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(Trois heures de l'après-midi)
M. HYDE (président): Qu'on ouvre les portes. Let the doors be
opened.
A l'ordre, messieurs. Affaires courantes.
Présentation de pétitions. Lecture et réception de
pétitions. Présentation de rapports de comités
élus. Présentation de motions non annoncées.
Présentation de bills privés. Présentation de bills
publics.
M. LESAGE: « A ».
M. LE PRESIDENT: M. Courcy propose la première lecture d'une Loi
modifiant la Loi des terres de colonisation. La motion sera-t-elle
adoptée?
M. BELLEMARE: Explications.
M. COURCY: Un des buts de la Loi, c'est de permettre de donner des
terrains plus grands qu'actuellement fixés par la Loi, de 300 acres,
augmenter à 550 acres, et de faire disparaître les conditions
statutaires de défrichement des terres de colonisation. Actuellement,
d'après la loi, un minimum de 3 acres et maximum de 5 acres doit
être défriché par année sur un lot de colonisation.
Pendant qu'on pousse l'agrandissement des terres le plus vite possible, alors
il nous faut un grand changement dans la Loi.
Nous avons aussi l'assermentation de l'aspirant colon. Aujourd'hui on ne
peut pas donner de lot à des gens qui en font la demande pour
l'établissement et surtout comme compléments de fermes et des
lots de support, pour les aider dans leur agrandissement sans assermentation du
requérant. Nous demandons que ces demandes soient assermentées
devant nos chefs de district ou nos employés de la province.
M. BELLEMARE: Les missionnaires colonisateurs aussi?
M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture sera-t-elle
adoptée? Adoptée.
M. LE GREFFIER ADJOINT; Premièrelec-ture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance.
M. LESAGE: « B » pour M. Cliche.
M. LE PRESIDENT: Pour M. Cliche, M.
Lesage propose la première lecture d'une Loi modifiant la Loi des
terres et forêts. Cette motion sera-t-elle adoptée?
M. LESAGE: Je vais donner purement et simplement les amendements les
plus importants qui sont apportés par le bill 58. Actuellement, la
règle pour les échanges de territoires, de concessions, c'est la
superficie. Or, nous avons rencontré des difficultés
considérables en certains cas. Alors nous proposons que la régie
de la superficie soit remplacée par celle de la valeur, mais
après inventaire. Ensuite, les autres articles visent les obligations
des propriétaires d'usines...
M. BELLEMARE: Est-ce que pour le premier amendement il y a des cas
spécifiques?
M. LESAGE: Pardon?
M. BELLEMARE: Est-ce que pour le premier amendement il y a des cas
spécifiques?
M. LESAGE: Nous rencontrons cette difficulté un peu partout.
Ainsi, par exemple, les boisés ne valent pas tous la même chose.
Sur une superficie donnée vous pouvez avoir quelque chose qui ne vaut
presque rien, tandis que sur une autre superficie qui est égale, eh bien
ça a une valeur qui peut aller jusqu'à cinquante ou même
cent fois plus.
M. BELLEMARE: A cause du terrain; à cause...
M. LESAGE: A cause du terrain, à cause de la facilité
d'accès, à cause de la densité de la forêt, etc.,
alors c'est pour cela que nous proposons de prendre la règle comme
valeur, mais l'inventaire préalable est obligatoire.
Et je reviens au deuxième point principal, c'est que les textes
actuels obligent les propriétaires de scieries à obtenir des
permis du ministère des Terres et Forêts. Nous voulons qu'à
l'avenir tous ceux qui se servent de bois non ouvrés soient tenus
d'obtenir des permis, pour avoir un meilleur contrôle de l'utilisation de
cette richesse naturelle, le bois non ouvré, c'est-à-dire en
billot. Une fois qu'il est rendu en planches, eh bien évidemment, il est
dans le commerce.
M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture sera-t-elle
adoptée? Adoptée.
M. LE GREFFIER AJOINT: Première lecture de ce bill. First reading
of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance.
M. LESAGE: « C » pour M. Cliche.
M. LE PRESIDENT: Pour M. Cliche, M. Lesage propose la première
lecture d'une Loi autorisant l'octroi de certaines concessions
forestières. Cette motion sera-t-elle adoptée?
M. BELLEMARE: Explications.
M. LESAGE: C'est très simple. Ce projet vise des concessions
forestières par permis de coupes renouvelables. Les annexes du bill
donnent le nom des concessionnaires et la désignation exacte des
concessions. Si j'allonge mes explications, il faudrait que je lise tout le
bill. D'ailleurs ces bills sont prêts à distribuer.
M. LE PRESIDENT: La motion en première lecture sera-t-elle
adoptée? Adoptée.
M. LE GREFFIER ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à la prochaine
séance.
Mise au point
M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, soulevant une question de
privilège, j'aimerais attirer votre attention sur le journal « Le
Devoir » de ce matin où on lit en première page le titre
suivant; « Le bill 139: un compromis Lesage-Gérin-Lajoie? »
Et en page 5, le titre suivant sur huit colonnes: «
Péréquation scolaire en 1965-196G; compromis
Lesage-Gérin-Lajoie? » et, en fin d'article, également en
page 5, ce qui suit: « D'après les renseignements que « Le
Devoir » a obtenus, la promesse du premier ministre Jean Lesage de
présenter une législation concernant la péréquation
catholiques-protestants dès la prochaine session, est la condition que
le ministre de l'Education a posée pour accepter le compromis
Lesage-Jarry-Rowatt concernant le bill 139 lui-même. « Ce n'est pas
le principe en cause qui fait l'objet du compromis Lesage-Gérin-Lajoie,
mais la promesse que le gouvernement agira dès la prochaine session et
qu'il insérera ce principe dans une loi qui sera appliquée dans
toute la province dès le 1er juillet 1965. »
M. le Président, je me dois de faire la mise au point suivante
dans l'intérêt public et dans l'intérêt des personnes
en cause; il n'y a aucun compromis Lesage-Gérin-Lajoie qui soit
intervenu à l'occasion du bill 139.
Je pense que toutes les discussions au sujet de ce bill ont eu lieu au
grand jour en comité. A un moment donné, le premier ministre a
invité à son bureau les représentants des parties en
cause; Commission scolaire protestante du Greater Montreal, Commission des
écoles catholiques de Montréal, représentants des autres
commissions scolaires catholiques de l'île de Montréal. Chaque
groupe était représenté par plusieurs personnes, deux ou
trois dans certains cas. Il y avait deux ministres présents, à
part le premier ministre lui-même, et ce sont les parties qui ont
discuté entre elles de leur problème.
Le premier ministre a dirigé les conversations. Le ministre de
l'Education y a participé activement et le résultat est celui qui
a été communiqué au comité des bills privés
par la suite.
S'il y a eu compromis, c'est entre les parties en cause. Le gouvernement
n'avait qu'un seul objectif; que le bill 139 soit adopté, d'une part, en
respectant la nécessité d'une péréquation sur
l'île de Montréal entre commissions scolaires et, d'autre part, en
accordant autant que possible satisfaction aux parties en cause.
Le gouvernement, à l'unanimité, sous la direction du
premier ministre, est décidé, depuis déjà plusieurs
semaines, pour ne pas dire davantage, de procéder dès l'an
prochain à l'établissement d'un régime de
péréquation à la lumière des recommandations, de la
Commission Bélanger en particulier.
Ce n'est pas une chose nouvelle qui a été annoncée
jeudi dernier, mais c'est tout simplement la confirmation d'une décision
déjà prise antérieurement par le gouvernement,
conformément à une politique d'ensemble et je dois dire que,
encore une fois, jeudi dernier le bill 139 n'a donné lieu à aucun
compromis entre les membres du gouvernement.
Bien au contraire, le gouvernement a tout simplement eu l'occasion,
à ce moment-là, de faire valoir des principes qu'il partage,
qu'il a établis depuis déjà quelque temps et qu'il
s'efforce de transposer progressivement dans la législation, ce qui sera
fait de façon définitive à la session de l'an
prochain.
Protestation
M. BELLEMARE: M. le Président, je voudrais protester
auprès du gouvernement, et particulièrement auprès du
ministre des Travaux publics (je constate qu'il n'est pas ici), contre le fait
arrogant qui s'est produit chez nous,
dans mon comté, dimanche, en faisant peinturer, un dimanche
matin, le pont de Ste-Anne-de-la-Pérade par six employés du
ministère des Travaux publics. Je trouve ça extraordinaire...
M. LESAGE: Bien, il devait y avoir...
M. BELLEMARE: ... qu'un dimanche matin, en pleine paroisse, l'on puisse
permettre à des employés...
M. LESAGE: Bien, il devait évidemment y avoir urgence.
M. BELLEMARE: Bien non, pas peinturer un pont...
M. LESAGE: On ne le sait pas!
M. BELLEMARE: ... qui est permanent.
M. BELLEMARE: Je proteste en tous les cas, M. le Président.
Le premier ministre pourrait-il nous informer pourquoi
l'Hydro-Québec a décidé de changer son système
d'assurance-maladie qui portait le nom de Shawinigan Tourism, garantie par la
Great West, changement qui prendrait effet le 1er août; elle changerait
de police d'assurance, pour la Croix bleue. Qu'est-ce qui a motivé un
tel changement et pourquoi les employés...?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs. Je crois que le
député de Champlain va admettre avec moi que c'est une question
qui, pour plusieurs raisons, devrait être inscrite au feuilleton.
M. BELLEMARE: C'est une question d'urgence, c'est le 1er août.
M. LESAGE: Au feuilleton.
M. LE PRESIDENT: Affaires du jour.
M. LESAGE: Je vous le dirai plus tard cet après-midi.
M. BELLEMARE: Pardon? M. LESAGE: Je vous le dirai. M. BELLEMARE: C'est
d'accord.
Comptes publics
M. JOHNSON: M. le Président, est-ce que la Chambre peut
espérer recevoir un rapport du comité des comptes publics?
M. LESAGE: Je ne le sais pas. Le comité des comptes publics, l'an
dernier, a siégé toute l'année. Il n'a pas fait
rapport.
M. JOHNSON: M. le Président, en vertu du règlement,
n'est-il pas nécessaire que le comité fasse rapport comme tous
les autres comités.
M. LE PRESIDENT: Je vais l'étudier.
M. JOHNSON: Quel inconvénient y aurait-il à ce que le
comité nous fasse rapport, puisqu'il s'est ajourné à
dimanche le 30 août 1964?
M. LE PRESIDENT: La seule chose que je pourrais répondre, sans
consulter le règlement sans étudier la question, c'est que s'il y
a un rapport à faire ce sera le comité qui devra rédiger
le rapport. Je ne crois pas qu'un député, ou un groupe de
députés, voudrait que le président ou aucun membre du
comité fasse rapport lui-même au nom du comité. Alors, s'il
y avait un rapport à faire, je crois que ce serait le comité
lui-même qui devrait préparer le rapport pour le soumettre
à la Chambre. Affaires du jour.
Vente de boisson le dimanche
M. JOHNSON: M. le Président, nous apprenons que le ministre de la
Famille aurait menacé de démissionner du gouvernement...
M. BELLEMARE: Ce n'est pas nous autres, c'est le ministre qui a dit
ça hier à Montréal.
M. JOHNSON: ... c'est le ministre qui aurait dit ça, qu'il
démissionnerait du gouvernement si on permettait la vente de boisson le
dimanche sans repas. Je voudrais savoir si le gouvernement a l'intention
d'amender la loi de la Régie des alcools qui permet la vente de boisson
sans repas dans plusieurs localités de la province?
M. LAFRANCE: M. le Président, je voudrais tout simplement dire
qu'il n'a jamais été question de démission d'abord dans
cette allocution que j'ai prononcée à Longueil hier soir. J'ai
tout simplement dit que le gouvernement avait su qu'il y avait eu des pressions
qui avaient
été exercées sur le gouvernement de la part de
l'Association des hôteliers, et plus récemment de la part des
Chambres de commerce de la province de Québec, demandant la suppression
du repas le dimanche.
J'ai dit textuellement: « Il n'en est pas question à
l'heure actuelle. Il est évident que je ne ferais pas partie d'un
gouvernement qui serait favorable au bar ouvert le dimanche ». C'est tout
simplement ce que j'ai dit.
M. JOHNSON: Le ministre aurait annoncé aussi... j'espère
que cette partie de la nouvelle du « Star » d'aujourd'hui n'est pas
inexacte elle aussi.
M. LAFRANCE: Je ne dis pas que c'est inexact, excepté que
ç'a été rapporté de façon bien
différente.
M. JOHNSON: Le ministre aurait aussi annoncé que le Cabinet
étudie un projet de cartes d'identité pour jeunes personnes,
auxfins, de les identifier à l'entrée des endroits où on
vend de la boisson.
M. LAFRANCE: M. le Président, là encore j'ai dit qu'il est
question dans la province de Québec d'établir une carte
d'identité, non pas obligatoire, mais facultative. Il en a
déjà été question au Cabinet. Il n'y a aucune
décision qui a été prise, et je me propose, aussitôt
que j'aurai toutes les informations voulues, de soumettre ce projet à
l'assentiment de mes collègues.
M. LE PRESIDENT: Affaires du jour.
M. JOHNSON: Le procureur général a-t-il sévi contre
la brasserie, si toutefois il y avait lieu de sévir, dont les
agissements ont été portés à sa connaissance par le
ministre de la Famille, qui s'est vanté dans cette allocution d'avoir,
en fait, fait un rapport au procureur général contre une
brasserie qui n'est pas nommée?
M. HAMEL (St-Maurice): M. le Président, j'ai eu l'occasion de
faire savoir combien j'étais horripilé, si je peux dire, de la
façon dont certaines annonces passaient à la
télévision. J'ai dit que nous ferons cesser ces
annonces-là. Mais évidemment le délai accordé pour
le changement d'annonce est de 45 jours, si mon souvenir est exact, et depuis
que le délai est expiré, il n'a pas été
porté à ma connaissance que les règlements avaient
été violés. Mais je vais faire enquête. S'ils l'ont
été, il y aura des poursuites.
M. JOHNSON: M. le Président, ma question, le ministre l'a
peut-être oubliée. Ma question est la suivante: « Le
ministre de la Famille s'est-il plaint au procureur général,
comme il l'annonçait lui-même dans sa causerie d'hier, qu'une
brasserie a dépassé vraiment les bornes dans son genre d'annonce
et de propagande auprès des étudiants? »
M. LAFRANCE: M. le Président, il s'agit d'une lettre circulaire
qui a été envoyée par deux représentants d'une
brasserie de Trois-Rivières à tous les étudiants de la
région et j'ai trouvé absolument révoltante l'invitation
qui était faite à ces jeunes.
Des jeunes qui faisaient leurs études classiques qu'on invitait
dans les locaux d'une brasserie pour aller célébrer leurs
succès dans leurs examens ou, textuellement, noyer leurs
échecs.
J'ai trouvé très révoltante cette façon des
brasseries d'inviter les jeunes à boire. D'ailleurs je remercie le
député de Champlain d'avoir attiré mon attention; d'autres
personnes l'avaient fait. J'ai écrit au procureur général
une lettre vendredi. Je me demande s'il en a pris connaissance et je me demande
si le gouvernement peut prendre des moyens pour arrêter ce genre de
sollicitation que je trouve vraiment scandaleuse.
M. JOHNSON: Le procureur général a-t-il pris connaissance
de la lettre du ministre de la Famille?
M. HAMEL (St-Maurice): J'en ai pris connaissance en fin de semaine
dernière et le problème est à l'étude.
M. GABIAS: Ai-je bien compris le ministre lorsqu'il a dit: « une
brasserie de Trois-Rivières »? Il n'y a pas de brasserie...
M. LAFRANCE: Bien les représentants... Pardon?
M. GABIAS: Il n'y a pas de brasserie aux Trois-Rivières.
M. LAFRANCE: Les représentants à Trois-Rivières
d'une brasserie.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre messieurs.
M. GABIAS: Très bien. Je prends note de la rectification.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre messieurs. Affaires du jour.
M. GABIAS: Je voulais que le ministre soit bien informé.
M. LESAGE: No 30.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre messieurs. M. Courcy propose qu'à sa
prochaine séance la Chambre se forme en comité plénier
pour prendre en considération la résolution relative au bill No
57, intitulé: « Loi modifiant la Loi des terres de colonisation.
» Cette motion sera-t-elle adoptée? Adoptée.
M. LESAGE: No 31, pour M. Cliche.
M. LE PRESIDENT: Pour M. Cliche, M. Lesage propose qu'à sa
prochaine séance la Chambre se forme en comité plénier
pour prendre en considération la résolution relative au bill No
58, intitulé: « Loi modifiant la Loi des terres et forêts.
» Cette motion sera-t-elle adoptée? Adoptée.
M. LESAGE: No 32, pour M. Cliche.
M. LE PRESIDENT: Pour M. Cliche, M. Lesage propose qu'à sa
prochaine séance la Chambre se forme en comité plénier
pour étudier la résolution relative au bill No 59,
intitulé: « Loi autorisant l'octroi de certaines concessions
forestières. » Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adoptée,
M. LESAGE: No 33.
M. LE PRESIDENT: M. Lesage proposeque je quitte maintenant le fauteuil
pour que la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides. Cette
motion sera-t-elle adoptée? Adoptée.
Subsides: Affaires fédérales-provinciales
M. BEDARD (président du comité des subsides): Affaires
fédérales-provinciales, page 17, article 1: «
Administration ».
M. JOHNSON: M. le Président, il est coutume que cette Chambre,
sur l'article 1 des estimations d'un budget déterminé,
soulève ou étudie, dis-je, des questions d'ordre
général qui concernent le ministère. Evidemment, le sujet
des relations fédérales-provinciales est tellement vaste que nous
devons, nécessairement, nous restreindre si nous ne voulons pas que la
session dure, au moins, jusqu'au dimanche, le 30 août, ce qui forcerait
le comité des comptes publics à siéger ce
jour-là.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. JOHNSON: Mais, il est des questions d'actualité que nous ne
pouvons ignorer, et le premier ministre est certainement préparé
à nous donner une clarification concernant l'attitude de la province
relativement à trois projets de loi qui sont actuellement à
l'étude à Ottawa, ou récemment passés, projets de
loi qui touchent à des domaines provinciaux.
Il s'agit de la loi connue sous le nom de bill C-108, dont la
première lecture a eu lieu le 2 juillet 1964, et qui s'intitule: «
Loi prévoyant le paiement d'allocations aux jeunes ». Il s'agit
ensuite du bill C-110, dont la première lecture a eu lieu le 13 juillet
1964, et qui est intitulé: « Loi ayant pour objet de faciliter
l'attribution de prêts aux étudiants », et du bill C-lll,
dont la première lecture a eu lieu le 13 juillet également, et
qui est intitulé comme suit: « Loi ayant pour objet la revision de
certains arrangements fiscaux avec les provinces, et l'adaptation des
arrangements fiscaux et des dispositions relatives à l'impôt
qu'entraîne le paiement à des pères ou mères qui
résident dans certaines provinces, d'allocations aux jeunes ».
Dans ces trois lois, on traite dans les deux premières, C-108 et
C-110, de sujets qui sont de compétence, ou de juridiction provinciale,
sans l'ombre d'un doute; dans le bill C-lll, on tente de réparer
l'accroc fait à la juridiction provinciale en prévoyant certaines
compensations. Le bill C-lll est un exemple parfait, avec ses deux
compères les bills C-108 et C-110, du
fédéralisme-coopératif dont j'ai déjà dit
que c'était une formule en vertu de laquelle la province, ou les
provinces, fournissent toute la coopération et le fédéral
fournit tout le fédéralisme.
J'aimerais à ajouter qu'en vertu de cette formule, il est
évident que le rôle des provinces et du fédéral
s'établit respectivement comme suit: les provinces fournissent le
consentement, et le fédéral fournit le contrôle. En vertu
du fédéralisme-coopératif donc, le fédéral
entre, par le bill C-108, dans le domaine des allocations aux étudiants,
aux jeunes qui sont aux études, aux jeunes de 17 et 18 ans, de 16 ans
complétés, et 17 ans complétés jusqu'à la
fin de la 17e année, c'est-à-dire jusqu'à l'anniversaire
dit de la 18e année; et par le bill C-110, le fédéral
entre de plein pied, par la porte arrière, comme l'a déjà
dit le ministre de l'éducation alors qu'il s'appelait encore le ministre
de la Jeunesse, dans un domaine qui relève clairement de la juridiction
provinciale, le domaine de l'éducation.
M. le Président, on faisait rire de soi, autrefois, quand on
disait que le fédéral voulait entrer dans le domaine de
l'éducation.
Or, je pense qu'il n'est pas du tout nécessaire pour les membres
de cette Chambre, ni même pour la province, de faire la
démonstration ou même 1'énumération des
empiétements du fédéral dans le domaine de
l'éducation.
Est-il nécessaire de rappeler que le domaine de
l'éducation est celui auquel nous devons tenir comme à la
prunelle de nos yeux; que le domaine de l'éducation est celui qui est le
plus vital pour la survivance d'une nation; que le domaine de
l'éducation en est où il n'y a aucune frontière grise,
aucune région grise, selon l'expression qu'a utilisée le ministre
de la Justice, l'honorable Favreau, parlant en général des
relations fédérales-provinciales. Le domaine de
l'éducation, en vertu de l'Acte de l'Amérique britannique du
Nord, est un domaine où, sans l'ombre d'un doute, le
fédéral n'a pas de juridiction, sauf dans les territoires qui
relèvent directement de lui.
Comment comprendre l'attitude du gouvernement actuel? Nous avons, devant
nous, un premier ministre qui a demandé publiquement à la
province de voter pour M. Pearson alors qu'il savait que, au programme
libéral de M. Pearson et de M. St-Laurent, il y avait cet article
promettant des bourses et des prêts aux étudiants?
Dans cette Chambre, lors de l'élection fédérale de
1963, au mois d'avril, j'ai demandé au premier ministre s'il approuvait
le programme libéral. Il m'a répondu qu'en temps et lieu il
verrait à respecter l'autonomie des provinces et je pense que le temps
est arrivé, même si c'est peut-être pas tout à fait
le lieu pour finir, pour gagner la lutte.
Je comprends qu'il y eut récemment des entretiens à Ottawa
entre le fédéral et les provinces. A une question qui lui
était posée demandant, entre autres choses, pourquoi on apportait
cette loi si tard, M. Walter Gordon a répondu, qu'on avait eu de
nombreux et longs entretiens dont le dernier avait eu lieu, disait-il, lundi
dernier, ce qui voudrait dire il y a une semaine aujourd'hui; ça
voudrait dire le 14.
M. LE SAGE: C'est le 6 juillet.
M. JOHNSON: C'est le 6? Alors, je voudrais savoir quelle part le
ministre des Affaires fédérales-provinciales a-t-il prise,
directement ou par son sous-ministre ou d'autres officiers de son
ministère, dans ces entretiens qui ont abouti à la
présentation des bills C-110 et C-lll.
M. LESAGE: C-108.
M. JOHNSON: C'est C-108 également, mais c'est le 2 juillet qu'il
a été présenté, celui-là.
M. LESAGE: Le C-108 a trait aux allocations scolaires. Je veux
procéder par ordre chronologique. Je ne voudrais pas relire au complet
des choses qui ont été publiées, qui sont bien connues. Si
l'on se réfère à la page 29 de la déclaration que
j'ai faite, lors de la conférence fédérale-provinciale
tenue à Québec le 31 mars 1964,...
M. JOHNSON: 29.
M. LESAGE: ... j'ai justement dit et je cite: « Le gouvernement du
Québec croit qu'il s'agit là beaucoup plus d'allocations
scolaires que d'allocations familiales proprement dites. » J'étais
donc d'accord, je le suis encore avec le chef de l'Opposition. « En
effet, d'après nous, le projet fédéral vise davantage a
augmenter la durée de la fréquentation scolaire qu'à
accroître le revenu des parents au bénéfice des enfants,
comme c'est le cas des allocations familiales. »
Et j'ajoutais, je cite la page 31 du mémoire: « Quoi qu'il
en soit, il ne peut être question pour nous d'abandonner les
responsabilités que nous avons déjà prises en ce domaine
parce que le gouvernement du Canada a décidé d'appliquer une
politique similaire à la nôtre. Nous n'avons pas non plus
l'intention de permettre l'application simultanée des deux programmes.
Il ne reste qu'une solution; la compensation fiscale. C'est pourquoi le
Québec veut que le gouvernement du Canada, en toute justice et toute
logique, lui accorde, sous forme d'équivalence fiscale, les montants
qu'il aurait versés aux jeunes Québécois de seize et
dix-sept ans si le gouvernement du Québec n'avait pas déjà
occupé le champ.
D'après des calculs préliminaires, la somme en cause est
de $15,000,000 environ, pour la première année complète,
ce qui représenterait un élargissement de l'impôt sur le
revenu des particuliers de l'ordre de trois points. C'est ce que j'ai dit
à ce moment-là.
M. JOHNSON: Et pour les allocations?
M. LESAGE: Oui, oui, mais je parle d'une chose à la fois. Je
reviendrai aux prêts aux étudiants tout à l'heure.
Là je parle du bill fédéral C-108 et je
répète ce que j'ai déclaré à la
conférence fédérale-provinciale tenue à
Québec le 31 mars.
Par la suite il y a eu, comme on le sait, des discussions au niveau
supérieur et je déclarais publiquement au cours d'une
conférence de presse le 20 avril 1964, sur cette question des
allocations scolaires, ce qui suit: « Le gouvernement du Canada,
conformément à la position exprimée dans notre
mémoire à la conférence.
remettra au Québec sous forme d'équivalence fiscale, les
montants qu'il aurait versés aux étudiants
québécois de 16 et 17 ans si nous n'avions pas déjà
mis sur pied un programme similaire d'allocations scolaires. Ce programme
existe au Québec depuis 1961, il n'existe cependant pas dans aucune
autre province du pays. »
Comme nous l'avions également demandé, l'exemption
d'impôt s'applique. De là, le bill C-lll, à l'article 7.
Est-ce que le chef de l'Opposition a le bill C-lll en main, à la page 6,
article 7?
M. JOHNSON: C'est ça.
M. LESAGE: Est-ce qu'il remarque que pour l'an prochain l'impôt de
base est de 21% pour toutes les provinces, sauf que dans le cas du
Québec en particulier, sous-paragraphe V, il est de 24%?
M. JOHNSON: Si, si.
M. LESAGE: C'est là que l'on trouve le 3% de différence
que j'ai mentionné et dans mon mémoire à la
conférence et plus tard lorsque j'ai annoncé les résultats
définitifs de la conférence.
On donne donc suite exactement à la suggestion que j'avais faite.
Nous refusons les allocations familiales, ce que le fédéral
appelle des allocations familiales pour les enfants de 16 et 17 ans; nous
conservons, ce que nous appelons nous, des allocations scolaires, parce que
nous pensons que rendu à 16 et 17 ans, ce sont des allocations
scolaires, et les conditions que nous avons exigées comma compensation,
sont prévues au bill C-lll.
Maintenant, pour les prêts aux étudiants. Là, je
réfère à la page 26 du mémoire
présenté à la conférence
fédérale-provinciale.
M. JOHNSON: Est-ce à la première partie de la
conférence?
M. LESAGE: Non, non, le 31 mars à Québec. Il n'en avait
pas été question à la première partie de la
conférence. C'est venu à Québec ça, seulement. Le
fait pour le gouvernement fédéral d'offrir seulement des
prêts aux étudiants, et non plus des bourses et des prêts
comme ce semblait devoir être le cas à un moment donné
on se souvient du programme libéral fédéral
peut, à première vue, apparaître comme un effort pour
éviter le problème constitutionnel qu'aurait causé
l'octroi de bourses.
En effet, par son contrôle sur le crédit, le gouvernement
peut donner l'impression de demeurer à l'intérieur de sa
juridiction en accordant des prêts plutôt que des bourses, et nous
ne croyons pas qu'une telle façon de procéder évite le
problème constitutionnel. Je suis bien d'accord avec le chef de
l'Opposition, on le voit encore une fois. Les étudiants eux-mêmes
l'ont senti puisqu'ils se sontopposês ouvertement à la nouvelle
politique fédérale.
La difficulté vient du fait, non pas, qu'il s'agisse de
prêts, mais bien de prêts sans intérêt à des
étudiants. Ces prêts seront consentis par des institutions
bancaires sur la garantie fédérale mais le gouvernement central
se chargera de rembourser l'intérêt. Ce remboursement devient
dès lors une subvention directe du gouvernement fédéral
pour des fins d'éducation. En outre, les citoyens à qui celles-ci
s'adressent sont des étudiants.
Il n'est certainement pas le fruit du hasard, mais plutôt le
résultat d'une politique d'aide à l'éducation, domaine
exclusivement provincial. Pour ces deux raisons, le gouvernement du
Québec ne peut accepter que leprogramme fédéral
envisagé s'applique tel qu'il est maintenant prévu.
Maintenant, après des pourparlers qui ont suivi la
conférence de Québec, j'ai déclaré, encore lors de
la conférence de presse du 20 avril, en ce qui concerne les prêts
aux étudiants: le gouvernement du Canada, conformément à
la position exprimée dans notre mémoire à la
conférence, remettra au Québec et aux autres provinces qui le
désirent, une compensation équivalente aux sommes qu'il aurait
versées pour le paiement de l'intérêt sur les prêts
garantis et consentis aux étudiants, sans intérêt. Il ne
peut s'agir là d'une somme considérable. Le maximum possible
serait $700,000 mais on prévoit plutôt $400,000.
M. JOHNSON: Quelle est la date de cette dernière
délaration?
M. LESAGE: Le 20 avril.
M. JOHNSON: Le 20 avril, c'est exact.
M. LESAGE: Oui, c'est après ces pourparlers que nous avons eus,
c'est-à-dire que dans ce cas-ci, comme un pour cent de l'impôt sur
les revenus des particuliers représente à peu près
$5,000,000, peut-être un peu plus, et que nous prévoyons que, pour
l'année qui va venir, le montant en jeu peut être de $400,000,
nous sommes disposés, pour l'année qui commence, à
accepter l'équivalence financière au lieu de l'équivalence
fiscale, parce que c'est moins de un pour cent d'impôt sur les revenus
des particuliers.
Voici le télégramme que j'ai transmis vendredi, au
ministre fédéral des Finances: « L'article 12, du bill
C-110 donne au gouvernement de chaque province la faculté de se
soustraire à l'application de la loi fédérale sur les
prêts aux étudiants, en faisant savoir au ministre des Finances du
Canada qu'un régime de prêts aux étudiants sera en vigueur
dans la province, et qu'aucune autorité compétente n'y sera
désignée pour les fins de la loi fédérale. «
Puisque cet avis doit être adressé dans les 30 jours de la
sanction de la loi, c'est l'article 12 de C-110 puisque cet avis
doit être adressé dans les 30 jours de la sanction de la loi, le
gouvernement du Québec vous informe dès aujourd'hui qu'il a
l'intention de se soustraire au programme fédéral de prêts
aux étudiants, aussitôt que la loi qui l'institue sera
sanctionnée. « En effet, comme vous le savez, il existe
déjà au Québec un régime provincial de prêts.
