Débats de l'Assemblée législative (débats reconstitués)
Version finale
26e législature, 1re session
(20 septembre 1960 au 22 septembre 1960)
Le jeudi 22 septembre 1960
Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.
Première
séance du jeudi 22 septembre 1960
Présidence de l’honorable L. Cliche
La séance est ouverte à 11 heures.
Prière.
M. l’Orateur: À l’ordre,
Messieurs! Que les portes soient ouvertes!
Projets de loi:
Référendum à
Montréal
L’honorable M. Hamel
(Saint-Maurice) propose, selon l’ordre du jour, que la Chambre se forme en
comité plénier pour étudier le bill 1 concernant un référendum à Montréal.
Adopté. M. l’Orateur quitte le
fauteuil.
En comité:
Présidence de M. Hyde (Westmount-Saint-Georges)
Les articles 1 à 5 sont adoptés.
Le comité étudie l’article 6
qui se lit comme suit:
"6. Dans les trois jours non fériés qui
suivront le jour du scrutin, le président d’élection fera rapport par écrit au
ministre des Affaires municipales du résultat du vote prescrit par la présente
section et, si la majorité des votes donnés est dans l’affirmative, le
lieutenant-gouverneur, sur l’avis du Conseil exécutif, émettra une proclamation
mettant en vigueur la section IV."
M. Prévost (Montmorency) réclame un changement de rédaction à l’article 6. Le texte stipule, dit‑il,
qu’au cas où les électeurs de Montréal décideraient, au référendum, de
supprimer la catégorie C1, "le
lieutenant-gouverneur, sur l’avis du conseil exécutif, émettra une proclamation
pour mettre en vigueur la section IV du bill". Les mots "sur
l’avis du Conseil exécutif" devraient être biffés parce que cela laisse un
pouvoir discrétionnaire au gouvernement. Si la population répond par un "oui"
à la question posée lors du référendum, le lieutenant-gouverneur devrait
prendre immédiatement les mesures nécessaires pour la suppression, sans avoir à
attendre le bon vouloir du Cabinet.
L’honorable M. Lapalme (Montréal-Outremont): Le lieutenant-gouverneur ne peut rien faire sans l’avis du Conseil exécutif;
c’est la Constitution qui le veut.
L’honorable M. Hamel (Saint-Maurice) affirme la même chose que le procureur général (l’honorable M. Lapalme) et reproche aux membres de
l’opposition de ne s’être jamais intéressés à la Constitution que sur
les tréteaux en temps d’élections.
L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest) affirme lui aussi la même chose que le procureur général et
propose de remplacer l’expression "le lieutenant-gouverneur, sur l’avis du
Conseil exécutif" par "le lieutenant-gouverneur en conseil".
M. Prévost (Montmorency) accepte le compromis de remplacer l’expression "le lieutenant-gouverneur,
sur l’avis du Conseil exécutif" par "le lieutenant-gouverneur en
conseil".
Cet article est amendé et se lit désormais
comme suit:
"6. Dans
les trois jours non fériés qui suivront le jour du scrutin, le président
d’élection fera rapport par écrit au ministre des Affaires municipales du
résultat du vote prescrit par la présente section et, si la majorité des votes
donnés est dans l’affirmative, le lieutenant-gouverneur en conseil émettra une
proclamation mettant en vigueur la section IV."
L’amendement est adopté.
L’article 6, ainsi amendé, est
adopté.
Les articles 7 et 8 sont étudiés et
adoptés.
Le comité étudie l’article 9 qui se lit comme
suit:
"9. Par dérogation à l’article 272 de
ladite loi, pour l’élection générale d’octobre 1960, le dépôt des résolutions
désignant les conseillers C n’aura pas lieu au jour et à l’heure fixés
pour la présentation des candidats, mais, si la majorité des votes donnés au référendum
est négative, ce dépôt se fera le vendredi qui suit la date du scrutin."
M. Dozois (Montréal-Saint-Jacques) réclame un délai plus long entre le référendum et le dépôt des
noms des conseillers C.
L’honorable
M. Hamel (Saint-Maurice): Le Cabinet a limité la période d’attente à trois
jours pour que le conseil puisse être formé et siéger le plus tôt possible. Les
trois jours seraient suffisants pour que, lors du référendum, la population, en
allant aux urnes, ne connaisse pas à l’avance les noms des conseillers C
proposés, et que, par conséquent, des hommes ne soient pas en jeu.
M. Dozois
(Montréal-Saint-Jacques): Trois jours,
c’est peu. Cela obligera peut-être les associations à désigner les
conseillers de cette catégorie avant le scrutin.
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest): Alors, les associations n’ont qu’à ne pas rendre publics
immédiatement les noms choisis.
M. Dozois (Montréal-Saint-Jacques) suggère de prolonger le délai jusqu’au mardi 1er novembre
1960 ou au deuxième vendredi après le vote, soit le 4 novembre 19602.
M. Prévost (Montmorency): Avancer la date des élections municipales
qui viendront après celles du 24 octobre prochain, et choisir le
mois d’octobre 1962, cela marque un recul pour la ville de Montréal, et cela
fait du tort à la population. Le gouvernement offre bien peu aux Montréalais.
L’honorable M. Hamel
(Saint-Maurice): Il est faux de dire que l’administration s’en trouvera
paralysée. Il n’est pas rare que, durant leur mandat, des conseillers municipaux prennent des engagements liant leurs
successeurs. On a d’ailleurs le mauvais exemple du gouvernement de l’Union
nationale.
J’accepte moi aussi de prolonger, jusqu’à midi le
deuxième mardi qui suivra le référendum, le délai qui doit s’écouler entre le
référendum et la présentation officielle des conseillers de la catégorie C,
dans le cas où les électeurs se seront prononcés contre la suppression de cette
classe.
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest) propose, appuyé par le député de Saint-Maurice (l’honorable M. Hamel),
qu’on modifie le texte de l’article 9 du bill, afin que le délai aille
jusqu’à midi, le deuxième mardi qui suivra le référendum.
Cet article est amendé et se lit
désormais comme suit:
"9. Par dérogation à l’article 272
de ladite loi, pour l’élection générale d’octobre 1960, le dépôt des résolutions
désignant les conseillers C n’aura pas lieu au jour et à l’heure fixés
pour la présentation des candidats, mais, si la majorité des votes donnés au référendum
est négative, ce dépôt se fera avant midi, le deuxième mardi qui suit la date
du scrutin."
L’amendement est adopté.
L’article 9, ainsi amendé, est
adopté.
