Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Onze heures du matin)
M. le Président: Qu'on ouvre les portes. Let the doors be opened.
À l'ordre, messieurs: Affaires courantes. Présentation de bills
publics.
M. Lesage: Ah!
Bill no 2 Première lecture
M. le Président: Pour M. Gérin-Lajoie, M. Lesage propose
la première lecture d'une loi concernant les taxes scolaires sur les
immeubles des compagnies. Cette motion sera-t-elle adoptée?
M. Johnson: M. le Président, je me demande en vertu de quelle
disposition du règlement, on a...
M. Lesage: M. le Président, est-ce que je pourrais demander... il
y a passablement de bruit, le chef de l'Opposition pourrait élever la
voix.
M. Johnson: Je me demande en vertu de quelle disposition du
règlement, on a, ce matin, évité de faire appel des
chapitres ordinaires prévus par le règlement, c'est-à-dire
la présentation de bills, la présentation de motions, M. le
Président, il n'y a aucune exception.
M. le Président: Je pourrais peut-être répondre au
chef de l'Opposition que c'est moi qui devrais en prendre la
responsabilité, parce que j'avais compris que c'était de
consentement unanime. Je ne crois pas qu'il y aurait d'autres articles. Si le
chef de l'Opposition voulait, je pourrais appeler l'article des affaires
courantes, la présentation de motions non annoncées. Ce serait la
seule, parce qu'il n'y a pas de bills privés, il n'y a pas de
présentation de pétitions.
M. Johnson: M. le Président, je vous remercie. Il n'y a pas de
motion, contrairement à ce qui avait été fait à la
session de 1960, la session de septembre, pour mettre de côté les
règlements. J'aurais crû alors qu'on procéderait comme le
veut l'article 114, et je n'ai pas de motion à présenter
cependant, sauf que je pensais qu'il y aurait quelques questions verbales, si
l'Orateur veut bien nous le permettre.
M. Lesage: Pour les questions verbales, l'on verra après la
première lecture de ce bill, avant l'affaire du jour, le titre y
est.
M. Johnson: Oui.
M. Lesage: Pour les motions verbales...
M. Johnson: On les permettra à ce moment-là?
M. le Président: Certainement.
M. Lesage: J'ai même été surpris hier de ne pas en
avoir, de ne pas avoir de questions.
M. le Président: La première lecture du bill concernant
les taxes scolaires. Adopté?
M. le Greffier adjoint: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. le Président: Deuxième lecture, même
séance?
M. Lesage: Oui, plus tard aujourd'hui, si, par hasard, nous
réussissions à terminer l'étude du bill 1.
M. le Président: Même séance?
M. Johnson: Jamais, M. le Président, vous n'aurez vu une
Opposition qui collabore aussi régulièrement, aussi
systématiquement.
M. Lesage: Il faut dire que le gouvernement, que le chef du gouvernement
a fait sa part aussi vis-à-vis du chef de l'Opposition.
M. le Président: Même séance. Affaires du jour.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
L'enseignement de l'art dans les écoles
normales
M. Bellemare: M. le Président, le journal Le Soleil d'hier nous
annonçait une nouvelle assez sensationnelle. Je voudrais demander
à l'honorable ministre de la Jeunesse, j'allais vous dire de
l'Éducation, je dis bien au ministre de la Jeunesse s'il a pris
connaissance de cette déclaration qui a été faite au
congrès mondial à Montréal par une religieuse, à
savoir que l'enseignement de l'art dans les écoles normales était
complètement discontinué à partir de cette
année.
Une voix: C'est bien grave.
M. Gérin-Lajoie: Oui, j'en ai pris connaissance, M. le
Président.
M. Bellemare: M. le Président, est-ce que c'est une
décision qui relève du ministère?
M. Gérin-Lajoie: En aucune façon, M. le
Président.
M. Bellemare: M. le Président, est-ce que le ministre est
satisfait de cette décision?
M. Gérin-Lajoie: Évidemment, comme citoyen et père
de famille, je m'en étonne. Mais, comme ministre, je n'ai pas d'opinion
à avoir là-dessus.
Bref d'élection
Notre-Dame-de-Grâce
M. le Président: J'ai donc l'ordre d'informer la Chambre
qu'à la suite de l'avis donné de son siège le 11 juillet
1963 par l'honorable Jean Lesage, à savoir que le siège du
député du district électoral de
Montréal-Notre-Dame-de-Grâce était devenu vacant par suite
du décès de l'honorable Paul Earl, j'ai adressé au
président général des élections un mandat lui
enjoignant d'émettre un nouveau bref d'élection portant
convocation du district électoral de
Montréal-Notre-Dame-de-Grâce.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Edifice du ministère de l'Education
M. Bellemare: M. le Président, au ministre de la Jeunesse, je
pose une autre question. On annonce que, d'ici à quelque temps, le
ministère de l'Éducation fera construire un nouvel édifice
sur la cité parlementaire, sur le nouveau développement
parlementaire. Est-ce que le choix de l'architecte et des plans est
définitif?
M. Lesage: M. le Président, pour ce qui est de la cité
parlementaire, c'est la responsabilité du ministre des Travaux publics
et du premier ministre, parce que la Commission d'aménagement de
Québec relève évidemment du Conseil exécutif. En
effet, les plans de construction d'un édifice pour le ministère
de la Jeunesse, quel que soit son nom plus tard, sont demandés, la
préparation des plans a été confiée à un
architecte; il n'a rien commencé encore mais doit commencer incessamment
à avoir des entrevues avec les hauts fonctionnaires du ministère
pour connaître leurs besoins présents et à venir.
M. Johnson: M. le Président, le premier ministre n'aura
certainement pas d'objection à nous éclairer sur ce point. Est-ce
que les architectes devront tenir pour acquis qu'il y aura un ministère
de la Jeunesse et un ministère de l'Éducation, lorsqu'ils
établiront les besoins en espace de cet édifice? Car on sait
qu'il ne doit pas y avoir de ministère de l'Instruction publique, ni de
ministère de l'Éducation; ça prendra donc un peu moins de
plancher pour loger les services encore considérables toutefois du
ministre de la Jeunesse actuel.
Une voix: Est-ce que c'est une question?
M. Johnson: Non, je veux savoir, M. le Président, si on doit
tenir pour acquis, du côté du gouvernement, qu'il y aura un
ministère de l'Éducation malgré la promesse du premier
ministre évidemment à l'effet contraire?
M. Lesage: M. le Président, cette question-là revient pour
la deuxième ou la troisième fois. J'ai donné des
explications. Quel que soit le nom du ministère qui s'occupe de
l'éducation dans la province de Québec, les besoins en plancher
sont les mêmes. Je ne conçois pas qu'on puisse avoir une autre
opinion que celle-là. Maintenant, pour ce qui est du futur
ministère de l'Éducation, il est définitif que, le plus
rapidement possible, je ne puis pas dire autre chose, le gouvernement
présentera à la Législature un bill 60 tel qu'il est ou
amendé, suivant les circonstances.
M. Johnson: Relativement au bill 60, le premier ministre avait
demandé qu'on lui envoie des suggestions pratiques, des suggestions
concrètes avant le 1er septembre. Pourrait-il nous dire s'il en a
reçu de plusieurs sources, en grand nombre?
M. Lesage: Je ne sais pas. Il faudrait que je demande à mes
secrétaires.
M. Bertrand (Missisquoi): On en a reçu des copies.
M. Gérin-Lajoie: Si vous le savez, ne posez pas de questions.
M. le Président: À l'ordre!
M. Johnson: M. le Président, il est exact...
M. Lesage: M. le Président, on m'a posé une question, je
me lève pour répondre et on ne m'en donne pas l'occasion.
M. Johnson: Oui, mais le ministre m'a dit: "Je ne sais pas".
M. Lesage: Bien oui, mais j'ai donné instruction à mon
secrétariat de bien vouloir compiler toues les réponses, toutes
les suggestions qu'on recevait à ce sujet pour que je puisse les
examiner avec le ministre de la Jeunesse comme un tout après le 1er
septembre.
M. Johnson: Merci. M. le Président...
M. Lesage: ...et je pense que, comme méthode de travail, c'est
préférable à un examen au fur et à mesure.
M. Johnson: M. le Président, il est entendu que nous recevons
quelquefois copie de ces communications envoyées au premier ministre et
je voudrais remercier publiquement les corps publics et les associations qui
agissent de cette façon. Je crois que c'est une façon très
démocratique et je voudrais le dire publiquement...
M. Gérin-Lajoie: Les temps n'ont pas changé.
M. Johnson: ...le premier ministre me le permettra, et je voudrais
inciter tous ceux qui ont des représentations à faire dans
quelque domaine que ce soit...
M. Lesage: C'est ça!
M. Johnson: ...de ne pas négliger d'informer l'Opposition.
M. Lesage: Est-ce une question, M. le Président?
M. Johnson: Bien voici. Je vais la convertir en question. Le premier
ministre est-il opposé à ce que tous ceux qui ont des
représentations à faire sur des bills d'une nature publique
envoient une copie à l'Opposition afin qu'elle puisse s'acquitter de son
devoir d'Opposition?
M. Lesage: Évidemment, M. le Président, ça
dépend de la confiance que chaque individu ou chaque organisme peut
avoir dans l'Opposition. Pour ma part, si j'étais un citoyen ou le
président d'un organisme, je croirais inutile d'envoyer des copies de
mes résolutions ou de mes représentations au gouvernement
à l'Opposition telle que constituée présentement.
M. Johnson: M. le Président, vous avez un exemple du grand esprit
démocratique du premier ministre.
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Johnson: M. le Président, j'invoque le règlement.
J'invoque le règlement, M. le Président.
Une voix: Vous avez couru après.
M. le Président: C'est moi qui s: invoqué le
règlement avant le chef ce l'Opposition.
À l'ordre, messieurs;
Je crois qu'on s'engage dans un débat général qui
n'est pas permis à ce stade des procédures. S'il y a des
questions à poser qui pourraient avoir des réponses, des
questions sérieuses avec des réponses sérieuses, d'accord.
Mais ça ne doit pas susciter un débat général.
M. Johnson: M. le Président, même s: nous sommes dans une
courte session, vous ne voulez pas, évidemment, que l'Opposition renonce
ou qu'aucun député de cette Chambre renonce à ses
privilèges, et j'invoque l'article 193 parce que le premier ministre,
dans ses propos à la fin surtout de sa phrase, a attaqué la
dignité des membres de cette Chambre. J'ai bien demandé au
premier ministre, M. le Président, pour bien établir le status
questionis...
M. Gérin-Lajoie: Ne répétez pas ce qui s'est
passé, on le sait.
M. Johnson: ... j'ai demandé au premier ministre s'il
encourageait les associations à nous envoyer copie de leurs
représentations quand il s'agit de bills d'intérêt public.
Or. M. le Président, le premier ministre a répondu en disant: Ils
sont bien libres de le faire, mais que lui-même, connaissant
l'Opposition, ne le ferait pas.
M. le Président, je voudrais, invoquait l'article 193, dire
d'abord que nous avons là une des manifestations les plus
spontanées de l'esprit démocratique qui anime le premier
ministre.
M. Lesage: J'ai dit qu'ils sont libres.
M. Johnson: Deuxièmement, pour revendiquer les privilèges,
la sécurité des membres de cette Chambre et l'honneur des
députés, je voudrais dire à cette Chambre que plusieurs
corps publics n'osent pas envoyer leurs représentations à
l'Opposition parce qu'ils sont menacés de représailles par
certains membres du gouvernement.
M. le Président: A l'ordre, messieurs!
M. Lesage: M. le Président, si...
M. Johnson: Troisièmement...
M. Lesage: J'invoque le règlement. J'avise la Chambre...
M. Johnson: Quel article le premier ministre invoque-t-il à ce
moment pour intervenir?
M. Lesage: Oui, je puis intervenir, parce que j'invoque le
règlement...
M. le Président: À l'ordre, messieurs! Je comprends que le
premier ministre voudrait soulever le même règlement que le chef
de l'Opposition vient de mentionner.
M. Lesage: Il s'est levé sur une question de
privilège.
M. le Président: Article 193, je crois.
M. Talbot: On n'a pas le droit de pyramider les...
M. le Président: ... parce que le chef de l'Opposition, en
parlant sur la question de privilège qu'il a soulevée, commence
à faire exactement la même chose dont il se plaint que le premier
ministre vient de faire il y a quelques instants. Le premier ministre se
lève pour soulever exactement une question de privilège du
même ordre.
M. Lesage: M. le Président, c'est que je serai obligé de
répondre à ce que vient d'affirmer le chef de l'Opposition, parce
qu'il est absolument faux que les gens soient empêchés d'envoyer
des copies au chef de l'Opposition. Mais il faudra que je réponde. On a
dit que c'était antidémocratique. Je me réserve le droit
de répondre au chef de l'Opposition sur les affirmations qu'il fait
alors qu'il ne suit pas le règlement.
M. Lafontaine: Vous répondrez en temps et lieu.
M. Johnson: M. le Président, je disais donc que les propos du
premier ministre ce matin ne sont pas de nature - c'est le moins qu'on puisse
dire - à encourager les associations et les corps publics, comme les
individus d'ailleurs, à faire parvenir à l'Opposition une copie
des représentations qu'ils jugent à propos de faire relativement
à des bills d'intérêt public. Je demanderais, et je me
bornerai à cela, au premier ministre de revenir sur sa décision,
qui est le fruit peut-être d'une saute d'humeur...
M. Lesage: Il n'y a pas de saute d'humeur, il n'y a personne de
meilleure humeur que moi, ce matin.
M. Johnson: ... ou tout simplement qui est le fruit d'une mauvaise
appréciation, c'est peut-être une blague, un
précédent fameux par un de ses collègues récemment,
et j'aimerais entendre le premier ministre nous dire qu'il encourage tout le
monde à mettre tous les députés au courant des
problèmes qui intéressent la population et des
représentations que ces corps très qualifiés jugent
à propos de faire toujours pour le bien commun. M. le Président,
je me bornerai à cela ce matin, à réclamer non pas cette
faveur mais le respect de ce droit envers tous les députés, que
le premier ministre encourage tout le monde afin que tous les
députés de la droite comme de la gauche prennent plus
sérieusement à coeur leur fonction de député et
méritent davantage la rémunération accrue qu'on leur a
accordée en vertu d'une loi récente.
M. Lesage: M. le Président, voici, c'est que le chef de
l'Opposition a déclaré que le gouvernement agissait de
façon à décourager le corps publics ou les citoyens
d'envoyer copie de leurs représentations au gouvernement aux membres de
la Chambre et à l'Opposition en particulier.
Je regrette, mais, de ce côté, je n'ai jamais posé
quelque geste que ce soit, loin de là. D'un autre côté, si
je ne pose aucun geste pour empêcher que les citoyens ou les organismes
qui font des représentations au gouvernement envoient copie de leurs
représentations à l'Opposition, je n'ai pas de geste à
poser pour leur imposer de le faire, pas plus. Quand on est démocrate,
M. le Président, on laisse les citoyens libres d'agir à leur
guise. Je n'ai pas le droit, comme démocrate, d'imposer aux citoyens et
aux organismes de la province la confiance dans l'Opposition dont nous
souffrons.
M. Johnson: M. le Président, je n'en demanderais pas tant de la
part du premier ministre, mais j'ai une question à lui poser. Comme bon
démocrate qu'il prétend être, veut-il nous dire s'il
accorde une extension du délai discrétionnairement établi
par lui d'une façon antidémocratique, le délai du 1er
septembre?
M. Hamel (Saint-Maurice): C'est à l'encontre du
règlement.
M. Gérin-Lajoie: La bonne blague!
M. Lesage: M. le Président, lorsque j'ai annoncé que nous
ne procéderions pas à l'étude du bill 60 à la
session qui s'est terminée le 11 juillet, j'ai affirmé
l'intention bien déterminée du gouvernement de procéder le
plus rapidement possible à l'établissement d'un ministère
de l'Éducation.
Les représentations que j'avais reçues étaient dans
le sens que l'on devait étudier les modalités prévues au
projet de loi. Rarissimes sinon non existantes ont été les
représentations contre le principe même du projet de loi. Il
était raisonnable de m'attendre que, dans l'espace de deux mois, alors
que la commission Parent avait siégé
pendant deux ans et demi, le rapport étant public depuis
plusieurs mois, que, le 1er septembre, j'aie reçu des propositions
précises d'amendements. On ne peut certainement m'accuser de ne pas
avoir été démocrate. Nous avons retardé la
proposition d'adoption d'un projet de loi qui était prêt devant la
Chambre pour donner une chance aux intéressés de s'exprimer. Si
ce n'est pas de la démocratie cela, qu'est-ce que c'est que la
démocratie? Mais il y a tout de même une limite et ce n'est pas
parce que nous sommes prêts à envisager des changements, des
amendements aux modalités que nous allons donner une chance à
l'infime minorité de ceux qui s'opposent au principe du bill d'en
retarder indéfiniment l'adoption.
M. Johnson: M. le Président, cela ne donne pas une réponse
à ma question. Est-ce que le délai sera étendu?
M. Lesage: Il me semble que ce que j'ai dit était clair.
M. Johnson: Au-delà de septembre, et je...
M. Lesage: Le délai a été raisonnable, M. le
Président, et c'est le 1er septembre.
M. Johnson: C'est le premier ministre qui le juge
unilatéralement...
M. le Président: À l'ordre, messieurs! À l'ordre,
messieurs'.
M. Johnson: La Loi des liqueurs, on a plus de temps que cela.
M. le Président: À l'ordre! Affaires du jour.
M. Johnson: Pour les "bookmakers"...
M. Lesage: Qu'est-ce que cela a à faire là-dedans?
M. Johnson: M. le Président, j'ai une question à poser au
ministre de la Jeunesse, je crois, il n'est pas là, il est
là.
M. Lesage: Il y a la manière de regarder l'autre.
Tournée d'information sur la réforme
scolaire
M. Johnson: Ce sera rétroactivement, M. le Président, qui
paie les frais d'avion, les vins d'honneur, le publicité et les
pourboires que le ministre de la Jeunesse de ce temps-ci encourt pour faire la
propagande en faveur de ses positions théologiques douteuses sur le bill
60?
M. le Président: À l'ordre, messieursl Affaires du
jour.
M. Johnson: Je regrette, M. le Président, je pose une question
qui est bien du ressort de l'Assemblée législative. Qui paie?
Nous sommes ici pour savoir qui défraie les dépenses...
M. le Président: J'avais bien compris la question;
c'étaient les remarques que le chef de l'Opposition a employées
en terminant sa question qui étaient antiréglementaires.
M. Johnson: M. le Président, j'ai une question à poser,
est-ce que ces frais sont payés par les contribuables, par le Parti
libéral ou personnellement par le ministre?
M. Gérin-Lajoie: M. le Président, le chef de l'Opposition
a englobé un tas de choses dans sa question. Le ministre de la Jeunesse
n'a offert aucun vin d'honneur pendant les visites qu'il a faites
récemment dans diverses régions de la province. C'est le
ministère de la Jeunesse qui paie pour les dépenses encourues
pour les visites que le ministre de la Jeunesse et les hauts fonctionnaires du
ministère de la Jeunesse font dans diverses régions de la
province, pour se rendre compte des besoins de l'éducation, de
l'application des politiques du ministère de la Jeunesse et du
gouvernement en matière d'éducation au Québec. Tout cela
se fait dans l'accomplissement normal des fonctions constitutionnelles du
ministre de la Jeunesse.
M. Johnson: Le ministre de la Jeunesse voudra peut-être nous dire,
M. le Président, s'il a profité de ces voyages, entre autres
celui qu'il a fait à Jonquière, pour discuter des subventions
demandées et autres problèmes de même nature qui concernent
son département.
M. Gérin-Lajoie: Bien sûr, M. le Président, il a
été question du problème des subventions, il a
été question du problème des déficits scolaires, il
a été question des problèmes d'aménagement
scolaire, il a été question de commissions scolaires,
d'écoles de métiers, d'instituts de technologie, de
problèmes du personnel enseignant, des problèmes auxquels les
parents ont à faire face quand leurs enfants atteignent un certain
niveau scolaire et ne trouvent pas de place dans d'autres écoles, il a
été question d'une très grande variété des
problèmes relevant de près ou de loin des fonctions du
ministère de la Jeunesse et du département de l'Instruction
publique.
M. Courcy: Question dont le député de
Trois-Rivières n'a pas fait le rapport à son chef.
Vous n'avez pas fait votre rapport.
M. le Président: À l'ordre:
M. Johnson: M. le Président, j'ai une question simple à
poser au ministre. A-t-il été question du bill 60?
M. Gérin-Lajoie: Bien sûr que c'est une des questions
d'intérêt le plus immédiat dans le domaine de
l'éducation aujourd'hui, au cas où le chef de l'Opposition ne
s'en serait pas rendu compte.
M. Johnson: Le ministre a annoncé qu'il y aurait bientôt de
nouvelles occasions avantageuses de crédit pour les commissions
scolaires qui doivent contracter des emprunts auprès des banques. Le
ministre est-il prêt à donner à la Chambre des informations
relativement à ce projet?
M. le Président: Je crois qu'on est rendu dans le style de
questions qui devraient être posées par écrit. Le
règlement prévoit que les questions qui peuvent être
posées par écrit devront être posées de cette
façon.
Anniversaire de M. Roy Fournier
M. Johnson: M. le Président, vous me permettrez de souligner, ce
qui fera certainement plaisir à nos amis d'en face, que nous
célébrons aujourd'hui l'anniversaire d'un député de
cette Chambre, d'un député qui, depuis 1962 seulement, honore la
Chambre de sa présence et, même s'il est absent ce matin,
certainement pour des raisons valables...
M. Lesage: Qu'il y soit au moins, ce serait plus poli.
M. Johnson: Je voudrais lui offrir publiquement nos meilleurs voeux de
bon anniversaire, qu'il voudra bien partager avec son épouse et sa
famille. Il s'agit du nouveau et temporaire député du
comté de Gatineau, M. Roy Fournier.
M. Lesage: M. le Président, j'avais l'intention d'offrir mes
voeux à M. Fournier ce matin et j'ai constaté qu'il
n'était pas à son siège. J'attendais l'occasion propice au
cours de la journée, alors qu'il occuperait son siège, pour lui
offrir mes voeux, nos voeux, afin qu'il puisse au moins les entendre.
M. Johnson: M. le Président, nous ne serons probablement pas en
séance à ce moment-là et la province devra fêter le
24 août l'anniversaire d'un ministre du cabinet libéral et, comme
c'est peut-être la dernière chance que j'aurai de lui offrir des
voeux en sa qualité de ministre libéral, je voudrais bien que le
premier ministre se charge pour moi de transmettre de ma part et de la part des
députés de l'Opposition des voeux de joyeux anniversaire à
l'honorable député de Laurier.
M. Lesage: Avec plaisir. La différence, c'est que je le verrai le
jour de sa fête.
Bill
no 1
Reprise du débat sur la deuxième
lecture
M. Paul Dozois
M. Dozois: M. le Président, pour l'étude du bill 1 que
nous étudions présentement, le ministre des Affaires municipales
nous a fait hier un long discours et j'ai remarqué, M. le
Président, qu'il avait consacré plus de la moitié de ce
discours à prouver qu'Ottawa ne se mêlait pas de ses affaires. Il
nous l'a prouvé d'une façon complète, je crois, qu'Ottawa
commettait une invasion d'un domaine strictement réservé à
la province ou aux provinces en vertu de l'article 92 de la constitution. J'ai
lu et relu son discours que j'avais entendu et il n'y a pas de doute qu'il
condamnait, dans cette première partie, cette attitude centralisatrice
du gouvernement fédéral. Mais, ce qui a été
surprenant, M. le Président, c'est que ce discours, dans la seconde
partie, demande à la Chambre d'approuver ce bill qui, à toutes
fins pratiques, approuve ce qu'il condamne dans la première partie de
son discours.
En effet, M. le Président, si on regarde le bill qui est à
l'étude actuellement, ce bill limite strictement les pouvoirs
accordés soit au gouvernement, soit à la Commission municipale,
à la portée du bill C-76 qui a été adopté au
Parlement fédéral. Je le dis et je le répète, le
ministre des Affaires municipales a tout d'abord condamné d'une
façon non équivoque cette instrusion du gouvernement
fédéral dans un domaine qui est strictement provincial. Je trouve
que c'est de l'inconséquence et j'aurais préféré de
beaucoup qu'il continue son raisonnement et nous présente plutôt
une loi qui aurait vraiment affirmé les droits de la province.
Hier soir, M. le Président, le premier ministre, dans les
remarques qu'il nous a adressées, a fait, entre autres choses,
état de la loi adoptée par la Législature en 1958
concernant les travaux d'hiver. Il a dit rapidement que, malgré les
nombreuss interventions du député de Saint-Maurice, cette loi,
qui était un accroc à l'autonomie provinciale, avait
été adoptée par la Législature. Il a cité,
entre autres, les noms des quelques-uns de mes collègues, de même
que le mien.
Or, M. le Président, si l'on consulte les
journaux de l'Assemblée législative au sujet de cette loi
adoptée en 1958, on constate que les nombreuses interventions du
député de Saint-Maurice n'étaient pas si nombreuses en
fait. Il y a eu, tout d'abord, un amendement du député
d'Outremont, alors chef de l'Opposition non pas pour condamner le principe de
ce bill - il n'en a pas été question durant toute cette
discussion -c'était un amendement purement et simplement pour demander
au gouvernement du temps de contribuer aux travaux d'hiver. Cette proposition
ayant été déclarée "money bill" par l'orateur du
temps, le chef de l'Opposition en a appelé de cette décision et
c'est là-dessus que la Chambre s'est divisée et qu'il y a eu un
vote en partie pour le maintien de la décision de l'orateur l'Opposition
du temps ayant voté contre le maintien de la décision de
l'orateur. Le deuxième vote qu'il y a eu à ce moment a
été également sur une incidence, alors que le
député de Saint-Maurice voulait parler de quelque chose qui
n'était pas contenu dans le principe du bill. Cela a été
déclaré antiréglementaire et le chef de l'Opposition du
temps en a appelé de cette décision de l'orateur. Mais, sur le
principe du bill, tant en première, qu'en deuxième et qu'en
troisième lecture, le bill a été adopté à
l'unanimité et les noms enregistrés. C'est par un vote
enregistré, et non pas du consentement du chef de l'Opposition.
M. Lesage: C'était un bill de M. Duplessis.
M. Dozois: Le vote a été enregistré et tous les
députés libéraux du temps ont accepté ce principe.
S'il y a eu quelqu'un de coupable, les députés libéraux -
et il y en a plusieurs qui siègent encore dans cette Chambre - se sont
rendus coupables de cette même offense à l'autonomie de la
province.
La même chose s'est répétée, M. le
Président, en 1959, alors que la portée du bill a
été élargie, parce qu'en 1958, il avait été
limité à une période de cinq mois. Encore là, il y
a eu le même amendement et c'est vous, M. le Président, en votre
qualité de député de Westmount, qui avez demandé,
par un amendement, que la province contribue aux travaux d'hiver. Encore une
fois, et pour les mêmes raisons que l'année
précédente, cet amendement a été
déclaré irrecevable, parce qu'il contenait une dépense de
deniers publics et là-dessus, les partis se sont divisés; mais,
encore une fois, le vote a été enregistré sur la
deuxième lecture et tous les députés ont accepté
à l'unanimité ce projet de loi.
Mais il y a plus, M. le Président, et j'en parle, parce que le
député de Chambly, ministre des Affaires municipales, même
si ce n'était pas dans son texte, a fait allusion hier à un
moment donné au cours de la discussion, à notre attitude comme
parti politique, relativement à ce bill de 1958. Je dois vous faire
remarquer, M. le Président, qu'à ce moment, en 1958, le
député de Chambly était correspondant d'un journal et il
assistait aux séances à la tribune de la presse.
J'ai feuilleté, M. le Président, les journaux du temps, en
particulier le journal dont il était correspondant et, nulle part dans
toutes ses chroniques du temps, il n'a parlé de ce bill de 1958 sur les
travaux d'hiver. Nulle part, lui qui était un autonomiste farouche et
qui prétend l'être encore malgré la fin de son discours
d'hier, nulle part dans ses chroniques, dans ses rapports des débats de
l'Assemblée législative, il n'a condamné ce bill ou fait
une remarque quelconque pour dire que ce bill entachait l'autonomie de la
province. Nulle part, M. le Président, les députés
libéraux du temps ne l'ont comdanné. Nulle part le
député libéral de Chambly actuel qui, à ce
moment-là, avait toute facilité à sa disposition pour
exprimer son opinion et peut-être même plus de facilité
qu'un député, parce que son public est considérable ou
était considérable lorsqu'il écrivait dans son journal,
nulle part, dis-je il n'a condamné l'attitude du gouvernement du
temps.
Mais, M. le Président, même si cette décision de la
Législature en 1958 ou en 1959 était mauvaise pour l'autonomie de
la province, j'estime que ce n'est pas une raison d'invoquer cette attitude
pour faire dix fois pire aujourd'hui. M. le Président, hier soir, le
premier ministre a dit: "Nous avons défendu l'autonomie de la province,
nous avons fait amender le bill C-76 à la Chambre des communes et je
puis déclarer -je répète ses mots, j'en ai pris note - que
la province peut agir maintenant dans ce domaine aux conditions que la province
détermine". Et il ajoutait qu'il n'y aurait aucune relation, en vertu
des amendements qui étaient apportés à C-76, aucune
relation directe entre le gouvernement fédéral et les
municipalités.
M. le Président, la loi que nous étudions
présentement, je le répète, ne contient que deux
paragraphes, deux ou trois articles. Elle limite strictement l'action du
gouvernement et de la Commission municipale, qui pourra être
déclarée l'organisme autorisé pour faire les prêts
que la province obtiendra d'Ottawa en ce domaine. Elle ne va ni plus loin et ne
va ni moins loin que le bill C-76 et, pour faire l'étude du bill 1, il
nous faut nécessairement étudier en détail le bill C-76
adopté le 2 août à la Chambre des communes d'Ottawa.
Or, M. le Président, que dit ce bill C-76 et en particulier le
paragraphe 2 de l'article 7? Car je crois que c'est surtout ce paragraphe qui
nous intéresse d'une façon particulière, car l'on sait
qu'en vertu de ce
bill, le gouvernement fédéral fera des prêts aux
municipalités et que l'office créé par ce bill doit
remettre une partie, soit 25% du coût des travaux exécutés
en vertu de ces projets contenus dans le bill C-76. Mais pour répondre
à la demande du premier ministre, on a amendé ce bill C-176 et
c'est le paragraphe 2 de l'article 7 qui contient les amendements qui,
d'après le premier ministre, sauvegardent l'autonomie des provinces et
en particulier de notre province.
Que dit donc le paragraphe 2? "Avec l'approbation du
lieutenant-gouverneur en conseil l'office peut au plus tard le 31 octobre 1963
conclure avec le gouvernement d'une province quelconque une entente relative
aux prêts à consentir au gouvernement de cette province ou
à tout organisme désigné de celle-ci, n'excédant
pas au total le montant qui peut être approuvé sous le
régime du paragraphe 2 de l'article 13 - on sait ce que c'est, je n'ai
pas besoin d'expliquer la portée du paragraphe 2 de l'article 13 - pour
des entreprises municipales situées dans cette province, en vue de
permettre au gouvernement de la province ou à son organisme de consentir
des prêts aux municipalités sises dans la province, relativement
à des entreprises municipales selon les modalités et aux
conditions applicables à des prêts accordés par l'office
à des municipalités."
Je veux bien que l'on note ici "sises dans la province, relativement
à des entreprises municipales selon les modalités et aux
conditions applicables à des prêts accordés par l'office."
Les conditions sont déterminées par le bill, elles ne sont pas
déterminées par la province, elles sont déterminées
par le gouvernement fédéral.
Ladite entente doit stipuler: "a) que les prêts faits sous son
régime doivent être consentis par l'office aux dates et de la
manière qui permettra au gouvernement de la province ou à son
organisme de consentir, à l'occasion, à des municipalités
des prêts pour des entreprises municipales."
Or, qu'est-ce qu'une entreprise municipale au sens de cette loi? C'est
le paragraphe 3 du même article 7 qui définit d'une façon
concluante ce que comprend l'entreprise municipale. Or, on voit, M. le
Président, que ce n'est pas la province qui déterminera les
conditions dans lesquelles les prêts pourront se faire. La province est
strictement limitée à la définition d'entreprise
municipale telle que définie dans le bill C-76, et même si la
province voulait faire un prêt en vertu de cette loi pour une entreprise
municipale qui n'est pas comprise dans la définition écrite dans
le bill, la province ne peut pas le faire.
M. Lesage: C'est évident.
M. Dozois: Donc, M. le Président, ce n'est pas la province qui
détermine les conditions dans lesquelles les prêts vont se faire.
C'est la loi...
M. Lesage: Bien, voyons donc!
M. Dozois: ... fédérale et la province se limite
strictement dans les cadres de cette loi; elle n'en fait pas moins, mais elle
n'en fait pas plus.
Toujours, ladite entente doit stipuler "b) qu'en vue de faire des
prêts sur son régime, l'office doit accepter un certificat
délivré par le gouvernement de la province attestant
(i) que l'entreprise municipale à laquelle le prêt est
consenti est une entreprise municipale au sens où l'entend la
présente loi."
On le définit de nouveau. On ne doit pas dépasser cela et
on souligne que c'est bien la loi et non pas le gouvernement de la province qui
détermine les conditions des prêts.
(ii) qu'il a été satisfait aux exigences de
l'alinéa a) ou b) du paragraphe 1 en ce qui concerne l'entreprise
municipale pour laquelle le prêt doit être consenti."
C'est-à-dire que l'on doit établir que la province doit
déliver un certificat disant que les travaux que l'on a
exécutés ne l'auraient pas été, si ce n'avait pas
été de cette loi ou que ce sont des travaux qui auraient
été retardés, si la municipalité ne pouvait pas
bénéficier des prêts consentis par la loi. "(iii) qu'il a
été satisfait aux autres exigences de la présente
loi."
Alors, toute la loi s'applique. Jamais on ne donne une liberté
quelconque à la province, la province est strictement limitée
à ce que contient la loi, ni plus ni moins.
Toujours ladite entente doit stipuler "c) que les prêts
accordés par l'office sous le régime de l'entente doivent
être remboursables selon les modalités, aux conditions et aux taux
d'intérêt applicables à un prêt consenti par l'office
à une municipalité aux termes du paragraphe 1."
On voit encore que les conditions d'emprunt, les taux
d'intérêt, les modalités d'emprunt sont
déterminés par l'office et la province doit s'y plier. Encore une
fois, la province n'a aucune initiative, elle est liée par cette loi et
les modalités déterminées par l'office; et je continue:
"et être constatés par des obligations ou autres titres
émis par le gouvernement de la province, ou émis par son
organisme et garantis par ledit gouvernement, en conformité des
stipulations que prévoit l'entente."
C'est-à-dire que ladite entente doit stipuler: "d) que l'office
doit avoir le droit d'inspecter à l'occasion toute entreprise municipale
concernant laquelle un prêt a été consenti aux termes de
l'entente."
Voilà, M. le Président, la plus belle
brèche à l'autonomie municipale, à l'autonomie
provinciale, en ce qui concerne l'administration des municipalités.
L'office aura le droit - et c'est l'entente qui doit le stipuler, ce n'est pas
l'office "peut", c'est l'office "doit" avoir le droit d'inspecter,
c'est-à-dire que l'office pourra, même s'il y a entente, et en
dépit de la lettre que le ministre des Finances d'Ottawa a
adressée au premier ministre dans laquelle il dit: "Je voudrais
déterminer le personnel qu'il faudra pour la constitution de l'Office
des prêts aux municipalités, à savoir s'il y aura entente
ou non".
Précisément, M. le Président, la lettre de M.
Gordon veut tout simplement dire que, s'il y a entente, l'office engagera un
personnel plus nombreux.
M. Bertrand (Mîssisquoi): C'est ça.
M. Dozois: ... engagera des inspecteurs pour venir faire l'inspection
des travaux dans toute province où il y aura eu entente. Et comme l'on
peut conclure, d'après des réactions à travers le pays,
qu'il n'y aura que la province de Québec qui fera une telle entente,
mais en tous les cas, ce qui nous concerne, si la province fait une entente,
ça veut dire que le gouvernement fédéral engagera des
inspecteurs pour faire les travaux, pour faire l'inspection des travaux dans la
province de Québec pour voir leur marche, pour constater leur marche,
pour constater leur coût. Et je tiens à vous faire remarquer, M.
le Président, que la lettre de M. Gordon, ministre des Finances, c'est
très important, veut certainement savoir s'il y aura entente parce que,
s'il n'y a pas entente, il n'engagera pas d'inspecteurs.
M. Lesage: C'est évident.
M. Dozois: Et, s'il y a entente, il est obligé d'en
engager...
M. Lesage: C'est le contraire, M. le Président. C'est exactement
le contraire.
M. Dozois: Non, M. le Président, ce n'est pas le contraire.
M. le Président: À l'ordre, à l'ordre!
M. Lesage: Est-ce que le député de Saint-Jacques me
permettrait une question? Est-ce que c'est lui ou moi qui étais à
la conférence fédérale-provinciale et qui sais ce qui
s'est passé?
M. Bertrand (Missisquoi): Ce n'est pas une question.
M. Dozois: M. le Président, je n'étais pas à la
conférence fédérale-provinciale...
M. Lesage: Non, mais moi j'y étais, je le sais.
M. Dozois: ...seulement, malgré ce qui a pu se dire à la
conférence...
M. Lesage: Une chance que j'y étais, s'il avait fallu que ce soit
le député de Champlain...
M. Dozois: ...ou ce qu'on a pu y conclure, je m'en tiens strictement
à ce que contient la loi.
Quand l'office exercera ses pouvoirs, l'office ne dira pas: À tel
et tel moment de la conférence fédérale-provinciale, on a
promis telle ou telle chose. Mais l'office lira la loi et dira: Dans toute
province où il y a eu entente, je dois engager des inspecteurs pour
faire l'inspection des travaux.
Car je dois vous faire remarquer, M. le Président, que ce
paragraphe d) de la section 2 de l'article 7 n'est relatif qu'à une
entente et que nulle part ailleurs dans le bill C-76 on retrouve une telle
disposition. C'est-à-dire pour que les municipalités
situées dans les provinces qui ne signeront pas d'entente avec le
gouvernement central, il n'y aura pas d'inspecteurs de l'office pour aller
vérifier les travaux exécutés dans ces
municipalités.
Mais, dans toute province, et ce sera le cas de Québec, on fait
une exception dans la loi, on dit: "Vous voulez agir autrement que les autres?
On va vous surveiller de plus près, on va vous punir; on va
pénétrer plus profondément dans cette brèche de
l'autonomie provinciale. Nous allons envoyer des inspecteurs prendre un contact
direct avec les administrations municipales, fouiller dans leurs livres,
interroger les employés." On ne le fera pas ailleurs mais dans la
province de Québec ou dans les autres provinces qui signeront des
ententes, le gouvernement fédéral engage des inspecteurs et
s'immisce davantage dans le domaine municipal, domaine strictement
réservé en vertu de la constitution aux provinces.
Je pourrais continuer le même sous-paragraphe d) de l'article 2
qui dit que, dès que le prêt aura été "consenti aux
termes de l'entente et si l'entreprise municipale a été
complétée..." Ces paragraphes 1 et 2 sont accessoires, si l'on
veut. Et toujours l'entente doit comprendre ou l'entente doit stipuler: "que le
gouvernement de la province doit présenter à l'office aux dates
dont il s'était convenu, un rapport sur la marche des travaux relatifs
aux entreprises municipales sises dans la province, sur le volume d'emploi
supplémentaire ainsi créé, sur les montants des
obligations municipales, etc.." C'est plutôt accessoire également.
"f) les autres questions ou choses qui peuvent être requises pour donner
effet à la présente loi et dont peuvent convenir l'office et le
gouvernement de la province."
On voit, M. le Président, que, pour cette loi qui est vraiment
une intrusion dans un domaine strictement réservé aux provinces,
le domaine municipal, on a pris soin, en amendant ce bill, d'être plus
sévère, de pénétrer plus profondément dans
ce domaine lorsqu'une province ferait une entente plutôt que si la
province ne fait pas l'entente et approuve tout simplement les demandes de
prêts des municipalités.
Une voix: Voyons donc!
M. Dozois: Certainement, M. le Président. Je ne sais pas, mais
j'espère que le ministre de la Jeunesse va lire le bill C-76 et va lire,
en particulier, en haut de la page 5, le sous-paragraphe d) "que l'office doit
avoir le droit d'inspecter à l'occasion toute entreprise municipale
concernant laquelle un prêt a été consenti aux termes de
l'entente".
Nulle part ailleurs vous ne retrouvez cet article dans le bill. Cet
article est strictement applicable lorsqu'il y a entente et nulle part ailleurs
dans le bill...
M. Laporte: Pour le moment, ce n'est pas nécessaire, c'est le
fédéral qui le fait directement. Ce n'est pas nécessaire,
autrement, voyons donc!
M. Dozois: Voilà, M. le Président, l'on tourne le fer dans
la plaie et l'on veut punir une province qui ne...
M. Laporte: Ce n'est pas le fer dans la plaie, c'est le raisonnement
que...
M. Dozois: ...veut pas accepter la loi du gouvernement central. Mais, M.
le Président, le premier ministre a dit hier, dans son discours, que
tout d'abord il ne devait pas y avoir de subventions, que c'était tout
simplement une loi que l'on devait présenter...
M. Lesage: Je regrette, M. le Président, je dois faire une
rectification.
J'ai dit qu'au cours des conversations que j'avais eues avec un ou deux
ministres fédéraux, alors qu'on m'en avait donné les
grandes lignes du projet, on ne m'avait pas mentionné qu'il y aurait un
élément subsides, pas plus que le programme du Parti
libéral fédéral ne mentionnait, d'après mon
souvenir, l'élément subsides. Je n'ai pas dit que, d'abord, il ne
devait pas y en avoir. J'ai dit qu'on ne me l'a pas mentionné. Il y a
bien une distinction à faire.
M. Dozois: Très bien, M. le Président, je vais dire que le
premier ministre croyait qu'il n'y aurait pas de subventions en vertu de cette
loi, que cette loi ne comporterait que le privilège de faire des
prêts aux municipalités.
Je voudrais vous faire également remarquer, M. le
Président, que la Fédération des maires, dans ses
réclamations à ce sujet, ne demandait pas des subventions, elle
demandait tout simplement des prêts. Puisque je parle de la
Fédération des maires, j'abonde dans le sens des paroles
prononcées par le ministre des Affaires municipales. J'estime que c'est
un organisme qui devrait respecter l'autonomie des provinces tout d'abord et
faire des représentations aux gouvernements provinciaux de qui
relèvent les municipalités. J'ai participé à des
congrès de cette fédération alors que je faisait partie de
l'administration de la cité de Montréal et j'ai eu l'occasion,
avec certains de mes collègues, précisément, de soulever
ce point, de défendre ce point et de m'opposer. Est-ce que la
fédération a évolué dans un autre sens? Je n'ai pas
suivi les activités de cette fédération depuis 7 ou 8 ans,
mais, pendant 4 ou 5 ans, alors que j'ai assisté à des
congrès de cette fédération, et nous, les
délégués de la province de Québec, nous nous sommes
toujours opposés, et je dois dire avec succès à ce moment,
à ce que la fédération fasse des représentations
directement au gouvernement fédéral. Nous avons
réclamé et obtenu, avant 1956 du moins, et pour les fois que j'ai
assisté à ces congrès, que les représentations
soient faites aux gouvernements des provinces.