En conséquence, nous réclamons le paiement de remplacement
prévu au paragraphe 2, de l'article 12, du bill C-110. Comme le montant
en cause ne représente qu'une somme très inférieure au
rendement d'un point de l'impôt sur les revenus des particuliers, nous
accepterons, pour le moment, le versement d'une équivalence
financière, quitte à ce que l'application de l'équivalence
dans ce cas des programmes fédéraux auxquels le Québec
jugera à propos de ne pas participer, soit discutée, dès
que le comité du régime fiscal commencera ses travaux.
»
On sait qu'on a annoncé la formation d'un comité
fédéral-provincial du régime fiscal qui doit commencer
à siéger au mois de septembre, à peu près, au
niveau des fonctionnaires, et où l'on va étudier justement ce
problème. Alors, je pense M. le Président, que j'ai donné
au chef de l'Opposition les réponses pleines et entières aux
questions qu'il m'avait posées, et que je lui ai prouvé que je
partageais absolument les principes qu'il a exposés.
M. JOHNSON: M. le Président, je remercie le premier ministre pour
ses précisions. Il a évidemment cerné le
problème...
M. LESAGE: J'ai suivi. Le chef de l'Opposition a parlé de C 108,
C 110, C 111, ce sont les allocations scolaires et les prêts aux
étudiants.
M. JOHNSON: Je remercie le premier ministre...
M. LESAGE: Alors je lui ai répondu à ses questions.
M. JOHNSON: Je remercie le premier ministre et je dis qu'il a
cerné le problème très bien. Il nous a fourni des
renseignements, ou plutôt il nous a rafraîchi la mémoire sur
des déclarations qu'il avait déjà faites, et son attitude,
et particulièrement son télégramme de vendredi dernier, eh
bien, ça a l'air tout à fait logique, et ça a l'air d'une
affaire très simple, d'une affaire qu'il ne faut pas monter en
épingle.
Je considère au contraire que la démarche d'Ottawa en est
une qui est inexplicable, en est une contre laquelle on doit protester avec
véhémence, en est une qu'on doit combattre sans quartier. Je
comprends que le montant en jeu n'est pas considérable quand il s'agit
des prêts aux étudiants. Mais il s'agit là d'un principe et
les étudiants des universités, qui le sentent bien, ont raison,
comme vous le savez, de protester. Ils l'ont fait en des termes non
équivoques. Ils l'ont fait en s'unissant. Ils l'ont fait conjointement
de la part de l'Université de Montréal (je parle des
étudiants, évidemment), des étudiants de
l'Université de Québec, des étudiants de
l'Université de Sherbrooke, de l'union générale des
étudiants, de FAGEC, de PEN (Presse étudiante nationale), et
à moins, sauf erreur, une autre université qui serait
l'université de... Je vous demande pardon, M. le Président, c'est
tout ça; j'ai épuisé la liste.
Les prêts, ou si vous voulez, commençons par les
allocations aux jeunes. Le premier ministre avait déclaré qu'il
demanderait à Ottawa d'appliquer la formule Diefenbaker-Sauvé. Et
c'est, sauf erreur, celle qui est appliquée...
M. LESAGE: Excepté qu'au lieu d'être l'impôt sur les
corporations, c'est l'impôt sur les particuliers.
M. JOHNSON: Disons que c'est le même mécanisme, mais
portant cette fois sur le domaine de l'impôt sur le revenu personnel
plutôt que le domaine de l'impôt sur les profits des
corporations.
On se souvient qu'en 1959, à la suite de l'opération d'une
loi passée par M. St-Laurent, le Conseil des arts avait accumulé
un montant assez considérable destiné à la province de
Québec pour des octrois aux universités. Ce montant grossissait
d'année en année au point où ça devenait
pratiquement immoral de constater que le gouvernement fédéral
grossissait d'année en année un appât afin que, la province
de Québec tombe dans la même ligne, ou s'aligne plus exactement,
avec les autres provinces pour devenir, selon le plan bien des fois
divulgué par M. St-Laurent, pour que Québec devienne une
province comme les autres. A ce moment-là, le gouvernement
fédéral, présidé par M. Diefenbaker...
M. LESAGE: Non, je veux discuter d'une façon bien... Je voudrais
bien que le chef de l'Opposition ne mêle pas deux choses. Un:
l'accumulation des fonds au Conseil des arts, et deux: la compensation fiscale
par le truchement de l'impôt sur les profits des corporations qui a fait
l'objet de l'entente Diefenbaker-Sauvé. Ce sont deux choses
distinctes.
Ce qui a fait l'objet de l'entende Diefenbaker-Sauvé, ç'a
été strictement le paiement, par le gouvernement
fédéral, d'abord, ici dans la province de Québec, à
un comité formé de feu l'honorable Onésime Gagnon et du
ministre des Finances du temps à Ottawa, M. Abbott, je pense...
M.JOHNSON: M. Abbott.
M. BERTRAND (Missisquoi): Au début!
M. LESAGE: C'est ça. Mais ça, ç'a été
abandonné lorsque, après le décès de M. Duplessis,
M. Sauvé a voulu trouver une formule qui permette de
récupérer ces montants, mais en voyant à ce que la
province taxe elle-même au lieu que ces montants soient payés par
l'intermédiaire de la Conférence canadienne, des
universités, comme c'est le cas, dans les autres provinces, je
crois.
Cela c'est une chose. Mais la permission du gouvernement aux
universités et aux collèges classiques, en autant que leurs
années supérieures sont concernées, d'accepter pour les
bibliothèques ou pour diverses choses les fonds du Conseil des arts,
c'est une question totalement distincte.
M. JOHNSON: M. le Président, je le sais... M. LESAGE: Oui,
mais...
M. JOHNSON: ... et je ne croyais pas qu'il était
nécessaire d'expliciter mais j'expliquais dans quelles circonstances, en
1959, le problème prenait de l'ampleur dans le public...
M. LESAGE: Oui, oui.
M. JOHNSON: ... et la part devenait de plus en plus considérable.
Il s'agissait, évidemment de ce qui s'accumulait au Conseil des
arts...
M. LESAGE: Plus.
M. JOHNSON: ... plus la façon de distribuer l'argent. Il est
exact, comme l'a laissé entendre le premier ministre, que pour une
année, les fonds du fédéral ont été
acceptés à la condition qu'ils soient transmis à un
comité spécial « ad hoc » formé de l'honorable
Abbott, ministre des Finances à Ottawa...
M. LESAGE: Cela a duré un an ou deux, je crois.
M. JOHNSON: ... et de l'honorable Onésime Gagnon,
trésorier ou ministre des Finances de la province de Québec. Mais
cela a duré au plus deux ans, mais je crois que c'est un an.
M. LESAGE: Je pense que c'est seulement un an.
M. JOHNSON: La province a refusé, à ce moment-là
d'accepter et nous avons tenu bon jusqu'en 1959 alors qu'est intervenu ce que
le premier ministre a appelé lui-même l'entente
Diefenbaker-Sauvé. C'est peut-être mal paraphrasé ou mal
intitulé ce qui est arrivé en 1959.
En fait, c'est la province qui a passé une loi
décrétant que les universités et les collèges
classiques, pour le niveau collégial, recevraient à tant par
étudiant des subventions du fonds consolidé de la province mais
qui étaient receuillies par un impôt, une taxe de 1% sur...
M. LESAGE: Ce n'était pas dans la même loi.
M. JOHNSON: ... les profits des corporations. Non, il y a deux lois.
M. LESAGE: Il y a deux lois.
M. JOHNSON: M. le Président, mais en fait c'est la province qui a
augmenté son impôt sur les profits des corporations et c'est
Ottawa qui, subséquemment, a passé une loi pour que, dans les
provinces où il y avait une distribution à tant par tête
d'au moins $1.50 pour chaque étudiant des universités, les
compagnies pourraient déduire de leur impôt fédéral
le 1% additionnel avec la clause, évidemment, d'ajustement au bout par
les paiements de la péréquation.
M. LESAGE: C'est ça!
M. JOHNSON: M. le Président, ce qu'il faut retenir de
l'arrangement de 1959, c'est que, dans l'opinion même de l'Union
nationale, c'était un arrangement qui n'était pas parfait et nous
n'étions pas seuls à penser que ce n'était pas parfait.
J'ai relevé les journaux du temps...
M. LESAGE: J'admets l'avoir dit.
M. JOHNSON: ... et on voit: « M. Lesage dénonce une «
atteinte sans précédent à l'autonomie ». »
« Atteinte sans précédent à l'autonomie » est
entre guillemets. C'était dans « Le Devoir » du 14 avril
1960.
Dans « Le Devoir » du 25 mars 1960: « L'accord
Ottawa-Québec sur les $25,000,000 »; Lesage: « M.
Sauvé n'aurait jamais accepté ces conditions ». »
C'est une manière, évidemment, d'attaquer celui qui avait
succédé à M. Sauvé et qui était M.
Barrette.
Dans le « Montreal Star » du 25 mars: « Lesage wraps
university aid pact. »
Dans « Le Soleil » du 14 avril: «L'honorable Lesage
dénonce de nouvelles ententes fiscales entre Québec et Ottawa
».
L'Action du 14 avril « M. Lesage accepte que son nom soit
soumis à la convention libérale dans Québec-Ouest. Des
ententes inacceptables. »
C'est à ce moment-là que le premier ministre avait
qualifié ces ententes du pire accroc à l'autonomie
provinciale.
Or, voici le même M. Lesage, sauf erreur, qui demande maintenant
qu'on applique la formule Diefenbaker-Sauvé ou plus exactement la
formule Diefenbaker-Barrette puisqu'elle a été
complétée sous le régime de M. Barrette après la
mort du regretté député des Deux-Montagnes.
Le premier ministre a donc convenu que c'était la seule
manière, avec ses amis d'Ottawa, de régler un conflit qui nous
aurait coûté beaucoup d'argent mais à la différence
de l'attitude prise en 1959, c'est le premier ministre lui-même qui,
d'avance, consent à l'intrusion du fédéral dans ce
domaine.
M. LESAGE: Mais non.
M. JOHNSON: Nous, nous étions pris devant une question de fait.
Nous étions pris devant le fait que le fédéral
était entré, malgré nos protestations, dans le domaine de
l'éducation. Mais c'est le premier ministre qui, avant la
présentation des bills 108 et 110, dit au fédéral: «
Je vous donne la permission, si vous voulez entrer dans le domaine provincial,
de le faire à condition que le faisant, contre le texte même de la
Constitution qui est très clair vous preniez cette méthode qui a
déjà été aceptée par Québec. C'est un
changement d'attitude du premier ministre qui juge autrement...
M. LESAGE: M. le Président, ce n'est pas ça que j'ai
dit...
M. JOHNSON: ... maintenant...
M. LESAGE: J'ai averti le fédéral...
M. JOHNSON: Cela revient à ça...
M. LESAGE: ...que s'il essayait de payer les allocations familiales
à 17 et 18 ans dans le Québec et d'établir son
système de prêts aux étudiants dans le Québec, j'ai
dit: «Si vous touchez au Québec dans le domaine de
l'éducation, je vous avertis, nous irons devant les tribunaux pour
contester la validité constitutionnelle de vos lois. » Je les ai
avertis avant qu'ils présentent leurs lois. Mais je parle au nom du
Québec, moi; s'il y a d'autres provinces qui en veulent, ce n'est pas de
mon affaire.
M. JOHNSON: Le premier ministre est allé plus loin, il a dit:
« Touchez-y si vous voulez, violez la Constitution si vous voulez mais du
moment que vous nous compenserez selon la formule...
M. LESAGE: Non.
M. JOHNSON: ...Sauvé-Diefenbaker, et nous ne dirons rien. »
D'avance le premier ministre a consenti au viol de la Constitution par le
fédéral. Voyant le fédéral s'élancer une
fois de plus pour violer la Constitution en entrant dans le domaine de
l'éducation qui est réservé aux provinces, le premier
ministre dit: « Allez-y pourvu que vous me payez ma quote-part. Allez-y,
je vous donne pleine liberté à condition que vous me payiez ma
commission, 3%.»
C'est cette attitude vis-à-vis de la Constitution qui est
impensable de la part de gens qui voudraient nous faire croire qu'ils croient
encore au fédéralisme. Quand il y a un texte clair disant que
l'éducation est du domaine exclusif des provinces, un premier ministre
d'une des provinces dit: « Allez-y, ça ne me fait rien que vous
entriez dans ce domaine à condition que vous ne touchiez pas à
mes étudiants à moi. »
M. le Président, où est le fédéralisme
là-dedans? Où est le fédéralisme d'abord?
Deuxièmement, comment se fait-il que le premier ministre qui avait
qualifié la formule d'arrangement Fleming-Barrette de pire accroc qu'on
puisse imaginer à l'autonomie, comment se fait-il que le premier
ministre, aujourd'hui, d'avance, avant que le fédéral ne soit
entré dans le domaine, demande qu'on applique cette formule?
C'est ça que la province veut savoir: d'où vient ce
changement d'attitude? Est-ce que, au moment où il attaquait
l'arrangement fé-
déral-provincial ou plutôt cette série de lois qui
ont eu, en somme, pour effet d'arriver à un arrangement ou à un
règlement de la situation, au moment où il qualifiait cet
arrangement (terme que j'utilise pour les fins de la discussion),
était-il, à ce moment-là, complètement ignorant de
ces implications? Voulait-il tout simplement faire de la politique? Voulait-il
tout simplement nuire à M. Barrette? Voulait-il tout simplement jeter un
écran de fumée devant la population? Voulait-il, à ce
moment-là, passer pour plus autonomiste qu'il ne l'est en
réalité? Voulait-il, à ce moment-là, se couvrir de
la peau de l'autonomie alors qu'il avait été un centralisateur
à Ottawa?
Comment peut-on expliquer ce changement d'attitude, cette
appréciation tout à fait contraire, aujourd'hui, de la même
formule, de la part du premier ministre? Comme disent les amis de Bossuet:
« Where comes that change of heart? » D'où vient ce
changement chez le premier ministre? Est-il devenu plus réaliste? Est-il
devenu moins autonomiste? Est-il devenu plus accommodant pour ses amis
d'Ottawa, qu'il a aidés à faire élire? En somme, la
province a le droit de savoir, du ministre des Affaires
fédérales-provinciales, comment il se fait que le titulaire de ce
ministère trahit le chef du parti libéral en 1960?
M. LESAGE: M. le Président, je n'ai aucunement trahi le chef du
parti libéral en 1960. Si l'on veut se reporter à la page 17 du
mémoire que j'ai présenté à la conférence
fédérale-provinciale de Québec, le 31 mars dernier, je
faisais justement des propositions sur le mécanisme d'option pour sortir
des plans-conjoints. Et je disais, deuxième étape; « A
partir du premier janvier 1967, soit vers l'époque où les
arrangements fiscaux de 1967-1972 entreraient en vigueur, on évaluerait
l'expérience des deux années précédentes et,
à la lumière de celles-ci, on pourrait déterminer une
équivalence fiscale définitive. » C'est ça la
distinction. Je ne sais pas si le chef de l'Opposition comprend. « Une
fois l'équivalence fiscale déterminée, le Québec
serait libre d'agir à sa guise, à l'intérieur des domaines
qui ne seraient plus soumis à la réglementation
fédérale. Ni de part ni d'autre, il n'y aurait désormais
d'ajustement par le truchement de versements ajoutés aux paiements de
péréquation ou retranchés de ceux-ci. »
Exactement, je tenais là le même langage que je tenais
comme chef du parti libéral en 1960. Exactement. Et en
réalité, M. le Président (ça c'est l'exposition de
principe), dans les faits, au cours des conférences qui ont eu lieu
à Ottawa entre mon sous-ministre des Affaires
fédérales-provinciales et les hauts fonctionnaires d'Ottawa et,
à une reprise ou deux, une reprise je crois, les hauts fonctionnaires
d'autres provinces. On a justement discuté quelle serait la
période nécessaire d'ajustement que je viens de mentionner pour
divers plans conjoints.
Le chef de l'Opposition me reproche de changer d'opinion? Mais, au
contraire! Je dis exactement la même chose cette année comme
premier ministre que ce que j'ai dit en 1960 comme chef du parti
libéral.
Je dis qu'il faut qu'on en vienne au point où chacun reste chez
lui et se mêle de ses affaires en vertu de la constitution, mais il faut
l'établir sur la base de l'expérience, parce que Québec
pourrait y perdre et d'autres provinces qui choisiraient de faire comme nous
pourraient y perdre joliment. Il faut l'établir cette
équivalence, il faut l'établir si on veut l'établir d'une
façon définitive pour que chacun reste chez lui, bien il faut en
avoir acquis de l'expérience et nous considérons que nous n'avons
pas dans l'ensemble acquis, à date, suffisamment d'expérience
pour en arriver à des chiffres précis.
Il y a bien plus que ça. C'est qu'au cours de cette
conférence, je n'ai pas seulement obtenu, à la suite de la
conférence, l'équivalence fiscale pour le 3% d'impôt sur le
revenu des particuliers pour les allocations scolaires payées en vertu
d'une loi passée il y a au-delà de deux ans à
Québec. C'est Québec qui a passé la loi, comme dans le cas
que soulignait le chef de l'Opposition en 1959.
Pour ce qui est des prêts aux étudiants, bien mon Dieu,
c'est le gouvernement de l'Union nationale qui l'a passée. Elle existe
cette loi. Elle a été passée par le gouvernement de
Québec. Les montants que nous prêtons aux étudiants,
l'intérêt sur ces montants est beaucoup plus considérable
que ce qu'Ottawa propose d'offrir par sa législation (C'est 110). La
division entre provinces en vue, dans notre cas, d'établir
l'équivalence financière, en ce qui concerne les prêts aux
étudiants, ne se fait pas sur la base de la population, mais sur la base
de la population étudiante. Or, nous avons proportionnellement ici, plus
d'étudiants dans le Québec que la moyenne. Nous avons plus
d'étudiants que la moyenne nationale.
M. GUILLEMETTE: Plus qu'enOntario?
M. LESAGE: Bien oui, mais avec une population moindre. C'est
là...
M. GUILLEMETTE: On est en arrière! on est
arriéré...!
M. LESAGE: ... bien oui, mais c'est là que ça devient
important.
M. GUILLEMETTE: On est arriéré dans Québec.
M. LESAGE: Bien oui, mais Dieu sait que je pousse aussi. Je remercie le
député de Frontenac de l'aveu qu'il vient de faire, mais qu'on ne
me reproche pas de pousser.
M. GUILLEMETTE: Je précise en éducation.
M. LESAGE: Bien oui, oui, je m'en tiens à l'éducation. Je
n'ai pas l'intention d'engendrer une chicane cet après-midi; je sais, je
m'en tiens à l'éducation. Je n'ai pas pu faire autrement que de
prendre note de ce que venait de dire le député de Frontenac.
Et maintenant, c'est que en même temps que nous avons dit à
Ottawa: « Ne venez pas toucher à l'éducation dans le
Québec, » il y a d'autres provinces qui, elles, sont
intéressées. Qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse? Je ne peux
toujours pas les battre. Je ne peux toujours par envoyer la Sûreté
provinciale envahir les autres provinces pour leur dire quoi faire. Si je
réclame au nom du Québec, le respect de l'autonomie du
Québec, je n'ai pas le droit d'aller dire aux autres provinces quoi
faire.
Il faut que, au moins, je commence par respecter la leur, mais ce n'est
pas seulement ça que nous avons obtenu. Ce que nous avons obtenu de
plus, et ça c'est le bill C-111 qui le dit que pour l'année
d'imposition 1965, le taux sera de 21%, le taux d'impôt sur les
particuliers pour les provinces. Ce qui équivaut à un gain de 2%
et que, en 1966, il sera de 24%, ce qui à ce moment-là sera de 4%
de plus que ce que nous étions censés recevoir en vertu des
arrangements existants tels que préparés et imposés par M.
Diefenbaker.
Et n'oublions pas que ce 2% additionnel pour l'an prochain et que ce 4%
additionnel pour 1966 sont sujets à la péréquation, ce qui
veut dire que chaque 1%, au lieu de valoir $5,000,000 vaut $9,000,000 ou
à peu près, je vous donne des chiffres ronds. Tandis que le 3%
additionnel de compensation pour les allocations scolaires n'est pas sujet
à la péréquation parce que le calcul du coût de nos
allocations scolaires à 12 mois est d'environ $15,000,000 par
année, et 3% non sujet à la péréquation
équivaut à environ $15,000,000 par année.
M. le Président, ce sont des choses que nous avons gagnées
ça, en même temps que nous gagnions le respect de notre autonomie
dans le domaine de l'éducation et que nous prévoyions pour plus
tard l'autonomie fiscale complète en tout ce qui touche
l'éducation et en tout ce que touche les sujets qui sont de notre
juridiction exclusive. Qu'est-ce qu'on veut demander de plus?
Et nos hommes, nos représentants travaillent actuellement
à établir une équivalence fiscale définitive, et
après cela, chacun sera libre d'agir chez lui à sa guise. C'est
ça, le but visé. C'est le but que nous poursuivons activement au
cours des négociations qui se continuent actuellement entre
Québec et Ottawa et d'autres provinces.
M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre n'a tout de
même pas expliqué ce changement d'attitude.
M. LESAGE: Mais voyons.
M. JOHNSON: D'abord dans son communiqué, regardons son
communiqué à la suite de la deuxième partie de la
conférence fédérale-provinciale qui s'est tenue du 31 mars
au 2 avril.
M. LESAGE: C'est un cas désespéré.
M. JOHNSON: Le premier ministre disait, et je cite: « Il n'y a
qu'une solution qui puisse nous permettre d'éviter un conflit dont
très certainement nous ne voulons ni les uns ni les autres. Cette
solution, c'est la compensation fiscale, selon la formule
Diefenbaker-Sauvé qui permit naguère de résoudre à
l'avantage réel des deux gouvernements un problème similaire.
C'est une solution qui peut s'appliquer immédiatement et nous
épargner des complications et même des différends
sérieux qui seraient le résultat inévitable d'un
désaccord. En effet, nous devrons nécessairement recourir aux
Tribunaux... »
M. LESAGE: Est-ce que le chef de l'Opposition a remarqué le mot
« immédiatement »?
M. JOHNSON: Pardon?
M. LESAGE: Est-ce que le chef de l'Opposition voudrait bien souligner le
mot « immédiatement ».
M. JOHNSON: Oui, le premier ministre vient de le souligner,
là.
M. LE SAGE: Bien oui, c'est ce que je viens de faire.
M. JOHNSON: En effet, continuait le premier ministre, nous devrons
nécessairement recourir aux tribunaux pour faire respecter les droits
constitutionnels de la province, si on ne donne pas suite à nos
observations ».
M. LE SAGE: C'est ça.
M. JOHNSON: Donc, M. le Président, le premier ministre dit:
« La seule solution, c'est la solution qu'il appelle
Diefenbaker-Sauvé »...
M. LESAGE: Dans l'immédiat.
M. JOHNSON: ... qui, dit-il, naguère a permis de résoudre
à l'avantage réel des deux gouvernements un problème
similaire. »
Or, voyons ce qu'il disait de la formule Sauvé en 1960, et c'est
ça que je n'arrive pas à comprendre. Le premier ministre disait:
« C'est la pire atteinte à l'autonomie, le pire accroc à
l'autonomie. » Et le premier ministre, je voudrais bien épargner
à cette Chambre de citer une bonne partie de sa conférence de
presse, mais si c'est nécessaire pour la bonne compréhension du
problème, je vais le faire.
M. LESAGE: Oui, je m'en souviens très bien: ce que j'ai dit, je
le pense encore d'ailleurs.
M. JOHNSON: « M. Jean Lesage, chef du parti libéral
provincial » c'est rapporté par un indépendant
sympathique, Pierre Laporte « a dénoncé hier en
termes vigoureux un accroc sans précédent à l'autonomie
provinciale. « Brandissant le texte d'un projet de loi à
l'étude aux Communes, il a dit que le ministre fédéral des
Finances veut s'arroger le droit de décider si les ententes entre une
province et ses universités sont satisfaisantes. « Si ce n'est pas
là une intrusion dans le domaine de l'autonomie provinciale, je me
demande ce que c'est », a-t-il déclaré au cours d'une
conférence de presse tenue au Club de Réforme. « M. Lesage
a montré aux journalistes le texte du bill C-56 qui a récemment
été accepté en première lecture à Ottawa. Ce
bill permet à un ou plusieurs gouvernements provinciaux de hausser de un
pour cent l'impôt sur les profits des sociétés pour
remplacer les subventions fédérales aux universités. Ce
projet de loi pose trois conditions: que la province verse à ses
universités des subventions supplémentaires égales
à $1.50 par tête d'habitant; que le ministre fédéral
des Finances soit satisfait de la. teneur des ententes entre la province et ses
universités; que le gouvernement fédéral
récupère l'excédent du produit de l'impôt
additionnel de un pour cent sur les subventions que le gouvernement
fédéral aurait versées aux universités. «Sans
précédent» (sous-titre dans l'article). « M. Lesage a
dit que la plus inacceptable de ces trois conditions, c'est celle qui permet au
ministère fédéral des Finances d'être le souverain
juge de la qualité des ententes entre une province et ses
universités. Une telle ingérence est sans précédent
dans nos annales politiques, dit-il. »
M. le Président, elle ne l'était peut-être pas, sans
précédent, à ce moment-là, mais on
s'aperçoit que le précédent est maintenant
répété et il est répété avec
l'assentiment, le concours, la coopération du premier ministre,
coopération pour faire élire M. Pearson qui déclarait
avant son élection: « Si je suis élu, il y aura 10,000
bourses aux étudiants », comme il avait annoncé d'ailleurs
dans son programme qu'il s'Immiscerait dans le problème des affaires
municipales. Malgré ça, le premier ministre de la province de
Québec a mis, au service de son chef fédéral, toutes ses
possibilités électorales (et Dieu sait si elles sont grandes!), a
mis au service du premier ministre actuel du Canada ses troupes de choc et tous
les moyens nécessaires pour gagner une élection, sachant
d'avance, je le répète, que le même M. Pearson avait
l'intention de s'immiscer dans un domaine clairement de juridiction
provinciale: le domaine de l'éducation.
C'est au premier ministre d'expliquer comment concilier l'opinion du
chef du parti libéral, rapportée le 14 avril 1960, et la
déclaration du chef du gouvernement, le 3 ou 4 avril 1964, à la
suite de la conférence fédérale-provinciale. Je
considère que le premier ministre n'a pas réussi à le
faire.
M. LESAGE: Très bien. Je vais ajouter, pour la
compréhension du chef de l'Opposition; c'est que l'arrangement
Diefenbaker-Sauvé était annoncé comme une affaire
définitive...
M. JOHNSON: Une affaire?
M. LESAGE: ...définitive, dans son principe. Il n'a jamais
été question que ce soit temporaire, tandis que j'ai pris la
peine, tout à l'heure, de relire mon mémoire à la
conférence fédérale-provinciale, où je
prévois une deuxième phase où il n'y a plus de conditions
comme il y en avait dans le bill que je commentais, lorsque j'ai fait le
discours que vient de mentionner le chef de l'Opposition.
De plus, dans le bill, je n'ai pas le 108 devant moi, mais j'ai le 110
ici, article 12: paiement de remplacement, il n'y en a pas de conditions: payer
$1.50, il n'est pas question de ça.
Dans le bill des allocations scolaires, on dit: « Là
où il existe une province qui paie des allocations scolaires, eh bien,
elleadroità... »; c'est dans le bill 111. On ne nous impose pas de
conditions. On reconnaît un était de fait que nous avons
établi nous-mêmes: le système des bourses-prêts aux
étudiants, je le dis, établi par le régime de
l'Union nationale, je n'essaie pas de faire de politique, et le
régime des allocations scolaires établi sous notre gouvernement.
On les reconnaît. Mais il y a encore le fion, excusez-moi
d'appeler ça le fion, qui fait que le tout est sujet à
ajustement, par les paiements de péréquation, et ce à quoi
nous travaillons actuellement, c'est à établir le nombre
d'années d'expérience que ça nous prendra pour faire
disparaître le fion, l'équivalence, la différence, si
l'équivalence n'est pas exact, en rajouté ou en soustraction au
paiement de péréquation, pour que nous soyions libres,
définitivement, d'agir complètement dans notre domaine.
C'est ça qui fait qu'il n'y a pas de différence entre ce
que j'ai dit en 1960 et l'attitude que je prends aujourd'hui. Je suis
absolument logique et quand on m'a cité tout à l'heure, quand on
a cité la conférence de presse qui a auivi immédiatement
la conférence du 31 mars, j'ai attiré l'attention du chef de
l'Opposition sur les mots « dans l'immédiat » parce que
notre but a toujours été d'en arriver à un point, dans
tous les domaines, y compris l'assurance-hospitalisation, où le
fédéral, au lieu de nous payer 50%, si nous optons, comme nous
optons actuellement, de sortir du programme conjoint, pour obtenir
l'équivalence fiscale, il s'agit d'établir combien
d'années ça pourra prendre avant d'en arriver au point où
nous pourrons dire: « Bien, 30% d'impôt, là c'est
satisfaisant. »
Puis là on prend chacun son bord, puis on s'occupe de ses
affaires. » C'est pour ça que j'ai critiqué. J'ai toujours
ajouté « dans l'immédiat ». Parce que mon but n'a
jamais changé, mes principes n'ont pas changé. Ceux que
j'exprimais quand je critiquais l'arrangement Diefenbaker-Sauvé
s'appliquent encore et je les applique. C'est ça, et j'espère que
le chef de l'Opposition a compris.
M. JOHNSON: Le premier ministre n'a qu'une porte de sortie et c'est en
affirmant que la solution Sauvé-Diefenbaker avait été
présentée comme une formule définitive...
M. LESAGE: Mais il n'avait pas été question que ce soit
une formule temporaire.
M. JOHNSON: ... M. le Président, ça c'est du libre
arbitre; c'est une trouvaille du premier ministre ou un de ses conseillers pour
justifier,...
M. LESAGE: Non.
M. JOHNSON: ... cinq ans après, M. le Président...
M. LESAGE: M. Morin n'était pas là avant ce
temps-là.
M. JOHNSON: ... cinq ans après pour justifier une autre
pirouette, un autre changement d'attitude, une autre contradiction dans sa
courte carrière provinciale et je ne touche pas à ses
contradictions quand il s'agit de la carrière fédérale.
