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Vendredi, 22 octobre 1965.
(Dix heures et demie de l'avant-midi)
M. LE GREFFIER ADJOINT: A l'ordre, messieurs! Order, gentlemen!
LE MESSAGER: M. le Greffier, Son Honneur l'honorable
lieutenant-gouverneur désire la présence des membres de cette
Chambre dans la salle du Conseil législatif.
Sir, it is his Honour the Honourable the Lieutenant-Governor's desire
that the members of this House do attend immediately in the Legislative Council
Chamber.
(Note de l'éditeur; Les membres de l'Assemblée
législative se rendent alors à la salle du Conseil
législatif. Ils font rapport au lieutenant-gouverneur qu'ils n'ont pas
de président et reviennent à l'Assemblée élire un
des leurs à la présidence.)
Election de l'Orateur
M. LESAGE: M. le greffier adjoint, par suite de la nomination de celui
qui était, jusqu'à il y a peu de temps, le président de
cette Chambre, le député de Westmount, qui est maintenant
ministre du Revenu, la Chambre est sans Orateur.
Je voudrais, avant de faire une proposition, et avec, sans doute, le
consentement de la Chambre et son approbation, exprimer notre reconnaissance au
député de Westmount pour le travail qu'il a accompli alors qu'il
présidait â nos délibérations dans des circonstances
qui n'étaient pas toujours faciles, et personne ne le sait mieux que
nous. Il a fait preuve, à mon sens, d'une grande impartialité et
d'un contrôle de lui-même, qui sont véritablement
admirables. Je ne veux pas raviver des plaies qui peuvent être encore
vives, mais il est certain, et nous nous comprenons tous lorsque je dis ces
mots, que le Président de la Chambre, député de Westmount,
a eu à certaines occasions, occasions qui ont été assez
nombreuses, il a eu une responsabilité énorme, celle de trancher
des points difficiles dans une atmosphère qui n'était pas des
plus agréables. Non seulement nous devons lui exprimer notre
reconnaissance, mais nous devons aussi, je crois, le féliciter
très sincèrement pour la façon magnifique dont il s'est
acquitté de sa tâche dans les circonstances que je viens, non pas
de résumer, mais de mentionner, simplement par des allusions que tout le
monde comprend.
Et alors, M. le greffier adjoint, j'ai l'honneur de proposer,
secondé par le chef de l'Opposition, l'élection du
député de Verchères comme Président de cette
Chambre.
Le député de Verchères est né à
Québec où il a fait ses études.
C'est là que je l'ai connu, puisqu'il est de l'âge de l'un
de mes frères avec qui il étudiait. J'étais passablement
plus âgé et j'ai eu l'occasion de le connaître alors qu'il
était écolier au séminaire de Québec,
Après avoir obtenu son baccalauréat ès-art, il
s'est enrôlé dans l'armée canadienne. Il a fait la guerre
au front. Il a été officier d'infanterie et d'état-major
outre-mer, en Angleterre; il a fait les campagnes de France et de Hollande,
après le jour D, et il a été licencié comme major.
Il est retourné à l'université à la fin des
hostilités pour poursuivre son cours de droit, et il a été
reçu au Barreau en 1946. Dès ce moment-là il a
accepté le poste de régistraire de l'arbitre canadien sous
l'empire de la loi sur l'assurance-chômage à Ottawa.
Devenu par la suite conseiller juridique senior du bureau de l'arbitre,
celui qu'on appelait « l'umpire » dans le temps, c'était le
juge Alfred Savard de Québec, je m'en souviens. Il fut
délégué par le gouvernement du Canada au Collège de
la défense nationale, de septembre 1954 à août 1955, et il
a participé, délégué au collège, à
des seminars ici au pays, aux Etats-Unis, en Europe et en Orient.
En 1957 il laissa l'administration fédérale pour accepter
le poste de directeur des relations extérieures de la firme Steinberg
à Montréal jusqu'au moment où il fut choisi comme candidat
libéral pour l'élection de juin 1960. Il fut alors élu
député dans le comté de Lotbinière, dans le
comté de Verchères, je demande pardon au
député de Lotbinière, pour le comté de
Verchères et en même temps il rouvrait son bureau d'avocat. Il a
été réélu en 1962. Et justement à cause de
son passé et de son expérience il a été
délégué de la province de Québec, de la
Législature comme question de fait, à la conférence des
parlementaires du Commonwealth britannique tenue à Londres, en
Angleterre, en 1961.
Il s'est occupé, comme d'ailleurs le chef de l'Opposition l'a
fait, avec une attention particulière de cette association parlementaire
du Commonwealth non seulement sur le plan québécois, sur le plan
canadien, mais aussi sur le plan du Commonwealth lui-même, suivant en
cela les traces du chef de l'Opposition. Il s'en est occupé alors qu'il
était adjoint parlementaire et même simple député,
je crois, lorsqu'il a commencé.
Il a été nommé conseiller de la Reine en 1961.
II a été, cela se comprend, délégué
de la province de Québec, en 1962, aux cérémonies du
Dieppe alors que l'on a commémoré le débarquement des
Canadiens en France. Nommé adjoint parlementaire du ministre du Revenu
en décembre 1962. Il a été délégué du
gouvernement en Angleterre en 1963. Nommé adjoint parlementaire du
Secrétaire de la province en 1963, il est revenu au Revenu, c'est le
cas, excusez le jeu de mots, en 1964. Il est membre du Collège de la
défense nationale, de la Légion canadienne, de la Chambre de
commerce. Il est le président du Comité du centenaire de la
Confédération pour la province de Québec.
M. le Greffier adjoint, je crois sincèrement, que le
député de Verchères a accompli tellement, s'est tellement
intéressé aux choses parlementaires, de plus nous l'avons vu
à l'oeuvre comme président de comités importants où
il a eu l'occasion de faire preuve de son impartialité, de sa
connaissance des règlements de la Chambre. Il sait imposer une
autorité sans brusquerie et avec bonne humeur et je suis certain que si
la Chambre accepte la proposition que je viens de faire, secondé par le
chef de l'Opposition, nous aurons en M. LeChasseur, député de
Verchères, un président de la Chambre qui saura maintenir les
hautes traditions des présidents de cette Chambre, sous quelque
régime que nous ayons eu, pour tenter de maîtriser le
caractère latin de plusieurs d'entre nous et de maintenir en Chambre le
décorum, de faire observer avec une douce fermeté une
fermeté douce et suffisante ici les règlements de la
Chambre afin que nous procédions dans l'ordre à l'étude
des sujets de plus en plus importants, de plus en plus divers, que nous avons
à traiter autour de cette table et au pied de ce trône de
l'Orateur.
M. le greffier adjoint, je renouvelle donc ma proposition,
secondé par le député de Bagot, chef de l'Opposition, que
le député de Verchères soit élu président de
cette Chambre.
M. JOHNSON: M. le greffier adjoint, comme l'a dit le premier ministre,
la proposition qui est devant la Chambre est devenue nécessaire à
la suite de l'entrée au Cabinet de celui qui pendant plusieurs
années a présidé aux destinées et aux
délibérations de cette Chambre.
Le nouveau ministre du Revenu a été un Orateur de qui je
puis dire que c'était un travailleur consciencieux. Je sais que c'est
l'un des Orateurs qui a pris le plus au sérieux toute la charge de
président et nous étions très édifiés par la
façon dont il s'acquittait de son travail à son bureau. Quant
à son travail en Chambre, il ne serait pas séant pour mol de
ressasser des difficultés, sauf pour rappeler qu'en effet, il a eu
à trancher des débats très difficiles qui étaient
empreints d'une atmosphère extrêmement explosive. Mais je me
console en disant au ministre du Revenu: II semble bien clair que plus
l'Opposition donne au président du fil à retordre et plus vite il
peut accéder au Cabinet.
M. le greffier adjoint, nous souhaitons au nouveau ministre du Revenu de
gravir lentement les marches du Cabinet puisque ceux qui les gravissent trop
vite sont exposés à culbuter aussi rapidement. J'ai
secondé la proposition du premier ministre, comme c'est la tradition,
proposition qui fera du député de Verchères, je n'en doute
pas, le nouveau président de la Chambre.
Je voudrais tout de suite dire que j'ai vu à l'oeuvre le
député de Verchères, oui, mais très peu souvent et
pour très peu de temps dans des comités où, par tradition,
nous ne soulevons que rarement des points de règlement. Je dois dire
qu'il s'est bien acquitté de sa tâche lorsque, muni de son cigare,
il a présidé ces comités avec dignité, bonne humeur
et beaucoup de patience. Espérons que l'absence du cigare ne sera par la
cause d'un changement d'attitude chez le nouveau président de la
Chambre. Mais je dois dire tout de suite que j'aurais secondé avec
plaisir, comme Orateur, un autre député de cette Chambre que j'ai
vu à l'oeuvre très souvent et pendant très longtemps et
qui a rendu des jugements que je trouvais extrêmement sages, le
député de Québec-Comté, M. Bédard.
Mais, puisque c'est le privilège du premier ministre de faire des
nominations, de jouer sur l'échec du Cabinet, de déplacer ses
chevaliers, ses reines et ses rois, c'est...
M. LESAGE: Ce n'est pas un échec, c'est un échiquier.
M. JOHNSON: ... sur l'échiquier, le premier ministre a
raison...
M. LESAGE: Evidemment, dans le Cabinet du chef de l'Opposition il y a
peut-être des échecs.
M. JOHNSON: Je pensais à l'échec du gouvernement. C'est un
échiquier. C'est une association d'idées, M. le Président,
et puisque c'est le privilège du premier ministre de proposer le
député de son choix, je seconde la proposition du
député de Verchères dont nous connaissons la
carrière, mais en partie seulement. Le premier ministre a fait ressortir
l'aspect guerrier de cette carrière du député de
Verchères. Moi je connais le député de Verchères
sous un autre
aspect tout à fait. C'est l'ami des arts et l'ami des artistes et
je vous avoue franchement que c'est celui-là que je
préfère. Je souhaite donc, en secondant cette motion, que le
député de Verchères soit comblé, dès qu'il
mettra pour la première fois le tricorne, de toutes les grâces
d'état dont il aura certainement besoin pour s'acquitter avec
impartialité d'un poste, des responsabilités que lui imposera ce
poste. Et j'ai un conseil à lui donner, bien amical, s'il veut
résister ou avoir des promotions au sein du gouvernement actuel. Il est
mieux d'imiter ou d'observer plutôt cette loi de base du Code de la
route; qu'il protège sa droite. Ceux qui n'ont pas protégé
leur droite depuis cinq ans ont eu de la difficulté à avancer sur
le chemin du progrès et des promotions au sein du Cabinet et au sein du
parti, mais je seconde...
M. GERIN-LAJOIE: C'est mieux que celles de l'Opposition.
M. JOHNSON: Ces restrictions étant faites, je seconde avec
plaisir la proposition du premier ministre à l'effet que le
député de Verchères devienne Orateur...
M. LESAGE: Vous ne faites pas ce que vous dites.
M. JOHNSON: ... d'ici aux prochaines élections.
M. HANLEY: Mr. Speaker, I would like to say a word on the point, in very
brief words. Who should I address, Mr. Clerk? Mr. Prime Minister?
M. LESAGE: No.
M. HANLEY: ... Mr. Leader of the Opposition?
M. LAPORTE: You just speak. M. LESAGE: You just speak.
M. HANLEY: Very briefly, may I congratulate the Prime Minister of the
province and the Leader of the Opposition for the nomination of the member of
Verchères as Speaker of the House. The member for Verchères has
distinguished himself as a French Canadian not only in the field of Law but on
the battlefields of Europe.
Mr. Clerk, the nomination as minister of Revenue of the member for
Westmount should be an example to all the English speaking ma- jorities in all
governments of all other provinces within the Dominion of Canada that here,
within the Province of Quebec predominantly French speaking province, the
government has added another member of the minority language in our Province,
an English speaking member of our Assembly into the Cabinet of this Province. I
shall, Mr. Speaker, have a lot more to say next week when I address to
Industrial Management Group of Canada concerning French Canada.
In conclusion my congratulations to the Government and the Members
responsible for their consideration towards the minority race, groups, within
the Province of Quebec.
M. LE GREFFIER ADJOINT: J'ai l'honneur de proclamer que l'honorable
monsieur LeChasseur est élu Orateur.
I have the honor to declare the Honourable Mr. LeChasseur elected
Speaker.
(Note de l'éditeur; Le premier ministre et le chef de
l'Opposition conduisent alors le nouvel Orateur au fauteuil. Ce dernier fait
mine de résister selon une coutume séculaire dans le
parlementarisme britannique, parce que, à l'origine l'Orateur allait
transmettre au roi ou à la reine les voeux, les demandes des
députés et ce rôle ne fut pas toujours de toute
sécurité.)
M. LeCHASSEUR (président): Messieurs, je remercie
sincèrement la Chambre du grand honneur qu'elle vient de me faire en me
choisissant pour son Orateur, et je la prie de croire que je m'efforcerai
toujours de mériter sa confiance.
Je n'ignore pas que je suis peu qualifié pour occuper le poste
important qui m'est assigné. Aussi, je compte sur la bienveillance et le
concours de tous les membres de la Chambre pour remplir avec fermeté et
impartialité les devoirs qui vont m'incomber. J'aime à
espérer que la Chambre entière voudra bien, à l'occasion,
m'aider à défendre nos droits et nos privilèges, à
faire respecter notre règlement et à maintenir la liberté
de discussion que nos usages ont consacrée.
Gentlemen, I wish to tender my grateful acknowledgments to the House for
the honour it has conferred upon me in electing me to be its Speaker. It shall
be always my desire to deserve the confidence reposed in me. I am sensible of
my unfitness for the position but relying upon the kindness and co-operation of
the Honourable gentlemen on both sides of the House, I will endeavour to do my
duty to the best of my ability and to discharge the func-
tions of the Chair with firmness and impartiality. I hope the House will
sustain me in vindicating all rights and privileges, in maintaining all Rules
and Orders and in securing the freedom of debate according to our established
usages.
M. LESAGE: M. le Président, je suggère la suspension de la
séance jusqu'à ce que le lieutenant-gouverneur nous fasse
rappeler pour nous lire le discours du Trône.
M. LE PRESIDENT: La séance est suspendue.
LE MESSAGER: M. le Président, Son Excellence le
lieutenant-gouverneur désire la présence des membres de cette
Chambre à la salle du Conseil législatif.
Mr. Speaker, it is his Honour the Honourable Lieutenant-Governor's
pleasure that the members of this House do attend immediately in the
Legislative Council Chamber.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! J'ai l'honneur de faire rapport
que cette Chambre vient de se rendre dans la salle des séances du
Conseil législatif, que là j'ai informé l'honorable
Monsieur le lieutenant-gouverneur que l'Assemblée législative
m'avait choisi comme son Orateur.
I have the honour to report that the House has been to the Legislative
Council Chamber and that I have informed the Honourable Lieu-tenant-Governor
that the choice of his Speaker had fallen upon me.
M. LESAGE: M. le Président, je propose que la prise en
considération du discours du Trône ait lieu à la
présente séance.
M. LE PRESIDENT: La motion sera-t-elle adoptée?
M. JOHNSON: Adoptée. M. LAPORTE: Six.
M. LESAGE: M. le Président, je propose, secondé par le
ministre de l'Education, la première lecture d'une loi modifiant la Loi
de la Régie des transports. Tous les députés ont le projet
de loi devant eux.
M. LE PRESIDENT: La motion sera-t-elle adoptée?
Adoptée.
M. LE GREFFIER ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LAPORTE: M. le Président, j'ai l'honneur de proposer...
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture?
M. LESAGE: Même séance.
M. LE PRESIDENT: Même séance.
M. LAPORTE: J'ai l'honneur de proposer, secondé par...
M. JOHNSON: ... A moins que... M. LESAGE: Même séance.
M. LAPORTE: Oui, oui, enfin on va voir, on va attendre...
M. LESAGE: J'ai dit: même séance.
M. JOHNSON: M. l'Orateur, j'invoque le règlement. Je comprends
que le leader du gouvernement doit proposer une motion dont il m'a soumis le
texte tantôt et à laquelle nous concourrons avec plaisir moyennant
un léger amendement. Mais Jusqu'à ce que cette motion soit
agréée par la Chambre et la règle est très
simple c'est que la prochaine lecture doit avoir lieu à la
prochaine séance et non pas à la même séance.
M. LAPORTE: M. le Président, je propose que vous suspendiez votre
décision quant à la deuxième lecture jusqu'après la
lecture de la motion que je vais maintenant proposer à cette Chambre,
secondé par le ministre de la Voirie: « Que vu qu'il est urgent de
procéder rapidement à l'adoption du bill numéro 1
intitulé: « Loi modifiant la Loi de la Régie des transports
», les articles du règlement ci-après mentionnés
soient suspendus et inopérants durant le cours de la présente
session; le paragraphe 12e de l'article 89 et l'article 462 en autant qu'ils
concernent la formation des comités permanents et le choix de leurs
membres, l'article 509 concernant la présentation des pétitions,
l'article 531 qui exige que les trois lectures d'un bill se fassent dans des
séances différentes et l'article 570 en autant seulement qu'il
interdit plus d'une lecture d'un bill au cours d'une même séance,
les articles 594 à 665 inclusivement concernant les bills privés,
les articles 666 à 688 inclusivement concernant les questions, les
articles 689 à 704 inclusivement concernant les rapports et les
documents, que la Chambre au cours de la présente session tienne une
séance par jour tous les jours de la semaine, excepté le
dimanche,
de dix heures du matin jusqu'à minuit sans interruption, et
qu'à chacune de ces séances l'ordre du jour soit celui qui est
prévu par l'article 115 du règlement pour la journée du
mardi ».
Je tiens à préciser immédiatement, M. le
Président, quant aux questions, qu'il s'agit des questions par
écrit devant être inscrites au feuilleton. S'il y a d'autres
séances et si des députés ont des questions à poser
en vertu de l'article 114 avant l'appel des affaires du jour, ceci n'est pas
modifié.
M. LE PRESIDENT: La motion sera-t-elle adoptée?
M. JOHNSON: M. le Président, j'ai pris note, comme tous les
autres députés, que relativement aux questions, il s'agirait par
cette motion de prohiber seulement les questions écrites et que nous
aurions...
M. LAPORTE: Evidemment.
M. JOHNSON: ... on le comprend bien, plusieurs questions verbales...
M. LESAGE: Demain.
M. JOHNSON: ... à poser aux ministres, à plusieurs
ministres.
M. LESAGE: Por la manana. Demain. M. BELLEMARE: Ah oui!
M. JOHNSON: M. le Président, le leader de la Chambre propose une
motion en tout point semblable à celle qui avait été
proposée au début de la courte session en septembre 1960. A ce
moment-là, il y avait eu un amendement de l'Opposition exprimant le
regret qu'on ne réunisse pas le comité des bills privés et
le comité des comptes publics. Je vous dis tout de suite que je n'ai pas
l'intention de proposer un tel amendement. Nous serions prêts à
coopérer avec le gouvernement pour l'expédition des affaires
puisqu'il s'agit d'une question urgente. Deuxièmement, puisque le
premier ministre et d'autres ministres sans doute, comme certains
députés, d'un côté comme de l'autre, ont des
engagements qu'ils doivent tenir la semaine prochaine...
Cependant, nous voyons mal pourquoi nous devrions siéger sans
interruption de dix.heures du matin jusqu'à minuit. Il me semble que ce
n'est pas nécessaire, il me semble que c'est pousser un peu fort et un
peu vite. Nous venons de re- cevoir le bill officiellement, pour les
députés en général. Je dois dire cependant qu'hier
après-midi...
M. LAPORTE: Le chef de l'Opposition n'a pas à s'en faire, pour
raccourcir le débat, il est entendu que nous suspendrons pour le
déjeuner et pour le dîner; c'est simplement que ça s'est
produit à la fin de la première session de respecter l'engagement
que nous avions pris...
M. JOHNSON: Ah bon.
M. LAPORTE: C'est seulement si c'est nécessaire, à un
moment donné, pour terminer l'étude de la question, mais il est
entendu qu'il y aura suspension pour les heures des repas.
M. JOHNSON: II y aura suspension de midi et demi à...
M. LESAGE: Oh, suivant que ça conviendra. Supposons, par exemple,
que je suis dans le milieu de mon exposé ou encore que ça ne vaut
pas la peine de commencer...
M. JOHNSON: On donnera le consentement.
M. LAPORTE: Une durée d'une heure, une heure et demie.
M. LESAGE: Une suspension d'une heure et demie à deux heures,
pour le midi et le soir.
UNE VOIX: Une heure et demie, deux heures.
M. LESAGE: Entre une heure et demie, une durée de une heure et
demie à deux heures, suivant les circonstances.
M. JOHNSON: Mais pouvons-nous tenir pour acquis qu'à moins
de...
M. BELLEMARE: On va être encore obligé de manger un
sandwich!
M. JOHNSON: ... nécessité...
M. LESAGE: II n'y a pas besoin de session pour manger un sandwich.
M. JOHNSON: ... de la nature que celle que le premier ministre a
mentionnée tantôt, et dans tel cas on donnera le consentement
comme on le fait toujours. On ajournera disons à midi et demi ou
à une heure et on ajournera ce soir à six heures, de six heures
à sept heures et
demie ou à huit heures. Alors, à ces conditions, avec
cette assurance de la part du gouvernement, nous serions prêts à
consentir, mais ce serait tellement plus simple, M. le Président,
d'enlever « sans interruption » et si le besoin s'en fait sentir,
en invoquant la question d'urgence, le gouvernement pourrait quand même
faire accepter la motion. Le ministre veut-il enlever le mot « sans
interruption »?
M. LESAGE: Ce n'est pas nécessaire. On vient de vous le dire
qu'on va suspendre.
M. JOHNSON: Alors encore une fois nous allons prendre un risque
calculé...
M. LAPORTE: Prendre un risque et puis prendre vos repas aussi, ne vous
inquiétez pasl
M. BELLEMARE: Le dernier jour de la session, on a été
obligé d'aller manger par étapes.
M. JOHNSON: ... et tout le monde voudrait bien...
M. LESAGE: Pas par étapes.
M. BELLEMARE: Non, non, mais par groupes.
M. JOHNSON: On comprendra que tout le monde...
M. PINARD: Il y en a combien qui sont au régime de l'autre
côté?
M. JOHNSON: ... voudrait bien suivre le débat...
M. PINARD: Vous ferez venir du Métrecal.
M. JOHNSON: ... et comme le dit le proverbe: « Ventre
affamé n'a point d'oreilles »..
M. LESAGE: C'est peut-être mieux.
M. JOHNSON: ... il serait inutile de siéger pendant que les
députés ont faim et pendant que les journalistes ont faim. Je
constate que certains députés suivent des régimes
extrêmement sévères et le principe même des
régimes, M. le Président, c'est d'avoir des repas à heures
fixes.
M. LE PRESIDENT: Adopté? Adopté.
M. LAPORTE: Alors deuxième lecture à la même
séance. Deuxième lecture du bill no 1.
M. LESAGE: Alors, M. le Président, je voudrais purement et
simplement, au début de mes remarques, répéter, pour
qu'elles soient consignées au journal des Débats, les
explications que j'ai données mardi le 19 octobre, mardi de cette
semaine, sur la convocation de la présente session.
La compagnie de la Traverse de Lévis a, il y a quelque temps
déjà, informé les cités de Québec et de
Lévis de sa décision de cesser ses activités le 15
novembre prochain. Les pourparlers qui ont eu lieu entre les autorités
municipales et celles de la compagnie n'ont malheureusement abouti à
aucun résultat.
De plus, hier matin, les capitaines et les seconds des traversiers de la
compagnie ont refusé de poursuivre leur travail. Hier matin
c'était la déclaration de mardi c'est lundi matin. Cette
décision est la conséquence de l'échec des
négociations entreprises avec la compagnie au mois de juillet dernier
sur les conditions de travail de cette catégorie d'employés,
particulièrement sur la question des salaires.
Le service de traversiers entre Québec et Lévis est donc
interrompu depuis quatre heures lundi matin. Comme les employés qui ont
cessé leur travail ne sont pas des salariés au sens du Code du
travail, le gouvernement ne peut se prévaloir des dispositions de ce
code pour provoquer la reprise du travail.
Il importe donc que le gouvernement et la Régie des transports
soient habilités à prendre, lorsque le bien commun l'exige,
toutes les mesures nécessaires pour empêcher la suspension du
service d'une entreprise de transport par navigation et assurer, le cas
échéant, le maintien de ce service.
Le Conseil exécutif, disais-je mardi, a été saisi
de ce problème au cours de la séance de ce matin et étant
donné l'urgence, il a décidé de recommander au
lieutenant-gouverneur de convoquer la Législature en session
spéciale pour vendredi matin, ce matin, à dix heures et demie,
afin de considérer l'adoption des mesures législatives qui
s'imposent dans les circonstances et il y a une mesure législative qui
est le bill no 1 dont je propose la seconde lecture.
Comme la présentation de ce projet de loi, je viens de le dire,
est provoquée par la suspension du service de traversiers de la Traverse
de Lévis Ltée, que j'appellerai à partir de maintenant la
compagnie pour ne pas être obligé de toujours
répéter, il n'est peut-être pas inutile de rappeler d'abord
brièvement quelques-unes des dispositions législatives qui ont
été adoptées dans le passé afin de permet-
tre aux cités de Québec et de Lévis de régir
le service de transport par eau entre Québec et Lévis.
J'ai l'intention, après avoir fait cet historique, de traiter la
question du point de vue constitutionel, puis nous verrons ensuite quels sont
les faits qui ont amené la suspension du service lundi matin, le 18
courant, à quatre heures de la matinée. Enfin nous examinerons la
portée des dispositions du projet de loi.
Depuis longtemps déjà, la cité de Québec
jouit de pouvoirs réglementaires en ce qui concerne le service de
traversiers entre Québec et Lévis. Dès 1865, la charte de
la cité de Québec, 29 Victoria, chapitre 57, contenait des
dispositions à ce sujet. L'article 73 de cette loi permettait au Conseil
de la cité de Québec de réglementer « les traverses
ou passages et les passeurs sur le fleuve St-Laurent entre ladite cité
et tout lieu situé dans un rayon de douze milles de ladite cité.
»
La cité pouvait également exiger des licences de ceux qui
exploiteraient un service de traverse et établir des droits de
péage. L'article 74 de cette loi permettait de plus au conseil de ville
d'accorder après encan public le droit exclusif « de traverser des
passagers, marchandises, animaux et objets quelconques entre ladite cité
et la ville de Lévis. »
La charte de la cité de Québec a été
modifiée sur ce point à plusieurs reprises. La plupart des
modifications n'offrent pas d'intérêt ou peu
d'intérêt. Signalons cependant qu'en 1909, par la loi 9, Edouard
VII, chapitre 80, la cité de Québec était autorisée
à exploiter conjointement avec la ville de Lévis un service de
bateaux pour la traversée du fleuve St-Laurent entre Québec et
Lévis. En 1911, la cité de Québec était
autorisée par la loi 1, George V, chapitre 59, à organiser seule
ce service de transport « dans le cas de refus de la part de la ville de
Lévis de concourir avec la cité de Québec au projet de
municipaliser le service de la traverse. »
Le 20 avril 1923, le Conseil de la ville de la cité de
Québec adoptait le règlement numéro 55 ayant pour objet
d'autoriser la vente par enchère publique du droit exclusif d'exploiter
le service de traversiers entre Québec et Lévis. A la suite de
l'adoption de ce règlement la compagnie s'est portée
adjudicataire de la franchise qui lui était confirmée par acte
reçu devant Joseph Allaire, notaire, le 30 mai 1923. Ce contrat
accordait à la compagnie la franchise pour une période de quinze
ans à compter du 1er mai 1925 moyennant le paiement d'une somme de
$4,000 par année. La compagnie s'engageait de plus à fournir le
service de traversiers conformément aux dispositions du règlement
no 55.
Par la loi 17 George V, chapitre 79, adoptée en 1927, la
commission des services publics de Québec était autorisée
à fixer à la demande de la cité de Québec, de la
cité de Lévis ou de la compagnie, les horaires du service «
dans l'intérêt du public voyageur et du public,
indépendamment des contrats qui peuvent exister. »
Par acte reçu le 18 mars 1929 devant Charles Delagrave, notraire
j'ai des copies de ces actes ici un nouveau contrat intervenait
entre les cités de Québec et Lévis et la compagnie. Par ce
nouveau contrat la convention du 30 mai 1923 était annulée. De
plus les cités de Québec et de Lévis accordaient à
la compagnie le privilège exclusif d'exploiter le service de transport
par eau entre Québec et Lévis. En vertu de ce contrat la
compagnie est tenue de payer à chacune des deux cités la somme de
$2,000.50 par année avec en plus un loyer pour l'usage des quais,
terrains et bâtiments à Québec et à Lévis qui
sont occupés par la compagnie, mais qui sont la propriété
des municipalités. Ainsi par exemple, la bâtisse du
côté de Québec, je le sais, et le quai sont la
propriété de la cité de Québec. La cité de
Québec est propriétaire du quai, du terrain et de
l'édifice où sont situés la salle d'attente et le buffet
de la compagnie à Québec.
Le contrat que je viens de mentionner, signé devant le notaire
Delagrave, un ancien député de cette Chambre d'ailleurs,
détermine de plus dans le détail, les conditions du service qui
sera fourni par la compagnie. Ce contrat a été ratifié
dans la dernière refonte de la charte de la cité de Québec
qui a été adoptée en 1929. Il s'agit de la loi 19, George
V, chapitre 95, et l'article 378 de cette loi ratifie expressément le
contrat précité.
M. JOHNSON: Quelle année?
M. LESAGE: 19, George V, chapitre 95, article 378. Cette loi contient
également, aux articles 366 à 377, d'autre dispositions
concernant la réglementation ou l'établissement du service des
traversiers. Notons plus particulièrement que l'article 367
prévoit la création d'un comité conjoint formé des
représentants âes cités de Québec et de
Lévis, aux fins d'adopter des règlements concernant l'octroi de
franchise et la fixation des taux.
En 1939, la Législature adoptait la loi 3, George VI, chapitre
16, qui créait la Régie provinciale des transports et
communications. En vertu de cette loi, nul ne pouvait exploiter une entreprise
publique sans y être autorisé par la Régie. Dans le cas
d'entreprises publiques existantes, l'autorisation prescrite devait être
obtenue dans les quatre mois de l'entére en vigueur
de la loi. L'article 51 de cette loi prévoyait qu'elle entrerait
en vigueur trente jours après sa sanction et la loi a été
sanctionnée le 28 avril 1939.
En vertu de cette loi, une entreprise de transport par navigation
était une entreprise publique (voir article 2, paragraphe 3b). L'article
23 de la même loi édictait, et je cite, que « tout
propriétaire d'entreprise publique doit obtenir l'autorisation
préalable de la Régie pour cesser ou interrompre ses
opérations ou pour étendre ou modifier son entreprise ».
Cette loi, avec certains amendements qui avaient été
apportés, est reproduite au chapitre 143 des Statuts Refondus en
1941.
Ce n'est qu'au début de 1950 c'est la loi de la
Régie des services publics, je me suis trompé, lorsque j'ai dit
la loi de la Régie des transports ce n'est qu'au début de
1950 que la compagnie demandait à la Régie des services publics
l'autorisation de poursuivre l'exploitation de son service de transport par eau
entre Québec et Lévis. En effet, à la suite d'une
requête de la compagnie, la Régie des services publics
émettait, le 17 février 1950, le permis No 10-N qui autorisait la
compagnie à exploiter le service suivant, et je cite: « transport
sur le fleuve St-Laurent au moyen de bateaux-passeurs, de voyageurs,
marchandises et véhicules entre Lévis et Québec et
à l'occasion, excursions dans le district. » Par la même
décision, la Régie approuvait le tarif soumis par la
compagnie.
On voit donc que, d'après l'historique de la traverse
Québec-Lévis par bateaux-passeurs, cette question a toujours
été considérée comme de nature essentiellement
locale et laissée sous la juridiction soit de la Régie des
services publics, soit de la Régie des transports, à l'initiative
et au contrôle et à la participation de la cité de
Québec et de la ville de Lévis qui est devenue la cité de
Lévis.
Voyons donc, au point de vue du droit, quelle est la compétence
provinciale sur le transport par eau. Evidemment, quand je parle de
compétence provinciale, cela inclut la compétence des
municipalités puisque la Législature provinciale a juridiction
sur les municipalités et que ces dernières sont des
créatures de la Législature et, en conséquence, ne peuvent
détenir plus de pouvoir au point de vue constitutionnel que la
Législature ne peut en avoir.
L'article 91 de l'Acte de l'Amérique duNord britannique
énumère, parmi les matières de compétence
fédérale et c'est la traduction de Geoffrion que l'on
trouve dans notre livre de règlement.
Dixièmement, la navigation.
Treizièmement le transport par eau entre une province et un pays
britannique ou étranger ou entre deux provinces.
Il est évident que le paragraphe treize implique que le transport
par eau entre deux points dans une même province est de compétence
provinciale, et cette conclusion est renforcée par le paragraphe 10 de
l'article 92 qui énumère parmi les matières de
compétence provinciale, et c'est encore la traduction de M. Geoffrion
que l'on trouve dans notre livre de règlements:
Dixièmement, les travaux et les ouvrages d'une nature locale,
autres ceux qui sont énumérés dans les catégories
qui suivent; a) les lignes de vapeur ou autres navires, les chemins de fer, les
canaux, les lignes de télégraphe et autres travaux et ouvrages
reliant la province à une autre ou à d'autres, ou
s'é-tendant au-delà des frontières de la province; b) les
lignes de vapeur entre la province et tous les pays britanniques ou
étrangers; c) les travaux qui, bien qu'entièrement situés
dans la province, seront, avant ou après leur exécution,
déclarés, par le parlement du Canada, profiter au Canada en
général ou à deux ou plusieurs provinces.
Par conséquent, on peut affirmer que le transport par eau
à l'intérieur d'une province est une entreprise locale soumise
à la compétence législative de la province. Toutefois, la
navigation est tout entière soumise à la compétence
fédérale, et cela oblige à tracer la ligne de
démarcation entre la compétence sur la navigation et la
compétence sur le transport par eau. Il semble clair que le transport
par eau qui est du ressort provincial est le service de transport par
opposition à la manoeuvre des navires qui servent à fournir le
service, manoeuvre qui est évidemment du ressort fédéral:
la manoeuvre des navires, c'est-à-dire les réglementations de
navigation. Par exemple les bateaux-passeurs doivent donner
préséance ici, je le sais, en vertu des règlements de
navigation et des lois de navigation, aux vapeurs, aux transatlantiques qui
montent ou descendent le Saint-Laurent. Les bateaux-passeurs doivent porter
certaines lumières, il y a certains signaux; ça, ce sont les
règlements de navigation, les manoeuvres des navires, qui sont du
ressort du fédéral.
La nature de cette distinction entre la navigation elle-même et le
transport par eau a été considérée par quelques
juges de la Cour suprême dans le renvoi sur la Loi sur les relations
industrielles et les enquêtes visant les différends du travail,
Statuts revisés du Canada, chapitre 152, et la référence
est à 1955, RCS, Rapport de la Cour suprême, page 529.
La principale question étudiée par les juges de la Cour
suprême a été de savoir su les débardeurs
étaient visés par cette loi, et si elle était
constitutionnelle. Toutefois, certains juges ont cru devoir exprimer des vues
sur cette question du transport par eau. Ainsi le juge Locke, à la page
580, ce sont évidemment des obiter dicta, mais quand même, a dit
ceci: « The fact that ferries between a province and any British or
Foreign Country or between two provinces are assigned to the legislative
juridiction of parliament by head 13 of section 91, at least indicates that
ferries operating between points entirely within one province are
excludedfromthejuris-diction in relation to shipping inhead 10 ». Et le
juge Abbott, à la page 591, et je cite; « I should add, however,
that in my view, except in such aspects as may relate to the navigation of the
vessel, the combined effect on heads 10, 13 and 29 of section 91, and head 10
of section 92 is to exclude from federal jurisdiction shipping which is purely
local in character such as a ferry or a line of ships operating wholly within
the limits of one province ».
Et à propos de cette décision de la Cour suprême, je
voudrais signaler, toujours en étudiant la question de droit, que le
juge Fauteux y approuve le procédé législatif qui consiste
à limiter la portée de la loi à ce qui est suivant la
compétence consitutionnelle. Vous verrez que dans le bill, on reproduit,
à l'article 1, ce qui est un article de la Loi de la Régie des
services publics et l'importance de cette énonciation de principe dans
la Loi qui est proposée peut se trouver dans ce que disait justement le
juge Fauteux à la page 587 du jugement sur la même
référence. Et je cite: « The enunciation of the principle
of limitation with a consquential duty for the Courts to pronounce as to the
operation or the application of the Act in each of the cases as they may arise
appears to be a prudent, practical and yet valid legisative technique to adopt,
in a Federal state, in relation to such a wide embracing and complex matter.
The possible difficulties there may be in the judicial determination of each
case leave untouched the true character of the limitation the enactment of
which clearly manifests the will of Parliament to legislate within its own
field. »
C'est la raison de l'article ajouté, n'est-ce pas. Donc, par
conséquent, pour ce qui est du transport par eau, de l'octroi des
franchises, comme l'on dit communément, cela est du ressort provincial,
clairement. Pour ce qui est du maintien des services, des conditions du service
lui-même, en autant que le public voyageur est concerné, cela est
du ressort de la Législature. Cela m'apparaît clairement à
l'étude du texte des articles 91 et 92 des sous-paragraphes que je viens
de citer et tel que confirmé par les extraits des opinions
exprimées parles trois juges de la Cour suprême que je viens de
mentionner. Ceci, à mon sens, est un point acquis, un point de base
qu'il était nécessaire de faire valoir avant d'aller plus loin
dans l'étude du principe de ce bill.
Il y a un autre aspect consitutionnel que je voudrais également
tenter d'éclaircir avant que nous n'allions plus loin dans
l'étude des faits qui entourent le bill ou qui ont été la
cause du projet de loi, ou l'occasion du projet de loi, et l'étude du
projet de loi lui-même.
La Compagnie de la traverse de Lévis a une charte
fédérale et cela signifie que sa personnalité juridique
échappe à la compétence de la Législature. L'on se
souviendra que lorsque, par exemple, a eu lieu la nationalisation des
compagnies d'électricité, c'était un problème qui
se présentait à nous parce que plusieurs de ces compagnies
avaient des chartes fédérales. Et lorsqu'il avait
été question d'expropriation, il était clair que nous
n'avions pas le pouvoir d'exproprier les compagnies, les actions des
compagnies, parce qu'à notre sens il s'agissait de compagnies à
charte fédérale et c'est l'une des raisons qui nous ont
amenés à procéder de la façon dont nous avons
procédé, c'est-à-dire par une offre faite sur le
marché. Ce qui était d'ailleurs, de toute façon, la
manière d'agir qui pouvait apporter le moins de conséquences
fâcheuses. Mais ici, nous sommes devant le même
problème.
Il s'agit d'une compagnie à charte fédérale et le
principe est établi, bien établi par de nombreux arrêts,
que les compagnies à charte fédérale sont assujetties aux
lois provinciales d'application générale. Cela, c'est entendu; ce
n'est pas parce qu'on a une charte fédérale qu'on est soustrait
à l'application des lois provinciales d'application
générale. Cela découle en particulier de la
décision du Conseil privé portant que les compagnies à
charte fédérale sont assujetties, par exemple, aux lois des
valeurs mobilières comme dans la cause de Lymburn vs Mayland, 1932
Appeal cases, page 318. Et cette question a été très
longuement discutée beaucoup plus récemment par le juge Lett dans
B.C. Power Corporation nous l'avons vécu ce temps-là
nous-mêmes, vs A.G.B.C. 44 WWR, page 65. J'avise mes
collègues que le jugement couvre près de 300 pages. C'est le
fameux jugement dans l'affaire de B.C. Electric qui avait obligé le
gouvernement de la Colombie-Britannique à changer son fusil
d'épaule lors de l'expropriation des compagnies
d'électricité en Colombie-Britannique.
Evidemment, le juge Lett, dans le jugement que je viens de mentionner,
en est venu à la conclusion que la Loi d'expropriation des actions de
B.C. Electric qui avait été adoptée par la
Législature de la Colombie-Britannique n'était pas une loi
d'application générale puisqu'elle ne s'appliquait qu'à
une compagnie donnée. Et, par exemple, il en est tout autrement du
projet de loi modifiant la Loi de la Régie des transports. Nous ne
visons aucune compagnie dans le projet de loi qui est devant nous. Il s'agit
d'une loi générale. C'est un texte qui est susceptible
d'application à toutes les entreprises et de la catégorie
visée, n'est-ce pas, au projet de loi, qu'elles soient
propriétés individuelles d'une compagnie à charte
provinciale ou fédérale. C'est une loi d'application
générale.
S'il s'agissait cependant d'une loi qui aurait pour but soit
d'exproprier les actions de la compagnie, soit de donner le pouvoir à la
cité de Québec ou à la ville de Lévis
séparément ou conjointement de ce faire, nous n'aurions pas la
juridiction constitutionnelle de le faire. Donc, il n'est pas question
d'exproprier la compagnie, ni peut-il être question de permettre à
la cité de Québec, par une législation, ou à la
cité de Lévis ou aux deux ensemble d'exproprier la compagnie.
Nous n'en avons pas le pouvoir constitutionnel tel que la chose a
été décidée aussi récemment que dans ce
jugement de la Colombie-Britannique qui est bien connu de tous puisque nous
l'avons vécu presque en même temps que nous procédions
nous-mêmes par une autre façon à la nationalisation de nos
compagnies d'électricité par ce qu'on appelle communément
dans le langage du marché, qui est bien difficile à traduire, le
« takeover bill ».
Maintenant, quels sont les faits? Les taux actuellement chargés
par la compagnie sont ceux qui ont été approuvés par la
Régie des services publics dans sa décision du 8 octobre 1957. Le
20 avril 1965, la compagnie soumettait à la Régie des transports
qui avait juridiction en la matière depuis 1961, parce que c'est en 1961
que nous avons transporté la juridiction de la Régie des services
publics à la Régie des transports sur le transport par eau,
alors, dis-je, la compagnie soumettait à la Régie des. transports
une requête pour l'augmentation des taux. Cette requête invoquait
plus particulièrement trois moyens principaux; 1) Depuis la
dernière augmentation, la compagnie ne réalise pas des profits
suffisants. Ce sont les arguments de la requête n'est-ce pas. 2)les
profits réalisés par la compagnie ne lui permettent pas de
procéder à la construction de nouveaux traversiers qui sont
nécessaires à l'amélioration de son service. 3) elle devra
consentir des augmentations substantielles de salaires lors de l'expiration de
la convention collective de travail, le 1er janvier 1965, pardon, le 1er
juillet 1965.
A la suite d'une opposition formulée par la Chambre de commerce
de Lévis, une enquête a été tenue devant la
Régie et la décision de la Régie a été
rendue le 16 août 1965. Dans cette ordonnance, la Régie a
rejeté la requête de la compagnie parce que celle-ci était
prématurée et la Régie a notamment jugé: a)que les
profits de la compagnie étaient satisfaisants; b) qu'il ne pouvait
être question d'accorder une augmentation de tarif avant de
connaître le coût exact, pour la compagnie, des nouveaux
traversiers et des augmentations de salaires qu'elle prétendait devoir
accorder. Ce qui s'est passé, c'est que la compagnie a dit; eh bien,
nous, nous ne sommes pas prêts à augmenter les salaires à
moins d'avoir une augmentation de tarif au préalable et la Régie
a dit: Votre requête est prématurée; négociez et
quand vos salaires auront été établis, eh bien là,
vous pourrez revenir devant nous et nous étudierons votre coût
réel et si vous avez l'intention de construire de nouveaux bateaux,
d'améliorer votre service, veuillez nous apporter des plans
précis et alors nous serons en mesure de discuter d'une hausse de tarif.
En attendant, il n'y a devant nous que des présomptions ou des
suggestions et nous ne sommes pas en mesure de rendre un jugement sur des
suggestions ou des présomptions. Il nous faut des faits. Alors, le
jugement de la Régie des transports est à l'effet que la demande
de la compagnie était prématurée.
Et il n'est peut-être pas sans intérêt de remarquer
qu'au moment de l'audition devant la Régie, la compagnie n'avait
même pas encore commencé à négocier avec les
représentants de ses employés et qu'elle invoquait l'argument des
augmentations de salaires. En effet, la convention collective de travail qui
était alors en vigueur et qui se terminait le 5 juillet 1965 avait
été conclue avec la section 14266 de « United Mine Workers
of America », district no 50. Cette union détenait un certificat
d'accréditation de la Commission des relations de travail du
Québec depuis le 9 juillet 1957.
Le 19 mai 1965, le Syndicat des employés de la Traverse de
Lévis, CSN, formulait une requête en accréditation pour
représenter le groupe d'employés couverts par le certificat
détenu par « United Mine Workers of America ». Par
décision du 13 octobre 1965, seulement, bien après la demande de
la compagnie, la Commission des relations de travail décidait d'annuler
le certificat du 9 juillet 1957 et d'émettre un nouveau certificat
d'accréditation au nom du Syndicat des employés de la Traverse de
Lévis, CSN, pour représenter tous les employés à
l'exception des employés de bureaux, des capitaines, des seconds et de
ceux exclus par la loi, à l'emploi de la Traverse de Lévis
Ltée. Il y a une semaine, les demandes du syndicat nouvellement
accrédité, et c'est bien compréhensible, puisque
l'accréditation n'est venue que le 13 octobre, n'avaient pas encore
été soumises à la compagnie. Cela s'explique, il y avait
eu accréditation le 13 octobre seulement.
Le 13 septembre 1965, la compagnie informait, avant
l'accréditation, un mois avant, jour pour jour, la compagnie informait
la cité de Québec qu'étant donné la décision
de la Régie des transports et les demandes d'augmentation de salaires de
la part de ses employés, elle avait décidé de
discontinuer, le 15 novembre 1965, le service de traversiers entre les villes
de Québec et de Lévis.
Le 14 septembre 1965, le comité administratif de la cité
de Québec adoptait une résolution par laquelle il
référait la lettre reçue le même jour de la
compagnie au comité conjoint de la traverse de Québec et de
Lévis que j'ai mentionné tout à l'heure, qui est
formé en vertu de la loi, du dernier amendement à la charte de la
cité de Québec, le dernier amendement à ce sujet.
Le comité conjoint de la Traverse de Québec et de
Lévis a tenu deux réunions, soit les 21 et 28 septembre. Au cours
de la réunion du 28 septembre, il a été résolu
d'offrir à la compagnie de renouveler son contrat pour une
période de trois ans, à condition que celle-ci fasse
connaître, et je cite; « Avant le 1er septembre 1966, ses plans
pour l'amélioration du service de traversiers, faute de quoi le contrat
serait résilié sur avis écrit de trois mois ». Cette
offre a été refusée par la compagnie qui maintient
toujours sa décision de cesser ses opérations le 15 novembre
prochain.
Lundi matin, à quatre heures ou cinq heures, les capitaines et
les seconds refusaient de poursuivre leur travail à la suite de
l'échec de leurs négociations avec la compagnie sur leurs
conditions de travail. Les employés concernés, les capitaines et
les seconds, sont membres de la Canadian Merchant Service Guild. Cette
association ne détient aucun certificat d'accréditation, soit en
vertu du Code du tra- vail, soit en vertu de la Loi fédérale sur
les relations de travail. Le représentant de cette association
prétend que les capitaines et les seconds ne sont pas des
salariés au sens du Code du travail ou de la Loi fédérale
ce que j e pense bien moi aussi puisqu'ils font partie de la
gérance et qu'en conséquence un certificat
d'accréditation ne peut pas leur être délivré.
Le Conseil canadien des relations ouvrières aurait
déjà, d'après les informations que j'ai, refusé un
certificat à une association de capitaines de navire pour la raison que
les capitaines représentent l'employeur dans ses relations avec les
marins. C'est évident, le capitaine est le maître du vaisseau. Je
suis informé que l'Association des maîtres et des seconds a soumis
à la compagnie, au mois de juillet dernier, un projet d'entente
concernant les conditions de travail des capitaines et des seconds. Deux
rencontres ont eu lieu avec la compagnie, soit les 14 juillet et 13 octobre. Au
cours de ces deux rencontres, les parties seraient tombées d'accord sur
toutes les clauses de l'entente sauf celle relative aux heures de travail, aux
fêtes chômées et payées, aux salaires et au paiement
du temps supplémentaire. Et à ce sujet bien, je pense que la
Chambre sera intéressée de le savoir, l'association demande les
mêmes conditions de travail que celles qui ont été
consenties à ses membres par la compagnie de la Traverse de
Trois-Rivières.
A Trois-Rivières l'entente signée prévoit le
paiement de huit fêtes chômées et les salaires sont les
suivants: du 1er octobre 1965 au 30 septembre 1966, pour les capitaines, $125
par semaine; pour les seconds, $115; et du 1er octobre 1966 au 30 septembre
1967, pour les capitaines, $140 et, pour les seconds, $125. Ces salaires sont
payés pour une semaine régulière de 42 heures de
travail.
Effectivement, ces employés travaillent 48 heures par semaine et
l'excédent de six heures leur est payé à taux simple,
à Trois-Rivières. Au-delà de 48 heures, les
employés sont rémunérés à taux et demi, pour
la période du 1er octobre 1965 au 30 septembre 1966. Le taux simple,
dans le cas des capitaines, est de $2.97 l'heure; et, dans le cas des seconds,
$2.73 l'heure. Le taux et demi dans le cas des capitaines est de $4.45 et, dans
le cas des seconds, de $4.10 et, pour la période 1966/67, bien c'est
augmenté encore, évidemment, en relation avec l'augmentation du
salaire hebdomadaire.
A la compagnie de la Traverse de Lévis, la semaine de travail est
de 48 heures. Le salai-
re des capitaines est de $80 par semaine, comparativement, pour 48
heures, alors que c'est $125 pour 42 heures à Trois-Rivières.
Pour les seconds, c'est $60 par semaine pour 48 heures comparé
à $115 à Trois-Rivières pour 42 heures. Bien, c'est
énorme c'est le double, un peu plus que le double à
Trois-Rivières qu'à Québec dans le cas des seconds.
M. BELLEMARE: Nous autres c'est l'administration publique qui le dirige,
c'est la municipalité.
M. LESAGE: Oui, oui. Mais nous n'avons pas le droit, je l'ai dit tout
à l'heure, c'est pour ça que j'ai tenu à faire le point,
il n'y a pas moyen d'exproprier. S'il n'y a pas moyen d'exproprier, la ville
n'a pas et le gouvernement provincial n'a pas ce qu'on appelle le pouvoir de
marchandage lorsqu'il s'agit d'acquérir.