M. Laporte: Cela fait combien d'années? Excusez-moi, est-ce que
votre départ de Montréal relève, remonte à plus de
neuf ans?
M. Dozois: Pardon?
M. Laporte: Est-ce que votre départ de l'administration de
Montréal remonte à plus que neuf ans?
M. Dozois: 1956.
M. Laporte: Parce que le premier mémoire demandant des
subventions, c'est-à-dire des prêts fédéraux aux
municipalités, ça fait neuf ans,
M. Dozois: C'est possible. C'est possibie. J'ai dit que j'ai fait, avec
des collègues de la province de Québec, des luttes pendant les
séances. Je dois vous dire, M. le Président, que ce
n'était pas toujours facile, parce qu'au début de ces
congrès, il n'y avait pas de traduction simultanée; fallait
s'exprimer dans une langue qui n'était pas la nôtre, et nous
n'étions qu'une minorité. Je n'en prends pas un crédit
personnel. J'ai dit que les députés de la province de
Québec ont obtenu des succès, qu'à un certain
congrès, ils aient passé outre, c'est possible. Je ne veux pas
dire que
nous avons toujours obtenu 100% de satisfaction sur les
réclamations que les délégués de la province de
Québec pouvaient faire à ce sujet, mais, c'est une incidence
à quelques remarques que je veux faire, M. le Président. Je tiens
à souligner cependant que la fédération, pour autant que
je me rappelle, et d'après ce que j'ai lu dans les journaux, ne
demandait pas que cette loi de prêts aux municipalités comporte
une partie de subventions, je ne me rappelle pas avoir vu cela.
Donc, d'une part, le premier ministre nous dit qu'il ignorait que cette
loi devait comporter des subventions et, d'autre part, la
fédération, qui réclamait l'institution d'un fonds
municipal par le gouvernement fédéral, ne réclamait pas
des subventions. C'est le gouvernement fédéral, M. le
Président, qui, pour mieux s'implanter dans un domaine où il n'a
pas le droit d'intervenir, a ajouté cette modalité à sa
loi et donne une subvention qui équivaut à 16 et deux tiers pour
cent du montant des travaux.
Je dis, M. le Président, que c'est un système
machiavélique de la part du gouvernement fédéral; il veut
tenir ces municipalités dans le creux de sa main, par l'appât des
subventions aux municipalités, de façon à garder son
emprise et à l'augmenter. C'est ce qu'il y a de plus mal dans cette loi
et hier, le ministre des Affaires municipales nous a fait part qu'il avait
nommé une commission pour étudier la création d'un
crédit municipal.
Je connais M. Lambert, M. Lambert est un expert en finances municipales.
Il fait partie de la Commission municipale depuis 1931 ou 1932, je crois; il a
été nommé sous le régime Taschereau. C'est un
fidèle serviteur de la province, quel que soit le gouvernement au
pouvoir, quel que soit le parti au pouvoir, et c'est un homme d'une très
haute compétence. Je suis heureux que l'on ait confié
l'étude de ce problème sérieux, et qui est une demande de
la Chambre, à une commission présidée par M. Lambert. Les
autres membres, je ne les connais que socialement. Quant à M. Lambert,
c'est un charmant garçon, je sais que c'est un spécialiste de
l'impôt sur le revenu. Il est avocat et je ne doute pas qu'il va
collaborer efficacement à l'étude de cette question. L'autre, je
ne me rappelle pas.
M. Laporte: M. Ostiguy, M. Jean Ostiguy.
M. Dozois: M. Ostiguy est un courtier imminent de Montréal, il
est courtier en valeurs et il connaît son affaire.
M. Laporte: Il y a M. Jacques Parizeau, qui est un expert reconnu.
M. Dozois: Oui, lui, il est adjoint, je ne sais pas, son statut est un
peu spécial. Mais, M. le Président, si ce comité qui
étudiera la création d'un crédit municipal, arrive
à suggérer une formule qui, je l'espère, permettra
à la province de créer un fonds municipal, un crédit
municipal, il faudra nécessairement, M. le Président, que ce
crédit, si l'on veut qu'il ait de l'attrait auprès de nos
municipalités, comporte également les mêmes avantages que
l'offre du gouvernement d'Ottawa, comporte des subventions, il faut que ce
crédit provincial, à mon avis, offre autant d'avantages, si l'on
veut que nos municipalités soient intéressées. On voit
dans quel dilemme nous placera l'attitude du gouvernement central en offrant
des subventions aux municipalités, alors que les municipalités ne
relèvent pas du gouvernement fédéral; on voi: dans quelle
situation elle va placer la province. Or, la province ne demande pas par son
bill - et c'est là qu'aurait été important à mon
avis, afin de pourvoir à la création possible d'un crédit
provincial-municipal, que la province puisse récupérer sa part
des taxes qu'Ottawa perçoit pour des fins provinciales. Pour
l'application de cette loi, je crois qu'il aurait été plus sage
de mettre en vigueur cette idée lancée par le chef de
l'Opposition hier, que l'on se serve de la même formule dont le
gouvernement de la province s'est servi pour récupérer les
subventions aux universités, c'est-à-dire la
déductibilité des montants payés en taxes, ou la
déductibilité de la taxe de l'impôt sur le revenu.
Là, avec ce revenu supplémentaire, ou cette
déductibilité, le gouvernement de la province aurait pu, à
mon avis, créer un crédit municipal provincial qui offrirait les
mêmes avantages, parce qu'il aurait eu à sa disposition les
revenus nécessaires pour être aussi généreux
qu'Ottawa veut l'être par son Office du développement et des
prêts aux municipalités.
M. le Président, je le dis et le répète, c'est une
invasion d'un domaine strictement réservé au gouvernement des
provinces, le domaine de juridiction municipale, et je voudrais, pour le
signaler davantage - car l'on nous accuse toujours, nous de l'Opposition, de
soutenir tout simplement un point de vue contraire de celui que soutient le
gouvernement ou les députés du gouvernement - citer une revue que
l'on ne taxera pas, j'imagine, de revue politique. Il s'agit de la revue
Relations, dans son numéro du mois d'août 1963. Voici ce que
Relations écrit à ce sujet, et vous me permettrez, M. le
Président, de lire cet article: "De nouveau à Ottawa les
libéraux." Sous ce même titre, dans cette revue, au mois de mai,
nous avons salué, en éditorial, le retour des libéraux au
pouvoir et nous leur avons souhaité courage et lucidité pour
affronter les graves problèmes de l'heure. Après trois mois de
régime libéral, le même
titre s'impose, mais, chargé cette fois d'une exclamation! De
nouveau, à Ottawa, les libéraux! "Car, avec une
fidélité déconcertante, le gouvernement libéral
actuel, comme si le parti n'avait rien appris durant ses six années dans
l'Opposition, a repris la même politique de centralisation et d'intrusion
dans les affaires provinciales que les gouvernements libéraux
antérieurs, s'inspirant des recommandations de la commission
Rowell-Sirois, n'avaient cessé de poursuivre. "Cette fois, le
gouvernement fédéral est plus riche de déficit que de
surplus. Pour l'année fiscale 1962-1963, il annonce un déficit de
$709 millions et il en prévoit un de plus d'un demi-milliard à la
prochaine année. Raisons excellentes, penserez-vous, de ne s'occuper que
de ses propres affaires! Vous vous trompez! Ottawa, au contraire, comme
avant-hier, se lance dans de graves mesures qui touchent au domaine provincial,
se crée de nouvelles obligations et recherche de nouvelles occasions de
donner de l'argent. Les provinces, à commencer par le Québec, ont
beau crier famine, réclamer une plus large part des taxes, faire valoir
leurs pressents besoins, surtout dans le domaine de l'éducation, Ottawa
ne veut rien lâcher, mais entend se mêler de tout, même de ce
qui ne le regarde pas. "La juridiction sur les muinicipalités
relève exclusivement des provinces. Ottawa le sait fort bien, il n'en
prétend pas moins créer une caisse de $400 millions pour venir en
aide aux municipalités. Ce n'est point de ses affaires; le
Québec, par la voix unanime de ses députés, proteste en
vain et dénonce cette intrusion; le gouvernement libéral fait le
sourd et ne change point sa politique de centralisation fiscale et
administrative. "Ottawa voudrait saboter les chances d'avenir du
fédéralisme au Québec qu'il n'agirait pas autrement.
Toutes les enquêtes sur le biculturalisme, tous les progrès du
bilinguisme dans les services fédéraux ne parviendront pas
à faire accepter au Québec une politique qui vise ainsi à
affamer et à asservir son gouvernement. Les seuls à pouvoir
profiter d'une politique aussi retardataire sont les séparatistes; on
dirait que le gouvernement libéral actuel, tout en les combattant en
paroles, tient à leur fournir, par ses actes, des arguments nouveaux et
des armes nouvelles".
M. Laporte: Je veux simplement dire que c'est une politique des deux
côtés, il ne faut pas essayer à jeter le blâme.
M. Dozois: Non, et je l'ai dit tout à l'heure: même si on
acceptait, même si l'on avouait que l'on s'est trompé en 1958, ce
n'est pas une raison pour faire pire aujourd'hui. L'on a fait pire.
Pourtant le premier ministre avait l'appui de toute la Chambre en vertu
de la résolution adoptée à l'unanimité par cette
Chambre. Le premier ministre s'est rendu à Ottawa fort de cet appui. La
Chambre a dit, à l'unanimité que ce bill C-76 constitue une
atteinte grave à la compétence exclusive et à l'autonomie
de la province de Québec en matière d'institutions muinicipales.
Cela a été le voeu unanime de la Chambre.
Le premier ministre et le ministre des Affaires muinicipales, à
cette conférence fédérale-provinciale, à mon avis,
n'auraient pas dû accepter ce compromis, qui est pire que la loi de 1958,
parce que c'est une intrusion directe et flagrante, malgré les ententes,
malgré le paragraphe 2 de l'article 7, c'est l'intrusion du gouvernement
fédéral, quoi qu'en dise le premier ministre, quoi qu'en dise le
député de Chambly.
M. Laporte: Le député de Saint-Jacques devrait voir ce
qu'en disent les textes de loi.
M. Dozois: M. le Président, si, en 1958, pour parer au
chômage, l'on a entrebaillé la porte d'un pouce...
M. Laporte: Vous l'avez ouverte toute grande et à grands coups de
pieds.
M. Dozois: Le gouvernement d'Ottawa, quel qu'il soit, profite toujours
de ces entrebâillements pour ouvrir la porte toute grande et il l'ouvre
avec le bill C-76. Il l'ouvre toute grande et entre de plein pied dans le
domaine de l'administration muinicipale.
M. Bellemare: C'est ça!
M. Alma: J'estime qu'avec l'appui de la Chambre, l'appui unanime de la
Chambre, le gouvernement actuel aurait pu réclamer un statut
différent et non pas de se soumettre aux exigences comme le
prévoit l'article 7, car il est limité strictement à la
loi et doit obéir à la loi entièrement, à la loi
votée par le fédéral et à ses conditions. Et le
premier ministre a été mal venu à mon avis, M. le
Président, de dire hier que c'est la province qui va déterminer
les conditions dans lesquelles les prêts vont se faire.
M. Lesage: Certainement.
M. Dozois: Non, M. le Président, c'est la loi, on est
obligé en vertu de l'entente...
M. Lesage: Ce n'est pas vrai, lisez la loi.
M. Dozois: De se limiter aux conditions de la loi, la loi qui est
votée par Ottawa, la loi qui va être appliquée par
Ottawa.
M. Bellemare: C'est ça!
M. Dozois: M. le Président, j'estime que le gouvernement
fédéral est à blâmer sévèrement pour
cette intrusion.
On présente ce bill C-76 comme une mesure temporaire pour pallier
le chômage, vous saurez me le dire. M. le Président, on
crée des appétits et on verra que l'on rendra peut-être
inapplicable ou impossible à réaliser la création d'un
fonds municipal-provincial, par le fait qu'il y a des subventions ou, du moins,
qu'on le rendra trop onéreux pour les provinces. Car il ne faut pas
oublier une chose: c'est qu'un fonds municipal-provincial aura un taux
d'intérêt plus élevé que les prêts qui seront
faits par Ottawa.
Or, l'entrée d'Ottawa d'une façon officielle dans ce
domaine municipal ne fera que s'élargir et le gouvernement
centralisateur, quel qu'il soit, qu'il soit dirigé par n'importe quel
parti, doit plaire à la majorité des provinces qui ne pensent pas
comme nous dans ce domaine.
J'estime, M. le Président, que nous venons d'assister par
l'adoption du bill C-76 à une autre intrusion dans un domaine qui avait
toujours été réservé aux provinces, qui avait
toujours été respecté et que le gouvernement
fédéral et ceux qui l'ont aidé à réaliser ce
projet viennent d'enfoncer un autre clou dans le cercueil de la
Confédération.
M. Jean-Jacques Bertrand
M. Bertrand (Missisquoi): M. le Président, il y a eu des
mouvements de l'autre côté, j'ai cru que quelqu'un allait se
lever, le député de Chambly a fait signe qu'il voulait exercer sa
réplique. Peu importe l'endroit où l'on parle, je donnerais les
raisons pour que l'on réponde à un autre qui s'est levé et
qui ne parle pas, je donnerais tout simplement les raisons pourquoi je suis
contre le bill. Je pense bien que le ministre de la Jeunesse devait se
lever.
M. Lesage: Non, non, il s'est soulevé de son siège pour me
parler à moi.
M. Bertrand (Missisquoi): Très bien. À tout
événement, M. le Président, pour parler du bill no 1, je
donnerai les raisons pour lesquelles je voterai contre la mesure qui est
proposée à l'attention de la Chambre. Pour résumer
dès le début, je ne puis approuver l'intrusion du gouvernement
fédéral dans le domaine toujours réservé
exclusivement aux provinces, à la province de Québec en
particulier, celui de la gouverne des institutions municipales.
Deuxièmement, M. le Président, la formule d'option, dont
le gouvernement semble se déclarer satisfait, à la suite de la
rencontre qui a eu lieu à Ottawa vers la fin de juillet, est de son
propre aveu un pis aller, un cheval de Troie, et si le gouvernement de la
province de Québec s'est classé dans la position d'accepter un
pis-aller et un cheval de Troie, ce n'est pas le rôle de l'Opposition
d'agir en collusion avec lui.
Troisièmement...
M. Lesage: Attention à votre rhume!
M. Bertrand (Missisquoi): Non, M. le premier ministre. J'ai
rencontré le premier ministre dimanche dernier; il est venu saluer la
population de Missisquoi, et les jeunes qui étaient au camp militaire
ont été heureux de le rencontrer.
Ma voix était moins bonne dimanche. Elle est meilleure
aujourd'hui.
M. Lesage: J'en suis heureux.
M. Bertrand (Missisquoi): Heureusement, je n'ai pas eu de discours
à prononcer. Le vôtre était bien.
M. Lesage: Merci, pour une fois.
M. Bertrand (Missisquoi): Vous savez que, quand on trouve occasion de
dire du bien, on vous le dit; mais, quand c'est mal, on va vous le dire
exactement sur le même ton.
Troisièmement, M. le Président, le gouvernement n'a pas
cherché à utiliser d'autres moyens d'obtenir cette
coopération, si cette coopération s'imposait pour la solution du
problème du financement des travaux municipaux s'imposait, il n'a pas
utilisé ou n'a pas recherché à utiliser d'autres moyens
pour obtenir la coopération de l'autorité fédérale
et en particulier la question que j'ai posée hier au premier ministre
pour faire agir la Banque du Canada pour tâcher de régler ce
problème immédiat.
M. le Président, voilà le résumé de mes
propos, je ne parlerai pas longtemps, M. le Président, de l'intrusion du
gouvernement fédéral. Le chef de l'Opposition a fait hier une
analyse globale du projet de loi, les notes qui ont été
distribuées contiennent tous les arguments de fond à l'encontre
de la mesure. Je n'ai pas à les reprendre.
Le député de Saint-Jacques, ce matin, est entré
dans plus de détails. Suivant son habitude, qui est excellente, il a
analysé ligne par ligne l'article 7, paragraphe 2, du bill C-76,
paragraphe qui n'existait pas dans le premier bill qui avait été
soumis à l'attention du Parlement du Canada, article qui
représenterait ce qu'on appelle la victoire de l'autonomie provinciale.
Or, M. le Président, il l'a analysé, je n'ai pas à
reprendre ses arguments, je ne ferais que répéter l'excellent
discours qu'il vient de
prononcer. On y note, paragraphe par paragraphe, cette intrusion directe
ou indirecte, ce cheval de Troie.
Le cheval de Troie, M. le Président, vous savez ce que
c'était. Cet énorme cheval en bois que les Troyens ont fait
pénétrer à Troie - ici les Québécois l'ont
fait entrer à Québec - et qui était habité par des
Grecs qui venaient pour s'emparer de la ville. Lorsque l'on parle d'un cheval
de Troie, on représente un présent dangereux.
Or, M. le Président, est-ce l'Opposition qui a parlé de
cheval de Troie? Est-ce l'Opposition qui, la première, a parlé de
présent dangereux? C'est le premier ministre de la province de
Québec. Et l'on voudrait que l'Opposition se taise? Et que, devant la
mesure qui est présentée par eux-mêmes comme un pis-aller,
comme un cheval de Troie, nous soyons là pour tirer sur le cheval, pour
accélérer sa course et la faire installer d'une manière
permanente dans la province de Québec? Non, M. le Président!
Si je veux M. le Président, des arguments, je n'ai pas besoin de
les puiser dans mes notes. Certains des arguments me sont fournis par le
ministre des Affaires municipales. Il m'a sauvé d'un discours que
j'aurais pu prononcer. J'avais fait comme lui le relevé de l'origine des
institutions municipales, l'étude constitutionnelle du problème
soulevé par le bill fédéral C-76. Son discours jusqu'au
chapitre V intitulé "La Crise", nous a fourni tous les arguments pour
voter contre la mesure. Il commence, M. le Président, par analyser
l'origine du problème. Il attire notre attention. "Le savoir", dit-il,
"n'est pas simple curiosité. On pourra ainsi, peut-être, trouver
le moyen d'éviter...
M. Laporte: C'est ça, il faut éviter.
M. Bertrand (Missisquoi): ...que les mêmes causes ne conduisent
aux mêmes effets."
Et notre attitude, M. le Président, en disant "non" au
gouvernement, c'est de l'aider à éviter justement les effets que
le premier ministre reconnaît comme absolument insatisfaisants pour la
province de Québec, que les mêmes causes ne conduisent aux
mêmes effets. Il admet lui-même que l'action de ces "pressure
groupe" finit par convaincre Ottawa ou le gouvernement centrai de violer la
constitution.
Nous ne voulons pas contribuer à la violation de la constitution.
De là notre attitude à l'endroit du bill que le gouvernement
soumet à l'attention de la Chambre.
Je n'ignore pas, M. le Président, qu'à travers tout le
pays le ministre, sans les citer, les commentaires de la presse à
travers le pays, des opinions de ceux qui partagent l'idée que l'Etat
central doit être fort et puissant. Il a parlé de ceux qui
préconisent la dimension nationale des problèmes pour confier les
pleins pouvoirs au gouvernement fédéral. Il a parlé de
ceux-là qui prétendent que parce que le gouvernement
fédéral a une responsabilité en matière de lutte
contre le chômage, l'on se sert de toutes ces raisons pour contourner les
fondements d'un véritable fédéralisme. Il conclut
lui-même qu'accepter les opinions de ces gens, c'est nier le
fédéralisme.
M. le Président, surtout en ce moment où, dans la province
de Québec, nous vouions réviser la constitution canadienne,
où - et je prétends qu'ils sont en majorité - les tenants
d'un véritable fédéralisme veulent tâcher de
convaincre l'opinion majoritaire à travers le pays que l'existence de la
fédération et sa survie dépendent du respect
intégral d'un véritable fédéralisme qui
reconnaît à l'autorité provinciale et en particulier
à l'autorité du Québec des pouvoirs souverains et
indépendants; en ce moment-même, M. le Président, je ne
pourrais pas, par un vote donné en faveur de la mesure qui nous est
présentée par le gouvernement comme un pis-aller, comme une
mesure qui ne lui donne pas satisfaction, comme un cheval de Troie, je ne
pourrais appuyer cette mesure...
M. Laporte: Votre vote de 1958.
M. Bertrand (Missisquoi): J'y arriverai tantôt, M. le
Président.
Le discours du ministre, à peu près de la première
à la vingt-septième page comporte des raisons qui nous sont
fournies par lui de voter contre le bill. Je veux le comprendre. Qu'il ne croie
pas que le ton que j'utilise, qui peut parfois être violent, est
dirigé contre lui personnellement. Il est ministre, député
et ministre, chargé de l'administration d'un département. Il a
des problèmes et le gouvernement a des problèmes.
Et l'on sait combien - ce n'est pas moi qui ai inventé la formule
- le gouvernement est souvent l'art du compromis; on essaie, autant que
possible, que le compromis soit le meilleur, et quand on ne peut pas l'obtenir
on prend le compromis qui est un pis-aller, qui est le cheval de Troie; c'est
ce que le ministre fait, lui-même l'admet. C'est pourquoi, le jour
même où il présente à la Chambre ce projet de loi,
qui ne lui plaît pas, je le connais, le ministre...
M. Laporte: Je l'ai dit dans tout mon discours...
M. Bellemare: Cela, c'est vrai...
M. Bertrand (Missisquoi): ...il sent le besoin de consacrer par une
institution nouvelle la formation d'un comité chargé
d'étudier un crédit municipal sous le contrôle absolu de la
province de Québec. Je le
félicite sa deuxième décision; mais je ne suis pas
capable de faire la même chose pour le bill no 1 qui est
présenté à l'attention des membres de cette Chambre.
M. le Président, voilà pour le discours du
député de Chambly.
Voyons maintenant le discours que prononçait le premier ministre
le 25 juin 1963. Le premier ministre déclarait ceci:
("J'espère..." - j'ai corrigé même M. Lesage) 25-6-63, 4 h
23 R/22 - ...
M. Lesage: M. le Président...
M. Bertrand (Missisquoi): Je n'y attache, je vais le dire au premier
ministre, aucun caractère officiel. Mais étant donné que
le texte est plus fidèle que la mémoire peut l'être et
puisqu'il rafraîchit ma mémoire...
M. Lesage: Oui, mais...
M. Bertrand (Missisquoi): ...si le premier ministre ne veut pas, on en
parlera pas du texte. Le premier ministre déclare que le bill de
l'époque constituait une atteinte grave parce qu'il institutionnalisait
l'intrusion fédérale. Or, M. le Président, celui qui
lit...
M. Lesage: M. le Président, ce que j'ai dit à ce moment,
je regrette...
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Lesage: J'invoque le règlement. Je veux rétablir les
faits. Ce que j'ai dit, c'est vrai, ce que je reprochais, c'est que l'on
voulait institutionnaliser le système commencé par les travaux
d'hiver, sous le régime de l'Union Nationale, de relations directes
entre les municipalités et le gouvernement fédéral. C'est
ça que j'ai dit.
M. Bellemare: Vous n'avez jamais dit cela, jamais!
M. Lesage: Et, M. le Président, je suis allé à
Ottawa, j'ai obtenu les amendements nécessaires au bill C-76 pour que
j'en sois satisfait.
M. Bertrand (Missisquoi): M. le Président, le premier ministre de
la province de Québec déclarait alors, le 25 juin 1963,...
M. Lesage: ...que les municipalités...
M. Bertrand (Missisquoi): ...que l'attente, dans le cas des programmes
de travaux d'hiver, est moins grave parce qu'elle n'est pas
institutionnalisée.
M. Lesage: C'est cela. Je l'ai répété hier, je l'ai
dit hier soir.
M. Bertrand (Missisquoi): Tandis qu'ici, il se référait
alors à la loi ayant pour objet de stimuler l'emploi, loi, j'en
conviens, qui a été amendée en y ajoutant à
l'article 7 le paragraphe 2 et les sous-paragraphes qui ont été
méticuleusement analysés par le député de
Saint-Jacques.
M. Lesage: Et bien d'autres choses, et bien d'autres amendements.
M. Bertrand (Missisquoi): Et ce bill C-76 institutionnalise
l'institution fédérale dans ce domaine. On n'a qu'à
examiner, M. le Président, tout le chapitre de l'interprétation:
"Loi ayant pour objet de stimuler l'emploi au Canada, grâce à une
assistance financière sous forme de prêts aux municipalités
afin de leur permettre d'accroître ou d'accélérer leurs
programmes de travaux d'équipement." Or, "dans la présente loi,
l'expression "office" désigne l'Office du développement municipal
et des prêts aux municipalités".
Toutes les définitions, M. le Président, sont là,
et on voit que même si l'on veut tenter de laisser croire qu'il s'agit
là d'une institution ou d'une loi temporaire, le jour n'est pas loin, M.
le Président, où, avec l'appui des groupements à travers
le pays, avec l'appui des autres provinces qui n'ont pas la même notion
du fédéralisme canadien et de l'État canadien tel qu'il
devrait exister, nous verrons le gouvernement central, à la suite de la
création d'un ministère des Terres et Forêts, instituer un
ministère des Affaires municipales et peut-être, avant longtemps,
un ministère de l'Éducation.
M. le Président, le ministre de la Jeunesse sourit et le ministre
de la Jeunesse sait fort bien, comme moi d'ailleurs, et comme les autres qu'au
Canada, la conception du fédéralisme n'est pas la même pour
le Québec que pour les autres provinces canadiennes. Le ministre de la
Jeunesse sait fort bien que la création d'institutions du genre de celle
que nous avons là, reçoit l'appui en général des
autres provinces, des groupements que j'appellerai pancanadiens où le
Québec joue immanquablement un rôle minoritaire. Il le sait. Je
sais qu'il n'approuve peut-être pas les propos que je tiens de la
manière que je les tiens, mais qu'il approuve le fond de l'idée
que je viens d'émettre et c'est justement pourquoi, M. le
Président, il faudra de plus en plus, si l'on veut éviter
l'extrême, qui est l'indépendance, si l'on veut, comme nous le
voulons, éviter le centralisme comme le veulent la plupart des provinces
du Canada, il faudra que le Québec soit reconnu comme un province qui
n'est pas comme les autres car, suivant les mots que le premier ministre du
Canada a tenus dernièrement, Québec est plus qu'une province,
c'est la mère patrie de toute une
nation. Il faudra, M. le Président, que l'on finisse par
accorder, à l'occasion de la révision de la constitution
canadienne, un statut spécial et particulier à la province de
Québec dans la fédération canadienne.
M. le Président, intrusion dans le domaine des institutions
municipales, formule d'option qui, de l'aveu même du gouvernement,
constitue un pis-aller, un cheval de Troie, et le gouvernement n'a pas
recherché à utiliser d'autres moyens d'obtenir, s'il le fallait
absolument, la coopération des autorités
fédérales.
Le premier ministre s'est rendu à Ottawa en 1960, il y a
exactement un peu plus de trois ans. Il a représenté la province
de Québec. Il y a lu un texte où il analyse les problèmes
du Québec...
M. Lesage: Je n'ai pas lu de texte. Cela a été pris en
sténographie...
M. Bertrand (Missisquoi): C'est parce qu'on le dit dans le compte rendu
de la conférence fédérale-provinciale de 1960.
M. Lesage: C'est parce que je parlais en français. Ce n'est pas
une traduction. C'est ça que ça veut dire. C'est par opposition
au mot "traduction" et non pas au mot "papier". Cela veut dire que c'est
imprimé dans la langue dans laquelle je me suis exprimé.
M. Bertrand (Missisquoi): Alors, cette improvisation, si elle
était telle, est meilleure que l'improvisation faite par le premier
ministre hier soir!
M. Lesage: Évidemment, ça vous faisait moins mal!
M. Bertrand (Missisquoi): Hier soir, ça m'a fait rire.
M. Lesage: Je me suis entendu avec le chef de l'Opposition pour ajourner
à une heure moins quart.
M. Bertrand (Missisquoi): Je continuerai à deux heures
trente.
M. Lesage: Je n'ai aucune objection. Je n'ai pas un mot à
retrancher.
M. le Président: À l'ordre, messieurs! La séance
est suspendue jusqu'à deux heures et demie.
Reprise de la séance à 2 h 35 P.M.
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Bertrand (Missisquoi): M. le Président, avec votre permission,
je vais essayer de reprendre les guides du cheval de Troie...
M. Laporte: "De Troie ou meurs".
M. Bertrand (Missisquoi): Crois ou meurs?
M. Laporte: "Troie ou meurs'"...
M. Bertrand (Missisquoi): M. le Président, ce matin, en terminant
mes remarques à l'occasion de l'ajournement, j'étais en train de
rappeler que le premier ministre, lorsqu'il est devenu le chef du gouvernement
en 1960, s'est rendu à Ottawa, à la conférence
fédérale-provinciale et là, sans texte ou avec texte -
mais le compte rendu déclare que c'était avec texte et,
d'ailleurs, je peux lui dire qu'il parle assez bien quand il a un texte -il a
fait une revue de l'ensemble des problèmes de la province de
Québec en appuyant son texte sur je dirais l'essentiel du rapport
Tremblay qu'il avait apporté avec lui pour le déposer sur la
table de manière, disait-il, que toutes les provinces canadiennes, alors
représentées par leurs premiers ministres, puissent lire le
rapport, l'analyser, s'en inspirer pour mieux comprendre les problèmes
de la province de Québec et mieux comprendre également pourquoi
la province de Québec était différente des autres
provinces canadiennes.
Or, le premier ministre, à ce moment-là, a parlé
des emprunts provinciaux et municipaux et je le cite, à la page 34 du
rapport de la conférence tenue les 25, 26 et 27 juillet 1960.
Après avoir analysé les difficultés des gouvernements
provinciaux et municipaux, après avoir analysé également
la situation dans laquelle se débattent les provinces et les
municipalités, il disait ceci: "Cette situation est une source de
difficultés considérables pour les provinces et les
municipalités qui se trouvent placées ainsi dans une position
beaucoup moins favorable que les sphères correspondantes de gouvernement
aux États-Unis et même que les grandes sociétés
commerciales du Canada."
Et, il ajoutait: "Bien que la loi autorise expressément la Banque
du Canada à escompter les valeurs provinciales, la Banque du Canada, se
limite, dans ses opérations, à la vente et à l'achat
d'obligations et de bons du trésor fédéral. "Cette
attitude, déclare-t-il, donne au gouvernement un avantage marqué
pour drainer l'épargne de la nation et lui permet l'accès
à une source de financement qui n'est pas accessible aux provinces et
aux municipalités."
M. le Président, hier, pendant que le premier ministre parlait,
au moment où le chef de l'Opposition lui suggérait une
modalité pour aider au financement qu'il a
appelé l'exemption d'impôts pour les acheteurs
d'obligations, j'ai demandé au premier ministre s'il avait
cherché à obtenir dans sa demande de coopération avec les
autorités fédérales, que l'autorité
fédérale mette à la disposition de la province de
Québec les services de la Banque du Canada qui joue un rôle dans
le domaine du crédit au Canada, et qui doit jouer ce rôle non
seulement pour l'État central, mais qui doit jouer le rôle
également pour l'ensemble de l'État canadien et, en particulier,
de la province de Québec.
M. le Président, lorsque j'ai déclaré tantôt
que l'on n'avait pas recherché tous les moyens pour empêcher
l'intrusion du gouvernaient fédéral, j'ai attiré
l'attention sur le fait qu'on n'a pas utilisé une institution qui, de
par la constitution canadienne, relève, j'en conviens, de
l'autorité centrale et avec laquelle on aurait évité que
le gouvernement fédéral, sous le couvert d'aider les provinces
par son crédit, par les prêts aux municipalités que
l'autorité centrale, par une institution qui est de son ressort, aide au
financement des municipalités dans la province de Québec.
M. le Président, le rapport Tremblay a servi, je n'en ai aucun
doute, de base à la déclaration du premier ministre lors de la
conférence fédérale-provinciale de 1960. Ce rapport
Tremblay, j'invite les membres de cette Chambre et les journalistes qui sont
toujours heureux de faire des commentaires sur les grands problèmes de
l'actualité, à en lire le tome I et le tome Il, aux pages 263 et
suivantes, sur le rôle qui peut être joué par la Banque du
Canada.
M. le Président, il y en a qui prétendent - et c'est
justement ce à quoi le rapport Tremblay a surtout répondu - il y
en a qui ont prétendu, à la suite du rapport Roweli-Sirois, que
ce nouveau fédéralisme qui était prôné par le
rapport Rowell-Sirois - où l'on voulait faire jouer à
l'État central un rôle de plus en plus fort et puissant, surtout
au sujet de la politique financière et anticyciique - l'on a
prétendu, dis-je, que seule l'autorité centrale possédait
les pouvoirs pour agir dans ce domaine à l'occasion de crises nationales
ou de périodes de régression.
M. le Président, il est clair, et le rapport Tremblay analyse
cette situation, que les provinces et les municipalités sont de
meilleures créatrices d'emplois que ne peut l'être
l'autorité centrale. Il est clair que les provinces et les
municipalités, la province de Québec, en particulier, sont de
meilleurs agents d'investissement par le rayonnement de toutes les
activités provinciales suivant la constitution, et en particulier,
l'article 92: travaux publics, voirie, domaine de l'éducation, domaine
municipal.
Il est clair que le champ d'action de l'autorité provinciale est
très étendu et très diversifié, mais pour que son
action soit efficace, pour que l'action de l'État provincial, pour que
l'action du gouvernement municipal soit efficace, il faut deux conditions. Il
faut d'abord disposer des revenus suffisants et les plus stables possible, et,
M. le Président, ce n'est pas moi qui blâmerais le gouvernement
d'avoir créé la commission chargée de l'enquête sur
la fiscalité dans la province de Québec; au contraire, nous avons
appuyé cette mesure du gouvernement de manière que l'on parvienne
à une délimitation des pouvoirs de taxation, de manière
que les municipalités puissent jouir de sources de revenus suffisants et
plus stables. Mais, en période de régresssion, M. le
Président, il faut que les provinces autant que les municpalités
puissent avoir accès au crédit et puissent facilement vendre
leurs obligations; et, dans ces moments, elles sont tenues de recourir au
marché public.
Or, M. le Président, le rôle que la Banque du Canada joue
à l'endroit de l'autorité centrale du gouvernement d'Ottawa, elle
devrait le jouer à l'endroit de l'autorité provinciale, dans le
domaine qui nous concerne ici, celui, de l'autorité provinciale
québécoise.
M. le Président, je n'ai pas l'intention de vous donner lecture
de ces pages fort intéressantes que j'ai déjà
indiquées, mais que l'on me permette tout simplement de lire ceci,
à la page 267: Étant donné son rôle primordial dans
le fonctionnement de l'économie et le concours que les provinces ont
normalement le droit d'en attendre, il serait hautement désirable que le
régime administratif de la Banque du Canada soit modifié de
façon à faire de cette institution, non comme c'est le cas
à l'heure actuelle, la banque du gouvernement fédéral ou
du gouvernement central, mais la banque de l'État canadien".
Car, M. le Président, il y en a trop qui oublient que
l'État canadien n'est pas un État unitaire. L'Etat canadien est
un État fédéral, et l'État canadien complet
comprend le gouvernement central et les gouvernements des provinces, et, dans
chaque cas, ce sont des gouvernements exerçant souverainement les
pouvoirs qui leur sont attribués exclusivement par la constitution
canadienne. Et je continue la citation: "Pourquoi, demandent les commissaires,
les provinces, parties constituantes de l'État, et gouvernements
autonomes de Sa Majesté au même titre que le gouvernement central,
n'auraient-elles pas leur mot à dire dans l'administration d'une
institution dont le concours leur est indispensable?"
M. le Président, ce ne sont pas des membres d'un parti politique,
ce sont des gens intéressés qui, comme commisaires, ont
écrit dans le rapport Tremblay que l'État provincial devait
obtenir le concours de la Banque du Canada. Et l'on continue: "Il ne
s'agit pas de minimiser la juridiction du gouvernement central en
matière de monnaie et de crédit, mais simplement de fournir aux
provinces le moyen d'exprimer leur vue dans l'application de la politique
décrétée par le gouvernement fédéral,
politique dans laquelle, tout en subissant les effets, elles ont un rôle
très important à jouer".
M. le Président, voilà les quelques remarques que j'avais
à faire à l'occasion du bill no 1. Le bill no 1 est un
accessoire, dont le principal est le bill C-76. Or, M. le Président,
là où la juridiction provinciale du Québec, en
particulier, est principale, je ne voterai pas pour une mesure qui n'est que
l'accessoire d'un principal qui n'appartient pas au gouvernement, qui a
adopté le bill C-76. Le bill no 1 est un appendice, le bill no 1 est un
accessoire, le bill no 1 est une remorque du bill C-76.
Or, M. le Président, dans tout fédéralisme bien
compris, qui est un fédéralisme non seulement de mots, mais un
fédéralisme de droit et de fait, il y a un partage du pouvoir
législatif, exécutif et judiciaire entre le gouvernement central
et les gouvernements provinciaux, de telle façon que chacun des deux
ordres de gouvernement puisse exercer sa pleine souveraineté dans son
domaine et soit indépendant l'un à l'égard de l'autre.
Les conditions de ce fédéralisme, c'est que l'on ait des
attributions exclusives, limitées et souveraines.
Or, M. le Président, lorsque le gouvernement de la province de
Québec, après avoir effectué une nationalisation des
compagnies d'électricité dans la province - à laquelle
j'étais favorable et le demeure -lorsque le gouvernement de la province
de Québec a emprunté $300,000,000, il n'a pas eu de permission
à demander à qui que ce soit. Mais, lorsqu'il s'agit de
$300,000,000 et que, par le bill 76, une municipalité, sous le
régime de la présente loi, demandera un prêt d'un montant
de $5,000,000 ou plus, l'office devra obtenir à ce sujet, non pas
l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil de la province de
Québec, mais l'approbation du gouverneur en conseil du Parlement
canadien.
Une voix: Honte!
M. Bertrand (Missisquoi): Et j'appelle ça l'article 10 du bill
C-76, M. le Président.
Une voix: En 1958.
M. Bertrand (Missisquoi): Les conditions du fédéralisme
bien compris sont l'attribution exclusive, limitée et souveraine, et
l'absence, deuxièmement, de contrôle d'opportunité. Est-il
opportun, oui ou non, d'aider les municipalités?
Suivant un véritable fédéralisme, il n'appartient
pas à une autorité à laquelle la constitution canadienne
n'accorde aucun pouvoir de décider s'il est opportun ou non de l'aider.
Le véritable fédéralisme empêche justement ce
contrôle de l'opportunité par l'autorité
fédérale. C'est à la province de Québec qu'il
appartient de légiférer, c'est à la province de
Québec que la constitution accorde, mais exclusivement le pouvoir de
légiférer, M. le Président. Lorsque l'on parle du domaine
de l'éducation, où l'on dit que la compétence de
l'autorité provinciale est exclusive, "exclusive" veut dire qu'elle est
la seule à exercer l'autorité dans ce domaine, "exclusive" dit
donc que l'autorité centrale n'a absolument aucun pouvoir. Et l'on sera
surpris après que l'on dise "non"? Mais on dit: "Non".
Par contre, M. le Président, on conviendra que nous ne faisons
pas que dire non. Le rôle de l'Opposition peut s'arrêter là.
Critiquer, c'est son droit et c'est son devoir. Surveiller, c'est son droit et
c'est son devoir, et suggérer également. Et qui fera un reproche
à l'Opposition qui, depuis trois ans , à l'occasion de chacune
des mesures qui sont présentées en cette Chambre, suggère
au gouvernement des amendements et suggère d'autres moyens d'atteindre
les mêmes buts?
M. le Président, le député de Saint-Jacques et le
chef de l'Opposition ont fait des suggestions au gouvernement. J'en ai fait
une. Le premier ministre m'a répondu hier qu'il avait rencontré
un haut fonctionnaire de la Banque du Canada. S'il en a rencontré un, ce
n'était pas suffusant. Lui, ministre des Afffaires
fédérales-provinciales, lui, ministre des Finances dont
l'expérience a été acquise à Ottawa et qui
connaît le maniement de ces institutions et qui connaît ces
institutions qui relèvent de l'autorité centrale, avec
l'expérience acquise, avec la diplomatie dont il sait faire preuve,
j'aurais voulu, M. le Président, qu'il discute de ce problème des
relations de la Banque du Canada avec les autorités provinciales, qu'il
le discute lors de la conférence fédérale-provinciale
avant d'accepter le bill 76. Car, M. le Président,...
M. Lesage: M. le Président, je viens d'entrer en Chambre,
j'étais pris avec un visiteur, mais est-ce que le député
de Missisquoi prétend que l'acceptation du bill 76, par la
présentation du projet de loi, a été antérieure
à la conférence?
M. Bertrand (Missisquoi): Non, non, elle a été
après postérieure.
M. Lesage: Elle est venue après. Alors, j'ai rencontré
tous les ministres et j'ai discuté, non seulement publiquement à
la conférence, mais...
M. Bertrand (Missisquoi): Ce n'est pas
au sujet du bill 76. Je veux dire au premier ministre qu'hier je lui ai
posé une question au sujet du rôle possible de la Banque du
Canada. Le premier ministre m'a dit qu'il avait rencontré un haut
fonctionnaire de la Banque du Canada...
M. Lesage: Out.
M. Bertrand (Missisquoi): Il n'a pas donné plus de
détails. J'ignore si les renseignements qu'on lui a communiqués
alors étaient des renseignements confidentiels.
M. Lesage: Je l'ai dit. Les renseignements qui m'ont été
communiqués par ce haut fonctionnaire de la Banque du Canada
étaient strictement confidentiels et les raisons qu'il m'a
données sont telles que j'en suis venu à la conclusion qu'il n'y
avait aucun espoir, dans le moment, pour des raisons, il me semble, que je n'ai
pas besoin d'expliquer publiquement, mais que tout le monde peut comprendre,
qu'il n'y avait pas moyen, dans le moment, d'en arriver à une telle
décision de la part des autorités de la Banque du Canada. Que
l'on pense un peu à la situation monétaire au Canada, la
situation du crédit fédéral.
M. Bertrand (Missisquoi): Le premier ministre conviendra qu'il me soit
difficile d'analyser les raisons, si, les raisons étant confidentielles,
il ne peut pas me les donner.
M. Lesage: Je ne suis pas libre de donner des chiffres qui m'ont
été donnés sur la base strictement confidentielle par un
haut fonctionnaire de la Banque du Canada. Mais, simplement, je demande
à la Chambre de prendre ma parole et j'ai dû en venir à la
conclusion qu'il n'y avait absolument rien à faire dans le moment.
M. Bertrand (Missisquoi): Le premier ministre pourra être
satisfait des raisons qui lui ont été données
confidentiellement par un haut fonctionnaire de la Banque du Canada. Il
conviendra que l'Opposition, elle, n'étant pas satisfaite, n'accepte pas
que la seule démarche du premier ministre de la province de
Québec, au sujet du moyen que je suggère, qui est conforme
à la constitution canadienne, n'acceptera toujours pas que l'on croit
que ses démarches ont été suffisantes. Ses
démarches ont été faites auprès d'un haut
fonctionnaire. Or, M. le Président, le ministre des Affaires
fédérales-provinciales de la province de Québec communique
avec l'autorité là-bas, qui est le premier ministre et le Cabinet
fédéral, mais non pas avec un haut fonctionnaire.
