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(Quinze heures huit minutes)
M. LEBEL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre,
messieurs!
Présentation de pétitions. Lecture et réception de
pétitions. Présentation de rapports de comités
élus. Présentation de motions non annoncées.
Présentation de bills privés. Présentation de bills
publics.
M.BERTRAND: A.
Bill 292
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Santé du Bien-Etre
social et de la Famille propose la première lecture de la Loi de
l'Office de la prévention et du traitement de l'alcoolisme et des autres
toxicomanies.
L'honorable ministre de la Santé.
M. CLOUTIER: M. le Président, ce projet de loi est bien explicite
par son titre. Il s'agit de la création d'un Office de prévention
et de traitement de l'alcoolisme et des autres toxicomanies. Il s'agit, par la
création de cet organisme rattaché au ministère de la
Santé, de sanctionner un organisme qui existe déjà et qui
résulte de la fusion de quatre autres organismes qui oeuvrent dans ce
secteur.
La loi prévoit aussi la création d'un conseil de l'OPTAT.
En l'absence du chef de l'Opposition, j'ai personnellement communiqué
avec le député de Richmond, avant la séance pour lui dire
que je m'occuperais de lui fournir, cet après-midi, une épreuve
du projet de loi, afin qu'il puisse en commencer l'étude.
M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture sera-t-elle
adoptée? Adopté.
M. LE GREFFIER-ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à la prochaine
séance ou à une séance subséquente.
M. BERTRAND: B.
Bill 290
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail propose la
première lecture de la Loi des relations de travail dans l'industrie de
la construction.
L'honorable ministre du Travail.
M. BELLEMARE: M. le Président, ce projet de loi a pour objet
d'instituer, pour le secteur de l'industrie de la construction, un nouveau
régime de relations de travail. L'industrie de la construction sera
désormais régie exclusivement par des décrets provinciaux
ou régionaux négociés pour le compte des salariés
et des employeurs par des associations représentatives. Le projet
reconnaît immédiatement comme associations représentatives
dans tout le Québec pour le compte des salariés: la
Confédération des syndicats nationaux et la
Fédération des travailleurs du Québec.
Pour le compte des employeurs, le patronat: la Fédération
de la construction du Québec, l'Association provinciale des
constructeurs d'habitation du Québec Inc., l'Association des
constructeurs de routes et des grands travaux du Québec, la Corporation
des maîtres électriciens du Québec et la Corporation des
maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec. D'autres
associations pourront se faire reconnaître par le ministre du Travail et
de la Main-d'Oeuvre, si elles représentent au moins 20% du nombre des
salariés ou, suivant le cas, des employeurs du Québec ou d'une
région.
Les associations représentatives des salariés ne pourront
plus conclure de convention collective en vue d'un décret, si, dans leur
ensemble, elles en viennent à grouper moins de 20% des travailleurs dans
tout le territoire auquel s'applique un décret. En ce cas, le ministre
consultera les associations qui demeureront représentatives, avant
d'adopter une ordonnance réglementant des conditions de travail dans les
territoires jusque-là régis par un décret. Par ailleurs,
une association qui groupera moins de 5% des salariés ou des employeurs
pourra participer aux négociations conduisant à l'adoption d'un
décret. Elle n'aura cependant pas droit de veto, c'est-à-dire
que, si, dans une région, il n'y a pas au moins 5% de la
représentation des travailleurs, elle peut assister aux
négociations, mais elle n'a pas le droit de s'opposer à la
convention.
Un seul décret régira tous les métiers et emplois
de l'industrie de la construction dans un territoire donné. Pendant la
durée de ce décret, la grève et le lock-out seront
prohibés. Nonobstant l'existence d'un décret, les employeurs et
les salariés pourront convenir, en dehors des régions de
Québec et de Montréal, de conditions particulières
applicables à tout chantier de construction comportant des travaux
d'au-delà de $25 millions.
Le projet contient des dispositions visant â
protéger plus efficacement la liberté des salariés
d'appartenir à l'association de leur choix et précise à
cet égard les obligations tant de l'employeur que des associations de
salariés. Le projet prévoit que les clauses de
sécurité syndicale ne peuvent faire l'objet d'un décret.
Cependant, si un accord intervient entre les parties représentatives
relativement aux précomptes des cotisations, il y aura recours à
l'arbitrage ou au cas de violation de cet accord. Il institue enfin une
commission consultative mixte, chargée de faire des recommandations au
ministre du Travail et de la Main-d'Oeu-vre, notamment sur l'uniformisation des
définitions des métiers et emplois et des régimes de
sécurité sociale.
Je devrais dire, M. le Président, si vous me le permettez,
qu'à l'article 7, il y aura une modification de dernière minute,
parce que, semble-t-il, le texte n'est pas assez clair. On dira plutôt:
« Un territoire régi par une ordonnance ou un ancien décret
», et il y aura aussi une correction apportée à l'article
47, parce que c'est un défaut d'impression. On dit par exemple: «
Toute mésentente relative à l'interprétation ou à
l'explication d'un accord ». En anglais, la formule est bonne: «
Any desagreement respecting the interpretation or application ». Alors,
il faudrait dire à la place du mot explication, le mot application.
M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture sera-t-elle
adoptée? Adopté.
M. LE GREFFIER ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: La deuxième lecture à la séance
subséquente ou à une prochaine séance.
Déclaration ministérielle
Enquête sur les problèmes
linguistiques
M. BERTRAND: Je désire porter à l'attention de la Chambre
un arrêté ministériel d'une très grande importance
qui a été adopté ce matin même par le Conseil des
ministres. Depuis quelques années on se préoccupe beaucoup, dans
divers milieux, de l'avenir de la langue française au Québec,
à bon droit, d'ailleurs, puisqu'il s'agit d'un élément
absolument vital de notre héritage collectif.
La langue est plus encore qu'un mode d'expression, elle est l'instrument
qui modèle la pensée, qui imprime à la culture son
caractère propre. Si donc la langue française est me-
nacée au Québec, la culture française l'est aussi et dans
la même mesure. Jusqu'à quel point y a-t-il péril en la
demeure?
Disons que, là-dessus, les avis sont partagés. Certains
proclament qu'au train où vont les choses, le français est
appelé à disparaître à plus ou moins brève
échéance, ce qui soit dit en passant, n'est pas de nature
à encourager les nouveaux venus à opter pour notre langue et pour
notre culture.
D'autres, sans nier qu'il y a des problèmes à
résoudre et des redressements à opérer, soutiennent que,
dans l'ensemble, le français fait malgré tout des progrès
constants.
Mes observations personnelles m'inclineraient plutôt à me
ranger avec les optimistes. Mais je reconnais que nous n'avons ici ni toutes
les informations, ni toutes les connaissances nécessaires pour trancher
la question. C'est l'un de ces domaines où le législateur doit
nécessairement recourir aux lumières des spécialistes.
Une chose est certaine, c'est qu'en Amérique du Nord où
vivent deux cent millions d'anglophones et où les techniques de
diffusion ont atteint la puissance que l'on sait, le français se trouve
dans une situation particulièrement difficile. Etant donné ce
contexte où nous sommes immergés, ce n'est pas la langue de la
minorité qui est la plus vulnérable au Québec mais celle
de la majorité. Nos compatriotes anglophones, d'une façon
générale, l'admettent et le déplorent. Ils estiment, eux
aussi, que le Québec doit rester français.
Ils reconnaissent que le fait français est un trait essentiel de
l'identité canadienne et, à plus forte raison, de
l'identité québécoise. Si le Québec doit rester
français, il faut que nous prenions les moyens voulus pour qu'il en soit
ainsi.
Le gouvernement du Québec assume-t-il toutes les
responsabilités qui lui incombent comme principal gardien de la langue
et de la culture françaises au Canada? Disons qu'il tend à les
assumer de mieux en mieux. Au ministère de l'Education, au
ministère des Affaires culturelles, de qui relève l'Office de la
langue française, au ministère de l'Immigration, qui veillera
désormais au choix et à l'accueil des nouveaux
Québécois, au ministère de l'Agriculture, en ce qui
concerne l'étiquetage des produits alimentaires, au ministère des
Affaires intergouvernementales, en ce qui a trait aux rapports et aux
échanges avec les autres pays francophones, et sans doute en bien
d'autres secteurs ou services de l'administration québécoise, des
jalons sont posés, des principes sont établis, des pratiques
sont
instaurées en vue de donner à la langue et à la
culture française la place qui doit être la leur au Québec,
c'est-à-dire la première.
Est-ce suffisant? Je dis que non. Il faut faire bien davantage. Mais
pour agir avec toute l'efficacité nécessaire, il importe que nous
sachions d'abord quelle est exactement la situation de la langue
française au Québec, dans le domaine économique comme dans
tous les autres domaines.
Combien de Canadiens français doivent utiliser l'anglais comme
langue de travail? Jusqu'à quel point doivent-ils renoncer à leur
épanouissement culturel pour gagner leur vie ou pour hausser leur niveau
de vie? Quelle est la langue de la science et de la technique au Québec?
Comment faire en sorte que le français n'y soit pas uniquement la langue
du foyer ou de l'école mais tout aussi bien la langue des affaires, du
progrès, du génie et de la recherche? Comment faire en sorte
qu'elle ne soit pas seulement une langue de traduction, mais une langue de
conception, de création et d'innovation?
Pour obtenir des réponses à ces questions et à
toutes les autres qu'on peut se poser, le gouvernement a décidé
de créer une commission d'enquête. D'autres organismes, comme la
commission Parent et la commission Lau-rendeau-Dunton, nous ont
déjà fourni des éléments de réponse. Aucune
enquête n'a cependant encore été instituée pour
étudier spécifiquement et en profondeur le problème des
langues au Québec avec tout ce qui s'y rattache, y compris les droits
linguistiques de la majorité et de la minorité.
Tel est l'objet de cet arrêté ministériel que je
dépose afin de le porter immédiatement à l'attention du
chef de l'Opposition, de tous les députés, de la presse et du
public.
Nous espérons que la commission pourra nous faire rapport dans
les douze mois. Suivant ses recommandations, des mesures pourront alors
être prises pour compléter et ordonner, dans un ensemble bien
structuré, notre politique linguistique.
En attendant, tous comprendront sans doute la nécessité de
maintenir le statu quo en ce qui concerne le libre choix pour les parents des
institutions anglophones ou francophones que fréquentent leurs enfants.
Tous comprendront aussi la nécessité de prévoir la
réglementation et les mécanismes voulus pour que les anglophones
puissent acquérir une connaissance pratique du français et pour
que les citoyens qui viennent s'installer au Québec puissent apprendre
eux-mêmes le français et envoyer leurs enfants dans des
écoles françaises.
Ce sera l'objet d'un projet de loi dont l'avis apparaît au
feuilleton de la Chambre et dont le texte, avec la permission du chef de
l'Opposition et de mes collègues de la Chambre, pourrait être
appelé immédiatement en première lecture pour qu'il soit
porté à la connaissance de tous les députés de
cette Chambre, de la presse et du public.
Si on veut me le permettre, M. le Président, je donnerai lecture
de l'arrêté ministériel.
M. LESAGE: Très bien.
M. BERTRAND: Cet arrêté ministériel, qui porte le no
3958 et la date du 9 décembre 1968, est intitulé: «
Arrêté ministériel concernant une enquête sur la
situation de la langue française au Québec et les mesures
à prendre pour en assurer le plein épanouissement, ainsi que sur
les droits linguistiques des citoyens du Québec. « Vu la
complexité du problème linguistique au Québec et l'urgence
d'y apporter des solutions; « Vu les responsabilités du
Québec à l'égard de la langue de la majorité de ses
citoyens; « Vu la nécessité d'une politique linguistique
qui tienne compte du caractère du Québec en Amérique du
Nord et de ses relations avec les autres provinces du Canada et le gouvernement
fédéral; « Attendu qu'il est essentiel de faire
enquête sur la situation de la langue française au
Québec; « Attendu que, pour les mêmes motifs, il est
essentiel de rechercher les moyens les plus aptes à garantir l'exercice
des droits linguistiques de la majorité, dans le respect des droits de
la minorité! « Il est ordonné, en conséquence, sur
la proposition du premier ministre, que soit constituée, sous
l'autorité de la Loi des commissions d'enquêtes, Statuts refondus
du Québec, 1964, chapitre 11, une commission pour faire enquête et
rapport sur la situation du français, comme langue d'usage au
Québec, et pour recommander les mesures propres à assurer: a)Les
droits linguistiques de la majorité aussi bien que la protection des
droits de la minorité. b) Le plein épanouissement et la diffusion
de la langue française au Québec dans tous les secteurs
d'activités, à la fois sur les plans éducatif, culturel,
social et économique.
Que M. Jean-Denis Gendron et Mme Madeleine Doyon-Ferland de
Québec, M. Edward McWhinney, M. Nicolas Mateesco-Matte et M. Aimé
Gagné, de Montréal, soient nommés mem-
bres de cette commission d'enquête et que M. Jean-Denis Gendron
agisse comme président. Que M» Guy Grégault, de
Québec, soit nommé secrétaire de cette commission. Que
cette commission soit tenue de faire rapport au gouvernement dans les douze
mois de la date d'approbation du présent arrêté en conseil
ou dans tout autre délai qui sera subséquemment fixé et
que le maximum de ses frais soit fixé à $100,000.
Le greffier du Conseil exécutif
Jacques Prémont Copie conforme
M. BERTRAND: Je fais remettre à tous les collègues copie
de la déclaration que je viens de lire ainsi que copie de
l'arrêté ministériel qui a été adopté
et qui a été également déposé sur la table
du greffier de cette Chambre.
M. Jean Lesage
M. LESAGE : M. le Président, le premier ministre, à la fin
de ses remarques, a référé à un projet de loi dont
l'avis de présentation apparaît en appendice au feuilleton.
Il a suggéré qu'il y ait consentement unanime de la
Chambre à ce que la première lecture soit faite dès
aujourd'hui, afin que le texte du projet de loi puisse être
distribué sans délai. Nous sommes d'accord.
Cependant, je voudrais bien qu'il soit compris que le fait de
l'établissement ou de la création, si l'on veut, d'une commission
d'enquête sur l'état de la langue française au
Québec ne nous empêchera pas, lors de l'étude du moins, du
principe du projet de loi et de son contenu, de discuter de l'avenir du
français au Québec. C'est là un sujet qui, nous, de ce
côté-ci de la Chambre, nous préoccupe depuis très
longtemps.
Je n'ai pas l'intention d'abuser de votre patience mais il s'agit d'un
sujet très important, surtout dans le contexte actuel, et je suis
certain que vous aurez à mon égard un peu d'indulgence lorsque
j'insisterai sur le fait que de nombreux députés des partis en
cette Chambre, dont le parti libéral, se sont prononcés
catégoriquement. C'était le 5 ou le 6 octobre, lors de notre
assemblée générale annuelle, que nous décidions,
non pas en caucus, mais en congrès général du parti, que
le gouvernement devait prendre les moyens nécessaires pour que le
français devienne effectivement langue prioritaire au Québec, et
que nous devions prendre les dispositions pour assurer la normalisation
progressive du français écrit et parlé.
Je n'ai pas voulu citer les attendus, M. le Président. C'est un
document public, et je crois qu'ils sont connus.
Je le répète, de ce côté-ci de la Chambre, la
politique de la langue, c'est une question qui nous préoccupe depuis
longtemps, très longtemps. Et je pense que, dans le passé, nous
avons pris, non seulement à l'occasion de ce congrès, mais il y a
beaucoup plus longtemps, des positions nettes et précises. Je n'ai
qu'à évoquer un discours que j'ai prononcé au printemps de
1966, au cours de la campagne électorale et dont un peu tout le monde, y
compris celui qui vous parle, avait fait des gorges chaudes, non pas à
cause du contenu du discours, mais à cause du fait que le sujet avait
été traité au cours d'une campagne électorale, lors
d'une assemblée politique partisane.
M. ALLARD: Dans la Beauce.
M. LESAGE: Oui,àSaint-Georges-de-Beau-ce. Et au cours de ce
discours, M. le Président, j'avais fait un énoncé complet
et détaillé de la politique du parti libéral en ce qui
concerne la langue française. Le choix stratégique du temps et de
l'endroit n'était peut-être pas très heureux, mais j'avais,
à ce moment-là, bien déclaré quelle était
notre politique. J'avais dit qu'il fallait absolument agir, et sans
délai, sur trois plans: Premièrement, sur la qualité de
notre français; deuxièmement, sur son utilisation chez nous; et
troisièmement, sur l'importance de donner au Québec son vrai
visage français.
Je voudrais bien qu'à l'occasion de la discussion que nous
aurons, lors de l'étude du bill dont avis est donné en appendice,
nous ayons l'occasion de discuter de toute la question, en dépit du fait
que l'étude du problems a été confiée à une
commission d'enquête.
M. BERTRAND: M. le Président, je voudrais tout simplement ajouter
d'abord les propos suivants: Le chef de l'Opposition a parfaitement raison.
Voilà un problème que j'ai moi-même qualifié, dans
la déclaration que je faisais en cette Chambre, le 27 novembre, de
problème délicat et difficile, un problème qui touche
à ce que les hommes ont de plus cher, leur langue et leur culture.
Par contre, c'est un problème, où, parfois, les
réactions émotives peuvent prendre le pas sur la froide raison.
Dans notre mouvement politique, si on examine les documents qui ont
été rendus publics, par exemple notre programme de 1962, on
retrouvera premièrement des prises de position sur la protection des
droits des minorités. Deuxièmement, si on examine les travaux de
nos assises de 1965, on trouvera également là des
résolutions qui ont été adoptées et qui ont trait
au rayonnement de la culture et de la langue françaises.
Si on se réfère au programme politique de 1966, on notera
l'expression suivante: que la langue française devienne la langue
nationale au Québec. De plus, depuis ce temps, des déclarations
ont été faites tant par le chef de l'Opposition que par mon
prédécesseur, le premier ministre, l'honorable Daniel Johnson,
lorsque s'est posé dans le domaine scolaire, le cas spécifique de
Saint-Léonard, alors qu'au comité parlementaire de
l'éducation c'était le 13 juin, si mon souvenir est bon
M. Johnson avait fait un énoncé de principe. Cet
énoncé de principe, il l'a repris dans sa conférence de
presse, quelques jours avant son décès.
Dans ce domaine, M. le Président, je crois qu'à l'occasion
de l'étude du bill 85, dont je vous demanderais d'appeler la
première lecture, puisqu'il apparaît en appendice, et avec le
consentement du chef de l'Opposition et de mes collègues, je pourrai, en
donnant lecture des notes explicatives, exposer sommairement à la
Chambre la solution que nous avons trouvée pour maintenir le statu
quo.
M. LAPORTE: M. le Président, avant que cette lecture soit
appelée, et qu'on change de sujet brusquement, j'aurais une autre
question. M. Nicolas Mateesco-Matte est, évidemment, un immigrant
universitaire de haute réputation. M. Aimé Gagné est
directeur des relations publiques à l'Alcan, je crois.
M. BERTRAND: Oui. M. Aimé Gagné.
M. LAPORTE: Cette Chambre voudra bien excuser mon ignorance, mais le
premier ministre voudrait-il nous en dire un peu plus long sur M. Jean-Denis
Gendron et sur Mme Madeleine Doyon-Ferland?
M. BERTRAND: Sur M. Jean-Denis Gendron j'aurai, d'ailleurs, de
plus longues biographies je peux dire qu'il est vice-doyen de la
faculté des lettres de l'université Laval et membre de la
Commission consultative de l'Office de la langue française. Il s'est
toujours intéressé au problème de la langue.
M. Edward McWhinney est juriste à l'université McGill; il
est bilingue et a toujours porté une attention toute spéciale au
problème de la langue. Quant à Nicolas Mateesco-Matte, c'est
également un domaine qui l'a toujours intéressé. M.
Gendron est le président. Mme Doyon-Ferland est une personne
cultivée qui enseigne également à l'université
Laval de Québec et qui s'est toujours vivement intéressée
au problème et au rayonnement de la langue française. Quant
à M. Guy Frégault, je n'ai pas besoin de faire son éloge,
ni, non plus...
M. LAPORTE: Son histoire est connue.
M. BERTRAND: Son histoire est très bien connue. Il est, à
l'heure actuelle, commissaire de la coopération avec l'extérieur,
commissariat rattaché au ministère des Affaires
intergouvernementales. M. le Président, l'appendice.
M. LESAGE: Mme Doyon-Ferland est l'épouse du juge Ferland?
M. BERTRAND: Oui.
M. LESAGE: II est très bien connu.
M. BERTRAND: Oui. Très bien connu.
M. LESAGE: Quant à nous les Québécois, cela nous
renseigne.
M. BERTRAND: Nous avons voulu prendre des personnes dont
l'objectivité dans ce domaine était acquise. M. le
Président, étant donné le consentement de l'Opposition et
de tous les députés, si vous voulez appeler une loi qui
apparaît à mon nom en appendice.
Bill 85
M. LE PRESIDENT: Du consentement unanime des membres de la Chambre,
l'honorable premier ministre propose la première lecture de la Loi
modifiant la loi du ministère de l'Education, la Loi du Conseil
supérieur de l'éducation et la Loi de l'instruction publique.
L'honorable premier ministre.
M. BERTRAND: M. le Président, ce projet a pour objet de
préciser le rôle de la langue française dans le domaine de
l'éducation au Québec. Il confie au ministre de l'Education des
responsabilités nouvelles relativement aux mesures à prendre pour
assurer une connaissance d'usage de la langue française aux personnes
qui s'établissent au Québec et à leurs enfants, de
même qu'aux personnes qui fréquentent des institutions
d'enseignement public de langue anglaise. Il vise aussi à faire
établir, par un comité du Conseil supérieur de
l'éducation, qui est institué par le projet sous le nom de
comité linguistique, les règlements suivant lesquels le ministre
reconnaîtra les institutions d'enseignement public comme étant de
langue française ou de langue anglaise.
L'article 1 donne au ministre de l'Education la responsabilité de
prendre, de concert avec le ministre de l'Immigration, les dispositions
nécessaires pour que les personnes qui s'établissent au
Québec puissent acquérir, dès leur arri-
vée, une connaissance d'usage de la langue française et
faire instruire leurs enfants dans des écoles reconnues par le ministre
comme étant de langue française. Les articles 2 à 7
instituent le comité linguistique du Conseil supérieur de
l'éducation. Ce comité sera composé, comme les autres
comités du conseil, de quinze membres quand je parle des autres
comités du conseil, je veux parler du comité catholique et du
comité protestant dix d'entre eux seront francophones et cinq
seront anglophones.
Les membres seront nommés par le gouvernement, sur la
recommandation du conseil, qui aura, au préalable, consulté les
associations ou organisations les plus représentatives des
éducateurs et des parents, des groupes linguistiques, francophones et
anglophones, du Québec.
L'article 8 définit les pouvoirs du comité linguistique.
Il sera chargé : a) de faire des règlements suivant lesquels le
ministre de l'Education reconnaîtra comme étant de langue
française ou de langue anglaise les institutions d'enseignement public;
b) de faire des règlements régissant les programmes
d'étude et les examens pour tous les enseignements dans les institutions
reconnues comme étant de langue anglaise, de façon à
assurer une connaissance d'usage de la langue française aux personnes
qui fréquenteront ces institutions; c) de faire des recommandations au
conseil ou au ministre, notamment sur la qualification, au point de vue
linguistique, du personnel dirigeant et du personnel enseignant de toutes les
institutions d'enseignement public.