M. BELLEMARE: C'est basé sur la taxe munic ipale.
M. LESAGE: Oui, mais je dis que ce n'est pas du tout la même
situation, c'est pour ça que j'ai donné tout l'historique pour
dire comment le lit avait été fait ici, le lit avait
été fait ici et ç'a été fait par l'octroi de
franchise à une compagnie privée et je viens d'expliquer qu'au
point de vue constitutionnel, étant donné qu'il s'agit d'une
charte fédérale, nous ne pouvons pas exproprier les actions et
nous ne pouvons pas permettre par législation à la cité
d'exproprier les actions. C'est-à-dire que nous n'avons pas et la ville
ne pourrait pas avoir, même si nous lui donnions, même si elle
pouvait avoir, même si elle voulait le faire et qu'elle avait la
permission législative de le faire, elle n'aurait pas de pouvoir de
marchandage parce qu'elle n'aurait pas le droit d'expropriation. C'est
ça la situation.
M. BELLEMARE: Oui, mais la compagnie n'a pas le droit de faire
ça.
M. LESAGE: Oui, mais alors de là la solution que nous apportons.
Mais il faut prendre les faits froidement, voir quelle est la situation et
partir d'une situation bien établie pour voir ce que nous pouvons faire
pour régler la question. Je dois, établir les limitations de
notre action, les limitations constitutionnelles de notre action avant de voir
ce que nous pouvons faire pour régler la question. Et je me dois
d'attirer l'attention sur la situation quant aux salaires des capitaines et des
seconds à Troi-
Rivières comparés à ceux de Québec. Ce qui
nous met en face et nous fait mieux comprendre l'impatience des capitaines et
des seconds de la traverse de Lévis qui sont payés moins que la
moitié du salaire de leurs vis-à-vis de Trois-Rivières,
pas de leurs vis-à-vis, mais des capitaines et des seconds à la
traverse de Trois-Rivières.
Et d'après les renseignements qui m'ont été
transmis par M. Bérubé,le chef négociateur au
ministère du Travail, la compagnie n'a fait aucune offre
monétaire à l'association des capitaines et des seconds.
M. BERTRAND: Combien y a-t-il de capitaines?
M. LESAGE: Quatorze.
M. DOZOIS: Combien de capitaines et combien de seconds?
M. LESAGE: Quatorze. M. JOHNSON: Sept sept.
M. LESAGE: En tout. Je ne me suis pas informé pour chacun.
M. JOHNSON: Pour compléter nos renseignements, le premier
ministre nous dirait-il quels sont les taux chargés aux passagers?
M. LESAGE: Bien je pense qu'il y a sept capitaines, sept seconds. Lex
taux...
M. JOHNSON: Non, mais le coût du billet du piéton.
M. LESAGE: C'est parce qu'il y a tellement longtemps que je l'ai
pris.
M. JOHNSON: Il paraît qu'à Lévis c'est dix cents, me
dit-on, et à Trois-Rivières c'est vingt-cinq cents.
M. LESAGE: Bien oui, mais c'est ça. Mais évidemment, on
revient à ce que j'expliquais tout à l'heure, c'est que la
Régie des transports dit: Etablissez vos salaires et votre coût
puis revenez devant nous et nous établirons vos tarifs en tenant compte
de vos coûts et non de présomptions.
M. BERTRAND: Cela, c'est très bien.
M. LESAGE: Bon. De là les solutions, non. De là les...
Douze billets pour $1, huit cent et tiers.
M. BELLEMARE: Vingt-cinq cent, nous autres.
M. LESAGE: Alors dans le fond ce que l'association des capitaines et des
seconds, la Guild, demande, ce sont les mêmes conditions de travail que
celles accordées par la corporation de la cité de
Trois-Rivières pour leurs employés qui occupent les fonctions de
capitaines et de seconds sur la traverse de Trois-Rivières. Et les
conséquences de l'arrêt de travail depuis lundi matin qui se
poursuit encore sont évidemment désastreuses et mettent en danger
la sécurité publique. Evidemment s'il fallait qu'il y ait un
accident au pont de Québec, qu'il y ait une urgence, qu'il y ait un
incendie par exemple comme il y en a déjà eu un à
St-Joseph-de-la-Délivrance à Lévis, qu'il faille que les
pompiers de Québec se rendent d'urgence alors qu'à ce
moment-là lorsque ça avait eu lieu on avait loué un
bateau-passeur.
S'il y a une grève, si le service est interrompu, non seulement
la sécurité publique, mais même la santé publique
sont en danger, parce qu'il n'y a qu'un pont à l'heure actuelle et il
faut une alternative absolument, à cause de la circulation intense,
nécessaire, essentielle entre les deux rives au niveau de Québec.
S'il ne fait pas de doute que la compagnie exerce un service public, il ne
saurait être question ici de parler de grève illégale,
même s'il s'agit d'un service public. Les employés qui ont
arrêté le travail ne sont pas des salariés au sens du Code
du travail. Donc, ils ne sont pas en grève. En effet, ils
représentent l'employeur dans ses relations avec ses salariés.
Cela tient beaucoup plus du « lockout » que de la grève. Et
nous sommes, à toutes fins prstiques, dans le fond, en face d'un «
lockout ». C'est ça, la situation. Pas une grève, c'est un
« lockout » parce qu'il est évident que l'entente sera
impossible avec la compagnie tant et aussi longtemps que celle-ci maintiendra
sa décision de cesser ses opérations, dès le 15 novembre.
Elle n'est pas intéressée, elle perd de l'argent l'hiver. Elle a
décidé d'arrêter ses opérations le 15 novembre.
Ses biens, ses capitaux sont totalement dépréciés
en vertu de nos lois de l'impôt, d'après la capitalisation de la
compagnie. On voit la situation. La compagnie n'a pas d'intérêt.
Elle a intérêt à abandonner le service.
M. BERTRAND: Pourquoi l'acheter si ça ne vaut plus rien?
M. LESAGE: Bien non! Mais simplement oui, mais il nous faut le pouvoir
de marchandage dans les négociations avec la compagnie si on veut que
les villes l'achètent. Or nous n'avons pas le droit d'exproprier et nous
n'avons pas le droit de donner le pouvoir aux villes de l'exproprier. Alors,
c'est la situation devant laquelle nous sommes et vous verrez, je crois, que
nous avons trouvé la solution et c'est celle qui est proposée par
le Bill No 1.
M. BELLEMARE: Oui!
M. LESAGE: Oui, c'est la solution, on verra. Alors, je reviens. Tant et
aussi longtemps que la compagnie maintiendra sa décision de cesser ses
opérations dès le 15 novembre prochain, l'entente est impossible.
Pas besoin d'être bien brillantpour s'en apercevoir. Impossible avec les
capitaines et les seconds et éventuellement avec les autres
employés lorsqu'ils feront leur demande, puisque la compagnie, elle, son
intérêt, c'est d'abandonner le service. Elle l'a dit et elle l'a
répété. On ne voit pas bien, en effet, pourquoi la
compagnie accéderait aux demandes de ses employés seulement trois
semaines avant la date fixée par elle pour l'interruption
définitive de son service. C'est elle qui l'a fixée. Cette
situation qui existe à la compagnie peut évidemment se
présenter ailleurs dans le cas d'un service de transport par navigation,
par eau; le préjudice qui résulte d'une suspension ou d'une
interruption de service est généralement plus sérieux que
celui qui résulte de l'arrêt d'un service de transport routier,
parce qu'il y a des alternatives dans le cas du transport routier. Il fallait
donc prendre les mesures nécessaires pour, d'abord, empêcher
c'est ça qui est important d'abord empêcher la
compagnie de mettre à exécution cette décision de
suspendre son service le 15 novembre prochain. Mais il fallait aller plus loin.
Il était également nécessaire d'assurer, dans la mesure du
possible et compte tenu des droits légitimes de toutes les parties en
cause, le rétablissement du service. Le projet de loi qui est soumis
vise donc d'abord à assujettir les entreprises de transport par eau
à l'obligation d'obtenir la permission de la Régie des
transports, avant de pouvoir interrompre ou suspendre leur service. Cela, c'est
la première partie du projet de loi. Il vise ensuite à permettre
au Lieutenant-gouverneur en conseil, lorsque ce dernier juge ou encore est
d'avis que l'interruption du service met en danger la santé ou la
sécurité publique, de nommer un administrateur, non pas de tous
les biens du détenteur du permis, mais bien seulement des biens qui sont
affectés par le propriétaire au service de transport dont il
s'agit.
La raison de l'interruption des opérations du service de
transport par navigation importe peu. Dès qu'il y a interruption et que
cette interruption met en danger la santé et la sécurité
publiques, le lieutenant-gouverneur en conseil peut nommer un administrateur.
L'interruption peut résulter de la décision de la compagnie ou de
l'opérateur de cesser ses opérations ou être la
conséquence de la décision des employés de cesser le
travail, qu'il s'agisse d'une grève ou non. Dans tous les cas,
lelieutenant-gouverneur serait habilité non pas à forcer la
compagnie à reprendre ses opérations ou les employés
à reprendre leur travail, mais bien plutôt à nommer un
administrateur du service de transport, afin que lui maintienne le service,
négocie, en arrive à une entente et fasse ce que la compagnie
n'est pas intéressée à faire, s'adresse ensuite à
la Régie des transports pour demander l'augmentation des taux au lieu et
place de la compagnie parce que cette dernière n'agit pas, parce qu'elle
a décidé d'abandonner le service.
Alors, il s'agit de nommer un administrateur. Deux conditions existent
donc pour que le lieutenant-gouverneur en conseil puisse exercer le pouvoir
prévu au projet de loi de nommer un administrateur. Le fait que les
opérations du service sont interrompues et qu'en conséquence la
santé ou la sécurité publique est mise en danger. Cette
deuxième condition relative à la santé ou à la
sécurité publique est celle qui a déjà
été adoptée par la législature dans le cas de
grève des employés des services publics, c'est l'article 99 du
Code du travail. Ce même critère se retrouve à la loi
américaine Taft-Hartley et dans d'autres lois américaines qui
permettent la saisie de services publics dont les opérations sont
interrompues. Cela s'est produit à plusieurs reprises aux
Etats-Unis.
Si toute interruption d'un service public est préjudiciable
à l'intérêt public, c'est seulement dans le cas où
ce préjudice met en danger la sécurité ou la santé
publique que le lieutenant-gouverneur en conseil pourra exercer le pouvoir
prévu au projet de loi. Il faut que les droits du lieutenant-gouverneur
en conseil, ses pouvoirs soient restreints dans des cas bien
déterminés et c'est ce que propose le projet de loi.
Pour pouvoir apprécier la portée de ces dispositions
concernant les pouvoirs de l'administrateur ou encore les pouvoirs du conseil
des ministres, il faut tenir compte des pouvoirs limités que
possède la Législature en cette matière. Et je
résume ce que j'ai dit tout à l'heure à ce sujet sur les
pouvoirs limités de la Législature en cette matière. La
Législature provinciale n'est pas compétente pour adopter une
loi, je reviens encore, qui aurait pour objet de mettre à néant,
et je me sers d'un terme qui a été employé par les juges
de la Cour suprême « to sterilize » les pouvoirs d'une
compagnie à charte fédérale. Si les compagnies à
charte fédérale doivent se soumettre aux lois provinciales qui
sont d'application générale, les provinces ne peuvent cependant,
sous le prétexte de lois générales «
stériliser » les pouvoirs des compagnies fédérales.
Une province ne peut pas non plus modifier, directement ou indirectement, les
pouvoirs corporatifs d'une compagnie à charte fédérale.
Par ailleurs, il ne fait aucun doute que la Législature peut
légiférer en ce qui concerne l'exploitation d'un service de
traversiers à l'intérieur d'une province, je l'ai établi,
je crois.
Pour ces raisons, les pouvoirs de l'administrateur sont limités
aux biens affectés par le propriétaire à l'usage du
service interrompu. L'administrateur n'a pas le droit de prendre possession et
d'administrer tous les biens de l'entreprise, parce que ça peut
être une vaste entreprise, non d'une partie seulement, et d'une
entreprise de traversiers. Et l'administrateur peut gérer ceux qui sont
affectés au service. L'administrateur, on le verra, n'est pas le
mandataire de la compagnie, n'est pas le mandataire.
Les actes qu'il pose ne lient pas, en règle
générale, la compagnie. Pour établir le service, il peut
se servir des biens du propriétaire qui sont affectés à ce
service mais tous ces actes ne lient pas automatiquement le propriétaire
comme s'il en était le mandataire. Le propriétaire du service est
responsable, cependant, des dettes encourues par l'administrateur et seulement
dans la mesure où celles-ci ex-dèdent les revenus qu'il a
perçus.
C'est donc que l'administrateur peut engager le crédit de la
compagnie dans la mesure où les dépenses dépassent les
revenus. Et, si le fait d'accorder des augmentations de salaires au cours de
négociations aux capitaines, seconds, employés a pour effet
d'augmenter, c'est-à-dire de créer un déficit
d'opération pour la compagnie, il est du devoir de l'administrateur de
s'adresser à la Régie des transports pour demander une
augmentation de tarif, parce que d'ailleurs, le député de
Champlain le faisait remarquer tout à l'heure, les salaires sont plus
élevés à Trois-Rivières mais les tarifs aussi sont
plus élevés.
M. BELLEMARE: $2.50 pour un camion.
M. LESAGE: Pardon?
M. BELLEMARE: $2,50 pour un camion.
M. LESAGE: Bien oui, c'est plus élevé à
Trois-Rivières.
M. BELLEMARE: C'est $0.75 pour une automobile.
M. LESAGE: Bien oui, c'est beaucoup plus élevé à
Trois-Rivières.
M. BELLEMARE: $0.25 pour un passager. M. LESAGE: Je sais.
M. BELLEMARE: II n'y a pas de tarif d'hiver.
M. LESAGE: Oui. Je sais. Alors, il ne s'agit pas d'une question
d'expropriation, il ne peut pas être question d'exproprier. Les pouvoirs
de l'administrateur sont limités à administrer les biens qui sont
nécessaires au rétablissement du service dans le cas où
une compatnie a décidé d'elle-même, a fait valoir et a
rendu publique son intention de suspendre un service public que le Conseil des
ministres considère essentiel au maintien de la sécurité
publique. De là les propositions qui sont faites et qui sont de nature,
premièrement, à éviter l'abandon du service, la
possibilité de l'abandon du service sans l'approbation de la
Régie des transports et deuxièmement, la nomination d'un
administrateur dans le cas d'interruption de service afin de régler
définitivement la question. Et, si je puis exprimer un voeu, c'est
celui-ci, c'est que dès l'instant où cette loi sera
passée, après qu'immédiatement le Conseil des ministres
aura nommé un administrateur, eh bien! c'est que les capitaines et les
seconds retournent au travail et qu'ils soient convaincus que l'administrateur
sera immédiatement prêt à négocier avec eux leurs
conditions de travail et surtout leur salaire. Dès que le bill sera
sanctionné, le gouvernement agira immédiatement pour nommer un
administrateur et j'espère que dès que l'administrateur aura
été nommé, les capitaines et seconds et les autres
employés qui doivent négocier auront assez confiance en
l'administrateur pour que ce dernier négocie en toute bonne foi et
qu'après que les salaires auront été établis sur
des bases normales, eh bien! que cette administrateur puisse aller devant la
Régie des transports pour faire fixer des taux adéquats suivant
l'augmentation des dépenses par rapport aux revenus. Je propose
donc...
M. LOUBIER: M. le Président, je vous demanderais l'ajournement de
la séance, s'il vous plaît, à l'heure que...
M. LESAGE: Quelle heure voulez-vous, monsieur...?
M. LAPORTE: Deux heures et quart! DES VOIX: Deux heures et quart! M.
JOHNSON: Deux heures et quart! M. LOUBIER: Deux heures et quart! M. LESAGE:
Deux heures et quart! M. LE PRESIDENT: Suspension, . M. JOHNSON: Deux heures et
trente. UNE VOIX: Deux heures et trente?
M. JOHNSON: Deux heures et trente, est-ce que ça va?
M. LE PRESIDENT: La séance est suspendue jusqu'à deux
heures et trente.
Reprise de la séance a 2 h 36 p.m.
M. LOUBIER: M. le Président, comme représentant du
comté de Bellechasse qui est un des comtés les plus
profondément touchés par le problème des communications
entre les deux rives, je me dois de participer à ce débat et de
tenter d'en faire ressortir toutes les implications sociales et
économiques que ça représente pour notre secteur
géographique.
Pour convoquer une session spéciale et extraordinaire, il faut
être aux prises avec un problème qui exige une solution, un
problème d'envergure et qui exige une solution immédiate et la
plus avantageuse possible. C'est un peu comme si c'était l'état
d'urgence. Il est bien évident qu'un gouvernement ne mettrait pas en
branle tout notre système législatif pour tenter de régler
un imbroglio local et mineur. Un tel geste de la part de l'Exécutif
provincial est motivé dans l'occurence par l'arrêt
d'opération des bateaux-passeurs faisant la navette entre Lévis
et Québec. Cet arrêt temporaire d'opération provient de la
décision, comme le signalait le premier ministre, des capitaines et de
leurs seconds de poursuivre des journées d'étude, mais il
précède de quelques semaines à peine la suspension
définitive de ce moyen de communication entre les deux rives, telle
qu'annoncée par les autorités de La Traverse de Lévis
Inc.
M. le Président, bien que les bateaux-passeurs actuels
représentent un mode de transport qui était populaire au
Moyen-Age, bien qu'ils ne répondent plus du tout aux exigences sociales
et économiques de 1965 et bien que leur action retarde et paralyse
pratiquement la promotion et le progrès économique d'un secteur
géographique important, bien que leur vieille carcasse offre à
peine un minimum de sécurité et bien qu'ils soient une source
immense de controverses de tous genres, il n'en demeure pas moins que dans le
présent contexte leur humble apport devienne essentiel et indispensable
à toute la population de la rive sud-est et du grand Québec.
De fait, au moins 25 comtés de la province ont ou auraient
intérêt à user de ce moyen de communication entre les deux
rives. La capacité maximum, selon les chiffres qu'on m'a soumis, de
transport annuel joue autour de 800,000 véhicules automobiles et atteint
plus de 3 millions de piétons. D'autre part, d'après des analyses
sérieuses sur les tendances constantes de provenance et de destination,
il ressort qu'actuellement près de 3,500,000 véhicules
moteurs auraient profit à emprunter une voie directe
Lévis-Québec. Cependant, à cause du de- gré de
saturation atteint par ces bateaux-passeurs, il est prouvé que 9 fois
sur 10 les automobilistes devant se rendre sur la rive sud-est vont se jeter
dans le goulot du pont de Québec. Si, M. le Président, on regarde
ou on constate que les navires actuels, ceux d'hiver par exemple, peuvent
contenir environ 25 à 30 véhicules automobiles, que ceux
d'été peuvent se rendre à 30 ou 40 véhicules dans
le plus, quand il n'y a pas trop de camions-remorques.
Eh bien! on conçoit tout de suite que la capacité de ces
navires est complètement insuffisante actuellement.
De toute façon, l'arrêt temporaire et à brève
échéance, l'arrêt permanent des bateaux-passeurs vont
plonger des milliers et des centaines de milliers de gagne-petit dans une
situation intenable, préjudiciable et catastrophique dans plusieurs cas.
Le gouvernement réalise l'ampleur du problème et vient
d'être secoué par un autre choc. Le projet législatif
soumis fait figure à mon sens d'un cataplasme sur une jambe de bois,
c'est l'état d'urgence qui fait prendre conscience au gouvernement des
implications sociales et économiques que signifie la suspension
d'opérations des bateaux-passeurs. C'était, à mon sens,
prévisible cet état de choses, et ça aurait
été facile à prévenir si le gouvernement, il y a
plusieurs mois, s'était mêlé de la question et avait
apporté sa collaboration aux autorités municipales de
Québec et de Lévis.
D'ailleurs le gouvernement a été invité, à
quelques reprises et plus spécialement par une lettre du maire Hamel qui
aurait été adressée au premier ministre au mois de janvier
1964, dans laquelle il invitait le gouvernement actuel à
déléguer un observateur à la table des
délibérations du comité conjoint, comité conjoint
formé de membres, de conseillers et des maires des deux
municipalités. Or, à l'époque, le premier ministre avait
répondu qu'étant donné le projet d'un deuxième pont
à Québec, il ne voyait pas l'utilité d'envoyer un tel
délégué. Mais à tout événement
c'était prévisible depuis longtemps puisqu'on savait que, par les
amendements apportés, je crois en 1929, à la charte de ces
cités, il était prévu que le contrat d'exploitation se
terminait le 30 avril 1965. Eh bien! M. le Président, malgré
plusieurs invitations, soit par le maire Hamel, le maire de Québec, soit
par le maire de Lévis, soit par la Chambre de commerce de Lévis,
soit par la CSN, soit par l'Association du camionnage, le gouvernement n'a
jamais voulu intervenir de façon efficace et apporter sa pleine et
entière collaboration. Et loin d'être un problème local, un
lien direct entre les deux rives revêt un ca-
ractêre régional et rejoint d'une façon ou d'une
autre un secteur important de notre démographie provinciale.
Voilà pourquoi je conçois mal que le gouvernement,
acculé au mur par la conjoncture du présent immédiat et du
futur immédiat, ne trouve qu'un moyen expéditif et sans lendemain
pour régler, d'une façon inadéquate, insatisfaisante
à tout point de vue, le problème des communications entre les
deux rives. En adoptant la législation qui nous est soumise, mesure de
dernière heure et transpirant l'improvisation, nous engourdissons
simplement le malaise. Après avoir déclaré à
maintes reprises que le problème des communications entre les deux rives
était un problème local, et on m'avait informé que le
premier ministre avait même écrit au maire de Lévis...
M. LESAGE: Est-ce que vous avezlalettre?
M. LOUBIER: Voici, je m'explique sur la question. Et qu'on était
censé me remettre une copie de cette lettre le matin, comme je n'ai pas
reçu cette copie et qu'on me dit qu'on ne la retrouve pas,
évidemment je ne peux affirmer que le premier ministre a...
M. LESAGE: Non, ce qu'il y a d'écrit dans le texte que vous avez
remis aux journalistes.
M. LOUBIER: Le texte était préparé depuis hier,
alors c'était ce matin.
M. LESAGE: Vous l'avez remis aux journalistes en vous basant sur une
lettre que vous n'avez pas.
M. LOUBIER: Je fais la rectification, M. le Président.
M. JOHNSON: Le premier ministre a déjà le texte.
M. LESAGE: Je l'ai trouvé sur mon pupitre.
M. LOUBIER: Je faisais la rectification à l'effet qu'on m'avait
informé qu'il avait écrit une lettre à la cité de
Lévis, l'informant que c'était un problème local
devant...
M. LESAGE: Vous feriez mieux de lire la lettre au complet avant.
M. LOUBIER: ... être réglé par les autorités
locales.
M. LESAGE: En tout cas, vous lirez la lettre avant.
M. BELLEMARE: ... il lui a parlé tout à l'heure.
M. JOHNSON: Le premier ministre va lire la lettre tantôt.
M. LOUBIER: Nonobstant l'insuffisance notoire de l'action des
traversiers, nonobstant les mémoires et les enquêtes soumises au
gouvernement depuis des années l'exhortant à intervenir et
à collaborer à un projet adéquat, nonobstant l'imminence
de la crise actuelle, le gouvernement n'a rien fait pour prévenir et
pour remédier à cette situation inacceptable. Il attendait un
fait de Dieu ou une explosion des hommes. II l'a eue dernièrement avec
l'arrêt de travail concerté des capitaines et de leurs
seconds.
L'heure a maintenant sonné pour le gouvernement de planifier non
seulement sur papier, mais de traduire par son action dynamique et son souci,
dis-je, de gouverner en fonction du bien commun et en tenant compte des
impératifs présents et des besoins futurs. Comme impératif
immédiat, la mesure législative soumise me paraît
incomplète et irrationnelle. On forcera ainsi une corporation
privée à continuer un contrat qui est expiré depuis le 30
avril 1965. Et ça tout le monde le savait, tout le monde pouvait le
prévoir et, lorsqu'on avait l'occasion voulue et le temps de
prévenir cette situation, eh bien! le gouvernement ne faisait absolument
rien, attendait les événements.
En vertu des pouvoirs conférés par la Législature
il y a au-delà d'une trentaine d'années par le bill 167 qui
amendait la charte de la cité de Lévis, un comité conjoint
formé de fait par les maires de Lévis et de Québec et
quelques conseillers des deux conseils municipaux, jouissait du droit de voir
au maintien et au bon fonctionnement des traversiers en plus d'avoir
l'autorité voulue pour modifier le tarif. De plus, ce comité
conjoint avait la responsabilité de négocier un nouveau contrat
soit avec la compagnie actuelle, soit par voie de soumissions publiques et ce,
je le répète, deux ans avant l'expiration du présent
contrat au 30 avril 1965.
Pour différentes raisons, ce comité conjoint n'a pas
exercé ce droit et n'a pas rencontré cette responsabilité
et la raison majeure, raison qui s'explique facilement sur un plan
psychologique, cette inaction vient particulièrement de la promesse du
premier ministre qui, durant la campagne électorale de 1962, informait
la population de Lévis et, par ricochet la population de la Rive sud en
général, que le problème des communications entre les deux
rives, à son sens, serait définitivement réglé par
la construction d'un nouveau pont de Québec.
M. le Président, quatre ans se sont écoulés depuis,
il n'y a pas encore de pont. On l'a annoncé en grandes manchettes
à trois ou quatre reprises et encore sur le Soleil de mercredi dernier;
mais on prévoit qu'il ne sera pas ouvert à la circulation avant
la fin de 1967 ou au cours de 1968 et l'on peut prévoir, se servant de
l'expérience du passé, que ça peut retarder encore d'un an
ou deux.
Eh bien! M. le Président, en plus de cette promesse
irréalisée à date, et qui ne le sera vraisemblablement que
six, sept ou huit ans après sa formulation, les autorités de
Lévis, de Lauzon et de Québec, les autorités de 54 autres
municipalités de la Rive sud, de 28 Chambres de commerce ont
présenté un mémoire exhortant le gouvernement à
favoriser un projet, créant un trait d'union stable, permanent,
adéquat, entre les rives et autre que le deuxième pont
projeté.
On a cru que le gouvernement se rendrait de bonne grâce et
spontanément à cette requête. A la stupéfaction
générale, ce projet fut dédaigneusement rejeté.
Toutefois à l'époque le premier ministre laissa entrevoir
la vague éventualité de construire un pont entre l'Ile
d'Orléans et Beau-mont, en prenant bien soin, toutefois, de ne pas
appuyer fortement sur son affirmation. Et à l'époque, le premier
ministre avait prétendu qu'au point de vue technique, géologique
et financier, cette entreprise s'avérait beaucoup plus acceptable que
celle du projet de tunnel.
M. LESAGE: M. le Président, ai-je besoin d'abord d'invoquer le
règlement? Nous avons à discuter cet après-midi d'un
problème spécifique qui est l'arrêt d'un service public.
J'attire votre attention, M. le Président, sur l'article 556: « Le
débat sur toute motion de deuxième lecture doit être
restreint à la portée, à l'à-propos, aux principes
fondamentaux et à la valeur intrinsèque du bill pris dans son
ensemble ou à toute autre méthode d'atteindre les fins du bill.
»
Après que ce bill aura été adopté, nous
aurons un débat sur le discours du trône. Si à ce
moment-là, le député de Bellechasse désire
participer au débat et parler d'autres sujets comme d'un tunnel, d'un
pont, il le fera, il pourra le faire, c'est évident. Ce sera
débat sur le discours du trône et il peut être sûr que
je réitérerai, avec chiffres à l'appui, les objections
extrêmement sérieuses à l'encon-tre d'un projet de tunnel
entre Québec et Lévis que j'ai déjà
exprimées publiquement et dont je n'ai rien à retirer. Mais qu'on
s'en tienne, n'est-ce-pas, au principe du bill qui est devant nous et si on
veut discuter d'autres sujets, bien qu'on garde ces discussions, n'est-ce-pas,
pour le débat sur le discours du trône.
M. LOUBIER: M. le Président, si vous me permettez. Il est bien
évident que... il me semble que j'ai le droit d'exprimer des remarques
à l'effet que la mesure qui nous est soumise me semble insatisfaisante,
inadéquate et que j'ai le droit de dire pourquoi je la trouve
insatisfaisante et inadéquate en expliquant qu'évidemment la
législation soumise actuellement va régler dans l'immédiat
une situation qui est déplorable pour tout le monde, mais qu'il serait
temps pour le gouvernement de prévoir une mesure à long terme
pouvant régler de façon satisfaisante et définitive un
problème crucial de communication entre les deux rives.
M. LESAGE: Qu'on garde ça, M. le Président.
M. LOUBIER: Et ce ne sont que des remarques incidentes liées
directement au projet qui nous est soumis. Et je soumets humblement, M. le
Président, que je ne veux pas plonger dans le coeur même d'un
projet de tunnel ou d'un projet de pont entre Beaumont et l'Ile
d'Orléans, mais tout simplement rappeler par incidence que ce serait
là des moyens évidemment beaucoup plus acceptables, qui feraient
beaucoup plus plaisir à la population de la rive-sud, d'amorcer au moins
aujourd'hui, puisque l'on aune session spéciale justement dans l'optique
de remédier à un état de chose déplorable et en
même temps de prévoir ce qui va arriver dans l'avenir.
Or, M. le Président, devant d'abord le refus du projet qui avait
été soumis, du projet de tunnel, puis devant l'hésitation
à émettre la possibilité d'un pont île
d'Orléans-Beaumont pour on ne sait quand, le comité conjoint
Lévis-Québec n'a plus su où donner la tête et je
fais la même remarque que tout à l'heure, voulant être juste
avec le premier ministre, c'est que la lettre en question ne m'a pas
été remise et je ne voudrais pas l'invoquer.
Et après cet historique, je dois répéter que
l'attitude actuelle du gouvernement ne me paraît pas logique, ni
satisfaisante ni conséquente. Je dirais en argot légal que c'est
une procédure illusoire et frivole à sa face même.
Et puisque la situation actuelle revêt une importance au point de
convoquer les deux chambre, pourquoi, je le répète, ne pas
explorer deux solutions: l'une pour les besoins immédiats et l'autre
à long terme, pour régler de façon permanente ce dilemme?
Pour le mo-
ment, et cela presse, il est primordial d'assurer le maintien du service
actuel et là, le gouvernement a été forcément
obligé d'agir et il a bien fait de convoquer cette session pour
rétablir au plus tôt ce service public dont l'arrêt cause
des préjudices énormes et aux piétons et aux
automobilistes et aux industries et au commerce en général.
Il est bon de signaler toutefois que les navires en opération et
j'aimerais le signaler d'une façon spéciale, d'après les
informations que je détiens, les navires en opération
actuellement ne sont même plus classés dans le registre des
Lloyds, Conséquemment, leur degré de sécurité n'est
pas édifiant, il ne semble pas conforme aux exigences de la
sécurité publique et c'est à mon sens le devoir des
gouvernements fédéral et provincial d'y voir au plus tôt et
de ne pas attendre le choc d'une hécatombe.
Si l'on veut à tout prix maintenir ce moyen de transport, soit
par sentimentalisme, soit par obstination, il est urgent de prendre les mesures
requises pour que de nouveaux bateaux modernes et de capacité
triplée ou quadruplée assurent d'ici peu le service en question.
Qu'on le décide à une table ronde où seront conviés
les gouvernements, municipaux, des représentants du gouvernement
provincial, même des représentants de corps intermédiaires
ou encore que le gouvernement provincial en prenne l'initiative lui-même
s'il en a le droit ou s'il peut se donner ce droit.
D'autre part, même avec des traversiers modernes et plus
volumineux, l'occasion nous est fournie de prévoir une mesure à
long terme et de situer tout le problème dans ses véritables
perspectives. Personne ne peut nier la nécessité de communication
adéquate entre les deux rives, peu importe la nature ou la localisation
de ce moyen. Que ce soit un tunnel, que ce soit un pont, que ce soit n'importe
lequel moyen et qu'on décide de le localiser à l'endroit qui, au
point de vue financier ou au point de vue de l'accomodation serait le plus
acceptable, qu'on le fasse, mais ce n'est sûrement pas le deuxième
pont siamois projeté qui va tout régler. Loint de là.
Lorsqu'il sera terminé, dans x années, le volume de circulation
à ces endroits aura augmenté de 30 à 40% au moins, de
sorte que les deux ponts atteindront leur capacité normale de
circulation. D'ailleurs, cette affirmation découle de projections
statistiques que l'on retrouve dans le rapport du Bureau métropolitain
de l'industrie et du commerce de Québec Inc. et qui veulent qu'en 1970,
les deux ponts seront insuffisants pour assurer une circulation normale et dans
les cadres d'une sécurité routière acceptable. D'ailleurs,
que l'on considère que le volume de circulation en 1956 au pont de
Québec était environ de 3 1/2 millions de véhicules, qu'en
1962, ce chiffre a passé à près de 6 millions ou un peu
au-delà de 6 millions et qu'en 1972, il atteindra près de 17
millions selon ces mêmes projections.
C'est ainsi que ce deuxième pont siamois n'aide aucunement
à résoudre le problème dans son entier et encore moins en
ce qui concerne les citoyens de Québec, Lévis, de la rive sud-est
ou nord-est, pour tout ce secteur important de la population, les complications
sociales, économiques vont s'accentuer à chaque année. Il
faut tenir compte que 50% de ce volume de circulation a comme lieu de
provenance ou de destination, selon les études faites par le bureau de
l'Industrie et du commerce métropolitain de Québec, qui a
basé également son assertion sur d'autres témoignages
recueillis, eh bien! il est évident qu'il faut tenir compte, dis-je, que
50% de ce volume de circulation a comme lieu de provenance et de destination
Québec, Lévis, la rive sud-est ou nord-est, et vice-versa, donc
des millions d'automobilistes qui n'ont aucun intérêt à
faire un détour de 10, 15, 20 milles, à perdre une heure, une
heure et demie, deux heures de leur temps, à également aller
gonfler le flot de la circulation à la sortie des ponts de Québec
et à causer ainsi, à provoquer un étranglement de la
circulation. Or pourquoi ne pas résoudre toutes les équations de
ce problème? Pourquoi attendre qu'une autre secousse sociale ou
économique vienne sortir les autorités gouvernementales de leur
léthargie?
Pourquoi ne pas profiter de cette session spéciale pour rassurer
la population intéressée en lui faisant part de l'intention du
gouvernement de permettre au moins à des entreprises privées
responsables et solvables d'assurer, après des analyses techniques,
géologiques, financières, etc...
M. LESAGE: Ne me dites pas que je dois me lever encore.
M. LOUBIER: ... la réalisation prochaine du projet d'un
tunnel?
M. LESAGE: On s'écarte complètement du sujet.
M. LE PRESIDENT: Le premier ministre a souligné avec raison,
n'est-ce pas, que les règlements, la règle 556 doit s'appliquer
et s'en tenir aux principes fondamentaux et à la valeur
intrinsèque du bill. J'ai laissé faire le député de
Bellechasse mais je crois qu'il a pu exposer son point, alors s'il voulait
revenir aux principes, nous pourrions sauver du temps.
M. LOUBIER: M. le Président... M. BELLEMARE: L'article le
dit.
M. LOUBIER: Actuellement, je pense que l'on devrait profiter de la
présente session pour donner espoir à la population d'un
règlement, d'une solution à long terme également, en plus
du projet soumis. Que risque la province à ce moment-là? Si le
gouvernement veut s'en laver les mains, jouer au ponce-pilate, qu'il ait au
moins la décence de ne pas paralyser ceux qui veulent agir à leur
risque et péril!
C'est incroyable et fantastique de constater que le gouvernement ne
mette même pas de l'avant un projet quelconque pour résoudre ce
problème majeur. Peu importe encore une fois la nature ou la
localisation de ce projet. La présente législation est du pur
replâtrage et le peuple serait en droit d'attendre une mesure plus
énergique et plus efficace, du moins il serait en droit d'exiger que le
gouvernement ne refuse pas l'autorisation d'agir à ceux qui veulent
agir.
Par l'incurie, l'insouciance, l'imprévoyance du gouvernement,
Lévis, Québec, les rives sud-est et nord-est seront
étouffées et isolées par des murs physiques qui
empêcheront la promotion et le développement commercial et
industriel et serviront à détériorer de façon
déplorable les conditions sociales d'une partie fort appréciable
de notre belle province.
Le gouvernement se fait ainsi le complice de l'appauvrissement et du
ralentissement économique de 25 comtés de la province et frustre
des centaines de milliers de citoyens, pour la plupart des gange-petit,
c'est-à-dire des citoyens qui n'auraient pas le moyen de payer pour
l'inaction et l'incompréhension du gouvernement. M. le Président,
la législation qu'on nous soumet, évidemment, je suis le premier
à la seconder et à la supporter puisqu'elle va régler
momentanément le problème actuel de paralysie ou de manque,
d'absence de communication entre les deux rives.
Il était urgent que le gouvernement intervienne, mais il est tout
aussi urgent que le gouvernement agisse de façon et gouverne pour
prévoir et prévenir et non pas attendre d'être sous le coup
d'un choc ou d'une secousse sociale pour se déterminer à
légiférer pour le plus grand bien-être de la population et
afin que nous ayons entre les deux rives des communications qui
répondent aux exigences et aux besoins de l'heure, de 1965.
M. ROY: M. le Président, comme repré- sentant du
comté de Lévis à cette Assemblée, je puis assurer
le gouvernement que, par le bill numéro 1 qui est devant nous, la
population de la rive sud et de l'est du Québec est heureuse de la prise
de position et de l'intervention du gouvernement dans le règlement du
transport par eau entre les villes de Québec et de Lévis.
Depuis quelques semaines, les usagers et les employés des
bateaux-passeurs sont inquiets en ce qui a trait à l'arrêt des
services entre les deux rives. Aujourd'hui, la Législature est
appelée à adopter une loi affectant les compagnies de transport
par navigation, loi ayant pour but de maintenir un service par traversier entre
Québec et Lévis. Le problème de circulation entre les
rives nord et sud est crucial et d'extrême importance et peut, par un
arrêt prolongé du service, compromettre, en plus de la
santé et de la sécurité publiques, l'économie de la
région de l'est du Québec et même celle de notre province,
lorsque l'on constate que le seul lien par circulation rapide qui existe
présentement entre les deux rives est l'actuel pont de
Québec.
M. le Président, j'aimerais répondre à certaines
considérations qui ont été apportées par le
député de Bellechasse. Je crois qu'il aurait été
préférable pour lui d'aller aux sources de renseignements au lieu
de parler de « placotage » ou de nouvelles rapportées ici et
là. Il a mentionné dans son exposé et laissé douter
que les bateaux-passeurs n'étaient pas inspectés suffisamment et
pouvaient être un danger pour la population.
M. LOUBIER: M. le Président, je regrette... sur un point
d'ordre...
DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre!
M. LOUBIER: ... je regrette infiniment que le député de
Lévis me prête de tels propos.
M. BERNATCHEZ: C'est un texte préparé.
M. LOUBIER: J'ai dit tout simplement que les bateaux-passeurs actuels
avaient un minimum de sécurité. Je n'ai jamais parlé
d'inspection... qu'ils n'étaient pas inspectés parce que je sais
tout aussi bien que lui que ces bateaux doivent être inspectés
annuellement ou à peu près par des inspecteurs du
Fédéral. Mais ils peuvent se contenter, par exemple, d'une
sécurité minimum alors que la sécurité publique
devrait exiger une sécurité maximum dans de telles
circonstances.
DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre!
M. ROY: M. le Président, il aurait été assez
facile, pour le député de Bellechasse de se rendre à
l'évidence, soit en demandant à la Commission des transports du
Fédéral les renseignements nécessaires à cette fin
ou à l'administration de la compagnie la Traverse de Lévis.
Il a eu d'autres critiques à apporter sur les communications qui
existent entre les deux rives. Cependant, j'aimerais attirer son attention sur
le fait que, de 1944 à 1960, jamais le gouvernement qui a dirigé
la province dans cette période ne s'est occupé de cette question
qui intéresse la rive nord et la rive sud du Saint-Laurent.
M. LOUBIER: M. le Président, si vous me permettez, c'est
absolument faux de prétendre...
DES VOIX: A l'ordre!
M. LOUBIER: ... que le gouvernement, de 1944 à 1960, ne s'est
jamais préoccupé de ce problème puisqu'en 1950 et
1952...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordrel M. PINARD: A l'ordre! Il
faudrait...
M. LOUBIER: ... alors que le gouvernement du temps qui
élargissait le pont de Québec actuel, alors qu'il...
M. LE PRESIDENT: A l'ordrel A l'ordre! Le député de
Bellechasse...
M. LOUBIER: ... n'y avait seulement que trois millions d'automobilistes,
alors qu'aujourd'hui il y en a dix millions. Les problèmes ont
changé...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LOUBIER: Il y a 30 ans, c'était des chevaux aussi.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que le député de Bellechasse a un
point d'ordre à soulever?
M. LOUBIER: Oui, j'avais un point d'ordre, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Quel point d'ordre?
M. LOUBIER: Le point d'ordre, c'est que le député de
Lévis affirmait d'une façon très catégorique que
jamais le gouvernement antérieur n'avait fait quoi que ce soit pour
améliorer le service de communication entre les deux rives et c'est
faux.
M. LE PRESIDENT: Que le député de Lévis fasse son
discours. Le député de Bellechasse a eu l'occasion de faire le
sien. Alors je demanderais qu'il le laisse faire.
M. LOUBIER: M. le Président, si les choses que le
député de Lévis dit ne sont pas fondées, il ne faut
tout de même pas le laisser aller.
M. LAPORTE: M. le Président, j'invoque le règlement. Il
est admis depuis toujours que parce qu'on diffère d'opinion avec celle
qu'exprime un autre député, ce n'est pas un point d'ordre
ça. Ce n'est pas un point d'ordre...
M. LOUBIER: Ce n'est pas...
M. LAPORTE: Vous avez fait votre discours. Votre temps, M. le
Président, est épuisé; d'autres députés
auront l'occasion de répondre et c'est clair dans notre règlement
que, différer d'opinion avec son collègue qui parle, ce n'est pas
une raison pour susciter un point d'ordre.
M. LOUBIER: M. le Président, si vous me permettez, je ne
diffère pas d'opinion, ce sont les faits qui sont là, il faut
respecter au moins les faits. Ce n'est pas une question d'opinion, il a dit que
rien ne s'était fait alors qu'il y a quelque chose qui s'est fait.
M. LAPORTE: C'est une question d'opinion ça.
M. LOUBIER: Ce n'est pas une opinion, c'est une question de fait.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre.
M. ROY: M. le Président, j'aimerais aussi apporter une nouvelle
rectification aux avancés du député de Bellechasse,
lorsqu'il a dit que le bill que nous avons devant nous, c'était la
continuation d'un contrat. Cependant, j'aimerais plutôt qu'il comprenne
que c'est la continuation d'un service public. M. le Président, faisant
face à un arrêt de service par la Traverse de Lévis, le
gouvernement a pris la décision rapide et énergique de convoquer
les Chambres et de solutionner immédiatement ce problème
d'intérêt commun et légiférer en même temps
pour tout cas semblable qui pourra se présenter à l'avenir.
J'espère, M. le Président, que
les députés discuteront objectivement ce problème
qui nous est soumis pour le solutionner dans le meilleur intérêt
de la population.
J'aimerais à vous lire, M. le Président, un
communiqué de presse en date du 22 octobre 1965, provenant de la
Canadian Merchants Service Guild Inc. Je cite: « Les capitaines et les
seconds capitaines de La Traverse de Lévis Ltée viennent de
prendre connaissance du projet de loi que le gouvernement a soumis ce matin
à la Législature. Ce projet de loi vise entre autres à
permettre au lieutenant-gouverneur en conseil de nommer un administrateur pour
gérer les biens d'un service de transport par navigation qui est
interrompu lorsque l'interruption de service met en danger la santé ou
la sécurité publique. Il faut évidemment prévoir
que le Lieutenant-gouverneur en conseil nommera un administrateur pour le
service de traversiers entre Québec et Lévis dès que le
projet de loi aura été adopté.
Nous sommes certains que cet administrateur sera disposé à
reprendre sans délai et de bonne foi les négociations avec notre
Association en vue d'en arriver à une entente équitable sur les
conditions de travail des capitaines et des seconds capitaines. Dans les
circonstances, les capitaines et les seconds capitaines, pleinement conscients
de leur obligation à l'égard du public, ont unanimement
décidé cet après-midi de mettre fin à leur
arrêt de travail et de reprendre leur fonction dès la nomination
d'un administrateur par le lieutenant-gouverneur en conseil ».
M. le Président, je puis vous assurer...
M. BELLEMARE: Du « timing ».
M. ROY: ... que lorsque cette nouvelle se répandra dans la
région la population qui est affectée par ce transport sera
très heureuse et remerciera le gouvernement de sa prise de position.
A la suite des considérations, je suis en faveur de l'adoption du
bill no 1 en deuxième lecture.
M. BOUDREAU: M. le Président, je voudrais faire entendre la voix
du comté de St-Sauveur et ajouter quelques mots au débat
présent. Nous avons entendu ce matin le premier ministre nous faire
l'historique de l'affaire, nous avons entendu aujourd'hui le
député de Bellechasse et le député de Lévis
parler tous les deux du côté économique et du
côté technique. Je voudrais en quelques mots parler du
côté pratique de l'affaire et représenter au gouvernement
que pas un Québécois et pas un Lévisien ne doit res- ter
insensible au malaise qui frappe la population des deux rives par l'arrêt
du service de la Traverse de Lévis. On aura beau invoquer d'un
côté et de l'autre les raisons qu'on voudra, qu'on le veuille ou
qu'on ne le veuille pas, il reste un fait brutal, c'est que les bateaux sont
arrêtés et que le public souffre de cet arrêt de
travail.
M. LESAGE: Arrêtez de parler...
M. BOUDREAU: Oui, attendez.
M. BERTRAND: Arrêtez de parler là-bas.
M. LESAGE: Arrêtez de parler et ça va être fini.
M. BERTRAND: Le député de Matane veut parler
après.
M. LAPORTE: Le député de Matane? il n'est pas là,
il n'est pas ici.
DES VOIX: A l'ordre.
M. BERNATCHEZ: ... nous parler des élections municipales.
M. BOUDREAU: M. le Président... M. LESAGE: Dorchester...
M. BOUDREAU: ... c'est moi qui ai demandé la parole.
M. LE PRESIDENT: Le député de St-Sauveur a la parole.
M. LAPORTE: Cela va retarder la séance.
M. BOUDREAU: Mais arrêtez de parler si vous voulez que je
parle.
M. le Président, il y a des centaines de travailleurs de
Lévis et de Québec qui prennent tous les jours le bateau pour se
rendre à leur travail, il y a des centaines d'étudiants qui vont
d'une rive à l'autre pour se rendre au collège, à
l'université, aux écoles techniques et il y a aussi des camions,
il y a des voyageurs qui arrivent régulièrement par les trains
à Lévis, qui viennent pour prendre lebateau aussi et qui sont
forcés par l'arrêt du service de se servir de la seule voie de
circulation disponible qui est le pont de Québec.
M. le Président, il est urgent que le gouvernement tente par une
loi de régler cette question-là. Si mes informations sont bonnes,
le
contrat qui existe actuellement entre la Traverse de Lévis et le
comité conjoint des deux villes expirait au mois d'avril dernier.
M. LESAGE: Je l»ai dit ce matin.
M. BOUDREAU: Oui, attendez. Et si mon information est bonne encore, ce
contrat-là stipulait que deux ans avant la fin du contrat les parties
intéressées étaient avisées, et j'ai en main
l'information que le premier ministre a été prévenu par la
ville de Québec qui lui demandait alors de considérer la Traverse
de Lévis comme un tronçon du réseau routier et de voir
immédiatement à régler le problème avant
l'expiration du contrat.
Apparemment, rien n'a été fait encore et c'est par une loi
qu'on nous apporte aujourd'hui qu'on tente de régler le problème.
Je pense, M. le Président, que si cette loi avait été
amenée devant le Parlement il y a deux ans et votée en
prévision de ce qui arrive aujourd'hui, nous aurions un argument entre
les mains qui ferait réfléchir les intéressés et
ceux qui veulent l'arrêt des services de la Traverse de Lévis.
M. le Président, le premier ministre disait, ce matin, que le
gouvernement se doit d'assurer la sécurité du public de la
province de Québec.
Il a le devoir d'exiger qu'un règlement soit fait
immédiatement. Le fédéral a déjà pris ses
responsabilités et le gouvernement provincial, de concert avec les deux
villes intéressées, prend aujourd'hui, même s'il est un peu
tard, les moyens de garantir un service qui donnera satisfaction aux
résidents et aux travailleurs des deux rives. En conséquence, M.
le Président, je suis en faveur de cette mesure, je suis heureux de voir
arriver cette mesure-là aujourd'hui et avec mon parti,
évidemment, avec la Chambre, nous allons voter avec grand plaisir cette
loi.
M. PINARD: Cela, c'est bien!
M. O'FARRELL: M. le Président, tout d'abord je dois vous
féliciter de votre nomination comme président ou Orateur de cette
Chambre. M. le Président, des centaines...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. O'FARRELL: Est-ce que le député de Missisquoi veut
faire un discours maintenant? Je n'ai jamais interrompu le député
de Missisquoi ni aucun autre député en Chambre...
M. JOHNSON: Non, non...
M. BERTRAND: Le premier ministre a dit qu'on retardait l'adoption de la
loi, c'est le premier ministre qui a dit ça tantôt.
M. O'FARRELL: II n'a pas dit que c'était moi; il a dit que
c'était vous! M. le Président, des centaines de citoyens de mon
comté...
M. BERTRAND: C'est comme ça qu'il l'a compris.
M. O'FARRELL: ... de Dorchester ont été affectés
très sérieusement depuis lundi par l'arrêt de la traverse
de Lévis. Des gens de toutes les classes de la société ont
souffert de l'arrêt des traversiers et en ce moment je dois vous dire
qu'au nom de tous mes électeurs du comté de Dorchester, je veux
féliciter le gouvernement d'avoir pris les mesures nécessaires
pour assurer le service entre Québec et Lévis et pour ne pas
retarder le débat, je dois vous dire que je voterai pour le bill no 1
avec grand plaisir.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que d'autres députés veulent
exercer leur droit de parole?
M. JOHNSON: M. le Président, très brièvement, sans
passion...
M. LAPORTE: Là, ça va retarder! M. BERNATCHEZ: Sans
Pinard!
M. JOHNSON: ... sans « pinage, » sans trop d'accrochages,
j'espère, M. le Président, avec la coopération des membres
de votre droite...
M. LAPORTE: Je pense que vous pouvez être inquiet tout le tour,
là.
M. JOHNSON: ... je voudrais faire quelques remarques, qui, je le crois,
s'imposent à l'occasion de cette session spéciale et de la
présentation de ce bill. Nous pourrons parler, évidemment, des
motifs de convocation de la session lorsque nous prendrons en
considération le discours du trône.
Je voudrais dire tout de suite au premier ministre publiquement ce que
je lui ai dit privément. Nous sommes d'accord avec le gouvernement sur
plusieurs points. D'abord sur la convocation d'une session. Aucun de nous n'a
d'objection lorsque le gouvernement juge qu'il est d'intérêt
public de réunir l'Assemblée législative, aucun de nous
n'a d'objection à con-tremander ses engagements, à refaire sa
feuil-
le de route pour venir accomplir son devoir comme
législateur.
