cité l'ancien
premier ministre, M. Johnson, qui disait lui-même je ne sais pas
si le premier ministre l'a fait en présence du député de
Trois-Rivières ou si le député ne s'en souvient plus
qui disait, si ma mémoire est bonne, qu'il était
inadmissible que des municipalités puissent être dispensées
d'imposer des taxes foncières parce qu'elles reçoivent des
sommes, de la taxe de vente, qui dépassent leur budget
précédent. Le député de Trois-Rivières
est-il d'accord avec cela?
M. FRASER: Il n'est pas au courant.
M. BOURASSA: Le député de Trois-Rivières est
subitement silencieux.
M. LACROIX: Il ne s'est pas consulté encore.
M. GABIAS: Non, je ferai valoir mon opi- nion quand ce sera le temps. Je
dis que le député veut dépouiller les municipalités
de revenus et le député change son fusil d'épaule. Que
veut-il, le député, au juste?
M. LESAGE: Il veut la paix.
M. GABIAS: II veut la paix. Ah bon! C'est parce qu'il donne quelquefois
le mauvais exemple. C'est pour cela que nous lui donnons le même
traitement; c'est tout.
M. HOUDE: S'il l'a dit, c'est vrai.
M. BOURASSA: La formule qui a été adoptée il y a
quelques années a valu des augmentations de revenus
considérables.
D'accord, la croissance pour le cas de Montréal a
été à peu près annulée depuis deux ou trois
ans, mais de 1964 à 1966, il y a eu une augmentation de $23 millions
à quelque $32 millions. Cette formule, tout en étant imparfaite,
évidemment, a permis d'éliminer l'évasion
géographique qui se pratiquait et d'apporter au gouvernement et aux
municipalités des revenus additionnels considérables. Mais s'il
faut réformer cette formule, ce n'est pas uniquement à cause du
fait qu'il y a actuellement gaspillage inouï et inacceptable de fonds
publics; c'est aussi parce qu'il y a eu des modifications dans l'administration
ou dans la perception de cet impôt, qui font qu'actuellement,
Montréal en est particulièrement victime.
En effet, il y a eu des changements dans la facturation des entreprises.
Alors qu'auparavant, les entreprises pouvaient facturer leurs services par
exemple à Montréal, elles facturent de plus en plus à
l'échelle de la province. Donc, lorsque les fonctionnaires du
ministère du Revenu ont calculé les rentrées fiscales pour
les différentes municipalités, ils les ont calculées en
fonction des normes qui existaient alors, normes qui ont changé depuis.
Voilà donc deux raisons, M. le Président, qui justifient la
réforme de la formule de la taxe de vente. Considérons en outre
l'importance économique et fiscale de Montréal, puisque seulement
au titre de l'impôt sur les corporations, Montréal perçoit
53% de l'impôt sur le revenu des corporations, 53% de toute la province,
alors qu'elle constitue environ 23% à 24% de la population.
Considérons également l'importance économique comme
telle; pourquoi avons-nous subi, depuis un an, une hausse du chômage
égale à 33%? Nous avons tous constaté ce matin, en lisant
le journal, qu'en novembre 1968, il y avait au Québec 134,000
chômeurs, alors qu'en novembre 1967, il y en avait 101,000. Ceci
équivaut
donc à une augmentation de 33% depuis un an. L'une des raisons
qui peuvent expliquer en partie cette hausse du chômage est la hausse que
Montréal connaît précisément, hausse qui est due au
ralentissement économique dans le domaine de la construction. Quels que
soient les chiffres que nous considérons, quelles que soient les
comparaisons que nous voulons faire entre Montréal et les
municipalités d'égale importance, même de moindre
importance, nous constatons facilement que, depuis quelque temps, il y a un
sérieux ralentissement économique à Montréal.
Pour conclure, M. le Président, je viens de donner là une
dizaine de raisons qui justifient qu'on accorde une attention spéciale
à Montréal, ou qui justifie qu'on considère
Montréal comme une ville pas comme les autres. Comme le disait si bien
ce matin le ministre des Finances, la prospérité de
Montréal profite à toute la province. Et le ralentissement
économique de Montréal, comme je viens de le démontrer
avec quelques chiffres, va également se faire sentir dans toute la
province.
Or, qu'est-ce qu'on propose pour aider Montréal? Quelques
changements administratifs, par exemple, de l'année financière
qui serait raccourcie au 31 mars, au lieu du 30 avril. On propose
également certaines dispositions nouvelles touchant le fonds de pension
des employés, ce que nous aurons l'occasion de discuter en comité
plénier. Mais on peut immédiatement se demander si la formule qui
est proposée dans le projet de loi par le ministre des Finances
c'est mon opinion ne sera pas de nature à nuire très
sérieusement au crédit de la province.
J'ai pour ma part consulté...
M. LESAGE: Au crédit de la ville.
M. BOURASSA: Au crédit de la ville, je m'excuse. J'ai, pour ma
part, consulté certains experts dans ce domaine. Evidemment, il y a un
facteur psychologique important, mais la conclusion très nette que j'en
ai tirée, si l'on tient compte des marchés financiers de
Montréal, Toronto ou de New-York, en discutant de cette question, c'est
que ça peut nuire sérieusement au crédit de la ville de
Montréal. Donc, toutes les mesures proposées dans le projet de
loi n'apportent que des remèdes tout à fait temporaires à
la situation financière de Montréal. Il faut
nécessairement conclure que l'aide du gouvernement à cet
égard est tout à fait décevante.
Je regrette que le ministre des Finances se soit absenté, alors
que nous avions tantôt une discussion. Je voudrais lui signaler, s'il
m'entend, que dans l'exposé que j'ai fait devant la
Chambre de commerce, j'ai donné comme l'une des raisons qui
devaient justifier ou inciter le gouvernement à réformer son
administration et la gestion de ses dépenses, que la situation telle
qu'elle existe actuellement constituait un fardeau presque insupportable pour
ceux qui assument l'autorité et, dans le cas présent,
évidemment, au moment même où on compile les
différents budgets des ministères, particulièrement le
ministre des Finances. Nous sommes conscients de l'acuité des
problèmes.
Nous faisons des suggestions pour réformer la gestion des
dépenses. Nous devons forcément justifier ces suggestions en
donnant des exemples. Que le gouvernement ou que le ministre des Finances
interprète cela comme de la par-tisanerie, c'est son affaire, c'est son
point de vue. Mais c'est notre strict devoir, si nous voulons exercer nos
fonctions, si nous voulons que le gouvernement agisse, si nous voulons que
l'opinion publique réalise le sérieux de la situation, de mettre
ces exemples en relief, sans nier qu'il soit le fait d'un seul gouvernement ou
d'une seule administration, mais de les mettre en relief.
Dans le cas présent, en décembre 1968, pour que des
mesures soient prises, ou qu'on puisse envisager une solution parce que, ce ne
sont pas des choses qui peuvent se faire très rapidement, il faut
commencer d'une façon plus vigoureuse qu'on l'a fait jusqu'à
maintenant, à s'atteler à un problème qui a non seulement
des implications financières pour le Québec, mais qui, s'il
persiste, s'il place le Québec dans une position de dépendance
financière vis-à-vis d'intérêts étrangers
quelle que soit la forme qu'ils prennent, c'est une situation financière
qui risque d'avoir non seulement de sérieuses implications
financières, économiques, sociales, mais également
politiques.
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Je m'excuse, je veux signaler à l'honorable
député un détail qui va peut-être lui paraître
insignifiant mais, comme nous ne sommes pas en comité, je lui
demanderais de parler de son fauteuil.
M. René Lévesque
M. LEVESQUE (Laurier): Ah! oui! vous m'avez
déménagé, mais je ne suis pas encore habitué. Je
m'excuse. Je voudrais dire au début, très simplement, que, comme
tout le monde ici, j'ai beaucoup d'estime personnelle pour le ministre des
Finances et qu'après l'exposé qu'il a fait aujourd'hui, dans la
discussion concernant
la ville de Montréal, cette estime a grandi à cause de la
franchise, et surtout de l'espèce d'angoisse très réelle,
de sincérité qui avait quelque chose de poignant, à
certains moments, et avec lesquelles il a fait le tableau de la situation telle
qu'il la voit. On a eu l'impression qu'il y avait une sorte de soulagement chez
le ministre des Finances, celle d'un homme qui a décidé de dire,
pas tout, parce qu'un ministre des Finances ne peut pas tout dire, mais presque
tout, et surtout de dire certaines choses qui, en général, sont
considérées comme pas « disables ». Il y avait en
particulier certains propos sur le gaspillage que, moi, j'ai trouvé
extrêmement bien calibrés. Cela ne veut pas dire que, si on se
mettait à chercher, on n'en trouverait pas. Il y en a, c'est sûr.
Il y en a toujours eu. Je crois que des efforts sont faits. Moi, je crois
qu'ils sont insuffisants mais je ne connais pas d'endroit dans le monde ou,
actuellement, dans le monde occidental en tout cas, celui qu'on
connaît le mieux ils sont suffisants, en ce moment, pour enrayer
cette espèce d'escalade, galère universelle des appétits,
et cette espèce de difficulté terrible qu'on a à ajuster
des budgets qui ont presque partout non seulement ici souvent
décuplé en moins de vingt ans, d'ajuster cela à des
méthodes de gestion qui, très souvent, sont restées 3. la
mitaine, comme le disait le ministre des Finances.
Je crois que c'est une bonne idée, à ce point de
vue-là. En ce moment, on sait très bien que c'est pour des motifs
stratégiques qu'il a tracé ce portrait éloquent de la
situation. Mais je crois que ce serait une bonne idée de le faire ainsi,
régulièrement, périodiquement, pas seulement une fois
comme c'est l'habitude, une fois statutairement au moment du discours officiel
du budget. Ce serait une bonne idée, peut-être quelques fois par
année, de faire ce genre de tableau brutal, aussi franc que la
discrétion obligatoire de son ministère le lui permet, un tableau
brutal de la situation fiscale et financière du Québec. Parce que
tout le reste, finalement, il ne faut pas dire que l'économie domine
tout encore moins la fiscalité ou les finances seules, mais tout le
reste est quand même relié à cette espèce de moteur
de la vie collective qu'est l'économie. C'est seulement en se situant
par rapport aux possibilités de l'économie, à sa
capacité à financer la réponse aux besoins, aux
appétits ou aux aspirations, qu'on peut vraiment établir des
priorités ou finir par planifier convenablement le développement
d'une société. Le cas de Montréal, qui est l'objet
principal de la discussion en cours, fait partie de ce même tableau.
Montréal se relie de toutes les façons possibles et imaginables,
et ses difficultés, ses problèmes aussi bien que ses
succès, sont reliés à cet ensemble qu'est la vie
économique et dont sort forcément la capacité fiscale ou
la capacité financière par rapport à laquelle le ministre
nous a décrit, avec une éloquence absolument renversante
en tout cas, que j'ai trouvée à peu près sans
précédent les difficultés qu'il traverse et qu'il
doit situer à l'arrière-plan de sa réponse aux demandes de
Montréal.
Je crois que ce tableau a surtout démontré des choses
comme celles-ci: la nécessité absolue de s'imposer des
contraintes dans une société qui veut, à la fois,
réaliser même ses ambitions les plus vastes, mais ne pas chavirer
en cours de route; la nécessité de limiter et de réprimer
impitoyablement le coulage et l'excès des appétits. Cela, ce sera
toujours vrai, mais on est toujours porté à l'oublier. Selon que
l'on présente tel ou tel secteur, on a toujours l'impression que l'on
est la priorité la plus absolue de la société. On est vite
porté, au moment où il y a des pressions qui s'imposent, à
oublier qu'il y a d'autres priorités et que, dans les autres secteurs,
il y a des gens tout aussi convaincus d'être, eux aussi, le centre du
monde.
Je dirais que cette nécessité de contrainte, de calcul
précis et de toujours se rappeler qu'il y a des limites, hélas,
vite atteintes, à la capacité d'ensemble de la
société à faire les frais de l'ensemble des politiques.
C'est particulièrement vrai sous le régime politique actuel.
Quand je dis: le régime politique, je veux dire le régime des
institutions politiques dans lequel nous vivons, aussi bien les institutions
constitutionnelles que fiscales et tout ce qu'on voudra. Le régime dans
lequel nous vivons et je crois qu'on peut tirer cela aussi bien du
discours du ministre des Finances que de certains propos du
député de Mercier en est un ùl des choses aussi
importantes que des priorités pour une société sont
impossibles à fixer sérieusement pour le Québec. C'en est
un qui menace continuellement de paralysie permanente le développement
dont nous avons besoin.
Surtout le ministre des Finances en a donné des exemples
c'est un régime qui entretient, pour ne pas dire qui encourage
quotidiennement, l'Irresponsabilité des dirigeants,
institutionnalisée à deux niveaux, aussi bien au
fédéral qu'au provincial. Quand le ministre des Finances
évoquait, par exemple, les rivalités absolument invraisemblables
dont il n'a pas donné la description, mais on verra ça un
autre jour, dans d'autres débats auxquelles le ministère
des Affaires culturelles peut être obligé de se prêter pour,
si on veut, résister aux empiètements de plus en plus
évidents, après certaines con-
férences du secrétaire d'Etat fédéral,
directeur de Radio-Canada et d'autres instruments culturels d'un autre
gouvernement qui se sert de l'argent des citoyens, aussi bien du Québec
que d'ailleurs, qui payent pour le fédéral ayant des
disponibilités que l'austérité, pour l'instant,
n'empêche pas de faire miroiter, en tout cas pour envahir des
domaines que le Québec ne peut pas se permettre de laisser occuper sans,
à toutes fins pratiques, s'anéantir lui-même. Enfin, le
peuple que nous représentons, nous et tous les autres, parce que nous
sommes tous citoyens du Québec, et qui a son foyer pour employer
l'expression facile que tout le monde admet, parce que cela permet
d'éviter les autres ici, dans le Québec.