Le comité étudie l’article 10
qui se lit comme suit:
"10. L’article 79 de la loi 8‑9 Elizabeth II,
chapitre 102, est modifié en remplaçant le premier alinéa par les
suivants:
"79. À la première assemblée qui suit une
élection municipale générale, le conseil nomme six conseillers pour former le
conseil exécutif.
"Cette nomination se fait par
vote au scrutin secret, chaque conseiller
ayant droit de donner autant de votes
qu’il y a de membres du comité exécutif à élire."
L’honorable M. Lévesque (Montréal-Laurier) soumet un amendement au nom du gouvernement concernant le mode d’élection du
comité exécutif par les conseillers.
Cet article est amendé et se lit
désormais comme suit:
"10. L’article 79 de la loi 8‑9 Elizabeth II,
chapitre 102, est modifié en remplaçant le premier alinéa par les
suivants:
"79. À la première assemblée qui suit une
élection municipale générale, le conseil nomme six conseillers pour former le
conseil exécutif.
"Cette nomination se fait par vote au scrutin,
chaque conseiller devant, sous peine de nullité de son bulletin, voter pour
autant de conseillers qu’il y a de membres au comité exécutif à élire.
"Le bulletin est une liste
imprimée par les soins du greffier et initialée par lui, sur laquelle sont
inscrits, par ordre alphabétique, les noms de tous les conseillers.
"Pour voter, le conseiller
reçoit ce bulletin du greffier, se retire à l’intérieur d’un isoloir et y fait,
dans un carré imprimé à cette fin, une croix en regard du nom de chaque
conseiller pour lequel il vote.
"Chaque bulletin doit être
signé par le votant et remis sous enveloppe
au greffier. Ces enveloppes ne sont
ouvertes qu’au dépouillement du scrutin, alors que le vote donné par
chaque conseiller est rendu public.
"Au cas d’égalité de voix
entre les conseillers auxquels un vote de plus donnerait le droit d’être proclamés élus, le maire donne son vote
prépondérant."
M. Dozois
(Montréal-Saint-Jacques): Avec ce système, il n’y a pas de mise en
nomination. On pourra voter pour n’importe qui, même pour un conseiller qui n’a
nullement l’intention ou le désir de faire partie de l’exécutif. Le vote va
s’émietter entre un nombre illimité de candidats, de sorte qu’il pourra
facilement arriver que les élus n’aient qu’une très petite minorité des voix de
ses collègues. De plus, avec ce système, il pourra arriver que tous les élus
soient de la même classe, surtout si une faction quelconque domine
considérablement l’une d’elles. On devrait stipuler qu’on ne peut voter que
pour tant de conseillers de chaque classe.
Je fais objection à la rédaction de
l’article du bill concernant la façon d’élire le comité exécutif de la ville. Je
souhaite que pas un commissaire ne puisse être déclaré élu à moins d’avoir
obtenu la majorité absolue des voix des conseillers.
L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): Les arguments de l’ancien
ministre des Affaires municipales sont sérieux. Nous les avons
considérés. Le gouvernement fait tout ce qu’il peut, dans la loi qu’il a
préparée, pour mettre fin au marchandage. Le système pour lequel nous avons
finalement opté laisse tout de même pleine latitude au conseil pour le choix de
son exécutif. Nous ne lui imposons aucune restriction. La formule n’est
probablement pas parfaite, mais elle est sûrement la meilleure que l’on puisse
imaginer dans les circonstances. Le gouvernement voulait prendre tous les
moyens pour éviter que des conseillers désireux de se faire élire se livrent au
marchandage, au trafic des influences, etc. C’est un danger qu’on nous a
représenté. Cela aussi devrait éviter les slates3,
la formation de petits clans.
M. Dozois
(Montréal-Saint-Jacques): J’ai entendu parler de ce marchandage quand
j’étais à l’Hôtel de Ville4. Je comprends les
bonnes intentions du gouvernement, mais je crois que la formule qu’il propose
est dangereuse, va favoriser le marchandage et ne mettra pas fin aux pactes
entres cliques.
L’exécutif pourra être l’élu d’une
très petite minorité. Comment pourra‑t‑il se maintenir et
administrer la ville face à un conseil dont la majorité ne l’appuie pas? Comme
la formule ne prévoit pas de mise en candidature, le bulletin de vote
comportant tous les noms des conseillers, les conseillers pourront disperser
leurs votes et le hasard jouer de façon dangereuse.
L’honorable M. Lévesque (Montréal-Laurier): Si
des hommes veulent absolument marchander, c’est clair qu’il y aura toujours du
marchandage si les personnes intéressées sont du genre à accepter d’acheter les
votes. Mais nous, de la droite, tentons de l’éviter le plus possible. Si on
exige la majorité absolue, il y aura morcellement et les cliques vont pactiser.
La majorité absolue entraîne plusieurs tours de scrutin. C’est alors que, pour
en venir à une entente, les conseillers sont tentés de marchander.
M. Prévost (Montmorency): Au lieu de les diviser en de nombreux groupes, la loi devrait, en exigeant la majorité
absolue, les forcer à s’unir, les rapprocher les uns des autres.
L’honorable M. Lévesque (Montréal-Laurier): Nous, de la droite, croyons qu’il y a lieu d’aller vers un régime quasi
parlementaire, mais cela se fera graduellement, car il faudrait modifier en
entier la charte de Montréal.
M. Prévost (Montmorency): Le grand mal à Montréal, c’est la dispersion des idées, des groupes, des
hommes. Nous, de la gauche, craignons
qu’avec le système proposé l’éparpillement des forces continue.
M. Dozois
(Montréal-Saint-Jacques): Pour éviter une difficulté pour la première
assemblée du conseil, on va créer des difficultés pour toutes les réunions
pendant deux ans. Le gouvernement offre bien peu aux Montréalais.
M. Meunier (Bourget): Je
suis au courant, dit‑il, de ces tactiques de marchandage. J’en ai eu
connaissance moi-même. J’ai assisté à la formation de l’exécutif il y a trois
ans à Montréal5. Il y a eu énormément de
marchandage... et tout le monde comprendra ce que nous voulons dire par
marchandage. Par le passé, l’élection du comité exécutif a produit quelque 20 votes
entre lesquels il y avait des promenades d’un bureau à l’autre par de nombreux
conseillers qui en voyaient d’autres et qui voulaient s’assurer les votes qui
leur manquaient. Avec une loi qui exigerait la majorité absolue, on retomberait
dans ce marchandage.
Le seul moyen d’éviter le
marchandage est d’élire le conseil de la façon que nous proposons, sans
majorité absolue. De notre façon, le vote du conseiller n’est connu qu’une fois
que l’élection est faite. Le marchandage est donc réduit au minimum.
