Débats de l'Assemblée législative (débats reconstitués)
Version finale
26e législature, 2e session
(10 novembre 1960 au 10 juin 1961)
Le mercredi 7 juin 1961
Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.
Séance
du mercredi 7 juin 1961
Présidence de l’honorable L. Cliche
La séance est ouverte à 3 heures.
Prière.
M. l’Orateur: À l’ordre,
Messieurs! Que les portes soient ouvertes!
Travaux de la Chambre:
Horaire des
séances
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest): Il était question de ne pas siéger ce soir. Comme le Feuilleton de la Chambre porte l'inscription du bill 86 présenté en deuxième lecture,
projet de loi qui a pour but d'aider les
commissions scolaires à s'acquitter de leurs obligations, la Chambre se
voit obligée de siéger durant la veillée, vu que, au dire du chef de
l'opposition, l'Union nationale a plusieurs députés désirant donner leur
opinion à ce sujet.
Nous aurons donc une séance ce
soir, séance qui prendra fin lorsque le bill 86 aura été adopté en seconde
lecture. Je veux que cette session se termine pour que moi et mes collègues du
gouvernement puissions nous occuper de l’administration de la province.
M. Talbot (Chicoutimi): On
veut punir l’opposition parce qu’elle exerce
son droit de parole. Le premier
ministre revient sur sa parole. Il n’a jamais été question de cela et le premier ministre n'a pas
posé de conditions en parlant de la séance éventuelle du soir. Mais nous
n'avons jamais reculé devant le travail et nous acceptons de siéger et de faire
pénitence.
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest): Il ne s'agit pas ici de pénitence, mais plutôt d'un moyen
pour hâter la fin d'une session qui se prolonge depuis le 10 novembre
dernier. Le travail du soir n'aurait pas été nécessaire si les débats sur le bill 86
avaient tous eu lieu au cours de
l'après-midi, mais l'opposition en avait décidé autrement.
M. Johnson (Bagot): Le
premier ministre dit que nous siégeons
depuis huit mois. C'est exact. Mais il ne faut pas oublier que le
gouvernement actuel apporte ses lois les plus importantes sur l'éducation après
sept mois et trois semaines de session.
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest): Je ne fais aucun reproche à l'opposition. Je dis seulement
que la session a été longue et que nous essayons de la terminer samedi de cette
semaine. J'ai la conscience en paix.
M. Bellemare (Champlain) souligne les longs congés de Noël et de Pâques.
Des voix ministérielles: À
l'ordre.
Rapports des comités permanents:
M. Bédard (Québec): J’ai
l’honneur de présenter à la Chambre le trente et unième rapport du comité
permanent des bills privés en général.
Votre comité a décidé de rapporter,
sans amendement, le bill suivant:
- bill 242 concernant
la Compagnie de Jésus.
Votre comité fait aussi rapport qu’il réfère à votre
honorable Chambre, pour considération, le bill 91 constituant la
municipalité scolaire d’Alma, dans le comté du Lac-Saint-Jean.
Projets de loi:
Compagnie de Jésus
M. Lavoie (Laval) propose,
du consentement unanime, que la Chambre se forme en comité plénier pour étudier
le bill 242 concernant la Compagnie de Jésus.
Adopté. M. l’Orateur quitte le
fauteuil.
Le comité étudie le bill article
par article et le président fait rapport que le comité a adopté le bill 242
sans l’amender.
M. Lavoie (Laval) propose
que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier
porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de
l’adopter.
Dépôt de documents:
Fondation des universités
canadiennes
L’honorable M. Gérin-Lajoie
(Vaudreuil-Soulanges) dépose sur le bureau de la Chambre l’état des sommes remises par la Fondation des universités canadiennes à l’intention des institutions universitaires dela province de Québec (Document de la session no 153)
La Fondation des universités canadiennes,
précise-t-il, a versé $52,058,000 à l'intention des institutions
universitaires de la province de Québec. La part des universités s'élève à
$16,820,000, et celle des collèges classiques, à $8,238,000. Du 31 mars 1960 au 31 mai 1961, les sommes reçues de la
Fondation des universités ont rapporté $1,100,000 d'intérêts, montant
qui s'ajoute à la somme de $25,050,000.
Questions et réponses écrites:
Dépenses de la
Voirie dans les municipalités de Gatineau
M. Desjardins (Gatineau): Durant la période du 5 juillet 1960 au 15 avril 1961, quelles
sommes ont été dépensées par le ministère de la Voirie pour la construction, la
réfection ou l’entretien de routes et de ponts dans chacune des municipalités
suivantes du comté de Gatineau:
1. Canton Hincks;
2. Sainte-Thérèse-de-Gatineau;
3. Village de Maniwaki;
4. Canton Aumond;
5. Canton Aylwin;
6. Bois-Franc;
7. Canton Bouchette;
8. Village de Deschênes;
9. Village de Gracefield;
10. Canton Hull;
11. Canton Hull-Ouest;
12. Canton Hull-Sud;
13. Canton Lytton;
14. Messines;
15. Sainte-Cécile-de-Masham;
16. Village de Wakefield;
17. Canton Wright;
18. Canton Sicotte;
19. Ville d’Aylmer;
20. Blue Sea Lake;
21. Canton Cameron;
22. Deléâge;
23. Egan-Sud;
24. Masham-Nord;
25. Montcerf;
26. Northfield;
27. Canton Wakefield?
L’honorable M. Pinard
(Drummond): Le ministère a dépensé pour la construction et la réfection de
routes et de ponts les montants suivants:
Montants dépensés pour la construction et la réfection de
routes et de ponts
1. Canton Hincks |
$1,998.65 |
2. Sainte-Thérèse de Gatineau |
Aucun |
3. Village de Maniwaki |
Aucun |
4. Canton Aumond (y compris le canton Deléâge) |
36,225.00 |
5. Canton Aylwin |
4,988.13 |
6. Bois-Franc |
Aucun |
7. Canton Bouchette (y compris les cantons Gracefield et Wright) |
296,630.26 |
8. Village Deschênes |
Aucun |
9. Village de Gracefield |
43,583.13 |
10. Canton Hull |
2,102.70 |
11. Canton Hull-Ouest |
Aucun |
12. Canton Hull-Sud (Voir 19) |
15,446.73 |
13. Canton Lytton |
Aucun |
14. Messines |
81,967.71 |
15. Sainte-Cécile de Masham |
Aucun |
16. Village de Wakefield et canton |
1,970.13 |
17. Canton Wright |
3,222.97 |
18. Canton Sicotte |
Aucun |
19. Ville d’Aylmer (et $293,807.67 comprenant les cantons de
Hull-Est, Hull-Sud et Sainte-
Cécile de Masham) |
57,266.06 |
20. Blue Sea Lake |
Aucun |
21. Canton Cameron |
Aucun |
22. Deléâge |
Voir 4 |
23. Eagan-Sud |
Aucun |
24. Masham-Nord |
4,973.88 |
25. Montcerf |
538.20 |
26. Northfield |
Aucun |
27. Canton Wakefield |
8,510.00 |
Le ministère a dépensé pour
l’entretien des routes dans le comté de
Gatineau $344,841.94, montant qu’il est impossible de répartir par
municipalité.
Épandage de
gravier dans Saint-Maurice
M. Gabias (Trois-Rivières): 1. Dans le comté de Saint-Maurice, le ministère de la Voirie a-t-il épandu ou fait épandre du gravier depuis le 5 juillet
1960?
2. Dans l’affirmative:
a) à quels endroits?
b) quelle quantité à chaque
endroit?
c) par qui?
i. par ses employés.
ii. à contrat.
d) quel prix a été payé
pour le gravier?
e) chez qui a-t-il
été acheté?
L’honorable M.
Pinard (Drummond): 1. Oui.
2. (Voir le tableau ci-dessous)
Épandu à la journée par le département
Gravier que le ministère de la Voirie a épandu ou fait épandre dans le comté de Saint-Maurice depuis le 5 juillet 1960. Gravier épandu à la journée par le département
Municipalité |
Nom du chemin |
Quantité en verges cubes |
Prix par verge cube au fournisseur |
Genre de gravier |
Nom du fournisseur |
Saint-Michel des Forges |
Rochon |
2,732 |
$0.10 |
Naturel |
Georges-Henri Lampron |
Sainte-Anne d'Yamachiche (Paroisse) |
Nord Petite-Rivière |
1,991 |
0.10 |
Naturel |
Sable & Gravier Saint-Étienne enr. |
Sainte-Anne d'Yamachiche (Paroisse) |
Nord Petite-Rivière |
3,392 |
0.30 |
Naturel, avec
chargement |
Léo Carbonneau |
Saint-Sévère (Paroisse) |
Rang
Bellechasse |
1,958 |
0.30 |
Naturel, avec
chargement |
Gilles Diamond & Fernand Gélinas |
Saint-Mathieu (Paroisse) |
Divers chemins |
499 |
0.30 |
Naturel, avec
chargement |
Nicolas Lahaie |
Saint-Mathieu (Paroisse) |
Divers chemins |
264 |
0.94 |
Concassé, avec
chargement |
Nicolas Lahaie |
Sainte-Flore (Paroisse) |
Rang Anatole |
1,744 |
0.10 |
Naturel |
Jules Gélinas |
Sainte-Flore (Paroisse) |
Rang Anatole |
3,943 |
0.10 |
Naturel |
Camille Boucher |
Sainte-Flore (Paroisse) |
Rang Anatole |
131 |
0.30 |
Naturel, avec
chargement |
Amédée Bellemare |
Saint-Boniface (Village) |
Diverses rues |
282 |
0.10 |
Naturel |
Sable & Gravier Saint-Étienne enr. |
Saint-Boniface (Village) |
Petit 4 et 2e
au 3e rangs |
1,468 |
0.30 |
Naturel, avec
chargement |
Sable & Gravier Saint-Étienne enr. |
Saint-Étienne des Grès (Paroisse) |
Des Dalles |
805 |
0.30 |
Naturel, avec
chargement |
Paul Landry |
Shawinigan-Sud (Village) |
Rang Saint-Mathieu |
17 |
0.82 |
Tamisé, avec
chargement |
Carrière
Marchand, ltée |
Shawinigan-Sud (Village) |
Rang Saint-Mathieu |
50 |
0.52 |
Naturel, avec
chargement |
Carrière
Marchand, ltée |
Diverses municipalités |
Divers chemins |
3,483 |
$0.30 |
Naturel, avec chargement |
Sable & Gravier Saint-Étienne enr. |
Diverses municipalités |
Divers chemins |
2,479 |
0.30 |
Naturel, avec chargement |
Mathias Ricard |
Diverses municipalités |
Divers chemins |
1,347 |
0.30 |
Naturel, avec chargement |
Léo Carbonneau |
Diverses municipalités |
Divers chemins |
474 |
0.30 |
Naturel, avec chargement |
Edgar Samson |
Diverses municipalités |
Divers chemins |
676 |
0.30 |
Naturel, avec chargement |
Amédée Bellemare |
Diverses municipalités |
Divers chemins |
485 |
0,30 |
Naturel, avec chargement |
Paul Landry |
Diverses municipalités |
Divers chemins |
636 |
0.10 |
Naturel |
Edgar Samson |
Diverses municipalités |
Divers chemins |
520 |
0.10 |
Naturel |
Gilles Diamond & Fernand Gélinas |
Diverses municipalités |
Divers chemins |
826 |
0.10 |
Naturel |
Ovide Deschênes |
Diverses municipalités |
Divers chemins |
413 |
0.94 |
Concassé, avec chargement |
Amédée Bellemare |
Gravier épandu
par contrat
Gravier que le ministère de la Voirie a épandu ou fait épandre dans le comté de Saint-Maurice depuis le 5 juillet 1960. Gravier épandu par contrat
Municipalité |
Nom du chemin |
Quantité en verges cubes |
Prix par verge cube au fournisseur |
Genre de gravier |
Nom du fournisseur |
Pointe-du-Lac |
Rang Sainte Marguerite |
10,387 |
$1.04 |
Tamisé |
Joseph Paquette |
Pointe-du-Lac |
Rang Sainte Marguerite |
7,297 |
1.56 |
Concassé 1 pouce |
Joseph Paquette |
Pointe-du-Lac |
Rang Sainte Marguerite |
651 |
1.04 |
Tamisé |
Léo Carbonneau |
Saint-Élie (Paroisse) |
Saint-Élie-Saint-Mathieu |
8,141 |
1.47 |
Concassé 1 pouce |
Nicolas Lahaie |
Saint-Mathieu (Paroisse) |
Sixième Rang |
5,592 |
1.47 |
Concassé 1 pouce |
Nicolas Lahaie |
Sainte-Flore (Paroisse) |
Boulevard Saint-Onge |
5,881 |
1.38 |
Concassé 3 pouces |
Amédée Bellemare |
Sainte-Flore (Paroisse) |
Boulevard Saint-Onge |
4,639 |
1.47 |
Concassé 1 pouce |
Amédée Bellemare |
Fonctionnaires de
la Sûreté provinciale
M. Bernatchez (Lotbinière): 1. Du 10 décembre 1960 au 15 mai 1961, combien d’officiers, de
sous-officiers, de membres et de fonctionnaires de la Sûreté provinciale du
Québec (branches de la police judiciaire, de la police de la route, de la
police des liqueurs et de la gendarmerie) ont été:
a) destitués?
b) suspendus?
c) mis à leur retraite?
d) combien ont démissionné?
2.
Quel est le nom de chacune de ces personnes?
L’honorable M. Lapalme (Montréal-Outremont):
1. a) 62.
2. a)
Bonin, Camille
Boulay, Réal
Hivon, André
Bourcier, Jean-Guy
Larouche, Joseph
Cantin, Clément
Legault, Madeleine
Caron, Aldéric
Marsolais, Ginette
Clouatre, Roméo
Rousseau, Robert
Cournoyer, Robert
Tessier, René
Couture, Ls-Philippe
Audet, André
Desrochers, Bernard
Baribeau, Marc
Drouin, Jean-Marie
Barnes, Douglas K.
Dubé, Victor
Barsalou, Maurice
Duhaime, Gaston
Bastien, Gilles
Duval, Julien
Bédard, Robert
Foucault, Jean-Guy
Berthiaume, Fernand
Frenette, Séverin
Bouchard, Pierre-Paul
Gauthier, Maurice
Gelly, Georges
Patry, J.-Raoul
Grammond, René
Pichette, Alonzo
Guillemette, Viateur
Pinault, Lucien
Janelle, Lactance
Préville, Lucien
Jobin, Jules
Quaille, Linden R.