Aussi bien, cette lettre de M. Benson représente un régime
d'austérité que le fédéral, unilatéralement,
a décidé de faire payer en grande partie par les provinces.
Entre autres par le Québec. Il n'y a pas eu, je crois, grand
consultations parce que, si j'ai bien compris, le ministre des Finances a
reçu ça comme on reçoit un pavé dans les gencives,
tout à coup de $80 millions à $34 millions. On financera,
nous-mêmes entre temps, mais un engagement du fédéral est
réduit en autant que j'ai bien compris comme si le gouvernement du
Québec, pouvait s'y attendre. Il y avait $80 millions qui devaient venir
pendant la prochaine année financière mais ce sera $34
millions.
Il y aura probablement la récupération au bout de deux
ans, trois ans, quand le fédéral aura décidé qu'il
doit être moins austère, peut-être au moment où il
aura décidé qu'il doit moins prouver aux provinces, dont
particulièrement le Québec, qui est mal pris, parce qu'il les
aura ligotées de nouveau dans quelque accord qui empêchera le
Québec de se développer convenablement et, à ce
moment-là, tout à coup, on sera désaustérisé
à Ottawa mais, en attendant, on est austère pour prouver à
quel point nous sommes mal pris là bas.
Je voudrais tout à l'heure faire quelques évocations d'un
certain comité du régime fiscal qui avait dit tout ça
d'une façon extrêmement éloquente et qui avait dit dans
quelle direction on s'en allait dès 1966 et qui était le
comité du régime fiscal que je connais un peu, d'autant mieux que
ses opérations se sont déroulées en très grande
partie pendant le gouvernement précédent, dont ceux de ce
côté-ci de la Chambre, pour la plupart, ont fait partie.
Alors, ce régime d'irresponsabilité, institutionalise
encore une fois, tel que c'est actuelle ment, à deux niveaux, cet
ensemble fiscal, financier, structurel, politique, dans lequel le Québec
est enserré, est à l'arrière-plan de ce tableau qu'a
détaillé le ministre des Finances et qu'a commenté
à certains moments à sa façon, avec des chiffres que je
n'ai pas à discuter, le député de Mercier. Le
député de Mercier est très fort en chiffres et, à
certains moments, il tire des conclusions. Comme on dit des fois qu'un homme
est un fort en thème. Le député de Mercier est un fort en
chiffres. Il en tire, à l'occasion, des conclusions. Mais, ce sont des
conclusions plutôt passives. Je crois que nous pouvons analyser un peu
les mêmes faits, et je voudrais en apporter quelques-uns dans le
débat parce qu'à l'occasion, on devient un peut «
tannés », c'est normal, de certaines petites phrases qui passent
gentiment; Si le Québec avait la totalité de ses impôts, on
fait certains petits travaux... ça peut être normal sur l'opinion
des autres mais, à un moment donné, il faut faire un ensemble,
proposer des faits qui montrent que les chiffres, il faut les respecter, il
faut respecter les chiffres qui reflètent la réalité, mais
la réalité est faite pour être changée par une
société ou par des hommes qui ont la volonté de ne pas
toujours rester à la même place.
Les chiffres en soi sont un reflet. Ce ne sont pas des entités
qui ont une mobilité ou une personnalité qui fait qu'on doive les
regarder comme des adversaires et même s'abîmer devant eux en
disant: Ce sont des personnages. Les chiffres sont des reflets.
Essentiellement, on peut être prisonnier des chiffres, comme s'ils
étalent des chaînes, ou on peut s'en servir aussi avec un minimum
d'imagination et de volonté, comme s'ils étaient un tremplin,
comme s'ils reflétaient une réalité qu'il faut
changer.
A ce point de vue là, l'ensemble des tableaux qui ont
été tracés aujourd'hui doit, quant à moi,
être commenté en fonction de l'optique que je veux défendre
ici. Au point de vue des villes, ce tableau est essentiellement simple. Je
parle de villes au pluriel, mais je devrais dire à propos de la ville de
Montréal.
En admettant tous les chiffres qui ont été donnés
de part et d'autre, aussi bien ceux du ministre des Finances que ceux du
député de Mercier, à ce point de vue-là, ce qui est
clair, c'est que dramatiquement, au point de vue financier et fiscal,
Montréal, comme grande ville, est en train d'étouffer d'une
façon qu'on voit progressivement s'accentuer, d'ailleurs, depuis
quelques années.
A maintes reprises, ceux qui étaient ici, en cette Chambre,
depuis quelques années, ont entendu les autorités de la ville de
Montréal, en particulier le président du comité
exécutif, ici, aussi bien que sur d'autres tribunes, décrire,
avec une espèce d'éloquence lamentable, les expédients
auxquels il était condamné, littéra-
lement condamné pour administrer sa ville et respecter en
même temps la charte qui fait qu'il n'a pas le droit de se permettre des
déficits.
Cette progression dramatique, progression à l'envers au point de
vue fiscal et financier, c'est-â-dire progression vers des
difficultés toujours plus grandes et qui deviennent littéralement
d'année en année plus insolubles, tous ceux d'entre nous qui sont
de Montréal ou de la région de Montréal, nous l'avons vue
se dessiner avec une inquiétude sans cesse croissante à chacun de
ces comités auxquels nous avons assisté, à chacun de ces
échos que les autorités de la ville de Montréal ont
projetés par toutes les tribunes qui leur étaient disponibles, de
façon à éveiller l'opinion publique et les gouvernements
qui se sont succédé à ce problème que l'on traite
toujours et cette année encore, admettons-le avec des
cataplasmes en se disant: Peut-être que dans deux cas... Mais, pendant ce
temps-là, ça empire et on n'est pas capable de trouver de
solutions permanentes. Pourquoi? Essentiellement, et le tableau du ministre des
Finances, s'il n'apas été fait pour ça, je ne sais pas
pourquoi il a été fait, à propos de ce bill, pourquoi on
n'est jamais capable d'aller plus loin que les cataplasmes?
Pourquoi, par exemple, le premier ministre du Québec du temps, M.
Johnson je ne me souviens pas, c'est il y a deux ou trois ans
promettait, évidemment très sincèrement, que ce sabotage,
littéralement de la partie municipale de l'impôt foncier qui est
fait par l'impôt scolaire... Ce sabotage n'implique pas un blâme
aux autorités scolaires, ils sont tous les deux à la même
mangeoire. Nous savons à quel point les besoins scolaires augmentent
d'une façon qui, dans l'opinion publique, dans les
nécessités les plus fondamentales de notre société,
doit avoir sa réponse. Il reste que, de toute façon, si l'on
tient compte de la progression des budgets respectifs, c'est la ville, dans le
domaine municipal, qui voit littéralement s'émietter sous ses
yeux, d'année en année, cet impôt foncier qui,
naguère encore, était vraiment son empire à peu
près total.
Alors, quand M. Johnson promettait cela, il disait: « Si possible,
je crois, l'an prochain... etc., on mettra en vigueur un système, on va
l'étudier entretemps, qui permettrait à la province de se
substituer aux contribuables fonciers pour le financement actuellement
assuré par les commissions scolaires, dans le cas de Montréal
comme ailleurs. » Ce serait une des façons, un peu plus
permanentes, de donner un « respir » si on me permet
l'expression au budget des municipalités. Mais, quand
Montréal vient dire cela à Québec où se trouve le
dernier mot, comme disent les Américains: « The buck stops here
», pour Montréal, aussitôt, Québec est obligé
de se retourner et de dire: Si je veux avoir les moyens, il faut que j'aille
à Ottawa, parce que: « The buck stops there » et pas ici. M.
le Président, il est six heures.
M. LE PRESIDENT: Je m'excuse d'interrompre l'honorable
député de Laurier, il est six heures et la Chambre...
M. LESAGE: J'ai eu une entente avec le leader du gouvernement en
Chambre, à l'effet que nous siégeons à huit heures et
quart.
M. LE PRESIDENT: ... suspend ses travaux jusqu'à huit heures et
quart ce soir.
Reprise de la séance à 20 h 17
M. LEBEL (président): A l'ordre, messieurs! L'honorable
député de Laurier.
M. LEVESQUE (Laurier): Alors, je disais donc, M. le Président,
avant la suspension de la séance, en parlant de ces difficultés
quasi inextricables, en fait, on peut dire cette véritable impasse
budgétaire, où se trouva Montréal et que reflète le
bill 295, je disais que la métropole vient nous voir parce que,
forcément, c'est elle qui se trouve à gémir, par la voix
du gouvernement, dans ce projet de loi. La métropole vient nous voir
dans la même attitude, en pratique, en tout cas, vis-â-vis de
Québec, c'est-à-dire que, pour elle, comme je le disais, à
l'américaine, « the buck stops here », dans la même
attitude où le Québec se trouve en pratique vis-à-vis
d'Ottawa. La différence, c'est que, évidemment, là, c'est
« the buck stops there » parce que c'est un résumé du
discours du ministre des Finances. Excepté qu'il y a tout de même
une différence énorme, une véritable différence de
nature, entre les deux situations. Je voudrais bien le souligner assez pour que
ce soit clair, la façon dont je le vois dans mon esprit.
Vis-à-vis de Québec, Montréal est dans une situation
politiquement normale. Ce sont les chiffres qui rendent cette situation
dramatiquement anormale, au point de vue financier.
Quand je dis que c'est une situation anormale, je veux dire que c'est la
situation de n'importe quelle grande ville, devant l'Etat dont cette grande
ville est une émanation. En fait, c'est la situation d'une
créature, cela peut être une créature puissante, on sait
que c'est le cas de Montréal, qui est grouillante, qui peut même
être redoutable à l'occasion, mais c'est quand même une
créature et, à moins de se dénaturer, cette
créature reconnaît toujours qu'en dernière analyse, elle
est et qu'elle doit demeurer sous la dépendance de son Etat.
Mais tel n'est pas, du moins si je comprends bien le bon sens le plus
élémentaire, au point de vue politique et culturel, et aussi
bien, je crois, le bon sens fiscal et économique, tel n'est pas, et, le
plus tôt possible, tel ne devrait plus être le cas du Québec
par rapport à Ottawa. Même si, en pratique, « the buck stops
there » - hélas, c'est le cas, en ce moment. Le ministre des
Finances nous en a fait la démonstration. Cela ne doit pas être le
cas, parce que le Québec, c'est-à-dire la société
québécoise, c'est-à-dire, majoritairement, ce peuple ou
cette nation, qu'on emploie le mot qu'on voudra, qui ne sera jamais chez lui ou
chez elle, nulle part ailleurs que dans le Québec.
Ce Quêbec-là n'est pas et n'a jamais été une
créature ou une émanation d'Ottawa. Une doit jamais devenir une
dépendance des princes qui nous gouvernent de loin, à Ottawa.
Même s'ils sont portés à l'oublier, comme tous ceux,
d'ailleurs, qui détiennent un pouvoir, c'est eux, les hommes du
régime fédéral, qui, en dernière analyse, sont une
créature d'ailleurs, une créature qui ressemble de plus en
plus à une espèce de Frankenstein que se sont
fabriquée, jadis, sans trop consulter la population, les dirigeants
québécois, ontariens et maritimes, à une époque
tellement lointaine, à cause des bouleversements du siècle qui a
passé, qu'on croirait presque que c'est de la préhistoire.
C'est bien beau la théorie, mais, en pratique, c'est bien une
dépendance que nous a à peu près décrite le
ministre des Finances. S'ils étaient francs, eh bien! c'est vraiment une
créature que les gens d'Ottawa aimeraient faire du Québec, comme
d'ailleurs, aussi des autres provinces. Mais, pour toutes les raisons que nous
connaissons, ce qui, pour les autres, ne serait qu'un changement politique ou
administratif ou les deux, pour le Québec, ce serait lafin.La
réponse négative que le Québec se voit forcé, sauf
erreur, de faire aux demandes d'une grande ville comme Montréal, qui est
aux abois; les cataplasmes et nous en sommes tous conscients
qu'on doit substituer par le bill 295 aux véritables solutions, tout
ça nous indique que cette dépendance pratique après
quoi, s'il fallait que ça s'éternise, on tomberait dans la
dépendance politique, psychologique et culturelle fatalement est
déjà très avancée pour le Québec par rapport
à Ottawa.
Ce qui est frappant, c'est qu'on l'a voulue cette dépendance, au
niveau fédéral. On a sciemment on pourrait même dire
scientifiquement causé et laissé s'accentuer cette marche
vers l'impasse où Montréal trouve Québec au fond du
même cul-de-sac. Ce travail de sape, à toutes fins pratiques, on
le fait encore et sans arrêt, autant par des pressions incessantes sur
tous les fronts une semaine, c'est la culture; la semaine suivante,
c'est les eaux côtières et les droits miniers sous-marins; la
semaine d'après, ce sera le « pavé » de M. Benson en
quatre pages que par cet exercice permanent d'une espèce de droit
léonin qui se révèle surtout en permanence dans
l'arrogance.
J'emploie le terme propre du premier ministre actuel du Québec,
avec laquelle on poursuit sans cesse en lâchant un pouce, mais uniquement
avec l'espoir de reprendre un pied à la première occasion. On
poursuit sans cesse l'occupation du domaine fiscal en sachant très bien
aussi que celui qui tient la fiscalité tient le pouvoir et, finalement,
contrôle en
réalité la vie même d'une société. Et
tout cela pendant que le Québec est forcé visiblement de ralentir
de plus en plus que cela fait mal et que cela contribue encore à lui
rendre la vie plus difficile. On sait pertinemment, depuis 1966,
c'est-à-dire depuis les études du comité du régime
fiscal, où des experts de tous les niveaux de gouvernement ont
siégé, y compris ceux du Québec et ceux d'Ottawa,
après des années d'études intensives et de projections que
tout le monde admettait, on sait depuis le rapport du comité du
régime fiscal de 1966 qu'inéluctablement, le régime actuel
et la tendance qu'il a prise conduiront les provinces, et derrière elles
leurs villes, à des difficultés insurmontables. C'était
écrit dans ces chiffres et ces projections, à moins qu'on ait
accepté de changer fondamentalement la tendance du régime.