Les règlements du comité devront être
approuvés par le gouvernement, déposés sans délai
auprès de la Législature et publiés dans la Gazette
officielle de Québec. L'article 9 est de concordance. L'article 10
ajoute aux devoirs imposés par la Loi de l'instruction publique, aux
commissaires et aux syndics d'école, ceux de prendre les mesures
nécessaires pour que les cours qu'ils sont tenus de donner, de la
première à la onzième année, soient, non plus
seulement ceux qui sont adoptés ou reconnus pour les écoles
publiques, catholiques ou protestantes, mais aussi ceux qui sont adoptés
ou reconnus pour les écoles qui sont de langue française ou de
langue anglaise.
Ces cours seront donnés à tous les enfants
domiciliés dans le territoire soumis à leur juridiction, s'ils
sont jugés aptes à suivre ces cours, et si leurs parents, ou les
personnes qui en tiennent lieu, sont désireux de les y inscrire. Les
commissaires devront aussi s'assurer que les cours donnés dans leurs
écoles seront conformes aux règlements édictés ou
approuvés, non seulement pour les écoles publiques ca- tholiques
ou protestantes, mais aussi pour les écoles de langue française
ou de langue anglaise.
Toute résolution qui dérogera aux devoirs ainsi
imposés aux commissaires ou aux syndics pourra être annulée
par le ministre. A la demande de tout intéressé, elle pourra
être annulée, modifiée ou approuvée on le
verra dans le texte - par le ministre, après consultation du
comité linguistique du Conseil supérieur de l'éducation,
qui aura 90 jours pour donner son avis. On notera, à ce même
article, que la décision du ministre devra être transmise sans
délai à l'intéressé et qu'elle est
homologuée par la cour Provinciale, à la demande du ministre ou
de l'intéressé.
M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture sera-t-elle
adoptée? Adopté.
M. LE GREFFIER-ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à la prochaine
séance ou à une séance subséquente.
M. BERTRAND: Le bill...
M. BELLEMARE: Cinq.
M. BERTRAND: Le bill de Bishop.
M. BELLEMARE: Neuf.
M. BERTRAND: Neuf.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.
M. LAPORTE : Oui, oui, mais il y a une période de questions; ou
a-t-elle été supprimée?
M. BERTRAND: Oui, c'est très bien.
M. BELLEMARE: On ne l'a pas encore supprimée.
M. BERTRAND: Absolument.
M. LAPORTE: Pas encore supprimée.
M. BERTRAND: II n'y a rien de supprimé, il n'y a rien d'aboli
encore.
M. LAPORTE: Avant de supprimer, vous nous en parlerez.
M. BELLEMARE: Sauf le Conseil.
Questions et réponses
Manifestation
M. LAPORTE: Est-ce que je peux demander au premier ministre, avant que
je ne lui donne un indice nouveau, s'il a quelque progrès à
rapporter à cette Chambre quant à l'enquête qu'il a
accepté de faire et dont il doit faire rapport à cette
Chambre?
M. BERTRAND: Mon collègue, le ministre d'Etat attaché
à l'Education, peut apporter une réponse.
M. MORIN: Voici, M. le Président, ce qu'il m'est possible de dire
aujourd'hui en cette Chambre. Au ministère de l'Education, une
enquête est en cours, depuis vendredi dernier, concernant la
manifestation du 5 décembre.
Nous avons obtenu, jusqu'à maintenant, la collaboration des
autorités de la Commission scolaire de Québec. Je suis
présentement en possession d'un rapport préliminaire renfermant
certains faits qu'il convient de contrôler sérieusement avant de
faire, devant cette Chambre, une déclaration sur tous les aspects qui
ont entouré cette manifestation de jeudi dernier devant les
édifices du parlement.
Mercredi ou jeudi, je devrais être en mesure de fournir à
la Chambre tous les renseignements relatifs à cette affaire et
d'établir la responsabilité de chacun des groupes qui pourraient
y être impliqués.
M. LAPORTE: M. le Président, est-ce que l'enquête du
ministre pourrait inclure cet indice nouveau, qui me vient de personnes
sérieuses, à l'effet qu'un professeur, à la suite des
événements du 5 décembre, a demandé à tous
les élèves de sa classe qui étaient venus manifester
devant le parlement de lui dire, par écrit, quelles raisons les avaient
amenés ici. Les deux tiers des élèves n'ont pas
été en mesure de donner la moindre raison sérieuse.
M. BERTRAND: C'est vrai.
M. LAPORTE: En fait, ils ne savaient pas exactement ce qu'ils
étaient venus faire devant le parlement. Est-ce que le ministre,
étant donné que ce renseignement me vient de source
sérieuse, pourrait voir, à l'intérieur des écoles
de la commission scolaire, si ce fait nouveau peut être
confirmé?
M. MORIN: Je prends en note cette remarque du député de
Chambly et nous en tiendrons compte au cours de notre enquête.
M. LESAGE: Est-ce que le ministre d'Etat à l'Education, dans son
rapport préliminaire, a des indices quant à la participation de
directeurs de certaines écoles, peut-être même secondaires,
de Québec, et est-ce que son enquête porte sur les
activités de ces directeurs?
M. MORIN: Evidemment, je ne suis pas en mesure de dire aujourd'hui que
des directeurs ou des professeurs ont incité directement les
élèves à participer à cette manifestation. On nous
a fourni certains renseignements que nous essayons de contrôler
actuellement afin que lorsque nous ferons une déclaration, tous ces
indices, tous ces faits aient été sérieusement
contrôlés. Nous donnerons cette semaine en cette Chambre, mercredi
ou jeudi, tous les renseignements. D'autre part, tous les renseignements que
l'on voudra bien me fournir d'ici là seront acceptés avec
beaucoup de reconnaissance.
Agents suspendus
M. MALTAIS (Limoilou): M. le Président, j'ai une première
réponse à présenter à l'honorable
député de Verdun, à la suite d'une question qu'il m'avait
posée il y a déjà quelque temps concernant la suspension
de trois membres de la Sûreté, soit MM. Marcel Sainte-Marie, Emile
Picard et Maurice Miousse.
Lors de l'enquête préliminaire présidée
à Montréal par l'honorable juge Henri Loranger, à la suite
d'une dénonciation de conspiration logée contre ces trois
personnes et d'autres pour commettre un assaut causant des lésions
corporelles à Louis Sicotte avec l'intention de le blesser, le juge,
à l'examen de la preuve, les citait en justice sous diverses accusations
en marge de l'affaire Sicotte et aussi en marge de la preuve qu'il avait
reçue concernant un dénommé Marcel Lorange qui, selon le
juge, aurait aussi été victime des voies de fait causant des
lésions corporelles. Picard, Sainte-Marie et Miousse ont subi leur
procès relativement au cas de Marcel Lorange devant l'honorable juge
John O'Meara. Ils ont été acquittés le 15 novembre
1968.
Us doivent par ailleurs subir leur procès, comme tous les autres
accusés, au sujet de l'affaire Sicotte. Selon le jugement final dans ce
dernier cas, il appartiendra au directeur général de la
Sûreté, qui a d'ailleurs décidé de la chose de
prendre les initiatives qui apparaîtront alors devoir s'imposer.
M. WAGNER: Est-ce que le ministre me permet une question? Est-ce que le
Solliciteur général ne croit pas que la décision de priver
de leur solde ces officiers de police ne constitue pas une injustice? Est-ce
qu'il ne croit pas que, d'ordinaire, un accusé est présumé
innocent à moins d'être trouvé coupable, et que, dans le
cas présent...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. WAGNER: ... en privant les constables de leur salaire durant
déjà au-delà d'un an, une injustice grave est commise?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
DES VOIX: A l'ordre!
M. GOSSELIN: Le président est debout.
M. LE PRESIDENT: Malheureusement, je dois interrompre l'honorable
député de Verdun car il demandait là une opinion
juridique, ce qui est défendu en vertu de nos règlements.
M. MALTAIS (Limoilou): M. le Président...
M. BERTRAND: M. le Président, j'ai eu l'occasion de rencontrer le
président de la commission scolaire de Québec qui m'a fourni,
comme il en a fourni d'ailleurs au chef de l'Opposition, des faits sur lesquels
lui-même faisait enquête. Il devait me transmettre un document ce
matin. Je ne l'ai pas reçu. Peut-être a-t-il été
transmis directement au ministère de l'Education.
M. LESAGE: Je ne l'ai pas reçu, moi non plus.
M. BERTRAND: Cela complétera les renseignements que mon
collègue, le député de Lévis, pourra verser au
dossier.
M. LE PRESIDENT: L'honorable Solliciteur général.
Séquestre officiel
M. MALTAIS (Limoilou): Je voudrais produire une autre réponse
à l'honorable député de Verdun sur une question qu'il a
posée il y a déjà plusieurs jours, même plusieurs
semaines, et qui était la suivante: « Est-il exact que le
séquestre officiel et son personnel sont maintenant passés sous
la juridiction fédérale en vertu d'une entente récente
entre le ministère de la Justice provincial et le ministère
fédé- ral avec le résultat que la province aurait
cédé un domaine important des faillites et cela contrairement
à une promesse formelle donnée en Chambre par le ministre de la
Justice? »
J'avais répondu dans le temps que c'était une question de
quelque importance, que je voulais bien prendre le temps nécessaire et
donner le temps nécessaire à nos officiers de produire la
réponse la plus brève mais aussi la plus complète dans les
circonstances. Or, voici la réponse. Selon le mémoire, des
dispositions arrêtées lors d'une entrevue à
Montréal, le 26 octobre 1967, relativement aux enquêtes et
à la poursuite des infractions et des actes criminels commis en
matière de faillite, une entente a été signée le
1er novembre 1967 par le surintendant des faillites d'une part et le
sous-ministre associé de la Justice du Québec, chargé des
affaires criminelles et au sujet de laquelle le ministre de la Justice du
Québec et le registraire général du Canada avaient dans le
temps exprimé leur satisfaction.
Ledit mémoire avait précisément pour but de
décrire de la façon la plus claire et la plus simple possible les
responsabilités du gouvernement fédéral ainsi que celles
du gouvernement provincial dans le domaine des faillites comme suite à
la conférence des procureurs généraux.
Le mémoire établissait aussi les modalités d'une
coopération plus étroite entre les deux ordres de gouvernement.
Ce mémoire visait aussi à établir clairement le rôle
dévolu à chaque ordre de gouvernement et les
responsabilités de chacun. On y ajoutait que c'était là
une condition sans laquelle la mise à jour et la répression des
abus en matière de faillite ne pouvaient se faire avec efficacité
et diligence.
Les opérations se sont poursuivies depuis lors
conformément à la loi et à cette entente et d'une
façon satisfaisante selon l'opinion des officiers du ministère de
la Justice du Québec. Or, le 11 juin 1968, un entretien avait lieu
à
Québec auquel prenait part le surintendant des faillites, Me
Roger Tassé. Au nom de l'autorité fédérale, le
surintendant proposait que les séquestres officiels relèvent
complètement de l'autorité du surintendant des faillites, non
seulement quant à leur nomination mais quant à l'exercice de leur
fonction.
Il fut même question d'une enquête qui se déroulait
sou l'égide de M. Pierre Carignan relative à la Loi des faillites
à la demande du gouvernement fédéral et dont le rapport
devait être attendu d'ici un an ou deux.
Le surintendant suggéra alors d'attendre le rapport de cette
enquête avant d'apporter des changements radicaux. Il fut admis que la
juridiction en matière de faillite soulève des pro-
blêmes qui devraient éventuellement faire l'objet de
discussions lors d'une conférence
fédérale-provinciale.
Cependant, le 28 juin 1968, une lettre était reçue par le
ministre de la Justice du Québec signée de l'honorable John N.
Turner en sa qualité de ministre de la Consommation et des
Corporations.
Cette lettre, datée le 18 juin 1968, était corrigée
quant à sa date pour porter celle du 26 juin 1968. Il s'agissait d'un
avis au ministre de la Justice du Québec à l'effet que le
gouvernement fédéral avait nommé un certain nombre de
fonctionnaires fédéraux, à Montréal en particulier,
comme séquestres officiels, et que ces nouveaux séquestres
officiels entraient en fonction à compter du 1er juillet 1968.
D'ailleurs, le ministre de la Justice du Québec écrivait
à l'honorable John M. Turner, ministre de la Justice du Canada, le 18
juillet 1968. Il lui exprimait à la fois sa surprise d'apprendre les
décisions qui avaient été prises par l'autorité
fédérale, le fait que nous mettions sérieusement en doute
la constitutionnalité d'une grande partie de la loi des faillites, en ce
qui touche plus particulièrement l'administration de cette loi,
l'organisation des tribunaux de faillite et la nomination des officiers et
fonctionnaires de ces tribunaux.
Le ministre de la Justice du Québec exprimait aussi le
désir du Québec de soulever ces questions à l'occasion des
discussions touchant la révision de la constitution. Le ministre de la
Justice du Québec signalait que les décisions unilatérales
prises au niveau fédéral, alors que des pourparlers
étaient engagés avec le Québec, et en regard du
problème constitutionnel et de l'étude commanditée par le
gouvernement fédéral, constituaient une attitude qu'il qualifiait
de désinvolte.
En dépit de cela, le ministre de la Justice du Québec
assurait le ministre de la Justice du Canada de son entière
collaboration pour trouver des solutions aux problèmes posés par
la loi des faillites, suggérant qu'il ne soit pas donné suite
à la décision relatée dans la lettre du 26 juin, dont il
est question ci-dessus.
En dépit de communications répétées depuis
cette date, l'attitude de l'autorité fédérale n'a pas
changé. L'honorable Ron Besford, en date du 17 septembre 1968,
écrivait à l'honorable ministre de la Justice du Québec
qu'il ne pouvait ajouter quoi que ce soit, reconnaissant toutefois les
divergences de vue évidentes entre les deux gouvernements.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.
Autres projets de loi
M. LESAGE: Le premier ministre est-il en mesure de dire aux
députés de cette Chambre s'il y a d'autres projets de loi que le
gouvernement a l'intention de proposer pour adoption au cours de la
présente session?
M. BERTRAND: M. le Président, il y a une demande qui nous a
été présentée par les Caisses populaires,, Le
comité des institutions financières a siégé
vendredi. C'est une demande qui est formulée apparemment depuis deux ans
et plus. Un rapport a été présenté ce matin
à nos légistes.
M. LESAGE: Ce matin.
M., BERTRAND: II appert qu'un projet de loi très succinct,
répondant aux demandes les plus pressantes, pourrait être
adopté et ne pas soulever de problèmes. Voilà un projet de
loi. Nous serons probablement en position d'en transmettre la galée au
chef de l'Opposition, demain après-midi.
M. LESAGE: Demain après-midi.
M. BERTRAND: C'est ce que l'on ma dit. Deuxièmement, il y
a...
M. LESAGE: Je vais être bien franc avec le premier ministre. C'est
que les autorités appelons-les les autorités, si l'on veut
du mouvement coopératif et des Caisses populaires m'ont dit
qu'elles désiraient me faire des représentations.
Alors, si je pouvais avoir le texte demain après-midi, cela
hâterait peut-être les discussions en Chambre, si j'avais de la
part des intéressés les mêmes représentations que
celles que le gouvernement a reçues, cela serait peut-être de
nature à hâter les choses.
M. BERTRAND: Aussitôt que je pourrai faire transmettre la
galée au chef de l'Opposition, je le ferai.
Il y aura...
M. LAPORTE: Ce n'est pas un projet de mariage, non?
M. BERTRAND: M. Dozois, le ministre des Finances, a un entretien, encore
cet après-midi, avec M. Saulnier, il doit nous faire rapport demain
matin, au Conseil des ministres.
Peut-être une loi du ministre des Affaires municipales,,..
M. LAPORTE: Il ne m'a pas consulté du tout.
M. BERTRAND: Non, mais celle-là n'est pas contentieuse.
M. LAPORTE: Elle n'est pas contentieuse; alors, ça va.
M. BERTRAND: Je laisserai au ministre des Affaires municipales le soin
d'expliquer ce que pourrait être cette loi.
M. LAPORTE: Le ministre est-il au courant?
M. BERTRAND: Il l'est. Le ministre est en état de fournir les
renseignements quant à l'homologation.
M. LUSSIER: Il s'agirait de donner au lieutenant-gouverneur en conseil
la permission, par arrêté en conseil, de décréter
une zone d'homologation ou de geler une zone de territoire qui pourrait servir
à l'érection du futur aéroport international. C'est une
loi qui ressemblerait à celle que le gouvernement antérieur a
adoptée pour Bécancour.
M. LAPORTE: Ce serait à quel endroit? M. LUSSIER: L'endroit n'est
pas choisi.
M. LESAGE: Comment pouvons-nous adopter une loi avant que le site soit
choisi?
UNE VOIX: Nous ne le savons pas.
M. LAPORTE: Cela donnerait au gouvernement le pouvoir d'homologuer une
fois qu'un endroit serait choisi. C'est ce que vous appelez un sujet non
contentieux!
M. LUSSIER: C'est pour éviter toute spéculation au niveau
du territoire.
M. LAPORTE: Je puis dire que nous sommes bien éloignés
d'approuver une chose comme celle-là.
M. BERTRAND: J'en ai causé avec le ministre des Affaires
municipales. Un comité a été formé au
ministère des Affaires municipales.
Il est en relation avec l'autorité centrale et il est plus que
probable que nous n'aurons pas à adopter cette loi d'ici à la fin
de la présente session.
M. LAPORTE: M. le Président, bien qu'on ait peut-être pu
l'oublier, nous sommes encore à la période des questions.
Pourrais-je, quant à moi, en poser une dernière au premier
ministre? Elle m'apparaît fort importante.
Nouveaux taux du téléphone
M. LAPORTE: La Compagnie de téléphone Bel! du Canada vient
d'annoncer il y a une pleine page à ce sujet dans tous les
journaux d'aujourd'hui une requête afin de faire augmenter
sensiblement ses tarifs dans la presque totalité des territoires qu'elle
dessert dans la province de Québec.
Chez moi, par exemple, l'augmentation sera de l'ordre de 11% à
12%. Je sais fort bien que c'est un organisme fédéral qui aura
à juger du bien-fondé de cette requête. La question que je
pose au premier ministre est: Est-ce l'intention du gouvernement dont il est le
chef de faire auprès de la commission, au nom des citoyens
québécois, des représentations quant à la
recevabilité et quant au montant de l'augmentation demandée par
la Compagnie de téléphone Bell?
M. BERTRAND: Oui, M. le Président.
M. LAPORTE: M. le Président, ce oui entraîne
évidemment, une question supplémentaire. Le gouvernement, s'il
peut nous le dire à l'heure actuelle étant donné
que la demande est rétroactive au 6 décembre et que nous sommes
rendus au 9 fera-t-il ces représentations par voie de
mémoire ou par la présence d'un procureur ou des deux
manières à la fois?
M. BERTRAND: Nous pouvons utiliser les deux, mais il y en a une que nous
utiliserons certainement. Nous avons auprès de l'autorité
centrale, des tribunaux et de toutes les commissions, un conseiller juridique
en la personne de M. Paul Martineau de Hull, qui, dès l'instant
où surgit un problème de la nature de celui qui est
soulevé par le député de Chambly, nous fait rapport et
reçoit les instructions du ministère de la Justice ou du conseil
des ministres.
M» LE PRESIDENT: L'honorable député de Drummond.
Aéroport international
M. PINARD: M. le Président, le premier ministre me permettrait-il
de lui poser une question à la suite de la déclaration qu'il a
faite et qui a été suivie de la déclaration du ministre
des Affaires municipales relativement
au gel possible de certains territoires en vue de l'érection du
nouvel aéroport international?
Ces remarques faites par le premier ministre, d'une part, et par le
ministre des Affaires municipales, d'autre part, nous laisseraient croire que
l'autorité fédérale et peut-être aussi
l'autorité provinciale en sont venues à une entente relativement
au site possible de l'aéroport international.
Je me dis que si le gouvernement de la province de Québec est
prêt à présenter devant la Chambre un projet de loi relatif
au gel d'un territoire donné, c'est que les pourparlers sont rendus
assez loin pour nous assurer que le gouvernement du Québec, d'une part,
et le gouvernement d'Ottawa, d'autre part, en sont arrivés à une
décision au sujet de l'emplacement du futur aéroport
international.
Je ne voudrais pas c'est une question délicate, je le
sais; je participe, comme le premier ministre le sait sans doute, à
certaines discussions je ne voudrais pas non plus, nuire à qui
que ce soit. Il faudrait quand même que le gouvernement du Québec
nous assure que toutes les mesures sont prises pour bien faire connaître
de façon précise, claire et vigoureuse le point de vue du
Québec en matière de déconcentration
économique.
M. BERTRAND: M. le Président, on m'a posé une question
tantôt, à savoir quels pouvaient être les autres projets de
loi. J'ai indiqué celui-là, parce que le ministre des Affaires
municipales m'avait dit qu'il était possible qu'il ait un dernier projet
de loi. Et, à ce moment-là, le ministre des Affaires municipales
je ne l'ai pas vu depuis vendredi ...
M. LUSSIER: D'accord.
M. BERTRAND: ... je lui ai laissé expliquer quelle pouvait
être la portée du projet de loi, parce que c'est lui qui le
connaît. Les renseignements que j'ai obtenus sont à l'effet que,
tout probablement, nous n'aurons pas à présenter un pareil projet
de loi, d'ici la fin de la présente session.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.
M. BELLEMARE: Neuf.
M. LAPORTE: M. le Président, je n'aurais pas d'objection, si le
premier ministre et le leader sont d'accord, à biffer les articles 7 et
8.
M. BELLEMARE: Cela a été demandé dans cette Chambre
le 6 décembre, et, par erreur...
M. LAPORTE : Vous avez des remords? Non?
M. BELLEMARE: Non, c'estparce qu'ils ont la vie bien dure, ces
deux...
M. LAPORTE: Cela commence à me donner...
M. BELLEMARE: Cela sera fait demain matin.
M. LAPORTE: Cela commence à me rendre mélancolique.
M. BELLEMARE: Très bien. M., BERTRAND: Numéro 9.
Bill 91
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Wolfe propose la
deuxième lecture de la Loi concernant les pouvoirs d'emprunt de Bishop's
University.
L'honorable député de Wolfe.
M. LAVOIE (Wolfe): M. le Président, le bill 91 a un titre qui
parle par lui-même, Loi concernant les pouvoirs d'emprunt de Bishop's
University,, Lorsqu'on lit le préambule, on constate qu'il y est dit que
la corporation ne possède pas, par sa charte, les pouvoirs d'emprunt
requis pour lui permettre de réaliser adéquatement ses fins et
qu'il y a lieu de les lui accorder.
J'ai rencontré l'honorable chef de l'Opposition. Il semblait
d'accord pour que ce bill soit accepté sans autre étude à
ce sujet.