M. le Président, je termine.
J'ai donné les raisons. Il est clair - et ce problème
posé par le bill no 1, par le bill C-76, atteste une fois de plus
à l'évidence, lorsqu'on lit les commentaires des journaux
publiés à travers le pays et qu'a utilisés le ministre des
Affaires municipales - il est clair, dis-je, qu'il y en a qui, malheureusement,
n'ont pas compris, ne veulent pas comprendre, sont sourds et ne veulent pas
réaliser que le Québec, pour paraphraser les propos de Lord
Carnarvon, il y a près de cent ans: "Est jaloux et fier à bon
droit de ses coutumes et de ses institutions, qu'il y est attaché et
qu'il ne demeurera dans l'Union canadienne qu'avec la claire entente qu'il les
conservera."
J'ai déjà dit, M. le Président, que j'étais
canadien. Mais quand donc voudra-t-on comprendre, suivant ces propos de Murray
G. Ballantyne que je cite en anglais: "When will our English-speaking friends
ever understand the French Canadians and accept wholeheartedly that they are
very different, that they have a perfect right to be themselves and therefore
different and that this difference is a good thing and an enrichment of our own
national life?" C'est M. Ballantyne qui le dit.
On lit dans les journaux des propos comme ceux-là, qui ont paru
dans le Toronto Globe and Mail et dans le Toronto Telegram: "Quebec cannot
block progress." Pour eux, "progress", c'est celui-là qui est
déterminé et organisé par l'autorité centrale. Pour
nous, le progrès véritable de la province de Québec, le
progrès que nous recherchons, que nous rechercherons tant et aussi
longtemps que le gouvernement agira dans la bonne voie, que nous appuierons,
c'est celui-là qui sera d'abord et avant tout dans les limites
constitutionnelles sous le contrôle et l'absolue souveraineté de
l'autorité provinciale et du Parlement de Québec.
M. Paul Gérin-Lajoie
M. Gérin-Lajoie: M. le Président, je me plais à
reconnaître que le député de Missisquoi a fait un discours
d'une grande éloquence. Comment ne pas reconnaître avec lui que,
dans les relations interprovinciales tout comme dans les relations au foyer,
"difference is a good thing"?
Mais, M. le Président, la grosse question est évidemment
de savoir comment marier ces différences, comment les
réconcilier. Bien sûr, si, au foyer, il faut des
différences d'ordre physique comme d'ordre spirituel, cela existe
à l'intérieur d'un pays et cela existe à
l'intérieur du monde entier.
Pour revenir sur un terrain beaucoup plus concret, je vous avouerai
qu'en entendant tout à l'heure le député de Missisquoi
dire "je voterai contre le bill no 1", je me suis demandé s'il irait
dans son comté faire une grande campagne publique pour inviter les
municipalités à ne pas se prévaloir en aucune façon
du bill no 1 lorsqu'il aura été adopté par cette
Assemblée
législative.
M. Bertrand (Missisquoi): M. le Président, je soulève un
point de règlement, si le ministre me le permet. Quand une loi est
adoptée par le Parlement de Québec à la majorité de
ses députés, elle devient la loi de la province et je ne serai
pas de ceux qui empêcheront l'exécution et l'application d'une
loi. J'ai le droit d'exprimer mon opinion, c'est même mon devoir comme
législateur et ce n'est pas la présence en Chambre d'une
majorité qui sûrement nous battra qui m'empêchera
d'accomplir mon devoir.
M. Gérin-Lajoie: M. le Président, je prends bonne note des
paroles du député de Missisquoi. Je reconnais sa
sincérité habituelle, mais je me demande en quoi cela pourrait
aider les municipalités de la province à voter unanimement contre
le bill no 1 à la présente session de la Législature. Le
député de Missisquoi a évidemment formulé des
considérations qui, pour un grand nombre, sont très justes et
avec lesquelles nous pourrions être entièrement d'accord si elles
étaient situées hors du contexte du débat du bill no 1;
nous sommes entièrement d'accord sur les grands principes d'ordre
constitutionnel qu'il a formulés, mais je crois que nous avons tous le
devoir, comme législateurs, comme chargés du bien commun de la
population de cette province, d'envisager la situation bien
concrètement, à la lumière des contingences humaines, des
contingences québécoises et des contingences canadiennes.
La question qui se pose à l'heure actuelle est celle,
précisément, de savoir si la province de Québec peut
obtenir du gouvernement fédéral des conditions qui lui permettent
de participer, et de participer sans renoncer à ses droits et
privilèges constitutionnels auxquels il tient comme à la prunelle
de ses yeux, à un projet fédéral qui est destiné
dans son esprit à aider les municipalités de notre province et,
par là, toute la population.
Il faut bien se rendre compte que nous vivons dans un contexte
constitutionnel donné, qu'on l'aime ou non. Unanimement, cette Chambre a
convenu de former un comité parlementaire d'étude des questions
constitutionnelles; unanimement, nous avons nommé des membres de cette
Chambre pour siéger à ce comité qui a déjà,
d'ailleurs, amorcé son travail. Je crois bien que personne en cette
Chambre ne discutera de la nécessité de réexaminer
aujourd'hui les bases sur lesquelles la Confédération canadienne
a été établie en 1867 et s'est développée
jusqu'à ce jour.
À la veille du jour où nous serons appelés à
célébrer, espérons-le, le centenaire du régime
constitutionnel canadien, formulons l'espoir que nous puissions trouver,
d'accord entre tous les Canadiens, d'un coin à l'autre du pays, des
bases nouvelles pour assurer un régime de vie qui convienne à
l'avenir, pour les prochains cent ans peut-être, à toutes les
parties du Canada, différentes de par leur histoire, différentes
de par leurs conditions sociologiques et économiques, différentes
de par les perspectives qu'elles prennent sur l'avenir, de vivre selon leurs
exigences propres, mais quand même dans une véritable
communauté humaine.
En dépit du fait que nous sommes ainsi unanimes à
désirer la révision du régime confédératif
canadien, nous sommes aujourd'hui, au mois d'août 1963, devant une
situation constitutionnelle déterminée, devant une situation
constitutionnelle qui donne au gouvernement fédéral une
responsabilité X dans le domaine du chômage et de la lutte contre
le chômage. Nous sommes devant une situation constitutionnelle qui donne
en exclusivité au Parlement fédéral juridiction en
matière d'affaires bancaires et de crédit.
Nous sommes, M. le Président, devant une situation où le
gouvernement et le Parlement du Canada ont décidé, dans
l'exercice de leurs responsabilités, disent-ils, de prendre les
dispositions pour combattre le chômage, pour aider les corps publics qui
sont le plus près du peuple à établir un programme de
travaux publics qui constitue une arme, et une arme importante, pour combattre
le chômage qui sévit depuis quelques années de façon
aiguë à travers tout le Canada et au Québec de façon
encore plus aiguë que dans d'autres provinces du Canada, et cela pour des
raisons sur lesquelles je n'ai pas à m'étendre en ce moment et
qui remontent bien loin en arrière.
Devant une telle situation, le gouvernement fédéral a
conçu un projet qui a été consigné dans un bill
C-76, mais pas celui que nous avons devant nous aujourd'hui, qui a pour titre:
"Loi ayant pour objet de stimuler l'emploi au Canada grâce à une
assistance financière sous forme de prêts aux municipalités
afin de leur permettre d'accroître ou d'accélérer leur
programme de travaux d'équipement".
M. le Président, je n'ai pas l'intention de faire ce retour en
arrière qui a été fait si brillamment par le ministre des
Affaires municipales hier et par le premier ministre lui-même.
Ils ont tous les deux rappelé des lois antérieures, des
décisions administratives et parlementaires prises avant 1963 et avant
1960. Personnellement, je suis de ceux qui croient que, malgré les
grands discours que nous avons entendus depuis nombre d'années sur
l'autonomie provinciale, les gestes posés à cette même
époque n'ont pas toujours été conformes aux discours et
aux professions de foi qui ont été prononcés. Quand on a
parlé de cette loi de 1958, en ce qui concerne les
travaux d'hiver et l'aide fédérale à ces travaux,
loi qui prévoyait des relations directes entre le gouvernement
fédéral et les municipalités, je crois que lorsqu'on se
contente de simples retours en arrière, sur cette loi en particulier, on
a suffisamment rappelé que les gestes étaient bien souvent
très loin d'être conformes à ces professions de foi qu'on
faisait avec une grande éloquence et parfois beaucoup de
sentimentalité. Mais nous sommes en 1963, je m'évite ce retour en
arrière qui a été fait par d'autres et sur lequel je n'ai
pas l'intention de revenir.
Le gouvernement fédéral a établi un projet de
programme pour venir en aide aux municipalités en leur permettant
d'avoir à leur disposition les sommes d'argent nécessaires pour
poursuivre des travaux qui leur permettraient d'atteindre deux buts: le
premier, celui de combattre le chômage en donnant de l'emploi aux
citoyens de leurs municipalités et, accessoirement, mais de façon
très importante, de poursuivre ainsi des travaux qui sont depuis de
nombreuses années considérés essentiels à
l'hygiène publique et au développement de la vie communautaire,
particulièrement sur le plan municipal.
Ce premier projet fédéral consigné dans le bill 76,
tel que d'abord présenté au Parlement fédéral,
constituait aux yeux de cette Législature ou de cette Assemblée
législative tout entière une atteinte aux droits des provinces
tel qu'en fait foi cette résolution adoptée unanimement par cette
Chambre, dans les derniers jours de la session qui s'est terminée au
mois de juillet dernier.
Fort de cette résolution, le gouvernement du Québec, par
sa délégation dirigée par le premier ministre à une
conférence fédérale-provinciale à Ottawa, a fait
valoir le point de vue du Québec, point de vue d'une province pas comme
les autres, mais point de vue, dans ce cas-ci, quand même partagé
par un grand nombre d'autres provinces du Canada au point que l'attitude du
gouvernement du Québec a servi, je dirais, de point de ralliement aux
délégations de la presque totalité des autres provinces du
Canada dont les délégués se trouvaient présents
à Ottawa.
Et l'un des points fondamentaux mis de l'avant par la
délégation du Québec était que les institutions
municipales relevant, en vertu de la constitution de 1867, exclusivement des
Législatures des provinces, il n'appartenait pas au gouvernement du
Canada d'établir des lois et de prendre des dispositions susceptibles
d'intervenir directement dans les affaires municipales et que si le
gouvernement et le Parlement du Canada avaient, par ailleurs, des
responsabilités en matière de chômage ou de lutte contre le
chômage, avaient aussi des responsabilités en matière
d'affaires bancaires, il appartenait au Parlement du Canada d'assumer ses
responsabilités dans ces domaines sans pour autant contrevenir à
la responsabilité et à la juridiction exclusives des
Législatures provinciales en matière d'institutions
municipales.
C'est dans cette perspective que la conférence s'est
déroulée, que la province de Québec a fait ses
représentations, que d'autres provinces ont emboîté le pas
et que, finalement, un accord est intervenu, accord en vertu duquel le
gouvernement fédéral, responsable du crédit et des
banques, responsable dans une mesure déterminée de la lutte
contre le chômage, utiliserait ses pouvoirs et ses moyens pour mettre
à la disposition des provinces qui, elles, à leur tour,
pourraient mettre à la disposition des municipalités qui
relèvent d'elles et d'elles uniquement, les moyens financiers pour
lutter contre le chômage et faire des travaux qui s'avèrent
aujourd'hui, et depuis longtemps, essentiels au point de vue de
l'hygiène publique, au point de vue du progrès de la vie
communautaire sur le plan municipal.
Voilà l'ensemble des principes qui ont guidé la
conférence à la suite des représentations du gouvernement
du Québec et qui ont conduit la conférence à adopter ce
qui se trouve dans le bill C-76 tel qu'adopté par la Chambre des
communes le 2 août 1963, et en particulier cet article 7, paragraphe 2,
avec ses sous-paragraphes. En vertu de ces dispositions, ce sont les provinces,
en ce qui concerne le Québec, c'est la Législature du
Québec, et une fois que la Législature se sera prononcée
sur un projet de loi, ce seront les institutions gouvernementales du
Québec et plus particulièrement le ministre des Affaires
municipales ou les institutions dépendantes du ministre des Affaires
municipales qui auront la responsabilité d'administrer - je dis bien
d'administrer - ces dispositions législatives en vertu desquelles des
sommes d'argent sont mises à la disposition des municipalités
pour les fins mentionnées.
Eh bien, M. le Président, c'est dans cette perspective que le
premier ministre a conclu hier son discours en disant qu'il était revenu
de la conférence fédérale-provinciale en disant: Mission
accomplie! "Mission accomplie", simplement parce que l'autonomie provinciale
sur les municipalités a été entièrement
sauvegardée et respectée, parce que l'autonomie provinciale sur
les gouvernements municipaux est maintenant confirmée par ce bill C-76
tel qu'adopté en faisant dépendre de la volonté, et de la
volonté exclusive du gouvernement provincial, les modalités en
vertu desquelles les prêts seront faits aux municipalités.
Je sais que nos amis d'en face - je les ai bien écoutés -
ont fait grand état de certaines prescriptions qui se trouvent dans
le bill C-76; mais ces prescriptions qui se trouvent dans le bill C-76,
celles qui déterminent, par exemple, les entreprises pour lesquelles les
prêts et les subventions seront accordés, ces prescriptions qui
déterminent les conditions auxquelles le gouvernement
fédéral accordera la remise de 16 2/3% de la valeur des travaux,
ces prescriptions sont le résultat d'un accord entre le gouvernement
fédéral et les gouvernements des provinces. Pour autant que les
prescriptions sont expressément formulées et
déterminées dans ce projet de loi, elles ne sont pas le fruit de
la volonté exclusive, unilatérale du gouvernement
fédéral, elles sont le fruit d'une entente intervenue à
une conférence fédérale-provinciale et d'une entente
intervenue dans un domaine où il y a compétence concurrente,
où il y a juridiction commune de la part du Parlement du gouvernement
d'Ottawa et de la part des Législatures et des gouvernements des
provinces.
Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, la
compétence du gouvernement du Canada en matière bancaire, en
matière de lutte contre le chômage, établit
précisément que, lorsqu'il s'agit de prêts, et je crois
bien les paroles du député de Missisquoi qui, lui-même,
confirme ce que j'avance. Ce que le député de Missisquoi
proposait, c'était un pas en avant dans un régime de juridiction
concurrente puisque le député de Missisquoi proposait que la
Banque du Canada prête aux provinces, que la Banque du Canada soit au
service des gouvernements provinciaux, que les gouvernements provinciaux
interviennent dans les affaires de la Banque du Canada par une modification de
la constitution de cette banque jusqu'ici unilatérale.
Ce que le député de Missisquoi propose, c'est
l'établissement d'une juridiction commune, c'est l'établissement
d'une juridiction concurrente, ce qui est bien loin d'une juridiction exclusive
du gouvernement provincial. M. le Président, de cet aveu même du
député de Missisquoi, je conclus qu'il était
nécessaire pour le gouvernement de la province et le gouvernement
fédéral, qu'il ont tous les deux et concurremment une junaiction
en matière de lutte contre le chômage, d'en arriver à un
accord qui respecte l'esprit et la lettre de la constitution. Cet accord n'est
pas l'idéal, bien entendu, je l'ai dit, au début de mes
remarques, pour un groupe qui aspire à une autonomie la plus
complète possible, un groupe qui, s'il écoutait ses aspirations
intimes, désirerait profondément l'autonomie complète,
pour ne pas dire l'indépendance. Mais ce groupe est bien conscient de la
constitution en vertu de laquelle il existe depuis plusieurs décennies,
pour ne pas dire un siècle, conscient de la solidarité de ses
intérêts et de ses besoins avec d'autres secteurs du Canada et en
attendant qu'une modification soit apportée à l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique et aux autres dispositions qui
régissent notre régime constitutionnel, en attendant pareilles
modifications, il est conscient de la nécessité de travailler de
concert pour le bien de la population de la province de Québec, tout en
respectant l'esprit et la lettre de cette constitution à laquelle nous
devons tous tenir, que nous soyons responsables de l'administration publique au
sein du gouvernement fédéral ou au sein du gouvernement de l'une
ou l'autre des provinces de notre pays.
M. le Président, personne ou aucun de ceux qui ont adressé
la parole de ce côté-ci de la Chambre depuis le début de ce
débat sur le bill no 1, n'a exprimé l'avis qu'il s'agissait, dans
ce projet de loi, d'une formule idéale, d'une formule parfaite; mais il
s'agit, nous en sommes convaincus, de la formule la meilleure que nous pouvions
trouver dans les circonstances - je dis bien "circonstances" - du Canada dans
son ensemble, du Québec vivant sous la constitution qu'on connaît,
la formule la meilleure dans les circonstances que nous puissions trouver dans
l'intérêt des citoyens et même de notre province.
L'époque où les gouvernements du Québec pouvaient
se contenter de dire "Non" et un "non" pur et simple aux autorités
fédérales, l'époque où les gouvernements du
Québec pouvaient se contenter de dire: "Non, nous ne voulons pas de
votre argent, distribuez-le, distribuez-le partout au Canada, dans les neuf
autres provinces, nous du Québec nous sommes au-dessus de nos affaires,
nous ne voulons pas de votre argent, notre peuple est si riche, nos
institutions sont si florissantes, notre standard de vie est si
élevé, nous n'avons pas besoin de votre argent", ces temps sont
révolus, M. le Président.
Notre population ne permet plus qu'un gouvernement du Québec se
contente de dire "non". Nous sommes à une époque où la
population du Québec, où ce qu'on appelle les corps
intermédiaires aussi dans le Québec, institutions municipales ou
autres, exigent du gouvernement du Québec qu'il trouve un modus vivendi
au Canada, un modus vivendi acceptable pour notre population qui respecte nos
institutions, mais un modus vivendi quand même, tout comme, sur le plan
international, tous les pays du monde ont le devoir de trouver des modus
vivendi plutôt que de recourir aux guerres, plutôt que de recourir
à la force, parce que, entre humains, nous avons le devoir non seulement
de sauver les vies humaines, mais de maintenir un régime de paix, un
régime qui permette aux populations de se développer et
d'être témoins d'un progrès toujours plus grand, même
si cela exige un certain renoncement à des ambitions
personnelles ou à certaines ambitions régionales.
M. le Président, je terminerai simplement en insistant sur le
fait que l'entente, en somme, à laquelle en est venu le gouvernement du
Québec à cette conférence
fédérale-provinciale est d'abord un pas énorme en avant
dans la voie de la réintégration de l'autonomie provinciale pour
le Québec. Un pas important en avant.
M. Bellemare: Un pas en avant de reculons.
M. Gérin-Lajoie: Je crois que le ministre des Affaires
municipales et le premier ministre ont suffisamment montré
jusqu'à quel point ce projet de loi constitue un pas et un pas de
géant en avant sur la loi de 1958, loi qui permettait l'intervention
fédérale directe dans les affaires municipales, un pas en avant,
qui est, M. le Président, un gage de la détermination du
gouvernement actuel à poursuivre sa marche en avant, à
réintégrer pas à pas, point par point, l'autonomie
provinciale que, vous me permettrez de le dire en baissant le ton, on a
laissée aller au gré de discours patriotards pendant trop
longtemps.
Je termine, M. le Président, en ce qui concerne la
nécessité pour le Québec d'avoir des instruments
supplémentaires pour assurer son autorité et sa juridiction
effectives dans les domaines qu'énumèrent l'article 92 de la
constitution - moyens supplémentaires, en particulier, en ce qui
concerne le crédit, en ce qui concerne les ressources fiscales en
général, en disant mon accord sur la nécessité de
reprendre possession de ces moyens qui sont nécessaires à
l'exercice effectif des pouvoirs de 92, j'en suis.
Pendant que nous poursuivons cette marche en avant, pendant que le
comité parlementaire sur la constitution poursuivra ses travaux, pendant
que le gouvernement de la province poursuivra sa lutte aux conférences
fédérales-provinciales, celles du passé et surtout celles
qui s'en viennent à partir de novembre prochain, pendant tout ce temps,
nous avons le devoir d'assurer le progrès de nos institutions, de nos
institutions municipales, comme de nos institutions scolaires, comme de nos
institutions de santé publique, comme de nos institutions de
bien-être, comme de nos institutions qui ont autorité en
matière économique et en matière de richesse naturelle,
comme dans tous ces domaines, nous avons bien l'intention de ne pas attendre
des solutions définitives aux problèmes constitutionnels...
M. Johnson: Mais l'ultimatum?
M. Gérin-Lajoie: ... mais de faire marcher les deux de front, de
faire progresser la province dans le domaine municipal, de faire progresser la
province dans le domaine scolaire, de faire progresser la province dans tous
les autres domaines, pendant tout ce temps que nous poursuivrons notre lutte
pour assurer une véritable réforme constitutionnelle qui donnera
à notre province, dans des textes clairs et précis, les moyens
financiers d'exercer les autres pouvoirs qu'elle détient dans le domaine
de la constitution.
M. Yves Gabias
M. Gabias: M. le Président, vous comprendrez, il s'agit
uniquement d'un jeu du hasard si je prends la parole immédiatement
après le ministre de la Jeunesse. Et si ce n'est pas le jeu du hasard,
M. le Président, je ne voudrais pas que nos amis d'en face...
M. Gérin-Lajoie: Ne vous trompez pas de numéro, c'est le
bill 1.
M. Gabias: M. le Président, les amis d'en face sont donc nerveux
cet après-midi!
M. Lacroix: Il n'y a pas de raison, avec vous comme orateur.
M. Gabias: Parfois, la nervosité se note dans des interruptions,
d'autres fois, la nervosité se note dans le rire, et vous avez entendu
ces rires faux qui ont suivi ma simple remarque.
M. Laporte: Les rires ont suivi des grincements.
M. Gabias: M. le Président, après avoir entendu le
ministre de la Jeunesse essayer -je dis bien essayer - de faire un discours
éloquent, discours d'ailleurs qui sonne faux, je voudrais tout
simplement répondre par ceci: M. Godbout aussi se disait autonomiste.
Voici, d'après le Soleil du 23 avril 1942, ce que M. Godbout a
déclaré en Chambre, lors de la discussion du bill ratifiant cette
fameuse entente de 1942 par laquelle nous allions à Ottawa, pour la
durée de la guerre, l'impôt sur les corporations et l'impôt
sur le revenu. Et voici ce que M. Godbout disait en se déclarant
autonomiste.
M. Hamel (Saint-Maurice): Lorsqu'on parlera de M. Duplessis, vous vous
rappellerez ça.
M. Gabias: Je cite un journal. Je n'insulte pas du tout, comme le font
si souvent les membres du Parti libéral, je n'insulte jamais une
personne qui est décédée, et c'est la différence
entre le député de Trois-Rivières et les gens qui sont
là.
Je dis ceci, et c'est le Soleil qui le
rapporte: "M. Godbout continue en affirmant que jamais le gouvernement
n'a songé ou ne songera à sacrifier les droits sacrés de
la province, jamais...
M. Crépeau: Pourquoi parler des morts?
M. Gabias:... dit-il - et c'est M. Godbout en 1942 - jamais, dit-il,
nous ne consentirons à céder une parcelle des droits que nos
pères ont acquis et qui nous ont été confirmés par
le pacte fédératif. Le contrat doit être respecté
dans toute son intégrité et il le sera".
Est-ce que, M. le Président, après avoir entendu le
ministre de la Jeunesse, nous ne pouvons pas douter de la
sincérité de ses déclarations quand nous nous reportons
à cette fameuse loi de 1942 qui, aux dires de M. Godbout, ne
cédait pas les droits que nos pères nous avaient acquis et que
jamais le pacte confédératif ne serait sacrifié?
M. le Président, le bill no 1 que l'on nous soumet est
intitulé "Loi pour faciliter le financement de certains travaux
municipaux". Je me demande, M. le Président, s'il n'y a pas erreur dans
le titre qu'on a choisi et si le bill no 1 ne devrait pas s'intituler "Loi pour
faciliter davantage la centralisation dans la province de Québec."
M. le Président, le bill no 1 a ceci de bien particulier, c'est
qu'il traite, à mon sens, de la question no 1 qui a toujours
existé et qui existe encore dans la province de Québec,
même en 1963: l'autonomie de la province de Québec, l'autonomie de
nos institutions municipales. Je voudrais rappeler à cette Chambre
certaines déclarations de principe, et nous savons que les principes,
ça ne change pas. Nous savons également, M. le Président,
pour l'avoir entendu dire à maintes reprises par le premier ministre
actuel, par le Procureur général - le nouveau Procureur
général - également et surtout par le ministre des
Affaires municipales actuel, que les principes, c'était intangible. On
ne doit pas toucher aux principes.
On peut parfois, sans toucher aux principes, afin que la pratique soit
meilleure, afin que les résultats qui sont mauvais actuellement puissent
être améliorés, prendre des moyens qui, parfois, changent
ou varient. Tout le monde en est. Mais je suis certain que, si tous les
députés de cette Chambre s'arrêtent pour une minute
à la question de principe qui est en jeu dans le bill qu'on nous soumet,
je suis certain, M. le Président, comme l'a dit dans son discours le
ministre de la Jeunesse, que, l'Assemblée législative va voter
à l'unanimité contre le bill no 1 qui nous est actuellement
soumis.
Ces quelques principes, je voudrais en donner une lecture tranquille.
Malgré la rapide croissance du pouvoir fédéral,
particulièrement à notre époque, la centralisation reste
le seul système acceptable pour un pays s'étendant sur un
continent et ayant une population aussi nombreuse que
différenciée.
Le gouvernement national, surtout à la suite des mesures de
l'époque de crise et du temps de guerre, est déjà devenu
énorme, pesant, dévorant. Le peuple risque de se trouver
désespérément écrasé par une bureaucratie
fédérale, vaste et professionnalisée, assez irrespectueuse
de la démocratie.
Dans certains domaines importants, les gouvernements provinciaux restent
encore les agents de contrôle les plus naturels et les plus efficaces
parce que plus près des problèmes et des
intéressés. En conséquence, il est souhaitable que les
provinces gardent toute latitude de servir de centres d'expérience et
qu'on ne cherche pas à appliquer des standards uniformes. Sous le tissu
toujours amplifié de sa loi, le gouvernement central étouffe les
provinces et les réduit à de simples circonscriptions locales,
chargées seulement de l'unique et humble soin du détail en
obéissance à une politique nationalement
déterminée.
En contre-partie, on allègue que les temps, les inventions et
d'autres forces encore ont si énergiquement nationalisé notre
pays que nombre d'intérêts sociaux et économiques
élémentaires ne sont plus locaux, mais, au contraire,
transcendent les limites étatiques et régionales.
Parallèlement à ce grand changement des conditions, il y a
eu une transformation correspondante de la pensée politique, de telle
sorte que le peuple n'attend plus ou ne désire plus l'autonomie
étatique ou régionale, chérie à l'époque
primitive de simplicité, mais au contraire est prêt à voir
le fédéralisme concurrent de la loi céder la place au
fédéralisme coopératif plus flexible de l'avenir.
Les provinces n'ont pas si bien réussi que s'impose leur droit de
rester seules devant les problèmes d'intérêt national
omnipotent ou important.
Tant qu'apparaîtront des conditions sociales et économiques
qui, si elles doivent être effectivement réglementées,
doivent l'être par le gouvernement national, il ne servira à rien
de dire que ce gouvernement est inapte à prendre davantage de
responsabilités, la meilleure chose à faire étant
d'améliorer son fonctionnement de façon à remédier
à ses déficiences éventuelles.
Voici, M. le Président, les deux grandes théories
auxquelles nous avons à faire face: une première qui veut la
décentralisation des pouvoirs et une autre qui veut la centralisation
des pouvoirs sous un seul gouvernement.
Qu'est-ce que la province de Québec a déjà dit et
dit encore devant les deux
solutions qui s'offrent à elle? Comme députés, M.
le Président, qu'est-ce que nous devons nous demander? Qu'est-ce que
nous devons surtout vouloir quand nous avons une décision aussi
importante que celle que nous allons prendre sur ce bill no 1? Est-ce que nous
allons être de la théorie centralisatrice ou allons-nous
être de la théorie décentralisatrice? Allons-nous
être pour l'autonomie de la province de Québec ou allons-nous
être pour ceux qui veulent voir disparaître cette autonomie de la
province de Québec?
Et, si vous le voulez, après avoir posé cette question,
nous allons, afin de revenir au bill no 1, afin également de revenir au
bill C-76, étudier ensemble les programmes des partis libéraux
provinciaux et fédéraux, les programmes de 1960 et de 1962.
Qu'est-ce que disait, en 1960, le programme politique du Parti libéral
du Québec concernant le chômage, concernant les
municipalités et concernant la constitution?
Je crois, M. le Président, qu'on ne pourra pas m'accuser d'aller
à des sources d'information qui ne sont pas reconnues au moins par le
Parti libéral provincial, car, dans le bill no 1, nous retrouvons ces
trois questions: la question du chômage, la question des
municipalités et la question de la constitutionnalité.
Je retrouve dans le programme de 1960 du Parti libéral, de nos
amis d'en face, les solutions que l'on prêchait en 1960 concernant,
premièrement, le chômage à la page 8, à l'article
12: "Le gouvernement provincial doit assumer ses responsabilités en
matière de chômage." Et, en commentaire, l'on disait ceci: "Le
gouvernement provincial a son ministère du Travail. Il a en outre
l'administration des richesses naturelles. Il a la responsabilité de
l'assistance sociale et de la plus grande partie des travaux publics. La
province de Québec compte actuellement, en mars 1960, 235,000
chômeurs. Cela représente 42% des chômeurs du Canada. Depuis
plusieurs années, c'est toujours dans la province de Québec que
l'on trouve le plus de personnes sans travail."
Qu'est-ce que l'on suggérait pour pallier cette plaie du
chômage en 1960 dans le programme libéral de nos amis d'en face?
Après avoir déclaré qu'il s'agissait d'une plaie, qu'il
s'agissait d'un problème familial, qu'est-ce que l'on disait? On
étudiait ensuite les différentes structures du chômage et
l'on disait: "Le gouvernement provincial doit assumer ses
responsabilités en matière de chômage."
Une voix: C'est ça'.
M. Hamel (Saint-Maurice): On l'a fait aussi.
M. Bellernare: C'est pour ça qu'on en a plus.
M. Gabias: M. le Président, je ne fais que citer le programme de
1960. Si le Procureur général, député de
Saint-Maurice, veut prendre la parole, il la prendra une fois que j'aurai
terminé.
M. Gérin-Lajoie: On dit qu'on est d'accord. Ne vous fâchez
pas.
M. Gabias: C'est parce que, M. le Président, j'entends le
ministre de la Jeunesse me dire de ne pas me fâcher. Je ne suis pas
fâché du tout: c'est une habitude que je viens d'apprendre de lui:
il n'aime pas le dialogue, je ne l'aime pas moi non plus. M. le
Président, c'est pour ça que je demande...
M. Gérin-Lajoie: Ah! Vous ne l'aimez pas vous non plus!
M. Gabias: C'est pour ça, M. le Président, qu'en cette
Chambre je demande au député de Saint-Maurice de ne pas
parler.
À la page 20, on traite de l'avenir constitutionnel et on dit, en
guise de commentaires: "Avant la tenue de la prochaine conférence
fédérale-provinciale, et surtout avant la fin des accords qui
doivent expirer en 1962, il est nécessaire et urgent que toutes les
provinces du Canada se réunissent et, si possible, s'entendent sur le
grand nombre de questions qui les divisent entre elles et le gouvernement
fédéral. Au cours de ces conférences, le rôle du
Québec doit être prépondérant. Il le sera si
Québec est préparé, va de l'avant et soumet des
propositions concrètes.
J'insiste sur ce dernier membre de la phrase, M. le Président:
"Québec doit être prépondérant et il le sera si
Québec est préparé, va de l'avant et soumet des
propositions concrètes". Retournons maintenant à la question des
municipalités, à la page 23, qui dit ceci: "Municipalités,
article 53, répartition des sources de revenus entre le gouvernement
provincial et les municipalités". Commentaires: "Les revenus des
municipalités sont nettement insuffisants. Un système de
péréquation sera établi dès la prochaine session".
Cela se passait en 1960, M. le Président: "Un système de
péréquation sera établi dès la prochaine session
pour permettre aux municipalités d'exercer pleinement leur autonomie."
C'était là, M. le Président, le programme du Parti
provincial libéral de 1960 concernant le chômage, les
municipalités et la constitution.
Voyons ce que disait le Parti libéral fédéral en
1962.
Le manifeste du Parti libéral du Canada concernant un
fédéralisme authentique, à la page 5: "Collaboration avec
les provinces: L'unité nationale et la bonne
administration du pays dépendent d'une étroite
collaboration entre Ottawa et les provinces. Cette collaboration efficace entre
les gouvernements repose d'abord sur le respect absolu - et je note à
nouveau -"repose d'abord sur le respect absolu des droits des provinces dans
les domaines qui relèvent de leur juridiction." Ce respect absolu se
reflétera dans toutes les mesures, dans toutes les mesures, M. le
Président, que prendra un gouvernement libéral.
Or, le gouvernement actuel à Ottawa, c'est le gouvernement
libéral dont je viens de vous lire un extrait du manifeste pour les
élections de 1962. Le Parti libérai fédéral
s'engageait devant l'électorat de tout le Canada, mais en particulier de
la province de Québec: "Cette collaboration efficace entre les
gouvernements repose d'abord sur le respect absolu des droits des provinces
dans des domaines qui relèvent de leur juridiction. Ce respect absolu se
réflétera dans toutes les mesures que prendra un nouveau
gouvernement libéral".
Or, M. le Président, quelle est la mesure que le gouvernement
fédéral a proposée à la Chambre des communes au
mois de juin 1963? Le bill C-76 dont la première lecture a eu lieu le 17
juin 1963.
On y voit que le gouvernement libéral dirigé par
l'honorable M. Pearson, qui a été l'auteur du manifeste du Parti
libéral fédéral de 1962, on le voit, comme chef du
gouvernement, déposer le bill C-76; le ministre des Finances
dépose ce bill qui fait quoi et qui demande quoi à la Chambre des
communes? Il demande à la Chambre des communes la permission de mettre
à la disposition des municipalités de toutes les provinces et en
particulier de la province de Québec un montant de $400 millions.
En aucun moment, dans le bill C-76, déposé au mois de juin
1963, le gouvernement fédéral libéral ne se
préoccupe des provinces et, en particulier, de la province de
Québec. En 1962, M. le Président, l'honorable M. Pearson,
actuellement premier ministre du Canada, s'engageait devant la province de
Québec à ne jamais déposer un projet de loi qui n'aurait
pas un respect absolu des droits des provinces dans les domaines qui
relèvent de leur juridiction. Or, le domaine des municipalités
relève exclusivement de la province de Québec. M. Pearson a
trompé l'électorat de la province de Québec.
M. Pearson et le Parti libéral ont trompé
l'électorat de Québec en 1962, en déposant le bill C-76 le
17 juin 1963. Que s'est-il passé à ce moment? La province de
Québec, la population du Québec, fière de son autonomie,
soucieuse de garder et même de renforcer l'autonomie de la province, a
commencé à se faire entendre et, à la suite des
protestations de la province, de la population, nous avons une copie de lettre
qui a été adressée, le 7 juin 1963, par le premier
ministre actuel de la province de Québec concernant ce bill C-76. Au
très honorable Lester B. Pearson, premier ministre fédéral
"Monsieur le premier ministre, "J'ai pris connaissance, grâce au texte
que votre bureau a fait tenir à mon collègue, monsieur Laporte,
vendredi dernier, des déclarations que vous avez faites à Toronto
lors du congrès de la Fédération canadienne des maires sur
le projet d'aide fédérale aux municipalités. J'ai
noté, dans ce texte, votre désir de procéder avec
célérité au dépôt et à l'adoption d'un
projet de loi à cet effet. "Vous notez vous-même dans votre
discours que cette question soulève un grave problème de
juridiction. C'est l'opinion du gouvernement de la province de Québec
qu'il serait impérieux de nous laisser suffisamment de temps pour
prendre ronnaissance du projet de loi, l'étudier et vous faire tenir nos
commentaires. "La suggestion du gouvernement du Québec est la suivante:
La conférence des premiers ministres des provinces doit se réunir
à Halifax dans la première semaine du mois d'août. Monsieur
Laporte a l'intention, à l'occasion de cette réunion, de
convoquer les ministres des Affaires municipales des autres provinces pour
étudier toutes les implications du projet de loi que vous vous proposez
de soumettre aux Chambres. Nous serions ensuite en mesure de faire valoir notre
point de vue. "Auriez-vous l'obligeance, pour que cette consultation soit
possible et utile, d'ajourner l'étude du projet de loi jusque
après la conférence des premiers ministres des provinces? Je vous
serais reconnaissant d'accorder à cette demande votre bienveillante et
immédiate attention. Je me permets de faire parvenir une copie de cette
lettre à mes collègues des autres provinces. "Recevez, monsieur
le premier ministre, l'assurance de mes sentiments distingués."
Non seulement, M. le Président, le chef du Parti libéral
fédéral ne s'est pas préoccupé de son manifeste de
1962, non seulement il ne s'est pas préoccupé de la population de
la province de Québec, mais, malgré la lettre du premier ministre
de la province de Québec en date du 7 juin 1963, le premier ministre
canadien, qui s'était engagé à respecter
intégralement la constitution canadienne, dépose le bill C-76,
qui est seulement une intrusion dans le domaine des municipalités et une
violation de l'autonomie, mais qui est également une violation directe
de ses promesses électorales, une violation directe d'une demande faite
par le premier ministre de la province de Québec.
Croyez-vous, M. le Président, qu'après ces
événements, nous puissions concevoir que
le gouvernement libéral actuel à Ottawa peut avoir de la
considération pour la province de Québec? Pouvons-nous, pour un
instant, nous imaginer que le premier ministre canadien, après avoir
violé son manifeste de 1962, après avoir mis de côté
une lettre du premier ministre de la province de Québec, après
avoir déposé un projet de loi C-76 qui est complètement
anticonstitutionnel, qui est complètement en dehors du champ de la
juridiction du fédéral, croyez-vous, M. le Président, que,
pour un instant, on puisse aujourd'hui faire confiance au gouvernement
libéral d'Ottawa?
Et si ce n'est pas cela, M. le Président, et si nous devons pour
un instant penser que le gouvernement fédéral pouvait être
sincère, il y a lieu pour nous de nous inquiéter et de nous
inquiéter gravement.
Si le premier ministre actuel de la province, si le ministre des
Affaires municipales de la province, si le ministre de la Jeunesse de la
province sont satisfaits de l'attitude du premier ministre canadien, sont
satisfaits du chef fédéral libéral, après les
représentations et les promesses qu'il a faites, je dis, M. le
Président, qu'il faut être absolument et fermement opposé
au bill 1, dans la province de Québec, parce qu'alors il y a un
traquenard dans la loi C-76 qui a été adoptée au mois
d'août 1963 au fédéral. Et c'est cela que l'on veut
aujourd'hui nous faire adopter. Entre le dépôt du premier projet,
le 17 juin 1963, et l'adoption du bill C-76 amendé, le 2 août
1963, quels ont été les amendements apportés à ce
bill C-76? Pour quelles raisons ont-ils été apportés? Et,
en fait, quelle est la portée de ces amendements? Car tout le monde a
été unanime, le 25 juin 1963, à rejeter comme
anticonstitutionnel, à rejeter comme non acceptable le bill C-76
déposé le 17 juin 1963 à Ottawa. Et, ce n'est pas un chef
de parti qui a parlé. Ce n'est pas un cabinet qui a parlé. C'est
l'Assemblée législative du Québec à,
l'unanimité, qui a adopté la résolution suivante et qui
l'a adressée au fédéral.
Quelle est la teneur de cette motion qui a été
adoptée à l'unanimité? Pas un seul député
libéral...
Une voix: Si ç'a été unanime...
M. Gabias: ...pas un seul indépendant en cette Chambre, personne
n'a été à l'encontre de cette motion. Au contaire. Tout le
monde, publiquement, y compris le ministre des Affaires municipales, s'est
opposé...
M. Laporte: M. le Président, je soulève un point d'ordre.
Si le député avait le moindrement de souvenirs, il saurait que
j'étais en Europe à ce moment-là.
M. Gabias: Pardon?
M. Laporte: J'étais en Europe au mois de juin.
M. Gabias: Je dis que vous vous êtes opposé publiquement
à ce bill C-76 lors de votre conférence à Montréal;
je crois que c'était au club Richelieu ou à la Chambre de
commerce...
M. Laporte: M. le Président, je soulève un point de
règlement. Si le député de Trois-Rivières
connaissait également ses dates, il saurait que le bill C-76
n'était pas déposé au moment où j'ai fait ma
conférence.
Une voix: Le ministre ne s'est jamais opposé.
M. Gabias: Voici. Quand je dis que le ministre des Affaires municipales
s'était opposé au bill C-76, je me réfère à
ce qu'il a lui-même déclaré devant la Chambre de commerce
à Montréal: "Si le gouvernement fédéral, quel qu'il
soit, a de l'argent à consacrer à l'étude ou à la
solution de problèmes municipaux, cet argent appartient de plein droit
à l'autorité provinciale car seule elle est autorisée
à s'occuper de ces problèmes. Les provinces devraient prendre des
mesures pour récupérer ces sources de taxation qui sont ultra
vires des pouvoirs fédéraux et dont elles ont grand besoin." Et
le ministre ajoutait ceci: "Le gouvernement de la province de Québec,
pour sa part, résistera à toute ingérence
fédérale." Je souligne, M. le Président, "à toute
ingérence fédérale".
M. Laporte: Vous ne soulignez pas, vous répétez
là...
M. Gabias: "...dans les matières qui sont du ressort des
municipalités et il insistera pour mettre lui-même à la
disposition des gouvernements municipaux les sommes d'argent qu'Ottawa leur
destine et qui devront être rétrocédées au
gouvernement provincial."
M. Laporte: C'est ça, c'est ça.
M. Gabias: Voici le langage que tenait le ministre des Affaires
municipales devant la Chambre de commerce de Montréal et tout le monde a
applaudi à cette déclaration du ministre des Affaires
municipales, mais, aujourd'hui, tout le monde...
Une voix: Eh!
M. Gabias: Et aujourd'hui, M. le Président, tous ceux qui ont
applaudi le ministre des Affaires municipales, alors qu'il s'adressait à
la Chambre de commerce, demandent aujourd'hui, et sont en droit de demander au
ministre: Pourquoi cette
reculade, pourquoi donner aujourd'hui votre assentiment à cette
intrusion du fédérai dans le domaine des municipalités?
Est-ce que vous étiez sincère lors de votre
conférence?
M. Laporte: M. le Président, je soulève un point d'ordre.
J'invoque le règlement. Je comprends que le député est
très énervé, mais il faut qu'il s'adresse au
président, pas à moi personnellement, au président.
M. Gabias: M. le Président, je vous le demande, quand le ministre
est-il sincère? Est-ce qu'il parle à titre de ministre devant la
Chambre de commerce et qu'il s'oppose à ces intrusions du
fédérai dans les questions municipales ou est-ce aujourd'hui,
dans cette Chambre, alors qu'il est le parrain du bill no 1 et nous demande que
le fédéral s'introduise dans le domaine des municipalités,
domaine exclusivement réservé à la province de
Québec?
M. le Président, il y a des cabrioles, il y a des acrobaties, il
y a des reculs que la population ne comprend pas, et ceux du ministre des
Affaires municipales représentent un recul...