Le gouvernement a jugé que la situation qui prévaut depuis
lundi dernier par suite de l'arrêt de travail qui a donné comme
conséquence l'arrêt des bateaux entre Lévis et
Québec, le gouvernement, dis-je, a jugé que c'était
là une situation qui exigeait la réunion des Chambres afin
d'amender certaines lois. Encore là, M. le Président, nous en
sommes. A plus forte raison qu'à plusieurs reprises durant la
dernière session régulière alors qu'un million de
personnes par jour étaient incommodées par une grève
à Montréal, nous avions tenté de faire intervenir le
gouvernement pour que la grève se règle le plus tôt
possible. Un million d'usagers des autobus de Montréal se trouvaient
privés d'un service normal et pendant quatorze jours, sans qu'il n'y ait
eu aucune intervention du gouvernement, ces gens ont dû subir des
inconvénients majeurs. Mais dans le temps j'avais blâmé le
gouvernement de ne pas agir, il est donc normal aujourd'hui que je le
félicite d'avoir agi même si le problème est en termes
absolus moins grave évidemment qu'en termes relatifs il est aussi
grave.
Je voudrais féliciter le député de Bellechasse qui
s'est donné la peine lui, contrairement au député de
Lévis, de s'informer de recueillir des chiffres, des renseignements et
certains documents publics afin d'établir que cette loi, si elle est
bonne en principe, nous discuterons des détails en troisième
lecture, est quand même insuffisante et sa thèse c'est qu'il
s'agit d'un cataplasme sur une jambe de bois.
La population, demain, lorsque l'administrateur aura été
nommé sera encore desservie par des bacs, des traversiers
inadéquats qui ne sont pas, comme l'a démontré le
député de Bellechasse, qui ne sont pas classés au point de
vue sécurité par les Lloyds. C'est-à-dire des bateaux
tellement peu équipés au point de vue sécurité que
les Lloyds...
M. LESAGE: M. le Président...
M. JOHNSON: ... les Lloyds ne les ont pas classés, ce qui veut
dire...
M. LESAGE: Ils sont en excellent état. M. JOHNSON: ... qu'il
faut...
M. LAPORTE: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. PINARD: Hors d'ordre.
M. LAPORTE: Ce que l'on s'apprête à faire est d'abord hors
d'ordre et deuxièmement c'est très dangereux.
M. LESAGE: Oui. C'est faux.
M. LAPORTE: Premièrement, on ne discute pas actuellement de
savoir si les bateaux sont ou ne sont pas « seaworthy »...
M. LESAGE: C'est évident.
M. LAPORTE: ... ce n'est pas ça. Le bill ne se rapporte
absolument pas à ça. Et deuxièmement, est-ce que le chef
de l'Opposition qui, de son siège de chef de l'Opposition, croit qu'avec
des renseignements fragmentaires c'est le moment, au moment où nous
prenons les moyens pour rétablir le service, de jeter la panique dans le
public. Je dis que c'est d'abord hors d'ordre ce qu'il fait actuellement et
deuxièmement, je vous demande, M. le Président, de ne pas
permettre de débat fait sans preuve, sans témoin, avec des
demi-renseignements et qui peut être...
M. LESAGE: C'est épouvantable de la part d'un chef de
l'Opposition de dire des choses comme ça alors que ce sont des bateaux
qui ont leur licence, qui ont leur permis d'opérer. Il faut manquer de
la responsabilité la plus élémentaire.
M. LOUBIER: Voyons donc!
M. JOHNSON: M. le Président, il faudrait dire ça au
président de la Chambre de commerce de Lévis d'abord...
M. LESAGE: Non, c'est au chef de l'Opposition que je le dis.
M. JOHNSON: ... qui a fait cette cause devant la régie.
M. LESAGE: M. le Président, je proteste.
M. JOHNSON: Le procès de laTraverse de Lévis a
été fait publiquement devant la Régie des services
publics, la Régie des transports et communications.
M. LESAGE: J'invoque le règlement.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: J'ai ici l'ordonnance de la Ré-
gie des transports et la cause n'a pas été faite du tout
sur la question de savoir si les navires étaient, pour se servir du
terme usuel, « seaworthy », pas du tout. Si le chef de l'Opposition
n'est pas au courant, moi je le suis et je suis au courant de plus que les
navires sont en excellent état et encore pour plusieurs années
à venir, dix, quinze et même vingt ans. Alors, le chef de
l'opposition n'a pas le droit, avec la responsabilité de ses fonctions,
de se lever sans renseignement, sans savoir ce qu'il dit et de risquer de jeter
la panique dans la population surtout alors qu'il parle contrairement au
règlement.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. JOHNSON: Est-ce que le premier ministre est au courant que les Lloyds
n'ont pas voulu classer...
M. LESAGE: Peu importe les Lloyds. Ce sont les lois canadiennes quant au
licenciement des navires et à leur permis d'opérer qui comptent
et ces navires opèrent sous permis, permis qui sont émis en vertu
de règlements extrêmement sévères.
M. JOHNSON: On sait ce que ça veut dire des navires
classés. Il y a une sécurité minimum...
M. LESAGE: C'est hors d'ordre. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. JOHNSON: Vous allez me donner la chance au moins de répondre
au premier ministre.
M. LESAGE: Bien oui, je vous répondais...
M. JOHNSON: Le premier ministre est sorti un peu du règlement si
toutefois tout ça est hors d'ordre.
M. LESAGE: Vous savez bien que des bateaux qui n'ont pas la permission
d'opérer, s'ils ne sont pas « seaworthy », ne peuvent pas
opérer.
M. JOHNSON: Ils ont la permission d'opérer comme un homme qui
n'est pas complètement en santé peut se faire assurer mais doit
payer une surprime. Est-ce que c'est clair, ça?
M. LESAGE: Cela n'a rien à faire dans le discours.
M. JOHNSON: C'est le cas des bateaux de la Traverse de Lévis.
M. LESAGE: Cela n'a rien à faire dans la discussion.
M. JOHNSON: Mais il y a une chose évidente, c'est que demain,
malgré la loi, les gens vont se trouver avec le même service dont
ils se plaignaient hier et dont l'insuffisance a été clairement
établie par le député de Bellechasse et à l'aide de
chiffres qu'il a donnés.
M. LESAGE: M. le Président, je regrette, j'invoque le
règlement. Nous revenons toujours à la même objection. Cela
n'a rien à faire avec le principe du bill.
M. LE PRESIDENT: J'ai rendu une décision tout à l'heure
à l'occasion de digressions faites par le député de
Bellechasse et la même décision tient en ce moment. Il faudrait
parler du principe du bill.
M. JOHNSON: Je sais que vous allez me permettre au moins de
répondre au député de Lévis. Le
député de Lévis a dit, entre autres choses: « La
population est heureuse de la prise de position du gouvernement. »
Entendons-nous. La population est certainement heureuse et nous aussi de la
reprise de la circulation entre la rive sud et la rive nord par bateaux.
Magnifique!
M. GERIN-LAJOIE: C'est le seul objet du débat aujourd'hui.
M. BELLEMARE: Le premier ministre fait de l'allergie.
M. JOHNSON: Cependant, le député de Lévis, vous
allez vous en souvenir, a dit tantôt qu'il ne s'était rien fait
entre 1944 et 1960 pour l'amélioration de la circulation.
M. LESAGE: Il répondait au député de
Bellechasse.
M. JOHNSON: Ce n'est pas exact. A ce moment-là, le leader de la
Chambre a dit:« D'autres députés ont droit de parole et
pourront répondre au député de Lévis. » C'est
ce que je fais brièvement. En 1956, comme l'a dit le
député de Bellechasse, le pont de Québec véhiculait
3 1/2 millions de véhicules moteur, en 1962, la circulation
s'établissait à environ 6 millions et, d'après les
projections des experts,
il devra recevoir une circulation, les deux ponts ensemble, de 17
millions. Donc, 8 1/2 millions par pont.
M. le Président, en 1952, et je donne des chiffres approximatifs
cependant pour cette année-là, la circulation sur le pont
était d'environ deux millions de véhicules. Or, c'est à ce
moment-là que le gouvernement du temps, avec des budgets modestes, a
donné une capacité additionnelle au pont de Québec
d'environ 60% d'après les experts. Le ministre de la Voirie pourra
donner des précisions, c'est peut-être 55. Mais on a quand
même, à ce moment-là augmenté la capacité de
circulation sur le pont de Québec. Mais de 1960, alors que la
circulation en était rendue à cinq millions, à venir
jusqu'en 1965 et même jusqu'en 1970, avant que le pont ne soit
terminé, le gouvernement actuel n'aura rien fait pendant 9 ans pour
améliorer les conditions entre la rive nord et la rive sud.
M. LESAGE: M. le Président... M. PINARD: A l'ordre, à
l'ordre! M. JOHNSON: Devant l'inaction... M. PINARD: A l'ordre.
M. JOHNSON: Tout ce qu'on a, c'est un petit bill aujourd'hui et j'ai le
droit de dire que ce bill est décevant. Quand le député de
Lévis dit; la population de la rive sud est heureuse de la prise de
position du gouvernement, je dis que non.
UNE VOIX: Deux ans en retard.
M. LESAGE: C'est bon, on va faire un référendum.
M. JOHNSON: La population de Lévis, M. le Président, comme
la population de Québec et la population des comtés de Dorchester
et de tous les comtés qui sont desservis par cette traverse de
Lévis, est déçue de voir qu'on a aucun espoir de solution
efficace et rapide pour de réelles bonnes communications entre la rive
nord et la rive sud, que ce soit par un service de bacs ou de
bateaux-traversiers améliorés, par un pont additionnel du
côté est ou par un tunnel.
M. LESAGE: M. le Président, nous ne sommes pas...
M. JOHNSON: M. le Président, je dis et j'ai droit de dire
combien de fois ne l'a-t-on pas dit par toutes les oppositions qui nous ont
précédés que le bill est décevant en ce sens
qu'il ne règle pas le problème dans son entier. M. le
Président, ce bill est décevant parce qu'il ne donne aucun espoir
d'amélioration entre la rive nord et la rive sud, sauf une
amélioration par rapport à ce qui existe depuis lundi matin.
C'est tout. Et si ce bill est nécessaire c'est encore un aspect
qu'on a toujours permis à l'opposition et même au pouvoir de
discuter en deuxième lecture si ce bill est nécessaire,
comme l'a dit tantôt le député de Bellechasse, c'est
à cause de l'incurie du gouvernement, de la négligence du
député de Lévis...
M. PINARD: A l'ordre, à l'ordre. M. BELLEMARE: Ah, voyons
donc
M. JOHNSON: ... du député de Dorchester, du ministre de la
Voirie et du premier ministre, M. le Président.
M. BERNATCHEZ: Et du ministre d'Etat, tantôt.
M. LESAGE: Petit politicien! M. JOHNSON: M. le Président... M.
PINARD: Petit politicien! M. JOHNSON: Non. M. LESAGE: petit politicien! M.
JOHNSON: M. le Président...
M. BERNATCHEZ: Le ministre d'Etat serait calme.
M. JOHNSON: Je suis calme quand j'ai affaire à des gens polis, M.
le Président.
M. LESAGE: Je parlais tout bonnement.
M. JOHNSON: Mais quand j'entends l'honorable ministre de la Couronne,
comme le ministre de la Voirie, dire « petit politicien », je
trouve, M. le Président, que ce n'est pas gentil. C'en est un autre qui
va dégringoler.
M. LESAGE: II n'y a jamais personne qui pourra dégringoler aussi
vite que le chef de l'Opposition dans l'opinion publique.
M. BELLEMARE: Ah, ça...
M. JOHNSON: Ah, ça va être dur de battre la
dégringolade du premier ministre, à la vitesse où il
dégringole dans certains milieux.
M. LESAGE: Si vous saviez combien je suis inquiet non pas pour moi mais
pour l'Opposition. Je suis obligé de parler à mes amis pour
qu'ils disent un bon mot de temps à autre pour qu'elle ne tombe pas.
M. BELLEMARE: pauvre toi! M. JOHNSON: M. le Président...
M. LESAGE: Pour ne pas créer un vacuum. Pleurez sur
vous-mêmes, mes frères.
M. BELLEMARE: Les terres du Far West.
M. JOHNSON: M. le Président, si ces choses sont vraies, je suis
donc mal pris d'en être réduit à me faire recommander par
le premier ministre.
M. LESAGE: On va voir!
M. BELLEMARE: Il y a du patronage jusque la!
M. JOHNSON: Cessez de faire du patronage. M. le Président, le
gouvernement actuel a-t-il juridiction, oui ou non, pour améliorer le
service de traversiers? Je dis oui. Et je donne des exemples. L'exemple de
l'Ile du Prince-Edouard n'est pas un exemple qui s'applique exactement mais on
peut dire que dans d'autres juridictions...
M. LESAGE: Non, mais c'est entre deux provinces. Je l'ai dit ce matin
que nous avions juridiction.
M. JOHNSON: C'est évident! Entre deux provinces...
M. LESAGE: J'ai tout expliqué ça, ce matin.
M. JOHNSON: ... pour desservir une population de 100,000 âmes
à l'Ile-du-Prince-Edouard, 100,000 de population, le gouvernement
fédéral vient de décider, depuis 1958 mais
là les soumissions ont été demandées; l'approche
des élections ça hâte un peu les...
UNE VOIX: Ah! ce n'est pas fait!
M. JOHNSON: ... ça hâte un petit peu les travaux
$145 millions pour faire une jetée. Je ne dis pas que le gouvernement
fédéral a tort.
M. LESAGE: On n'est pas pour faire une jetée entre Québec
et Lévis. Tout de même.
M. JOHNSON: M. le Président, je ne dis pas que le gouvernement
fédéral...
M. LESAGE: Voyons donc! Il faut être sérieux!
M. JOHNSON: ... mais je dis, M. le Président,...
M. LESAGE: Voyez-vous les gens de Montréal!
M. JOHNSON; Au contraire, M. le Président,...
M. BERTRAND: Bien il y en a un. Le pont de la Concorde, entre l'Ile
Ste-Hélène...
M. LESAGE: Oui, mais il n'y a pas de bateaux qui passent en dessous!
M. BERTRAND: Ils passent ailleurs.
M. JOHNSON; Je dis, M. le Président, que les citoyens...
UNE VOIX: Ici, ce serait différent!
M. LESAGE: C'est difficile de les faire ailleurs ici.
M. JOHNSON: ...de l'Ile-du-Prince-Edouard ont le droit, comme tous les
autres Canadiens d'avoir légalité des services. Mais je dis que
les gens de Québec et du grand Québec métropolitain comme
des gens de la rive sud ont droit, eux aussi, comme tous les autres citoyens de
la province de Québec et du Canada, d'avoir un service adéquat.
Le pont actuel n'est pas adéquat. Le deuxième pont sera
déjà insuffisant lorsqu'il sera terminé et nous serons
encore, après le présent projet de loi, avec le même
système désuet de bateaux-passeurs.
M. le Président, le premier ministre veut-il un exemple de
juridiction provinciale? C'est celui de la Colombie-Britannique où il y
avait un système d'entreprise privée, comme dans le
présent cas, système opéré...
M. LESAGE: Entre l'île de Vancouver et Victoria.
M. JOHNSON: ... par le Pacifique Canadien entre Vancouver et l'île
Victoria. Or, quand le service s'est avéré Insuffisant, M. le
Président, quand il y eut une grève, précisément
une grève des employés des bateaux-passeurs du C.P.R., entre
Vancouver et Victoria, qu'a
fait le gouvernement de la Colombie-Britannique?
M. LESAGE: Est-ce que le chef de l'Opposition me permet une question sur
ce point?
M. JOHNSON: Bien sûr!
M. LESAGE: Est-ce que le chef de l'Opposition pourrait dire à la
Chambre quel est le nombre de milles qu'il y a entre la ville de Victoria et le
quai du bateau-passeur nouveau d'une part et le nombre de milles entre le quai
du côté continental et le centre de la ville de Vancouver d'autre
part?
M. JOHNSON: M. le Président...
M. LESAGE: N'est-il pas vrai que c'est environ trente à quarante
milles?
M. JOHNSON: ... là n'est pas le problème. M. LESAGE: Ah!
Oui, mais...
M. JOHNSON: C'est le principe que je veux illustrer.
M. LESAGE: Alors, par le pont de Québec c'est beaucoup moins
long.
M. JOHNSON: Quand un gouvernement d'une autre province a constaté
que les citoyens de cette province n'avaient pas un service adéquat par
l'entreprise privée, il ne s'est pas contenté d'apporter un
projet de loi dont nous discuterons de la nature en comité
plénier et en troisième lecture, il ne s'est pas contenté
d'apporter un projet de loi qui rétablirait un service insuffisant, mais
il a créé un service suffisant qui a causé un
énorme développement économique...
M. LESAGE: Est-ce que je pourrais poser une question?
M. JOHNSON: ... économique et touristique pour l'île de
Vancouver. Pardon?
M. LESAGE: Est-ce que l'on traverse des piétons sur ce
traversier?
M. JOHNSON: M. le Président, bien sûr qu'on...
M. LESAGE: Il n'y a aucune compraison possible. Je l'ai pris il y a
trois semaines le bateau-passeur.
M. JOHNSON: M. le Président, on traverse les piétons, oui,
on traverse les piétons.
M. LESAGE: Qui embarquent dans les automobiles, oui.
M. JOHNSON: Ah non, M. le Président, on les prend à
l'intérieur, au centre de la ville de Vancouver, on les transporte en
autobus...
M. LESAGE: Sur à peu près 15 à 20 milles.
M. JOHNSON: Us n'ont même pas, M. le Président, à se
déranger, ils sont débarqués de l'autre côté
et tout ça pour une somme très modique, M. le Président,
une somme très modique et ça prend trè peu de temps
à cause de bateaux-passeurs plus modernes. Mais je ne veux pas entrer
dans les détails, là n'est pas le problème. C'est le
principe d'un gouvernement qui agit et d'un autre qui fait semblant d'agir. M.
le Président, un gouvernement qui fait semblant d'agir...
M. BERNATCHEZ: Cournoyer s'en va. Le Crédit social s'en vient,
mais Cournoyer s'en va.
M. JOHNSON: M. le Président, un gouvernement qui fait semblant
d'agir, en voulez-vous la preuve? Il y aura deux ans au mois de janvier que le
gouvernement a été placé devant une invitation de
s'occuper de ce problème. On a exposé devant, pas n'importe qui,
on a exposé devant le premier ministre la situation exacte. Et j'aurais
aimé ce matin entendre le premier ministre nous dire ce qu'il a fait
depuis ce temps-là...
M. LESAGE: J'aurais violé le règlement, M, le
Président.
M. BERNATCHEZ: Cela va être la première fois?
M. JOHNSON: Alors, sans viol, il pourra, M. le Président,
tantôt dans sa réplique nous expliquer.
M. LESAGE: Non, non, je ne violerai pas le règlement.
M. JOHNSON: Le 28 janvier 1964, le premier ministre s'est vu adresser
une lettre qui se lit comme suit:
« Honorable Jean Lesage, Premier ministre de la province,
Hôtel du gouvernement, Québec 4.
Monsieur le Premier ministre, « Le comité conjoint
institué par la charte de la cité de Québec pour
étudier l'octroi du contrat de la traverse entre Québec et
Lévis s'est réuni à mon bureau lundi, le 27 janvier. Comme
le contrat actuel entre les villes de Québec et Lévis et la
Compagnie de la Traverse de Lévis Ltée expire le 30 avril 1965,
le comité est à se demander quelle attitude il devrait adopter
quant au maintien du service de la traverse étant donné
l'incertitude qui existe actuellement au sujet des mesures que le gouvernement
de la province se propose de prendre pour améliorer les moyens de
communications entre Québec et la rive sud du St- Laurent. «
Depuis la conclusion du contrat actuel, il y a 35 ans, les conditions ont
complètement changé. A cette époque-là, la traverse
était en somme un service purement local appelé à
desservir les populations des deux rives du St-Laurent, mais le comité
estime qu'en raison surtout de l'expansion de l'automobile comme moyen de
transport, il ne peut plus être considéré maintenant
strictement comme une voie de communication entre Québec et
Lévis, mais bien comme un tronçon de réseau routier
provincial tombant ainsi, au moins partiellement, sous la juridiction de la
province. « Comme il est urgent de décider ce qu'il adviendra du
service de la traverse à l'expiration du contrat actuel, le
comité m'a chargé de communiquer avec vous pour vous demander
s'il vous serait possible de lui faire connaître les intentions
prochaines du gouvernement en ce qui concerne l'amélioration des moyens
de communications entre Québec et la rive sud du St-Laurent. Il y aura
une autre réunion du comité le lundi, 17 février 1964,
à 10.30 a.m. à mon bureau, à l'Hôtel de ville, et le
comité vous serait infiniment reconnaissant si vous pouviez lui
communiquer votre réponse avant cette réunion. Les membres du
comité considèrent que la province a maintenant un
intérêt direct à la solution de ce problème de la
traverse entre Québec et Lévis. Us m'ont chargé en
même temps de vous demander que le gouvernement délègue
à cette réunion des représentants dûment
mandatés pour étudier avec eux tous les aspects des
communications entre Québec et la rive sud du St-Laurent et en
particulier la situation à laquelle il faudra faire face lorsque prendra
fin le contrat actuel de la traverse en 1965. « Avec mes remerciements,
je vous prie, M. le Premier ministre, d'agréer l'expression de mes
meilleurs sentiments.
Wilfrid Hamel, maire de Québec ».
M. le Président, voici le président du comité
conjoint chargé par les statuts de la province d'administrer le contrat
de la Traverse de Lévis qui dit le 28 janvier 1964, M. le premier
ministre...
M. LESAGE: ... C'était sur les journaux dans le temps.
M. JOHNSON: ... c'est important ce problème-là.
M. LESAGE: C'était sur les journaux.
M. JOHNSON: Ce n'est plus un problème local, il y a une
incertitude quant au plan du gouvernement et M. le maire Hamel disait: «
Le comité est à se demander quelle attitude il devrait adopter
quant au maintien du service de la Traverse étant donné
l'incertitude qui existe actuellement au sujet des mesures que le gouvernement
de la province se propose de prendre pour améliorer les moyens de
communication entre Québec et la rive Sud du St-Lau-rent ». Il y
avait de l'aveu de M. Hamel, en janvier 1964, et M. Hamel parlait, au nom du
comité conjoint, de l'incertitude au sujet des mesures que le
gouvernement de la province se propose de prendre.
Voici des gens au pouvoir depuis 1960, en 1964 il y avait encore de
l'incertitude quant aux mesures que le gouvernement que j'ai devant moi devait
entreprendre pour améliorer des relations, les communications
essentielles et vitales entre la rive Nord et la rive Sud à la hauteur
de Québec et des environs. Qu'a fait le gouvernement depuis le 28
janvier 1964?
M. BERTRAND: La politique de l'autruche. M. BELLEMARE: Une politique de
grandeur.
M. JOHNSON: A-t-il répondu à cette lettre, s'il a
répondu à cette lettre, quel est le sens de cette réponse?
M. le Président, les gens de Lévis et de Québec ont
entendu en 1960 le chef du parti libéral promettre que le
problème serait réglé entre la rive Nord et la rive Sud.
Les organismes comme les Chambres dé commerce, les corps
intermédiaires comme le Québec métropolitain, le bureau du
commerce et de l'industrie du Québec métropolitain ont fourni au
gouvernement toutes les données né-
cessaires, toutes les statistiques nécessaires, tous les rapports
de sociologues, de démographes, de géologues,
d'économistes, d'experts en circulation routière, pour que le
gouvernement prenne une décision et mette fin à l'incertitude qui
existait encore au mois de janvier 1964.
M. le Président, le député de Lévis ose se
lever dans cette Chambre et dire que la population de son comté est
heureuse, M. le Président....
M. BERNATCHEZ: Il ne le répétera pas chez lui,
ça.
M. JOHNSON: ... elle est heureuse comme quelqu'un qui est privé
de l'essentiel et à qui on remet l'essentiel, mais un essentiel qui
n'est qu'un minimum pour le confort, même des piétons, minimum
pour le confort des automobilistes dont neuf sur dix, ça
été établi, prennent le chemin du pont de Québec
parce qu'il faut attendre un, deux, trois et des fois quatre bateaux à
certains moments, minimum...
M. BERNATCHEZ: ... répétez ça dans le comté
de Lévis.
M. JOHNSON: ... quant à la sécurité, on l'a
établi; minimum quant à l'efficacité, quand on se rappelle
que des passagers ont dû passer, trois quatre, cinq et six heures, et
même toute une nuit sur les bateaux à la dérive. M. le
Président,...
M. BERNATCHEZ: Qu'il aille dire ça dans le comté de
Lévis.
M. JOHNSON: M. le Président, à force d'être dans la
misère il y a des gens qui disent qu'on est bien dans la misère.
On a pu, pendant peut-être un certain temps, faire croire ça
à certains secteurs de la population mais c'est fini ça. Les
communications entre deux groupes aussi importants numériquement et
économiquement et socialement que les groupes de la rive nord et la rive
sud, sont à un degré tellement bas que je ne connais pas
d'exemple pareil à travers tout le Canada. Il y a de meilleures
communications entre des agglomérations moins considérables et
mois importantes dans des provinces moins riches, économiquement moins
développées que la nôtre. M. le Président, le
député de Missisquoi me cause une distraction en me
suggérant de faire appel au nouveau ministre du Tourisme...
M. BELLEMARE: Il doit dormir. Est-il réveillé? Ah! oui, il
est réveillé.
M. JOHNSON: ... pour améliorer le service entre Québec et
Lévis. Je ne veux pas parler...
M. GERIN-LAJOIE: A l'ordre!
M. JOHNSON: ... de choses moins importantes au moment où nous
voulons réellement contribuer, ne serait-ce qu'en attirant l'attention
du public sur la situation réelle, nous voulons contribuer non seulement
à la reprise du service qui est essentiel mais à
l'amélioration du service qui est nécessaire pour le
bien-être de la population, bien-être sous tous les aspects mais
particulièrement sous l'aspect économique. C'est
récemment, le mardi 19 octobre, on lisait dans l'Evénement le
titre suivant: « Le réseau routier: un lourd handicap pour la rive
sud », par Benoit Harvey. Selon le président du syndicat
industriel de St-Romuald, les difficultés de la circulation forment
actuellement le handicap le plus sérieux à surmonter quand on
veut inciter les financiers à investir dans la région. M.
Paul-Emile Dubé, qui est gérant du syndicat depuis vingt ans, a
déclaré hier...
M. LAPORTE: M. le Président, j'invoque le règlement.
Est-ce qu'on peut, comme ça, en partant du traversier de Lévis,
parler de la circulation? peut-être qu'à un moment donné on
va dire qu'il y a également le danger d'incendie à Québec,
c'est un autre danger et comme ça passer tous les services
gouvernementaux, M. le Président.
M. JOHNSON: Je n'aurais pas parlé de Darabaner, c'est le ministre
qui...
M. PINARD: A l'ordre!
M. LAPORTE: Bien la meilleure façon de ne pas en parler c'est de
vous taire sur ce sujet-là, c'est encore la meilleure façon.
Est-ce que je peux vous demander, M. le Président, d'inviter le chef de
l'Opposition à s'en tenir à ce que nous étudions
actuellement, c'est-à-dire le principe d'une loi modifiant une loi pour
permettre au gouvernement de nommer un administrateur lorsqu'un service de
transport par navigation veut cesser ses opérations s'il n'a pas obtenu
la permission de la Régie des transports. C'est ça qu'on discute,
M. le Président, il ne s'agit pas des moyens de circulation autour ou
dans Québec, pas du tout.
M. BERNATCHEZ: Vous avez parlé d'incendies, c'est Darabaner.
M. JOHNSON: C'est le premier ministre,
ce matin, qui a parlé des dangers d'incendie. Il a donné
un exemple qui est frais à la mémoire de tous les membres de
cette Chambre. Mais vous savez, M. le Président, vous qui siégez
dans cette Chambre depuis 1960,...
M. BERNATCHEZ: Pas tout le temps!
M. JOHNSON: ... quand vous n'étiez pas en voyage, service
commandé comme représentant du gouvernement et de la
Législature même, vous savez que nous avons le droit, à
l'occasion de la deuxième lecture, de déclarer notre
désappointement devant un projet de loi qui n'est pas assez complet. Si,
ce matin, le premier ministre nous avait dit; « Bien c'est un premier
pas, nous allons mettre au point pour la prochaine session
régulière un projet de loi qui verra à développer,
à donner à la population des deux rives un service
adéquat, soit par tunnel, par pont additionnel ou par un meilleur
service de traversiers ». Nous n'aurions pas soulevé le point mais
le premier ministre n'a même donné aucun espoir qu'il y aurait
d'autres choses que le rétablissement d'un service que tout le monde,
à commencer par les Chambres de commerce, trouve inadéquat et
c'est décevant. C'est décevant pour nous, comme c'est
décevant pour la population de la rive sud.
Le premier ministre a parlé de juridiction ce matin et il a
soulevé avec raison un aspect du problème extrêmement
important, celui de la compétence respective du fédéral et
du provincial, et je voudrais ici remercier le premier ministre d'avoir
versé au dossier un historique objectif de tout le problème. Mais
il me permettra peut-être de, compléter ce qu'il a dit ce matin
et, deuxièmement, de faire quelques remarques qui découlent de la
prise de position que le bill nous donne, nous demande de prendre.
Il y a tout de même quelque chose d'irrationnel dans la situation
suivante. Il suffit qu'une compagnie s'incorpore à Ottawa, même
pour des fins provinciales, pour que, du même coup, la province, selon
l'aveu du premier ministre ce matin, selon l'opinion qu'il a exprimée;
son opinion est basée...
M. LESAGE: Sur un jugement de la cour Suprême.
M. JOHNSON: ... sur un jugement de la cour Suprême, pour que la
province perde des moyens...
M. LESAGE: Le droit d'exproprier...
M. JOHNSON: ... entre autres le droit d'exproprier...
M. LESAGE: Non, non, le droit d'exproprier des actions, c'est ce que
j'ai dit ce matin.
M. JOHNSON: ... perde certains moyens efficaces de s'acquitter de son
devoir.
M. LESAGE: Cela vient de se produire, ça vient d'être rendu
ce jugement-là.
M. JOHNSON: M. le Président, c'est peut-être un argument,
c'est très probablement même et très clairement, dans mon
esprit à moi en tout cas, un autre argument en faveur d'une constitution
nouvelle ou d'amendements majeurs. Je ne veux pas entrer
là-dedans...
M. LESAGE: Non, je pense que non.
M. JOHNSON: Je n'ai pas d'objection, mais je sais que ce serait...
M. LESAGE: Je serais prêt à recommencer pendant cinq heures
si vous voulez là-dessus.
M. JOHNSON: Le premier ministre a-t-il changé d'opinion
incidemment depuis qu'il est allé dans l'Ouest?
M. LESAGE: Pardon?
M. JOHNSON: Est-ce qu'il a changé d'opinion?
M. LESAGE: Quelle opinion? M. BELLEMARE: Fulton.
M. LESAGE: Ah! c'est ça, ah bon! demain matin; les questions
demain matin. La Gazette en a suggéré tout une série ce
matin. Lisez la Gazette de ce matin, vous aurez votre série de
questions.
M. BELLEMARE: II a copié ça du Nouvelliste.
M. LESAGE: Est-ce que le Nouvelliste a été inspiré
par le député de Champlain?
M. BELLEMARE: Ah oui!
M. LESAGE: Ah bon! On sait où est le cerveau du parti
maintenant.
M. GERIN-LAJOIE: II fait surtout bien des
détours pour atteindre son chef, il passe par les journaux.
M. LESAGE: Vous passez par le Nouvelliste, ça passe par la
Gazette pour suggérer des questions à votre chef.
UNE VOIX: A l'ordre.
M. JOHNSON: M. le Président...
M. LESAGE: C'est ce qui arrive quand on est hors d'ordre.
M. JOHNSON: ... il est tout de même irrationnel que la province
perde sa compétence parce que les promoteurs d'une compagnie
décident de s'incorporer à Ottawa plutôt qu'à
Québec. Il y a là un problème qui devrait être
réglé d'une façon ou de l'autre. Restons dans le vague,
afin de ne pas soulever de débat hors du sujet.
On le sait, cette Traverse de Lévis a été
incorporée en 1910 par les lettres patentes fédérales, ce
qui, d'après le premier ministre, nous empêcherait, nous priverait
du droit d'exproprier. Cependant, M. le Président, la législature
a donné au comité conjoint de la cité de Lévis et
de la cité de Québec par le chapitre 110 des pouvoirs
extrêmement larges.
L'article 16 du chapitre 110 de 1930 se lit comme suit: «
L'article 367, chapitre 3, est remplacé par le suivant », il
s'agit, comme on le sait, de la charte de la ville de Québec, 19 George
V, chapitre 95 et je cite, 367: « Le droit d'adopter et préparer
des règlements pour mettre à effet les pouvoirs
conférés par la loi à la cité de Québec et
la cité de Lévis relativement à la Traverse entre cette
cité et la cité de Lévis sera exercé conjointement
par leur conseil de la manière suivante et ce à compter de
l'expiration de tout contrat existant pour la traverse entre les deux
cités. Un comité conjoint composé de trois membres choisis
par le conseil de la cité de Québec et de trois membres choisis
par le conseil de la cité de Lévis, convoqué par le maire
de la cité de Québec ou le maire de la cité de
Lévis ou deux membres de ce comité dans la cité de
Québec, dans un délai raisonnable d'au moins deux ans avant
l'expiration du contrat actuel et l'octroi d'un nouveau contrat aura seul le
pouvoir d'adopter des règlements concernant les conditions dudit
contrat, l'octroi et le prix de la licence de la traverse, la fixation des taux
de péage, du fret et des passagers et autres conditions que ce
comité conjoint jugera à propos d'imposer. »
M. le Président, si la province a à ce mo- ment-là
délégué de tels pouvoirs à un organisme qui
s'appelle un comité conjoint de membres de la cité de
Québec et de la cité de Lévis, la province, il y a lieu de
le présumer, les a ces pouvoirs. Mais j'irai plus loin. En vertu d'un
jugement de l'honorable juge Brossard alors qu'il était juge de la Cour
supérieure on sait qu'il est maintenant sur le banc de la Cour
d'appel en vertu d'un jugement du juge Brossard dans une cause de la
compagnie de Téléphone Bell, il est statué que la province
a juridiction sur les employés d'une compagnie à charte
fédérale et ce jugement n'a pas été porté en
appel. Je dis donc que depuis deux ans à compter du 30 avril 1965, donc,
depuis le 30 avril 1963, la province savait que le contrat expirait, la
province savait que la ville de Québec et la ville de Lévis par
le comité conjoint, devaient renégocier un contrat avec la
même compagnie ou demander des soumissions ou réorganiser toute
l'affaire. Comme la province ne bougeait pas, le président du
comité conjoint, le maire de la cité de Québec, comme je
l'ai démontré tantôt, a, par lettre du 28 janvier,
demandé au premier ministre de la province: « Quelle est votre
attitude? Nous sommes dans l'incertitude dans le bail. » La province
n'aurait pas répondu. Le premier ministre n'aurait pas répondu,
le gouverne ment n'aurait rien fait, la cité de Lévis et la
cité de Québec ont été laissées
complètement dans le vague. Les administrateurs municipaux,
considérant que le problème débordait les cadres de
problèmes normalement municipaux, les administrateurs de la cité
de Lévis et de la cité de Québec ont demandé en
vain l'aide de Québec même d'observateurs, et nous sommes
aujourd'hui devant une situation choc, comme l'a si bien dit le
député de Bellechasse qui a enfin secoué le gouvernement
et le gouvernement nous a réunis en session, nous a apporté un
bill dont le seul effet, est de rétablir, pour une période de
temps indéterminée, le service imparfait, inadéquat de
traversiers entre la rive nord et la rive sud qui fait partie d'un
réseau très simple: un pont et un système de
traversiers.
Service inadéquat évidemment, service dont on ne sait pas
comment et quand il sera amélioré, une loi, en somme,
décevante au maximum, aussi décevante que les actes du
gouvernement dans plusieurs autres domaines dont j'aimerais tant parler
aujourd'hui.
M. LAPORTE: Ayez du « retiens bien »!
M. JOHNSON: Je suis habitué au « retiens bien »! M.
le Président, je dis donc...
M. GERIN-LAJOIE: On ne demandera pas d'explication!
M. JOHNSON: ... que la loi est peut-être nécessaire. Je dis
que la loi en principe même est nécessaire. Quant aux
modalités, nous en discuterons après avoir recueilli, je
l'espère, des explications additionnelles lors de l'étude en
comité plénier, nous réservant évidemment de
critiquer de nouveau la loi en troisième lecture, s'il y a lieu, mais
j'aimerais que le premier ministre, au moment de sa réplique, nous dise
qu'il va se faire quelque chose de plus que le rétablissement d'un
service inadéquat.
M. LESAGE: Il y a un deuxième pont qui est en construction.
M. JOHNSON: Je pense qu'il serait peut-être bon...
M. LESAGE: Ma réplique est faite, il y a un deuxième pont
en construction.
M. JOHNSON: Qui sera terminé quand?
M. LESAGE: Aussitôt que possible. Pensez-vous qu'un tunnel,
ça va aller plus vite? Cela prendrait sept, huit ans.
M. JOHNSON: M. le Président...
UNE VOIX: Pourquoi ne l'avez-vous pas commencé?
M. JOHNSON: ... c'est le premier ministre qui dit: « Pensez-vous
qu'un tunnel ça va aller plus vite » ?
M. LESAGE: Bien, évidemment que non, c'est impossible; il y a des
failles dans le Saint-Laurent.
M. JOHNSON: Que le premier ministre nous explique donc pourquoi...
M. LESAGE: M. le Président, je serais hors d'ordre si je le
faisais.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. JOHNSON: Lui, qui a fait faire des études sur tous les
problèmes imaginables, il veut se contenter de son opinion à
lui...
M. LESAGE: M. le Président, je regrette infiniment. C'est hors
d'ordre et puis ce n'est pas mon opinion, c'est l'opinion d'ingénieurs
compétents. Je l'ai dit à plusieurs reprises, c'est
complètement hors d'ordre. Je n'ai pas mon dossier ici, je vais
l'envoyer chercher et puis quand viendra le temps, sur les crédits du
ministère des Travaux publics ou de la voirie, à la prochaine
session, de discuter de cette question-là, j'en discuterai pour la
nième fois.
M. JOHNSON: M. le Président...
M. LESAGE: C'est d'un ridicule que d'essayer de faire penser aux gens
qu'il peut y avoir un tunnel entre Québec et Lévis, mais d'une
extrémité du tunnel à revenir à Lévis,
ça va prendre plus de temps que faire le tour par le pont de
Québec, à cause de la pente, du dénivellement, il me
semble qu'il n'est pas nécessaire d'être un grand
mathématicien ni un homme bien intelligent pour comprendre
ça.
M. BELLEMARE: Bon, c'est très bien. UNE VOIX: Mais le pont
n'avance pas.
M. JOHNSON: Le premier ministre vient de classer comme imbécile
toute une série d'ingénieurs très sérieux...
M. LESAGE: Non, non, non, mais pensez à la pente...
M. JOHNSON: ... qui se sont prononcé en faveur d'un tunnel.
M. LESAGE: Il y a 180 pieds d'eau, puis il y a toute la falaise, puis il
ne faut pas que vous ayez une pente de plus, un maximum absolu de 5%; pensez
à la longueur, où ça va aboutir.
UNE VOIX: On va aller au ciel!
M. LESAGE: Vous n'êtes pas ici sur un terrain plat comme à
l'Ile Charron, non, et vous n'êtes pas à un endroit où vous
avez le minimum de profondeur pour la voie navigable. Vous avez 180 pieds d'eau
plus des falaises de centaines de pieds. Voulez-vous penser au
dénivellement nécessaire pour un tunnel, s'il vous
plaît?
M. COURNOYER: Cela dépend où il veut aller.
M. JOHNSON: M. le Président, alors tous les ingénieurs qui
disent qu'un tel tunnel est possible...
M. LESAGE: Mais oui, mais ça sortirait plus loin; ce serait aussi
loin en automobile que de passer par le pont actuel...
M. JOHNSON: Mais voyons donc. Le premier ministre n'est pas
sérieux?
M. LESAGE: Bien oui! ça irait de l'autre côté de la
nouvelle route Transcanadienne.
M. BERTRAND: Bien oui, mais ce n'est pas dix milles.
M. JOHNSON: Ce n'est pas seize milles ça.
M. LESAGE: Non, mais du centre de Lévis par exemple, c'est
autant; puis il faudrait d'abord que ça sorte dans le quartier
Saint-Roch à Québec, en plein trafic, il faudrait détruire
tout le vieux Saint-Roch pour construire des trèfles du
côté de Québec; puis de l'autre côté il
faudrait aller sortir en arrière de la nouvelle route transcanadienne.
Qu'est-ce que ça va donner aux gens de Lévis qui travaillent au
parlement, entre vous et moi?
M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre a
peut-être raison dans tout ce qu'il dit...
M. LESAGE: Bien tiens!
M. JOHNSON: ... mais ça serait tellement plus convaincant...
M. LESAGE: C'est moi le Québécois, vous, vous êtes
de Saint-Pie, monsieur.
M. JOHNSON: Si c'était un rapport d'ingénieurs...
M. LESAGE: Je n'en ai pas besoin. Je n'ai pas besoin d'un rapport
d'ingénieurs. Vous savez ce que...
M, JOHNSON: Un rapport sérieux préparé par des
hommes sérieux et compétents en la matière qui
contrediraient point par point, j'espère,...
M. LESAGE: Ce n'est pas tout le monde qui vient de St-Pie où il y
a des terrains plats...
M. JOHNSON: ... les prétentions de ceux qui ont soumis des
mémoires...
M. LESAGE: ... les terrains plats de St-Pie!
M. JOHNSON: ... à l'effet contraire, au soutien d'un tunnel. Mais
à tout événement, le premier ministre, s'il est contre un
tunnel, pourrait nous dire si oui ou non il envisage un pont, soit à la
hauteur de Québec, soit à l'est de Québec...
M. LAPORTE: Ce n'est pas le moment.
M. JOHNSON: ... s'il envisage aussi la possibilité d'un service
de traversiers améliorés. Le premier ministre a l'air de tenir
pour acquis que le service actuel c'est un service qui ne pourrait pas
être amélioré.
M. PINARD: Il n'a pas dit ça!
M. JOHNSON: M. le Président, on en a vu ailleurs, des services de
traversiers tellement plus efficaces, plus rapides que le présent
service que nous avons et que nous allons rétablir.
M. LESAGE: Si vous voulez parler du service...
M. JOHNSON: La province pourrait, M. le Président, entrer dans ce
domaine-là...
M. LESAGE: Il est clair, monsieur le Président...
M. JOHNSON: ... le premier ministre a-t-il songé?
M. LESAGE: Est-ce que le chef de l'Opposition me permet une
question?
M. JOHNSON: Le premier ministre répondra tantôt!
M. LESAGE: Est-ce qu'il me permet une question? Cela va être
tellement plus simple, je n'aurai pas besoin de répondre
tantôt.
M. JOHNSON: D'accord!
M. LESAGE: Est-ce qu'il s'imagine, pour un instant, que l'administrateur
n'étudiera pas ce qui est justement à l'étude par la
compagnie, ce qui était à l'étude par la compagnie:
l'amélioration du service des traversiers? Il faudrait savoir, pour
commencer, quelle pourrait être la contribution du gouvernement
fédéral à la construction de nouveaux quais. Et puis
ça, c'est tout un travail. Et puis avant le 8 novembre, je pense que
c'est difficile, il me semble, de communiquer avec le gouvernement
fédéral
pour savoir quel sorte de nouveau système d'installation on peut
avoir. A savoir si c'est le chef de l'Opposition à qui je demanderai de
communiquer ou bien si c'est moi qui communiquerai.
Il n'a pas compris!
M. JOHNSON: Le premier ministre a-t-il l'intention de faire des
élections provinciales avant Noël?
M. LESAGE: Non, non. Je me servirais du chef de l'Opposition comme ami
et suppor-teur d'un des partis détestés dans la province de
Québec. Si par hasard le reste du pays élisait ce parti...
M. BERTRAND: C'est lui!
M. JOHNSON: Le premier ministre entrevoit-il même la
possibilité que M. Pearson soit battu?
M. LESAGE: Non, je n'entrevois pas ça!
M. JOHNSON: Le premier ministre n'a pas l'air certain!
M. LESAGE: Non, mais j'ai voulu...
M. JOHNSON: Lepremier ministre branle!
M. LESAGE: Ah non! Mais j'ai voulu purement et simplement...
M. BERTRAND: Il n'a pas déclaré...
M. LESAGE: ... montrer la situation à un
député...
M. BERTRAND: Vous n'avez pas déclaré votre appui.
M. LESAGE: Pardon?
M. BERTRAND: La dernière fois, vous l'aviez appuyé
publiquement. Vous ne le faites pas cette fois-ci!
M. LESAGE: Est-ce que vous voulez que je le fasse?
M. BERTRAND: Ah ça, ça vous regarde!
M. LESAGE: Ce que j'ai dit, M. le Président, c'est que je ne
pouvais pas participer à la campagne électorale, mais si on veut
que de mon siège je déclare publiquement mon appui au meilleur
gouvernement, à la meilleure alter- native qui existe, qui est
l'alternative du parti de M. Pearson à Ottawa, je le fais avec grand
plaisir en cette Chambre, mais je ne participe pas à la campagne
électorale.
DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre! M. BERTRAND: Un appui agonisant!
M. LAPORTE: Pensez-y à cette...
M, GERIN-LAJOIE: Maintenant, faites votre choix!
M. LAPORTE: Mais vous, êtes-vous prêt à vous
déclarer publiquement pour M. Diefenbaker?
M. LESAGE: Je retourne ma question. Est-ce que le chef de l'Opposition
est prêt à donner le même appui public à monsieur
Diefenbaker?
UNE VOIX: A la noirceurl
M. LESAGE: Publiquement, à la clarté!
M. BERTRAND: On n'écoute pas! C'est un parti provincial!
M. DOZOIS: Il n'y a pas de lien!
M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre vient de faire
un acte de foi..,, Le premier ministre a pris ses responsabilités...
M. LESAGE: Et vous, prenez-les!
M. JOHNSON: Cela va venir! Il a dit, M. le Président, « Le
chef de l'Opposition...
UNE VOIX: ... le parti de l'Union nationale encore!
UNE VOIX: Répétez, on n'a pas comprisl
M. JOHNSON: ... pourrait peut-être m'aider... ou va-t-il appuyer
le parti le plus détesté dans Québec? » C'est
ça?
M. LESAGE: Oui, c'est ça!
M. JOHNSON: L'alternative qu'ont les gens, c'est peut-être
d'appuyer un parti détesté, mais d'autre part, le parti de
monsieur Pearson, c'est un parti joliment vicié.
DES VOIX: Oh, oh!
M. LESAGE: Vicié par qui?
M. JOHNSON: Banks, Bonanno, Rivard.
M. LESAGE: La cour Suprême a rejeté une certaine demande de
permission d'appeler...
M. BELLEMARE: Dupuis, Asselin...
M. LESAGE: M. le Président, est-ce que je pourrais, si on veut
salir, pourrais-je souligner que la cour Suprême a rejeté une
demande de permission d'appeler d'un certain M. Talbot, ce matin.
M. BELLEMARE: Asselin, lui?
M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre compare des
petites choses avec des grandes. Il le fait avec une indélicatesse qu'il
va regretter d'ailleurs...
M. LESAGE: Vous êtes mieux de faire attention.
M. JOHNSON: Le premier ministre sait bien et toute la population,
que...
M. BERTRAND: La colère vous conseille mal.
M. LESAGE: Non, je ne suis pas du tout... j'invoque une question de
privilège, M. le Président: je ne suis pas du tout en
colère. Mais si le chef de l'Opposition décide de faire du
sa-lissage en Chambre, je suis en mesure de lui répondre en me servant
d'exemples dans son propre parti. Je pense qu'il est mieux de faire attention
à ce qu'il dit.
M. JOHNSON: M. le Président, si on veut parler de Darabaner, des
souscriptions des faillis frauduleux à la caisse libérale...
DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre!
M. LESAGE: M. le Président, j'invoque le règlement. Il n'y
a jamais eu de preuve à l'effet qu'il y a eu des souscriptions
électorales par des faillis frauduleux, même à l'Union
nationale.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: Et Dieu sait que c'est là qu'elles seraient
allées.
M. LE PRESIDENT: Je crois que la dis- cussion nous a
entraînés un peu loin et j'insisterais pour que tous les membres
de cette Chambre reviennent à l'étude du bill en deuxième
lecture. Le chef de l'Opposition a la parole.
M. JOHNSON: M. le Président, je vais lâcher Banks,
Bonanno...
M. LESAGE: Prenez donc le bateau.
M. JOHNSON: ... Rivard...
M. LAPORTE: Prenez le bateau.
M. JOHNSON: Comment ç'a débuté tout ça?
M. LAPORTE: Bien oui, bien on aimerait savoir comment ça va finir
aussi, qu'on revienne au bill. C'est ça qui est le mieux dans les
circonstances.
M. COURNOYER: Vous avez failli finir deux fois.
M. JOHNSON: M. le Président, je pense que le premier ministre
regrettera d'avoir mis dans le même bateau l'honorable Antonio Talbot et
Hal Banks...
DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre!
M. JOHNSON: ... et Bonanno, et d'autres que le ministre de la Justice
connaît. Je pense qu'on...
M. LESAGE: Ce n'est pas moi qui les ai mis dans le bateau, c'est
vous.
M. JOHNSON: ... s'entend, je pense que le premier ministre demain le
regrettera; peut-être avant Mais le premier ministre parlait d'un parti
détesté, j'ai parlé d'un parti vicié. On m'a
demandé des détails, M. le Président et vous me
connaissez, je suis toujours prêt a prouver, à appuyer par des
détails. Si on n'en veut pas avoir, qu'on ne m'en demande point.
M. le Président, je disais donc que le premier ministre a atteint
l'un des buts de la convocation de la session, c'était de réparer
vis-à-vis M. Pearson...
M. BERTRAND: On le provoque, puis il tombe dans le panneau.
M. JOHNSON: ... de réparer son omission à ce jour. Dans
tous les journaux du Canada, on a dit; « Mais c'est drôle, cette
année le
premier ministre de la province de Québec est l'un des rares
premiers ministres provinciaux qui n'appuie pas le chef fédéral.
Alors que du côté conservateur, Robarts, Roblin, Stanfield, Shaw
appuient...
M. LE PRESIDENT: Bill numéro 1.
M. JOHNSON: ... et du côté libéral..., voyez M. le
Président, on ne veut pas que je réponde à la question du
premier ministre, c'est vous là qui me coupez, et lorsqu'il m'a
posé une question. Alors, le premier ministre qui n'a pas encore
complètement abdiqué, malgré le succès relatif de
sa visite dans l'Ouest, ses ambitions fédérales, voudrait bien
réparer et il vient de le faire. J'espère que tous les journaux
vont annoncer cela partout. Alors les libéraux de l'Ouest vont dire:
« Well, maybe we could support him when comes a convention to choose a
successor to Mr. Pearson ». Dans le fond, c'est ça, ça
vient d'être réglé, je suis très heureux d'avoir
fourni au premier ministre l'occasion de l'avoir réglé.