M. LESAGE: Pardon?
M. L AVOIE (Wolfe): Lorsque j'ai rencontré le chef de
l'Opposition, la semaine dernière, j'ai cru comprendre qu'il n'avait pas
d'objection à ce que ce bill soit adopté sans d'autres
pourparlers.
M. LESAGE: Le député de Wolfe a parfaitement raison, M. le
Président, Je voulais simplement avoir l'assurance que toutes les
universités pouvant bénéficier du nouveau système
prévu par la Loi du financement des universités, aient les
pouvoirs d'emprunt nécessaires. Le premier ministre m'a remis, vendredi
ou jeudi, copie d'un avis juridique concernant les pouvoirs d'emprunt de
McGill. Je suis satisfait. Je sais que Laval et Montréal ont des
pouvoirs d'emprunt dans leur charte respective.
Par conséquent, il s'agit que Bishop soit sur
le même pied que les autres. D'ailleurs, Sir George Williams a le
pouvoir d'emprunt, Sherbrooke également. Ce sont là des
universités dont les chartes sont plus récentes. Il y avait le
cas de Laval et McGill en particulier. Ce sont de vieilles chartes royales,
mais, quand même, dans le cas de McGill, ça vaut la peine de le
mentionner parce qu'on se sert, dans cette vieille charte, d'un terme juridique
qu'on ne voit pas souvent au sujet du droit d'emprunter: « To obtain and
take loans of money upon such security whether by hypothecation of its lands
». Alors le mot « hypothecation », qui n'a pas
d'équivalent français, c'est un mot du vieil anglais, du vieux
style juridique anglais qu'il est intéressant de noter dans uns vieille
charte.
M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture sera-t-elle
adoptée? Adopté,
M. BELLEMARE: Comité.
M. LE GREFFIER ADJOINT: Deuxièmelec-ture de ce bill. Second
reading of this bill.
M. BERTRAND: Le comité, adopté.
Comité plénier et 3e lecture
M. LE PRESIDENT: De consentement unanime, il est noté que le
comité s'est formé, que le rapport a été fait par
le président du comité et que la troisième lecture est
adoptée.
M. BELLEMARE: Adopté. Cinq. M. BERTRAND: Cinq.
Bill 88
M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre propose la deuxième
lecture de la Loi de l'Université du Québec.
L'honorable premier ministre.
M. Jean-Jacques Bertrand
M. BERTRAND: M. le Président, il a plu au lieutenant-gouverneur
qui a pris connaissance du présent projet de loi d'en
recommander l'étude à la Chambre.
En proposant à la Législature l'adoption du bill 88
portant sur la création de l'Université du Québec, le
gouvernement a conscience de poser un acte capital pour le développement
du système scolaire et pour le progrès de la
société qué- bécoise tout entière. Pour la
première fois dans notre histoire, le gouvernement prend directement
l'initiative de la création d'une nouvelle université. Pour la
première fois, le système scolaire public aborde le niveau
universitaire. Pour la première fois également, un
véritable réseau d'établissements d'enseignement
supérieur sera constitué.
La création de l'Université du Québec coincide avec
le début d'une explosion démographique considérable au
niveau universitaire, par suite des grands progrès
réalisés au cours des dernières années au niveau
secondaire et au niveau collégial. Au cours des dix prochaines
années, les inscriptions au niveau universitaire doubleront, passant de
45,000 à 90,000. Pour absorber ce grand nombre d'étudiants, il
est clair qu'il faille créer de nouvelles universités. En
même temps, il faut envisager la décentralisation
géographique des services d'enseignement supérieur dans la
Mauricie, le Saguenay et le Bas Saint-Laurent. Enfin, la création de
l'Université du Québec coincide avec l'opération de
rapatriement de la formation des maîtres dans des institutions
universitaires ayant une assise plus large, une activité plus
diversifiée et des ressources plus considérables que celles des
écoles normales actuelles.
Devant la nécessité de répondre en même temps
à cette variété de besoins complémentaires, le
gouvernement a décidé de proposer la création de
l'Université du Québec, organisme d'enseignement supérieur
et de recherche constitué de façon souple et susceptible
d'assurer des services diversifiés en nature et distribués
géographlquement, mais coordonnés dans un cadre commun. La loi
elle-même crée l'Université du Québec. Elle donne au
lieutenant-gouverneur en conseil le pouvoir de créer par lettres
patentes des universités constituantes, instituts de recherche et
écoles supérieures. Ce mécanisme est très souple.
Il permettra le développement graduel de nouveaux établissements
u-niversitaires, au fur et à mesure des besoins, dans le cadre d'un plan
de développement de l'enseignement supérieur mis au point avec le
concours du Conseil des universités.
Sur ce point, je crois utile de souligner la différence de nature
et de fonction de l'Université du Québec et du Conseil des
universités. Le Conseil des universités, dont nous avons
adopté la loi il y a quelques semaines, est un organisme consultatif
chargé de donner son avis sur le plan de développement de
l'enseignement supérieur que le ministre de l'Education est tenu de lui
soumettre. Le Conseil des universités est donc un auxiliaire
auprès du ministre qui devrait aider le gouvernement à
établir la planifi-
cation du développement de l'enseignement supérieur et
aussi prévoir les sommes globales et la répartition des fonds
publics dégagés annuellement pour ces fins.
Le Conseil des universités n'a donc pas de fonction de
décision.
Il fait des recommandations au ministre et il exerce une autorité
morale sur les établissements universitaires. De par sa situation, il
exerce une fonction de tampon, de forum, entre le gouvernement et les
établissements universitaires y compris par conséquent,
l'Université du Québec et ses universités
constituantes.
Au contraire du Conseil des universités, l'Université du
Québec a une fonction d'action. C'est un instrument de
développement commun aux nouvelles universités. Comme instrument
de développement, l'Université du Québec présente
une formule très souple, sa vocation générale lui permet
de créer et de soutenir le développement de nouveaux centres
universitaires jusqu'à ce que les travaux préparatoires soient
suffisamment avancés pour justifier l'émission d'une charte
d'université constituante d'écoles supérieures ou
d'instituts de recherche.
Au fur et à mesure que les éléments constituants
sont créés, leur recteur, professeurs et étudiants
siègent à l'assemblée des gouverneurs de
l'Université du Québec et participent directement à la
définition des politiques d'ensemble du réseau ainsi
constitué. Pour le bénéfice des membres de cette Chambre,
avant que nous amorcions l'étude du projet de loi, je voudrais traiter
du statut et de la structure de l'Université du Québec et ensuite
de son rôle dans l'organisation au Québec d'un style
d'enseignement supérieur adapté aux exigences de l'avenir.
Le statut et la structure de l'Université du Québec. Ce
statut et cette structure correspondent aux objectifs que nous poursuivons par
sa création, notamment en ce qui concerne son caractère public,
sa responsabilité quant à la formation des maîtres et son
caractère de réseau d'établissements d'enseignement
supérieur.
D'abord, établissement public, en premier lieu.
L'Université du Québec est un établissement public, la loi
qui la crée est proposée par le gouvernement lui-même qui
entend prendre ainsi l'initiative de la création de nouveaux
établissements d'enseignement supérieur.
De plus, c'est le gouvernement qui nomme le président de
l'Université du Québec et les recteurs des universités
constituantes. C'est le gouvernement qui, aux conditions stipulées dans
la loi, émet les chartes des universités constituantes,
écoles supérieures et instituts de recherche. Le caractère
public de l'Université du Québec est aussi affirmé par
l'obligation que lui fait la loi de publier dans la Gazette officielle ses
règlements généraux et enfin par l'obligation de
transmettre au ministre un rapport annuel qui est déposé devant
le Parlement.
Deuxièmement, la formation des maîtres. La
responsabilité de l'Université du Québec par rapport
à là formation des maîtres, service essentiel au
développement du système scolaire est explicite à
l'article 3 qui définit l'objet de l'Université du Québec,
ainsi qu'à l'article 30 qui définit l'objet des
universités constituantes.
Ceci dit, M. le Président, sur le statut et l'objet de
l'Université du Québec, je voudrais expliquer trois traits
essentiels de cette structure, c'est-à-dire un organisme composé
dont la structure est décentralisée et dont la structure est
également un instrument de concertation. Organisme
composé. L'Université du Québec est un organisme
composé, dont les divers éléments sont prévus dans
le projet de loi. Ce sont les universités constituantes, les
écoles supérieures, les instituts de recherche. Certains de ces
éléments ont une vocation générale relativement
à l'enseignement supérieur. Ce sont les universités
constituantes comme celle qui sera créée bientôt à
Montréal et qui deviendra la deuxième université de langue
française de la métropole du Canada.
D'autres de ces éléments ont une vocation spéciale.
Ce sont les écoles supérieures et les instituts de recherche qui
pourront être créés au fur et à mesure que les
besoins précis auront été identifiés.
J'ai parlé d'une structure décentralisée. La
structure de l'Université du Québec est
décentralisée sous deux aspects. D'abord, par rapport à
l'Etat, dans son organisation et, deuxièmement, dans son organisation
interne.
D'abord, par rapport à l'Etat. L'Université du
Québec est décentralisée par rapport au gouvernement,
puisqu'elle a une personnalité juridique propre et distincte de celle de
l'Etat; parce qu'elle jouit d'une autonomie complète quant à ses
programmes d'études, à la gestion de ses biens et de son
personnel, bref, quant à la poursuite de ses fins. Bien qu'étant
un établissement public, l'Université du Québec n'est pas
une école d'Etat.
Il est bon de noter, M. le Président, qu'il faut cesser de
confondre enseignement public et école d'Etat. Nous avons, d'ailleurs,
à cet égard, franchi une première étape, l'an
dernier, par la Loi des collèges d'enseignement général et
professionnel, le bill 21. Voilà que nous en franchissons une seconde,
avec la Loi de l'Université du Québec.
L'Université du Québec est donc une corporation publique
distincte de l'Etat et n'étant pas
plus soumise à lui que ne le sont les universités
actuelles. Ce n'est pas dans la tutelle du gouvernement sur l'Université
du Québec qu'il faut chercher des preuves de son caractère
public. C'est plutôt dans les éléments essentiels de son
statut, tels que je les ai mentionnés précédemment, en
particulier quant à la nomination par le gouvernement de ses principaux
officiers, et quant au dépôt de son rapport annuel devant le
Parlement.
En ceci, l'Université du Québec se distingue nettement de
l'université française telle qu'elle existait avant la
réforme universitaire en France.
Université française d'ailleurs souvent critiquée,
à cause de son caractère centralisé, qui n'avait pas de
personnalité juridique distincte de l'Etat, et qui ne pouvait exercer de
pouvoirs que ceux qui lui étaient expressément
délégués par le ministre de l'Education nationale. Par la
nouvelle loi, loi d'orientation de l'enseignement supérieur en France,
loi qui a été déposée le 7 novembre 1968, la France
accorde à ses universités le statut d'établissement
public, décentralisé par rapport à l'Etat, selon une
formule assez proche de celle que nous proposons pour l'Université du
Québec.
Je dois dire que cette loi qui a été déposée
au Parlement français le 7 novembre 1968, bien entendu, n'est pas encore
adoptée.
En définitive, M. le Président, je fais remarquer, pour
dissiper toute équivoque, que l'Université du Québec n'est
pas soumise à une tutelle particulière de la part du
gouvernement, non plus qu'elle ne jouit de liens privilégiés avec
lui.
A ce double égard, elle est sur le même pied que toutes les
autres universités et elle se situe dans l'économie
générale des relations Etat-universités, définies
par la création du Conseil des universités.
Deuxièmement, son organisation interne. L'Université du
Québec est également décentralisée dans son
organisation interne. C'est là un des aspects les plus originaux et les
plus intéressants de sa structure. Chacune de ces universités
constituantes et prenons comme exemple, pour le moment, la
deuxième université de langue française qui sera
créée à Montréal chacune de ces
écoles supérieures, chacun de ces instituts de recherche
constituent une corporation distincte ayant sa propre personnalité
juridique, son propre conseil d'administration, ses propres pouvoirs, ses
droits, ses obligations et jouissant de l'autonomie de gestion interne
nécessaire à l'efficacité d'une bonne administration.
En proposant cette décentralisation interne, nous n'avons pas en
vue uniquement des objectifs d'efficacité administrative. Nous voulons
permettre et assurer un réel enracinement des unités
constituantes dans leur propre milieu géographique, économique,
social et culturel. L'on voit ici la ressemblance quant à l'organisation
avec ces collèges d'enseignement général et professionnel
que nous avons créés l'an dernier.
Nous voulons permettre et assurer une participation directe des milieux
intéressés à l'administration et au développement
des services d'enseignement supérieur de l'Université du
Québec, à Trois-Rivières, à Chicoutimi, à
Rimouski, à Montréal, par exemple.
La décentralisation interne implique il importe de le
souligner que la règle de l'autonomie s'applique en principe. Les
contrôles par une autorité supérieure demeurent l'exception
et ne peuvent être exercés que sur les matières
énumérées dans la loi. Ces matières sont celles qui
sont nécessaires pour assurer la cohérence de l'ensemble, une
meilleure allocation des ressources et une stratégie ordonnée de
développement. Ces matières seront couvertes par les
règlements généraux prévus à l'article 17,
relatif au régime administratif, à l'article 19, relatif aux
affaires académiques, aux articles 31 et 53, relatifs aux pouvoirs des
universités constituantes ou aux articles 44 et 45, relatifs aux budgets
annuels et aux états financiers.
Certaines questions, décidées centralement au niveau de
l'Université du Québec elle-même, sont donc applicables aux
universités constituantes, aux écoles supérieures et aux
instituts de recherche. Il faut bien le souligner, l'organisme central de
l'Université du Québec n'est pas étranger aux
unités constituantes. Il leur appartient et constitue leur outil commun
de concertation. C'est là le deuxième caractère essentiel
de la structure de l'Université du Québec.
Structure de concertation. L'Université du Québec est une
structure de concertation, en ce sens que les éléments
constituants, bien que distincts les uns des autres, participent aux
décisions de politique générale dans le cadre
d'instruments qui leur sont communs et qui sont l'assemblée des
gouverneurs, le conseil des études et la commission de
planification.
Ainsi, l'organisme central chargé d'assurer la cohérence
de l'ensemble, le développement ordonné, la meilleure affectation
et la meilleure utilisation des ressources est un instrument collectif au
service des parties constituantes. L'aspect essentiel de ce type de structure
est de permettre que les règles générales régissant
toute l'activité de l'Université du Québec soient
élaborées en commun dans un cadre auquel participent
directement tous ceux qui constituent l'Université du Québec.
Par exemple, à l'assemblée des gouverneurs siègent
de droit les recteurs des universités constituantes. Exemple: le recteur
de la future université de langue française de Montréal. Y
siègent également les personnes désignées par le
corps professoral et par le corps étudiant des unités
constituantes. Le conseil des études, organisme spécialisé
essentiel et exerçant d'importantes responsabilités, est
également composé dans le même esprit.
En résumé, voici les traits essentiels du statut et de la
structure de l'Université du Québec. D'abord, c'est un
établissement public distinct de l'Etat et composé
d'éléments à vocation générale et à
vocation spéciale. Ces éléments constituants, comme
l'Université du Québec elle-même, jouissent d'une large
autonomie. La décentralisation de la structure y pourvoit. Entre ces
éléments constituants doit intervenir un développement
ordonné, une affectation rationnelle des ressources, un partage de
responsabilité, une cohérence d'ensemble. C'est la structure
commune de consultation qui y pourvoit.
J'ai transmis au chef de l'Opposition un tableau comparatif des
structures des universités françaises et américaines ainsi
que de l'Université du Québec. Nous pourrons en faire photocopier
d'autres et transmettre à nos collègues des photocopies de ces
tableaux comparatifs.
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, la croissance
démographique, la nécessité de décentraliser
géographiquement les services d'enseignement supérieur et
l'intégration de la formation des maîtres à l'appareil
universitaire amènent le gouvernement à prendre l'initiative de
créer de nouvelles universités.
Cependant, nous voudrions que ces nouvelles universités soient
également des universités nouvelles, construites et
organisées selon des règles correspondant aux besoins des
étudiants, des professeurs et des chercheurs tels qu'on peut les
identifier en cette seconde moitié du vingtième
siècle.
Il est certain et tous en conviendront que le fait de
préparer la création de nouvelles universités permet
d'envisager des formules nouvelles, des formules originales, un mode
d'organisation interne plus souple, qui tiennent compte de la rapidité
et de l'évolution des connaissances et de leur mode de transmission. On
note, par exemple, chez de nombreux universitaires de tous les pays la
volonté de se dégager de la structure traditionnelle des
facultés, issues d'une époque où les universités
constituaient des fédérations d'écoles
professionnelles.
Les universités que nous établirons au cours des
prochaines années seront celles de l'an 2000. Elles accueilleront,
compte tenu du développement du système scolaire et de
l'éducation permanente, de nouveaux types d'étudiants. Elles
connaîtront, d'ici quinze ans, un rythme de croissance très
rapide, facteur qui milite en faveur d'une organisation interne souple. Elles
joueront enfin un rôle très important dans la formation des
maîtres, ce qui souligne encore la nécessité d'une grande
mobilité interne et d'une organisation multidisciplinaire.
Au Québec, comme dans tout le monde occidental, cette nouvelle
université ou cette nouvelle façon d'envisager l'organisation
universitaire, comment l'a-t-on préparée?
Les groupes de travail qui ont analysé les modes d'organisation
de l'université nouvelle ont fait le recensement de nombreuses
études et de nombreux rapports canadiens, américains et
européens. Nous en citerons quelques-uns: d'abord, le rapport Parent, le
rapport Rocher, le rapport Roy, de l'université Laval, dont le recteur,
Mgr Vachon, faisait mention hier, à la fête annuelle et
traditionnelle de l'université Laval, le rapport MacPherson, de
l'université de Toronto, le rapport Spinks, sur l'enseignement
gradué, en Ontario. On a aussi consulté de nombreux documents sur
l'enseignement supérieur aux Etats-Unis, et plusieurs documents
proposant des modes de réforme de l'université française,
notamment les textes des colloques de Caen et les derniers textes
administratifs sur la réforme universitaire en France, qui ont
amené le gouvernement français à proposer cette loi dont
j'ai fait mention tantôt.
En définitive, M. le Président, l'université
québécoise, comme toutes les universités occidentales,
cherche maintenant les voies d'un renouveau intérieur qui permette
d'augmenter la qualité de l'enseignement et de favoriser le
développement de la recherche.
Au ministère de l'Education, l'on accorde une grande importance
à cet objectif de faire des nouvelles universités ce que j'ai
déclaré tantôt, des universités véritablement
nouvelles.
Dans le cadre du groupe: Recherche et développement, des
équipes composées de fonctionnaires et de conseillers
universitaires de Montréal, Laval et Sherbrooke, ont
étudié cette question depuis janvier dernier. Les
résultats de leurs travaux seront transmis aux autorités de
l'université du Québec, qui auront aussi à leur
disposition une série de documents proposant l'orientation de nouveaux
établissements universitaires sur des voies nouvelles.
Troisièmement, les principes d'organisation de
l'université nouvelle: Pour le bénéfice des
membres de cette Assemblée, vous me permettrez, M. le
Président, de faire le point sur les principes d'organisation qui se
dégagent de ces travaux.
D'abord, il faut distinguer nettement entre ce que l'on appelle les
études du premier cycle universitaire et les études
avancées de maîtrise et de doctorat. Chacune de ces
catégories a sa finalité propre et doit être
organisée en conséquence.
D'abord, le premier cycle. Ce cycle sera caractérisé par
deux traits principaux. Le très grand nombre des inscriptions, d'une
part, la diversité importante des orientations des étudiants. De
plus, le premier cycle universitaire sera le lieu, au cours des prochaines
années, d'innovations dans les programmes correspondant à de
nouvelles catégories de diplômés, répondant à
de nouveaux débouchés sur le marché du travail.
Le grand nombre et la variété des orientations commandent
au premier cycle une structure d'encadrement des étudiants, d'une part,
et d'autre part, un mode d'organisation des programmes qui soit souple et
ouvert au changement.
Deuxièmement, les études graduées. Au niveau des
études graduées, par ailleurs, on nous recommande, en plus de la
recherche qui s'effectuera dans les départements, l'aménagement
de centres de recherche groupant des équipes multidisciplinaires de
professeurs auxquels participeraient directement les étudiants en cours
de maîtrise ou de doctorat.
Troisièmement, l'éducation permanente. En ce qui concerne
l'éducation permanente, nos groupes de travail font valoir qu'elle
marquera de plus en plus les activités et l'organisation interne des
universités. Contrairement à la situation qui prévaut
actuellement, la clientèle de l'éducation permanente ne sera pas
uniquement à la recherche d'un premier diplôme universitaire.
L'on doit prévoir plutôt qu'une forte proportion
d'entrées détiendra déjà un premier diplôme
et viendra chercher à l'université, des programmes de remise
à jour qui seront des cours intensifs sur un aspect particulier de leur
discipline.
L'université nouvelle doit donc se préparer à de
nouvelles responsabilités en éducation permanente. Au fur et
à mesure que le premier cycle universitaire aura effectivement accueilli
la totalité de cette tranche de la population capable de réussir
des études de ce niveau, la fonction éducation permanente de
l'université s'adressera davantage à des diplômés de
premier cycle venant suivre des cours spéciaux de recyclage ou de
perfectionnement qui ne conduiront pas à une maîtrise ou à
un doctorat, mais à ce qu'on pourrait appeler des certificats de
renouvellement.
Autrement dit, l'on abandonnera l'éducation des adultes de type
récupération pour passer à l'éducation permanente
de type perfectionnement.
Quatrièmement, des documents de base. Ce ne sont là que
quelques-uns des éléments des recommandations de nos
équipes de travail qui ont réfléchi sur l'organisation
interne de l'université. Tous les documents sur cette question, je l'ai
déjà mentionné, seront transmis aux autorités de
l'Université du Québec à laquelle nous donnons le mandat
de créer l'université nouvelle en continuité avec les
études et la planification déjà faites en particulier dans
le cadre du groupe recherche et développement.
Le rapport de ce groupe de travail sur l'organisation de l'enseignement
et de la recherche constituera donc l'un des documents de base à
utiliser par l'Université du Québec pour son organisation
interne. Un autre document de base sera transmis aux autorités de
l'Université du Québec, il s'agit du rapport Roy de
l'université Laval, en particulier pour le modèle qu'il propose
quant à l'organisation des programmes de premier cycle.
Il me paraît heureux et significatif, M. le Président, que
des études poursuivies parallèlement au ministère de
l'Education, dans le cas du groupe recherche et développement et
à l'université Laval dans le cas d'un comité
spécial de planification, proposent des orientations très
voisines et fassent des recommandations presque identiques.
Puisque nous tenons pour très important la coordination
interuniversitaire, il nous semble donc tout indiqué de réaliser,
dès le départ, une coordination réelle entre la structure
des programmes de premier cycle de l'Université du Québec et
celle de l'université Laval.
Je mentionne, enfin, que le rapport Rocher, de décembre 1965,
relatif à l'organisation d'une seconde université de langue
française à Montréal, a servi aux études du groupe
« recherche et développement », qui en a retenu
l'essentiel.