Mais dans ce domaine, dans le domaine des prêts aux étudiants
auquel nous viendrons tantôt, le premier ministre est mieux de se
préparer à répondre à l'affirmation qu'il faisait
lui-même au Congrès des jeunesses libérales
étudiantes du Canada, alors que c'est lui qui, la veille de l'ouverture
du congrès qui a choisi M. Pearson, est allé devant les
étudiants libéraux du Canada, est allé leur dire: «
Il y a moyen que le fédéral s'occupe de vous, les
étudiants des universités, sans contrevenir à l'autonomie
de la province ou des provinces. »
J'ai hâte d'entendre l'explication du premier ministre sur le
sujet et je fais venir, évidemment, un extrait de cette causerie qu'il a
faite et qui n'a pas été publiée dans tous les journaux.
J'ai eu un peu de difficulté. J'aurais peut-être dû appeler
le premier ministre et lui demander une copie de son texte, mais c'était
au mois de décembre, à la convention de M. Pearson, 1957. M.
Pearson a été élu chef du parti libéral
après la défaite de M. St-Laurent; ce serait donc vers le mois de
novembre...
M. LESAGE: J'étais dans la situation du chef de l'Opposition;
j'étais dans l'Opposition.
M. JOHNSON: M. le Président, si jamais je suis aussi imprudent
dans mes déclarations que le premier ministre l'a été
à ce moment-là, j'espère...
M. LESAGE: Cela ne pouvait pas être une déclaration
ministérielle, j'étais dans l'Opposition.
M. JOHNSON: ... que j'aurais autant d'habi-
leté que lui pour tâcher d'expliquer mon attitude et mon
changement. Mais ça n'arrivera pas: quand il s'agit d'autonomie, nous,
de l'Union nationale, ce n'est pas malin, nous avons des principes. Nous les
respectons au pouvoir comme dans l'Opposition et nous conformons notre attitude
au pouvoir comme dans l'Opposition à ces principes...
M. LESAGE: Moi aussi.
M. JOHNSON: ... au point de renoncer à certains avantages
politiques et endosser avec plaisir les attitudes autonomistes du premier
ministre, lorsque toutefois il en a.
Quant à moi, le premier ministre n'a pas expliqué son
changement, son virement de capot, son changement de coeur ou son changement
d'attitude. Je reconnais tout simplement qu'il tâche, dans un mauvais
contexte fédéral-provincial, de tirer le maximum possible en
faveur de la province.
Nous étions heureux de voter pour cette loi des allocations
scolaires et nous sommes heureux de voir qu'il y a une compensation fiscale
pour le paiement de ces allocations. Nous sommes heureux de constater que le
gouvernement actuel fait au moins un pas, qui est le pas dont nous lui donnions
l'exemple en 1959-1960, mais nous sommes au regret de constater qu'il n'y a pas
de progrès, comme nous regrettons de constater que les violations qui se
font aujourd'hui de la constitution dans notre ère de
fédéralisme coopératif se font avec le consentement des
premiers ministres dont l'attitude devrait être, à notre sens, de
défendre sans quartier l'autonomie provinciale.
Il y a le problème des prêts aux étudiants.
Prêts aux étudiants pour donner suite, sous une forme
modifiée, à une promesse électorale du parti
libéral fédéral qui promettait commeonle sait, 10,000 ou
40,000 bourses par année, à tout événement, un
nombre assez impressionnant de bourses. Et le gouvernement
fédéral de M. Pearson est en train de voter une loi qui porte le
numéro C-110 et qui est intitulée, comme je l'ai dit
tantôt: « Loi ayant pour objet de faciliter l'attribution des
prêts aux étudiants ».
Lorsqu'il en a été question la première fois, nous
avons alerté la Chambre et nous avons demandé au premier ministre
s'il approuvait tel projet. Je vois fais grâce de relire toutes ces
interventions que j'ai faites et les réponses sibyllines du premier
ministre. Je me contente de rappeler, cependant, une déclaration du
ministre de l'Education qui s'appelait encore dans le temps le ministre de la
Jeunesse.
M. Gérin-Lajoie disait que l'éducation est de juridiction
provinciale et qu'il ne voit pas comment Ottawa pourrait refuser au
Québec le privilège de l'option. Je ne puis camoufler ma
surprise, a-t-dit c'est rapporté dans « Le Devoir »
du 20 février puisqu'il s'agit d'une intrusion par la porte de
derrière. L'attitude d'Ottawa est d'autant plus surprenante que le
gouvernement central étudie présentement la possibilité de
sortir des plans conjoints.
C'est nul autre, donc, que le député de
Vaudreuil-Soulanges qui se scandalisait, ou presque, qu'Ottawa veuille
procéder par laporte de derrière quand il s'agit d'envahir le
domaine de l'éducation qui est de juridiction et de compétence
exclusivement provinciales.
M. le Président, le bill est finalement arrivé le 13
juillet devant la Chambre des Commune. Dès son annonce, dès la
résolution, des organismes de la province de Québec ont
commencé de protester. Ce sont d'abord les étudiants, comme je
l'ai dit tantôt, qui ont protesté. Me serait-il permis de lire une
des déclarations qui résume l'attitude des étudiants?
Je la tire du journal « Le Devoir », jeudi le 9 juillet:
« Les étudiants canadiens français, par la voix de six de
leurs associations, expriment de nouveau leur désaccord avec le projet
de loi concernant les prêts fédéraux aux étudiants
universitaires dans un communiqué remis aux journaux. Manifestement le
communiqué a été rédigé avant que le projet
de loi en question ait été adopté aux communes,
événement qui s'est produit mardi soir. » « Les
étudiants canadiens français ne peuvent accepter que le
gouvernement fédéral poursuive son empiètement dans les
domaines proprement provinciaux tels que l'éducation ». Ils
considèrent que cette mesure , louable en soi, va à l'encontre de
leurs aspirations vers une plus grande autonomie du gouvernement provincial,
affirme le communiqué conjoint de l'A.G.E.L. Association
générale des étudiants de Laval; l'A.G.E.U.S. Association
générale des étudiants de l'université de
Sherbrooke; l'A.G.E.U.M., Association général des
étudiants de l'Université de Montréal; la F.A.G.E.C.C.,
fédération des associations générales
d'étudiants des collègues classiques du Québec; la F.N.Q.,
Fédération des normaliens du Québec et la P.E.N., Presse
étudiante nationale.
Le communiqué déclare en outre que l'Union canadienne des
étudiants, autrefois la Fédération nationale des
étudiants des universités canadiennes, F.N.E.U.C. avait
organisé une rencontre avec les députés
fédéraux dans le but d'accélérer l'adoption du
projet de loi à la Chambre. Il accuse l'U.C.E. de déroger
ainsi
à l'article 2 de la résolution permanente No 10 en force
depuis 1961. Cet article stipule: « en matière d'éducation,
les représentations de la F.N.E.U.C. maintenant devenue U.C.E., Union
canadienne des étudiants seront faites seulement aux gouvernements
provinciaux sauf si d'un consentement unanime des régions
déterminées par un vote pondéré des deux tiers des
universités de la F.N.E.U.C., U.C.E. au sein de chaque région des
raisons justifient des démarches auprès du gouvernement
fédéral. Or, ajoute le communiqué, dans ses
récentes démarches auprès d'Ottawa, l'U.C.E., entendons
l'Union canadienne des étudiants, n'a pas consulté ses membres
mais du moins ceux des trois universités françaises du
Québec.
Selon l'A.G.E.U.M., l'A.G.E.U.S. et l'A.G.E. U.L., cette situation
démontre assez bien la difficulté d'existence dans la pratique
d'une union étudiante pancanadienne. Les étudiants canadiens
français déclarent regretter que leur attitude qui leur est
dictée par leurs aspirations propres, aille à l'encontre des
intérêts des étudiants canadiens anglais dont les
aspirations différentes des leurs sont toutes aussi
légitimes.
En définitive, les étudiants canadiens français
exigent que le gouvernement fédéral remette aux mains du
gouvernement provincial les pouvoirs de taxation qui lui permettent de
répondre aux besoins prioritaires du Québec même. »
Fin de la citation.
M. LESAGE: Je suis bien d'accord.
M. JOHNSON: Il est bien d'accord mais il fait le contraire, M. le
Président.
M. LESAGE: Bien non.
M. JOHNSON: Le premier ministre est d'accord mais il fait élire
un premier ministre qui n'est pas d'accord d'avance, qui nous avertit qu'il va
entrer dans le domaine provincial. Pourquoi un premier ministre de la province
de Québec, qui se dit autonomiste, appuie-t-il ouvertement, publiquement
et de toutes les façons un premier ministre qui nous annonce d'avance
qu'il va violer la compétence provinciale dans le domaine de
l'éducation?
M. LESAGE: M. le Président, c'est parce que les autres partis
étaient pires. Ils n'avaient pu rien obtenir du gouverne ment
Diefenbaker au point de vue de la reconnaissance des droits du Québec
spécialement dans le domaine des programmes conjoints et de la
fiscalité.
J'ai entendu souvent le chef de l'Opposition dire: « Quand on ne
peut pas avoir tout le pain on en prend un morceau ». Bien, M. le
Président, s'il avait fallu que ce soit le gouvernement conservateur qui
reste au pouvoir, il n'y aurait pas eu d'équivalence fiscale, on
n'aurait pas le 24% et le 27% d'impôt sur les particuliers, on n'auraient
rien eu de ça parce qu'il m'a tout refusé, tout le temps.
M. JOHNSON: M. le Président, vous avez entendu le premier
ministre. Il me dit qu'il m'arrive souvent de déclarer: « Quand on
ne peut pas avoir un gros pain, on prend un petit pain. »
M. LESAGE: Un petit pain!
M. JOHNSON: Quand il s'agit de notre affaire à nous...
M. LESAGE: C'est ça aussi.
M. JOHNSON: ... ce n'est pas moi qui vais travailler pour faire
élire quelqu'un qui va nous voler la moitié d'un pain, la
moitié d'un pain...
M. LESAGE: Mais je vais poursuivre...
M. JOHNSON: ... qui nous appartient au complet. Et avant d'aider
quelqu'un qui m'avertit d'avance qu'il ne respectera pas les droits de la
province, quand je n'ai pas le choix, je dis aux gens; « Si vous ne
voulez pas comprendre le bon sens et respecter la Constitution, eh bien
préparez vous à ce que nous nous séparions. » C'est
aussi simple que ça. Et la jeunesse d'aujourd'hui n'endurera pas de
telles sortes de compromis qui deviennent des compromissions, alors qu'un
premier ministre dit; « On est pris entre deux partis qui ne veulent pas
nous respecter. » Eh bien, si...
M. LESAGE: Ce n'est pas vrai.
M. JOHNSON: ... on n'a pas confiance dans aucun des partis, si on ne
veut pas accepter, si on ne veut pas donner sa confiance à aucun des
partis fédéraux, il est temps qu'on fasse quelque chose d'un peu
plus radical dans la province de Québec, parce que c'est un domaine qui
est trop précieux.
L'Union nationale a déjà donné la solution qu'elle
considère être la seule porte de sortie dans cette situation.
C'est une nouvelle constitution, avec un texte clair. Les gens dans les autres
provinces s'uniront ensemble, délégueront à Ottawa,
donneront toutes les juridictions possibles à Ottawa dans tous les
domai-
nés qui les intéressent, nous ne les en empêcherons
pas; mais, une fois pour toutes, il sera clair que la juridiction dans le
domaine de l'éducation et dans d'autres domaines, que la juridiction
dans le domaine de certains droits de taxation nous appartient, et il sera
clair aussi que nous n'aurons pas toujours à marcher à la
remorque du pouvoir fédéral, que...
M. LESAGE: Je ne suis pas à la remorque...
M. JOHNSON: ... nous n'aurons pas à établir certains plans
parce qu'Ottawa a décidé d'établir certains plans, que
nous n'aurons pas à chambarder les priorités parce qu'Ottawa a
décidé de marcher dans tel et tel domaine, que nous ne serons pas
en somme à la remorque du pouvoir fédéral dans des
domaines qui nous concernent exclusivement en vertu de la Constitution actuelle
et en vertu, je l'espère, de la nouvelle Constitution sur laquelle nous
pourrions nous entendre.
Mais si on ne peut pas s'entendre, si les gens ne veulent pas être
raisonnables, s'ils veulent constamment nous forcer, nous faire plier, nous
faire dépenser de l'argent dans certains domaines quand nous pensons que
les priorités nous demandent d'aller ailleurs, eh bien, le reste du
Canada peut s'attendre, de la part de la jeunesse d'aujourd'hui, à
quelque chose de plus radical. Et le meilleur fertilisant pour le
séparatisme c'est le fédéralisme coopératif tel que
pratiqué avec désinvolture par le gouvernement actuel d'Ottawa,
dirigé par M. Pearson, que M. Lesage a fait élire.
M. LESAGE: M. le Président, le chef de l'Opposition a fait un
grand détour en partant évidemment des prêts aux
étudiants. J'ai cru comprendre qu'il tentait de démontrer que les
étudiants du Canada, je ne sais trop quelle association, n'avaient pas
écouté les représentations des étudiants du
Québec, et que l'association canadienne des étudiants, l'Union
canadienne des étudiants n'avait pas fait de représentation au
fédéral. Très bien. C'est un peu la situation où je
me trouve souvent, comme premier ministre du Québec, vis-à-vis
Ottawa en ce qui concerne les autres gouvernements provinciaux. Cela m'arrive
de faire cavalier seul, mais je le fais.
Sur les prêts aux étudiants, je n'ai pas attendu les
protestations des étudiants qu'on vient de mentionner. C'est le 31 mars
que j'ai dit; « Pour ces deux raisons j e parle des prêts
aux étudiants le gouvernement du Québec ne peut accepter
que le programme fédéral envisagé s'applique tel qu'il est
maintenant prévu. » Et j'ai ajouté, à la fin de la
conférence, que j'étais prêt à combattre devant les
tribunaux la constitutionnalité d'une loi fédérale de
prêts aux étudiants, si on essayait de l'appliquer dans le
Québec. C'est clair ça. Mais nous avons nos droits.
On a parlé de fédéralisme coopératif. Le
chef de l'Opposition a dit qu'en établissant les programmes conjoints
dans des domaines où le fédéral n'avait pas de
juridiction, parce que je dois comprendre qu'il excepte l'agriculture,
d'après ce qu'il a dit l'autre jour,...
M. JOHNSON: C'est ça.
M. LESAGE: ... en ce faisant, le fédéral nous imposait des
normes dans des domaines qui sont de notre juridiction exclusive. Je suis
d'accord. C'est la raison pour laquelle nous voulons en sortir des plans
conjoints.
C'est la raison pour laquelle mon sous-ministre, des Affaires
fédérales-provinciales est constamment, presque constamment en
pourparlers avec les hauts fonctionnaires fédéraux et des
fonctionnaires des autres provinces pour déterminer, justement, les
conditions de notre sortie des plans conjoints, afin d'en arriver à une
deuxième phase, où ce sera la sortie définitive, et
où chacun marchera de son côté.
C'est du réalisme ça. On n'a pas besoin d'aller jusqu'au
séparatisme pour se faire respecter ici, dans le Québec. Il
s'agit d'avoir des gens à qui on peut parler, avec qui on peut discuter
de principes d'autonomie dont nous sommes convaincus. Et, c'est ce que nous
faisons présentement, et nous allons aboutir, j'en suis convaincu,
à une réussite. Mais, qu'on ne m'accuse pas de m'être tenu
moins debout que les étudiants par exemple.
Quant au fédéralisme-coopératif, pour le
bénéfice du chef de l'Opposition en particulier, voici ce que
j'en disais à Moncton le 17 mai, il n'y a pas très longtemps:
« C'est au cours de 1963 que fut lancé, au Canada, l'expression
«fédéralisme-coopératif ». Les
événements des douze derniers mois ont démontré que
cette expression ne fut pas toujours comprise de la même façon par
tous. Certains ont cru que, dans le cadre élastique d'un
fédéralisme désormais qualifié de
coopératif, c'est une traduction française de ce que
j'avais dit en anglais il suffisait, pour donner un sens nouveau au
régime politique canadien, de consulter les provinces sur la mise en
marche de décisions arrêtées d'abord au niveau
fédéral c'est ce que vient de dire le chef de
l'Opposition. Si tel devait
être le cas, on aurait raison de prévoir que les provinces
seraient graduellement amenées à coopérer avec le
gouvernement fédéral à la mise en oeuvre de politiques
fédérales s'appliquant à des domaines de
responsabilités et de juridiction provinciales.
Vu dans cet optique, le fédéralisme, même
qualifié de coopératif, ne viserait, effectivement, qu'à
obtenir le concours des provinces à des politiques centralisatrices sans
déplacer l'origine des décisions, et sans vraiment changer
l'orientation et le sens du fédéralisme canadien traditionnel. On
réussirait tout simplement, ainsi, à couvrir d'une appellation
peut-être plus attrayante des façons d'agir qui demeureraient
essentiellement inacceptables. « Pour le Québec, aussi bien que
pour plusieurs autres provinces, l'expression «
fédéralisme-coopératif » a été
reçue dans un tout autre sens. Pour nous, elle signifiait, nous
l'espérions, le début d'une nouvelle ère dans les
relations fédérales-provinciales au pays, et l'adaptation
dynamique du fédéralisme canadien aux problèmes actuels.
Elle signifiait une coopération régulière, ou au niveau,
ou plus exactement au moment de la prise de décision quant à des
politiques nouvelles, et une consultation constante dans l'application des
politiques, une fois celles-ci déterminées par les secteurs des
gouvernements intéressés. Elle signifiait aussi que les provinces
disposeraient désormais des ressources financières
nécessaires pour s'acquitter de leurs responsabilités accrues
à un moment où les besoins des provinces sont devenus
prioritaires par rapport à ceux du gouvernement fédéral.
»
Alors, c'est notre conception à nous, ça, nous qui sommes
ici, du fédéralisme-coopératif. Si ailleurs on a une autre
conception qui est peut-être celle que j'ai touchée en premier,
bien nous ne l'acceptons pas. « Evidemment, nous comprenons et je
continue que le gouvernement fédéral recherche à la
fois l'uniformité administrative et l'uniformité des services
fournis à la population à la grandeur du pays. Il ne faut pas
oublier ça. Je répondrai à cela, que le souci de
l'uniformité administrative ne peut pas justifier la centralisation et
les décisions unilatérales, et que l'uniformité des
services peut-être atteinte par la collaboration des provinces
entre-elles. « En effet, dans la mesure où il y a de façon
générale, correspondance entre les services offerts d'une
province à l'autre, la recherche de l'uniformité devient une
forme de perfectionnisme administratif dont un des résultats les plus
éminents est de renfermer l'action des provinces à
l'intérieur de structures et de mé- thodes rigides et
stérélisantes, et de créer à toutes fins utiles un
état unitaire. » « Le Québec ne tient pas à ce
genre d'uniformité, car dès que l'on accepte que notre
communauté nationale (là, je parlais comme Canadien
français, évidemment) a le droit de s'épanouir comme elle
l'entend et il me semble que cela est accepté dans la
Confédération canadienne, il faut logiquement s'attendre à
ce que les décisions administratives du gouvernement du Québec ne
soient pas nécessairement identiques à celles des gouvernements
des autres provinces. Quand on nourrit le mythe de l'uniformité, on
prive automatiquement les gouvernements provinciaux de toutes
velléités d'action ordonnée en fonction des aspirations et
des besoins de notre population. »
M. JOHNSON: M. le Président, je pense que nous avons fait un
détour, c'est vrai, en parlant de cette loi de prêts aux
étudiants. Le premier ministre m'a répondu à sa
façon, en me citant encore des paroles. Mais je crois que la jeunesse
d'aujourd'hui attend autre chose que des discours, fussent-ils faits en dehors
de la province. Les étudiants d'aujourd'hui qui se sentent
responsables...
M. LESAGE: Oui, mais...
M. JOHNSON: ... de l'avenir de cette province, veulent autre chose que
des belles paroles bien dites, bien récitées, bien
déclamées, avec des accents de sincérité. Ils
veulent des actes et le respect de la compétence et, c'est le minimum
ça, de la compétence provinciale en matière
d'éducation.
Fédéralisme coopératif? Une société
aussi prestigieuse que la Société St-Jean-Baptiste, réunie
au congrès de sa fédération, a déclaré, dans
une résolution unanime, que le fédéralisme
coopératif était une forme de suicide national. La formule est
dure, M. le Président, mais je crois qu'elle devient de plus en plus
évidente.
M. LESAGE: Evidemment, s'ils parlent de la formule, la première
définition que j'en ai donnée, je suis d'accord avec la
St-Jean-Baptiste.
M. JOHNSON: M. le Président, on parle de celle qu'à
Ottawa, de la façon dont Ottawa veut l'établir, d'abord.
M. LESAGE: C'est ça que j'ai dit. La première
définition que j'en ai donnée, je suis d'accord.
M. JOHNSON; Du moment que l'on dit fédéralisme
coopératif, du moment que l'on embarque dans cette galère...
M. LESAGE: Je n'embarque pas!
M. JOHNSON: ... du fédéralisme coopératif, que le
premier ministre justifie... Il est devenu le docteur du
fédéralisme coopératif. Le ministre des Richesses
naturelles est le docteur de l'antifédéralisme coopératif.
Dans le même gouvernement, deux ministres, le premier et un de ses
principaux ministres, prêchent le contraire, mais ça, ça ne
fait rien, ce n'est pas important. Les droits de la province sont bien
sauvegardés, parce qu'il y en a un de chaque côté de la
barricade dans ce domaine-là. Mais, à un moment donné, la
population veut savoir où est la vérité, où est la
ligne de conduite qu'entend suivre le gouvernement actuel: est-ce ce que le
ministre des Richesses naturelles prêche, ou ce que le premier ministre
prêche? C'est là qu'est le problème.
M. le Président, le fédéralisme coopératif,
dès qu'on y adhère a pour conséquence de remettre
l'exercice de droits qui nous appartiennent clairement à la bonne
volonté du fédéral et des autres provinces. Or, je dis que
c'est incompatible avec des droits qui sont clairement sanctionnés dans
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et je dis que c'est une base
tout à fait chancelante pour des droits essentiels dont nous avons
besoin si nous voulons réellement survivre comme groupe ethnique
culturel différent.
Le fédéralisme coopératif, c'est le tombeau de nos
droits à plus ou moins longue échéance parce que nous
lâchons la proie pour l'ombre, nous lâchons le texte dont nous
devrions demander la modification, s'il n'est pas clair, s'il n'est pas
à jour, pour nous en remettre à la négociation dans un
organisme où nous sommes un sur dix, un sur onze. Le seul gouvernement
où nous avons, nous de culture française, la majorité,
c'est Québec et il faut aller faire admettre, non seulement par le
fédéral qui a une majorité, c'est évident, de gens
de l'autre culture, mais faire admettre également par les
représentants de toutes les autres provinces, que nous avons raison. Je
dis que l'exercice de droits fondamentaux ne doit pas être
conditionné par l'assentiment de bonne humeur ou de mauvaise humeur du
reste du Canada. Les jeunes d'aujourd'hui, ont les mêmes réflexes
que nous avions et même après vingt ans dans cette Chambre, j'ai
encore les mêmes réflexes.
Je suis fatigué de passer pour un malcommode quand je demande mon
dû. Est-ce que oui ou non nous avons le pouvoir de taxer en
matière de taxation directe? Oui. Est-ce que oui ou non
l'éducation c'est de notre domaine? Oui. Pourquoi faudrait-il demander
la permission, l'assentiment volontaire ou forcé du
fédéral et des autres provinces? Je vous dis, M. le
Président, que la jeunesse d'aujourd'hui, et j'en suis de
celle-là, malgré mon âge, est fatiguée d'être
obligée de supplier les autres, ou de s'excuser pour exercer des droits
qui lui appartiennent. Si les autres ne sont pas contents, M. le
Président, ce n'est pas mon problème.
Il y a 20 ans dans cette Chambre que j'entends parler d'autonomie, il y
a 20 ans que je fais des luttes sur les « hausting » pour
l'autonomie, il y a 20 ans, M. le Président, que je me bats avec l'union
nationale contre des gens qui voulaient nous en tenir à 5% seulement des
droits de taxation en matière directe d'impôt sur le revenu,
à 5% d'impôt sur les corporations et à 50% d'impôt
sur les successions, trois domaines qui nous appartiennent en
exclusivité ou au moins en priorité, il y a 20 ans que je me bats
là-dessus, M. le Président, il me semble que le temps est
arrivé de cesser de se battre pour récupérer ou pour
conserver, il faudrait au plus tôt consacrer ses énergies à
développer la province et à le faire en harmonie avec le reste du
Canada, s'il y a moyen, dans le respect de nos droits, dans le respect de notre
dignité.
M. le Président, on n'a qu'à prendre le bill 111 pour voir
ce que ça peut produire, le bill 110, « Fédéralisme
coopératif ». « Le fédéral entre dans le
domaine de l'éducation ». Je me servirai d'une intervention
extrêmement bien faite par le député fédéral
de Berthier-Maskinongé de la Naudière, Me Rémi Paul qui
disait, je m'excuse de n'avoir pas le « Hansard », qui disait
d'après « Le Nouvelliste » du 16 juillet, ce qui suit;
« Le bill sur l'attribution de prêts aux étudiants constitue
une intrusion flagrante du gouvernement fédéral dans divers
domaines du ressort provincial. Voilà ce qu'a déclaré hier
après-midi aux Communes, M. Rémi Paul député
conservateur de Berthier-Maskinongé de la Naudière. Il s'est
surtout scandalisé de l'article 15 du bill qui assimile les mineurs aux
majeurs.
On lit à cet article « Un prêt d'étude
consenti par une banque à un emprunteur mineur ainsi que
l'intérêt sur ce prêt, sauf l'intérêt payable
selon l'article 6, peuvent être recouvrés par une banque de
l'emprunteur comme si ce dernier avait été majeur à la
date où le prêt a été consenti. Me Paul
s'élève contre le fait que le gouvernement d'Ottawa avec la
permission, la tolérance, même l'aide du premier ministre de la
province de Québec qui l'a fait élire, entre dans un domaine qui
relève évidemment du droit civil de la province de
Québec.
M. LESAGE: Pas dans le Québec. L'article 15 ne s'applique pas
dans le Québec.
M. JOHNSON: Qu'arrive-t-il, M. le Président, lorsqu'un
étudiant qui ne serait pas majeur serait poursuivi devant nos tribunaux,
demande M. Paul. Il n'y a qu'un seul moyen pour faire rejeter l'action,
l'exception à la forme. Quelle décision devra prendre le
président du tribunal à ce moment-là? Quelle obligation
légale cette mesure impose-t-elle à l'avocat? Ce dernier devra
plaider la non-constitutionnalité de la loi, vu que le droit civil
relève exclusivement des provinces. Et M. Paul s'élève
aussi contre un autre article qui est l'article 13 qui concerne la cession de
transfert des accords entre les emprunteurs et les banques, article
évidemment, qui enfreint encore la juridiction de la province dans le
domaine du droit civil.
M. LESAGE: J'ai lu le télégramme que j'ai envoyé
à M. Gordon.
M. JOHNSON: M. le Président, à ce moment-là, la
province ne le savait pas. Nous venons de l'apprendre. Le premier ministre a
bien voulu se prévaloir.
M. LESAGE: M. le Président, la province ne le savait pas.
M. JOHNSON: L'article 30?
M. LESAGE: C'était dans le mémoire du 31 mars, bien plus
que ça.
M. JOHNSON: Ah c'était bien clair le mémoire du 31
mars!
M. LESAGE: Je les ai menacés de poursuite devant les tribunaux
s'ils essayaient d'apporter cette loi-là dans la province de
Québec. C'est le 1er ou le 2 avril, voyons donc!
M. JOHNSON: Est-ce que le premier ministre trouve ça
agréable d'être obligé de menacer Ottawa de poursuite s'il
ne s'occupe de ses affaires? Est-ce qu'il n'est pas fatigué d'avoir ce
fédéralisme coopératif sur le dos?
M. LESAGE: Ce n'est pas ça le fédéralisme
coopératif.
M. JOHNSON: Non, c'est quoi? On en a pas eu d'exemples encore, M. le
Président. Dans chaque domaine le fédéral est entré
et ensuite a reculé.
M. LESAGE: Un instant là. Le chef de l'Opposition a dit il y a
quelques minutes que j'avais consenti à l'intrusion du
fédéral dans le domaine de l'éducation. Il a dit
ça. Or, c'est exactement le contraire qui s'est produit. Il me semble
que je l'ai prouvé assez. Je ne suis pas pour me répéter
cent fois. Cela ne s'applique pas dans le Québec.
Dans le domaine de l'éducation, on est obligé, nous, de
supplier Ottawa et les autres provinces de respecter nos droits. Ce n'est pas
ça que j'ai fait. Je n'ai pas supplié. J'ai dit: « Vous ne
passerez pas! » Il y a une jolie différence. Je n'ai pas
supplié. J'ai dit; « Vous ne passerez pas! » Simplement,
vous allez nous rendre justice par exemple. Si les autres provinces sont
prêtes à accepter ça, eh bien, vous allez nous donner
l'équivalence fiscale ou financière! » C'est ça que
j'ai dit.
M. BERTRAND (Missisquoi): Mais même là, ce n'est pas
normal.
M. LESAGE: Mais non, c'est ce que j'ai expliqué longuement cet
après-midi.
M. BERTRAND (Missisquoi); Bien oui.
M. LESAGE: C'est là que j'ai dit, en 1960, que l'entente
Diefenbaker-Sauvé était ce qu'il y avait de mieux à ce
moment-là dans les circonstances, dans l'immédiat, mais que
ça ne peut pas être une solution permanente. Je l'ai dit, je l'ai
répété je ne sais combien de fois cet après-midi,
alors que le chef de l'Opposition essayait de me mettre en contradiction avec
moi-même. Cela ne peut pas être une solution permanente, et c'est
là-dessus que nous travaillons actuellement. Je vous avoue que j'y perds
ce qui me reste de latin.
M. JOHNSON: M. le Président, s'il lui restait un peu de latin au
premier ministre, je voudrais lui montrer ce qu'il a obtenu comme compensation
fiscale ou financière pour tolérer, disons, qu'Ottawa reste dans
le domaine de l'éducation.
M. LESAGE: Mais non.
M. JOHNSON: Admis, le premier ministre a donné l'avis: ça
ne s'appliquera pas à Québec.
M. LESAGE: Je ne peux pas parler au nom des premiers ministres des
autres provinces, voyons!
M. JOHNSON: Pas encore en tout cas, mais,
après la conférence interprovinciale des premiers
ministres des provinces, peut-être que le premier ministre aura une
déclaration à faire dans d'autres domaines au nom des premiers
ministres des autres provinces et du sien évidemment, mais...