UNE VOIX: Et vous?
M. JOHNSON: Moi? Est-ce que je dois répondre, M. le
Président?
M. LE PRESIDENT: Bill numéro 1.
M. JOHNSON: Mais est-ce que je dois répondre, M. le
Président?
UNE VOIX: Bill No 1.
M. JOHNSON: Est-ce que je dois répondre?
M. LESAGE: Vous le savez, il va voter bleu comme d'habitude.
M. JOHNSON: Chef d'un parti exclusivement provincial...
UNE VOIX: C'est ça.
M. LESAGE: Qu'est-ce que le député de l'Islet faisait
à côté de Diefenbaker?
M. JOHNSON: ... pas obligé de faire croire, M. le
Président, qu'on fait chambre à part, parce qu'on le fait pour
vrai nous autres, et on n'a pas de porte communicante.
M. BERTRAND: Oh non!
M. JOHNSON: La Fédération libérale
fédé- rale et la Fédération libérale
provinciale ont fait semblant de se séparer, sont dans des chambres
communicantes, M. le Président. Alors ça se passe ça
en-dessous de la porte et quand ça ne va pas assez vite, on ouvre la
porte et on communique entre les deux chambres.
M. LAPORTE: Revenons donc au bill.
M. JOHNSON: Ils ont exactement la même salle de toilette.
M. PINARD: Avez-vous été stérilisés chez
vous?
M. JOHNSON: Chambres communicantes, chambres communes, à tout
événement, M. le Président. Chef d'un parti...
UNE VOIX: Elles sont toutes stérilisées, je crois
bien.
M. JOHNSON: ...exclusivement provincial, je ne m'occupe pas de
l'élection fédérale. Les collègues sont
parfaitement libres d'appuyer, comme ils l'ont fait dans le passé, les
candidats de leur choix, M. le Président. Il y en a qui ont des
tendances à appuyer le candidat NPD, il paraît qu'effectivement
ils les appuient.
M. LAPORTE: Ils ne résistent pas à leurs tendances.
M. JOHNSON: Ils ne résistent pas à leurs tendances. M. le
Président, c'est de leur affaire. Mais il reste une chose certaine,
c'est que le chef de l'Union nationale...
M. PINARD: II est neutre.
M. JOHNSON: ... n'a pas d'ordre à demander, n'a pas de permission
à demander à Ottawa. Nous sommes un parti qui met au-dessus des
intérêts du parti, les intérêts de la province et qui
est prêt à appuyer le premier ministre, le parti libéral
provincial, lorsqu'il s'agit des droits vitaux de la province, quel que soit le
gouvernement à Ottawa. Et j'avertis tout de suite le premier ministre,
que ce soit M. pear-son ou M. Diefenbaker qui forme le gouvernement, quand il
s'agira des droits vitaux de la province, nous serons toujours, toujours
derrière le gouvernement, et si le gouvernement actuel ne marche pas
assez vite, nous le sti-actuel ne marche pas assez vite, nous le stimulerons,
M. le Président, et nous verrons à ce qu'il protège les
intérêts de la province. Il
pourra toujours à ce moment-là compter sur nous et il le
sait, nous l'avons prouvé, alors qu'autrefois les libéraux
sortaient, quand on posait un geste d'autonomie, ou votaient contre nous.
M. le Président, je reviens au bill.
DES VOIX: Ah!
M. JOHNSON: Donc...
M. PINARD: Il y a un bateau à la dérive là,
qu'est-ce que vous faites?
M. JOHNSON: Cela m'a l'air qu'il y a six ans que le gouvernement ne fait
rien.
M. BERTRAND: Le traversier a fait un long voyage.
M. JOHNSON: Je regrette, en terminant, qu'on n'ait pas trouvé
moyen d'apporter autre chose qu'un cataplasme, comme dit le
député de Bellechasse. Nous voterons pour le bill en principe,
mais nous aurons plusieurs questions à poser en comité
plénier, et nous allons coopérer pour que soit rétabli le
plus tôt possible le service essentiel, fut-il un service
inadéquat, entre Lévis et Québec.
M. LAPORTE: M. le Président, très brièvement, je
vais tenter de participer au débat.
M. JOHNSON: Est-ce la réplique?
M. LAPORTE: Je vais peut-être avoir quelques problèmes, je
vais tâcher de m'en tenir au bill. Cela va peut-être
surprendre...
M. JOHNSON: Est-ce juste pour remplir du temps en attendant?
M. LAPORTE: Non, non, c'est pour remplir quelque chose de vide que le
chef de l'Opposition a laissé en cours de route.
Je voudrais simplement...
M. JOHNSON: Cela prend du temps avec l'air du ministre, cela prend du
temps à remplir quelque chose.
M. LAPORTE: Vous êtes encore pris dans votre chambre de toilette,
vous êtes retourné dans votre chambre de toilette de tantôt,
c'est dangereux.
M. JOHNSON: C'est une salle de bain.
M. LAPORTE: M. le Président, je vais résumer ou vous
rappeler brièvement, on a pu oublier, pendant les digressions du chef de
l'Opposition, le but de la loi. Essentiellement, c'est pour permettre au
gouvernement de régler une situation de fait, c'est-à-dire
l'interruption du service de bateaux-passeurs entre Lévis et
Québec Non seulement à régler une situation dans
l'immédiat, tout le monde s'entend sur la nécessité de la
régler, et les journaux de Québec, et ceux qui ont
participé aux débats, du côté de l'Opposition, tout
le monde. Mais également prévoir dans nos lois le
mécanisme qui nous empêchera de revenir en session spéciale
s'il arrivait que d'autres situations analogues se présentent.
L'objet, c'est donc de modifier la loi. Le but, c'est-à-dire le
moyen de remettre en service le traversier Lévis-Québec, c'est
une modification en vertu de laquelle et c'est là que sont les
principes essentiels de la loi pour abandonner un service public de
transport par navigation comme c'est actuellement le cas pour d'autres choses;
autobus, taxis et le reste, il faudra obtenir la permission de la Régie
des transports. Et si l'on n'obtient pas la permission de la Régie des
transports, le Conseil des ministres sera autorisé à nommer un
administrateur, administrateur qui, en vertu de la loi, sera investi de
pouvoirs suffisants à l'intérieur de la juridiction
réservée à la province par la Constitution, pouvoirs
suffisants pour lui permettre de répondre aux objectifs de la loi. Il a
le pouvoir de gérer les biens, le pouvoir de percevoir les revenus, le
pouvoir de conclure tout contrat ou engagement. L'on imaginera que dans le
sujet plus particulier qui nous réunit aujourd'hui, le pouvoir de passer
des contrats est évidemment l'un des plus fondamentaux que nous ayons
à étudier puisque la traverse de Lévis ne fonctionne pas
pour deux raisons: parce que les maîtres et les assistants ont
décidé de quitter le travail pour des raisons qui, à moi,
me paraissent pleinement justifiées et que, deuxièmement, la
compagnie, pour des raisons qui lui sont propres, ne semble pas
désireuse de vouloir reprendre les négociations mais semble au
contraire satisfaite que les négociations ne reprennent pas.
On peut se demander quel va être l'effet de cette loi. Certaines
gens, dans l'Opposition, ont félicité le gouvernement d'agir
comme il le fait actuellement; d'autres ont dit que la loi était une
déception. Mais si la loi avait été passée pour
régler les problèmes de transport dans Québec et autour de
Québec, encore serait-il possible de discuter si c'est ou si ce n'est
pas
décevant! Mais ce n'est pas ça. Le bill no 1 qui est
actuellement devant nous serait décevant si le service de traversiers
entre Québec et Lévis ne reprenait pas à la suite de
l'adoption de la loi. C'est ça qui serait décevant, puisque c'est
son but. Or, qu'est-ce qui se produit? Le député de Lévis
a précisément fait allusion à ce texte très
précis: « les capitaines ont pris connaissance du projet de loi.
Ce sont les premiers intéressés » et ils déclarent:
« dans les circonstances, les capitaines et les seconds, pleinement
conscients de leurs obligations à l'égard du public, ont
unanimement décidé, cet après-midi... » Ce projet de
loi a été déposé ce matin; ils ont
siégé, ils en ont pris connaissance, ils ont décidé
unanimement, les quatorze, cet après-midi, de mettre fin à leur
arrêt de travail et de reprendre leurs fonctions dès la nomination
d'un administrateur par le lieutenant-gouverneur en conseil. Est-ce qu'on peut
demander exécution plus complète d'une loi qui a justement ce
but-là?
M. le Président, la loi aura son effet puisque le service va
reprendre dès la nomination de l'administrateur et le premier ministre a
déjà dit qu'aussitôt la session terminée, le Conseil
des ministres va siéger pour étudier la nomination de cet
administrateur. On pourrait relever, c'est surtout ça que je voulais
faire au cours de ce discours, certaines erreurs d'interprétation qui
ont été faites à la suite de l'annonce de cette
session.
Certaines personnes ont cru commenter la loi avant de l'avoir vue. Et je
Us, par exemple, dans The Montreal Star du 20 octobre 1965 un article
intitulé « National Union Chief fears blow to labour »
« Le chef de l'Union nationale craint qu'on ne porte un coup au
travail organisé ». « A Montréal si vous me
permettez de traduire à mesure que je lis A Montréal, le
chef de l'Opposition, M. Daniel Johnson...
M. Johnson; Quel journal?
M. LAPORTE: The Montreal Star. « M. Johnson a prétendu que
le gouvernement projette de proposer une législation qui va rendre
illégal l'arrêt de travail dans un service public sans une
permission spéciale. M. Johnson a ajouté que le gouvernement se
prépare à amender le code du travail...
M. DOZOIS: Ce n'est pas à l'ordre. M. BERTRAND: Ce n'est pas
à l'ordre.
M. DOZOIS: Ce n'est pas dans la deuxième lecture, ce n'est pas le
principe du bill.
M. LAPORTE: Est-ce que j'ai le droit, M. le Président, au moins
de rectifier des déclarations publiques qui vont justement à
l'encon-tre du principe de la loi?
M. BERTRAND: Celles qui ont été faites ici, oui.
M. JOHNSON: M. le Président, je serai obligé tantôt
je n'ai pas lu cet article, je me souviens d'avoir eu une entrevue
mais si ça continue dans cette veine-là, je serai
obligé de faire une mise au point. Ou on m'a mal compris ou le ministre
lit mal ce qui est là ou il sort du contexte.
M. LAPORTE: Alors pour être bien sûr de lire comme il faut,
M. le Président, je ne cite pas ça tellement pour contredire le
chef de l'Opposition que pour faire la mise au point qui s'impose actuellement.
Il ne faut pas que le monde ouvrier ait le moindrement l'impression que le
projet de loi, actuellement, a pour but de limiter le moindre de leurs droits.
C'est surtout ça que je veux dire...
M. JOHNSON: Bien voici...
M. LAPORTE: Et je vais citer d'ailleurs, qui n'est pas du chef de
l'Opposition, un commentaire d'un éditorialiste.
M. JOHNSON: Si le ministre me le permet, ça va être
très simple. Ce que j'ai déclaré à ce
moment-là, je ne connaissait pas le projet de loi, j'ai
déclaré qu'il s'agissait évidemment d'un arrêt de
travail de personnes non syndi-cables. C'est ça, les capitaines et les
seconds sont non syndicables. Mais tantôt je me réservais en
comité plénier de discuter de 36b par exemple qui pourrait
être interprété précisément dans ce
sens-là, dans le sens où l'administrateur pourrait donner des
ordres dans tenir compte des conventions collectives et ça, je pense que
c'est une question de détail que je ne voulais pas en tout cas traiter
en deuxième lecture.
M. LAPORTE: Alors, M. le Président, voici, Je vais le dire en
anglais. Le chef de l'Opposition pourra faire les rectifications après
coup. « In Montreal, Opposition Leader Daniel Johnson claimed that the
Government is planning legislation that will make work stoppage by public
service employees illegal without special permission. Mr. Johnson said that the
Government was prepared to amend the Quebec Labour Code, so that no public
transportation system can be halted ».
L'autre phrase est, disons moins importante, et la Presse Canadienne
traduit en français; « Le gouvernement de Québec projette
de voter une loi qui interdirait aux employés des services publics de
faire la grève sans une permission spéciale ».
M. JOHNSON: M. le Président, je dois tout de suite, puisque j'ai
épuisé mon droit de parole, je dois tout de suite faire la
rectification. Le journaliste a mal compris, tout ce que je connaissait du
projet de loi, c'est ce que le premier ministre a bien voulu m'en dire au
téléphone. Il m'avait clairement expliqué le cas et je
croyais avoir clairement expliqué la législation projetée
à ce journaliste qui, évidemment, n'a pas fait la distinction
entre la Commission des relations du travail et la Régie des transports.
Ce que j'ai dit c'est que le gouvernement voulait passer une loi à
l'effet qu'aucun service public de transport de passagers et de marchandises
par eau ne pourrait cesser ses opérations sans permission de la
Régie des transports. Et c'est exactement ce que le bill dit,
d'ailleurs.
M. LAPORTE: Alors, M. le Président, je prends acte de la
rectification du chef de l'Opposition et un quotidien de Montréal
faisait le commentaire suivant, non pas sur les paroles du chef de
l'Opposition, mais sur le projet de loi...
M. JOHNSON: Lequel celui-là?
M. LAPORTE: La Gazette de Montréal, le 22 octobre 1965: «
This is the first step that has been taken to modify the rights given last year
to all the public services to resort to stricke action ».
Alors, M. le Président, je tiens à déclarer
très catégoriquement que le bill No 1 que nous sommes à
étudier actuellement n'a ni pour but ni pour effet de modifier de
quelque façon que ce soit les droits que peuvent avoir actuellement les
employés et les employeurs dans leurs relations patronales syndicales.
Le Code du travail n'est modifié d'aucune espèce de
façon.
M. JOHNSON: Attendez un peu. Ce n'est pas tout à fait exact.
M. LAPORTE: Comme je le disais tout à l'heure le chef de
l'Opposition a dû prendre sa grosse loupe pour tâcher de voir les
virgules plus grosses qu'elles ne le sont, mais je dis que l'objet de la loi
n'est d'aucune façon de modifier les relations ou la base légale
des rela- tions entre le patron et l'ouvrier. La seule chose qui va changer
c'est que l'interlocuteur patronal pourra être modifié. Je prends
le cas actuellement qui nous intéresse; celui de la Traverse de
Lévis à compter de demain, si un administrateur ou à
compter de la minute où un administrateur sera nommé s'il l'est,
les capitaines et les assistants-capitaines et les autres employés de la
Traverse de Lévis ne s'adresseront plus à l'employeur actuel mais
à une autre personne nommée administrateur qui sera investi de
tous les pouvoirs de négociation. C'est ça le sens de la loi. Les
droits qu'avaient les ouvriers face à l'employeur vont demeurer
absolument intacts en face de l'administrateur; mais ça
évidemment, c'est fondamental et dans le cas traverse
Lévis-Québec, il est clair que la première discussion
qu'il pourrait y avoir avec un administrateur va porter sur les salaires. Que
des capitaines soient payés $125 à Trois-Rivières et
qu'ils obtiennent $140 par semaine à compter du 1er octobre 1966 pour
une semaine de 42 heures, que les seconds capitaines à
Trois-Rivières soient payés $115 pour 42 heures et qu'ils aient
$125 à compter du 30 septembre ou du 1er octobre 1966 et que ceux de
Québec aient $80 pour une semaine de 48 heures au lieu de 42 et les
assistants $60 par semaine, il est bien clair que ceci va faire l'objet de
négociations immédiates, rapides et fructueuses, je
l'espère. Et nous apprenions cet après-midi que le projet de
convention collective des syndicats nationaux est arrivé et prêt
pour être soumis à la discussion et que c'est l'administrateur, si
un administrateur est nommé qui va charger de cette
négociation.
Je dis donc, que nous réglons le problème. Première
chose importante, fondamentale, c'est que les gens puissent recommencer
à se servir du traversier. Deuxièmement, que les ouvriers,
capitaines ou autres qui travaillent sur ces traversiers aient un interlocuteur
capable ou désireux de les entendre. S'ils décident, à la
fin de la négociation avec l'administrateur, de faire la grève,
c'est un autre problème ça. Ce droit-là ne leur est
nullement enlevé. D'ailleurs, ça ne s'adresse pas aux capitaines
ou à leurs assistants parce qu'ils ne sont pas syndicables, tout le
monde l'admet. Cela c'est le deuxième problème qu'il faut
régler; redonner aux employés un interlocuteur qui est
désireux de les entendre. Aucun espoir, termine le chef de l'Opposition.
Oh!, je ne prétendrai pas que la législation que nous proposons
actuellement fait des miracles. Elle n'a pas été
préparée ni bâtie pour faire des miracles; elle a
été préparée pour répondre à des
situations de fait et
dans ce domaine-là, elle en donne des espoirs. Elle donne
évidemment à la population l'espoir que le service va reprendre.
Cela, c'est le premier espoir que la loi devait envisager. Elle va donner aux
capitaines et à leurs assistants, un espoir précis, celui que des
négociations qui ont été interrompues et qui ne devaient
pas reprendre apparemment pourront être reprises.
Vous avez donc la population, les dix mille personnes qui utilisent
chaque journée le bateau, elles ont l'espoir précis que le
service va reprendre. Les capitaines ont un espoir précis qu'il va se
réaliser, les autres employés ont également, avec le
projet de loi qui est devant nous, l'espoir précis qu'ils pourront
obtenir des négociations normales et probablement un meilleur traitement
que celui qui est le leur actuellement.
Je dis donc, M. le Président, que pour toutes ces raisons, le
projet de loi qui est actuellement devant nous répond très bien
aux objectifs qu'il veut atteindre et que nous avons, chose qui ne se
présente pas tous les jours dans l'administïation publique, nous
avons la certitude, depuis la réunion des capitaines et des
assistants-capitaines, qu'aussitôt que la loi aura été
sanctionnée et que le lieutenant-gouverneur aura nommé un
administrateur, la loi aura atteint pleinement son but. Je pense qu'on ne
pouvait pas en demander plus, M. le Président.
M. BELLEMARE: M. le Président, vous me permettrez juste une
courte intervention, d'abord pour vous présenter mes respectueux
hommages, mes félicitations les mieux senties pour votre nomination qui
réjouit tous les membres de cette Chambre, des deux côtés,
et en particulier celui qui vous parle. Je n'ai pas besoin de vous dire que
ça été long l'apprentissage avec votre
prédécesseur et je ne lui fais pas de reproches, au contraire, je
tiens à lui présenter l'expression de mes plus sincères
remerciements d'avoir usé autant de commisération et de patience
à l'endroit d'un député aussi turbulent. Mais je sais, M.
le Président, comme dit la fable; « Le chasseur visant le blanc
tue le noir », vous viserez plutôt au loin qu'au près. Je
vous remercie, M. le Président, d'avance de toutes ces délicates
attentions que vous aurez à l'endroit du député de
Champlain et je vous présente...
M. LESAGE: Les indulgences...
M. BELLEMARE: ... les indulgences souventefois renouvellées et je
vous promets d'avance, avec toute la sincérité que je suis
capable d'avoir, lorsque j'ai le ferme propos de mes péchés,
d'essayer de m'améliorer.
M. le Président, juste un mot du bill numéro 1. D'abord,
il y a quelque chose, qui, à mon sens, est dans le peuple, lorsque nous
avons l'occasion de causer de ces problèmes urgents, et ce midi par
exemple, j'en causais autour d'une table avec quelques
intéressés, il est surprenant de constater avec quelle
précipitation la Régie des transports a renvoyé la
requête des propriétaires du service de la traverse en la disant
prématurée...
M. LESAGE: Bien non!
M. BELLEMARE: M. le Président, je voudrais attirer l'attention
d'abord de l'honorable premier ministre et du leader qui se sont servis de
l'exemple des Trois-Rivières, à plusieurs reprises...
M. LAPORTE: C'était un bel exemple!
M. BELLEMARE: ... et la citant plusieurs fois dans leurs remarques.
D'abord je dirai que le service de la traverse de Trois-Rivières est une
traverse municipalisée et, lorsqu'il y a des déficits, le
déficit est assumé par les contribuables. Je dirai ensuite que
les tarifs qui sont la base de l'opération déficitaire
avantageuse pour la municpalité est un tarif plus cher que celui qui se
paie présentement à la traverse de Québec. $0.25 par
passager, $0.75 par automobile et $2.50 du camion, hiver comme
été. Quand on considère qu'ici à la traverse de
Lévis il y a un billet de 8 pour $1., $0.40 l'automobile, le camion est
en équipolent. M. le Président, pour les opérateurs de la
traverse, c'est sûr et certain qu'ils avaient droit de se faire entendre
devant la Régie pour dire: nous avons besoin d'une augmentation de
tarifs si nous voulons répondre aux besoins et surtout à
l'évidence du salaire que nous demandent nos fonctionnaires, nos
employés. Comme, M. le Président, la Compagnie de transport
provincial qui s'est présenté deux fois devant la Régie
invoquait, elle aussi, à ce moment-là, des dépenses
urgentes pour demander l'augmentation de ses tarifs, il n'avait pas
immédiatement produit les dépenses, il devait les produire, il
devait les faire.
Comme d'ailleurs, la compagnie de téléphone Bell s'est
présentée trois fois devant la Régie des services publics
et a demandé l'augmentation de ses tarifs en disant: « Voici, nous
avons $10 millions, $25 millions, $30 millions que nous devons envisager pour
donner un service régionalisé et pour étendre, surtout, le
téléphone automatique. » Mais, M. le Président, ce
matin, l'honorable premier ministre a dit; « Us se sont
présentés devant la Régie et la Régie leur a
répondu: « Mais allez régler vo-
tre problème avec vos employés et après ça
vous viendrez nous voir et on rendra une décision en conséquence.
» Mais pourquoi une décision comme celle-là dans un cas
particulier, quand la Régie a déjà en maintes autres
occasions, donné une réponse bien avant que les travaux ne soient
faits, bien avant que les sommes n'aient été
dépensées. Mais pourquoi?
M. LAPORTE: Cela, c'est le secret de la Régie...
M. BELLEMARE: M. le Président, je dis que là, et
uniquement là est venu tout le trouble. Et c'est pour ça qu'il y
a eu une lettre à Son Honneur le maire, adressée à
l'honorable premier ministre pour lui dire: « Nous avons actuellement une
situation difficile. Le contrat, celui de 1929, est précis il finira le
30 avril 1965. » Mais il est dit dans le contrat que deux ans avant la
cessation, nous devrons prendre des dispositions pour reviser tout le contrat.
Et c'est ce qui a été fait par Son Honneur le maire Hamel,
président du comité conjoint, qui a averti l'honorable premier
ministre qu'il devait adopter, quant au maintien du service de la traverse,
étant donné l'incertitude qui existe actuellement au sujet des
mesures que le gouvernement de la province se propose de prendre pour
améliorer ce service...
M. le Président, l'incertitude, c'est que le gouvernement se
devait, comme disait l'honorable premier ministre en 1960: « Donnez
à Lévis et à Québec une facilité de
communication. » 1960, disait-il. « Il faut qu'en 1960 il y ait
entre Québec et Lévis une relation au point de vue
économique, mais une relation aussi au point de vue communication.
» C'est le premier ministre qui disait ça dans le temps. Chef d'un
parti qui, à ce moment-là, voulait prendre le pouvoir, il l'a
pris, le pouvoir. Est-ce que l'honorable premier ministre, dans cinq ans, a
réalisé qu'un nouveau pont, complètement à l'autre
bout de Québec, pouvait rendre plus faciles les communications
économiques et les communications entre Québec et Lévis?
Je dis non. L'intention de l'honorable premier ministre, c'était,
à ce moment-là, de relier les deux grandes villes de Lévis
et de Québec.
M. LESAGE: M. le Président, je vais être obligé de
répondre. Je vais être hors... je vais violer le
règlement...
M. BELLEMARE: M. le Président, je dirai ceci.
M. LESAGE: Je viole le règlement.
M. BELLEMARE: Je suis heureux de voir que le gouvernement de la province
a garanti les obligations de la Corporation du pont de Trois-Rivières
pour établir une communication entre Ste-Angèle et
Trois-Rivières. Je suis heureux de constater qu'il y avait là une
traverse qui donnait déjà un service merveilleux puisqu'il y
avait trois bateaux-passeurs qui étaient presque neufs et donnant un
service à toutes les demi-heures, mais bien meilleur que celui de
Québec. L'honorable premier ministre a donné, à ce
moment-là, avec son gouvernement, une garantie des obligations de la
Corporation du pont de Trois-Rivières. Mais pourquoi pas pour
Québec? Mais pourquoi pas pour Lévis? Elles sont ici deux grandes
villes...
M. LESAGE: Mais à Québec, le pont nous le construisons
nous-mêmes...
M. BELLEMARE: M. le Président, ne parlons pas du pont qui se
trouve complètement à l'extrémité...
M. LESAGE: Bien, voyons donc!
M. BELLEMARE: Non, M. le Président. Ce n'est pas ça que
voulait dire l'honorable premier ministre dans le temps. Ce n'est pas
ça. Ce pont-là servira de pont provincial pour relier les
vingt-cinq comtés du sud avec les comtés du nord. Mais ce qui est
important, ce qui est économiquement important actuellement, c'est que
Québec qui est la grande cité, la capitale du Québec doit
avoir avec Lévis, sa ville jumelle et toutes les autres villes qui
l'entourent, une communication directe.
M. LESAGE: Ce n'est pas Lévis sa ville jumelle, c'est
Calgary!
M. BELLEMARE: M. le Président, le premier ministre pourra me
reprendre sur certains allégués, mais je dis...
M. LESAGE: C'est Calgary!
M. BELLEMARE: ... M. le Président, qu'il faut qu'il y ait entre
Québec et Lévis d'autre chose qu'un bill et un administrateur.
Nous voterons en faveur du bill numéro 1 parce que c'est la base, il
faut rétablir le système, c'est un point crucial. Il y a la un
malaise. Le gouvernement fait bien de nous amener ce bill. Il y a dans le
détail des choses que nous ferons valoir, mais ce n'est pas ça le
problème.
Le problème, depuis deux ans le gouvernement l'a devant lui. Il
l'étudie, peut-être!
Mais la solution vient par une session spéciale, devant un
« must » qu'il faut accomplir. Non, M. le Président! Si la
traverse de Trois-Rivières, qui est une traverse municipale, fonctionne
admirablement bien avec, au point de vue financier, des résultats qui
sont très enviables, il y a eu d'abord une revision des tarifs, il y a
eu l'organisation par la cité de Trois-Rivières de nouveaux
bateaux-passeurs; il y a eu la construction par la Corporation du pont de
Trois-Rivières la garantie des obligations faites par le gouvernement.
Mais ici, à Québec, on est aujourd'hui devant un
impératif, pourquoi? Parce que, il y avait un contrat, contrat fait en
1929, et qui disait qu'il y aurait là un comité conjoint qui
devrait prendre les dispositions pour que la traverse entre Lévis et
Québec fonctionne. On leur a donné des pouvoirs qui se terminent
en 1965, le 30 avril; le contrat, qui se terminait en 1965, le 30 avril, a
été porté à l'attention de l'honorable premier
ministre par une lettre de Son Honneur M. le maire Hamel, le 28 janvier 1964,
et il le disait: « C'est impérieux qu'une décision soit
prise ». Une décision a été prise en faveur de la
construction d'un pont qui servira à la province, mais une traverse
désuète restera ici pour servir les intérêts
économiques de Québec.
Ce n'est pas ça, M. le Président! Il faut que le
gouvernement prenne en main...
M. LESAGE: M. le Président, est-ce que je dois invoquer de
nouveau le règlement?
M. BELLEMARE: M. le Président, je vais baisser le ton.
M. LESAGE: pas le ton, c'est ce que vous dites. Tenez-vous en au
bill.
M. BELLEMARE: Oui, l'article 556 c'est clair. Si je le comprends le
moindrement « ou toute autre méthode d'atteindre les fins du bill
», mais les fins du bill, M. le Président, c'est de donner
à la ville de Québec et à la rive sud un service
adéquat.
M. LAPORTE: M. le Président, j'Invoque le règlement. Je
voudrais bien que le député nous explique s'il va rétablir
le service des bateaux-passeurs en bâtissant un pont.
M. BELLEMARE: M. le Président, je dis que je serai en faveur du
bill parce qu'on va aller à l'immédiat, mais je dis par exemple
que ce n'est pas le règlement que devrait prendre le gouvernement avec
un budget de $1,800,000,000.
M. LESAGE: C'est ça qui est hors d'ordre.
M. BELLEMARE: C'est ça qui est hors d'ordre? Mais c'est ça
qui est vrai, par exemple. Vous qui vous basez, parce que vous êtes
Québécois pour trouver la solution la plus immédiate au
problème en disant; il faut un service; ajoutez donc: oui, il faut un
service, mais je vous promets qu'il va y avoir une autre sorte de service plus
rapide d'ici quelques années. Pardon?
M. LESAGE: Quelle sorte? M. BELLEMARE: Un pont. M. LESAGE: Un pont sur
le cap Diamant?
M. BELLEMARE: Oui, pourquoi pas, M. le Président?
M, LESAGE: Ah bien! je vais vous répondre, par exemple, ah
là! vous allez y goûter.
M. BELLEMARE: Voyons donc, M. le Président, le premier ministre
va dire que ce n'est pas possible de bâtir un pont sur le cap
Diamant...
M. LESAGE: C'est possible, mais voyez-vous détruire... mais
savez-vous ce que vous dites?
M. BELLEMARE: Oui, je le sais parce que, M. le Président, il y a
eu des ingénieurs qualifiés qui ont étudié les deux
situations, celle d'un tunnel et celle d'un pont.
M. LESAGE: Mais il est fou ! Je m'excuse.
M. BELLEMARE: M. le Président, l'Evangile dit: « Si je dis
à mon...
M. LESAGE: Non, je m'excuse.
M. BELLEMARE: Ah bon! parce qu'avant le coucher du soleil vous
êtes...
M. LESAGE: Non, non, mais c'est sorti malgré moi, ça n'a
tellement pas de bon sens.
M. BELLEMARE: Le dites-vous souvent de même à vos
ministres? Il doit dire ça souvent à ses ministres. Alors, M. le
Président, je suis assuré que si le premier ministre a
donné un service pour l'amélioration de Trois-Rivières et
de la rive sud, un service qui sera d'ici à quelques années
meilleur avec le nouveau pont, en ajoutant la garantie du gouvernement. Je
dis
que pour la cité de Québec, la capitale, il se devait
là aussi d'apporter une garantie immédiate pour rétablir
un service entre les deux villes.
Nous aurons tout à l'heure l'occasion d'envisager article par
article et je ferai valoir certains arguments en ce qui touche les syndicats,
c'est-à-dire les mouvements ouvriers. Mais je trouve d'ores et
déjà que les pouvoirs de l'administrateur sont vastes, sont
immenses, et sur ça, M. le Président, c'est le principe du bill
quand je parle de la nomination d'un administrateur aux services multiples, aux
obligations immenses, là je parle du principe du bill qui nomme un
administrateur, ça c'est le principe. Alors, je trouve que dans aucune
institution parlementaire, pas même quand il s'est agi de la grève
des chemins de fer sous M. St-Laurent, on a donné au comité
fondé à ce moment-là des pouvoirs aussi
discrétionnaires, jamais.
M. LESAGE: M. le Président...
M. BELLEMARE: Non, M. le Président! le premier ministre me
répondra.
M. LESAGE: En comité, en comité.
M. LAPORTE: En comité, si vous voulez.
M. BELLEMARE: Pas plus, M. le Président, quand il s'est agi de la
loi pour la CIM.
M. LESAGE: Ah non.
M. BELLEMARE: Non, M. le Président.
M. LESAGE: 12, Elizabeth II, chapitre 17.
M. BELLEMARE: M. le Président, j'ai lu ça, j'ai pris mes
précautions, je sais ce que je dis, le premier ministre me traite de fou
des fois, mais...
M. LESAGE: Oh non, non.
M. BELLEMARE: ... je ne suis pas si fou que ça, des fois je lis
moi aussi, je comprends.
M. LESAGE: Non, non. Lisez comme il faut.
M. BELLEMARE: Ah oui, je le sais que ça existe, c'est pour
ça que je le dis. M. le Président. Le premier ministre est
instruit, nous autres on n'est pas instruits mais ça ne fait rien, on
travaille quand même, on cherche, des fois on trouve. Je dis, M. le
Président, que les pou- voirs qui sont insérés dans cette
loi-là sont des pouvoirs nouveaux, sont des pouvoirs qui vont
extrêmement loin, en portée et qui pourront peut-être
s'appliquer dans d'autres institutions gouvernementales, quand il s'agira des
services publics ou de la santé publique.
M. LESAGE: Sécurité.
M. BELLEMARE: Oui, oui, je la vois venir, moi aussi.
M. LESAGE: Sécurité.
M. BELLEMARE: Je la vois venir, moi aussi. Je sais que le premier
ministre va se loger à cette adresse-là.
M. LESAGE: Quoi?
M. BELLEMARE: Et je dis, M. le Président, et je sais où le
premier ministre va se loger avec ce bill-là. Je dis que ce qu'on a
introduit aujourd'hui dans la législation, est, c'est du droit nouveau
mais qui va extrêmement loin et qui est extrêmement dangereux quant
à ses conséquences. Cela ne s'est jamais vu, M. le
Président. C'est 'du dirigisme d'état, ça en est du pur et
simple dirigisme d'état qu'on inscrit en toutes lettres dans un bill de
la Législature. Je m'élève, et je dirai pourquoi tout
à l'heure en comité plénier. Je dis donc, M. le
Président, que le premier ministre s'en vient avec une
arrière-pensée, et je la connais.
M. LESAGE: II n'a pas le droit de dire ça.
M. BELLEMARE: Non, non, je retire ça, mais je le sais quand
même.
M. LESAGE: Au moins, j'ai retité sans condition.
M. BELLEMARE: Eh bien, sans condition, mais tout le monde le sait
maintenant. Alors, M. le Président, je termine donc en disant à
l'honorable premier ministre que l'essentiel, l'urgent, nous en sommes, que
s'il voulait aller plus loin, rendre à sa ville québécoise
qu'il aime, à la capitale de la province de Québec un plus grand
service, ce serait de donner à Québec et à Lévis
une facilité pour que la population, les populations puissent
communiquer au point de vue économique, au point de vue de relations
culturelles et en fin de compte pour toutes les autres relations industrielles
et commerciales, plus facilement, et que, s'il a donné une garantie sur
les obligations du pont de
Trois-Rivières, il aurait pu dans sa
générosité donner à la ville de Québec une
plus grande attention.
Donc, M. le Président, je suis satisfait, très heureux de
voter en faveur de ce bill, moins certains arguments que je ferai valoir tout
à l'heure en comité plénier.
M. LESAGE: M. le Président, j'ai l'intention d'etre très
bref. Le chef de l'Opposition a traité d'un grand nombre de sujet. Pour
ce qui est du principe du bill lui-même, il s'est contenté de dire
qu'il était favorable. Je n'ai pas l'intention de le suivre dans tous
les domaines dans lesquels il est entré. Je voudrais simplement lui
rappeler que le Lloyds of London est une société privée
qui classifie les navires, oui, pour ses fins d'assurances et qu'il n'est
nullement nécessaire d'être classé par les Lloyds pour
pouvoir opérer un navire, que ce navire soit classé par les
Lloyds pour pouvoir opérer un navire. Ce qui est essentiel, c'est
d'obtenir un certificat de navigabilité « seaworthiness » du
service canadien d'inspection des navires. Ce certificat est donné
lorsque les inspecteurs de ce service, il y en a ici à Québec, il
y a un bureau de ces inspecteurs ici à Québec. Lorsque ces
inspecteurs, dis-je, sont satisfaits de ce que les navires remplissent toutes
les exigences des règlements de sécurité,
règlements de sécurité qui sont faits,
édictés en vertu des dispositions de la loi de la marine
marchande du Canada, alors l'affaire de Lloyds, ça n'a rien à y
faire.
Il y a des inspecteurs de navires du ministère des Transports,
ici à Québec, qui inspectent constamment les navires, qui sont
très sévères et je sais des autorités de la
compagnie que l'on exige constamment que des plaques d'acier de la coque des
navires soient remplacées au fur et à mesure qu'il y a la moindre
trace de faiblesse dans l'acier, traces que l'on décèle en
faisant des trous dansl'acier et l'on fait cette inspection tous les ans. Alors
les navires, les bateaux-passeurs sont en excellent ordre parce que les
exigences des inspecteurs du ministère fédéral des
transports, du service de la marine marchande, sont extrêmement
sévères. Je suis personnellement au courant de cette
situation.
Alors vous tentez de dresser des épouvan-tails à la
population en prétendant que les bateaux sont dangereux par le fait
qu'ils ne sont pas classifiés chez les Lloyds. Eh bien, je trouve que
c'est un manque de responsabilité qui n'est pas digne du chef de
l'Opposition. Ce qui est important, c'est que les certificats d'inspection et
de navigabilité soient émis par ceux qui sont responsables de la
sécurité des navires au Canada, c'est-à-dire les
inspecteurs du service de la marine marchande du ministère des
Transports.
M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre peut bien
défendre les inspecteurs du service des transports à
Ottawa...
M. LESAGE: Je ne défends pas les inspecteurs, je donne les
faits.
M. JOHNSON: ... mais je dis, M. le Président, me basant sur des
témoignages de gens qui utilisent ces bateaux plus d'autres
témoignages concernant celui des Lloyds, que ces bateaux-là ont
le strict minimum et...
M. LESAGE: Bien oui, mais ce sont des cancans, ça, M. le
Président. On vient ici en Chambre, on affirme alors qu'on a la
responsabilité de chef de l'Opposition, on affirme des choses en disant:
« On m'a dit que... on m'informe que ». On ne peut pas dire
ça. Moi, au moins, j'ai la connaissance personnelle que ces navires sont
inspectés régulièrement et qu'ils ont...
M. BELLEMARE: On ne conteste pas ça.
M. LESAGE: ... des certificats au point de vue de
sécurité.
M. JOHNSON: Ils sont officiellement corrects.
M. LESAGE: Ils sont corrects, point parce qu'ils ne pourraient pas
être officiellement corrects s'ils ne l'étaient pas...
M. JOHNSON: Réellement...
M. LESAGE: ... s'ils ne remplissaient pas toutes les conditions
nécessaires de sécurité dans les faits. C'est aussi simple
que ça et je sais pertinement que les inspecteurs de la marine marchande
sont très sévères pour autant qu'il s'agisse de la
navigabilité des navires. Cela je le sais pertinement, personnellement.
J'en ai eu connaissance au cours des années et je sais aussi
qu'année après année, en ce qui concerne les traversiers
entre Québec et Lévis, la compagnie de la Traverse de
Lévis a été obligée par les inspecteurs de faire
remplacer à des coûts très élevés, chaque
année, des plaques d'acier de coques de navires pour la moindre faille
dans l'acier. Cela,- je sais ça personnellement. Alors qu'on ne vienne
pas es-
sayer de faire des épouvantails aux gens. Il s'agit de batreaux
qui remplissent toutes les conditions nécessaires non pas pour une
sécurité strictement minimum, mais pour la sécurité
des passagers, point.
Le député de Champlain a critiqué, je ne sais pas
pourquoi bien, il a donné une raison la Régie des
transports pour le jugement rendu le 16 août 1965, jugement qui, dit-il,
a été rendu avec précipitation. Or, la cause a
été entendue à partir du 13 juillet. Le jugement a
été rendu un mois plus tard. Est-ce qu'un mois de
délibéré est franchement de la précipitation?
Si ça avait pris plus qu'un mois, on aurait accusé la
commission de lenteur, on aurait pu l'accuser de refuser de vouloir prendre ses
responsabilités et de rendre jugement. M. le Président, il est
clair que si un jour le député de Champlain pratique le droit,
quand ça fera un mois qu'il attendra un jugement il commencera à
trouver le temps long. Il saura qu'un mois de délibéré n'a
jamais été considéré comme de la
précipitation par des avocats. Ce n'est pas moi qui l'ai dit qu'il y
avait eu précipitation...
M. BELLEMARE: Un instant, M. le premier ministre. Est-ce que le premier
ministre me permet? D'abord je ne demanderai pas au premier ministre de me
passer un bill pour me faire recevoir avocat.
M. LESAGE: Non, non, mais j'avais le droit de le prendre,..
M. BELLEMARE: Bien sûr. M. le Président, d'abord si j'ai
dit avec précipitation...
M. LESAGE: Oui, vous avez dit...
M. BELLEMARE: ... je voudrais dire que la décision qu'a rendue la
Régie à ce moment-là en disant que c'était
prématuré laissait entrevoir de la part de la Régie un peu
de précipitation dans son jugement.
M. LESAGE: Bien non.
M. BELLE MARD: Oui, oui, quand ils ont dit: c'est
prématuré.
M. LESAGE: Je ne comprends pas votre raisonnement.
M. BELLEMARE: Bien voici mon raisonnement. C'est que c'est permissible
quand il s'agit de l'augmentation des taux pour le Bell Telephone sans avoir...
le travail.
M. LESAGE: Bien oui, mais...
M. BELLEMARE: C'est permissible pour la Compagnie de transport
provincial...
M. LESAGE: Non...
M. BELLEMARE: ... sans avoir fait les achats, sans avoir répondu
à...
M. LESAGE: Je vais lire le texte du jugement.
M. BELLEMARE: Je le sais, M. le Président...
M. LESAGE: Bien oui, mais c'est important...
M. BELLEMARE: ... ils finissent en disant: c'est
prématuré.
M. LESAGE: Je regrette, mais c'est important que, je crois, il
apparaisse au journal des Débats les raisons données par la
Régie des transports parce qu'on verra que c'est loin d'être un
jugement précipité et qu'il n'y avait pas lieu de s'attendre
à d'autres preuves. La compagnie avait fait sa preuve le 13 juillet et
voici ce que dit le jugement: « La requérante a
spécifié tant dans sa réponse aux résolutions des
cités de Québec et de Lévis que dans sa requête
à la régie que l'augmentation de ses tarifs était
nécessitée spécifiquement par les facteurs suivants: a) le
contrat de travail existant entre la compagnie et ses employés s'est
terminé le 1er juillet 1965 et la compagnie dit savoir qu'elle devra
consentir des augmentations substantielles de salaire ».
Or, ce n'est qu'avant-hier, le 20 octobre, que les employés, je
ne parle pas des capitaines et des seconds, mais tous les employés unis
dans un syndicat de la CSN ont fait parvenir à la compagnie une
proposition de contrat ou de convention collective de travail dont j'ai une
copie dans les mains, et ça ce n'est qu'avant-hier. Alors il
était clair qu'à ce moment-là, la compagnie ne pouvait pas
faire la preuve de ce que lui coûteraient les augmentations de salaire
puisque ça c'était au mois de juillet, ce n'est qu'avant-hier que
l'union, pour me servir d'un terme commun, ou le syndicat, a fait parvenir, je
ne sais même pas si la compagnie l'a reçu à date, un projet
de convention collective dont on m'a remis une copie. On m'a remis cette copie,
on me l'a envoyée porter cet après-midi. La
deuxième raison, c'est qu'il y aura augmentation dans les
dépenses d'opération à cause de l'âge des
navires.
Alors le jugement de laRégie continue comme suit: « Le fait
que la requérante s'est déclarée prête à
mettre à la disposition du public entre Québec et Lévis de
nouveaux traversiers ne peut, dans l'opinion de la Régie, entrer en
ligne de compte dans l'appréciation de la requête pour
augmentation de tarifs. La requérante elle-même admet qu'il est
impossible de faire construire de nouveaux traversiers avec les seules recettes
lui provenant du public-voyageur et qu'il y a de fortes possibilités que
les gouvernements supérieurs consentent à lui verser des subsides
pour assurer la construction de ces navires. La Régie est cependant
laissée dans l'ignorance totale des facteurs suivants: quel sera le
coût de la construction de ces navires? quelle partie de ce coût
sera payée par des subsides gouvernementaux? Quand les nouveaux navires
pourront-ils être mis à la disposition du public-voyageur? La
Régie estime qu'elle ne peut pas non plus dans l'appréciation de
la requête de la requérante tenir compte du nouveau contrat de
travail qui sera négocié entre la requérante et ses
employés.
L'augmentation des salaires payés par la requérante
à ses employés, résultant d'un nouveau contrat de travail
est aléatoire ou pour le moins indéterminée. Quant aux
états financiers ou états des revenus et des dépenses de
la requérante, il en résulte certes que pour la dernière
année d'exploitation, les opérations des traversiers
eux-mêmes ont été déficitaires. Toutefois, si l'on
tient compte de tous les revenus de la compagnie, c'est-à-dire ses
revenus provenant de ses voyages spéciaux, de ses intérêts
sur obligations et dividendes, puisqu'il y a des réserves, des kiosques
ou comptoirs qu'elle exploite et ces kiosques ou comptoirs, elle les exploite
comme partie intégrante de son service tant sur les quais que sur les
bateaux eux-mêmes.
Il se trouve que la requérante a réalisé des
profits raisonnables pour l'année terminée le 30 avril 1965.
Alors, ce que la Régie dit, en a'au-tres mots: Apportez-nous votre plan.
Qu'est-ce que vous avez l'intention de faire, vous, la compagnie, pour
améliorer le service? Quand allez-vous acheter les nouveaux bateaux?
Quand allez-vous les faire construire? Combien est-ce que ça va vous
coûter réellement? Quelle va être la
dépréciation que vous allez accorder? Quelles seront les
réserves que vous allez être obligés de mettre de
côté chaque année en vue du paiement de ces bateaux? Quels
sont les subsides que vous recevrez, subsides de construction de navires qui
varient souvent d'année en année, suivant les décisions du
Parlement à Ottawa pour la construction de navires au Canada? Alors,
apportez-nous des chiffres. Ayez un engagement de subsides gouvernemental. Le
fédéral en donne des subsides pour la construction de navires au
Canada. Il en a donné pour la traverse entre l'île de Vancouver et
la Colombie-Britannique continentale. Il en a donné. Il en redonnerait,
il n'y a aucun doute. Il a toujours, le gouvernement fédéral,
accordé des subsides pour la construction de traversiers. Il en
donnerait. Mais il faudrait que la compagnie dise d'abord quel genre de
traversier. Il faudrait que la compagnie sache quelles sortes d'installations
le gouvernement fédéral est prêt à établir
sur chacune des deux rives pour le transbordement plus facile et plus rapide
des automobiles. Il n'y a rien de ça qui est venu en preuve devant la
Régie. C'est une étude qui va être faite par
l'administrateur. C'est évident. C'est clair que l'administrateur va
être obligé de faire ces études et d'avoir les tractations
avec le gouvernement fédéral pour savoir combien ça
coûterait puisque cela n'a pas été fait par la
compagnie.
M. JOHNSON: Mais la Régie a le pouvoir de faire ces
études?
M. LESAGE: Non! Oui, mais c'est la compagnie qui est propriétaire
de ces bateaux actuels qui sont encore bons pour dix à quinze ans. Alors
quelle est la meilleure façon d'améliorer le service? La
compagnie, quand elle est venue, elle, devant la Régie, c'était
à elle de faire sa preuve, non pas à la Régie de la faire
pour elle. Elle ne l'a pas faite, sa preuve. Et quant aux salaires, elle n'a
pas pu la faire, et quant aux augmentations de salaires puisqu'il n'y avait
même pas de négociations entre les parties à ce
moment-là en autant que les employés sont concernés autres
que les capitaines et les seconds.
M. JOHNSON: Le premier ministre va me permettre...
M. LESAGE: Puisque ce n'est qu'avant-hier que le syndicat a fait
parvenir son premier projet de convention collective à la compagnie.
M. JOHNSON: Le premier ministre va me permettre une question. Je lui en
ai permis plusieurs.
M. LESAGE: Oui, oui.
M. JOHNSON: L'article 15 du chapitre 228, Loi de la Régie des
transports, prévoit que la Régie ou que toute personne
spécialisée ou autorisée par celle-ci et tout
régisseur désigné par le président peuvent
inventorier les biens des propriétaires de service de transport, de
faire des enquêtes sur la structure financière, les
méthodes de comptabilité, les taux, recettes, profits, salaires
et en général les affaires de ces services. Toute enquête
de cette nature prescrite par le Lieutenant-gouverneur en conseil a
préséance sur les autres et doit être conduite avec toute
la célérité possible.
M. LESAGE: Ce n'est pas de ça qu'il s'agit.
M. JOHNSON: Ma question est la suivante; est-ce que telle enquête
a été faite?
M. LESAGE: D'ailleurs, ce n'est pas de ça qu'il est question
ici.
M. JOHNSON: Est-ce que le lieutenant-gouverneur a demandé qu'une
telle enquête soit faite?
M. LESAGE: Ce n'est pas nécessaire. C'est la compagnie qui s'est
adressée elle-même à la Régie.
M. JOHNSON: On serait plus avancé si telle enquête avait
été faite.
M. LESAGE: Non, pas du tout! Il n'est pas question là-dedans pour
la Régie des transports d'enquêter sur l'établissement d'un
nouveau service, sur le coût d'un nouveau service, sur les
facilités nécessaires pour un nouveau service, pas du tout. Ce
n'est pas cela.
Quant à l'enquête sur les états financiers, elle a
été faite puisque... évidemment, je n'ai pas lu tout le
jugement mais que l'on me permettre simplement de mentionner que parmi les
documents qui ont été produits lors de l'audition de la cause, il
y a eu l'exhibit R/10: état des revenus et dépenses de la
requérante pour les années 1963, 1964, 1965; R/11: état
financier du comptoir de la Traverse de Lévis Ltée pour
l'année se terminant le 31 mars 1965; R/12: tableau statistique des
passagers ou piétons transportés par les navires de la
requérante pour les années 1963-1964 et 1964-1965; R/13: tableau
statistique des automobiles et des camions transportés par les navires
de la requérante pour les années 1963-1964 et 1964-65. Et c'est
examiné en détail par la Régie, mais il n'y avait pas de
preuves qu'il y avait augmentation de coût au moment où la
requête a été faite. Si l'on avait dit: à partir de
telle date nous serons obligés de payer tel salaire et nous serons
obligés de le payer en vertu de telle ordonnance ou de telle
décision ou de telle entente ou de telle convention collective,
là la Régie aurait eu une preuve devant elle. Elle aurait
été en mesure de rendre une décision quant
àl'augmentation des tarifs. Si la compagnie était arrivée
devant la Régie en disant; « Voici notre plan, voici le genre de
navires que nous allons construire, voici les avantages qu'offre un tel
système de navires, de bateaux-passeurs, voici le genre de quais qu'il
faudrait des deux côtés pour activer, rendre plus rapide la
circulation des deux rives, plus moderne si l'on veut. Voici ce que ça
va coûter, voici la construction des navires, voici ce que le
gouvernement va faire pour la construction des quais, voici le subside ou la
subvention qui sera payée pour la construction des navires, voici ce que
ça nous coûtera réellement, voici la façon dont nous
allons établir des réserves pour prévoir la
dépréciation de ces navires ».