Cinquièmement, l'organisation de l'enseignement et de la
recherche. Dans l'organisation de l'enseignement et de la recherche, le groupe
« recherche et développement » retient deux idées
principales: la première, la nécessité de maintenir une
unité homogène de professeurs travaillant en commun dans une
même discipline, à la fois au plan de la recherche et de
l'enseignement; c'est cela qu'on appelle le
département. Deuxièmement, la nécessité
d'ajouter à cette structure initiale une seconde dimension qui
correspond au caractère multidis-ciplinaire de la fonction
universitaire. A cette seconde dimension, au niveau du premier cycle, on trouve
une structure que l'on appelle modulaire d'encadrement des étudiants. Au
niveau des études graduées, on trouve des centres de
recherche.
L'on dégage ainsi une série de proposition simples,
permettant de régir l'organisation de l'enseignement et de la
recherche:
A) Les départements. Us sont les cellules de base de
l'université. Un département est une unité regroupant une
équipe de professeur travaillant en commun dans une même
discipline. Tout professeur appartient à un département et chaque
département appartient à toute l'université. Un
département est responsable de la recherche dans sa discipline et de
l'enseignement de sa discipline pour l'ensemble de l'université. Moins
de cloisons, comme celles qui existent dans les universités de type
traditionnel. Les départements n'administrent pas
d'étudiants.
B) La structure modulaire du premier cycle. D'abord, les modules
correspondent chacun àun programme d'étude, au groupe
d'étudiants inscrits à ce programme et à des
équipes de maîtres qui conseillent et encadrent les
étudiants au cours de leur cheminement. Les étudiants
s'inscrivent au programme qui correspond à leur orientation. Ces
programmes sont regroupés en familles pour la coordination des
programmes d'étude et pour l'organisation de l'enseignement. Au niveau
de cette structure modulaire, l'on prévoit la participation de
représentants des départements et de personnes choisies à
l'extérieur de l'université»
C) Les centres de recherche. Ils constituent des équipes
multidisciplinaires de professeurs réunis par une activité
complémentaire de recherche dans un domaine donné. Les
étudiants en cours de maîtrise ou de doctorat s'inscrivent
à un centre de recherche et participent aux travaux de l'équipe.
Les centres de recherche poursuivent des programmes de recherche qui font appel
à la contribution des professeurs qui y sont affectés et des
étudiants qui y sont inscrits.
En résumé, les propositions qui précèdent
dégagent les principaux éléments d'une forme
d'organisation de l'enseignement supérieur souple, ouverte,
décloisonnée et susceptible de répondre à la
variété des objectifs poursuivis par les étudiants. Nous
pensons également que les professeurs y trouveront un milieu de travail
propice et stimulant. Enfin, nous pensons que le modèle proposé
se prête davantage à des institutions nouvelles en cours de
développement.
En éliminant le cadre rigide des facultés comme on les
connaît à l'heure actuelle dans plusieurs universités, nous
voulons surtout assurer une mobilité horizontale des professeurs et des
étudiants. En proposant que le département constitue la cellule
de base de l'université, nous voulons permettre surtout aux professeurs
de former des équipes de chercheurs et d'enseignants réunis par
un intérêt commun dans une discipline donnée. En proposant
la structure modulaire, nous voulons offrir aux étudiants de premier
cycle une structure d'encadrement susceptible de développer leur
sentiment d'appartenance et leur motivation.
Sixièmement, l'organisation administrative.
Enfin, avant de terminer cette partie de mon exposé sur
l'université nouvelle, je voudrais dire un mot de son organisation
administrative au niveau de ces organismes essentiels prévus dans le
bill no 88. On aura noté, M. le Président, que
l'université nouvelle fait appel, aux échelons supérieurs
de direction, aux trois éléments qui composent la
communauté universitaire. Au niveau de l'assemblée des
gouverneurs et du conseil des études de l'Université du
Québec, comme au niveau des conseils d'administration des
universités constituantes, des personnes issues de chacun de ces trois
groupes participent directement aux décisions relatives à la
gestion courante de l'université, comme aux décisions qui
engagent son développement et son avenir.
Je tiens pour acquis, M. le Président, que dans l'organisation de
sa structure inférieure et dans la composition de ses conseils et
comités, l'université arrêtera par ses propres
règlements et maintiendra la même règle de participation de
façon à ce que l'université nouvelle soit, dans son
entière réalité, l'entreprise de toute la
communauté universitaire. Je souhaite également que, dans sa
structure inférieure, l'université maintienne des ouvertures
directes sur le monde extérieur, comme cela existera au niveau de
l'assemblée des gouverneurs et des conseils d'administration.
Les étapes d'organisation de l'Université du
Québec.
M. le Président, le gouvernement propose aujourd'hui à
cette assemblée d'adopter le bill no 88 et de créer, comme je
l'ai dit, l'Université du Québec. Lorsque ce projet de loi aura
été sanctionné, le gouvernement procédera à
la nomination du président de l'Université du Québec et
des premiers membres de l'assemblée des gouverneurs. Il pourra ensuite
procéder à la création, par émission de lettres
patentes,
des universités constituantes, des instituts de recherche ou des
écoles supérieures, au fur et à mesure des besoins et
lorsque, bien entendu, les études nécessaires auront
été complétées. Par la suite, ces
établissements d'enseignement et de recherche s'organiseront et
commenceront leurs activités.
Beaucoup d'étapes demeurent donc à franchir avant que
l'Université du Québec commence à fonctionner et se
développe dans toute sa dimension. Cependant, je voudrais indiquer aux
membres de cette assemblée que la décision du gouvernement de
proposer ce projet de loi fait suite à un cheminement
considérable au cours duquel nombre d'études et de recherches ont
été menées, qui constituent un impressionnant dossier.
Dès sa nomination, à l'automne 1967, et j'en avais fait
mention moi-même, alors que j'étais ministre de l'Education, lors
de la séance du conseil supérieur du l'éducation du
Mont-Gabriel. Nous avons identifié, tous deux, officiellement, les deux
priorités du ministère de l'Education: la formation des
maîtres et l'enseignement supérieur.
Au mois de novembre 1967, le ministre de l'Education, le nouvel
élu, député du comté de Bagot, qui pourra entrer en
Chambre dès cette semaine, suivant les règlements et suivant la
loi électorale, constituait un comité directeur composé du
sous-ministre de l'Education, M. Arthur Tremblay, d'un sous-ministre adjoint,
M. Yves Martin, du directeur général de l'enseignement
supérieur, M. Germain Gauthier, et du directeur général de
la formation des maîtres, M. Pierre-Yves Paradis.
Ce comité directeur recevait mandat de prévoir
l'intégration de la formation des maîtres à l'appareil
universitaire, de prévoir la création d'une nouvelle
université de langue française à Montréal,
d'étudier la création de centres universitaires à
Trois-Rivières, Chicoutimi et Rimouski. Il recevait également
mandat de préparer la création d'un organisme permanent
chargé de conseiller le ministère dans ses politiques de
développement de l'enseignement supérieur. Au mois de
décembre 1967, le ministre de l'Education créait, je l'ai
rappelé tantôt, sous l'autorité du comité directeur,
le groupe « recherche et développement », composé de
fonctionnaires de la planification de l'enseignement supérieur et de la
formation des maîtres, ainsi que d'universitaires de Sherbrooke, Laval et
Montréal.
Ce groupe « recherche et développement » recevait
comme mandat de faire rapport sur la création de nouveaux
établissements d'enseignement supérieur. Dans son rapport
préliminaire du 15 janvier 1968, ce groupe de travail écrivait:
« La coordination des services d'enseignement supérieur et la
planification du développement de ces institutions revêtent une
importance de premier ordre. Nous croyons qu'il est primordial de placer
l'organisation de toute nouvelle institution dans un cadre administratif
intégré, l'Université du Québec. »
En même temps, le ministre de l'Education, l'honorable Jean-Guy
Cardinal, avait constitué, sous l'autorité du comité
directeur, un groupe spécial affecté à la
préparation de la législation relative à l'enseignement
supérieur. C'est ce groupe, qui s'appelle le groupe de
législation, qui a préparé la Loi des investissements
universitaires, le bill 58, que nous avons adopté en juin dernier, la
Loi du conseil des universités, que nous avons adoptée
dernièrement, et la Loi de l'Université du Québec, dont je
propose la deuxième lecture à la Chambre aujourd'hui.
De janvier 1968 à juin dernier, ce groupe « recherche et
développement » a poursuivi ses travaux de façon intense.
Il remettait au début de l'été, son deuxième
rapport qui contient entre autres, les documents suivants: un rapport sur
l'organisation de l'enseignement et de la recherche et un rapport sur
l'Université du Québec à Montréal. Ce sont des
rapports du groupe « recherche et développement. » Ce
rapport n'est pas public pour le moment, c'est pourquoi je n'ai pas pu le
transmettre au chef de l'Opposition. Ce rapport sera remis au président
de l'Université du Québec. Je fais mention des problèmes
où il s'applique.
D'abord, je reprends. Rapport sur l'organisation de l'enseignement et de
la recherche, rapport...
M. LESAGE: Disons que j'aurais été mieux de m'adresser au
premier ministre. J'ai multiplié les démarches pour tenter de
trouver ces documents.
M. BERTRAND: Je le regrette infiniment. J'aurais dû en informer le
chef de l'Opposition. Rapport sur l'Université du Québec à
Montréal, cette deuxième université de langue
française, rapport sur l'Université du Québec à
être établie à Trois-Rivières, prolongement de ce
centre qui existe à l'heure actuelle et qui, on le verra tantôt
quand je nommerai les institutions qui doivent entrer à
l'intérieur de ce regroupement. Rapport sur l'Université du
Québec à
Chicoutimi, rapport sur la future Université du Québec
à Rimouski.
M. LESAGE: Est-ce que le premier ministre me permet une question?
M. BERTRAND: Oui, avec plaisir.
M. LESAGE: Les trois centres d'études universitaires de
Trois-Rivières, Chicoutimi et Rimouski sont tous trois affiliés
à Laval, n'est-ce pas?
M. BERTRAND: A l'heure actuelle, oui. Rapport sur les priorités
de recrutement du personnel enseignant dans l'Université du
Québec. A ces documents du groupe « recherche et
développement », s'ajoute une étude du ministère des
Richesses naturelles sur la possibilité de création d'un institut
québécois des sciences de l'eau et une étude d'un
comité ad hoc sur une école d'administration publique.
Au cours du printemps de 1967, le ministre de l'Education d'alors
procédait à des consultations officielles auprès de la
conférence des recteurs et principaux, de la Fédération
des professeurs des universités, de l'Union générale des
étudiants et enfin du Conseil supérieur de l'éducation.
Les consultations pourtaient essentiellement sur trois pièces
législatives. D'abord, la Loi des investissements universitaires
j'en ai dit un mot tantôt la Loi du conseil des universités
nous l'avons adoptée la Loi de l'Université du
Québec qui est maintenant soumise au Parlement.
Enfin, au cours de la même période le ministre de
l'Education mettait sur pied une mission de la formation des maîtres
chargée de prévoir les modes d'intégration de la formation
des maîtres aux établissements scolaires réguliers, en
particulier aux établissements universitaires.
Après avoir pris connaissance des conclusions, de l'ensemble des
documents cités, après avoir pris connaissance des orientations
proposées par de nombreux groupes de travail en liaison constante avec
le milieu, après avoir procédé 3. des consultations
officielles, le gouvernement a décidé de proposer au Parlement
l'adoption de la Loi de l'Université du Québec, bill 88,
établissement qui devrait être constitué et commencer ses
opérations en janvier 1969.
En prévision de cette nouvelle étape, le groupe dont je
reprends souvent le nom « recherche et développement », a
été reconstitué et chargé de prévoir
l'organisation de l'Université du Québec et de ses
universités constituantes. A Montréal et à
Trois-Rivières, des comités de planification locaux
rattachés au groupe « recherche et développement »
ont été constitués et ont déjà
siégé à deux reprises chacun.
A Chicoutimi, un comité de coordination de l'école
normale, de l'école de commerce et de l'école de génie a
été constitué et fonctionne régulièrement
depuis un mois. A chacun de ces comités, siègent des
administrateurs, des professeurs et des étudiants de même que des
fonctionnaires et des universitaires membres du groupe dont j'ai souvent
répété le nom.
Tous ces comités locaux devraient faire rapport d'ici la fin de
janvier, de sorte que le ministre de l'Education et les autorités de
l'Université du Québec puissent prendre, en temps utile, les
décisions relatives à la rentrée scolaire de septembre
1969.
Pour répondre aux interrogations des citoyens du Bas
Saint-Laurent et, peut-être, du député de Rimouski qui ne
manquerait pas de soulever la question, je mentionne tout de suite que la
mission de la formation des maîtres a reçu du ministre de
l'Education le mandat explicite d'étudier en priorité la question
de l'école normale Tanguay de Rimouski. La mission s'est rendue sur
place, a rencontré les intéressés et prépare son
rapport. L'on m'a informé que la mission envisage le rattachement de
l'école normale à l'Université du Québec
jusqu'à ce qu'il devienne possible de créer à Rimouski une
université constituante.
En ce qui concerne, par ailleurs, la formation des maîtres dans
l'Ouest du Québec, le ministre de l'Education et moi-même
réservons nos déclarations jusqu'à ce que nous recevions
le rapport de la mission à ce sujet.
Enfin, pour le bénéfice des membres de cette Chambre, je
donnerai la liste des institutions directement touchées par la
création de l'Université du Québec et des
universités constituantes.
Pour l'Université du Québec, à Montréal: 1-
L'école normale Jacques-Cartier, 2- L'école normale Ville-Marie,
3- L'école normale de l'enseignement technique, 4- L'école des
beaux-arts, 5- Le collège Sainte-Marie.
Pour l'Université du Québec, à
Trois-Rivières: 1- L'école normale Duplessis, 2- Le centre des
études universitaires.
Pour l'université du Québec, à Chicoutimi: 1-
L'école normale de Chicoutimi, 2- L'école de génie, 3-
L'école de commerce.
Pour celles de ces institutions qui sont des écoles d'Etat, leurs
fonctions d'enseignement de niveau supérieur seront cédées
à l'Université du Québec, selon des modalités et un
calendrier qui seront convenus entre les autorités
compétentes.
Pour celles de ces institutions qui sont privées, leurs conseils
d'administration sont invités à étudier cette
éventualité et à prendre l'option jugée la plus
avantageuse pour leur clientèle.
Dans tous les cas, je tiens à le préciser, les
universités constituantes de l'Université du Québec seront
de nouvelles corporations représentatives du milieu, mais sans lien de
droit avec les corporations qui peuvent exister actuellement, à moins
qu'il n'en soit convenu autrement entre les intéressés.
Ceci dit sur les étapes d'organisation de l'Université du
Québec, je termine ce long exposé en dégageant quelques
réflexions en guise de conclusion. L'Université du Québec
est un organisme qui marquera l'avenir de la collectivité
québécoise. Dans l'immédiat, elle permettra de
créer de nouveaux établissements universitaires, de
décentraliser en diverses régions les services d'enseignement
supérieur, de donner à la formation des maîtres un cadre
nouveau, un souffle nouveau et un statut universitaire et d'aménager au
Québec l'université nouvelle dont nous avons besoin pour
répondre aux exigences de notre développement.
A moyen terme, l'on peut envisager que l'Université du
Québec réalisera plus que cela.
Elle peut devenir l'un des plus importants de nos instruments collectifs
de développement, comme le sont 1'Hydro-Québec, la
Société générale de financement, la Caisse de
dépôt et de placement. Dès le départ, il faudra
compter que le dynamisme des universités constituantes, nouveaux
établissements en plein développement, apportera à
l'université du Québec un élan considérable.
Mais l'on doit aussi envisager que l'université du Québec
prépare la mise sur pied d'instituts de recherche à vocation
provinciale. Ceux-ci pourront devenir le point d'appui des activités de
recherche du gouvernement, des entreprises et de toutes les universités
qui voudraient y collaborer.
M. le Président, si l'université du Québec pouvait
réussir à constituer le point de jonction du monde universitaire,
de l'entreprise et du gouvernement, à propos de recherches qui engagent
l'avenir du Québec elle aura apporté une contribution capitale
à l'édification d'un Québec fort et dynamique.
M. Jean Lesage
M. LESAGE: M. le Président, je voudrais d'abord dire notre
appréciation au premier ministre pour l'exposé passablement
complet et fort détaillé qu'il vient de faire.
Dans cet exposé, il a décrit le cheminement de
l'organisation de l'université du Québec, ses structures, les
structures des universités constituantes, de même que les travaux
qui avaient conduit le gouvernement et ses experts à proposer le bill
88.
Beaucoup de personnes ont été consultées, mais il
s'agit surtout d'experts et des personnes directement concernées. Le
grand public lui-même n'a pas été mis au fait des
recherches et des démarches, au fur et à mesure qu'on en arrivait
à des conclusions.
C'est un reproche, c'est sûr, que je crois devoir faire au
gouvernement. Je reviendrai là-dessus tantôt. Un autre reproche
serait peut-être celui qui s'exprimerait par le mot « enfin
»! J'ai dit « enfin », car il aura fallu, encore une fois,
que le gouvernement attende à la toute dernière minute pour
présenter le projet de loi.
Le bill 88 nous arrive à la toute fin de la session, en vitesse.
On pourra fort bien dire: Ah, le gouvernement libéral, que le
député de Louis-Hébert dirigeait, est aussi arrivé
en fin de session avec des projets de loi qui étaient parfois
importants. Je me souviens que c'est arrivé, particulièrement
dans certains cas, mais dans ces cas, à mon souvenir, ou dans la plupart
de ces cas, le ou les sujets qui faisaient l'objet des projets de loi avaient
été longuement discutés et mûris en
comité.
Il n'en reste pas moins que nous nous réjouissons, comme je l'ai
dit dans mes toutes premières phrases, que le gouvernement se soit enfin
décidé à agir. Mais, en attendant aussi tard, je dois
dire, M. le Président, qu'il s'est exposé, justement à
cause de la précipitation avec laquelle il devra mettre en application
ce projet de loi, s'il veut que l'université de langue française
ouvre à Montréal en septembre 1969, à des réveils
assez pénibles du genre de ceux que nous avons connus à la
rentrée scolaire du mois de septembre dernier dans les collèges
d'enseignement général et professionnel, les CEGEP.
Le besoin, au Québec, de facilités universitaires accrues,
je pense bien qu'il n'est plus à établir. Le premier ministre y a
fait allusion; il a mentionné des chiffres. Mais dès 1964, la
commission royale d'enquête sur l'enseignement dans la province de
Québec, la commission Parent, prévoyait que la
fréquentation universitaire en 1982, par rapport à 1961, aurait
plus que quadruple, cette augmentation venant en grande partie du milieu
francophone. On prévoyait qu'en 1981 ou 1982, plus de 76,000 jeunes
Québécois de langue française seraient inscrits aux
universités, comparativement à 11,400 en 1961,
exclusion faite des étudiants fréquentant les
facultés des arts des universités de langue française.
Le premier ministre a mentionné tout à l'heure un chiffre
de 90,000, mais je suppose qu'il incluait les étudiants de langue
anglaise. C'est donc dire qu'en 1981 ou 1982, il y aurait sept fois plus de
Québécois de langue française inscrits aux
universités qu'il y en avait en 1961. Cette projection, établie
par les démographes Jacques Henripin et Yves Martin, prévoyait
également que la fréquentation des universités
francophones du Québec serait multipliée par trois dès
68/69 la présente année scolaire ou universitaire,
comparativement à 1961.
Conscient de l'impérieuse nécessité qui existait et
se basant sur les recommandations contenues dans le deuxième volume du
rapport Parent, le gouvernement libéral, dès 1964, avait
confié à un comité d'experts le soin d'étudier les
modalités de l'établissement d'une nouvelle université de
langue française à Montréal, analysant par ricochet la
coordination des centres universitaires régionaux propres à
assurer une plus grande accessibilité à l'enseignement
supérieur pour toute la population du Québec.
Pourquoi donnions-nous, dès ce moment-là, M. le
Président, la priorité à cette deuxième
université de langue française à Montréal? Encore
là, c'était pour répondre aux besoins
démographiques de cette région. Les statistiques nous
démontraient que le nombre d'étudiants de langue française
susceptibles de fréquenter le niveau universitaire dans la grande
région de Montréal atteindrait le chiffre de 23,000 en 1971 et de
40,000 en 1981.
Il était donc impérieux d'agir. C'est pour cette raison
que le gouvernement libéral d'alors avait créé, sous la
présidence de M. Guy Rocher, le comité dont je parlais il y a un
instant, comité qui a déposé son rapport en
décembre 1965. Parmi ses principales recommandations, nous notions la
création d'une deuxième université de langue
française à Montréal, susceptible d'ouvrir ses portes
à l'automne 1967 ou au plus tard à l'automne 1968, et dont les
fonctions principales seraient les suivantes: premièrement,
l'enseignement et la recherche; deuxièmement, la formation de nouveaux
maîtres et le recyclage des maîtres en exercice;
troisièmement, l'éducation permanente. Un des principaux articles
de notre programme électoral était justement, dès le
printemps de 1966 l'établissement de cette deuxième
université de langue française à Montréal, et nous
mettions précisément l'accent sur les trois points que je viens
de mentionner: l'enseignement et la recherche, la formation des nouveaux
maîtres, le recyclage des maîtres et surtout l'éducation
permanente. Qui ne se souvient d'avoir entendu, des deux côtés, je
pense, du côté libéral comme du côté de
l'Union Nationale, au cours de la campagne électorale de 1966, exposer
des arguments sur l'urgence d'établir très rapidement à
Montréal ce qu'on appelle en anglais « a university on the street
», justement pour remplir les besoins de l'éducation permanente au
niveau universitaire dans le secteur français.
Mais, organiser une université, ce n'est pas une chose qui se
fait à la hâte et sans consultation. Dans ce domaine, nous
étions prêts à agir, comme nous l'avions fait pour
l'établissement du ministère de l'Education et pour la
création des 55 régionales. C'est-à-dire que nous
étions prêts à agir après consultation et dialogue
avec les intéressés, mais aussi avec le public. C'est un peu le
reproche voilé que je faisais au gouvernement, au début de mes
remarques: de ne pas avoir établi le dialogue avec le public, comme nous
l'avions fait à l'occasion de l'établissement du ministère
de l'Education et, peut-être encore plus, lors de la création des
55 régionales.
Je crois qu'il est bien important, lorsqu'on crée de telles
institutions, lorsqu'on établit de tels systèmes, que tous
sachent quels sont les buts poursuivis, les difficultés à vaincre
et les moyens à prendre pour atteindre les objectifs fixés. Dans
le cas qui nous intéresse, il semble bien que le projet de loi
actuellement devant les Chambres ait été préparé
sans trop de consultation avec les grands corps intermédiaires. Je pense
que le premier ministre l'a admis tout à l'heure. Cela se trouve
être un peu la répétition, dans un autre champ
d'activité, de l'attitude prise par le gouvernement actuel lors de
l'établissement de sa politique salariale et lors de la
présentation des lois concernant le travail.