M. Johnson (Bagot): De la
même façon dont les choses ont été expliquées, on permettrait à 17 conseillers de
contrôler l’exécutif, et si ces gens étaient de la classe A, on
verrait un groupe minoritaire exercer un contrôle à l’Hôtel de Ville de
Montréal.
L’amendement est adopté.
L’article 10, ainsi amendé, est
adopté.
Les articles 11 à 26, ainsi que le
préambule, sont adoptés.
Rapport du comité plénier:
M. l’Orateur au fauteuil
M. le président fait rapport
que le comité a adopté le bill 1 après l’avoir amendé.
Le bill amendé est lu et agréé.
L’honorable M. Hamel
(Saint-Maurice) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
M. Prévost (Montmorency): Le travail que nous exécutons en ce moment, dit‑il, peut avoir une
influence extraordinaire, favorable ou défavorable. C’est avec sérieux et
objectivité que je soumettrai mes observations.
Nous, de la gauche, ne sommes pas
contre le référendum, mais contre le fait qu’on n’applique pas le nouveau mode
électoral. Le gouvernement, dit‑il, a refusé de prendre ses
responsabilités concernant les recommandations du rapport Champagne pour en remettre
l’application à deux ans. Le projet de loi ne donne pas satisfaction à Montréal
et est insuffisant. Il tend à maintenir un système électoral que la commission Champagne a unanimement recommandé de modifier, un système honni par la population et les corps publics. Le projet
de loi risque de paralyser le progrès futur de Montréal pendant deux ans; il
peut même retarder la ville dans sa course avec Toronto pour conserver son
titre de métropole.
Il ajoute que s’il avait été au
pouvoir, le bill aurait couvert en entier le rapport Champagne et la décision
aurait été conforme aux recommandations. C’est bien beau, dit‑il,
d’étudier. Je reste avec les opinions que j’ai émises. Il serait encore temps,
puisque nous siégeons pratiquement à nos frais6,
de reprendre cette étude. Nous, de la gauche, ne pouvons pas accepter que ce
soit tout pour le présent et que ça doive ensuite durer deux ans.
Selon des experts, il y a moyen de
préparer des listes électorales correspondant aux 45 quartiers recommandés
par la commission Champagne en quatre ou cinq
semaines. Ces 45 conseillers auraient tout simplement les pouvoirs
actuellement prévus par la charte de Montréal en attendant que le gouvernement
statue là‑dessus, quand sera terminée la deuxième partie du rapport
Champagne.
Je propose qu’on reporte la discussion sur le projet
de loi à une semaine et que, dans l’intervalle, on convoque le comité permanent
des bills privés pour lui permettre d’entendre les représentants de Montréal et
des corps publics intéressés sur les modalités du bill. Ils se prononceront,
déclare‑t‑il, non pas sur le rapport Champagne, ils l’ont déjà
fait, mais sur l’acte législatif lui-même. Voilà ce qui serait démocratique.
L’honorable M. Hamel
(Saint-Maurice): La ville de Montréal fait face à des difficultés qui
durent depuis quelques années. Son système administratif est inadéquat. Au
cours de ces années, nos amis d’en face avaient la responsabilité de résoudre
ce problème. Qu’est‑ce qu’ils ont fait? Rien, sauf une espèce de conversione in articulo mortis7. Ça fait 60 jours
que nous sommes au pouvoir et nous présentons une législation qui ne règle
peut-être pas tout le problème, mais qui est quand même un commencement. Les
députés d’en face, sur leur lit de mort, ont fait un testament qui léguait à la
province de Québec la commission Champagne chargée d’étudier le système
électoral de la métropole. Tant que le rapport complet, c’est-à-dire la seconde
partie qui sera remise en mars, ne sera pas déposé, nous ne pouvons régler le
problème de la cité de Montréal.
Quarante et un groupes et
organismes publics ont déjà été entendus par la commission Champagne: The
Montreal Council of Women, The Montreal Board of Trade, The Montreal Board of
Trade - Young Men’s Section, l’Association des hommes d'affaires du nord de
Montréal incorporée, le Conseil du travail de Montréal (CTC), St. Ann’s
Community Council, la Ligue des propriétaires du nord de Montréal inc., McGill
University, le Conseil central des syndicats nationaux de Montréal (CTCC),
Notre Dame de Grace Community Council inc., la Fédération du détail et des
services du Québec (bureau de Montréal), l’Association du progrès du Plateau
Mont-Royal inc., Citizens’ Association of District No. 2, l’Association
des hommes d'affaires et professionnels Canadiens-Italiens inc., City
Improvement League of Montreal, l’Association des manufacturiers canadiens
(section du district de Montréal), la Ligue d’action civique incorporée, la Chambre de commerce du district de Montréal, le Comité des
citoyens de Montréal, The Montreal Real Estate Board and The Building Owners’
and Managers’ Association (Joint Committee), St. Lawrence Businessmen’s
Association, Tradau Homeowners Association, le Comité des citoyens de
Viauville-Nord, l’Ouest commercial et professionnel, la Ligue du dimanche,
l’Association des architectes de la province de Québec, la Société historique
de Montréal, M. Lucien Croteau, M. A. Daniel, M. H. C.
Letendre, M. Hugh Savage, M. Guy Vanier, M. Léon Lortie, M. Julian,
M. Scott, M. David Kogut, M. Gérard Desautels, M. Max
Seigler, M. Harold Cummings, M. Aldée Lanthier et M. Jean-Melville
Rousseau8.
Ces mémoires ont été synthétisés.
Au lieu de faire venir des associations représentatives, le gouvernement va au
peuple et lui demande de se prononcer démocratiquement.
Le chef de l’opposition a voté
contre le principe du référendum alors qu’il
déclare aujourd’hui qu’il est en faveur de ce principe. C’est un manque
de logique. Le gouvernement actuel prend ses responsabilités et présente une
très bonne loi. (S’étouffant de rire) En agissant comme nous le faisons, nous
tentons d’éviter le marchandage qui découlerait inévitablement de l’exigence
d’une majorité absolue. Le système de gestion des élections proposé était
considéré comme un des moyens les plus pratiques de mettre un terme au
marchandage dans le cadre d’élections. Pour vivre en démocratie, il est
nécessaire de prêter aux hommes un minimum de confiance. Ceux qui, aujourd’hui,
nous font le reproche de ne pas hâter la solution du problème de Montréal ont
été 16 ans à faire les morts.
M. Dozois (Montréal-Saint-Jacques) se lève et demande la parole.
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest): M. l’Orateur, je soulève un point d’ordre. Je crois
que la réplique du parrain du bill clôt le débat. Le député de Montréal-Saint-Jacques
(M. Dozois) n’aurait donc plus le droit de parler sur cette troisième
lecture.