M. LESAGE: Ce n'est pas moi qui suis le président de la
conférence, cette année. C'est M. Manning.
M. JOHNSON: M. le Président, le bill prévoit une clause
pour satisfaire le premier ministre de la province de Québec.
Je me permets de lire cet article mot à mot, avec la ponctuation,
pour qu'il soit plus clair.
M. LESAGE: C'est 12?
M. JOHNSON: Paragraphe 1. « Lorsque le gouvernement d'une province
a, avant le commencement de toute année de prêts ou, dans le cas
de l'année de prêts commençant en 1964, le ou avant le 30e
jour qui suit la sanction de la présente loi, fait savoir au ministre
qu'un régime provincial de prêts aux étudiants sera en
vigueur dans cette province pendant ladite année de prêts et
qu'aucune autorité compétente dans cette province ne sera
désignée pour l'année de prêts en question aux fins
de la présente loi, le ministre doit payer la province dans un
délai d'au plus six mois après l'expiration de cette année
de prêts, un montant de remplacement calculé comme le
prévoit le paragraphe 2. Paragraphe 2. « Un montant de
remplacement, attribué à une province pour toute année de
prêts, est le montant déterminé par le ministre
après consultation avec le statisticien fédéral obtenu: a)
en multipliant: i) l'ensemble des montants que le ministre a, dans cette
année de prêts, payé aux banques conformément
auxarticles 6, 7, 8 et 9 à l'égard des prêts d'étude
garantis, consentis en considération des certificats
d'admissibilité qu'ont délivrés ou fait délivrer
les autorités compétentes dans les provinces qui ont
délivré ou fait délivrer les dits certificats dans cette
année de prêts, moins tous les montants perçus par Sa
Majesté, ou pour son compte, au cours de cette même année
à l'égard des dits prêts par: ii) le quotient qui
résulte de la division (A) du nombre estimatif de personnes de cette
province qui, le premier jour de cette année de prêts, sont
âgées d'au moins 18 ans et de moins de 25 ans, par (B) le nombre
estimatif de personnes des provinces dans lesquelles les autorités
compétentes ont délivré ou fait délivrer des
certificats d'admissibilité au cours de cette année de
prêts, qui, le premier jour de cette année de prêts, sont
âgées d'au moins 18 ans et de moins de 25 ans; et b) en
soustrayant du produit obtenu, conformément à l'alinéa, le
montant éventuel payé aux banques par le ministre pendant cette
année de prêts, en vertu des articles 6, 7, 8 et 9, relativement
aux prêts d'études garantis attribués en conformité
des certificats d'admissibilité qu'a délivrés ou fait
délivrer l'autorité compétente dans cette province, au
cours des années de prêts antérieures, moins le montant
éventuel perçu par Sa Majesté, ou pour son compte, pendant
ladite année de prêts à l'égard de ces prêts.
» M. le Président, s'il est un membre dans cette Chambre, y
compris vous, qui peut se lever et m'expliquer ça en termes vulgaires,
très clairs et rapidement, je le décore de la médaille du
fédéralisme coopératif.
M. BERTRAND (Missisquoi): Cela en est, ça.
M. JOHNSON: Cela en est, ça, M. le Président.
M. LESAGE: Je pourrais l'expliquer mais je ne veux pas être
décoré de la médaille du fédéralisme
coopératif dans le sens que vous l'entendez.
M. JOHNSON: Au premier ministre on donnera le collier de Commandeur du
fédéralisme coopératif.
En somme c'est clair, M. le Président, c'est qu'au lieu d'un
abattement fiscal, on a un paiement de remplacement.
M. LESAGE: Bien oui, je l'ai dit pourquoi.
M. JOHNSON: On est rendu à un paiement de remplacement
paraît-il parce que l'abattement fiscal, la compensation fiscale serait
trop minime pour être réellement...
M. LESAGE: Oui, mais ce qu'on travaille actuellement
évidemment...
M. JOHNSON: Si le premier ministre veut nous expliquer ça
clairement.
M. LESAGE: Non, mais si les discussions en cours actuellement entre M.
Morin et les hauts officiers, c'est justement de prendre une série de
programmes qui, pris séparément, ne constitue qu'une fraction de
1% si vous voulez de l'impôt sur le revenu des particuliers, puis de les
grouper pour en arriver à établir l'équivalence fiscale au
lieu de l'équivalence financière. Et je prétends qu'on
reste chez nous, qu'on est maître chez nous et puis on reçoit
comme compensation financière parce que la compensation fiscale ne peut
s'établir seulement sur ce sujet-là. On s'attent à
$400,000 pour l'année prochaine, c'est 1/8 de 1%. Voyez-vous les gens
qui font leur rapport d'impôt commencer à jouer dans les
huitièmes de 1% d'impôt, je vous dis qu'on se ferait joliment
critiquer nous-mêmes en Chambre si on jouait ce jeu-là. Il faut
attendre qu'à la suite des conversations de M. Morin avec les hauts
officiers, conversations qui seront suivies au niveau ministériel, que
nous ayons groupé assez de petits programmes qui valent moins de 1% pour
en arriver à faire 1%.
D'ailleurs je recite au chef de l'Opposition le dernier paragraphe du
télégramme que j'ai envoyé à M. Gordon vendredi en
lui faisant mes commentaires sur le bill C-110: « Comme le montant en
cause ne représente une somme très inférieure au rendement
de un point de l'impôt sur le revenu des particuliers, nous accepterons
pour le moment le versement d'une équivalence financière quitte
à ce que l'application de l'équivalence dans le cas des
programmes fédéraux auxquels le Québec jugera à
propos de ne pas participer soit discutée dès que le
comité du régime fiscal commencera ses travaux. » Bon.
M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre trouve-t-il
normal qu'Ottawa utilise le crédit de sa juridiction sur les banques? La
Banque, la Constitution et l'émission du papier monnaie, dit le sous
paragraphe 13 de l'article 91. Est-il normal qu'Ottawa utilise ainsi une
institution qui doit servir tout le Canada pour s'acquitter d'une
compétence qui ne lui revient pas et qui revient aux provinces? Je
comprends que ce n'est peut-être pas fatal à ce moment-ci, il ne
s'agit pas d'un très gros montant la première année, c'est
$40,000,000 le total des prêts, si j'ai bien compris, autorisés
pour tout le Canada.
M. LESAGE: Oui, puis c'est l'intérêt.
M. JOHNSON: Et Ottawa ne paie que l'intérêt.
M. LESAGE: Bien oui.
M. JOHNSON: Mais petit à petit Ottawa va établir un
« pattern » avec les banques, c'est Ottawa qui a juridiction en
matière de crédit, de monnaie, et d'émission de papier
monnaie.
M. LESAGE: Je ne l'admets pas pour le Québec.
M. JOHNSON: Oui, je comprends.
M. LESAGE: Je l'ai lu tantôt ce que j'ai dit, dès le 31
mars, qu'on pourrait essayer de se servir de ça comme excuse, mais que
je ne l'admettais pas.
M. JOHNSON: Très bien. M. LESAGE: Je l'ai dit ça.
M. JOHNSON: J'ai compris, mais est-il normal qu'Ottawa, non pas pour la
province de Québec, mais pour tout le reste du Canada, se serve de cette
juridiction-là? Franchement l'attitude d'Ottawa, on va se parler...
M. LESAGE: Faites dire çapar votre député
fédéral lors de l'étude du bill C-110.
M. JOHNSON: On va se parler, M. le Président, comme s'il n'y
avait pas de journaux. Franchement, le premier ministre doit admettre avec moi
qu'Ottawa fait exprès pour pousser Québec vers l'isolationnisme.
Même en matière de crédit, Ottawa en utilisant pour des
fins de juridiction provinciale sa juridiction incontestée en
matière de crédit, d'émission de monnaie et de banque, va
finir par se faire jouer un mauvais tour. Ottawa vient de rendre plausible les
exigences de tout un groupe qui voudrait que la province ait un mot à
dire dans le crédit. Qu'Ottawa soit consulté, que les provinces
soient consultées. M. le Président, on sait ce que nous pensons
de la Banque du Canada et de la participation que les provinces devraient avoir
dans l'administration de la Banque du Canada, je n'y reviendrai pas, mais je
trouve qu'Ottawa une fois de plus joue avec le feu! Le premier ministre a
raison, il faudrait peut-être dire ça à Ottawa, je n'ai pas
de chance de leur dire autrement qu'ici, je n'assiste pas aux
conférences, M. le Président...
M. LESAGE: Une chance! M. JOHNSON: Pardon?
M. LESAGE: Vous pouvez envoyer une lettre.
M. JOHNSON: Pensez-vous qu'elle serait lue. Cela a pris un mois à
M. Pearson avant d'admettre qu'il avait reçu une lettre du premier
ministre de Québec quand il s'est agi des prêts aux
municipalités. Vous pensez qu'il va avoir le temps de lire la
mienne.
M. LAVOIE (Laval): Envoyez-la àvotre collègue, le chef de
l'Opposition à Ottawa!
M. JOHNSON: Mon collègue? Ah! j'ai un député
fédéral, et il prend ses responsabilités.
M. BELLEMARE: On n'a pas besoin de deux congrès par année
pour se séparer.
M. JOHNSON: Comme dit le député de Champlain, nous n'avons
pas besoin de deux congrès par année pour dire qu'on se
sépare. On n'a jamais été uni.
M. BELLEMARE: Deux congrès par année pour se
séparer,
M. JOHNSON: Et puis on n'est pas encore sûr qu'ils sont
séparés. M. le Président, ce qu'il faut, à
l'occasion de ce bill C-110 et de ses implications dans le domaine provincial,
faire savoir à Ottawa, c'est qu'avant la lettre d'une nouvelle
constitution on est en train d'agir, dans le reste du Canada, et ça se
comprend comme si le reste du Canada formait une nation, c'est vrai! Moi, je
trouve que ce n'est pas nécessairement mauvais que les gens de
Nouvelle-Ecosse et de Colombie-britannique veuillent laisser à Ottawa la
juridiction de plus en plus grande dans tous les domaines: si on veut avoir un
Canada anglais fort, il va falloir qu'il y ait un gouvernement central assez
fort, sauf à respecter, évidemment, une certaine
décentralisation dans l'administration. Mais il faudra qu'Ottawa
comprenne que le pendant de ça, c'est une nation Canadienne
française égale, donc une nouvelle constitution à base
binationale.
M. LESAGE: Vous n'avez pas compris que tout ce problème-là
faisait l'objet de la discussion d'un comité de la Chambre qui
siège.
M. JOHNSON: Oui, M. le Président...
M. LESAGE: Oui. Eh bien! alors...
M. JOHNSON: ... il faudrait, ce qui ne nous empêchera pas, je
pense bien, même en vertu du règlement d'en parler ici.
M. LESAGE: Je ne veux certainement pas empêcher le chef de
l'Opposition de dire ce qu'il a à dire, mais tout de même, il y a
des choses qui se discutent au comité de la constitution, comité
dont je ne fais pas partie.
M. JOHNSON: M. le Président, je voudrais, sans élever la
voix trop souvent, on s'imagine qu'il faut élever la voix pour faire
passer ses convictions, je n'essaie pas d'influencer,..
M. LESAGE: Cela vous arrive!
M. JOHNSON: Oui, mais à un moment donné on se
laisse...
M. BELLEMARE: Il n'est pas tout seul. M. LESAGE: Ah! non, Ah! Seigneur,
non. M. JOHNSON: ... emporter, mais...
M. LESAGE: Le député de Champlain et moi, mon doux!
M. JOHNSON: ... je dis sérieusement, pour terminer quant à
moi, en tout cas, mes remarques...
M. LESAGE: On peut élever la voix sans s'emporter.
M. JOHNSON: ... sur ces bills 108, 110 et 111, je dis
sérieusement que le fédéralisme-coopératif est
d'abord le tombeau des droits du Québec à plus ou moins courte
échéance; deuxièmement, le
fédéralisme-coopératif, tel que pratiqué par M.
Pearson et M. Lamontagne est en train de pousser la jeunesse canadienne
française plus rapidement vers le séparatisme que n'importe quel
autre facteur. Troisièmement, la conséquence logique des
attitudes récentes d'Ottawa dans divers domaines, ça serait de
reconnaître le plus tôt possible la nécessité d'une
nouvelle constitution prévoyant deux nations égales,
coopérant ensemble dans les choses où elles peuvent
coopérer, une constitution qui prévoierait qu'on sépare ce
qui doit être séparé, pour mieux unir ce qui doit
être uni.
Je ne prêche pas le séparatisme mais je n'ignore pas le
sens de l'histoire, et je m'empresse de distribuer certaines
responsabilités à un homme qui a été élu
avec le concours du premier ministre de la province de Québec. M. le
Président, si le premier ministre actuel
de la province de Québec veut réparer le plus rapidement
possible le tort que nous a causé l'ancien ministre du Nord à
Ottawa, l'Union nationale, même si elle lui rappellera qu'il a
changé d'idée, l'appuiera n'importe quand.
M. LESAGE: Alors, article 1.
M. LE PRESIDENT: Administration: $77,000
M. JOHNSON: On a un sous-ministre aux Affaires
fédérales-provinciales?
M. LESAGE: Oui.
M. JOHNSON: Est-ce toujours M. Claude Morin? Je crains, M. le
Président, qu'Ottawa...
M. LESAGE: Voulez-vous que je vous donne le détail?
M. JOHNSON: ... ne vienne le chercher. M. LESAGE: Ah! non.
M. JOHNSON: Il passe beaucoup de temps dans la capitale
fédérale.
M. LESAGE: Oui, quand il va dans la capitale fédérale, eh
bien! c'est pour, justement, tenter d'y faire triompher, dans le pratique, les
opinions que nous exprimons ici à la Chambre.
M. JOHNSON: Quels sont les autres fonctionnaires?
M. LESAGE: Il y a le sous-ministre, M. Claude Morin. Il y a ce
conseiller juridique dont je parlais tout à l'heure qui est docteur en
droit constitutionnel de l'université de Londres, Me Louis Bernard. Il y
a un conseiller technique, Mlle Mercedes Chartier, qui est
diplômée en sciences politiques de Laval, et diplômée
également du « London School of Economics ». Il y a trois
économistes, MM. Denis Bédard, Marcel Gilbert et Gilles Bouchard;
un mécanographe dont j'ignore le nom, deux secrétaires dont
j'ignore le nom, et un messager dont j'ignore le nom.
M. BERTRAND (Missisquoi): Henri St-Hilaire?
M. LESAGE: Pardon? Bien évidemment ça, c'est que le
ministère des Affaires fédérales-provinciales collabore
constamment avec les autres ministères. On s'imagine bien que lorsqu'il
s'agit de questions de santé, on n'est pas pour engager un
spécialiste à la santé du ministère des Affaires
fédérales-provinciales. Ce sont les officiers du ministère
des Affaires fédérales-provinciales qui font appel aux services
des officiers du ministère de la Santé. C'est la même chose
pour tous les ministères. C'est dire qu'on ne peut pas s'attendre
à ce qu'il soit nécessaire d'avoir à l'intérieur du
ministère des Affaires fédérales-provinciales un
très grand nombre de fonctionnaires. Ce qui est important c'est d'avoir
une équipe professionnelle bien intégrée.
M. LE PRESIDENT: Article 1, adopté. Article 2: « Honoraires
»?
M. BELLEMARE: M. le Président, à « Honoraires
» j'ai été surpris de voir, dans les comptes publics de
l'année, une somme de $10,036.15 pour M. Pigeon.
M. LESAGE: Bien oui, certainement.
M. BELLEMARE: Est-ce que c'est à part des honoraires qu'il touche
comme conseiller juridique du premier ministre, ou si ça fait partie de
l'ensemble du $60,000 qu'il retire?
M. LESAGE: Voici, non c'était avant qu'il y ait un conseiller
juridique, n'est-ce pas? Lorsque M. Pigeon travaille avec M. Morin et mol
à la préparation des conférences
fédérales-provinciales ou des conférences
interprovinciales, évidemment son compte est chargé au
ministère des Affaires fédérales-provinciales.
M. BELLEMARE: Oui, mais $10,000?
M. LESAGE: Bien oui. On a eu combien de conférences?
M. BELLEMARE: Pour un an?
M. LESAGE: Oui, mais c'est l'autre année avant ça.
M. BELLEMARE: 1963, finissant le 31 mars..,
M. LESAGE: Oui, c'est 1962-1963. M. LE PRESIDENT: C'est 1962-1963.
M. LESAGE: Et M. Morin n'y était même pas. Je n'avais pas
de sous-ministre...
M. BELLEMARE: M. Morin est arrivé à quelle date?
M. LESAGE: Le 17 juin 1963, après l'expiration de l'année
fiscale 1962-1963. Et mon consultant en affaires
fédérales-provinciales, c'était M. Pigeon.
M. BELLEMARE: C'est-à-dire que dans les comptes publics qui vont
arriver, finissant le 31 mars 1964, il y aura encore un montant de $10,000 ou
$12,000?...
M. LESAGE: Ah, je ne peux pas vous dire le montant.
M. BELLEMARE: Mais un montant pour M. Pigeon?
M. LESAGE: Je ne sais pas de quel montant il sera. Je vous garantis que
je signe de temps à autre des approbations de comptes de M. Pigeon pour
du travail que je sais qu'il a fait dans le domaine des affaires
fédérales-provinciales. Ses comptes sont toujours très
bien détaillés d'ailleurs. Je pense qu'il est assez connu pour
qu'on sache qu'il travaille fort, qu'il travaille tard, qu'il travaille bien,
et qu'il travaille vite.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 3: « Dépenses
diverses et imprévues », $3,000, adopté? Adopté.
M. LESAGE: Le supplémentaire, à moins qu'il y ait des
questions à poser.
M. JOHNSON: Qu'est-ce qu'il y a au supplémentaire?
M. BELLEMARE: $17,000.
M. LESAGE: Non, ç'avait été réservé.
C'est parce qu'il y a eu augmentation du personnel. Et puis j'ai
expliqué...
M. BELLEMARE: M. Louis Lessard?
M. LESAGE: Non, je l'ai dit l'autre jour lors de l'étude du
budget supplémentaire, le $5,000 d'honoraires c'est pour le bureau de M.
Castonguay, qui est allé avec M. Morin comme consultant sur les caisses
de retraite etc...
M. BEDARD (président du comité des subsides):
Adopté.
M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le
comité a adopté des résolutions et qu'il demande la
permission de siéger à nouveau.
M. HYDE (président): Quand siégera-t-il? A la prochaine
séance? A la même séance?
M. LESAGE: A la prochaine séance.
M. LE PRESIDENT: A la prochaine séance.
M. LESAGE: Est-ce le comité des subsides?
M. LE PRESIDENT: Comité des subsides. M. LESAGE: A la prochaine
séance.
M. LE PRESIDENT: M. Lesage propose que les résolutions soient
maintenant lues et agréées. Cette motion sera-t-elle
adoptée? Adoptée.
M. LESAGE: No 35.
M. LE PRESIDENT: La Chambre se forme de nouveau en comité
plénier sur le bill 54.
M. BEDARD (président du comité plénier): Bill 54,
article 21. Est-ce qu'il y a des commentaires?
M. JOHNSON: Un instant!
M. BELLEMARE: L'accréditation, c'est tout le chapitre?
M. LE PRESIDENT: Oui.
M. JOHNSON: Très bien, nous sommes prêts. 21.
M. FORTIN: Très bien?
M. JOHNSON: Une seconde. 21, adopté.
M. LE PRESIDENT: Article 21, adopté. 22.
M. JOHNSON: 22, 23, 24, il n'y a aucun changement?
M. BELLEMARE: A 24, j'aurais juste une remarque...
M. LE PRESIDENT: Article 22 adopté? 23 adopté? Article
24.
M. BELLEMARE: A 24, M. le Président, on a fait remarquer, lors de
l'étude du comité des relations industrielles, qu'on devrait bien
ajouter, à la fin de l'article 24, puisqu'il est question dans ce
chapitre de l'accréditation,
que c'est toujours une association accréditée parce que si
on regarde la définition des termes au début, il n'y a pas
d'association réellement. Il y a l'association de salariés,
l'association accréditée, l'association reconnue et l'association
d'employeurs. Mais le mot « association » lui-même n'est pas
défini au début. Cela peut porter un peu à des
conflits.
Pour les fins du présent article, comme il est question de
l'accréditation, là, la Commission « s'assure du
caractère représentatif » pour l'accréditation.
« Pour les fins du présent article, la Commission peut
établir par règlement des conditions auxquelles un salarié
peut être reconnu membre », puisque, actuellement, on peut faire
une convention collective pour un seul membre, alors il est ici défini
que la Commission peut établir les conditions par règlement
« les conditions auxquelles un salarié peut être reconnu
membre d'une association ». Mais il faut que cela soit absolument une
association accréditée.
M. FORTIN: Alors vous voudriez qu'on change le mot « reconnu
» par « accrédité »?
M. BELLEMARE: Non, non, comme le dit, le début, là «
Association accréditée reconnue par décision de la
Commission comme représentant l'ensemble d'un groupe, les
salariés d'un employeur. » Maintenant qu'on a accepté un
employé comme faisant partie d'un groupe, il faudrait que ce soit une
association accréditée.
M. FORTIN: Oui, on n'a pas besoin de mettre le mot «
accrédité » parce que seules les associations
accréditées vont devant la Commission des relations
ouvrières. Les associations reconnues ne vont pas devant la Commission
des relations de travail.
UNE VOIX: C'est ça.
M. FORTIN: Elles sont reconnues par l'employeur, s'il le veut bien.
Alors, ce serait surcharger le texte pour rien. Il n'y a aucun danger de
confusion.
M. BELLEMARE: Mais c'est là que vous allez avoir le conflit entre
les associations reconnues pour un membre et l'association
accréditée dont il est question dans ce chapitre-là. C'est
l'accréditation d'un bout à l'autre.
M. FORTIN: Si l'employeur veut reconnaf-tre une association qui sera une
association reconnue pour négocier pour une seule personne, il peut le
faire. C'est libre, c'est laissé à la libre volonté des
parties.
Mais ici nous sommes dans le domaine des associations
accréditées, alors, qu'on commence le chapitre avec le mot
« accréditation » par le fait même, tout le chapitre
s'applique aux associations accréditées.
M. BELLEMARE: Oui, mais c'est le seul endroit dans tout ce chapitre
où le mot association est laissé seul, ou on n'ajoute pas «
l'association accréditée », c'est le seul, dans tous les
articles de la loi. C'est pour ça que je dis que là, le ministre
devrait accepter...
M. FORTIN: Bien non, prenez l'article 23, la requête doit
être accompagnée d'une copie certifiée de la constitution
et des règlements de l'association. Le mot accrédité n'est
pas là. Regardez à trois, quatre autres articles, le mot
accrédité n'est pas là du tout du tout.
M. BELLEMARE: Ce n'est pas le même sens.
M. FORTIN: Ce serait surcharger le texte pour rien.
M. LE PRESIDENT: Adopté, Article 25?
M. MAJEAU: M. le Président, à l'article 25, à la
troisième ligne, le mot « opportun » est traduit, dans le
texte anglais, par le mot « expedient ». Le mot « opportun
», évidemment, réfère à quelque chose qui
vient à propos, selon le temps et le lieu, alors que, à mon sens,
le mot « expedient »peut facilement signifier qu'il s'agit de
recherche de gains pécuniaires. Alors, je soumets que le mot «
expedient » devrait être remplacé par le mot «
convenient » dans la troisième ligne du texte anglais.
M. FORTIN: D'après ceux qui ont traduit le texte, le sens qu'il
faut donner, lorsqu'ils le jugent opportun, c'est lorsque la Commission
n'étant pas satisfaite des renseignements qu'elle a eus, trouve qu'il
serait préférable d'elle-même, de son propre chef, de faire
d'autres enquêtes, alors, c'est à ce moment-là, lorsqu'elle
le juge opportun, on dit qu'il faut traduire par « expedient ».
Maintenant, moi, je ne suis pas un spécialiste en langue anglaise, mais
il me semble...
M. MAJEAU: Moi non plus, mais il me semble que le mot « convenient
» traduirait mieux le sens d'opportun.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 26? Adopté. Article
27?
M. FORTIN: Cela c'est du droit nouveau là 27?
M. LE PRESIDENT: 27 adopté. Article 28?
M. BELLEMARE: M. le Président, là, il y a le mot d'
« un groupe distinct » et, pour la concordance, l'A.P.L avait
demandé au comité que ça soit un « groupe
approprié » au lieu de « distinct », soit le «
groupe approprié », et en dernier là, il est
spécifié; «une copie de cette décision doit
être transmise à l'employeur, » et il avait
été demandé aussi « qu'une copie et à son
association accréditée ». Alors, je crois que ça ne
serait pas un travail extraordinaire, mais qui rendrait
énormément de services à l'association si elle recevait
une copie, après enquête; « la Commission juge que
l'association requérante représente la majorité de
l'ensemble ou d'un groupe distinct des salariés de l'employeur
visés par la requête, et elle accorde l'accréditation.
» Et il est dit, « une copie de cette décision doit
être transmise à l'employeur » et on ajoute et «
à son association accréditée. »
M. FORTIN: M. le Président, nécessairement l'association
qui fait la requête reçoit toujour de la Commission, la
décision, alors que l'employeur souvent n'intervient pas, ou même
s'il intervient, il n'est pas...
M. BELLEMARE: Le ministre me dit que l'association
accréditée reçoit toujours de la commission...
M. FORTIN: Bien ils reçoivent toujours, ils savent, ils sont
avertis de la décision...
M. BELLEMARE: Ils savent, ils savent par d'autres moyens, mais pas
officiellement de la Commission. La Commission des relations du travail rend un
jugement accorde l'accréditation.
M. FORTIN: L'obligation ici d'envoyer une copie à l'employeur,
c'est pour les employeurs qui ne comparaissent pas, ou ne font pas d'objection
à la Commission; mais du moment que l'employeur est partie,
automatiquement, il reçoit une copie. D'abord, lisez l'article 29,
« la Commission émet en même temps, en faveur de
l'association accréditée, un certificat mentionnant le groupe
spécifié dans sa décision. Ce certificat fait foi du
caractère représentatif de l'association tant qu'il n'est pas
révoqué ou annulé ». La Commission émet un
certificat, lorsqu'elle émet un certificat, il faut évidemment
qu'elle l'envoie à l'association. Cela, c'est simplement pour couvrir le
cas de l'employeur qui n'est pas partie aux procédures.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 29...
M. BELLEMARE: II n'y aura pas beaucoup moyen d'intervenir, le ministre
n'accorde rien.
M. LE PRESIDENT: 29 adopté.
M. FORTIN: C'est parce que le texte est bien fait.
M. BELLEMARE: Bien oui, ah oui, j'ai des petites nouvelles pour
vous.
M. LE PRESIDENT: 29 adopté. Article 30.
M. BELLEMARE: Encore la même remarque à la 4e ligne
là. 30 là, « La Commission peut décider si une
personne est un salarié ou un membre d'une association
accréditée, ou est reconnue, » mais qu'est-ce que vous
mettez? Vous ne le mettez pas. Je comprends que c'est le chapitre des
associations reconnues, accréditées, mais là on ne dit pas
« si elle est comprise dans l'unité de négociation, et
toutes autres questions relatives à l'accréditation.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 31? Adopté. Article
32?
M. BELLEMARE: Article 32.
M. LE PRESIDENT: Article 33? Adopté. Article 34? Adopté.
Article 35?
M. BELLEMARE: Bon, ça c'est l'accréditation...
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 36? Adopté. Article
37?
M. BELLEMARE: Une minute, on ne fournit pas. 36 là. Le ministre,
dans l'article 36, a reçu une requête de l'API, n'est-ce pas?
L'aliénation à la concession.
M. FORTIN: Oui.
M. BELLEMARE: C'est la traduction.
M. FORTIN: Oui, voici, c'est qu'à l'heure actuelle il y a deux
causes pendantes devant la Commission des relations ouvrières sur
l'interprétation de l'article 36.
M. BELLEMARE: Oui.
M. FORTIN: Le jugement n'est pas encore sorti, et nous attendons de voir
quelle sera l'interprétation que la Commission va donner à ce
sujet-là. C'est la première fois que l'article 36, qui est la
reproduction de l'ancien article 10 A), fait l'objet d'une cause davant la
Commission des relations ouvrières. Or, nous ne voulons rien toucher
à cet article tant que le jugement ne sera pas rendu, et on verra quelle
sera la décision de la Commission. Actuellement, il y a deux
théories qui sont présentées devant la Commission des
relations du travail, les uns disent que cet article empêche tout
sous-contrat quelconque, et l'autre théorie dit non, c'est seulement si
l'employeur est de mauvaise foi et qu'il donne un sous-contrat pour se
débarrasser d'une union. Alors on attend la décision de la
Commission et nous croyons sage de ne pas intervenir pour l'instant.
M. BELLEMARE: Cela, c'est à l'occasion de la transmission de
pouvoir ou la succession dans les usines?
M. FORTIN: C'est lorsqu'un employeur, par exemple, décide de
confier par sous-contrat, à un prix à forfait, à un autre
employeur, une partie du travail, qui, jusqu'alors, était fait par ses
propres employés. Exemple: une compagnie a des camions pour faire le
transport de ses marchandises. Elle décide de vendre ses camions, de
congédier ses employés, et de faire faire son transport par une
compagnie indépendante. Elle va donner un sous-contrat pour tout le
transport de ses marchandises. Alors, il s'agit de savoir, si en vertu de
l'article 36, la compagnie a le droit de le faire, si elle est de bonne foi,
elle fait ça...
M. BELLEMARE: Cela, c'est pour les sous-contrats. Mais la
deuxième partie de l'article, c'est en vertu du changement juridique
quand il y a une succession ou une transmission de pouvoir.
M. FORTIN: C'est ça. Les deux paragraphes vont ensemble.
M. BELLEMARE: Oui mais ça c'est l'article, l'ancien nous dit
ça.
M. FORTIN: C'est le même principe qui s'applique.
M. BELLEMARE: C'est ça qui est « sub judice »?
M. FORTIN: Le premier paragraphe.
M. BELLEMARE: Le premier paragraphe pour le sous-contrat.
M. LE PRESIDENT: Adopté, article 37?
M. BELLEMARE: C'est la retenue syndicale.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 38?
M. FORTIN: A 38, M. le Président, il y aurait une correction
à faire, il faudrait mettre à la troisième ligne
après « révocation donnée », il faudrait
enlever la virgule après le mot « donnée » et
reporter cette virgule-là après « par tout salarié
».
M. BELLEMARE: C'est la formule reine. L'artillerie syndicale
obligatoire.