Tout en approuvant le principe du projet de loi à l'étude,
je pense que nous devons souligner le manque de dialogue du gouvernement avec
la population en général, dans ce domaine. Je
répète que le gouvernement agit à la dernière
minute pour établir, en toute hâte, une structure permettant la
création d'une université constituante, dont on prétend
pouvoir ouvrir les portes quelques mois seulement après la nomination
des membres de son conseil d'administration. Je le répète, cette
façon d'agir du gouvernement peut nous conduire à des
difficultés et peut-être même à des crises du genre
de celle que nous avons connue à l'automne, lors de l'ouverture des
CEGEP.
Nous approuvons, je le répète, le principe de ce projet de
loi. Mais, le premier ministre
me permettra bien de souligner que, dans l'établissement de cette
université à venir, le gouvernement ne devra pas craindre
d'utiliser les techniques les plus modernes disponibles de nos jours. Ce qu'il
nous faut, c'est bâtir l'université de l'avenir. Je pense bien que
c'est cela que désire le premier ministre: bâtir
l'université de l'avenir et non pas l'université du passé.
Une université qui soit réellement à la disposition du
peuple et non pas uniquement à la disposition des classes bourgeoises.
Une université qui soit ouverte aux travailleurs qui veulent
accroître leurs connaissances par des cours du soir ou encore avoir la
possibilité de s'inscrire suivant des horaires de cours bien
organisés et pouvant s'adapter aux besoins de l'entreprise. Cette
université ne doit pas être, au départ, un immense campus
qui coûterait des centaines de millions de dollars. Je suis sûr que
le ministre des Finances et le ministre de la Santé sont d'accord pour
admettre que la société québécoise n'apas le moyen
de payer cela maintenant. Nous devons plutôt concentrer nos
investissements du côté des techniques les plus modernes et
utiliser le plus possible les édifices déjà existants dans
des secteurs urbains facilement accessibles au gros de la population.
M'appuyant sur ces données générales, je voudrais
maintenant développer, d'une façon plus particulière, les
points suivants: premièrement, l'Université du Québec et
l'éducation permanente; deuxièmement, suivant quelle conception
seront établies les universités constituantes?
Troisièmement, je voudrais dire quelques mots sur les centres
d'études universitaires actuellement affiliés à
l'université Laval et soulever la question du coût approximatif
pour l'Etat de la mise en oeuvre du projet de loi.
D'abord, l'éducation permanente.
Au début de mon intervention, j'ai référé au
rapport du comité d'étude sur les modalités de
réalisation d'une nouvelle université de langue française
à Montréal. Ce rapport concluait à la
nécessité de confier à cette nouvelle structure
universitaire la tâche particulière de se préoccuper de
l'éducation permanente. Voici ce que disait le rapport Rocher à
ce sujet: « Que l'éducation permanente doive constituer une autre
priorité de la nouvelle université, cela n'a plus besoin
d'être démontré. Un public adulte, de plus en plus nombreux
à Montréal, réclame de pouvoir accéder à des
études universitaires conçues suivant des formules originales. Il
n'est pour s'en convaincre que de remarquer le succès remporté,
à cet égard, par d'autres institutions de la métropole qui
dispensent un enseignement de ce type. L'université Sir
George Williams, par exemple, offre depuis longtemps la
possibilité de suivre, en cours du soir, un enseignement de niveau
supérieur et attire de cette façon des milliers
d'étudiants dont une bonne proportion, il faut le souligner je
pense que c'est important de le souligner aujourd'hui, alors qu'on vient de
former une commission d'enquête sur tous les aspects du français
au Québec, oui, il faut le souligner, une bonne proportion des milliers
d'étudiants de Sir George Williams sont de langue
française. Et combien de Néo-Canadiens, qui fréquentent
ces cours à Sir George, s'inscriraient plus volontiers peut-être
à une université de langue française, si un enseignement
analogue y était dispensé dans des conditions comparables.
» Fin de la citation de M. Rocher, sauf pour ce qui est de ce que j'ai
intercalé au sujet de la législation présentée
aujourd'hui.
Le bill 88, tant dans sa section 2, concernant les dispositions sur
l'Université du Québec, que dans la section 3, relative aux
universités constituantes, ne fait aucune mention de cette
priorité que constitue chez nous l'éducation permanente. Le
premier ministre en a dit quelques mots dans son intervention de
deuxième lecture, mais il n'y a rien de précis à ce sujet,
dans le projet de loi, et cela m'a déçu.
Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement n'a pas tenu compte,
à un plus haut degré, des recommandations du rapport Rocher sur
ce point, dans la rédaction du projet de loi. Non seulement avons-nous
besoin de faciliter l'accessibilité à l'université de tous
ces jeunes qui ont dû abandonner leurs études plus tôt
qu'ils ne l'auraient voulu, mais il est également important de trouver
une façon d'agencer un enseignement qui soit également accessible
à ceux qui, rendus sur le marché du travail et détenant
déjà des diplômes universitaires, voudraient se
spécialiser ou encore, pour employer un terme à la mode,
voudraient se recycler aux techniques les plus perfectionnées de leurs
activités professionnelles.
Je crois, M. le Président, que c'est une des lacunes
fondamentales du projet de loi. Je voulais attirer l'attention du gouvernement
sur ce point et lui suggérer très fortement de songer à
apporter les modifications nécessaires dans le sens que je viens de
dire.
Une autre des raisons pour laquelle il nous faut porter une grande
attention à l'éducation permanente, particulièrement dans
la région de Montréal, ce sont justement les facteurs
mentionnés dans le rapport Rocher, à l'effet que
c'est-â-dire les faits mentionnés dans le rapport Rocher
à l'effet que les Montréalais d'expression française
s'orientent dans des pro-
portions surprenantes vers des établissements universitaires de
langue anglaise, particulièrement à Sir George Williams, parce
qu'il n'existe pas, dans la métropole canadienne, ce que l'on appelle
une université de langue française sur la rue, « on the
street », proche des milieux du travail et facilement accessible
après les heures de bureau. Au moment où tant d'efforts sont
faits pour sauvegarder le fait français au Québec, au moment
où tous les partis politiques se préoccupent de
l'intégration des Néo-Canadiens à la communauté
française, je pense qu'il s'agit là d'une question vitale.
Il faut à tout prix que le gouvernement revise ses positions et
confie à la deuxième Université à Montréal
comme aux autres universités constituantes la tâche prioritaire de
voir à l'éducation permanente, qu'il s'agisse de recyclage ou
encore de l'accessibilité aux études supérieures.
Ce que je disais, M. le Premier Ministre...
M. BERTRAND: Je tiens à dire au chef de l'Opposition que j'ai
suivi tous ses propos.
M. LESAGE: Ah oui, d'accord!
M. BERTRAND: ... pendant les quelques moments où j'ai
été absent.
M. LESAGE: C'est parce que je voulais bien que le premier ministre
comprenne ce que j'ai dit. J'ai dit qu'il n'y avait rien dans le bill mais que,
lui, dans son discours, en avait parlé. Le projet de loi n'en parlait
pas et je suggérais, justement pour que l'on donne à ce sujet
l'importance qu'il mérite, qu'on trouve un moyen de mettre l'accent sur
l'éducation permanente dans le projet de loi lui-même.
M. BERTRAND: Cela, c'est une autre chose.
M. LESAGS: Maintenant, suivant quelles conceptions seront
établies les universités constituantes? En adoptant le bill 88,
le Parlement de Québec se donnera et donnera à la population un
outil de travail. Il permettra la création de structures qui, elles-
mêmes, pourront suggérer au lieutenant-gouverneur en conseil, par
le ministre de l'Education, la création de ce qu'on appelle dans le
projet de loi, les universités constituantes. Ce serait un lieu commun
que de dire que la qualité de l'université dépend en
grande partie de son corps professoral. Dans le contexte
québécois actuel, l'ouverture d'une ou de plusieurs
universités constituantes risque de provoquer une course entre les
universités pour l'obtention des professeurs les plus
compétents.
On sait que déjà, à l'heure actuelle, les
universités existantes ont de grandes difficultés de ce
côté. Lors, du dîner annuel de l'université Laval,
hier, je faisais confirmer ce fait par des autorités qui sont fort bien
renseignées sur le sujet. C'est pourquoi je me demande s'il ne serait
pas à propos d'envisager la formation de ces universités
constituantes suivant les processus les plus modernes si les techniques les
plus développées du côté de l'audio-visuel. C'est
très limité, n'est-ce pas, dans nos universités
jusqu'à' présent.
Je disais, tout à l'heure, que ce qu'il nous fallait faire
c'était de créer l'université de l'avenir, n'est-ce pas,
et non pas celle du passé. Cette université de l'avenir, c'est
certainement celle des ordinateurs et des cerveaux électroniques, celle
qui utilisera les processus les plus modernes pour dispenser l'enseignement au
moment et suivant le rythme que désire l'étudiant.
L'expérience américaine dans ce domaine est considérable.
Je pense qu'il ne faudrait pas hésiter à regarder de ce
côté pour puiser chez nos voisins du sud, les
procédés techniques qui se sont avérés des plus
rentables.
L'utilisation de l'audio-visuel et des cours enregistrés et
distribués par télévision auraient l'avantage de faire
bénéficier l'Université du Québec et ses
universités constituantes des connaissances des professeurs les plus
éminents que nous avons chez nous et même de professeurs
d'ailleurs, et faciliteraient, également, la préparation plus
intense des nouveaux professeurs qui pourraient bénéficier de
stages formateurs à titre de tuteur d'étudiants ou encore de
directeur de laboratoires de discussion dans un système qui donne une
grande priorité à l'audio-visuel.
L'utilisation de ces techniques et de l'ordinateur électronique a
le grand avantage de permettre l'agencement des horaires d'étude suivant
les disponibilités de l'étudiant surtout de l'étudiant qui
continue à travailler. Toutes ces données peuvent paraître
un peu futuristes. Peut-être qu'on pensera que je projette trop dans le
futur. Mais je me demande si ce n'est pas de ce côté que nous
devons tenter d'orienter nos investissements plutôt que de
procéder à la construction de vastes campus dont les taux
d'utilisation sont presque toujours trop bas, ça tout le monde
l'admet.
Evidemment, nous ne pouvons penser pouvoir dispenser dès
maintenant l'enseignement de toutes les matières au moyen de
l'audiovisuel branché sur des cerveaux électroniques. Mais il est
certain que dans les secteurs où les compétences
québécoises sont les plus rares, il ne faudrait pas
hésiter à faire appel à
l'électronique afin d'éliminer le marchandage entre les
universités qui voudront s'assurer les services des professeurs les plus
éminents. D'ailleurs, le rapport Rocher, dont je parlais il y a un
instant, avait consacré une section importante de son étude au
regroupement des ressources matérielles et humaines disponibles, tel que
le recommandait le rapport Parent, ceci afin d'éviter le gaspillage
d'énergie et de capitaux.
Quand on parle de regroupement des ressources matérielles et
humaines disponibles, il faut tout de même être prudent. On se
rappelle que la commission Parent et le comité Rocher ont
consacré une attention spéciale à cette question. Voici ce
que dit le rapport Parent, volume II, page 219, paragraphe 338, concernant la
question d'une deuxième université de langue française
à Montréal: « Nous ne croyons pas qu'un des
établissements d'enseignement actuel puisse être admis à
constituer le noyau de la nouvelle université de manière à
en donner le contrôle à un groupement préexistant.
»
Pour sa part, le comité Rocher, parlant de regroupement des
ressources dit, concernant la deuxième université de langue
française à Montréal, à la page 22 du rapport,
3ème paragraphe: « S'agit-il, comme certains l'ont
suggéré, d'un regroupement de diverses institutions, chacune
devant conserver par la suite une certaine autonomie administrative afin de
sauvegarder l'originalité et le dynamisme propres des équipes de
travail qui s'y trouvent déjà? Suivant cette formule, le
regroupement s'effectuerait autour d'une ou plusieurs institutions qui
constitueraient en quelque sorte le noyau initial. On a mentionné
notamment le Collège Sainte-Marie, l'Ecole normale Jacques-Cartier et
l'Ecole des hautes études commerciales. Ce mode de regroupement qui
s'exprime sous forme d'une fédération ou même d'une
intégration de diverses institutions existantes constituerait, dans
l'opinion du comité, un point de départ malheureux pour
l'université. »
Cela n'a pas été retenu, d'accord. Il est important que le
gouvernement ne tombe pas dans la facilité en octroyant une charte
d'université constituante à une institution qui ne fera, à
toutes fins pratiques, que changer de nom. Le regroupement des ressources doit
se faire, comme l'ont souligné les experts, à partir d'une
équipe intégrée dans un cadre nouveau qui pourra engager
le dialogue avec les universités et les institutions existantes. De
toute façon, même si on y met la meilleure volonté du
monde, il y aura toujours des problèmes difficiles à
résoudre en ce qui concerne la sélection du corps professoral.
Même si on emploie des procédés électroniques,
l'Université du Québec aura pour ses universités
consituantes, un besoin considérable d'enseignants
spécialisés.
Le premier ministre, il me semble, devrait nous dire quels sont les
résultats des études qui ont dû être faites sur les
disponibilités des professeurs de niveau universitaire et quels seront
les critères de sélection de ces professeurs. Le nombre des
étudiants augmente constamment, le nombre des disciplines varie
d'année en année. Des études ont dû être
faites qui nous permettraient d'avoir des projections sur le nombre et la
qualité des professeurs spécialisés dont nos
universités auront besoin au cours des quelques années à
venir. Je pense bien que tous les députés de cette Chambre
seraient fort intéressés à connaître le
résultat de telles enquêtes.
Un mot maintenant des centres d'études universitaires. Il est
clair, comme l'a dit le premier ministre, que le besoin grandissant de
facilités universitaires pour la région de Montréal
n'élimine pas les besoins des autres régions du
Québec.
Les besoins sont là. Déjà, les régions de
Trois-Rivières, de Rimouski et de Chicoutimi possèdent des
centres d'études universitaires affiliés à
l'université Laval. Ces centres fonctionnent bien et ne demandent
qu'à progresser.
Le bill lui-même ne fait pas mention de ces centres. Le premier
ministre les a mentionnés dans son discours de deuxième lecture.
Il a dit que ces centres deviendraient éventuellement des
universités constituantes. C'est très bien, mais ce n'est pas
prévu au projet de loi. C'est une autre matière que le projet de
loi ne mentionne pas.
Nous n'avons aucune objection de principe nous croyons même que
ça devra se faire.
M. BERTRAND: Si le chef de l'Opposition me permet. J'ai noté tout
à l'heure qu'à Chicoutimi comme à Trois-Rivières il
y a des institutions qui dépendent, à l'heure actuelle, de
l'Etat.
M. LESAGE: Oui.
M. BERTRAND: D'autres institutions sont de caractère
privé.
M. LESAGE: Affiliées à Laval.
M. BERTRAND: Affiliées à Laval. Il appartiendra à
ces institutions d'examiner la possi-
bilité de se joindre à l'institution d'Etat sur laquelle
nous avons le contrôle, en vue de former cet embryon d'université
constituante, soit pour Trois-Rivières ou pour Chicoutimi, comme cela
s'est produit au niveau des collèges d'enseignement
général et professionnel où le gouvernement, étant
propriétaire d'institutions, les institutions de caractère
privé ont jugé à propos de se joindre à
l'institution ou aux institutions d'Etat en vue d'établir le
collège d'enseignement général et professionnel. A ce
moment-là, il s'agit tout simplement d'établir les
modalités soit de location ou d'acquisition, comme nous l'avons fait et
comme nous le faisons encore régulièrement à Chicoutimi,
à Trois-Rivières, à Rimouski, à Valleyfield,
à Sainte-Thérèse, partout où nous avons
établi des collèges d'enseignement général et
professionnel.
M. LESAGE: Dans le raisonnement que j'avais l'intention d'exprimer, j'ai
fait un bout du chemin et le premier ministre a continué sur la
même route. Ma conclusion était la suivante: Lorsque ces centres
d'études universitaires deviendront des universités
constituantes, je dis que cette transformation devrait se faire en
collaboration avec l'université à laquelle les centres
d'études sont affiliés. L'université Laval a une
très grande expérience. Il est sûr que, dans la formation
d'universités constituantes, à Trois-Rivières, Chicoutimi,
Rimouski, partiellement du moins en utilisant des institutions qui lui sont
déjà affiliées, l'université Laval est en mesure
d'aider considérablement à une organisation systématique
qui offrira beaucoup plus de chances de succès.
Il est certain que le passage, si l'on peut appeler cela un passage ou
une transformation, du centre d'études universitaires à
l'université constituante, même si cette dernière a une
charte limitée, constitue une opération hérissée de
difficultés et de risques.
Mais, je pense qu'il faut, à ce moment-là, prendre toutes
les précautions, afin d'assurer le succès dès le
départ. C'est d'autant plus important que je ma demande si, dans la
plupart des cas, les universités constituantes ne devraient pas avoir
leur origine dans des centres d'études universitaires. C'est une
idée que je lance. C'est fort possible.
M. BERTRAND: A l'heure actuelle, dans la nomenclature, tantôt,
j'ai nommé des institutions...
M. LESAGE: Oui.
M. BERTRAND: ... par exemple, à Chicouti- mi, l'école de
commerce, l'école normale. Ace moment-là, il n'y a aucun doute
que l'université constituante devra fondamentalement reposer sur les
institutions qui sont en place. Deuxièmement, le milieu lui-même,
dans la composition du conseil de cette université constituante, sera
appelé à jouer un rôle de même nature que le
rôle que nous l'avons invité à jouer dans la
création des collèges d'enseignement général et
professionnel.
Alors, la structure nouvelle que nous établissons, au niveau
universitaire, invite le public, invite les institutions locales ou
régionales à une participation directe, afin que ces
universités constituantes, disons celles à établir
à Trois-Rivières, à Chicoutimi, à Rimouski, soient
véritablement représentatives du milieu, des besoins, et de
nature à répondre aux besoins du milieu. C'est le même
principe que nous retrouvions à la base de l'organisation des
collèges d'enseignement général et professionnel et nous
l'étendons au domaine universitaire.
M. LESAGE: Je parlais plutôt de l'établissement d'autres
centres d'études universitaires, au moins lorsque le bassin de
population est suffisant.
D'ailleurs le rapport Parent, volume n, au paragraphe 333, encore une
fois, faisait allusion, et recommandait à l'Etat d'encourager ces
institutions, c'est-à-dire les centres d'études universitaires,
comme point de départ de futures universités. Ces centres
d'études, qui pourraient être affiliés à des
universités constituantes ou à l'université du
Québec, mais je le pense bien, à des universités
constituantes, pourraient dispenser l'enseignement des première et
deuxième années, dans des disciplines de base, comme, par
exemple, les langues, les mathématiques, les sciences, les sciences
sociales, la psychologie, l'histoire, la géographie.
Enfin, M. le Président, il y a un dernier aspect de la question
que je voudrais traiter, c'est celui du financement. On garde toujours
ça pour la fin. Il ne faudrait pas croire que nous aurons résolu
le problème de l'enseignement supérieur en créant
l'Université du Québec.
Je me demande si le ministre des Finances ou le premier ministre
pourraient nous dire de combien de milliers ou de millions de dollars l'Etat
pourra disposer pour l'Université du Québec et ses
universités constituantes au cours des années à venir.
Nous adoptons une loi, c'est bien beau, mais il y a les moyens
financiers aussi pour mettre en action le fonctionnement de toutes ces
struc-
tures. Et ces moyens financiers, eh bien, il faut se les procurer; il
faut les avoir. Je ne voudrais pas voir gaspiller tous les efforts qui ont
été faits pour en arriver au point où nous en sommes
aujourd'hui, parce que nous nous trouverions devant un manque d'argent. Je
pense bien qu'il ne serait que normal que le ministre des Finances nous dise
pas à un dollar près, c'est évident, mais, au
moins, dans les grandes lignes quelles sont les sommes qui pourraient
être affectées, au cours de l'année prochaine, dans deux
ans, dans trois ans, dans les prochaines années, pour mettre en branle,
d'une façon efficace et ordonnée, les mécanismes que nous
allons établir par l'adoption de ce projet de loi.
Depuis 1966, le gouvernement du Québec a haussé les
impôts sur une base annuelle de $340 millions. Dernièrement, le
premier ministre a confié à un journaliste les difficultés
qu'il appréhendait dans la préparation du budget à venir,
pour 69/70. Je vois que le ministre de la Voirie serre les dents en
arrière du premier ministre; il est inquiet lui aussi. Je n'ai pas dit
que le ministre de la Voirie avait dit un mot; j'ai dit qu'il serrait les
dents...
M. BERTRAND: Son silence est éloquent.
M. LESAGE: ... quand il m'entendait parler du budget 69/70. Quant au
député du comté de Montmorency, qui siégeait au
caucus de l'Union Nationale jusqu'à ces derniers temps, lui, il est
absolument sûr de son coup: il a quitté l'Union Nationale en
avisant la population que le gouvernement allait être obligé,
encore une fois, d'augmenter très substantiellement les impôts. Il
est clair qu'il y a des limites à la capacité de payer des
citoyens du Québec. Je pense que la demande que j'ai faite est
absolument normale. D'ailleurs, j'ai fait des suggestions au sujet des
dépenses à faire. J'ai suggéré, en particulier, de
mettre l'accent sur les méthodes modernes d'enseignement, plutôt
que de tenter de créer d'immenses campus qui peuvent coûter
énormément cher.
Alors, M. le Président, j'ai fait toutes ces remarques avec la
plus entière bonne foi, non pas en parlant comme un expert je ne
prétendrai jamais être un expert - mais j'ai consulté avant
de dire plusieurs des choses que j'ai dites.
J'ai relu le rapport Parent. Je regrette que la convalescence du
député de Vaudreuil-Soulanges ait privé la Chambre de ses
commentaires qui auraient été très certainement fort
utiles. J'ai fait ce que ma modeste expérience et la lecture des
rapports que j'avais déjà lus me permettaient de faire. Disons
que dans l'ensemble il s'agit d'une bonne structure. Il va falloir
éviter les écueils. Il va falloir que la population soit bien au
courant de tout ce qui se fait, comment cela va se faire. Il va falloir que le
gouvernement soit prudent dans le choix de ses administrateurs et qu'il soit
prudent dans les dépenses qu'il autorisera. Mais, d'un autre
côté,il faudra prendre les moyens les plus efficaces de donner
à tous ceux qui veulent acquérir un enseignement
supérieur, l'opportunité de l'acquérir aux meilleures
conditions possibles, pour le plus grand nombre, en langue
française.
M. BELLEMARE: L'honorable député peut demander
l'ajournement à huit heures et quart.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, je propose l'ajournement du
débat.
M. BELLEMARE: Les travaux sont suspendus jusqu'à huit heures et
quart.
M. LE PRESIDENT: Les travaux sont suspendus jusqu'à huit heures
et quart.
Reprise de la séance à 20 h 16
M. LEBEL (président): A l'ordre, messieurs!
L'honorable député de D'Arcy-Mc-Gee.
M. Victor-C. Goldbloom
M. GOLDBLOOM: M. le Président, tout à l'heure, en
écoutant l'honorable premier ministre présenter ce projet de loi,
on ayait l'impression d'entendre non seulement un premier ministre, mais en
même temps un ancien ministre de l'Education, qui ne regrettait pas ses
jours passés à ce poste.