(À l’adresse du chef de
l’opposition) Mais qu’en pensez-vous?
M. Prévost (Montmorency) laisse le premier ministre hésiter.
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest): Qu’est‑ce qui se pratiquait sous les anciens régimes?
M. Prévost (Montmorency): (Souriant) Attention. D’habitude, et il en a toujours été ainsi depuis que je
siège en cette Chambre, le proposeur d’une motion doit, avant d’user de son
droit de réplique, demander si d’autres députés ne veulent pas parler. Le
ministre des Affaires municipales (l’honorable M. Hamel) ne l’a pas fait.
En conséquence, le député de Montréal-Saint-Jacques (M. Dozois) a
parfaitement le droit de parler.
Un député de l’opposition: (À l’adresse du premier ministre) Bâillon comme à Ottawa.
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest): J'accepte le point de vue du chef de l’opposition et je retire
le point d’ordre.
L’honorable M. Cournoyer (Richelieu): Vous êtes bien chanceux qu’on vous laisse parler.
Des députés de l’opposition murmurent.
M. Prévost (Montmorency): J’espère que le député de Richelieu et ministre des Transports et des
Communications (l’honorable M. Cournoyer) se souviendra de ce qu’il vient
de dire.
M. Dozois (Montréal-Saint-Jacques): Selon les rapports officiels de l’Assemblée, en 1950, le Conseil législatif
s’est opposé à deux reprises à une loi qui aurait permis de tenir un référendum
sur le degré de satisfaction des montréalais en regard de la forme actuelle de
son administration. "Un message fut envoyé au Conseil législatif pour
l’informer que l’Assemblée législative concourt dans tous les autres amendements, mais refuse d’accepter l’amendement 14 que le Conseil législatif a apporté au bill (no 100) intitulé: "Loi
modifiant la charte de la cité de Montréal", et par lequel amendement l’article 66
dudit bill est biffé; ce refus de concourir est basé sur les raisons suivantes:
a) parce que les référendums mentionnés
audit article 66 de ladite loi sont conformes à l’exercice des droits
démocratiques;
b) parce qu’il s’agit,
dans ledit article 66, biffé par le Conseil législatif, de prérogatives
démocratiques et populaires qui relèvent de l’Assemblée législative.
Le Conseil législatif, après avoir
pris en considération le message refusant d’agréer l'amendement 14 qu’il a apporté au bill (no 100) intitulé:
"Loi modifiant la charte de la cité de Montréal", insiste pour
que l’article 66 dudit bill soit biffé parce qu'il
estime que les dispositions de cet article ne répondent pas aux intérêts de la
population de Montréal.
En conséquence, l’honorable M. Duplessis
a proposé que, vu que le Conseil législatif insiste pour le maintien de l’amendement 14
qu’il a apporté au bill (no 100) intitulé: "Loi modifiant la charte
de la cité de Montréal", amendement qui a été refusé par la majorité des
membres de l’Assemblée législative; et attendu que si l’Assemblée législative
persiste dans son refus d’accepter ledit amendement, cela aura pour effet de
rejeter ledit bill dans son entier, entre autres en ce qui concerne la
municipalisation du tramway et la conservation de revenus et de droits très
importants pour la cité de Montréal, un message soit envoyé au Conseil
législatif l’informant que l’Assemblée
législative consent maintenant à accepter ledit amendement no 14,
après division des voix.
"Le paragraphe 1 de l’article 66
du bill disait que le greffier de la cité de Montréal devra soumettre, par voie
de référendum, le quatrième lundi d’octobre 1950 ou, si ce jour n’est pas
juridique, le jour juridique suivant, aux électeurs de la cité de Montréal, au
sens des articles 43, 44, 44a de la charte de la cité de Montréal,
dont les noms se trouvent sur les listes électorales en vigueur le dix octobre
1950, la question de savoir si ces électeurs favorisent ou non le mode
administratif actuellement en vigueur pour la cité de Montréal."
La charte de Montréal, déclare‑t‑il,
en ce moment donne au conseil de ville l’autorité requise pour tenir un
référendum sur le sujet de son choix, donc pour soumettre la question de la classe C
à un référendum. Point n’est besoin d’une session spéciale de la Législature
provinciale, ni d’un projet de loi du gouvernement provincial pour conférer à
la ville de Montréal ce pouvoir.
Il veut que le premier ministre se
prononce sur certains points du rapport Champagne.
Le projet de loi, dit‑il,
maintient un système honni par la population
et les corps publics. Le projet de loi risque de paralyser le progrès
futur de Montréal pendant deux ans; il peut
même retarder la ville dans sa course
avec Toronto pour conserver son titre de métropole.
Il donne des précisions sur la
possibilité de préparer les listes électorales en quatre ou cinq semaines.
Je propose, appuyé par le député de
Montréal-Jeanne-Mance (M. Custeau), que:
Attendu que la Commission d'étude
du système administratif de Montréal a été formée en vertu d’une loi (8‑9 Elizabeth II,
chapitre 104) votée à l’unanimité des deux Chambres et sanctionnée le 10 mars
1960;
Attendu que, dès le lendemain de la
sanction de cette loi, le lieutenant-gouverneur en conseil adoptait, le 11 mars
1960, l’arrêté ministériel 348 nommant les membres de ladite commission;
Attendu que, conformément à la loi,
la commission a déposé son rapport concernant le système électoral ou politique
et a suggéré des changements et réformes qu’elle a crus appropriés;
Attendu que la commission
recommande entre autres:
a) la formation d’un conseil composé d’un
maire et de 45 conseillers, à raison d’un représentant par quartier élu
par un système plus juste et plus démocratique;
b) la formation d’un
comité exécutif homogène;
c) la formation d’une
commission consultative;
trois réformes qui, d’après le rapport de la commission,
font l’objet de recommandations définitives;
Attendu que les listes électorales
préparées en vue du scrutin du 24 octobre 1960 peuvent être modifiées pour
permettre la tenue d’une élection générale au plus tard le 12 décembre
1960, selon le mode électif recommandé par la commission;
Attendu que le bill actuellement à l’étude n’apporte
aucune solution aux problèmes qui affectent la cité de Montréal, mais qu’au
contraire il constitue, s’il est adopté tel quel, une entrave à l’essor de la
métropole du Canada pendant au moins deux ans.