Jones, Leslie
Quenneville, Réal
Lafrance, Roger
Rajotte, Jean-Camille
Langevin, Albert
Rocheleau, Claude
Létourneau, Marcel
Roy, Hervé
Lévesque, Henri
Sauvé, Hormisdas
Longval, Bernard
Sheito, Thomas
Lyonnais, Albert
Simoneau, Gaston
Maranda, Paul-André
Tourville, Paul-Émile
Martin, Gérard
Vendittoli, R.
Pagé, Côme
Vermette, Gérard
Paradis, Jean-Guy
1. b) 2.
2. b)
Huot, Patrick
Perreault, Léopold
1. c) 24.
2. c)
Blais, Onésiphore
Jolin, Arthur
Forget, Lucien
Labrecque, Jos.
Lemire, Rosario
Leduc, Sylvio
Verreault, J.-Art
Marcotte, Adrien
Meunier, Hector
Aubertin, Édouard
Monette, Oswald
Bessette, Wilfrid
Pilon, Robert
Brassard, Edgar
Poutré, C.-H.
Bulteau, Ls-de-Gonzague
Proulx, Hervé
Caisse, Wilfrid-Honoré
Sirois, Louis
Doutre, J.-Rosario
Tremblay, Louis
Duchesnay, John
Boudreault, E.-H.
Faucher, Charles-A.
1. d) 45.
2. d)
Boivin, Raymond
Farquhar, Donald
Charron, Mme A.
Fleury, Philippe
Dignard, Raymond
Gagnon, Denis
Hamel, J.-M.
Gauthier, Jean-Louis
Larose, Denise
Goulet, Raymond
Martin, François
Gratton, André
Perreault, Maurice
Hêtu, Rodrigue
Labelle, André
Amann, Paul
Labrie, J.-A.-Raymond
Boudreau, Marcel
Laplante, Armand
Boulay, Réginald
Laporte, Marcel
Bruneau, Réal
Lortie, Marcel
Blais, Jean-Marcel
Monette, Yvan
Breton, Roger
Normandin, Jean-Marie
Brousseau, Victorin
Patenaude, Louis
Chabot, René
Pinsonneault, Lucien
Clément, Armand
Poirier, Roger
Collin, Maurice
Proulx, Fernand
Coupal, René
Roberge, Marcel
Dagesse, Paul
Roger, Jean-Marie
Deblois, Aurélien
Rousseau, Guy
Delaney, Forsyth
Roussin, Léopold-A.
Dionne, Paul
Tobin, Gérard
Route du boulevard
Perron à Les-Boules
M. Langlais
(Îles-de-la-Madeleine): 1. Le ministère de la Voirie a-t-il
effectué ou fait effectuer des travaux de construction d’une route partant du
boulevard Perron et conduisant au 2e rang à Les-Boules,
comté de Matane?
2. Dans l’affirmative:
a) quelle est la longueur
de cette route?
b) quel est le coût de
construction de cette route?
c) qui a exécuté lesdits
travaux?
L’honorable M. Pinard
(Drummond): 1. Oui.
a) 7,000 pieds;
b) $64,840.66;
c) le ministère de la
Voirie, à la journée.
Rapports du comité spécial:
Revision de la loi
des mines de Québec
L’honorable M. Earl
(Montréal-Notre-Dame-de-Grâce): J’ai l’honneur de présenter à la Chambre le
premier rapport du comité spécial1 de
l’Assemblée législative établi pour étudier un projet de loi des mines, lequel
rapport se lit comme suit:
Attendu
qu’un comité spécial composé de septmembres
a été établi pour étudier la révision proposée de la loi des mines de
Québec et de différentes autres lois concernant les opérations minières, telles
que préparées par la commission nommée en vertu de la loi concernant le
développement minier dans la province, 4-5 Elizabeth II, chapitre 57;
Attendu
que ledit comité a tenu de nombreuses séances mais n’a étudié jusqu’ici
que le projet de révision de la loi des mines du Québec;
Attendu qu’un projet de "Loi
concernant les mines et les ressources minérales" a été préparé et imprimé
en français et en anglais, après avoir été étudié et modifié par ce comité;
Attendu
que ce projet a pour objet l’abrogation et le remplacement du chapitre 196
des Statuts revisés de 1941, intitulé "Loi des mines de Québec" à
laquelle il apporte des changements nombreux et substantiels;
C’est pourquoi, votre comité, nemine
dissente, recommande que ledit projet revisé d’une "Loi concernant les
mines et les ressources minérales", préparé par la
Commission d’étude des lois minières de Québec pour remplacer le chapitre 196
d’un Statut revisé, 1941, cité comme "Loi des mines de Québec", soit
déposé devant la Chambre et distribué à tous les députés, et que sa
considération par la Chambre soit remise jusqu’à la prochaine session, de
manière à permettre aux parties intéressées de présenter d’une façon plus
complète leurs points de vue concernant cette importante législation.
Le rapport est adopté.
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest) propose que le projet de loi qui vient d’être déposé par le
ministre des Mines (l’honorable M. Earl) soit imprimé.
Adopté. (Document de la session no 154)
Projets de loi:
Collège Saint-Paul
L’honorable M. Gérin-Lajoie
(Vaudreuil-Soulanges) propose, selon l’ordre du jour, que le bill 95
relatif au collège Saint-Paul soit maintenant lu une deuxième fois.
Le cardinal Paul-Émile Léger,
l’archevêque de Montréal, a demandé au gouvernement une telle législation.
Il propose de déposer la
correspondance entre lui-même, le cardinal et le secrétaire du collège.
Dépôt de documents:
L’honorable M. Gérin-Lajoie
(Vaudreuil-Soulanges) dépose le document suivant:
Collège Saint-Paul,
Montréal
Autorisation par Son Éminence le
cardinal Léger de soumettre un projet de loi relatif au collège Saint-Paul et
un extrait du procès-verbal d’une assemblée des membres du collège Saint-Paul
(Montréal), tenue le sixième jour de juin 1961. (Document de la session no 155)
Le débat se poursuit en deuxième
lecture.
L’honorable M. Gérin-Lajoie
(Vaudreuil-Soulanges): La teneur du bill a été adoptée par le conseil
d’administration du collège Saint-Paul lors de sa séance du 6 juin. Il a
rencontré plusieurs fois, ces derniers mois, le cardinal Léger à ce sujet qui
lui a alors fait part de son intention de confier la direction et
l’administration de ce collège classique aux parents des élèves, qui joueraient
un rôle prédominant dans la direction et
dans l’administration, direction académique des études et des élèves.
Pour la première fois dans la
province, les parents exerceront une
responsabilité et une influence directe
dans un collège classique. Il s'agit d'une formule nouvelle, une formule
qui servira d'expérience et sera susceptible d'orienter le développement
d'autres institutions d'enseignement secondaire.
Trois soucis principaux ont présidé
à l'élaboration de ce projet de loi. Tout d'abord le souci de confier aux
parents l'administration de l'institution.
À ce sujet, il (l'honorable M. Gérin-Lajoie)
rappelle les récentes déclarations de l'archevêque de Montréal sur le rôle que
les laïcs doivent jouer dans l'Église, même dans certains secteurs, comme l'éducation,
où les clercs avaient jusqu'ici porté seuls la responsabilité.
La majorité des professeurs y seront des laïcs. Il y
aura aussi des prêtres, mais ils ne seront pas là pour diriger ou comme
propriétaires. L’autorité reposera fondamentalement sur les parents des élèves, le corps professoral et les associés
bienfaiteurs, amis et anciens. Sur douze membres du conseil
d'administration du Collège, cinq seront désignés par les parents, deux par les
associés, deux par les professeurs, un par le cardinal-archevêque de Montréal,
un par le ministre de la Jeunesse. Le dernier
sera le recteur. Notre principale préoccupation en présentant ce bill
est d'assurer la coopération entre l'Église et l'État.
Si l'on ajoute, aux délégués des parents, ceux des
membres associés, qui seront vraisemblablement des parents, eux aussi, ce
groupe de sept membres aura la majorité au conseil d'administration.
La composition du conseil reflète également les deux
autres soucis qui ont dirigé la préparation du projet.
On a voulu, en effet, faire participer les
éducateurs à l'administration du Collège en leur donnant au conseil deux
délégués, plus le recteur.
Le troisième souci a été de faire participer
également l'État et l'Église avec la nomination du délégué de l'archevêque et
de celui du ministre de la Jeunesse.
Il (l'honorable M. Gérin-Lajoie)
précise que les règlements adoptés par le conseil d'administration seront
sujets à l'approbation de l'archevêque et du ministre de la Jeunesse.
Dans ce projet de loi, on a donc cherché à grouper,
dans un certain équilibre, toutes les personnes qui normalement s'intéressent à
l'éducation dans un collège: les représentants de l'Église, ceux de l'État, les
éducateurs et les parents.
Il (l'honorable M. Gérin-Lajoie)
souhaite que d'autres groupes de parents, dans la province, chercheront bientôt
à imiter cette initiative révolutionnaire qu'est le collège Saint-Paul.
M. Dozois
(Montréal-Saint-Jacques): Tous les
domaines, pédagogique, administratif et financier, seront sous la main
du ministre de la Jeunesse. Il y a un mois, nous et l’élément catholique de
Montréal avons accueilli avec joie la nouvelle émanant du cardinal Léger à
l’effet qu’il voulait remettre au contrôle des parents la direction du collège
Saint-Paul. Mais, à notre grande surprise, le bill n'assure pas la direction du
Collège par les parents des élèves.
M. Johnson (Bagot): Quels
sont les auteurs du texte de la loi? Personnellement, je prends mes
responsabilités. Je ne me cache pas derrière un cardinal, ni qui que ce soit
quant à moi!
M. Dozois
(Montréal-Saint-Jacques): La nouvelle loi met l'institution sous le
contrôle absolu du ministre de la Jeunesse. En effet, les règlements relatifs à l’organisation du Collège ne seront
appliqués qu'après approbation par l'archevêque catholique romain de
Montréal et par le ministre de la Jeunesse et n’entrent en vigueur qu’à compter
de leur publication dans la Gazette officielle de Québec. De même, toute
décision de caractère financier devra être approuvée.
Du
fait que les règlements n'entrent en vigueur qu'à compter de leur
publication dans la Gazette officielle, et que ce n’est pas le cardinal
qui les publiera mais le ministre de la
Jeunesse, il est évident que le ministre de la Jeunesse aura toujours le
dernier mot à dire. Il en est ainsi pour tous les règlements qui régiront en
fait l’organisation du Collège.
Le
ministre contrôlera ainsi l’aspect pédagogique, l’administration et
toute l’activité financière du Collège, puisque le budget de l’institution doit
être soumis au ministre. Nous sommes loin d'une administration assurée par les
parents. Des milliers de personnes qui attendaient cette expérience sont
désappointées. Le collège Saint-Paul est condamné au sort qui attend toutes les
universités de la province sur le plan financier.
M. Talbot (Chicoutimi): On
impose une camisole de force.
M. Johnson (Bagot): J’ai
l’intime conviction qu’il s’agit d’une loi couverte.
L’honorable M. Gérin-Lajoie
(Vaudreuil-Soulanges): Je suis, dit-il, fort étonné des paroles de
l’ancien ministre des Affaires municipales (M. Dozois),
qui, en cette qualité, a eu à participer à uncontrôle très sérieux sur presque toutes les commissions scolaires de la province en vertu de la loi de 1946 qui établissait la
Commission municipale.
La grande différence avec le régime actuel, c’est
que, contrairement à ce qui se passait sous le gouvernement de l'Union
nationale, les autorités provinciales actuelles ont commencé par consulter qui
de droit. Je crois pouvoir dire que, dans l’esprit du gouvernement et dans
l’esprit de son éminence le cardinal Léger, il s’agit de créer par cette loi
une expérience éducative unique dans la province de Québec, un cas type.
La nouvelle organisation administrative du Collège a
pour but d’étudier directement les effets de la laïcisation graduelle dans le
personnel enseignant du Québec.
Un collège classique ou une
institution d’enseignement ne pourrait
arriver avec les subventions actuelles. Avec cette formule, les laïcs
pourront s’intégrer graduellement. À long terme, si un collège comme celui-ci
évolue dans le sens que nous voulons, il faudra que l’institution obtienne des
revenus supplémentaires.
Il était nécessaire qu’un ministre
y participe pour tirer des conclusions pour l’administration financière de la
province, au regard de l’éducation. Ce projet a été préparé à la requête du cardinal Léger. Ce sont les collaborateurs de
l'archevêque de Montréal, eux-mêmes, qui ont préparé la première version
du texte de loi. Il demande le vote.
M. Talbot (Chicoutimi): On a
surpris la bonne foi du cardinal dans ce projet et celui-ci a accepté un
projet de loi. Le cardinal pense que les parents vont participer activement à
l’administration du Collège, mais ce ne sera pas vraiment le cas parce que le projet de loi ne stipule pas que les
représentants des parents doivent être des parents. Selon le projet devant
nous, ils ne mèneront rien, rien, rien. Il insiste pour qu’il soit bien
spécifié que les cinq membres représentant les parents au
sein du conseil de douze membres soient bien des parents des élèves.
L’honorable M. Gérin-Lajoie
(Vaudreuil-Soulanges): Le cardinal a pris lui-même connaissance du texte du projet de loi.
M. Tellier (Montcalm) reproche au ministre de vouloir augmenter le nombre de laïcs au sein du corps professoral et diminuer le nombre des
professeurs religieux.
L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): Ce n'est pas le désir du gouvernement, mais celui des autorités
ecclésiastiques. Car le nombre des prêtres est devenu insuffisant dans une
population qui s'accroît continuellement.
M. Johnson (Bagot) se
demande si les parents s'intéresseront suffisamment à la gestion des
affaires de l'institution.
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest): Mes fils sont allés au collège Saint-Alexandre de Gatineau.
Une ou deux fois par année, les questions administratives de cet établissement
étaient débattues par les professeurs et les parents. Ces derniers
participaient en grand nombre à la discussion.
M. Talbot (Chicoutimi) reproche au texte de la nouvelle loi de laisser dans le vague certains points importants, par exemple la nature des
attributions du conseil académique.
L’honorable M. Gérin-Lajoie
(Vaudreuil-Soulanges): Il n'appartient ni aux autorités provinciales,
ni à l'opposition de les définir.
L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): (À M. Talbot) Que faites-vous de la liberté
académique?
M. Talbot (Chicoutimi): Dans
le bill no 95, on sépare nettement enseignement religieux et enseignement
profane.
Il veut savoir enfin quels sont
l'actif et le passif du collège Saint-Paul.
L’honorable M. Gérin-Lajoie
(Vaudreuil-Soulanges): Ce n'est pas l'affaire du gouvernement, ni de
l'opposition.
M. Talbot (Chicoutimi): C'est beau le contrôle du domaine sacré de l'éducation par les élus du peuple.
M. l'Orateur: Le bill est-il
adopté en deuxième lecture?