Evidemment, devant le dramatique des chiffres et des tableaux de 1966,
on a lâché un peu de lest à l'automne de la même
année. On en a lâché le moins possible. On l'a
lâché le plus tardivement possible. On l'a lâché
après que, littéralement, le ministre fédéral des
Finances du temps ait été forcé, par des pressions venant
de tous les côtés, de déposer les chiffres du comité
du régime fiscal, qu'il voulait garder secrets, si ma mémoire est
bonne. On a lâché du lest, mais aussitôt, on s'est
empressé aussi de multiplier les programmes fédéraux, de
nouveaux ministères fédéraux et surtout de continuer la
noyade des priorités véritables dans la joyeuse et coûteuse
débandade de gouvernements minoritaires de plus en plus irresponsables,
pendant tout le temps qui a passé depuis.
Cet automne, encore une fois, on a claqué la porte. A toutes fins
pratiques, on s'est fait dire, du côté québécois, si
j'ai bien lu les comptes rendus: Vous en voulez, de l'argent? Eh bien! si vous
en voulez, faites comme nous, allez vous en chercher. Faire comme eux, cela
voudrait dire on ne le dit pas pratiquer plus ou moins « le
tien, c'est le mien » pendant des années. Il faudrait aussi
pouvoir exercer à Québec les pouvoirs léonins que s'est
donnés le gouvernement fédéral pour arriver là
où on en est. C'est alors que le Québec se retourne vers
Montréal, comme vers tant d'autres secteurs qui attendent et qu'a
évoqués le ministre des Finances pour leur dire: Vous attendez
des solutions au lieu de cataplasmes depuis des années
déjà dans bien des cas.
Vous attendez devant des priorités qui empoisonnent
littéralement dans l'impuissance le développement du
Québec, mais attendez encore parce qu'on va retourner à Ottawa
parce qu'entretemps il n'y a pour le Québec - et le ministre des
Finances en a fait des démonstrations assez dramatiques entretemps - il
n'y a pour le Québec dans l'Etat où il se trouve que ses actuels
pouvoirs de taxation et d'emprunt.
Or, dans le contexte actuel les uns aussi bien que les autres ont bien
l'air d'être étirés à peu près au maximum,,
Du côté des emprunts le ministre des Finances nous dit que les
$240 millions de prévision sont déjà rendus à $299
millions pour l'année courante et il nous dit en plus que, s'il peut
aller en chercher davantage à des conditions qui ne soient pas
complètement catastrophiques, vu que l'augmentation des revenus par
rapport aux prévisions est relativement très modeste comme il
nous l'a dit par ailleurs, il y a à boucher les trous qui s'ouvrent
à cause de l'augmentation du chômage et forcément de
l'assistance sociale, comme on le verra dans le budget supplémentaire
qu'il nous a annoncé, et s'il en reste encore et s'il y en a encore de
disponible, vu l'état squelettique du fonds de roulement du
gouvernement, qu'il le mettrait plutôt là, s'il peut en trouver,
parce que l'état squelettique de ce fonds de roulement fait souffrir
régulièrement des créanciers aussi peu capables d'attendre
indéfiniment que nos commissions scolaires et que leurs enseignants, par
exemple.
Du côté de la taxation, il me semble que ce n'est pas tout
à fait vrai de dire et on le sait très bien il faut
le dire mais ce n'est pas tout à fait vrai et je ne sais pas pourquoi il
faut le dire, d'ailleurs qu'on ne peut plus taxer la population. On sait
très bien qu'il y a toujours dans quelque coin ou quelque paroi du
citron que représente le contribuable, encore toujours, quand c'est
absolument nécessaire, du jus à aller chercher. S'il le faut, je
suis bien sur qu'on le fera. Mais ce qui est'in-discutable je crois que
le ministre des Finances sera peut-être d'accord là-dessus de
même que les critiques de l'Opposition et ce qui serait proprement
scandaleux, c'est de ne pas tenir compte de ce qu'a confirmé
indirectement le ministre d'Etat à la Fonction publique quand il a dit
que le coût général des services dans le Québec est
plus élevé que n'importe ou ailleurs, ou en tout cas que dans le
reste du pays, ce qui est une confirmation indirecte parce qu'on paye notre
part par ailleurs et toute notre part des dépenses
fédérales, ce qui est une confirmation indirecte de ce que tout
le monde sait, c'est que le citoyen actuellement le plus taxé du Canada,
c'est le Québécois, c'est-à-dire la réponse
à la question que formulait le député de Bonaventure.
Donc, je crois tout à fait juste de dire qu'il est impossible de
hausser les taxes, mais il serait juste de dire que ce serait effarant
d'in-
justice dans le contexte canadien actuel de taxer encore
substantiellement ce citoyen qui n'est pas le plus riche mais qui est
déjà le plus surchargé de tout le pays. Et tout cet
étouffement fiscal et financier, cet étouffement qui progresse
bêtement depuis quelques années comme celui d'un homme qu'on
serait en train de pendre avec un tourniquet, avec un tour de plus à
chaque année qui passe. Cet étouffe ment découle d'abord
et avant tout du régime même dans lequel le Québec se
débat, du régime lui-même et non pas des abus visibles
qu'on en fait et dont certains ont été décrits par le
ministre des Finances, sans compter les abus invisibles qu'on ne voit pas parce
que ces abus, ces gestes et ces pratiques dominateurs ou arrogants pour
reprendre les termes du premier ministre du Québec sont dans les
structures mêmes des institutions et de « l'establishment »,
pour employer l'expression courante, qui y est incrusté depuis des
générations, avec la tentation permanente, à laquelle on
cède à chaque fois qu'on en a l'occasion, d'abuser.
Moi, je veux bien écouter avec respect des gens comme le ministre
des Finances, quand ils sont sincères je sais que le ministre
l'est, lui qui nous disent des choses comme celles-ci: Que le
fédéral se mêle donc de sa juridiction. Qu'il respecte donc
le pacte que nous avons conclu. Qu'il nous laisse nos priorités. Qu'il
se mêle de ses affaires et qu'il nous remette notre argent pour nos
priorités à nous. Qu'il se contente de dépenser à
des fins fédérales. Je veux bien croire très
sincères et je crois que le ministre des Finances l'est
ceux qui nous disent: Nous croyons à la Confédération, et
non seulement nous y croyons, mais nous faisons appel au fédéral
et à tous ceux qui croiraient sainement à la
Confédération pour réparer ces dégâts qu'on
nous a si longuement décrits.
Je veux dire simplement, en profitant de la même liberté
que la présidence a accordée à ceux qui ont parlé
du régime avant moi, que moi, je n'y crois pas. Contrairement à
ceux qui, comme le député de Mercier, par exemple, sans doute
sincèrement eux aussi, mais avec une passivité qui, à mon
avis, finit par être déprimante, contrairement à ceux qui
tiennent à nous enfermer dans un chiffrage savant, un chiffrage qui,
naturellement, est établi en fonction de leurs options, je ne crois pas
du tout que les difficultés présentes exigent d'attendre
aujourd'hui puis demain, puis indéfiniment, parce qu'il y aura toujours
des difficultés. Je refuse d'accepter qu'on ne voie dans nos
difficultés que le chiffrage qui mène à une sorte de
résignation, ou encore et ce n'est pas mieux à une
version contemporaine, si vous voulez, de ces vieux appels à la longue
préparation du Canadien français et à la promotion
patiente et très polie, en s'excusant presque d'être chez lui, du
brave petit castor québécois et francophone qui ronge avec
ferveur le pied des arbres que les autres emportent et monnaient trop
souvent.
M. LAFRANCE: Le bill de la ville de Montréal...
DES VOIX: A l'ordre!
M. LAFRANCE: M. le Président, je soulève un point
d'ordre.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de
Richmond, sur un point d'ordre.
M. LAFRANCE: M. le Président, je pense que le
député est en train de se faire une plateforme électorale
de ce bill qui est très important. Je pense qu'il y a des limites
à la tolérance en cette Chambre.
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, sur le point d'ordre,
a-t-on encore le droit de parole en cette Chambre, permettant de
répondre, dans les limites que vous avez vous-même permises,
à un débat? Le ministre des Finances a fait appel à ceux
qui croient à la Confédération. Le député de
Mercier et je ne crois pas qu'il ait été interrompu
a parlé du fait que la totalité de ces impôts entre les
mains du Québec ne changerait pas la situation. Ce qui était une
façon de commenter, sur la lancée du ministre des Finances,
toutes ces difficultés qui font l'objet de ce débat.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: M. le Président, je voudrais dire un mot. Je pense
que l'honorable député de Richmond a parfaitement raison. Je n'ai
pas eu aujourd'hui l'occasion d'entendre tous les autres discours, mais j'ai
bien pris la précaution d'entendre l'honorable député
durant le quart d'heure qui vient de s'écouler, pour voir s'il nous
parlerait de Montréal un peu. Je pense que...
UNS VOIX: Le comté de Laurier.
M. BELLEMARE: ... tout son discours est fait sur une autre trajectoire
qui n'est pas...
M. LEVESQUE (Laurier): Si le ministre me permet, il n'était pas
ici.
M. BELLEMARE: Je comprends.
M. LEVESQUE (Laurier): Le député de Mercier a parlé
deux heures non pas de Montréal, mais de l'ensemble
québécois canadien.
M. BELLEMARE: Ecoutez bien, là. M. le Président, nos
travaux en profiteraient énormément plus, puisqu'il est question
d'une grande métropole, qu'il est question d'impératifs bien
définis, s'il y avait moyen que l'honorable député, au
lieu de faire le discours de la Saint-Jean-Baptiste qu'il nous fait là,
c'est sûr et certain...
Je crois que, si c'est pour épater la galerie... Je voudrais
simplement terminer, M. le Président, si vous me le permettez. Je vous
vois debout, et ça me gêne de continuer de parler. Je vous
remercie d'avoir été patient. Je sais que vous serez indulgent
pour le député de Champlain, mais que vous ne serez pas
sévère pour le député de Laurier. Vous lui
demanderez, cependant, de revenir au règlement pour que nous puissions
continuer nos travaux. Qu'il cesse donc de parler pour la galerie. Il vient si
peu souvent en Chambre!
M. LE PRESIDENT: Je vais tenter d'être le plus large possible pour
tout le monde, mais en rappelant que l'honorable ministre du Travail, s'il
avait été en Chambre, aurait sûrement changé un peu
son intervention sur le point d'ordre, pour les raisons suivantes.
Ce matin, lorsque le débat s'est engagé sur le bill
actuellement à l'étude, l'honorable ministre des Finances a
prévenu la Chambre que le débat serait quelque peu élargi
pour aborder toute la question de la politique financière du
gouvernement. Son expression a été même que ça
ressemblerait presque à un discours du budget.
A ce moment-là, je ne vous cache pas que j'ai eu de
inquiétudes et des scrupules, mais j'ai étudié
sérieusement l'article 556, qui est un article de base pour le
débat de deuxième lecture, et je me suis convaincu
honnêtement que l'à-propos du bill pouvait justifier une
étude approfondie de la question financière et économique.
La question financière et économique tout le monde en
conviendra peut être quelque peu modifiée par les questions
de politique fédérale-provinciale ou les questions
constitutionnelles.
Dans cette optique, j'ai accordé le même droit de parole
à l'honorable député de Mercier, en me servant de la
même mesure. Je l'ai fait, à ce moment-là, avec le
consentement de la Chambre qui a fini, en plus de ça, de m'enlever tout
scrupule, parce que, ce matin, il y avait en Chambre plusieurs
députés et ils ont laissé l'honorable mi- nistre des
Finances et l'honorable député de Mercier opiner très
largement dans ce sens.
Pour ces raisons, je dois maintenant permettre à l'honorable
député de Laurier de continuer son intervention, dans le temps
qui lui est alloué.
M. LEVESQUE (Laurier): Et que je n'épuiserai pas, d'ailleurs, M.
le Président. Si on me permet de finir, sur la lancée qui a
été ouverte par d'autres, ce qui est peut-être un discours
de la Saint-Jean-Baptiste, mais que j'essaie d'étoffer de façon
moderne, mieux que certains discours du 1er juillet.
M. BELLEMARE: Le 1er juillet?
M. LEVESQUE (Laurier): Ce n'est pas encore le jour de la
Confédération?
M. BELLEMARE: Où cela va-t-il vous mener?
M. LEVESQUE (Laurier): Peut-être bien plus loin que vous ne l'avez
jamais imaginé.
M. BELLEMARE: Bien, je vais vous faire une petite gageure.
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, est-ce que je pourrais
demander la permission...
M. BELLEMARE: Oui, oui. Ce n'est pas moi, M. le Président, c'est
lui qui me provoque»
M. LE PRESIDENT: Pourvu qu'on ne me demande pas d'être le
dépositaire des petites gageures, je demanderais à l'honorable
député de Laurier de bien vouloir continuer son intervention.
M. LEVESQUE (Laurier): On va vous passer nos dépôts.
Alors, si on veut me laisser profiter du temps qui me reste, je suis
sûr que le député de Champlain, maintenant qu'il
connaît les faits, avec l'équité qu'on lui reconnaît
tous à l'occasion, ne m'interrompra plus.
Maintenant, je voudrais simplement sans en faire une question...
M. BELLEMARE: A part ça, ça va bien?
M. LEVESQUE (Laurier): Je voudrais simplement, sans en faire une
question de privilège, relever cette remarque que même un nouveau
député libéral s'est permis de faire à la radio ou
à la télévision l'autre jour, à propos de mes
présences en Chambre. Je la relève aussi simple-
ment que ceci, M. le Président. Etant seul ici de mon
espèce qu'on la conteste tant qu'on voudra je demanderais,
ce soir, comme à d'autres séances, aux deux formations qui sont
ici de comparer leur moyenne à la nôtre, au point de vue de leur
présence.