En conséquence,
Que la motion en discussion soit
modifiée en remplaçant tous les mots après "que" par les mots
suivants:
"Le bill 1 intitulé:
"Loi concernant un référendum à Montréal" soit renvoyé de nouveau au
comité plénier avec instructions de le modifier de façon à donner suite aux principales recommandations définitives
du premier rapport de la Commission d'étude du système administratif de
Montréal, particulièrement en ce qui concerne:
a) la formation d’un conseil composé d’un
maire et de 45 conseillers, à raison d’un représentant par quartier élu
par un système plus juste et plus démocratique;
b) la formation d’un comité exécutif homogène;
c) la formation d’une
commission consultative, et de façon à décréter que les élections qui,
en vertu des dispositions qui régissent actuellement la cité de Montréal, doivent
avoir lieu le 24 octobre, soient reportées au 12 décembre 1960."
L’honorable
M. Lesage (Québec-Ouest) propose que le débat soit maintenant ajourné9.
Adopté. Le débat est ajourné.
Ajournement
M. l’Orateur prononce
l’ajournement.
La séance est levée à 1 heure.
Deuxième séance du
22 septembre 1960
Présidence de l’honorable L. Cliche
La séance est ouverte à 3 heures.
Prière.
M. l’Orateur: À l’ordre,
Messieurs! Que les portes soient ouvertes!
Projets de loi:
Référendum à
Montréal
Conformément à l’ordre du jour, la
Chambre reprend le débat ajourné au cours de la première séance, sur
l’amendement du député de Montréal-Saint-Jacques (M. Dozois) à la motion
du député de Saint-Maurice (l’honorable M. Hamel) proposant que le
bill 1 concernant un référendum à Montréal, soit maintenant lu une
troisième fois.
L’amendement se lit comme suit:
Attendu que la Commission d'étude
du système administratif de Montréal a été formée en vertu d’une loi (8‑9 Elizabeth II,
chapitre 104) votée à l’unanimité des deux Chambres et sanctionnée le 10 mars
1960;
Attendu que, dès le lendemain de la
sanction de cette loi, le lieutenant-gouverneur en conseil adoptait, le 11 mars
1960, l’arrêté ministériel 348 nommant les membres de ladite commission;
Attendu que, conformément à la loi,
la commission a déposé son rapport concernant le système électoral ou politique
et a suggéré des changements et réformes qu’elle a crus appropriés;
Attendu que la commission
recommande entre autres:
a) la formation d’un conseil composé d’un
maire et de 45 conseillers, à raison d’un représentant par quartier élu
par un système plus juste et plus démocratique;
b) la formation d’un comité exécutif homogène;
c) la formation d’une commission consultative;
trois réformes qui, d’après le
rapport de la commission, font l’objet de recommandations définitives;
Attendu que les listes électorales
préparées en vue du scrutin du 24 octobre 1960 peuvent être modifiées pour
permettre la tenue d’une élection générale au plus tard le 12 décembre
1960, selon le mode électif recommandé par la commission;
Attendu que le bill actuellement à
l’étude n’apporte aucune solution aux problèmes qui affectent la cité de
Montréal, mais qu’au contraire il constitue, s’il est adopté tel quel, une
entrave à l’essor de la métropole du Canada pendant au moins deux ans.
En conséquence,
Que la motion en discussion soit modifiée en
remplaçant tous les mots après "que" par les mots suivants:
"Le bill 1 intitulé: "Loi
concernant un référendum à Montréal", soit renvoyé de nouveau au comité
plénier avec instructions de le modifier de façon
à donner suite aux principales recommandations définitives du premier
rapport de la Commission d'étude du système administratif de Montréal,
particulièrement en ce qui concerne:
a) la formation d’un conseil composé d’un
maire et de 45 conseillers, à raison d’un représentant par quartier élu
par un système plus juste et plus démocratique;
b) la formation d’un
comité exécutif homogène;
c) la formation d’une
commission consultative, et de façon à décréter que les élections qui,
en vertu des dispositions qui régissent actuellement la cité de Montréal,
doivent avoir lieu le 24 octobre, soient reportées au 12 décembre
1960."
L’honorable M. Hamel
(Saint-Maurice) soulève un point d’ordre et de règlement à l’encontre de
l’amendement proposé par le député de Montréal-Saint-Jacques (M. Dozois),
alléguant qu’il est contraire à l’article 150 du Règlement, qui interdit
qu’une motion soit rédigée dans le style d’un discours, d’un pamphlet ou d’une
démonstration.
M. Prévost (Montmorency): Rien dans le Règlement n’empêche la présentation de cet amendement.
Décisions de l’Orateur:
Recevabilité d’une
motion d’amendement
M. l’Orateur: Après avoir
entendu les arguments de part et d’autre, je déclare que je n’ai pas de doute que la motion en discussion constitue
un pamphlet et qu'elle est rédigée
dans le style d'un discours ou d’une démonstration, le tout
contrairement aux dispositions de l’article 150 du Règlement. Ledit
amendement est en conséquence irrégulier et nul.
M. Prévost (Montmorency): J'en appelle à la Chambre de la décision de M. l’Orateur.
La
question: "La décision de l’Orateur sera‑t‑elle maintenue?"
est mise aux voix et la Chambre se divise.
Les noms sont appelés et inscrits
comme suit:
Pour: MM. Arsenault,
Bélanger, Bertrand (Terrebonne), Binette,
Brousseau, Brown, Castonguay, Coiteux, Collard, Courcy, Cournoyer,
Couturier, Dionne, Earl, Gérin-Lajoie, Hamel (Saint-Maurice), Hamel
(Iberville), Hanley, Harvey, Hyde, Jourdain, Kirkland, Lafrance, Lalonde,
Lapalme, Laroche, Lavoie, Lechasseur, Lemieux, Lesage, Levesque (Bonaventure), Lévesque (Montréal-Laurier), Lizotte,
Maheux, Meunier, Morissette, O’Reilly, Ouimet, Parent, Pinard, Plante, Plourde
(Roberval), Poulin, Rousseau, Roy (Lévis), Saint-Pierre, Théberge, Turpin,
Vaillancourt, 49.
Contre: MM. Bégin,
Bellemare, Bernatchez, Bertrand (Missisquoi), Boudreau, Caron, Chartrand,
Cloutier, Custeau, Dozois, Ducharme, Élie, Gabias, Gosselin, Guillemette,
Hébert, Johnson, Johnston, Laberge, Lafontaine, Langlais, Larouche, Lavallée,
Leclerc, Lorrain, Maltais, Plourde (Kamouraska), Pouliot, Prévost, Raymond,
Riendeau, Roy (Nicolet), Russell, Somerville, Talbot, Tellier, Thibeault,
Tremblay, 38.
Ainsi,
la décision de M. l’Orateur est maintenue.