M. Talbot (Chicoutimi): Sur
division.
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest) exige le vote enregistré.
La motion est mise aux voix et la
Chambre se divise.
Les noms sont appelés et inscrits
comme suit:
Pour: MM. Arsenault,
Bélanger, Binette, Blank, Boulais, Castonguay, Coiteux, Collard, Cournoyer,
Couturier, Dionne, Earl, Gérin-Lajoie, Hamel (Iberville), Hanley, Harvey, Hyde,
Jourdain, Kirkland, Lafrance, Lalonde, Lambert, Laroche, Lavoie, Lechasseur, Lesage, Levesque (Bonaventure),
Lizotte, Maheux, Meunier, Morissette, Ouimet, Parent, Pinard, Plourde (Roberval),
Poulin, Roy (Lévis), Turpin, Vaillancourt, 39.
Contre: MM. Bégin,
Bellemare, Bernatchez, Boudreau, Caron, Charbonneau, Custeau, Desjardins, Dozois, Ducharme, Élie, Gabias, Gosselin,
Guillemette, Johnson, Johnston, Lafontaine, Langlais, Larouche, Maltais,
Plourde (Kamouraska), Pouliot, Raymond, Riendeau, Roy (Nicolet), Talbot,
Tellier, Thibeault, 28.
Ainsi, la motion est adoptée. Le bill 95
est, en conséquence, lu une deuxième fois et renvoyé à un comité plénier de la
Chambre.
L’honorable M. Gérin-Lajoie
(Vaudreuil-Soulanges) propose que la Chambre se forme immédiatement en
comité.
Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.
Le comité étudie le bill article
par article et le président fait rapport que le comité a adopté le bill 95
après l’avoir amendé2.
Le bill amendé est lu et agréé.
Messages du lieutenant-gouverneur:
Budget
supplémentaire 1961-1962
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest) transmet à M. l’Orateur un message de l’honorable
lieutenant-gouverneur de la province.
M. l’Orateur lit ledit message
comme suit:
Onésime
Gagnon, l’honorable Monsieur le lieutenant-gouverneur
de la province de Québec, transmet à l’Assemblée législative le budget
supplémentaire des dépenses pour l’année financière
se terminant le 31 mars 1962, conformément aux dispositions de l’article 54
de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique,
1867, et recommande ce budget à la considération de la Chambre.
Hôtel du Gouvernement
Québec, le 7 juin 1961
(Document de la session no 2-B)
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest) propose que le message de l’honorable lieutenant-gouverneur
soit renvoyé au comité des subsides, avec le budget supplémentaire qui
l’accompagne.
Adopté.
Projets de loi:
Centre sportif Paul-Sauvé
L’ordre du jour appelle la prise en
considération, en comité plénier, d’un projet de résolution relative au bill 94
relatif au Centre sportif Paul-Sauvé de la Palestre nationale.
L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges) informe l’Assemblée que l’honorable
lieutenant-gouverneur a pris connaissance dudit projet de résolution et
qu’il en recommande l’objet à la Chambre.
L’honorable M. Gérin-Lajoie
(Vaudreuil-Soulanges) propose que M. l’Orateur quitte maintenant le
fauteuil.
Adopté.
En comité:
Présidence de M. Hyde
(Westmount-Saint-Georges)
L’honorable M. Gérin-Lajoie
(Vaudreuil-Soulanges) propose: Que la loi concernant le Centre sportif
Paul-Sauvé de la Palestre nationale (8-9 Elizabeth II, chapitre 19)
soit modifié en insérant après l’article 2, le suivant:
"2a. Le
lieutenant-gouverneur en conseil est autorisé à garantir aux conditions qu’il
détermine, en outre de l’emprunt visé à l’article 1, tout emprunt
obligataire n’excédant pas huit cent mille dollars que l’Association athlétique
nationale de la jeunesse peut contracter pour les mêmes fins."
Adopté.
Rapport du comité plénier:
M. l’Orateur au fauteuil
M. le président fait rapport
que le comité a adopté une résolution, laquelle est lue et agréée.
L’honorable M. Gérin-Lajoie
(Vaudreuil-Soulanges) propose, selon l’ordre du jour, que le bill 94 relatif au Centre sportif Paul-Sauvé de la Palestre nationale soit maintenant
lu une deuxième fois.
Adopté. Le bill est renvoyé à un
comité plénier de la Chambre.
L’honorable M. Gérin-Lajoie
(Vaudreuil-Soulanges) propose que la Chambre se forme immédiatement en
comité.
Adopté. M. l’Orateur quitte le
fauteuil.
En comité:
Présidence de M. Lechasseur (Verchères)
M. Custeau (Montréal-Jeanne-Mance) félicite et remercie tous
ceux qui ont participé à la construction du Centre sportif Paul-Sauvé de
la Palestre nationale destiné à la jeunesse de Montréal. Il formule le vœu que
des hauts lieux du sport surgissent ainsi dans toute la province, afin
d'enrayer la criminalité chez les jeunes. Je suis convaincu que les centres
sportifs et les centres de loisirs constituent l’un des meilleurs moyens de
combattre la délinquance juvénile et le fléau
des barbituriques: les "goofballs".
Il
rend hommage aux travailleurs sociaux qui, dans la province, ne
craignent pas de donner une partie de leur temps à l’organisation des loisirs des
jeunes. C’est une œuvre admirable et leur mérite doit être souligné.
M. Hanley (Montréal-Sainte-Anne) attire l'attention de la Chambre basse sur le problème que pose la
réhabilitation de certains adolescents faisant usage des "goofballs"
dans la région de Montréal. Des mesures pour briser cette pratique sont
nécessaires.
L’honorable
M. Lafrance (Richmond): Le gouvernement de la province de Québec
s'efforcera de trouver une solution pour réhabiliter les jeunes gens qui font usage de "goofballs". Je
remercie, dit-il, le député de Montréal-Sainte-Anne
d'avoir parlé de ce problème. Cette question fait déjà l'objet d'une
étude au sein du service de la protection de la jeunesse; différents aspects sont à considérer en rapport
avec ce problème, notamment le côté médical. Il s’agit d’un problème médical ainsi que d’un problème social,
et il faut établir des méthodes de réhabilitation avec soin.
Les articles 1 à 3 sont
adoptés.
Rapport du comité plénier:
M. l’Orateur au fauteuil
M. le président fait rapport
que le comité a adopté le bill 94 sans l’amender.
L’honorable M. Gérin-Lajoie
(Vaudreuil-Soulanges) propose que le bill soit maintenant lu une troisième
fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier
porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de
l’adopter.
Gratuité de
l’enseignement
L’honorable M. Gérin-Lajoie
(Vaudreuil-Soulanges) propose, selon l’ordre du jour, que le bill 82
concernant la gratuité de l’enseignement et la fréquentation scolaire
obligatoire soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier
porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de
l’adopter.
Messages du Conseil législatif:
M. l’Orateur communique à la
Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:
Le Conseil législatif informe
l’Assemblée législative qu’il a voté, sans amendement, les bills suivants:
-
bill 61 modifiant la loi des travaux publics;
-
bill 73 modifiant la loi des produits laitiers;
- bill 77 modifiant la
loi des terres de colonisation;
- bill 88 pour
remédier à la pollution des eaux.
M. l’Orateur communique à la
Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:
Le Conseil législatif informe
l’Assemblée législative qu’il a voté le bill 69 modifiant la loi des cités
et villes, avec l’amendement suivant qu’il la prie d’agréer:
1. L’article 1
est modifié en remplaçant, dans les quatre dernières lignes de la page 1,
les mots:
"dans un journal français et
en anglais dans un journal anglais du district judiciaire où se trouve la
localité que la requête peut concerner." par ce qui suit: "cet avis
doit être publié en français dans un journal français, et en anglais dans un
journal anglais, publiés ou en circulation dans la municipalité."
Projets de loi:
Loi des cités et
villes
La
Chambre prend en considération l’amendement que le Conseil législatif a
apporté au bill 69 modifiant la loi des cités et villes.
L’amendement est lu et accepté.
Il est ordonné que le greffier
porte ce message, avec le bill, au Conseil législatif.
Financement des
commissions scolaires
L’honorable M. Gérin-Lajoie
(Vaudreuil-Soulanges)3 propose, selon
l’ordre du jour, que le bill 86 pour aider les commissions scolaires à
s’acquitter de leurs obligations soit maintenant lu une deuxième fois.
L’idée maîtresse de ce bill est de
mettre de l'ordre et de la coordination dans le financement public. C'est la
première fois également qu'une loi québécoise réglera le problème des
subventions aux commissions scolaires, et c'est le ministre de la Jeunesse qui
est chargé de cette distribution établie en blanc et en noir dans une
législation générale. Ce projet de loi concerne exclusivement le financement de l'enseignement, aux niveaux primaire et
secondaire, du moins jusqu'à la 11e année
et, dans certains cas, au-delà de la 11e année. Il veut
établir de l’ordre et de la coordination dans les sources de revenus, dit-il.
Il y a quatre sources principales de ces revenus
nécessaires à l’enseignement.
1. La rétribution mensuelle, qui disparaît par le bill 82;
2. La taxe foncière locale;
3. La taxe de vente locale
d'éducation de 1 % ou de 2 %;
4. Les subventions du
gouvernement.
Il n'y a pas de possibilité de
mettre un ordre théorique parfait dans tout cela du jour au lendemain, mais le
gouvernement entend mettre un ordre progressif là-dedans le plus
rapidement possible.
Le gouvernement ne touche pas le
problème de la taxe foncière locale, mais plus tard, il y aura une nouvelle loi à ce sujet, notamment en ce qui concerne les sociétés commerciales et industrielles en général. Il faut le considérer,
car il pose des problèmes aigus, parce que la richesse foncière, si on peut
dire, varie considérablement d'une municipalité à l'autre. L'aspect le plus
grave est la disparité entre le revenu que retirent les commissions scolaires
qui ont des industries sur leur territoire et celles qui n'en ont pas.
Si ce problème n'est pas réglé par
le bill 86, ce n'est pas parce que le gouvernement n'est pas conscient de
son importance. C'est qu'il se rend compte
qu'il n'est pas opportun d'apporter une solution isolément à ce
problème. Le gouvernement se propose d'envisager tout le problème de la
question des taxes foncières des compagnies en général, en même temps que
d'autres questions relevant du domaine municipal, dans une future législation.
Le projet de loi est présenté à la
demande de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec. La
Fédération des commissions scolaires de la province a demandé à plusieurs
reprises la généralisation de la taxe de vente de 2 %. L'administration du
Québec se chargera de la perception et de la répartition du produit entre les
diverses commissions scolaires proportionnellement au nombre de leurs élèves,
ainsi qu'en tenant compte de certaines normes.
Lorsqu’elle est venue renouveler sa
demande, au mois de mars dernier, le premier ministre a demandé à son président d’inviter chaque commission scolaire de
la province à exprimer son opinion, soit en faveur, soit à l’encontre du
projet. Le résultat de cette consultation populaire a maintenant été communiqué
au gouvernement par le président de la Fédération des commissions scolaires: 2254 avaient déjà la taxe de 2 %; 64 avaient la
taxe de 1 %. Montréal et la plupart des grandes villes ont des taxes scolaires
de 2 %. Huit cent cinq5 ont répondu
qu'elles favorisaient la généralisation de la taxe de 2 % tandis que 95 s'opposaient,
et 472 n'ont pas jugé à propos de répondre dans un sens ou dans l’autre. Elles
sont, dans une très large proportion, de très petites commissions scolaires.
Devant une pareille expression
d'opinion, le gouvernement a cru qu'il était de son devoir de sa responsabilité
de se rendre à l'opinion exprimée par 805 commissions scolaires, contre 95,
et de proposer les dispositions législatives nécessaires pour généraliser la
taxe de vente de 2 % et de l'ajouter à celle de 2 % qui est imposée
par le gouvernement provincial depuis un assez grand nombre d'années. Il faut
bien remarquer qu'il ne s'agit pas d'imposer une nouvelle taxe de 2 % aux
municipalités scolaires où cette taxe est déjà prélevée. Il y aura donc un
impôt de vente de 4 % dans toute la province, sauf dans les villes comme
Montréal et Québec qui ont déjà un impôt de 6 %.
Le second but principal de mon
projet de loi, dit-il, est de promulguer pour la première fois, dans la
province, une loi générale des subventions aux commissions scolaires. Il
modifie radicalement les données qui existaient jusqu’ici dans ce secteur.
C’est en fait la partie la plus importante de la loi.
Jusqu'ici, ces subventions
gouvernementales étaient prévues pêle-mêle dans le budget et dans diverses
lois, comme le bill 44 de la dernière session pour le paiement du traitement au personnel enseignant.
Le bill 86, lui, constitue un
véritable code de subventions aux commissions scolaires qui établit un régime
cohérent et adéquat de subventions. Les subventions seront ainsi insérées dans
une loi organique qui en définit non seulement les montants, mais aussi les
modalités.
Dans son discours sur le budget de février, le
premier ministre a estimé que la taxe de vente provinciale de 2 %
rapporterait $67,500,000 parmi les commissions scolaires au cours de l'année,
puisque le taux de la taxe est doublé. Non seulement le bill 86 établit-il
un code de subventions, mais il augmente de $90,000,000 à $164,000,000 le
budget provincial annuel de subventions aux commissions scolaires en 1961-1962.
Une caractéristique du nouveau
régime des subventions prévues, la plus importante sans doute du point de vue
de l’autonomie des commissions scolaires,
c’est le caractère statutaire des subventions. D’autre part, la nouvelle
loi franchit une étape importante vers l’établissement d’un système de
péréquation.
Elle
distribue en effet une part importante des subventions en tenant compte de la
condition financière des commissions scolaires.
La nouvelle loi des subventions
comporte aussi une innovation. Nous avons cru le temps arrivé de codifier dans une seule loi, dans un seul
document de consultation facile et de présentation ordonnée, toute
l'aide financière du gouvernement aux commissions scolaires qui était autrefois
disséminée dans plusieurs lois. Cette codification a l’avantage de présenter
clairement, aux commissaires d’écoles et à tous les responsables de
l’administration scolaire, la politique d’ensemble du gouvernement provincial
dans cette matière. Elle indique aussi dans quel sens le gouvernement entend
orienter sa contribution au financement des écoles publiques.
Le
bill 86 révèle qu’à cet égard le gouvernement actuel vise à adapter
son aide financière à la diversité des besoins actuels de l’enseignement
primaire et secondaire. Le projet de loi révèle à ce sujet l’importance que le gouvernement et
particulièrement le ministre de la Jeunesse attachent au développement
de l’enseignement secondaire dans notre province. Alors que le bill 81
offre aux commissions scolaires quatre
façons différentes de dispenser l’enseignement secondaire aux enfants dont elles ont la responsabilité scolaire,
le bill 86 leur fournit les moyens financiers.