Avec cette preuve-làf la Régie aurait
été en mesure de prendre une décision sur l'augmentation
de tarif demandée, mais elle ne l'était pas. Il n'y a pas eu de
précipitation puisque ce n'est qu'avant-hier que le premier projet de
convention collective...
M. JOHNSON: Mais oui, mais...
M. BELLEMARE: II y a déjà eu des discussions.
M. LESAGE: ... je n'ai même pas eu le temps de le lire.
M. BELLEMARE: Il y a déjà eu des discussions...
M. JOHNSON: Le premier ministre... M. BELLEMARE: ... avec la compagnie.
M. LESAGE: Non, non, non.
M. JOHNSON: Le premier ministre me permet-il de lui poser une
question?
M. LESAGE: Non, non, je regrette, il n'y en a pas eu parce que ce n'est
que le 13 octobre que le syndicat a reçu sa certification. L'autre n'a
pas négocié, la compagnie n'a pas négocié.
M. JOHNSON: Si le premier ministre permet une question?
M. LESAGE: Oui.
M. JOHNSON: Est-il au courant qu'en pareille matière, en d'autres
domaines, comme l'a dit le député de Champlain, la Régie
avait l'habitude, après avoir entendu la cause, de dire; en principe,
ça va, négociez votre contrat et quand vous reviendrez on vous
accorderaune augmentation proportionnelle et rétroactive à
compter...
M. LESAGE: Mais oui, ce n'est pas...
M. JOHNSON: ... du moment de l'augmentation.
M. LESAGE: Mais c'est...
M. JOHNSON: C'est ce que la Régie a toujours fait dans le
passé.
M. LESAGE: Oui, mais elle ne pouvait absolument rien dire parce qu'il
n'y avait rien devant la Régie...
M. JOHNSON: Oui, oui.
M. LESAGE: ... sinon des profits...
M. BELLEMARE: Non, non.
M. LESAGE: ... faits par la compagnie. Oui. Et tout ce qu'il y avait,
c'était des plans extrêmement vagues de la compagnie, sans
chiffres, pour un nouveau service et la possibilité d'augmentation dans
les traitements. C'est tout. Alors dans ces conditions-là,
évidemment, la Régie... mais il n'y a rien qui empêche la
compagnie de retourner devant la Régie en n'importe quel temps et comme
question de fait, il n'y a aucun doute que l'administrateur va aller devant la
Régie après avoir négocié une collective.
Il n'y a aucun doute qu'il va demander une augmentation des tarifs pour
couvrir le coût de l'augmentation des salaires; c'est clair que ça
va se faire. Cela ne change rien à la situation d'aujourd'hui, de toute
façon, comme d'ailleurs pour le député de Champlain qui
veut défigurer le Cap Diamant...
M. BELLEMARE: pas nécessairement là.
M. LESAGE: ... construire un pont entre le Cap Diament et Lévis!
pensez-vous qu'il y a un Québécois qui est fier de sa ville qui
va voir une structure d'acier arriver ici sur le Cap Diamant ou encore sur le
parc des Champs de bataille?
M. le Président, on voit que le député de Champlain
n'est pas un Québécois fier de sa ville.
M. BELLEMARE: Si vous étiez si fier que ça, pourquoi
est-ce que vous n'avez pas...
M. LESAGE: M. le Président, quand on est fier de sa ville on ne
va pas la massacrer avec un mastodonte d'acier; ne calculons pas que la
beauté des lieux...
M. BELLEMARE: M. le Président, je soulève un point
d'ordre. Le premier ministre n'a pas le droit de faire une colère...
M. LESAGE: ... à côté de la construction en vue...
Je ne fais pas de colère, mais c'est quand même...
M. BELLEMARE: Le premier ministre n'a pas le droit de faire une
colère pour essayer de cacher ses turpitudes...
M. LESAGE: Qu'est-ce qu'il dit?
M. BELLEMARE: ... ses manquements d'agir quand c'était le
temps.
UNE VOIX: On en reparlera!
M. BELLEMARE: Je ne veux pas dire, M. le Président, que c'est
absolument sur le cap Diamant...
M. LESAGE: Bien c'est ce que vous avez dit tantôt!
M. BELLEMARE: Non, non.
M. LESAGE: Vous avez montré le Château.
M. BELLEMARE: Non, qu'on fasse un pont. Qu'on améliore le
service. Depuis cinq ans que le premier ministre..
M. LESAGE: Ah bon!
M. BELLEMARE: ... est Québécois... qu'est-ce qu'il a fait?
Il a laissé faire. Il n'a rien fait. Et puis aujourd'hui, il est
Québécois! Ah oui! ça presse. Ah oui! là, c'est
arrêté. Il est temps qu'il s'en aperçoive qu'il est
Québécois et puis qu'il fasse quelque chose parce que là
il va le perdre son titre de Québécois et puis on va l'appeler le
« faubouron ».
M. LESAGE: Le quoi?
M. BELLEMARE: Le « faubouron »! M. LESAGE: Un quoi? M.
BELLEMARE: Le « faubouron »! M. JOHNSON: Un banlieusard! UNE VOIX:
Un banlieusard!
M. LESAGE: Un banlieusard! Non, M. le Président, je ne demeure ni
dans Sillery ni dans Sainte-Foy, je demeure dans les limites de la ville.
M. BELLEMARE: A Bougainville!
M. LESAGE: Oui. C'est dans les limites de la cité de
Québec.
M. BELLEMARE: A Bougainville!
M. LESAGE: Bougainville. C'est le nom d'un grand général
d'ailleurs... au Canada.
M. BELLEMARE: Ah oui! ah oui! et puis il s'est fait tuer.
M. LESAGE: Oui. Cela ne veut pas dire que j'envie son sort.
M. BELLEMARE: Non, non, non!
M. LESAGE: Mais il est certain, il est impensable pour un
Québécois de bâtir une structure d'acier entre le cap
Diamant et Lévis et de défigurer la ville de Québec. Il
faut toujours avoir un peu de bon sens. Quant au tunnel, bien, j'ai dit au chef
de l'Opposition ce que cela voulait dire tantôt, au point de vue
génie. Cela n'avance pas! Les gens de Lévis, puisque c'est
surtout d'eux qu'il s'agit, qui veulent traverser à Québec pour
travailler tous les jours, ce sont eux qui sont les plus affectés. Qu'on
comprenne bien ça! Les gens des régions ont le pont de
Québec, eux.
M. BELLEMARE: Ceux qui arrivent par le train traversent!
M. LESAGE: Oui. N'importe qui! Ceux qui arrivent par le train, mon Dieu,
bien on se sert de moins en moins des trains, vous savez. Ah oui! Cela prend
une affection particulière.
M. BELLEMARE: Certainement!
M. LESAGE: Et de plus en plus les gens débarquent à
Charny, d'ailleurs, de plus en plus. Ah oui! Comme d'ailleurs ceux qui prennent
le train de... comment il s'appelle?
M. BELLEMARE: Champlain!
M. LESAGE: Le Champlain là, qui se rend à Montréal,
ils prennent le train à Ste-Foy. Ils ne vont pas le prendre à la
basse-ville. Ils le prennent à Sainte-Foy. Et de plus en plus les gens
descendent à Charny. Pour ma part, moi, les dernières fois que
j'ai voyagé par la rive sud en train, il y a déjà
longtemps, je ne me rendais jamais à Lévis, je descendais
à Charny. C'était plus rapide pour me rendre chez moi.
Malgré que je demeure à quatre ou cinq minutes d'automobile des
édifices du Parlement.
M. BELLEMARE: Pour voir arriver ceux...
M. LESAGE: Cinq minutes d'automobile des édifices du
Parlement.
M. BERTRAND: Bill numéro 1.
M. LESAGE: Oui, oui. Oui, mais j'ai essayé de m'en tenir au bill
numéro 1, mais là on veut me faire défigurer la ville de
Québec.
M. BELLEMARE: Tiens, il va se choquer encore.
M. LESAGE: Non, non! J'ai dit que je ne serais pas partie à un
pareil complot.
M. BERTRAND: Ah! ce n'est pas un complot, c'est une idée.
M. LESAGE: A un complot ou à une idée qui a germé
dans la tête du député de Champlain de vouloir
détruire Québec.
M. BELLEMARE: M. l'Orateur, vous allez rappeler le premier ministre
à l'ordre parce qu'il voudrait essayer de me faire faire une sainte
colère; je n'en ai ni legoûtni le temps.
UNE VOIX: Le Phipps du Cap-de-la-Madeleine!
M. LESAGE: M. le Président, qu'est-ce que le député
dirait si j'allais massacrer son sanctuaire!
M. BELLEMARE: Ah! Vous verriez les gardes paroissiales se lever.
UNE VOIX: Derrière son général.
M. LESAGE: Bon bien! j'ai réussi à trouver le moyen de
prouver au député de Champlain que je n'étais pas
fâché, mais je lui demande simplement de comprendre que nous
aussi, les Québécois, nous avons nos fiertés. Et puis
c'est une fierté, ici, le point de vue à Québec et nous ne
voulons pas le massacrer.
M. BELLEMARE: En pleine ville de Londres, il y en a un pont!
M. LESAGE: Mais ce n'est pas la même chose, pas du tout, monsieur.
M. le Président, il y en a bien plus qu'un dans la ville de Londres, il
y en a bien plus qu'un dans la ville de Paris aussi.
M. BELLEMARE: En face du Parlement!
M. LESAGE: Mais la beauté de Paris et la beauté de Londres
ne résident pas dans le site même de la ville...
M. BELLEMARE: En plein en face du Parlement!
M. LESAGE: ... comme celui que nous avons ici. Ce n'est pas du tout la
même chose. Je pense que l'esthétique de mon ami de Champlain
aurait besoin d'un peu de vernissage.
M. BELLEMARE: Ah oui! ah oui! Et puis je me l'achèterai chez vos
vendeurs.
M. JOHNSON: Cela fait six ans que l'on...
M. LESAGE: Je ne suis pas un expert en affaires culturelles, je m'en
garde bien, je laisse ça à mon collègue de Chambly, mais
mon Dieu si j'arrive, si je regarde Québec de l'île
d'Orléans et que je vois un monstre d'acier entre le cap Diamant et puis
Lévis, ça va changer totalement, totalement l'aspect de
Québec; et le ministre du Tourisme, c'est clair,...
M. BELLEMARE: Ah! n'en parlez pas, il dort.
M. LESAGE: Non, il n'a pas l'habitude, non, je trouve que c'est
absolument injuste...
M. BELLEMARE: Il est heureux...
M. LESAGE: C'est absolument injuste, M. le Président, de parler
du ministre du Tourisme dans ces termes. Je pense que le ministre du Tourisme,
je sais que le ministre du Tourisme, dans toutes les fonctions qu'il a occu-
pées, a travaillé d'arrache-pied, a commencé à des
heures beaucoup plus matinales que les heures de la plupart de ceux qui sont
dans cette Chambre, y compris les heures de celui qui vous parle, et qu'il a
travaillé d'arrache-pied et constamment à l'exécution de
ses fonctions. C'est réellement une injustice...
M. JOHNSON: Mieux vaut tard que jamais.
M. LESAGE: ... de tenter de faire croire qu'il s'agit d'un homme qui n'a
pris ses responsabilités qu'avec un grain de sel.
M. BELLEMARE: On dirait un éloge funéraire.
M. LESAGE: Non, au contraire, ce n'est pas funèbre parce que je
parle du ministre du Tourisme actuellement en fonction comme ministre du
Tourisme...
M. BELLEMARE: Il s'est éteint avec toutes ses
médailles.
M. LESAGE: ... et qui a ses responsabilités.
M. BELLEMARE: Il s'est éteint avec toutes ses
médailles.
M. LESAGE: M. le Président, je regrette infiniment que
l'Opposition qui, je croyais, pourrait s'amender au moins pour quelques-heures,
ça ne prend pas de temps, quelques heures pour passer un bill d'urgence,
pour régler un problème d'urgence...
M. BELLEMARE: Ce n'est pas moi qui ai parlé du ministre du
Tourisme, c'est le premier ministre, parlez donc du bill numéro 1. Bien
non, il s'en va faire l'éloge du ministre.
M. LESAGE: M. le Président, comment peut-on penser qu'un premier
ministre doit réagir quand, de l'Opposition, vient l'accusation qu'un de
ses ministres dort sur son travail. Bien oui, bien, M. le Président, le
premier ministre...
M. BELLEMARE: Vous lirez les journaux, vous répondrez à
tous les journaux.
M. LESAGE: ... le premier ministre sait que le ministre en question est
loin de dormir sur son travail et c'est son devoir de le dire et d'en rendre
témoignage.
M. BELLEMARE: Une mention de consolation.
M. LESAGE: Le député de Champlain peut m'attaquer
personnellement tant qu'il voudra...
M. BELLEMARE: Non, non.
M. LESAGE: ... ça ne me fera absolument rien. Mais qu'il laisse
mes ministres et mes députés tranquilles...
M. BELLEMARE: Ah bien! ils sont sujets à critique.
M. LESAGE: ... parce que je vais les défendre.
M. BELLEMARE: Ils sont sujets à critique, ce sont des hommes
publics.
M. LESAGE: Oui, mais je vais les défendre, par exemple.
M. BELLEMARE: Vous n'avez seulement qu'à relire les Débats
de l'Assemblée législative et vous remarquerez que c'est deux
fois que je l'ai réveillé en pleine Chambre.
M. LESAGE: M. le Président, pourquoi, alors que nous avons le
plaisir de nous revoir pour si peu d'heures...
M. BELLEMARE: C'est vrai!
M. LESAGE: ... parler de choses aussi désagréables.
M. BELLEMARE: Bien, vous avez été bien loin ce matin,
vous.
M. LESAGE: Pourquoi vouloir massacrer ma ville? Franchement, M. le
Président, le député de Champlain n'est pas
raisonnable.
M. BELLEMARE: Non, mais je me suis fait traiter de fou.
M. LESAGE: Non, bien s'il vous plaît, c'était... comme on
dit à un enfant, n'est-ce pas, qui se trompe: « Bien, es-tu fou
»! Comme un enfant qui fait une erreur...
M. BELLEMARE: C'est encore pire.
M. LESAGE: Non, c'est un peu dans ce sens-là, c'est un cri du
coeur. C'était tellement clair que le député
s'était trompé. Et la comparai- son que je viens de faire,
justement, prouve que je crois dans l'éternel jeunesse du
député de Champlain. M. le Président, je pense que nous
sommes bien loin des choses qui doivent nous préoccuper et puisque tout
le monde est unanime, je ne demanderai pas le vote, et nous allons
procéder en comité plénier à l'étude du
projet de loi, article par article.
M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture du bill
numéro 1 est-elle adoptée? Adoptée.
M. LE GREFFIER ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: M. Lesage propose que je quitte maintenant le fauteuil
pour faire lecture en comité plénier du bill numéro 1.
M. BEDARD (président du comité plénier):
Numéro 1.
Alors, bill No 1, article 1.
M. LESAGE: J'ai expliqué ce matin en citant le juge Fauteux, la
raison pour laquelle je croyais essentiel que cet article que l'on trouve dans
la loi de la Régie des services publics se retrouve dans la loi de la
Régie des transports.
M. BERTRAND: Si le premier ministre me permet. Est-ce qu'on ne peut pas
toujours présumer, est-ce que ce n'est pas toujours entendu, sans qu'on
l'indique dans une loi, qu'un parlement quel qu'il soit adopte des lois dans la
limite de sa compétence constitutionnelle?
M. LESAGE: II faudrait que je trouve, que je retrouve la loi de la
Régie des services publics, je ne me rappelle pas.
M. BERTRAND: Même avec cet exemple-là? UNE VOIX: Ah oui,
228 c'est les transports. M. LESAGE: C'est le suivant. M. DOZOIS: 228, 229.
M. LESAGE: 229, alors l'article 1 du chapitre 229, et nous voulons
qu'à la Régie des transports, ce soit la même chose et j'ai
cité ce matin le jugement du juge Fauteux dans la cause. Je l'ai
mentionné, à la page 187.
M. BERTRAND: J'ai noté tantôt, j'ai noté ce matin
quand le premier ministre l'a cité...
M. LESAGE: J'ai attiré l'attention spécialement
là-dessus.
M. BERTRAND: ... le jugement du juge Fau-teux.
M. LESAGE: Oui.
M. BERTRAND: Mais je me demande en quoi on ajoute...
M. LESAGE: Et il le dit.
M. BERTRAND: « A la valeur d'une loi adoptée par le
parlement, n'importe lequel parlement, » lorsque l'on dit dans un des
articles que la loi que nous adoptons s'applique aux matières
énumérées dans l'article 2 qui relève de la
compétence de la province, c'est clair qu'un parlement, on doit le
présumer, quel qu'il soit, adopte des lois qui s'appliquent dans la
limite des pouvoirs constitutionnels qui lui appartiennent. Si ses pouvoirs
sont absolus, sa loi est absolue, si, comme dans un état
fédéral, il y a partage d'autorité, il est clair qu'une
législature lorsqu'elle adopte une loi, on doit le présumer sans
le dire dans la loi, qu'elle adopte une loi qui s'applique dans la mesure et
suivant la limite de ses pouvoirs constitutionnels. Quant à moi, M. le
Président, je soumets qu'on n'a pas besoin du tout d'ajouter les mots:
« qui relève de la compétence de la province. » Une
loi est adoptée, une loi est votée, une loi est appliquée.
Si des gens croient que le parlement a dépassé les limites de sa
juridiction, il y a des tribunaux qui sont chargé s de le dire, et
à ce moment-là la Législature pourra toujours corriger par
une autre loi le défaut, le manque dans la législation qu'elle
aura adoptée. Mais je ne vois pas du tout pourquoi, même en
acceptant les propos du juge Fauteux, je ne vois pas pourquoi on mettrait dans
notre loi que telle loi s'applique aux matières
énumérées dans l'article 2 qui relève de la
compétence de la province. Nous légiférons pour la
province, nous légiférons dans la province et n'avons pas besoin
de mettre dans une loi que c'est de la compétence de la province,
ça l'est parce qu'on légifère dans ce domaine-là.
On n'a pas besoin de le dire dans la loi.
M. LESAGE: M. le Président, c'est parce que plus
particulièrement dans ce cas-ci, dans le cas des bateaux-passeurs, il
s'agit d'un cas de juridicaion mixte, n'est-ce pas, où les deux
gouvernements ont juridiction. J'ai expliqué ce matin quelle
était la ligne pas très facile de démarcation entre la
juridiction fédérale et la juridiction provinciale, mais c'est
peut-être en- core plus difficile dans le cas de la juridiction sur les
employés, malgré que là-dessus en fait, la Commission des
relations de travail du Québec a émis des certificats.
Mais dans le passé un juge de la Commission des relations de
travail a refusé d'émettre un certificat de reconnaissance
syndicale dans un cas semblable en prétendant qu'il s'agissait d'une
juridiction fédérale. Alors dans les circonstances je crois que
le conseil qui est donné par le juge Fauteux dans l'extrait du jugement
que j'ai cité ce matin est judicieux et je le répète il se
lit comme suit: « The enunciation of the principle of limitation with a
consequential duty for the courts to pronounce as to the operation for the
application of the act in each of the cases as they may arise appears to be a
prudent, practical and a valid legislative technique to adopt, a legislative
technique to adopt in a federal state. »
M. BERTRAND: J'admets bien la difficulté des partages et surtout
dans ce cas-ci. Il y a en vertu de l'article 91, le premier ministre l'a lu,
où l'on parle de la navigation, il y a également dans l'article
92 qui parle de la navigation entre les provinces, les bateaux qui font le lien
entre les provinces...
M. LESAGE: Non, à l'article 91.
M. BERTRAND: ... admis, j'admets tout cela, mais je ne vois pas en
quoi...
M. LESAGE: A 10 de l'article 92 qui parle des travaux
d'importance...
M. BERTRAND: D'ailleurs, le même principe peut s'appliquer
là où les pouvoirs des provinces et du fédéral
sont, je ne dirais pas conjoints, mais disons dans le domaine de
l'agriculture...
M. LESAGE: Se complètent.
M. BERTRAND: ... c'en est un; le domaine de l'immigration c'en est un
autre et je ne vois pas pourquoi on sera obligé de mettre dans des lois
que nous adoptons où il peut y avoir exercice du pouvoir provincial et
exercice du pouvoir central, je ne vois pas pourquoi on mettrait dans notre loi
que c'est entendu que nous adoptons une loi mais seulement dans la limite de
notre juridiction. Je trouve qu'on n'a pas besoin de mettre ça dans la
loi. D'une manière ou d'une autre cette loi, son interprétation,
sera appelée à être soumise aux tribunaux et je ne vois pas
pourquoi on le mettrait dans la loi
du tout que nous légiférons dans la mesure où nous
avons une juridiction, même après les propos qu'a lus le premier
ministre, propos d'un juge de la cour Suprême. Je diffère
d'opinion avec lui et nous n'avons pas besoin d'inscrire dans aucun de nos
textes de loi que nous sommes limités dans l'adoption des lois par la
juridiction constitutionnelle qui est la nôtre. Cela sinfère de la
nature d'une constitution d'un état fédéral et on n'a pas
besoin de le déclarer dans un texte de loi.
M. LESAGE: M. le Président, je ferai remarquer, je ne veux pas
intervenir, je ne veux pas faire de politique partisane, mais ses
prédécesseurs dans son parti, je pense, ne partageaient pas ses
vues parce que la loi des services publics qui a introduit ce texte pour la
première fois a été sanctionnée le 10 mars
1949.
M. JOHNSON: Est-ce que ça ne répétait pas une
disposition semblable...
M. LESAGE: Non, non, c'est une disposition. La présente loi peut
être citée sous le titre: « La Loi des services publics
». Elle s'applique aux matières énumérées
dans l'article 2 qui relève de la juridiction de la province, mot
à mot. C'est copié de l'Union nationale, c'est pour ça que
les reproches me surprennent.
M. GODBOUT: M. le Président, me permettra-t-on une tentative
d'explication à la remarque du député de Missisquoi? Je ne
crois pas que les mots « après l'article 2 qui relèvent de
la compétence de la province » veuillent signifier la limite des
pouvoirs de la province. Ce n'est pas cela que l'on a voulu dire dans
l'article. C'est une affirmation par le Parlement de la province de ses droits,
affirmation que la province a souvent répétée et il n'est
pas de mauvaise allure que la province affirme ses droits à l'occasion
de la passation d'une loi.
Deuxièmement, la question la plus importante est celle-ci: c'est
qu'à l'occasion d'un procès le juge, qui lirait l'article 1 de la
façon suivante: « La présente loi s'applique aux
matières énumérées dans l'article 2 »,
pourrait lui-même décider de la question de la validité.
Mais si la loi continue par les mots: « qui relève de la
compétence de la province », il s'ensuit un litige constitutionnel
que le juge devra considérer comme tel. Par conséquent, je dis
que les mots ne sont pas là inutilement, ils constituent une affirmation
de nos droits, ils constituent une limite à la juridiction du tribunal
qui au lieu d'avoir le champ absolument libre est en face d'un litige
constitutionnel.
M. BERTRAND: Mon collègue de Québec admettra, que les mots
y soient ou n'y soient pas, s'il y a un litige au sujet de
l'interprétation de la loi, ce sera un litige constitutionnel; que les
mots y soient ou n'y soient pas parce que la loi est adoptée par la
législature de Québec, elle relève de la juridiction du
Québec quant à l'adoption, elle fait partie des statuts de la
province de Québec. Alors, à ce moment-là qu'on mette les
mots, qu'on ne les mette pas c'est dans les statuts du Québec et le juge
qui sera appelé, si quelqu'un voulait faire déclarer la loi
inconstitutionnelle, ça deviendra un litige constitutionnel d'une
manière ou de l'autre. Alors je ne vois pas en quoi les mots affirment
plus la juridiction du Québec parce que le juge, même si on met
les mots, le fait de déclarer dans une loi à Ottawa que tel
domaine relève de la juridiction de l'Etat central ne lierait
certainement pas un tribunal constitutionnel qui serait appelé à
décider si le Parlement central a outrepassé ses pouvoirs en
adoptant telle loi. Je pense que mon confrère de Québec
conviendra avec moi qu'un tribunal constitutionnel quel qu'il soit ne serait
pas lié par une déclaration du législateur, quel qu'il
soit, insérée dans la loi quant à son
interprétation.
M. GODBOUT: M. le Président, il ne s'agit pas d'un tribunal
constitutionnel. Il s'agit d'un juge qui est assis sur son banc et qui va
prendre la loi et la lire en s'arrêtant après les mots «
article 2 ». A ce moment sont ouvertes à sa juridiction des
décisions en rapport avec les matières
énumérées et il pourrait de lui-même en
décider, peut-être même sans que les avocats l'invoquent
parce qu'il n'y aurait pas les mots « qui relève de la
compétence de la province ». Mais prenons le même juge qui
doit maintenant regarder cet article dans son entité et dans sa
totalité. Eh bien, pour que le litige soit soumis à sa
juridiction, il faudra que ce soit un litige précisément
constitutionnel, il faudra que les avocats invoquent que cela ça ne
relève pas de la compétence de la province. Il y a une
légère distinction à faire.
M. LE PRESIDENT: Article 1, adopté?
M. JOHNSON: Non, non, je voudrais éclairer la lanterne du
député de Québec-Est...
M. LESAGE: Encore, je pensais que f avais tout passé.
M. JOHNSON: ... et celle du député de
Québec-Ouest.
M. LESAGE: Oui, oui, c'est la mienne, j'ai bien compris.
M. JOHNSON: Non, non.
M. LAPORTE: Expliquez nous... 1949 aujourd'hui.
M. JOHNSON: Toutefois, le premier ministre actuel copie...
M. BERTRAND: Non, non, c'est rien...
M. JOHNSON: ... dit-il, la législation de 1949
présumément rédigée par M. Duplessis.
M. LESAGE: Non, noa..
M. JOHNSON: Or, pour l'édification du député de
Québec-Est, je dirai qu'à ce moment-là il ne fallait
jamais manquer l'occasion de proclamer notre compétence parce qu'on
avait à Ottawa un député de Montmagny-l'Islet qui essayait
de tout prendre...
DES VOIX: Ah!
M. JOHNSON: ... d'enlever toutes les compétences du
provincial...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs.
M. JOHNSON: II ne manquait jamais une occasion de l'affirmer..
M. LESAGE: Dans le temps de l'Union nationale, du moment qu'ils
mettaient ça dans une loi, l' autonomie était sauvée.
M. LE PRESIDENT: L'article 1 adopté?
M. JOHNSON: C'est la thèse du député de
Québec-Est.
M. LE PRESIDENT: Article 1, adopté.
M. LESAGE: J'ai écouté le député de
Québec-Est et ce n'est pas ça. Tout simplement que l'on fait
d'autres choses pour affirmer l'autonomie qu'écrire ça dans des
belles déclarations ou dans des textes de loi.
M. LE PRESIDENT: Adopté? Article 1 adopté. Article 2.
M. JOHNSON: Evidemment, c'est pour placer les entreprises de navigation
de transport de passagers sur le même pied que les autres...
M. LESAGE: Autorisation préalable.
M. LAPORTE: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Article 2 adopté. Article 3. D'abord l'article
36a.
M. LAPORTE: L'article 3, c'est très simple.
M. DOZOIS: Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire si le texte
que nous retrouvons à 36a existe ailleurs, dans d'autres domaines ou
dans d'autres lois?
M. LESAGE: Non. D'abord, c'est une chose originale...
UNE VOIX: Ah!
M. LESAGE: Mais les rédacteurs de 36 a, b et c se sont
inspirés des principes de 12 Elizabeth II, chapitre 17, la loi
fédérale 17, chapitre 17: « Loi ayant pour objet de placer
les syndicats des transports maritimes du Canada sous la gestion et la
direction d'un conseil d'administration. » Cela a été
l'affaire du juge Lippé.
M. BERTRAND: On l'a lu hier.
M. LESAGE: Et les principes ont été tirés de cette
loi, n'est-ce pas? Mais simplement que c'est mutatis mutandis...
M. BERTRAND: Joliment!
M. LESAGE: Oui, joliment mutatis mutandis, je suis d'accord, mais
simplement qu'il fallait créer quelque chose d'original. C'est ce qui a
été fait. Si l'on veut bien se rappeler les explications que j'ai
données ce matin. Il ne s'agit pas de nommer un mandataire puisque dans
ce cas-ci et dans le cas de l'Union des marins, il s'agit de nommer quelqu'un
qui va agir au lieu et place et c'est la raison pour laquelle on a la
rédaction que nous avons devant nous pour 36 a. Je l'ai expliqué
ce matin. Si l'on veut bien me donner l'article 121 du Code du travail. C'est
le dernier alinéa de 36 a: « Nulle action sous l'article 50 du
Code de procédure civile, etc. » Alors, les pouvoirs de
l'administrateur, je l'ai dit ce matin, n'est-ce pas, sont limités aux
biens affectés par le propriétaire à l'usage du service
interrompu. Cela apparaît clairement à 36 a; une limitation. Je
viens de le dire, l'administrateur n'est pas le mandataire de la compagnie. Je
l'ai dit ce matin. Les actes qu'il Dose ne lient pas en règle
générale la compa-
gnie. Cependant pour rétablir le service, il peut se servir des
biens du propriétaire qui sont affectés au service, mais
seulement de ces biens-là: les bateaux, les quais, les comptoirs-lunch,
les buffets, mais tous ses actes ne lient pas automatiquement le
propriétaire comme s'il en était le mandataire. Tout ce qu'il a
le droit de faire, c'est de le faire raisonnablement en bon père de
famille, en administrateur, et le propriétaire est responsable du
surplus des dettes encourues sur les revenus qui sont entrés.
J'ai dit ça ce matin, mais il n'y a rien qui empêche le
propriétaire, même après la nomination de l'administrateur
de disposer de ses biens, s'il le veut. Si la compagnie de la traverse de
Lévis, même pendant que l'administrateur administre, veut vendre
ses biens à des tiers, il les vend à des tiers.
M. BERTRAND: Lui aussi, l'administrateur peut le faire.
M. LESAGE: Pardon?
M. BERTRAND: Lui aussi l'administrateur il peut le faire.
M. LESAGE: Il peut vendre, il peut hypothéquer, certainement.
Supposons que l'administrateur resterait en fonction pendant dix ans, supposons
que ce serait lui qui préparerait le plan de réaménagement
de tout le système avec de nouveaux bateaux...
M. BERTRAND: Les relations...
M. JOHNSON: Quelles sont les relations entre actionnaires, les
directeurs et l'administrateur.
M. LESAGE: C'est l'administrateur qui administre, c'est un service
public. Quand on est propriétaire d'un service public, on doit voir
à l'administrer et à procéder, on prend des
responsabilités...
M. DOZOIS: Vous faites une expropriation...
M. LESAGE: ... si on ne remplit pas les responsabilités, eh bien!
évidemment il faut que le gouvernement, comme nous le demandons ici,
soit en mesure de nommer un administrateur quand la sécurité
publique est en danger ou la santé publique, pour voir à ce que
ça procède normalement. Il n'y a pas d'autre solution, il faut
que l'administrateur ait les pouvoirs nécessaires.
M. BERTRAND: Oui, mais vous dites que la compagnie durant le même
temps possède les mêmes pouvoirs.
M. LESAGE: Mais si les actionnaires et puis les administrateurs de la
compagnie n'ont qu'à prendre les dispositions nécessaires pour
que nous congédiions en vertu de 36-C l'administration le plus tôt
possible.
M. BERTRAND: Bien oui.
M. LESAGE: C'est aussi simple que ça.
M. JOHNSON: Si l'administrateur, si le premier ministre me permet...
M. LESAGE: Oui, bien oui, nous sommes en comité.
M. JOHNSON: Les relations entre le bureau de direction...
M. LESAGE: Le conseil d'administration.
M. JOHNSON: Le conseil d'administration, pardon, et les
actionnaires...
M. LESAGE: Cela continue d'exister.
M. JOHNSON: ... ça demeure les mêmes, mais les pouvoirs des
administrateurs du conseil d'administration de la compagnie,
théoriquement, demeurent les mêmes.
M. LESAGE: Oui.
M. JOHNSON: Mais en pratique soyons réalistes. On donne à
l'administrateur nommé par le gouvernement le pouvoir de vendre,
d'hypothéquer, nantir, tout faire...
M. LESAGE: Certainement.
M. JOHNSON: ... sans l'autorisation du bureau d'administration...
M. LESAGE: Certainement.
M. JOHNSON: ... sans l'autorisation des actionnaires.
M. LESAGE: Clairement.
M. JOHNSON: Même si le premier ministre dit: les actionnaires
pourront continuer quand même et le bureau d'administration...
M. LESAGE: Ils peuvent vendre, s'ils veulent.
M. JOHNSON: Mais si l'administrateur lui a décidé
d'emprunter, d'hypothéquer, pour une raison valable, à son point
de vue...
M. LESAGE: Bien oui.
M. JOHNSON: ... qu'est-ce qui restera de possibilité aux
actionnaires et au bureau de direction, en somme, M. le Président...
M. LESAGE: Agir, d'agir.
M. JOHNSON: En somme, M. le Président...
M. LESAGE: Agir au lieu de ne pas agir.
M. JOHNSON: En somme, M. le Président, c'est une expropriation,
un moyen détourné d'exproprier...
M. LESAGE: Pas du tout.
M. JOHNSON: ... et de le faire sans indemnité.
M. LESAGE: Pas du tout.
M. LAPORTE: Le bien commun doit prévaloir. C'est exactement
ça. La Loi prévoit justement un mécanisme en vertu duquel
cet administrateur, lorsque le bien commun le permettra, pourra être
remercié de ses services.
M. JOHNSON: Non, voici. Ce n'est pas nécessaire tout
ça.
M. LESAGE: Prenez, par exemple, le gardien d'une compagnie d'assurance
qui est nommé séquestre. Il prend possession des biens.
M. BERTRAND: Oui, mais à ce moment-là, la compagnie ne
peut plus rien faire.
M. LESAGE: II les administre.
M. JOHNSON: Mais il n'y a personne qui va prétendre, à ce
moment-là, que les administrateurs ont encore des pouvoirs.
M. BERTRAND: Non, ils n'en ont plus.
M. JOHNSON: Non. M. le Président, il me semble que ce n'est pas
nécessaire. Il y a une question de principe en jeu qui est
extrêmement sérieuse, n'est-ce pas?
M. LESAGE: Bien c'est évident qu'il y a une question de
principe.
M. JOHNSON: Extrêmement sérieuse et qui pourrait être
dommageable au bien général de la province.
M. LESAGE: Non.
M. JOHNSON: A la réputation générale de la
province.
M. LESAGE: Cela ne s'applique... M. JOHNSON: Elle peut atteindre le
but... M. LESAGE: C'est pour ça que nous l'avons. M. JOHNSON: Oui.
M. LESAGE: C'est parce que justement, c'est tellement extraordinaire du
droit commun,...
M. JOHNSON: On peut atteindre, si le premier ministre le permet...
M. LESAGE: ... que c'est pour ça que nous l'avons limité
au cas où la sécurité publique ou la santé publique
sont en danger, et puis seulement qu'aux navires.
M. JOHNSON: Oui, oui!
M. LESAGE: Seulement qu'aux navires.
M. BERTRAND: Oui, oui.
M. LESAGE: Or, dans le cas de la Traverse de Lévis, je comprends
que là, c'est peut-être tous les biens...
M. JOHNSON: Non, mais si le premier ministre veut me laisser
terminer...
M. LESAGE: ... mais s'il s'agissait d'une des traverses de la Clarke
Steamship, cela pourrait être qu'une partie des biens de la Clarke.
M. JOHNSON: M. le Président, que le premier ministre me laisse
terminer. Je crois qu'on peut atteindre le même but. On peut mettre
d'avant, donner la priorité, dis-je, au bien commun sans poser ce
précédent. On pourrait, par exemple, nommer un administrateur qui
répondra au bureau de direction, mais...
M. LESAGE: Non, non. Non, mais c'est justement...
M. JOHNSON: ... en cas où le bureau de direction ne voudrait pas
approuver ces décisions ou ces suggestions, ces recommandations, qu'on
ait un appel rapidement fait à la Régie des services publics.
M. LESAGE: Ah bien non! Cela ne finira plus, M. le Président.
M. JOHNSON: Non, non, brièvement.
M. LESAGE: Mais non, mais ça ne peut pas marcher, même un
jugement rendu après un mois sur une requête est trop
précipité dit le député de Champlain.
M. JOHNSON: Non, non. Voyons donc!
M. BELLEMARE: Ecoutez un peu, vous déplacez la question un
peu.
M. LESAGE: Non, mais ce n'est pas moi qui dit ça, c'est le
député de Champlain.
M. JOHNSON: Théoriquement là, en vertu du texte, tel qu'il
est rédigé, l'administrateur arrive demain matin,
hypothèque toute l'affaire, le bureau d'administration n'a pas un mot
à dire et les actionnaires non plus.
M. LESAGE: Evidemment, on va arriver...
M. JOHNSON: Ils ne sont pas du tout dédommagés.
M. LESAGE: On va nommer un homme irresponsable comme administrateur?
M. JOHNSON: Non. On sait ça.
M. LESAGE: ... qui va s'emparer de tout?
M. JOHNSON: Bon]
M. LESAGE: Bien vous savez que ça n'a pas de bon sens, voyons
donc.
M. JOHNSON: Que ça n'a pas de bon sens, mais on présume
que cet homme va être raisonnable. Est-ce qu'on ne doit pas
présumer aussi que les directeurs de la Traverse de Lévis vont
être raisonnables?
M. LESAGE: M. le Président,...
M. JOHNSON: Le premier ministre est renseigné, c'est à lui
de nous le dire. Est-ce qu'on a affaire à un groupe d'irresponsables qui
fatalement...
M. LESAGE: Non, non, non.
M. JOHNSON: Bon. Quand l'administrateur du gouvernement...
M. LESAGE: Non, non, il s'agit d'une loi générale, il ne
s'agit pas d'une loi qui s'applique spécialement à la Traverse de
Lévis, il s'agit d'une loi générale.
M. JOHNSON: A plus forte raison, le précédent est encore
plus dangereux.
M. LESAGE: M. le Président, il y a une chose certaine, c'est que
dans le cas qui nous préoccupe, s'il y a eu arrêt de travail, s'il
y a eu arrêt des bateaux, cela est dû au fait qu'il y a des
capitaines et des seconds qui ont quitté le navire, leur navire, parce
qu'ils étaient payés la moitié de ce que gagnent les
capitaines et les seconds qui occupent des fonctions semblables et que la
compagnie a refusé de négocier. C'est ça le fait.
M. JOHNSON: A plus forte raison, le principe est encore plus
dangereux...
M. LESAGE: J'ai tout dit ça.
M. JOHNSON: ... puisqu'on l'applique à n'importe quelle
entreprise qui tombe sous l'article 2.
M. LESAGE: Oui, mais il faut qu'il y ait arrêt de service pour une
raison quelconque et j'ai dit que ça peut être une grève,
ça peut être un « lock-out »...
M. JOHNSON: Oui, on vient de...
M. LESAGE: ... ou ça peut être une décision
unilatérale comme celle dont a fait part la compagnie à la ville
de Québec...
M. JOHNSON: L'éditorialiste de la Gazette...
M. LESAGE: ... d'arrêter le 15 novembre.
M. JOHNSON: Non, non, écoutez, soyons raisonnables. La compagnie
avait un contrat expiré depuis le 30 avril, vrai ou faux?
M. LESAGE: Je ne cherche pas à départager les
responsabilités, je dis que nous sommes en face d'une situation, qu'il
faut prendre les remèdes et nous les prenons.
M. JOHNSON: Bien oui, mais prenons un
remède qui ne tuera pas nécessairement le patient, si on
peut prendre un remède qui va guérir le bobo sans tuer le
patient...
M. LESAGE: Cela ne tuera personne. J'ai bien l'impression que
l'administrateur ne sera pas en fonction longtemps.
M. JOHNSON: En somme, « it is a big stick to get things going.
»
M. LESAGE: Enfin, M. le Président, le gouvernement prend les...
c'est très limité.
M. LAPORTE: Si le chef de l'Opposition me permet. C'est limité
d'abord à la navigation, dans tout ce qui existe de bien dans la
province de Québec il y a seulement les transports par navigation, les
bateaux-passeurs. Deuxièmement, il faut qu'il y ait arrêt de
travail...
M. LESAGE: Arrêt de service.
M. LAPORTE: Oui, arrêt de service. Troisièmement, il faut
que le Lieutenant-gouverneur en conseil en vienne à la conclusion que la
santé ou la sécurité publique sont en danger. Il faut
toutes ces conditions-là quand on limite d'abord le nombre des objets
auxquels ça peut s'appliquer, deuxièmement on met des conditions
très difficiles, mais quand toutes ces conditions-là se posent,
c'est le bien commun qui est en jeu.
Il faut donner à l'administrateur le moyen de traiter le cas, et
la loi prévoit également la cessation de cette
fonction-là. Je pense que ce sont des garanties normales qu'on doit
exiger, qu'on met dans la loi, au nom du bien commun.
M. JOHNSON: M. le Président, il reste quand même que le
seul maître...
M. LAPORTE: A bord, après Dieu.
M. JOHNSON: ... après Dieu, ce n'est plus le capitaine du bateau,
mais c'est le Lieutenant-gouverneur en conseil, qui, lui, décide si
c'est une matière...
M. LESAGE: Oui, mais M. le Président...
M. JOHNSON: ... s'il y a danger pour la sécurité.
M. LESAGE: Dans ce cas-ci, j'ai demandé au commandant de la
Sûreté provinciale et il m'a dit que oui. Les exemples que j'ai
donnés ce matin m'ont été donnés par le commandant
Des- cent, de la Sûreté provinciale. J'ai pris mes
précautions.
M. LE PRESIDENT: Adopté?
M. LESAGE: J'ai demandé l'opinion du commandant de la
Sûreté pour la région, pour le district de
Québec.
M. JOHNSON: 36-A, voici à ce propos-là. Je voudrais tout
de suite, M. le Président, verser au dossier une communication des
Chambres de commerce de la régionale Chaudière- Etchemin, qui
m'ont envoyé le message suivant, daté de Lévis 21
octobre.
M. LESAGE: Elles n'avaient pas vu le bill.
M. JOHNSON: Chambre de commerce régionale,
Chaudiêre-Etchemin, réunie en assemblée spéciale
à Lévis est heureuse décision du gouvernement
Québec, de convoquer parlement pour augmenter les pouvoirs de la
Régie des transports en vue de trouver incidemment les
éléments de solution aux problèmes des communications
entre Lévis et Québec. Suggérons en plus Gouvernement
prenne mesure immédiate en vue d'établir cette communication de
façon permanente et adéquate...
M. LESAGE: Je l'ai, le texte.
M. JOHNSON: ... soit par municipalisation...
M. LESAGE: J'ai expliqué ce matin pourquoi.
M. JOHNSON: ... ou étatisation du service, sans pour autant
exclure possibilité pont ou tunnel entre cités Québec et
Lévis. Chambre de commerce régionale Chaudiêre-Etchemin.
René Morency, président.
M. LESAGE: Ce n'est pas des discours de l'Opposition. Mais quant
à la municipalisation ou l'étatisation, j'ai dit ce matin que
nous n'avions pas le pouvoir et le chef de l'Opposition l'a admis, il l'a
regretté lui-même, nous n'avions pas le pouvoir d'exproprier les
actions de la compagnie, nous serions obligés de négocier. Or
nous n'avons pas le pouvoir de marchandage, de « bargaining power
». C'est simple, moi je négocie pas sans pouvoir de
marchandage.
Je regrette, je suis un homme pratique, M. le Président.
M. JOHNSON: Sans faire dévier le débat, une bonne
manière de mettre fin au « bargaining power », ce serait de
souscrire à la formule Fulton-Favreau.
M. LAPORTE: Ileureusement que c'est « sans faire dévier le
débat ».
M. LESAGE: Je pense qu'on peut essayer ça, M. le
Président, le chef de l'Opposition est convaincu, il n'y a pas de
danger.
M. LAPORTE: Adopté?
M. LESAGE: Parce que je veux donner une chance au Conseil
législatif.
M. BELLEMARE: Oui, oui, je vais lui en donner, une chance, mais je
voudrais aussi être bien sûr que l'administrateur... M. le
Président, l'honorable premier ministre a dit tout à l'heure que
même les interruptions du service par une grève ou par un «
lock out » appelleraient l'administrateur à jouer son rôle,
dans l'intérêt public...
M. LESAGE: Non, non, justement, si la sécurité publique
est en danger à ce moment-là...
M. BELLEMARE: Je voudrais savoir si...
M. LESAGE: ... mais n'oublions pas une chose, c'est que dans le cas de
grève...
M. BELLEMARE: Une minute, je vais finir ma question, le premier ministre
va me répondre. Supposons qu'il y a une grève légale,
est-ce que l'administrateur a le pouvoir, lors de la suspension du service, de
diriger toutes les personnes employées à cette fin vers le
travail? Est-ce qu'il a le droit de faire ça?
M. LESAGE: Non, M. le Président, évidemment que non, parce
que la direction de l'administrateur, les pouvoirs de direction sont les
mêmes que les pouvoirs de direction du gérant
général, si vous voulez.
M. BELLEMARE: Oui, mais supposons qu'il y a une grève...
M. LESAGE: Non, non, un instant là. Mais le gérant
général, s'il y a une grève, bien qu'il ait le pouvoir de
direction sur les hommes, n'a pas le droit de les obliger à revenir au
travail si c'est une grève légale. Si c'est une grève
légale, ça ne donne pas de pouvoirs spéciaux à
l'administrateur.
M. BELLEMARE: A cause du Code du travail.
M. LESAGE: Non, parce que le Codedu travail n'est pas
amendé...
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. LESAGE: ... et tout ce qui peut arriver dans le cas d'une
grève légale, le seul moyen de faire revenir les ouvriers au
travail, c'est d'invoquer, c'est de prendre une injonction en vertu de
l'article 99 en invoquant la sécurité et la santé
publique. Mais ça, c'est une autre affaire complètement, c'est le
Code du travail, là. On ne touche aucunement au Code du travail par le
présent projet de loi. Les droits des ouvriers restent absolument
sacrés dans cette affaire-là. Je suis sûr que le
député de Champlain comprendra que puisque les capitaines et les
seconds ont fait la déclaration qu'ils ont faite, on n'a pas besoin
d'être grand devin pour comprendre que...
M. BELLEMARE: Oui, oui, mais seulement je pense aussi à ceux qui
seront syndiqués dans un autre secteur, qui sont des employés
appartenant à une centrale syndicale.
M. LESAGE: Si c'est dans un autre secteur, ça ne s'applique pas,
il faut que ce soient les bateaux-passeurs.
M. BELLEMARE: Non, mais voici. Dans la Traverse, il y a aussi un autre
secteur qui est syndiqué.
M. LESAGE: Bien oui...
M. BELLEMARE: Mais à ce moment-là si ce secteur-là
est en grève légale, si je comprends bien le premier ministre,
quand il dit; lors de la suspension du service, l'administrateur peut diriger
toutes les personnes employées à cette fin, mais n'a pas le droit
de juridiction de le renvoyer au travail s'il y a une grève
légale.
M. LESAGE: Pas du tout.
M. BELLEMARE: Bon, très bien, pas d'explication.
M. LESAGE: On ne peut pas violer le code du travail.
M. BELLEMARE: C'est l'interprétation de de bout de
phrase-là...
M. LESAGE: II faudrait le dire s'il avait la permission de violer le
code du travail.
M. BELLEMARE: ... parce qu'en vertu de l'article 36b, il y a des peines
assez rigoureuses...
M. LESAGE: Oui, oui, c'est évident.
M. LE PRESIDENT: Alors article 36a adopté? Adopté. Article
36b.
M. LESAGE: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
M. JOHNSON: Un instant.
M. LESAGE: Article 36b, il n'y a rien de bien spécial.
M. JOHNSON: Voici comment s'établissent les
précédents. On limite ça d'abord aux entreprises, aux
services de transport par navigation et, quand il y aura d'autres domaines,
d'autres services publics exploités par l'entreprise privée et
que le conseil des ministres jugera qu'il y a danger pour la
sécurité publique ou pour la santé publique, on fera
à ce moment-là un autre bill en se basant sur ce
précédent, et c'est ainsi que de précédent en
précédent, on arrivera à une situation très
évidente; personne ne voudra plus investir un seul sou dans aucun
service public, aucun. C'est là le précédent grave sur
lequel je crois de mon devoir d'insister. C'est le genre de législation
qui ouvre la porte au dirigisme d'Etat et qui ferme la porte à des
investissements de l'entreprise privée dans le domaine du secteur
public. Maintenant si c'est ça la philosophie du gouvernement, qu'il le
dise. Et duxièmement, il y a un danger et c'est ici qu'on le voit
à l'article 36b, il y a un danger, on ferme la porte aussi au
développement ou à l'éclosion du syndicalisme de cadre. Si
les principaux d'écoles, les gérants de succursales de l'Hydro,
les capitaines ou seconds de navires, réussissaient à obtenir ou
à se former en union, c'est ce que l'on appelerait du syndicalisme de
cadre.
Tout de suite, par une loi similaire à celle-ci, c'est là
que repose la force du précédent: on barrerait la route au
syndicat de cadres. C'est pour ça que le journal The Gazette disait dans
un éditorial: « C'est le premier pas vers le rétablissement
de l'ordre...
M. LESAGE: On n'avait pas vu le projet de loi, on se fiait à
l'interprétation qu'en avait donnée le chef de l'Opposition alors
qu'il voulait massacrer les unions ouvrières.
M. JOHNSON: Non, non. En l'absence du premier ministre, j'ai fait la
correction qui a été acceptée, d'ailleurs...
M. LESAGE: Excusez-moi.
M. JOHNSON: ... l'interprétation que le journaliste a faite de
mes propos, confusion à la base entre Régie des transports et
Commission des relations de travail.
M. LESAGE: C'est la même confusion qui existe dans le moment. 36
b, après tout, ce n'est qu'une amende, c'est $10,000.
M. JOHNSON: Et le droit de grève évidemment...
M. LESAGE: Le droit de grève n'est pas touché.
M. JOHNSON: ... accordé dans les services publics comporte
nécessairement en contrepartie et c'est bon que les deux parties
soient en état de tension, a dit un ministre récemment
comporte aussi le droit de « lock out », comme pendant.
M. LESAGE: Bien oui, puis après? Cela ne vient pas...
M. JOHNSON: Alors le danger que la sécurité du
public...
M. LESAGE: Cela ne provient pas de ça, toute la
difficulté. Tout ça provient du désir de la compagnie
d'abandonner le service le 15 novembre. Comme les capitaines et les seconds ont
quitté...
M. JOHNSON: Cela s'applique à la Traverse de Matane, cela
s'applique à la Traverse de Rivière-du-Loup, cela s'applique
à la Traverse de Trois-Rivières, cela s'applique à la
Traverse de Tadoussac.
M. LESAGE: Ils font de l'argent l'été autant que
l'hiver.