Une voix: Ne le regardez pas, il a honte de lui...
M. Gabias: ... que la population ne s'explique pas. Ce n'est pas un
recul de vingt ans, après une déclaration qu'il aurait faite il y
a vingt ans. Ce n'est pas un recul sur une déclaration qu'il aurait
faite il y a dix ans ou cinq ans. C'est un recul tragique qu'il a fait dans
l'espace de quelques mois, après avoir fait une déclaration, avec
toute la puissance de ses poumons, après avoir donné une
publicité retentissante, tant à la télévision
qu'à la radio et dans les journaux, à cette déclaration
qui disait: "Non seulement vous n'entrerez pas dans le domaine provincial, mais
vous allez rétrocéder ce que vous avez pris aux
municipalités, vous allez rétrocéder ce que vous avez pris
à la province", aujourd'hui, non seulement il s'oppose, M. le
Président, à l'intrusion du fédéral, mais il
parraine cette intrusion et c'est lui qui introduit dans nos lois cette
intrusion du régime fédéral, cet accroc à notre
autonomie.
La population, M. le Président, est intéressée
à savoir pourquoi le ministre a changé si vite d'idée. Lui
qui, jadis, appartenait à la rédaction d'un journal qui se disait
indépendant, d'un journal qui ne changeait pas d'opinion, qui
était bien assis sur les principes, lui, M. le Président, qui a
eu une formation juridique, qui a eu, en plus d'une expérience de
journaliste au journal Le Devoir, ici, dans les tribunes des journalistes de
l'Assemblée, une longue expérience des projets de loi et de
toutes les questions constitutionnelles, comment a-t-il pu, devant la Chambre
de commerce de Montréal, en quelques mois, reculer de telle sorte que,
non seulement il ne tient plus à ses déclarations de principe
d'il y a quelques mois, mais qu'il est l'auteur du bill no 1 qui fait que la
province de Québec, une fois de plus, va être envahie par le
fédéral et également qu'une fois de plus nos
municipalités vont subir un accroc à leur autonomie
municipale?
M. Laporte: C'est éloquent, mais c'est faux.
M. Gabias: M. le Président, il y a de ces reculs qui sont
inexplicables et on me dit que c'est faux. Je voudrais savoir du ministre, M.
le Président, quand il n'a pas dit la vérité. Si cela est
faux, je veux savoir de lui s'il n'a pas dit la vérité devant la
Chambre de commerce ou s'il ne dit pas la vérité aujourd'hui
devant cette Chambre. Nous sommes en droit de le savoir, M. le
Président.
M. Lesage: Asseyez-vous, il va répondre.
M. Laporte: C'est une question que me pose le député.
M. Gabias: Je la pose à l'Orateur, comme vous me l'avez
mentionné.
M. Crépeau: Qui est-ce qui recule?
M. Gabias: M. le Président, voyez-vous la différence
d'attitude en deux minutes?
M. Laporte: La vôtre, tout le monde l'a vue.
M. Gabias: Il y a deux minutes, M. le Président, je m'adressais
au ministre des Affaires municipales et il m'a dit: Ne vous adressez pas
à moi, adressez-vous au président. Je suis son conseil, je
m'adresse au président, il veut maintenant que je m'adresse à
lui. Je m'explique mieux, M. le Président, son changement d'attitude, je
m'explique mieux aujourd'hui...
M. Laporte: C'est ça, on pose des questions à
l'orateur.
M. Gabias: M. le Président, pourquoi, il y a quelques mois,
était-il pour l'autonomie de la province et, aujourd'hui, est-il contre
cette même autonomie? Vous venez d'avoir le portrait du ministre des
Affaires municipales: un irresponsable quant à ses opinions.
M. Lesage: M. le Président, je me lève sur une question de
privilège. Un député n'a pas le droit de dire d'un autre
qu'il est
irresponsable; c'est en vertu des règlements.
M. Gabias: M. le Président, je me conformé à votre
décision, que je connais d'avance, et je retire ce mot qui a pu
être blessant.
M. Lesage: Pas blessant, antiparlementaire. Il est faux et
antiparlementaire.
M. Gabias: Simplement, la population ne s'expliquera pas mieux ce
changement d'attitude du ministre des Affaires municipales. Ce n'est pas parce
que l'on a soulevé un point d'ordre, ce n'est pas parce que j'ai
utilisé un mot antiparlementaire que la population va mieux s'expliquer
ce changement d'attitude du ministre des Affaires municipales. Mais s'il n'y
avait que le ministre des Affaires municipales qui ait changé d'attitude
et qui ait changé d'opinion, la population serait moins inquiète
car, au-dessus du ministre des Affaires municipales, il y a évidemment
le premier ministre, il y a évidemment le cabinet. Or, il serait
peut-être bon, M. le Président, d'analyser brièvement
quelles ont été les déclarations du premier ministre
actuel concernant l'autonomie de la province de Québec et concernant
l'ingérence du pouvoir central dans l'administration de la province et
dans l'administration des domaines qui lui sont exclusifs. Je ne parlerai pas
des déclarations que le premier ministre a pu faire alors qu'il
appartenait à une autre juridiction, alors qu'il était membre,
comme député, de la Chambre des communes, et membre du cabinet de
la Chambre des communes. Je vais restreindre ses déclarations ou le
rapport de ses déclarations à celles qu'il a faites depuis qu'il
est chef du Parti libéral de la province.
M. Lesage: Vous avez décidé de gagner $100 par jour
pendant 15 jours.
M. Laporte: Avec lui, on ne gagne...
M. Gabias: Je suis bien à l'aise, M. le Président, de
prendre quelques minutes de cette Chambre quand je me souviens, avec tous les
autres membres de cette Chambre, que le premier ministre nous a fait perdre
onze semaines pour l'étude du bill de Montréal il y a à
peine un an ou deux. Je suis bien à l'aise. M. le Président.
M. Lesage: M. le Président, j'invoque le règlement. Je
n'ai jamais fait perdre onze semaines à la Chambre avec l'étude
du bill de Montréal. C'est simplement que le gouvernement a agi, encore
une fois, d'une façon démocratique, il a entendu tous les
intéressés sur un bill extrêmement imDortant.
M. Johnson: Celui-là n'est pas important, non?
M. Lesage: Il a entendu les intéressés exprimer leur
opinion sur un bill extrêmement important et sur lequel nous voulions
avoir l'opinion de tous les intéressés. Ces onze semaines ont
bénéficié grandement à la cité de
Montréal et à la région de Montréal.
M. Gabias: M. le Président, je prends note de la
déclaration du premier ministre, j'ai même rappelé tout le
temps qu'il nous a fait perdre parce que ses lois n'étaient pas
prêtes, M. le Président.
M. Lesage: Je n'ai jamais...
M. Gabias: Et je sais que les membres . de cette Chambre...
M. Lesage: M. le Président, est-ce qu'il y aurait moyen de cesser
ce genre d'attaque? Je pense qu'il n'y a pas moyen d'arriver à quelque
chose de sérieux en cette Chambre.
M. Gabias: M. le Président, est-ce que c'est un point
d'ordre?
M. Lesage: Je n'ai jamais, jamais... Oui, c'est un point d'ordre.
M. Gabias: Il n'a pas le droit d'intervenir.
M. le Président: A l'ordre!
M. Lesage: J'invoque le règlement, M. le Président.
Lorsqu'un député affirme une chose qui est manifestement fausse
et qui se rapporte à la Chambre, il ast de mon devoir de me lever pour
rétablir les faits. Il est faux d'avancer qu'on a attendu un seul moment
après le gouvernement parce que la législation n'était pas
prête. Ce n'est jamais arrivé.
M. Johnson: M. le Président, parlant sur le point d'ordre,
puisque le premier ministre a décidé que c'était un point
d'ordre, tout ça a commencé lorsque le premier ministre, de son
siège a fait une remarque qui est dérogatoire à l'honneur
de la Chambre en disant: Voulez-vous gagner $100 par jour pendant plusieurs
jours sur ce bill?
M. Lesage: C'est à vous que je parlais.
M. Johnson: M. le Président, c'était mauvais. Si on a
passé onze semaines à étudier le bill de Montréal
et que le premier ministre disait que c'était nécessaire, nous
passerons tout le temps nécessaire quand il s'agir de toutes les
municipalités.
M. Lesage: La différence, M. le Président, pendant une
session régulière...
M. Johnson: M. le Président, le premier ministre n'a pas le droit
de parler d'un point d'ordre.
M. le Président: À l'ordre, messieurs! Le bill no 1, M. le
député de Trois-Rivières.
M. Lesage: J'ai conclu une entente avec le chef de l'Opposition pour que
ça dure trois ou quatre jours.
Une voix: Est-ce que vous pourriez le rappeler à l'ordre, M. le
Président?
M. Lesage: Qu'est-ce que vous pensez que le public va dire de payer $100
par jour?
M. Bertrand (Missisquoi): Bien, voyons donc!
M. le Président: À l'ordre!
M. Bertrand (Missisquoi): Pourquoi fait-il voter le Parlement s'il ne
veut pas qu'on parle?
M. Lesage: Arrêtez de vous répéter, pour l'amour de
Dieu!
M. Gabias: M. le Président, le premier ministre lui-même
doit respecter ces règlements qui sont les nôtres dans cette
Chambre. Je vous prierais de le rappeler à l'ordre autant que vous le
faites quand je suis concerné.
Je disais donc, M. le Président...
Une voix: Il commence en se répétant.
M. Gabias: J'espère, M. le Président, que vous avez bien
noté les paroles du premier ministre à savoir que si moi ou
d'autres membres de l'Opposition, nous prenions la parole, c'était pour
gagner $100 par jour.
M. Lesage: Non, non, je n'ai pas dit ça.
M. Gabias: J'espère, M. le Président -et je soulève
un point d'ordre - que vous allez lui faire retirer ses paroles, qui sont
indignes d'un premier ministre et indignes d'un membre de cette Chambre.
M. Lesage: M. le Président, parlant sur un point d'ordre
soulevé par le député de Trois-Rivières, je n'ai
jamais dit que le député de Trois-Rivières se levait pour
gagner $100 par jour. J'ai fait remarquer au chef de l'Opposition que nous
étions payés $100 par jour et je lui ai fait remarquer ce que
ça coûtait à la province d'étirer le débat
par des répétitions. C'est tout.
M. Johnson: M. le Président, parlant sur ce point d'ordre, je
voudrais rappeler au premier ministre que nous avons promis notre
coopération pour ne pas prolonger indûment la session.
Nous savons que chaque jour coûte à la province beaucoup
d'argent, ça coûte $100 et même ceux qui ne parlent pas,
lorsque nos droits son menacés, vont les gagner quand même, M. le
Président. Par ailleurs, le premier ministre doit admettre que nous
avons coopéré, à ce jour, que nous avons adopté
sans discussion l'adresse, que nous avons consenti à ce que la
deuxième lecture soit faite le même jour, à la même
séance que la première lecture. Nous avons coopéré
à 100%, mais la matière et le sujet sont tellement importants que
tous les députés de cette Chambre ont le droit - et ça,
c'est important - de manifester leur opinion sur le sujet.
M. Lesage: Certainement, mais cessons de nous répéter.
M. Johnson: Le premier ministre ne devrait pas être impatient, il
doit s'attendre à cela, il peut compter que nous continuerons de
coopérer, mais, quand il s'agit d'enterrer l'autonomie, M. le
Président, donnez-nous au moins le privilège, de chanter le
libéra de l'autonomie qu'on est en train d'enterrer avec le bill no
1.
M. le Président: Je considère d'abord que ce
n'était pas un point d'ordre, c'était une remarque qui, de part
et d'autre, devient un débat dans un débat. C'est le
député de Trois-Rivières qui avait la parole, il lui reste
sept minutes et j'espère qu'il remplira ses sept minutes. Le bill no
1.
M Gabias: Évidemment, vous comptez toutes les interruptions du
premier ministre et du ministre des Affaires municipales. Je pense bien que
j'ai droit à mon plein temps.
Je disais donc, M. le Président, que s'il ne s'agissait que de la
reculade du ministre des Affaires municipales, ce ne serait pas trop grave.
Mais lorsqu'il s'agit de la reculade d'un chef de parti provincial, lorsqu'il
s'agit de la reculade d'un premier ministre de la province de Québec, eh
bien, là, nous devons être inquiets et nous devons dire au premier
ministre, comme à son parti et comme à cette Chambre... Nous
n'acceptons pas la reculade que vous, vous voulez donner à la province
de Québec.
Et c'est cela, M. le Président.
Et, aujourd'hui, il essaie par tous les moyens publicitaires, de faire
avaler cette reculade à la population du Québec, lui qui, en de
nombreuses circonstances, s'est dit le
champion de l'autonomie de la province, lui, par exemple, le premier
ministre, qui déclarait ce qui suit: "Le Québec n'a nullement
l'intention, par ses prises de position et ses attitudes, de retarder ou
d'empêcher de quelque manière que ce soit l'application de
certains programmes d'origine fédérale dans les provinces du
Canada qui désirent la mise en oeuvre intégrale de ces
programmes. Tout ce que le Québec demande, c'est que, dans les domaines
qui relèvent de la juridiction provinciale, il puisse procéder
comme il l'entend en tenant compte de la situation particulière du
Québec, expression politique du Canada français, par rapport aux
autres provinces."
Et qu'est-ce qu'on nous suggère aujourd'hui, M. le
Président? On nous suggère d'entériner, d'accepter une
intrusion fédérale dans le domaine des municipalités qui
est exclusivement réservé aux provinces, à la province de
Québec. Voilà une différence, M. le Président,
entre sa déclaration alors qu'il essayait d'obtenir la confiance de la
province de Québec et ce qu'il fait aujourd'hui dans cette
enceinte...
M. Lesage: M. le Président, j'invoque le règlement.
La déclaration que vient de lire le député de
Trois-Rivières n'a pas été faite dans la province de
Québec. Elle a été faite à Ottawa, à la fin
de juillet, pour amener le gouvernement fédéral à apporter
les amendements que j'exigeais et qui ont été apportés au
bill C-76.
M. Gabias : Nous avons pris bonne note, M. le Président.
Évidemment, quand le premier ministre a fait cette déclaration,
il ne pensait pas, comme d'habitude, à la province de Québec, il
pensait à ses maîtres d'Ottawa. Je suppose que c'est cela qu'il
veut nous faire remarquer cet après-midi.
M. le Président, le premier ministre avait la mission suivante,
mission qui lui a été confiée par l'Assemblée
législative concernant le bill C-76: "La Chambre, tout en étant
prête à voter les subsides nécessaires à
l'administration de la province, est d'avis que le gouvernement devrait
étudier la possibilité d'établir, sans retard, un
système provincial de crédit municipal permettant aux
municipalités de s'acquitter de leurs obligations et sauvegardant ainsi
la compétence exclusive de la province en matière d'institutions
municipales".
Qu'est-ce qu'a fait le premier ministre? Il est allé à
Ottawa. Est-ce qu'il est allé à Ottawa pour sauvegarder ainsi la
compétence exclusive de la province en matière d'institutions
municipales? Non, M. le Président, il est allé à Ottawa
pour essayer de trouver une patente pour que la loi soit acceptable pour la
province de Québec. C'est cela qui a été la mission du
premier ministre et c'est cela que le premier ministre essaie aujourd'hui de
faire accepter à cette Chambre.
Pas plus l'Opposition ne va accepter ce truc légal du premier
ministre de la province de Québec, appuyé par le ministre des
Affaires municipales et appuyé également par le Parti
libéral fédéral, pas plus nous n'allons l'accepter, pas
plus la population de la province de Québec ne va accepter que le
ministre, quel qu'il soit, des Affaires municipales ou le premier ministre,
jamais nous n'allons tolérer dans cette province que ce soit le
fédéral qui vienne dicter, donner des ordres à nos
municipalités. Les municipalités sauront quoi faire: elles
n'accepteront pas l'aide qui leur est offerte illégalement.
M. le Président, on nous dit que ce projet de loi est surtout
présenté pour remédier au chômage. Nous pensions
bien, en 1960, avec l'avènement du Parti libéral, qu'avec toutes
les promesses qui ont été faites, il n'y aurait pas de
chômage dans la province de Québec. Pourtant, les dernières
statistiques qui ont été publiées par la province de
Québec nous disent bien que nous gardons encore, au mois de juillet
1963, bien malheureusement, mais que nous gardons encore le championnat du
chômage dans le Canada. Nous avons actuellement 113,000 chômeurs,
et ceci représente 5,9% de chômeurs, en pourcentage, de la
main-d'oeuvre civile, par rapport à 4,4%, qui est la moyenne du
Canada.
Voici, M. le Président, ce que les promesses du Parti
libéral ont pu obtenir pour corriger cette plaie du chômage dans
notre province. Et au nom de la correction que l'on veut apporter au
chômage, on veut essayer de nous faire adopter le bill no 1. On veut
essayer d'introduire le bill C-76 par la porte d'en arrière. C'est cela
qu'on essaie avec le bill 1. Mais l'Assemblée législative, au
moins l'Opposition, va dire un "non" bien formel au parrain de ce bill, va dire
un "non" bien formel au bill no 1 et nous allons voter contre le bill no 1 de
la province pour sauvegarder le problème no 1 de la province qui reste
encore celui de l'autonomie provinciale.
M. René Hamel
M. Hamel (Saint-Maurice): M. le Président, ce n'est pas mon
intention de prolonger longtemps le débat sur le bill no 1, mais
l'Opposition a dit qu'avant d'enterrer l'autonomie, il fallait chanter le
Libera, j'étais rendu au "Dies Irae": "Tuba mirum spargens sonum: les
flûtes retentissantes faisaient entendre leur son."
M. Johnson: M. le Président, j'invoque le règlement, quel
est l'article de la constitution du règlement qui permet qu'on
parle latin dans cette Chambre? À moins que ce ne
soit de l'anglais!
M. Hamel (Saint-Maurice): En fait, de quoi s'agit-il, M. le
Président? On dramatise, de l'autre côté, on dramatise,
c'est effrayant. Je veux d'abord répondre au député de
Trois-Rivières sur quelques points qu'ii a soulevés.
Jamais le parti libéral provincial et le gouvernement provincial
n'ont accepté que la première responsabilité dans le
domaine du chômage relevait des provinces, jamais. Nous avons dit que la
première responsabilité dans le domaine du chômage
appartient au gouvernement fédéral, pour deux raisons. La
première raison, c'est que le gouvernement fédérai
perçoit les primes d'assurance-chômage; la deuxième raison,
on sait que, dans le domaine de l'emploi, dans le domaine du
développement économique, la manipulation de la monnaie et du
crédit constitue un moyen puissant et la manipulation de la monnaie et
du crédit, ce n'est pas le gouvernement provincial qui l'a, c'est le
gouvernement fédéral.
Cela a été notre thèse. C'est la thèse que
j'ai soutenue dans cette Chambre depuis 1952, c'est la thèse qu'a
soutenue le parti libéral provincial en 1960, c'est la thèse que
le parti libéral a soutenue en 1962, c'est encore la thèse que
nous soutenons.
Malgré ça, malgré que nous ayons soutenu que la
première responsabilité relevait du gouvernement
fédéral pour les raisons que je viens de mentionner, nous avons
dit que le gouvernement provincial a une responsabilité. Et qu'est-ce
que nous avons fait? Nous avons d'abord pris des mesures à court terme,
nous avons prolongé la scolarité de nos enfants afin d'encombrer
le moins possible le marché du travail. Nous avons pris d'autres
mesures. On a parlé tantôt de la péréquation.
Dès que nous avons réalisé que la
péréquation exigeait une étude particulière de la
fiscalité, nous avons formé un comité
interdépartemental pour examiner ces problèmes-là, mais
pour compenser, le gouvernement provincial a accepté de payer 40% du
coût de la main-d'oeuvre, ce que n'avait jamais fait le gouvernement qui
nous a précédé. La conséquence c'est que le nombre
des municipalités, je cite de mémoire, qui
bénéficiaient des travaux d'hiver avant notre arrivée est
passé, je pense, de 71 à quelque 900 municipalités dans
les dernières années.
Nous avons pris des mesures à long terme, nous avons
procédé à la nationalisation de
l'électricité. Nous avons ouvert une maison du Québec
à Paris, et à Londres, M. le Président, le gouvernement
actuel a fait tout ce qu'il était possible de faire. Mais il n'y a
personne qui va nier que la situation qu'a créée l'Union
Nationale est une des raisons, M. le Président, qui fait que, de 1947
à 1957-1958-1959, jusqu'à l'avènement de M. Sauvé
particulièrement, le gouvernement de Québec a été
privé de $1,000,000,000. De 1947 à 1954 et à la suite de
1954, est arrivée la modification de la loi de l'impôt, mais,
pendant ces années-là, le gouvernement provincial de
Québec a été privé d'environ $1,000,000,000.
Qu'on mette durant ces dix années à peu près
$1,000,000,000 de plus, M. le Président, pour travailler au
développement de la province de Québec et nous n'aurions pas
été au point où nous étions quand nous avons
commencé.
Maintenant, on nous dit que le gouvernement fédéral
s'inquiète à bon droit du chômage. S'inspirant des
économistes à la mode, il dit: Un des moyens de soulager le
chômage, c'est d'entreprendre des travaux publics. Si nous ne pouvons pas
les entreprendre seuls, nous allons permettre aux municipalités de les
entreprendre. Nous allons mettre $400,000,000 à la disposition des
municipalités.
On a organisé à un moment donné un système
et nous avons protesté contre ce système pour plusieurs raisons:
une conférence fédérale-provinciale a été
tenue. J'entendais tantôt, M. le Président, le
député de Trois-Rivières. Je crois qu'il n'y a pas un
journal dans la province de Québec qui n'ait souligné le
rôle prépondérant du premier ministre du Québec
à la conférence fédérale-provinciale aussi bien
qu'aux conférences fédérales-provinciales
antérieures et aux conférences interprovinciales.
À ma connaissance, peut-être évidemment que certains
journaux partisans, de façon aveugle, ne l'ont pas mentionné,
tous les grands journaux, presque tous les journaux, ont mentionné
qu'à la conférence fédérale-provinciale, le premier
ministre rie la province avait été la vedette de la
conférence. Quelle a été la conséquence?
Après discussion, le gouvernement fédéral décide de
modifier sa loi.
D'abord, le montant sera prévu, pas globalement, comme autrefois,
mais on tiendra compte de la population; la part dont la population de
Québec peut bénéficier est de $120,000,000.
Une autre réforme: c'est la province de Québec, si elle le
veut, qui sera l'intermédiaire, les municipalités ne seront pas
en contact direct avec le gouvernement fédéral.
Et quels sont les gens au; nous reprochent cela aujourd'hui, M. le
Président? Ce sont les gens qui, en 1958, votaient la loi suivante:
"Nonobstant toute disposition législative inconciliable avec la
orésente, toute corporation municipale qui désire faire
exécuter dans la municipalité" - qu'on remarque bien - "toute
corporation municipale qui désire faire exécuter dans la
municipalité sur laquelle s'exerce sa
juridiction des travaux pour remédier au chômage et pour
lesquels le gouvernement du Canada consent à subventionner cette
corporation, cette corporation peut, à ces fins, par résolution
de son conseil, pas par règlement - par résolution de son
conseil, accepter quoi? - "accepter une subvention du gouvernement
fédéral pour l'exécution de ses travaux et conclure toute
entente qui s'y rapporte."
Ce sont ces gens-là, M. le Président, qui, aujourd'hui,
viennent prétendre qu'ils chantent le libera de l'autonomie,
branchement, M. le Président, si j'avais fait voter cette
loi-là...
M. Dozois: Vous avez voté pour.
M. Hamel (Saint-Maurice): Oui, j'ai voté pour, certainement,
comme je vote pour celle d'aujourd'hui. C'est ça, la différence.
Parce qu'en 1958, là, l'autonomie n'était pas tellement
respectée. Mais il arrive...
M. Bertrand (Missisquoi): Si le ministre me le permet, est-ce qu'il n'a
pas entendu les propos du premier ministre qui disait que cette loi-là
était moins grave, parce qu'elle n'institutionnalisait pas, justement,
l'ingérence fédérale?
M. Lesage: On tronque ce que j'ai dit. On tronque absolument ce que j'ai
dit. Le bill C-76 original institutionnalisait les relations directes entre
Ottawa et les municipalités et j'étais contre cela et c'est ce
que j'ai représenté à Ottawa. C'est ce que j'ai fait
changer: les relations, en vertu de la loi qui est présentée,
sont entre le fédéral et les provinces qui le veulent et entre
les provinces et les municipalités. La distinction saute aux yeux.
M. Bertrand (Missisquoi): Est-ce que le premier ministre n'admet pas que
l'institution fédérale demeure comme une intrusion dans le
domaine municipal de la province?
M. Lesage: Non. Pas du tout, M. le Président.
M. Bertrand (Missisquoi): Je m'excuse, on coupe la parole tous les deux
au Procureur général.
M. Lesage: Bien oui, je le sais bien...
M. Hamel (Saint-Maurice): Le député de Missisquoi
s'apercevait que ça chauffait!
M. Bertrand (Missisquoi): Pas du tout, au contraire. Je suis prêt,
M. le Président, avec la permission du Procureur général,
à reprendre la parole.
M. Hamel (Saint-Maurice): Ayant peur d'être confondu, M. le
Président, il dit: "Cessons"... Vous discuterez vos problèmes en
comité.
Alors, à mon sens, M. le Président, la loi de 1958,
précisément parce que la loi permettait - et c'est la loi qui le
dit - aux municipalités, par simple résolution; c'est la formule
la plus élémentaire, c'est la formule la plus sommaire de toutes
les procédures municipales. Par simple résolution, ils pouvaient
accepter des subventions fédérales.
M. Dozois: Me permettriez-vous une remarque?
M. Hamel: Bien, je ne voudrais pas qu'il fasse un autre discours, M. le
Président.
M. Dozois: Non, non juste une remarque. Je ferais remarquer au Procureur
général que la loi prévoyait cependant que ces
résolutions devaient recevoir l'approbation du ministre des Affaires
municipales et de la Commission municipale. Ce n'était pas automatique;
ça ne s'en allait pas à Ottawa automatiquement. Ce n'est pas
aussi mal que le Procureur général veut le laisser croire.
M. Hamel (Saint-Maurice): Il y avait le besoin d'approbation dans bien
des cas. Il y avait un grand nombre de formalités à remplir, il
fallait l'autorisation du ministre des Affaires municipales et de la Commission
municipale. On n'imposait pas plus de restrictions quand il s'agissait pour la
municipalité de discuter avec le gouvernement fédéral.
M. Dozois: Il restait quand même le privilège de
refuser.
M. Hamel (Saint-Maurice): M. le Président, une
municipalité qui veut emprunter, une municiciplité qui veut, dans
ces choses presque ordinaires, est obligée d'avoir l'autorisation du
ministre des Affaires municipales. On n'imposait pas plus alors de restriction.
Cela veut dire que, dans la loi de 1958, on n'imposait pas plus de restrictions
aux municipalités pour discuter avec le gouvernement
fédéral qu'on ne lui en imposait pour ses propres affaires
courantes, presque courantes.
M. Johnson: Est-ce que c'était bon?
M. Hamel (Saint-Maurice): Si c'était bon? C'était
dangereux.
M. Johnson: Celle-là, ce n'est pas dangereux?
M. Hamel (Saint-Maurice): Celle-là est moins dangereuse. Cela
constitue en fait un pas en avant important pour récupérer
l'autonomie à cause des dangers et du résultat de cette
loi-là.
M. Johnson: Pour encourager M. Pearson à continuer.
M. Lesage: Non, non, non.
M. Hamel (Saint-Maurice): Quand vous avez voté en 1958 la loi
pour bénéficier des travaux d'hiver...
M. Lesage: C'est ça.
M. Hamel (Saint-Maurice): Quand vous avez voté en 1958 la loi
pour bénéficier des travaux d'hiver, est-ce que c'était a
ce moment-là pour encourager le gouvernement fédéral?
M. Bertrand (Missisquoi): C'est lui qui a la réplique.
M. Hamel (Saint-Maurice): Alors, M. le Président, je voulais
souligner particulièrement ce point-là, c'est que la loi actuelle
est une amélioration considérable sur la loi de 1958 votée
par eux et pour laquelle...
M. Johnson: Prouvez-nous ça.
M. Hamel (Saint-Maurice): ... j'ai voté moi-même. Pourquoi?
Il ne faut pas, M. le Président, se faire d'illusion. Depuis le
commencement du monde et dans tous les pays du monde, quand vous avez plusieurs
pouvoirs dans un pays, chacun essaie d'accaparer la juridiction de l'autre, il
s'y efforce, M. le Président. Leur prétexte, c'est le fait que
les populations, de façon générale, sont de plus en plus
exigeantes, et s'en vont frapper à la première porte. A la
première porte, on considère qu'on n'a pas les moyens. On va
frapper à une autre porte. Nous avons vu ce que, par exemple, la
fédération des maires a fait vis-à-vis du gouvernement
fédéral.
Le choix du gouvernement actuel était celui-ci: refuser, tout
simplement, ou bien travailler à en venir à une rédaction
qui, sans être parfaite, est tout de même ou plus acceptable ou
moins acceptable. C'est ce que le premier ministre a fait. C'est ce que le
premier ministre a réussi à accomplir. "Vous allez passer par la
province, vous allez attribuer à Québec, a-t-il dit, le montant
proportionnel à sa population. C'est la province de Québec qui va
voir à l'administration de cette loi-là."
Il y avait le choix entre refuser ou essayer de faire améliorer
la situation. Il a réussi et il avait raison hier soir de dire, à
la suite de la présentation de ce bill, à la suite...
M. Johnson: Mission ratée. M. Gabias: Mission accomplie. M.
Johnson: Ratée.
M. Hamel (Saint-Maurice): M. le Président, je ne me souviens plus
lequel des orateurs de l'autre côté disait que le gouvernement
fédéral nous volait, nous avait volés.
M. Johnson: C'est Nicol, le sénateur libéral.
M. Bertrand (Missisquoi): C'est le sénateur Nicol qui a
déjà dit ça...
M. Hamel (Saint-Maurice): Je me souviens, M. le Président, que,
pendant plusieurs années...
M. Johnson: Et le Bloc populaire disait ça lui aussi.
M. Hamel (Saint-Maurice): Non, je n'étais pas du Bloc populaire
à ce moment-là...
M. Johnson: M. le Président, le Bloc populaire disait
ça.
M. Hamel (Saint-Maurice): J'étais député et je
siégeais dans cette Chambre.
M. Johnson: Le Crédit social disait ça aussi.
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Hamel (Saint-Maurice): M. le Président, j'ai entendu combien
de fois dans cette Chambre "le gouvernement fédéral nous vole".
J'ai dit: "Si le gouvernement fédéral nous vole, qu'est-ce que le
Procureur général attend pour envoyer la police provinciale pour
nous protéger contre ces voleurs?"
Des voix: Ah! Ah!
M. Bertrand (Missisquoi): Elle est bonne!
M. Hamel (Saint-Maurice): C'était l'expression dont se servaient
ces messieurs de l'autre côté...
M. Johnson: Le sénateur Nicol.
M. Hamel (Saint-Maurice): Et qu'est-ce qui est arrivé, M. le
Président? Il est arrivé...
M. Bertrand (Missisquoi): On va déposer une plainte.
M. Hamel (Saint-Maurice): ... qu'ils ont
été battus et, après avoir été
battus, ils ne croyaient pas...
Une voix: Deux fois.
M. Hamel (Saint-Maurice): Ils disaient: "Donnez-nous des
élections provinciales." Le gouvernement a dit: "On va les
contenter."
M. Johnson: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. le Président, vous avez été très
libéral dans le sens large et vous avez permis un débat
général, mais est-ce qu'on doit parler des élections, des
dernières élections, des faux certificats montés par les
libéraux? Est-ce qu'on a le droit de parler de toutes ces
choses-là?
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
Le chef de l'Opposition, en soulevant son point de règlement, a
commencé par dire que le débat a été assez large
jusqu'à ce jour. J'avais pensé, à quelques reprises, de
demander aux députés d'essayer de restreindre un petit peu le
débat et je ne crois pas qu'à ce stade-ci, quand le Procureur
général fait simplement allusion à quelque chose, je vais
intervenir immédiatement. Je crois que ce n'est pas nécessaire de
lui demander de ne pas continuer à traiter d'un sujet qui n'a pas tout
à fait affaire avec le débat en cours.
M. Hamel (Saint-Maurice): Je résume, M. le Président, et
je souligne tout simplement un fait parce que le député de
Trois-Rivières l'a mentionné tantôt. Le
député de Trois-Rivières a souligné et combien de
fois dans cette Chambre, de 1952 à 1960... on s'est fait casser les
oreilles par le gouvernement du temps qui vouait à toutes les
gémonies le premier ministre de 1939 à 1944, M. Godbout. Mais, ce
qu'on oubliait - je n'ai pas l'intention de revenir là-dessus
longuement, je veux tout simplement le mentionner pour répondre au
député de Trois-Rivières, je ne sais pas s'il le sait - on
a vilipendé M. Godbout, parce que M. Godbout avait fait une entente
à l'occasion de la guerre. Mais ce qu'on n'a jamais dit...
M. Talbot: Ce n'est pas exact.
Ce n'est pas à l'occasion de la guerre.
Une voix: Bien, voyons donc!
M. Talbot: C'était pour mettre en application les conclusions de
l'enquête Rowell-Sirois.
Une voix: On va vous ajouter un ministre là.
Une voix: ... les gros canons qui s'en viennent là.
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Hamel (Saint-Maurice): L'entente que reproche à M. Godbout le
député de Trois-Rivières constitue le chapitre 27 des
statuts de 1942, page 241. Il y avait un article dans l'entente qui disait
ceci: "La province peut mettre fin à la présente convention le 31
mars de toute année - de toute année -...
M. Johnson: Elle y a mis fin.
M. Hamel (Saint-Maurice): ... en donnant avis par écrit au
minitre de son intention de ce faire trente jours avant ladite date.
Cela ne demandait pas une session spéciale, ça ne
demandait pas une loi particulière, ça ne demandait pas une
réunion des Chambres. La seule condition, c'est qu'on donnait avis par
écrit au ministre de son intention de ce faire trente jours avant ladite
date.
Or, l'Union Nationale a pris le pouvoir en 1944 et elle ne l'a jamais
dénoncée.
M. Johnson: M. le Président, le ministre ne veut certainement pas
induire la province en erreur. Ces accords expiraient en 1945 et M. Duplessis
n'a jamais signé, jamais, jamais, il ne les a jamais renouvelés.
M. le Président, le ministre sait ça, il était
député du Bloc populaire à Ottawa dans le temps. Il
approuvait M. Duplessis dans le temps, dans ces discours.
M. Hamel (Saint-Maurice): M. le Président, quand le chef de
l'Opposition dit ça se terminait en 1945, ce n'est pas vrai.
M. Lesage: En 1947.
M. Hamel (Saint-Maurice): Cela s'est terminé en 1947 et M.
Duplessis était au pouvoir en 1944, 1945, 1946, 1947. Il pouvait, avec
un mois d'avis, y mettre fin, par une simple lettre écrite au
gouvernement fédéral. Qu'est-ce que la loi disait? Nous pouvons y
mettre fin. Il n'a pas fait ça. Ils ont protesté verbalement,
certainement. Tuba mirum spargens sonum", M. le Président. Les
flûtes ont retenti de leur voix, de leur son strident à ce
temps-là. Mais, pendant ce temps-là, la province a perdu
$1,000,000,000, et c'est une des raisons pour lesquelles aujourd'hui...
M. Johnson: Qui est-ce qui l'a pris ce $1,000,000,000?
M. Hamel (Saint-Maurice): ... nous avons plus de chômage
qu'ailleurs; c'est une des raisons, M. le Président.
M. Johnson: Oui est-ce qui l'a eu le montant de $1,000,000,000?
M. Hamel (Saint-Maurice): Pardon?
M. Johnson: Qui est-ce qui l'a eu le montant de $1,000,000,000? Le
gouvernement fédéral d'Ottawa?
M. Hamel (Saint-Maurice): D'autres que nous autres, et c'est un mal.
M. Bertrand (Missisquoi): Qu'est-ce que vous disiez dans ce
temps-là?
M. Hamel (Saint-Maurice): Qu'est-ce que je disais? Je n'ai jamais rougi
de ce que j'ai dit. J'ai dit en 1945, M. le Président, remarquez bien,
j'ai dit en 1945-1946...
M. Gabias: Vous l'encensez.
M. Hamel (Saint-Maurice): J'encense qui?
M. Gabias: M. Lesage. Autrefois vous le condamniez, aujourd'hui, vous
l'encensez.
M. Hamel (Saint-Maurice): Non, M. le Président, non. Je ne sais
pas à quoi veut faire allusion le député de
Trois-Rivières, je ne le sais pas, mais si c'est à la même
chose que le député de Champlain a l'habitude de faire allusion,
quant à ce que j'aurais dit: "Ne votez pas pour M. Lesage", si c'est
ça, je vais lui répondre ce que j'ai répondu au
député de Champlain, je n'ai jamais dit ça. J'ai dit:
"Votez pour l'homme qui est capable de libérer la province du
régime le plus néfaste qu'elle a eu depuis la
Confédération."
Le meilleur, M. le Président, c'est que les
délégués m'ont compris et ils ont voté pour
celui... Alors, je dis ceci: ...
M. Lafontaine: Qu'est-ce que vous disiez à propos des
"créchards" d'Ottawa?
M. Hamel (Saint-Maurice): Les "créchards", je suis prêt
à en parler en temps et lieu avec le député de
Labelle.
M. Lafontaine: En n'importe quel temps.
M. Hamel (Saint-Maurice): Pas sur le bill des municipalités, M.
le Président, mais dans d'autres circonstances, je n'ai pas peur de
ça.
M. Lafontaine: Pas peur non plus.
M. Johnson: Moins peureux que le ministre de la Jeunesse.
M. Hamel (Saint-Maurice): Ce que je trouvp illogique, M. le
Président, je le regrette, étant donné l'attitude
antérieure de l'Union Nationale en 1958 et en 1959, alors qu'à ce
moment-là nous n'avions pas le minimum de garantie, le minimum de
protection si on veut, que nous avons aujourd'hui, c'est qu'on a voté
à deux mains pour des ententes avec le gouvernement
fédéral, conclues non pas par le gouvernement provincial, mais
par les municipalités elles-mêmes.
À ce moment-là, on a voté pour ça à
deux mains. Puis aujourd'hui on prend des précautions, on dit: "Vous ne
discuterez pas avec les municipalités, vous discuterez avec le
gouvernement provincial." On dit: "Nous ne voulons pas que le montant
attribué soit discrétionnaire, nous voulons que le montant
attribué à la province soit fixé." Et il a
été fixé et, aujourd'hui, on dit que le gouvernement
actuel est le fossoyeur de l'autonomie.
Une voix: Le bourreau!
M. Hamel (Saint-Maurice): M. le Président, si on voulait
comprendre d'abord qu'il ne sert à rien de se livrer à de la
partisanerie politique avec nos relations avec le fédéral, tous,
M. le Président, nous voulons l'autonomie provinciale, tous, nous y
tenons. Mais supposons que nous refusions, supposons que cette loi-là ne
soit pas votée, le gouvernement fédéral dépense
$400,000,000.
M. Johnson: On pourrait voter d'autres lois.
M. Hamel (Saint-Maurice): Le gouvernement dépense
$400,000,000.
M. Johnson: Il y a d'autres manières de régler
ça.
M. Hamel (Saint-Maurice): Ah oui, d'autres manières? De quelle
façon?
M. Johnson: C'est une question?
M. Hamel (Saint-Maurice): Non, ce n'est pas une question. Le
député de Bagot l'expliquera à sa manière, quand il
viendra en comité, si le règlement le permet, M. le
Président, si le règlement le permet.
M. Johnson: Est-ce qu'Ottawa va se mettre à en parler?
M. le Président: À l'ordre!
M. Hamel (Saint-Maurice): Je crois, M. le Président, que la loi
actuelle est une amélioration considérable et c'est avec plaisir,
en fait que, je vais voter pour, parce qu'elle est destinée à
mettre à nos
municipalités un montant d'argent d'environ $120,000,000 qui est
nécessaire, car les économistes aujourd'hui prétendent que
le moyen de résoudre le chômage et de créer de l'emploi
quand l'industrie privée ne suffit pas, c'est par l'entreprise de
travaux publics. Cela, c'est la théorie des économistes
d'aujourd'hui.
M. Johnson: M. Lamontagne!
M. Hamel (Saint-Maurice): Ce n'est pas M. Lamontagne, c'est M.
Keynes.
M. Johnson: M. Lamontagne, néo-fédéraliste. M.
Lamontagne;
M. Lesage: C'est la théorie de Keynes qui a
évolué.
M. Johnson: C'est dans le livre de M. Lamontagne. Il faut que ça
vienne d'Ottawa.
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Hamel (Saint-Maurice): M. le Président, nous allons voter
cette loi, je crois que ce sera un grand bienfait pour nos
municipalités.
M. Maurice Bellemare
M. Bellemare: M. le Président, ce pourquoi on nous réunit
en session extraordinaire, c'est uniquement pour faire ratifier aujourd'hui par
la Législature un compromis, et quel compromis, entre les
autorités fédérales, d'une part, et les
délégués de la province de Québec, d'autre
part.
Donc, M. le Président, question fondamentale, puisque le
gouvernement a pensé à réunir les députés en
session extraordinaire pour leur démontrer et leur expliquer l'attitude
prise à Ottawa.
Question d'autonomie, oui, M. le Président, parce qu'il est
essentiellement à la base de la discussion qui prévaut dans cette
Chambre depuis hier que c'est à la base même de nos institutions
constitutionnelles que les municipalités dépendent des provinces
et sont les filles des provinces.
M. le Président, vous avez entendu dans cette Chambre plusieurs
discours, mais un en particulier qui vient de se terminer, celui du Procureur
général. M. le Président, vous qui le connaissez depuis
plusieurs années, vous qui connaissez ses pirouettes politiques, ses
déclarations à l'emporte-pièce et surtout, M. le
Président, ses déclarations sensationnelles au sujet de
l'autonomie provinciale, vous venez d'entendre le Procureur
général, M. le Président, dire dans cette Chambre combien
il est attaché à l'acte constitutionnel et à l'autonomie
provinciale, d'une part mais combien il est prêt, lui, à condamner
l'attitude des membres de l'Opposition en 1958.
Mais ce même Procureur général, il a
été élu dans le comté de
Saint-Maurice-Laflèche comme autonomiste.
M. Hamel (Saint-Maurice): Je soulève un point d'ordre. Le
député de Champlain a dit tantôt que j'avais dit combien
j'étais attaché à l'acte constitutionnel et à
l'autonomie provinciale. Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que
j'étais attaché à l'autonomie provinciale. Je n'ai pas
parlé de l'acte constitutionnel.
M. Bellemare: M. le Président, je ne me laisserai pas
détourner de mon sujet, mais je pense, M. le Président, qu'il est
bon que la province de Québec sache de quel bois cet homme se chauffe
pour venir dans cette province aujourd'hui affirmer que l'autonomie provinciale
a été sabotée.
Une voix: Ce n'est pas vrai.
M. le Président: À l'ordre!
M. Crépeau: C'est du bois franc!
M. le Président: Je voudrais simplement attirer l'attention du
député de Champlain sur le fait que c'est le bill no 1 qui est en
discussion, ce n'est pas le procès d'un député, d'un
ministre ou de quelque individu que ce soit. C'est seulement la loi no 1, le
bill no 1 qui est devant la Chambre.