Mais nous ne proposons pas
uniquement une coordination de cette aide
financière. Nous prévoyons, en outre, une augmentation de l'aide déjà
prévue. La loi aura pour effet d'étendre les cadres de cette assistance. Le
gouvernement a cru qu'il était de son devoir et de sa responsabilité de
proposer les dispositions législatives nécessaires pour généraliser, à travers
toute la province, la taxe provinciale de 2 % imposée depuis un assez
grand nombre d'années déjà au profit des écoles. Il faut bien remarquer qu'il
ne s'agit pas d'imposer une nouvelle taxe de 2 % dans les municipalités
scolaires où elle existe déjà.
En résumé, il y aura un impôt de
vente de 4 % dans toute la province,
sauf dans les villes comme Montréal et Québec qui ont déjà un impôt de
6 %. En vertu du projet de loi, les commissions scolaires qui perçoivent
actuellement la taxe de vente de 2 % à 1 %, pour fins d’éducation,
cesseront de la percevoir à partir du 20 juillet prochain, alors
qu’entrera en vigueur la taxe généralisée dans toute la province.
Une clause de la nouvelle loi
prévoit que toute commission scolaire recevra en vertu de la nouvelle loi au
moins autant qu'elle avait jusqu'à maintenant de la taxe de vente totale. Ce
projet de loi sera particulièrement
avantageux pour les commissions scolaires situées en dehors des grandes
villes, car elles étaient jusqu’à maintenant défavorisées par la concentration
des commerces en dehors de leur territoire.
On donne satisfaction aux commissaires d'écoles. Mon
bill, dit-il, veut également corriger certaines anomalies dont ont eu
l'occasion de se plaindre les commissaires d'écoles et la Fédération des
professeurs. C'est ainsi qu'on a attiré mon attention, dit-il, sur le
fait que les subventions pour le traitement du personnel enseignant sont
calculées non sur le nombre d'élèves de l'année courante, mais sur celui de
l'année précédente.
Les montants versés n'étaient pas toujours
proportionnels aux charges assumées par les commissions scolaires. Avec le bill
actuel, ces subventions seront calculées sur le nombre des élèves de l'année en
cours. Bien plus, ces subventions seront
calculées non plus sur l'inscription moyenne des élèves en septembre.
L’aide financière maximum prévue
par la loi pour l’enseignement secondaire n’est accordée qu’aux commissions qui
ont un nombre de 60 élèves au-dessus du niveau de la 9e année.
Cette disposition a particulièrement pour but de faciliter l’établissement de
commissions scolaires régionales, dont les milieux ruraux de notre province ont
un urgent besoin.
Ces
dispositions représentent une étape nouvelle dans le développement de
l’enseignement. Jusqu’à présent, la loi n’accordait, pour l’enseignement
secondaire, aucune aide financière supérieure à celle qui était prévue pour
l’enseignement élémentaire. À l’heure où le régime des écoles secondaires
régionales est en voie de se répandre rapidement dans la province, cette mesure
financière aura non seulement l’avantage d’en faciliter l’établissement, mais
aussi d’alléger sensiblement le fardeau des contribuables fonciers.
La loi tient compte également d’autres besoins
particuliers de l’enseignement à l’époque actuelle. Elle favorise
l’établissement d’une classe maternelle avant la 1re année du
cours élémentaire. Elle encourage les commissions scolaires à organiser des
classes d’enseignement accéléré pour les enfants les plus précoces et les plus
doués.
Enfin, elle offre des subventions
beaucoup plus généreuses pour l’organisation de classes destinées aux enfants
qui souffrent de déficience physique ou psychique. Dans tous ces cas, des
subventions spéciales ne sont accordées que si la commission scolaire utilise
les services d’instituteurs ou institutrices
détenteurs d’un brevet d’enseignement spécialisé.
La loi
prévoit aussi des règles particulières pour des subventions destinées à l’achat
des livres de classe et au paiement du coût de transport des élèves.
Il (l’honorable M. Gérin-Lajoie)
attache une importance particulière aux subventions accrues qui sont prévues
pour l’achat de livres de bibliothèque scolaire par les commissaires d’écoles.
Il souhaite que les écoles secondaires régionales puissent devenir de
véritables centres culturels régionaux où la population pourra bénéficier en
outre des services d’une bibliothèque publique.
Les seules subventions qui ne soient
pas soumises à des règles rigoureuses, mais qui continuent à être attribuées
comme dans le passé, sont celles qui sont destinées à la construction et à la
réparation des écoles. Des normes statutaires sont en voie de préparation et
elles seront mises à l’essai au cours des prochains mois, dans l’espoir
qu’elles puissent être intégrées au code des subventions dans un avenir
rapproché.
Le nouveau système de subventions
fournira $25 par élève pour couvrir les coûts administratifs et d’entretien;
$75 à $100 par élève pour le salaire des enseignants, selon le pourcentage de
la taxe foncière obtenue auprès des entreprises, et un montant égal pour
l’organisation des installations des nouvelles écoles secondaires, plus une
subvention spéciale si les élèves de la commission participent à des activités
parascolaires et pour les écoles maternelles. Ils recevront 75 % du coût
pour fournir gratuitement des livres de cours, jusqu’à concurrence de $4 par
élève des écoles primaires et $9 pour ceux des écoles secondaires; 75 %
des coûts pour le transport scolaire avec certaines limites et le même
pourcentage pour l’achat de livres de bibliothèque avec certaines limites. Les
commissions scolaires de Montréal et de Québec n’obtiendront pas ces
subventions, mais elles recevront une subvention générale de $50 par élève à la
maternelle, $100 à l’école primaire et $175 à l’école secondaire.
Les commissions scolaires
catholiques et protestantes de Montréal et de Québec, qui n’ont reçu jusqu’à
maintenant aucune subvention pour la construction des écoles ni pour le
traitement du personnel enseignant, seront désormais intégrées au système général. Leurs subventions seront
néanmoins calculées selon les barèmes particuliers qui sont prévus dans
la loi.
Le projet de loi a aussi pour effet
de confier au ministre de la Jeunesse le soin de distribuer les subventions
destinées aux commissions scolaires du Québec. Nous vivons dans une
confédération et, depuis 1867, chaque province peut légiférer en matière
d'éducation. L'éducation est du domaine provincial. Cela remonte même jusqu'en
1846. Il rappelle l'historique des fonctions de surintendant de l'Instruction
publique. Elles remontent à 120 ans. La surintendance
a contribué à développer l'enseignement chez nous.
Mais il y a 120 ans, c'était
une époque où les citoyens se méfiaient d'une autorité politique qui était
constituée par une majorité ne représentant pas la langue ni la religion des
Canadiens français. Le gouvernement du Canada-Uni venait d'Angleterre. La surintendance remonte même avant l'établissement d'un gouvernement responsable au pays. Et 1841, c'était au lendemain d'une
époque où les Canadiens français avaient lutté avec les patriotes du
Haut-Canada pour établir un gouvernement responsable.
La majorité catholique
canadienne-française du Québec s’inquiétait et était résolument contre le fait d’être administrée par un protestant;
l’administration anglaise n’était pas familière avec la mentalité et les
besoins des Français d’ici, et une révolte de races et de religions venait tout
juste de se terminer.
Après 120 ans, je pense qu’il
est temps que la personne élue consulte le Conseil pour effectuer des modifications, et c’est la demande des deux
comités du Conseil de l’instruction publique et des plus hautes autorités religieuses elles-mêmes. La surintendance est une institution pour laquelle la Chambre a de l'admiration et du respect,
et elle a évolué sans cesse mais pas toujours dans la mesure des faits.
Il cite des articles du code
scolaire pour appuyer son avancé qui dit que les livres sont donnés par des
fonds accordés non par le surintendant de l'Instruction publique, mais par le
gouvernement provincial, que c'est le secrétaire de la province et non le
surintendant qui a autorité d'accorder l'aide financière
aux commissions scolaires. Le surintendant de l’Instruction publique,
qui est aussi le secrétaire du Conseil de l’instruction publique, a le rôle
légitime de s’occuper de l’administration et des programmes d’études en
éducation. Cependant, il revient à la personne élue de s’occuper de la dépense
des fonds recueillis auprès du public.
Il proteste du fait que l’Union nationale ait
affirmé que le surintendant était la personne mieux placée pour superviser les
subventions parce qu’il était moins sujet à subir des pressions politiques.
Pour le prouver, je peux citer des lettres qui indiquent que l’Union nationale
se cachait derrière le surintendant pour exercer des pressions politiques. De
plus, l’octroi des subventions était directement décidé par le premier ministre
ou le secrétaire de la province qui s’occupait à l’époque de l’éducation.
Au cours des années passées, les prédécesseurs du gouvernement actuel, de quelque parti qu'ils aient été, ont démontré que la
responsabilité d'attribuer des subventions aux commissions scolaires relevait
des ministres de la couronne. Tout cela avait pour but de souligner que, depuis
1841 et 1846, il y a eu du chemin de parcouru dans notre province, que les
conceptions de l'administration publique ont évolué, la façon d'administrer la
province a été adaptée aux besoins et aux idéaux du peuple.
Cette grande évolution a fait
naître une équivoque profonde et un désordre réel; on croit en certains milieux
que les subventions sont attribuées par le surintendant de l’Instruction
publique. Il y a équivoque en ce qui concerne le rôle du surintendant et celui
du ministre, et il importe que les électeurs, dans une saine démocratie, aient
le droit de savoir où se situe l'autorité de l'administration de leurs deniers.
Le gouvernement est d'avis que
l'autorité et la responsabilité des fonds
publics doivent être clairement et nettement situées aux yeux de
l'opinion publique. Toutefois, la tâche d'accorder des subventions aux
commissions scolaires incombe depuis des années et doit incomber aux ministres.
Dans une saine démocratie, en matière de finances, l'autorité ne peut pas
appartenir à un autre qu'un membre du gouvernement, responsable devant la
Chambre.
Le principe que la responsabilité financière doit
être détenue par un ministre a été reconnu par des autorités ecclésiastiques
voici environ deux ans, bien que nous hésitons à référer trop souvent aux
autorités ecclésiastiques, car nous croyons que celles-ci et l'autorité
civile doivent demeurer chacune à sa place, et que l'autorité civile occupe la
sienne dans sa responsabilité de la chose publique.
Le 26 février 1958, Son Éminence Mgr A. Martin, évêque de Nicolet, déclarait devant le
Conseil de l’instruction publique: "Au comité catholique, il
appartient de reconnaître comme collèges classiques les institutions qui
méritent d’être reconnues comme telles. Au gouvernement de la province, il
appartient de subventionner ces institutions selon des normes qu’il lui
appartient seul de déterminer." Mgr Martin parlait non seulement en son
nom personnel, mais au nom du comité épiscopal de l’enseignement, au nom de la
hiérarchie catholique de la province. C’est dans cette perspective que nous
présentons le présent projet de loi.
Le 26 septembre 1960, à une
séance du comité catholique de l’instruction publique, le cardinal Paul-Émile
Léger, archevêque de Montréal, déclarait que la Législature devra étudier le
rouage du comité catholique, reviser les règlements, fixer son champ d’action
et préciser sa juridiction. Quand la hiérarchie catholique s'est prononcée de
cette façon, dit-il, qui oserait dire que le gouvernement ne met pas en
application une saine idée de l'organisation de l'enseignement dans la province?
La hiérarchie religieuse a un rôle
important à jouer dans le domaine de l'enseignement. Pour l'Union nationale, la
confessionnalité est un mythe. Comment la respectaient-ils, cette
confessionnalité quant aux programmes et aux nominations dans les écoles
spécialisées? L'Union nationale s'est immiscée dans le domaine académique des
programmes qui devraient appartenir au surintendant. Dans le domaine de la formation technique et
professionnelle, elle a créé une anomalie que nous devons corriger. Il
faudra que les prêtres catholiques ne soient plus seulement tolérés, comme
c'est actuellement le cas, sous la fausse
étiquette de "professeurs de sociologie".
Je veux faire, dit-il, l'énumération sommaire
de tout ce qui se fait actuellement en dehors du Conseil de l'instruction
publique par la volonté de l’ancien gouvernement. Il y a des cours populaires
qui se donnent dans toute la province en marge et en dépit de toute autorité du
Conseil de l'instruction publique et du surintendant. Il y a les cours par
correspondance qui se donnent de la même façon, en marge des autorités
reconnues. Il n'y a, dans la province, aucun
système d'orientation professionnelle organisé par le Conseil de
l'instruction publique. Tout a été développé au ministère de la Jeunesse. Dans l'Union nationale en somme, on est
confessionnel quand ça fait l'affaire et on cesse de l'être quand ça ne
fait plus l'affaire. Pour les handicapés, rééducation des travailleurs
accidentés ou malades, etc., on a établi un système complètement en marge du
Conseil de l'instruction publique. Même chose pour les services des écoles
privées, pour les cours de rationalisation
du travail pour l'enseignement postscolaire. Dans ce dernier cas, les
cours du ministère font même concurrence aux cours organisés par le
surintendant, comme pour lui faire échec. Même pour les manuels scolaires,
domaine important entre tous, la loi ne fait aucunement mention du
surintendant. S'il fallait qu'un ministre athée succède à celui qui est là
actuellement, il pourrait non seulement choisir, mais acheter les droits
d'auteur, faire imprimer et distribuer les
manuels qu'il voudrait.
On me dira que j'exagère? Les documents sont là.
D'ailleurs, quand on a entendu l'Union nationale faire l'usage qu'elle a fait
de la religion, les reproches qu'elle pourrait nous faire sonnent faux. S'il y
avait une élection, l'opinion publique laverait toute cette opposition, ce qui
serait d'ailleurs fort mauvais pour nous. Nous croyons
que la population veut le maintien du système confessionnel. Nous voulons que
les enfants reçoivent l'instruction que leurs parents souhaitent. La question
doit s'envisager froidement.
Le gouvernement libéral veut revaloriser la fonction
du surintendant de l'Instruction publique dans cette province aux yeux de la
population. Nous voulons que les programmes, les manuels scolaires,
l'inspection de l'enseignement, l'organisation et la direction des écoles
normales, la télévision et la radio scolaire relèvent du surintendant. Nous
voulons qu'il cesse d'être un homme utilisé par les hommes politiques comme un
paravent. Nous voulons que le surintendant de l'Instruction publique soit
vraiment et complètement l'éducateur no 1 de la province. Nous voulons
qu'il soit, non seulement l'inspecteur en chef, mais qu'il soit de tous les
instituteurs et institutrices ainsi que de tous les éducateurs de cette
province, le chef. Nous voulons que la fonction du surintendant soit la plus
haute et la plus noble qui existe au Québec parce que c'est à lui que nous
confions le soin d'éduquer et d'instruire nos enfants. Il demande
l’ajournement.