M. MAJEAU: Est-ce qu'on ne devrait pas, dans l'article 38, M. le
Président, préciser qu'il s'agit bien de cotisation syndicale? On
parle de cotisation, est-ce que ça ne peut pas amener de
l'ambiguïté? Est-ce qu'on ne devrait pas dire spécifiquement
comme cotisation syndicale?
M. FORTIN: C'est parce que le mot « syndicale » s'applique
aux unions qui sont incorporées suivant la loi des syndicats
professionnels, mais les autres unions par exemple, elles appellent ça
la cotisation d'union, le mot « syndicale » limiterait simplement
aux corporations, c'est-à-dire aux syndicats incorporés suivant
la loi des syndicats professionnels.
M. MAJEAU: Si on laisse le mot « cotisation » tout
simplement comme ça, est-ce que ça ne peut pas s'appliquer
à d'autres cotisations que les cotisations syndicales?
M. FORTIN: Non, c'est un terme reconnu parmi les gens du
métier.
M. MAJEAU: C'est reconnu?
M. BELLEMARE: Mais M. le Président, le ministre ne trouve pas
qu'il y a un danger dans le dernier paragraphe « S'il reçoit une
révocation, » la période précise de la
révocabilité n'est définie nulle part. Elle commence
quand, et elle finit quand?
M. FORTIN: En tout temps. L'employé...
M. BELLEMARE: D'ailleurs ce n'est pas défini dans l'existence
d'une convention collective, il faudrait que ce soit défini
là.
M. BELLEMARE: Mais dans l'article lui-même qui fait la loi, la
révocabilité n'est pas définie nulle part, l'employeur
peut recevoir une révocation, et puis il doit en remettre une copie
à l'association.
M. FORTIN: En tout temps, l'employé...
M. BELLEMARE: Mais la révocabilité n'est pas
définie.
M. FORTIN: Bien, ça ne se définit pas, la
révocabilité c'est un mot français qui veut dire: je
révoque. On le retrouve dans le...
M. BELLEMARE: Mais quand et comment, dans quelle occasion?
M. FORTIN: L'employé est libre de révoquer le mandat qu'il
a donné à l'employeur de retenir sur sa paie, cette cotisation,
il peut révoquer ça, n'importe quel temps.
M. BELLEMARE: Je comprends, c'était pas un débat
ça.
M. LE PRESIDENT: Adopté. L'article 39.
M. BELLEMARE: 39, une minute. 39, ça c'est une association...
Vous auriez bien pu ajouter aussi: au point de vue financier.
Le ministre n'y a pas pensé?
M. LE PRESIDENT: Adopté.
M. BELLEMARE: Une minute, pardon?
M. FORTIN: Voyons.
M. BELLEMARE: Cela n'aurait pas été mal.
M. FORTIN: Pardon?
M. BELLEMARE: Cela n'auraitpas été mal.
M. FORTIN: La Commission n'ira pas s'immiscer dans les finances des
associations.
M. BELLEMARE: Il est bon!
M. FORTIN: Tout ce que nous avons besoin de savoir dans le
règlement, c'est si leurs règlements sont conformes à la
loi et aux règle- ments de la Commission des relations de travail. Mais
demander aux associations de nous envoyer le rapport financier, de quel droit,
de quel droit la Commission des relations de travail va aller s'immiscer dans
le finances des associations.
M. BELLEMARE: Comme ça se fait ailleurs.
M. FORTIN: Eh bien, ça dépend des endroits où on
respecte le plus les principes de la démocratie.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 40.
M. BELLEMARE: Bon, ça c'est les conventions...
Les associations accréditées, est-ce que c'est
l'association reconnue ou accréditée?
Une association de salaire accréditée donne à
l'employé ou celui-ci donne à l'association
accréditée?
M. FORTIN: Oui. Certain, ça c'est la procédure pour les
associations accréditées.
M. LE PRESIDENT: Il y a un amendement à l'article 40, c'est de
retrancher le paragraphe 4.
M. BELLEMARE: Aucun employeur d'une corporation...
Mais quand il est dit là, une partie de la convention collective
peut donner un semblable avis dans les 60 jours précédant son
expiration, l'expiration de la dite convention, c'est sûr, c'est ce que
veut dire le paragraphe?
M. FORTIN: Mais oui.
M. BELLEMARE: L'expiration de la dite convention?
M. FORTIN: Oui.
M. BELLEMARE: Correct.
M. LE PRESIDENT: Adopté? Article 41.
M. MAJEAU: L'article 41, M. le Président, on impose aux parties
en présence de négocier avec diligence et bonne foi et je ferai
remarquer au ministre qu'en vertu de l'article 123, on ne pénalise que
l'employeur qui ne procède pas avec diligence et bonne foi.
M. FORTIN: Je m'excuse, je ne saisis pas.
M. MAJEAU: En vertu de l'article 41, les négociations doivent
commencer et se poursuivre avec diligence et bonne foi, de part et d'autre,
c'est correct?
M. FORTIN: Oui.
M. MAJEAU: Et à l'article 123, pour la pénalité, on
ne pénalise que l'employeur, on ne pénalise pas l'employé,
alors que ça s'applique à mon sens aux deux parties.
M. FORTIN: M. le Président, l'initiative des négociations
vient de la part de l'association accréditée, c'est elle qui
envoie son avis à l'employeur lui fixant la date à laquelle elle
veut être reçue par l'employeur et il est bien évident que
c'est elle qui va prendre l'initiative de négocier.
M. MAJEAU: Oui.
M. FORTIN: C'est là, si l'employeur refuse de négocier,
« tout employeur qui ayant reçu l'avis prescrit fait défaut
de reconnaître comme représentant de salarié à son
emploi et qui refuse de négocier avec eux »
M. MAJEAU: Correct.
M. FORTIN: Une fois qu'il a accepté de négocier, les
négociations sont en cours, là il n'y a plus d'infraction de la
part de l'employeur.
M. MAJEAU: Voici, l'article 41 s'applique à mon sens aux deux
parties, les négociations doivent commencer d'abord et se poursuivre
avec diligence et bonne foi.
Si l'une des deux parties ne procède pas avec diligence et bonne
foi, qu'est-ce qu'il arrive? L'article 123 dit que l'employeur sera
pénalisé, mais qu'est-ce qu'il arrive si c'est l'employé
ou l'association des employés?
M. FORTIN: Bien.
M. MAJEAU: Est-ce qu'il y a une pénalité ou s'il n'y a
rien?
M. FORTIN: Vous allez avoir l'article 126 qui est un article omnibus qui
règle tous les cas et, à part ça, si le syndicat, à
un moment donné, arrête de négocier, puis n'est plus
intéressé d'avoir une convention collective, je ne connais pas
d'employeur qui va courir après un syndicat pour les forcer à
négocier.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
M. BELLEMARE: M. le Président, pourquoi ne pas le mettre en
définitive, là, que les parties, par exemple, «
après un avis prévu à l'article précédent,
les négociations doivent commencer et se poursuivre par les parties avec
diligence et bonne foi ». Là, ça serait sûr qu'en
vertu de l'article 123 elles seraient réellement
pénalisées toutes les deux.
M. FORTIN: Oui, mais l'article 123 ne couvre...
M. BELLEMARE: D'ailleurs, M. le Président, c'est un amendement
qui avait été demandé par M. Massicotte au comité.
Il avait dit ceci: à 41, pour fins peut-être de clarification, et
« pour bien montrer que l'article s'applique tant aux associations de
salariés qu'aux employeurs, nous aimerions suggérer un texte qui
dit qu'après un avis prévu à l'article
précédent, les parties doivent commencer et poursuivre les
négociations avec diligence et bonne foi ».
Ce n'était pas un gros changement, mais là je pense bien
que... Puis, d'ailleurs, tous les groupements à ce moment-là
étaient d'accord pour accepter ce changement-là.
M. FORTIN: M. le Président, on pourra peut-être discuter
ça sur les pénalités à l'article 123, mais à
l'heure actuelle l'article 41 n'a pas besoin d'ajouter « les parties
» parce que les négociations nécessairement se font entre
les parties. Un employeur ne peut pas négocier seul.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 42.
M. MAJEAU: A l'article 42, M. le Président, à la
quatrième ligne après le mot «délai » est-ce
qu'il n'y aurait pas lieu d'ajouter le mot « additionnel »?
L'article se lit « Si les négociations se sont poursuivies sans
succès pendent trente jours ou si l'une desparties ne croit pas qu'elles
puissent être complétées dans un délai raisonnable
». Est-ce que c'est dans un délai raisonnable en
deçà des trente jours?
M. FORTIN: Oui, en deçà des trente jours? M. MAJEAU: En
deçà de trente jours. M. FORTIN: Oui.
M. MAJEAU: Alors, même si le trente jours n'est pas expiré,
on peut considérer, à un moment donné, qu'on ne peut pas
aller plus loin?
M. FORTIN: Bien oui, quand Ils constatent
que ça fait par exemple 20 ou 25 jours qu'ils négocient,
puis qu'ils en sont rendus seulement au premier article de la convention, ils
savent bien, à un moment donné, que, dans les cinq derniers
jours, ils ne réussiront pas à terminer. Alors, à ce
moment-là, l'article 42 s'applique.
UNE VOIX: Ils font leur rapport immédiatement.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 43. Un amendement, rayez les
mots entre crochets.
M. BELLEMARE: Très bien, ça. M. FORTIN: C'est bien, 43? M.
BELLEMARE: Oui.
M. LE PRESIDENT: Article 43 adopté. Article 44.
M. MAJEAU: L'article 44 dit que: « Les parties au différend
ont l'obligation d'assister à toutes réunions où le
conciliateur les convoque. » Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de
préciser et, peut-être, d'ajouter « à toutes
réunions dans le district »? Parce que là, à mon
sens, c'est excessivement large: « à toutes réunions
où le conciliateur les convoque »? Est-ce qu'il y a un autre
article pour dire que les parties doivent être convoquées dans le
district ou dans la ville?
M. FORTIN: Pas nécessairement, parce que lorsqu'il s'agit, par
exemple, de compagnies dont le siège social n'est pas dans le district
où est l'usine, il arrive assez souvent que l'employeur lui-même
suggère que la réunion ait lieu à l'endroit où est
le siège social et souvent aux chefs syndicaux, ça fait
également leur affaire.
Comme exemple, le textile. Toutes les négociations sont faites
à Montréal alors que les usines sont à Montmorency,
Sherbrooke, Magog, Valleyfield. Alors, ordinairement le conciliateur convoque
les parties à l'endroit qui est le plus acceptable et qui favorise les
deux parties.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 45? Adopté. Article
46?.
M. BELLEMARE: Pour la première convention, c'est 90 jours. C'est
nouveau ça?
M. FORTIN: Non, c'est la loi actuelle, ça.
M. BELLEMARE: C'est la loi actuelle.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 47, c'est rayé.
M. BELLEMARE: 47, services publics. M. FORTIN: Il est rayé.
M. LE PRESIDENT: Article 48, dont le premier paragraphe devient
l'article 47, et le deuxième paragraphe de 48 devient l'article 48. 47
et 48 adoptés. Article 49?
M. FORTIN: M. le Président, il ne faudrait pas oublier de mettre,
dans le nouvel article 48; « Pendant la période visée
à l'article 47 ».
M. BELLEMARE: Pendant la période « au présent
article ». Ah! oui, « à l'article 47 ».
M. LE PRESIDENT: On pourrait mettre « A l'article 47 ». J'ai
mis: « A l'article ».
Article 49? 49, adopté. Article 50? 50, adopté. Article
51? Adopté. Article 52? Adopté. Article 53? Adopté.
M. BELLEMARE: « Toute convention collective ou sentence, dans le
cas d'une corporation municipale ou scolaire...
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 54?
M. FORTIN: M. le Président, à l'article 53, le 2 e
paragraphe, il faudrait changer les mots: « selon les fluctuations de
l'indice officiel du coût de la vie » par « selon l'indice
des prix à la consommation au Canada » parce que ça
n'existe plus l'indice officiel du coût de la vie.
M. LE PRESIDENT: Alors « selonl'indice...
M. FORTIN: Selon l'indice des prix à la consommation au
Canada.
M. BELLEMARE: Cela sort à tous les mois ça.
M. FORTIN: Pardon?
M. BERTRAND (Missisquoi): On a ça à tous les mois?
M. BELLEMARE: Un rapport mensuel?
M. FORTIN: Oui, je pense que ça sort à tous les mois dans
« La Gazette du travail ».
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 54? adopté. Article
55?
M. BELLEMARE: Sur l'article 55, M. le Président, je renouvelle
les protestations qu'ont fait valoir en bas les membres de l'A.P.I. lorsqu'ils
disaient qu'il fallait retrancher les mots « actuels ou futurs »,
parce que c'est donner une application indéfinie à des
certificats non émis, c'est donner des certificats non émis
d'ailleurs. Parce que, vous savez, l'accréditation n'est pas souvent
accordée, n'est pas limitée, et on peut ouvrir un nouveau
service. Ce n'est pas compris, ça, dans les ententes...
M. FORTIN: Je crois, le sens de...
M. BELLEMARE: ... les salariés d'une nouvelle catégorie,
par exemple.
M. FORTIN: M. le Président, le principe qui est couvert par cet
article est le même qui existe dans la Loi des syndicats professionnels
depuis 1924. C'est le principe même de base de la convention collective.
La convention couvre et assujettit les membres du syndicat et tous ceux qui
deviendront membres du syndicat à l'avenir. Mais il est bien entendu que
ce ne seront que les nouveaux employés qui vont tomber dans les
conditions de l'accréditation. Si, par exemple, une association est
accréditée pour les charpentiers-menuisiers ou pour les
mécaniciens d'une usine et que, au moment de l'accréditation, il
y a cinquante charpentiers-menuisiers ou cinquante mécaniciens mais que,
par la suite, la compagnie en engage dix de plus, eh bien, ces dix nouveaux
employés automatiquement vont être couverts par le certificat
d'accréditation. Mais si la compagnie engage dix peintres et qu'elle n'a
jamais eu de peintres, eh bien, nécessairement il va falloir une
nouvelle accréditation...
M. BELLEMARE: Une nouvelle accréditation. C'est pour ça
que les « actuels ou les futurs » là, il faudrait les
enlever.
M. FORTIN; Bien non, c'est parce qu'il ne faut pas...
M. BELLEMARE: Les employés actuels de la convention collective,
de l'association accréditée.
M. FORTIN: Visés par l'accréditation.
M. BELLEMARE: Oui, oui, je comprends ça. Actuels et futurs.
M. FORTIN: Bien oui, il le faut.
M. BELLEMARE: Mais les autres qui viendront, par exemple dans un
département nouvellement établi, cela ça ne rentrera pas
dans l'accréditation, non plus les salariées d'une nouvelle
catégorie.
M. FORTIN: Il faudra une nouvelle accréditation.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 56. 56, adopté. 57.
M. BELLEMARE: 56, là, une minute.
M. LE PRESIDENT: 57, adopté. 58. 58 adopté. 59.
M. BELLEMARE: Une minute...
M. LE PRESIDENT: 59, adopté. Article 60, amendement pour biffer
le dernier paragraphe. 60, tel qu'amendé, adopté. 61,
adopté. Six heures.
M. BELLEMARE: Bien là, c'est un nouveau chapitre. Six heures.
C'est un nouveau chapitre.
M. LE PRESIDENT: D'accord. M. FORTIN: Pardon?
M. BELLEMARE: Le règlement des différends c'est un nouveau
chapitre.
M. LESAGE: On n'ajourne pas, c'est un nouveau chapitre...
M. LE PRESIDENT: La séance du comité est suspendue
jusqu'à 8 heures.
Reprise de la séance à 8 h p.m.
M. BEDARD (président du comité plénier): A l'ordre,
messieurs. Bill 54, article 62 adopté. 63 adopté. 64
adopté. 65 adopté. 66: il y a un amendement...
M. BELLEMARE: Oui.
M. LE PRESIDENT: ... en ajoutant un alinéa.
M. BELLEMARE: Oui.
M. LE PRESIDENT: 66 adopté.
M. FORTIN: Un instant, M. le Président.
M. BELLEMARE: Ils n'acceptent rien.
M. FORTIN: Est-ce qu'il y a un amendement à 66?
M. LE PRESIDENT: Oui.
M. FORTIN: Avec l'amendement.
M. LE PRESIDENT: Article 67.
M. BELLEMARE: 67, oui, très bien ça.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 68.
M. MAJEAU: M. le Président; à l'article 68, au
comité on avait fait certaines remarques au sujet de la traduction du
mot incapacité par le mot « disability », on a
suggéré de le changer pour « incapacity ». Est-ce que
le ministre ne pense pas qu'il devrait tenir compte des observations?
M. FORTIN: C'est bien le mot « disability », parce qu'il
s'agit d'incapacité physique.
M. MAJEAU: Bien voici, on avait signalé, à ce
moment-là, que le terme « disability » signifie
légalement l'incapacité de jouir de droits légaux
ordinaires et se rapporte particulièrement aux mineurs et aux
aliénés mentaux et on a suggéré de le remplacer par
« incapacity », terme qu'on emploie d'ailleurs au Code civil, aux
articles 985 et suivants.
M. FORTIN: Evidemment, si on veut employer le mot incapacité dans
le sens d'incapacité physique, il faut employer le mot «
disability », mais les autres incapacités, ça va de
soi.
M. LESAGE: Les incapacités juridiques, vont de soi. Nul besoin de
les mentionner.
M. MAJEAU: Oui d'accord, le ministre a peut-être raison, mais je
tiens à signaler quand même que, dans le Code civil, aux articles
985 et suivants qui ne se rapportent pas aux incapacités physiques, on
emploie le mot « incapacity ». Maintenant, je soulève le
point...
M. LESAGE: C'est le Code civil.
M. MAJEAU: C'est vrai, mais de toute façon, ça n'a peut
être pas d'importance.
M. LESAGE: Ici, il est clair qu'on réfère à
l'incapacité physique.
M. JOHNSON: Bien les rédacteurs du Code civil devaient savoir
ça, eux autres, ces gens-là. Est-ce que le ministre se
prétend meilleur expert que ceux qui ont fait la traduction du Code
civil?
M. FORTIN: Non, je me fie à ceux qui l'ont traduit mais je sais
que, dans la pratique courante, lorsqu'on parle d'incapacité physique on
parle toujours de « disability ». Maintenant, pour «
incapacity », c'est la traduction qui nous a été
donnée par les traducteurs officiels du gouvernement.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 69? Adopté.
M. MAJEAU: L'article 69 parle du mode de preuves que le Conseil juge
approprié. Est-ce qu'on ne devrait pas déterminer le mode de
preuve. Est-ce qu'il n'y a pas danger à ce qu'on ouvre la voie à
la preuve par oui-dire?
M. FORTIN: Vous êtes en présence d'un conseil d'arbitrage
que les parties ont convenu d'accepter. Alors, devant ces tribunaux, c'est la
preuve la plus large possible. S'ils décident d'accepter le oui-dire,
ils peuvent l'accepter.
M. MAJEAU: Alors, ils peuvent même accepter le oui-dire.
M. FORTIN: Ils ne sont pas liés par les règles du Code de
procédure civile.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 70? Adopté. Article
71?
M. BELLEMARE: A 71, M. le Président,
il y a une remarque qui me semble bien appropriée. Quelqu'un nous
a fait remarquer que le président a tous les pouvoirs d'un juge de la
Cour supérieure, je ne le sais pas, je ne suis pas un légiste ni
un avocat, je n'ai pas fait mon cours dans ce domaine-là, mais ils
prétendent que l'article pourrait être attaqué, il semble
« ultra vires ». Un président pourrait avoir
l'autorité, il ne peut cependant pas imposer l'emprisonnement, mais il
peut imposer toutes les autres peines.
M. FORTIN: On ne dit pas que le président est un juge de la Cour
supérieure, mais on lui donne les pouvoirs pour assigner les
témoins et les pouvoirs qui sont prévus et qui sont
accordés à un juge de la Cour supérieure pour la conduite
des enquêtes.
M. BELLEMARE: Quelqu'un nous a fait remarquer que ça pourrait
être attaqué comme «ultra vires ».
M. FORTIN: Oui.
M. BELLEMARE: Je ne le sais pas mais...
M. FORTIN: On va laisser l'article subir le feu de la jurisprudence.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 72? M. BELLEMARE: C'est bien
ça.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 73? Adopté. Article 74?
Adopté. Article 75? Adopté. Article 76? Adopté. Article
77? Adopté. Article 78? Adopté. Article 79?
M. BELLEMARE: M. le Président, à cause des
inconvénients des jugements successifs du danger des décisions
intérimaires qui sont faites irrémédiablement, est-ce que
ce serait des décisions définitives? Pour répondre
à une situation temporaire, rien n'empêche les parties de convenir
à toute solution temporaire qui les satisfasse. Vous n'avez pas peur de
cet article-là? Si les parties s'entendent au point de vue d'une
décision temporaire, alors en tout temps avant sa sentence finale un
conseil d'arbitrage peut rendre toute décision intérimaire?
M. FORTIN: Oui.
M. BELLEMARE: Toute? Cela va devenir ni plus ni moins une
décision définitive.
M. FORTIN: Pas nécessairement. En vertu du Code de
procédure civile, dans des procès par exemple, un juge peut
rendre une sentence intérimaire quitte à la reviser à son
jugement final.
M. BELLEMARE: Oui, mais là, il a soixante jours. Il doit
être rendu dans les soixante jours de la nomination du président,
à la demande du président. C'est bien ça. Maintenant, dans
les délais supplémentaires n'excédant pas trente jours
lesquels à même les conditions telles que prolongées
à nouveau par le ministre, qui dit « En tout temps, avant sa
sentence finale, il peut y avoir...
M. FORTIN: Pas une sentence, une décision.
M. BELLEMARE: Une décision. Mais ça tiendra à ce
moment-là à une décision définitive.
M. FORTIN: Pas nécessairement. Le conseil peut, pour un cas
particulier, rendre une décision intérimaire pendant la
durée de ces séances jusqu'à ce qu'il rende sa sentence
finale, quitte à réajuster la situation par sa sentence.
M. BELLEMARE: Est-ce que le ministre peut me donner un exemple pour
couvrir une convention collective?
M. FORTIN: On est après négocier une convention
collective. Il s'agit par exemple, de savoir si on va garder une équipe
d'hommes ou si on va la renvoyer. On peut dire pendant que le conseil va
siéger les hommes vont rester au travail, on va payer le même
salaire, quitte à décider à la sentence finale s'il y aura
dix hommes de congédiés ou si le salaire sera augmenté ou
diminué.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 80, Adopté?
M. MAJEAU: En vertu de l'article 80, la sentence d'un conseil
d'arbitrage est équivalente à une convention collective, alors
l'article 80 dit qu'une convention collective de ce genre ne peut avoir une
durée excédant deux ans, alors que l'article 53 prévoit
que les conventions collectives peuvent avoir une durée de trois ans,
est-ce que le ministre ne trouve pas qu'il y a absence de concordance quant
à la durée d'une convention, d'une convention collective?
M. FORTIN: A l'article 53, ce sont les parties qui conviennent de la
durée de leur convention.
M. MAJEAU: Qui peut aller jusqu'à trois ans.
M. FORTIN: Qui ne doit pas être de moins qu'un an, mais qui ne
doit pas dépasser trois ans, c'est-à-dire que le syndicat, par
exemple, ne pourrait pas forcer une compagnie à faire une convention de
quatre ou cinq ans et en faire une cause de grève. Maintenant, en ce qui
concerne les conseils d'arbitrage, afin, si je puis dire, de rendre ça
alléchant pour les parties, nous avons mis un maximum de deux ans.
M. MAJEAU: Pourquoi un maximum de deux ans?
M. FORTIN: C'est parce que vous avez une décision là qui
va être imposée ni plus ni moins; c'est entendu que les parties,
d'avance, acceptent la sentence qui sera rendue parce que le conseil
d'arbitrage n'existe qu'en autant que les parties le demandent au ministre,
mais il ne faut pas oublier que malgré ça, malgré la
volonté des parties de se soumettre à un conseil d'arbitrage,
elles vont être obligées d'accepter la sentence qui sera
rendue.
M. MAJEAU: Alors que dans le premier cas, ils la laissaient de
même, ils décident de la durée eux-mêmes.
M. FORTIN: Dans le premier cas, ils décident de la durée
eux-mêmes, tandis que dans ce cas-ci, vu que la sentence va leur
être imposée après un consentement préalable de leur
part, eh bien nous avons limité ça à deux ans, afin de, je
pourrais dire, si je peux m'exprimer ainsi, rendre la procédure plus
alléchante pour les parties.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 81. Adopté. Section 2,
les articles 82 et 87 sont remplacés.
M. BELLEMARE: 82, 83, 84, 85, 86, 87? M. LE PRESIDENT:
Remplacés.
M. JOHNSON: A ce sujet-là, M. le Président, est-ce que je
pourrais apporter à l'attention de cette Chambre le mémoire de la
Fédération des employés municipaux et scolaires du
Québec qui a été adressé au ministre du Travail
entre autres, par le président de la Fédération, M.
René Bélanger?
M. FORTIN: J'en ai pris connaissance, M. le Président.
M. JOHNSON: Je présume que le ministre en a pris connaissance. Je
crois, M. le Président, qu'il est d'intérêt de faire
connaître le point de vue de ce syndicat, même s'il est un peu en
contradiction avec l'attitude que nous avons prise et que nous maintenons,
relativement aux employés des services publics, particulièrement
concernant la grève. Cette résolution a été
passée au Congrès d'Asbestos qui a eu lieu les 15, 16, 17 et 18
juillet, et elles est libellée comme suit: «
Fédération des employés municipaux et scolaires du
Québec. Résolutions concernant le droit de grève
accordé aux employés municipaux et scolaires par le bill 54;
Congrès d'Asbestos, 18 juillet 1964, résolutions. » «
Considérant que le bill 54 a été soumis aux Chambres
à la session de 1963;
Considérant qu'à la demande des syndicats le gouvernement
a différé à cette année l'étude de ce projet
de loi, afin de lui permettre de l'étudier;
Considérant qu'à la suite de cette remise, la
Fédération des employés municipaux et scolaires du
Québec a étudié le dit projet de loi;
Considérant que le projet de loi de 1963 et 1964 ne permettait
pas aux employés municipaux et scolaires de recourir à la
grève;
Considérant que les employés municipaux affiliés
à la Fédération des employés municipaux et
scolaires du Québec ont étudié à leur
congrès de 1963 le projet de loi en fonction de l'interdiction du droit
de grève;
Considérant que le comité des spécialistes au
service u comité parlementaire de la fonction publique a
recommandé le « statu quo » pour les employés
municipaux;
Considérant que les modifications de la dernière heure
prennent par surprise les membres de la Fédération des
employés municipaux et scolaire du Québec;
Considérant que la Fédération des employés
municipaux et scolaires du Québec n'a pas suffisamment de temps à
sa disposition pour étudier au cours de son congrès les
conséquences de tels changements;
Considérant que le projet de loi crée un préjudice
grave aux membres des syndicats peu nombreux, du fait qu'il ne pourront
recourir à la grève si l'employeur n'y consent;
Considérant que depuis 20 ans, les différends entre les
services publics et les salariés se sont révélés
à la satisfaction des employés dans l'ensemble, il est
résolu à l'unanimité: a) que la Fédération
des employés municipaux et scolaires du Québec se prononce contre
le droit de grève pour les employés municipaux et scolaires, et
particulière-
ment le droit de grève tel que prévu au projet de code. b)
De prier l'Assemblée législative de reremettre à l'an
prochain l'étude des dispositions du bill permettant le droit de
grève aux employés municipaux et scolaires tout comme les
instituteurs au sens de la loi de l'instruction publique, article 143. c) Que
l'article 15 du bill soit corrigé pour que la période de 15 jours
commence à courir à compter du départ effectif des
salariés. d) Que l'article 50 soit rayé du bill. e) De prier
l'Assemblée législative d'apporter toute modification
décidée antérieurement par le Congrès.
Adopté.
M. le Président, on connaît l'attitude qu'a prise le parti
de l'Union nationale et qui a été rendue publique à la
suite d'un caucus qui avait délibéré sur les
données fournies par trois de ses membres qui siégeaient au
comité de la fonction publique. Cependant, il est certains
considérants dans ce mémoire de la Fédération des
employés municipaux et scolaires du Québec qui nous font
réfléchir, en ce sens que les amendements concernant le droit de
grève ont été apportés à la toute
dernière minute soit le 8 ou le 9 juillet.
Depuis juin 1963, les syndicats comme celui de M. Bélanger, entre
autres, avaient raison de croire que le gouvernement maintenait son attitude et
qu'il fallait étudier le projet de code en fonction d'une interdiction
aux employés des services publics de faire la grève. Quand est
venue la première version de 1964, au mois de février, cette
version contenait encore l'interdiction du droit de grève pour les
employés de la fonction publique. Et quand nous est arrivée la
deuxième version, en première lecture, deuxième version du
bill pour la session 1964, en première lecture et en deuxième le
même jour, soit au mois de mai, je crois, et cette deuxième
version était encore basée sur cette philosophie de notre droit
ouvrier, c'est-à-dire l'interdiction du droit de grève pour les
employés municipaux. Et ce n'est que le 8 juillet que l'attitude du
gouvernement, le changement d'attitude du gouvernement a été
connu et cette Fédération qui groupe environ 5,000
employés se plaint qu'elle n'a pas eu le temps d'étudier
sérieusement la version définitive corrigée par des
amendements du 9 juillet du fameux bill 54.
Je crois sincèrement que l'on n'a pas donné tout le temps
voulu à une Fédération comme celle des employés
municipaux et scolaires du Québec, d'étudier en profondeur leurs
problè- mes à la lumière des nouveaux amendements tout
récents. Le gouvernement a décidé de remettre à
plus tard l'étude du problème quant aux instituteurs. Il a
décidé de retourner le problème des relations entre
patrons et ouvriers et entre commissions scolaires et instituteurs d'où
il n'aurait jamais dû sortir peut-être, c'est-à-dire
à une Commission sur laquelle siègent entre autres des
représentants des commissions scolaires et des représentants des
instituteurs. Il semble que les instituteurs sont satisfaits d'avoir un peu de
temps pour s'entendre avec leurs employeurs.
M. le Président, ce n'est pas nécessairement l'attitude du
parti, mais je constate que dans le cas des instituteurs on accorde un
délai et que dans le cas de la Fédération des
employés municipaux et scolaires on n'accorde pas de délai.
Est-ce que le ministre trouve que c'est équitable?
M. FORTIN: M. le Président, le problème qui se pose dans
la question scolaire et le pro- blème qui se pose au niveau municipal
n'est pas le même. Les municipalités négocient
elles-mêmes séparément, et comme on le sait le gouvernement
ne finance pas les municipalités comme il le fait pour les commissions
scolaires. Si nous avons décidé de retarder les amendements dans
le domaine scolaire, c'est parce que nous voulons connaître les rapports
de la Commission Bélanger et je crois que ce rapport va fortement nous
aider dans l'attitude que nous prendrons dans la rédaction du bill 54
pour les négociations dans le domaine scolaire.