Je me trouve en désaccord avec lui au sujet d'une petite chose
qu'il a dite. Il a fait allusion à notre époque actuelle comme
étant le début d'une explosion démographique dans le monde
universitaire. Je me rappelle l'université que j'ai
fréquentée il y a vingt-cinq ans, qui comptait 4,000
étudiants, dont je connaissais personnellement peut-être les trois
quarts. Quand je pense aujourd'hui aux 16,000 qui fréquentent la
même université, et quand je pense au fait que, malheureusement,
cette université, avec cette expansion rapide, n'a pas encore
réussi à résoudre le problème de la
dépersonnalisation, je trouve que cette explosion démographique
est pas mal avancée et que nous avons beaucoup d'efforts à faire
pour corriger les difficultés survenues au cours des récentes
années.
Je trouve que ce projet de loi est un pas dans la bonne direction.
J'approuve, en particulier, la décentralisation de notre système
universitaire. Il n'y a pas moyen d'éviter que les courants du mouvement
de la population soient de la région rurale vers la ville. C'est un
phénomène de notre époque. Il y a quand même moyen
de créer des centres urbains, secondaires, si vous voulez, mais
secondaires seulement en terme de grandeur, qui permettraient à une vie
culturelle, intellectuelle et sociale de se créer, de façon
à constituer un pôle d'attraction pour retenir les gens qui,
autrement, se concentreraient de plus en plus dans les grandes
métropoles. Clairement dans la voie sociale, intellectuelle et
culturelle d'un tel centre, une université, un centre universitaire joue
un rôle de premier plan.
J'approuve aussi au départ de cette entreprise de
l'Université du Québec, l'insistance sur la formation des
maîtres. Je crois que par ce projet de loi, la formation des
maîtres trouve son propre niveau qui est le niveau universitaire.
Il est clair que, dans l'échelle des priorités, l'on doit
établir dans un système d'éducation, que
l'élément prioritaire le plus important est la formation des
maîtres parce que la présence de maîtres compétents
est fondamentale à tout ce que nous voulons réussir,
J'approuve le « décloisonnement » de l'enseignement
qui va en parallèle avec le « décloisonnement » de
nos connaissances. Il y a sûrement des domaines où une
spécialisation assez étroite, si je peux me servir d'un tel mot,
est très importante. On connaît une telle spécialisation et
surspécialisation dans le domaine qui m'est le plus familier, celui de
la médecine. Il faut en même temps promouvoir ce que nous
appelons, pour le moment, polyvalence et que nous appellerons peut-être
à l'avenir autrement. Il faut permettre la plus grande latitude possible
aux jeunes qui entrent à l'université et qui cherchent une
formation qui n'est pas limitée par des cloisons étanches
à un certain secteur de nos connaissances.
J'approuve également l'insistance sur l'éducation
permanente, et surtout de la façon dont le premier ministre l'a
exprimée, c'est-â-dire qu'au niveau universitaire, on mettra
l'accent sur le perfectionnement plutôt que sur la
récupération. Il est clair que l'éducation, de nos jours,
doit être une expérience qui occupera la vie entière.
La formule d'une université d'Etat et je comprends bien la
distinction que le premier ministre a faite entre une université
publique et une université d'Etat c'est quand même
l'Université du Québec, et la formule est bien connue.
Déjà, de plus en plus d'universités s'établissent
de façon à avoir de multiples campus, même des
universités privées réussissent à s'établir
à plusieurs endroits.
Dans certains cas, avec une administration unique et centrale, dans
d'autres cas, avec une administration décentralisée où
chaque campus jouit d'une certaine indépendance. Nous connaissons
l'université de l'Etat de New-York (the University of the State of New
York) qui a au moins une douzaine de campus dans cet Etat. Au Wisconsin et en
Californie, on connaît également la décentralisation des
grandes universités. Ceci permet non seulement des unités plus
petites, moins nombreuses, si vous voulez, d'accorder une attention plus
personnelle à chaque étudiant, mais également à
chacun de ces campus de s'occuper un peu plus particulièrement d'un
aspect spécialisé de l'éducation.
Nous ne jouissons pas ici, au Canada, malheureusement peut-être,
des appuis financiers qui existent aux Etats-Unis où il y a des
fondations. Je prends l'exemple de la Ford Foundation qui a à sa
disposition des sommes très importantes pour appuyer les efforts des
universités privées pour améliorer la qualité de
leur enseignement.
Souvent cela se fait sous la forme de ce que l'on appelle ici, dans un
autre contexte et dans une autre langue, des « matching grants ».
Nous n'avons pas de telles sources privées de financement ici, au
Canada, du moins, certainement pas au même niveau qu'aux Etats-Unis.
Nous sommes donc obligés de permettre et de demander à
l'Etat d'assumer la plus importante responsabilité dans ce domaine du
financement des universités. Malgré cela, il faut conserver cette
distinction entre institution publique et institution d'Etat et permettre une
liberté d'action à nos universités, alors que
peut-être, sous des régimes autres que le nôtre, cela ne
serait pas le cas. Il faut, à mon avis et c'est une chose, si je
ne fais pas erreur, dont le projet de loi ne parle pas et dont le premier
ministre n'a pas parlé en présentant ce projet acheminer
notre système universitaire, surtout en ce qui concerne
l'Université du Québec avec ses filiales, vers la gratuité
scolaire aussi complète que possible.
Je reconnais dans le geste du premier ministre la difficulté que
cette recommandation pose à son collègue des Finances, à
l'ensemble des responsabilités gouvernementales. Il y a quand même
des difficultés qui ne sont pas encore résolues dans le domaine
des prêts-bourses, des moyens dont nous nous servons pour appuyer
financièrement les jeunes qui veulent poursuivre leur éducation
supérieure, et il y a des difficultés telles que j'espère
qu'on finira ou par résoudre ces difficultés et donner justice
à tous ceux qui en ont besoin ou bien arriver finalement à cette
gratuité scolaire ou quasi gratuité qu'à mon avis nous
serons obligés d'instaurer tôt ou tard.
Je suis heureux que le gouvernement ait décidé cette fois
de faire ce qu'il n'a pas fait la dernière fois que nous avons
discuté des institutions d'enseignement, c'est-â-dire de permettre
une représentation directe des étudiants au niveau de
l'administration.
J'ai une autre suggestion que je sais que le premier ministre ne mettra
pas en vigueur demain, mais quand on parle d'université on parle d'une
institution qui se situe réellement â. un niveau très
élevé de l'éducation supérieure. Implicitement, on
pense à une institution qui comprend des facultés telles que le
droit, la médecine, l'architecture. Il me semble surtout en ce qui
concerne la deuxième université de langue française qui se
situera à
Montréal, et étant donné le besoin que nous
connaissons pour la formation de médecins et d'autres professionnels de
la santé, qu'éventuellement avec les compétences qui
existent déjà dans le milieu métropolitain, il y aurait
lieu de penser à ajouter à cette université par-
ticulièrement les facultés qui permettront d'ajouter à nos
effectifs professionnels dans le domaine de la santé la quantité
importante dont nous avons besoin déjà et dont nous aurons encore
plus besoin à l'avenir.
J'ai devant moi une étude préparée pour le Conseil
économique du Canada intitulée « Apport de
l'éducation à la croissance économique » par Gordon
Bertram, étude complétée en juin 1966 et publiée en
1967. Je voudrais en citer quelques mots et quelques chiffres qui pourront,
j'espère, intéresser les membres de cette Chambre. Je cite
premièrement ce qui suit: « De plus en plus les faits qui
s'accumulent et les recherches qui sont faites font voir l'éducation
comme un élément dominant et essentiel de la capacité
réelle que possède la population de gagner sa vie et, donc, de la
puissance productive de l'ensemble de l'économie ou de la
société. Les progrès passés dans le domaine de
l'éducation ont considérablement haussé la puissance
productrice du pays en relevant la qualité de la main-d'oeuvre.
Les calculs ont démontré qu'au Canada, les gains provenant
du travail ont augmenté de près de 30% par homme de 1911 à
1961, du fait, semble-t-il, de l'amélioration du niveau d'instruction,
et que ce facteur a aussi contribué, dans la proportion d'un quart,
à l'accélération de la production par personne au travail.
Ces progrès, toutefois, sont inférieurs de moitié à
ce qui s'est fait aux Etats-Unis. L'écart moyen de scolarité va
donc s'élargissant entre les deux pays, en matière de croissance
économique. Les calculs ont aussi démontré qu'environ un
tiers de l'écart de revenu par homme entre les deux pays, au
début des années soixante, semble avoir résulté de
l'infériorité du niveau d'éducation au Canada. On pourrait
en conclure, quant à la ligne de conduite à adopter, que des
efforts plus énergiques, dans le domaine de l'éducation, sont une
condition préalable non seulement du maintien ou de
l'accélération du rythme de productivité au Canada, mais
aussi de la réduction de l'écart actuel entre notre pays et les
Etats-Unis, quant au niveau absolu de productivité et, par
conséquent, au niveau de vie. »
On constate, selon l'étude du professeur Bertram, que la
proportion de la main-d'oeuvre n'ayant pas dépassé le niveau
élémentaire, a baissé de 75% à 46% au cours de ces
50 ans dont j'ai parlé. La baisse est encore plus marquée chez
les jeunes travailleurs que chez leurs aînés. On constate ici que
pour le nombre moyen d'années à l'école,
l'augmentation,
en pourcentage, du nombre d'années à l'école,
pendant la période des mêmes 50 ans, a été de 38,6%
au Canada, mais de 58.5% aux Etats-Unis. Le nombre total de jours passés
à l'école a augmenté de 107% au Canada, mais de 147% aux
Etats-Unis.
On note aussi que la médiane des années de
scolarité, pour les âges de 20 à 64 ans, était en
1961 de neuf années et demie au Canada mais en 1962, de douze
années aux Etats-Unis. Donc, encore un écart important.
On constate également qu'au Canada, le nombre de jeunes gens
entre les âges de 20 et 24 ans qui continuent à fréquenter
l'école est de 11.5% tandis qu'il est aux Etats-Unis de 19.5%.
Il n'est donc pas étonnant de constater que le niveau de revenu
annuel moyen varie selon les années de scolarité. Le professeur
Bertram, en prenant comme norme, 100%, huit années de scolarité,
soit la fin de l'école élémentaire que nous avons connue
jusqu'à récemment, indique que celui qui n'a pas de
scolarité a 50% du revenu annuel de celui qui a huit années de
scolarité, tandis que celui qui a complété son cours
universitaire a 235% de ce même revenu.
Tout cela, M. le Président, pour aboutir aux derniers chiffres
que je cite de cette oeuvre. Le niveau de produit national brut, réel,
par habitant, en 1962 la dernière année pour laquelle les
chiffres sont offerts était au Canada, $2,276; aux Etats-Unis,
$3,082. Donc, l'importance de l'éducation saute aux yeux, surtout au
niveau universitaire, alors que non seulement les revenus personnels peuvent
augmenter proportionnellement aux années de scolarité, mais
également que la productivité totale du pays peut en
bénéficier énormément.
Je termine ces remarques en faisant deux commentaires.
Premièrement, j'espère qu'après l'adoption de ce projet de
loi on procédera aussi rapidement que possible à mettre sur pied
les institutions qui découleront de ce que nous créons
aujourd'hui tout particulièrement celle que nous demandons et
espérons voir depuis assez longtemps déjà, la
deuxième université de langue française à
Montréal.
M. BERTRAND: Très bien.
M. GOLDBLOOM: II est clair que la création de cette institution
réussira un déblocage dans tout notre système
d'éducation, non seulement au niveau des institutions qui alimenteront
cette université, mais également dans d'autres secteurs de notre
système d'éducation supérieure.
Finalement, je reviens à quelque chose que j'ai dit un peu plus
tôt. Nous avons devant nous un projet de loi qui crée
l'Université du Québec. Le premier ministre a fait la distinction
claire entre une institution étatique et une institution publique. Je
comprends que l'administration de ce réseau d'institutions sera entre
les mains de personnes autres que les personnes qui agissent comme
représentants du gouvernement.
Il y a quand même une importance telle de la participation de
l'Etat à la gestion indirecte, par moyens budgétaires, si vous
voulez; l'Etat joue un rôle tel dans l'administration de ces institutions
d'enseignement supérieur qu'il faut faire des efforts particuliers pour
conserver la liberté de l'enseignement dont nos universités ont
toujours joui et dont elles devront pouvoir continuer de jouir.
Il est clair que la présence toujours croissante de l'Etat risque
de brouiller un peu la vision que nous avons de la parfaite liberté de
nos institutions d'enseignement supérieur. Mais si nous gâtons ce
terrain, ce sol de libertés académiques, les fleurs de notre
éducation pourront s'y faner au lieu de s'y épanouir. Dieu sait
que nous avons besoin de tous les bénéfices possibles pouvant
résulter de la création d'institutions ce cette sorte.
Je félicite le gouvernement d'avoir procédé
à la création de ce réseau d'institutions. J'espère
que ce qui est maintenant créé au niveau du plan deviendra,
très prochainement, un réseau d'institutions réelles qui
augmenteront la productivité et la compétence de la population du
Québec.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre d'Etat à l'Education.
M. Jean-Marie Morin
M. MORIN: M. le Président, après l'exposé complet
qu'a fait cet après-midi le premier ministre, je ferai une brève
intervention pour situer l'Université du Québec parmi les
organismes d'enseignement supérieur et ainsi faire le point de la
situation dans ce domaine.
En moins de six mois, le gouvernement a proposé à la
Législature trois projets de loi majeurs relatifs à
l'enseignement supérieur. D'abord, la Loi des investissements
universitaires, le bill no 58, sanctionné le 5 juillet dernier. Puis la
Loi du Conseil des universités, le bill no 57, adopté il y a
quelques semaines seulement. Enfin, la Loi de l'Université du
Québec, que nous étudions présentement. Ces trois textes
législatifs situent maintenant les responsabilités des divers
agents compétents en matière universitaire. Ils créent de
nouveaux instruments d'action et permettent d'envisager le
départ d'une nouvelle étape dans le développement
de l'enseignement supérieur au Québec.
Dans la Loi du Conseil des universités, le gouvernement
reconnaît et confirme sa responsabilité quant à une
stratégie du développement de l'enseignement supérieur.
L'instrument privilégié de cette stratégie, c'est le plan
que le ministre de l'Education est tenu de préparer et de soumettre
à l'avis du Conseil des universités. On situe ainsi les
responsabilités de la Direction générale de l'enseignement
supérieur, instrument spécialisé du ministère de
l'Education, dont la tâche essentielle n'est pas d'administrer des
établissements universitaires, mais de préparer des esquisses du
plan et le plan lui-même. On situe également ainsi le Conseil des
universités dont l'une des tâches essentielles est de participer
à la confection du plan et à toutes les phases de son
élaboration.
Le Conseil des universités sera donc ainsi appelé à
travailler en étroite liaison avec la Direction générale
de l'enseignement supérieur, mais tout en gardant son autonomie
vis-à-vis d'elle. A l'intérieur du plan ainsi
préparé et tenu à jour, se situent maintenant les
établissements universitaires, c'est-à-dire les six
universités actuelles, et bientôt l'Université du
Québec, avec ses universités constituantes, écoles
supérieures et instituts de recherche.
L'on remarquera tout de suite la différence de nature et de
fonction entre le conseil des universités et l'Université du
Québec. Le premier est un organisme conseil auprès du ministre de
l'Education, chargé de le seconder dans la préparation du plan et
de lui donner son avis sur le partage annuel des fonds publics, entre les
établissements universitaires.
L'Université du Québec, par contre, est un
établissement public chargé de développer de nouvelles
universités. C'est un instrument d'action. Les universités
existantes ont déjà défini leur cadre d'action, leur style
d'organisation, le sens de leur évolution et de leur
développement. Elles comptent déjà, pour la plupart
d'entre elles, de grands nombres d'étudiants de premier cycle. Elles
sont maintenant au seuil d'une nouvelle étape, où le
développement des études avancées de maîtrise et de
doctorat s'imposent. L'Université du Québec, pour sa part, doit
s'attaquer d'emblée à la décentralisation des services
d'enseignement supérieur en diverses régions du Québec, et
permettre d'organiser, à brève échéance, dans deux,
trois ou quatre métropoles régionales, un enseignement de premier
cycle de qualité et le plus complet possible.
Elle doit aussi se préoccuper particulièrement de la
formation et du perfectionnement des maîtres dont le système
scolaire a besoin. Elle doit enfin, et le premier ministre le mentionnait en
terminant son discours, cet après-midi, identifier des champs de
recherche qui sont des domaines clés pour le développement du
Québec. Elle doit proposer en ces matières la création
d'instituts de recherche à vocation provinciale qui feraient appel, dans
leur organisation et dans leur fonctionnement, à toutes les ressources
disponibles, que ce soit dans les universités, actuelles comme
nouvelles, dans l'industrie, au gouvernement et même à
l'étranger.
L'on peut envisager, M. le Président et j'insiste
là-dessus en terminant que les instituts de recherche constituent
à la fois des points de ralliement pour les compétences
québécoises et des instruments importants de coopération
avec d'autre communautés scientifiques dans divers pays.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.
M. Pierre Laporte
M. LAPORTE: M. le Président, je vais tenter de ne pas
dépasser une dizaine de minutes pour exprimer très
brièvement et ma satisfaction et les quelques pensées qui me
viennent, alors que nous étudions ce projet de loi, qui, tout au moins
dans les espoirs qu'il fait naître, est un des plus importants dont cette
Chambre ait été saisie au cours de la présente session.
Nous avons eu très fréquemment, depuis un certain nombre de mois,
d'années, l'occasion de nous prononcer sur la promotion de la culture
française, sur les progrès de tous ordres que nous voudrions voir
s'installer au sein de la communauté française que nous formons
en Amérique du Nord.
Tout ce que nous pourrions dire de fort important sur la langue
française, sur sa défense, sur les moyens à prendre pour
qu'elle soit de qualité, tout ce que nous pourrions imaginer pour
l'avenir du Québec, se résume plus que jamais en 1968 en une
formule qui a déjà été utilisée: la bataille
des cerveaux. Nous avons, au cours des deux derniers siècles,
gagné, du moins, certains le prétendront une autre
bataille qui celle-là s'appelait bataille ou revanche des berceaux.
C'est terminé et nous devons songer à autre chose pour que ce que
nos prédécesseurs ont fait puisse se continuer, mais à la
mode de 1968, c'est-à-dire que nous avons maintenant une
responsabilité périlleuse face à l'histoire; c'est notre
vocation à l'excellence. M. le Président, il est un thème
que nous de-
vrions songer, collectivement, à développer,
particulièrement auprès de la jeunesse. C'est le thème de
l'urgence de créer chez nous une société
compétente. L'avenir de notre société dépend de la
génération des jeunes, et celle-ci aura à concurrencer les
experts de la société américaine. On a cité, a
satiété, depuis quelques mois, un grand journaliste
français qui a écrit un livre qui fera certainement époque
et dans lequel il établit avec des mots fort simples, une thèse
qui est en train de révolutionner l'Europe, c'est-à-dire que les
Américains sont en voie de coloniser le reste du monde, pas tellement
par leurs armées ou leurs capitaux que par leurs cerveaux.
Ce journaliste qui a nom Jean-Jacques Servan-Schreiber, qui est
directeur du grand magazine français L'Express, a illustré par
des chiffres très probants combien de jeunes de 15 à 25 ans
fréquentent les universités américaines, combien de jeunes
du même âge sont dans des universités françaises,
russes ou canadiennes. Les chiffres correspondent à une
réalité, car plus d'Américains que n'importe lequel autre
peuple au monde se rendent jusqu'aux études supérieures. Vous
avez une productivité, vous avez une compétence et vous avez une
science qui, encore une fois, sont en train de créer une sorte de
colonialisme dont beaucoup de gens profitent mais qui s'établit au
niveau des cerveaux.
Qu'est-ce que nous serons, nous, Québécois, dans ce monde?
Où logerons-nous dans cette société compétente? Je
crois que c'est une question que tout le peuple québécois doit se
poser.
Nous n'aurons que deux réponses: l'éducation et la
recherche. Nous avons fait depuis quelques années un effort
extrêmement considérable en matière d'éducation au
Québec, effort qui s'est traduit par des augmentations de
dépenses vertigineuses, par une remise en question globale du
système dans lequel nous avons vécu pendant des décennies
et qui a malheureusement créé, et c'était fatal, parmi le
peuple québécois, une période d'incertitude et
d'insécurité.
Nous pouvons quand même croire que, lorsque nous aurons
triomphé de cette période de gestation, nous aurons au
Québec un système d'éducation qui aura deux
qualités fondamentales. Il sera démocratique, c'est-à-dire
que tous les jeunes Québécois qui en auront le talent et la
volonté pourront poursuivre des études jusqu'aux niveaux les plus
élevés. De plus, ce système, et ceci dépendra des
maîtres qui le conduiront, de la recherche que nous aurons faite, ce
système sera d'une qualité comparable à ce qui se fait de
mieux dans d'autres pays du monde.
Il y a un lien direct entre la capacité de survivre et on
voudra utiliser les formules que l'on voudra. « Cessons de survivre et
vivons », en est une. La capacité de survivre, puisque c'est de
cela qu'il est question, a un lien direct avec le niveau de la recherche
scientifique dans une société. On est renversé, lorsqu'on
a l'occasion de lire, dans certaines revues spécialisées, ce qui
se fait de recherche dans le monde, et que l'on constate que, chez nos amis
américains, ce que le gouvernement consacre à la recherche, ce
que les grandes sociétés industrielles et commerciales
dépensent pour la recherche, dépasse par des chiffres
astronomiques ce qui se fait dans le reste du monde.
Nous devons constater chez nous que nous avons notre place à
occuper dans le milieu de la recherche, et que traditionnellement,
l'enseignement universitaire chez nous ne peut pas et, en fait, ne fait pas
suffisamment de place à la recherche. Celle-ci est présentement
considérée comme un sous-produit de l'enseignement. Un
enseignement très poussé, croit-on, doit normalement conduire
à des recherches plus poussées. Or, l'on croit de plus en plus,
dans les milieux les plus spécialisés dans ces sortes de choses,
que c'est l'inverse qui devrait exister, que l'enseignement devrait se faire
à partir des résultats de la recherche. Ceci semble bien
être le désir et la constatation des jeunes eux-mêmes,
puisqu'ils veulent que diminue le nombre des cours magistraux et que, de plus
en plus, les élèves soient amenés à faire de la
recherche.
Sait-on que, chez-nous, présentement c'est devenu un lieu
commun de le répéter nous sommes obligés de
recourir aux auteurs américains dans la plupart des disciplines, parce
que c'est aux Etats-Unis que la recherche est le plus développée.
Nous devons le constater en pensant que jamais nous n'aurons un enseignement
bien à nous, si nous ne nous occupons pas de développer nos
propres instruments de recherche.
Un de nos ex-journalistes, devenu homme d'affaires, fameux pour les
formules percutantes qu'il savait trouver, a dit de la province de
Québec récemment que c'était « une fille entretenue
qui voudrait sans préavis retrouver sa liberté. » Nous
pourrions ajouter, en termes moins violents, que présentement notre
enseignement universitaire est emprunté à l'étranger dans
sa presque totalité. Si l'on croit - nous avons des sauveurs de la race
de tout poil aujourd'hui que nous allons régler cette situation
en traduisant en français des manuels écrits dans une autre
langue ou en
francisant tant bien que mal des choses qui nous paraissent ou sont
américaines ou qui viennent d'autres pays que du nôtre, nous nous
illusionnons profondément.