Le débat est suspendu.
À 6 heures, la Chambre suspend
ses travaux.
Reprise de la
séance à 8 h 15
Projets de loi:
Financement des
commissions scolaires
Le débat se poursuit en deuxième
lecture.
M. Talbot (Chicoutimi): Nous
voici en présence de l’un des projets
de loi les plus gros de conséquences qui aient été présentés en cette
Chambre depuis un grand nombre d’années. Le ministre a voulu d’abord minimiser
l’effet de cette mesure. On eût dit, à l’entendre parler, qu’il s’agissait tout
simplement de mettre un peu d’ordre dans le système, tout comme une ménagère
tente de mettre de l’ordre dans son armoire. Je n’ai pas besoin de vous dire, M. l’Orateur,
que le projet de loi dont on vient de proposer la deuxième lecture eût été
impensable sous un gouvernement de l’Union nationale.
Par ce projet de loi, le
gouvernement actuel impose pour $32,000,000 de taxes nouvelles à des centaines
et des centaines de contribuables des corporations scolaires rurales à travers
la province, et ce montant sera susceptible d'augmenter considérablement dans
les années à venir.
Par ce projet de loi, le
gouvernement actuel met en veilleuse le surintendant de l'Instruction publique
en lui enlevant tout pouvoir réel. Le texte législatif ne laisse au
surintendant que ce que le ministre appelle des pouvoirs académiques, et
peut-être pour un temps seulement.
Par ce projet de loi, le
gouvernement met aussi sous le boisseau les comités catholique et protestant du
Conseil de l'instruction publique qui n'auront plus aucun pouvoir réel, mais
seulement, eux aussi, des pouvoirs académiques.
Par
ce projet de loi, le gouvernement constitue le ministre de la Jeunesse,
ministre, en fait, de l'Instruction publique sans oser lui en donner le titre.
Par ce projet de loi, le
gouvernement met, suivant les paroles du ministre, la cause sacrée de
l'éducation sous le contrôle des élus du peuple et la fait ainsi tomber dans le
domaine de la politique.
Par ce projet de loi, le
gouvernement ouvre la porte à tous les abus qui, l'histoire est là pour le
prouver, dans d'autres pays, ont amené l'école neutre et non confessionnelle.
Le bill 86 porte un titre qui est de nature à
induire en erreur les gens de bonne foi: Loi pour aider les commissions
scolaires à s’acquitter de leurs obligations.
En réalité, le
bill comporte deux principes majeurs. Il apporte la provincialisation de la
taxe d'éducation. Cette taxe est enlevée aux commissions scolaires et
donnée à l'État, qui l'étendra à toute la province et en doublera le rendement.
C'est donc un principe de centralisation et d'extension fiscale.
En second lieu, les subventions scolaires ne seront
plus réparties et payées par le surintendant de l'Instruction publique, mais par le ministre de la Jeunesse;
donc, çaconstitue un principe de
centralisation administrative.
À première vue, il paraît étonnant
qu’une mesure fiscale soit présentée par le ministre de la Jeunesse, au lieu du
ministre des Finances, et soit camouflée dans une mesure qui modifie
radicalement le régime des subventions.
Mais, à bien y songer, on réalise
que c’est dans la logique des choses. La centralisation administrative suit
toujours la centralisation fiscale. Les droits suivent l’argent. Les deux
principes énumérés plus haut doivent être examinés à la lumière
du même axiome qui est fondamental en politique: L'autorité réelle appartient
toujours à celui qui détient les cordons de la bourse.
Le
rapport Tremblay a, sans doute, recommandé de généraliser, en l’étendant
à toute la province, la taxe de vente scolaire, dite taxe d’éducation. Cette
recommandation apparaît notamment à la page 185 du volume 111, tome 1,
et aux pages 167, 198 et 321 du volume 111, tome 11.
Mais le contexte du document
indique clairement que, dans l’esprit des commissaires, cette taxe doit rester
une source de revenus des commissions scolaires, même si elle est perçue par la
province et répartie ensuite suivant des barèmes à déterminer.
Voici par exemple en quels termes
le rapport parle de la taxe de vente à la page 167 du volume III, tome II:
"Il apparaît maintenant
évident qu’un des moyens les plus opportuns d’accroître le rendement de cette
taxe est de la généraliser et de l’uniformiser à travers toute la province,
comme le recommande encore le mémoire soumis par l’Union des municipalités.
C’est le plus sûr moyen d’en faciliter le contrôle et de le rendre plus
efficace, comme aussi de procurer une meilleure répartition entre les
municipalités des avantages et des inconvénients que cette taxe comporte. Les
revenus qui en découleraient pourraient être répartis de la façon suivante: 2 %
pour le gouvernement provincial; 2 % pour les municipalités, et 1 %
pour les commissions scolaires.
"À noter que la taxe scolaire
n’était encore que de 1 % quand le rapport a été rédigé en 1956. Il est
clair que, dans l’esprit des membres de la Commission, ce 1 % même
généralisé devait continuer d’appartenir en propre aux commissions scolaires. À
plusieurs reprises, la commission pose en principe que chaque administration
doit, en autant que la chose est possible, disposer de revenus qui lui soient
propres. Elle dit par exemple: "L’idéal, tous l’admettent, est que chaque
gouvernement finance, avec les revenus qu’il prélève lui-même, les fonctions ou
les services dont il est responsable... (Volume III, tome II, page 187).
Mais le problème essentiel c’est que, autant que possible, les corporations
scolaires vivent de leurs revenus... (Volume III, tome II, page 198).
Il est éminemment désirable qu’elles (les commissions scolaires) puissent
obtenir de l’impôt la plus forte proportion de leurs revenus... (Volume III,
tome II, page 182)." Or, le premier élément de solution au
problème financier des communautés locales, c’est une meilleure répartition des
sommes disponibles pour l’impôt, et cela non par un jeu de subventions, mais
par un meilleur aménagement de la fiscalité générale." (Volume III, tome I,
page 183)
Pour bien indiquer que la taxe de
vente, même généralisée, doit rester une source de revenus propre aux
commissions scolaires, la Commission énumère comme suit, aux pages 184 et 185
du volume III, tome I, ce que pourraient être les champs de taxation
de ces organismes:
1. la taxe foncière;
2. la participation à la taxe
foncière des grandes entreprises par le moyen d’une taxe provinciale de
péréquation;
3. la généralisation de la taxe de
vente, en attendant d’autres réaménagements fiscaux.
Puis, dans les paragraphes suivants,
la Commission parle des subventions qui resteront quand même nécessaires pour
complémenter ces diverses sources de revenus.
L’Union nationale a compris que,
pour sauvegarder l’autonomie des commissions scolaires et remédier à
l’insuffisance de l’impôt foncier, il fallait leur attribuer en propre d’autres
sources de revenus. C’est pourquoi, non contente d’assumer leurs dettes à 100 %
en 1946 et à 50 % en 1956, elle a permis à celles qui le désiraient
d’imposer une taxe d’éducation, qui fut d’abord de 1 %, puis de 2 %.
Au début, ce pouvoir de taxation était accordé par voie de bill privé. À la session de 1959-1960, on a étendu à toutes
les commissions scolaires la liberté d’imposer une taxe de vente, pourvu qu’elle ne dépasse pas 2 %.
Par le bill 86, le gouvernement actuel enlève
cette source de revenus aux commissions scolaires et se l’attribue à lui-même.
L’article 2 abroge en effet la loi générale de la dernière session et
toutes les lois spéciales donnant à des
commissions scolaires le droit d’imposer une taxe de vente. Et les
articles 9 et 10 portent de 2 % à 4 % la taxe de vente
provinciale.
Dans une émission télévisée, le
soir du 28 mai, le ministre (l’honorable M. Gérin-Lajoie) a déclaré
que la taxe de vente rapportait annuellement $35,000,000 aux commissions
scolaires qui s’étaient prévalues du droit de l’imposer; et qu’en portant sa
propre taxe de vente de 2 % à 4 % dans toute la province, le
gouvernement verra son revenu augmenter de $67,500,000.
On enlève donc aux commissions
scolaires une source de revenus de $35,000,000 par année, et on impose aux
contribuables, aux contribuables ruraux surtout, car c’est principalement dans
les régions rurales qu’il n’y avait pas de taxe d’éducation, un fardeau
additionnel de $32,500,000.
À noter que,
par le bill 82, les commissions scolaires se voient enlever une autre
source de revenus: la rétribution mensuelle. Chaque fois que des droits fiscaux
sont ainsi confisqués pour être remplacés par des subsides, il y a
nécessairement perte d'autonomie.
Le titre du bill dit qu’il s’agit
d’aider les commissions scolaires à
s’acquitter de leurs obligations. Quand la commission Rowell-Sirois
proposait de remplacer par des subsides fédéraux les impôts directs qui
appartiennent aux provinces, elle disait aussi que c’était pour aider les
provinces à s’acquitter de leurs
obligations. L’Union nationale aidait beaucoup mieux les commissions
scolaires, en assumant leurs dettes et en augmentant leur source de revenus, de
façon à les rendre plus libres. Le gouvernement libéral leur enlève ces sources
de revenus alors que leurs besoins financiers augmentent très rapidement. Les
octrois provinciaux, qui n’étaient jusqu’ici qu’un complément, deviendront la
principale source de revenus des commissions scolaires.
Celles-ci seront forcées de vivre aux crochets
de la province. On les humilie en les appauvrissant. On les asservit en les
faisant tomber sous la coupe de l’État. Le sens des responsabilités va
s’amenuiser d’autant, à une époque où les urbanistes et les sociologues
cherchent les moyens de revigorer la vie des communautés locales. Les personnes
et les organismes intermédiaires se perdent de plus en plus dans le grand tout
étatique.
Il est un autre principe que
signale le rapport Tremblay au sujet de la fiscalité scolaire. À la page 198
du volume III, tome II, le rapport dit ceci: "Il y a un autre
point qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est de s’assurer que tous les
contribuables, à quelque catégorie qu’ils
appartiennent, apportent leur contribution financière aux frais de
l’éducation. C’est dans cet esprit que la commission propose: 1. un
réaménagement de l’impôt foncier par un régime plus scientifique et plus
uniforme d’évaluation; 2. un système de péréquation qui répartirait
plus équitablement les impôts fonciers payés par les grandes entreprises; 3. et,
en dernier ressort, la généralisation de la taxe de vente."
Par le bill 86, le gouvernement se contente de
généraliser la taxe de vente, qui est payée par les chefs de famille et les
petits contribuables. Mais il ne touche pas à l'impôt foncier des grandes
entreprises, qui est très minime en certaines localités. On veut que toutes les
petites gens, où qu'ils résident, payent pour les écoles; mais on n'en fait pas
autant pour les grandes entreprises, où qu'elles soient situées. Celles qui ont
leurs établissements dans de petits villages continueront de ne payer qu'un
faible impôt scolaire. On généralise le fardeau des petits, mais pas celui des
grosses compagnies.
C’est ce contre quoi la Fédération
des travailleurs du Québec a protesté. Le Devoir, du 29 mai,
rapportait notamment ce qui suit: "Le conseil exécutif de la centrale
aurait voulu que le bill 86 prévoie
l’imposition uniforme des sociétés industrielles et commerciales, y
compris celles qui sont situées en dehors de
territoires juridiquement organisés. L’organisme trouve inadmissible
qu’on généralise une taxe frappant surtout les petits consommateurs, sans même
annoncer son intention de faire porter aux compagnies une part équitable du
fardeau des taxes scolaires."
À la dernière session, l’Union nationale a trouvé le
moyen de hausser dans une très large mesure, et d’après des barèmes
statutaires, l’aide aux universités, aux
institutions d’enseignement secondaires et aux commissions scolaires.
Elle n’a pas pour autant alourdi le fardeau des contribuables, car elle n’a
haussé que l’impôt sur les corporations; et elle avait fait d’avance les
démarches nécessaires pour que cette hausse soit pleinement déductible de
l’impôt fédéral.
En d’autres termes, il y avait plus
de gratuité réelle sous l'Union nationale
que sous le gouvernement actuel, car l'Union nationale trouvait le moyen
d'aller chercher de l'argent à Ottawa, en récupérant les droits fiscaux de la
province, alors que le gouvernement actuel va chercher l'argent dans les
goussets des petits contribuables des campagnes.
Si, au moins, la taxe d'éducation avait été laissée
aux commissions scolaires! Il eût été facile d’organiser, soit au sein même de
la Fédération des commissions scolaires, soit par l’intermédiaire ou
l’arbitrage du surintendant de l’Instruction publique, un système de
péréquation qui aurait réparti équitablement le produit de cette taxe
généralisée. On n’aurait pas alors privé les commissions scolaires d’une source
de revenus qui contribuait puissamment à étayer leur autonomie.
Mais, par le bill 86, le
gouvernement actuel s'approprie cette taxe pour lui-même. Et, comme il a aboli
le fonds d'éducation, les $67,000,000 et plus qu'il en retirera retomberont
dans le fonds consolidé du revenu. Absolument rien dans le bill ne garantit que
cet argent sera dépensé pour l'éducation. Il pourra tout aussi bien servir pour
la voirie ou pour toute autre fin.
C’est vrai que le bill prévoit
différentes formes de subventions. Mais une subvention ne procure
jamais autant de liberté qu’une source de revenus qu’on peut prélever soi-même
dans la mesure de ses besoins. Si le gouvernement actuel ne sait pas cela, il
est bien mal outillé pour défendre les droits de la province. Pour recevoir les
subventions prévues dans le projet de loi, les commissions scolaires devront se
plier à des conditions extrêmement onéreuses.
D’après un éditorial du Dr Louis-Philippe
Roy, rédacteur en chef de L’Action catholique, qui possède une longue
expérience personnelle comme membre de la commission scolaire de Giffard, les subventions accordées pour l’enseignement
secondaire seront très insuffisantes pour rencontrer les dépenses que
les commissions seront obligées de faire. Maintenant que la taxe d'éducation ne
leur appartient plus, quel sera le recours des commissions scolaires? Elles
n'auront pas d'autre alternative que celle de quémander des hausses de
subventions. Et ces hausses, si jamais elles les obtiennent, seront sans doute
liées à de nouvelles conditions.
C’est ainsi que se perd
graduellement la liberté des commissions scolaires, et partant, des parents
eux-mêmes, qui ont pourtant les premiers droits et les premières
responsabilités en matière d’éducation. On dira que, d’après l’article 14,
aucune commission scolaire ne pourra recevoir moins qu’avant la provincialisation
de la taxe d’éducation. Mais le rendement de la taxe de vente est susceptible
de s’accroître, avec l’expansion économique et l’augmentation de la population.