M. LAFRANCE : Au moins, on a un mandat, nous! Il n'a pas de mandat, le
député de Laurier. Il a été élu avec le
programme libéral, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. LAFRANCE : S'il est si honnête que
ça, qu'il se fasse élire.
M. LEVESQUE (Laurier): C'est même moi qui en ai fait une partie de
la rédaction.
M. LE PRESIDENT; A l'ordre! Quant à moi, j'ai un mandat assez
clair, c'est d'essayer de faire respecter le règlement, et je voudrais
bien qu'on en revienne strictement au bill de la ville de Montréal.
M. LEVESQUE (Laurier): Alors, M. le Président, je ne sais pas
comment je vais récupérer, parce que le temps passe et que je
l'ai perdu au détour d'une phrase.
Donc, ce brave petit castor québécois qui, dans l'optique
du député de Mercier et de quelques autres, une optique de
passivité ou d'activité supertempérée, si l'on
veut, comme le clavecin de la musique, risque de finir sa digue
québécoise bien après que les flots de l'évolution
et des problèmes l'auront emportée. Par exemple, on se sert des
chiffres de la péréquation et on les arrondit confortablement. Je
crois que le député de Mercier a donné $400 millions de
péréquation générale et spéciale cet
après-midi. Autant que je sache, le chiffre courant est de $350 millions
au maximum. Je comprends que cela arrondit les chiffres; en plus, on s'en
sert...
M. BOURASSA: M. le Président, si ma mémoire est bonne,
c'est $374 millions. Je ne sais pas si le ministre des Finances pourait
confirmer. J'ai dit près de $400 millions.
M. LEVESQUE (Laurier): Disons que le chiffre de $350 millions est celui
qu'on m'a fourni; $374 millions, c'est peut-être celui du
député de Mercier. Cela prouve à quel point on peut
travailler les chiffres. De toute façon, cela finit par faire un beau
$400 millions tout rond.
M. LACROIX: Deux et deux, cela fait bien quatre.
M. LEVESQUE (Laurier): Alors, ces chiffres de la
péréquation qu'on s'en serve, par exemple. Evidemment, on invoque
en même temps le rendement inférieur des impôts du
Québec, parce que c'est ce que cela reflète en regard des
impôts de l'Ontario. Qu'on se serve de ce chiffre, pour dire ensuite, de
façon absolue, si vous voulez, avec une voix d'autorité, que si
le Québec avait en main la totalité de ses impôts, il ne
serait pas en meilleure posture qu'il ne l'est aujourd'hui, c'est mon droit de
dire que cette affirmation est fausse. Il s'agit là d'un argument
d'autorité, d'un argument que je qualifierais de gentiment professoral.
Il vaudrait peut-être l'a-t-on remarqué, cela crève
les yeux tout aussi bien et même bien davantage pour le Canada,
face aux Etats-Unis, puisque le rendement général des
Impôts canadiens sauf erreur est terriblement
inférieur à celui des Etats-Unis.
Alors, qu'attend-il, le Canada, pour cesser d'exister comme
entité distincte? Je dis donc simplement, d'abord qu'il y a des raisons,
et que la seule raison est la raison des chiffres, surtout passifs, qui est une
raison pas mal piteuse, quand on s'y emprisonne comme dans un carcan. Il y a
des raisons que cette raison des chiffres ne suffit pas à expliquer, et
je voudrais en dire davantage. Tout aussi sincèrement que d'autres
croient le contraire, je crois que le Québec se tirerait des
difficultés, entre autres celles qu'a décrites le ministre des
Finances. Il pourrait, s'il le veut, s'en tirer infiniment mieux, s'il avait
justement en main la totalité de ses impôts, et les instruments et
les pouvoirs qui vont avec. En m'ins-pirant des rapports de M. Benson, car il
faut s'inspirer, ces statistiques-là n'existent pas, on s'arrange pour
qu'elles n'existent pas, en m'inspirant, dis-je, des rapports de M. Benson,
dans l'exposé budgétaire des revenus courants de toutes sources
du pays, au niveau fédéral, on arrive à une participation
québécoise courante de toutes sources, sauf erreur, en appliquant
la règle, qui, je crois, est une règle acceptée, du 25%
québécois de participation à ces revenus. On arrive
à une participation québécoise de $3,030,000,000. Je dis
simplement ce n'est pas mon opinion à moi seul.
M. BOURASSA: Je suppose que le député de Laurier comprend
les contributions aux différentes caisses dans ces $3 milliards?
M. LEVESQUE (Laurier): C'est cela. J'ai bien dit: Revenus de toutes
sources, couramment, de toutes sources de revenus qui s'établissent, je
crois, à $12,120,000,000 ou quel-
que chose comme cela. Je dis, ce n'est pas mon opinion à moi
seul. C'est aussi celle d'experts, d'économistes, parmi les mieux
renseignés et les moins partisans qui soient au Québec. Leur
loyauté parce que, souvent, ils travaillent pour l'Etat à
divers niveaux, et pas seulement celui-ci les empêche souvent de
se nommer. Mais leur loyauté ne leur interdit pas d'avoir des
opinions.
Donc, c'est leur opinion à eux aussi, à certains et
même à un bon nombre d'entre eux, que la
récupération totale de ces ressources fiscales,
c'est-à-dire un vrai 100-100-100 et puis 100 et 100 encore, est la seule
chose qui permettra jamais au Québec de sortir de l'impasse permanente
qui s'accentue continuellement, comme l'a décrite le ministre des
Finances, et de permettre au Québec de se développer normalement.
Seule cette récupération totale, ou alors, qu'on indique au
ministère des Finances ou ailleurs comment et en quelle année
ça se fera autrement.
Seule cette récupération fiscale permettra que cessent ces
doublages baroques et épuisants que sont par exemple les écoles
brusquement bloquées par monsieur Benson, mais en même temps pour
des raisons de prestige ou pour contrecarrer le Québec, qu'on galope
à toute vitesse sur les satellites, galopades bien connues et souvent
erratiques de M. Kierans et qu'on procède en même temps,
tardivement mais fébrilement, à l'aménagement de la tour
de Radio-Canada, tant mieux pour l'Est de Montréal, si ça peut
être vrai à moins que ces messieurs à Ottawa ne
cessent d'avoir peur ou interrompent une fois de plus les travaux de
toute façon qu'on paye ainsi pour la tour et pour les satellites et pour
Radio-Canada.
En même temps et de plus en plus il faudra continuer à
payer si on ne veut pas s'abfmer dans l'inexistence culturelle, dans le domaine
des grands moyens de communication pour Radio-Canada, qu'on construit
parallèlement et qu'il faudra sûrement loger de plus en plus
convenablement, n'est-ce pas. Bon, c'est un exemple seulement parmi les plus
courants de ce doublage qui fatalement s'accélère à mesure
que se poursuit la modernisation, cette véritable renaissance à
laquelle le Québec n'a pas le droit de renoncer, qui est à peine
amorcée.
Parce que c'est elle, cette modernisation, qui amène ces efforts
gigantesques qu'on fait et qui amène en même temps pour des
raisons de tous genres, prestige, rivalité, élections qui s'en
viennent, élections qui viennent de passer, qui amènent ce
doublage continuel entre Québec et Ottawa et toutes ces histoires de fou
qui de l'Est de Montréal jusqu'au Gabon quand ce n'est pas
jusqu'à Niainey, et là il va falloir chercher sur la carte pour
savoir où est-ce que c'est celui-là. Et de la main-d'oeuvre
jusqu'à l'immigration et si on veut se détendre un peu de la
réception de M. Paul Beaulieu à Paris ces jours-ci jusqu'à
celle de M. Bertrand le mois prochain au même endroit.
Partout, on multiplie dans tous les secteurs l'émiettement des
ressources et plus encore des énergies dont le Québec a tellement
besolr dans la récupération totale et non pas grapillée
miette par miette de la fiscalité, à moins qu'on m'indique en
quelle année et par quelle manoeuvre magique on y arrivera
autrement.
Comment cessera cet exercice polyvalent, cet exercice fourré
partout du droit léonin que s'est donné le gouvernement
fédéral et qui illustre par exemple le règlement,
élégamment face à claque, que le premier ministre Trudeau
a proposé au Québec à propos des droits miniers
sous-marins tout récemment: Ma cour Suprême m'a tout donné,
mais si vous acceptez vite et que vous ne faites pas de problème et que
ce n'est pas trop tard, je vous ferai quand même cadeau de la
moitié des revenus, et parce que, autrement, en plus on se marcherait
sur les pieds jusque dans l'embouchure des rivières et dans la moindre
petite île côtière, bien je vous céderai même
gentiment 10% du territoire, si un jour que ce soit dans la baie d'Hudson ou
ailleurs comme ça vient d'arriver en Alaska et les compagnies
fouillent depuis des années dans les territoires nordiques si un
jour avant longtemps on trouve du pétrole que ce soit au bout de la
Gaspésie ou le ministre d'Etat à la Justice le ministre
intérimaire de la Justice s'en souvient, on est Gas-pésien tous
les deux on en parlait même quand on était petits gars, de
la possibilité du pétrole, puis maintenant on fouille puis on
cherche dans tous les coins puis il y a des promesses qui avec les moyens
techniques d'aujourd'hui sont plus que lointaines. Puis c'est la même
chose jusque dans les zones nordiques. Si un jour on trouve du pétrole
avec cette formule de fou, on aura peut-être 50% des revenus après
s'être déchirés parce qu'il n'y a pas de formule de
répartition. C'est un jungle au point de vue de la répartition et
ça fait partie des ressources fiscales plus que possible du
Québec celles après lesquelles voudrait bien courir puis
on sait à quel point c'est vrai le ministre des Finances.
Il faut...
M. LESAGE: Est-ce que le député pense
que la séparation faciliterait la récupération que
nous avions commencée des droits miniers sous-marins dans la baie
d'Hudson et dans le golfe Saint-Laurent?
M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le chef de l'Opposition me permettrait
de garder sa question en réserve parce qu'avec toutes les interruptions
qu'il y a eu il me reste seulement dix minutes?
M. LESAGE: Oui, mais ma question était sérieuse.
M. LEVESQUE (Laurier): Bien oui, je crois que oui, ma réponse
c'est oui. Il faut, à mon humble avis, la récupération
totale de la fiscalité, encore une fois, à moins qu'on m'indique
en quelle année et par quelle manoeuvre magique on y arriverait
autrement. Si on veut, dans certains secteurs, cesser de payer de
trop-perçu continuel sauf erreur, c'est encore $40 millions je
crois du côté des pensions de vieillesse, même avec
l'augmentation récente de la pension de vieillesse à $107 ou
quelque part par là par mois alors que dans d'autres secteurs
où c'est, au contraire, les besoins de la population jeune du
Québec qui pèsent comme un fardeau, notre part est toute
désorganisée, toute dévalorisée, souvent
gaspillée par une autorité qui est divisée à deux
niveaux par des politiques désuètes et contradictoires.
Ce n'est certainement pas le ministre du Bien-Etre social et de la
Famille qui va me contredire. Il a évoqué l'autre jour et
il doit le faire en détail plus tard - les allocations familiales et
l'état dans lequel se trouvent des dizaines de millions qui sont mal
employés par rapport à une politique de vrai développement
social.
M. LESAGE: Les $40 millions.
M. LEVESQUE (Laurier): Autant que je me souvienne, il y a encore un
trop-perçu du côté de la sécurité de la
vieillesse dans le Québec, même après l'augmentation. Mais,
là, je voudrais être bien sûr. Peut-être que c'est
baissé maintenant à $27 millions, quelque part par là,
mais il y a un trop-perçu qui était, je crois, d'au-delà
de $40 millions.
M. LESAGE: C'est le résidu des allocations familiales.
M. LEVESQUE (Laurier): Si le chef de l'Opposition me permet de ne pas le
répéter, je viens justement de parler sur l'autre aspect des
allocations familiales. Sans cette récupération, je dirais,
surtout, sans la responsabilité qui va avec autrement dit, si
finalement « the buck of Quebec stop here », comment se convaincre
que, dans tous les secteurs de la population - à moins de manquer
totalement de psychologie collective on écoutera des hommes, si
sincères soient-ils, comme le ministre des Finances, qui prêchent
de se retrousser les manches, enfin, autant que j'ai pu comprendre, de vivre
selon ses moyens et d'éviter certains de ces excès somptuaires
dont il a parlé cet après-midi?
Comment peut-on s'en convaincre jusqu'au fond d'une
société, quand toutes ces déformations: l'excès
somptuaire, le fait de vivre au-dessus de ses moyens, de ne pas se retrousser
vraiment les manches comme des gens responsables, c'est justement et
typiquement le fait des individus ou des groupements, n'importe où dans
le monde, à qui échappent des pouvoirs de décision
véritables et de véritable construction économique et
sociale, c'est-à-dire la responsabilité? Comment, autrement que
de la façon dont j'essaie de le décrire de mon mieux dans le peu
de temps qui me reste, pourra-t-on réduire, si vous voulez, sauf au
compte-gouttes, le chômage et sa séquelle grandissante
d'assistance sociale? Je veux parler de la dégradation économique
et sociale des régions et même de certains secteurs des
populations des grandes villes.
Comment pourra-t-on y arriver sans des politiques réelles de
développement, c'est-à-dire sans un plan dans ces domaines? Or,
le régime actuel les rend inconcevables ou, alors, on nous fournit des
plans tronqués qui deviennent aussitôt des nids à chicane,
comme c'est en train de se produire avec le BAEQ dans le Bas-du-Fleuve. Du
côté fédéral, je crois qu'on a même
engagé des gens dont la mission principale est de rappeler à la
population que le fédéral est également là,
n'est-ce pas, et qu'il a donné son argent depuis les dernières
élections, son argent qui est le nôtre.