Donc, nécessité de la recherche, mais
nécessité aussi de démocratiser de plus en plus
l'enseignement supérieur. J'ai, un jour, rencontré un critique
littéraire français avec qui je causais de l'avenir de la
littérature au Canada français et qui me disait: L'une des
conditions fondamentales, c'est que vous ayez de plus en plus d'auteurs,
d'écrivains. Lorsque vous éditez cent volumes par année,
vous avez quelques rares chances de trouver une oeuvre de qualité. Si
vous produisez 500, 1000 ou 2000 oeuvres différentes, vous augmentez
d'autant votre chance, qui devient mathématique après un certain
nombre d'années, de produire non seulement des oeuvres de
qualité, mais un jour un ou des chefs-d'oeuvre.
Je pense que nous pouvons dire la même chose de cette
nécessité que nous avons d'exceller en recherche et de
créer chez nous un enseignement de qualité. Nous y atteindrons
lorsque, chez nous, les études supérieures auront cessé
d'être réservées à une certaine élite de
notre société.
L'université du Québec, qui, je le répète,
pour l'instant, n'est qu'un espoir, offre une possibilité
d'intégrer les institutions universitaires à notre milieu social.
Je pense que c'est un des bienfaits qu'elle peut nous apporter. L'un des points
faibles les plus importants de ce projet de loi, c'est peut-être que,
dans une province où la recherche a été, je dirais, quasi
inexistante depuis toujours, l'on tente brusquement de l'émietter, en
créant plusieurs petits centres de recherche, alors qu'au contraire on
devrait pratiquement interdire qu'il s'en fasse ailleurs que dans un ou deux
centres très hautement spécialisés où l'on aurait
en même temps la concentration des cerveaux et des capitaux.
Je me souviens - et le ministre de la santé pourrait en
témoigner - que, lorsqu'il fut question d'augmenter
considérablement dans le Québec le nombre des institutions
d'hospitalisation, un plan avait été préparé pour
que, dans un certain nombre de petites localités on construise de petits
hôpitaux avec certains services très généraux qui
pourraient être offerts à la population, que, dans des centres
régionaux, on aurait des hôpitaux avec quelques
spécialités un peu plus complexes, et qu'on réserverait
pour les grands centres, comme Québec et Montréal, les grands
instituts où l'on fait en même temps de la chirurgie hautement
spécialisée et les recherches les plus poussées en
matière de médecine.
C'était pure logique. L'on ne pourrait, pour toutes sortes de
raisons, doter la province de Québec d'une douzaine d'instituts de
cardiologie, parce que vous n'avez ni les capitaux ni les hommes qui pourraient
construire et meubler des institutions de cette envergure.
J'espère qu'au niveau de la recherche, on ne va pas provoquer un
émiettement, mais plutôt, entre une ou deux grandes
universités, une concurrence qui serait de bon aloi, une concurrence,
non seulement entre les universités mais aussi l'industrie qui apportera
et sa contribution en argent et sa contribution en compétences
intellectuelles.
M. le Président, deux choses m'inquiètent. La
première, c'est la crainte de l'émiettement de la recherche, de
l'éparpillement des pauvres maigres capitaux que nous avons dans le
Québec. La deuxième, c'est que je me demande si, par ce projet de
loi, on va créer de nouvelles institutions d'enseignement
supérieur, c'est-â-dire de nouveaux foyers de recherche et
d'éducation, ou si l'on va simplement regrouper des institutions qui
existent actuellement dans la province de Québec.
Je ne crois pas qu'il sera suffisant que l'on coiffe du nouveau titre
d'université les institutions qui rendent déjà les
services que l'on attend d'elles au niveau où elles existent
présentement, pour que le gouvernement puisse dire qu'il s'est
acquitté de sa responsabilité, pour que le peuple
québécois soit satisfait et pour que l'avenir soit
préparé.
La crainte que je formule actuellement n'est pas uniquement la mienne.
J'ai eu la curiosité de consulter, hélas, nos travaux sont
toujours extrêmement rapides, au cours des quelques dernières 24
heures, un certain nombre de gens qui oeuvrent actuellement dans le milieu
universitaire. Ces gens ont vu, avec espoir, naître la possibilité
de la création au Québec d'une deuxième université
française. Ces gens, unanimement, disent que le projet de loi que l'on
nous propose actuellement comporte d'excellentes choses et dans son principe et
dans ses modalités. Ils en acceptent et le principe et la plupart des
modalités. Mais ces gens ont manifesté certaines
inquiétudes que je vais tenter de résumer aussi brièvement
que je le peux.
L'une des premières inquiétudes, c'est le défaut de
consultation publique, l'absence de consultation. Nous vivons actuellement une
époque qui passera peut-être à l'histoire comme une
période ou l'ère de la contestation, mais contestation qui veut
se doubler de la consultation et du dialogue.
Or, je vous dis qu'un certain nombre de professeurs d'université
qui ne font pas profession de contester, gens qu'à aucun moment on a
vu
brandissant des pancartes pour ou contre quelque chose, des professeurs
qui enseignent tout simplement m'ont dit leur inquiétude devant cette
négligence de l'Etat à les consulter.
Et l'un d'entre eux résumait ainsi son inquiétude: Pour ce
qui est des consultations publiques, il n'y en a pas eu jusqu'à ce jour.
Ce qui laisse présager une attitude assez brutale à l'endroit des
professeurs. Un autre dit: Si vous voulez véritablement, dans lé
milieu universitaire, du leadership, c'est dans votre corps professoral que
vous allez le trouver. Et il ajoutait: Dans ce que l'on nous présente,
les professeurs n'ont eu à peu près rien à dire.
M. le Président, j'ai dit au début de ces remarques que
nous assistions àla naissance d'une institution extrêmement
importante pour l'avenir du Québec. Puisqu'on a mis deux ans et demi
à accoucher de ce projet de loi valable je ne voudrais pas que
mes remarques laissent supposer que j'ai des critiques sur le fond
puisqu'on a mis ce temps à préparer ce texte, pourquoi n'a-t-on
pas songé plus tôt, nous le faisons sur des sujets infiniment
moins importants, à consulter publiquement? Et le corollaire à
cette critique que je formule, c'est ceci: Est-ce qu'il est à ce point
urgent de créer l'Université française du Québec
dans les quelques jours qui vont venir, est-ce qu'il est à ce point
urgent de le faire qu'on doive renoncer à motiver, pour utiliser des
mots à la mode, toutes les personnes qui seront directement
concernées par l'université, c'est-à-dire les professeurs,
les élèves et le public qui, lui, sera à la fois celui qui
va alimenter l'université par ses impôts et celui qui, à
courte et à longue échéance, va profiter ou va se trouver
mal servi par les institutions que l'on s'apprête à
créer?
Si l'on veut créer pour le mois de septembre 1969, comme le
gouvernement l'a promis, la deuxième université française,
il est d'ores et déjà évident qu'il va s'agir de regrouper
à Montréal un certain nombre d'institutions qui existent
déjà. Alors, pourquoi ne pas référer le projet de
loi je n'en ferai certainement pas une motion pourquoi le
gouvernement ne songerait-il pas à prendre quelques jours pour dire:
Nous allons consulter tous ceux qui veulent l'être. S'il décide,
après coup, de ne pas modifier substantiellement son texte, il aura au
moins la conviction d'avoir permis aux gens de s'exprimer.
Si je peux me permettre de citer un souvenir de mes années de
journalisme, un journaliste du Devoir, qui n'était pas moi, avait
préparé sur une certaine université un certain nombre
d'articles assez vigoureux. Et on s'était plaint, parmi les gens qui
étaient au courant, de ce que la publication des articles retardait.
M. Filion, directeur du Devoir, avait répondu à l'un deux:
« L'on n'a pas fini d'exercer des pressions sur moi. » M. Filion
n'ani changé la décision de publier, ni changé le texte
des articles. Mais, il a pu dire, après coup: Tous ceux les
intéressés qui ont voulu communiquer avec le directeur du
Devoir, lui écrire ou protester auprès de lui ont eu l'occasion
de le faire.
Je crois que le gouvernement ferait bien de tenter, sur un sujet aussi
peu politique que celui-là je pense que le débat
d'aujourd'hui en est une preuve évidente de faire, dans toute la
mesure du possible, l'unanimité ou, du moins, de donner à chacun
l'occasion d'exprimer son point de vue. Parmi les critiques que l'on fait
j'ai parlé tout à l'heure de la recherche un
spécialiste de l'éducation dit que si l'on multiplie ces centres
de recherche, on risque de se retrouver devant des groupes de pression ou de
« lobbies » qui représenteront les différentes
universités. L'un de ceux avec qui j'ai communiqué
considère comme une grave lacune que l'on ne prévoie aucun lien
organique antre les universités qui existent déjà et
l'Université du Québec, si ce n'est que les universités
qui existent déjà pourront, si elles le désirent, avec
l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil, passer sous la coupe de
l'Université du Québec.
M. le Président, j'avais dit que je serais très bref. J'ai
un peu entamé cette déclaration que j'ai faite au début.
Je voudrais dire au gouvernement que, là encore, il ne donne pas au
Québec une nouvelle université française. Il donne au
Québec une nouvelle structure, un instrument de travail. Je l'ai dit
lorsque nous avons créé le ministère de l'Immigration:
c'est un instrument. Nous saurons, dans les quelques mois à venir, ce
que l'on fera de cet instrument. En créant l'Université du
Québec, on ne bâtit pas une nouvelle institution qui vient
s'ajouter à l'université de Montréal, à
l'université Laval et aux autres: on crée un cadre juridique qui
regroupera, pour l'instant, un certain nombre d'institutions. J'espère
que l'objectif que l'on se propose de créer graduellement des centres
universitaires à divers endroits de la province de Québec va se
réaliser avec toute la célérité compatible avec les
finances du gouvernement et que ces centres seront de véritables
institutions d'enseignement supérieur.
S'il s'agit de créer des institutions qui seraient surtout
consacrées à la formation des maîtres, pas besoin de
créer l'Université du Québec; nous avons
déjà, à l'intérieur du mi-
nistère de l'Education, toutes les structures voulues. Nous avons
besoin, dans le Québec, d'un certain nombre de gens dans certaines
professions bien déterminées,, Nous avons besoin, dans le
Québec, d'une société compétente. Nous avons
besoin, dans le Québec, de mettre l'accent sur la recherche.
Si l'Université du Québec contribue à nous faire
atteindre ces buts, ces objectifs, comme je l'espère, elle aura
répondu aux espoirs que l'Opposition et toute la population du
Québec mettent dans ces nouvelles structures. Autrement, et nous
n'hésiterons pas à le dire à l'époque
j'espère n'avoir jamais à le dire le peuple du
Québec encore une fois aura perdu la proie pour n'avoir que l'ombre.
M. le Président, le gouvernement nous présente un bill
acceptable. A lui maintenant de se mettre au travail avec une
célérité qui ne lui a pas été
coutumière, mais qui pourra dans ce cas particulier rendre
d'éminents services.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail.
M. Maurice Bellemare
M. BELLEMARE: Je passerai sûrement, M. le Président, pour
un laïque dans la discussion sur l'université, surtout à
propos du bill no 88, mais je ne peux passer sous silence ce dixième
anniversaire qui ce soir, pour nous de la région de
Trois-Rivières, est très significatif.
Il y a en effet dix ans, en ce même mois, s'organisait dans la
région de Trois-Rivières le Centre des études
universitaires de notre région. C'était à la suite d'une
lettre de Son Excellence monseigneur Georges-Léon Pelletier qui
m'écrivait: « Pour faire suite à notre entrevue
téléphonique d'hier, je suis heureux de vous confirmer par
écrit que les problèmes de l'enseignement étudiés
depuis la dernière décennie nous amènent actuellement de
grands projets universitaires. Il ne s'agit peut-être pas d'une
université proprement dite pour le moment. Toutefois, nous pensons qu'il
est opportun de grouper les écoles et cours universitaires qui se
donnent Ici présentement. Dans le but d'unifier notre enseignement
universitaire et de le promouvoir selon les besoins, tenant compte des
possibilités académiques et financières, nous mettrons sur
pied incessamment un organisme supérieur d'enseignement et de formation
qui comprendra: 1) un conseil de vigilance; 2) un conseil d'administration; 3)
un conseil académique pour chaque école concernée et 4) un
syndicat de fiducie. « Tous ces rouages universitaires dépendent
entièrement de nous, sauf le conseil académique des écoles
sous la juridiction de l'université Laval. Une école existe ici
à Trois-Rivières, l'autre à Shawinigan, une
troisième devrait commencer à l'automne. Nous avons
également d'autres écoles qui pourront très bientôt
atteindre le degré universitaire. Une chose est certaine, c'est que le
conseil universitaire une fois formé permettra l'éclosion rapide
de plusieurs branches de l'enseignement supérieur. Nous comptons que la
divine Providence et ceux qui l'aident sur cette terre sauront nous permettre
de rendre plus facilement à maturité la foison des talents de
chez nous. « Je sais, honorable ministre, que vous êtes
gagné à cette cause du développement de l'esprit, ainsi
que de la meilleure mise en valeur des possibilités débordantes
de la jeunesse. Il me serait bien agréable que vous puissiez faire part
à l'honorable premier ministre de nos modestes amibitions, mais surtout
de notre grand amour de servir. »
Et cette lettre était signée: Georges-Léon
Pelletier, évêque de Trois-Rivières, en 1960.
Déjà deux ans s'étaient écoulés
depuis la formation du Centre des études universitaires chez nous. C'est
pour moi un bien vif plaisir d'avoir entendu cet après-midi l'honorable
premier ministre annoncer officiellement dans son discours: « Enfin, pour
le bénéfice des membres de cette Chambre, je donnerai la liste
des institutions directement touchées par la création de
l'Université du Québec et de ses universités
constituantes... Pour l'Université du Québec à
Trois-Rivières: l'Ecole normale Duplessis et le Centre des études
universitaires. »
C'était et c'est un rêve que nous avions caressé
depuis longtemps pour toute notre région. Dans un milieu bien à
eux, les gens de chez nous, particulièrement ceux du coeur de la M
auricle, iront là chercher comme ils le font depuis dix ans, avec des
méthodes encore plus modernes, la formation universitaire.
Cette formation est absolument nécessaire pour ceux qui, demain,
dans le monde des affaires, le monde industriel ou même le monde qui se
dirige vers l'enseignement, sont absolument obligés d'obtenir ces
diplômes essentiels à la poursuite de leur carrière.
Trois-Rivières, le coeur de la Mauricie, M. le Président,
c'est un réservoir de capital humain. Combien l'avons-nous prouvé
depuis une décennie! Combien d'hommes importants, sérieux, bien
formés, de grands universitaires sont partis de chez nous et sont
allés, à l'étendue de la province, des autres provinces du
pays ou même aux Etats-Unis, prouver que nous
avions réellement, chez nous, dans ce patelin qui m'est
particulièrement cher, des talents extraordinaires. Mais s'ils n'avaient
pas eu ce début, ce Centre des études universitaires, ils
n'auraient pas atteint le sommet où ils brillent aujourd'hui par leur
science.
Est-ce que je pourrais, ici, M. le Président, pour
l'édification du public surtout, noter de façon
particulière que, dans notre région de grands universitaires sont
passés. Ils ont réussi à faire leur marque même
malgré leur jeune âge. Faudrait-il que je vous rappelle le nom,
aujourd'hui illustre, d'un de nos concitoyens, le docteur Grondin? Il est
passé par notre séminaire, par les premières années
de notre centre universitaire et, aujourd'hui, à travers le monde, il a
fait sa marque en médecine.
Je suis particulièrement heureux aussi de vous dire combien de
chefs de file, depuis que nous avons l'insigne honneur d'avoir dans notre
patelin ce Centre d'études universitaires, ont été
formés et dirigés vers une action plus dynamique en faveur des
gens de chez nous.
Mo le Président, je voudrais rendre un
témoignage bien particulier à cet homme infatigable qu'est
l'abbé Boulet. Il a lui-même, dès le début,
organisé, recherché dos appuis. Il a donné
véritablement toute sa mesure en obtenant, par son travail et sa
ténacité, enfin par ses soins, la réalisation que tous
désiraient ardemment, cette université constituante qui fera
partie du grand tout de l'Université du Québec.
M. le Président, je ne voudrais pas allonger ce débat mais
à tous ceux qui, de près ou de loin, ont participé
à l'organisation de ce Centre des études universitaires, à
tous ceux qui y ont contribué, à tous ceux qui ont voulu, par
leur dévouement et leur ténacité, réaliser
aujourd'hui chez nous cette université constituante, je dis merci. Nous
sommes particulièrement heureux, nous qui avions provoqué, dans
le temps, un éditorial qui me rendait un témoignage
extraordinaire, comme le disait cet après-midi l'honorable chef de
l'Opposition, qui citait lui-même un discours qu'il avait fait en 1966.
Je me fie à sa modestie pour emprunter la tactique à laquelle il
a eu recours cet après-midi.
M. LESAGE: J'ai parlé au moins avec humour!
M. BELLEMARE: Alors, avec humour, en 1959, dans ce grand journal Le
Nouvelliste, il y avait déjà un éditorial en faveur du
député de Champlain, qui prêchait pour une
université dans la cité de Trois-Rivières.
M. LACROIX: Cela a coûté combien? M. BELLEMARE: Pardon?
M» LACROIX: Cela a coûté combien, cet
éditorial-là?
M. BELLEMARE: Beaucoup de dévouement de la part de celui qui vous
parle!
M. LACROIX: De la part du journaliste, ç'a certainement
demandé du dévouement!
M. BELLEMARE: Ah! pour ma modestie, je ne voudrais pas le lire, mais je
pourrais peut-être en faire tirer des copies à l'avantage de
l'honorable député des Iles-de-la-Madeleine! Mais
déjà, j'étais un de ceux qui réclamaient une
université pour notre région, n'ayant pas eu personnellement le
privilège de bénéficier de cette formation universitaire.
J'avais, dans ma carrière et dans ma vie, voué toutes mes
énergies à demander et à réclamer que, chez nous,
dans notre région, on ait des écoles supérieures, des
écoles bien adaptées à notre population, mais
particulièrement une université pour que, chez nous, on puisse
atteindre ce stade de développement qui donne à ceux qui ont
l'avantage de suivre ces cours une formation merveilleuse.
Je suis particulièrement fier aujourd'hui. Je remercie
l'honorable premier ministre qui a fait, dans ce domaine, un travail
merveilleux. Il a été, depuis longtemps, un ami de
l'éducation. Il l'a prouvé une fois de plus cette année en
présentant ce bill 88 qui nous reconnaît, particulièrement
à nous de la région des Trois-Rivières, une
université constituante, pour le plus grand bénéfice de
tous et de chacun.
M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre.
M. Jean-Jacques Bertrand
M. BERTRAND: En guise non pas de réplique, mais pour apporter
quelques réponses à des questions qui ont été
posées et de manière à éviter que ces
réponses soient fournies en comité plênier où on
pourrait y revenir, je voudrais tout simplement dire ceci: D'abord on a
soulevé le problème de la consultation. Quand on parle du bill
88, qui s'intitule Loi de l'Université du Québec, il ne faut pas
oublier que des travaux ont été commencés il y a plusieurs
années.
Premièrement, la commission Parent a étudié tous
les problèmes de l'éducation, a reçu des
mémoires, entendu des témoins, et des experts de
l'enseignement élémentaire, de l'enseignement secondaire, de
l'enseignement postsecondaire, de l'enseignement universitaire. Donc,
consultation à peu près la plus large possible avec les milieux
de l'enseignement et, en particulier, de l'enseignement universitaire.
Deuxièmement, il y a eu le rapport Rocher, publié en 1965,
et qui porte surtout sur la deuxième université de langue
française à Montréal.
M. LESAGE: Cela a été connu au début de 1966. Il
était daté de décembre 1965.
M. BERTRAND: Oui, daté de décembre 1965. De plus, d'autres
travaux ont été entrepris. Le chef de l'Opposition assistait,
comme moi, hier, à la cérémonie traditionnelle et annuelle
de l'université Laval, la fête patronale où nous avons
entendu parler du rapport Roy qui prévoit, disons, un renouveau
comme le recteur de l'université Laval l'a appelé à
l'université Laval, certains changements d'orientation et une
modernisation universitaire.
En plus de cela, de la province voisine je l'ai noté cet
après-midi nous avons eu le rapport MacPherson de
l'université de Toronto et le rapport Spinks sur l'enseignement
gradué en Ontario. Des documents nous sont venus des Etats-Unis;
d'autres nous sont venus de France, en particulier des textes des colloques de
Caen et les derniers textes administratifs sur la réforme universitaire
en France, qui ont conduit le gouvernement français, à la suite
de la contestation étudiante dont on a beaucoup parlé, à
la Loi de la réorganisation de l'enseignement universitaire en France,
déposée le 7 novembre au Parlement français.
Mais, en plus de cela, il y a eu ce groupe, « recherche et
développement ». Je voudrais ici donner des noms et le milieu que
ces gens représentent: M. Germain Gauthier, directeur de l'enseignement
supérieur du ministère de l'Education; M. Pierre-Yves Paradis,
universitaire qui a exercé ses activités à
l'université de Montréal, à l'université de
Sherbrooke, à l'université Laval, et qui est maintenant directeur
général de la formation des maîtres.
Maurice Labbé, vice-recteur de l'université de
Montréal; Michel Normandin, vice-recteur de l'université de
Sherbrooke; Pierre Dagenais, de l'Ecole normale supérieure de
l'université de Montréal; Pierre Harvey, de l'Ecole des hautes
études commerciales; Maurice Boisvert, vice-doyen de la faculté
des sciences de l'université Laval; Jacques Brazeau, du
département de sociologie de l'université de Montréal;
Fernand Dumont, directeur de l'Institut supérieur des sciences humaines
de la faculté des sciences de l'université Laval; Louis
Berlinguet, vice-doyen de la faculté de médecine de
l'université Laval; Louis Rousseau, directeur général
adjoint à l'enseignement supérieur de l'université Laval;
Pierre Martin, conseiller technique, directeur de la planification au
ministère de l'Education; Bernard Landry, chargé de missions au
cabinet du ministre de l'Education; Gérald Martin, conseiller technique
à la direction de la planification au ministère de l'Education,
et le secrétaire, Claude Benjamin.
Maintenant, au sujet du comité de planification de
l'Université du Québec à Montréal; président
pro tempore, Germain Gauthier, directeur général de
l'enseignement supérieur au ministère de l'Education.
Etablissements scolaires, personnel de direction: Roger Lan-glois, directeur de
l'école normale de l'enseignement technique de Montréal;
Gérard Beaudry, directeur de l'école normale Jacques-Cartier;
Louis-Philippe Boisseau, directeur de l'école normale Ville-Marie; P.-E.