M. Thibeault (Montréal-Mercier): Le gouvernement, avec son projet de ne mettre en application les
recommandations du rapport Champagne qu’aux élections qui auront lieu dans deux
ans, risque de paralyser l’essor de Montréal et de lui faire perdre son titre
de métropole. Le projet de loi maintient un système honni par la population et
les corps publics.
Je propose, appuyé par le député de Maisonneuve (M. Tremblay),
que la motion en discussion soit modifiée en remplaçant tous les mots après
"que" par les mots suivants:
"Le bill 1 intitulé:
"Loi concernant un référendum à Montréal" soit renvoyé de nouveau au
comité plénier avec instructions de le modifier de façon:
1. À pourvoir à la tenue d’un
référendum le 24 octobre 1960 pour permettre aux électeurs de la cité de Montréal de choisir entre le système
actuel des trois catégories de
conseillers et le système unanimement proposé par le rapport de la Commission
d'étude du système administratif de Montréal, soit:
a) un conseil composé d’un maire et de 45 conseillers
élus de la façon la plus démocratique;
b) un comité exécutif
homogène;
c) une commission
consultative;
2. À ce que les élections soient
tenues le 19 décembre 196010 selon le
système qui aura été choisi par les électeurs."
L’honorable M. Hamel
(Saint-Maurice): L’amendement est irrecevable car il est négatif.
M. Prévost (Montmorency) fait la preuve du contraire.
(On se consulte du côté ministériel)
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest): Il n’y a pas de point d’ordre.
M. l’Orateur refuse le
rappel au Règlement demandé par le ministre des Affaires municipales
(l’honorable M. Hamel)11.
M. Prévost (Montmorency): Le ministre des Affaires municipales (l’honorable M. Hamel) a royalement
manqué le filet.
Des députés rient.
M. Custeau (Montréal-Jeanne-Mance) déclare, au sujet du report des élections municipales au mois de
décembre, que cela ne lui fait rien de rester ici 10 jours de plus. Il me
semble, dit‑il, que l’on devrait s’attarder un peu pour donner à la ville
de Montréal un système qui a du bon sens.
Avec le référendum sur la classe C,
on maintient un système d’élection des conseillers qui est une source de
chicane. Déjà, des "maniganceux" sont à l’œuvre. Il n’est pas
démocratique de réduire le mandat du conseil et de mettre de côté les
conclusions d’une commission formée d’experts.
Je suis
impuissant à voter, dit‑il, en faveur d’un bill qui prolonge la vie d’un
système qui ne peut que donner des résultats négatifs, et cela, au moment où
d’autres villes s’épanouissent et au moment où Toronto prend toujours de
l’essor.
Le gouvernement, fait‑il
valoir, avec son projet de ne mettre en
application les recommandations du rapport Champagne qu’aux élections
qui auront lieu dans deux ans, risque de paralyser l’essor de Montréal et de
lui faire perdre son titre de métropole.
Pensons donc à
Montréal avant de prendre une décision. Songeons que c’est l’avenir de
la métropole du pays qui est en jeu. Pouvons-nous assumer la responsabilité de
compromettre cet avenir en prenant une décision contraire à ses meilleurs
intérêts?
Il veut que le premier ministre se
prononce sur certains points du rapport Champagne.
M. Meunier (Bourget) croit
qu’il est injuste de tenir un référendum
pour demander aux contribuables de choisir entre deux systèmes dont ils
n’ont aucune compréhension.
M. Johnson (Bagot) fait
savoir au gouvernement que la province de Québec n’est pas dupe de ses
atermoiements concernant le bill sur le nouveau régime électoral et
administratif attendu par la population de la métropole. Qu’est‑ce que le
gouvernement attend, dit‑il, pour mettre un terme à l’imbroglio
administratif de Montréal. Attend‑il de faire la paix entre deux factions
qui l’ont aidé?
Le projet de loi paralysera pendant
deux ans l’essor de Montréal et risque de lui faire perdre son titre de
métropole parce que les conseillers ne sauront pas à quoi s’en tenir pendant
cette période.
Avec tous mes collègues, je suis
prêt à collaborer avec le gouvernement s’il consent à retarder l’étude d’une
semaine pour que nous entendions les intéressés. L’opposition est prête à
demeurer à Québec quelques jours de plus, s’il le faut, pour permettre au
gouvernement de reprendre le texte de sa loi et de l’améliorer. C’est la seule
façon qui nous permettra de donner une chance à Montréal, de l’empêcher de
perdre du temps dans la course vers la suprématie économique avec la cité de
Toronto.
Le
projet de loi du gouvernement, dit‑il, au sujet de Montréal, est
si petit et si insuffisant qu’il me rappelle une fable de La Fontaine. La
montagne en travail, déclare‑t‑il, enfantera une souris12.
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest) met en doute la sincérité du député de Bagot parce qu’il
souriait.
M. Johnson (Bagot): Si
j’ai souri, c’est parce que je suis venu pour dire: "L’équipe du
tonnerre a enfanté une souris".
Des députés rient.
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest): Du côté de l’opposition, les sommets n’ont enfanté que des
démissions.
M. Johnson (Bagot): Le
projet de loi maintient un système honni par la population et les corps
publics. Si la classe C est abolie, la ville de Montréal reste encore avec
un système dont elle ne veut pas, qui est antidémocratique et qui nuira à son
progrès.
Il veut que le premier ministre se
prononce sur certains points du rapport Champagne.
M. Hanley
(Montréal-Sainte-Anne): La loi prescrira un système électoral totalement
différent pour Montréal et qui sera bien
meilleur que le système que propose
le rapport Champagne. Il critique la division territoriale du comté de
Sainte-Anne dans ce rapport.
M. Tremblay
(Montréal-Maisonneuve): Le gouvernement actuel aurait mieux fait de confier
la rédaction de son projet de loi au procureur général (l’honorable M. Lapalme).
Le ministre des Affaires municipales (l’honorable M. Hamel) ne connaît
rien, lui, des affaires de la métropole. Il l’a prouvé au comité avec les
questions qu’il posait. Je ne suis pas un avocat, je suis un primaire.
Cependant, j’en connais plus que le ministre des Affaires municipales
(l’honorable M. Hamel).
Des députés rient.
M. Tremblay (Montréal-Maisonneuve): Je suis prêt à retirer mes paroles. Vous n’aurez pas de trouble
avec moi, confie‑t‑il à l’Orateur.
(En riant) Les membres de l’Union nationale ont
beaucoup moins d’ouvrage depuis qu’ils sont dans l’opposition.
Nous avons pris la peine d’étudier
toute la question du débat d’aujourd’hui, et nous sommes convaincus que nous
devons laisser les Montréalais se choisir un système convenable, non pas celui
que le gouvernement propose, par exemple.