M. JOHNSON: Cela s'applique à la Traverse du Saguenay, Sorel,
Rimouski, Laval-sur-le-Lac, St-Jacques-des-Piles, St-Pie-de-Bagot...
M. LESAGE: II est évident qu'il y a des services qui ne sont
donnés que l'été. II y a suspension de service, tandis
qu'ici c'est le désir nettement exprimé, la volonté
nettement exprimée d'abandonner le service.
M. LE PRESIDENT: Alors, 36 b.
M. JOHNSON: Deuxièmement, je voudrais que le premier ministre
nous donne l'assurance très catégorique que cet article ne
permettrait pas à l'administrateur de mettre de côté les
conventions collectives.
M. LESAGE: C'est clair.
M. JOHNSON: « Quiconque entrave, dit l'article, ou gêne un
administrateur nommé en vertu de l'article 36a dans l'exercice d'un
pouvoir ou d'une fonction que ledit article lui attribue ou fait défaut
d'obéir à un ordre légitime d'un tel administrateur...
M. LESAGE: Vous savez bien que ce n'est pas pour les ouvriers.
M. JOHNSON: Admettons, pour les ans de la discussion, que ce n'est pas
l'intention du gouvernement.
Mais l'interprétation stricte des mots utilisés
permettrait d'en venir à la conclusion que l'administrateur peut dire
à un ouvrier même syndiqué membre d'un syndicat qui a une
convention collective: « Fais ça, toi! »
M. LESAGE: Vous pouvez le dire mais ça ne vaut rien.
M. JOHNSON: ... Si c'est légitime. M. LAPORTE: Ce qu'on peut
penser.
M. JOHNSON: Or, M. le Président, légitime...
M. LESAGE: Mais il n'est pas légitime, le Syndicat.
M. JOHNSON: ... et si un ouvrier n'obéit pas, il sera passible
des peines prévues, maximum $10,000...
M. LESAGE: Il faut que ce soit...
M. JOHNSON: ... emprisonnement deux ans.
M. LESAGE: II faut que ce soit un ordre légal.
M. JOHNSON: Bien, en anglais on dit, M. le Président: « Who
does not obey a lawful order ». Et en français on dit un ordre
légitime.
M. LESAGE: Bien oui, c'est ça.
M. JOHNSON: Pourquoi la distinction entre les deux? Est-ce qu'il y a
mauvaise traduction?
M. LESAGE: Il n'y a pas de distinction. M. JOHNSON: Est-ce que
ç'a été...
M. LESAGE: « Lawful » et « légitime »
sont synonymes. Regardez dans le dictionnaire Harrap's ou dans n'importe quoi.
Mais on pourrait être précis. Ce qui est permis en vertu de la loi
c'est ça qui est légitime « lawful ». Qu'on consulte
Harrap's et puis on verra.
M. JOHNSON: Mais est-ce que la loi a été conçue en
français ou en anglais?
M. BERTRAND: Ils aimaient mieux consulter le premier ministre.
M. JOHNSON: En français?
M. LESAGE: L'administrateur ne peut jamais donner un ordre qui soit
à l'encontre de la convention ou même à l'encontre des
dispositions du Code du travail. Ce ne serait pas légitime, ce ne serait
pas suivant la Loi.
M. JOHNSON: Cela serait illégal, mais ça serait...
M. LESAGE: Mais non...
M. JOHNSON: ... ça pourrait être légitime.
M. LESAGE: Mais non, je regrette, je regrette...
M. JOHNSON: Et puis en anglais...
M. LESAGE: ... je ne veux pas faire de sémantique.
M. JOHNSON: En anglais, il y a une traduction qui favoriserait
précisément cette interprétation.
M. LESAGE: Mais oui, mais « legitimate » en anglais veut
dire la même chose que « légitime » en
français, si le chef de l'Opposition veut bien vouloir regarder dans le
dictionnaire Harrap's; il le donne, même le Harrap's.
M. JOHNSON: M. le Président, comme me le fait remarquer le
député de Bellechasse qui est bon avocat...
M. RENE LEVESQUE: De toute façon, la
traverse étant pas mal unilingue, ils prendront le texte
français.
M. JOHNSON: II faut interpréter les articles les uns. à la
lumière des autres et à 36-A, premier paragraphe,
l'administrateur a des pouvoirs très larges, on voit à la fin du
paragraphe deuxième qu'il a le pouvoir de diriger toutes les personnes
employées à cette fin. Or, M. le Président, il a le droit
de diriger toutes les personnes employées. Il a le droit strictement, si
on s'en tient au texte, de dire à un employé quelconque: «
Vous, monsieur, c'est là que vous allez travailler dorénavant,
désormais ». Et, même si l'Union intervient,
l'administrateur dira: « Je regrette, j'ai reçu de la
Législature, par un vote unanime, le pouvoir absolu de diriger toutes
les personnes employées à cette fin ». Et là on va
se ramasser dans des difficultés.
Pourquoi ne pas éclaircir le texte?
M. LAPORTE: Adopté.
M. LE PRESIDENT: 36 B, adopté. 36 C.
M. BELLEMARE: 36 C, M. le Président, c'est l'administrateur qui
va faire rapport à la Régie sur la situation bonne ou mauvaise de
la compagnie, pour reprendre ses activités? C'est l'administrateur seul
qui va plaider de la bonne volonté ou non?
M. LAPORTE: Ah non! Le propriétaire va se présenter devant
la Régie et va dire: voici ce qu'on a fait.
M. BELLEMARE: Mais si l'administrateur tient énormément
à rester, il va trouver une foule d'arguments.
M. LESAGE: L'administrateur c'est le lieutenant-gouverneur en
Conseil.
M. BELLEMARE: Le lieutenant-gouverneur en Conseil, l'administrateur?
C'est nommé par le lieutenant-gouverneur en Conseil.
M. LESAGE: Bien oui. Mais alors.
M. BELLEMARE: Mais c'est une tout autre personne, qui lui, à ce
moment-là, fera peut-être...
M. LESAGE: Non mais... Un instant, s'il vous plaît. Le
lieutenant-gouverneur en Conseil ayant le pouvoir de nommer peut toujours
révoquer.
M. BELLEMARE: Oui, mais c'est la Régie qui doit faire rapport au
lieutenant-gouverneur sur l'administration.
M. LESAGE: Non, je regrette, cela n'enlève pas au
lieutenant-gouverneur...
M. BELLEMARE: Sur le rapport de la Régie attestant que le
propriétaire d'un service de navigation...
M. LESAGE: Non je regrette!
M. BELLEMARE: ... est en mesure de reprendre... Le
lieutenant-gouverneur...
M. LESAGE: Oui, mais est-ce que le député de Champlain
pourrait m'écouter un instant?
M. BELLEMARE: Oui, mais si le premier ministre commençait par
m'écouter.
M. LESAGE: Mais non, mais je... c'est que si le député de
Champlain voulait bien comprendre que...
M. BELLEMARE: Oui. Ah oui, ça, je fais un effort.
M. LESAGE: ... cet article-là n'enlève pas...
M. BELLEMARE: Oui.
M. LESAGE: ... au lieutenant-gouverneur en Conseil le pouvoir de
révoquer la nomination de l'administrateur, proprio motu...
M. BELLEMARE: D'accord!
M. LESAGE: ... parce qu'en vertu des lois d'interprétation, celui
qui nomme peut révoquer.
M. BELLEMARE: D'accord! M. LESAGE: Bon!
M. BELLEMARE: Bon! Mais voici, l'article commence par; « Sur la
recommandation de la Régie... »
M. LESAGE: Garantie additionnelle.
M. BELLEMARE: Ah oui, d'accord. Vous, vous savez ça. Mais c'est
marqué dans la Loi, demain matin: « Sur le rapport de la
Régie attestant que... » Bon. Là, le lieutenant-gouver-
neur en Conseil peut, pas « il doit », mais «
il peut » la révoquer. Alors, il peut. Il décidera
ou non. Ce n'est pas il doit révoquer.
M. LAPORTE: On va le laisser finir.
M. BELLEMARE; Non, non, mais le premier ministre... peut-être que
le ton de ma voix ne lui plaît pas.
M. LESAGE: Non, non, je souris!
M. BELLEMARE: Mais je vais lui dire ceci. Je regarde ça
très objectivement.
M. LESAGE: Bien oui, mais je souris!
M. BELLEMARE: Et je dis que si la Régie qui recevra, de la part
de l'administrateur ou de la compagnie, une demande pour reprendre ses
affaires, c'est l'administrateur seul qui sera devant la Régie pour
plaider, pour conserver son poste ou non. La Régie, elle, fera un
rapport au lieutenant-gouverneur qui pourra, pas qui devra, qui pourra, elle,
si elle le désire ou si elle consent à le retirer, parce que la
Loi dit que c'est le lieutenant gouverneur en Conseil qui peut, mais pas qui
doit.
M. LESAGE: Bien je crois bien!
M. BELLEMARE: Ah bien, c'est sûr!
M. LESAGE: Avez-vous fini là?
M. BELLEMARE: Mais c'est l'administrateur seul qui aura le droit de dire
si ça doit finir ou non.
M. LESAGE: Pas du tout. Non, non. M. BELLEMARE: Bien voici...
M. LESAGE: Je viens exactement de dire le contraire.
M. BELLEMARE: Laissez-moi donc finir puis je vais vous donner...
M. LESAGE: Cela ne finit jamais. Je viens de vous expliquer le contraire
puis vous m'avez dit...
M. BELLEMARE: Le lieutenant-gouverneur en conseil peut révoquer
la nomination de l'administrateur parce qu'il l'a nommé. Je suis
sûr et certain que ça, c'est la loi, mais je sais aussi que
l'article qui est dans la loi d'aujourd'hui c'est marqué sur la
recommandation du lieutenant-gouverneur en conseil.
M. LESAGE: Mais oui, mais c'est additionnel.
M. BELLEMARE: Mais oui, mais oui, c'est sûr, mais sur le rapport
de la Régie attestant que le propriétaire...
M. LESAGE: Bien, mon Dieu, ah bien je suis découragé.
M. BELLEMARE: Bon, alors j'ai raison puis mon point de vue a bien du bon
sens.
M. LESAGE: C'est décourageant.
M. LAPORTE: Juste un mot, M. le Président, pourquoi cet
article-là a été mis dans la loi? C'est parce que nous
voulons donner aux propriétaires de la compagnie, à ceux qui sont
remplacés par l'administrateur, un recours. Je présume qu'un
service de bateaux-passeurs a été interrompu; l'administrateur a
été nommé, mais au bout d'un certain temps, les
propriétaires de la compagnie croient que la situation est
rétablie, ils vont s'adresser à la Régie des transports
pour dire: voici quelle est la situation, ils vont expliquer ce qui a
été fait, quels sont leurs projets pour que le service se
continue de façon permanente et là la Régie va dire:
à notre avis, c'est satisfaisant. Puis là un rapport va
être envoyé au lieutenant-gouverneur en conseil...
M. BELLEMARE: S'il veut garder sa « job ».
M. LAPORTE: ... Mais le projet c'était notre loi, mais une
Régie ne peut pas donner un ordre au Conseil des ministres, ça ne
se fait pas...
DES VOIX: C'est la loi.
M. LAPORTE: Une minute, ce n'est pas là, c'est tout à
l'heure ça, je vais finir si vous me permettez.
M. JOHNSON: Oui, oui, je n'ai pas d'objection.
M. LAPORTE: Bon, vous êtes bien bon, vous êtes bien bon.
Alors, je dis que...
M. JOHNSON: Infiniment aimable.
M. LAPORTE: Bien ça, n'exagérons pas.
M. JOHNSON: Vous ne devez pas me croire.
M. LAPORTE: Alors, M. le Président, on met « peut »
à cause de ça. On dit qu'une loi peut donner un ordre à un
tribunal, une loi peut donner un ordre à une Régie, mais une loi
ne peut pas donner un ordre au lieutenant-gouverneur en conseil qui devra poser
tel geste. On dit « peut », puis là il y a la sanction de
l'opinion publique, c'est pour ça qu'on a mis ça là. Si le
propriétaire de la compagnie va devant la Régie qui émet
un jugement à l'effet que la situation est rétablie et que
lieutenant-gouverneur en conseil persiste à ne pas dénommer son
administrateur, il devra répondre de ses actes devant l'opinion
publique. C'est pour ça qu'on a mis ça là, tout
simplement. C'est une protection... Pardon?
M. JOHNSON : La sanction tous les 4 ans, oui.
M. LAPORTE: Vous faites ça à tous les six mois, vous, dans
vos déclarations.
M. JOHNSON: Que de dégâts, par exemple, pendant 4 ans!
M. LE PRESIDENT: Revenons à l'article.
M. LESAGE: Oui, c'est évident, tout est détruit dans la
province, il n'y a rien qui se soit construit...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs. M. LAPORTE: Le peuple est
inquiet. M. JOHNSON: On se comprend... M. LE PRESIDENT: A l'ordre,
messieurs.
UNE VOIX: Il n'y a plus de route, il n'y a plus de...
M. BELLEMARE: Vous avez été chanceux qu'on ait fait des
hôpitaux puis des écoles.
M, LAPORTE: Je comprends!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs.
M. BELLEMARE: Vous n'auriez pas fait l'assurance-hospitalisation.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs.
M. BELLEMARE: Oui, les dégâts, je pense que vous les avez
faits, les dégâts, vous.
M. JOHNSON: M. le Président, tout le monde s'est compris.
M. LESAGE: C'est vous autres qui avez fait la pluie.
M. JOHNSON: Que le gouvernement, posons une hypothèse, nomme
demain un administrateur, il peut sans le concours de la Régie, sans
rapport de la Régie, après-demain, révoquer la nomination
de l'administrateur, ça c'est clair. Le premier ministre a
expliqué ça tantôt au député de Champlain, il
savait qu'il comprenait depuis longtemps. Mais là n'est pas le point en
discussion et la suggestion du député de Champlain est
très au point. Si la Régie trouve que tout est rétabli
dans son jugement à elle, pourquoi le gouvernement se
réserve-t-il encore cette discrétion.
M. LESAGE: C'est parce que c'est nous qui l'avons nommé.
M. JOHNSON: Pourquoi?
M. LESAGE: Mais oui, mais...
M. JOHNSON: Passer son...
M. LESAGE: ... c'est un principe élémentaire que c'est
celui qui nomme qui révoque.
M, JOHNSON: Oui.
M. LESAGE: Bon, eh bien alors?
M. JOHNSON: Mais, M. le Président, il y a une situation d'urgence
quant à la nomination.
M. LESAGE: Oui, mais c'est élémentaire.
M. JOHNSON: Tout le monde admet ça. Qu'on en nomme un, point.
Mais les gens de la Traverse de Lévis, soyons bien clairs, bien francs,
sont mieux d'aller s'arranger avec le premier ministre avant d'aller à
la Régie, autrement ils risquent de perdre leur temps et leur argent en
allant faire une preuve devant la Régie, c'est encore le bon vouloir du
prince.
M. LESAGE: Quel prince? M. PINARD: Voyons donc.
M. JOHNSON: Il faudra être sûr que le premier ministre va
être en faveur. Si le premier ministre n'est pas en faveur, même si
tous les commissaires de la Régie, fussent-ils nommés par le
gouvernement actuel, sont unanimes, ça
ne vaut rien; il faut s'assurer d'avance que le député de
Québec-Ouest...
M. BERTRAND: Québécois!
M. LESAGE: Un qui aimerait ça que je me fâche.
M. JOHNSON: C»est là...
M. LESAGE: Non, mais je ne suis pas en air.
M. JOHNSON: ... c'est dans la loi, ça.
M. LESAGE: Cela ne me dit rien de me fâcher.
M. JOHNSON: C'est de la législation autour d'un homme...
M. LESAGE: Le temps de...
M. JOHNSON: C'est du gaullisme...
M. BERTRAND: Québécois!
M. JOHNSON: ... sous certains aspects, c'est du gaullisme.
M. LESAGE: C'est du duplessisme.
M. JOHNSON: C'est une faible réplique, une miniature du
gaullisme, M. le Président.
M. LAPORTE: Non.
M. JOHNSON: Si ça ne plaît pas au premier ministre de la
province, même si M. le Président de la Régie, lui, trouve
que c'est correct, les commissaires, les comptables, les experts, l'union
ouvrière, les contremaîtres...
M. LESAGE: Tout y est passé.
M. JOHNSON: ... les capitaines, les seconds, ah non, si le
député de Québec-Ouest n'est pas d'accord, c'est bien
dommage, mais...
M. LAPORTE: Mais il va être le seul...
M. JOHNSON: ... il y a la sanction au bout de quatre ans.
M. LAPORTE: C'est ça.
M. JOHNSON: Ah ça, c'est une grande sauvegarde, en attendant,
tout le monde à genoux devant le prince, M. le Président.
M. BELLEMARE: Ceux qui n'écoutent pas, en bas de l'escalier!
M. JOHNSON: Ceux qui n'écoutent pas déboulent les
marches...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs. Soyons sérieux!
M. JOHNSON: ... ou bien on leur fait monter les marches
illusoires...
M. LAPORTE: Le bateau traverse pendant ce temps-là tout le
temps.
M. LESAGE: En autant que ça ne sera pas tous les passagers
toujours.
M. JOHNSON: M. le Président, vous vous savez que c'est vrai ce
qu'on vient de dire.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs.
M. JOHNSON: M. le Président, vous vous savez que la
discrétion du premier ministre...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs.
M. JOHNSON: ... qu'on est mieux de s'entendre avec lui si on veut avoir
des promotions.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs.
M. JOHNSON: M. le Président, je vous le demande. Soyez donc
franc!
M. LAPORTE: M. le Président, c'est hors d'ordre. M. le
Président, vous devriez tout de suite le rappeler à l'ordre.
M. BELLEMARE: C'est un chatouillement qui lui fait plaisir.
M. JOHNSON: M. le Président, j'accomplis mon devoir et je parle
même en votre nom cet après-midi.
M. LE PRESIDENT: Article 36-C...
M. BELLEMARE: Cela fait plaisir.
M. BERTRAND: II a tout pris en note.
M. BELLEMARE: Le ministre de la Voirie...
M. LE PRESIDENT: Adopté ? Article 4.
M. JOHNSON: Donc, c'est de la législation autour d'une personne
encore, le prince, le ca-
price du prince. Allah! Allah! Adopté avec beaucoup de
réserve...
M. LE PRESIDENT: Alors article 4. M. JOHNSON: ... beaucoup
d'objections.
M. LE PRESIDENT: Article 4, est-ce qu'il y a commentaires?
M. JOHNSON: Un instant.
M. LOUBIER: J'aurais juste une question à poser au premier
ministre étant donné que l'administrateur va continuer à
agir avec le nom de la Traverse de Lévis Inc. et puis tout ça,
qu'est-ce qui va arriver par exemple...
M. LESAGE: II n'est pas mandataire.
M. LOUBIER: Non, je comprends mais il va continuer à agir sous le
nom corporatif de la Traverse de Lévis Inc. Alors à ce
moment-là qu'est-ce qui arrive du livre des minutes qui est assujetti
à des règlements de la charte et des lois de la compagnie...
M. LESAGE: Le bureau d'administration continue de siéger.
M. LOUBIER: Pardon?
M. LESAGE: Le bureau d'administration continue de siéger.
M. LOUBIER: Ah! le bureau d'administration va siéger à
chaque année.
M. LESAGE: Tant qu'ils voudront, bien plus qu'à tous les ans. A
tous les jours s'ils veulent.
M. LOUBIER: Assemblée générale annuelle,
assemblée spéciale.
M. LESAGE: Tous les jours s'ils veulent.
M. LOUBIER: Mais ses décisions pourraient toujours être
bloquées par l'administrateur.
M. LESAGE: L'administrateur qui administre, lui, cette partie des biens
de la compagnie qui est affectée au service...
M. BELLEMARE: Avec une ligne directe avec le bureau du premier
ministre.
M. LESAGE: ... qui est essentiel.
M. LOUBIER: Oui, mais à ce moment-là ça veut dire
par exemple que le bureau de direction ou à l'assemblée
générale annuelle on ne pourra pas choisir un autre
président.
M. LESAGE: Mais certainement. On n'a pas le droit? J'ai pris la peine ce
matin d'expliquer longuement que les pouvoirs de l'administrateur ne couvraient
pas ce cas-là et que même si on voulait qu'ils le couvrent nous ne
pourrions pas parce que, étant donné que dans le cas de la
Traverse de Lévis, ici, dans le cas qui nous préoccupe il s'agit
d'une compagnie à charte fédérale. On n'a pas le droit d'y
toucher du tout.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
M. LOUBIER: Alors qu'est-ce qui va arriver par exemple si...
M. LESAGE: La structure de la compagnie, on n'a pas le droit d'y
toucher.
M. LOUBIER: ... qu'est-ce qui va arriver si, à la fin de
l'année, le bureau de direction qui fait parvenir des formules...
M. LESAGE: Biep ils vont le faire.
M. LOUBIER: ... au Secrétariat provincial, si le bureau de
direction dit: bien, écoutez un peu, on n'a rien administré, on
ne peut pas donner les renseignements. Qu'est-ce qu'il arrivera à ce
moment-là? Ils vont transgresser la loi?
M. LESAGE: Bien non, ils vont faire rapport qu'ils n'ont rien
administré, qu'il y a eu un administrateur qui a administré en
vertu d'une loi, c'est tout.
M. LOUBIER: La loi oblige à fournir des renseignements.
M. LE PRESIDENT: Adopté?
M. JOHNSON: Est-ce qu'on ne devrait pas songer à donner suite aux
suggestions du député de Bellechasse pour toutes les dispositions
de la Loi des compagnies?
M. LESAGE: Bien non! Il s'agit souvent de compagnies
fédérales, on n'a pas le droit d'y toucher.
M. JOHNSON: C'est clair, encore limité par...
M. LESAGE: Bien oui.
M. JOHNSON: Donc nécessité...
M. LESAGE: Je l'ai dit ce matin avec regret puis le chef de l'Opposition
était d'accord.
M. LE PRESIDENT: Alors article 4 adopté? M. LESAGE:
Adopté.
M. LE PRESIDENT: Article 4 adopté. Article 5 adopté?
M. LESAGE: Bien oui, c'est la même chose. M. LE PRESIDENT:
Adopté.
M. LESAGE: On va reprendre le débat ce soir.
M. JOHNSON: Non, voici, je n'ai pas d'objection, moi, à moins que
d'autres veuillent parler, à ce qu'on l'adopte sur division en
troisième lecture.
M. LESAGE: C'est ça puis on va l'envoyer au Conseil puis on va
continuer ce soir, à l'heure qui conviendra au chef de l'Opposition, le
débat sur le discours du Trône. Huit heures et quart?
M. JOHNSON: Mettons huit heures et demie.
M. LESAGE: Iluit heures et demie, très bien.
M. BEDARD (président du comité plénier): M. le
Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité a
adopté le bill numéro 1.
M. LeCHASSEUR (président): Troisième lecture
adoptée sur division.
M. LESAGE: Sur division. Alors la Chambre est suspendue jusqu'à
huit heures et trente.
M. LE PRESIDENT: La Chambre est suspendue jusqu'à huit heures et
trente.
Reprise de la séance à 8 h 37 p.m.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs. M. LAPORTE: Numéro 8, M.
le Président,
M. LE PRESIDENT: J'ai l'honneur de faire rapport que lorsque cette
Chambre s'est rendue aujourd'hui auprès de l'honorable M. le
lieutenant-gouverneur dans la salle des séances du Conseil
législatif, il a plu à l'honorable M. le lieutenant-gouverneur de
lire un discours à l'adresse des deux Chambres de la Législature
de cette province et que, pour prévenir toute erreur, j'en ai obtenu une
copie dont je vais donner lecture à la Chambre.
M. LAPORTE: Vous en êtes dispensé, M. le
Président.
M. BERTRAND: Un autre discours comme celui-là, une fois
suffit.
M. LAPORTE: Numéro 8, M. Roy.
M. ROYs M. le Président, permettez-moi de vous féliciter
pour votre nomination de président de cette Chambre. Votre formation
intellectuelle, professionnelle et militaire vous faciliteront la lourde
tâche qui vous a été confiée. Tous les
députés de cette Chambre apprécient vos qualités de
gentilhomme et d'homme de devoir. Aussi, je profite de cette occasion pour
présenter mes félicitations à votre
prédécesseur, le député de Westmount pour sa
récente nomination comme ministre du Revenu du Québec.
M. le Président, je propose que l'adresse suivante soit
votée et présentée à l'honorable
lieutenant-gouverneur de la province: A l'honorable le lieutenant-gouverneur de
la province de Québec. « NOUS, les membres de l'Assemblée
législative du Québec, réunis en session, vous prions de
bien vouloir agréer avec l'assurance de notre fidélité
à Sa Majesté, nos humbles remerciements pour le discours qu'il
vous a plu de prononcer afin de faire connaître les motifs de la
convocation des Chambres ».
M. BEAUPRE: M. le Président, les membres de cette Chambre vous
ont confié aujourd'hui une lourde responsabilité que vous avez
acceptée de bonne grâce. Je vous en félicite,
au-suré que vous apporterez, à cette tâche honorable,
quoique parfois ingrate, non seulement la compétence juridique et
l'Impartialité, mais encore une fermeté tempérée de
compréhension et de diplomatie. Mes félicitations
égale-
ment à l'ancien président de cette Chambre, l'honorable
Richard Hyde, aujourd'hui ministre du Revenu.
Nous avons été convoqués en session spéciale
pour adopter une législation qui permettra de mettre fin à
l'arrêt d'un important service de transport en commun entre Québec
et Lévis. L'arrêt de service est survenu le 18 octobre. Dès
le lendemain, le Conseil exécutif était saisi de ce
problème urgent et, conscient de ses responsabilités, intervenait
pour recommander la convocation de la Législature. Quatre jours plus
tard exactement un projet de loi nous était soumis et adopté. M.
le Président, cette rapidité d'action mérite certainement
d'être soulignée. Elle démontre d'une façon
évidente la souplesse de notre système parlementaire, de
même que l'esprit de décision et le souci de bien commun qui
caractérisent les membres du Conseil exécutif de cette
province.
M. le Président, ceux qui doutaient encore de la
nécessité de communications directes entre Québec et
Lévis n'ont eu qu'à emprunter la route du pont de Québec
cette semaine, aux heures de pointe, pour chasser leurs derniers doutes.
Déjà utilisée à son maximum par la circulation
quotidienne de 22,000 véhicules, cette route a dû accomoder en
plus les trois mille voitures qui d'ordinaire s'entassent chaque jour sur les
traversiers et cela sans compter les dix mille usagers quotidiens de cette
route fluviale, qui ont dû emprunter un autre moyen de transport plus
lent et moins efficace, occasionnant...
M. BELLEMARE: A l'ordre, à l'ordre! cela se réfère
à un débat antérieur.
M. BEAUPRE: ... de ce fait des pertes de temps et d'argent à de
nombreux commerces, industries et services.
M. BELLEMARE: Il n'a pas le droit de refaire le même
débat.
M. BEAUPRE: Si un économiste traduisait en dollars et en cents
les déficiences actuelles de nos voies de transport entre Québec
et Lévis, particulièrement l'absence des traversiers, nous
serions certainement étonnés de l'ampleur des pertes qu'encourt
en ce moment la région économique de Québec, région
desservie par plus de deux cent mille véhicules-moteurs. En
conséquence, inutile de dire toute ma satisfaction personnelle pour la
législation adoptée aujourd'hui.
Il eut été inopportun d'étudier ici même,
comme le demandaient plusieurs corps publics, l'intégration
immédiate de la voie fluviale Québec-Lévis au
réseau routier de la province. -Je n'en souhaite pas moins que cette
suggestion soit reprise en temps et lieu et étudiée à son
mérite en tenant compte de tous les facteurs économiques, sociaux
et culturels, qui caractérisent la région métropolitaine
de la vieille capitale.
M. le Président, la population de tout l'Est du Québec, et
plus particulièrement celle des cités de Québec et
Lévis, saura gré au gouvernement de cette province d'être
intervenu avec célérité et efficacité dans le
différend qui la prive d'un service de transport en commun absolument
essentiel.
Aussi, suis-je très heureux, à titre de
député de Québec-Centre, d'appuyer le député
de Lévis et de seconder sa motion de remerciements à l'Adresse de
l'honorable lieutenant-gouverneur.
UNE VOIX: Adopté.
M. JOHNSON: M. le Président, c'est assez évident que j'ai
l'intention de parler. Ce qui l'est moins c'est que j'ai l'intention
d'être bref et, deuxièmement, d'être le moins contentieux
que possible. D'abord, sans préjuger des désirs de mes
collègues, sans vouloir museler qui que ce soit, je crois pouvoir vous
dire que nous pourrions terminer la session ce soir si le gouvernement,
évidemment, se contente de répondre et peut-être d'accepter
ce que j'aurai à proposer tantôt en amendement...
M. LESAGE: Avec le sourire!
M. BELLEMARE: Je n'en reviens pas.
M. LESAGE: Pardon?
M. BELLEMARE: Vous l'avez depuis ce matin, ne le perdez pas...
M. JOHNSON: Cependant, je dois vous dire, M. le Président, que
moi-même et plusieurs de mes collègues, nous aurions aimé
poser quelques questions et si tout finit, peut-être...
M. LESAGE: Oui.
M. JOHNSON: ... que dès que j'aurai fini ma motion, si on avait
amené nos travaux, si on voulait nous accorder...
M. LESAGE: D'accord.
M. JOHNSON: ... une période de questions en attendant...
M. LESAGE: D'accord, d'accord. M. JOHNSON: Cela va, ça va? M.
LESAGE: Oui. M. JOHNSON: Bon.
M. LAPORTE; Est-ce que vous allez nous accorder une période de
réponses?
M. BERTRAND: Ah oui! Pas seulement les questions, les
réponses.
M. JOHNSON: Non seulement on est prêt à l'accorder mais on
espère qu'enfin, enfin, on va en avoir des réponses...
M. LESAGE: Enfin, est-ce qu'on va avoir des réponses!
M. JOHNSON: ... sur des sujets d'importance nationale.
UNE VOIX: ... au feuilleton
M. DOZOIS: Parce qu'il n'y en aura plus!
M. LESAGE: Verbalement!
M. JOHNSON: Nous avons été convoqués pour les fins
que tout le monde connaît maintenant et nous avons coopéré
avec le gouvernement pour que le bill passe aujourd'hui le stade ou les stades
des première, deuxième et troisième lectures. Cependant,
j'ai un mandat à accomplir qui me vient de mes collègues et d'un
organisme du parti, plus exactement l'organisme du parti qui s'appelle le
Bureau exécutif du conseil national car nous aussi, nous avons une
structure démocratique dont nous sommes extrêmement fiers,
structure complète.
M. le Président, mes collègues réunis en caucus
chez le whip en chef ont unanimement déclaré ceci: « Quant
à l'attitude à prendre au cours des présentes
élections fédérales, le caucus a unanimement maintenu que
l'Union nationale, parti totalement et exclusivement voué aux
intérêts du Québec, devait demeurer fidèle à
la mission qui a toujours été la sienne, celle de fournir
à tous les citoyens du Québec, quelle que soit leur
allégeance sur le plan fédéral, un instrument politique
conforme aux besoins et aux aspirations profondes du peuple
québécois. Quel que soit le parti qui sera porté au
pouvoir à Ottawa, l'Union nationale combattra avec énergie pour
le respect intégral des droits du Québec et de la nation
canadienne- française. Elle continuera de réclamer le rejet de la
formule Fulton-Favreau et l'adoption d'une constitution nouvelle fondée
sur l'égalité-juridique et pratique des deux nations. Sa devise
est et restera; « Québec d'abord ».
L'organisme habilité a parler au nom du parti, maintenant, ayant
pris connaissance de cette déclaration du caucus des
députés, m'a autorisé à déclarer ceci,
plusieurs membres de cette Chambre ont lu la déclaration dans les
journaux mais je crois à propos de la répéter ici pour
bien situer le court débat. Je disais en partie, le 9 octobre 1965, ce
qui suit: « Nos militants de toutes les régions du Québec
sont littéralement scandalisés de voir les partis
fédéraux multiplier des promesses qu'ils ne pourraient pas
réaliser sans déchirer le pacte confédératif et
violer ouvertement la Constitution actuelle.
L'éducation, la culture, le bien-être social, les richesses
naturelles et les institutions municipales sont autant de domaines où le
pouvoir de faire des lois et de les appliquer appartient en exclusivité
aux provinces, en vertu de la Constitution actuelle.
Si le Québec réclame une constitution mieux
appropriée à ses besoins d'aujourd'hui, ce n'est pas pour
diminuer ses libertés et ses responsabilités, mais pour les
augmenter. C'est pourquoi, tout en approuvant la déclaration
émise récemment à la suite d'un caucus des
députés de l'Union nationale, le bureau exécutif du
Conseil national m'a chargé de dire publiquement ce qui suit: «
Premièrement, quel que soit le parti politique sui sera appelé
à former le prochain gouvernement d'Ottawa, que ce parti soit
majoritaire ou minoritaire, l'Union nationale continuera de lutter avec
énergie contre toute atteinte aux droits et aux libertés du
Québec et de la nation canadienne-française. «
Deuxièmement, tout en continuant de limiter son action à. la
scène provinciale, l'Union nationale souhaite que le 8 novembre
prochain, l'électorat du Québec n'élise que des candidats
capables d'oublier, au besoin, les lignes de partis pour mettre au-dessus de
tout les intérêts constitutionnels et économiques de la
population québécoise. « Troisièmement, vu que
l'adoption de la formule d'amendement constitutionnel, dite formule
Fulton-Favreau, aurait pour effet de perpétuer à jamais la
situation des minorités et de dépendance dans laquelle se
trouvent présentement le Québec et la nation
canadienne-française vis-à-vis le reste du pays, l'Union
nationale demande à tous les partis et à tous les candidats en
lice, dans la présente élec-
tion fédérale, de définir carrément leur
attitude au sujet de cette formule. »
M. le Président, c'est en conformité avec ce mandat que je
sens qu'il est de mon devoir de participer le plus brièvement possible
à ce débat sur l'Adresse et j'y suis invité, M. le
Président, par nul autre que le premier ministre du Canada qui,
d'après l'Evénement du 13 octobre, déclarait ceci, et je
cite; « Si Québec le désire, Ottawa reprendra
l'étude de la formule Fulton-Favreau. » C'était le titre.
« Le premier ministre Lester B. Pearson a choisi deux occasions
différentes, » dit le journal, » au cours de sa
visite-éclair dans la vieille capitale hier, pour s'entretenir de deux
sujets d'intérêt pour les Québécois; la formule
Fulton-Favreau et le programme de subsides de son gouvernement à
l'industrie navale. Dans le premier cas, il a répondu à un
reporter qui l'interrogeait au club de Réforme, en fin
d'après-midi, " qu'un mot du Québec" pourrait inciter son
gouvernement à reprendre l'étude de cette formule
controversée dans le Québec touchant le rapatriement et la
modification au Canada de la constitution canadienne. »
M. le Président, si M. Pearson a été cité
correctement et interprété correctement, il aurait dit «
qu'un mot du Québec » pourrait inciter son gouvernement à
reprendre l'étude de cette formule controversée dans le
Québec touchant le rapatriement et la modification au Canada de la
constitution canadienne. Il y a évidemment un échappatoire dans
le mot « pourrait »; c'est de prudence normale pour un homme
racé comme M. Pearson, pour un diplomate de carrière. C'est le
même M. Pearson, cependant, qui avait dit, qui avait écrit dans le
Livre blanc intitulé « Modification de la constitution du Canada
», livre publié sous l'autorité de l'honorable Guy Favreau,
ministre de la Justice, février 1965, qui aurait dit en fin de
préface, à la page VIII, la phrase suivante je me permets
de citer deux phrases, M. le Président, qui constituent le dernier
paragraphe; « Le gouvernement du Canada est convaincu que grâce
à l'esprit de tolérance et au sens politique dont le peuple
canadien a toujours fait preuve, la formule proposée permettra au cours
des années d'adapter nos structures gouvernementales aux transformations
essentielles tout en sauvegardant les principes fondamentaux sur lesquels
repose la Confédération. » Deuxième phrase; «
C'est donc sans aucune hésitation que je recommande la formule au
Parlement et au peuple canadien. Le premier ministre, Lester B. Pearson.
»
Vous l'avez constaté, M. le Président, entre
février 1965 et octobre 1965, le premier ministre du Canada aurait
changé d'attitude ou du moins serait prêt à
reconsidérer cette formule. On sait c'est pour les besoins du
dossier que je rappelle ces faits - que le chef du Ralliement des
créditistes, M. Caouette, s'est prononcé contre la formule
Fulton-Favreau; que M. Douglas, chef du Nouveau Parti Démocratique,
s'est prononcé contre la formule Fulton-Favreau...
M. LESAGE: II faudrait avoir les raisons invoquées par chacun,
qui sont toutes aux extrêmes de celles qui sont invoquées par le
chef de l'Opposition...
M. JOHNSON: Troisièmement, M. John Diefenbaker, chef du parti
conservateur...
M. LESAGE: Pourquoi?
M. JOHNSON: ... s'est prononcé contre la formule
Fulton-Favreau.
M. LESAGE: Est-ce pour les mêmes raisons que le chef de
l'Opposition?
M. JOHNSON: M. le Président, dans aucun des trois cas il ne
s'agit des mêmes raisons.
M. LESAGE : Et dans le cas du chef de l'Opposition, c'est une
quatrième raison.
M. JOHNSON: Cela commence à faire du monde qui ne l'aime pas la
formule Fulton-Favreau.
M. LESAGE: Mais c'est pour des raisons diamétralement
opposées.
M. JOHNSON: M. le Président, peut-être, admis!
M. LESAGE: Admis, merci.
M. JOHNSON: Les motifs peuvent aussi être discutés, mais je
ne discute ni des motifs qui ont poussé M. Caouette à se
prononcer contre la formule ni ceux qui ont poussé M. Douglas et M.
Diefenbaker à se prononcer carrément contre la formule, comme je
n'aimerais pas non plus à ce qu'on discute des motifs qui m'ont
animé depuis que j'ai appris l'assentiment de Québec à
cette formule, surtout depuis qu'elle est devenue officielle, cette attitude du
gouvernement par son inscription au feuilleton de la Chambre, le 22 janvier
1965. Je crois qu'il est
clair que l'Union nationale est contre la for mule Fulton-Favreau. Je
pense que je n'ai pas à rappeler ici les dizaines et les dizaines de
discours que j'ai dû faire sur le sujet, les interventions de certains de
mes collègues, je n'ai pas à rappeler non plus que ce n'est pas
de l'Union nationale seulement qui est contre la formule, mais c'est en
général le peuple de la province de Québec et que c'est en
général la nation canadienne-française. par ailleurs, M.
le Président, il y eut un rapport préliminaire d'une commission
prestigieuse qui s'appelle la Commission Lauren-deau-Dunton et qui a
déclaré en toutes lettres, oh, je cite la substance, je m'excuse
d'employer le mot « toutes lettres », c'est la substance que je
cite par coeur; « Que les commissaires n'avaient rencontré
personne dans la province de Québec qui ne voulût du statu quo
». Je crois qu'en toute honnêteté, même le premier
ministre de cette province, tous et chacun de ses collègues sont
prêts à admettre que nous ne sommes pas satisfaits du statu
quo.
M. LESAGE: Je l'ai dit quatorze fois dans l'Ouest.
M. JOHNSON: M. le Président, il y en a une proportion de notre
population qui prône l'indépendance...
M. LESAGE: Les deux extrêmes.
M. JOHNSON: ... une proportion peut-être plus considérable
que cette dernière catégorie que je viens de mentionner qui
prône les états associés. Mais il y a indubitablement un
très grand nombre de personnes en autorité, y inclus les
ministres, les députés du gouvernement devant nous, qui
réclament au moins un statut particulier pour la province de
Québec, et sauf erreur, le premier ministre...
M. LAPORTE: Vous pouvez ajouter le premier ministre...
M. JOHNSON: ... est un de ceux qui, parlant même devant des
sourds, a prêché...
M. BERNATCHEZ: Les non-instruits.
M. JOHNSON: ... le statut particulier ou a plaidé en faveur d'un
statut particulier.
M. LESAGE: II n'y avait pas seulement des sourds.
M. JOHNSON: Non, mais disons en blaguant qu'il y en avait plusieurs.
M. LESAGE: Oui.
M. JOHNSON: M. le Président, il n'y a donc pas de doute que le
minimum, le strict minimum que désire la presque totalité des
Canadiens d'expression française, vivant dans la province de
Québec, c'est un statut particulier pour la province de
Québec.
C'est un statut particulier pour Québec, un statut particulier
qui ne serait pas le résultat d'une tolérance
fédérale, qui ne serait pas le résultat d'une
délégation d'Ottawa, un statut particulier, si nous demeurons
dans la Confédération qui doit être assise sur des bases
solides, c'est-à-dire sur une constitution qu'on ne peut pas changer
facilement au gré des caprices d'une majorité de quelque parti
que ce soit.
Or, c'est le Livre blanc lui-même, ce livre publié, je le
répète, sous l'autorité de l'honorable Guy Favreau,
ministre de la Justice en février 1965, qui dit textuellement à
la page 51 ce qui suit: je citerai trois paragraphes dont voici le
premier: « Finalement, certains ont exprimé la crainte que la
disposition relative à la délégation puisse permettre
à une province qui s'y emploierait d'acquérir au sein de la
confédération un statut complètement différent de
celui des autres. Une analyse rigoureuse de la disposition relative à la
délégation démontre qu'elle n'offre pas une telle
possibilité. »
Deuxième paragraphe: « Si une province veut édicter
une loi qui ne relève pas de sa compétence, elle ne peut obtenir
le droit de le faire seule. Elle ne peut non plus le faire de sa propre
volonté avec le concours d'autres provinces. La formule ne permet pas au
gouvernement d'octroyer un seul pouvoir législatif à une seule
province. L'autorité ne peut être conférée à
moins de quatre provinces. De plus, chaque délégation exige au
préalable le consentement exprès du Parlement et chacune est
sujette à révocation par le Parlement. » Entendons,
évidemment, le Parlement fédéral. « Enfin
continue ce deuxième paragraphe comme on l'a déjà
indiqué il ne peut y avoir délégation de pouvoir comme
telle, la délégation implique seulement le consentement à
ce qu'une mesure législative en particulier soit édictée.
»
Troisième paragraphe: « Une autre façon, du moins en
théorie, pour une province d'en arriver à un statut
spécial, serait de refuser d'autoriser le parlement d'Ottawa
sous-entendu à édicter des lois du ressort provincial
alors que les autres provinces y consentiraient. Ainsi, si neuf provinces
étaient disposées à permettre au parlement d'exercer
certains pouvoirs législatifs, il aurait le droit d'agir ainsi à
leur égard et la dixième province pourrait, théoriquement,
acquérir un sta-
tut spécial en refusant de suivre leur exemple. Le paragraphe
continue: « Elle n'atteindrait pas cette province qui n'aurait pas
suivi les neuf autres ce résultat par son action propre, mais par
celle des autres provinces auxquelles elle refuserait de se joindre.
L'aboutissement, même dans cette situation improbable, ne serait pas un
statut constitutionnel spécial pour une seule province. Ce serait une
situation, administrative différente. Un changement dans la position
constitutionnelle d'une province ne pourrait s'accomplir que par des
modifications de fond apportées à la constitution
elle-même. » C'est-à-dire, en commençant par le
troisième paragraphe, par cette dernière phrase, un changement
dans la position constitutionnelle d'une province, donc pour obtenir un statut
particulier pour Québec, ne pourrait s'accomplir que par des
modifications de fond apportées à la constitution
elle-même. Or, les modifications de fond requièrent, M. le
Président, des majorités des provinces, sept des provinces dans
certains cas, et l'unanimité dans les autres. J'y reviendrai.
M. le Président, il est à remarquer tout de suite que le
texte intégral de ce Livre blanc a été approuvé
spécifiquement, par le gouvernement de la province de Québec ou
au nom du gouvernement de la province de Québec, par le premier ministre
de cette province, qui a transmis, comme on l'a vu dans les documents
déposés dans cette Chambre, l'approbation de son gouvernement
contenue dans une lettre à laquelle il a joint un mémoire
préparé par M. Pigeon.
Donc, j'ai raison de présumer que tout ce qui est écrit
ici c'est l'opinion au moins du premier ministre; deuxièmement,
certainement l'opinion officielle du gouvernement qu'il préside. Est-il
nécessaire de vous rappeler que ce statut particulier dont le premier
ministre parle et qui constitue, je le répète, un strict minimum
auquel se rallierait la très grande majorité de la province de
Québec comme stade intermédiaire ou comme stade final selon les
groupes? Est-il nécessaire de vous rappeler que ce statut particulier
n'est possible, ne serait pas possible si ia formule Fulton-Favreau
était approuvée dans son texte actuel tel qu'il a apparu pendant
très longtemps, pendant toute la session, au feuilleton de
l'Assemblée législative, contenu dans une motion au nom du
premier ministre. Est-il nécessaire de dire au premier ministre qu'il
est tout à fait illusoire de s'attendre de recevoir le concours des neuf
autres provinces et du fédéral pour élargir d'une
façon permanente par un amendement de fond à la Constitution les
pouvoirs de la province de Québec?
Le premier ministre de la province, a la lumière de
l'expérience récente qu'il a vécue mais dont il n'avait
pas besoin pour arriver à la même conclusion, doit
nécessairement se lever ce soir et dire à cette Chambre qu'il est
profondément convaincu que la formule Fulton-Favreau ne permettrait
jamais un statut particulier puisque, d'après le Livre blanc qu'il a
approuvé, d'après interpretation communément
acceptée par tous les experts et tous les avocats qui ont
étudié la question, un statut particulier exigerait le concours
des neuf autres provinces et du fédéral et le concours, ça
veut dire une loi de la Législature de toutes et chacune des neuf autres
provinces et du Parlement fédéral. Cessons de rêverl Nous
l'avons dit, dès le début, la formule Fulton-Favreau fera de nous
des quémandeurs de droits alors que nous avons comme base à nos
droits notre statut,- qu'il soit oui ou non accepté par M. Diefenbaker,
M. Pearson ou M. Douglas ou n'importe quel autre...
M. LESAGE: Ne vous fâchez pas!
M. JOHNSON: Ce n'est pas contre le premier ministre que je me
choque.
M. LESAGE: Ne vous fâchez pas contre vous surtout, pas contre
vous.
M. JOHNSON: ... le droit naturel, deuxièmement des droits
historiques et troisièmement notre détermination non seulement de
vivre comme une nation, mais de nous épanouir comme une nation dans
l'égalité si possible, dans l'égalité à
travers tout le Canada et si c'est impossible, M. le Président, par le
moyen le plus radical. Or, je l'ai dit plusieurs fois, l'adoption de la formule
Fulton-Favreau aurait pour effet de nous « encarçaner »:
l'expression de carcan constitutionnel, sauf erreur, a été
d'abord employée par M. Jacques-Yvan Morin, qui a fait campagne contre
cette formule. Les associations d'étudiants ont fait campagne contre
cette formule, l'union générale des étudiants, l'AGEUM,
l'AGEL et plusieurs autres groupes.
Sur le campus de Laval, on a tenu un référendum qui a
été extrêmement éloquent dans le résultat qui
a été publié où 4 contre 1 on s'est prononcé
contre la formule. La formule Fulton-Favreau ne devrait jamais être
acceptée. Je sais que dans son état actuel, je sais qu'en
présentant la motion dont je vous ferai lecture tantôt, je
demanderai au premier ministre de poser un geste extrêmement difficile
pour un chef de parti, particulièrement pour un premier ministre, mais
j'ai pris soin de présenter la formule, mon amendement, dis-je, dans
une
forme telle qu'elle ne constitue pas, à mon sens, une motion de
non-confiance.
M. LESAGE: Inévitablement. Vous ne pouvez pas rédiger un
amendement à l'Adresse sans que ce ne soit une motion de non-confiance,
quel que soit l'amendement.
M. JOHNSON: C'est discutable.
M. LESAGE: Ce n'est pas discutable, c'est la procédure
reconnue.
M. JOHNSON: C'est discutable. Quand le premier ministre aura lu la
formulation, je pense qu'il admettra avec moi...
M. LESAGE: II n'y a pas de formulation possible.
M. JOHNSON: ... que ça ne constitue pas une motion de
non-confiance.
M. LESAGE: C'est inévitablement une motion de
non-confiance...
M. JOHNSON: J'aurais, si nous avions eu plus de temps...
M. LESAGE: ... surtout à une adresse de remerciement au
lieutenant-gouverneur. Du moment qu'il y a un amendement, c'est une motion de
non-confiance.
M. BERTRAND: Non, on le remercie quand même.
M. JOHNSON: Si, malgré tout, le premier ministre veut
prétendre qu'il s'agit d'une motion de non-confiance, qu'en votant pour
mon amendement...
M. LESAGE: II ne me reste plus rien qu'à démissionner.
M. JOHNSON: II se voterait non-confiance. Je lui propose ici...
M. LESAGE: C'est comme ça que vous allez avoir des
élections cet automne, en me faisant voter contre mon gouvernement.
M. LAPORTE: II veut nous sous-mariner.
M. JOHNSON: J'ai déjà des amis dans le Cabinet.
M. LESAGE: Oh déjà!
M. JOHNSON: Presque des alliés, les
désillusionnés.
M. LESAGE: A ce compte-là, j'en ai plein votre parti.
M. JOHNSON: Je n'ai pas grand poste à distribuer. Mon patronage
est limité.
M. LESAGE: Je n'en ai pas, moi.
M. JOHNSON: Je veux dire au premier ministre que s'il prétend que
la motion d'amendement, telle que formulée, pourrait être
interprétée comme une motion de non-confiance envers son
gouvernement, je suis prêt à la retirer, cette motion
d'amendement, pourvu qu'avec le consentement unanime de la Chambre, elle soit
transformée en motion principale où il n'y aura plus de doute,
qu'il ne s'agit que d'une expression d'opinion et non pas d'un vote de
non-confiance. En somme, je répète ce soir un geste que nous
avons déjà posé. A un moment donné, nous avions
présenté une motion qui avait la formule d'une motion de
non-confiance sur un sujet d'une très grande importance, je crois que
c'est la caisse de retraite. Et, à la demande du ministre des Richesses
naturelles du temps et pour un temps indéterminé, nous avions
retiré cette motion et nous l'avions transformée en motion de
fond afin que personne ne puisse être violenté dans son opinion,
afin que tout le monde puisse s'exprimer librement. Or, je
répète, si le premier ministre prétend, quand il aura
terminé la lecture de ma motion, qu'il s'agit bien d'une motion de
non-confiance, je la retirerai, à la condition qu'on la transforme par
consentement unanime de cette Chambre, cette motion de fond et qu'on prenne le
vote sur cette motion.