M. Bellemare: M. le Président, à Ottawa, en 1947, le 21
mai, le député du Bloc populaire, le Procureur
général d'aujourd'hui disait: "On dira demain aux provinces comme
on le fait aujourd'hui: Signez tel contrat, acceptez telle condition ou je vous
coupe les vivres." Cela, c'était le Procureur général
d'aujourd'hui.
Pourquoi le même Procureur général ne se
lève-t-il pas dans la province et ne répète-t-il pas la
même thèse? Non, M. le Président, il disait par exemple et
je vous cite un autre paragraphe, M. le Président, dans son intervention
à Ottawa le 27 mai, il disait devant ces faits, devant cette intrusion
du fédéral dans le champs provincial...
M. Hamel (Saint-Maurice): Donnez donc mon texte.
M. Bellemare: M. le Président, il disait devant ces faits: "Je
n'hésite pas à dire que les propositions fédérales
actuelles sont indéfendables...
M. Hamel (Saint-Maurice): En 1947!
M. Bellemare: ...en ce qui concerne la
nrovince de Québec et que ceux qui s'en font les propagandistes -
donc M. Lesage, qui était ministre dans le temps, qui était
député, et je tiens à dire que je me place au-dessus de
toute partisanerie - porteront devant les générations futures la
plus lourde des responsabilités, cette responsabilité d'autant
plus grande que cette députation se réveille tout à fait
impuissante à corriger des injustices, qui, je l'espère, doivent
l'humilier profondément." C'était là la citation du
député du Bloc populaire à Ottawa. Il a tout à
l'heure sali la réputation de M. Duplessis, quand il disait M. le
Président, qu'en Chambre, M. Duplessis n'avait pas rappelé
l'entente des propositions fédérales, des accords fiscaux, il
disant cependant en 1947: "M. l'orateur, je ne suis pas un partisan de l'Union
Nationale, mais je ne puis pas m'empêcher d'approuver sincèrement
l'attitude du premier ministre de la province de Québec, l'honorable
Maurice Duplessis, dans son refus de sacrifier sur de telles équivoques
l'autonomie législative provinciale dans certains importants secteurs de
l'autonomie."
C'est lui qui, aujourd'hui, vient dans la province dire: "Non,
messieurs, regardez-moi. Je suis un autre homme. J'appartiens à une
autre équipe. J'ai changé de couleur. J'ai changé
d'idée. Et je ne suis plus l'autonomiste qui, dans le temps...
M. Hamel (Saint-Maurice): Je vais répéter ce que disait le
député de Missisquoi...
M. Bellemare: ...défendait l'autonomie provinciale et disait aux
autorités fédérales qui voulaient s'ingérer dans le
domaine fiscal ou dans le domaine de l'autonomie: "Halte là, messieurs,
vous ne passerez pas parce que le député de
Saint-Maurice-Laflèche est ici."
Eh bien, quelle est son attitude aujourd'hui? Attitude de trahison, M.
le Président, attitude de lâcheur...
M. Hamel (Saint-Maurice): M. le Président, je soulève un
point d'ordre.
M. le Président: À l'ordre, messieurs! À
l'ordre:
M. Hamel (Saint-Maurice): Écoutez, il y a une limite. Les
discours électoraux, ce n'est pas en Chambre qu'on les fait.
M. le Président: Je comprends que le Procureur
général voudrait s'opposer à la première
expression. Mais, moi-même, j'ai écouté...
M. Bellemare: M. le Président, je retire le mot "trahison". M. le
Président, je l'ai retiré.
Une voix: À l'ordre!
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Bellemare: Ils ont le droit de tous dire et puis de...
M. le Président: À l'ordre, messieurs! M. Bellemare: Cela,
c'est du décorum!
M. le Président: Je dois dire que la conduite du
député de Champlain n'amène pas les autres
députés à donner le meilleur exemple en Chambre. Je
demande au député de Champlain d'essayer de commencer à
discuter du bill no 1. C'est la deuxième fois que je lui demande de
discuter du bill qui est devant la Chambre.
M. Bellemare: M. le Président, c'est en 1960, le 11 janvier
1960.
Si nous sommes aujourd'hui obligés d'assister à cette
session extraordinaire, c'est parce que l'honorable Procureur
général de la province a manqué à ses obligations,
a manqué à ses promesses électorales. Et c'est lui qui,
dans la province de Québec, a fait le tour et a dit à qui voulait
l'entendre: "Le Parti libéral a inscrit à son programme une loi
qui donnera l'avantage aux municipalités de recevoir des subventions
statutaires per capita de $10 et de $15 que verserait le gouvernement
provincial." Il le savait à ce temps-là, le 11 janvier 1960, il
l'avait étudié, disait-il, et il pouvait établir un
système de péréquation, et il en fixait même le
montant, $10 et $15.
Et, M. le Président, c'est le même homme qui
présentait ici, en Chambre, à l'Assemblée
législative, le 10 mars 1960, une motion dans laquelle il demandait "que
cette Chambre soit prête à voter . les crédits
demandés et exprime l'avis que le gouvernement devrait étudier
l'opportunité de redistribuer aux corporations municipales...
C'étaient en partie des paiements de péréquation. C'est
encore lui, M. le Président, qui, par une motion, demandait la
péréquation. C'est encore lui qui a fait mettre dans le programme
du Parti libéral que, dès la prochaine session en 1960, il y
aurait un système de péréquation municipale pour aider les
municipalités en détresse.
Et c'était dans le programme des libéraux, mon
distingué collègue de Trois-Rivières l'a rappelé.
Et, M. le Président, le 5 juillet 1960, il a été
assermenté comme ministre des Affaires municipales. Donc, comme ministre
des Affaires municipales, après avoir prêché une
théorie, après avoir déposé une motion,
après avoir dit, le 15 août à Shawinigan: "Pour les
Affaires municipales, il y a, en premier lieu, un système de
péréquation à instituer," on était en droit de
s'attendre que le ministre des
Affaires municipales viendrait au secours des municipalités en
détresse.
M. le Président, au 17e congrès des conseils de
comtés vous retrouverez encore le ministre des Affaires municipales, le
12 septembre 1960, qui dit: "Nous allons, dès la prochaine session,
établir un système de péréquation permettant
à la province de remettre une partie de ses revenus aux
municipalités. Par ce système, de dire le ministre des Affaires
municipales, nous établirons un barème qui tiendra compte de la
population, des taxes payées par les compagnies ou les industries et les
propriétaires."
Il le savait, à ce moment-là, parce qu'il avait
étudié la péréquation. C'était le 12
septembre 1960. Le 16 septembre, à Jonquière, il
répète: "Nous établirons un système de
péréquation dès la prochaine session pour sauver les
municipalités du marasme." Et, M. le Président, qu'est-ce qui est
arrivé? Il est arrivé que la session en 1961 n'a rien
donné et, en 1961, au mois de mars, on a commencé à voir
la reculade du ministre puisqu'il dit, M. le Président, devant la
Chambre de commerce de Québec: "... a également fait savoir que
les autorités provinciales étudient maintenant une formule de
paiement de péréquation qui aiderait les
municipalités."
Le 1er septembre 1961, le ministre des Affaires municipales est au 40e
conqrès de l'Union des municipalités, tenu à
Pointe-au-Pic. Il déçoit tout le monde, selon un journal
où on lit: "On se souvient que, l'an dernier, peu de temps après
l'élection du Parti libéral, l'honorable Hamel avait parlé
au cours du souper du congrès de l'Union des municipalités d'un
programme de péréquation envers les municipalités;
déclaration qui lui avait valu une ovation. Il n'en a seulement pas fait
mention cette année."
M. le Président, c'est le 19 septembre 1961 qu'on dit, dans un
éditorial que j'ai ici: "M. René Hamel, ministre des Affaires
municipales, a déclaré hier au banquet du congrès de
l'Union des conseils de comté, que la péréquation peut
être... mais après une étude sérieuse..."
M. Bellemare: M. le Président, vous avez les déclarations
du ministre, vous avez la thèse qu'il a défendue à travers
la province pour venir en aide aux municipalités, mais surtout pour
gagner des élections, pour gagner des votes, M. le Président,
mais, quand est venu le temps, comme ministre et avec des responsbilités
totales et entières, comme ministre responsable vis-à-vis des
municipalités, de les aider, où est allée la
péréquation? Rien de rien, M. le Président. C'est la
raison pour laquelle aujourd'hui le gouvernement provincial est obligé
de faire des ententes, est obligé d'établir des compromis et cela
met le ministre des Affaires municipales d'aujourd'hui dans de bien "mauvais
drapa.
Si on avait, M. le Président, établi véritablement
cette péréquation qui avait été un des articles
fondamentaux du programme libéral, on n'aurait pas eu à abaisser
le drapeau de la fierté nationale, du respect entier de l'autonomie
provinciale. On n'aurait pas eu, comme dit le premier ministre, et comme dit le
député de Missisquoi, à tirer ce cheval de Troie et
à accepter un pis-aller. Mon, M. le Président, et c'est sur
ça que la province de Québec jugera demain le gouvernement
libéral qui a manqué à sa promesse et surtout qui n'est
jamais venu en aide à ses municipalités.
M. le Président, vous avez entendu le ministre de la Jeunesse.
Qu'est-ce qu'il disait, le ministre de la Jeunesse, il n'y a pas si longtemps?
Il disait lui aussi des choses intéressantes. Comme son chef, il voulait
lui aussi un gouvernement stable. Bona, l'honorable ministre et
Secrétaire de la province, disait: "Emmenez-nous en des plans
conjoints". Mais lui, le ministre de la Jeunesse, M. Gérin-Lajoie
déclarait à Vaudreuil remplacer les plans conjoints par un retour
aux provinces des pouvoirs fiscaux.
À quelle occasion disait-il ça? C'est dans le Devoir du
lundi 25 février 1963, c'est de l'histoire moderne, ce n'est pas de
l'histoire ancienne. On lisait: "Le ministre de la Jeunesse a donné
trois raisons pour lesquelles, dit-il, il appuiera sans réserve le Parti
libéral fédéral. "Premièrement: nous avons besoin
d'un gouvernement stable à Ottawa. Sans cette stabilité, disait
le ministre de la Jeunesse, les réformes que nous entreprenons dans la
province de Québec vont rester lettre morte."
Donc, les réformes faites car le gouvernement de Québec
resteront lettre morte, si c'est un autre gouvernement. Voyez-vous la
dépendance d'un parti fédéral? Voyez-vous ça? Cela
est la déclaration d'un ministre, un ministre de la couronne qui, pour
faire quelque chose dans sa province. avec un mandat de ses électeurs
et, surtout, assermenté comme ministre, attend la dépendance de
l'autorité fédérale. "Deuxièmement: il faut un
élargissement de l'assiette fiscale provinciale. Ottawa doit se retirer
immédiatement des plans conjoints." C'est ça, un gouvernement
stable, et c'était pour cela qu'il s'en mêlait des
élections. "Troisièmement: nous avons besoin d'un gouvernement
stable qui comprend et accepte l'existence des deux cultures traditionnelles
dont l'enrichissement et le développement constituent la seule base de
tout autre État de l'Amérique du Nord."
Deux raisons, trois raisons fondamentales, pour lesquelles le ministre
de la Jeunesse prend part activement à la lutte
fédérale: d'abord pour que son programme de
réformes dans la province de Québec puisse avoir une suite -
dépendance des libéraux fédéraux - et,
deuxièmement, disparition immédiate de tous les plans conjoints.
Imaginez-vous donc, M. le Président, trois mois après, à
genoux devant les autorités fédérales pour en signer un
autre!
Et, M. le Président, le ministre de la Jeunesse dit: "Les
municipalités demandent de l'aide gouvernementale." Oui, nous en sommes.
Il est vrai que les municipalités ont besoin d'être aidées,
plus que jamais, à cause du développement considérable de
ces grandes cités, et de ces belles cités demi-rurales,
demi-citadines. Elles ont besoin de répondre à des demandes plus
urgentes de la part de leurs propriétaires et de leurs résidents.
Ils ont des obligations auxquelles il faut qu'ils répondent au point de
vue d'amélioration de voirie, d'égouts, de services d'eau,
d'incendie, etc. Mais elles sont limitées et plafonnées par la
taxation des propriétaires sur l'évaluation municipale et elles
n'ont aucune autre source de revenus que celle-là. Le ministre de la
Jeunesse dit que les municipalités ont besoin d'aide gouvernementale: au
lieu de venir à leur secours et de leur donner de l'aide directe de la
province de Québec, on leur facilite des emprunts en passant par le
fédéral. Cela, c'est de l'autonomie! Cela, c'est une
reculade!
Vous pensez, M. le Président, que tout cela s'est fait sans y
penser? Non, M. le Président.
Le gouvernement sait, et la province tout entière sait aussi que
l'Opposition a rempli véritablement son rôle dans cette Chambre,
celui d'être aux aguets, celui de faire des suggestions opportunes au
gouvernement, celui de bien défendre les intérêts et de nos
électeurs et de la province et aussi de la constitution canadienne. En
vertu de ses privilèges et de ses droits, l'Opposition a
présenté, par la voix de l'honorable député de
Saint-Jacques, le 25 juin, une motion dont vous connaissez la teneur et qu'il
est bon, peut-être de relire: "La Chambre est d'avis que le projet de loi
portant le no C-76, Loi sur le développement et les prêts
municipaux, soumis à la Chambre des Communes par le ministre du Canada
constitue - c'était là, M. le Président, la lumière
rouge qui s'allumait une atteinte grave à la compétence exclusive
et à l'autonomie de la province de Québec en matière
d'institutions municipales et prie le gouvernement de la province de
Québec d'étudier la possibilité d'établir un
système provincial de crédit municipal susceptible de faciliter
les emprunts municipaux."
Cette motion, M. le Président, malgré l'opposition du
député de Saint-Maurice, malgré l'opposition de quelques
autres, a été retirée, parce que - vous savez les
circonstances - nous l'avons transformée, avec le consentement unanime
de la Chambre, dans une motion de fond, et, le 26 juin, la motion a
été votée à l'unanimité dans cette
Chambre.
Mais, M. le Président, à la suite de cette motion du 26
juin, vous avez entendu le premier ministre de la province de Québec
dire qu'il considérait le projet de loi C-76 comme une atteinte
très grave à l'autonomie provinciale. Il disait: "Ce n'est pas
seulement un prêt, c'est une subvention " et c'est à cause de cela
qu'il y a énormément de gravité. Et le premier ministre
disait pour cette Chambre: "Le gouvernement fédéral va
contraindre les municipalités à accepter et va les obliger
à se soumettre à leurs critères et à leur
inspection. Il y a là un inconvénient fondamental, disait le
premier ministre de la province le 25 juin, parce qu'on élargit par le
fait même le plan conjoint."
M. le Président, le premier ministre de la province disait que
les moyens pour que la province puisse remplir véritablement son
rôle, c'était de demander au fédéral de respecter
entièrement l'autonomie provinciale dans le domaine des
municipalités.
Mais le premier ministre de la province est parti à Ottawa
après que la Chambre eut voté unanimement la motion: Est-ce que
la Chambre a donné à M. le premier ministre de la province et
à la délégation le pouvoir de transiger un compromis?
Est-ce que le Chambre a donné au premier ministre de la province le
droit de transiger et d'apporter des modifications au bill C-76? Est-ce que la
Chambre a donné un ordre au premier ministre de la province d'aller
à Ottawa et de changer les modalités de la loi
fédérale? Non. Quelle a été la motion unanime de la
Chambre? Le mandat que la Chambre a donné au premier ministre de la
province était celui-ci: "La Chambre, tout en étant prête
à voter les subsides nécessaires à l'administration de la
province, est d'avis que le gouvernement devrait étudier la
possibilité..." Non, ce n'est pas celle-là, M. le
Président. "La Chambre est d'avis..." Ceux qui ouaouaronnent devraient
faire comme moi, ils devraient travailler un peu de temps en temps pour
défendre l'autonomie! ''La Chambre est d'avis que le projet de la loi
portant le no C-76: "Loi sur le développement et les prêts
municipaux", soumis à la Chambre des Communes par le ministre des
Finances du Canada, constitue une atteinte grave à la compétence
exclusive et à l'autonomie de la province de Québec en
matière d'institutions municipales, et prie le gouvernement de la
province d'établir la possibilité d'un système provincial
de crédit municipal, susceptible de faciliter les emprunts municipaux."
Cela, c'est le mandat, ça, c'était la motion. Mais guelle a
été la
mission? Cela a été de baisser pavillon à Ottawa,
cela a été un "knock-out", une reculade de la part du
gouvernement provincial. Il ne pouvait pas se justifier, comme je le dirai tout
à l'heure, dans le discours de l'honorable ministre des Affaires
municipales, "d'avoir un mandat de la Chambre". C'est faux. Il n'a jamais eu de
mandat de la Chambre pour aller à Ottawa baisser le pavillon, faire un
compromis, accepter un pis-aller ou fabriquer un cheval de Troie. Jamais, M. le
Président:
Le mandat de la Chambre était d'établir un crédit
municipal, d'établir un système provincial de crédit
municipal, mais dans la province de Québec, sans être les
colporteurs ou les intermédiaires des centralisateurs d'Ottawa. Cela,
c'était le voeu.
C'était difficile pour le premier ministre, lui qui a vécu
si longtemps à Ottawa, lui qui s'est un peu contaminé à
l'air centralisateur des gouvernements King et Saint-Laurent. Et surtout,
faut-il vous rappeler les déclarations qui ont été faites
après la malheureuse déclaration du "Saxonia"? Faut-il vous
rappeler, M. le Président, les éditoriaux qui ont
été écrits à ce moment? Certains disaient, par
exemple, en parlant de M. Lesage qui, à ce moment-là
député à Ottawa, s'interposait pour que le premier
ministre, M. Saint-Laurent fasse respecter les accords fiscaux et n'accorde
aucunement la détectibilité sauf de 5%... Un éditorial du
5 mai 1954 par M. Gérard Fillion, disait ceci: "M. Saint-Laurent laisse
la porte ouverte aux négociations - c'était après le
discours à Valleyfield du premier ministre, l'honorable M. Duplessis -
il invite même la province de Québec à entamer des
pourparlers avec le gouvernement fédéral pour décharger le
contribuable du fardeau du double impôt. C'est un progrès sur les
orateurs qui l'ont précédé, disait M. Fillion.
M. Abbott, était alors ministre des Finances et avait comme
adjoint à ce moment-là l'honorable M. Lesage, premier ministre de
la province aujourd'hui. "M. Abbot avait refusé carrément les
réclamations québécoises. Pour lui, les ententes fiscales
étaient à signer ou à rejeter. M. Lesage avait
été plus conciliant dans le ton et dans la forme, mais il avait
fait de savants calculs pour démontrer qu'en définitive, la seule
et unique solution acceptable par Québec était de signer les
accords fiscaux."
C'est Gérard Fillion qui juge le premier ministre de la province
d'aujourd'hui. C'était le centralisateur dans le temps, à Ottawa.
C'était celui qui se battait pour faire respecter les lois du
gouvernement fédéral quand il voulait imposer une distribution
des pouvoirs fiscaux et que M. Duplessis lui, avec son équipe, allait
à Ottawa pour revendiquer le respect intégral de la constitution
qui, dans le temps, était contre le premier ministre de la province? Le
premier ministre d'aujourd'hui, un des centralisateurs le plus acharnés
que jamais l'histoire du Canada aura connu dans la province de Québec.
Et, M. le Président, il était bien préparé, il
connaissait bien la mentalité des gens d'Ottawa.
M. le Président, vous retrouverez dans le Devoir du 5 mai
1954...
Une voix: Très intéressant.
M. Bellemare: J'ai des petites nouvelles pour vous et puis pour le
ministre tout à l'heure. Vous allez arrêter d'en parler du
25e.
M. le Président, le Devoir du 5 mai disait: "Comment le
Québec pourra-t-il alors exercer le droit parrallèle et
concurrent qu'on lui reconnaît sans demander à Ottawa de lui faire
un peu de place? Pour légitimer le refus d'accorder la déduction
du 15%, M. Lesage, alors ministre, prétexte que l'Ontario pourra
demander autant, ce qui, d'après lui, déclencherait une
ruée des provinces sur le trésor fédéral."
C'était ça l'argument du premier ministre, dans le temps,
argument d'un centralisateur qui nie voulait pas reconnaître les
véritables données de l'autonomie provinciale du Québec
et, surtout, les revendications de M. Duplessis dans le temps et de son
équipe autonomiste. C'était lui qui, à Ottawa, M. le
Président, au lieu d'aider sa province, essayait d'en faire une province
comme toutes les autres provinces.
Mais, M. le Président, il était bien
préparé, le premier ministre actuel, pour aller à Ottawa,
régler la question de l'autonomie provinciale. Si on lit, M. le
Président, la déclaration de "Maîtres chez nous",
publiée avec cette fameuse "clé du royaume", à la
dernière élection provinciale de 1962...
M. le Président: Il y a eu des articles de journaux, il y a eu
des éditoriaux qui ont été lus devant la Chambre. Mais je
dois attirer l'attention du député et de tous les membres de la
Chambre sur l'article 285, quatrième paragraphe, qui dit que c'est
défendu "de lire un écrit, un imprimé ou quelque extrait
d'écrit ou d'imprimé qui ne se rapporte pas directement au sujet
du débat en cours". Maintenant, comme je l'ai dit, on a laissé
une certaine latitude, mais je ne crois pas qu'on puisse dire que les extraits
que le député de Champlain lit actuellement se rapportent
directement au sujet du bill no 1.
M. Bellemare: Alors, M. le Président, je vais dire comme un de
mes collègues:
"Maîtres chez nous, mais la clé à Ottawa."
M. le Président, vous parlez de ceux qui ont cité des
textes, de ceux qui ont lu des textes, des coupures de journaux. Vous dites que
l'article peut s'appliquer...
M. le Président: Je n'engage pas un débat avec le
député de Champlain. J'attire son attention.
M. Bellemare: Non, non, je me pose des questions.
M. le Président: J'attire l'attention du député de
Champlain sur le règlement de la Chambre. Je demande en même temps
au député de Champlain, quand je me lève pour prendre une
décision, de prendre sa place et de cesser de parler.
M. Bellemare: M. le Président, chez ceux qui ont cité des
extraits de discours, ceux qui ont cité des extraits de lois, ceux qui
ont cité des coupures de journaux, eh bien, M. le Président,
aujourd'hui et hier, le ministre des Affaires municipales aura sûrement
le record. Il est devenu le champion des coupeurs, celui qui produit le plus de
coupures de journaux. J'ai pris la peine de relire son texte et j'ai
trouvé, dans ce texte d'une heure et quinze minutes, 59 citations,
textes de loi, lettres ou coupures de journaux. Sur 4,071 mots...
M. Laporte: Avez-vous également compté les mots qu'il y
avait dans mon discours?
M. Bellemare: Sur 4,071 mots, 3,140 sont pour des citations de textes de
loi...
M. Laporte: M. le Président, j'invoque le règlement sur
deux points. Lorsque le député de Trois-Rivières
suggère aux députés de travailler, je vois ce qu'il fait,
maintenant.
M. Bellemare: De Trois-Rivières?
M. Laporte: Au député de Champlain. Excusez-moi, je ne
voulais pas l'insulter. Quand il suggère de travailler, je vois ce qu'il
fait. Deuxièmement, j'ai respecté strictement le règlement
parce que toutes et chacune des citations, dont la plus longue avait une
phrase, se rapportaient strictement au sujet que nous discutions.
M. Johnson: 3,410 mots de citations.
M. Bellemare: M. le Président, le ministre dit que chaque
citation ne comprenait qu'une phrase. Page 21, il y en a 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7,
8, 9, 10, il y a 10 phrases dans ce texte.
M. Laporte: Où est-ce?
M. Bellemare: Cela veut dire que le ministre des Affaires municipales,
qui a parlé pendant une heure et treize minutes, a fait 59
citations.
Une voix: Combien de secondes?
M. Bellemare: Peut-être 12 ou 13, je n'en suis pas sûr.
M. Laporte: Soyez précis!
M. Bellemare: Des 4,071 mots de ce texte, il y a 3,140 citations de
textes de loi et de coupures de journaux. Cela veut dire, M. le
Président, qu'il lui reste à lui, de son cru, 931 mots et, dans
ces 931 mots du ministre, nous retrouvons, à la page 27, ce qu'il nous
dit. Il nous dit ceci, et c'est en or, M. le Président: "Je suis
prêt à défendre la théorie suivante." Cela, c'est
dans les 931 mots.
M. Laporte: Si le député veut citer, cela c'est le plus
important, mais les deux paragraphes.
M. Bellemare: "Chaque fois que le gouvernement fédéral
voudra pénétrer dans un domaine de juridiction provinciale" donc
juridiction qui nous est accordée par la constitution à nous, de
la province de Québec - et chaque fois qu'une majorité des
provinces sera favorable à cette violation..." M. le Président,
"à cette violation..."
M. Laporte: Pas besoin de répéter, c'est dans le
texte.
M. Bellemare: Il l'admet, M. le Président - "de la constitution,
ce sera le devoir - imaginez-vous - des administrateurs de l'État du
Québec de tirer le meilleur parti possible de la situation."
Pourquoi? Pour protéger l'autonomie provinciale? Non, non: "pour
éviter le pire. Et qu'est-ce que c'est, le pire? "Pour éviter que
les citoyens québécois ne soient taxés au profit du reste
du Canada. "
L'autonomie de l'honorable ministre des Affaires municipales
était une autonomie de piastres et de cents. C'est ça, M. le
Président, une autonomie de piastres et de cents.
M. Laporte: Lorsque le député de Champlain a mon texte en
main, il pourrait au moins le lire tel quel.
M. Bellemare: Ah, je l'ai lui
M. Laporte: Un instant! Je vais soulever un point d'ordre et vous
répondrez après. Le député de Champlain, en
lisant
mon texte qu'il a devant lui, a dit que ce sera le devoir de la province
de Québec.
M. Johnson: Non.
M. Bellemare: Non, j'ai dit: des administrateurs de l'État du
Québec.
M. Laporte: Un instant, j'ai le texte devant moi.
M. Bellemare: Moi aussi.
M. Laporte: "Ce sera le devoir des administrateurs de tirer le meilleur
parti possible de la situation pour éviter le pire "qui serait, dit-il,
le pire, que les citoyens soient privés... "Je passe à mon texte.
Ce n'est pas cela, mon texte. Pour éviter d'abord le pire - le
négativisme de l'Union Nationale pendant 16 ans - et,
deuxièmement...
M. Bellemare: Non, non, M. le Président, j'invoque le
règlement.
M. Laporte: Non, non.
M. Bellemare: Le ministre aura le droit de me répondre. Il y a
une réplique. Mais il n'a pas de droit, M. le Président, durant
mon discours, de faire des interventions de points d'ordre. Il y a une
réplique.
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Bellemare: C'est le crapaud qui a parlé? Il n'a pas
été nommé procureur encore? On va le nommer Procureur
général!
M. le Président: Je comprends que le ministre des Affaires
municipales voudrait soulever un point d'ordre, parce qu'il prétend que
le député de Champlain n'a pas cité exactement son texte.
D'après moi, je ne suis pas convaincu qu'il ait le droit de le faire
à ce moment-ci, mais, d'après la coutume qui a été
établie depuis deux jours, il me semble que c'est le consentement des
deux côtés de la Chambre de tout faire. Je pourrais
peut-être suggérer au député de Champlain, s'il veut
citer quelque chose, qu'il le dise et qu'il fasse ses commentaires
après. S'il y a un député qui parle sur un point d'ordre,
ce n'est pas en soulevant un autre point d'ordre qu'on peut l'interrompre.
M. Bellemare: Donc, je continue. Sur les 4,071 mots du discours du
ministre, 3,140 mots de déclarations, de coupures, de lettres et 931
mots du ministre en une heure et treize minutes pour se sortir d'un mauvais
pas. Parce que le ministre est autonomiste, ne l'oubiiez pas. C'est le premier
ministre qui est centralisateur, mais lui, le ministre, est autonomiste, et il
l'a prouvé. Il l'a fait dans 27 pages d'un texte concis, bien
préparé, d'un texte où il fait preuve d'un attachement
véritable à l'autonomie. Il donne les raisons pour lesquelles il
est autonomiste. Mais la crise arrive. Le centralisateur, l'honorable premier
ministre, lui, dit: "Il faut que tu marches. "Et voici la
déclaration.
Le ministre est autonomiste, et il est obligé de ménager
la chèvre et le chou, ses principes et son devoir. Il dit: "Je pense que
je pourrais peut-être m'en sortir en disant que,(...) chaque fois que ce
sera le devoir des administrateurs de l'État de Québec de tirer
le meilleur parti possible de la situation pour éviter le pire et pour
éviter que les citoyens ne soient taxés au profit des autres au
Canada."
M. le Président, le premier ministre n'a pas le droit de
m'interrompre.
M. Lesage: Vous vous trompez. M. le Président, j'invoque le
règlement.
M. Bellemare: Quel règlement? Quel numéro? M. le
Président, quel article du règlement?
M. le Président: À l'ordre!
M. Lesage: M. le Président, je suis debout.
M. Bellemare: Oui, mais moi aussi, M. le Président. J'ai la
parole.
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Bellemare: J'ai la parole, M. le Président. Le premier
ministre n'a pas le droit de m'interrompre. Je n'ai pas manqué au
règlement, certainement pas. J'ai dit la vérité, M. le
Président.
M. le Président: Pour la deuxième fois, je demande au
député de Champlain de prendre son siège.
M. Lesage: M. le Président...
M. Bellemare: M. le Président, je continue.
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Bellemare: Dans les circonstances, M. le Président...
M. le Président: J'ai déjà rappelé à
l'ordre le député de Champlain deux fois, je n'ai pas besoin, je
crois, d'expliquer au député de Champlain ce qui va arriver si je
suis obligé de le rappeler à l'ordre une troisième fois.
Je comprends que le premier ministre a soulevé un point d'ordre et a
invoqué le règlement. J'écoute le premier ministre.
M. Lesage: M. le Président, il y a une coutume dans cette Chambre
qui consiste à soulever une question de règlement lorsqu'un
député, citant un autre député, tronque son texte
ou le transforme et c'est ce que vient de faire le député de
Champlain.
M. Bellemare: M. le Président, le premier ministre n'a pas raison
et son intervention est inopportune. Ce qui est fâchant c'est qu'il passe
son temps dans les corridors pendant que la session se tient. C'est son devoir
d'être en Chambre, lui, le premier ministre de la province, de rester en
Chambre et d'écouter les discours; ça, c'est son devoir.
M. Lesage: Le député de Champlain est absolument injuste
à mon endroit. Je soulève cette fois-ci une question de
privilège. Je pense que je suis assidu en Chambre durant les sessions,
mais il y a des questions administratives d'une importance et d'une urgence
au-dessus de la compréhension du député de Champlain et
sur lesquelles...
M. Bellemare: Voulez-vous m'insulter? Voyez-vous? C'est une insulte.
Allez-vous le laissez faire!
M. Lesage: M. le Président...
M. Bellemare: Il a le droit de m'insulter!
M. Lesage: ... je me suis levé sur une question de
privilège.
M. Bellemare: Pour m'insulter!
M. Lesage: ... en mon absence de la Chambre...
M. Bellemare: Pour insulter les autres.
M. Lesage: J'ai eu à régler cet après-midi des
questions d'une importance et d'une urgence qui dépassent le
député de Champlain.
M. Bellemare: M. le Président, le premier ministre sait qu'il y a
une session urgente, que c'est important. C'est lui qui l'a convoquée,
c'est sa responsabilité d'être en Chambre pour entendre les
raisons qu'invoque l'Opposition pour être contre et le premier ministre
se sauve dans les corridors, le premier ministre se donne des raisons, des
raisons d'administration.
Le bill no 1 et le centralisateur no 1.
M. le Président, je dis donc que la thèse dont se sert le
ministre des Affaires municipales, la théorie qu'il est prêt
à défendre, ce n'est pas une théorie autonomiste, c'est
une théorie de piastres et de cents. Et ça, c'est important quand
ça vient de la bouche d'un homme qui, dans la province de Québec,
a surtout écrit des articles en nombre considérables sur
l'autonomie provinciale, lui qui s'est permis, en maintes circonstances, de
dire et d'écrire et des articles et des lettres pour féliciter
ceux qui défendaient l'autonomie provinciale, lui qui donnait
même, dans certaines circonstances, dans des écrits que j'ai ici,
des conseils et qui disait aux gens: "Il y a deux phases à suivre pour
faire respecter l'autonomie provinciale. Il les citait, M. le Président,
le 22 septembre 1954.
M. le Président, vous ne voulez pas que je cite des articles de
journaux. Il y aurait ainsi toute une thèse pour démontrer que
l'honorable ministre des Affaires municipales est un autonomiste, a
été un autonomiste. Il a défendu l'autonomie provinciale.
Mais, aujourd'hui, à cause du centralisateur no 1 de la province de
Québec, le premier ministre de la province, il a été
obligé d'abdiquer, il a été obligé de baisser
pavillon. Et c'est ça, la belle province de Québec!
Quand je vois le premier ministre dire, la main sur le coeur: "J'assure
la province de Québec que notre autonomie provinciale va être
respectée... "Ah! Les serments. Il est comme quelqu'un que j'ai connu et
qui en faisait par oubli ou par distraction. L'honorable ministre, dans son
texte, lui, par exemple, a tronqué le texte de M. Léger. Il ne
l'a cité qu'en partie et il sait, qu'il ne l'a cité qu'en
partie.
M. Laporte: Je pense bien, j'ai cité 20 mots.
M. Bellemare: M. le Président, il a cité de M. Jean-Marc
Léqer: "Peut-être, en l'absence d'une solution immédiate de
rechange, ne pouvait-on pas faire davantage." Mais ce n'est pas ça.
C'est laisser dans la province une opinion bien différente sur la
déclaration qu'a faite M. Léger concernant la conférence
fédérale. Qu'est-ce qu'il disait, M. Léger? Il apporte ici
la phrase qui fait son affaire.
Mais, M. le Président, s'il avait apporté celle-ci, par
exemple, dans le même article du ministre, s'il avait apporté
cette phrase où M. Léger dit ceci: "Sans doute le pire a
été évité, c'est-à-dire l'intervention
directe du gouvernement central dans l'usage que feront les
municipalités des ressources tirées de lui et à cet
égard, M. Lesage a eu un résultat non négligeable, mais
l'atteinte à l'autonomie provinciale, même adoucie, subsiste."
C'était là une condamnation de M. Léger; et il
disait, M. le Président... "Ainsi, il n'y aura pas de relations directes
entre le gouvernement central et les municipalités. Pas d'intervention
d'Ottawa sur le terrain".
Mais, disait M. Léger, "Ottawa subventionne quand même les
municipalités du Québec. Deuxièmement, l'État
provincial devra se conformer aux objectifs recherchés par Ottawa dans
cette entreprise. "Et, troisièmement, l'État provincial devra
faire rapport au gouvernement central sur l'affectation des crédits.
"Cela, c'est de l'autonomie...à la...
Une voix: A là?
M. Bellemare: Bien j'allais dire...c'est de l'autonomie du genre du
député de Québec-Ouest. La centralisation
emmitouflée dans de l'autonomie bordée. Ah ça, par
exemple, le premier ministre est habile dans ça! Là, il patine,
M. le Président, surtout avec ses anciens amis d'Ottawa, centralisateurs
comme ils sont restés! Il va les voir, il va faire une petite promenade.
Il dit en sortant: "Je suis satisfait. Je suis satisfait d'avoir laissé
le pavillon, nous du Québec. Fier de notre passé, je suis
satisfait de leur avoir immolé sur l'autel des centralisateurs, je suis
satisfait d'avoir baissé pavillon devant mes anciens maîtres." Et
c'est M. Jean Paré, un ami du premier ministre, qui écrit dans un
éditorial: "M. Lester Pearson a bien eu M. Lesage...
M. Lesage: Qui est M. Jean Paré?
M. Bellemare: Je ne la connais pas.
M. Lesage: Bien, moi non plus. Ce n'est pas un de mes amis.
M. Bellemare: Non, mais, M. le Président, il écrit dans un
journal qui vous est bien sympathique.
M. Lesage: Je ne sais pas.
M. Bellemare: Non, le collaborateur de M. Yves Michaud. Cela doit vous
dire quelque chose. Il dit ceci: "Cette fois le caoutchouc a rebondi. Lester
Pearson a bien eu M. Lesage."
M. le Président, quand on voulait faire respecter nos droits et
notre autonomie, on disait "non" dans la province de Québec, disait le
premier ministre hier soir. On vivait, par exemple, selon nos moyens et on ne
se créait pas sûrement dans la province un tollé
général comme celui qui existe actuellement. On vivait selon nos
moyens et, dans des programmes électoraux comme il en a
été cité aujourd'hui, on ne faisait pas des promesses sans
bon sens.
M. le Président, aujourd'hui, on accepte tous les plans
conjoints, mais on les dénonce, et on sait pourquoi, parce qu'on a
besoin d'argent. C'est la nouvelle politique du gouvernement: Emprunter pour
s'enrichir. Il en faut, de l'argent; Emmenez-en, des millions. Nous autres, on
n'est pas troo scrupuleux sur l'autonomie. On va l'assaisonner un peu avec des
petits mots bien touchants de la part du ministre de la Jeunesse et du premier
ministre. Nous avons été à Ottawa, et, M. le
Président, mission accomplie. "Mission accomplie, autonomie
sacrifiée. Autonomie sacrifiée pourquoi? Pour de l'argent.
Mission accomplie, peuple du Québec trahi. Oui, M. le Président.
Mission accomplie, municipalités mal servies. Cela, c'est ce qu'on
appelle mission accomplie, oui, les Québécois
enchaînés avec des chaînes d'or, de millions:
Il y a eu dans le passé un homme qui a laissé trace de son
nom parce qu'il avait accepté 30 derniers pour vendre son maître.
Mais, là aujourd'hui, on accepte $120,000,000 pour vendre sa
province.
Eh bien, le premier ministre a raison de dire que c'est un pis aller,
que c'est un cheval de Troie...
M. Lesage: La vente de 1958...
M. Bellemare: M. le Président, la victoire des centralisateurs,
elle est confirmée par ce compromis "Sauvons l'essentiel", dit le
ministre des Affaires municipales. Oui, sauvons l'essentiel. Qu'est-ce que
c'est pour ces gens du pouvoir, l'essentiel? L'argent, pas autre chose.
Et, comme disait un jour Sir Wilfrid Laurier: "C'est celui qui ramasse
l'argent qui administre un jour ou l'autre." Eh bien, c'est Ottawa, M. le
Président. Et M. Sauriol, lui, disait dans un éditorial le 28
juin 1963: "Ottawa doit renoncer à donner de l'argent à qui n'a
pas le droit de percevoir et à percevoir de l'argent qu'il n'a pas le
droit de donner". Ça doit être bien clair ça, M. le
Président.
Cet après-midi, nos honorables amis ont dit: "Mais qu'est-ce que
vous avez fait dans le passé? Vous avez voté pour le bill en
1958. Vous avez manqué à votre devoir".
M. Vincent Prince a une réponse pour ces gens qui nous ont
descendus. Il dit dans un éditorial du 27 juin 1963 cette phrase:
"Enfin, l'argument des précédents ne manque pas de force, mais il
doit en même temps nous ouvrir les yeux. Il équivaut à dire
ceci: Vous avez cédé bien des fois, où serait le mal
à nous de céder une fois de plus? Mais justement, dit M. Vincent
Prince, il faut s'arrêter une fois pour toutes dans la descente des
abandons de l'autonomie."
Eh bien, ça, M. le Président, c'est une affirmation d'un
homme qui, aujourd'hui, occupe une place assez importante dans le monde
journalistique. Mais le ministre des Affaires municipales nous a dit:
"Qu'est-ce qu'on pouvait faire de mieux? Il n'y avait pas de solution. Nous
avons regardé partout. Nous n'en avons trouvé aucune."
Depuis hier l'ancien ministre des
Affaires municipales, le député de Saint-Jacques, en a
fourni une. L'honorable chef de l'Opposition...
M. Laporte: Il aurait été mieux de la fournir quand il
était au pouvoir.
M. Bellemare: L'honorable député de Missisquoi s'est
levé pour en suggérer une bonne. Et, M. le Président,
à mon tour je dirai à l'honorable ministre de regarder un peu ce
qui se fait dans les autres provinces et en particulier dans l'Alberta. Ils en
ont un système de prêts municipaux. Le ministre doit le
savoir.
M. Laporte: Il existe depuis combien d'années?
M. Bellemare: Depuis 1950.
M. Laporte: Pourquoi n'en avez-vous pas donné en 1950 vous
autres?
M. Bellemare: Parce qu'on n'avait pas les revenus que vous avez. Parce
que le centralisateur numéro un de la province de Québec les
gardait à Ottawa nos revenus.
M. Laporte: Cela ne convaincra personne.
M. Bellemare: Oui, c'est ça, M. le Président. En Alberta,
la corporation du financement municipal...
M. Laporte: Mais, est-ce qu'ils avaient un revenu, eux?
M. Bellemare: Oui, à cause de la population, oui.
M. Laporte: Ah, bon...
M. Bellemare: Et vous allez voir comment fonctionne le système,
vous allez le voir. Au 31 décembre 1961, cette entreprise avait
prêté au total $177,000,000 et quelques chiffres et elle
détenait en garantie des obligations municipales pour une somme de
$165,000,000; donc, $177,000,000 de prêtés et $165,000,000 que le
gouvernement détient. Par exemple, la municipalité d'Edmonton a
émis des obligations pour un montant de $51,500,000. Celle de Calgary
avait émis pour près de $36,000,000 et huit grandes autres villes
pour plus de $12,000,000, ce qui formait le total de $100,000,000.
Des sommes plus modestes ont été prêtées
à cinquante-six villes, cinquante-deux villages, huit comtés, six
districts municipaux. Soixante divisions ou districts scolaires et quelques
autres administrations locales. Il semble évident que l'on puisse de la
sorte obtenir aux municipalités des taux d'intérêts
beaucoup plus bas, puisque les émissions seraient faites par un
organisme provincial et pour des sommes beaucoup plus élevées,
soit $25, $50, ou $100,000,000 à la fois. Et, M. le Président,
l'éditorialiste du Nouvelliste disait dans son article du 20 août
1962: "On peut emprunter pour une période de cinq ans pour le gravelage
et l'achat d'outillage de voirie, dix ans pour l'achat d'appareils pour
combattre les incendies et enfin, vingt-cinq ans lorsqu'il s'agit d'installer
des services municipaux et construire des écoles ou des ponts et
exécuter des travaux d'irrigation et de drainage. Cela, c'est de
l'autonomie et de l'autonomie provinciale respectée chez eux. Et non pas
comme le grand centralisateur, le premier ministre de la province, aller
à Ottawa sans mandat et là, M. le Président, nous revenir
tout souriant et nous dire: "Mission accomplie"...
M. le Président, mission accomplie, autonomie sacrifiée,
peuple trahi, municipalités mal servies.
M. le Président: À l'ordre, messieurs. A l'ordre!
M. Lesage: Au prix que vous êtes payé, vous allez
siéger jusqu'à la dernière minute...