Il est maintenant de $67,500,000. Mais il pourrait être de $100,000,000 dans
quelques années. Et le minimum prévu à l’article 14 du bill ne dépassera
jamais, lui, les $35,000,000 que les
commissions scolaires percevaient jusqu’à maintenant de cette taxe.
Le
premier ministre reproche au gouvernement fédéral d’avoir gelé pour des
années à venir les paiements de péréquation faits aux provinces. Or, par le bill 86,
le gouvernement fait exactement, à l’endroit des commissions scolaires, ce
qu’il reproche à Ottawa de faire à l’endroit des provinces. Il y a donc, dans
ce bill 86, un principe de centralisation fiscale que nous ne pouvons pas
admettre, parce qu’il conduit à l’asservissement des commissions scolaires et à
l’amoindrissement des droits des parents, tout en imposant une charge très lourde à une catégorie particulière de petits
contribuables, en violation flagrante des promesses faites pendant la
dernière campagne électorale.
Le premier ministre actuel avait en
effet déclaré, devant les membres du Club Kiwanis-Saint-Laurent, ces paroles
qui sont reproduites entre guillemets dans Le Devoir du 2 juin
1960. "Je tiens à vous dire et à vous répéter ce que j’ai dit: Le
programme du Parti libéral sera réalisé sans aucune augmentation de taxe et
j’insiste. Sans aucune augmentation de taxe." Jamais une promesse
électorale n’aura été violée aussi souvent et avec autant de désinvolture que
celle-là.
À ce principe de centralisation
fiscale s’en ajoute un autre, qui est infiniment plus grave que le premier et
que celui que comporte la provincialisation de la taxe scolaire. C’est un
principe de centralisation administrative. L’un va rarement sans l’autre. Et
l’on sait par expérience que, quand le dollar d’impôt perçu dans une localité
doit passer par Québec ou Ottawa avant de revenir dans la même localité sous
forme de subvention, non seulement il arrive aminci au terme de ce long voyage,
mais il ramène avec lui des charges, des hypothèques, des conditions qui en
limitent singulièrement l’emploi.
Et cette limitation est d’autant
plus grave que nous sommes ici dans le domaine sacré de l’éducation, où les
parents et l’Église ont des droits antérieurs à ceux de l’État. Si encore la
centralisation se faisait entre les mains du surintendant de l’Instruction
publique, qui est l’agent exécutif du Conseil de l’instruction publique et de
chacun de ses comités, le mal serait beaucoup moins grand.
Mais on dépouille le surintendant
de ses plus importants pouvoirs administratifs. Et au profit de qui? Au profit
du ministre de la Jeunesse. Ce sera désormais le ministre, et non plus le
surintendant, qui sera chargé de répartir et payer les subventions, même celles
qui ne sont pas statutaires. Le bill 86 sabote
l'une de nos institutions les plus fondamentales.
Le 28 septembre dernier, dans
une allocation que rapporte in extenso la livraison de novembre de la Revue
l’instruction publique, le ministre de la Jeunesse déclarait ce qui suit:
"C’est dans le cadre d’une
telle différenciation entre le rôle académique du Conseil de l’instruction
publique et le rôle administratif ou financier du gouvernement, que la question
de confier à un seul ministre les aspects administratifs des affaires
éducatives s’est posée depuis quelques années et que nous l’avons résolue dans
les cadres du ministère de la Jeunesse."
Je dis, M. l'Orateur, que
cette distinction entre les aspects académiques et les aspects administratifs
de l’éducation, dont on voudrait se servir pour dépouiller le surintendant de
ses principaux pouvoirs, est absolument nouvelle chez nous. Elle est contraire
à tous les textes antérieurs à la législation présente et
elle est encore plus dangereuse, plus révolutionnaire que cette autre
distinction qu’on a voulu faire entre l’éducation et la culture.
Cette dernière a servi de cheval de
Troie pour permettre à Ottawa de s’immiscer dans le domaine de l’éducation.
Celle qu’a inventée le ministre servira de cheval de Troie pour permettre au
gouvernement d’instituer, sans le nom, suivant le vœu exprimé par M. André
Laurendeau dans la livraison de mars du Maclean’s français, un véritable
ministère de l’Instruction publique.
M. Laurendeau écrivait en
effet ceci: "Que M. Lesage donne à la province, le cas échéant, la
chose sans le nom, et cela nous suffira." Je sais qu’avec M. Laurendeau
les gens d’une certaine école ne manqueraient pas d’applaudir l’établissement,
avec ou sans le nom, d’un ministère de l’Instruction publique. Mais je me
demande si ces applaudissements feraient honneur au gouvernement actuel. Je
suis sûr, en tout cas, qu’ils ne seraient pas partagés par l’immense majorité
de la population.
Dès son institution en 1841, la surintendance
de l’Instruction publique avait nettement pour but de sortir l’éducation de la
politique. La loi originale interdisait même aux membres de l’Exécutif et du
Parlement l’accès à cette fonction. Elle faisait du surintendant un personnage au-dessus
de la politique. En 1846, une autre loi précisa encore davantage les pouvoirs
du surintendant. Voici comment ces pouvoirs sont définis à l’article 35 de
la loi:
- De recevoir du receveur général toute somme
d’argent appropriée pour les fins de cet acte, et d’en faire la distribution
entre les commissaires d’écoles des diverses municipalités, d’après les
dispositions de la loi et proportionnellement à leur population, telle que
constaté par le dernier recensement.
- D’examiner et contrôler les
comptes de toutes personnes, corporations, ou associations comptables d’aucuns
deniers publics appropriés et distribués en vertu de cet acte; et de faire
rapport si lesdits deniers ont été employés de bonne foi aux fins pour
lesquelles ils sont accordés.
- De soumettre aux trois branches
de la Législature, annuellement, un rapport détaillé de l’état actuel de
l’éducation dans le Bas-Canada, des tableaux des écoles, du nombre d’élèves qui
les fréquentent, et autres choses semblables.
Sont-ce
là des pouvoirs purement pédagogiques? Il est clair que dès l’origine,
il y a plus d’un siècle, le surintendant avait des pouvoirs administratifs et financiers, aussi bien que des pouvoirs
pédagogiques. Et cela se comprend, puisque le but visé était de séparer
l’éducation de la politique. Si le surintendant n’avait exercé qu’une autorité purement pédagogique, comment
aurait-il pu faire appliquer ses directives? Il en sera toujours ainsi.
Tant qu’il faudra de l’argent pour construire et administrer des écoles, celui
qui contrôlera les fonds sera également en mesure de contrôler l’enseignement.
Et c’est un pouvoir bien platonique que celui de donner des directives, si les
moyens d’appliquer ces directives sont entre les mains d’une autre autorité.
Nos pères ont donc agi avec logique
et clairvoyance en confiant au surintendant
l’administration des sommes votées pour l’éducation. C’est justement
parce qu’il était absorbé par ses fonctions administratives et qu’il ne pouvait
pas toujours donner l’attention voulue aux
problèmes pédagogiques que fut institué, en 1856, le Conseil de
l’instruction publique. Mais le surintendant
était ex officio membre de cet organisme et c’est lui qui
était chargé de voir à l’application de ses règlements. Il devenait donc
l’agent exécutif du conseil. Et c’est en la personne du surintendant que se
faisait toujours en dehors et au-dessus de la politique, la nécessaire
coordination des fonctions administratives et pédagogiques.
C’est le système que nous avons
encore maintenant et qui a été admiré dans le monde entier, en particulier par
le pape Pie XII qui déclarait en 1949 à
M. Omer-Jules Desaulniers: "C’est merveilleux ... il faut
faire connaître un système d’éducation qui respecte à ce point les droits des
parents." (Paroles citées par M. Desaulniers lui-même, dans la
préface de la brochure de M. Gérard Filteau intitulée: Les constantes
historiques de notre système scolaire).
Il y eut bien l’alerte de 1898.
Manœuvré par des pseudo-réformateurs en mal de déniaiser la province de Québec et de la sortir de l’obscurantisme,
le cabinet Marchand fit voter par l’Assemblée législative une loi établissant
un ministère de l’Instruction publique. Le nom y était, avec la chose. Et le
parrain du projet de loi, M. Robidoux, prit immédiatement le titre de
ministre de l’Instruction publique. Il ne le garde toutefois que trente-six
heures. Car le Conseil législatif rejeta le projet de loi.
Lors du débat à la Chambre haute, Sir Thomas Chapais
a prononcé un discours mémorable qui, après plus de 60 ans, garde une
telle valeur d’actualité qu’on le croirait pensé pour aujourd’hui. À ce moment-là
comme à présent, le gouvernement disait agir sous l’impulsion de la grande voix
populaire qui s’était manifestée lors des élections précédentes. "Non,
non", répondait Sir Thomas, "ce n’est pas le peuple de la province de
Québec qui a réclamé cette loi; ce n’est pas le peuple
qui a sollicité plus de politique et moins de liberté dans l’éducation; ce
n’est pas le peuple qui a demandé plus de patronage ministériel et moins
d’impartialité administrative; ce n’est pas le peuple qui a désiré moins
d’autorité pour les évêques et plus d’autocratie pour les politiciens; ce n’est
pas le peuple qui a voulu moins de garanties pour la famille et plus
d’omnipotence pour l’État... Jamais et nulle part les électeurs ne nous ont
crié: Bouleversez notre système d’instruction publique; jamais et nulle part
nos adversaires n’ont dit: si nous triomphons, nous restreindrons les pouvoirs
du Conseil de l’instruction publique, et nous remplacerons le surintendant par
un ministre".
Et M. Chapais de continuer
plus loin: "Ce cri, cette clameur sont partis d’autre part. Lorsque le
gouvernement présente ce bill, il n’obéit pas à la voix du peuple; il obéit à
la pression d’un élément perfide, grossi de quelques aveugles qui croient avoir
fait preuve de génie quand ils ont crié: "réforme", et déclaré qu’ils
sont les fils d’un Siècle de lumière et que leurs contradicteurs sont des
demeurants du Moyen Âge."
Et pour bien montrer qu’il n’y a
rien de nouveau sous le soleil, je détacherai encore du discours de M. Chapais
deux extraits des journaux du temps. Le premier est d’une feuille radicale, qui
s’appelait Le Réveil. Voici ce qu’écrivait ce journal en 1898: "Ce
que nous avons prêché, ce que nous demandons pour le Canada, c’est l’instruction
laïque, gratuite et obligatoire, fondement
de toute démocratie instruite et utile. Nous ne prétendons pas avoir
réussi à faire triompher ce programme, ce serait trop beau. La France, notre
mère patrie, a mis des siècles à en arriver là; mais voyez donc ce que nous
avons obtenu déjà. Pour la laïcisation, ne voit-on pas que nous y
marchons à grands pas et que tout nous y conduit?"
Voici maintenant ce qu’écrivait La
Patrie, journal ministériel du temps. "Nos amis de Québec veulent
créer un ministère de l’Instruction publique pour une bonne raison, c’est que
le Conseil, sans chef responsable, n’a été jusqu’ici qu’un corps routinier,
indolent, apathique, qu’il n’a pas donné à l’enseignement l’importance et
l’attention qu’il mérite; c’est que nos populations veulent et doivent être
éclairées. C’est qu’il faut relever le niveau de l’école et du professorat. C’est
qu’il faut tirer la province de la position humiliante où l’ancien système l'a
mise. Il faut faire notre peuple fort, vigoureux, intelligent, pratique, et le
Conseil de l’instruction publique n’a rien compris à cela dans le passé."
Voilà, M. l'Orateur, ce
qu’écrivaient certains journaux en 1898. Ceux qui prêchent aujourd’hui en
faveur des écoles neutres, ceux qui veulent diminuer l’influence du clergé dans
l’enseignement, ceux qui réclament un ministère de l’Instruction publique
croient exprimer des idées neuves, et ils traitent de fossiles et de moyenâgeux ceux qui pensent autrement. En réalité,
ils ne font que ressasser de très vieilles rengaines, qui avaient déjà cours au
siècle dernier et qui ont été maintes fois rejetées par la population.
Je sais que le premier ministre a
fait dernièrement, à l’Université de Montréal, une déclaration formelle contre
l’école neutre. C’est bien et je l’en félicite, même si je trouve qu’il a
beaucoup tardé à mettre les choses au point. S’il avait pris plus tôt une
attitude aussi catégorique, peut-être aurait-il épargné à notre province
une partie de l’agitation dont nous avons été témoins en ces derniers mois.
J’estime qu’il appartient aux laïcs d’abord, aux pères de famille pleinement conscients de leurs responsabilités en
matière d’éducation, de mener la bataille contre l’école neutre. Et parmi ces
laïcs, ceux qui incarnent l’autorité civile, ceux qui ont le mandat de diriger
la société, ne devraient-ils pas être constamment à la pointe du combat?
Par ailleurs, je ne puis oublier
non plus que le premier ministre a déjà fait des déclarations tout aussi
formelles, portant que le gouvernement qu’il dirige
n’établirait jamais un ministère de l’Instruction publique. Il y a un
point sur lequel je m’entends parfaitement avec M. Laurendeau. C’est que
le nom importe peu. L’important, c’est la chose. Or, dans ce bill 86,
quelle est la chose? Nous ne nous objectons aucunement aux subventions
mentionnées dans ce projet de loi ou dans les autres. Elles ne sont, dans la
plupart des cas, que la suite logique de l’aide statutaire que nous avions
commencé à donner l’an dernier à tous les degrés de l’enseignement. Je sais
bien, par exemple, qu’il faut aider à développer l’enseignement secondaire. Et
c’est une excellente chose, surtout avec la prolongation de la scolarité
obligatoire, que l’on donne une assistance spéciale dans le cas des enfants
retardés, ou de ceux qui peuvent avancer plus vite que les autres dans leurs
études.
Nous voterons toutes les
subventions que l’on voudra, mais à une condition essentielle: c'est qu'elles
continuent d'être appliquées, distribuées, payées par le surintendant. C’est
qu'on n'enlève pas au surintendant des pouvoirs essentiels pour les confier au
ministre de la Jeunesse. C’est qu'on ne prenne pas un moyen détourné pour
établir, sans le nom, un ministère de l'Instruction publique.
Ce n’est pas contre le nom que
se battait Sir Thomas Chapais en 1898. Voici ce qu’il disait: "C'est dans
la suppression du surintendant et dans son remplacement par un ministre que se
trouve le coup fatal porté aux pouvoirs, à la dignité, à l'importance du
Conseil de l'instruction publique". Ici, dans le bill 86, on ne va
pas jusqu’à supprimer le surintendant; mais on lui enlève le plus clair de ses
fonctions administratives et financières. Et pour modifier ce changement
radical, on dit: "le surintendant est un homme très occupé; enlevons-lui
des responsabilités financières pour qu’il puisse mieux se consacrer à ses
tâches éducatives". Mais le ministre n’est-il pas aussi un homme
très occupé? Est-il plus difficile d’augmenter le personnel du
surintendant que le personnel du ministre? Et en quoi le surintendant sera-il
aidé dans ses tâches éducatives quand la disposition des sommes nécessaires à
l’enseignement ne dépendra plus que du seul ministère de la Jeunesse?