Le gouvernement, avec son projet de
ne mettre en application les recommandations du rapport Champagne qu’aux
élections qui auront lieu dans deux ans, risque de paralyser l’essor de
Montréal et de lui faire perdre son titre de métropole.
Il y a
longtemps que la population montréalaise et les corps publics sont écœurés et
dégoûtés du mode administratif actuel; on se doit de le transformer sans plus
tarder. Ce que le peuple veut, Dieu le veut; de cette façon le gouvernement
sera content et l’opposition également.
L’honorable M. Lapalme (Montréal-Outremont): Nous améliorerons le sort de Montréal quand nous le voudrons et de la manière
que nous le voudrons.
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest): L’Union nationale n’a pris aucune mesure pour régler les
problèmes de Montréal au cours des 16 dernières années. L’opposition ne
fait qu’une simple démonstration politique, avec du matériel qu’ils ne peuvent
prouver.
Je refuse de me rendre à la demande
de l’opposition de retarder les élections
jusqu’en décembre et de donner suite aux conclusions définitives du
rapport Champagne. Je ne suis pas prêt à chambarder en quelques semaines toute
l’administration de la ville de Montréal pour lui en donner une nouvelle. C’est
un travail qui nécessite beaucoup plus qu’une petite session spéciale. Nous ne
sommes pas prêts aujourd’hui, ni demain, et nous ne serons pas prêts la semaine
prochaine.
Je ne suis pas prêt à accepter de
donner un système d’élection équivalent au
système parlementaire, amputé de la responsabilité ministérielle, pour
la ville de Montréal.
Je ne suis pas prêt à accepter
toutes les recommandations de la commission Champagne, pas plus qu’à accepter
cette partie du rapport Champagne qui donne à des gens non élus la main haute
sur les affaires de Montréal et sur les employés de la ville.
Je ne suis pas prêt à donner à
Montréal le régime qu’il désire; je lui donnerai quand je serai prêt, quand je
voudrai.
Le gouvernement, à cette session
d’urgence, est allé aussi loin qu’il le pouvait; nous ne pouvons aller plus
loin ni faire plus que ce que préconise le bill 1 avant d’avoir pris
connaissance du rapport complet de la commission Champagne. Le problème est
trop complexe pour qu’on improvise des solutions définitives en vitesse. Ce
n’est pas en deux mois qu’on règlera un problème qui engagera la responsabilité
de plusieurs générations.
L’honorable M. Hamel
(Saint-Maurice) rappelle à l’opposition que la défaite (aux élections du 22 juin
1960) a fait surgir des ambitions chez quelques-uns de ses membres. Il semble y
avoir diverses écoles présentement dans l’Union nationale, dit‑il. Il y a
l’école de Montmorency (M. Prévost), l’école de Bagot (M. Johnson) et
l’école de Missisquoi (M. Bertrand). Ça fait une véritable salade13.
L’amendement est mis aux voix et la
Chambre se divise.
Les noms sont appelés et inscrits comme suit:
Pour: MM. Bégin,
Bellemare, Bernatchez, Bertrand
(Missisquoi), Boudreau, Chartrand, Cloutier, Custeau, Dozois, Ducharme,
Élie, Gabias, Gosselin, Guillemette, Hébert, Johnson, Johnston, Laberge,
Lafontaine, Langlais, Larouche, Lavallée, Leclerc, Lorrain, Maltais, Plourde
(Kamouraska), Pouliot, Prévost, Raymond, Riendeau, Roy (Nicolet), Russell,
Somerville, Talbot, Tellier, Thibeault, Tremblay, 37.
Contre: MM. Arsenault,
Bélanger, Bertrand (Terrebonne), Binette,
Brousseau, Brown, Castonguay, Coiteux, Collard, Courcy, Cournoyer,
Couturier, Dionne, Earl, Gérin-Lajoie, Hamel (Saint-Maurice), Hamel
(Iberville), Hanley, Harvey, Hyde, Jourdain, Kirkland, Lafrance, Lalonde,
Lapalme, Laroche, Lavoie, Lechasseur, Lemieux, Lesage, Levesque
(Bonaventure), Lévesque (Montréal-Laurier),
Lizotte, Maheux, Meunier, Morissette, O’Reilly, Ouimet, Parent, Pinard,
Plante, Plourde (Roberval), Poulin, Rousseau, Roy (Lévis), Saint-Pierre,
Théberge, Turpin, Vaillancourt, 49.
Ainsi, l’amendement est rejeté.
M. Prévost (Montmorency) annonce qu’il votera contre le bill en troisième lecture.
La motion principale: "Que le
bill soit maintenant lu une troisième fois" est mise aux voix et la
Chambre l’adopte après division14.
Le bill 1 est lu une troisième
fois.
Il est ordonné que le greffier
porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de
l’adopter.
La Chambre suspend ses travaux.
Reprise des
travaux
Messages du Conseil législatif:
M. l’Orateur communique à la
Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:
Le Conseil
législatif informe l’Assemblée législative qu’il a voté le bill 1
concernant un référendum à Montréal, avec les amendements suivants qu’il la
prie d’agréer:
1. Ce qui suit est inséré, à la
suite de l’article 25, comme section V:
SECTION V
Correction de la
Charte
26. Les formules 16 et 17 de la
loi 8‑9 Elizabeth II, chapitre 102, sont modifiées:
a) en insérant dans
chacune, après les mots: "Je, soussigné, candidat à la présente élection,
déclare solennellement:" l’alinéa suivant:
"Que je suis électeur de la
cité depuis trois ans."
b) en remplaçant dans la
troisième ligne de l’alinéa suivant de chacune, les chiffres "193 et
194" par les chiffres "197 et 198".
2. La section V devient section VI,
et l’article 26 devient article 27.
Projets de loi:
Référendum à
Montréal
La Chambre prend en considération
les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 1 concernant
un référendum à Montréal.
Les amendements sont lus et
acceptés.
Il est ordonné que le greffier
porte ce message, avec le bill, au Conseil législatif.
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest): Avant que la Législature ne soit ajournée, il me fait
plaisir d’annoncer aux membres de la députation que nous avons l’intention de
recommander à Son Excellence le lieutenant-gouverneur de convoquer les
Chambres, pour la session provinciale régulière, le 10 novembre prochain15.
M. Prévost (Montmorency): (Avec humour) Je donne, dit‑il, l’assurance au premier ministre que tous
les députés de l’opposition seront présents au jour dit.
L’honorable M. Hamel
(Saint-Maurice): (D’un air moqueur) Je conseille au chef de l’opposition de
n’être pas trop présomptueux16.