M. Gabriel Loubier
M. Loubier: M. le Président, j'entends le premier ministre dire
que parce qu'on est payé qu'on veut rester en Chambre. M. le
Président, je ne pense pas que ces paroles-là soient
parlementaires et nous ne sommes pas ici pour gagner de l'argent, nous sommes
ici pour défendre des principes. M. le Président, je serais
même venu en Chambre si j'avais été obligé de payer
$100 par jour pour venir dire au premier ministre...
M. le Président: À l'ordre, messieurs, le bill No 1...
M. Loubier: M. le Président, est-ce que c'est parlementaire les
paroles qu'il vient de prononcer?
M. le Président: Je n'ai pas entendu. Pour la deuxième
fois, je demande au député s'il veut adresser la parole, qu'il
parle sur le bill no 1.
M. Loubier: Très bien, M. le Président. Le premier
ministre semble surpris que nous prenions une position contraire à celle
qu'il avait préconisée, à savoir que nous serions en
faveur du bill No 1. C'est lui-même qui a convoqué le Parlement.
Il savait bien qu'en convoquant le Parlement, nous ne serions probablement pas
tous d'accord. C'est le rôle de l'opposition justement de faire remarquer
au gouvernement les dangers qu'une législation peut comporter pour le
peuple de
la province de Québec et nous entendons accomplir notre
rôle même s'il y a des intimidations ou s'il y a des insultes dans
les allusions que fait le premier ministre.
M. le Président, on a lu dans quelques journaux, à un
moment donné, que le déroulement de la conférence à
Ottawa s'était fait dans un climat de bonne entente. Plusieurs ont
été surpris de lire ces titres des journaux. Nous, de ce
côté-ci de la Chambre, ne sommes pas surpris du tout que ce soit
fait dans un climat de bonne entente puisqu'il y avait la réunion de
quelques frères séparés depuis quelques années qui
se retrouvaient autour de la même table pour discuter gentiment de la
philosophie centralisatrice qui les avait animés depuis leur
début en politique. Et, nous avons assisté aux discours et aux
échanges d'idées de félicitations du "triumvirat" Pearson,
Lamontagne et Lesage. Et, encore là, nous assistons au triomphe de la
théorie de M. Lamontagne, ce grand économiste qui s'est
présenté deux fois dans Québec-Est, qui a exposé
ses théories sur l'économie politique que les gens de
Québec-Est ont jugée inacceptable et qui a été
obligé d'aller se représenter ailleurs alors que dans
Québec, les gens étaient à cent pour cent patriotes,
à cent pour cent pour des théories sauvegardant la
suprématie et l'autonomie de la province de Québec.
M. le Président, il est six heures, je vous demanderais, est-ce
que je vais continuer, il est six heures.
M. le Président: Si le député ne veut pas parler
jusqu'à six heures...
M. Loubier: Ah, je peux parler, M. le Président. Quelle heure
est-il, M. le Président?
M. le Président: Il est six heures.
M. Johnson: C'est l'heure de Québec qui compte, pas l'heure
d'Ottawa.
M. le Président: La séance est suspendue jusqu'à
huit heures.
(Reprise de la séance à 8.04 du soir)
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Loubier: M. le Président, relativement au bill no 1
présenté devant cette Chambre vers la fin de la séance de
cet après-midi, je rappelais que la grande partie de la population du
Québec n'a pas été surprise de lire en quelques endroits
que la conférence s'était déroulée dans un climat
de bonne entente, parce que je disais que cela a permis à de vieux
frères séparés de se réunir autour de la même
table: M.
Pearson, M. Lamontagne et M. Lesage, et cela a été
l'occasion rêvée de vanter les mérites de la
centralisation.
Ces trois amis sont tous diplômés avec très grande
distinction de l'université politique d'Ottawa, dont le plus illustre
recteur fut sans contredit l'honorable Mackenzie King. Il n'est pas surprenant
que la théorie de Maurice Lamontagne ait enfin triomphé. Je
rappelais que M. Lamontagne avait, à deux reprises, exposé avec
frénésie, et avec toute la conviction qu'on lui connaît,
ses théories en économie politique qui avaient une orientation
fortement axée sur la centralisation fédérale, qu'à
deux reprises, la population considérait que c'était contraire
aux aspirations du peuple de la province de Québec. Il a
été obligé d'aller se présenter dans un
comté où il s'agit d'avoir un candidat libéral pour
attribut. C'est comme ça qu'on a pu faire la petite réunion
d'Ottawa, qui s'est déroulée dans une entente confraternelle des
plus agréables, mais ceci, par exemple, au détriment de
l'autonomie de la province de Québec.
Lorsqu'on s'aperçoit qu'enfin la théorie de M. Lamontagne
triomphe, les membres de l'Opposition qui, en définitive
représentent tout de même au-delà de 40% de la population
du Québec, sont bien fondés à ne pas se réjouir de
cet accord des plus désastreux depuis 1942 puisque cette entente vient
encore une fois consacrer notre féodalité et vient ratifier la
détermination des deux gouvernements libéraux d'anéantir
toute autonomie politique et fiscale et d'ensevelir les libertés les
plus fondamentales d'un gouvernement de la province de Québec.
M. le Président, lorsque j'ai entendu le premier ministre dire
qu'il revenait d'Ottawa avec la conscience du devoir accompli et qu'il pouvait
répéter la même phrase que celle qu'on se disait en temps
de guerre après une victoire, mission accomplie, je dis oui, M. le
Président, mission accomplie pour lui, vis-à-vis de tous les
libéraux du Canada, mais non pas mission accomplie pour le peuple de la
province de Québec. Victoire de la théorie d'un parti, mais non
pas victoire des libertés fondamentales du peuple de la province de
Québec.
Et, M. le Président, lorsqu'on s'insurge devant la philosophie de
l'économie du bill qu'on présente devant nous, eh bien, le
premier ministre dit avec une certaine arrogance - il l'a dit au
député de Trois-Rivières, il l'a dit au
député de Missisquoi lorsqu'il a parlé, il l'a dit et
répété lorsque j'ai débuté vers la fin de la
séance - c'est évident, ces gens-là vont tout faire pour
éterniser et gagner leurs $100 par jour.
M. Lesage: Pendant plus de jours.
M. Loubier: J'ai le texte du premier ministre ici. Le premier ministre a
dit, à un
moment donné: "Au prix que vous êtes payés, vous
allez siéger jusqu'à la dernière minute." Eh bien, M. le
Président, j'ai discuté de cette allusion malicieuse du premier
ministre avec mes collègues et nous sommes tous d'accord pour renoncer
à cette indemnité de $100 par jour.
M. Lesage: M. le Président, j'invoque le règlement. Les
mots "allusion malicieuse"...
Une voix: Oui, oui, c'est malicieux.
M. Lesage: ...ne sont pas parlementaires, d'autant plus qu'il me
prête des motifs. Je n'ai que constaté un fait, c'est que les
députés de l'Opposition se répètent
constamment.
M. Lafontaine: Cela, c'est malicieux.
M. Loubier: Je suis prêt à faire une motion appuyée
par n'importe quel député, le député de
Labelle.
M. le Président: À l'ordre, messieurs! Une voix:
Faites-la, votre motion.
M. Loubier: Nous, nous sommes prêts à renoncer à
cette indemnité de $100, à condition que tous les
députés fassent la même chose et que ces $100 aillent dans
un fonds spécial pour structurer une organisation qui défendra
l'autonomie de la province de Québec.
M. le Président: À l'ordre! Le bill no 1.
M. Loubier: Et si ceci nous permet...
M. le Président: Le bill no 1.
M. Loubier: M. le Président, c'est tout de même le premier
ministre qui a convoqué cette session au sujet du bill no 1. Et il
voulait probablement, ce faisant, prendre le pouls de la province concernant ce
bill, par le biais de l'Opposition...
M. Lesage: M. le Président, j'invoque le règlement encore
une fois; le député m'impute encore des motifs sur les raisons de
la convocation de la session.
M. Loubier: M. le Président, disons tout simplement qu'en
discutant du bill no 1, nous avons l'occasion, nous de l'Opposition, d'exprimer
les sentiments de la province concernant les objections sérieuses que
nous avons à formuler sur ce bill.
M. Lesage: Parlez-vous au nom de la province, comme quand vous disiez
que vous nous battriez en novembre?
M. Loubier: Pardon? M. Lesage: Cela va.
M. Lafontaine: Les faux certificats d'élection, il ne faut pas
les oublier.
M. Loubier: Le premier ministre a une question?
M. Lesage: Cela ne vaut pas la peine.
M. Loubier: Non, je comprends. Cela ne vaut pas la peine de
défendre l'autonomie de la province de Québec pour être
premier ministre. Cela vaut la peine d'aller à Ottawa, par exemple, de
se présenter en mendiant devant Ottawa pour demander notre propre
argent, demander de prêter notre propre argent au gouvernement de la
province, quand on songe à l'ultimatum qu'il avait lancé il y a
quelques mois, disant au gouvernement d'Ottawa: "Si vous ne nous remettez pas
25% de nos droits de taxation d'ici un an, c'est un ultimatum que je vous lance
et nous prendrons des mesures sérieuses..."
M. le Président: A l'ordre! Je demande encore une fois au
député de Bellechasse... S'il veut discuter du bill no 1...
Une voix: C'est ce qu'il fait.
M. le Président: ...il devrait commencer bientôt. Cela fait
treize minutes qu'il parle et il n'a pas parlé du bill no 1. Je
demanderai encore une fois au député de Bellechasse, s'il veut
parler du bill no 1, de commencer sa discussion. Autrement, je dois
considérer qu'il ne veut pas parler du bill no 1 et je vais demander
à d'autres députés de prendre la parole.
M. Loubier: M. le Président, je réoonds aux interventions
du premier ministre. C'est le premier ministre qui m'a interrompu a deux
reprises et je n'ai fait simplement que répondre à ses
interventions.
Mais que le premier ministre sache bien que l'Opposition n'est pas
contre l'aide aux municipalités. Bien au contraire. C'est l'Opposition
qui a prêché que nos municipalités étaient dans le
désarroi financier le plus complet et que le gouvernement devait
à tout prix mettre tout en oeuvre pour qu'elles reçoivent le plus
grand support possible afin de se développer, de prendre le pas du
progrès et de vivre dans une certaine sécurité. Cependant,
ce secours aux municipalités doit être prodigué avec le
respect des impératifs de notre constitution. Si les
municioalités doivent vendre leur autonomie et leur liberté
administrative pour recevoir l'aide du gouvernement provincial, jamais nous
ne
permettrons cet esclavage qui a déjà coûté
trop cher à la province de Québec.
Le présent projet de loi aura pour effet de permettre au
gouvernement de la province de Québec d'emprunter $120,000,000 d'Ottawa
pour ensuite prêter cette somme aux municipalités de la province
de Québec. Comme l'a dit avec éloquence le chef de l'Opposition,
le premier ministre du Québec s'est présenté à
Ottawa pour aller quêter comme un féodal, comme un capitaine qui
s'incline devant son général, lui qui nous avait informé
cet hiver qu'il lançait un ultimatum pour la récupération
de nos droits, d'au moins 25% de nos droits de taxation.
M. le Président, devant M. Pearson, il n'a pas voulu
répéter les mêmes paroles qu'il avait prononcées
à l'Assemblée législative du Québec. Il s'est
contenté d'implorer pour obtenir une maigre pitance déshonorante
pour ne pas...
M. Lesage: M. le Président, j'invoque le règlement...
M. Loubier: Bien, M. le Président, je parle du bill no 1.
M. Lesage: J'invoque le règlement. Comment le
député de Bellechasse peut-il m'imputer des paroles que j'aurais
prononcées ou des actions que j'aurais posées au cours d'une
conférence à huis clos qui n'a reçu aucune
publicité, sinon celle qui a été faite par chacun des
premiers ministres'' Comment peut-il le faire? Il me semble que c'est
souverainement injuste à mon égard. Et le député de
Bellechasse me reproche de ne pas avoir parlé de la question fiscale,
alors qu'il s'agissait d'une conférence spécifique sur deux
points spécifiques. La conférence fiscale doit avoir lieu au mois
de novembre et il devrait le savoir.
M. Johnson: M. le Président, sur le point de règlement, il
est évident que le député de Bellechasse, qui
n'était pas à la conférence comme aucun de nous, doit
essayer de comprendre ce qui s'est passé là...
M. Lesage: Il n'a pas le droit de faire ça en Chambre, s'il ne
connaît pas les faits.
M. Johnson: M. le Président, le député de
Bellechasse n'a-t-il pas le droit de conclure que, si M. Pearson était
prêt à répondre à l'ultimatum, on n'aurait pas
besoin de plier devant Ottawa sur ce bill-là? On aurait les moyens de le
faire tout seul, le crédit aux municipalités. Si on est pour
avoir 25%...
M. Lesage: M. le Président, si le chef de l'Opposition veut
discuter du fond de la question, il doit savoir parfaitement qu'il s'agit dans
ce cas-ci de prêts et non de subventions et que, par conséquent,
la tranche d'impôt que je réclame d'Ottawa n'a rien à faire
avec le problème que nous étudions ce soir. C'est très
facile à comprendre quand on est de bonne foi. Ceci équivaut
à un rabattement d'intérêt.
M. Johnson: M. le Président, le premier ministre dit...
M. Bellemare: Oui, mais 25%...
M. Lesage: 25% du prêt, cela équivaut à un rabais de
l'intérêt.
M. Johnson: Le premier ministre vient de dire que c'est facile à
comprendre quand on est de bonne foi. Prétend-t-il que nous ne
comprenons pas, M. le Président?
M. Lesage: Bien évidemment, comme je n'ai pas le droit d'accuser
le chef de l'Opposition d'être de mauvaise foi, je dois dire qu'il ne
comprend rien.
M. Loubier: M. le Président, tout ce qui importe, c'est qu'on n'a
eu la récupération d'aucun droit de taxation. C'est un emprunt,
purement et simplement.
M. le Président: Le bill no 1.
M. Loubier: Bien, c'est le bill no 1, M. le Président. On est
allé emprunter à Ottawa. C'est le bill no 1. C'est le titre du
bill. On est allé emprunter à Ottawa une somme de $120,000,000
pour la reprêter aux municipalités aux conditions fixées
par Ottawa. Et lorsqu'on octroiera ces montants aux municipalités,
Ottawa aura encore le droit de surveillance, M. le Président.
M. le Président, je dis à ce moment-là qu'on aurait
dû revendiquer les droits de la province de Québec en
matière de taxation et que les municipalités auraient pu recevoir
deux ou trois fois plus qu'elles ne reçoivent actuellement.
M. Lesage: Non.
M. Loubier: Et c'est justement de deux ou trois fois plus qu'elles ont
besoin...
M. Lesage: Ce n'est pas vrai.
M. Loubier: ... que ce qu'on leur offre actuellement. Et, M. le
Président...
M. Lesage: Mettez votre siège en jeu.
M. Loubier: De temps en temps, M. le Président...
M. le Président: À l'ordre!
M. Loubier: De temps en temps, le premier ministre et le ministre des
Affaires municipales nous disent que ce n'est pas la solution idéale,
que c'est un pis-aller, que c'est un cheval de Troie. Eux-mêmes ne sont
pas satisfaits de cette loi et ils voudraient qu'au cours de cette session,
nous les félicitions d'avoir obtenu ce qu'ils ont obtenu, alors
qu'eux-mêmes font l'aveu très candide qu'ils n'ont pas du tout eu
satisfaction, que c'est une formule d'abdication ni plus ni moins. M. le
Président, en définitive, le premier ministre admet implicitement
que c'est une défaite pour l'autonomie de la province de Québec.
Quand j'entends d'autres rapports qui font l'apologie de cette entente et
affirment qu'elle est des meilleures et des plus conformes aux droits et aux
besoins du Québec, eh bien, il nous est permis de ne plus comprendre
grand-chose dans les apologies qu'on peut faire de l'autonomie ou de la bonne
entente qui règne entre Québec et Ottawa. D'ailleurs, le ministre
des Affaires municipales - puisqu'il vient d'entrer - a terminé son
discours en proclamant que la conduite du premier ministre à Ottawa
permettait de dire qu'il était actuellement le véritable chef de
l'État du Québec. Ce n'est certainement pas...
M. le Président, il y en a plusieurs qui n'ont pas applaudi. Je
pense que, si l'on prenait le vote, on gagnerait.
M. Lesage: On va le prendre tout de suite...
M. Loubier: Ce n'est certainement pas l'avis de l'Opposition et de la
majorité de la population du Québec. Que le premier ministre ne
soit pas surpris, comme il le disait, de ne pas avoir été
reçu par des fanfares à Québec, comme l'avait
déjà été un autre homme, un autre grand premier
ministre de la province de Québec, parce que lui, il est revenu avec une
solution de pis-aller avec un accroc à la constitution, il est revenu
avec un document qui consacrait notre armistice et notre soumission
complète et entière devant Ottawa, alors que l'allusion du
ministre au patronage...
M. Courcy: De payer $400 pour la fanfare...
M. Loubier: M. le Président, lorsqu'on fait des allusions
à la rentrée à Québec de l'honorable Maurice
Duolessis à son retour d'Ottawa, il avait reçu des
félicitations non seulement de gens du parti de l'Union Nationale,
soyez-en assuré, M. le Président. Lorsqu'on voit le premier
ministre actuel essayer de ternir la mémoire de celui qui fut un
farouche défenseur de l'autonomie de la province de Québec, je me
dis, comme a déjà dit le chef de l'Opposition, que ça me
fait penser, M. le Président, à un nain qui veut cracher dans la
face d'un géant qui est mort. Et, M. le Président...
M. Lesage: M. le Président, j'invoque le règlement. Je
viens d'être insulté, je ne cracherai pas dans la figure de ce
mort, car il serait trop putréfié.
M. Johnson: Je sais, M. le Président...
M. Bellemare: Vous avez fréquenté T.-D. Bouchard assez
longtemps... Les mêmes phrases...
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Lafontaine: Rappelez le premier ministre à l'ordre!
M. le Président: Je crois que si, de part et d'autre dans
l'Assemblée...
M. Gabias: Un robineux n'aurait jamais dit cela...
M. le Président: Si l'on pouvait, de part et d'autre, dans
l'Assemblée législative, essayer d'éliminer et d'oublier
des expressions telles que celles qui ont été employées
des deux côtés de la Chambre, je crois qu'on...
M. Lafontaine: Regardez le premier ministre, regardez-le faire...
M. le Président: Pour la deuxième fois, je raopelle le
député de Labelle à l'ordre.
M. Bellemare: Mais regardez de l'autre bord, le premier ministre rit de
ce que vous dites. Il est content.
M. le Président: Si le député de Bellechasse veut
bien parler du bill no 1, je suis prêt à l'écouter.
M. Johnson: Si le député de Bellechasse me prête la
parole, je voudrais vous demander si vous avez entendu la remarque du premier
ministre, une remarque qui le qualifierait dans l'histoire comme un
nécrophore...
M. le Président: J'ai bien entendu la remarque du premier
ministre et j'ai entendu la remarque du député de Bellechasse qui
a soulevé la remarque du premier ministre, et c'est
précisément là-dessus...
M. Gabias: La population est dégoûtée de cela...
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Bellemare: Vous le paierez
chèrement un jour.
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Lafontaine: C'est un euphémisme qu'il emploie à votre
endroit!
M. Bellemare: Un premier ministre qui en dénigre un autre, on n'a
jamais entendu dire cela par M. Duplessis. Jamais M. Duplessis n'a parlé
de M. Taschereau comme cela. Jamais.
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Loubier: M. le Président, je répète que
l'économie et la politique, la philosophie du bill
présenté ne sont pas conformes aux dictées de la
constitution concernant l'autonomie de la province de Québec. Je me dis
que, dans quelques années, nous aurons probablement dans nos
bibliothèques un volume dont le titre sera: Comment un peuple souverain
devint esclave? Comme premier chapitre, M. le Président, nous lirons que
les droits et les libertés de la province de Québec furent vendus
en 1942 par un premier ministre libéral; comme deuxième chapitre,
nous lirons qu'en 1963, un autre premier ministre libéral a vendu les
libertés fiscales et administratives de nos municipalités et, en
1964 ou 1965, je ne connais pas encore la date, mais ça va arriver, M.
le Président, ce seront toutes les libertés fondamentales de
l'individu de la province de Québec qui seront vendues à Ottawa
parce qu'on n'aura plus d'institutions à vendre à Ottawa.
Encore là, M. le Président, nous constaterons que toutes
ces entailles profondes au bloc de l'autonomie de la province de Québec
ont été exercées alors qu'à Québec, on avait
un premier ministre libéral et, à Ottawa, un premier ministre
libéral. Chaque fois qu'on veut reprocher quelque chose au gouvernement,
ce qu'il a fait de mal, on nous dit: Cela a été pire dans le
passé; une vieille excuse pour mal faire, M. le Président...
Une voix: Qui s'assemble se ressemble...
M. Loubier: M. le Président, une chose me frappe. C'est que le
bill no 1 tel qu'il est présenté aurait pu l'être d'une
façon qui aurait respecté au moins le décor de l'autonomie
de la province de Québec. Le ministre des Affaires municiales
annonçait qu'il y avait un comité créé qui avait eu
une première séance pour étudier les modalités pour
en venir à un fonds de crédit provincial pouvant aider les
municipalités. C'est bien, M. le Président, de créer ce
comité. Mais pourquoi ne l'a-t-on pas créé avant?
Pourquoi? C'est qu'après avoir passé l'accord avec le
fédéral, après avoir fait un acte de soumission, pour
mettre du baume sur la plaie, on nous arrive avec des paroles et avec la
formation d'un comité éventuel, mais le mal sera fait, M. le
Président. Il me semble que tous ceux qui veulent réellement que
les bases les plus fondamentales de l'esprit même et de la lettre de
notre constitution soient respectées devraient à cent pour cent
voter contre ce projet qui est contraire aux aspirations du peuple de la
province de Québec, qui est contraire à la constitution et qui
est contraire aux intérêts les plus vitaux de notre peuple pour
son rayonnement, pour son épanouissement et pour sa survie.
M. Antonio Talbot
M. Talbot: M. le Président, il y a 25 ans que je suis dans la
politique active, il y a 25 ans que je siège en cette Chambre...
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Talbot: ... et j'ai eu l'honneur, et j'en suis fier, de soutenir un
parti qui avait mis au premier rang de ses préoccupations la sauvegarde
de l'autonomie provinciale, la sauvegarde des droits du Québec. Aussi,
je suis sûr, M. le Président, que vous ne serez pas surpris de
m'entendre dire quelques mots de ce projet qui touche de si près
l'autonomie provinciale et qui engage, je dirai, l'autonomie du
Québec.
Au cours de ces 25 ans de vie politique, au cours de ces 25 ans
passés en cette Chambre, j'ai été témoin, M. le
Président de luttes homériques pour la sauvegarde de l'autonomie
provinciale. Je me rappelle qu'en 1942, mon chef, le chef de l'Union Nationale
alors chef de l'Opposition, quittait, au risque de sa vie, son lit
d'hôpital, puisqu'il était menacé à ce
moment-là d'embolie, pour venir ici en cette Chambre défendre les
droits du Québec contre des centralisateurs qui voulaient, au moyen
d'accords passés entre Québec et Ottawa, mettre en application
les données centralisatrices de la commission Rowell-Sirois. Sous
prétexte de guerre, on voulait imposer au Québec toutes les
conclusions du rapport de cette commission qui avait été
nommée avant la guerre, toutes ses conclusion qui n'avaient qu'un but:
asservir les provinces du Canada et particulièrement la province de
Québec. Le chef de l'Union Nationale, à ce moment-là, a
fait une lutte homérique pendant des jours et des jours; il s'est battu
en dépit de sa mauvaise santé pour lutter contre cette loi qui a
été adoptée à cause de la majorité massive
du gouvernement dans le temps et qui a fait perdre à la province, vous
le savez, M. le Président, des centaines et des centaines de millions de
dollars.
En 1944, le gouvernement qui s'était
rendu coupable de cette trahison, le gouvernement libéral que
dirigeait M. Godbout, était battu aux élections de la province.
Le chef de l'Union Nationale devenait premier ministre.
En 1945, une année plus tard, le gouvernement central convoquait
à Ottawa une conférence fédérale-provinciale
réunissant tous les premiers ministres des provinces pour leur demander
de renouveau en 1947, l'entente qui avait été signée en
1942 et qui expirait en 1947. Là, nous avons vu le chef du gouvernement,
appuyé, d'ailleurs, par le premier ministre de la province de l'Ontario,
par le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, un libéral, M.
Macdonald, par le premier ministre de la Colombie-Britannique, se lever pour
dire au gouvernement fédéral: Non serviam, nous ne servirons pas.
C'est au retour de cette conférence que le premier ministre de la
province de Québec était reçu ici, à la gare du
Palais, en triomphateur. On a voulu faire des gorqes chaudes au cours de ce
débat sur cette réception. Le proposeur du bill, le ministre des
Affaires municipales, en a ri; le premier ministre l'a suivi. On a voulu dire
qu'il s'agissait d'une réception organisée. J'y
étais...
M. Laporte: M. le Président, j'invoque le règlement. Si le
député de Chicoutimi avait écouté mon discours, il
aurait constaté que je n'ai fait aucune allusion à la
réception qui a eu lieu.
Des voix: Ah, ah...
M. Talbot: J'ai le texte, M. le Président...
M. Laporte: Vous avez le texte, mais je ne l'ai pas lu.
M. Talbot: J'ai le texte du ministre des Affaires municipales où
il dit: "Il aurait été facile de dire non et de nous faire
organiser des démonstrations au retour." Est-ce que ce n'était
pas là une allusion directe?
M. Laporte: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Laporte: Si le député de Chicoutimi, au lieu de faire
autre chose, m'avait écouté, il aurait constaté que je
n'ai pas lu cette phrase.
M. Talbot: Je prends note du fait que le ministre des Affaires
municipales a eu honte de la phrase qu'il avait écrite et qu'il n'a pas
eu le courage de la prononcer. S'il ne l'a pas dite, le premier ministre, son
chef, lui, l'a dite...
M. Laporte: Très bien. ... heureux de la dire à sa
place.
M. Talbot: Mais on ne fera croire à personne, M. le
Président, qu'un homme comme Sir Thomas Chapais, qui prenait la parole
en cette occasion, ait pu être soudoyé et amené là
malgré lui. On ne fera croire à personne que des ennemis
politiques comme le père Lévesque, qui était là
avec les élèves de sa faculté, allaient là parce
qu'on le leur avait demandé et parce qu'on avait organisé toute
la réception. C'était une réception spontanée.
M. Laporte: Spontanée?
M. Talbot: C'était l'hommage d'un peuple à un grand
patriote qui avait bien mérité de sa province.
On a dit cet après-midi et je crois que c'est le ministre, le
nouveau Procureur général, qui disait cela: Mais pourquoi, si M.
Duplessis était sincère, n'a-t-il pas mis fin à l'entente
qui avait été conclue puisque l'entente comportait qu'on pouvait
y mettre fin après un avis d'un mois? Pourquoi n'y a-t-il pas mis fin,
à ce moment, alors que tous ses adversaires l'accusaient de ne pas
vouloir collaborer? Il n'y a pas mis fin pour qu'on ne puisse pas dire: Voici
un homme qui n'a pas de bon sens. Il a dit tout simplement, il a dit bien mieux
que cela, il a dit au gouvernement fédéral: Nous ne
renouvellerons pas cette entente. Qu'est-ce qui serait arrivé s'il y
avait mis fin? Il y a mis fin en 1947, en ne la renouvelant pas, et le
gouvernement fédéral, le gouvernement central a gardé
l'argent, a gardé les droits qui lui avaient été
cédés. À quoi aurait servi en 1947 de mettre fin à
l'entente? Les droits auraient été gardés comme ils l'ont
été en 1947, comme ils l'ont été en 195?, en 1956,
comme ils le sont encore en partie.
On a dit: Politique négative? Qu'est-ce qui, en 1947, faisait
adopter par la Chambre une loi pour imposer un droit sur les revenus des
corporations, sinon le gouvernement de l'Union Nationale? Ce gouvernement dont,
à ce moment, ses adversaires disaient qu'il était lié aux
trusts. Le gouvernement de l'Union Nationale n'avait pas peur, à la
veille d'une élection, puisqu'il y avait une élection
l'année suivante, d'imposer une double taxation aux compagnies dans la
province de Québec. Cela a pris des années au gouvernement
central, que dirigeait M. King, qu'a dirigé M. Saint-Laurent ensuite,
qu'appuyait le premier ministre actuel de la province, pour faire accorder une
réduction d'impôt pour qu'il n'y ait pas double taxation dans la
province de Québec.
Ah! politique négative! En 1950, qui est-ce qui convoquait ici
à Québec une conférence
fédérale-provinciale, sinon le premier ministre de la province du
temps,
sinon le chef de l'Union Nationale? Et qui est-ce qui, au cours de cette
conférence, pour la première fois de l'histoire de la province,
parlait de refaire la constitution canadienne, sinon encore ce grand patriote,
Maurice Duplessis?
Et remarquez bien, M. le Président, qu'à ce moment, les
revenus de la province, en 1946, par exemple, étaient d'à peine
$100,000,000 par année. Et, malgré cela, nous n'avions pas peur
de faire passer la question de principe avant la question d'argent. Et le
peuple de Québec, qui a du coeur, le peuple de Québec, qui sait
comprendre lorsqu'on lui parle de principe, le peuple de Québec
approuvait et soutenait le chef de l'Union Nationale.
En 1952, il y avait eu les ententes de 1947 qui expiraient; en 1952, la
province de Québec, fidèle à elle-même, le
gouvernement de Québec, fidèle à lui-même, ne
voulait pas, comme il ne l'avait pas voulu en 1947, renouveler les ententes.
Qu'est-ce que faisait le gouvernement central? Il gardait l'argent; les
ententes n'étant pas renouvelées, il gardait l'argent et c'est
pourquoi le sénateur Nicol, un bon libéral, avait bien raison de
dire qu'il volait la province de Québec.
En 1953, politique négative? En 1953, c'est le gouvernement de
l'Union Nationale qui a adapté la Loi de l'impôt sur le revenu.
À ce moment, le premier ministre de la province jouait sa vie politique,
la vie politique de son gouvernement et de son parti, sur cette mesure qui
frappait tout le monde dans la province de Québec. Il n'a pas eu peur de
passer cette mesure, de l'imposer et c'est le gouvernement central qui a
dû reculer, puisque c'était une affirmation de nos droits, puisque
c'était la reprise de droits qui nous avaient été
volés depuis 1947 par le gouvernement central, c'est le gouvernement
central qui a dû reculer et accorder les réductions d'imoôt
qui s'imposaient. Je pourrais nommer bien d'autres mesures qui prouvent la
sincérité du gouvernement de l'Union Nationale dans la
défense de l'autonomie provinciale.
On a voulu parler de la loi de 1958 et on a voulu prétendre -
c'est le premier ministre qui l'a fait - qu'il s'agissait là d'un accroc
formidable à l'autonomie provinciale. Voyons un peu la genèse de
cette loi. De 1930 à 1939, il y avait au pays une crise
économique qui affectait particulièrement la province de
Québec. Il y avait une crise de chômage. Or, le chômage,
vous le savez, le gouvernement le sait depuis 1960 - il l'ignorait avant, il le
sait depuis 1960 - est en grande partie une responsabilité
fédérale. Le gouvernement du temps, voulant tenir compte de ses
responsabilités, adopta une loi pour accorder des secours aux
chômeurs de la province et du pays. Cette loi était du ressort du
gouvernement fédéral, à tel point que M. Taschereau,
premier ministre du temps, un autonomiste féroce, je dois le dire,
n'hésitait pas à l'appliquer, à s'en servir dans la
province de Québec. C'est cette loi qu'on a employée en 1958
à Ottawa pour pouvoir inscrire au budget fédéral des
secours accordés aux municipalités dans des travaux de
chômage, comme cela s'était fait de 1930 à 1939. Tout ce
qu'a fait, à ce moment, le gouvernement de la province de Québec,
a été de dire aux municioalités: Vous pouvez prendre ces
secours puisqu'il s'agit d'une mesure qui reiève de l'autorité
centrale qui a des resoonsabilités en ce domaine.
Une voix: Le député de Chicoutimi approuve cela?
M. Talbot: Même chose... Je prends note que le ministre dit:
D'accord. Même chose en 1959.
M. Laporte: Je demande au député de Chicoutimi s'il
approuve encore la loi de 1958.
M. Talbot: Je reprends le raisonnement que faisait ce matin l'honorable
député de Saint-Jacques. S'il était vrai, M. le
Président, ce que je n'admets pas, mais même s'il était
vrai qu'il s'agissait d'un accroc à l'autonomie provinciale, eh bien, ce
n'est pas une raison pour en commettre un autre dix ou cent fois plus
considérable.
Une voix: C'est évident.
M. Talbot: A entendre le premier ministre, hier soir, j'avais
l'impression qu'il avait convoqué cette session non pas pour nous
présenter le bill qui est aux études, mais pour faire, comme il
le fait à chaque occasion, le procès de l'Union Nationale.
M. Lesage: Les orocès ne sont pas commencés.
M. Talbot: Il est à remarquer, M. le Président, que, sous
tous les gouvernements ou à peu près, à Ottawa, on
était tenté de s'inqérer dans l'autonomie des provinces.
Je dois dire cependant, qu'au cours ries six dernières années
d'administration conservatrice, aucun nouvel accroc n'a été fait
à l'autonomie provinciale et, au contraire, on a guéri,
peut-être pas de façon oarfaite, certains accrocs qu'avaient faits
les régimes précédents, particulièrement dans le
domaine éducationnel.
Il fallait les élections fédérales de cette
année, il fallait le retour au pouvoir d'un gouvernement libéral
pour que l'on voie, dès son arrivée au pouvoir, une nouvelle
tentative pour s'emparer de certains droits, de droits considérables, de
droits sacrés des provinces et particulièrement de la province de
Québec.
Dès avant l'élection, le chef du Parti libéral
l'avait mis à son programme. Nous avons, à ce moment,
attiré l'attention du premier ministre, nous lui avons dit qu'il
était dangereux d'appuyer un homme qui avait, entre autres articles
à son programme, un article aussi dangereux que celui-là. Cela
n'a pas empêché le premier ministre évidemment, son esprit
de parti l'a emporté sur l'amour de sa province - de faire une lutte
pour l'honorable Pearson, premier ministre actuel.
Et nous avons vu la suite. Dès le mois de juin, M. Pearson
présentait le bill C-76 qui était une attaque directe aux droits
de la province dans le domaine municipal. Nous avons voulu, à ce moment,
aider le premier ministre de la province de Québec, nous avons voulu
aider le gouvernement, nous avons voulu aussi, comme il est de tradition de ce
côté-ci de la Chambre, rendre service à la province de
Québec, et nous avons proposé en Chambre une motion par laquelle
nous demandions au premier ministre ou nous donnions mandat au premier ministre
de s'opposer carrément au principe contenu dans le bill C-76.
C'était, comme je le disais tout à l'heure, rendre service
au premier ministre de la province. Il pouvait s'en aller à Ottawa, il
pouvait dire la-bas, aux gens d'Ottawa: J'ai un mandat bien précis, je
n'ai pas le droit de faire de transaction en marge de ce mandat; mon mandat
comme le faisait remarquer le député de Champlain cet
après-midi, est de m'opposer au principe contenu dans le bill 76 et de
m'opposer à l'ingérence du fédéral dans le domaine
municipal.
Au lieu de cela, qu'est-ce qu'il a fait? Il a capitulé. Et parce
qu'il a capitulé, il nous présente le bill qui est devant nous
aujourd'hui et il charge un ancien nationaliste qui, autrefois, a bien
pensé dans ce domaine, d'être le parrain de cette loi.
J'ai écouté et j'ai lu; j'ai écouté avec
attention, quoi qu'en pense le ministre des Affaires municipales; j'ai lu
à maintes reprises son texte et je dois lui dire que, dans sa
première partie, son texte est admirable.
M. Bellemare: Très bien.
M. Talbot: Dans la première partie de ce texte, on
reconnaît le journaliste qui était nationaliste, le journaliste
qui a écrit pendant des années dans un journal qui, à ce
moment, n'était pas encore devenu l'organe officiel du Parti
libéral, dans un journal dont les autorités ne sonqeaient pas
à n'avoir que des membres du fédéral, mais songeaient
vraiment à éclairer la province.
Le ministre, dans son discours, le député de Missisquoi me
le faisait remarquer ce matin, a prouvé quoi? Il a prouvé, avec
textes à l'appui, en se donnant la peine de nous souligner l'article de
la constitution, en se donnant la peine de nous donner tous les jugements qui
ont été rendus par la plus haute autorité de l'empire
britannique, le Conseil privé... Il a prouvé quoi? Que la loi
d'Ottawa était une loi anticonstitutionnelle qui violait l'article 92,
paragraphe 8, de la constitution canadienne.
Ce plaidoyer, le ministre des Affaires municipales aurait dû le
faire à Ottawa. Et je suis convaincu, à moins que ses partenaires
à Ottawa ne soient de mauvaise foi, qu'ils auraient compris; c'est
tellement clair, ce qu'il nous explique qu'ils auraient compris que leur loi
violait l'esprit et la lettre de la constitution du Québec.
Et je suis convaincu que, si le ministre avait expliqué à
Ottawa aussi clairement l'inconstitutionnalité de la loi
fédérale, il aurait gagné de M. Pearson que cette loi
fût retirée: du moins, je l'espère. Et, s'il n'avait pas
réussi par la persuasion, il pouvait en se basant encore sur la
même démonstration que celle qu'il nous a faite, brandir la menace
d'attaquer la loi devant les tribunaux comme anticonstitutionnelle, comme ultra
vires. Avec les autorités qu'il nous a citées, avec les jugements
du Conseil privé, la Cour suprême, même avec ses petites
tendances centralisatrices, même avec ses tendances
fédérales, n'aurait pas pu faire autrement que de donner raison
au ministre des Affaires municipales, que de donner raison au gouvernement de
la province de Québec.
Et alors, il aurait pu proposer à Ottawa, en échange d'un
retrait volontaire de sa loi, de prendre soin des municipalités du
Québec, à la condition d'avoir un nouveau champ dans le domaine
de la taxation. Cela serait de l'autonomisme. Cela aurait réglé
la situation. Le ministre ne serait pas dans la situation pénible dans
laquelle il se trouve aujourd'hui. Car, qu'est-ce qu'on nous demande par cette
loi, M. le Président? On nous demande d'abord de nous déjuger.
Toute la Chambre a rendu un jugement au mois de juin. Toute la Chambre a dit
unanimement, tant du côté de la droite que du côté de
la gauche, que la loi d'Ottawa était un accroc à l'autonomie
québécoise. Et on nous demande aujourd'hui, par le projet de lot
qui est devant nous, de nous déjuger et de dire: Nous approuvons ce
projet de loi qui n'est, somme toute qu'un sceau mis sur la loi d'Ottawa.
Qu'est-ce qu'on nous demande par ce projet de loi? On nous demande de
donner au gouvernement du Québec un chèque en blanc pour
l'autoriser à passer avec Ottawa un contrat dont nous ne connaissons pas
la rédaction, un contrat qui n'est pas devant nous, pour donner effet
à la loi. Mais ce que nous savons, par exemple, c'est qu'entre autres
clauses, ce contrat contiendra les clauses humiliantes suivantes... Et je
Dlains le ministre d'être obligé de mettre sa
signature au bas d'un pareil contrat; l'histoire sera dure pour lui
surtout à cause de son passé...
M. Laporte: Cessez d'en raconter et ne vous inquiétez pas de
l'histoire.
M. Talbot: ... surtout à cause de son passé. Le contrat
dira qu'en dépit du certificat que pourra donner le gouvernement du
Québec, à savoir que les travaux municipaux répondent aux
exigences de la loi, l'office fédéral aura le droit, en
dépit de ce certificat, de se méfier et d'inspecter les travaux
municipaux. Le contrat dira que le provincial doit faire rapport au
fédéral de la marche des travaux de temps à autre, suivant
l'entente. Le contrat dira que le gouvernement provincial devra faire rapport
à Ottawa du nombre d'emplois créés par les travaux. Le
contrat dira que le gouvernement provincial devra faire rapport à Ottawa
sur le montant des obligations acquises des municipalités. Le contrat
dira que le gouvernement du Québec devra faire rapport au
fédéral sur toute matière, remarquez bien, qu'exigera le
gouvernement fédéral. Est-ce assez pour vous? Est-ce assez large?
Cela veut dire que le gouvernement central, le gouvernement d'Ottawa, aura le
droit de s'ingérer dans toute l'administration nécessitée
pour la mise en application de cette loi.
Eh bien, je dis, M. le Président, que c'est une honte et je dis
que, pour moi, je ne suis pas prêt à renier mon passé et
que, même si j'étais seul en cette Chambre, je me lèverais
pour voter contre cette loi.
Le ministre des Affaires municipales, après avoir établi
superbement - je le disais tout à l'heure - que la loi est
anticonstitutionnelle, on aurait cru qu'il devait nous demander de voter contre
cette loi. Tout ce qu'il trouve à dire, c'est que, chaque fois que le
gouvernement d'Ottawa, répondant au désir des neuf autres
provinces de la Confédération, violera la constitution, chaque
fois le gouvernement du Québec devra faire un pas en arrière,
chaque fois le gouvernement du Québec devra s'incliner et chaque fois le
gouvernement du Québec devra céder les droits sacrés de la
province...
M. Laporte: Où avez-vous lu cela? M. Talbot: Dans votre
discours.
M. Laporte: Trouvez-moi donc cela dans mon discours.
M. Talbot: Page 29, nous allons le lire...
M. Laporte: C'est cela. Lisez donc cela.
M. Talbot: Nous allons le lire: Chaque fois - remarquez bien, M. le
Président - que le gouvernement fédéral voudra
pénétrer dans un domaine de juridiction provinciale et chaque
fois qu'une majorité des provinces sera favorable à cette
violation de la constitution, ce sera le devoir des administrateurs de
l'État du Québec de tirer le meilleur parti possible de la
situation pour éviter le pire et pour éviter que les citoyens
québécois soient taxés au profit du reste du Canada.
C'est une invitation. Réjouissez-vous, réjouissez-vous du
fait que la province de Québec...
M. Laporte: Notre argent va rester chez nous.
M. Talbot: Parce que, chaque fois... À quoi sert la constitution,
M. le Président, si, chaque fois que neuf provinces veulent qu'elle soit
mise de côté, nous du Québec sommes obligés de nous
ranger et de faire marche arrière? Et le ministre - je continue la
citation - va plus loin, il dit: Mais chaque fois que le gouvernement
fédéral recourra à un tel procédé, j'allais
dire à un pareil chantage... C'est lui qui dit ça... L'attitude
d'Ottawa, il la qualifie de chantage... l'équilibre de la
Confédération en sera de plus en plus faussé avec le
risque qu'un jour ça ne craque.
M. Laporte: C'est ça...
M. Talbot: Cela craquera, mais le gouvernement, par ses abdications,
pourra dire: Je suis complice du craquement. Et c'est ça. C'est ce qu'on
voudrait nous faire admettre. C'est cette théorie qu'on voudrait nous
faire sanctionner par notre vote. Remarquez-le bien avant cette citation, le
ministre avait dit: Je suis prêt à défendre la
théorie suivante. C'est là sa théorie. Ce n'est pas comme
M. Godbout; au moins, il pouvait dire que c'était un oubli par
distraction; mais le ministre actuel n'a aucune espèce d'excuse. Il sait
où cela le mène, il sait que c'est une violation de la
constitution, il sait que la loi d'Ottawa est une loi anticonstitutionnelle. Il
sait tout ça et, au lieu de s'occuper de la loi, de la faire tomber,
nous demande de la ratifier par notre vote et d'essayer de la rendre
constitutionnelle. Eh bien, M. le Président, je dis non, l'Union
Nationale ne s'abaissera pas à une pareille trahison...