Comment établir et financer vraiment les priorités:
éducation, politique sociale, santé, dont a parlé le
ministre et auxquelles j'ajouterais le logement? Il le sait, car il a
contribué puissamment à amorcer un règlement du
problème du logement, mais c'est resté une amorce, depuis ce
temps-là, à Montréal. Comment s'occuper du
développement régional, de la création des emplois qui
nous manquent, pour lesquels le gouvernement n'a pas d'argent $5
millions en deux ans pour la Société générale de
financement et de la recherche?
Comment régler ces priorités quand, à deux niveaux,
nous sommes dans un maquis de priorités contradictoires, de
priorités de prestige ou de rivalité ou encore en face de cet
énorme gaspillage de routine que représente notre contribution de
$450 millions par année à la Défense nationale?
Quant aux outils, aux leviers politiques et administratifs qui sont
financés par cette fiscalité toute déchirée, quand
est-ce qu'ils pourront servir comme il faut dans le régime où on
s'enfonce de plus en plus? Par exemple, nos deux ministères de la
Santé, un à l'autre place et l'autre ici; c'est pour ça
que les 2% - prétendument pour le progrès social, marotte de M.
Benson, plafonné à $120 viennent d'être
imposés. Cela coûtera $110 millions par année aux
contribuables québécois. $110 millions de cet argent que cherche
désespérément le ministre des Finances et, derrière
lui, la ville de Montréal. Mais avec tout ça, on n'aura pas,
jusqu'à nouvel ordre, de plan d'assurance-maladie et on viendra, quand
même, chercher l'argent.
Ottawa dit que c'est pour autre chose, quand tout le monde sait que
c'est pour ça essentiellement. Et, en plus, il dit que cet impôt
n'est pas négociable, aussitôt que Québec dit qu'il veut le
récupérer. Par-dessus le marché, il finit par dire: Ce
sera tout liquidé dans cinq ans, c'est-à-dire qu'on finira par le
récupérer quand Ottawa en sortira. Que, sans note et sans
consulter des experts, un député ou un citoyen se lève
pour essayer d'expliquer rien que ce maquis-là, de façon que les
citoyens comprennent ce qui leur arrive dans ce domaine! C'est devenu
impossible. Il n'y a pas moyen d'avoir des citoyens responsables quand ils ne
peuvent plus comprendre ce qui leur arrive. C'est un cas où les outils
sont tout dégradés, déchirés. Santé à
une place, santé à l'autre, impôts mêlés
à ça, rivalité avec les deux, pas d'assurance-maladie. On
pale $110 millions, et on ne l'a pas, quand même. Personne n'est capable
d'expliquer exactement comment on va s'en tirer.
C'est un exemple seulement de cette espèce de maquis infernal
dans lequel sont jetés les instruments administratifs et politiques de
développement de notre société.
On dit par exemple: nécessairement, le ministre des Finances sera
d'accord. La capacité fiscale dont j'ai besoin est aussi, en
dernière analyse, fonction de la croissance économique
générale de la société. Plus on s'accroît,
plus ça rend aussi du côté des impôts. C'est
d'ailleurs une équation que le député de Mercier a faite
mieux que je ne pourrais la faire. En même temps, dans quel marasme, et
un marasme qui est en train de devenir tragique, sous une administration
déracinée et, à toutes fins pratiques, irresponsable
structurellement, en tout cas, celle des comités fédéraux
d'administration des ports, dans quel maquis invraisemblable de
dégradation s'enfonce depuis des années le port de
Montréal, justement un des principaux engins économiques de cette
ville dont nous discutons les difficultés qui forment notre
arrière-plan!
Bref, le Québec est mal pris, au point qu'il a payé, sauf
erreur, depuis trois ans, $600 millions de plus d'impôt,
c'est-à-dire qu'il paye actuellement $600 millions de plus d'impôt
qu'il y a trois ans. $100 de plus par homme, femme et enfant du Québec.
Et cela pour se ramasser plus que jamais dans des culs-de-sac qui paraissent
inextricables. Ces sacrifices, parce qu'on aime donc cela évoquer le mot
de sacrifice, quand il s'agit d'option politique qu'on ne partage pas, et quand
il s'agit des autres, on parle de payer des impôts, mais cela s'appelle
des sacrifices, et cela devient tragique, quand on parle des autres options.
Ces sacrifices, dis-je, de $600 millions, que la population
québécoise a été amenée à consentir,
depuis trois ans seulement, est-ce que cela a amélioré sa
situation en proportion dans le régime actuel? Cela s'évalue mal,
ces choses-là, sauf qu'il y a des choses qui crèvent les yeux. Il
n'y a rien de réglé, pas plus les problèmes de
Montréal que ceux de Québec, au point de vue fiscal et financier.
Le chômage est devenu plus astronomique que jamais, toute proportion
gardée, pire que jamais. Nous avons dépassé les provinces
Maritimes. Le budget provisoire du ministre va nous le prouver demain.
Quant au niveau de vie, on a fini de se gargariser avec le
deuxième niveau de vie du monde. Le Canada, cette année, est
tombé pendant ce temps-là au quatrième rang parmi les pays
occidentaux. Le Québec, comme on le sait, continue d'être sous la
moyenne. Les francophones, sur lesquels nous aimons tous nous pencher, parce
que c'est nous autres, verbalement, souvent, de haut en bas, même dans le
Québec, sont proches de la queue de la parade. Je veux bien que l'on
croie à la Confédération, qu'on dise qu'elle doit
être refaite et qu'on aille avec d'autres à Ottawa comme à
une espèce de mur des lamentations pour se faire dire, à ce
moment-là: S'ils se sentent forts, là-bas: Arrangez-vous et
faites comme nous, allez chercher de l'argent. Si, tout à coup, ils ont
peur, parce que le Québec est méchant, alors, ils vont
peut-être boucher des trous, ce qui ne va rien régler mais ce qui
va être encore des cata-
plasmes, exactement comme le cas de Montréal vis-à-vis de
Québec.
Moi, je veux bien. Si le tableau du ministre des Finances, qui avait des
intentions qu'on comprend, y contribue, si même le modeste soutien
qu'à travers des difficultés d'ailleurs légères
j'ai pu lui apporter par la bande, lui est utile, et puis, si l'Opposition, je
pense bien, le soutient vis-à-vis d'Ottawa, si tout le monde peut faire
cracher le fédéral, eh bien, comme Québécois
d'aujourd'hui et comme contribuable Montréalais, je suis obligé
de dire: Tant mieux. C'est toujours cela de pris en attendant. Mais je dis
qu'il ne faudrait pas que ce soit toujours en attendant. Seuls seront
sûrs, non pas des paradis instantanés, ni des luxes qu'on
parachuterait, ni les plus belles écoles, ni les beaux orchestres, mais,
par exemple, les choses qui nous manquent. Seul sera sûr le fait de
sortir des éternels cataplasmes et de trouver librement ces solutions,
mais des solutions. Seul sera sûr, encore une fois, aussi on l'a
dit souvent dans cette Chambre, mais on cherche des avenues qui
débouchent sur des culs-de-sac seul sera sûr le fait
d'employer au maximum ces milliers de jeunes compétences dont le
régime actuel risque de transformer les présentes contestations
en frustrations permanentes. Et seul sera sûr de faire cela, un
Québec qui aura d'abord en main la totalité de ses impôts,
c'est-à-dire un Québec souverain.
Si en terminant, ayant fini, comme le disait le député de
Mercier, cette partie de mon intervention, qui n'en est que
l'arrière-plan, nous revenons à Montréal, qui est
terriblement mal pris, qui nous le démontre, Montréal arrive
à Québec pour se faire dire: « the buck stops here »,
mais: « the buck is not here ».
Il faut un cataplasme et tout le monde l'admet. Il y a cette alternative
dans le bill 295. Montréal aurait le choix entre un
rétrécissement de son année financière, c'est un
choix qui peut être délicat, dangereux, mais ce n'est pas à
nous les deux d'ailleurs sont pénibles ou alors de cesser
ou d'interrompre momentanément pendant deux ans ses paiements aux
diverses caisses de pension de ses employés.
A ce point de vue-là, le ministre des Finances a
évoqué un amendement possible dans le cas de la deuxième
branche de l'alternative en disant: Evidemment, il faudrait que la Chambre ait
réfléchi et qu'il y ait consentement unanime, c'est-à-dire
que ces deux ans d'exemption pourraient, surtout si dans l'opinion
réfléchie il y avait une question de crédit parce
que cela se discute ces choses-là - et de la qualité du
crédit, mais qu'on puisse ne pas imposer cet emprunt forcé que
représente le versement d'obligations équivalentes...
S'il y a cette limite absolue de deux ans qui reste dans le bill et si
l'étude que le ministre a évoquée par un comité
d'experts doit garantir qu'on aboutira avant ce temps-là à un
choix définitif entre un plan actuariel comme celui qui existe et un
« pay as you go » comme fort possiblement Montréal pourrait
s'en offrir un, étant aussi massive que l'est la métropole, je ne
vois pas trop pourquoi je le dis de mon humble coin je refuserais
ma toute petite part de ce consentement unanime dont a parlé le
ministre.
Etant bien entendu je suppose que c'est vrai parce que le bill
semble le dire et que ça ne changera pas que la ville garde sa
responsabilité ultime, qui est une responsabilité absolue,
d'honorer en tout temps les pensions de ses employés. Si on tient compte
il faut bien en tenir compte que le contribuable dans les
circonstances présentes, ainsi soulagé d'un tiers au moins du
déficit énorme qui s'annonce, verrait venir avec un peu moins de
crainte justifiable le prochain budget de l'exécutif de la ville.
Je voterai donc, pour ce bill en deuxième lecture, et
j'espère que nous pourrons voir en comité la formulation de
l'amendement, s'il vient, évoqué par le ministre de Finances.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Laval.
M. Jean-Noel Lavoie
M. LAVOIE (Laval): M. le Président, je dois vous dire que j'ai
apprécié beaucoup plus le discours du ministre des Finances que
la bouillabaisse que nous a servie le député de Laurier.
Heureusement, je crois...
UNE VOIX: Le ministre des Affaires culturelles l'a applaudi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je ne me suis pas gêné pour
applaudir le député de Laurier. Peu importe qu'on soit d'accord
ou pas d'accord avec lui. Il a dit au sujet de la jungle d'Ottawa des choses
extrêmement vraies, et parce qu'il a dit la vérité, cela
méritait qu'on l'applaudisse sans partisanerle.
M. BINETTE: Pendant combien d'années le ministre a-t-il
été député à Ottawa?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je pense qu'on pourrait garder ces
commentaires...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le député des Deux-Montagnes
conclut bien vite.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BINETTE: Vous, vous avez peur de le dire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai la qualité d'admettre la
vérité quand elle est là.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Les inventeurs de la formule Fulton-Favreau,
on sait qui c'était.
M. BINETTE: Je n'ai pas honte de mes opinions, je les exprime. Vous,
vous ne les exprimez pas.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je les ai exprimées 15.
M. CADIEUX: La Chicoutimi, parlez donc...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le batracien, Je ne comprends pas ce
langage-là.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. CADIEUX: Qu'elle se levé!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je n'ai Jamais étudié les moeurs
des crapauds.
M. CADIEUX: Grande folle!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Est-ce que les honorables
députés me permettraient d'indiquer que pour certains dialogues
il y a des salons aménagés à l'arrière de la
salle?
L'honorable député de Laval.
M. LAVOIE (Laval): Je me rends compte, M. le Président, qu'il se
crée de nouveaux alignements de partis. De toute façon Je dois
vous dire, revenant au discours du ministre des Finances, que rarement en cette
Chambre pendant les huit ou neuf ans que J'ai le bonheur d'y être, J'ai
entendu un discours qui contenait autant de franchise et autant
d'honnêteté.
En somme, même si le portrait, la situation économique du
Québec aujourd'hui, de la manière que le ministre des Finances
l'a expliquée, ne nous réserve pas les Jours les plus heureux, il
a eu, cependant, la franchise d'établir, à la face du
Québec, notre situation.
Il est facile de reconnaître que, pour administrer la chose
publique, à quelque niveau de gouvernement que ce soit, aujourd'hui
le niveau fédéral, le niveau national, le niveau
provincial, le niveau local ou même le niveau scolaire il faut
pratiquement faire des tours de force.
On se rend compte que, depuis quelques années au Québec,
les revenus il s'agit d'une généralité à
tous les niveaux, non seulement au Canada, mais dans plusieurs pays sont
à la baisse. Les dépenses, à la suite des exigences de la
population, sont à la hausse, d'une manière quasi
disproportionnée, surtout au Québec ici. Après une
période de recyclage ou de réadaptation, après les
années 1959, 1960 et les suivantes, le coût de l'éducation,
le coût de l'assurance-hospitalisation et le coût des
assistés sociaux, pour des raisons que je voudrais développer un
peu plus tard dans mon discours, ont pris des proportions énormes.
Lorsqu'on s'en rend compte, c'est quand même effarant, M. le
Président. Entre les années 1965 et 1968, à peine trois
ans, le budget, uniquement au poste des assistés sociaux, est
passé de $72 millions à $158 millions et le nombre de ces
mêmes assistés est passé de 65,000 à 161,000, dans
le court espace de trois ans. Il y a l'autre côté de la
médaille ou le parallèle de l'aide sociale, qu'on doit procurer
à la population, soit le rythme du chômage qui monte dans une
proportion alarmante.
Un autre portrait de la situation du Québec et de toutes les
municipalités: cette sursaturation des taxes que nous tenons de la
bouche même du ministre des Finances; je lui reconnais cette franchise.
On reconnaît qu'aujourd'hui, au Canada, le Québec est sans aucun
doute la province la plus taxée. On n'a qu'à voir le pourcentage
de la taxe de vente, de la taxe sur les repas, de l'hôtellerie, de 8%
après une surtaxe récente de 6% sur l'impôt sur le revenu
et les taxes des corporations qu'on ne peut plus se permettre de hausser, si on
veut entrer en concurrence avec les autres provinces canadiennes. A la suite de
ça, les municipalités sont dans le marasme.