Messages du lieutenant-gouverneur:
Sanction royale
M. Pierre Gelly, huissier à la
verge noire, transmet le message suivant dont M. l’Orateur fait lecture:
M. l’Orateur: Messieurs,
l’honorable Monsieur le lieutenant-gouverneur de la province de Québec
désire la présence immédiate de cette Chambre dans la salle du Conseil
législatif.
En conséquence, M. l’Orateur et les
députés se rendent à la salle des séances du Conseil législatif17.
L’honorable
Monsieur le lieutenant-gouverneur veut bien donner, au nom de Sa
Majesté, la sanction royale au bill suivant:
1 Loi
concernant un référendum à Montréal.
Le Greffier du Conseil
législatif: Au nom de Sa Majesté, l’honorable Monsieur le lieutenant-gouverneur
sanctionne ce bill.
Après quoi, il a plu à l’honorable Monsieur
le lieutenant-gouverneur de clore la première session de la vingt-sixième
législature de la province de Québec par le discours suivant:
L’honorable Monsieur le lieutenant-gouverneur:
Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,
Aujourd’hui se termine la session
spéciale de la législature qui avait été convoquée pour étudier une mesure d’urgence
concernant l’administration de la cité de Montréal.
Je formule l’espoir que la
législation que vous avez votée contribuera à la solution éventuelle du
problème de l’administration de la métropole suivant les désirs des
contribuables.
En prorogeant aujourd’hui cette
session spéciale de la législature, je prie la divine Providence de répandre
ses bénédictions sur notre province et d’assurer au monde une paix juste et
durable.
M. l’Orateur du Conseil
législatif: C’est la volonté et le désir de l’honorable Monsieur le lieutenant-gouverneur de la province que cette législature
soit prorogée sine die, et cette législature est, en conséquence,
prorogée sine die.
La séance est levée à 6 h 2018.
NOTES
1. Le
conseil municipal de la ville de Montréal est formé de 99 conseillers dont
un tiers sont élus par les propriétaires (classe A), un autre tiers sont
élus par l’ensemble des électeurs (classe B), et un dernier tiers sont
nommés par différentes associations publiques (classe C). Chaque classe de
conseillers fait élire deux de ses membres pour le conseil exécutif de la ville
dont le septième membre est le maire. Voir Paul-André Linteau, Histoire de
Montréal depuis la Confédération, 2e édition, Montréal, Boréal, 2000,
aux pages 532 et 544.
2. Le
référendum doit avoir lieu lundi le 24 octobre 1960. L’article 9 du
bill renvoie le dépôt des résolutions au vendredi 28 octobre 1960.
3. Il
faut interpréter ce terme au sens qu’on en donne en politique américaine, c’est-à-dire une liste de
candidats.
4. M. Paul Dozois a été membre du
comité exécutif du conseil municipal de Montréal de décembre 1947 à septembre
1956.
5. M. Jean Meunier a été membre de la
Ligue d’action civique et conseiller municipal de Montréal de 1954 à 1960.
6. Les députés reçoivent une indemnité de
$10 par jour lors d’une session spéciale.
7. Littéralement une conversion à l’article de la
mort.
8. Cette
liste des mémoires soumis à la commission Champagne provient du Premier
rapport de la Commission d’étude du système administratif de Montréal,
1960, annexe A.
9. La Presse du 22 septembre
1960, à la page 1, indique clairement que M. Dozois présente un
amendement au moment où la Chambre s’ajourne; la discussion sur cet amendement,
apporté durant l’étude du bill en troisième lecture, n’est donc pas encore
commencée au moment où les députés reprennent leur siège, à 3 heures.
10. Toutes les sources qui font référence
à l’amendement de M. Thibeault parlent plutôt du 12 décembre 1960. La
similitude avec l’amendement de M. Dozois a certainement induit en erreur
les correspondants parlementaires.
11. Plusieurs sources, à l’instar du Soleil du 23 septembre 1960, à la page 3, prennent la peine de noter que
c’est la première fois depuis plusieurs années que le président de l’Assemblée
législative maintient une requête de l’opposition malgré une objection
réglementaire soulevée par les ministériels.
12. Bien que le député de Bagot
(M. Johnson) fait référence à la fable "La Montagne qui
accouche" de Jean de La Fontaine (Livre cinquième. Fable X),
le vers "La montagne en travail enfante une souris" est plutôt
attribué à Nicolas Boileau-Despreaux. La fable de La Fontaine se lit
ainsi:
"Une montagne en mal d’enfant
"Jetait une clameur si haute,
"Que chacun au bruit accourant
"Crut qu’elle accoucherait sans faute,
"D’une cité plus grosse que Paris;
"Elle accoucha d’une souris.
"Quand je songe à cette fable,
"Dont le récit est menteur
"Et le sens est véritable,
"Je me figure un auteur
"Qui dit: Je chanterai la guerre
"Que firent les Titans au Maître du tonnerre
"C’est promettre beaucoup; mais qu’en
sort‑il souvent?
"Du vent."
Voir Jean-Pierre Collinet, La Fontaine. Œuvres complètes,
Tome I. Fables, contes et nouvelles, Paris, Gallimard, coll.
"Bibliothèque de La Pléiade", 1991, aux pages 192
et 1137.
13. La
Presse du 23 septembre 1960, à la page 2, note que M. Hamel
a lancé cette boutade alors que les débats étaient interrompus dans l’attente
d’un vote, mais sans plus de précisions.
14. Le Montréal-Matin du
23 septembre 1960, aux pages 10 et 12, précise qu’il est 5 heures
lorsque l’amendement du député de Montréal-Mercier (M. Thibeault) est
rejeté et que le bill 1 est adopté en troisième lecture sur division.
15. Le Montréal-Matin du 23 septembre 1960, à la page 10, souligne que le 10 novembre
est un jeudi et que l’ouverture de la session du parlement fédéral se produit
toujours un jeudi. On veut certainement faire allusion au passage de
M. Lesage chez les libéraux fédéraux.
16. La
Presse du 23 septembre 1960, à la page 1, souligne que
M. Hamel fait sans doute allusion aux récentes démissions de
MM. Antonio Barrette et Laurent Barré, ainsi qu’à la rumeur selon laquelle
d’autres membres de l’opposition prendraient également leur retraite un jour ou
l’autre.
17. Le
Soleil du 23 septembre 1960, à la page 3, précise que le premier
ministre avait pris place près du trône du lieutenant-gouverneur.
18. Le
Nouvelliste du 23 septembre 1960, à la page 1, mentionne que la
session spéciale a duré un peu moins de 15 heures. Le même journal,
édition du 27 septembre 1960, à la page 11, raffine son calcul et
affirme que la séance spéciale a duré en tout 13 heures.