Gingras, recteur du collège Sainte-Marie. Personnel enseignant: Pierre
Daigneault, école normale Ville-Marie; Michel Savoie, école des
beaux-arts; Bruno Deshaies, école normale Jacques-Cartier; Arel Malouin,
collège Sainte-Marie; Guy-W. Richard, école normale de
l'enseignement technique. Personnel étudiant: Michel Renaud, Association
étudiante du collège Sainte-Marie de Montréal; Reynald
Mercil, de l'école normale Ville-Marie; Laurent Dugas, école
normale Jacques-Cartier; Pierre Lapoin-te, école normale de
l'enseignement technique Brossin de Montréal. Milieu universitaire, au
sujet de cette deuxième université française de
Montréal: Maurice Labbé, vice-recteur de l'université de
Montréal; Michel Normandin, dont j'ai donné les noms tout
à l'heure, vice-recteur de l'université de Sherbrooke; Pierre
Dagenais, Pierre Harvey et des représentants du ministère de
l'Education, de même que de la mission de coordination des institutions
de formation des maîtres.
J'examine maintenant le comité de planification de
l'Université du Québec à Trois-Rivières, et je
remercie le député de Champlain de ses propos. Il a dit qu'il
était un laïque. Mais si tous les laïques et tous les gens qui
n'ont pas eu l'occasion de fréquenter des institutions d'enseignement
supérieur avaient, comme lui, apporté autant de
dévouement, de recherche, de labeur et d'énergie pour
conquérir les moyens qui lui permettent, à l'heure actuelle, au
Parlement de Québec, de jouer un rôle de premier plan, s'il en est
un qui mérite
des éloges, c'est le député de Champlain...
A cette Université du Québec à
Trois-Rivières, dont les jalons sont déjà posés, la
composition du comité de planification, est faite avec le
président, M. Henri Audet. Aux établissements scolaires; il y a
M. Gilles Boulet, prêtre, recteur du Centre des études
universitaires, dont vous avez donné le nom tout à l'heure M.
Robert Champagne, le directeur de l'école normale Duplessis.
Personnel enseignant; Paul Gagné, professeur, école
normale Duplessis, Marcel Lefebvre, professeur au Centre des études
universitaires. Personnel étudiant: Gilles Julien, étudiant de
l'école normale Duplessis, Réginald Samson, étudiant du
centre des études universitaires; milieu sociaux-économiques:
Henri Audet, président du poste CKTM-TV; Gérald Durocher,
directeur général du conseil économique régional de
la Mauricie; Raymond Lo-ranger, secrétaire général du
Collège d'enseignement général et professionel de
Trois-Rivières; milieu universitaire: M. Maurice Boisvert, vice-doyen
à la faculté des sciences de l'université Laval; M.
Jacques Brazeau; et du ministère de l'Education, MM. Louis Rousseau et
Pierre Martin, membres de la mission de la formation des maîtres;
Jean-Bernard Guindon, Roger Lamy, secrétaire; André Brous-seau,
du Centre des études universitaires.
M. le Président, il y a également et je l'ai
noté cet après-midi un comité de coordination de
l'enseignement supérieur au Saguenay qui comprend le président et
directeur de l'école de génie de Chicoutimi, le frère
P.-E. Boulet; M. Antoine Lavallée, secrétaire de l'école
de commerce de Chicoutimi; M. Noël Tremblay, directeur du centre de la
formation des maîtres, et les autres membres, M. Ma-jorique Néron,
président du groupe Saint-Thomas de Chicoutimi; M. Gaston-P. Tremblay,
président de l'école de commerce et de génie de
Chicoutimi; M. l'abbé Jean-Guy Girard, directeur des études au
grand séminaire de Chicoutimi; M. le docteur Camille Jourdain, directeur
des études médicales à l'Hôtel-Dieu Saint-Vallier;
Gilles Bergeron, professeur à l'école de génie de
Chicoutimi; Louis-Marie Bouchard, professeur au centre de formation des
maîtres, et, de nouveau, deux délégués du
ministère de l'Education, MM. Louis Rousseau et Pierre Martin.
De la consultation, du dialogue, des rapports, groupes de travail,
groupes de recherche et de développement, de tout cela à un
moment donné et j'utilise parfois cette expression: Quand le dialogue a
eu lieu, quand les recherches ont été effectuées, quand
les con- sultations ont permis à des personnes directement
reliées à l'étude de ces problèmes de
préparer un projet de loi, il arrive à un moment où il
faut prendre une décision. Cette décision, elle a
été prise à la lumière de tous ces renseignements
colligés. Elle a été prise à la suite de toutes ces
consultations, et le député de Chambly notait tantôt que ce
bill représentait un espoir. Tant qu'il y a de l'action, il y a de
l'espoir et à l'heure actuelle, c'est l'action législative. Le
dialogue pourra se continuer, dans tous les milieux où les
universités constituantes devront être établies, puisque
nous l'avons noté il faudra la coopération de
groupes sociaux-économiques, il faudra la coopération du corps
professoral, des étudiants d'un milieu donné, soit à
Trois-Rivières, à Rimouski où dans l'avenir, sans aucun
doute, il y aura lieu aussi de regrouper des institutions et d'établir,
probablement, comme à Chicoutimi et à Trois-Rivières, une
université du Québec.
Donc, la consultation je crois avoir démontré qu'elle a eu
lieu et que cette consultation ou ces consultations nous ont amenés
à présenter le présent projet de loi.
Deuxièmement, on a parlé des professeurs et je pense que
c'est le chef de l'Opposition qui, cet après-midi me disait: Aurez-vous
tous les professeurs?
M. LESAGE: J'ai demandé si des études, avaient
été faites avec projection sur les années a venir, quant
au bassin de professeurs dont on pourrait disposer.
M. BERTRAND: Voici la réponse...
M. LESAGE: Je l'ai fait sans critique; j'ai posé la question.
M. BERTRAND: Voici la réponse que je peux fournir à ce
moment-ci. Le recrutement des professeurs sera évidemment la
première préoccupation de l'assemblée des gouverneurs de
l'Université du Québec et du conseil d'administration de chacune
des universités constituantes dès qu'elles auront obtenu leurs
lettres patentes, et même auparavant.
Il y a déjà des comités de planification
provisoires. J'ai donné des noms au sujet de Trois-Rivières; j'en
ai donnés au sujet de Chicoutimi. A Montréal, j'ai donné
les noms de ceux qui s'occupent de ce comité de planification. Donc,
comités de planification provisoires à Montréal, à
Trois-Rivières et à Chicoutimi, qui ont commencé à
s'occuper de cette question du recrutement des maîtres. Un
sous-comité a été for-
mé à cette fin à Montréal, à
Trois-Rivières et à Chicoutimi.
Dans tous les cas, l'Université du Québec pourra d'abord
compter sur les professeurs de compétence universitaire qui enseignent
déjà dans les institutions et qui apporteront leur contribution
à la formation des universités constituantes. Ces institutions,
je les ai énumérées lors de mon discours de
deuxième lecture.
Quant au problème de recrutement des professeurs, il fait partie
des questions prioritaires dont s'occupent déjà ces
comités de planification qui ont été mis en place depuis
quelques semaines dans le but de préparer des documents de travail qui
seront remis aux organismes responsables dès leur formation,
c'est-à-dire l'assemblée des gouverneurs de l'Université
du Québec et les conseils d'administration des universités
constituantes. Ces comités provisoires de planification sont
formés de représentants des milieux intéressés et
sont assistés de professeurs des universités de Sherbrooke, de
Québec, de Montréal, de l'Ecole polytechnique et de l'Ecole des
hautes études commerciales.
Le travail de ces comités porte, premièrement, sur les
programmes et l'organisation de l'enseignement; deuxièmement, sur
l'administration et la gestion financières; troisièmement, sur
l'équipement; quatrièmement, et en priorité, je le
répète, sur le personnel enseignant. Le groupe dit de «
recherche et développement » coordonne le travail de tous ces
comités locaux de Montréal, Trois-Rivières et Chicoutimi
en attendant, bien entendu, la formation de l'assemblée des gouverneurs
de l'Université du Québec.
Dans le cadre de ce groupe « recherche et développement
» au niveau provincial, un comité existe pour établir la
liaison avec chaque comité local qui s'occupe des ressources humaines,
c'est-à-dire essentiellement du personnel d'enseignement et de recherche
de l'Université du Québec, à Montréal,
Trois-Rivières et Chicoutimi.
De plus, auprès de ce groupe, a été
constitué un comité technique des communications, qui a pour
mandat de proposer les moyens d'organiser, entre les universités
constituantes, un réseau de communications faisant appel à
l'informatique et à la télévision. Ce sont là des
moyens modernes dont parlait, cet après-midi, le chef de l'Opposition,
avec beaucoup d'à-propos. De cette façon, les transmissions de
documentation et de cours seront, dans quelques années, des
opérations courantes, dans le cas de l'Université du
Québec. Enfin, je mentionne que le comité des ressources humaines
du groupe « recherche et développement » prépare une
opéra- tion que l'on appelle rapatriement des compétences
québécoises actuellement à l'étranger, aux
Etats-Unis et en Europe.
Déjà, des dizaines d'offres nous parviennent de
Québécois actuellement à l'étranger, sans qu'aucune
prospection n'ait encore été faite. Pour l'information des
membres de la Chambre, je souligne, de plus, que le groupe « recherche et
développement » a établi un document de travail indiquant
les priorités de recrutement du nouveau personnel enseignant dans les
secteurs où nous sommes les plus faibles au Québec, en
général. A l'aide de ce document, il sera possible d'entreprendre
des actions systématiques de rapatriement et de recrutement.
M. le Président, je crois avoir répondu à deux des
questions qui ont été posées. Le député de
Chambly a parlé de l'émiettement de la recherche. Au contraire,
qu'il se rappelle cette loi du Conseil des universités que nous avons
adoptée, le bill 57, et sa commission de la recherche. On y voit qu'il
faudra que le conseil propose une politique de la recherche universitaire. Au
sous-paragraphe H) de l'article 3, on peut lire, dans le bill 57: «
Maintenir des liens étroits avec les organismes responsables de la
recherche et faire des recommandations au ministre de l'Education relativement
au développement de la recherche universitaire. » Les instituts de
recherche sont justement des centres à vocation provinciale, qui
permettront le regroupement des ressources avec le concours de toutes les
universités et de l'industrie. Voilà pour la recherche.
Je n'insiste pas sur les moyens modernes. Le chef de l'Opposition et
tous les membres de la Chambre savent fort bien que, lorsque l'on envisage
l'éducation de l'an 2000, ce n'est certainement pas avec les moyens
actuels que l'on pourra répondre aux besoins de l'avenir. Il nous faudra
utiliser les moyens les plus modernes, mais qui exigeront nécessairement
de l'Etat des sommes fabuleuses.
C'est pourquoi chaque fois que j'ai eu à parler du
problème de l'éducation autant dans l'Opposition que de ce
côté-ci, j'ai toujours indiqué à la population que,
pour des services meilleurs, pour assurer à notre jeunesse, une
préparation encore plus adéquate, je suis de ceux qui croient
qu'un peuple comme le nôtre n'aura de vie rayonnante, vigoureuse et
dynamique qu'en autant qu'il appliquera la règle de l'excellence et de
la compétence. Ce n'est qu'à ce prix que nous durerons.
M. le Président, et j'en arrive à cette dernière
question du chef de l'Opposition. Combien tout cela va-t-il coûter?
J'aimerais beaucoup pouvoir lui donner la réponse la plus
précise...
M. LESAGE: J'ai parlé d'un ordre de grandeur. J'ai bien
spécifié. Pas au dollar,
M. BERTRAND: L'ordre de grandeur. Non... M. LESAGE: Non, non.
M. BERTRAND: J'ai ici, M. le Président et Dieu sait,
combien autant le chef de l'Opposition qui a été ministre des
Finances, que mon collègue à gauche, le ministre des Finances
actuel, combien tous deux savent que lorsque l'on parle d'estimation
préliminaire des subventions pour l'Université du Québec,
on ne peut apporter aucune précision - je voudrais le dire comme on le
dit souvent en langage d'avocat: sans préjudice et sous réserve.
Voici ce que l'on dit...
M. LESAGE: Sous toute réserve que de droit.
M. BERTRAND: Oui, sous toute réserve, et sans
préjudice.
Selon des prévisions faites en collaboration avec les
institutions en cause et les comités régionaux de planification,
on estime provisoirement je note provisoirement en nombre
d'abord, les chiffres suivants: les inscriptions équivalent à
temps plein dans les universités constituantes de l'Université du
Québec en 1969/70, l'année qui vient. L'Université du
Québec à Montréal, 6,000 étudiants.
L'Université du Québec à Trois-Rivières, 2,100.
L'Université du Québec à Chicoutimi, 1,500. Chiffre
provisoire global, 9,600. Il va de soi et j'y reviens que ces chiffres comme
tous les chiffres que je viens d'indiquer sont sujets à des revisions,
à la suite d'études en cours. Des prévisions plus
précises pourront être disponibles vers le début de mars
1969, d'après un rapport qui nous parviendra alors du groupe dont j'ai
parlé tantôt, « recherche et développement ».
Le coût par étudiant, c'est ici encore et je le
répète, sous toute réserve et sans préjudice. Le
coût par étudiant varie considérablement suivant les
niveaux et la nature des enseignements. Ainsi, par exemple, l'enseignement
doctoral coûte plus cher que l'enseignement du premier cycle. Et
l'enseignement des sciences exige des dépenses plus
élevées par étudiant que l'enseignement des lettres. Les
universités actuelles, prévoient pour l'année 1969/70, un
coût moyen global de l'ordre de $2,700 par étudiant. Ce coût
tient compte d'enseignement tel que celui de la médecine, de l'art
dentaire, etc.
Pour l'année 1969/70, il est prévu que l'Université
du Québec ne donnera qu'à un petit nom- bre d'étudiants
des programmes autres que ceux du premier cycle.
Ce seront des universités naissantes. Par ailleurs, au moins dans
l'immédiat, il n'est pas prévu que l'Université du
Québec et je réponds là, pour le moment du moins,
à une question qui était soulevée par le
député de D'Arcy-McGee il n'est pas prévu, dis-je,
que, pour le moment, l'Université du Québec organise des
programmes dans des domaines comme celui de la médecine. Cela, c'est
dans l'immédiat.
Dans les cadres de l'Université du Québec, on
prévoit les coûts provisoires suivants par étudiant:
à Montréal, deuxième université française,
$2,300 par étudiant; à Trois-Rivières, $2,000; à
Chicoutimi, $2,000.
La différence entre Montréal, d'une part, et
Trois-Rivières etChicoutimi, d'autre part, tiendrait
particulièrement à des coûts plus élevés de
location et d'équipement, dans le premier cas.
Voilà, M. le Président, quelques chiffres que je peux
donner provisoirement. Nous serons en meilleure posture, lors de la
présentation du budget de 1969, d'indiquer les coûts. Vous le
verrez par le budget du ministère de l'Education. Mais, dans ce domaine,
quand, d'une part, l'on parle d'accessibilité encore plus grande de
manière que ceux qui ont le talent et la volonté de s'instruire
puissent se rendre à l'université, il y en a qui utilisent
l'expression « gratuité ». Je sais dans quel sens on
l'utilise. Nous voudrions tous que tous ceux-là qui ont le talent, tous
ceux-là qui ont la volonté puissent accéder à
l'université, puissent obtenir tous les rudiments d'une éducation
qui leur permette d'exercer pleinement un métier, une profession, une
technique. Mais l'on sait que, dans ce domaine, M. le Président, l'Etat,
le gouvernement, quel qu'il soit, ne peut aller, quant à sa
contribution, au-delà des possibilités financières qui ne
lui viennent que des contribuables.
Donc, point de promesses fallacieuses, point d'engagements qui ne
seraient pas mûris et qui ne reposeraient pas sur une capacité de
l'Etat d'assumer des dépenses accrues. Nous souhaitons tous qu'à
la suite des pourparlers qui s'engagent avec l'autorité centrale, l'on
comprenne davantage combien, pour toutes les provinces canadiennes et en
particulier pour le Québec, le domaine de l'éducation qui voit
d'une année à l'autre son budget passer... En 67/68, le budget
était d'environ $590 millions; il a passé, cette année,
à la somme globale de $750 millions et il devra s'accroître
davantage encore à l'avenir. J'espère que les autorités
d'un autre gouvernement réaliseront qu'à l'heure actuelle le
fardeau le plus lourd des dépenses publiques, ce sont les
provinces et en particulier le Québec dans le domaine de
l'éducation qui doivent les assumer et que l'on voudra nous
fournir les moyens de contribuer davantage à l'éducation à
tous les paliers; élémentaire, secondaire, postsecondaire et
universitaire, afin d'assurer au Québec un avenir encore meilleur, en
préparant ainsi la jeunesse qui est l'espoir de l'avenir.
M. LESAGE: Comme il est presque dix heures, pourrais-je demander au
premier ministre de tenter de nous obtenir, s'il le peut, pour demain, alors
que nous étudierons le projet de loi en comité plénier,
les chiffres suivants pour chacune des universités constituantes qu'il a
mentionnées tantôt, celle de Montréal et les trois autres?
Premièrement, quels sont les coûts d'opération pour les
écoles de l'Etat pour 68/69?
Deuxièmement, quelles sont les subventions versées en
68/69 aux institutions privées qui feront partie des universités
constituantes? Ce qui nous permettrait, n'est-ce pas, de faire une comparaison,
qui serait un peu boiteuse car il y a tout de même une différence
d'une année et une différence du nombre d'élèves,
mais enfin qui nous donnerait une meilleure idée comparative des
coûts.
M. BERTRAND: Les questions que vient de poser le chef de l'Opposition
ont été enregistrées et nos conseillers, qui sont dans mon
bureau, en ont pris note. Je m'excuse, mais demain, je devrai m'absenter. Mon
collègue, le ministre d'Etat à l'Education, aura en main tout mon
dossier. Il sera assisté de tous nos conseillers et sera en mesure de
répondre, j'en suis convaincu, à toutes et chacune des questions
que les députés de la Chambre voudront bien lui poser. Je ne
voudrais pas que mon absence puisse retarder l'adoption de cet important projet
de loi.
M. LESAGE: Nous allons certainement profiter de la présence du
premier ministre pour l'adopter en deuxième lecture ce soir.
M. BELLEMARE: Très bien. M. BERTRAND: Merci.
M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture sera-t-elle
adoptée? Adopté.
M. BERTRAND: On pourrait passer en comité.
M. LAPORTE: Demain, nous profiterons de l'absence...
M. LESAGE: Nous pouvons considérer que nous sommes allés
en comité et que le président a rapporté le
progrès. Alors quel sera le programme?
M. BELLEMARE: Demain? Il y aura d'abord le bill no 88 à terminer.
Nous commencerons aussi l'étude du bill de l'OPTAT qui est prêt.
Cela ira probablement à demain soir pour l'étude en
comité.
M. LESAGE: Oui, je comprends.
M. BELLEMARE: Nous aurons, je pense, quelques discours de notre
côté, de la part de certaines personnes qui veulent absolument se
faire entendre. Je sais qu'il n'y en a pas du côté de
l'Opposition.
M. LESAGE: Oui, il y en a plusieurs.
M. BELLEMARE: Ah, c'est vrai, il y en a. Cela nous donnera probablement
le temps d'aller demain soir en comité plénier...
M. PINARD: Nous nous sommes habitués pendant la grève,
vous savez.
M. LESAGE: Etant donné qu'il faut étudier ces bills
très rapidement, j'aurais deux questions à poser en ce qui
concerne le bill de l'OPTAT. J'ai fait une lecture rapide du bill. Que
voulez-vous? J'ai été ici toute la journée pour discuter
du bill de l'Université du Québec. Je comprends que ce n'est
peut-être pas absolument conforme au règlement de la Chambre, M.
le Président, mais d'un autre côté, je crois que ce serait
de nature à hâter les travaux. On dit ici; « Le
lieutenant-gouverneur en conseil peut, par règlement, déterminer
le nombre des membres du conseil, la durée de leur mandat et
l'étendue de leurs pouvoirs ».
Je trouve que c'est aller un peu fort. Je voudrais bien savoir s'il y a
des précédents.
Procède-t-on par règlement, pour accorder des pouvoirs
aussi étendus? Je trouve ça pas mal fort. Il y a un autre point
sur lequel j'aimerais bien avoir l'opinion du ministre des Finances. En vertu
de l'article 13, l'OPTAT voudrait accepter des contributions qui seraient
déposées dans un fonds spécial géré par le
Conseil de la trésorerie. C'est du nouveau, ça, M. le
Président. J'ai peur de ça. C'est un autre
précédent, à moins qu'on ne prouve le contraire. Ce n'est
pas une façon de procéder avec l'argent du public.
M. BELLEMARE: C'est géré par le Conseil de la
trésorerie ou par l'office?
M. LESAGE: Par le Conseil de la trésorerie. « Les
contributions qui y sont versées, et les revenus qu'il produit sont
placés et déposés par le Conseil de la trésorerie,
sous le contrôle du lieutenant-gouverneur en conseil ». C'est une
procédure dont je n'ai jamais entendu parler.
M. BELLEMARE: Nous en avons pris note, M. le Président, et nous
seront sûrement en position de répondre à l'honorable chef
de l'Opposition demain et de lui fournir des explications.
Je voudrais aussi dire ce soir, avant l'ajournement...
M. LEVESQUE (Laurier): Avant que ça se termine, le leader du
gouvernement pourrait-il donner l'ordre dans lequel on va voir venir il
y a une certaine bousculade, à la fin de la session les bills qui
sont devant la Chambre? On a OPTAT...
M. BELLEMARE: D'abord le bill 88 de l'université du Québec
demain. L'OPTAT ensuite. Viendra mercredi, l'étude en comité du
bill de la construction. J'en ai averti l'honorable chef de l'Opposition et le
leader parlementaire de l'Opposition, ainsi que le député,
à qui j'ai fait parvenir ce soir à Montréal tout un cahier
de notes explicatives.
M. LESAGE: J'ai commencé à lire les notes explicatives, et
la peur m'a pris.
M. BELLEMARE: Vous êtes peureux!
M. LEVESQUE (Laurier): Alors demain, c'est le bill 88 et OPTAT.
M. BELLEMARE: C'est cela. Viendra ensuite l'étude en
comité du bill de la construction et, jeudi, le bill 85 de l'Instruction
publique.
M. BERTRAND: Du ministère de l'Education, conseil
supérieur. Il y aura peut-être, comme j'en ai parlé cet
après midi, un bill au sujet des caisses d'épargne. Si nous avons
la galée demain, je la transmettrai au chef...
M. LESAGE: Le premier ministre sera absent. S'il y avait moyen qu'il
donne instruction...
M. BELLEMARE: Alors, j'ai...
M. LESAGE: ... au secrétaire général du Conseil
exécutif de me faire parvenir ma copie...
M. BERTRAND: Oui, j'ai demandé...
M. LESAGE: Cela me serait très utile, si je vois, mercredi matin,
les représentants des caisses populaires.
M. BERTRAND: J'ai demandé à M. Claude Rioux de le
faire.
M. BELLEMARE: L'ajournement à demain matin onze heures, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: La Chambre s'ajourne à demain matin, onze
heures.
M. BELLEMARE: Trois heures. Trois heures, pour donner le temps à
tout le monde de regarder les...
M. LE PRESIDENT: Alors, demain après-midi, trois heures.
(22 h 5)