J'aurais pu, déposer une motion au feuilleton, mais il fallait
que je consulte d'abord mes collègues, ce que j'ai fait hier soir. Si je
la déposais aujourd'hui nous pourrions continuer le débat sur
l'Adresse, Dieu sait si nous aurions de la matière pour faire un
débat sur l'Adresse, car nous avons été bien
déçus de voir qu'on n'en profitait pas pour régler
certains problèmes aigus comme le domaine agricole, le domaine de
l'éducation, le domaine de la santé, mais nous avons choisi cette
méthode pour ne pas retarder les travaux de la Chambre. Nous aurons
l'occasion, au début de la session régulière, d'exprimer
les revendications de la population dans ces divers domaines. Nous aurions donc
pu déposer une motion aujourd'hui, elle viendra en appendice demain et
lundi nous aurions pu la discuter à fond. Au lieu de pro-
céder ainsi, j'ai formulé un amendement dont je fais
parvenir tout de suite le texte au premier ministre, même si je ne l'ai
pas encore lu.
M. LESAGE: Pas encore lu?
M. JOHNSON: C'est-à-dire même si je ne l'ai pas encore lu
publiquement.
M. LESAGE: Ah!
M. LAPORTE: Excusez-moi, je pensais que c'était comme
d'habitude.
M. JOHNSON: Le ministre est chanceux que je sois de bonne humeur.
M. LAPORTE: Bien, je choisis mes moments.
M. JOHNSON: M. le Président, si le premier ministre
prétend qu'il s'agit là... qu'en votant pour cette motion, lui et
ses députés, exprimeraient un vote non-confiance envers son
propre gouvernement, je la retirerai à condition qu'on me donne le
consentement unanime de la présenter comme motion de fond.
M. le Président, on invoquera peut-être, et je vais au
devant des coups, que j'ai fait une motion devant le comité
parlementaire de la Constitution. Cette motion déposée à
la dernière réunion, le 18 juin, se lisait comme suit: «
Proposé par M. Johnson, secondé par M. Bertrand, que le
comité parlementaire de la Constitution présente un rapport
intérimaire à l'Assemblée législative pour la prier
de ne donner aucun acquiescement à la formule d'amendement de la
Constitution du Canada, dite formule Fulton-Favreau, avant que ledit
comité n'ait étudié les conséquences que l'adoption
de cette formule pourrait avoir pour le Québec et n'ait fait rapport des
conclusions de son étude ».
M. le Président, deux motifs m'amènent, malgré
cette motion, à formuler ma motion d'amendement de ce soir.
Premièrement le comité est trépassé depuis le
début de la session de la présente session, celle qui a
débuté ce matin, sous votre règne. Je le souhaite
très heureux, même s'il doit être court, M. le
Président, à moins qu'une décision de faire de vous, nous
le verrons dans le temps, l'Orateur permanent de l'Assemblée
législative, ce qui reste à étudier.
M. le Président, donc le comité est mort ce matin, et le
député de Missisquoi a l'intention de demander à cette
Chambre, car c'est lui qui s'occupe tout spécialement de ce
problème, de le faire revivre...
M. LESAGE: Ah, oui, on va y voir.
M. JOHNSON: ... et je pense que personne n'aura d'objection.
M. LESAGE: On va faire ça.
M. JOHNSON: Et deuxièmement, comme je l'ai noté
tantôt, il y a des faits nouveaux qui nous incitent à
présenter cette motion, d'abord le mandat que j'ai reçu de mes
collèques en caucus, le mandat que j'ai reçu de l'organe
habilité à parler au nom du parti et enfin l'invitation de M.
Pearson qui, dit-il, n'attend qu'un mot de Québec.
Le même monsieur Pearson, comme je l'ai dit tantôt, qui
avait pourtant appuyé la formule de toute son autorité, de tout
son prestige et sans aucune restriction, d'après le Livre blanc.
M. le Président, je sais que je demande au premier ministre de
poser, ce soir, un acte de vertu un peu extraordinaire, car on sait avec quelle
ardeur le premier ministre s'est lancé pour vendre cette formule au
public, aux non-instruits. Le premier ministre s'est lancé et si je m'en
rapporte au journal Le Devoir du 15 mars 1965, je lis ceci; « Appui
unanime de la Fédération libérale du Québec
à Lesage au sujet de la formule Favreau-Fulton. » Et au
début de l'article, le « lead », comme on dit en bon
français, même dans ces milieux journalistiques du Devoir: «
Les membres du conseil général de la Fédération
libérale du Québec, qui groupe quelque trois cents personnes
réunies samedi à Montréal à la demande du premier
ministre, ont donné leur appui unanime à la position de M. Lesage
au sujet de la formule de rapatriement de la Constitution canadienne. Personne
ne s'est opposé au cours d'un vote à mainlevée à
une résolution qui, premièrement, déclare que la formule
de rapatriement de la Constitution canadienne garantit les droits acquis du
Québec et permet son évolution constitutionnelle.
Deuxièmement, approuve la formule proposée qui « constitue
une grande victoire constitutionnelle pour le Québec ».
Troisièmement, endosse « l'attitude positive prise par le
gouvernement libéral du Québec relativement au rapatriement de la
constitution canadienne ».
M. le Président, on sait aussi que quelques mois plus tard,
toujours selon le journal Le Devoir, dans son édition du 10 mai, le
premier ministre aurait réussi à vendre l'idée de la
formule aux jeunes libéraux et le Devoir, en
effet, titrait ce jour-là; « Lesage réussit à
vendre l'idée de la formule F.F. aux jeunes libéraux » par
Marcel Thivierge, Québec.
M. LESAGE: Je pensais que vous le connaissiez bien!
M. JOHNSON: Avant d'assister au caucus...
M. LESAGE: Vous lui avez remis votre texte assez tôt pour qu'il
soit sur la première édition de son journal et vous vous arrangez
pour que ma réponse n'y soit pas. Vous le connaissez assez bien.
M. JOHNSON: Pardon? Quoi? Moi, j'ai remis...
M. LESAGE: Vous vous êtes arrangé pour lui donner le texte
de votre amendement pour qu'il soit...
M. JOHNSON: Moi, j'ai remis le texte de mon amendement à
monsieur...?
M. LESAGE: Bien, je ne sais pas. Vous l'avez remis à la galerie
de la presse parce que ces messieurs l'ont pour qu'il soit sur la
première édition des journaux demain matin, mais pas ma
réponse.
M. JOHNSON: Voyons donc! Je l'ai remis à un journaliste, M. le
Président...
M. LESAGE: Bien oui, quand vous le remettez à un, vous le
remettez à tous.
M. JOHNSON: ... avec l'entente que...
M. LESAGE: Avec l'entente qu'il serait remis à tous. C'est
évident. C'est ce que je fais, moi aussi.
M. JOHNSON: Non, du tout. Au contraire, M. le Président.
M. LESAGE: Bien, il y a eu des indiscrétions.
M. JOHNSON: Québec. « Avant d'assister au caucus, nous
étions contre la formule Fulton-Favreau, maintenant, nous y sommes
favorables, ont déclaré, samedi, un grand nombre des quelque
cinquante jeunes libéraux qui venaient de s'entretenir durant plus de
trois heures avec le premier ministre. L'exécutif de la
Fédération de la jeunesse libérale du Québec avait
convoqué à un caucus les présidents et les
secrétaires d'associations de comtés, la réunion s'est
dé- roulée au Club de réforme de la capitale. »
M. le Président, je vous fais grâce du reste de l'article.
D'ailleurs, le premier ministre se souvient très bien qu'il a
été le vendeur de cette formule, qu'il a tenté de la faire
accepter et ce n'est pas facile, je l'admets, de changer d'idée.
Je crois qu'il arrive des moments dans la vie d'un peuple où les
hommes politiques doivent s'élever au-dessus des intérêts
de partis et doivent, même si cela fait mal, poser certains gestes. Nous
n'avons pas hésité, dans le passé, à mettre de
côté l'esprit de parti pour appuyer le gouvernement lorsqu'il
s'est agi de revendication en faveur de la province de Québec.
Nous avons proposé en 1962 une motion de fond pour laquelle le
premier ministre a voté à tour de bras et avec enthousiasme, qui
lui donnait un mandat, celui de travailler à la
récupération de nos pouvoirs de taxation en commençant par
le pouvoir de taxer les profits des corporations, surtout celles qui exploitent
les richesses naturelles et en lui demandant d'obtenir l'exclusivité en
matière de droits de successions. Malgré cette motion, le premier
ministre n'a pas travaillé dans ce sens pour certaines raisons que je ne
discute pas ce soir.
M. LESAGE: Pardon?
M. JOHNSON: Pour certaines raisons que je ne discute pas ce soir,
malgré...
M. LESAGE: Qu'est-ce que je n'ai pas fait?
M. JOHNSON: La motion de 1962 que le premier ministre avait
votée, que toute cette Chambre avait votée à
l'unanimité...
M. LESAGE: Bien oui, mais j'ai travaillé dans ça.
M. JOHNSON: ... qui demandait au gouvernement de continuer sa lutte en
vue de...
M. LESAGE: Oui, oui, vous pensez que je ne continue pas? C'est 20 heures
par jour.
M. JOHNSON: Mais ça m'a l'air que le premier ministre n'a pas mis
l'accent sur les domaines qui étalent spécifiés dans cette
motion pour des raisons que je ne discute pas, mais dans un domaine, c'est
clair, l'exclusivité en matière de droits de successions, le
premier ministre a lâché là-dessus, disons qu'il
était prêt à laisser 5% à Ottawa.
M. LESAGE: Non, non, je n'ai pas lâché, je n'ai jamais
lâché.
M. JOHNSON: Mais je ne veux pas dévier le débat, je veux
tout simplement dire ceci au premier ministre: je ne me fais pas
d'illusions...
M. LESAGE: Moi non plus sur vous.
M. JOHNSON: ... une résolution de la Chambre, ça ne
règle pas définitivement l'affaire...
M. LESAGE: C'est assez clair.
M. JOHNSON: ... mais quand le premier ministre du Canada, même
s'il est en élections, et selon l'aveu même du premier ministre de
la province de Québec qui ne sera peut-être pas premier ministre
après le 8 novembre...
M. LESAGE: Ah! je pense bien, quand je vous aurai cité ce que
votre chef à vous a dit, vous serez bien surpris que M. Pearson ne le
soit pas.
M. JOHNSON: Ah! M. le Président, chef ou pas chef, moi je n'ai
pas engagé la province de Québec dans ce cancan de la formule
Fulton-Favreau, c'est le premier ministre de la province de Québec.
M. LESAGE: II n'y a pas de motion.
M. JOHNSON: Quels que soient les motifs de quelque chef que ce soit
à Ottawa, il me semble que nous serions capables de nous élever
au-dessus des intérêts de parti et, ce soir, à
l'unanimité, M. le Président, voter cet amendement que j'ai
l'honneur de soumettre ou une motion, le même texte que nous
transformerons du censentement unanime en motion de fond car il est plus
important, M. le Président, de garantir la liberté d'une nation
que de sauver la face d'un gouvernement ou d'un premier ministre.
M. LESAGE: Je n'ai pas de face à sauver.
M. JOHNSON: M. le Président, j'ai l'honneur de proposer,
secondé par le député de Missisquoi, que la motion en
discussion soit amendée en y ajoutant les mots suivants; « Nous
vous soumettons respectueusement que le gouvernement devrait informer le
gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux que de
l'avis de cette Chambre, la formule d'amendement à la constitution, dite
formule Fulton-Favreau, est incompatible avec les intérêts et les
aspirations du Québec et de la nation canadienne-française.
»
M. LESAGE: M. le Président, je serai aussi bref qu'il est
possible de l'être dans les circonstances. Je voudrais attirer
l'attention de la Chambre sur le fait que même si l'on ne
considère pas cette, motion comme une motion de non-confiance, ce que je
n'admets pas, elle constitue non pas un acte positif mais un acte strictement
négatif comme nos prédécesseurs en ont toujours
posé dans le passé. Remarquez la forme négative de cette
motion d'amendement...
M. JOHNSON: M. le Président, est-ce que le premier ministre
invoque le règlement à l'encontre de la motion?
M. LESAGE: Non, pas du tout. Je parle quant au fond.
M, JOHNSON: Pas du tout? On la discute quant au fond?
M. LESAGE: Mais pourquoi pas?
M. JOHNSON: Très bien. Est-ce qu'il considère que c'est
une motion de non-confiance?
M. LESAGE: Oui, mais j'ai dit: que ce spit ou que ce ne soit pas une
motion de non-confiance, ça n'a pas d'importance, je parle de sa forme
négative.
M. JOHNSON: Non, mais est-ce que le premier ministre...
M. LESAGE: M. le Président, est-ce que j'ai le droit de parler au
fond sur l'amendement qui est proposé?
M. JOHNSON: M. le Président, je voudrais, le premier ministre me
permettra une question.
M. LESAGE: Vous êtes bien pressé. M. JOHNSON: Est-il
prêt, s'il... M. LESAGE: Laissez-moi-parler.
M. JOHNSON: ... est d'accord sur le fond que cette Chambre exprime son
opinion, est-ce qu'il est prêt à la convertir en motion de
fond?
M. LESAGE: M. le Président, j'ai attendu jusqu'à la fin du
discours du chef de l'Opposition pour qu'il nous récite sa motion.
Est-ce qu'il pourrait patienter quelques minutes?
M. JOHNON: Je voudrais avoir le consentement.
M. LESAGE: Je pourrais développer mes idées, je comprends
son impatience, sa nervosité. Mais enfin je discute de ces sujets
constitutionnels, de ces sujets extrêmement importants, depuis des
semaines avec des Canadiens de toutes les origines ethniques, j'ai vécu
profondément dans le domaine constitutionnel dans la
réalité canadienne, dans le bi-linguisme, dans le
multiculturalisme depuis des semaines et il me semble que je pourrais faire
certaines observations à la lumière de l'expérience que je
viens de vivre, avant de me prononcer sur le caractère même et sur
le fond de cette motion.
M. JOHNSON: Mais est-ce que...
M. LESAGE: Est-ce que le chef de l'Opposition ne pourrait pas être
un...
M. JOHNSON: Non, mais est-ce que... M. LESAGE: ... peu moins
impatient?
M. JOHNSON: Non, non, mais il faudrait que ce soit clair. Le premier
ministre invo-que-t-il oui ou non...
M. LESAGE: Je n'invoque rien, M. le Président, je parle au fond
sur ma motion, c'est la troisième fois que je le dis.
M. JOHNSON: Le premier ministre va-t-il tenter de la faire
écarter sur une question de règlement?
M. LESAGE: M. le Président, mais j'ai la parole...
M. JOHNSON: M. le Président, j'invoque le règlement.
UNE VOIX: A l'ordre.
M. JOHNSON: S'i1 a l'intention, M. le Président, de la faire
écarter sur une question de règlement...
M. LESAGE: Voulez-vous vous désénerver?
M. JOHNSON: ... ou interprétation de règlement, il doit le
déclarer dès le début.
UNE VOIX: Comme vous deviez...
M. JOHNSON: Et c'est un débat qui pourrait s'ensuivre sur
l'Interprétation du règlement. S'il en discute au fond, M. le
Président, c'est un autre problème et il a toute
liberté.
M. LESAGE: Je discute de la question au fond, c'est la quatrième
fois que je le dis, quatrième fois.
M. JOHNSON: C'est bien.
M. LESAGE: C'est une motion d'amendement qui...
M. JOHNSON: C'est encore mieux que c'était.
M. LESAGE: ... est absolument régulière. Je n'ai pas
à invoquer le règlement, je n'ai pas l'intention de
l'invoquer.
M. JOHNSON: C'est bien.
M. LESAGE:' C'est aussi simple que ça, mais je dis que c'est une
motion qui est de nature négative, ça fait partie de la politique
d'autonomisme négatif, de l'Union nationale.
M. BELLEMARE: Voyons donc!
M. LESAGE: C'est bien le reflet de cette politique qui a fait que la
province de Québec qui a été considérée
ailleurs depuis toujours comme une espèce de réserve ou de
ghetto, parce qu'on a toujours eu la théorie et on a toujours
vécu du principe de l'autonomie négative dans l'Union nationale,
on a toujours eu peur de faire face au restant du Canada et de s'ouvrir les
yeux sur le monde. On a toujours à replier le Québec et le Canada
français du Québec sur lui-même, ayant peur de s'ouvrir aux
autres, et cette motion c'est du négativisme, c'est du patriotisme
négatif qu'il faut rejeter à tout jamais, je l'ai
prêché partout, j'ai tenu le même langage dans toutes les
provinces, que je tiens ici ce soir, ce n'est rien de nouveau de ma part, on
dit: tout de suite, disons non.
M. JOHNSON: D'abord.
M. LESAGE: M. le Président, pour étudier
en toute sérénité cette question de la formule
Fulton-Favreau, il faudrait l'étudier sur un plan positif, et si le
gouvernement décide de donner suite à une entente qui
était intervenue, mais sur laquelle nous gardons la liberté, le
chef de l'Opposition l'a lui-même dit, le gouvernement n'a qu'à ne
pas présenter de motion proposant une adresse pour amender la
constitution, pas besoin d'être négatif.
M. JOHNSON: Ce n'est pas ce que M. Pearson a dit.
M. LESAGE: Pas besoin d'être, mais ce que M. Pearson dit ou ce
qu'il ne dit pas, je ne suis pas toujours d'accord avec lui, je ne suis pas
comme le chef de l'Opposition, qui est d'accord...
M. JOHNSON: Mais en sortant du caucus... M. LESAGE: ... avec M.
Diefenbaker...
M. JOHNSON: En sortant d'un petit caucus, dans un motel.
M. LESAGE: M. le Président, le chef de l'Opposition est d'accord
avec M. Caouette, il est d'accord avec M. Thompson, avec Monsieur, comment
s'apelle-t-il, le chef de M. Cliche...
M. BERNATCHEZ: Il y a des élections qui s'en viennent!
M. LESAGE: M. Douglas... Il est d'accord avec M. Diefenbaker qui a
déclaré ceci, d'après Métro-Express de mercredi, le
20 octobre 1965: « Dites-moi, a demandé M. Diefenbaker, quand un
autre gouvernement libéral a-t-il révélé qu'il y
avait deux nations au Canada? Quand un autre gouvernement libéral a-t-il
admis que les provinces se retirent d'un programme national? Quand un autre
gouvernement libéral a-t-il donné le droit à une province
de faire des traités? Les libéraux, dit-il, sont en train de
promouvoir chacune des provinces au statut d'état-associé et
s'ils réussissent, la nation canadienne ne pourra demeurer unie ».
C'est ça que le chef de l'Opposition appuie quand il appuie M.
Diefenbaker? C'est ça qu'il appuie. C'est ça ses raisons
d'opposition à la formule Fulton-Favreau. Ce sont des raisons qui sont
données par M. Diefenbaker.
M. JOHNSON: C'est enfantin de la part du premier ministre. C'est un
manque de sérieux.
M. BELLEMARE: II l'a déclaré toutàl'heu-re au
début.
M. LESAGE: C'est ça, M. le Président, c'est ça le
chef de l'Opposition. Nous sommes en pleine campagne électorale
fédérale et...
M. BERNATCHEZ: C'est ça le premier ministre!
M. LESAGE: ... le chef de l'Opposition tente par tous les moyens
possibles et c'est un des moyens négatifs qu'il emploie pour tenter de
faire tort au seul parti, au fédéral, qui puisse assurer
l'unité du Canada dans la diversité... Je dis, M. le
Président, que non seulement cette motion...
M. JOHNSON: M. le Président, j'invoque le règlement. Le
premier ministre m'a imputé des motifs et il sait bien qu'il n'a pas le
droit de m'imputer des motifs. Il a dit que j'étais, M. le
Président, guidé, dans ma motion ce soir, par le désir
d'aider à un parti politique, de nuire à un autre parti
politique.
M. LESAGE: C'est de l'électoralisme ça. M. JOHNSON: M. le
Président,...
M. BELLEMARE: Qu'est-ce que vous faites, vous?
M. JOHNSON: ... le premier ministre sait bien qu'il n'a pas le droit de
m'imputer un tel motif, et il sait bien que j'ai fait cette motion parce que
j'en ai le mandat de mon parti et deuxièmement que son chef à
lui, son ancien patron, dont il était l'adjoint...
M. LESAGE: J'arrive.
M. JOHNSON: ... après un caucus de 45 minutes avec lui dans une
suite d'hôtel a dit un mot de Québec. Or, qui mieux que
l'Assemblée législative peut parler pour la province de
Québec?
M. LESAGE: M. le Président, je pensais que le chef de
l'Opposition...
M. BERNATCHEZ: II parle à la Choquette! M. LESAGE: Pardon?
M. BERNATCHEZ: Vous parlez à la Choquette!
M. LESAGE: Bien il ne parle pas si mal, c'est mieux que le
député provincial de Lotbinière. Il aurait des
leçons à prendre de son député
fédéral.
M. BERNATCHEZ: On verrai M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BERNATCHEZ: Est-ce que vous endossez toutes les déclarations
qui ont été faites? Est-ce que vous endossez toutes les
déclarations de M. Choquette?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: M. le Président, j'ai dit n'est-ce pas...
M. JOHNSON: Il est solidaire de tous les députés
libéraux.
M. LESAGE: ... j'ai parlé du caractère négatif de
la motion, je parle aussi de son caractère électoral, à
cause de la période que l'on a choisie pour proposer cette motion
d'amendement.
M. JOHNSON: Nous sommes en Chambre.
M. LESAGE: Clairement on ne cherche qu'à diviser le pays en
présentant cette motion, on cherche la même chose que le chef d'un
certain parti conservateur d'Ottawa qui veut tenter d'isoler le Québec.
C'est négatif, de l'autonomis-me négatif.
Pendant que moi à un bout du pays et dans le restant du pays j'ai
prêché l'union, il veut isoler le Québec pour ses fins
électorales. La réponse négative lui vient de cette
Chambre et de l'autre côté de cette Chambre par une motion
caractérisée d'électoralisme et d'autonomisme
négatif. On s'entend comrne larrons en foire en essayant de se rejoindre
par les extrêmes pour mieux tromper la population du Canada; c'est
ça qu'on fait. Et l'on s'imagine qu'avec les communications qui existent
présentement au Canada et dans le monde que cela va prendre encore ce
petit jeu là? Non, M. le Président.
M. JOHNSON: Pourquoi avez-vous lié la province?
M. LESAGE: Non, ça ne prendra pas.
M. JOHNSON: Pourquoi avez-vous lié la province à la
formule?
M. LESAGE: Quand le gouvernement décidera de demander à la
Chambre...
M. JOHNSON: De changer d'idée.
M. LESAGE: ... si jamais il le décide, et je déclare de
mon siège qu'aucune décision- définitive n'a
été prise à ce sujet...
M. JOHNSON: Ah! Du progrès.
M. LESAGE: ... de représenter à nouveau les motions qui
avaient été, qui apparaissaient au feuilleton au sujet de la
formule Fulton-Fa-vreau lors de la prorogation des Chambres au mois
d'août. Si jamais nous pensons devoir le faire, nous le ferons en posant
un geste positif parce qu'il faut amender la Constitution. Pour amender la
Constitution, il faut que la Chambre vote. Pour que la Chambre vote, il faut
que le gouvernement propose une motion qui soit adoptée par la Chambre.
Or, M. le Président, une telle motion n'apparaît pas au feuilleton
et je dis que la période électorale n'est pas un temps propice
pour l'étude approfondie de ce problème parce qu'il s'agit d'un
problème profond et difficile.
M. JOHNSON: Le premier ministre a donné son consentement sans
étudier, il a approuvé le Libre blanc sans étudier.
M. LESAGE: Je regrette, M. le Président, j'ai au moins une chose
que le chef de l'Opposition n'a pas, c'est l'humilité de
reconnaître que je ne suis pas omniscient. Et je pense que le chef de
l'Opposition ferait bien de se retremper un peu de temps à autre dans
des notions d'humilité. S'il avait fait l'expérience que je viens
de faire, s'il avait fait les efforts inhumains que j'ai faits pour faire
comprendre sa province...
M. JOHNSON: Mais est-ce que pour vivre on a besoin que l'on nous
comprenne?
M. LESAGE: M. le Président, je n'ai pas interrompu le chef de
l'Opposition.
M. JOHNSON: Je demande pardon.
M. LESAGE: II me semble que s'il avait fait les efforts inhumains que je
viens de faire pendant trois semaines pour faire comprendre sa province comme
moi j'ai essayé de la faire comprendre, pour essayer de faire
connaître les droits des nôtres ailleurs... S'il savait
jusqu'à quel point il peut être difficile de communiquer et
combien il peut être difficile aux autres de communiquer avec les
nôtres parce que ça ne marche par seulement sur un sens,
ça.
M. JOHNSON: Je le sais.
M. LESAGE: S'il le sait...
M. JOHNSON: Cela fait longtemps.
M. LESAGE: ... il aurait dû savoir dans ce cas-là que ce
n'était pas le temps de présenter cette motion, parce qu'il
aurait'montré plus de sens de la responsabilité...
M. JOHNSON: Encore!
M. LESAGE: ... plutôt que d'être... Oui, il a besoin d'eau,
c'est sûr.
M. JOHNSON: Portez-en au premier ministre pour qu'il réduise
I
M. LESAGE: Ah! j'en ai de l'eau.
M. JOHNSON: II est temps que le premier ministre réduise!
M. LESAGE: M. le Président, je n'endurerai pas cette insulte de
la part du chef de l'Opposition.
M. JOHNSON: Bien, j'en ai assez. Cela fait trois insultes de suite que
le premier ministre me donne.
M. LESAGE: Le chef de l'Opposition sait fort bien ce que je veux dire et
ses insultes gratuites et mensongères, j'en ai plein le dos.
M. JOHNSON: Cela fait trois fois de suite que le premier ministre
m'impute des motifs, entre autres le manque de sens des
responsabilités.
M. LESAGE: II n'a pas imputé des motifs...
M. JOHNSON: M. le Président, c'est la forme la plus clairement
antiréglementaire, que celle que le premier ministre prend là,
c'est contre le règlement, c'est clair. Il accuse le chef du parti
adverse de manquer de sens des responsabilités.
M. LESAGE: C'est clair.
M. JOHNSON: Y a-t-il une insulte plus grande que puisse faire...
M. LESAGE: Oui il y en a une.
M. JOHNSON: Je dirai au premier ministre qu'ila trahi la nation quand il
a donné son consentement sans nous consulter.
M. LESAGE: Je ne me fâcherai pas. Je me contenterai de dire que le
chef de l'Opposition vient d'employer, il y a quelques instants, la forme la
plus abjecte de l'insinuation mensongère, qu'il sait mensongère
à part de ça. La forme la plus abjecte et qu'il sait
mensongère.
M. BERNATCHEZ: Assoyez-vous.
M. BELLEMARE: Cela c'est parlementaire.
M. LESAGE: Dans ce cas-ci, ça l'est.
M. BELLEMARE: Cela ne l'est pas du tout. C'est polisson.
M. BERNATCHEZ: Assoyez-vous.
M. BELLEMARE: Ce n'est pas digne d'un premier ministre.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre.
M. LESAGE: Est-ce que le député de Lotbinière
pourrait reprendre ses sens?
M. BERNATCHEZ: Reprenez votre siège, vous êtes en
Chambre.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre.
M. LESAGE: Nous sommes à discuter d'une question
extrêmement sérieuse. J'ai demandé au chef de l'Opposition
de montrer un peu de sens de ses responsabilités, et c'est normal que je
le lui demande. C'est normal que je le lui demande. Et quand je dis que
soulever cette question-ci à ce moment-ci, en Chambre, de nous demander
de poser un geste négatif.
M. BELLEMARE: Vous l'avez encarcanné, on ne pouvait pas en parler
avant. Pendant six mois, vous l'avez encarcanné.
M. LESAGE: De nous demander de poser un geste négatif à ce
moment-ci et de manquer du sens des responsabilités, c'est mon devoir
d'en parler. C'est tout.
M. BELLEMARE: C'était encarcanné.
M. LESAGE: Oui, s'il avait, le chef de l'Opposition, peiné comme
j'ai peiné pendant des semaines, pour tenter de faire comprendre le
Québec, les aspirations du Québec, s'il avait vu comme je
l'ai vu. Il y en a qui, malgré tous nos efforts, nous ne pouvons
réussir même à
mpressionner par les idées, ou les points de vue, que nous
exprimons, parce qu'elles, elles adoptent une attitude qu'elles croient
pratiques et réalistes. Il y a un tas de gens qui pensent que nous, les
5 millions de Canadiens de langue française, nous sommes une race en
voie de nous éteindre, il y en a. Il y en a qui pensent que nous sommes
les derniers rejetons d'une race qui s'éteint. Il y en a qui pensent
ça, qui sont convaincus que l'unité nationale, ça veut
dire l'unilinguisme et l'uniculturalisme. Et si vous les poussez au
retranchement ultime de leur logique ou de la logique, c'est là qu'ils
vont, pas ailleurs.. Prenez la logique du chef du parti conservateur, elle ne
peut pas vous conduire ailleurs.
M. JOHNSON: Est-ce que ce n'est pas M. Pearson qui a soulevé la
question?
M. LESAGE: Vous ne pouvez pas avoir l'unité au Canada sans la
diversité et inévitable-ment, vous devez avoir un statut
particulier pour le Québec et moi je parle le même langage
à Québec que celui que j'ai utilisé à Victoria,
Vancouver, Winnipeg et que j'utilise n'importe où au Canada.
M. BELLEMARE: Parliez-vous de même quand vous étiez
ministre à Ottawa?
M. JOHNSON: Vous avez reculé en bibite? M. LESAGE: Je n'ai
reculé nulle part. M. JOHNSON: A Toronto, oui.
M. LESAGE: Je n'ai reculé nulle part. J'ai ici mon discours de
Toronto. Je vais en envoyer immédiatement une copie au chef de
l'Opposition.
M. JOHNSON: Non mais après le discours de M. Robarts, hein?
M. LESAGE: Il est ici. Je vais lui en envoyer une copie. Je vais lui
remettre, d'ailleurs. Tous mes discours sont ici. Si vous voulez aller porter
ça au chef de l'Opposition.
Il y en a en anglais, il y en a en français mais ils sont tous du
même langage, par exemple.
M. JOHNSON: Sauf...
M. LESAGE: C'est le langage de l'unité dans la diversité
et je n'ai jamais bronché. Et j'ai dit, j'ai dit partout, et je redis
ici, que cela veut dire inévitablement un statut particulier pour le
Québec Point d'appui du Canada français tout entier. C'est le
même thème.
M. JOHNSON: Vous l'avez changé après le discours de M.
Robarts.
M. LESAGE: Je regrette infiniment... M. JOHNSON: Ah, oui.
M. LESAGE: ... je ne l'ai jamais changé ni après le
discours de M. Robarts ni où que ce soit. Ce que j'ai fait, par exemple,
c'est que j'ai reconnu que M. Robarts avait fait beaucoup, et c'est vrai, dans
la voie de la reconnaissance des droits de notre minorité
française en Ontario et ça, c'est vrai. J'ai dit qu'il restait
encore beaucoup à faire mais j'ai souhaité que par osmose, cette
compréhension qui était plus grande, beaucoup plus grande en
Ontario qu' ailleurs, se dirige vers l'Ouest. C'est ça que j'ai dit
à Toronto. Je n'ai pas reculé, mais j'ai donné à
César ce qui appartenait à César sans m'occuper de la
couleur politique de l'homme qui était à mes côtés,
c'est ça que j'ai fait. Evidemment, il y a ce groupe qui ne comprendra
jamais, qui ne comprendra pas mais qui disparaît tranquillement. Ce
groupe qui s'imagine que c'est nous qui disparaîtrons, mais c'est eux qui
disparaissent lentement. Et les patates frites, ça m'a l'air!
M. le Président, non, nous ne disparaîtrons pas mais eux
disparaissent lentement, ceux qui s'imaginent que nous allons
disparaître. Il y en a d'autres qui, lorsqu'on leur dit que nous croyons
sincèrement que la province de Québec ne se séparera pas
du reste du Canada, poussent un soupir de soulagement et disent «
bon» et alors ils ne sont plus intéressés à nous
écouter; nous les avons rassurés.
Mais entre le statu quo, comme le disait le chef de l'opposition
d'ailleurs, il n'a pas à se fâcher, et le séparatisme, il y
a des positions raisonnables, des positions qui veulent dire un statut
particulier pour le Québec, c'est clair, à cause de sa
composition ethnique et à cause du fait que Québec est le point
d'appui du Canada français. C'est évident, je l'ai dit et je le
répète que le Québec n'a pas de juridiction
constitutionnelle sur les minorités françaises des autres
provinces et pour illustrer ce point, je me suis servi de l'expression, c'est
ça mon discours de Toronto que je vous répète, là,
je me suis servi de l'exemple frappant que les minorités
françaises des autres provinces ne pouvaient pas être
considérées comme des colonies du Québec. C'est ça
que j'ai dit à Toronto, c'est vrai, légalement et
constitutionnellement,
c'est vrai, c'est ça que j'ai dit. Mais j'ai dit quand
même, par exemple, que le Québec était le point d'appui du
Canada français et ça aussi, c'est vrai. Et parce que le
Québec est le point d'appui du Canada français, il n'a pas le
droit d'oublier les minorités françaises des autres provinces. Ce
que j'ai pris, M. le Président, ce que j'ai fait voir, partout, c'est la
vue horizontale du Canada, contrairement à cette vue limitée
yerticale qu'on a trop eue jusqu'à maintenant.
J'ai l'impression que je n'ai pas semé en vain, après
avoir lu les comptes rendus de ce qu'a dit mon collègue, M. Roblin
à Trois-Ri-rières, même si c'est sous forme de question
qu'il a dit ce que j'ai affirmé, moi, comme un principe au sujet de la
vue horizontale du Canada.
M. JOHNSON: II l'a aussi!
M. LESAGE: Et que, de toute cette expérience...
M. JOHNSON: Il a dit autre chose aussi,
M. LESAGE: ... je sois revenu un peu bouleversé, cette
expérience humaine extrêmement riche et féconde que mes
idées sur le Canada, que mes idées sur la rapidité
possible de l'évolution du Canada et de ses deux principaux groupes
fondateurs aient évoluées, c'est vrai. C'est vrai. On ne
vît pas cette riche expérience que j'ai vécue si
profondément sans qu'on en ressente profondément jusque dans ses
entrail-les de patriote les effets les plus puissants. Et là, on se
questionne, et on se demande: « Sommes-nous réellement mûrs
pour nous asseoir? Nous connaissons-nous les uns les autres suffisamment?
Croyons-nous que ceux que nous représentons se connaissent mutuellement
d'une façon satisfaisante pour que lorsque nous discutons de textes
compliqués autour d'une table, nous nous sentions suivis et
appuyés par la masse, une masse qui connaît, une masse de
population qui connaît; les aspirations, les traditions d'un autre groupe
de la population et que ceux qui engagent le dialogue avec vous soient dans la
même position que vous? Vous vous posez ces questions. Et vous vous
demandez sincèrement si le temps est mûr au Canada, Et vous vous
le demandez avec angoisse si le temps.est mûr, au Canada, de s'asseoir
dès maintenant autour d'une table pour tenter de rédiger une
constitution nouvelle, en prenant comme base l'aspect horizontal et non
l'aspect vertical du Canada. Et lorsque vous en êtes rendu à ce
point, vous ne voulez plus être négatif.
Vous ne pouvez pas voter pour une motion comme celle-là. Vous ne
pouvez pas dire: « Non, jamais ». Vous ne pouvez pas non plus dire!
On va réétudier la formule-Fulton-Favreau. » C'est
peut-être non. C'est peut-1 être une mauvaise approche.
Je ne suis pas mûr, M. le Président, malgré
l'expérience que je viens de vivre personnellement. Je ne suis pas
prêt à dire « non-». Je ne suis pas prêt
à dire «oui ». Je veux mieux connaître, je veux que
les autres connaissent mieux pour que nous nous assoyions et que nous
dialoguions.
Je ne peux donc... je n'ai pas présenté de motion pour
faire adopter la formule Eulton-Favreau.
Je ne suis pas prêt à demander à M. Pearson de
réétudier la même formule, je ne suis même pas
prêt a faire ça parce que je me demande si ce n'est pas autrement
qu'il nous faudra procéder et je ne suis pas prêt non plus
à être négatif. Je crois que, et, M. le Président,
je vide mon, âme en cette Chambre, je crois que nous traversons au Canada
une crise, une crise de canadianisme. Mais il faut vivre à travers cette
crise. Il faut se questionner nous-mêmes, il faut que chacun d'entre
nous, chaque Canadien qui sait penser repense l'idée qu'il se fait de
son pays, quelle que soit sa langue ou son origine ethnique.
Et lorsqu'on est à repenser, il faut éviter de poser des
gestes prématurés. On dit que les voyages, en souriant,
assagissent la jeunesse. Eh bien, cet ancien jeune qui vous parle, M. le
Président, vient de vivre une expérience qui lui a fait toucher
du doigt la hauteur, la largeur, la grandeur et la profondeur du
problème canadien.
Il faut nous mieux connaître. Inutile d'employer les deux mots
vides de sens de se promener d'un bout à l'autre du pays en parlant
d'entente cordiale ou de bonne entente. Ce sont des mots vides de sens. Il faut
analyser, il faut peser, il faut chercher à comprendre les autres, il
faut tenter de nous faire comprendre aux autres. Et c'est lorsque les Canadiens
auront une connaissance meilleure les uns des autres que nous pourrons poser
des gestes positifs ou négatifs. Je ne suis pas prêt, M. le
Président, ça fait peut-être 100 ans que l'Union nationale
dit ça, mais ça fait 100 ans qu'elle est négative. Moi, je
dis qu'il faut repenser, mais je suis positif. Je pense en termes positifs, je
pense aux moyens d'avoir pour le Québec un statut particulier, d'avoir
pour nos minorités françaises des droits égaux à
ceux qui sont accordés ici à la minorité de langue
anglaise, je pense un Canada bilingue et multiculturel, je pense à un
Canada uni dans
la diversité. Mais quand je pense à cela, M. le
Président, je n'ai pas encore trouvé les mots, les phrases, les
points et les virgules qui me permettront de m'asseoir avec d'autres et de
m'entendre sur un texte qui consacrera les quatre principes que je viens
d'énoncer. Aussi avant de poser quelque geste que ce soit, de nature
négative ou positive, il me faut voir, il me faut prêcher aussi,
il faut que chacun des membres de cette Chambre prêche, il faut que nous
parlions tous le même langage. Nous, nous nous "comprenons; nous avons
nos chicanes politiques, c'est évident, la vie serait tellement
ennuyeuse, mais au fond nous pensons tous la même chose. Ecartons nos
figures de nos visages, enlevons cette espèce d'enveloppe superficielle
que j'appellerai une partisanerie politique que nous avons en nous, tous que
nous en sommes, dans cette Chambre, que nous soyons de langue anglaise ou de
lan gue française, nous, les Québécois.
Enlevons ça et nous pensons tous la même chose, nous
pensons tous la même chose; c'est cela qu'il faut faire comprendre aux
autres, et il faut essayer de comprendre aussi ce que les autres veulent, ce
qu'ils désirent. Ce n'est pas mûr, non, M. le Président, ce
n'est pas mûr. Je ne veux pas poser de geste, indépendamment du
fait qu'il s'agisse ou qu'il ne s'agisse pas d'une motion de non-confiance, je
n'accepte pas l'invitation du chef de l'Opposition à faire un signe au
premier ministre Pearson pour lui demande de reprendre l'étude de la
formule Fulton-Favreau; je ne suis pas prêt à faire ça, pas
même prêt à aller là. J'ai l'impression bien nette
que si je faisais ça, je me heurterais à des difficultés
sans nombre autour d'une table de conférence, et peut-être que le
manque de connaissances mutuelles étant ce qu'il est, je pourrais
empirer la situation au lieu de l'améliorer.
Il faut être évidemment, peut-être ce que j'ai
été déjà, quand j'étais plus jeune, naif et
enthousiaste comme le candidat conservateur au fédéral dans mon
comté, pour déclarer que, dès le soir de l'élection
du gouvernement conservateur de M. Diefenbaker, ce dernier convoquera une
conférence constitutionnelle pour reviser la constitution. Non,
croyez-m'en, M. le Président, ce n'est pas possible en ce moment-ci.
Impossible, nous ne sommes pas prêts à nous asseoir et à
écrire; il nous faut penser, il nous faut étudier, il nous faut
dialoguer. Ce n'est pas avec des textes que nous allons régler la
situation, que ces textes soient des textes constitutionnels ou des textes
comme celui de l'amendement, des textes d'un autonomisme négatif, qui ne
fait qu'encourager chez les autres la vision du Québec comme celle d'une
réserve qui est même prête à abandonner ses
minorités des neufs autres provinces. Soyons prudents, M. le
Président, craignons de poser les gestes pour lesquels paieront ce qui
nous reste de minorités; et si nous avons, perdu, une partie de nos
minorités qui se sont assimilées, c'est peut-être dû
trop à notre égoisme québécois, à notre
négativisme. Frappons-nous la poitrine, au lieu de chercher des
avantages électoraux; je n'en cherche pas, ce soir, quand je donne mon
âme à nu, M. le Président, à tous les membres de
cette Chambre, quand je dis que je ne suis pas prêt à
présenter à nouveau une motion demandant l'approbation de la
formule Fulton-Favreau, quand je dis que je veux réfléchir sur le
dialogue qu'il y a à entreprendre, qu'on ne s'imagine pas que je cherche
un avantage politique.
Quand je dis que l'expérience que je viens de vivre m'a fait
réfléchir, pas sur le sort d'un Québec devenu une
réserve ou un ghetto mais sur le sort d'un Québec soutien d'un
Canada français à la largeur et à la hauteur du Canada. Et
cette vision du Canada, il nous faut, c'est notre responsabilité
à tous, il nous faut la faire voir aux autres. Quelques-uns
déjà l'entrevoient, grâce à Dieu. Soyons prudents,
M. le Président, soyons prudents.
Il est vrai que j'ai dû parfois réveiller brusquement nos
compatriotes de langue anglaise, j'ai dû prononcer évidemment des
discours chocs, mais n'allons jamais poser des gestes qui ont l'air de ceux
d'un homme qui veut abandonner le dialogue. Réfléchissons,
posons, étudions, préparons-nous à l'action. Les autres ne
sont pas prêts à l'action et nous non plus. Je ne puis dire que
nous soyons prêts à l'action, à l'action positive,
complète, totale, qui nous permettrait d'avoir une constitution
canadienne basée sur une vue horizontale du Canada. Ce n'est pas
mûr, mes amis, ce n'est pas mûr. Quels sont les moyens d'y arriver?
Ce n'est peut-être pas la formule Fulton-Favreau. Je ne suis pas
prêt à me prononcer mais je ne veux pas dire non. Je ne suis pas
prêt, même, à demander la revision de cette formule. J'ai
encore besoin des réactions des autres; j'ai besoin que le dialogue
s'engage en dehors du feu des campagnes électorales. J'ai besoin que le
dialogue s'engage dans la sérénité et la
sérénité est impossible deux semaines à peine avant
une élection générale dans un pays divers et aussi
étendu que le Canada. Alors cette motion d'amendement, M. le
Président, je ne puis l'accepter parce qu'elle est
prématurée. Je ne veux pas répondre à la question
parce que j'ai peur qu'en répondant non, comme on me demande de le
faire, dans une période comme celle-ci, je
fasse plus de tort que de bien au Canada auquel je rêve, au Canada
auquel je pense, ce Canada que Je viens de décrire à cette
Chambre.
Alors que ceux qui ont confiance en moi, que ceux qui ont confiance, si
ce n'est que par le fait de ce que je viens de dire alors que j'ai dit que
c'est vrai que je voulais réfléchir, c'est vrai que je
n'étais pas prêt même à poser l'acte positif de
recommander à cette Chambre l'adoption de la formule Fulton-Favreau, que
je n'étais même pas prêt à demander à M.
Pearson de reconsidérer, de réunir pour reconsidérer,
cette formule même ou une formule dans ce genre.
Tout cela, M. le Président, devrait être suffisant, il me
semble, pour que le chef de l'Opposition, malgré sa mauvaise humeur du
début je sais qu'il regrette tout ce qu'il m'a dit parce qu'il le
sait faux pour que le chef de l'Opposition soit heureux que j'aie ainsi,
à la lumière de l'expérience que je viens de vivre, ouvert
à cette Çhambre les aspirations de mon coeur et de mon âme
de Canadien français et de Canadien.
M. BERTRAND: M. le Président, je laisserai de côté
les premiers propos du premier ministre à l'endroit du chef de
l'Opposition. Je laisserai de côté l'accusation qu'il a
portée contre nous d'autonomistes négatifs, je la laisse de
côté.
La motion du chef de l'Opposition aura permis au premier ministre de la
province de Québec d'indiquer à la Chambre d'abord et à
toute la population qu'il hésite fortement, qu'il doute en son âme
et conscience du bien fondé d'une formule qu'il demandait à la
population d'appuyer affirmativement et c'est lui...
Le premier ministre devrait remercier le chef de l'Opposition de cette
occasion unique, et je reviendrai tantôt sur les motifs qui nous ont
incités à présenter cette motion à la session
actuelle, M. le Président, ce n'est pas parce qu'il y a une
élection fédérale au Canada que le Parlement de
Québec, que l'Assemblée législative de Québec, que
le Conseil législatif de Québec, que le Parlement de
Québec se verra obligé de taire ses opinions, de faire connaf-tre
dans la province et au Canada le point de vue et les aspirations du
Québec et du Canada français, car, comme le disait le premier
ministre tantôt, le Québec est le point d'appui du Canada
français, des minorités canadiennes-françaises
éparpillées à travers le pays. Une élection
fédérale ou non, le Parlement de Québec réuni a le
droit d'exprimer son opinion, il le fait ouvertement, publiquement, le
Parlement de Québec ne doit pas se taire quand il doit parler. Et c'est
la première fois qu'il peut parler sur la motion Fulton-Favreau.
Le premier ministre est revenu de son voyage dans l'Ouest
angoissé. Le premier ministre, en terminant tantôt, nous disait
qu'ii avait presque découvert le Canada et les problèmes de cette
vie d'unité dans la diversité qui se posent, de cette crise
canadienne dont a parlé la Commission Dunton-Laurendeau dans le premier
rapport.
Mais le premier ministre a vécu dans la capitale de ce pays
où il a connu les difficultés de gouvernement, de cette
unité dans la diversité que nous voulons tenter de
réaliser. Ce n'est pas la première fois qu'il visite ce Canada.
Il a agi comme ministre de la Couronne à Ottawa. Il en a connu les
problèmes, les difficultés, problèmes constitutionnels,
problèmes de relations interethniques et ce n'est pas un néophyte
qui est allé dans l'Ouest canadien. C'est un homme qui connaissait
l'histoire de son pays. C'est un homme qui a vécu dans la politique
fédérale. C'est un homme qui a suivi les discussions et les
mémoires qui ont été présentés devant la
commission Dunton-Laurendeau depuis au-delà d'un an. C'est un homme qui
connaissait tous ces problèmes, les dif-dicultés de ces
problèmes. Il nous revient et provoqué par la motion du chef de
l'Opposition au sujet de la formule d'amendement Fulton-Favreau, il nous accuse
de vouloir par cette motion, dire non et lui d'autre part dit qu'il n'est pas
prêt à dire: « Oui ».
On nous accuse de dire: « Non » et le premier ministre n'est
plus prêt à dire: « Oui ». On nous dit: «
Pourquoi soulever ce problème le 22 octobre 1965? » II est bon que
les députés s'en souviennent, il est bon que la population soit
au courant pourquoi nous le faisons en ce moment. La session, la
dernière, s'est ouverte dans le mois de janvier 1965. Il y a eu un
discours du Trône. Il y a eu le discours du Trône lu par le
lieutenant-gouverneur et à ce moment-là, au sujet de la
même formule dont le premier ministre a parlé tantôt en
disant qu'il n'était peut-être pas prêt à dire non
mais que d'autre part, il n'était pas prêt à dire oui,
à ce moment-là, le premier ministre nous annonçait
officiellement dans le document le plus officiel de cette Chambre et je cite le
discours du trône de janvier 1965: « Les deux conférences
des procureurs généraux qui ont eu lieu l'automne dernier - cela
voulait dire en octobre 1964 - ont permis de mettre au point une formule pour
le rapatriement de la Constitution du Canada. Cette formule a été
unanimement acceptée par la conférence des premiers ministres et
le gouverne-
ment demandera à l'Assemblée législative d'adopter
une résolution ratifiant cet accord « et il ajoutait, » pour
éviter que ce rapatriement de la Constitution rende intangible les
pouvoirs du Conseil législatif sur les projets de loi votés par
l'Assemblée législative, vous serez aussi invités à
restreindre ses pouvoirs. »
M. le Président, celui qui a parlé avant moi est le
premier ministre d'une province. Il a une responsabilité terrible devant
la Chambre et devant la population. Je veux comprendre les moments d'angoisse
qu'un homme qui porte d'aussi lourdes responsabilités doit
connaître, je veux les comprendre.
Je veux les expliquer, mais cet homme dont nous avons entendu
tantôt les propos d'hésitation à l'endroit de la formule
Fulton-Favreau, à ce moment-là, n'hésitait plus. Comme
premier ministre de la province de Québec il a informé le
lieutenant-gouverneur de la province d'inscrire dans son discours qu'il
demanderait aux députés en cette Chambre de rectifier la formule
Fulton-Favreau, laquelle formule, ce soir, il ne saurait dire si nous devons
l'accepter ou la refuser.
M. le Président, c'était un geste officiel comme premier
ministre de la province, comme chef de son Cabinet, ayant obtenu l'assentiment
de tous et chacun de ses collègues, l'ayant fait insérer dans le
discours du Trône. Or la motion est apparue au feuilleton dés la
première séance; elle y est restée. En
référant pour ne pas le reproduire au texte chaque fois, elle y
est restée collée au feuilleton depuis la première heure
de la dernière session jusqu'à la dernière heure au cours
du mois d'août. A plusieurs reprises, le chef de l'Opposition a
tenté d'en discuter. Il a été comme toujours tenace,
persévérant. Ne pouvant en parler devant les collègues en
Assemblée législative, il en a parlé en dehors de la
Chambre et il aurait été dans la province de Québec
celui-là qui a sonné l'alerte autour de la formule
Fulton-Favreau.
Jamais, jamais il n'a voulu utiliser ce problème d'une
manière négative mais au contraire, en tâchant de la faire
comprendre au peuple de la province de Québec et de dialoguer avec lui
partout où il est allé et je l'en félicite au nom de tous
mes collègues.
M. le Président, nous n'avons pu en parler, c'est un fait
absolument indéniable dans le Parlement; jamais il n'a pu être
question d'une manière détaillée de la formule
Fulton-Favreau, amendement à la Constitution canadienne.
Deuxièmement, M. le Président, maigre ce refus du
gouvernement d'en discuter, nous avons suggéré au premier
ministre, à plusieurs reprises, étant donné la
complexité de tout ce problème admis des relations
intergouvernementales au pays; étant donné que depuis des
années au pays du Québec nous parlons d'une nouvelle Constitution
canadienne, étant donné que le Parlement de Québec a voulu
donner l'exemple à tous les autres parlements du Canada,
Législatures et Etat central compris, de former un comité qui
serait chargé d'une étude sérieuse et approfondie de tous
les aspects de ce vaste problème. Ici, au Parlement, grâce aux
activités d'un comité de la Constitution, qu'heureusement nous
avons voté à l'unanimité, nous avons
suggéré, avec persévérance, ténacité,
patience, espérant que le premier ministre accepterait nos
recommandations et nos suggestions.