M. Bellemare: C'est un raisonnement.
M. Talbot: L'Union Nationale... Le peuple du Québec sait
être attaché non pas verbalement, comme le premier ministre, mais
le peuple du Québec sait que le gouvernement de l'Union Nationale et
le
parti de l'Union Nationale ont prouvé par leurs actes que
l'autonomie de la province leur était chère, plus chère
que la prunelle de leurs yeux, et nous ne manquerons pas à cette
confiance que le peuple du Québec met en nous. Nous nous battrons,
sachant bien que nous allons être écrasés par le vote de la
majorité gouvernementale. Nous nous battrons, parce qu'il s'agit d'une
question de principe, parce qu'il s'agit d'un principe qui a aiguillé
toute notre vie politique. C'est pourquoi, M. le Président, je suis fier
de l'attitude qu'a prise le chef de l'Opposition, de l'attitude qu'ont prise
mes collègues et, avec eux, c'est avec plaisir que nous allons voter
pour cette loi.
M. Frank Hanley
M. Hanley: Mr. President, I would like to put this Parliament at ease
and state that I have four points. I will not take more than eight minutes to
express my opinion as to why, as a legislator of this Parliament, I should vote
for this Bill No 1, Mr. President.
It may be difficult for me, within my limited time, to keep within the
framework of this law. But I will do every effort, because the arguments
against this law have been arguments concerning the constitutional
controversies between a certain section of the Province of Québec and
the Central Government in Ottawa.
Therefore, first of all, I would like to bring to the attention of this
Parliament that this Bill No, 1 is not a "précédent" according to
the constitutional controversies that we have listened to during the debate of
this bill. Between now and 1967, the people of the Province of Québec
will have an opportunity to decide upon the constitutionnal controversies that
are going on between Québec and the Central Government. And until that
time, until the majority of the Province of Québec, the electors of
Québec decide, I think that we should recuperate every dollar from the
Central Government that is feasibly and practically possible.
Mr. President, as an example, during the years of 1950-1954, we could
have classified it as a controversial constitutional issue, when the Government
of the Province accepted an agreement with Ottawa and the city of
Montréal to demolish 1200 slums in the eastern section of the city and
rebuilt for 90% of French Canadians, new, proper homes, so that they will have
an opportunity of a new life.
Mr. President, another example is the demolition of another section of
the city of Montréal, another agreement between the present Government
and the Government of Ottawa, Radio-Canada and Montréal, where again in
a predominately French section of the city, the slums will be demolished and
the central bureaus of Radio-Canada and of television, a multi-million dollar
project, will be constructed within the city, and taxes will come into the city
of Montréal and not into the revenue of the city of Toronto, the second
controversial constitutional issue that could be arranged.
The third constitutional controversy that could be also discussed, Mr.
President, is that of fatalities on our highways within the boundaries of the
Province of Québec. Again the Government of Québec and the
Central Government agreed, in the best interests not only of the motorists of
the Province of Québec, not only of the pedestrians of the Province of
Québec, but in the interests of all motorists who are using our networks
of highways within our Province, to see to it that there should be an agreement
and that highways could be constructed with some financial assistance from
Ottawa, and our highways will be safe for motorists who are visiting our own
Province.
Mr President, my last issue before the people of the Province of
Québec will decide, and I am not sure that the majority of the Province
of Québec are against, as I have listened to within this Parliament, the
centralizers of Ottawa. It is only within the last twelve months that the
people of the Province of Québec elected the present Government to
Ottawa. Therefore, who are we, what member of this Parliament today can have an
opinion of all the majorities of the people of the Province of Québec
concerning this controversial issue?
Mr. President, until this issue is settled, we should advise every
resident within the Province of Québec who receives an old age pension
from Ottawa to return the pension to Ottawa. We should advise all the veterans
who fought in the first and second war, who receive some financial pensions
from Ottawa to return their pensions. If we did decide, we will be classified
as imbeciles...
M. Johnson: M. le Président, j'invoque le règlement. Je
sais bien que le député de Sainte-Anne, qui est un excellent
bilingue, va me comprendre. Il vient d'affirmer que, si nous étions
logiques, nous demanderions à Ottawa de retourner à Québec
la responsabilité sur les pensions. Il ne sait pas, je pense, M. le
Président...
M. le Président: Ce n'est pas cela qu'il a dit. Il a dit que les
gens, dans le public, devraient remettre les chèques qu'ils
reçoivent.
M. Johnson: Je sais que le député va m'être
très reconnaissant...
M. Hanley: Les Canadiens français du
Québec ne sont pas des imbéciles, ils vont refuser leurs
chèques d'Ottawa! Whoa, M. le Président, les Canadiens
français du Québec qui ont 70 ans et plus vont refuser leurs
chèques d'Ottawa?
M. Johnson: M. le Président, je sais que l'honorable
député de Sainte-Anne, qui descend d'une race fière,
jalouse de ses droits, voudrait bien comprendre que le premier ministre - et
cela va l'éclairer dans l'optique et dans l'option qu'il doit prendre
-vient de demander à Ottawa qu'on nous remette, au Québec, la
responsabilité...
Une voix: C'est un point de règlement.
Des voix: À l'ordre!
M. Johnson: ... entière des pensions de vieillesse en vertu d'une
lettre qui a été déposée ici et que l'honorable
député aurait dû lire.
M. Hanley: Mr. President, I think I have given four good reasons to this
Parliament why I should vote in favour of this bill. And I would like to say
without fear of contradiction, Mr President, that if the majority of the French
Canadian people of the Province of Québec, between now and 1967, were to
decide against Ottawa, then I will stand up behind them and back their
decisions.
Mr. President, in conclusion...
M. Bertrand (Missisquoi): Des séparatistes.
M. Hanley: Mr. President...
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Hanley: ... All of the members of this House had an opportunity,
during the last two days, of expressing their opinions. The member of St. Anne
never once interfered with and insulted any member. So, I think that
parliamentarians who want to give to the public who are within the confines of
this Parliament tonight an example of sincerity, should give every member an
opportunity to express his opinion without insult or interruptions.
Mr. President, under Bill No. 1, we are going to receive from the
Central Government $120,000,000 to be diverted into the treasuries of the
various municipalities, in order to give employment to our people. And we are
called upon, by 1966, when all of the projects shall be concluded, to pay back
to Ottawa, to the Bank of Canada, only $90,000,000 and we are going to receive
$120,000,000.
Mr. President, outside of a parliamentarian, as a businessman, if I
could make the same agreement with any financial institution that I could
borrow $120,000,000 and only repay $90,000,000 within three years, I think I
would be classified by the majority of the citizens of the Province of
Québec as a very good businessman. Therefore, I repeat: I believe I am
justified and I have not heard any argument on constitutional rights or
controversies that have not been accepted by all of the Parliaments that I have
sat with since 1948. And I do not think we should make an exception concerning
this bill until the electors of Québec stand up, make their choice
whether it be the State of Québec or the Dominion of Canada.
M. Armand Russell
M. Russell: M. le Président, vous me permettrez bien quelques
remarques, quoiqu'il en déplaise un peu au ministre; je crois que...
M. Laporte: Ah non!
M. Russell: ... tout le monde veut finir ce soir; probablement que tous
s'en iront chacun chez eux. Mais je m'en voudrais de ne pas exposer un peu le
point de vue des municipalités, étant moi-même un
administrateur municipal depuis quelques années et ayant, à
l'heure actuelle, à subir le sort que subissent plusieurs
municipalités dans le domaine financier. Je voudrais, pour être
bien compris, vous dire d'avance que je serai obligé, afin de parler du
bill no 1, de me référer au bill fédéral C-76; et
pour répondre un peu aux arguments qui sont invoqués sur le bill
no 1 ou de répondre au bill no 1, je serai aussi obligé de vous
parler des travaux d'hiver, des questions de chômage; et pour
répondre un peu au député de Sainte-Anne, parler des
pensions de vieillesse venant d'Ottawa.
M. le Président, je n'ai pas créé de
précédent. Le député de Sainte-Anne a bien voulu
embarquer sur ce terrain-là...
M. Laporte: Cela ne crée pas de précédent,
ça...
M. Russell: À moins que le ministre veuille prendre à sa
charge cette réplique lui-même.
M. Laporte: Je ne veux pas influencer...
M. Russell: Mais, par contre, je crois que je peux dire que le ministre
des Affaires municipales, à l'heure actuelle, est très conscient
du fardeau qu'ont à supporter les municipalités. Et je crois que
cette loi est un peu parente des autres lois, des autres ententes
fédérales qu'il y a eu dans le passé dans ce domaine
particulier; ce sera un
fardeau plus lourd encore pour les municipalités, étant
donné que ceci ne comprend pas des subventions, mais simplement un
prêt. Je ne connais pas encore, dans la province de Québec, de
municipalités qui soient rendues au point où elles ne peuvent pas
aller elles-mêmes sur le marché des obligations et chercher
l'argent dont elles ont besoin pour les travaux qu'elles ont à faire
suivant les besoins de la municipalité.
C'est donc dire que si nous acceptons cette loi, le ministre pourra
emprunter du gouvernement fédéral ou d'une commission, à
même un montant de $120,000,000 répartis sur trois ans à
venir, un montant pour orêter aux municipalités dont celles-ci
paieront les intérêts. On ne sait pas encore à quel taux
d'intérêt ce sera, je ne sais pas si ce sera au même taux
qu'on paie aujourd'hui, 5,5%, 5,75% ou 6%, mais je me demande où est
l'avantage. On parle d'un certain remboursement de 25% de 66%, mais, encore
là, je me demande de quelle façon les administrateurs municipaux
vont pouvoir se comprendre avec tous ces bureaucrates que nous avons à
l'heure actuelle à Ottawa.
Nous avons des plans conjoints signés à l'heure actuelle
dans le domaine des travaux d'hiver. Donc, nous avons fait époque, nous
en avons parlé longuement dans des sessions précédentes,
nous avons prétendu que c'était là une aide extraordinaire
pour les municipalités et je crois qu'en 1958, j'avais entendu le
premier ministre du temps dire que ce n'était pas là une aide aux
municipalités mais tout simplement un fardeau additionnel à leur
imposer en voulant leur faire accepter la responsabilité d'Ottawa de
vouloir enrayer le chômage dans les municipalités là
où Ottawa aurait dû embarquer pour supporter financièrement
ce fardeau. M. le Président, tous ceux qui ont en main l'administration
des affaires municipales savent aujourd'hui que tous les travaux d'hiver qui
ont été faits ont coûté plus cher aux
municipalités, de leurs propres deniers, ont coûté plus
cher aux contribuables, malgré les subventions qui sont venues du
prêt fédéral et du provincial, que cela leur aurait
coûté, s'ils avaient fait ces travaux dans les mois
d'été. Et je vois le ministre qui me fait des signes pour me
dire: C'est peut-être possible, pas tout à fait possible.
M. Laporte: Non, je voulais tout simplement demander aux
députés comment il se fait que cela augmente par des millions
chaque année.
M. Russell: Le ministre dit qu'on a donné des millions, c'est
facile de donner des millions, on dit des millions qui viennent d'Ottawa et
d'autres milions qui viennent de la province. Mais, lorsque ces millions sont
payés par les municipalités et qu'ils ne leur rapportent aucun
profit, en somme, cela veut dire ceci, et je vais essayer d'être assez
clair pour que le ministre puisse comprendre, parce qu'il n'est pas
administrateur d'une municipalité, il n'a peut-être pas suivi les
travaux sur les lieux pour pouvoir comprendre ce que veulent dire ces
subventions à ces travaux d'hiver, c'est que nous savons qu'à
l'heure actuelle des travaux d'aqueduc et d'égout dans une
municipalité, lorsqu'on parle de main-d'oeuvre et de coût de
main-d'oeuvre, cela représente de 15% à 20% du coût total
des travaux. Lorsqu'on perçoit une subvention de 90% ou qu'on
reçoit une subvention de 90% pour la main-d'oeuvre, ça veut dire
quoi? Qu'on reçoit 12% à 18% du coût total des travaux?
Lorsqu'on sait que les travaux faits en hiver coûtent de 20% à 30%
plus cher, selon les travaux, à la municipalité, quelle
économie pour les municipalités, si on a un fardeau additionnel
pour le contribuable pour pouvoir faire faire dans sa municipalité des
travaux dont elle a besoin, mais dans des temps choisis par Ottawa, pour que
ces députés puissent se vanter d'une politique pour enrayer le
chômage? Je crois que cette loi que nous avons devant nous aura le
même effet pour les municipalités et, si nous voulons aider les
municipalités, nous pourrions parler d'une subvention qui paiera une
partie des travaux, de la main-d'oeuvre et une partie du matériel qui
est utilisé pour des travaux spéciaux pour enrayer le
chômage, qui est la responsabilité, à mon sens, presque
totale du gouvernement fédéral.
M. Morissette: Vous recommandez ce que vous venez de condamner?
M. Russell: Pardon, je condamne ce que je viens de recommander?
M. Morissette: C'est-à-dire que vous recommandez
immédiatement ce que vous venez de condamner?
M. Johnson: Il dit que ce n'est pas suffisant.
M. Russell: Le député pourrait peut-être s'exliquer,
je ne l'ai pas entendu.
M. Morissette: Vous recommandez ce que vous venez de condamner?
M. Russell: C'est-à-dire que je recommande ce que je viens de
condamner. Je n'ai rien recommandé ce soir. J'ai simplement dit: Je
condamne à l'heure actuelle cette prétendue aide du
fédéral aux municipalités. C'est simplement un fardeau
additionnel pour le contribuable, M. le Président. Nous voyons à
l'heure actuelle que ce gouvernement, le gouvernement
fédéral,
veut se montrer le grand défenseur de toutes les
municipalités et qu'il vient de leur imposer une petite taxe
additionnelle sur la machinerie qu'ils achètent pour faire leurs
travaux.
M. le Président: À l'ordre!
M. Laporte: Oui, c'est un peu forcé sur les bords du bill.
M. Russell: Bien, ce n'est pas une taxe additionnelle qui a
été imposée, ce n'est pas un fardeau additionnel pour les
municipalités.
M. Laporte: On ne discute pas de cela ce soir.
Une voix: Il donne d'une main et il retire de l'autre.
M. Guillemette: C'est la même chose pour Hydro-Québec.
M. Russell: M. le Président, je ne comprends pas à l'heure
actuelle de quelle façon on pense, en cédant nos droits, à
Ottawa que nous allons aider d'une façon additionnelle les
municipalités. Payer intérêt sur de l'argent qui vient
d'Ottawa ou payer intérêt sur de l'argent qui est souscrit par
l'émission d'obligations du public, quelle est la différence?
Si nous voulons être sérieux, s'il s'agit simplement
d'argent, s'il y a des municipalités qui sont dans des situations telles
qu'elles ne peuvent plus emprunter sur le marché public, nous pouvons
créer ici à Québec une banque municipale ou un
crédit municipal; la province peut, elle, faire une émission
d'obligations pour se créer des fonds ou elle peut, par l'entremise de
la Banque du Canada, et c'est là le rôle de la Banque du Canada,
aider la province à créer un tel fonds. A ce moment-là, si
la province veut réellement aider les municipalités d'une
façon directe et si elle trouve que l'intérêt est trop
lourd pour le porter durant plusieurs années, elle pourrait payer 50%
aux municipalités, 50% de l'intérêt qu'elles auraient
à payer.
Et savez-vous, M. le Président si je prenais les chiffres qui
sont mis en question à l'heure actuelle, $120,000,000 répartis
sur trois ans, ce qui veut dire $40,000,000 par année. Si je prête
ces $40,000,000 aux municipalités de la province de Québec avec
remboursement sur 20 ans, cela veut dire un remboursement approximatif de
$4,000,000 -$2,000,000 d'intérêt et $2,000,000 de capital par
année. Et si la province voulait rembourser 50% de
l'intérêt, cela représenterait, $1,000,000 par année
pour aider les municipalités. Cela représenterait le même
montant que représente ce bill à l'heure actuelle ou ce montant
dont il est question et que nous voulons récupérer d'Ottawa.
Nous ne récupérons rien d'Ottawa. C'est notre argent qui
est à Ottawa, qui est prêté à la province et que la
province va nous reprêter.
Et pour quelle raison, nous, ce soir, voterions-nous la loi pour nous
prêter de l'argent à nous - même mais en passant par Ottawa
pour revenir à Québec et retourner dans les municipalités?
Je crois que c'est une façon indirecte de violer un domaine dans lequel
le fédéral n'a aucun droit. Est-ce que cela existe dans la
constitution, oui ou non? Je crois que le ministre des Affaires municipales, si
je comprends le contenu de la première partie de son discours, il a
très bien exprimé que le fédéral n'avait aucun
droit dans le domaine municipal et je ne comprends pas de quelle façon
il a pu se tourner la langue ou son crayon pour écrire la
dernière partie de son discours, pour essayer de nous demander de voter
ce soir cette loi qui est une violation de la Confédération et
des droits sacrés de la province de Québec.
M. le Président, si nous voulons aider les municipalités,
il y a plusieurs autres façons dont nous oouvons nous y prendre que
celle-là et je suis convaincu que le ministre des Affaires municipales
ne croit pas à cette solution. Il connaît la situation actuelle
des municipalités, il connaît leurs besoins, il sait que le peu
d'aide que cette loi va apporter va détruire beaucoup plus nos droits
qu'apporter le soulagement que nous voulons offrir aux municipalités.
D'abord, avec $40,000,000, si nous constatons que, dans la province de
Québec, le total des travaux c'est, en moyenne, $150,000,000 par
année, combien de municipalités aiderons-nous? La ville de
Montréal et la ville de Québec? Et que va-t-il arriver aux autres
petites municipalités? Peut-être à continuer avec les
subventions pour travaux d'hiver.
On prétend qu'on a aidé énormément les
petites municipalités rurales avec les travaux d'hiver. Je dis que c'est
encore là une farce. La plus grande partie des 75% prévus pour
les travaux d'hiver qui sont faits dans les petites municipalités ont
été faits dans le passé à même le budqet de
la voirie, à même de l'entretien. Aujourd'hui on le fait faire aux
municipalités durant les mois d'hiver, on compense cela avec de l'argent
venant prétendument du provincial et du fédéral, mais
aussi en laissant l'avantage à la municipalité d'en payer une
partie.
M. le Président, je ne veux pas prolonger indéfiniment le
débat, mais je crois que les municipalités ne trouvent pas une
solution à leur problème par cette loi, mais on va
peut-être essayer de leur faire comprendre que nous allons les aider,
mais lorsqu'elles verront la façon dont elles doivent
précéder, elles feront comme la
plupart l'on fait pour les travaux d'hiver, elles se
décourageront et laisseront tomber cette solution. Nous aurons encore
une loi, dont nous aurons fait état, dont le gouvernement
fédéral pourra se servir pour faire de la politique le provincial
aussi pourra se vanter d'aider les municipalités de cette façon,
mais je crois que c'est la façon la plus ingrate de vouloir apporter une
solution aux problèmes que nous avons à résoudre.
Je demande, ce soir, par votre entremise, M. le Président, au
ministre des Affaires municipales de regarder objectivement le problème
des municipalités et je lui demanderais de regarder les lois qui
existent aujourd'hui à Ottawa, qui veulent ou qui prétendent
aider les municipalités, et qui sont tout simplement une excuse pour
pouvoir s'ingérer dans le domaine municipal à l'heure
actuelle.
Je veux parler, M. le Président, de la loi de la
Société centrale d'hypothèques et le logement, qui permet
à certaines municipalités qui bâtissent un plan
d'épuration des eaux, de pouvoir emprunter de ces gens-là, mais
simplement si c'est construit suivant leur manière de le faire,
seulement leur manière de procéder. Il faut aller les voir
d'abord et voir leur manière de procéder et revenir à
Québec et dire: "Eh bien, à Ottawa, ils veulent avoir ça
de même"; et Québec accepte après tout, après Ottawa
et, après ça, on s'en vient poser à la municipalité
le fardeau de payer.
Et savez-vous quelle est la récompense? Une prétendue
subvention d'un sixième du coût des travaux, non, M. le
Président, non, d'un sixième du coût de l'usine, mais on
enlève tous les tuyaux autour, on a tout juste notre pauvre petite
usine, qui peut coûter peut-être encore $2,000,000, mais si l'usine
coûte encore $2,000,000, on sait que ça coûte près de
$1,000,000 à la municipalité et je crois que c'est encore
là une façon d'aveuqler le public et de surcharger les
municipalités et les contribuables par des lois qui répondent aux
besoins esentiels, aux besoins inévitables de certaines
municipalités et de certaines cités et villes.
Si nous voulons être sérieux, nous allons regarder
objectivement les villes qui ont besoin d'être aidées, nous allons
faire un inventaire et nous allons créer un fonds municipal ici, et,
s'il faut, le contrôler par un organisme spécial du Québec,
et là voir à le financer de cette façon, voir à ce
que les remboursements ne fassent suivant les moyens de chacune des
municipalités, non pas de surcharger certaines municipalités au
détriment d'autres municipalités et laisser certaines
municipalités se surcharqer après s'être laissé
aveugler par les lois telles que passées par Ottawa et par des
propagandistes qui ne sont pas dignes de prêcher la politique qu'ils
prêchent.
M. le Président, cette méthode de prêcher durant les
élections, d'amener des lois pour aider les municipalités et
après, les élections, de les oublier, je crois que c'est fini ce
tsmps-là.
On devrait reqarder objectivement et sérieusement s'il y a
possibilité d'apporter une loi qui peut aider les municipalités
plutôt que de parler aveuqlément comme nous l'avons vu depuis
quelques campaqnes électorales et de laisser sous-entendre que chacune
des municipalités sera aidée pour, après les
élections les oublier comme l'a fait le gouvernement actuel et comme l'a
fait le gouvernement fédéral afin de tout contrôler, de
finir d'accaparer le contrôle absolu dans le domaine municipal comme tous
les autres domaines qu'ils ont déjà à l'heure actuelle,
suivant leur manière et leur façon de procéder.
M. le Président, à l'heure actuelle, on a dit que la
fédération des maires avait demandé que nous acceptions ce
mode de orocéder d'Ottawa. Je peux vous dire que je n'ai pas eu
connaissance que la majorité des maires l'aient demandé, sauf la
Fédération canadienne des maires. Je crois que le
député de Saint-Jacques l'a dit hier ou ce matin, c'est l'infime
minorité des maires de la province de Québec, excepté
peut-être quelques-uns qui ne sont pas conscients du massacre, si nous
pouvons l'appeler ainsi, qui peut arriver dans le domaine de l'autonomie de la
province ou des droits de la province en acceptant cette loi.
Mais je crois, que, si chacun des maires était conscient, on
étudiait le dommage qui peut être fait par des lois comme
celles-là, il y aurait un recul de leurs demandes ou de leurs
désirs, car il faut tout de même comprendre que ces gens ne
reaardent pas d'où vient l'argent. Ils veulent l'avoir simplement pour
soulager leurs propres contribuables et pour compléter certains travaux
qui sont nécessaires.
Donc, je crois que le ministre des Affaires municipales, lui qui est
conscient du problème, lui qui connaît les droits provinciaux, qui
sait dans quels domaines ou combien loin le fédéral peut aller,
devrait les faire comprendre à tous les maires des municipalités
et devrait dès ce soir retirer cette loi et apporter une autre loi pour
créer un fonds municipal, un fonds du Québec, pour le
Québec, ou une banque municipale, si vous voulez. Mais je ne crois pas
que nous soyons obligés d'accepter $120,000,000 d'Ottawa pour pouvoir
nous gouverner dans la province de Québec, et surtout de la façon
que ceci est présenté.
Donc, M. le Président, je crois que la fédération
des maires est bien prête à coopérer, à aider le
ministre à soulager les municipalités et surtout de la
façon convenable pour toutes les municipalités de la province de
Québec; je suis certain que le
ministre étant conscient de sa responsabilité,
étant conscient des droit,, de la province de Québec, va retirer
son bill ce soir et va présenter un autre bill. Je suis certain aussi
que le premier ministre va le comprendre il va lui permettre de le faire.
Et si le premier ministre ne veut pas comprendre, s'il laisse simplement
les députés qui sont conscients du danger voter bien librement
sur cette loi sans leur imposer cette obligation de suivre la règle du
parti, la loi va tomber seule et, demain, si vous voulez, pour accepter la
formule qu'a proposée le député de Bellechasse, nous
pourrions siéger voter une autre loi pour créer un fonds
municipal et nous pourrions renoncer à cette indemnité de $100
pour demain.
Je sais que certains députés trouvent ça bien
drôle. Je sais que certains députés ne comprennent pas la
difficulté qui existe dans certaines municipalités, et je sais
que, pour certains députés, la question d'autonomie, c'est
secondaire, cela ne les regarde pas, les droits des provinces leur sont
indifférents, ils n'y ont jamais pensé ou ils ne l'ont jamais
compris. Ils ne l'ont jamais reqardé.
Mais je dis, M. le Président, que ce soit la province de
Québec ou la province d'Ontario ou n'importe quelle province, qu'il est
toujours mauvais que l'argent soit perçu par l'un et
dépensé par l'autre. C'est pour cette raison que je crois que le
gouvernement de Québec devrait accepter ses propres
responsabilités non pas simplement dans le domaine municipal mais dans
tous les autres domaines. Et surtout, comme en a fait mention le
député de Sainte-Anne, dans le domaine des pensions, je suis
d'accord.
On pourrait s'organiser avec nos pensions de vieillards ou autres si le
fédéral voulait se retirer du domaine de la taxation. Cela serait
facile. Ce n'est pas si compliqué que cela. Mais on s'est
embarqué il y a quelques années et on veut continuer à
s'immiscer dans les affaires des provinces, et il est malheureux que nous
voyions certains députés qui laissent passer l'esprit de parti
avant la question de leurs droits de la province qu'ils représentent.
Ils ne l'ont jamais compris et ils ne le comprendront jamais.
M. le Président, je termine. Je vois que le ministre
s'impatiente. Il voudrait donner sa réplique. Je suis certain qu'il va
le faire bien sagement. Il va être très peiné de continuer
dans cette voie où il s'est déjà engagé. Il va
terminer tristement, mais il est regrettable qu'il ait été
obligé de se laisser immoler pour pouvoir sauver les apparences
partisanes d'un gouvernement libéral à Ottawa et libéral
à Québec.
M. Pierre Laporte
M. Laporte: M. le Président...
M. Gabias: Les moutons sont tous revenus.
M. Laporte: Le "bêleux" aussi.
M. Gabias: Il sont tous revenus. Le "bêleux" reprend la
parole.
M. Laporte: On a l'impression, M. le Président, à entendre
les députés de l'Union Nationale qui ont adressé la parole
aujourd'hui, que c'était une charge non pas personnelle contre le
ministre des Affaires municipales, mais une tentative de laisser croire que le
ministre, dans cette Chambre, est obligé de se marcher sur le coeur pour
défendre ce projet de loi.
M. Gabias: Il n'en a pas, il n'en a pas, ce n'est pas possible. Voyons
donc! Qu'il aille voir s'il avait droit de
M. Laporte: Le ministre des Affaires municipales, a tenté pendant
toute la première partie de l'argumentation de dire combien la
première partie de sa thèse avait été excellente,
et cela a même évité au député de Missisquoi
de faire les mêmes recherches, a-t-il dit, et que, dans la
deuxième partie, on a vu le ministre, forcé par le premier
ministre de la province de Québec...
M. Johnson: C'est cela.
M. Laporte: ...venir défendre un bill.
M. Johnson: Oui, après...
M. Laporte: Écoutez, attendez, attendez la fin!
M. Gabias: C'est la meilleure partie de son discours.
M. Laporte: M. le Président je dis simplement que, compte tenu de
mon passé dans ce domaine - qui vaut n'importe quand celui de l'Union
Nationale - compte tenu des démarches qui ont été faites
par le Parti libéral à Ottawa, compte tenu des amendements qui
ont été apportés à la loi et compte tenu de la
façon intelligente avec laquelle il faut défendre la
constitution, pas simplement à grands coups de queule comme on en a
entendu aujourd'hui...
M. Gabias: Lui, c'est à coups de piastres; c'est à coups
de piastres que le député de Chambly...
M. Johnson: Je voudrais invoquer le règlement et demander au
ministre pour voiler la nudité de ses arguments, il a
employé un terme antiparlementaire, de retirer le mot "gueule",
qui ne convient par dans cette Chambre.
M. Laporte: Alors, M. le Président, je consens à retirer
la gueule à l'Union Nationale.
M. Gabias: M. le Président, le ministre, c'est à coups de
piastres, lui.
M. Laporte: La thèse que j'ai défendue lorsque j'ai fait
mon discours de deuxième lecture était écrite. Elle a
été transmise à la presse et, comme on a prétendu
que le ministre des Affaires municipales s'était contenté de
citer des extraits de journaux, je vais citer trois ou quatre phrases
essentielles de mon discours.
M. Gabias: Ce n'est pas parmis, ça, ce n'est pas permis.
M. Laporte: Non, c'est beaucoup trop pour ce que le député
peut endurer. J'ai dit: La thèse est la suivante: il est clair qu'en
matière de droit municipal l'autorité appartient exclusivement
aux gouvernements provinciaux. Là-dessus on est d'accord. Je l'ai dit.
Deuxièmement: "L'esprit et la lettre de la constitution s'opposent donc
clairement à l'entrée du gouvernement fédéral dans
un domaine de juridiction provinciale."
M. Johnson: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. Gabias: On a eu assez de l'entendre une fois.
M. Johnson: M. le Président, j'invoque le règlement.
Nous voulons collaborer pour que les travaux soient
expédiés raisonnablement et le ministre tue le temps en
répétant, à l'encontre du règlement, son discours
de deuxième lecture. Ce n'est pas de la nature d'une réplique du
tout, le ministre devrait le savoir.
M. Laporte: M. le Président, ce genre de collaboration, on n'en
n'a pas besoin. Deuxièmement, le chef de l'Opposition a employé
toute la première partie de son argumentation, ce qui n'était pas
dans son texte, à tenter de démolir mon discours en citant
seulement les parties qu'il voulait. Il est temps que je rétabllisse la
situation.
J'ai dit deux choses, M. le président: qu'il eût
été préférable qu'Ottawa n'entrât pas dans le
domaine municipal, je l'ai dit clairement. Et j'ai dit même que c'est
notre devoir de travailler inlassablement à l'en faire sortir. Mais les
autres provinces étant d'accord pour qu'il y entre; nous avions le
devoir de protéger au maximum les intérêts du Québec
sans priver les autres provinces de ce qu'elles désiraient.
Je ne répéterai pas les deux phrases que le
député de Chicoutimi et le député de Champlain ont
citées, mais je répéterai que c'est la base de mon
argumentation et que je suis prêt à les suivre dans toute la
province de Québec pour la défendre, parce que c'est le bon sens
même. Et lorsque le député de Chicoutimi ajoute,
après avoir cité mes deux phrases...
M. Johnson: Il est plus brave que le ministre de la Jeunesse.
M. Laporte: M. le Président, le chef de l'Opposition a tous les
droits, sauf celui de faire mon discours...
M. Johnson: Non, non, mais, M. le Président, je faisais un
compliment au ministre en disant qu'il est plus brave que le ministre de la
Jeunesse.
M. Laporte: Et à cela le député de Chicoutimi
disait: "Mais, que devient alors la constitution, si on déclare que,
chaque fois que le gouvernement fédéral se conduira comme il l'a
fait, ce sera le devoir des administrateurs de l'État du Québec
de tirer le meilleur parti possible de la situation, pour éviter le
pire, et pour éviter que les citoyens québécois continuent
d'être taxés au profit des autres provinces."
Qu'est-ce que devient la constitution? Il s'agit simplement d'avoir
l'intelligence de la défendre de façon à faire progresser
nos affaires et non pas de façon négative, comme l'Union
Nationale l'a fait pendant seize ans.
J'ai tiré deux conclusions:
La première, c'est que nous devons continuer à combattre
l'intrusion fédérale, même amoindrie, dans le domaine
municipal. Le cheval de Troie dont a parlé à juste titre le chef
de notre gouvernement devra être progresivement chassé de notre
territoire.
Deuxièmement, et c'est aussi essentiel que l'autre, la province
de Québec devra se faire un devoir, comme c'est actuellement le cas,
d'accepter complètement et efficacement tout le domaine qui lui est
concédé par la constitution. Si l'Union Nationale l'avait fait
dans le passé, si, au lieu de se lever hier, le député de
Saint-Jacques et, aujourd'hui, le député de Missisquoi, si le
député de Shefford, qui vient de parler, au lieu de dire: "Le
gouvernement devrait créer une banque, un service de prêts aux
municipalités", si cela avait été fait au cours des seize
années de l'Union Nationale, peut-être aurions-nous eu un argument
décisif pour aller à Ottawa nous opposer à la loi qui est
venue.
Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir...
M. Gabias: C'est effarant:
M. Laporte: Oui, c'est effarant, M. le Président, parce qu'il n'y
avait aucun rapport sur ce sujet-là. Il n'y avait aucune étude
sur ce sujet-là. Nous n'avons rien trouvé.
M. Gabias: Le rapport Tremblay?
M. Laporte: M. le Président, est-ce que le député
de Trois-Rivières est malade?
M. Gabias: Oui.
M. Laporte: Bien, ça paraît. Cela paraît qu'il est
malade.
M. Gabias: M. le Président, le député de Chambly
m'a posé une question. C'est vrai...
M. Laporte: Bon, qu'il aille donc se coucher, s'il est malade.
M. Gabias: C'est vrai, M. le Président, que je suis malade
d'entendre un tel langage de la part du ministre des Affaires municipales.
M. le Président: À l'ordre, messieurs! Je crois que le
député de Trois-Rivières et les autres
députés pourraient laisser parler le député qui a
la parole sans faire des interventions. Il y a eu des interventions de part et
d'autre aujourd'hui. Je crois que le ministre, en donnant son droit de
réplique, pourrait le faire sans interruption.
M. Gabias: L'exemple nous entraîne, M. le Président.
M. Laporte: Je dis que lorsque nous sommes arrivés au
ministère des Affaires municipales, nous n'avons absolument rien
trouvé, dans ce domaine du crédit aux municipalités,
aucune étude, aucun rapport, absolument rien et il a fallu créer
un comité d'étude parce que c'est facile pour les
députés de se lever: On devrait passer une loi demain pour
créer un crédit communal.
M. Johnson: Le député de Saint-Maurice n'a rien fait
pendant deux ans.
M. Laporte: M. le Président, ce qui s'est fait au
ministère des Affaires municipales sous le député de
Saint-Maurice et sous le député d'Abitibi, nous allons en parler
dans quelques minutes. Soyez patients et soyez prudents. M. le
Président, nous sommes donc d'accord qu'il s'agit d'une intrusion
partielle du gouvernement fédéral dans un domaine
réservé aux municipalités. Je pense que point n'est besoin
de le répéter davantage. C'est a partir de ce moment-là,
dit l'Opposition, qu'elle se sépare de ma thèse. On va
l'examiner.
Est-ce qu'il fallait aller à Ottawa et dire simplement "non".
Est-ce qu'il fallait simplement aller mener la guerre à Ottawa et
revenir sans aucun résultat pratique? Je pose la question: Qu'est-ce que
ça aurait réglé? Est-ce que cela aurait
réglé le problème constitutionnel que soulève
actuellement l'Opposition? Ce n'est certainement pas en coupant les ponts, ce
n'est certainement pas en cessant brutalement les discussions, lorsque cela
n'est pas absolument nécessaire, qu'on va obtenir gain de cause dans les
choses que nous avons à défendre.
Deuxièmement, M. le Président, sans notre intervention
à Ottawa, est-ce que l'Opposition est d'avis que la loi n'aurait pas
été votée quand même? Si nous avions simplement dit
non à Ottawa, nous aurions eu le bill C-76 tel que déposé
en première lecture, et l'entorse à la
Confédération aurait été fatale. Tout ce qui a
été gagné, c'est nous qui l'avons gagné à
Ottawa.
Des voix: Oh, oh!...
M. Laporte: Et, il y a plus que ça, M. le Président: si la
loi avait été inscrite dans les statuts telle qu'elle a
été déposée, c'est-à-dire que si nous avions
simplement dit non, c'eût été un précédent
extrêmement dangereux en droit constitutionnel et cette
référence à la Cour suprême dont parlait le
député de Chicoutimi, je me demande s'il est prêt à
se lever ce soir pour suggérer qu'une loi comme celle-là soit
référée devant la Cour suprême telle que
constituée actuellement, avec le danger que je dois...
M. Talbot: Oui.
M. Gabias: Inconstitutionnel.
M. Laporte: Mais moi, je ne suis pas pour en prendre et rester
là, M. le Président, parce qu'à ce moment-là, vous
aurez un jugement qui fera loi au Canada...
M. Gabias: Bien, voyons donc!
M. Laporte: ... et on sait que certains jugements peuvent avoir comme
conséquence de changer la constitution.
Qu'est-ce que le député de Champlain connaît dans
ça?
M. Bellemare: Il y a une chose que le député de Champlain
a, il a du coeur, il a du coeur!
M. Laporte: Je comprends que le député sait compter les
mots, mais qu'il n'abuse donc pas des mots.
M. Bellemare: Des quoi?
M. Laporte: Des mots. 4782 mots dans un discours.
M. Bellemare: 4071.
M. Laporte: 4071. Cela va ramener le sourire, j'aime mieux
ça.
M. le Président, si nous avions simplement dit non, cela ne
réglait pas le problème constitutionnel, pas du tout, cela
l'aggravait.
Deuxièmement, ça ne réglait pas le problème
des municipalités et là je suis partagé entre deux
opinions exprimées par l'Opposition, celle du très brillant
député de Trois-Rivières, qui a dit: "Les
municipalités de la province de Québec ont tellement de coeur,
sont tellement autonomistes qu'il n'y en a pas une qui va emprunter..."
M. Gabias: M. le Président, je soulève un point d'ordre,
ce que j'ai dit n'est pas ce que le ministre vient de
répéter....
M. Laporte: Comment, c'était encore pire que ça?
M. Gabias: Ce que j'ai dit, ce sont les paroles suivantes: j'ai dit que
j'espérais que les municipalités ne se serviraient pas de ce que
le bill no 1 veut leur accorder; c'est cela que j'ai dit.
M. Laporte: C'est ça. Est-ce que je peux me permettre d'ajouter
que le député de Trois-Rivières a certainement rendu
hommage à l'autonornisme foncier des municipalités en disant
qu'elles n'accepteraient pas d'emprunter à ce fonds-là?
M. Gabias: Comme elles l'ont fait de 1958 à 1960, tel que le
ministre l'a dit et tel que l'ancien ministre l'a dit.
M. Laporte: Très bien. Alors, si je comprends bien le
député de Trois-Rivières, les municipalités
n'emprunteront pas. Puis le député de Shefford vient de dire, il
y a cinq minutes: Les municipalités, ça ne les inquiète
pas d'où viennent les fonds, du moment qu'il y en a."
M. Gabias: Ce n'est pas ce qu'il a dit. Bien, voyons donc!
M. Laporte: C'est ça qui nous inquiète, M. le
Président, ça n'aurait pas réglé le problème
des municipalités qui ont besoin d'argent et qui seraient allées
l'emprunter directement d'Ottawa, ça ne réglait pas ce
problème-là.
M. Gabias: Cela ne le règle pas non plus, cela ne règle
pas le problème.
M. Laporte: Les municipalités vont avoir...
M. le Président, je constate une fois de plus que le
député de Trois-Rivières, je le regrette, n'a rien
compris.
M. Russell: M. le Président, est-ce que les municipalités
pourront aller directement à Ottawa?
M. Laporte: Non.
M. Russell: Non? Mais si la loi était votée, elles
pourraient y aller sans le demander à Québec?
M. Laporte: En vertu de la loi de 1958, oui. En vertu du bill tel que
déposé à Ottawa, oui. En vertu des amendements qu'on a
obtenus, non.
M. Gabias: Ce n'est pas vrai.
M. Russell: M. le Président, est-ce que le ministre des Affaires
municipales affirme que s'il n'y avait pas eu d'amendements à la loi
d'Ottawa, au bill C-76, une municipalité aurait pu aller emprunter
directement à Ottawa sans obtenir la permission de Québec?
M. Laporte: C'est simple, Ottawa prêtait directement aux
municipalités, ç'a été dit clairement. Avec les
amendements que nous avons obtenus... Le député de Shefford
connaît ça, la Commission municipale?
M. Russell: Oui.
M. Laporte: C'est la Commision municipale qui va prêter. C'est la
Commision municipale de Québec qui va prêter. Est-ce que c'est
québécois, ça? C'est nous qui avons obtenu ça
à Ottawa.
M. Russell: M. le Président, est-ce que le ministre des Affaires
municipales me permettrait une question?
La différence, c'est ceci: à l'heure actuelle, n'importe
quelle municipalité peut emprunter suivant ses besoins, à
condition qu'elle obtienne au préalable la permission de la Commission
municipale à Québec. Et cela aurait été la
même chose pour un prêt du fédéral, de la Banque du
Canada ou tout autre prêt. C'est ça qui est la loi.
M. Laporte: Faudrait pas mêler trop, trop.
M. Russell: Non, c'est ça qu'il ne faut pas mêler.
M. Laporte: Actuellement, les municipalités, c'est clair,
lorsqu'elles veulent
emprunter sans s'occuper de la loi fédérale, sans
s'occuper de ce qu'on adopte ce soir, doivent passer par la Commission
municipale. Cela, c'est entendu, tout le monde le sait. Toutes les
municipalités le font. Deuxièmement, en vertu de la loi d'Ottawa,
elles pourraient emprunter directement d'Ottawa.
M. Johnson: Elle n'est pas en vigueur.
M. Laporte: Que le chef de l'Opposition ne joue pas sur les mots. On
n'en est pas à se demander si, à dix heures moins deux, elle est
en vigueur.
M. Johnson: Elle n'est pas en vigueur.
M. Laporte: On est à étudier la situation qui serait
créée par cette loi-là, elle va finir par être
proclamée.
M. Johnson: Elle n'est pas en vigueur. M. le Président: À
l'ordre, messieurs!
M. Lafontaine: Le ministre a le cordon mêlé. La loi n'est
pas encore en vigueur.
M. Laporte: C'est d'autant plus inquiétant qu'en dépit de
ce qu'a dit le député de Shefford, cette loi aurait incité
les municipalités à aller à Ottawa, nous avons eu raison
d'insister pour qu'elles empruntent de Québec parce que ça va
être des prêts extrêmement avantageux.
M. Johnson: Premièrement, elles n'auront pas le problème
de la vente des obligations, elles ont un marché tout trouvé,
c'est la province de Québec.
M. Johnson: Pour la balance.
M. Laporte: Bien oui, la balance.
M. Johnson: 40%, 50%
M. Laporte: Je parle de deux tiers sur trois tiers. Bien, si le chef de
l'Opposition n'a pas lu la loi, il peut s'absenter quelques instants.
M. Johnson: M. le Président, j'ai lu la loi, je la connais et ce
n'est pas 66% du coût, tel qu'établi en vertu des
règlements d'Ottawa.
M. Laporte: Cela, c'est tout simplement encore du patinage de
fantaisie.