Le discours du ministre des Finances est d'autant plus réaliste
qu'il est pessimiste. Quand même, il a reconnu avec je crois, la
majorité de cette Chambre, ici que le Québec,
malheureusement, vit peut-être au-delà de ses moyens. Lorsque je
vois, lors de certaines négociations patronales-ouvrières
c'est le droit, sans doute, des ouvriers de se battre pour obtenir de
meilleures conditions de travail, d'avoir le maximum; c'est normal, mais je
crois que c'est notre devoir, à nous, en tant que parlementaires,
d'octroyer à la population le maximum de bien-être des
chauffeurs d'autobus ou des professeurs qui veulent obtenir la même
échelle de salaire ici,
au Québec, que les professeurs ou les chaufeurd'autobus de
Chicago ou de Los Angeles, eh bien, M. le Président, moi, je ne marche
pas, parce qu'on ne peut pas marcher au même rythme que la
société américaine qui est notre voisine.
La même chose s'applique pour les professeurs, peut-être, ou
les « employés civils » de l'Espagne, qui ne peuvent pas
espérer la même chose qu'en Allemagne, qui est, quand même,
à quelques centaines de kilomètres de là. Même si
tout le monde désire, ici, procurer à la population le maximum,
je crois qu'il faut, quand même, y aller suivant nos moyens.
Qu'est-ce que le ministre des Finances apporte à ça?
Quelques réformes. On veut amorcer des réformes.
Mais, quand même, Je crois qu'on n'y va pas avec le dos de la
cuillère. Ce sont des réformes au grain de sel, Je dirais. On dit
qu'il y a des études qui se font, qu'il y a des comités de
formés pour essayer de changer l'assiette fiscale ou le champ de
taxation.
Je crois que c'est trop peu. Il y manque, M. le Président, je
dirais des « guide lines ». Aujourd'hui, pour administrer la chose
publique, que ce soit en Amérique du Nord, aux Etats-Unis, en Afrique,
ou même en Russie ou en arrière du rideau de fer ou au Canada, il
faut vraiment se creuser ce que nous avons en haut des épaules pour
trouver des formules nouvelles. Il faut faire un peu comme l'industrie, comme
les universités américaines, qui dépensent des sommes
immenses en recherches de toutes sortes. Il faut, aujourd'hui, quand
même, trouver des formules nouvelles.
Je ne voudrais pas être méchant ou violent envers
l'Opposition. Je crois que le discours que nous a servi le chef de
l'Opposition, le ministre des Finances, mais depuis quelque temps..
UNE VOIX: Le chef de l'Opposition.
M. LAVOIE (Laval): ... quand même c'est assez
mélangé, dans cette Chambre, que l'on peut se permettre
des...
M. MALTAIS (Saguenay): Des apartés.
M. LAVOIE (Laval): ... lapsus, comme dirait le député de
je ne sais plus quel comté.
UNE VOIX: De Bonaventure.
M. LAVOIE (Laval): J'ai cru remarquer, M. le Président, dans le
discours du ministre des Finances, ça me surprend, et je vis un peu ce
qui se passe depuis quelques mois, et les épreuves qu'a subies
l'Opposition...
UNE VOIX: Le gouvernement.
M. LAVOIE (Laval): ... il y a déjà quelques mois et
quelques années, et surtout le gouvernement, depuis quelques mois, eh
bien, j'ai senti, dans ce discours du ministre des Finances, peut-être un
manque d'unité ou un manque de leadership dans le gouvernement
actuel.
M. GOSSELIN: Ah, mon Dieu Seigneur!
M. LAVOIE (Laval): Par contre, à la suite du discours du ministre
des Finances, nous avons quand même senti un vent frais ou un vent
nouveau, lorsque le député du comté de Mercier a voulu
injecter dans le débat des réformes nouvelles. Il a voulu
apporter au gouvernement des mesures pour réprimer les évasions
fiscales ou la revision du partage, dans le cas de la taxe de vente ou du champ
de taxation, et surtout dans le contrôle des dépenses des
différents ministères du gouvernement.
Je crois qu'il existe peut-être actuellement un manque de
planification, au point de vue administratif, au point de vue planification, au
point de vue de la taxation. Mais après avoir entendu, malheureusement,
les plaintes du député de Laurier, qui a voulu d'une
manière frivole, si vous voulez, ou blessante, attaquer le
député de Mercier pour lui dire: Mais il est fort en chiffres,
comme on dit de quelqu'un qu'il est fort en thème, je
préfère quand même, surtout dans la jungle fiscale
actuelle, quelqu'un qui est fort en chiffres plutôt qu'un autre qui peut
être très fort en démagogie, M. le Président.
Ou se trouve l'origine du malaise actuel, du malaise économique
que nous vivons depuis quelques années au Québec? Le peuple du
Québec est-il moins intelligent? Non. Le peuple du Québec est-il
moins brillant, moins entreprenant? Non. Nous n'avons qu'à retourner dix
ou vingt ans en arrière et à faire des comparaisons avec la
valeur des Québécois qui sont dans l'entreprise ou dans les
échelles universitaires ou autres. Je crois que nous avons fait des pas
énormes dans cette courte vie de vingt ans, de trente ans ou de
cinquante ans du peuple du Québec.
On a voulu apporter des mesures qu'on a qualifiées de
salvatrices, le flirt avec la mère-patrie, avec la France, les
investissements français. Eh bien, M. le Président, on les
cherche toujours, ces investissements français. Il y a eu des
mesures...
M. MALTAIS (Saguenay): Ils investissent de l'air.
M. LAVOIE (Laval): Il y a eu d'autres me-
sures qui s'avéraient des plus prometteuses il y a quelques
années, même proposées par le député de
Laurier. Entre autres, la nationalisation des ressources électriques,
ici au Québec. On peut même se poser des questions sur cette
mesure qui fut le cheval de bataille d'une certaine élection en 1962,
mesure qui fut proposée et patronée par le député
de Laurier. Je ne voudrais pas m'aventurer sur cette question, mais
peut-être aujourd'hui n'y a-t-il que les imbéciles qui ne font pas
le point à certains moments.
M. le Président, il y a eu d'autres mesures, comme
l'établissement d'un régime de rentes ou la Caisse de
dépôt. Sur celle-ci, il n'y a pas tellement de questions à
se poser, parce que si cette mesure n'avait pas été
créée, établie, je me demande où serait le
Québec aujourd'hui dans son financement, lorsqu'on sait qu'au moins 50%
ou 60% des émissions de l'Hydro ou de la province sont financées
par la Caisse de dépôt. Je crois qu'elle a été la
mesure salvatrice du Québec et je tiens à féliciter le
chef de l'Opposition qui avait apporté cette mesure en 1965.
Quant au député de Laurier, on se demande ce qu'il
désire ou vise dans la campagne qu'il a entreprise depuis une couple
d'années. On se demande si vraiment il a à coeur la survie ou le
prétendu amour qu'il a pour le peuple du Québec. On dirait qu'il
se délecte du malaise économique qui existe actuellement. Il
s'est dit des plus heureux d'entendre la franchise de l'exposé du
ministre des Finances. Il se délecte tellement qu'il lui a dit qu'il
devrait le répéter trois ou quatre fois par année, ce
discours, et non pas attendre le discours sacramentel du budget. Dans son
exposé, il lui a dit que cela lui faisait chaud au coeur et qu'il
aimerait entendre plus souvent cette franchise du ministre des Finances.
Quelles sont les raisons de ce malaise? Tout le monde reconnaît
qu'aujourd'hui, dans la plupart des pays du monde, le contexte
économique d'un pays est intimement lié au contexte
politique.
On se demande s'il n'existe pas un complot latent, et même des
plus actifs de certains éléments, qui profitent justement de la
subversion. Ce n'est pas la peine d'aller loin dans l'histoire; les groupements
révolutionnaires et autres, nous savons quels moyens ils ont pris pour
atteindre leurs fins personnelles. On se demande s'il n'existe pas un complot
de certains éléments du Québec qui veulent encourager,
exploiter les malaises économiques que nous connaissons et en profiter.
Il y a cette fameuse société très active, beaucoup plus
nombreuse en paroles qu'en membres, société sans doute
honnête, mais qu'on exploite à certaines fins. Certains
éléments Saint-Jean baptistards, le député de
Laurier, certains mouvements comme le MIS et d'autres, le député
de Chicoutimi qui nous a quittés il n'y a pas tellement longtemps,
certains éléments reconnus et identifiés du gouvernement
actuel, par leurpro-pre collègue...
M. GRENIER: C'est effayant!
M. LAVOIE (Laval): ... peut-être certains hauts fonctionnaires du
gouvernement, peut-être le nouveau premier ministre par intérim,
le nouveau député de Bagot qui, même après
l'engagement de son prédécesseur, le premier ministre actuel,
quand même, justement à propos du bill 85, le fait retraiter une
deuxième fois...
M. MALTAIS (Limoilou): A l'ordre!
M. LAVOIE (Laval): ... l'entourage du premier ministre par
intérim. On se pose des questions et la population du Québec a le
droit de se poser des questions, M. le Président, devant le complot qui
se trame actuellement. On joue à cache-cache. On promet la semaine
dernière un bill pour la sauvegarde, pour la protection des langues au
Québec...
DES VOIX: A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je pense que le débat a
été suffisamment élargi en permettant au
député de s'exprimer sur toute la question financière et
même sur la question constitutionnelle, sans aborder d'autres
problèmes, et surtout un bill dont la première lecture a
déjà été introduite en cette Chambre.
M. LESAGE: M. le Président, sur le point d'ordre, si vous le
permettez, vous avez permis, avec le consentement de tout le monde, y compris
le m?.en, que le débat puisse être élargi pour englober, si
vous voulez, les questions économiques, les questions financières
et même les questions constitutionnelles pour autant qu'elles influent
sur les sources de revenu, sur la taxation et sur le revenu des taxes. Or, il
est certain et c'est d'ailleurs l'argumentation que vient de faire le
député, que... Oui, il vient de le dire; il a dit que ce qui
influençait énormément le climat économique et par
conséquent l'ampleur des revenus fiscaux, c'était le climat
politique. Je soumets, M. le Président, qu'il a certainement le droit
d'expliquer et d'exposer jusqu'à quel point l'instabilité
politique actuelle dans le Québec, due aux causes qu'il est à
énumérer, influe sur la pauvre entrée des revenus de la
taxation.
M. LE PRESIDENT: L'honorable Secrétaire de la province.
M. PAUL: Sur le point d'ordre soulevé par le chef de
l'Opposition, il ne faudrait pas oublier les règles bien précises
qui régissent la marche normale des travaux prévus en cette
Chambre et je voudrais, M. le Président, vous rappeler les dispositions
de l'article 285, onzièmement, où il est dit qu'on ne peut se
référer à une affaire inscrite au feuilleton ou
annoncée dans le feuilleton, à moins que cette affaire et celle
qui est en discussion ne soient fondées sur le même principe. Il
n'y a aucun doute que les principes visés par le bill
présentement à l'étude et celui qui est à la base
du bill 85 sont tout à fait différents. L'honorable
député de Laval aura sûrement l'occasion d'exprimer ses
vues lorsque la Chambre sera saisie...
M. BIENVENUE: Quand?
M. PAUL: ... d'ici la fin de la session...
UNE VOIX: Un petit changement.
M. PAUL: ... de certaines motions ou bills qui figurent au feuilleton.
Je crois que l'honorable député a trop d'expérience pour
s'éloigner je dirai bien poliment d'une façon aussi scandaleuse,
du principe du bill présentement à l'étude.
M. DOZOIS: Je voudrais dire à cette Chambre que je me suis bien
gardé cet après-midi de parler du bill 85 et du bill de
l'aéroport international. Je les ai évités
complètement, parce qu'ils sont au feuilleton.
M. LESAGE : Le député n'a fait qu'une mention du bill 85,
son exposé est un peu plus large que ça.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que l'honorable député de Laval
doit argumenter sur le point d'ordre?
M. LAVOIE (Laval): Non, non.
M. MALTAIS (Saguenay): Je voudrais dire un mot sur le point d'ordre.
J'ai, avec énormément d'attention, écouté les
propos qui ont été tenus par le député de Laurier.
Je remarque que, tout le long de son discours, il a parlé de choses qui
regardaient le fédéral, notamment de castors et que, pourtant,
jamais, il n'a été rappelé à l'ordre. Je ne vois
pas pourquoi le député de Laval...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Que l'honorable député de
Saguenay me reproche mon attitude concernant le député de
Laurier...
M. MALTAIS (Saguenay): Non, je parlais d'autres.
M. LE PRESIDENT: Je ne me prends pas pour un autre, je me sens
visé. Je dois dire à l'honorable député de Saguenay
que je pense, de la façon la plus impartiale possible, aujourd'hui,
avoir traité, selon la même mesure, l'honorable ministre du
Travail, l'honorable député de Mercier et l'honorable
député de Laurier. Je suis bien disposé à me servir
de la même mesure, il va sans dire, pour l'honorable député
de Laval. Cependant, l'article 285, onzièmement, est formel et je ne
pourrais sûrement pas même si on prétendait, comme
quelqu'un l'a laissé entendre, que l'étude d'un autre projet de
loi pourrait être retardée permettre d'ores et
déjà qu'on aborde presque la deuxième lecture d'un bill
qui est déjà au feuilleton, à l'occasion de l'étude
d'un autre bill. Je pense que tout le monde conviendra qu'à ce
moment-là nous placerions la charrue devant les boeufs.
M. MALTAIS (Saguenay): Alors, M. le Président, si vous le
permettez, je voudrais ici blâmer le député des
Iles-de-la-Madeleine qui m'a fait remarquer, tout à l'heure, que,
lorsque vous m'interrompiez, il fallait faire semblant de ne pas vous voir pour
pouvoir continuer. Je n'ai pas aimé ce procédé, je vous
l'avoue.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Laval.