En second lieu, dans cette résolution dont le chef de
l'Opposition vient de nous donner lecture, il y a un considérant qui dit
que le comité des spécialistes au service du comité
parlementaire de la fonction publique a recommandé le « statu quo
» pour les employés municipaux sauf en ce qui concerne la
grève...
Il n'a pas été question de grève dans le rapport du
comité parlementaire. Or, les amendements que nous apportons touchent
spécialement la question de grève et ce dont se plaint la
fédération des employés municipaux c'est qu'en permettant
la grève nous faisons disparaître l'arbitrage obligatoire.
Maintenant, devant le comité de la fonction publique, et l'an
dernier, devant le comité des relations industrielles, eh bien! nous
avons eu des représentations qui nous ont été faites par
les unions ouvrières. Il y avait la Fédération des
travailleurs du Québec qui groupe 5,950 employés environ, des
employés municipaux dans ses rangs; nous avons eu des
représentants de la confédération des syndicats nationaux
qui
groupe 7,000 employés municipaux, et nous avons eu des
représentants de la Fédération nationale des
employés, celle qui vient de nous présenter un mémoire
qui, d'après les statistiques qui m'ont été fournies,
grouperait environ 3,600 employés. Il y en a peut-être plus, le
chef de l'Opposition a mentionné 5,000, je ne m'attache pas d'une
façon absolue aux statistiques qui m'ont été fournies,
mais, à tout événement, je soumets que la
fédération qui nous a envoyé ce mémoire ne groupe
pas la majorité des employés municipaux.
Or, les mémoires qui nous ont été fournis par les
associations ouvrières groupant la majorité des employés
nous demande de leur donner le droit de grève, ils veulent être
assujettis au droit commun. Et, il faut que le gouvernement soit logique avec
son attitude. Le principe de base, si nous acceptons pour les ouvriers le droit
d'association, il faut nécessairement accepter le mécanisme de la
convention collective, et ceci nous conduit infailliblement au droit de
grève. Ce n'est que par exception que nous devons défendre la
grève telle que le prévoit la convention internationale de
Genève. A l'heure actuelle, dans tous les pays qui acceptent la
convention internationale ce n'est qu'aux policiers, dans quelques cas aux
pompiers,, et aux forces armées, qu'on enlève, par une
législation, le droit de grève. Dans les autres cas, dans bien
des pays il y a des mécanismes comme celui que nous suggérons
lorsque la santé publique ou lorsque le bien public est en danger le
gouvernement peut intervenir par une procédure telle que nous la
suggérons.
Or, si nous voulons être logiques dans toute notre
législation, il faut permettre la grève aux employés
municipaux quitte, évidemment, à intervenir par les articles 142
et les suivants si à un moment donné dans une municipalité
la santé ou l'intérêt public est en danger. Je comprends
que, dans le passé, l'interdiction de la grève, et surtout la
sentence obligatoire, ont rendu service à des petits syndicats contre
certaines municipalités dont les conseillers ne voulaient pas
négocier. Mais je crois qu'aujourd'hui, avec la mentalité qui
existe, on ne rencontre pratiquement plus dans nos municipalités des
maires et des conseillers qui ont l'esprit antisyndical et qui veulent à
tout prix écraser les syndicats. Et, à tout
événement, je crois que pour être logique avec notre
législation nous devons permettre la grève à tous les
employés municipaux, tel que prévu dans le bill.
M. JOHNSON: M. le Président, le ministre parle de logique,
j'espère qu'il se rappelle ses leçons de philosophie. La logique,
c'est indivisible ça. Si le gouvernement était réellement
logique, il accorderait le droit de grève immédiatement à
tous les fonctionnaires provinciaux de même qu'aux instituteurs, quitte
à étudier les modalités de négociation quant aux
instituteurs, et des modalités de négociations quant aux
fonctionnaires.
Mais, le ministre peut-il dire quels indices le gouvernement a
donné qu'il reviendrait sur une décision qui semblait bien
ancrée, puisqu'elle est contenue dans le premier projet du bill 54
à la session de 1963, dans le premier projet de la session 1964, dans le
deuxième projet de la session 1964, et qu'il n'adonné aucune
indication, en somme, avant le 9 juillet, qu'il avait l'intention d'accorder le
droit de grève aux employés des municipalités et des
commissions scolaires.
La Fédération des employés municipaux et scolaires
du Québec a raison de dire: « Nous sommes pris par surprise
». Nous, nous ne sommes pas pris par surprise, nous savions que le
gouvernement, surtout après l'attitude ferme prise par l'Union nationale
et après les éditoriaux, changerait son fusil d'épaule.
C'est un gouvernement qui est balloté d'éditorial en
éditorial, et c'est le plus fort, celui qui crie le plus fort, qui
manifeste le plus fort, et qui vient en plus grand nombre à
Québec qui a des chances d'être entendu, de gagner.
Mais, je le répète, M. Bélanger et sa
fédération ont raison de dire qu'ils ont été pris
par surprise. Et quelle raison peut-on leur opposer? Qu'est-ce qu'on peut
répondre à M. Bélanger? Le ministre dit: « Le
gouvernement doit être logique. » Bien, il doit être logique!
D'abord, il aurait dû être logique dès le début. Au
moins dans son deuxième projet du mois de mai, il aurait dû,
à ce moment-là, prendre une attitude. Mais qu'est-ce que je vais
répondre à M. Bélanger? J'en ai parlé en Chambre.
Le ministre n'a pas compris. Le ministre n'a pas voulu l'admettre. Il aurait
peut-être voulu l'admettre mais il n'était pas libre de le
faire...
M. FORTIN: Vous pourrez lui dire que vous n'avez peut-être pas
été assez convaincant.
M. JOHNSON: Je pense que je vais la lire, M. le Président. Je
vais dire à M. Bélanger que je n'ai pas été
convaincant. Ce qui manque à M. Bélanger, c'est une manifestation
de masse où il amènerait 5,000, 10,000 personnes, une menace de
grève générale, et là le gouvernement bougerait
probablement.
M. LESAGE: Mais là, pour montrer l'illogisme du chef de
l'Opposition, c'est justement ce qu'on veut leur donner, le droit de
grève.
M. JOHNSON: Les principes du gouvernement actuel sont sujets à la
pression publique. Le régime du droit, ça n'existe pas. Je l'ai
dit dès le début de mon intervention. Je suis en faveur, et le
parti est en faveur, du droit de grève à tout le monde. Mais M.
Bélanger a un bon point quand il dit: « C'est une décision
récente. Nous, qui avons déjà comparu devant le
Comité des relations ouvrières industrielles, nous qui avons
déjà soumis un mémoire au mois de mars 1964, nous
aimerions avoir un peu plus de temps pour étudier ces nouvelles
dispositions que vous avez, par suite de votre conversion à la logique,
conversion tardive du 9 juillet, incorporées ou ajoutées au
projet de loi.
M. FORTIN: M. le Président, le chef de l'Opposition parle d'une
conversion tardive. Pour moi, l'Union nationale est venue à la
même retraite fermée que nous autres. Parce que, si je me souviens
bien, ce n'est que devant le comité de la fonction publique que l'Union
nationale, par l'entremise du député de St-Jacques, nous a fait
connaître son attitude sur la grève. Lorsque nous avons
discuté le bill 54 en deuxième lecture, la première
version du bill 54, je n'ai pas entendu l'Opposition nous parler de la
grève et dire qu'elle était en faveur de la grève dans les
services publics et ailleurs. Alors le ballottage entre les articles
éditoriaux, pour moi, on était dans le même bateau si vous
prétendez qu'on a été ballotté.
Maintenant, M. le Président...
M. JOHNSON: Mais notre conversion date au moins du 5 mai, nous, pas du 9
juillet
M. LESAGE: Il fallait tout de même, avant d'apporter les
amendements, que le premier ministre attende les rapports du comité.
M. JOHNSON: Mais non, ce n'était pas sur ce sujet de la
grève. C'était défendu d'en parler.
M. LESAGE; Non, mais à la lumière de...
M. JOHNSON: Ah! A la lumière, oui. La lumière était
sous le boisseau. On n'avait pas le droit d'en parler au comité de la
fonction publique. Le président...
M. FORTIN: Non, parce que c'était...
M. JOHNSON: ... vous déclarait ça hors d'ordre sans
hésitation et avec une énergie extraordinaire.
M. LESAGE: C'est vrai. C'est ici qu'on devait en discuter et puis on en
discute.
M. JOHNSON: C'est une erreur qu'a faite la majorité du
comité, mais ça c'est un autre problème.
M. FORTIN: Maintenant, M. le Président, les parties ont eu
l'occasion d'émettre leur point de vue à deux reprises devant les
comités publics. M. Bélanger était en faveur du «
statu quo », les autres organismes voulaient la grève. Alors le
gouvernement avait à décider entre les deux attitudes, mais une
fois que notre décision a été prise, est-ce qu'il faudrait
maintenant reprendre tout le texte de loi, convoquer de nouveau toutes les
parties et puis leur dire: « Qu'est-ce que vous en pensez? »
M. JOHNSON: Non.
M. FORTIN: Qu'est-ce qu'ils vont venir nous dire de nouveau? M.
Bélanger ne va venir que répéter les arguments qu'il avait
contre le système. Nous ne sommes pas pour nous promener de
comité en comité indéfiniment. Nous avons donné
l'occasion à toutes les parties de se faire entendre, d'exposer et de
défendre leurs arguments. C'est une question de principe de base. Les
uns sont en faveur du « statu quo », les autres sont en faveur de
la grève. Nous avions à décider et c'est notre
décision.
M. JOHNSON: M. le Président, le ministre fait semblant de ne pas
comprendre le point mis de l'avant par M. Bélanger et il réussit
magnifiquement à jouer le rôle d'un candide. Ah, je vous le jure,
c'est difficile de le battre là-dessus.
M. FORTIN: D'un quoi? DES VOIX: D'un candide.
M. JOHNSON: S'il continue, je vais croire qu'il n'a pas compris. M.
Bélanger, comme tout le monde, sait que ces amendements, qui sont au
contraire de l'attitude qu'a toujours paru prendre le gouvernement dans des
versions successives de son bill, ces amendements comportent évidemment
des conséquences.
Disons que le ministre a raison, M. Bélanger a dit; « Moi,
je suis en faveur du statu quo, pas de grève. » Et les autres ont
dit: « On veut la grève. » Et l'Union nationale a
dit: « On veut le droit de grève pour les employés
municipaux. » Mais, M. Bélanger dit; « Cela pose des
problèmes ça, il y a des procédures, il y a des
procédés, il y a des interventions du gouvernement, il y a
l'aspect de l'injonction, surtout des aspects du problème que sa
fédération voudrait avoir le temps d'étudier. » Il
prétend, M. Bélanger que son syndicat ou sa
fédération n'a pas eu le temps d'étudier toutes les
implications qui découlent des amendements qu'on a apportés le 9
juillet. Ce qu'il demande, c'est du temps pour étudier non pas
l'à-propos du droit de grève le ministre a raison, c'est
réglé mais des implications qui découlent de ces
amendements.
Est-ce parce que son syndicat est plus petit que celui de M. Marchand
qu'il ne peut pas lui, avoir une chance de se faire entendre?
M. PINARD: A l'ordre!
M. JOHNSON: Bien non! Pourquoi n'aurait-elle pas, cette
fédération qui représente, me dit-on 5,000
employés, l'occasion elle aussi d'étudier les amendements? C'est
un secteur important. Le gouvernement s'accorde ce droit-là, le
gouvernement s'accorde le droit, d'ici un an, au moins, d'étudier une
formule quant à ses employés à lui. Le gouvernement
s'accorde le droit quant aux instituteurs d'étudier le problème
encore avant d'en arriver à une formule définitive. La CSN,
l'Union nationale et tous les autres qui ont demandé le droit de
grève pour les employés municipaux, comme les autres, n'ont pas
à se plaindre, et je pense que M. Bélanger est prêt lui
aussi, à admettre que c'est réglé. Mais, il a le droit, M.
Bélanger et sa fédération, et ses 5,000 employés
ont le droit dis-je d'étudier davantage et je ne sais vraiment pas
quelle réponse donner. Si cela continue, je vais dire à M.
Bélanger; « Comme je vous l'ai toujours laissé entendre,
nous avons un gouvernement qui ne veut pas vous entendre. Nous avons un
gouvernement qui ne veut pas vous accorder à vous un délai qu'il
s'est accordé à lui; dans deux cas, celui de ses fonctionnaires
et celui des instituteurs. » Autrement, qu'est-ce que je vais dire?
M. FORTIN: M. le Président, le chef de l'Opposition fera
répondre à M. Bélanger qu'il a beaucoup plus de candeur
que le ministre du Travail parce que la situation est bien claire et je vais la
lui expliquer encore une fois.
Lorsque les parties sont venues devant le Comité, à deux
reprises, deux groupements ont dit: « En ce qui concerne les
employés municipaux, nous voulons le droit de grève et donc nous
voulons également être régis par le droit commun, par le
bill 54. Or toutes les clauses étaient là déjà.
Elles sont encore là. Et M. Bélanger comme tous ceux qui
étaient en faveur de l'arbitrage obligatoire et de la défense de
grève pouvait prendre connaissance des conséquences juridiques de
l'abolition de la restriction de la grève.
M. JOHNSON: Depuis le 9 juillet seulement!
M. FORTIN: Non, non, depuis l'an dernier. Ils savaient si le
gouvernement acceptait la première suggestion, celle de faire
disparaître la défense de grève, ils savaient quelles
étaient les conséquences en tombant sous le droit commun parce
que nous n'avons rien changé dans les articles. Nous disons que les
employés municipaux tombent sous la règle générale.
Ils le savaient d'avance, et ils avaient l'opportunité, dans leur
mémoire, depuis juin 1963, de nous faire parvenir leurs objections.
Cette année encore, lorsque nous disions « négociations
entre les parties » rien n'empêchaient ces gens-là de nous
faire valoir toutes leurs objections au point de vue juridique, nous n'avons
aucune clause spéciale, tous ces gens-là tombent sous le droit
commun.
Si nous leur présentions quelque chose de spécial par
exemple, pour les policiers-pompiers, enfin nous répétons pour
les policiers-pompiers, les dispositions de l'ancienne loi. Si nous avions des
clauses spéciales pour les employés municipaux disant: « La
grève est permise, mais cependant nous avons un petit régime
spécial pour vous autres. » Ah, là je comprendrais qu'ils
voudraient avoir du délai pour l'étudier.
Il n'y a rien de changer, alors, ils étaient devant cette
situation l'an dernier, encore cette année, si le gouvernement accepte
la première proposition de faire disparaître la restriction
à la grève, nous serons devant le droit commun, et ils en
savaient d'avance les conséquences juridiques; alors, je ne vois pas ce
que ça donnerait de plus.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
M. JOHNSON: Bien quels indices avaient-ils, M. Bélanger et sa
fédération, que le gouvernement ne s'en tiendrait pas à ce
qu'il avait proposé sous la responsabilité de M. Fortin, qui m'a
l'air d'être le même que le ministre du Travail, après une
étude d'une année, une audition de trente-trois heures, et la
lecture de nombreux mémoires par de nombreuses associations.
M. FORTIN: Mais, M. le Président, est-ce que...
M. JOHNSON: Est-ce que M. Bélanger pouvait s'attendre à ce
que le gouvernement change d'opinion?
M. FORTIN: Pas plus qu'il pouvait s'attendre que l'Union nationale
changerait sa politique sur la grève.
M. JOHNSON: M. Bélanger sait bien que l'Union nationale n'est pas
encore au pouvoir, et que son attitude ne peut pas changer une loi, et que
c'est pas nous qui avons apporté ce projet de loi. C'est le ministre.
Est-ce que c'est fini ça, cette responsabilité d'un ministre qui
présente un projet de loi? Quand un ministre présente un projet
de loi, est-ce que ça veut dire qu'il n'est pas du tout
intéressé?
M. PINARD: Voyons la Chambre est maîtresse de la
législation.
M. JOHNSON: Ce n'est pas ça son opinion. C'est juste un ballon
d'essai, et on décidera...
M. PINARD: A l'ordre.
M. JOHNSON: ... selon les assemblés de masse, les menaces de
grève générale...
M. PINARD: A l'ordre.
M. JOHNSON: ... les marches sur Québec. Mais quelle sorte de
gouvernement avons-nous? Un gouvernement qui ne marche que par des
poussées d'un côté ou de l'autre? Quel genre de
démocratie est-ce ça? La démocratie par pression? Au plus
fort, on donne raison! Où sont les principes du ministre? Est-ce qu'il
est prêt à les changer n'importe quand, même après
qu'on aura voté le bill en deuxième lecture, à
l'unanimité? Je lui retourne l'argument. Où étiez- vous,
qu'est-ce que vous avez dit lorsque la deuxième lecture a
été votée? Que le ministre se décide. Si ça
veut dire quelque chose un vote en première ou en deuxième
lecture; s'il veut tenir contre nous l'interprétation de notre vote en
deuxième lecture, eh bien, qu'il soit logique, toute la Chambre a
voté pour que ce soit cette version-ci, deuxième version de
1964...
M. FORTIN: Sauf pour la fonction publique dans les services
municipaux.
M. JOHNSON: ... que ce soit là, le projet accepté.
M. BRISSON: Le progrès c'est de changer d'idée.
M. JOHNSON: Le progrès c'est de changer d'idée. Quand on
change trop souvent d'idée on peut passer pour des girouettes ou des
gens qui ne savent pas où ils vont, des gens qui ne sont pas sûrs
de leurs positions, ni de leurs principes, et qui ont peur de résister
à certaines pressions tapageuses. Je le répète, je me fais
ici l'écho de M. Bélanger et de son groupe, et je
considère qu'ils ont droit d'être entendus ou au moins que leur
point de vue soit communiqué à cette Chambre. Quant à
nous, pour le cas où certains députés du pouvoir
l'auraient oubliée notre attitude a été clairement
exprimée le 5 mai. Si c'est une conversion M. le Président, elle
date de deux mois et quatre jours, avant la conversion des libéraux.
M. FORTIN: C'était dans le programme de l'Union nationale.
M. JOHNSON: Oui, ça l'était implicitement. Le programme de
l'Union nationale allait plus loin que le programme libéral.
M. FORTIN: Vous ne vous en êtes pas souvenu à la
deuxième lecture.
M. JOHNSON: Pour revenir à la deuxième lecture, on pourra
consulter les débats de la Chambre, nous avons à ce
moment-là déclaré que...
M. PINARD: C'était implicite, c'était...
M. JOHNSON: ... nous n'avions pas l'intention de faire un débat
en deuxième lecture, parce que le bill devait être soumis au
Comité des relations industrielles...
M. FORTIN: Bien oui.
M. JOHNSON: ... ça c'est l'année dernière, il a
effectivement été mis...
M. FORTIN: Cette année.
M. JOHNSON: Il a effectivement été
référé au Comité des relations industrielles.
M. BELLEMARE: A 1066, dans la page, vous allez voir qu'on a fait une
intervention en deuxième lecture.
M. JOHNSON: Cette année M. le Président, nous avons
voté en deuxième lecture le pre-
mier projet, et quand est arrivé le deuxième, le ministre
le sait, c'est nous qui avons fait régulariser la situation parce qu'on
apportait encore toute une série d'amendements, et pour simplifier les
affaires...
M. PINARD: Ah oui. Vous avez créé la lumière.
M. JOHNSON: ... nous avons consenti unanimement à ce que le bill
soit retiré, et à ce que le deuxième projet soit rendu
sans vote et sans débat au même stade où en était le
premier projet de 1964.
M. PINARD: C'est ça.
M. JOHNSON: Chez nous, les ouvriers, à Acton Vale, disent, c'est
un gouvernement de branleux qu'on a là. Cela dépend du vent,
ça dépend des commentateurs de la télévision et de
la radio, ça dépend aussi de l'Opposition.
L'Opposition les fait marcher, l'Opposition. Parce qu'elle a pris une
attitude claire, précise, sur la question du droit de grève,
l'Opposition a fait marcher le gouvernement. Nous en sommes fiers, mais, nous
croyons que M. Bélanger...
UNE VOIX: Il croit.
M. JOHNSON: Est-ce qu'on veut que je nous vante autant que nous le
méritons?
M. BRISSON: Ce que nous sommes chanceux de l'avoir!
M. LE PRESIDENT; Prochaine séance.
M. JOHNSON: C'est l'Opposition qui a d'abord demandé le droit
d'association et de négociation pour les fonctionnaires de la province,
alors que le premier ministre de cette province disait: « Cela n'a pas de
sens que Sa Majesté la Reine négocie avec ses employés.
» Cela était la philosophie du premier ministre de la province de
Québec. Sa philosophie était renfermée dans cette grande
phrase royaliste, cette phrase qui participe au même contexte
psychologique que celui qui l'animait quand il disait en Angleterre; «
Vous savez, dans le fond, nous sommes tous des royalistes dans la province de
Québec ».
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs.
M. JOHNSON: Et pour le cas où Sa Majesté la Reine l'aurait
oublié, le premier ministre a envoyé son émissaire
spécial, le député de Jac- ques Cartier, lui
répéter: « Ne vous en faites pas, on est encore royalistes
dans la province de Québec! »
MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, le chef de l'Opposition
nous tient un discours intéressant, mais moi je trouve qu'il devrait
nous parler de Murdochville, il devrait nous parler d'Asbestos, ce serait fort
intéressant.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs.
M. JOHNSON: Cela c'est le genre de réplique qu'on peut attendre,
et ça c'est le « summum » qu'on peut avoir du
député de Jacques-Cartier.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Et de l'Union nationale?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs.
M. JOHNSON: Le député aurait pu nous parler d'une chose
pas mal plus actuelle chez eux, le sang qui a coulé dans son
comté avec la grève des gens d'Hoffa chez les camionneurs. Cela
eût été d'actualité.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs.
M. FORTIN: M. le Président, j'invoque le règlement. Je
crois qu'on est sur l'article 82 et, là, on est rendu à 1949.
M. BELLEMARE: Qu'elle nous parle des Beattles qu'elle est allée
voir.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs. Article 82, bill 54.
M. FORTIN: Est-ce que le chef de l'Opposition a fini son
intervention?
M. JOHNSON: Tout ça c'est venu du fait que j'ai dit que le
député de Jacques-Cartier était allée renouveler
auprès de la Reine nos protestations, notre soumission de
loyauté. Le député de Champlain prétend, lui, que
le but du voyage c'était d'aller voir les Beattles en Angleterre. Mais
ça, c'est une interprétation fantaisiste, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: Article 82, bill 54.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Il en fait tellement d'autres.
M. JOHNSON: Oui, c'est amusant.
M. BELLEMARE: Vous les avez vus quand même!
M. PINARD: Un autre royaliste!
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Il y en a un beattle, là, en face!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs.
M. JOHNSON: M. le Président, est-ce que j'ai convaincu le
ministre d'accorder un peu de délai à M. Bélanger?
M. FORTIN: M. le Président, le chef de l'Opposition vient de
suggérer une procédure assez extraordinaire au point de vue des
règles du parlementarisme. Il voudrait que le gouvernement, chaque fois
qu'il a un projet de loi, le rende public avant même de le déposer
en Chambre et dise à la population: « Qu'est-ce que vous en
pensez? »
D'où le chef de l'Opposition tire-t-il cette nouvelle
procédure parlementaire? Chaque fois qu'on a un projet de loi, ou bien
on pourrait le déposer en Chambre et puis, il faudrait que le
gouvernement, même avant de le déposer en Chambre, le fasse
connaître a la population et reçoive tout le monde pour avoir les
obj ections. Dans certains cas, l'an passé, pour des lois de
coopérative, pour le bill 54, nous avons déposé le projet
de loi en première lecture et nous avons invité les corps
intermédiaires à venir faire leur représentations. Mais
cette procédure-là, il faut qu'elle vienne à finir.
Maintenant, si je comprends l'attitude du chef de l'Opposition, il est pour,
mais...
M. PINARD: Mais il est contre.
M. FORTIN: ... il est contre un petit peu, mais d'un autre
côté, il est pour aussi. Mais de temps en temps il est contre. Il
faudrait bien savoir s'il est pour ou s'il est contre.
M. PINARD: Il est pour les 5,000 qui protestent. Il veut se garder sa
cote d'amour!
M. FORTIN: Je comprends que le chef de l'Opposition regarde, de ce
temps-ci, de quel côté va le vent.
M. BELLEMARE: Il n'a pas besoin de le chercher.
M. FORTIN: A tout événement, M. le Président, le
gouvernement croit qu'il a donné à tous les corps
intermédiaires intéressés au bill 54 l'occasion de faire
valoir leurs points de vue, leurs objections; il leur a donné tout le
temps voulu et nous croyons qu'il est temps maintenant d'adopter le bill
54.
M. JOHNSON: M. le Président, avec sa candeur, le ministre va
peut-être réussir à faire croire que l'Union Nationale
n'est pas en faveur du droit de grève...
M. PINARD: On ne sait pas.
M. JOHNSON: Il est temps que je réitère, pour
l'éducation du ministre de la Famille surtout, l'attitude clairement
énoncée dans un communiqué de presse daté du 5 mai
1964, et qui se lit comme suit:
M. PINARD: Il y a des écrans de fumée dans votre
affaire.
M. JOHNSON: « Les trois représentants de l'Union Nationale
au comité parlementaire des relations du travail dans les services
publics, messieurs Paul Dozois, Montréal-St-Jacques, Albert Gervais,
Montmorency et Maurice Majeau, Joliette, ont soumis ce matin à un caucus
du parti un exposé des principaux amendements qu'ils entendent formuler
au cours des prochaines réunions de ce comité. Le caucus a
endossé leur projet d'amendements aux articles du bill 54 qui ont
été référés à ce comité. Ces
amendements sont les suivants: Premièrement, extension de la loi
générale à tous les employés des services publics,
à quelques exceptions près, tel que précisé
ci-dessous. Deuxièmement, droit d'affiliation à tous les
employés du gouvernement, des hôpitaux et des corporations
municipales et scolaires. Troisièmement, droit de grève à
tous les employés du secteur gouvernemental, hospitalier, municipal et
scolaire, sauf aux policiers et pompiers, et autres titulaires de fonctions
semblables. Quatrièmement, droit au gouvernement d'être partie aux
négociations entre les administrateurs d'hôpitaux et leurs
employés, toutes conventions collectives devenant exécutoires. De
ce fait, le gouvernement, qu'il ait participé ou non aux
négociations, ne peut référer la convention collective
à l'arbitrage comme le prévoit l'article 60 du bill 54.
Cinquièmement, refus au gouvernement du droit de participation aux
négociations entre les corporations scolaires et les instituteurs,
l'apport financier du gouvernement au financement des commissions scolaires ne
devant pas constituer une entrave à leur autonomie. A cet égard,
il faut souhaiter ardemment que la Commission Royale d'enquête sur la
fiscalité indique au gouverne-
ment les moyens d'assurer enfin l'autofinancement des commissions
scolaires, institutions essentielles à la liberté de notre
système d'enseignement. Sixièmement, formation des tribunaux
d'arbitrage: a) chaque partie au litige choisit son arbitre; b) les arbitres
choissisent le président à même la liste d'experts
dressée par le Conseil supérieur du travail; c) en cas de
désaccord sur le choix du président, celui-ci est nommé
par le lieutenant-gouverneur en conseil à même la liste
précitée. Voilà à la lumière des
données actuelles, les conclusions auxquelles en sont venus les
députés de l'Union Nationale ».
M. FORTIN: Où le chef de l'Union nationale a-t-il puisé
cette nouvelle philosophie?
M. JOHNSON: Cette quoi?
M. FORTIN: Cette nouvelle philosophie?
M. JOHNSON: M. le Président, c'est l'évolution normale de
la politique de l'Union nationale depuis 1960.
M. FORTIN: Depuis 1960.
M. JOHNSON: M. le Président, depuis que j'en ai, je devrais dire
depuis 1961, depuis que j'ai une responsabilité dans ce domaine, l'Union
nationale, contrairement aux libéraux, sait se tenir à jour;
l'Union Nationale; à la lumière de l'expérience, est
prête, maintenant que les syndicats ont plus de maturité dans la
province, ont plus d'expérience, ont de meilleurs hommes, mieux
formés.
M. FORTIN: Qui ont plus de liberté.
M. JOHNSON: Non, je ne dirais pas ça. Je ne suis pas prêt
à admettre qu'ils ont plus de liberté qu'autrefois. Au contraire,
je crains que certains d'entre eux soient en train de s'embourgeoiser à
cause de leurs relations trop suivies avec le gouvernement...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre.
M. JOHNSON: Pour leur intérêt, un petit peu trop fort, en
certains domaines. Oui très fort, on en parlera en temps et lieu.
M. PINARD: Il vous reste M. Bélanger.
M. JOHNSON: Il reste que, dans le programme de 1962, nous avions, en ce
qui concerne les fonctionnaires du gouvernement, pris une attitu- de qui allait
beaucoup plus loin que l'attitude royaliste et conformiste du premier ministre,
qui s'en tenait toujours aux grands principes jusqu'à tout
récemment, « la Reine, il serait indécent que la Reine
négocie avec ses employés, avec ses sujets ». Grattez un
peu chez tout ancien ministre fédéral et vous avez un royaliste
racé. D'ailleurs c'est le premier ministre lui-même qui s'est
chargé de nous dire, quand il est allé en Angleterre,... je veux
que le premier ministre m'entende, autrement il va m'accuser d'avoir
parlé en son absence encore une fois. C'est le premier ministre
lui-même...
M. LESAGE: Ce que vous avez à dire, ça n'a pas
d'importance.
M. JOHNSON: ... il a évolué le premier ministre, depuis un
bout de temps, sur cette question du droit de grève, est-ce qu'on n'est
pas mal venu de vouloir en blâmer d'autres.
M. LESAGE: M. le Président, j'ai attendu d'avoir le rapport du
comité spécial.
M. PINARD: A l'ordre.
M. LESAGE: ... d'avoir le rapport du comité spécial
formé pour étudier les conditions de travail dans les services
publics pour prendre avec mes collègues une décision à la
lumière de ces rapports et cela d'une façon
démocratique.
M. JOHNSON: Mais pourquoi le comité de la fonction publique
a-t-il refusé avec sa majorité libérale que l'on discute
du droit de grève dans les services publics?