On veut que le surintendant et le
Conseil de l’instruction publique prennent les décisions pédagogiques, mais on
groupe entre les mains du ministre de la
Jeunesse tous les leviers qui permettraient d’appliquer ces décisions.
Est-ce que le seul fait de répartir les subventions et de les affecter à
telle ou telle fin particulière n’implique pas en lui-même une foule de décisions
d’ordre pédagogique? C’est toujours le même principe qui joue: celui-là
détient l’autorité réelle qui contrôle les cordons de la bourse.
On parle aussi d’un besoin de coordination. Mais
pourquoi cette coordination ne se ferait-elle pas au bureau du surintendant
plutôt qu’au bureau du ministre de la
Jeunesse? Les fonctions du surintendant offrent un caractère de
permanence que ne sauraient avoir celles du ministre. Celui-ci détient un
mandat politique qu’il doit faire renouveler tous les quatre ans par les
électeurs de son comté. Même s’il est réélu, il cessera fatalement d’être
ministre si son parti est mis en minorité.
Et, au cours d’un même mandat, il
arrive souvent qu’un portefeuille change de titulaire, tandis que le surintendant, en vertu d’un amendement apporté par
l’Union nationale à la loi de l’instruction publique en 1959 (7-8 Elizabeth II,
chapitre 38), est pratiquement inamovible. Il reste en fonction durant
bonne conduite et ne peut être destitué que sur une adresse des deux Chambres.
Dans son allocution prononcée à l’Université de Montréal, le 31 mai, le
premier ministre déclarait ce qui suit: "Sans doute, tout n’est-il
pas parfait. De perpétuels rajustements doivent être apportés, comme dans tout
ce qui est humain, pour que l’application serre toujours de plus près les
principes. Mais rajustement et correctifs signifient modalités et accidents;
non point principes et substances. Lorsqu’on ajoute un ornement à une
structure, on ne commence pas par en saper les fondations."
Ces paroles sont excellentes et j’y
souscris volontiers. Mais, par ce bill, le gouvernement fait plus que changer
les modalités et les ornements. Il sape les fondations de l’édifice. L’article 23
de la nouvelle rédaction du chapitre 61-A donne au ministre de la
Jeunesse, et non plus au surintendant comme auparavant, l’administration et le
contrôle de toutes les subventions, même celles qui ont trait aux livres de
classe, aux bibliothèques scolaires et au transport des écoliers, et ce qui est
encore plus grave, même celles qui concernent la construction et la réparation
des écoles. Ces dernières subventions n’ont rien de statutaire. Elles sont
laissées à l’entière discrétion du ministre.
Combien de fois en cette Chambre
n’ai-je pas entendu nos amis d’en face nous reprocher d’introduire la politique
dans les subventions pour construction d’écoles? Pourtant, c’est le
surintendant qui détenait seul, dans les limites du budget voté par les
Chambres, le contrôle de ces subventions. Tout ce que pouvaient faire les
ministres et les députés, c’était d’appuyer les démarches de leurs mandataires
et d’adresser au surintendant des recommandations qu’il était parfaitement
libre d’accepter ou de refuser.
En fait, bien des commissions
scolaires s’adressaient directement au surintendant sans passer par le député
et elles ne s’en portaient pas plus mal. La recommandation du député ou du
ministre n’a jamais été une condition nécessaire pour obtenir une subvention.
Si donc, en dépit de ces sauvegardes, il pouvait subsister une certaine
tentation d’ingérence politique, qu’en sera-t-il quand tout se
décidera, non plus au bureau du surintendant, mais au bureau du ministre? Le
ministre est-il bien sûr de pouvoir toujours mettre de côté ses intérêts
électoraux et ceux de son parti? Et s’il est sûr de lui-même, ne devrait-il
pas au moins s’inquiéter de l’avenir?
Par l’article 2 du présent
projet de loi, à la page 8, on tranche dans le vif des attributions
administratives et financières du surintendant. En abrogeant le premier
paragraphe de l’article 17 du code scolaire, on enlève au surintendant le
pouvoir de recevoir du ministre des Finances de la province et de distribuer,
conformément aux dispositions de la loi, les subventions destinées aux écoles
publiques et à toutes autres institutions d’éducation y ayant droit.
Par le paragraphe 2 du même article 17,
c’est le surintendant qui était chargé de préparer le budget de
l’instruction publique. Le secrétaire provincial, et depuis peu le ministre de
la Jeunesse, n’était que son porte-parole en Chambre. Il n’était pas, comme on
est habitué à dire depuis quelques mois, le ministre responsable de
l’Éducation. C’était le surintendant qui était vraiment ce ministre responsable
de l’Éducation. Mais comme il n’était pas membre de la Législature, il fallait
bien que quelqu’un se fît son porte-parole, pour exposer devant la Chambre le
budget et les autres mesures préparées par lui.
Or,
l’amendement qu’on apporte au paragraphe 2 de l’article 17 dit
que dorénavant, le surintendant ne préparera pas le budget du département de
l’Instruction publique, et non plus le budget de l’éducation en général. On
fait également sauter le cinquième paragraphe de l’article 17, qui
imposait au surintendant le devoir de rendre compte à la Législature des
subventions accordées par lui. Ce sont là autant de modifications qui touchent
à une institution fondamentale. En rognant sur les pouvoirs du surintendant, il
est évident qu’on diminue du même coup l’influence du Conseil de l’instruction,
de qui le surintendant doit prendre ses instructions d’après l’article 13
du code scolaire.
Il
y a d’autres dispositions du code auxquelles on ne touche pas, mais qui
tomberont d’elles-mêmes en désuétude si le bill 88 est adopté. Par
exemple, l’article 15 qui dit ce qui suit: "Le surintendant peut
retenir la subvention de toute municipalité ou institution d’éducation qui ne
lui a pas transmis les rapports prescrits par la présente loi, qui a adopté ou
permis l’usage de livres de classe non autorisés, ou qui a refusé ou négligé
d’observer quelqu’une des dispositions de la loi ou des règlements concernant
l’instruction publique."
On voit par cet article jusqu’à
quel point le contrôle des subventions constituait une arme efficace entre les
mains du surintendant. Si une commission scolaire ou une institution quelconque
refusait d’appliquer les directives du Conseil de l’instruction publique, le
surintendant pouvait lui couper les vivres, retenir les subventions jusqu’à ce
que le mal ait été corrigé. D’après le bill 86, ce ne sera plus le
surintendant, mais le ministre de la Jeunesse qui sera en possession de cette
arme. C’est lui qui sera en mesure de retenir les subventions si les choses ne
se passent pas à son goût. On ne peut même imaginer une situation où le
ministre se servirait de cette arme pour
contrecarrer les directives du Conseil de l’instruction publique. Et
alors, où serait la coordination?
Ce n’est pas tout. Par l’article 6
du bill 86, on dépouille le surintendant, au profit du ministre de la
Jeunesse, des pouvoirs que la Législature lui avait donnés en 1956, par la loi 4-5 Elizabeth II, chapitre 39, relatives au rachat des dettes scolaires. Ce n’est pas tout. Par l’article 7
du bill 86, ce ne sera plus le surintendant, mais le ministre de la
Jeunesse qui sera chargé de l’application du bill 50 de l’an dernier (8-9 Elizabeth II, chapitre 45),
touchant les subventions aux institutions d’enseignement secondaire.
Mais le comble, nous le trouvons à l’article 8 du présent projet de loi.
Il permet au cabinet d’ordonner "le transfert total ou partiel au ministère
de la Jeunesse d’un crédit voté au département de l’instruction publique pour l’année courante aux fins
d’administration, de subventions, de bourses d’études ou
d’immobilisations".
Ainsi donc, le ministre de la
Jeunesse pourra s'approprier, en détail ou en gros, tout le budget du
département de l'Instruction publique. Et l’on osera dire ensuite que cette
mesure ne crée pas un véritable ministre de l’Instruction publique? Par la
création du ministère des Affaires culturelles, on a déjà enlevé au surintendant
les pouvoirs qu’il détenait par l’article 18 du code scolaire, touchant
l’avancement des arts, des sciences et des lettres. Et l’on a établi, entre
l’éducation et la culture, une frontière absolument artificielle.
Par la création d’une commission
d’enquête sur l’éducation, chargée de faire rapport au cabinet plutôt qu’au
surintendant, on a mis de côté les articles 16 et 43 du code
scolaire, qui donnaient au surintendant et au Conseil de l’instruction publique
le soin d’instituer les enquêtes nécessaires en matière d’éducation. D’autres
projets de loi, comme le bill 87, font disparaître de notre code scolaire
des chapitres entiers concernant les
pouvoirs du surintendant, par exemple 455 et 469. Mais ce bill 86
est le plus grave de conséquences parce que, contrairement aux traditions et
aux conceptions qui nous sont propres, il place l’enseignement sous la coupe de
l’État.
Le premier ministre a soutenu, lors de la discussion
du bill 64, que le Parlement est souverain en matière de subsides et qu’il
est prêt à aller défendre cette thèse devant le peuple; autrement dit, qu’il
est prêt à faire des élections pour soutenir les droits de la Chambre au
contrôle des subsides de l’instruction publique.
C’est un grand coup d’épée dans l’eau, un geste à la
Don Quichotte. Le premier ministre invente un mythe pour se donner le plaisir
de le pourfendre. La vérité, c’est que le Parlement a toujours discuté et voté
les subsides de l’instruction publique, comme ceux de n’importe quel autre
département. Il a toujours conservé le contrôle de ces crédits. Et personne ne
veut le lui enlever.
Il est donc
ridicule de partir en croisade pour défendre ce principe qui a toujours été
reconnu, avec ou sans ministère de l’Instruction publique. La seule différence,
c’est qu’avec le système actuel, que nous voulons
conserver, le budget de l’instruction publique est préparé, puis
administré par le surintendant qui relève du Conseil de l’instruction publique,
au lieu d’être préparé, puis administré par un ministre relevant du cabinet. Avec la conséquence primordiale que
l’éducation n’est pas à la remorque d’un parti politique. Le surintendant
pourra bien subir des pressions politiques, mais il est en possession d’y
résister beaucoup mieux qu’un ministre, puisqu’il est pratiquement inamovible,
alors que le ministre, lui, a des comptes à rendre à ses électeurs et à son
parti.
Supposons, par exemple, que la Fédération libérale
voudrait s’immiscer dans la répartition des subventions aux commissions
scolaires ou aux maisons d’enseignement. Elle aura beaucoup plus de chances
d’avoir satisfaction avec le ministre de la Jeunesse qu’avec le surintendant.
Même si c’est le surintendant qui prépare et administre le budget, c’est
toujours la Chambre qui le vote.
C’est précisément pour cela que le surintendant doit
avoir en Chambre un ministre qui se fasse son porte-parole. Le secrétaire
provincial autrefois, et maintenant le ministre de la Jeunesse, en plus des
fonctions qui leur sont propres, agissent en Chambre comme les assistants
parlementaires du surintendant.
Ils répondent aux questions des
députés et donnent les renseignements nécessaires sur le budget de l’éducation,
tout comme ferait par exemple l’assistant parlementaire du ministre de la
Voirie si celui-ci était absent pour une cause ou pour une autre. Mais,
du fait qu’il joue ce rôle, l’assistant parlementaire du ministre de la Voirie
ne pourrait pas se faire appeler le ministre responsable de la Voirie. Ce n’est
pas lui qui a préparé le budget et qui l’administrera une fois voté.
De la même façon, le porte-parole
en Chambre du surintendant ne saurait se faire appeler le ministre responsable
de l’Éducation. S’il assume les pouvoirs
d’un ministre responsable de l’éducation, c’est tout notre système
traditionnel qui est changé. Et ce changement, que rien ne justifie, ne donne
pas à la Chambre un contrôle plus complet sur le budget de l’instruction
publique.
La seule différence en ce qui
concerne la Chambre, c’est que la discussion de ce budget risque de prendre une
tournure beaucoup plus partisane. Pour ce qui est du Conseil de l’instruction
publique et de chacun de ses comités, dont le surintendant est l’agent
exécutif, il est clair que le changement leur enlève le contrôle réel de
l’éducation, même dans ses aspects purement pédagogiques. Car l’affectation des
deniers publics à telle ou telle fin particulière suppose déjà une foule
d’options pédagogiques. C’est désormais le ministre qui fera ces options, au
lieu du surintendant et du Conseil de l’instruction publique.
Il y aura plus de palabres sur la
place publique et les petits-maîtres qui regardent de haut le Conseil de
l’instruction publique s’en donneront à cœur joie. Mais il y aura moins de
travail efficace. Et ça coûtera plus cher, car il n’y aura plus aucun obstacle
pour empêcher le bon ou le mauvais patronage de s’introduire dans l’éducation.
Quant à la Chambre, elle n’aura pas plus de contrôle qu’auparavant sur le
budget de l’éducation. Du moment qu’un budget est soumis à la Chambre, les jeux
sont déjà faits.
Les députés peuvent poser des
questions et obtenir des renseignements, mais en pratique, jamais elle ne
modifie un budget, qu’il s’agisse d’instruction publique ou d’autre chose.
C’est le gouvernement qui est le maître tant qu’il a la majorité en Chambre. Et
la seule façon de rejeter un budget serait de renverser le gouvernement.
En définitive, ce qu’on appelle le
contrôle des subsides tient au principe de la responsabilité ministérielle.
C’est le cabinet qui mène tant qu'il a la confiance de la Chambre, c’est-à-dire
tant qu’il a l’appui de la majorité des députés. Avec notre système
traditionnel, l'éducation pouvait progresser indépendamment des changements de
gouvernement et des fortunes des partis politiques. Avec celui qu'on veut
instaurer, elle entre dans la sphère des discussions partisanes. Mais la
Chambre n'aura pas plus de contrôle sur le budget de l’éducation qu'elle n'en
avait auparavant.
Émile Faquet a écrit ceci:
"L’État n’a rien à voir dans les choses de l’enseignement parce que, quand
il s’en mêle, il est le plus souvent maladroit et assez souvent ridicule. Comme
il est nommé pour faire de la politique et qu’il n’est qu’un homme politique,
il ne voit dans l’enseignement que la politique et n’y fait que de la politique,
et toutes ses pensées en cette affaire se ramènent à ce point: Mon corps enseignant me fera-t-il aimer et
me préparera-t-il des électeurs?" (Le libéralisme,
à la page 162).