M. LAVOIE (Laval): Permettez-moi de laisser tomber le bill 85, comme
tout probablement le gouvernement le laissera tomber demain, sans aller plus
loin dans cette discussion. Je disais donc qu'il existe actuellement une
espèce d'alliance secrète d'un ensemble d'éléments,
des plus actifs dans le gouvernement, même s'ils ne sont pas tellement
nombreux. Je partage le malaise que peuvent ressentir, quand même, des
gens d'équilibre et de bon sens comme le ministre des Finances, le
ministre du Transport, le ministre de l'Industrie et du Commerce, le ministre
du Travail et le ministre des Affaires municipales. Je voudrais partager le
malaise qu'ils ont eux-mêmes de se sentir miner à la base par
certains membres des plus actifs de leur parti. Je ne me gêne pas de
nommer le député de Chicoutimi, le député de
Saint-Jean, le député de Saint-Hyacinthe, et certains autres.
M. LE PRESIDENT: Mlaheureusement, je me dois d'interrompre l'honorable
député de Laval, car il veut, malgré moi,
m'entraînmer dans un
caucus et dans des questions partisanes. Je ne peux sûrement pas
tolérer, à l'occasion de l'étude d'un bill, qu'on aborde
des problèmes comme ceux-là: problèmes de partis,
problèmes de personnalité et problème de motifs. Alors, je
demande à l'honorable député de Laval de revenir au bill
de la ville de Montréal.
M. LAVOIE (Laval): M. le Président, je me sentirais très
mal à l'aise, à votre place, de faire partie du caucus et de
rendre des décisions de cette nature. Quand même...
DES VOIX; A l'ordre! Vous ne savez pas ce qui se passe au caucus.
M. LAVOIE (Laval): Evidemment les exposés que le
député de Laurier fait dans toute la province, ça peut
prendre très facilement, ça se sème facilement dans des
oreilles de jeunes de 14, 15, 16 et 17 ans, mais je dois vous dire que, ce
soir, en Chambre, il a été loin de m'impressionner. Comme le
député de Richmond, je l'inviterais et j'inviterais même le
gouvernement, qui est rempli en majorité de gens de très bonne
volonté je me demande si on ne devrait pas je n'ai pas le
terme juste faire face à la réalité.
Il y a un terme anglais qui dit un « showdown »
même si cela peut amener le réalignement de certains partis
politiques et vraiment prouver, à la face du Québec et à
la face du Canada, que ce groupe de fauteurs de troubles n'est pas aussi
nombreux qu'ils le laissent voir. Ils profitent peut-être de
l'hésitation du gouvernement ou de l'hésitation des hommes
publics à provoquer un affrontement ou à provoquer cette minute
de vérité, quitte, s'il faut prendre les grands moyens pour
sauver le Québec et le Canada, quitte à amener un
réalignement des partis. Il faudrait pratiquement provoquer une
élection et les inviter à faire face à la population.
Celui qui, peut-être, ce soir, usurpait cette tribune n'aura plus
l'occasion de s'en servir.
Nous vivons dans une fédération. Tous les pays qui ont un
tel système politique connaissent des difficultés, surtout
lorsque ce système politique est agrémenté de langues
différentes. On sait qu'en Suisse, en Belgique et ailleurs, il se
crée de temps à autre, des affrontements.
M. BOUSQUET: C'est instructif.
M. LAVOIE (Laval): Même aux Etats-Unis, où il y a un
système de fédération, il y a constamment des conflits
entre l'Etat central et les cinquante états américains, dans les
juridic- tions de pouvoir, dans les champs de taxation et autres. Nous vivons
quand même, nous sommes un peuple majeur. Nous avons besoin au
Québec, et surtout le Québec, d'une politique de bons sens,
d'équilibre, de jugement. Bataillons-nous pour accorder et obtenir pour
le français le rôle qui lui revient? Mais que cela ne soit pas au
détriment de l'économie, du mieux-être et de
l'épanouissement de notre peuple. Arrêtons de brailler, de
chiâler et de nous plaindre, tels des constipés et des
frustrés continuels remplis de complexes d'infériorité.
Retroussons nos manches et faisons face à la réalité.
Attardons-nous à la table des négociations avec les frères
des autres provinces. Qu'on arrête de porter les étendards, qu'ils
soient allemand, juif, polonais, anglais ou autres. Qu'on travaille sur une
nouvelle constitution, d'accord. Qu'on détermine les champs de taxation,
d'accord.
Ottawa, c'est toujours Ottawa. C'est là qu'est le cancer, c'est
là qu'est le bobo, à entendre parler le député de
Laurier. Par contre, si on jette un coup d'oeil sur les revenus des
différents paliers gouvernementaux, on découvre certains
chiffres. Je veux revenir ici, peut-être au bill de Montréal et
des municipalités. Comparons les revenus des municipalités du
Québec en 1960 et 1964, à quatre ans de distance. Les revenus en
1960 sont de $336 millions. En 1964, ils sont de $499 millions, une
augmentation de 50% durant ces quatre années-là. Au gouvernement
provincial, le total des revenus en 1960 était de $637 millions et en
1964 de $1,228,000,000. Donc une augmentation de 100% des revenus provinciaux
durant ces quatre années. A Ottawa, le vampire ou la sangsue, le total
des revenus du gouvernement fédéral était en 1960 de
$5,290,000,000 et, en 1964, de $6,253,000,000, une augmentation de 20%
seulement, alors que l'augmentation des municipalités est de 50% et du
gouvernement provincial de 100%.
Tout le monde sait que, dans l'augmentation de 100% du provincial, il y
en a un joli paquet qui est taxé quand même à Ottawa et qui
nous est remis sous forme de paiements de péréquation.
Lorsque j'entendais dans l'exposé du député de
Laurier que si ça va mal à Montréal, que si
Montréal est dans la purée, c'est à cause indirectement
d'Ottawa parce que Montréal, étant une créature comme
toutes les municipalités du gouvernement provincial, vient ici pour
obtenir des revenus nouveaux et que le ministre des Finances, dans la situation
actuelle, lui dit: Eh bien, c'est à cause d'Ottawa, on ne peut pas vous
en donner. Tout le champ de taxation est pour Ottawa. Je lui demanderais au
député de Laurier, si ça va mal à New-York, si
à New-York il y a des déficits énormes au point de vue du
trans-
port en commun, si la ville de New York est obligée d'imposer
l'impôt sur le revenu dans la ville de New York, si c'est à cause
d'Ottawa?
M. LEVESQUE (Laurier): Etait-ce une question?
M. LAVOIE (Laval): II ne me reste pas tellement de temps.
M. MALTAIS (Saguenay): Vous n'avez pas de permission à demander
au chef de MSA, MSI là.
M. LEVESQUE (Laurier): A la prochaine élection, vous saurez le
vrai nom.
M. MALTAIS (Saguenay): Venez dans mon comté, je vais
démissionner tout de suite. Venez donc essayer demain.
M. LE PRESIDENT; A l'ordre!
M. MALTAIS (Saguenay): Et je ne retirerai pas mon salaire comme
indépendantiste. Si je suis élu comme libéral, je
démissionnerai purement et simplement.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LEVESQUE (Laurier): Je ne suis pas sûr que la lutte serait
à un niveau qui avancerait le Québec.
M. MALTAIS (Saguenay): Levez-vous donc pour parler, comme tout le monde.
La position assise vous convient d'ailleurs.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. MALTAIS (Saguenay): Pardon M. le Président. Là, je ne
vous avais pas vu.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Laval.
M. LAVOIE (Laval): M. le Président, il existe également
actuellement un malaise assez prononcé même dans l'Ontario au
point de vue municipal. Il y a des études depuis deux ou trois ans ou
quatre ans en ce qui concerne le palier municipal dans les villes d'Ontario.
Les municipalités se plaignent des limites de leur champ de taxation, de
la limite de leurs pouvoirs et encore la semaine dernière, il y a
à peine une dizaine de jours, le premier ministre Robarts, à la
suite d'une commission d'enquête, pensait ou envisageait de créer
des gouvernements régionaux et non pas des gouvernements supramuni-
cipaux, mais des gouvernements régionaux pour les municipalités
à l'échelle d'un comté, par exemple. C'est peut-être
là une des formules que le gouvernement actuel devrait envisager pour
Montréal même si le ministre des Finances actuel, ancien ministre
des Affaires municipales, déclarait il y a quelques années, qu'il
fallait résoudre une fois pour toutes le problème des
municipalités sur l'île de Montréal. Eh bien quelle est la
politique du gouvernement actuel au point de vue municipal? A Montréal,
on attend devant le portrait ou devant lajungle municipale qui existe sur
l'île de Montréal, on attend que les municipalités soient
en faillite ou encore qu'il y ait du coulage de $5 millions ou $10 millions
dans les municipalités pour les greffer ou les fusionner à
Montréal.
Rivière-des-Prairies, faillite, fusion permise. Ville de
Saint-Michel, coulage de $5 millions ou $10 millions, je ne sais pas, là
la fusion est bonne. Pointe-aux-Trembles une autre, ce doit être la
suivante si ce n'est pas fait, où il y a encore une faillite et
même de la déconfiture et des scandales, c'est certainement la
suivante qui sera greffée à Montréal. Peut-être
Sainte-Geneviève sera-t-elle la suivante? C'est peut-être une
lenteur administrative coûteuse pour la ville de Montréal, c'est
peut-être une solution.
En conclusion, je crois que le gouvernement devra...
M. TREMBLAY (Bourassa): Pas Montréal-Nord.
M. LAVOIE (Laval): ... s'Injecter des idées nouvelles, et les
récriminations de Montréal et des autres municipalités
dans la province sont peut-être plus valables que les
récriminations du Québee vis-t-vis du gouvernement central, si on
considère le total des revenus depuis cinq, dix ou quinze ans.
Pratiquement toutes les municipalités du Québec sont dans la
soupe actuellement, à commencer par Montréal qui a
profité, depuis les cinq ou dix dernières années, des plus
gros investissements immobiliers que le Canada et même l'Amérique
ont connus, si on considère la place Ville-Marie, la place Victoria, la
place Bonaventure, la place Westmount, l'Expo, le Métro, et tout.
Montréal a profité, au Québec, sans aucun doute, de tout,
entre autres de 50% des investissements immobiliers, ce qui est la
première source de revenus des municipalités, et même
malgré ça, Montréal est dans la purée.
Imaginez-vous comment doivent être les autres
municipalités! Je crois que le gouvernement devrait être
réaliste, et j'invite le ministre des Affaires municipales à
reviser, de con-
cert avec le ministre des Finances, son champ de taxation.
On parle de l'empiètement du gouvernement fédéral
dans certains domaines. C'est vrai, et c'est à tort que c'est fait, mais
on voit aujourd'hui, par contre, que le gouvernement d'en face ne se plaint pas
lorsqu'il s'agit, par l'entremise de la Société d'habitation du
Québec, d'aller chercher des centaines de millions de dollars à
Ottawa. C'est financé à 90% ou 95%, si ce n'est pas 100%, et pour
bâtir quoi, M. le Président? Alors que le problème,
actuellement, au point de vue habitation, c'est de bâtir des maisons
à loyer modique pour la population qui n'a pas les moyens, et qui ne
trouve pas sur le marché des loyers de $100, $110 ou $120 par mois. On
ne se plaint pas des fonds du fédéral lorsqu'il s'agit d'aller
chercher $100 millions ou $150 millions par l'entremise de la
Société d'habitation du Québec pour bâtir quoi?
Uniquement des résidences pour personnes âgées. On a
découvert ça il y a six mois. Belle petite formule de patronage!
Cela pousse dans toutes les villes du Québec et l'Office d'information
et de publicité nous alimente régulièrement de projets
dans toutes les municipalités du Québec...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LAVOIE (Laval): ... où on peut acheter des terrains, où
on peut nommer des architectes, des Ingénieurs. Ce n'est pas d'une
fontaine de Jouvence que nous aurons besoin dans le Québec. Nous avons
une population jeune, mais il faudra piquer les gens pour qu'ils vieillissent
plus vite pour habiter toutes ces maisons pour personnes
âgées.
M. LE PRESIDENT: Al'ordre! Je comprends que, d'une certaine
façon, on avait assimilé les interventions de ce jour à un
discours sur le budget, mais il ne faudrait tout de même pas toucher
toutes les questions de la politique provinciale dans le même
discours.
M. LAVOIE (Wolfe): M. le Président, laissez-moi une chance. Vous
avez été bon pour le ministre des finances, pour le
député de Laurier et pour le député de Mercier.
Je termine, d'ailleurs, en invitant le gouvernement, dans le contexte
actuel, qui n'est pas rose pour le Québec... Je comprends la bonne
volonté, les efforts et l'honnêteté du ministre des
Finances et de la majorité de l'équipe qui est en face de nous,
mais nous ne sommes pas en vacances lorsque nous administrons la chose
publique.
On s'en rend compte, devant cette aspirine qu'on donne à la ville
de Montréal aujourd'hui, par un moyen des plus tirés par les
cheveux, pour lui permettre d'équilibrer son budget, celui de mettre des
obligations dans un fonds de pension. En somme, c'est un peu comme si quelqu'un
a une hypothèque sur sa maison et doit rembourser sous forme
d'amortissement sur vingt ans. Au lieu de payer les $500 de capital qu'il doit
acquitter chaque année, il donne un billet à ordre pour
bâtir un fonds d'amortissement.
M. le Président, je vais vous empêcher de vous lever, je
termine en disant que nous devrons voter...
M. LESAGE: C'est le bill.
M. LAVOIE (Laval): C'est le bill, mais je voyais le président
qui,,..
M. LESAGE: C'est le bill, c'est exactement le bill.
M. LE PRESIDENT: J'ai l'impression que c'est un bien gros bill, en
effet, parce qu'on a couvert énormément...