M. LESAGE: Ils n'étaient pas entre crochets.
M. JOHNSON: Pourquoi ça n'a pas été mis entre
crochets si c'est un argument si important? Je prétends, M. le
Président, que c'était entre crochets, qu'on prenne le dernier
article du projet et on verr? qu'on a mis entre crochets l'abolition de la io;
qui prévoyait évidemment l'interdiction au droit de grève,
l'article 143 du projet 64, la deuxième version.
M. FORTIN: C'était de la concordance.
M. JOHNSON: Je vous demande pardon, l'article 142.
M. LESAGE: On n'est pas pour recommencer les discussions qui ont eu lieu
au comité a ce sujet.
M. JOHNSON: Non, mais on a donné l'impression qu'on voulait
cacher son jeu jusqu'à la dernière minute, alors qu'on veut
passer pour des gens qui discutent ouvertement des problè- mes avec la
population et les associations qui la représentent. En ce qui concerne
le droit de grève, on a voulu, malgré l'insistance des trois
députés de l'Union nationale qui siégeaient sur ce
comité, on a voulu faire le silence autour de cette question, autour du
droit de grève dans les emplois de services publics et ce n'est que le 9
juillet qu'on arrive, à la surprise de M. Bélanger, pour employer
ses propres termes et son syndicat, on arrive avec des amendements qui
concordent avec l'attitude que nous avions prônée, mais qui
était cachée à ce syndicat comme aux autres.
M. LESAGE: Est-ce que c'est ça qui vous choque?
M. JOHNSON: Non, M. le Président. C'est le rôle de
l'Opposition de faire entendre ici en Chambre les récriminations, des
demandes de gens qui n'ont pas de chance de se faire entendre. Or, voici 5,000
fonctionnaires qui n'ont pas de chance de se faire entendre autrement que par
la voix d'un député qui se lève dans cette Chambre et fait
part à l'Assemblée législative et à la population
d'une situation que je ne trouve pas normale. Il me semble qu'on devrait faire
venir au moins ce syndicat et lui demander quelles sont ses suggestions, non
pas quant au droit de grève, mais quant au procédé, quant
au système qu'on adopte dans le cas de grève dans les services
publics.
M. FORTIN: M. le Président, lorsque M. Bélanger nous a
fait parvenir sa résolution à moi comme au chef de l'Opposition,
il a annexé une copie du mémoire qu'il a présenté
au mois de mars 1964. Tout est dans son mémoire ici, qu'est-ce qu'il y a
de nouveau à ajouter? Absolument rien.
M. LE PRESIDENT; Adopté. Article 82. M. PINARD: Fausse
alerte.
M. LE PRESIDENT: Article 82 adopté. Article 83 adopté.
Article 84 adopté. Article 85 adopté. Article 86 adopté.
Article 87 adopté. Article 88.
M. MAJEAU: A l'article 88, il est question que le grief soit
référé a un arbitre choisi par les parties ou à
défaut d'accord, nommé par le ministre. L'article 63 par ailleurs
parle d'un
Conseil d'arbitrage se composant de trois membres citoyens canadiens et
majeurs. Est-ce qu'on ne devrait pas stipuler que l'arbitre choisi par les
parties ou par le ministre en vertu des dispositions de l'article 88 devrait
également être citoyen canadien et majeur?
M. FORTIN: Voici, encore là nous voulons laisser aux parties la
plus entière liberté. Dans une convention collective, les parties
peuvent arrêter les procédures de griefs, elles peuvent choisir
les arbitres qu'elles veulent. Alors pourquoi aller leur imposer les conditions
en ce qui concerne le choix de leurs propres arbitres?
Dans l'article que le député vient de souligner, comme la
sentence est obligatoire, et surtout comme la sentence du Conseil va être
obligatoire, eh bien! on tient à ce que ce soit des citoyens canadiens,
majeurs, mais dans les autres cas on préfère laisser
ça...
M. MAJEAU: Dans le cas de l'article 88 le ministre pourrait nommer un
arbitre qui serait ni un citoyen canadien ni majeur.
M. FORTIN: Strictement parlant, oui. Maintenant, je voudrais
suggérer un amendement à l'article 88, c'est après les
mots « si elle y pourvoit » nous désirerions ajouter «
et si les parties y donnent suite » et je vais expliquer pourquoi.
Voici que, dans une convention collective, les parties ont prévu
un arbitrage. Le patron nomme son arbitre, l'employé nomme son arbitre
et les deux ensemble choisissent le troisième. Vu que la convention
prévoit une procédure, le ministre ne peut pas intervenir. Mais
supposons que l'employeur décide de ne pas nommer son arbitre, alors
toute la procédure est paralysée et le ministre ne peut pas
nommer l'arbitre du patron à sa place; donc tout est paralysé.
Alors, si nous rajoutons « et si les parties y donnent suite »,
ceci veut dire que si la procédure prévue dans la convention
collective est paralysée soit par la volonté ou le défaut
de l'une ou l'autre des parties, ceci veut donc dire qu'ils n'ont pas
donné suite à la procédure et alors le ministre pourra
intervenir et nommer un arbitre.
M. BELLEMARE: C'est une manière détournée de donner
raison à l'Opposition quand on a dit dans la définition g) de
l'article 1 que le mot « grief » était mal défini et
que ça apporterait justement de ces difficultés à
l'article 88.
M. FORTIN: Bien, ça n'a aucune relation avec...
M. BELLEMARE: Ah! oui, parce que le mot « grief » n'est pas
défini selon les faits.
M. FORTIN: Si ça peut faire plaisir au député de
Champlain...
M. BELLEMARE: Oui, merci.
M. FORTIN: ... et s'il voit dans ça le résultat d'une de
ses suggestions, ça me fait plaisir de le signaler.
M. BELLEMARE: Merci, c'est justement ça.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 89?
M. BELLEMARE: Article 89: « La sentence arbitrale est finale.
» C'est bien, cela!
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 90? Adopté. Article
91?
M. BELLEMARE: C'est d'accord!
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 92? Adopté. Article 93,
modifié par l'amendement, remplacé...
M. DOZOIS: M. le Président, l'article que nous avons devant nous
se lit comme suit; « Toute grève est interdite en toute
circonstance aux salariés à l'emploi d'un service public
».
M. LE PRESIDENT: Non, modifié...
M. LESAGE: J'ai déposé un amendement.
M. DOZOIS: Oui, oui.
M. LESAGE: Il n'est pas adopté.
M. DOZOIS: Ce que nous avons devant nous, cependant, c'est bien
l'article 93 tel qu'imprimé dans le projet de loi...
M. LESAGE: Avec une proposition d'amendement.
M. DOZOIS: ... avec une proposition d'amendement à l'effet
qu'elle remplace cet article par...
M. LESAGE: J'avais dit au député de St-Jacques qu'à
l'article 93 il pourrait développer.
M. DOZOIS: C'est ça! Alors on remplace cet article en disant;
« Toute grève est inter- dite en toute circonstance aux policiers
et pompiers à l'emploi d'une corporation municipale. » Or, on voit
que la clause originale défendait le droit de grève à tous
les employés du service public, y compris les instituteurs et les
fonctionnaires du gouvernement. On change cet article pour dire que la
grève est interdite aux pompiers et aux policiers seulement. Donc,
logiquement, le droit de grève est accordé à tous les
autres employés des services publics. On verra cependant que, par
d'autres articles que l'on ajoute à la fin, l'on retranche ce droit de
grève aux instituteurs et aux employés de la province.
M. LESAGE: Elles sont des clauses transitoires.
M. DOZOIS: Oui. M. le Président, j'ai écouté tout
à l'heure le débat qui s'est fait entre le ministre du Travail et
le chef de l'Opposition et j'ai entendu, entre autres, le ministre du Travail
dire qu'il avait été fort surpris de l'attitude de l'Union
nationale quant au droit de grève. Il a semblé vouloir dire que
c'était un changement peut-être surprenant pour l'Union
nationale.
M. le Président, il est peut-être bon de rappeler à
cette Chambre que, lors de notre étude au comité que l'on a
intitulé: « Comité de la fonction publique », nous
avons commencé par étudier des rapports d'experts mis à la
disposition du comité.
Ces experts nous ont fait lecture d'études telles que conduites
par des économistes, dans différents pays. Et je dois dire,
qu'à ma surprise, comme à la surprise de tous les membres du
comité, l'on a constaté qu'en France, en Angleterre, aux
Etats-unis, le droit de grève était reconnu à tout le
monde sauf aux pompiers, aux policiers et aux forces armées; que le
bureau international du travail recommandait également ce droit de
grève.
Mais ce qui a été surprenant, c'est que les experts ne
nous fournissaient pas de données sur ce qui existait dans les autres
provinces du pays. Nous avions bien un rapport en ce qui concernait le
gouvernement fédéral, mais nous n'avions rien sur les autres
provinces. Et je tiens à le rappeler parce que si l'Union nationale
n'avait pas pris cette attitude plus tôt, c'était peut-être
parce que nous n'avions pas ces renseignements. Et j'ai réalisé,
lors de cette étude, que pas plus les représentants du parti
ministériel ne les possédaient ces renseignements, puisque nous
avons posé cette question aux experts: ? Qu'est-ce qu'on fait dans les
autres provinces? » et que personne
au comité, pas plus les membres que les experts, étaient
en mesure de nous fournir une réponse à cette question. Et ce
n'est qu'à des assemblées subséquentes que M. Bolduc,
secrétaire du comité, nous a fourni des feuilles pour s'ajouter
à ce gros volume, nous indiquant ce qui se faisait dans les autres
provinces. Et c'est alors que nous avons constaté que la province de
Québec était la seule province, ou peut-être le seul Etat
dans les démocraties qui refusait le droit de grève aux
employés du secteur public.
Par après nous avons entendu les représentants des
différents corps publics qui sont venus nous exposer leur point de vue
sur toute cette question. Et tous ces représentants ont discuté
librement de ce droit de grève qui, on l'a appris par après, ne
faisait pas partie de notre mandat. Je dois rappeler à cette Chambre
cependant que si l'on relit la motion qui a été adoptée
par cette Chambre, et qui demandait à ce comité d'étudier
les relations de travail dans le secteur public, qu'il n'était nullement
question, dans cette résolution, des articles entre crochets. Et nous
étions en droit de nous attendre que lorsqu'on avait donné, non
seulement aux membres du comité l'opportunité de poser des
questions sur le droit de grève, sur ce qui existait d'ailleurs, et que
l'on avait laissé les représentants des corps
intéressés, les unions etc. les syndicats, de discuter de cette
question, il me semblait qu'il était de notre devoir, nous d'en discuter
aussi.
Or, M. le Président, les trois membres représentant le
parti de l'Opposition à ce comité, après avoir pris
connaissance de cette volumineuse documentation qui nous avait
été fournie, après avoir entendu pendant trois jours, je
crois, les représentants des syndicats, nous en étions venus,
tous les trois, à être convaincus que le droit de grève
devait être accordé à ces gens. Et c'est alors que,
étant donné que c'était peut-être une orientation
nouvelle pour l'Union nationale, nous pouvions difficilement nous, comme
représentants de ce parti, aller prôner une politique qui n'aurait
peut-être pas été endossée par notre parti. Il
s'agissait pour nous de le savoir, et c'est pourquoi, à l'occasion de
deux caucus, nous avons soumis ce problème à notre parti, nous
avons exposé ce que nous avions connu et appris au cours* des
délibérations du comité, et devant notre exposé, le
caucus de l'Union nationale nous a endossés complètement, et de
là, l'émission d'un communiqué de presse. Mais, à
notre grande surprise, lorsque après l'émission de ce
communiqué à une assemblée on a voulu nous chicaner
quelque peu sur cette attitude, l'on a prétendu que le comité
n'avait pas juridiction, n'avait pas mandat pour étudier une telle
question et, forcément, après plusieurs tentatives, on a dû
mettre de côté cette question.
C'est vous dire que, si cette question du droit de grève a
été écartée des discussions du comité, j'ai
été quelque peu surpris d'entendre tout à l'heure le
premier ministre dire que pour accorder le droit de grève et faire les
changements, dans le bill 54, qui s'imposaient pour accorder le droit de
grève aux services publics, il attendait le rapport du Comité de
la fonction publique, je ne vois pas pourquoi il attendait ce rapport puisque
les ministériels qui le représentaient à ce Comité
disaient qu'on avait pas le droit d'en discuter. Alors, il est évident
que, pour faire ce changement dans le bill 54, il n'attendait pas le rapport du
Comité de la fonction publique pour accorder ou ne pas accorder le droit
de grève dans les services publics.
Maintenant, étant donné l'attitude que nous avons prise,
étant donné les convictions que nous avons sur cette question,
étant donné la situation qui existe présentement, nous ne
voyons pas pourquoi le gouvernement n'accorde pas, dès maintenant, le
droit de grève aux instituteurs et aux fonctionnaires.
On invoquera le fait que le Comité a terminé en faisant un
rapport sur le secteur scolaire, recommandant la création d'un
comité composé de représentants des instituteurs, des
commissions scolaires ou du gouvernement pour étudier un système
de négociations entre les intéressés des commissions
scolaires et du gouvernement mais le droit de grève ne fait pas partie
des négociations et puis c'est tellement vrai que, si le gouvernement
veut être logique, c'est précisément l'argument qu'on a
employé au comité pour nous empêcher d'en discuter. Alors,
si le droit de grève ne fait pas partie de la « phase des
négociations » et que le règlement du je ne
l'appellerai pas le conflit mais du cas des instituteurs est remis
à l'an prochain après les études d'un comité, je ne
vois pas ce qui empêcherait le gouvernement d'accorder, dès
maintenant, le droit de grève aux instituteurs, faire les amendements
qui s'imposent. J'admets d'avance que cela demandera quelques ajustements dans
ce projet de loi, mais, jusqu'à ce que ce comité se soit
prononcé l'an prochain sur la méthode de négociations, en
attendant, les instituteurs pourront exercer ce droit de grève
conformément à la loi actuelle ou aux méthodes de
négociations qui existent dans le moment.
Quant aux fonctionnaires, bien, c'est un peu la même attitude que
nous prenons: nous estimons qu'en attendant que le gouvernement fasse des
remaniements dans sa loi de négociations,
encore une fois, vis-à-vis ses employés ou
vis-à-vis les employés de ses Commissions, que l'on pourrait
accorder le droit de grève. C'est un droit, je l'ai dit tout à
l'heure, qui est reconnu partout dans le monde, dans notre monde, dans le monde
démocratique, comme nous le connaissons, et je ne vois pas pourquoi le
bill 54, avec les amendements que l'on propose, n'aurait pas accordé ce
droit à ces deux secteurs des services publics. On l'accorde à
tout le monde, sauf à ces deux secteurs. J'y vois une anomalie et,
personnellement, j'aurais aimé que le gouvernement accorde ce droit de
grève, quitte à régler la question des
négociations, si le gouvernement pense que c'est
préférable d'agir ainsi, par une loi différente pour les
fonctionnaires et par une loi qui fera suite aux recommandations du
comité des instituteurs et de commissions scolaires du gouvernement
quant aux instituteurs.
M. FORTIN: M. le Président, le député de St-Jacques
a expliqué pourquoi son parti avait adopté l'attitude d'enlever
les restrictions à la grève dans la législation.
Il dit qu'il a fait des études avec ses collègues, qu'il a
examiné la législation qui existait dans d'autres pays, qu'il a
également examiné la législation qui existait dans les
autres provinces et que, après avoir constaté l'évolution
qui s'était produite ailleurs et dans la province, il avait
décidé de recommander au caucus de son parti cette nouvelle
attitude. Il ne peut certainement pas reprocher au gouvernement d'avoir fait
les mêmes études et d'être arrivé aux mêmes
constatations.
Maintenant, en ce qui concerne les commissions scolaires, eh bien, le
chef de l'Opposition, tout à l'heure, a fait un vibrant plaidoyer en
faveur de l'union de M. Bélanger qui voudrait avoir du temps pour
étudier.
Il ne faut pas oublier que l'Union de M. Bélanger a
également des employés dans le secteur scolaire. Est-ce qu'il ne
conviendrait pas de leur donner le temps d'étudier? A l'heure actuelle
dans le domaine scolaire, nous avons la fédération des
commissions scolaires qui dit, nous voulons le « statu quo » et
nous voulons que la grève soit défendue dans les commissions
scolaires. D'autre part, vous avez l'association des instituteurs, la
fédération des instituteurs qui demandent la grève et vous
avez l'union de M. Bélanger qui dit non, défense de faire la
grève. Le gouvernement ne dit pas que nous allons maintenir
définitivement le « statu quo », disons simplement ceci,
pour six mois, laissons les lois en vigueur telles qu'elles existent et l'an
prochain après avoir consulté toutes les parties, nous verrons ce
qu'il y a de plus approprié pour la province de Québec. Et en ce
qui concerne...
M. DOZOIS: Cela porte sur la négociation les études.
M. FORTIN: Oui, oui, mais il ne faut pas oublier que si nous
défendons ou nous maintenons la défense de grève, ceci va
changer énormément le mécanisme de la négociation,
parce qu'il faudra revenir à la sentence arbitrale obligatoire,
plutôt que de revenir, plutôt que de garder la libre convention
entre les parties, conciliation et ensuite droit de grève. Ça
affecte d'une certaine manière et assez directement d'une certaine
manière le mécanisme...
M. DOZOIS: Certainement, c'est sûr. Cela n'aurait pas
été plus difficile de faire certains amendements comme on l'a
fait pour les municipalités.
M. FORTIN: Bien oui, voici, supposons qu'on se rendrait à la
décision du député de St-Jacques, et qu'on permettrait la
grève mais que dans six mois, après étude avec les
parties, patrons et ouvriers, on décidait de maintenir le « statu
quo » on a eu...
M. DOZOIS: De ne pas accorder le droit de grève.
M. FORTIN: ... oui je suppose que les parties seraient consentantes
à ça, qu'il y aurait une entente entre les parties...
M. DOZOIS: Ce n'est pas censé faire partie de vos discussions,
vos discussions sont censées porter sur les méthodes de
négociation.
M. JOHNSON: C'est tout.
M. FORTIN: Oui. Qu'est-ce qui est arrivé dans le cas des pompiers
et des policiers? Eux-mêmes ont demandé unanimement de maintenir
le « statu quo », défense de faire la grève.
M. DOZOIS: Oui. Cela tout le monde s'entend là-dessus.
M. FORTIN: Maintenant à l'heure actuelle, les parties ont convenu
de demeurer dans le « statu quo » après des entrevues avec
le ministre de l'Education et de l'étudier, de former un comité
spécial pour tout étudier cela, les parties sont satisfaites de
ça,...
M. DOZOIS: Bien alors.
M. FORTIN: ... bien oui, alors, attendons à l'an prochain pour ce
côté-là. En ce qui concerne la fonction publique, eh bien,
il y a encore une entente entre les parties. Tout le monde accepte de demeurer
dans le « statu quo » puis d'établir une loi spéciale
pour les fonctionnaires du gouvernement, pour un chapitre spécial du
Code et tout le monde est satisfait de ça.
M. DOZOIS: Un chapitre spécial?
M. FORTIN: Oui, oui un chapitre spécial, soit que ça sera
une deuxième partie du bill 54 ou une disposition spéciale.
M. DOZOIS: Très bien.
M. FORTIN: Alors, si tout le monde est satisfait, pourquoi mettre
immédiatement le droit de grève, si par hasard les parties ne se
décident pas?
M. LE PRESIDENT: Adopté.
M. GODBOUT: M. le Président, je ne voudrais pas retarder le
débat, mais me permettrait-on quelques mots. Evidemment, cette question
de grève dans les services publics, est une question de droit, est une
question sociale qui est susceptible d'affecter les populations, les groupes
ouvriers, les groupements d'ouvriers et les individus, mais elle n'est pas
nouvelle cette question, elle est étudiée depuis bientôt
cinquante ans, surtout dans les pays d'Europe.
On peut y voir trois conclusions et je m'arrête aux conclusions
seulement. La première résulte des études Paul Boncourt,
parlementaire français et Louis Rolland, sociologue et philosophe
français; elle a maintenu la proscription, la défense des
grèves ouvrières dans les services publics et à ce
moment-là, on avançait deux principes; le premier que
l'autorité gouvernementale, l'autorité de l'Etat avait
primauté sur les droits des gouvernements ouvriers et
deuxièmement qu'on devait faire passer la priorité de
l'intérêt public avant l'intérêt moins grand qui
était l'intérêt du groupe ouvrier, mais
subséquemment a évolué la pensée ouvrière et
la deuxième conclusion fut: il faut donner le droit de grève, et
l'on a vu des gouvernements comme la République l'accorder aux
fonctionnaires français.
Mais ce droit de grève créait des conflits
inévitables entre le peuple et les groupements de services publics qui
venaient, à un moment donné apporter un arrêt dans un
service essen- tiel à la population, et mettre en danger certains
secteurs ou certaines parties de la population. Et c'est pourquoi la
pensée a évolué, elle continue d'évoluer.
Après avoir adopté la première conclusion, pas de
grève, après avoir adopté la deuxième conclusion,
la grève, on se rend compte maintenant que les unions ont fait un pas de
géant, qu'elles sont arrivées à l'âge mûr,
qu'elles ont maintenant des influences financières, institutionnelles et
qu'elles sont capables de se régir elles-mêmes, qu'elles
possèdent une discipline intérieure assez grande pour donner des
règles à leurs propres activités. C'est magnifique! Voici
un groupe qui depuis cent ans a gagné petit à petit, dans des
luttes atroces, ses libertés, et voici qu'il les a fait
reconnaître à Genève, dans l'univers, lisons la
déclaration des droits de l'homme, mais c'est merveilleux! L'article 4
commence par la phrase suivante: « Aucun homme ne sera maintenu dans la
servitude et dans l'esclavage ». Par conséquent, il faut
reconnaître aujourd'hui un corps ouvrier bien discipliné,
puissant, capable de se régir, et voici que ce corps commence à
s'apercevoir lui-même que le doit de grève qu'il demandait en
certains cas est susceptible de nuire aux intérêts du peuple, et
il est tellement convaincu maintenant de sa force, de son influence, de son
droit et de ses privilèges, que c'est lui-même qui commence
à vouloir mettre un cran d'arrêt aux pouvoirs qui lui ont
été accordés. Et c'est pourquoi aujourd'hui la doctrine a
évolué dans le sens d'une discipline décidée par
les syndicats eux-mêmes; et l'on se demande si, au lieu d'avoir le droit
de grève dans les services publics, l'on ne pourrait pas trouver un
moyen, un moyen efficace, de faire reconnaître leurs droits aux ouvriers
des services publics sans nuire au peuple, à la société.
Et c'est pourquoi l'on étudie de plus en plus la constitution de
véritables tribunaux du travail où les ouvriers auraient des
droits certains, reconnus, qui leur permettraient de faire valoir leur point de
vue sans pour cela désorganiser la société, sans nuire et
sans mettre en danger la société.
Messieurs, je n'ai pas besoin d'insister, la vérité est
une. Il n'y a qu'une vérité. C'est notre impuissance de pauvre
homme à la trouver. Mais je suis sûr que nous finirons par la
trouver, la meilleure possible, relative encore, mais que les syndicats ont
fait des pas de géant vers cette vérité, qu'il faut les
féliciter, leur faire confiance, et actuellement le maintien du «
statu quo » n'est pas une erreur, il est en accord parfait avec la
philosophie syndicaliste et ouvrière.
M. JOHNSON: Le ministre a-t-il reçu une communication de la
fédération des employés municipaux et scolaires ce
soir?
M. FORTIN: Oui, oui.
M. JOHNSON: Est-ce qu'il a l'intention de tenir compte des remarques
très judicieuses qui sont faites, et qui concernent d'autres aspects que
le droit de grève?
M. FORTIN: Je crois que dans les remarques que j'ai faites tout à
l'heure, je me suis trouvé à répondre implicitement aux
arguments qui ont été soulevés. Evidemment, comme je l'ai
expliqué tout à l'heure, en permettant la grève, on
élimine les tribunaux d'artibrage avec sentence obligatoire. Il n'y a
pas de discussion sur ça. Alors, les syndicats rencontreront les
autorités municipales, négocieront. S'ils ne s'entendent pas, un
conciliateur du ministère du Travail ira essayer de les concilier, et
finalement, si elles ne s'entendent pas, eh bien, il y aura grève, et
alors 99 s'appliquera si le gouvernement juge que l'intérêt public
est en danger. C'est la loi générale qui va s'appliquer.
Maintenant, on parle de la question financière, si une
municipalité veut accorder de la rétroactivité, si ses
finances le lui permettent, elle le fera.
Probablement qu'elle n'aura pas les sommes d'argent dans ces cas, parce
que la loi ne permet pas de faire des réserves, eh bien, elle
décidera dans son prochain budget, de prévoir les montants
nécessaires. Si la municipalité ne veut pas donner la
rétroactivité, eh bien, les parties feront la grève. Nous
donnons la liberté aux parties de négocier.
M. LE PRESIDENT: Adopté 93? Des amendements?
M. JOHNSON: Zéro.
M. LE PRESIDENT: Article 94, adopté? Article 95?
M. JOHNSON: Un instant.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 96? Article 97? Article 98?
l'article 98, le deuxième paragraphe, le 99 devient le deuxième
paragraphe de 98. L'article 99?
M. DOZOIS: L'article 99 édicte une procédure à
suivre au cas où il y aurait une grève dans un service public. Si
le lieutenant-gouverneur, je pense que c'est surtout le deuxième
paragraphe qui est important, si le lieutenant-gouverneur en conseil est d'avis
que dans un service public une grève appréhendée ou en
cours met en danger la santé ou la sécurité publique, il
peut constituer à ce sujet une commission d'enquête qui est
investie des pouvoirs d'un conseil d'arbitrage pour faire enquête et
rapport sur les différends, sauf qu'elle ne peut rendre une
décision, ni formuler de recommandation mais seulement constater les
faits en se conformant aux articles de 69 à 78.
M. le Président, je trouve que d'une part on accorde le droit de
grève et de l'autre part, on le modifie considérablement.
J'étais un de ceux qui a préconisé que dans les services
publics, étant donné qu'il peut y avoir des services essentiels
concernés, qu'il devrait peut-être y avoir des modalités
pour prévenir évidemment soit la santé, soit la
sécurité. Mais je me demande si le moyen que l'on veut utiliser
par l'article 99 est un moyen bien efficace et qui va donner satisfaction aux
parties, ça n'empêchara pas nécessairement la grève,
ça va la retarder ou on finira peut-être par la prohiber lorsqu'on
aura constaté certains faits.
Il me semble, M. le Président, qu'il aurait été de
beaucoup préférable d'avoir un mécanisme par lequel les
conventions collectives auraient prévu, et la loi aurait pu obliger les
conventions collectives à y pourvoir, que dans les cas des services
essentiels, les conventions collectives auraient comporté des clauses
déterminant ce qu'il y aurait à faire en cas de grève. Il
me semble qu'entre une municipalité et ses employés, ils sont
beaucoup plus en mesure de déterminer quels sont les services essentiels
et une convention collective, par exemple, aurait pu déterminer qu'en
cas de conflit qui amènerait une grève, comment le service d'eau
aurait pu être maintenu, en déterminant le nombre
d'employés ou les employés-clés, etc, et ça aurait
pu être ainsi dans tous les secteurs des services publics, que les
conventions collectives fassent en sorte qu'on détermine d'avance
qu'est-ce qu'on ferait en cas de conflit. Il me semble que c'est beaucoup mieux
de prévoir ça que de se trouver devant une situation où
l'on n'a rien prévu, l'on me dira que le lieutenant-gouverneur doit
faire son enquête, il va s'écouler quelques mois où on
parle d'un « Cooling off Period » peut-être que ça
peut aider, mais à ce moment-là, les esprits peuvent
également s'échauffer, la grève peut se déclarer
quand même et l'on pourrait se trouver devant l'arrêt de services
essentiels, personnellement, je l'ai dit en d'autres circonstances, j'aurais
préféré un mécanisme qui aurait prévu
d'une
façon complète ce qui arrive en cas de grève,
comment les services essentiels sont maintenus, et tout aurait bien
marché, il n'y aurait pas eu d'accrochage, les services essentiels
auraient été maintenus, la même chose dans le secteur
hospitalier.
Les employés à l'occasion d'une convention collective
alors que les esprits ne sont pas échauffés, qui regardent les
problèmes en face, qui savent exactement, d'une part les
infirmières, par exemple, quels sont les services essentiels qu'on doit
maintenir en cas d'urgence, ils auraient pu le déterminer. Si, par
malheur, on doit faire face éventuellement à une grève,
bien, tout aurait été automatique et la vie de personne n'aurait
été en danger puisque tout le mécanisme, tel que
prévu dans une convention collective, aurait été mis en
branle.
Maintenant, j'admets qu'en certaines circonstances il aurait pu y avoir
des conflits qui auraient nécessité l'intervention de
l'autorité. Est-ce qu'on aurait pu donner ce pouvoir au
lieutenant-gouverneur en Conseil d'intervenir dans un conflit qui était
évidemment un conflit qui mettait la sécurité en danger?
Le gouvernement fédéral l'a fait à l'occasion de la
grève des chemins de fer, deux fois a convoqué le Parlement. On
aurait pu également prévoir ou ne pas le prévoir, mais
tout simplement avertir les unions qu'en cas de conflit et quand le
gouvernement jugerait les conditions assez graves qui auraient justifié
l'appel d'une session si on n'était pas en session, le Parlement peut se
convoquer à très brève échéance dans
l'espace de quelques heures, 24 heures, peut-être, et mettre fin à
une grève par une loi spéciale. J'aurais
préféré qu'on donne liberté à tout le monde
et obliger le Parlement à agir en cas de conflit grave qui mettait
vraiment la sécurité en danger. Ce mécanisme...
M. LESAGE: Le gouvernement pourrait encore être obligé
d'agir.
M. DOZOIS: Peut-être, cette possibilité n'est pas
écartée. D'ailleurs, le Parlement est souverain.
M. LESAGE: Le Parlement?
M. DOZOIS: Oui, il peut toujours, quelles que soient les circonstances,
quelles que soient les prévisions que l'on met dans cette loi...
M. LESAGE: Le député de St-Jacques comprend que, d'abord,
il faut avoir confiance au sens de la responsabilité des
infirmières ou des employés des services publics.
M. DOZOIS: Oui.
M. LESAGE: Deuxièmement, qu'on prévoit une
procédure au cas où une grève met en danger la
santé ou la sécurité publique et qu'on prévoit une
autre procédure où là on les met en péril, ce n'est
plus en danger là, en péril. Puis là, si rien de ça
ne réussit, il n'y a plus qu'une chose à faire, c'est de
convoquer le Parlement.
M. DOZOIS: Je réalise tellement que les infirmières ou les
employés de ce genre apprécient leur sens de
responsabilité...
M. LESAGE: Bien oui.
M. DOZOIS: ... que je dis: « Laissez-leur donc déterminer,
à ces employés, quels sont les services essentiels.