Ne cherchons pas trop à imiter ce
qui se fait ailleurs. Nous avons parfaitement le droit d’être et de rester
différents des autres. Pour nous, de la province de Québec, l’enseignement ne
doit pas être taxé uniquement sur des
valeurs matérielles et temporelles. Qu’importe que
d’autres nous précèdent dans la lune? L’éducation, au sens où nous l’avons
toujours entendu chez nous, a pour mission de conduire l’homme à des hauteurs
infiniment plus élevées que celle-là.
M. Johnson (Bagot): Le
ministre de la Jeunesse veut faire en sorte que le surintendant devienne une
sorte de président d'honneur de l'instruction publique, rien de plus. Le
système actuel d'éducation est le mieux adapté et le plus conforme à la
doctrine de l'Église. C'est un système qui a fait ses preuves. La seule chose
qu'il lui reproche, c'est sa trop grande humilité et son manque de "public
relation".
Ce projet de loi met en danger la confessionnalité
dans les écoles du Québec. Il cite l'article 93 de la Constitution
canadienne pour prouver que ce document l'établit. Remontant jusqu'à l'Acte de
l'Amérique britannique du Nord, il est clair que la confessionnalité a des
droits, tant pour la majorité que pour la minorité. Lorsque les parents ont
délégué leur autorité et leur responsabilité, c'est au Conseil de l'instruction
publique qu'ils l'ont fait. Il est fallacieux de prétendre qu'ils les ont
délégués à un gouvernement. Quand on songe à ce qui se passe dans les autres
provinces et dans d’autres pays où les catholiques, placés devant les écoles
d’État, font des sacrifices immenses pour avoir des écoles confessionnelles,
pourquoi prendrions-nous le risque de mettre en danger celles que nous avons
dans la province de Québec?
Ce que je ne comprends pas dans
cette loi, c'est qu'on prenne le moindre risque de mettre en péril un système
tel que le nôtre. Pourquoi avoir honte de ce qu’ont fait le comité catholique
et le comité protestant? Pourquoi laisser croire que le surintendant n’a pas
fait son devoir et que le Conseil de l’instruction publique n’a pas été
efficace? Pourquoi mettre en danger notre système d’écoles pour faire plaisir à
quelques intellectuels que le premier ministre a qualifiés, l’autre jour, dans
son discours à Montréal?
Le premier ministre devrait voir à
ce que la législation concorde avec ses paroles. Du moment qu’on formule la
théorie que les droits de l’État précèdent ceux des parents et que l’on
présente une mesure comme celle-ci, on a raison de craindre que certains éléments de la population, certains
catholiques progressistes feront une pression telle que le gouvernement
sera contraint de mettre de côté éventuellement la confessionnalité de nos
écoles. Ces éléments s’agitent très fort en ce moment.
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest): J'ai, dit-il, exprimé des convictions profondes qui
ne datent pas d'aujourd'hui, lorsque j'ai parlé à l'encontre des écoles
neutres, à l'Université de Montréal, la semaine dernière et je n'ai rien à
retirer. J'ai été élevé dans une famille chrétienne et dans un milieu chrétien.
Je fus un élève du Séminaire de Québec, et de l'Université Laval. J'ai trop
bénéficié de notre enseignement confessionnel pour ne pas y rester attaché.
J'ai l'intention, dit-il, de défendre partout le système d'enseignement
qui est le nôtre et je ne permettrai pas que l'on y déroge. Bien loin de
rapetisser le rôle du surintendant, le gouvernement veut le grandir en lui
laissant tout le secteur pédagogique.
Au moment de mon assermentation
comme ministre fédéral du Grand Nord, dit-il, il n'existait pas une école
confessionnelle dans cette partie du pays et j'en ai établi une. On veut
grandir le rôle du surintendant et non pas le diminuer et mettre dans la loi ce
qui correspond aux faits. L'Union nationale a négligé le côté administration du
surintendant. Nous sommes des réalistes et nous voulons augmenter dans le
domaine pédagogique le rôle du surintendant; nous voulons donner au
Parlement son rôle qui lui revient et non pas à un dictateur.
Il est fier de terminer, par le bill 86, la
législation la plus complète en la matière de l'éducation
jamais présentée à l'Assemblée législative. Il loue l'œuvre immense du
ministre de la Jeunesse. La déclaration de son gouvernement, dit-il, est
de nature à donner à la génération de demain non seulement un encouragement,
mais un nouveau départ vers le progrès et l'essor du Canada français.
(Minuit, le 8 juin
1961)
M. Bellemare (Champlain) feuillète un journal.
L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): Le député ne trouve pas ses convictions dans les journaux.
M. Bellemare (Champlain): Je cherche l'article qui dit que le premier ministre a refusé un octroi
à Sillery6.
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest): Je jure7, dit-il, que
je n’ai pas refusé la subvention. La Commission scolaire de Sillery m'a écrit,
s'adressant à moi non pas en tant que premier ministre, mais comme député de
Québec-Ouest. J'ai discuté avec les hauts fonctionnaires
de l'Instruction publique de l'opportunité d'une subvention, mais on a fait
valoir qu'à Sillery l'impôt foncier scolaire est de $0.50 par cent dollars de
biens-fonds, alors que la moyenne dans des villes semblables est de plus de $1.
On m'a dit que si Sillery imposait
une taxe de $0.85, la Commission doublerait son revenu. On pourra lire ma
lettre. Je n'ai rien refusé aux commissaires, mais ils ont décidé de suivre mon
conseil et de hausser la taxe. Lisez
jusqu'au bout, M. le député de Champlain!
M. Bellemare (Champlain) répète le mot "refus".
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest) promet qu'il lui remettra une copie de la lettre où l'on
chercherait en vain le mot "refus".
Dépôt de documents:
Commission
scolaire de Sillery
L’honorable M. Gérin-Lajoie
(Vaudreuil-Soulanges) dépose sur le bureau de la Chambre les documents
suivants:
Mémoire soumis par la commission scolaire de
Sillery, à l’honorable Paul Gérin-Lajoie, ministre de la Jeunesse. (Document de
la session no 156)
Liasse de lettres concernant la
commission scolaire de Sillery et le ministère de la Jeunesse. (Document de la
session no 157)
Le débat se poursuit en deuxième
lecture.
M. Morissette (Arthabaska): Ce sont les cultivateurs et les ouvriers qui profiteront davantage du bill 86
parce que, grâce à lui, les municipalités rurales et les municipalités pauvres
recevront environ 75 % des octrois statutaires. Le bill 86 est le
plus important de tous ceux qui ont été soumis à la Chambre et il devrait être
adopté immédiatement.
M. Bertrand (Missisquoi): Les hommes d'État qui nous ont précédés et qui ont voulu, il y a 120 ans,
que l'éducation soit sortie de la politique ont posé là un acte de grande
sagesse que nous devrions, en 1961, maintenir dans notre législation. Nous
voulons être de notre époque, mais en restant fidèles à un système qui a 120 années
d'existence et qui a fait ses preuves.
Il reproche au ministre de se
couvrir d’une déclaration de l’évêque de Nicolet, Mgr Martin, pour enlever
au surintendant ses pouvoirs administratifs. Même si le ministre interprète
cette déclaration comme si elle lui accordait la permission de dépouiller le
surintendant, je maintiens mon opinion qu’il vaut mieux que ces pouvoirs
restent au surintendant, au lieu d’être confiés au ministre. Nous sommes prêts
à appuyer toute mesure qui accroîtra même les pouvoirs du surintendant. Si un
seul ne suffit pas, qu’on en nomme deux, l’un pour le secteur de
l’administration, l’autre pour celui de la pédagogie.
M. Maltais (Québec-Est): Le bill 86 constitue un début de monopole en matière d'éducation
parce que, par la force des choses, le droit des parents à l'éducation
disparaîtra graduellement. Il veut se faire le porte-parole de la Fédération
des commissions scolaires de l'archidiocèse de Québec qui s'est opposée ces
jours derniers à ce que le Parlement dépouille le surintendant de ses
attributions, pour les confier au ministre de la Jeunesse. Le Parlement vote
les subsides, mais quant au contrôle sur l’affectation et la distribution des
subsides, il relève seulement du surintendant.
M. Bellemare (Champlain): À
la faveur de ce bill 86, on ouvre toutes grandes les portes du patronage
politique au ministère de la Jeunesse. Ce bill va créer des perturbations dans
l’administration des subventions aux commissions scolaires. Jamais les gens
bien pensants ne pardonneront au gouvernement l’accroc lamentable qu’il fait
subir à notre système d’enseignement.
L’honorable M. Gérin-Lajoie
(Vaudreuil-Soulanges) donne lecture de la résolution de la Fédération des
commissions scolaires de la province en faveur de la généralisation de la taxe
de vente de 2 %. J'ajoute que ce que le bill renferme est conforme à la
résolution que 805 commissions scolaires ont approuvée. Et le produit de
cette taxe, soit la somme de $67,800,000, sera intégralement remis aux
commissions scolaires.
Il accuse les députés de
l'opposition de revenir sur le mythe du surintendant de l'Instruction publique,
pour placer l'éducation à l'abri de la politique. Or, c'est justement le
système qui a existé jusqu'ici et qui constituait le plus odieux régime
camouflé de patronage, déclare-t-il.
Nos amis d'en face se sont servis
du surintendant de l'Instruction publique, comme paravent
pour leur patronage avec les deniers publics.
La motion portant deuxième lecture
du bill 86 est mise aux voix et la Chambre se divise.
Les
noms sont appelés et inscrits comme suit8:
Pour: MM. Arsenault,
Bédard, Bélanger, Binette, Blank, Boulais, Brown, Castonguay, Coiteux, Collard,
Courcy, Cournoyer, Couturier, Dionne, Earl, Gérin-Lajoie, Harvey, Hyde,
Jourdain, Lafrance, Lalonde, Lambert, Laroche, Lavoie, Lechasseur, Lemieux, Lesage, Levesque (Bonaventure), Maheux,
Morissette, Ouimet, Parent, Pinard, Plourde (Roberval), Poulin, Roy (Lévis),
Saint-Pierre, Théberge, Turpin, Vaillancourt, 40.
Contre: MM. Bellemare,
Bertrand (Missisquoi), Boudreau, Charbonneau,
Custeau, Desjardins, Dozois, Ducharme, Élie, Gosselin, Johnson,
Johnston, Lafontaine, Langlais, Larouche, Maltais, Raymond, Riendeau, Talbot,
Thibeault, 20.
Ainsi, la motion est adoptée. Le bill 86
est, en conséquence, lu une deuxième fois et renvoyé à un comité plénier de la
Chambre.
L’honorable M. Gérin-Lajoie
(Vaudreuil-Soulanges) propose que la Chambre se forme immédiatement en
comité.
Des députés de l’opposition protestent.
M. Talbot (Chicoutimi): Pour
la deuxième fois aujourd'hui, le chef du gouvernement manque à sa parole. Ce
matin, en effet, il nous avait promis de ne pas siéger ce soir. Par la suite, à
la fin de l'après-midi, il a dit que la séance serait levée au cours de la
soirée dès que la nouvelle loi serait adoptée en deuxième lecture. Or, on a
siégé ce soir; et voilà que, maintenant, après la deuxième lecture, on veut
continuer le débat. C’est absolument inconcevable.
Puisque c'est ainsi, nous le
continuerons, car nous n'avons pas peur du travail. Mais le premier ministre
devrait se soucier davantage de son honneur et
ne pas manquer deux fois à sa parole dans la même journée. Il n’a pas
d’honneur et il agit en dictateur.
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest): L'obstruction est telle qu'il faudra cette nuit terminer l'étude du bill en comité plénier. La session dure
depuis assez longtemps pour tenter
d'y mettre fin dès samedi.
M. Talbot (Chicoutimi): Avec
de tels procédés, je promets au premier ministre qu’il nous sera impossible de
finir samedi.
L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): C'est ce qu'on va voir.
Adopté. M. l’Orateur quitte le
fauteuil9.
En comité:
Présidence de M. Hyde (Westmount-Saint-Georges)
M. Bertrand (Missisquoi): Il
est important pour la province que ses députés ne tombent pas malades; je
propose donc un ajournement10.
Nous devons mettre notre fierté de
côté et rentrer chez nous. Il n’y a pas de danger si le reste des articles du
chapitre ne sont pas adoptés tout de suite.
L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): La Chambre va ajourner après avoir terminé le chapitre11.
Les articles 1 à 14 sont adoptés12.
Rapport du comité plénier:
M. l’Orateur au fauteuil
M. le président fait rapport
que le comité n’a pas fini de délibérer et qu’il demande la permission de
siéger de nouveau.
Il est ordonné que le comité siège
de nouveau à la prochaine séance.
Ajournement
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest) propose que la Chambre s’ajourne maintenant.
Adopté.
(Applaudissements)
La séance est levée à 2 h 50 du matin.
NOTES
1. Comité
institué le 28 février 1961.
2. Les
journaux ne rapportent aucun débat en comité plénier. Donc, pour prendre
connaissance des amendements, il s’agit de référer à la copie archivée du
projet de loi.
3. Selon Le Soleil du 8 juin
1961, à la page 1, M. Gérin-Lajoie a parlé pendant deux heures.
4. Chiffre
de L’Action catholique du 8 juin 1961, à la page 5: 289.
5. Seul Le
Soleil du 8 juin 1961, à la page 2, écrit 905.
6. Le journaliste du Montréal-Matin du
9 juin 1961, à la page 8, rapporte le titre: "Lesage refuse un
octroi à la Commission scolaire de Sillery (dans son comté de
Québec-Ouest)".
7. Dans Le Montréal-Matin du
9 juin 1961, à la page 8, on précise qu’il jure "ses grands
yeux".
8. Le vote fut pris vers 1 h 45,
selon L’Action catholique du 8 juin 1961, à la page 1, et The
Quebec Chronicle-Telegraph du même jour, à la page 3.
9. "Il était environ deux heures moins
vingt à ce moment", selon le journaliste du Nouvellliste du
9 juin 1961, à la page 1.
10. Dans La Presse du 8 juin
1961, à la page 40, on rapporte plutôt que: "Cette nuit, la motion
d'ajournement a été présentée par M. Jean-Jacques Bertrand, député Union
nationale de Missisquoi, et accueillie avec plaisir par les deux groupes en
présence."
11. Dans The Quebec Chronicle-Telegraph du 8 juin 1961, à la page 3, on peut lire ceci: "Finalement,
ils se sont entendus pour siéger pendant encore 10 minutes après avoir dit
tous les deux que leurs femmes les attendaient."
12. La Chambre a adopté 14 articles
du bill, selon Le Nouvelliste du 9 juin 1961, à la page 1. Il
est 2 h 35, selon The Quebec Chronicle-Telegraph du
8 juin 1961, à la page 3.