M. LESAGE: C'est le sujet du bill. M. BELLEMARE: Oui?
M. LE PRESIDENT: Ce n'est tout de même pas, je pense, une question
financière qui est vraiment visée par le bill. Si on parle, comme
on l'a fait jusqu'à présent, depuis cinq minutes, de
problèmes de maisons de vieillards, de patronages, etc, je pense qu'on
va admettre que ça dépasse un peu tout de même le bill
à l'étude.
M. TREMBLAY (Bourassa): Ce n'est pas mauvais d'en parler.
M. LESAGE: M. le Président, le député de Laval
était justement à parler d'une des solutions...
M. BELLEMARE: La décision est rendue.
M. LESAGE: S'il vous plaît!
M. BELLEMARE: Bien oui, merci.
M. LESAGE: Nous avons écouté religieusement, pendant deux
heures et demie, le ministre des Finances.
M. ROY: Il était bon, n'est-ce pas?
M. LESAGE: Il a fait un excellent discours, je le dirai plus tard dans
le débat, demain.
M. BELLEMARE: Demain soir.
M. LESAGE: Ah, demain soir ou lundi matin.
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. LESAGE: CommeleleaderdelaChambre le voudra.
M. BELLEMARE: Pas selon le leader, selon les règlements de la
Chambre.
M. LESAGE: Oui, c'est là-dessus que j'ai l'intention de dire un
mot. Dans le projet de loi à l'étude, une solution est
proposée pour aider la situation financière de la ville de
Montréal: c'est de dispenser la ville de Montréal de verser
$10,500,000 cette année, $10,500,000 l'année prochaine, dans les
fonds de pension de ses employés, et de déposer justement un
billet à ordre à la place de sa contribution comptant.
Cet après-midi, nous en avons discuté, le ministre des
Finances et moi. Or, c'est une des questions que le ministre des Finances a
posées.
Il a dit: Si la Chambre était d'accord, je serais prêt
à accepter...
M. DOZOIS: Si je sentais unanimement les membres...
M. LESAGE: Oui, très bien. De toute façon, c'est sur un
point d'ordre.
M. DOZOIS: C'est très bien.
M. LESAGE: Le ministre des Finances a dit: Si je sentais que la Chambre
était d'accord pour dispenser la ville de Montréal pendant deux
ans de ce paiement, j'accepterais un amendement au bill.
Alors, il me semble qu'à ce moment-là le ministre des
Finances invitait les députés de cette Chambre à se
prononcer sur ce point-là. Or, c'est justement sur ce point que le
député de Laval est à se prononcer. Si on empêche le
député de Laval, on m'empêchera moi-même, tout
à l'heure ou demain matin, de répondre au ministre des Finances.
J'ai envie, comme chef de l'Opposition, de lui répondre. C'est une
question qu'il nous a posée. Elle est ad rem, c'est le fond du bill.
M. LE PRESIDENT: Je reconnais, en effet, qu'avec les discussions
d'aujourd'hui j'avais oublié quelques points du bill.
J'invite donc l'honorable député de Laval à
continuer, en retenant la dernière partie, là où il m'a
dit qu'il devait terminer son intervention.
M. LAVOIE (Laval): M. le Président, après ces multiples
interruptions, il est toujours difficile pour un orateur de trouver une sortie
élégante pour terminer un discours. Comme ce n'est pas toujours
facile et qu'il est plus facile de s'embourber, je termine mon intervention en
vous remerciant, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
M. Paul-Emile Sauvageau
M. SAUVAGEAU: M. le Président, à titre de
député de la ville de Montréal, je me dois de demander aux
députés de cette Chambre de voter en faveur du bill pour la bonne
raison que je crois que les demandes du président du comité de
l'exécutif ne sont pas exagérées. Ayant fait partie du
conseil municipal pendant neuf ans, je dois vous dire que, très souvent,
on était porté à dire que Montréal dépensait
trop. Je vous dirai que Montréal était en retard d'à peu
près 50 ans dans ses dépenses et ses améliorations.
Nous avons joué pendant à peu près 50 ans avec les
finances de la ville sans rien faire. A un moment donné, tout
était à refaire. Souvent, on est porté à dire:
Montréal a trop dépensé, qu'il s'arrange tout seul. Je
peux vous dire que, connaissant le président du comité
exécutif comme je le connais, et ayant eu le plaisir de travailler avec
lui pendant neuf ans, il a fouillé un peu partout pour s'empêcher
de venir demander à Québec des pouvoirs pour ne pas trop
augmenter la taxe foncière. Si, ces derniers six ans, à
Montréal, on a connu un tel essor, c'est parce qu'on y a fait dans six
ans ce qui aurait dû être fait pendant 50 ans. Aujourd'hui, on nous
demande quelque chose qui ne coûte rien à la province de
Québec et qui soulagera d'autant les contribuables. Si nous refusons le
bill ou les amendements qui seront suggérés tout à
l'heure, je crois que le petit contribuable de Montréal verra augmenter
sa taxe foncière de beaucoup. C'est pour ces raisons que j'inviterais
les deux côtés de la Chambre à adopter le bill avec les
amendements qui seront suggérés.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.
M. Jean Lesage
M. LESAGE: M. le Président, le ministre des Finances, cet
après-midi, nous a fait un exposé détaillé de la
situation financière et budgétaire du gouvernement du
Québec à l'heure actuelle. Il l'a fait sans passion. Il est
allé dans des détails extrêmement intéressants.
Il a démontré ce que nous savions déjà, en
nous fournissant des informations que nous n'avions pas, des précisions
que nous ne pouvions en réalité connaître que de sa bouche.
Il nous a démontré, dis-je, que cette situation financière
sans être évidemment celle du désastre ou de la
déroute était comme la situation financière de la plupart
des gouvernements dans le monde entier à l'heure actuelle difficile,
très difficile.
Il n'a pas tant décrit les causes de ces difficultés en
autant que le Québec est concerné, plus spécialement,
qu'il a tenté de nous peindre la situation. Le tableau n'était
pas rose, comma je l'ai dit cet après-midi. Le tableau qu'il a
brossé est passablement sombre et il a - d'une façon indirecte
qui, à plusieurs moments, devenait une voie très directe
prêché l'austérité. Ce n'est pas facile cette
tâche de tous les gouvernements de faire ou de dresser un ordre de
priorité dans les dépenses qui s'imposent. Partout les sources de
revenu d'impôts donnés, rapportent des montants qui s'accroissent
moins vite que les dépenses en vertu des programmes existants. Autrement
dit, avec une structure fiscale donnée qui normalement rapporte plus de
revenus avec l'augmentation de la population et l'augmentation ou la croissance
de l'économie et de la productivité, l'accroissement de ces
revenus ne peut jamais être assez rapide pour suffire à combler ou
à payer l'accroissement des programmes existants et encore nous
permettre d'établir de nouveaux programmes.
Il est clair que le moyen de remédier à cette situation,
il ne peut se trouver dans une augmentation constante des impôts parce
qu'il y a un bout, une saturation, qu'on a atteints, a dit lui-même le
ministre des Finances cet après-midi. Il faut donc prendre à ce
moment-là tous les moyens possibles pour augmenter la production et la
productivité. Pour augmenter production et productivité, il
faudra peut-être, quant à certains programmes de dépenses
dites sociales, faire montre d'un peu plus d'austérité pour
être capable d'investir dans des entreprises de l'ordre économique
des montants considérables qui serviront directement à nous
créer une base industrielle plus importante au Québec, ou
indirectement à entraîner chez nous des capitaux étrangers.
Ceux-ci commenceront alors à revenir chez nous, parce qu'hélas!
depuis deux ans, deux ans et demi, l'afflux des capitaux étrangers
d'investissements dans l'industrie au Québec a été de
beaucoup moindre importance que ce que nous espérions. Les causes de
cette carence d'investissements, le député de Laval y a
touché tantôt, je l'en félicite. Une des principales, c'est
l'instabilité politique qui règne au Québec. Cette
instabilité politique est due non seulement aux prédications du
député de Laurier, mais également à
l'instabilité et àl'incohérence du gouvernement
actuel.
Comment voulez-vous que les investisseurs aient confiance dans une
région donnée ou dans un pays donné quand son gouvernement
se dédit et se contredit constamment d'une semaine à l'autre,
quand ce n'est pas d'une journée à l'autre? Comment voulez-vous
qu'on ait confiance dans une région ou dans un pays donné quand
le gouvernement n'a pas l'autorité avec un grand A, le leadership
nécessaire pour maintenir, à l'intérieur de ses
frontières, l'ordre et lapaix?
Je suis d'accord que nous allions à Ottawa
récupérer des champs de taxation. Je suis d'accord et je l'ai
prouvé tout au long de ma carrière. Je suis d'accord pour dire
à Ottawa: Mêlez-vous de vos affaires, comme l'a dit le ministre
des Finances cet après-midi.
UNE VOIX: Il n'y a pas longtemps.
M. LESAGE: Il y a très longtemps. Bien avant qu'un
député de l'autre côté en parle, alors que
j'étais député au fédéral, j'ai
réclamé pour les provinces les droits miniers sous-marins;
c'était en 1957. J'étais dans l'Opposition.
M. LIZOTTE: C'était la queue du chat, dans ce
temps-là,
M. LESAGE: En 1957, c'est celui qui vous parle qui, le premier, a
réclamé pour les provinces les droits miniers sous-marins. Ce
n'étaient pas les grands autonomistes de l'autre côté;
c'était un député fédéral, le
député de Montmagny-L'Islet, On a raison de demander à
Ottawa de s'occuper de ses affaires et de ne pas se mêler d'affaires
culturelles. D'accord, mais, d'un autre côté, il ne suffit pas de
réclamer. Il faut rétablir le climat de confiance qui a
existé ici de 1960 à 1966, alors que les investissements
étrangers et canadiens affluaient au Québec et que le
chômage diminuait. M. le Président, il est dix heures.
M. GRENIER: Le grand théâtre.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que la motion d'ajournement du débat est
adoptée? Adopté. L'honorable ministre du Travail.
M. BELLEMARE: J'ai l'honneur de demander...
Message du Conseil législatif « Conseil
législatif, le 13 décembre 1968.
M. LE PRESIDENT: On me permettra de communiquer à la Chambre un
message reçu du Conseil législatif.
Le Conseil législatif informe l'Assemblée
législative qu'il a voté sans amendement les bills suivants:
Bill no 285 intitulé: Loi modifiant de nouveau la loi des
cités et villes;
Bill no 286 intitulé: Loi modifiant de nouveau le code
municipal;
Bill no 289 intitulé: Loi modifiant la loi des
établissements industriels et commerciaux.
Bill no 292 intitulé: Loi de l'Office de la prévention et
du traitement de l'alcoolisme et des autres toxicomanies. »
Attesté Léonard Parent greffier associé du Conseil
législatif. »
M. LE PRESIDENT: Ces amendements sont-ils agréés?
M. BELLEMARE: II y a trois modifications. D'abord à l'article 2,
dans le bill original, dans le bill qui avait été soumis ici
à la Chambre basse, les députés...
M. LE SAGE: II y a eu une erreur, c'est très simple. On a
mis...
M. BELLEMARE: Un instant, vous avez votre droit de parole, j'ai le
mien.
M. LESAGE: Il est dix heures. On pourrait bien arrêter.
M. BELLEMARE: Les articles disaient: 5 et 18 tandis que c'est 5 à
18. L'autre, c'est aussi une autre chose très importante. On dit,
à la cinquième ligne du même paragraphe, que l'article 41 a
été modifié. C'est qu'on fait sauter le mot «
respective ».
L'alinéa suivant est ajouté à la fin de l'article
94 où il est question de pension: « Les prestations prévues
au présent article tiennent lieu des pensions auxquelles les conseillers
peuvent avoir droit en conformité de dispositions de la loi de la
Législature modifiées ou abrogées par la présente
loi et de toute indemnité pour renonciation à leur nomination
à vie ou, selon le cas, jusqu'à l'âge de 75 ans ou aux
droits acquis découlant d'une telle nomination. » Je vous propose,
M. le Président, d'accepter ces modifications.
M. LE PRESIDENT: Ces amendements seront-ils agréés?
Agréés,
M. LESAGE: M. le Président, je veux faire plaisir au leader du
gouvernement.
M. BELLEMARE: Me faire plaisir? J'en suis très heureux.
M. LESAGE: Le leader du gouvernement aime toujours voir nettoyer le
feuilleton.
M. BELLEMARE: Oui, oui.
M. LESAGE: Alors, étant donné que le Conseil
législatif a maintenant adopté le bill 90, je désire
obtenir le consentement unanime de la Chambre pour retirer le bill 99, ce qui
aura pour effet de faire tomber les articles 7 et 8 du feuilleton de ce
jour.
M. BELLEMARE: Comme je suis très sensible à cette grande
délicatesse de l'honorable chef de l'Opposition, nous nous rendrons avec
plaisir à sa demande. J'avais pensé le proposer dès demain
matin, mais nous l'acceptons.
Nous pourrions peut-être aussi accepter, vu les bonnes
dispositions du chef de l'Opposition la motion du rapport du comité de
l'éducation pour nous permettre d'introduire maintenant le bill 56.
M. LESAGE: Le bill est-il imprimé?
M. BELLEMARE: Il est sûrement imprimé.
M. LESAGE: Nous l'aurons demain matin à onze heures?
M. CARDINAL: Demain matin.
M. BELLEMARE: Nous pourrions faire...
M. LESAGE: Il y a une procédure un peu complexe, alors J'aimerais
bien à ce qu'on fasse ça demain matin, je voudrais regarder les
règlements.
M. BELLEMARE: Le règlement est très simple,
M. LESAGE: Nous le regarderons. M. BELLEMARE: Nous l'avons
regardé. M. LESAGE: Oui mais, Je le regarderai. M. BELLEMARE: Vous
l'avez oublié?
M. LESAGE: Non.
M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, ajournement de la Chambre
à onze heures demain matin.
M. LE PRESIDENT: La Chambre s'ajourne à demain matin onze
heures.
(22 h 5)
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