M. LESAGE: C'est ce qu'on fait. M. JOHNSON: Non.
M. DOZOIS: Eux les connaissent. Ils vont indiquer, ils vont tout
prévoir dans une convention collective qu'en cas de conflit ce qui va se
faire, quels sont les services qui seront essentiels, ils vont les
déterminer eux-mêmes parce qu'ils les connaissent...
M. LESAGE: C'est ça.
M. DOZOIS: Non, là on aura une décision de grève.
Il faudra avertir le lieutenant-gouverneur ou le ministre du Travail, je ne me
rappelle pas, huit jours avant cette date et là le gouvernement
instituera un tribunal d'enquête.
M. LESAGE: Pas nécessairement.
M. DOZOIS: Pas nécessairement.
M. FORTIN: Si les services essentiels...
M. LESAGE: Non, non, si les services essentiels sont maintenus...
M. DOZOIS: Je parle des cas où les services essentiels sont
menacés.
M. LESAGE: S'ils sont maintenus, il n'y a pas enquête.
M. DOZOIS: Alors si, dans l'appréciation du ministre, les
services essentiels mettent en danger la sécurité ou la
santé...
M. LESAGE: Non, ce n'est pas l'appréciation du ministre, c'est
l'appréciation du lieutenant-gouverneur en Conseil.
M. DOZOIS: Bon, très bien. Je pense bien que le
lieutenant-gouverneur va se fier un peu au rapport du ministre du Travail.
C'est lui qui va recevoir les communications.
M. LESAGE: On discute des fois. M. JOHNSON: On n'en est pas
sûr!
M. DOZOIS: Vous n'avez pas confiance, on ne peut pas se fier à
vous!
M. LESAGE: Oui, j'ai pleine confiance.
M. DOZOIS: Moi, il me semble que le gouvernement devrait vous faire
confiance puisque vous êtes spécialiste en cette matière.
Puis là on va ordonner une enquête. Il me semble qu'on va
commencer une procédure longue, qui peut aggraver tout simplement le
conflit. Il me semble qu'il faut faire confiance, justement, aux parties en
présence; ce sont des gens responsables. On l'a dit tout à
l'heure et c'est bien mon avis, que les unions ont fait des progrès
à pas de géant. On a dit qu'elles étaient maintenant
adultes, je le crois; elles sont capables de prendre leurs
responsabilités et je suis convaincu que ces unions seraient les
dernières à vouloir se placer dans une situation impossible tant
vis-à-vis le gouvernement que devant l'opinion publique. Et je suis
convaincu qu'en leur donnant le droit de grève ces gens vont prendre
leurs responsabilités et que nous ne verrons pas dans la province des
conflits qui mettront et la vie en danger ou la sécurité en
danger. Maintenant, peut-être que c'est une procédure qui donnera
satisfaction. Je vous dis tous simplement que, moi j'en aurais
préféré une autre.
M. FORTIN: M. le Président, si j'ai bien saisi l'argumentation du
député de St-Jacques, il voudrait que, dans la loi, nous
prévoyions un mécanisme automatique qui déterminerait ni
plus ni moins quels sont les services essentiels.
M. DOZOIS: Non, pas dans la loi, M. le Président. Non, je dis que
la loi devrait dire que, dans les services publics, les conventions collectives
doivent comporter des clauses déterminant quels sont les services
essentiels à maintenir en cas de conflit.
M. FORTIN: Alors, nous laissons aux par- ties le soin de
déterminer dans leur convention quels sont les services essentiels.
Mais, si nous mettons dans la loi une obligation a l'effet que les parties,
dans leur convention collective devront établir et définir les
services essentiels, quels sont ces services essentiels? Il va falloir nous
même les définir dans la loi.
M. DOZOIS: Ils les connaissent mieux que le ministre, eux.
M. FORTIN: Oui, mais quand on a une obligation dans la loi, si on dit:
«Vous devrez, dans notre convention collective, définir les
services essentiels », il faut le dire quels sont les services
essentiels.
M. DOZOIS: Pas nécessairement!
M. FORTIN: Or, ceci va nous amener nécessairement à faire,
dans la loi...
M. DOZOIS: Tel que déterminé d'un commun accord.
M. FORTIN: ... une définition de services essentiels. Mais si
nous ne faisons pas cette définition et si ces parties ne s'entendent
pas sur ce qu'est un service essentiel, qui vale déterminer? Alors, il
faut absolument, au législateur, pour suivre l'argumentation du
député de St-Jacques, définir dans la loi ce qu'est le
service essentiel. Or, en agissant ainsi, on entre dans un problème
pratiquement insoluble. Il va falloir, dans un texte de loi, décider ce
qu'est un service essentiel dans les hôpitaux, dans les
municipalités, dans des différents services publics et, en
agissant ainsi, nous allons justement restreindre le droit des parties de
négocier et de convenir elles-mêmes de leurs conditions de travail
et nous allons aller à l'encontre du principe qu'a défendu le
député de St-Jacques de laisser aux parties le soin de prendre
leurs responsabilités, responsabilités, dit-il, qui sont des
responsabilités d'unions d'adultes.
M. DOZOIS: Non, moi je veux leur laisser entièrement leur
liberté.
M. FORTIN: M. le Président, voici la situation qui peut se
présenter dans un cas comme celui-ci. Les parties ne s'entendent pas,
dans un hôpital, par exemple, et finalement le syndicat décide de
faire la grève. Huit jours avant de faire la grève, le syndicat
est obligé d'avertir le ministre du Travail de son intention de
déclarer la grève. Durant ces huit jours, le ministre a le temps
d'examiner la situation et de
faire rapport au Cabinet. Il peut savoir, par l'entremise du syndicat,
s'ils vont maintenir leurs services essentiels. Si le lieutenant-gouverneur en
Conseil est convaincu, à ce moment-là, que la santé des
malades n'est pas en danger, que, malgré la grève, les syndicats
vont maintenir les services essentiels, le lieutenant-gouverneur n'intervient
pas. Il laisse aux forces économiques en présence le soin de
régler leurs différends.
Mais si, après quelques jours, il constate que la santé
publique est en danger et que les syndicats ne fournissent pas les services
essentiels, le lieutenant-gouverneur en Conseil peut ordonner
immédiatement la création d'une commission qui fait enquête
sur les faits. Elle ne fera pas de recommandations, et, au moment même
où le lieutenant-gouverneur en Conseil décide la création
d'une commission ou après, si nous constatons que la santé
publique est en péril, le procureur général peut demander
à un juge de la Cour supérieure de rendre un injonction et
d'ordonner aux ouvriers de retourner au travail et de faire cesser la
grève.
Cette procédure que nous suggérons elle s'est
inspirée de la loi Taft-Hartley aux Etats-Unis, vous l'avez
constaté.
M. DOZOIS: Nous l'avons constaté.
M. FORTIN: Or, cette loi a donné d'excellents résultats
aux Etats-Unis. Et il ne faut pas oublier les remarques qui nous ont
été faites devant le comité de la fonction publique par
les unions ouvrières. Ils nous ont dit; « Laissez-nous prendre nos
responsabilités. »
M. DOZOIS: C'est ça!
M. FORTIN: Ils ont ajouté ceci: « Croyez-vous qu'en face de
l'Opinion publique nous sommes intéressés à
déclarer des grèves qui n'ont aucune justification? »
Or, imaginons une situation, comme je le disais tout à l'heure,
dans les hôpitaux, une grève se déclare. Si le
lieutenant-gouverneur en conseil décide de créer une commission
d'enquête c'est parce qu'à ce moment-là le gouvernement a
jugé que la santé des citoyens était en danger. Cette
commission-là va faire rapport et évidemment le gouvernement va
avoir soin de choisir comme commissaire des gens qui s'imposent par leurs
connaissances, par leur autorité et par leur intégrité.
Or, ces commissaires vont faire rapport sur les faits, les faits qu'ils ont
constatés. J'ai l'impression que soit la partie ouvrière, soit la
partie patronale sera assez impressionnée par le rapport qui sera fait.
Il ne contiendra pas de recommandations mais une étude de la question et
une constatation des faits apporteront nécessairement une prise de
position.
M. DOZOIS: Ce sera une enquête pour déterminer quels sont
les faits qui mettent en danger la santé des gens?
M. FORTIN: Non seulement ça, qui va établir la position
des parties, les réclamations de chacune des parties et les offres
patronales et les demandes syndicales, une constatation de fait. Ce rapport
sera public. Et l'opinion publique n'aura pas là la version des
syndicats par les communiqués faits par les syndicats et la version des
employeurs par des communiqués de presse faite par les employeurs mais
va avoir un rapport sur les faits par une commission indépendante. Et
l'opinion publique à ce moment-là sera en mesure de juger et
d'apprécier. Et je crois que sur la marche des négociations ce
rapport de la commission va avoir énormément d'influence. Et si
en plus, un juge de la Cour supérieure, pendant le travail de la
commission, a rendu une injonction ordonnant aux ouvriers de retourner au
travail parce que la santé publique était en péril, eh
bien, encore là, à l'expiration de l'injonction, si les parties
ne se sont pas entendues, nécessairement ils vont retourner en
grève. Et là...
M. JOHNSON: Qu'est-ce qui arrive si la santé publique est en
danger?
M. FORTIN: Alors ce qui arrivera c'est que si le gouvernement est en
session, il faudra nécessairement passer une loi. Aux Etats-Unis le
président fait rapport au Congrès. Il faut nécessairement
que le lieutenant-gouverneur en conseil ou le ministre du Travail fasse rapport
à la Chambre et dise: « Après l'expiration de toutes les
procédures, le cas n'est pas réglé et le gouvernement doit
prendre ses responsabilités. L'Assemblée législative doit
prendre ses responsabilités, il faut intervenir ».
M. BELLEMARE: Et s'il n'est pas en session?
M. FORTIN: Il faudra convoquer une session spéciale.
M. BELLEMARE: Oh! Bah!
M. FORTIN: Alors c'est là que j'attire l'attention de la Chambre
sur l'importance de cette procédure et je crois qu'un syndicat ou un
em-
ployeur, avant d'épuiser toute la procédure requise et de
supporter devant l'opinion publique la responsabilité d'une loi
spéciale et risquer de perdre des droits acquis et une liberté
acquise, je pense qu'on va y penser deux fois.
Et l'expérience, comme le disait le député de
St-Jacques, a été faite dans la question des chemins de fer et je
crois que lorsque jusqu'aux dernières limites, le parlement est
intervenu, les parties ont réglé. A tout événement,
cette procédure est en usage, a subi le feu de l'expérience aux
Etats-Unis, elle a donné, nous dit-on, d'excellents résultats. Et
je crois qu'en l'adoptant ici, nous avons une chance d'améliorer la paix
industrielle dans le secteur des services publics.
M. DOZOIS: Je ne veux pas prolonger le débat. Je vois que le
ministre tient à sa formule, c'est son droit. Il peut compter sur une
majorité pour l'adopter. Je veux tout simplement ajouter ceci cependant
que ce que je crains avec un tel système c'est que certains patrons,
peut-être certaines unions pour des raisons que j'ignore, se diront tout
simplement ceci: « Je n'en fais pas de prévision dans ma
convention collective pour assurer les services publics ». Etant
donné qu'il y a une telle disposition dans la loi et puis ce sera le
problème du gouvernement. Et puis là on sera devant une
grève et puis on n'aura pas prévu justement la continuation des
services essentiels. Tandis que si on obligeait dans un texte qui dirait tout
simplement ceci: « Les conventions collectives doivent établir
comment les services essentiels opéreront et s'entendent ». Tout
simplement en conventions collectives, les parties détermineront d'un
commun accord quels sont les services essentiels à faire fonctionner en
cas de grève.
Si l'on veut et si l'on est devant un conflit éventuel alors
qu'on n'a pas prévu suffisamment le maintien des services essentiels, le
gouvernement pourra intervenir. Mais le gouvernement devrait intervenir dans
les cas extrêmes seulement, laisser et faire confiance complète
aux parties en cause. J'ai confiance, moi, quand ils sentiront le poids de
leurs responsabilités, et qu'ils devront y faire face, ils vont y faire
face beaucoup mieux que s'ils ont une échappatoire, ou ce qui peut leur
sembler une échappatoire. C'est tout. Mais on va voter l'article tout
simplement, pour ne pas éterniser le débat.
M. FORTIN: M. le Président, je crois que les associations
ouvrières, quelle que soit leur appartenance ont déjà une
leçon dans le passé. On sait que la Loi des différends des
services publics et des salariés, qui a été adoptée
en 1944, a été une loi d'urgence adoptée à la suite
de la grève, à Montréal, des policiers et des pompiers,
alors que la population avait été pendant 36 heures, je crois,
privée des services essentiels. Or c'est à compter de cette
date-là que la province de Québec s'est distinguée, si je
puis employer cette expression-là, en défendant la grève
dans les services publics alors que, dans les autres provinces, ce
n'était pas défendu. Nous mettons fin, après 20 ans,
à cette loi d'exception.
M. DOZOIS: Une évolution.
M. FORTIN: Une évolution. Est-ce qu'une union ouvrière, et
on sait qu'aujourd'hui dans les services publics, les grandes centrales
ouvrières, que ce soit la Fédération des travailleurs du
Québec ou de la CSN ou de la fédération de M.
Bélanger c'est à peu près les trois grandes
fédérations est-ce que ces
fédérations-là seront intéressées à
prendre le risque que la Législature intervienne, dans un cas d'urgence,
et peut-être leur enlever, à cause de l'urgence, des droits et des
libertés qu'elles viennent d'obtenir par le bill 54.
M. DOZOIS: Justement, c'est pour ça que je dis: si on leur laisse
l'entière responsabilité, ils vont y pourvoir dans leurs
conventions collectives, puis on n'en n'aura pas de problèmes; tandis
qu'avec cet article-là, il y a une échappatoire...
M. FORTIN: Bien c'est ce que nous faisons.
M. DOZOIS: ... ils vont dire ah, il y a des gens qui se diront, s'il y a
un conflit, ce sera le trouble du gouvernement. Il y a des gens qui ne voudront
pas marcher par rapport à ça.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
M. MAJEAU: Est-ce que le ministre peut nous dire de combien de membres
sera composée cette Commission d'enquête et qui nommera les
membres? La Commission d'enquête dont parle l'article 99.
M. FORTIN: Evidemment, c'est le lieutenant-gouverneur en Conseil qui
nommera les membres. Maintenant de combien de membres sera constituée
cette Commission? C'est laissé à la discrétion du
lieutenant-gouverneur en Conseil. Cela dépendra de l'ampleur du conflit,
peut-être trois, certainement trois ou cinq, cela dépendra.
M. MAJEAU: Dans quelle catégorie allez-vous choisir les
commissaires? Vous n'avez rien de...
M. FORTIN: Bien, il faudra nécessairement choisir des
commissaires qui ont de l'expérience dans le domaine où le
conflit existe, et des gens qui s'imposeront par leur autorité, par
l'autorité qui vient de leur compétence, par leur
intégrité également et leur indépendance.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 100.
M. BELLEMARE: L'article 100, M. le Président, je vois qu'il y a
un nouvel amendement là. Au lieu de quatre vice-présidents, ce
sera cinq vice-présidents.
M. FORTIN: C'est ça.
M. BELLEMARE: Cela sera cinq vice-présidents qui vont être
juges?
M. FORTIN: Oui. Et un président, cela va être six.
M. BELLEMARE: Qui va être juge. M. FORTIN: Oui.
M. BELLEMARE: Alors, c'est là qu'est mon point, M. le
Président, pour faire remarquer au ministre qu'il débalance
encore une fois la Commission qui avait été établie
dès le début...
M. FORTIN: Non.
M. BELLEMARE: ... pour rendre justice au monde ouvrier. Elle
était composée en grande partie du patronat et des
employés qui composaient, en 1944 jusqu'à 1960, de huit membres
dont six étaient patrons ou ouvriers, contre deux avocats. En 1961,
là, on a dit, cela va être un président qui va être
juge, deux vice-présidents qui vont être juges aussi, qui sont
avocats, contre trois du patronat, trois de l'ouvrier. Alors, ce qui arrive,
c'est neuf contre six. Et cela continue. En 1962, là on arrive à
douze, parce qu'on nomme deux assesseurs. Un au point de vue ouvrier et un au
point de vue des employeurs. C'est ce qui fait une représentation de
huit patrons et ouvriers contre quatre avocats. Et cette année, en 1964,
on dit là: « Bureau de la Commission sera formée d'un
président juge, de cinq vice-présidents juges, qui sont encore
des avocats...
M. FORTIN: Ce ne sont pas des avocats, ce sont des juges.
M. BELLEMARE: Oui, mais ce sont des avocats qui sont nommés
juges!
M. FORTIN: Bien ordinairement.
M. BELLEMARE: Bon bien alors, cela va être des avocats, cela va
être encore, sans lutte de classe, sans parler contre les avocats, cela
va être encore une Commission pour placer les avocats, les amis du
parti.
M. FORTIN: Voyons donc!
M. BELLEMARE: Je dis, M. le Président, que vous débalancez
complètement la Commission des relations ouvrières. La Commission
des relations ouvrières avait été faite et pour le
patronat et pour la classe ouvrière. Et, c'est avec les nominations
faites au sein de ces grandes syndicales et des grands mouvements ouvriers
qu'était composée la véritable Commission. En somme,
qu'est-ce que c'est que la Commission?
La Commission M. le Président, c'est un groupe d'hommes
composé de légistes, il en faut, mais surtout d'employeurs qui
vivent de mouvements ouvriers plus que n'importe quel autre juge qui peut
peut-être répondre au ministre...
M. FORTIN: Il y en a huit à part des six juges, il y a quatre
employeurs et quatre employés.
M. BELLEMARE: M. le Président, le ministre le sait
qu'actuellement il est à faire une Commission d'avocats.
M. FORTIN: Non.
M. BELLEMARE: Une véritable Commission d'avocats, parce que
actuellement on va avoir six juges, on en a déjà quatre de
nommés, le juge Théodore L'Espérance, le juge en chef de
la Commission des relations ouvrières, le juge Jean-Marie Houle, le juge
Gold, et puis le juge Roger Bisson.
M. FORTIN: C'est ça.
M. BELLEMARE: Bon, autrefois, M. le Président, on avait dans la
Commission des relations ouvrières, on avait la véritable
représentation et patronale et syndicale, là aujourd'hui, on va
avoir la représentation des avocats qui vont
contrôler la Commission. Je suis convaincu qu'ils vont
contrôler la Commission avec six juges et la partie patronale et lapartie
ouvrière devient la partie seconde. Le ministre n'a pas raison de
saboter la composition du bureau, n'a pas raison d'en faire une Commission
d'avocats. Je dis que ça appartient aux ouvriers ça. Cela a
été bâti par les grandes syndicales, ç'a
été bâti par le monde des employeurs et aujourd'hui on en
fait une place toute choisie pour des amis du parti. Remarquez bien M. le
Président, les amis du parti, des avocats vont être nommés
sur la Commission et je dis queça débalance complètement
l'attitude que prendra en certaines circonstances la Commission des relations
ouvrières. C'était une Commission qu'a dit le ministre en 1960,
certains ont fait des reproches à la Commission mais là on va
pouvoir en faire encore beaucoup plus, parce que les décisions qui
seront rendues par la Commission qui sont des décisions importantes
quand on regarde M. le Président, le nombre de séances que
tiennent ces gens-là. Ils ont tenu 695 séances, dont 287
séances d'administration seulement et 408 pour les auditions dont ils
ont entendu pendant ces auditions-là 269 causes mais quand on sait
qu'ils ont accordé l'an passé, la Commission des relations
ouvrières a accordé 663 nouvelles demandes de nouveaux
certificats de reconnaissance syndicale et qu'ils ont refusé ces
mêmes gens, 173 conventions collectives.
M. FORTIN: Combien y a-t-il de causes en
délibéré?
M. BELLEMARE: Il y en avait 1,013 l'an passé.
M. FORTIN: Puis?
M. BELLEMARE: Bon, puis, combien y en a-t-il de réglées
aujourd'hui? Est-ce qu'il va y en avoir plus, parce qu'ils sont quatre juges?
Il y en a 1,013 là, est-ce qu'il va y en avoir plus?
M. FORTIN: Je vais vous expliquer ça.
M. BELLEMARE: M. le Président, je sais que le ministre va me
répondre, ce sont surtout des causes de congédiements. Il y a eu
547 plaintes de congédiements, il y en a eu 463, c'était purement
et simplement des congédiements. Il y a eu 81 clauses qui étaient
des suspensions, il y en a eu trois, c'était pour des
déplacements, mais la grande partie de ces causes-là des 463 qui
ont été des causes de congédiements, ont été
faits à la conciliation ou à l'audition très peu à
l'audition, très peu. Le ministre ne viendra pas me dire que c'est pour
entendre les causes de congédiements, ç'a été
l'argument employé pour nommer deux autres juges sur la Commission. Le
juge aurait le droit de siéger tout seul, pour entendre les causes de
congédiements. Non, M. le Président, je dis et je
répète qu'on veut en faire une Commission politique et vous le
verrez tout à l'heure à...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs.
M. FORTIN: M. le Président, j'invoque le règlement, le
député de Champlain n'a pas le droit de prêter des
intentions et les remarques qu'il fait là sont absolument mal
fondées puis je vais lui prouver s'il veut me laisser parler.
M. BELLEMARE: Oui, vous avezparlé toute la veillée
là, c'est à mon tour.
M. le Président je dis que mes remarques sont jugées
opportunes, parce que je ne prête pas de motifs au gouvernement...
M. LALONDE: Voyons donc!
M. BELLEMARE: ... et je dis que je constate un fait qui va arriver. J'ai
l'expérience peut-être plus que le ministre, dans le monde
ouvrier, moi, et je connais ce que sont que des relations ouvrières, je
connais ce que c'est qu'une demande de reconnaissance syndicale, surtout quand
on s'adresse auprès de la Commission des relations ouvrières.
M. FORTIN: Vous ne savez pas comment fonctionne la Commission
d'après ce que je peux voir.
M. BELLEMARE: Je sais comment ça fonctionne à part
ça, plus que jamais! Quand je vois aujourd'hui la composition du nouveau
bureau, qui va être formé de six avocats qui vont être
juges, contre huit, dont quatre du patronat et quatre des ouvriers. M. le
Président, je dis et surtout à l'article 119, on va y toucher
encore plus du doigt: lorsque la commission, par cette loi, va nommer un
administrateur: on n'en a pas besoin au sein de la commission, on n'a jamais
voulu en avoir un parce qu'on a actuellement des administrateurs qui sont
nommés, un pour Montréal, un pour Québec et on a un
surintendant à ça. On n'a pas besoin de ça. Et je dis
qu'au sujet de cet article-là, la composition du bureau, je proteste
contre la nomination des avocats qui vont devenir des avocats-juges et qui vont
en faire une Commission sûrement politique.
M. FORTIN: M. le Président, le député de Champlain
vient de montrer qu'il ignore complètement comment fonctionne la
Commission des relations ouvrières. D'abord, je dois dire que, l'an
dernier ou il y a deux ans, à la demande des unions ouvrières,
parce que le rôle était surchargé et que le travail de la
Commission augmentait considérablement, le gouvernement a obtenu par un
amendement à la loi le pouvoir de nommer des commissaires temporaires.
Lorsque nous avons préparé la première version du bill 54,
nous avions décidé d'avoir trois bancs, c'est-à-dire, un
banc est composé d'un représentant patronal, d'un
représentant ouvrier et d'un juge comme président. Or, les unions
ouvrières sont venues me voir en délégation; la
Fédération des travailleurs du Québec, la C.S.N., et m'ont
demandé: « Nous voulons que vous mainteniez quatre bancs et nous
voulons que le banc temporaire qui existe, et que nous avons prolongé de
six mois en six mois, nous voulons qu'il devienne permamento »
Chaque fois qu'un banc siège, il y a évidemment un juge
qui préside. Or, qu'est-ce qui arrive? C'est que la partie patronale
étudie le dossier et fait son rapport, la partie ouvrière la
même chose, mais c'est le juge qui doit rendre la sentence, qui doit
rédiger la sentence. Or, aux juges il faut plus de temps qu'aux autres
commissaires. Non seulement ils entendent les témoins, mais, en plus,
ils doivent rédiger les sentences. Or, les juges ont dit: « Nous
demandons plus de temps que les autres commissaires. » C'est pourquoi, en
nommant quatre bancs et six juges, ceci permet à un juge d'aller
étudier le dossier, de préparer ses
délibérés, pendant qu'un autre juge vient prendre sa place
pour siéger avec le patron et l'ouvrier. Et jamais la Commission ne
siège, les huit représentants patronaux et ouvriers d'un
côté puis les six juges de l'autre.
M. BELLEMARE: Tout le monde sait ça.
M. FORTIN: Alors, de quelle manière, la Commission va-t-elle
être débalancée?
M. BELLEMARE: Pensez-vous que, dans le monde ouvrier, on n'est pas
capable d'avoir un homme compétent paur juger la question de
congédiement? Pas nécessaire qu'il soit avocat. Il en existe des
hommes.
M. FORTIN: M. le Président, chaque fois que la Commission
siège, il y a toujours un représentant patronal et un
représentant ouvrier et un juge comme président. Maintenant, le
député de St-Jacques dit: « Vous n'avez pas besoin
d'avocats à la Commission des relations ouvrières. Vous n'avez
pas besoin de juges. Vous n'avez pas besoin d'hommes qui connaissent la loi
».
M. DOZOIS: Je n'ai jamais dit ça, M. le Président.
Le député de St-Jacques n'a jamais soutenu qu'il n'y avait
pas besoin d'avocats à la Commission des relations ouvrières.
M. FORTIN: Je demande à la personne qui revise les débats
de corriger. C'est le député de Champlain qui a dit qu'il n'y
avait pas besoin d'avocats. Mais il devrait constater qu'il y a des articles de
la loi impliqués de temps à autre.
M. BELLEMARE: Il y en avait d'autres aussi.
M. FORTIN: Il devrait se rendre compte qu'il y a eu cette année,
peut-être, quinze ou vingt brefs de prohibition de pris contre la
Commission des relations ouvrières par des avocats prétendant que
la Commission avait erré au point de vue juridique, et je dois dire que,
jusqu'en Cour suprême, la Commission des relations ouvrières n'a
pas encore perdu une seule cause devant les tribunaux parce qu'il y a des juges
compétents qui connaissent la Loi des relations ouvrières et qui
savent l'appliquer et si vous ne mettez pas des hommes de loi qui connaissent
la loi, eh bien, vous risquez de paralyser le fonctionnement de la
Commission.
M. FORTIN: Maintenant, j'ajouterai ceci: j'ai demandé à
une compagnie spécialisée dans l'administration, Wood and Gordon,
de faire une enquête sur le fonctionnement de la Commission des relations
ouvrières et de nous faire des suggestions pour améliorer le
mécanisme de la Commission parce que les juges eux-mêmes sont
venus me voir et ils m'ont dit qu'ils étaient surchargés de
travail. Actuellement, il y a un juge qui a renoncé à ses
vacances cet été pour mettre en ordre tous ces
délibérés. Ils sont surchargés,
débordés de travail. Ce commissaire m'a fait un rapport
préliminaire, car je le lui ai demandé puisque c'était
urgent, et il m'a dit: « M. le ministre du Travail, vous devez avoir six
juges, sans ça ils ne passeront pas à travers leur «
rôle ». » C'est à la suite du rapport de cet expert,
et non pas pour faire des nominations politiques, que j'ai
suggéré au gouvernement d'avoir six juges.
M. BELLEMARE: M. le Président...
M. FORTIN: C'est une nécessité, M. le
Président.
M. BELLEMARE: M. le Président, 269 cas pour des conventions
collectives, 663 nouveaux certificats, bon! Cela, c'est le rapport officiel de
la Commission...
M. FORTIN: Eh bien, écoutez, si le député...
M. BELLEMARE: Le ministre ne viendra pas nous dire qu'avec six juges...
Non! c'est surtout pour donner plus de latitude aux congédiements.
M. FORTIN: C'est ça.
M. BELLEMARE: C'est ça. Mais je suis d'avis que n'importe quel
membre d'un bon syndicat peut entendre les parties pour savoir si elles ont
raison ou non dans un congédiement. Nul besoin d'être avocat, et
plus que ça, il y a bien des avocats dans votre «
congrégation » qui ne connaissent pas le code du travail, dans
votre association.
J'en ai vu, déjà, plaider devant une
congrégation.
M. BERTRAND (Missisquoi): Il y en a assez dans notre «
congrégation. »
M. BELLEMARE: Devant les tribunaux, de certains amendements.
M. FORTIN: Comme il y a des serre-freins qui ne connaissaient pas leur
affaire, qui ont causé des accidents de chemins de fer.
M. BELLEMARE: Pardon?
M. FORTIN: Comme il y a des serre-freins qui ont fait des erreurs, qui
ont occasionné des accidents de chemins de fer.
M. BELLEMARE: Non, non, c'est pas des serre-freins, c'est toujours des
gens qui travaillent dans la station, des aiguilleurs, qui font les erreurs,
c'est pas nous autres. Nous prenons les ordres du bureau.
M. FORTIN: Vous en faites des erreurs!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre. Article 100 adopté.
M. BELLEMARE: Je n'ai pas d'objection à l'accepter, malgré
que je n'aime pas ça.
M. LESAGE: Votre femme a dû accepter ça bien des fois qui
ne lui plaisaient pas!
M. BERTRAND (Missisquoi): On en arrache! Il était temps que cesse
le combat.
M. BEDARD (président du comité plénier): M. le
Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité n'a pas
fini de délibérer et qu'il demande la permission de siéger
de nouveau.
M. HYDE (président): Quand siégera-t-il? A la prochaine
séance? A la prochaine séance.
M. LESAGE: M. le Président, demain, nous continuerons
l'étude du bill 54 et j'espère que nous pourrons obtenir le
consentement unanime pour l'étude de la troisième lecture afin
que nous puissions référer le bill au Conseil législatif,
parce que évidemment, c'est un des bills compliqués de la session
puis je voudrais bien que ces messieurs de l'autre endroit aient le temps de
l'examiner. Si nous voulons essayer de terminer pour la fin de juillet, il faut
leur donner une chance de travailler.
M. BELLEMARE: Bah!
M. LESAGE: Puis, nous prendrons après la troisième
lecture, les bills à partir de l'item 38, dans l'ordre dans lequel Ils
apparaissent au feuilleton d'aujourd'hui; plus, si nous en avons le temps, les
trois bills lus en première lecture aujourd'hui. Si nous faisons
ça dans la journée ça sera une bonne journée.
M. DOZOIS: On va proroger vendredi.
M. LE PRESIDENT: La Chambre est ajournée à demain
après-midi àdeuxheures et demie.