Nous lui avons demandé, à combien de reprises, de
référer la formule Fulton-Favreau, la motion qui apparaissait au
feuilleton, de la référer au comité parlementaire de la
Constitution qui lui, grâce aux experts qui l'entourent, grâce au
travail des députés qui en font partie et qui
s'intéressent d'une manière toute particulière au
problème de la revision de la Constitution canadienne, nous lui avons
demandé de référer cette motion dite Fulton-Favreau au
comité parlementaire de la Constitution. Non. Il parle de gens qui ont
des attitudes négatives. Le premier ministre en aura eu à
l'endroit de la formule Fulton-Favreau. Il aura dit « non » aux
demandes répétées, demandes du comité qui ont
essayé, et j'ai le droit de le dire, dans l'étude, dans
l'étude de tous ces problèmes constitutionnels, de me
dégager totalement de tout esprit de parti, de rouge, de bleu, de
caîlle. Je n'ai jamais participé aux élections
fédérales. Je vote comme citoyen de mon pays mais je n'ai pas
pris part aux luttes électorales fédérales voulant
respecter intégralement le mandat de mes commettants d'aller les
représenter au Parlement de Québec. Attitude négative du
premier ministre de la province de Québec refusant que le comité
parlementaire de la Constitution étudie d'une manière plus
profonde cette formule.
M. le Président, voilà pourquoi cette réunion,
cette session d'urgence convoquée par le premier ministre, son Cabinet,
pour résoudre un problème urgent, c'est la seule occasion,
l'unique occasion que nous avions d'en parler. Et pourquoi? Le premier ministre
attaquait tantôt le chef de l'Opposition en disant que c'était de
l'électoralisme. Mais c'est le premier ministre du Canada lui-même
qui ouvre la porte au Québec. C'est le premier ministre du Canada qui
doit être au courant, lui aussi, que nous sommes durant une campagne
électorale fédérale, qui invite...
M. JOHNSON: II devrait l'être]
M. BERTRAND: ... d'une manière très diplomatique le
Québec, lui qui a réalisé combien la population du
Québec a manifesté par tous ses groupes que le chef de
l'Opposition énumérait tantôt, son opposition, son «
non », son non licet à cette formule. Il a dit un mot du
Québec. Nous aurions voulu, M. le Président, que ce mot se
manifeste par les élus du peuple, responsables devant le peuple, au
courant de l'opposition du peuple. Négatifs? mais il y a des moments
où il faut dire oui. Et il y a des moments où un chef
d'état, un Parlement doit dire non. Et à la lumière des
études qui ont été faites, sérieusement, nous
disions « non » à la formule Fulton-Favreau. Et pourquoi
disions-nous « non »? Pour des raisons anodines, sans importance
mais « non ».
Depuis plusieurs mois, quant à moi depuis 5 ans, je parle d'un
statut particulier pour le Québec. Mais justement au moment où
nous recherchons, où nous rechercherons davantage la reconnaissance d'un
tel statut particulier, nous disons: « N'allons pas nous lier à
une formule qui, de l'aveu même des rédacteurs du mémoire
qui accompagne la formule d'amendement à la constitution, empêche
définitivement l'établissement d'un statut particulier pour le
Québec dans une Confédération canadienne. Voilà, M.
le Président, d'où vient notre position: statut particulier pour
le Québec et deuxièmement, statut d'égalité pour
les minorités canadiennes-françaises disséminées
à travers le pays et que le premier ministre est allé saluer et
desquelles il a reçu des hommages, des félicitations et des
appuis lors de son voyage dans l'Ouest.
M. le Président, voilà notre position, voilà les
raisons pour lesquelles nous avons apporté cette motion et le chef de
l'Opposition l'a tellement dit, je n'ai pas besoin d'ajouter beaucoup plus que
ce n'est pas une motion de non-confiance. La phraséologie d'une motion,
mais grand Dieu, les mots! Ce qui importe, c'est la substance. Le premier
ministre n'en veut pas, prétend que ce serait là poser un vote
négatif, demande de réfléchir, déclare: «
aucune décision définitive n'a été prise à
ce sujet. » Mais, M. le Président, celui qui déclare
à la face de la population du Québec de telles choses
déclarait le 21 janvier par la bouche du lieutenant-gouverneur que sa
position, sa décision était définitive. Définitive
en janvier 1965, définitive jusqu'à la fin de la session. Depuis
son voyage dans l'Ouest; hésitation, angoisse, problèmes
cruciaux, mosaïque canadienne, problèmes de relations
interraciales, crise canadienne, je ne suis plus prêt. « Oh, je
veux que l'on me comprenne, dit-il, je veux que l'on comprenne que je livre ce
soir mes aspirations les plus profondes. » Mais quand
l'étaient-elles, profondes? Quand vous disiez oui ou quand vous
hésitez à dire oui, après avoir parlé comme chef de
gouvernement au sujet d'un même problème? M. le Président,
dans les circonstances, étant donné tout ce qu'il a dit, aucune
décision définitive n'a été prise à ce
sujet; c'est tellement vrai, dit-il, je ne veux pas dire non, d'autre part je
ne veux pas dire oui et pour confirmer cela, déclare-t-il, la motion
n'apparaît pas au feuilleton de cette session d'urgence, session
extraordinaire.
Je dis au chef de l'Opposition, M. le Président, que la
présentation de sa motion, c'est un heureux moment.
Il aura permis d'abord à la province de réaliser que le
premier ministre de la province ne pose pas toujours des actes prudents.
Le premier ministre de la province pose trop d'actes, lourds de
conséquences, sous l'impulsion du moment, sous l'impulsion des hommages
et des compliments...
M. LESAGE: Quoi?
M. BERTRAND: ... qu'il peut recevoir, et des éloges, dans
l'atmosphère des conférences fédérales
inter-provinciales comme à Charlottetown; sous l'impulsion du moment, il
accepte d'entériner une formule dont il découvre par après
certains vices et qu'il hésite, il l'a dit tantôt, et qu'il
hésiterait de demander à la Chambre d'appuyer, pourtant lui qui
nous demandait le 21 janvier, qui nous invitait et qui avait
déclaré à tous les premiers ministres de toutes les autres
provinces et le premier ministre du Canada, qu'il nous inviterait à la
voter.
M. le Président, M. Pearson nous a dit un mot du Québec;
nous aurions voulu que ce mot soit un mot unanime de la part du Parlement de
Québec, de dire non, nous ne voulons pas nous lier à une formule
qui est de nature à rendre davantage permanent le statu quo
constitutionnel que nous vivons et que nous voulons mettre de
côté. Et c'est en vue de mettre ce statu quo constitutionnel de
côté que le Parlement de Québec, à
l'unanimité, a formé un comité parlementaire de la
constitution et c'est là où sérieusement nous
étudions ces problèmes, dégagés de tout fanatisme,
à l'endroit de nos compatriotes de langue anglaise,
dégagés de toute partisanerie, dégagés de tout
esprit de parti, réalisant combien il est difficile de trouver la
formule qui s'avérerait magique pour
faire disparaître les nombreux problèmes ou points de
conflit dans un pays comme le nôtre. Mais nous avons voulu au moins au
Parlement de Québec, d'abord engager le dialogue entre nous, essayer de
faire un front commun, au delà des considérations de partis
politiques, et tenter de mettre par écrit ce que d'autres, il y a un
siècle, ont pu faire dans des résolutions préparées
à Charlottetown et réalisées dans cette cité de
Champlain, des résolutions qui ont servi à l'élaboration
de l'Acte de l'Amérique du Nord nous voulons, cent ans après, le
premier ministre dit: je me demande si le moment est venu et mon voyage
dans l'Ouest m'aura convaincu des difficultés et des problèmes,
de ce problème de réaliser l'unité dans la
diversité.
Mais, malgré cela, le Québec a voulu donner l'exemple
à tout le pays, au moins d'engager le dialogue avec les nôtres et
d'inviter les autres à faire la même chose de leur
côté, leur permettant de réaliser, suivant ces mots que la
reine Elisabeth prononçait lors de son voyage à Québec
quand elle parlait, rappelant la constitution du Canada, qu'un protocole
signé il y a cent ans, parlant de la constitution canadienne, qu'il
était normal, raisonnable et naturel que l'on puisse remettre en
question les fondements de ce protocole et rediscuter les termes d'une
véritable association qui est le fondement de la vie du Canada.
M. le Président, voilà ce que j'avais à dire. Le
premier ministre, et j'en suis, sous certains aspects, heureux, sans vouloir
dire non, il aura dit non; sans vouloir déclarer, Dieu sait combien
c'est difficile, pour un homme, tout homme, qui a déjà dit oui de
dire non. Je comprends le dilemme qui est le sien, je comprends
l'hésitation qui est la sienne, je comprends le combat qu'il se livre de
renverser totalement la vapeur, mais il aura indiqué par ses propos
angoissés, par son attitude d'hésitation, il aura
démontré, M. le Président, par ce geste, ces propos qu'il
aura tenus, qu'il n'est pas prêt à dire oui à la formule
Fulton-Favreau.
De cela, de cette attitude mitigée que nous pouvons comprendre,
je lui sais gré, mais combien davantage il aurait pu ce soir se grandir
en acceptant cette motion corrigée, comme on l'a déjà fait
pour d'autres motions adoptées unanimement par la Chambre, surtout au
sujet des problèmes constitutionnels, combien il aurait pu se grandir
davantage en appuyant la motion du chef de l'Opposition pour faire comprendre,
car le Québec au Canada est à l'avant-garde. Le Québec au
Canada doit continuer à être à l'avant-garde dans les
combats constitutionnels, le Québec au Canada doit continuer à
convaincre les autres qu'il y a lieu de changer les termes d'un accord qui n'a
pas été respecté dans trop d'autres provinces du Canada,
même si ailleurs, en 1965, on prétend avoir été de
bonne foi et avoir respecté un pacte au sujet duquel Sir John A.
McDonald déclarait qu'il n'y avait plus au Canada ni vainqueurs, ni
vaincus et que nous serions sur un pied d'égalité à
travers tout le pays.
Le premier ministre parlait d'égo'isme québécois,
de réserve du Québec. On ne s'est peut-être pas,
laissait-il entendre, occupé de nos minorités
canadiennes-françaises. Le premier ministre conviendra avec moi que ce
n'est pas l'égolsme québécois qui a fait disparaître
d'un trait de plume les droits de la langue française dans la province
du Manitoba.
Ce n'est pas non plus l'égoisme québécois qui a
fait disparaître d'un trait de plume les droits des minorités dans
les autres provinces canadiennes. Il a dit, il y avait beaucoup de
variétés dans son discours, il a dit: ne parlons de cette bonne
entente, de cette entente cordiale. J'en conviens avec lui. Mais après
cent ans, il me semble que nous devrions être capables de mettre dans des
textes et de réaliser dans les faits que, dans le domaine en particulier
de l'éducation, les autres minorités
canadiennes-françaises à travers le pays jouiront, une fois pour
toutes, des mêmes droits que nous avons accordés sans cesse
à la minorité anglo-canadienne au pays du Québec.
M. le Président, je conviens de la difficulté de tous ces
problèmes. Si le premier ministre nous avait dit tantôt: je
n'accepte pas la motion du chef de l'Opposition, mais je suis heureux de
déclarer que la motion Fulton-Favreau sera référée
au Comité parlementaire de la Constitution pour une étude plus
approfondie, comme secondeur, j'aurais dit au chef de l'Opposition, nous
obtenons exactement ce que nous recherchons, nous avons une opinion assez
définitive sur la motion elle-même, nous disons; non. Mais s'il y
en a d'autres qui hésitent, nous sommes prêts à
l'étudier avec eux pour les convaincre davantage qu'ils doivent la
refuser. J'aurais aimé que le premier ministre déclare cela. Je
n'engage pas le chef de l'Opposition, mais j'aurais été
prêt à dire au chef de l'Opposition; laissons faire la motion, le
Comité parlementaire de la Constitution s'occupera du
problème.
M. le Président, je termine. Le premier ministre a terminé
son discours en faisant appel aux hommes de bonne volonté, un appel au
sentiment. Je suis prêt, le chef de l'Opposition est prêt, tous nos
collèges sont prêts à n'examiner le problème
constitutionnel que sous l'angle du bien commun, du bien commun de l'en-
semble de la collectivité québécoise, les Canadiens
français au Québec et les Canadiens français qui nous
représentent aux quatre coins du Canada, dégagés de tout
esprit de parti, sans vouloir donner d'appui à aucun des chefs
politiques qui, à l'heure actuelle, parcourent la province de
Québec demandant un appui de la population. Nous avons un mandat
provincial comme le premier ministre, nous avons un mandat du peuple du
Québec, et c'est dans cet esprit que j'ai secondé la motion du
chef de l'Opposition, et je sais que c'est dans cet esprit,
dégagé de toute partisanerie que l'a proposée le chef de
l'Opposition.
M. LAPORTE: M. le Président, je constate comme vous qu'il est
onze heures moins cinq, que nous avons commencé ce matin notre
journée sessionnelle à dix heures et trente, je vais tenter
d'être aussi bref que possible, mais je ne crois pas que le discours du
député de Missisquoi, quel que soit l'esprit dans lequel il est
prononcé, et je suis de ceux qui croient qu'il a fait abstraction de la
partisanerie politique, mais je ne crois pas quand même que ce discours
doive rester sans réponse.
A entendre le discours du chef de l'Opposi-tion et celui du
député de Missisquoi, à avoir suivi dans la province de
Québec, depuis plusieurs mois, cette campagne que l'on a
organisée contre la formule Fulton-Favreau, contre le chef du
gouvernement actuel, je me demande si l'Opposition souhaite' qu'elle
disparaisse ou qu'elle me disparaisse pas cette formule Fulton-Favreau. Je me
demande si l'Opposition...
M. JOHNSON: J'invoque le règlement. Vous savez, l'article 285 est
clair, le ministre n'a pas le droit de m'imputer des motifs. D'ailleurs, c'est
vite réglé. Nous avons une chance de la faire disparaître
ce soir. On convertit la motion. Votez avec nous et elle disparaîtra.
M. LAPORTE: II y a une formule anglaise qui dit: « They love to
hate formule Fulton-Favreau ». Ils aiment ça la
détester.
M. ALLARD: Demandez le vote.
M. LAPORTE: Comme là, ils commencent à craindre que la
formule Fulton-Favreau leur échappe, ils vont lui faire la respiration
artificielle.
M. ALLARD: Demandez le vote et on va voter.
M. LAPORTE: Cela, c'est la première cho- se qui me frappe. La
deuxième, que je trouve donc ça merveilleux pour un parti
politique, composé de gens intelligents, je n'en doute pas, d'un parti
politique composé de gens qui ont des vérités
définitives. J'ai déjà entendu ça c'est
récemment - l'un d'entre eux dire; « J'ai dit ça il y a
vingt ans et je n'ai pas changé d'idée. » Cela me fait
penser au monsieur qui disait: « Ce n'est pas de ma faute si les
idées ont changé, moi je n'ai pas changé. »
Possession des idées définitives, ça m'inquiète en
un sens.
M. BERNATCHEZ: Le Devoir a changé.
M. JOHNSON: Possession tranquille de la vérité, comme
disait le premier ministre.
M. LAPORTE: Je lisais ces jours derniers dans le Figaro
littéraire un extrait des « Nouveaux mémoires
intérieurs » de François Mauriac qui vient d'avoir 80
ans.
M. BERNATCHEZ: On n'a pas hâte de voir les mémoires de
Pierre Laporte.
M. LAPORTE: Est-ce que je peux demander ou au chef de l'Opposition ou au
président de bien vouloir contrôler le député de
Lotbinière? Il me semble que c'est...
M. JOHNSON: Les Mémoires intérieurs de François
Mauriac et du premier ministre, ça se ressemble, ce soir.
M. LAPORTE: Je n'ai pas souvenance d'avoir interrompu le chef de
l'Opposition. Je peux simplement lui dire que s'il m'interrompt, ça va
être plus long,
M. JOHNSON: Pas d'objection.
M. LAPORTE; Il y a des fois qu'il a des objections. Et comme disait son
ancien chef; « La meilleure façon de ne pas m'interrompre, c'est
de se taire. »
M. le Président, je dis donc que dans ce texte de François
Mauriac qui a 80 ans, vous savez ces blocs-notes dans le Figaro
littéraire, toute la page est consacrée justement à cette
étude, au cheminement de la pensée de François Mauriac en
politique qui ne peut pas s'expliquer qu'on puisse un jour s'arrêter sur
une pensée de façon définitive alors que le monde continue
de tourner, de progresser, c'est ça qu'il appelle le vieillissement
intellectuel. Il nous parle de la quatrième république, de la
cinquième -république, du passage d'un premier ministre à
l'autre. Il dit que pendant toute sa
vie, il a tenté d'être constant avec lui-même en
évoluant.
M. JOHNSON: II a toujours été au pouvoir.
M. LAPORTE: Je comprends qu'on va ramener le débat à
être au pouvoir, à être dans l'Opposition. C'est tout ce que
le chef de l'Opposition voit dans la formule Fulton-Favreau. Je pense que je
l'ai dit ici tout à l'heure. La peur de disparaître parce qu'il
fait de ça une formule de pouvoir et d'opposition. Je pense qu'il y a
plus que ça et le député de Missis-quoi a discuté
sur la motion.
M. JOHNSON: Mauriac aurait été au Devoir.
M. LAPORTE: Je dis que face aux problèmes constitutionnels qui
retiennent notre attention, je trouve ça extraordinaire, les gens qui
sont capables de se lever dans cette assemblée pour porter des jugements
définitifs.
Je dis au contraire que nous, nous sommes encore à la
période des inventaires. Nous avons un comité qui siège
depuis deux ans, qui a fait du travail et, à mesure que le travail du
comité a progressé, nous avons vu combien c'était
difficile, combien c'était une vérité qu'il était
compliqué de cerner. On nous arrive avec un jugement définitif.
L'an dernier ils nous demandaient de référer ça au
comité de la Constitution, et cette année ils nous demandent de
nous prononcer contre.
M. JOHNSON: Pas au même endroit.
M. LAPORTE: M. le Président, je dis que nous sommes à la
période des inventaires. Ici dans la province de Québec surtout
et de plus en plus on voit avec quelle rapidité l'Ontario commence
à évoluer dans le sens de l'étude des problèmes.
Est-ce qu'ils vont arriver aux mêmes conclusions que nous? Ce n'est pas
du tout certain. Dans l'Ouest, beaucoup plus lentement, on commence à
s'éveiller à la nécessité d'étudier ces
problèmes-là. Qui sommes-nous au Canada? Est-ce que quelqu'un
peut, ce soir, répondre à cette question-là d'une
façon définitive? S'en aller chez lui et dire; ce que j'ai
déclaré, cela c'est vraiment historique, c'est final. Nous sommes
en train de nous interroger: qui sommes-nous au Canada? Est-ce que les
Canadiens sont d'accord tous, qu'il y a une ou deux nations? Moi, je crois
qu'il y a deux nations au Canada. Mais est-ce que ma vérité
à moi est tellement petite que je dois la renfermer et ne pas tenter de
la faire pénétrer chez les autres avec le temps que ça
prendra, avec le sens de la conviction qu'on pourra y mettre. Je voudrais bien
que quelqu'un ce soir puisse dire que cette vérité qu'il
possède, lui, au Canada, c'est une science définitive qui n'est
pas susceptible d'évoluer d'aucune façon. Que sommes-nous,
Canadiens?
M. JOHNSON: Cela c'est du Sartre. M. LAPORTE: C'est du quoi?
M. JOHNSON: C'est du Sartre, ce n'est pas du Mauriac.
M. LAPORTE: Ah! je n'ai rien lu encore. M. JOHNSON: Non, non.
M. LAPORTE: Je vais lui faire dire, je ne sais pas s'il sera heureux ou
non.
M. JOHNSON: Le ministre est versatile! M. LAPORTE: Le ministre est
quoi?
M. JOHNSON: Versatile!
M. LAPORTE* Je ne pense pas que ça entre dans ce que nous
étudions ce soir. Et où est-ce que nous allons, où est-ce
que nous allons au Canada? On va admettre que depuis deux ans, depuis trois
ans, depuis quatre ans, les notions politiques ont évolué de
façon, je dirais dramatique dans notre pays. Lorsque le
député de Missisquoi a proposé sa motion pour créer
un comité de la Constitusion, je crois que j'ai été un des
premiers à me lever dans cette Chambre, alors que je siégeais
là, en arrière, pour dire qu'il fallait, pour la province de
Québec, une formule qui soit différente de la formule qui
vaudrait pour le reste du Canada. Je me souviens du beau chachut que ç'a
fait, et dans les journaux de Montréal et dans les journaux de Toronto,
et aujourd'hui de plus en plus, on semble accepter ça comme un minimum.
Ce qui apparaissait à beaucoup de gens, il n'y a pas si longtemps, comme
un maximum devient aujourd'hui une chose dont tout le monde parle. Des premiers
ministres d'autres provinces, le premier ministre du Canada qui dit: «
Nous devrions en effet songer à des formules ».
Et les faits eux-mêmes, nous poussent tranquillement vers des
statuts particuliers dont nous avons parlé. Je serai évidemment
accusé de faire de la politique partisane, malgré que l'on sache
que je ne me mêle pas d'élections fédérales. Si je
citais les paroles d'un chef de
parti qui est contre toutes ces choses-là, un chef d'un parti
politique qui est contre toutes ces choses-là, qui, lui, loin de trouver
que c'est un bienfait pour le Canada d'avoir reconnu certains besoins,
certaines demandes de la province de Québec, est prêt à
faire machine arrière. Cela c'est un fait. Si c'est faire de la
partisanerie politique que de le dire, je l'affirme, que, par les comptes
rendus des journaux, toute une campagne actuellement est centrée au
Canada sur la nécessité de renverser la vapeur pour mettre fin
à cette politique qu'on condamne, en vertu de laquelle un gouvernement
canadien reconnaît de plus en plus à une province qui reste
canadienne. Je racontais quelque part que je disais au curé d'une
paroisse pas loin de chez nous: « Tiens, vous êtes Français
».
Il dit: « Non, monsieur, je suis Breton. » Pourtant, il sait
fort bien qu'il est Français, mais son patriotisme, à lui, comme
Français, passait par la Bretagne. Il ne se sentait pas moins
Français que les autres, mais il tenait à s'appeler Breton comme
tous les citoyens de la Bretagne. Ce sont d'abord des Bretons, mais ce sont
d'excellents Français. Alors, pourquoi est-ce que ce serait une
tragédie au Canada que les citoyens de la province de Québec,
s'ils le veulent, et demain, s'ils l'exigent, aient un statut qui leur permette
de rester Canadiens tout en étant pleinement Québécois?
pas seulement de nom comme on a voulu le faire depuis cent ans, mais qu'ils
contrôlent les moyens économiques, les moyens politiques et les
moyens culturels qui vont leur permettre de se réaliser pleinement?
Où allons-nous, au Canada? Est-ce que quelqu'un est en mesure de
nous fournir une réponse définitive ce soir? M. le
Président, c'est trop facile de décerner des certificats de bonne
et de mauvaise conduite en matière patriotique d'un côté ou
de l'autre de la Chambre, comme si certains avaient, parce qu'ils s'opposent,
le monopole du patriotisme et comme si ceux qui sont en face étaient un
club chargé de mettre fin aux espoirs de la province de Québec.
Je pense que les cinq dernières années ont été une
réponse suffisante. Que les gens qui sont de ce côté-ci,
loin de vouloir, le mot trahir me paraît déjà fantastique,
mais loin de vouloir minimiser la présence de la province de
Québec dans le Canada ont fait des gestes concrets, positifs, qui ont
fait du Québec il y a même des premiers ministres des
provinces qui le lui reprochent à la province de Québec
qui ont fait de la province de Québec la première province du
Canada pour son dynamisme et sa qualité.
M. JOHNSON: ... parlez du chômage...
M. LAPORTE: Nous nous interrogeons sur bien des questions. La formule
Fulton-Favreau dont l'Opposition aurait été extérieurement
très chagrinée que nous la votions l'an dernier, mais à
certains autres points de vue, ça aurait fait son affaire. Je dis, M. le
Président, que contrairement à ce qu'a dit, ou reprenant
autrement la formule utilisée par le député de Missisquoi,
qui a dit que la Chambre ne doit pas se taire quand elle peut parler, je dis,
sachant ce dont je parle, que lorsqu'on veut vraiment atteindre un objectif, il
est des fois où la Chambre ne devrait pas parler quand elle peut se
taire.
Je dis que sur cette question, sur toutes les questions
constitutionnelles, nous nous interrogeons. Je prétends, une fois de
plus, que l'une des questions que nous nous posons est-ce que c'est
manquer de patriotisme que de se poser des questions une des questions
que nous nous posons, c'est: « Est-ce que c'eût été
la meilleure formule que de référer le problème de la
Constitution? C'est antipatriotique de prétendre qu'on s'interroge sur
ça? Je me le demande.
M. BERTRAND: Non, non!
M. JOHNSON: Mais pourquoi s'engager à étudier...
M. BERTRAND: On ne dit pas ça.
M. LAPORTE: M. le Président, si on relit le discours du
trône, si on relit tout le passé, c'est toujours facile de classer
les problèmes. Pourquoi s'engager quand c'est si facile? Ce n'est pas
aussi simple que ça.
M. JOHNSON: Pourquoi vous être engagés sans nous
consulter?
M. LAPORTE: Je dis, M. le Président, que nous nous sommes
interrogés et nous nous interrogeons encore pour savoir si c'est la
meilleure formule de référer ça au Comité de la
constitution. Est-ce qu'on veut en faire un beau débat politique entre
deux partis?
M. BERTRAND: Mais non, on vous le demande.
M. LAPORTE: Et ça va régler le problème. Ah, les
formules pieuses, en Chambre, disent, « Nous allons faire abstraction...
» cinq minutes après avoir dit au premier ministre que
c'était un traître à sa province. C'est
ça!
Je dis, M. le Président, que ça n'est pas le moment que la
formule Fulton-Pavreau... c'est vrai qu'elle a été inscrite au
feuilleton pendant toute la dernière session.
Les conditions ont été clairement posées, qu'une
autre loi devait être adoptée et sanctionnée par le
Parlement de Londres avant que nous n'abordions la formule Fulton-Favreau, mais
ça ne l'est pas encore, et c'est évidemment une formule de style
que de prétendre que le chef de l'Opposition n'a jamais pu en parler. On
se demande plutôt les jours où il n'en a pas parlé.
M. BERTRAND: Voyons, soyez de bon compte!
M. LAPORTE: Je veux bien être de bon compte...
M. BERTRAND: II a demandé d'en parler et on a dit non,
M. LAPORTE: Je savais qu'il en parlait pour en parler.
M. BERTRAND: Non, non, il a demandé d'en parler, on a dit non,
vous ne vouliez pas.
M. LAPORTE: II a posé des questions, il en a parlé sur le
discours du Trône, cette partie de son discours qui était dans les
journaux et qui a été, disons, interrompue par le
président...
M. BERTRAND: II n'a pas pu le lire.
M. LAPORTE: Tous les jours, il a posé... Pardon?
M. DOZOIS: Vous n'ayez jamais voulu qu'il en parle.
M. LAPORTE: C'est vrai, mais il en a toujours parlé quand
même.
M. BERTRAND: Non.
M. DOZOIS: II vous demandait d'en parler.
M.BERTRAND: En dehors, mais pas ici.
M. JOHNSON: Non, mais le ministre va me permettre une question?
M. LAPORTE: Certainement.
M. JOHNSON: Si je comprends son raisonnement...
M. LAPORTE: Ah! ce n'est pas une question ça! Si vous vous mettez
à comprendre là!
M.BERTRAND: Non, mais c'est la question.
M. JOHNSON: Est-ce que c'est exact que le parti libéral, par le
premier ministre, aurait donné la réponse quant à la
formule Fulton-Favreau avant de s'être posé la question si
c'était une bonne formule?
M. LAPORTE: Bon. Cela, c'est une des vérités
définitives.
M. JOHNSON: Octobre 1964, Charlottetown, ministre de la Jeunesse et
premier ministre.
M. LAPORTE: Octobre 1964! et puis s'il avait dit ça en octobre
1912, là, ç'aurait été absolument interdit de
sinterroger après ça. Bien, je pense que le chef de l'Opposition
se fait injure, le chef de l'Opposition se fait injure...
M. BERNATCHEZ: Vous n'étiez pas au monde.
M. LAPORTE: Le chef de l'Opposition en a parlé tellement souvent
qu'il serait injurié si je lui disais que tous ses discours n'ont pas
fini par causer au moins une petite impression. Je dis que sur ces
questions-là nous sommes en devenir.
M. JOHNSON: Ah bon!
M. LAPORTE: Nous nous interrogeons.
M. JOHNSON: Rétroactivement...
M. LAPORTE: Si vous voulez, si ça peut vous faire plaisir...
M. LOUBIER: Ah bon!
M. LAPORTE: Si ça peut vous faire plaisir de dire
rétroactivement, je pense que l'avenir politique est plus important que
ces petits mots qui font un infini plaisir au chef de l'Opposition.' Je dis, M.
le Président, qu'un des reproches les plus enfantins que le
député de Missisquoi ait fait, c'est de dire que le premier
ministre connaissait le Canada, qu'il a été ministre de la
Couronne...
M. BERTRAND: C'est vrai.
M. LAPORTE: ,., qu'il s'est promené dans le pays, mais je me dis
au contraire que le Canada est en pleine évolution, que le
député de Missisquoi aurait voulu que le jugement que le premier
ministre porterait soit basé sur des opinions,' soit basé sur une
connaissance qui remontait à 8 ou 10 ans en arrière...
M. JOHNSON: Voyons donc!
M. BERTRAND: Ah! voyons, il lit lui aussi.
M. JOHNSON: II nous a parlé comme une majorette qui fait un
premier voyage en dehors de la province.
M. LAPORTE: Ah! si vous parlez des majorettes, vous attaquez directement
le député de Champlain.
M. BERTRAND: Ce n'est pas une majorette, le député de
Champlain.
M. LAPORTE: Il ne vous a pas contredit pourtant, pas ce soir. M. le
Président,...
M. BERTRAND: II est dans les gardes paroissiaux, pas dans les
majorettes:
M. JOHNSON: Une majorette, son premier voyage, qui découvre le
Canada, mon Dieu, que c'est compliqué cette affaire-là.
M. LAPORTE: J'aimerais ça savoir l'opinion de tout le monde,
quand ils pensent qu'on n'écoute pas, sur le voyage du premier ministre
au Canada.
M. JOHNSON: Pardon?
M. LAPORTE: Ceux qui, publiquement, ont félicité le
premier ministre d'être allé sur place, non seulement porter le
message de la province de Québec, mais recevoir le message que ces
gens-là avaient à lui donner, ramener ici une conception, une
présence presque réelle de nos compatriotes canadiens des autres
provinces qui sont pour quelques-uns aux antipodes de notre pensée. Mais
est-ce qu'on doit à compter d'aujourd'hui les décompter ces
gens-là? Dire qu'ils ne nous intéressent plus et que nous allons
bâtir, nous isoler de nouveau, comme ç'a été le cas
pendant si longtemps? Au contraire, nous cEoyons, nous, maintenant, que la
province de Québec, la meilleure façon de faire respecter ses
droits, de reconquérir ceux qu'elle veut avoir, c'est d'aller porter son
message aux quatre coins du Canada pour convaincre les autres personnes. Mais,
est-ce que c'est se rapetisser que de faire ça? Au contraire, je
prétends que c'est se grandir. Il suffit d'aller au Nouveau-Brunswick,
il suffit d'aller rencontrer nos compatriotes canadiens-français des
autres provinces pour voir le changement considérable qui s'est
opéré chez eux depuis cinq ans. Est-ce qu'il y a tellement de
choses changées chez eux en particulier?.
Ils bénéficient et ils admettent, j'ai posé la
question à une réunion récemment, ils
bénéficient du dynamisme de-la province de Québec, le
désir, de culture française de la province de Québec, les
! droits que nous avons reconquis depujs cinq ans, les gestes que nous avons
posés dans le domaine économique et qui ont eu leur
répercussion aux quatre... coins du pays, leur rend éminemment
service .actuellement et ils sont en train de reprendre, heureusement, le
complexe de relations normales avec les compatriotes de langue anglaise et on
voit au Nouveau-Brunswick, et l'on voit en Ontario, et l'on voit dans d'autres
provinces une évolution de la situation qui nous laisse espérer
pour les groupes canadiens-français des autres provinces un avenir qui
va êtr,e bien meilleur que le passé.
M..le Président, la formule Fulton-Favreau, l'Avenir nous le
dira, nous nous posons des questions, nous n'avons aucune honte à le
faire, au contraire, nous avons étudié, écouté ce
qui s'est dit dans la province de Québec; nous avons entre nous,
discuté très fréquemment de cette question et nous nous
posons des questions, et ce serait un drame, ce serait presque honteux de la
part du premier ministre qui, prétend-on aurait dit oui, il n'est pas
absolument incertain...
UNE VOIX: C'est ça.
M. LAPORTE: ... qui prétend-on aurait dit oui, et qui.
aujourd'hui dit, peut-être. Je trouve que si l'évolution de la
pensée au Canada, l'évolution de sa propre pensée à
lui, l'amène sur ces questions fondamentales à retarder afin de
-décider dans le meilleur sens pour la province de Québec, je
trouve que c'est tout à son honneur, et je voudrais en terminant, lui
dire combien j'ai été impressionné par le ton, par le sens
du discours qu'il a prononcé ce soir et que la province de
Québec, plus que jamais peut se sentir en sécurité
derrière lui.
M. LE PRESIDENT:, La motion, d'amendement sera-t-elle
adoptée?
M. LESAGE: Non.
M. JOHNSON: Adoptée.
M. LESAGE: Vote.
M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés. Call in the
members.
DES VOIX: Vote!
M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont pour la motion d'amendement se
lèvent.
M. LE GREFFIER: MM. Johnson, Elle, Dozois, Bertrand, Bellemare,
Boudreau, Gabias, Bernatchez, Russell, Gosselin, Lizotte, Raymond, Allard,
Loubier, Gauthier, Lavoie (Wolfe).
M, LE PRESIDENT: Que tous ceux qui sont contre la motion se
lèvent.
M. LE GREFFIER: MM. Lesage, Lajoie, Pinard, Laporte, Wagner, Cliche,
Dionne, Hyde, Kierans, Lafrance, Fortin, Morrissette, Binette, Beaupré,
Turpin, Brown, Boulais, Roy, Coiteux (Duplessis), Harvey, Blank, Maheux,
Collard, Vaillancourt, Laroche, Coiteux (L'Assomption), Hamel, Crépeau,
Fournier, Théberge, Baillar-geon, Ouimet, Kennedy, Dallaire, Brisson,
Hébert, Mailloux, McGuire, O'Farrell, Bernier, Lacroix, Godbout,
Dupré, Hardy.
Pour 16, contre 44; yeas 16, nays 44.
M. LE PRESIDENT: La motion d'amendement est rejetée. La motion
principale?
M. LESAGE: Adoptée. M. JOHNSON: Adoptée.
Message du Conseil législatif
M. LE PRESIDENT: Message du Conseil législatif. « Le
Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a
voté sans amendement le bill suivant:
Bill No 1 intitulé: « Loi modifiant la loi de la
Régie des transports.
Attesté: Henri Fiset greffier du Conseil législatif.
»
M. LAPORTE: M. le Président, si j'ai le consentement unanime de
la Chambre, je voudrais proposer, secondé par M. Bertrand je suppose, je
propose qu'afin de permettre au Comité parlementaire de terminer les
travaux qui découlent du mandat qui lui a été
confié le 3 février 1965, cette Chambre est d'avis que le
Comité spécial institué avec pouvoir d'entendre des
témoins et de siéger même les jours où la Chambre ne
tient pas de séance et après la prorogation en vue de la
détermination des objectifs à poursuivre par le Canada
français dans leur révision du régime constitutionnel
canadien et des meilleurs moyens d'atteindre ces objectifs, continue ses
travaux et fasse rapport à la Chambre au cours de la prochaine
session.
M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adoptée.
M. LAPORTE: M. le Président, je propose que la séance soit
suspendue.
M. JOHNSON: Est-ce qu'on ne pourrait pas...
M. LAPORTE: Oui, oui.
M. JOHNSON: ... permettre quelques questions du député de
Missisquoi?
M. BERTRAND: Bien, j'aurais une question à poser au ministre de
l'Education. Combien de collèges classiques ont été
reconnus comme des cas spéciaux, dont la situation financière
devait faire l'objet d'une étude par le Comité spécial qui
a été formé à la fin de la dernière
session?
M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, je n'ai évidemment pas
ces chiffres présents à l'esprit, mais je dirais comme ordre de
grandeur qu'il y en a environ quinze à vingt.
M. BERTRAND: Est-ce que dans les quinze ou vingt cas des
décisions ont été prises qui ont permis à ces
collèges, et le ministre pourrait peut-être nous en nommer
quelques-uns, qui ont permis de réduire les frais de scolarité
qui avaient été augmentés au début de
l'année scolaire?
M. GERIN-LAJOIE: Oui, M. le Président J'ai en vue, par exemple le
Séminaire de Chicoutimi, où une augmentation très
substantielle de frais de scolarité avait été
annoncée aux parents et où elle a été
complètement annulée à la suite des contacts
établis avec le ministère de l'Education et d'étude de ce
cas. Il y a le cas du Séminaire de Valleyfield où les frais
de
scolarité qui avaient été annoncés ont
été sensiblement réduits par la suite. Et je pense qu'il y
a d'autres collèges où l'on considérait des hausses de
frais de scolarité, où l'annonce n'en avait peut-être pas
été faite et où on a pu s'abstenir d'une hausse de frais
de scolarité à la suite des recommandations que le Comité
a faites au ministre de l'Education et de la décision qui a
été prise par le ministère en conséquence.
M. BERTRAND: Sous quelle forme les collèges ont-ils
été aidés? Par des subventions spéciales?
M. GERIN-LAJOIE: De diverses formes, M. le Président, en
particulier par des subventions spéciales qui ont pris deux formes
différentes. Dans certains cas, on s'est rendu compte que les
augmentations de frais de scolarité proposées par les
institutions résultaient de certaines dépenses d'investissement.
Dans ce cas, on a pu donner des subventions en vertu de la Loi du financement
des investissements universitaires, dans d'autres cas, on a prévu une
subvention spéciale budgétaire sans référence
à la Loi du financement des investissements universitaires.
M. BERTRAND: Le ministre qui m'a déclaré qu'il y avait une
quinzaine de cas, est-il au courant que d'autres cas de collèges
classiques doivent être soumis au comité?
M. GERIN-LAJOIE: Non, je n'ai pas d'autres renseignements à la
mémoire.
M. BERTRAND: Est-ce que le ministre pourrait nous faire connaître,
ce soir, je comprends que ses officiers ne sont pas ici, mais dans un
communiqué, il nous en envoie tellement souvent qu'il pourrait en
ajouter un autre pour nous faire connaître la liste de ces
collèges, la diminution des frais de scolarité dont chacun des
collèges a bénéficié et sous quelle forme un
collège en a bénéficié? Est-ce que le ministre
pourrait me dire si le collège de Lévis a été
l'objet d'une recommandation ou d'une décision de la part du
comité chargé de l'étude de ces cas? Lévis?
M. GERIN-LAJOIE: De mémoire, je ne peux pas dire.
M. BERTRAND: Est-ce que le ministre accepte de nous faire parvenir un
tel communiqué?
M. GERIN-LAJOIE: En principe, oui; en pra- tique, il y a une question de
délai, parce que je sais que le comité n'a pas encore fini son
travail, du moins je sais qu'il a encore siégé il y a quelques
jours à peine. Alors, je ne suis pas au courant que les travaux du
comité soient terminés, mais aussitôt que ce sera complet,
je pense bien que ce sera le temps de faire un rapport général
sur la situation.
M. BERTRAND: Deux comités.
M. JOHNSON: Le ministre a-t-il décidé de donner suite
à la demande de l'Union générale des étudiants du
Québec, particulièrement quant au gel des frais de
scolarité? L'Union générale des étudiants, au mois
de juillet, a écrit au ministre, n'ayant pas reçu de
réponse au mois d'octobre, l'Union générale des
étudiants a envoyé une autre lettre un peu plus forte demandant
entres autres choses le gel des frais de scolarité, deuxièmement,
des locaux pour les associations d'étudiants et pour leurs magasins
coopératifs dans les écoles.
M. GERIN-LAJOIE: Sur la question au sujet des frais de scolarité,
M. le Président, dans les institutions indépendantes, je crois
bien que le chef de l'Opposition est au courant que cela n'est pas de la
compétence du ministre de l'Education, non plus que de la
compétence du gouvernement, les institutions étant privées
et indépendantes, elles sont libres d'élever leurs frais de
scolarité comme elles l'entendent, mais la politique annoncée par
le gouvernement qui comporte, entre autres, l'étude des cas qu'on veut
bien soumettre à un comité spécial formé par le
ministère permet de limiter considérablement les augmentations de
frais de scolarité qui sont compensés par des subventions de
diverses natures auxquelles j'ai fait allusion tout à l'heure. Alors on
obtient plus ou moins le même résultat mais il ne peut être
question de gel pur et simple de frais de scolarité.
M. JOHNSON: Au ministre de la Justice. Maintenant que tout le contenu ou
pratiquement tout le contenu de ladite lettre a été transmis au
public, même si elle était libellée personnelle et
confidentielle, pouvons-nous espérer avoir une copie de la lettre de
démission de M. Bru-net?
M. WAGNER: Quant à moi, ça demeure toujours une lettre
personnelle et confidentielle.
M. JOHNSON: En partie.
M. WAGNER: En partie, mais quant à cette partie-là
ça demeure dans nos dossiers, je ne me crois pas justifié de la
rendre publique.
M. JOHNSON: Quelle est la pension à laquelle M. Brunet aura droit
par suite de ses cinq années de service à la province?
M. WAGNER: De mémoire, je pense qu'il n'y a pas de pension. Sujet
à véréflcation, nous pourrons vérifier lors de
l'étude de nos crédits à la prochaine session.
M. JOHNSON: Quel est... le salaire était de $22,000, si mes
renseignements sont exacts.
M. WAGNER: Le salaire était de $14,000, plus $8,000 pour la
réorganisation.
M. JOHNSON: Quel est le salaire du nouveau chef?
M. WAGNER: II sera connu lorsque les crédits seront
discutés à la prochaine session.
M. JOHNSON: II ne sera pas payé avant ça? M. WAGNER: Eh,
bien!
M. JOHNSON: Est-ce qu'il va travailler à crédit?
M. WAGNER: II faut toujours bien que vous lui donniez le temps d'entrer
en fonction.
M. JOHNSON: Non, mais tout de même, je crois que la Chambre a le
droit de savoir quel est le salaire qu'on va payer au nouveau chef...
M. WAGNER: Les détails seront dévoilés à la
Chambre en temps et lieu.
M. JOHNSON: Alors le ministre refuse de répondre à une
question aussi simple, quel intérêt y a-t-il à faire
cachette de ce salaire?
M. WAGNER: II n'y a pas de cachette.
M. JOHNSON: ... alors que tous les salaires sont évidemment
affaire à publication lorsqu'on travaille pour le gouvernement.
M. WAGNER: II n'y a pas de cachette, les précisions les plus
complètes seront données à la Chambre; encore plus
de...
M. JOHNSON: Est-ce que...
DES VOIX: A l'ordre! Le messager!
M. JOHNSON: Cela passe après nous autres! Il est temps que
ça change, qu'on affirme son indépendance vis-a-vis de la Reine
ou son représentant, en tout cas.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. PINARD: Allez donc faire un petit voyage à Londres pour lui
dire ça!
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il reste beaucoup de questions?
M. JOHNSON: M. le Président, il y a un étranger dans la
Chambre.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il reste... M. BERTRAND: A part de ça,
il a son épée!
(Note de l'éditeur: II s'agit de l'huissier de la verge
noire qui vient convoquer les députés à assister à
la prorogation de la session.)
M. LE PRESIDENT: Est-ce que le chef de l'Opposition a encore beaucoup de
questions à poser?
M. JOHNSON: Si on veut, après la prorogation... pardon?
M. LAPORTE: Le lieutenant-gouverneur nous attend là.
M. PINARD: Je pense qu'il va vous appeler.
M. JOHNSON: II n'a pas d'objection. Il comprend ça. Il a
été en politique.
M. PINARD: II va vous en poser des questions.
M. JOHNSON: M. le Président, est-ce que le ministre de la Justice
a pris connaissance de la motion de blâme passée par 1,000
libéraux de Matane concernant sa négligeance à nommer un
avocat de la Couronne?
UNE VOIX: Next!
M. JOHNSON: Une autre question.
UNE VOIX: Faites ça vite!
M. JOHNSON: Où est-ce que cela en est rendu dans Sidbec?
DES VOIX: Cela va, cela va!
UNE VOIX: Le fer rougira bientôt à Sidbec! M. JOHNSON:
Quant à Brinco, personne... DES VOIX: Cela marche.
M. BERTRAND: Winters est absent pour des raisons électorales!
UNE VOIX: M. Smallwood.
M. JOHNSON: Le leader de la Chambre pourrait peut-être nous dire
où en est rendu l'Adresse à la Reine, et je parle, cette fois-ci,
de l'Adresse de l'Assemblée législative?
M. GERIN-LAJOIE: Faites entrer le messager!
M. BERTRAND: Elle vole!
M. LAPORTE: Aux dernières nouvelles elle était à
Londres!
M. JOHNSON: Quant à l'Adresse votée par le Conseil?
M. LAPORTE: Aux dernières nouvelles elle était
revenue!
M. BERTRAND: Elle revient plus vite que l'autre!
M. JOHNSON: Est-ce que le gouvernement, le Cabinet a donné un
accueil favorable...?
M. PINARD: C'était marqué « Collect ».
M. LAPORTE: On a hésité à payer et puis
après ça on a dit: « Bien, allons-y donc. »
M. JOHNSON: Mais est-ce que le Cabinet a donné un avis favorable,
oui ou non?
M. LAPORTE: A celle du Conseil législatif?
M. JOHNSON: Peut-être que le premier ministre aura changé
d'avis, comme pour la formule Fulton-Favr eau.
M. LAPORTE: Bien, vous lui demanderez à la prochaine session. Il
est absent temporairement.
M. BERTRAND: II à le temps de changer d'opinion d'ici là.
Il va aller en Jordanie bientôt.
M. PINARD: On va en convoquer une autre! M. BERTRAND: II s'en va au
Liban! M. LAPORTE: II s'en va au Liban!
M. JOHNSON: M. le Président, j'espère que c'est une
dernière question,...
M. LAPORTE: Oui, dernière, si vous le voulez bien, M. le
Président.
M. PINARD: Le chef du protocole vient d'arriver, vous êtes mieux
d'être...
M. JOHNSON: Le ministre de la Justice sait que le ministre du Revenu du
temps, maintenant ministre de la Santé, a blâmé Ottawa sur
l'application de la Loi des faillites.
Par ailleurs, le premier ministre, dans un geste grandiose, a
assumé la paternité pour'irrégulier dans ce domaine. C'est
d'une grandeur d'âme formidable, impressionnante. Je voudrais savoir s'il
y aura une enquête publique sur les faillites frauduleuses, tout
spécialement par suite des accusations extrêmement graves
portées par des gens sérieux comme les officiers
supérieurs de la Canadian Lumbermen Association qui relient ces
faillites aux feux, aux crimes d'incendiat et même aux caisses
électorales. Est-ce qu'il y aura une enquête provinciale ou une
enquête fédérale en collaboration avec le provincial?
M. WAGNER: Je n'ai pas besoin de rappeler au chef de l'Opposition, il a
dû le constater depuis quelques mois particulièrement, que le
temps n'est plus aux enquêtes, mais à l'action. Nous avons fait
des enquêtes dans le passé, nous avons porté des plaintes,
les accusés sont devant les tribunaux, particulièrement dans le
domaine de la construction, nous attendons des jugements dans certains cas, et
voilà pour le travail que nous faisons au ministère de la
Justice.
M. JOHNSON: Pourquoi? Le ministre pourrait-il dire...
M. PINARD: On lit ça sur les journaux tous les jours,
d'ailleurs.
M. JOHNSON: Le ministre pourrait-il nous dire pourquoi...
M. PINARD: A l'ordre, à l'ordre.
M. JOHNSON; ... pourquoi il n'a pas pris les mesures de protection
élémentaire envers des témoins qui ont été
l'objet de meurtre depuis qu'ils ont témoigné devant
l'enquête Mercier?
M. PINARD: Ce sont eux qui ont décidé de se tuer!
M. WAGNER: A cela, je pense que le chef de l'Opposition serait
peut-être en aussi bonne posture que moi pour nous dire comment se
fait-il que certaines gens ont été éliminées par la
pègre. Pourquoi? en quelles circonstances?
M. JOHNSON: Est-ce qu'ils avaient la protection, oui ou non, de la
police et pourquoi pas?
M. WAGNER: On ne nous avertit pas quand on tue, monsieur.
M. JOHNSON: Et pourquoi pas, pourquoi n'avoir pas protégé
les témoins-clé?
M. PINARD: A l'ordre, à l'ordre. M. JOHNSON: Pourquoi pas?
M. LAPORTE: M. le Président, il y a un messager de...
M. JOHNSON: M. le Président, une dernière question au
ministre du Revenu. Le ministre du Revenu, ah non! l'ancien ministre.
M. HYDE: J'aurais un grand discours à faire, mais on pourrait
admettre le messager.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre.
M. JOHNSON: M. le Président,...
DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre.
M. JOHNSON: ... le messager du Conseil doit avoir la permission pour
entrer, je vous demande de la lui refuser tant que je n'aurai pas
terminé mes questions.
M. LE PRESIDENT: Voici, le lieutenant-gouverneur attend
déjà depuis quelques 15 minutes.
UNE VOIX: II peut attendre.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que le chef de l'Opposition a encore de longues
questions à poser?
M. JOHNSON: Une seule question, M. le Président.
Combien de témoins qui avaient été entendus en
relation avec les crimes d'incendiat ont reçus la protection de la
police depuis le moment de leur témoignage jusqu'à
aujourd'hui?
M.. WAGNER: Tous les témoins qui ont demandé la protection
de la police l'ont reçue.
M. JOHNSON: II y en a combien?
M. WAGNER: Ce n'est pas dans l'intérêt public de le
dévoiler.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre.
L'HUISSIER A LA VERGE NOIRE: M. le Président, Son Excellence le
lieutenant-gouverneur désire la présence des membres de cette
Chambre à la salle du Conseil législatif.
Mr. Speaker, it is his Honour the Honourable the Lieutenant-Governor's
desire that the Members of this Honourable House attend in the Legislative
Council Chamber.
(Note de l'éditeur: Les députés ne reviendront plus
à l'Assemblée. Ici prend fin pour eux la cinquième session
de la vingt-septième Législature qui a été
prorogée quelques instants après dans la salle du Conseil
législatif.)