M. Johnson: Non, non.
M. Laporte: Il s'agit de 66 2/3% d'un prix à être
établi d'un commun accord entre les deux.
M. Gabias: Non, ce n'est pas ça. Dites donc la
vérité pour une fois.
M. Laporte: M. le Président, les municipalités qui
obtiendront des prêts n'auront pas de problème de vente pour la
partie du prêt.
Deuxièmement, elles vont vendre au pair, ce qui est un avantage,
il n'y aura pas d'escompte.
Et, troisièmement, et c'est là l'erreur profonde du
député de Shefford, si les travaux sont terminés avant le
31 mars 1966, il y aura une subvention de 25% du prêt qui équivaut
approximativement à 16 2/3% de subvention sur l'ensemble des travaux.
Cela, c'est avantageux.
M. Bellemare: Cela, c'est l'autonomie.
M. Laporte: Ce n'est pas l'autonomie, c'est le progrès de nos
municipalités pour pouvoir se développer chez nous. Et,.
troisièmement, ça n'aurait réglé ni le
problème constitutionnel, ni le problème des municipalités
qui seraient allées à Ottawa comme le permettait la loi
votée par le député de Champlain, le grand
autonomiste.
M. Johnson: Non, non.
M. Laporte: Et ça n'aurait pas réglé...
M. Johnson: Non, non.
M. Laporte: Cela n'aurait pas préparé l'atmosphère
pour une conférence infiniment plus importante et qui va avoir lieu cet
automne. Les relations sont bonnes, la fiscalité va se discuter à
l'automne et toute la province de Québec est extrêmement confiante
que cette démarche sera faite par le chef du gouvernement au cours des
prochains mois.
Je répète, M. le Président, que dire "non" à
Ottawa, c'est parfois nécessaire mais qu'il faut l'éviter chaque
fois que c'est possible. Et, dans le cas actuel,...
M. Gabias: Vous n'avez jamais dit ça.
M. Laporte: ...lorsque le chef de l'Opposition propose que nous
imposions un impôt dans la province de Québec pour créer un
fonds Municipal, par exemple, c'est une des plus grandes erreurs qu'il peut
commettre, à moins qu'il ne souhaite, comme c'est le cas pour les
Canadiens français, pour créer un fonds municipal, par exemple,
c'est une des plus grandes erreurs qu'il peut commettre, à moins qu'il
ne souhaite, comme c'est le cas pour les Canadiens français à
Maillardville, que nous décidions d'imposer à toutes les
municipalités, à tous les citoyens du Québec, double
taxation: taxe pour se créer un fonds ici et taxe pour faire vivre
les autres provinces du Canada.
Qu'est-ce que ç'a donné, M. le Président, les cinq
années au cours desquelles l'Union Nationale s'est contentée de
dire non pour ne pas citer deux ou trois cas?
M. Lafontaine: Vous n'avez pas toujours été de cet
avis-là.
M. Laporte: La Transcanadienne, par exemple, elle s'y est opposée
. ec la dernière véhémence, pendant des années,
alors que la route se développait ailleurs dans le pays.
M. Johnson: M. le Président, j'invoque le règlement. Voici
que le ministre, dans son droit de réplique sort des faits nouveaux dont
il n'a pas été question, il fait des affirmations qui vont
appeler de la part de l'Opposition au moins des mises au point et nous allons
encore faire rebondir le débat. Je crois que le ministre devrait se
limiter dans sa réplique à ce que le règlement
demande.
M. le Présidents J'ai l'impression que le débat a fait le
tour depuis vers les 1800 jusqu'à 1963. J'ai essayé...
À l'ordre, messieurs!
M. Johnson: Depuis 1760.
M. le Président: ...j'ai essayé de suggérer aux
députés des deux côtés, d'essayer de revenir, de
discuter du principe du bill no 1 qui est devant la Chambre. Mais me demander,
à cette étape des procédures, de limiter le ministre qui
parraine le bill au cours de sa réplique, je ne peux pas le faire. Ce
serait me demander un jugement dont je ne suis absolument pas capable de
porter.
M. Laporte: Je dis que le refus pendant des années d'accepter les
subventions fédérales pour la construction de la Transcanadienne
a occasionné à la province de Québec, dans son
développement, un retard considérable. Et comment est-ce que
ça s'est terminé quand un nouveau chef, un nouveau premier
ministre de l'Union Nationale a été désigné? Il a
dit à un journaliste, et ç'a été publié noir
sur blanc: "Dans l'affaire de la Transcanadienne, il s'agit non pas d'une
question de principe, mais strictement d'une question de piastres et de sous et
nous allons négocier."
Nous avons eu un retard avec ce "non", un retard d'années et
d'années, absolument inutile et sans raison.
M. Gabias: C'était dans le Devoir.
M. Laporte: L'assurance-santé: nous avons refusé ou
néqligé d'intervenir pendant des années avec la
conséquence que des familles sans nombre dans la province de
Québec ont été taxées au profit du reste du
Canada et se sont endettées quand la maladie les a frappées.
Et je voudrais parler en troisième lieu...
M. Gabias: Vous avez élevé le impôts pour
ça.
M. Laporte: Je voudrais parler de l'accord Barrette-Fleming et je pense
qu'il en a été assez question dans cette Chambre pour qu'on
admette que, dans ma réplique, j'aie le droit d'intervenir.
Est-ce qu'on a accepté, oui ou non, des conditions? Le grand
reproche que l'on nous fait actuellement dans l'étude du bill, c'est
d'accepter des conditions fédérales. Est-ce qu'on a
accepté, oui ou non, des conditions dans l'accord Barrette-Fleming?
M. le Président, j'ai ici en main le Hansard. J'ai en main un
texte de Me Noël Dorion, c.r., député de Bellechasse,
discours qu'il a fait à la Chambre des communes justement pour expliquer
l'entente Barrette-Fleming et je lis le paragraphe suivant: "La condition
essentielle...
M. Gabias: Oui, mais ce n'est pas dans le temps de l'Union Nationale,
ça.
M. Laporte: "...pour tirer avantage de cette nouvelle méthode,
c'est que la province qui veut y avoir recours ait, suivant l'opinion du
ministre - ça, c'est le ministre fédéral -fait des
arrangements satisfaisants pour verser à ces maisons d'enseignement
supérieur au moins l'équivalent des sommes qu'elles auraient
percues si elles avaient tiré parti de la méthode actuellement en
vigueur. En d'autres termes, il faudra que la province s'acquitte
véritablement de ses obligations à l'endroit de nos
universités."
M. le Président, nous avons, pendant des années,
laissé accumuler un fonds pour les universités, partiellement en
exerçant des influences sur les universités pour qu'elles
n'acceptent pas. Lorsque le fonds a été assez
considérable, lorsque les pressions sont devenues absolument
intolérables, on a trouvé une formule - formule acceptable - mais
qui comportait, comme c'est le cas du bill que nous étudions
actuellement, des conditions.
M. Johnson: M. le Président, j'invoque le règlement. Le
ministre, jusqu'à maintenant, nous a apporté comme seule preuve
de son avancé l'opinion d'un avocat distingué, mais il y a des
statuts de la province qui ont été votés librement et qui
ne contiennent pas cette condition humiliante qu'il faut suivre des
instructions d'Ottawa, comme le présent bill le demande, le bill
C-76.
M. Lesage: Parlant sur le point de
règlement du chef de l'Opposition, je voudrais bien lui rappeler
ce que j'ai dit lors de mon intervention et lui rappeler la loi
fédérale 8-9, Elizabeth Il, chapitre 2-b: "Une province
désignée...
M. Johnson: Vous avez lu ça hier.
M. Lesage: Oui, mais qu'on ne vienne pas dire, par exemple, que nous
nous sommes servis seulement de la déclaration de M. Dorion...
M. Johnson: Ce n'est pas une loi de la province, ça. C'est une
loi d'Ottawa.
M. Lesage: Mais c'est une loi...
M. Johnson: Elle ne nous lie pas.
M. Lesage: M. le Président, est-ce que nous allons recommencer le
débat d'hier...
M. Johnson: Non, M. le Président.
M. Lesage: ...et dire qu'elle lie la province...
M. Johnson: Non.
M. Lesage: ...quand le gouvernement provincial de l'Union Nationale
déclare qu'il a récupéré? Le chef de l'Opposition a
admis, hier, que s'il n'acceptait pas les conditions...
M. Johnson: Ce n'est pas moi. Non, M. le Président...
M. Lesage: Le chef de l'Union Nationale a admis que si le gouvernement
provincial...
M. Johnson: Ce n'est pas exact.
M. Lesage: ...est-ce que je puis finir?
M. Johnson: Excusez.
M. Lesage: ...que si le gouvernement provincial n'acceptait pas les
conditions et qu'il n'y avait plus récupération, il y avait
double taxation. C'est clair. Il y a récupération à
condition que le gouvernement provincial suive les prescriptions du statut
fédéral. Le chef de l'Opposition l'a admis hier.
M. Johnson: M. le Président, le premier ministre...
M. le Président: Sur le point de règlement...
M. Johnson: M. le Président...
M. le Président: C'est le chef de l'Opposition qui a
soulevé un point de règlement ou qui a fait un discours en
soulevant un point de règlement. Le premier ministre a répondu en
disant qu'il parlait sur le point de règlement. Le chef de l'Opposition
n'a pas le droit de parler une deuxième fois sur le point de
règlement. C'est le ministre des Affaires municipales qui exerce son
droit de réplique.
M. Bertrand (Missisquoi): M. le Président, si le chef de
l'Opposition n'a pas le droit de parler, je vais parler, moi.
M. le Président: Oui, mais la décision que je devrais
rendre, c'est qu'il n'y a pas de point de règlement.
M. Bertrand (Missisquoi): Alors, il y a eu un discours sur...
M. le Président: C'est le ministre des Affaires municipales qui
exerce son droit de réplique. Le chef de l'Opposition a voulu faire une
intervention. Il l'a faite. Le premier ministre a répondu. Je crois
qu'on pourrait laisser le ministre des Affaires municipales...
M. Laporte: M. le Président, au sujet de ces ententes
fédérales-provinciales, on a cité "Relations" tout
à l'heure au sujet de notre bill actuel. Voici ce que disait
"Relations". C'est intitulé "La nouvelle formule d'aide
fédérale aux universités. Le principe de l'aide
fédérale aux universités une fois réaffirmé,
le mode de versement des subventions demeure tout naturellement soumis aux
conditions qu'Ottawa lui-même..."
M. Gosselin: C'est le président qui l'a dit lui-même...
M. Johnson: Il ne fait pas mal ce texte-là. Il est très
bien.
M. Laporte: "...le mode de versement des subventions demeure..."
M. Lafontaine: Il se fait mal lui-même.
M. Laporte: "...Le mode de versement des subventions demeure tout
naturellement soumis aux conditions qu'Ottawa lui-même va imposer. Car,
selon la nouvelle formule, c'est le..."
M. Johnson: Non!
M. Laporte: "...gouvernement fédéral qui détermine,
premièrement, le montant alloué, l'équivalent de $1.50 par
tête; deuxièmement, le genre de taxe, 1% du produit de
l'impôt sur le revenu des sociétés dans la province;
troisièmement, l'emploi de la somme ainsi perçue des
subventions
supplémentaires aux universités de la province."
Tout ceci pour dire, M. le Président, et je veux en venir...
M. Johnson: Lisez donc en bas.
M. Laporte: Ah bien, si vous voulez que je continue, vous n'aimerez pas
ça.
M. Johnson: Dernier paragraphe.
M. Laporte: "Ottawa agit, en somme, comme si l'instruction au
deqré universitaire était de sa compétence..."
M. Johnson: Dernier paragraphe...
M. Laporte: Oui j'allais justement à ce paragraphe...
M. Gabias: Allez-y!
M. Laporte: Je veux simplement dire que "Relations" conclut que, dans
les circonstances, c'était un accord acceptable, parce qu'il y avait des
conditions.
M. Gabias: Mais oui, si vous voulez que cela se prolonge.
On n'est pas pressé, on n'est pas pressé! Lisez!
M. Laporte: Alors, je veux simplement, M. le Président, appliquer
toute ce que je vais maintenant lire au débat d'aujourd'hui. Vous
insistez pour que je le lise, je vais le lire.
M. Gabias: Allez-y!
M. Laporte: "Est-ce à dire que la province de Québec doive
refuser cette offre? Est-ce à dire que la province de Québec doit
refuser l'offre de prêts aux municipalités?..."
M. Gabias: Non, non, ce n'est pas cela que ça dit.
M. Laporte: Oui...
M. Gabias: Ce n'est pas ce que cela dit. Il n'a pas le droit, il n'a pas
le droit.
M. Laporte: M. le Président, si le député de
Trois-Rivières continue, je ne le lirai pas.
M. Gabias: Ah! quelle affaire! Lisez, mais lisez
intégralement...
M. Johnson: Il va nous punir... frère directeur... Ne lisez
pas.
M. Laporte: M. le Président, Relations dit qu'"en dépit
des conditions, étant donné que c'est une entente raisonnable, le
gouvernement était justifié de l'accepter."
M. Gabias: Non, non, non.
M. Laporte: C'est cela que Relations dit, et je dis qu'étant
donné l'entente que nous avons discutée à Ottawa,
étant donné que nous avons gagné que la province seule
accorde les prêts aux municipalités, que la province seule accorde
des subventions, que la province seule décide quels travaux seront
admissibles et que la province recevra sa part dans la
Confédération, nous avons raison: c'est une entente
acceptable.
M. le Président, quand on pense que l'Union Nationale a
laissé entendre qu'elle voterait contre cela, qu'elle voterait contre ce
qu'elle appelle un accroc effroyable à la Confédération!
C'est la Commission municipale qui va prêter aux municipalités,
alors que le même parti politique, en 1958, a adopté une loi
permettant à toutes les corporations d'accepter une subvention directe
du gouvernement fédéral.
M. Duplessis - c'était pressé à ce moment - M.
Duplessis, dit le Soleil, révèle qu'il a demandé au
ministre des Affaires municipales, l'honorable Paul Dozois, au sous-ministre
des Affaires municipales et au sous-ministre du Travail de se rendre à
Ottawa pour obtenir la liste complète des travaux qui pourraient
être considérés comme remédiateurs au chômage.
Les deux sous-ministres, poursuit l'article, sont partis dès hier pour
Ottawa."
Ils sont allés se mettre à genoux à Ottawa, M. le
Président!
M. Gabias: Ce n'est pas ce que cela dit, ce n'est pas ce que cela
dit.
M. Laporte: "M. Duplessis a déclaré que son intention, en
pressant l'adoption de cette loi...
M. Gabias: Ce n'est pas honnête, cela...
M. Laporte: ...provient du fait qu'il importe de permettre rapidement
aux municipalités de profiter de l'offre du gouvernement d'Ottawa sur
les travaux de chômage. Le gouvernement fédéral offre de
payer 50% du coût de la main-d'oeuvre. "Une subvention directe!"
Pressés d'aller à Ottawa, ministre, sous-ministres rendus
à Ottawa, ils ont tous éliminé la procédure, seule
l'approbation du ministre des Affaires municipales et de la commission, par
résolution plutôt que par règlement, afin que ça se
fasse plus vite...
M. Gabias: Pour s'enquérir...
M. Laporte: Ce sont ces gens, M. le
Président, qui, aujourd'hui, alors que nous proposons une loi
singulièrement améliorée, alors que c'est la province de
Québec qui va l'administrer, alors que c'est la Commission municipale
qui va accorder les prêts, ces gens viennent faire la bouche fine et
disent: "C'est un accroc effroyable, nous allons voter contre."
M. Gabias: Certainement...
M. Laporte: M. le Président, en 1958, le Parti libéral a
voté pour cette loi. En 1963, le Parti libéral se
présentant avec une loi considérablement améliorée,
protégeant infiniment plus l'autonomie provinciale, il est dans la
logique des choses que le parti vote pour et c'est ce que nous allons
faire.
M. le Président, il me reste en terminant...
M. Gabias: Est-ce que le ministre me permettrait une question?
M. Laporte: Je ne permets rien, je ne permets rien...
M. Gabias: Un autre qui n'aime pas le dialogue... deux ministres qui
n'aiment pas le dialogue. Ce n'est pas pire.
M. Laporte: M. le Président, je tire les mêmes conclusions
qu'à la fin de mon premier discours. L'entente que nous faisons
écarte l'invasion directe du gouvernement fédéral.
M. Johnson: Dispense...
M. Laporte: Deuxièmement, la formule d'option est élargie,
ce qui est une victoire majeure.
Troisièmement, de plus en plus, le gouvernement
fédéral et les autres provinces reconnaissent que Québec
n'est pas une province comme les autres.
Quatrièmement, la preuve est faite que l'on peut satisfaire les
aspirations du Québec, sans priver les autres provinces de ce qu'elles
désirent et il est devenu clair que le gouvernement
fédéral n'agira plus unilatéralement.
M. le Président, on nous a critiqués. L'Union Nationale a
prétendu que nous avions capitulé devant Ottawa. Le chef
fédéral du député de Trois-Rivières a
prétendu exactement le contraire: "Liberal Government has surrendered to
Provinces", says Mr. Diefenbaker. Il a dit cela à la Chambre des
Communes.
M. Gabias: M. le Président, tel qu'il a été
établi dans cette Chambre, j'ai le droit de rectifier une
déclaration fausse du ministre des Affaires municipales. Jamais
l'honorable Diefenbaker n'a été mon chef politique. Jamais!
Des voix: Ah, ah, ah!
M. Lesage: Et le coq chanta trois fois;
M. Gabias: M. le Président, je comprends que le premier ministre
faisait allusion à son Procureur général;
M. Laporte: C'est un point de règlement, M. le Président.
Il y a des limites!
M. Gabias: Je le répète, M. le Président, j'ai le
droit de rectifier la vérité, j'ai dit et je répète
que jamais je n'ai adhéré à la politique...
M. Lesage: Deux fois...
M. Gabias: Et trois fois, si vous voulez. Jamais je n'ai
adhéré à la politique du Parti conservateur.
M. Lafontaine: Quand c'est le premier ministre qui donne l'exemple du
désordre, vous le laissez faire...
M. le Président: À l'ordre, messieurs! Je comprends que le
député de Trois-Rivières voudrait nier qu'il faisait
partie du Parti conservateur fédéral.
M. Gabias: Je ne veux pas, je nie. M. le Président: J'ai bien
compris.
M. Gabias: J'ai le droit, M. le Président, de terminer une
rectification.
M. le Président: À l'ordre, messieurs! Le
député de Trois-Rivières a fait sa correction et c'est le
ministre des Affaires municipales qui a la parole.
M. Gabias: Alors, qu'il retire ce qu'il a dit. J'ai droit à une
rectification.
M. le Président: À l'ordre, messieurs;
M. Laporte: M. le Président, je orends note de la
déclaration du député de Trois-Rivières. Premier
coq: Harkness; deuxième coq: Sévigny; troisième coq:
Trois-Rivières.
M. Gabias: M. le Président, je comprends que le ministre des
Affaires municipales s'y comprend, lui, en renonciations, lui qui a
été indépendant, lui qui a été de l'Union
Nationale, lui qui a été de tous les partis, même
libéral indépendant, et, aujourd'hui, il veut que je chante le
coq, M. le Président. C'est lui qui a renié ses appartenances
politiques et qui, aujourd'hui, trahit la province de Québec avec le
bill C-
76.
M. Laporte: M. le Président, je veux faire une rectification. Je
ne l'oblige pas à chanter, le député de
Trois-Rivières. M. Diefenbaker a dit, et je cite le Hansard...
M. Gabias: Combien de partis avez-vous reniés?
M. Laporte: "Tous les premiers ministres provinciaux ont donné
leur approbation, pourquoi ne l'auraient-ils pas fait? Ils ont eu tout ce
qu'ils voulaient, c'est magnifique pour les provinces, dit M. Diefenbaker,
c'est tout ce qu'elles pouvaient demander."
M. le Président, les journaux ont dit que c'était un
règlement acceptable.
M. Bellemare: Pas tous.
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Bellemare: Pas le Devoir. Pas le Devoir avec Jean-Marc Léger.
Ne dites pas ça.
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Laporte: Les journaux ont dit que c'était un règlement
acceptable.
M. Bellemare: Un compromis...
M. Laporte: M. le Président, avec le sens du devoir qui doit
être celui du ministre de la Couronne, je déclare que c'est un
accommodement acceptable, que c'est un pas important vers une solution du
problème. J'affirme que l'Union Nationale a simplement, au cours du
débat, continué, dans le domaine des relations
fédérales-provinciales, son attitude négative. M. le
Président, le député de Bellechasse a déjà
mis son siège en jeu; s'il veut recommencer, nous sommes disposés
à faire une campagne dans son comté strictement sur ce point.
M. Loubier: M. le Président, j'aimerais que le ministre de la
Jeunesse y soit aussi; on pourrait joindre les deux bills ensemble. Je me
demande ce que ça produirait.
M. Laporte: Cela produirait une formidable défaite pour le
député de Bellechasse.
Des voix: Pas sûr.
M. Laporte: Je termine...
M. Bellemare: Venez faire une élection même partielle
à Matane. On vous attend. Vous viendrez la faire à Matane. On
vous attend. Vous allez y goûter.
M. le Président: À l'ordre, messieurs! Je dois dire au
député...
M. Bellemare: Le premier ministre viendra dans Matane aussi. On va vous
montrer vos trahisons, qu'est-ce que ça fait. Vous allez y goûter.
Préparez-vous...
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Laporte: C'est ma dernière phrase, M. le Président.
Nous avons entendu les arguments des deux côtés de la Chambre.
Personnellement, je suis heureux de présenter ce pas dans la bonne
direction. Je voterai avec plaisir en faveur de la deuxième lecture du
bill et, deuxièmement, nous attendons avec confiance le jugement que les
citoyens du Québec porteront.
M. le Président: La motion de deuxième lecture sera-t-elle
adoptée?
Des voix: Non.
M. le Président: Qu'on appelle les députés.
Que tous ceux qui sont en faveur de la motion pour l'adoption de la
deuxième lecture du bill no 1 veuillent bien se lever.
M. le Greffier adjoint: MM. Bédard, Lalonde, Gérin-Lajoie,
Hamel (Saint-Maurice), Courcy, Arsenault, Saint-Pierre, Cliche, Dionne, Brown,
Lafrance, Bertrand (Terrebonne), Pinard, Levesque (Bonaventure), Laporte,
Fortin, Parent, Binette, O'Reilly, Turpin, Lechasseur, Roy, Coiteux
(Duplessis), Meunier, Harvey, Morissette, Blank, Maheux, Collard, Vaillancourt,
Laroche, Roulais, Coiteux (L'Assomption), Ouimet, Hamel (Iberville),
Crépeau, Fournier, Thibeault, Théberge, Dallaire, Lacroix,
Kennedy, Raillarqeon, Brisson, Mailloux, Hébert, McGuire, Cadieux,
Hanley, Beaupré, Godbout, Dupré, Martin.
M. le Président: Que tous ceux qui sont contre la deuxième
lecture veuillent bien se lever.
M. le Greffier adjoint: MM. Johnson, Talbot, Élie, Dozois,
Bertrand (Missisquoi), Bellemare, Ducharme, Johnston (Pontiac), Boudreau,
Lafontaine, Gabias, Bernatchez, Guillemette, Russell, Somerville, Gosselin,
Lizotte, Raymond, Charbonneau, Loubier, Majeau, Gagnon, Cloutier, Gauthier,
Lavoie (Wolfe).
Pour: 53
Contre: 25
Yeas: 53
Nays: 25
M. le Président: La motion est adoptée. Affaires du jour.
Deuxième lecture
adoptée.
M. le Greffier adjoint: Deuxième lecture de ce bill. Second
reading of this bill.
M. le Président: Affaires du jour. Comité plénier.
La résolution?
M. Lesage: Oui, la résolution.
M. Laporte: Mis au courant de la teneur de cette résolution, il a
plu à Son Honneur le lieutenant-gouverneur d'en recommander l'adoption
par cette Chambre.
M. le Président: M. Laporte propose que je quitte maintenant le
fauteuil pour que la Chambre se forme en comité plénier pour
étudier les résolutions relatives au bill no 1 intitulé
"Loi pour faciliter le financement de certains travaux municipaux". Cette
motion sera-t-elle adoptée? Adopté.
M. Johnson: Contre. Non. Même vote. M. le Président:
Même vote. Adopté. Comité plénier
M. Bédard (président du comité plénier):
Bill no 1, résolution no 1.
M. Johnson: M. le Président, la résolution no 1 se lit
comme suit, je crois qu'il est important de la lire pour comprendre le sens de
la motion que je voudrais faire: "Que le lieutenant-gouverneur en conseil
pourra autoriser le ministre des Affaires municipales à conclure avec
l'Office du développement municipal et des prêts aux
municipalités une entente relative aux prêts a consentir au
gouvernement de la province ou à la Commission municipale de
Québec pour le financement d'entreprises municipales dans cette province
suivant la loi votée par le Parlement du Canada qui peut être
citée sous le titre de Loi sur le développement et les
prêts municipaux."
Vous avez remarqué, M. le Président, que pour la
première fois peut-être dans nos statuts depuis 15 ou 20 ans, il y
a une référence directe à une loi fédérale
et à une entente qui devra intervenir basée sur cette loi.
Or, nous n'avons pas devant nous, M. le Président, officiellement
la loi fédérale ni l'entente évidemment. Nous n'avons pas
la loi fédérale ni officiellement ni officieusement pour la
plupart d'entre nous. Nous ne pouvons pas l'avoir officiellement d'abord parce
qu'elle n'est pas en vigueur; elle n'est pas actuellement en vigueur. Donc,
personne n'est tenu de la connaître. Officieusement, plusieurs d'entre
nous se sont donné la peine de se procurer une copie de cette loi, mais
si je demandais quels sont les députés libéraux qui ont
une copie de cette loi en leur possession, M. le Président, je pense
qu'il y en a très peu.
Une voix: Tous.
M. Johnson: M. le Président, je suis très heureux de
savoir ça. Donc, ma motion sera acceptée facilement. Ma motion,
c'est qu'on en distribue à tout le monde, M. le Président.
Plusieurs d'entre nous se sont donné la peine de s'en procurer, mais
d'autres étaient en vacances, d'autres étaient très
éloignés ou n'ont pas eu le temps de communiquer avec Ottawa,
même si Ottawa fait diligence pour expédier les copies du
bill.
Je demanderais donc, M. le Président, pour que nous puissions
étudier intelligemment la résolution no 1, qu'une copie du bill
C-76 soit mise à la disposition de tous les membres de cette Chambre qui
n'en ont pas.
M. Laporte: M. le Président, le texte de la loi
fédérale est connu. J'ai personnellement pris des dispositions
pour en obtenir un exemplaire. Tous les députés de cette Chambre
étaient parfaitement libres de faire la même chose,
premièrement.
Deuxièmement, le texte de ce projet de loi n'a pas
été discuté article par article dans cette Chambre, mais
on s'y est référé constamment au cours du débat,
particulièrement le député de Saint-Jacques. Il a fait
allusion in extenso surtout à la clause qui comporte la permission ou le
droit pour les provinces d'administrer elles-mêmes le plan, le projet
fédéral-provincial. Alors, je pense qu'il y aurait lieu pour tous
les députés de se procurer le texte de la loi et, dans les
circonstances, je ne vois pas de raison pour que nous ajournions l'étude
de cette résolution, mais personnellement j'en recommande l'adoption
immédiate.
M. Johnson: M. le Président, le ministre a peut-être
à sa disposition des copies additionnelles qui pourraient être
distribuées. Le député de Jonquière-Kénogami
dit que tout le monde en a une copie du côté libéral. M. le
Président, nous ne sommes pas membre- '- la fédération
libérale, nous, et nous n'avons pas ce même service que semblent
avoir les députés libéraux.
M. Laporte: ... pas le temps. Je ne sache pas que le chef de
l'Opposition ne soit pas un citoyen canadien capable de s'en procurer comme
tout le monde.
M. Johnson: M. le Président, je ne croirai jamais que chacun des
députés libéraux de l'autre côté de la
Chambre a écrit individuellement à Ottawa pour avoir
une copie de la loi.
M. Laporte: Je ne demande pas au chef de l'Opposition de croire
ça. Je ne crois pas que c'est nécessaire non plus.
M. Johnson: M. le Président, il reste quand même que pour
la première fois, nous lisons dans cette résolution uns
référence directe à une loi et la résolution qu'on
nous demande de voter est parfaitement ou totalement incompréhensible en
elle-même tant pour les députés que pour les conseils
municipaux de cette province si on n'a pas à sa disposition une copie du
texte de la loi fédérale. Vous aurez remarqué que
contrairement à cet arrangement Fleming-Barrette, concernant les
universités, la présente loi contient une
référence, une subordination directe à un texte
fédéral, un texte qui n'est pas du tout de la compétence
provinciale, qui n'est pas du tout de la compétence de cette Chambre
d'analyser, d'amender ou de modifier de quelque façon que ce soit.
Dans l'arrangement Fleming-Barrette, dans les statuts de la province qui
donnent effet à cet arrangement, il n'y a aucune référence
à aucun statut fédéral. Il y a une rédaction qui
respecte la dignité et l'autorité de cette Chambre. Et je
soutiens que cette référence à une loi
fédérale dans une résolution de l'Asemblée
législative constitue un précédent qui marque d'une
façon non équivoque, d'une façon qui sera consignée
à jamais dans les statuts de la province, la dépendance de la
province envers Ottawa. Et quand on voudra savoir si oui ou non nous avions
raison de voter en deuxième lecture contre le principe de cette loi, on
n'aura qu'à se référer à la résolution no
1.
M. le Président, cette résolution réfère au
bill C-76 dont une copie n'est pas disponible pour chacun des
député, je le note de nouveau, mais dont j'essaierai
évidemment d'analyser la portée. Vous aurez noté, et avec
reqret, j'en suis certain, dans le fond, que non seulement les droits des
municipalités, créatures provinciales, pupilles du gouvernement
provincial et ce en vertu de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique,
tout le monde admet ça, les municipalités verront leurs droits
limités par une loi fédérale.
Et sans référer trop directement à la
résolution no 2, je voudrais vous faire remarquer, pour la bonne
compréhension de ma démonstration, qu'en plus d'établir la
servitude des municipalités quand il s'agit de travaux municipaux envers
Ottawa, la présente loi établit même la servitude de la
province ou de son organisme qui s'appelle la commission municipale envers non
pas le gouvernement fédéral, mais envers un office du
gouvernement fédéral qui va dicter à la commission
municipale et au ministre des
Affaires municipales de Québec jusqu'au taux, jusqu'à
l'échelle de remboursement. Elle va dicter à la province, cette
loi fédérale, quels sont exactement les travaux qui peuvent
être octroyés, c'est-à-dire qui peuvent recevoir un
prêt du gouvernement provincial.
Vous avez compris, M. le Président, le mécanisme de la
loi. Une municipalité qui voudra se prévaloir des soi-disant
privilèges accordés par le bill C-76 devra d'abord s'adresser
à la Commission municipale de Québec ou au ministre des Affaires
municipales de Québec. Le ministre des Affaires municipales de
Québec va dire: Écoutez, il faut examiner votre projet non pas en
vue de la planification faite pour la province de Québec, mais en vue
des conditions posées dans la loi d'Ottawa. Il va falloir se demander si
l'entreprise municipale, au sujet de laquelle on veut faire un emprunt, la
municipalité de Granby ou celle de Waterloo, disons, veut faire un
emprunt. Cette entreprise municipale devra être une entreprise municipale
au sens où l'entend la présente loi, c'est-à-dire la loi
fédérale.
Il faudra que cette entreprise municipale tombe dans la catégorie
énumérée au paragraphe 3 de l'article 7,
c'est-à-dire qu'il faudra que ce soit: a) une usine d'épuration
des eaux et des conduites d'eau principales appartenant à des
municipalités; b) des égouts collecteurs d'eau pluviale
appartenant à des municipalités; c) une rue ou une voie de
communication de municipalité; d) un bâtiment municipal ou encore
un réseau de transport ou de transit public appartenant à la
municipalité, sauf le matériel roulant et l'outillage semblable
d'exploitation. Ou encore, ça pourra être toute autre
construction, reconstruction, agrandissement ou amélioration, les autres
ouvrages d'équipements municipaux que le gouvernement de la province
où est située la municipalité, dans le cas où
l'entente prévue au paragraphe 2 a été conclue par
l'office et le gouvernement de cette province, ou que l'office, dans tout autre
cas, a déclaré être des ouvrages d'équipement dont
la construction, la reconstruction, l'agrandissement ou l'amélioration
provoquera un plus fort volume d'emploi au Canada.
M. Laporte: Alors, qui décide?
M. Johnson: Mais il faudra décider en conformité de la
loi.
M. Laporte: Ce n'est pas ça que vous venez de dire.
M. Johnson: M. le Président, il faudra décider que ce
travail, que cette construction donne un plus fort volume d'emploi au Canada,
mais pour comprendre exacatement la portée de cet article, il faut
se référer à un autre article qui s'appliquera
même dans la province de Québec. C'est l'article 7, premier
paragraphe. Il faudra que le gouvernement de la province de Québec
établisse que sans cette assistance l'entreprise municipale dans son
ensemble -voyez comme c'est clair - ou une de ses parties n'aurait pas
été comprise dans le programme des travaux d'équipement
que la municipalité compte mettre en chantier pendant cette
période et que le fait de l'y inclure n'aura pas pour résultat de
remplacer ou de retarder, pendant ladite période, la réalisation
d'autres travaux d'équipement de la municipalité ou, b), que
l'entreprise municipale dans son ensemble ou une de ses parties avait
été comprise parmi les travaux d'équipement que la
municipalité devait mettre en chantier au cours de cette période
du fait de l'élimination ou de la remise à une date
ultérieure d'autres travaux durables de la municipalité
prévus pendant cette même période, lesquels autres travaux
seront par la suite de l'aide disponible en application de la présente
loi à l'égard de l'entreprise municipale globale ou partielle
comprise parmi les travaux d'équipement dont la mise en chantier est
projetée avant l'expiration de la période en question.
Que c'est donc clair! Que c'est donc une grande limite! Que c'est donc
une énorme juridiction qu'on laisse à la province! On dit
à la province: Vous serez obligée de donner un certificat
établissant que sans cette aide d'Ottawa on n'aurait pas fait ce travail
additionnel. Si ça veut dire quelque chose, tout ce charabia-là,
c'est exactement ce que ça veut dire, que ce travail est un travail qui
n'aurait pas été entrepris...
M. Laporte: Cela existe dans la loi des travaux d'hiver.
M. Johnson: M. le Président, il n'y a pas de loi des travaux
d'hiver.
M. Laporte: Non, mais dans la réglementation
fédérale, il est établi qu'on doit donner la preuve que ce
travail-là n'aurait pas été fait sans cela et c'est lettre
morte.
M. Johnson: C'est lettre morte.
Le ministre veut-il nous dire qu'on est en train de passer une loi dont
on ne tiendra pas compte?
M. Laporte: Je ne suis pas en train de dire ça.
M. Johnson: Dont Ottawa ne tiendra pas compte?
M. Laporte: Je dis que tout le raisonnement du chef de l'Opposition
tombe à plat parce que c'est loin d'être strict comme il le
dit.
M. Johnson: Peut-être que le ministre pourrait nous expliquer, par
exemple - je ne voudrais pas recommencer, me répéter -quand il se
lèvera debout, si le métro de Montréal, pour la partie qui
était déjà projetée, déjà
annoncée, pourra quand même être compris, tomber sous la
portée de la présente loi.
M. Laporte: M. le Président, très brièvement, parce
que je ne voudrais pas reprendre le long débat, les deux longues
interventions que j'ai faites. D'abord, il s'agit d'une entente.
L'Assemblée législative vient de voter l'adoption d'une entente
avec le gouvernement fédéral. Or, il est bien clair que dans une
entente, les deux parties obtiennent quelque chose ou posent des conditions. Il
est clair que dans la loi, dans la loi fédérale, il existe des
conditions, cela fait partie d'une entente; autrement, ce serait
équivaloir à refuser toute entente.
Les deux cas que vient de mentionner le chef de l'Opposition ont
précisément fait l'objet de deux amendements que la province de
Québec a obtenus. Article 7, paragraphe 3, qu'a cité le chef de
l'Opposition et qui comportait les usines, les égouts, les rues, les
bâtiments municipaux, les réseaux de transport, nous avons obtenu
que cette autorisation s'étende à peu près à tous
les travaux municipaux d'équipement.
Et c'est ainsi que nous avons obtenu que le gouvernement de la province
où est située la municipalité déclare que des
ouvrages d'équipement de reconstruction, d'agrandissement ou
d'amélioration provoqueront un plus fort volume d'emploi au Canada. Ce
n'est pas le gouvernement fédéral qui va déterminer
ça, c'est strictement la province de Québec; nous n'aurons
qu'à donner, après étude - il est clair que nous devrons
étudier chacun des cas - un certificat à l'effet qu'il s'agit
d'un travail d'équipement qui provoquera un plus fort volume d'emploi au
Canada. À ce moment-là, tous les travaux municipaux
d'équipement sans exception seront inclus.
Deuxièmement, le chef de l'Opposition a cité le paragraphe
1, l'article 1, paragraphes a) et b). Quant aux conditions de l'assistance,
nous avons précisément obtenu qu'on ajoute le paragraphe
deuxième afin de pouvoir inclure des travaux qui étaient
déjà projetés et, précisément, le premier
ministre de la province de Québec a cité le cas du métro
de Montréal qui, actuellement, est projeté. Il a dit aux
autorités fédérales: Voici un cas précis, les plans
sont déposés, nous jugeons qu'il y aurait lieu d'étudier
ce cas et d'avoir l'autorité pour accorder le prêt si nous jugeons
que la chose est nécessaire. Et c'est pour couvrir ce cas et d'autres
qui sont analogues que le
gouvernement fédéral a accepté d'apporter
l'amendement.
Je déclare donc que la très grande majorité ou la
presque totalité des travaux d'équipement seront inclus dans les
prêts qui pourront être consentis par la commission municipale et,
deuxièmement, que même les travaux déjà
prévus, et plus particulièrement le métro de
Montréal, pourront être éligibles pour un prêt en
vertu des prêts provinciaux aux municipalités.
M. Johnson: M. le Président, puisque nous sommes sur le sujet,
par exemple, des plages, des parcs, est-ce que dans l'opinion du ministre la
province pourra qualifier ces travaux pour l'aide fédérale?
M. Laporte: Bien, voici. Comme la province se réserve le droit de
passer tous les règlements qu'elle juge nécessaires ou
désirables, il faudrait évidemment voir quels seront les
règlements adoptés.
Deuxièmement, il faudrait que je consulte mes officiers sur la
portée de la loi quant à Ça. Je ne suis pas en
mesure...
M. Talbot: M. le Président, il est 11 heures.
M. Johnson: M. le Président, évidemment, lors du
débat à Ottawa, lorsque...
Une voix: Il est 11 heures.
M. Johnson: À l'heure d'Ottawa, il est 11 heures, mais à
Québec, il est 11 heures moins deux minutes.
M. Talbot: Oui, mais avant qu'il ait fait rapport...
M. Johnson: M. le Président, lors de la présentation de la
loi à Ottawa, le ministre Gordon n'y était pas. C'est M. Sharp,
l'honorable Sharp, qui a défendu la loi. Et à une réponse
du député de Jacques-Cartier, M. Rock, a dit qu'il
espérait qu'on ne ferait pas trop de plages ni de parcs avec ça
parce que ce n'étaient pas des travaux de nature à accorder,
à donner, à augmenter le volume de l'emploi au Canada. Je
voudrais tout de suite attirer l'attention du gouvernement là-dessus; si
c'est l'esprit qui préside à l'application de la loi à
Ottawa, je pense bien qu'on va s'arranger, la province s'arrangera pour, tout
en gardant son autonomie, respecter aussi l'esprit de la loi. Elle n'a pas
l'intention, au départ, de la violer, elle n'a pas l'intention, au
départ, de créer des problèmes ou de faire des exceptions
sans justification spéciale.
M. le Président, j'aurais bien des commentaires à faire
sur cette résolution no 1, mais il semble qu'on ne pourra pas la finir
à ce moment-ci, à moins du consentement unanime de la Chambre et
je crois comprendre que quelques membres de cette honorable Chambre
préféreraient plutôt retourner au foyer, puisqu'il est 11
heures, quitte à siéger plus rapidement et à prendre moins
de temps pour...
M. Lesage: M. le Président, plus à bonne heure dans la
soirée, le chef de l'Opposition m'avait laissé entendre qu'il
serait possible de terminer l'étude du bill non seulement en
comité, mais en troisième lecture; il m'avait même
parlé de la possibilité d'adopter le bill no 2 et j'ai fait venir
le ministre de la Jeunesse.
Il est 11 heures. Quant à nous, de ce côté-ci, nous
sommes certainement prêts à au moins terminer l'étude en
comité et s'il y a des objections qui viennent de quelque part, elles
viennent du côté de l'Opposition et non pas du côté
ministériel, j'en suis sûr.
M. Johnson: M. le Président, il est exact qu'au début de
la séance ce soir, j'ai pensé que nous pourrions procéder
avec un peu plus de célérité. Je regrette qu'à
cause de multiples interventions, d'interruptions surtout inutiles dans les
discours, on n'ait pas pu procéder aussi vite que nous aurions dû
procéder, mais à moins du consentement unanime, on comprendra...
J'avais dit au premier ministre dans le temps que tout ça était
sujet à l'approbation de mes collègues et que je ne pouvais pas
m'engager pour eux.
M. Lesage: C'est pour ça qu'on s'est levé à date
évidemment, pour protester. Alors, continuons.
M. Lafontaine: Je proteste, M. le Président, et je pense qu'on
doit terminer l'Assemblée à onze heures. D'après les
règlements de la Chambre, nous étions supposés commencer
à trois heures et nous avons commencé à deux heures et
demie. Présentement, nous sommes rendus à onze heures...
M. Lesage: Voulez-vous qu'on prolonge l'Assemblée jusqu'à
la semaine prochaine?
M. Lafontaine: Je ne suis pas le seul, M. le Président, dans
cette Chambre.
M. le Président: En vertu des règlements, il est clair que
la séance doit se terminer à onze heures. Il a été
fait part tout à l'heure d'une entente qui serait intervenue entre les
deux chefs de parti. Alors, mon devoir est de demander s'il y a consentement
unanime de la Chambre pour que le débat se prolonge afin
d'étudier les résolutions.
M. Talbot: Non.
Une voix: Lequel est le chef?
M. Lesage: Vous avez besoin des $100, vous, riches comme vous
êtes?
Des voix: Ah, ah...
Une voix: Retirez ça.
M. Johnson: Voulez-vous, M. le Président, demander au premier
ministre...
M. Lesage: Je le retire.
M. Johnson: ...de cesser d'utiliser cette arme qui voudrait être
efficace, qui est une arme d'insultes qui est indigne d'un premier ministre qui
a le sens de la démocratie?
Une voix: À trois heures de l'après-midi.
M. Lesage: Ah, vous voulez les $100? Vous n'êtes pas assez
riche?
M. Bellemare: Pauvre premier ministre! Comme il fait pitié!
M. le Président: Prochaine séance. La Chambre est
ajournée à demain...
M. Lesage: À dix heures trente.
M. le Président: Dix heures trente. Demain matin, à dix
heures trente. La Chambre est ajournée à dix heures et demie,
demain matin.
M. Johnson: Dix heures trente.