Débats de l'Assemblée législative (débats reconstitués)
Version finale
26e législature, 1re session
(20 septembre 1960 au 22 septembre 1960)
Le mercredi 21 septembre 1960
Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.
Première
séance du mercredi 21 septembre 1960
Présidence de l’honorable L. Cliche
La séance est ouverte à 3 heures.
Prière.
M. l’Orateur: À l’ordre,
Messieurs! Que les portes soient ouvertes!
Vacances dans les districts électoraux:
M. l’Orateur informe la
Chambre qu’il a reçu de l’Orateur qui l’a précédé, M. Maurice Tellier, les
documents suivants:
Transmission de
lettres de démission
Québec, le 20 septembre
1960
M. Lucien Cliche,
Président de l’Assemblée législative,
Hôtel du Gouvernement,
Québec,
Monsieur l’Orateur,
Veuillez
trouver ci-inclus deux documents officiels qui m’ont été remis ces jours‑ci
et que je vous transmets en votre qualité de président de l’Assemblée
législative.
Ces
documents sont la démission de M. Antonio Barrette, signée en présence de deux de ses collègues: M. Gérard Thibeault, M.P.P., et M. Victor
Chartrand, M.P.P., ainsi que la
démission de M. Laurent Barré, signée devant MM. Daniel Johnson, M.P.P. et Jean-Jacques
Bertrand, M.P.P.; cette dernière démission est accompagnée d'un
certificat du Dr Paul Morin,
médecin-chirurgien de Saint-Hyacinthe.
Bien à vous,
(Signé)
Maurice Tellier, c.r.,
Député
de Montcalm
Démission du
député de Joliette
Joliette, 15 septembre
1960
M. Maurice Tellier, c.r.
Monsieur l’Orateur,
Je soussigné, Antonio Barrette,
député à l'Assemblée législative pour le district électoral de Joliette, vous
remets par la présente ma démission de député
à l’Assemblée législative pour le district électoral de Joliette. Je donne cette démission de député à
l’Assemblée législative pour le
district électoral de Joliette, en présence de M. Victor Chartrand, député à l’Assemblée législative
pour le district électoral de L'Assomption, et de M. Gérard Thibeault,
député à l’Assemblée législative pour le
district électoral de Montréal-Mercier, tous deux témoins de ma
signature, et j’ai signé.
(Signé)
Antonio Barrette
Témoin:
Victor Chartrand,
Député pour le district électoral de L’Assomption
Témoin:
Gérard Thibeault,
Député pour le district électoral de Montréal-Mercier
Démission du
député de Rouville
Québec, le 19 septembre
1960
À M. Maurice Tellier,
Orateur de l’Assemblée législative,
Hôtel du Gouvernement,
Québec,
Monsieur l’Orateur,
Je suis malade, et un certificat du
Dr Paul Morin, que vous trouverez ci‑annexé, en atteste.
En conséquence, je vous donne ma
démission comme député du district électoral de Rouville à l’Assemblée
législative de la province de Québec, à compter d’aujourd’hui, le 19 septembre
1960.
Et j’ai signé en présence de mes
deux collègues voisins, les honorables Daniel Johnson, député du district
électoral de Bagot à l’Assemblée législative du Québec, et Jean-Jacques
Bertrand, député du district électoral de Missisquoi à l’Assemblée législative
du Québec.
(Signé)
Laurent Barré
Signé en notre présence
ce 19 septembre 1960
Témoin:
Daniel Johnson,
Député
du district électoral de Bagot
Témoin:
Jean-Jacques Bertrand,
Député
du district électoral de Missisquoi
Saint-Hyacinthe,
le 19 septembre 1960
À qui de droit:
Re: M. Laurent Barré.
Je, soussigné, certifie que M. Laurent
Barré souffre de cardiopathie et est totalement incapable de remplir ses
fonctions de député.
Un travail ardu et une attention
prolongée pourraient aggraver ses troubles du cœur et amener une décompensation
de celui‑ci.
(Signé) Paul Morin,
médecin
Explications sur des faits publiés:
Article paru dans
un journal de langue anglaise de Montréal
M. Hanley
(Montréal-Sainte-Anne): Il y a une quinzaine de jours, un journal anglais
de Montréal faisait savoir, dans un article daté de Québec, que j’étais
considéré comme faisant partie de l’opposition. L’article était fondé sur une
liste des députés préparée par un employé de l’Assemblée législative et fournie
à la Tribune de la presse par une branche de l’administration provinciale.
Je proteste contre cette façon de
procéder. J’ai reçu plusieurs appels de mes électeurs qui protestent, eux
aussi, en disant qu’ils élisent depuis plusieurs années un député indépendant.
Je n’appartiens pas à l’opposition et n’ai pas l’intention d’être classé dans
la catégorie des membres de l’opposition. Certes, je n’aurais pas honte à le
faire, car les membres de l’opposition sont mes amis, et je n’en veux pas à
l’opposition actuelle.
Il y a évidemment, dans cette
opposition, un grand nombre de gentilshommes que je respecte, et, parmi eux,
des anciens ministres qui ont toujours été très généreux pour le comté de
Sainte-Anne alors qu’ils étaient au pouvoir.
Mais je suis un député indépendant
et j’entends continuer à siéger comme député indépendant; c’est le mandat que
j’ai reçu.
Adresse en réponse
au discours du trône
M. Lavoie (Laval) propose,
appuyé par le député de Montréal-Saint-Louis (M. Blank), que l’adresse
suivante soit présentée à l’honorable lieutenant-gouverneur:
À l’honorable Monsieur
le lieutenant-gouverneur
de la province de Québec,
Nous, les membres de l'Assemblée
législative de Québec, réunis en session, vous prions de bien vouloir agréer,
avec l’assurance de notre fidélité à Sa Majesté, nos humbles remerciements pour
le discours qu’il vous a plu de prononcer, afin de faire connaître les motifs
de la convocation des Chambres.
M. Blank (Montréal-Saint-Louis): Je seconde cette motion.
M. Prévost (Montmorency) félicite
l'Orateur de la Chambre. Pour
féliciter les proposeur et secondeur de l’adresse, dit‑il, je dois
me limiter à la longueur de leurs discours. Je fais remarquer au nouveau
gouvernement que je ne peux également le féliciter, même si je désire être très
courtois, mais je suis heureux de souhaiter
aux ministériels la santé nécessaire pour s’acquitter de leurs lourdes
responsabilités.
(Applaudissements à gauche)
De ce côté‑ci de la Chambre,
nous formons une équipe à peu près aussi nombreuse que celle du gouvernement...
Une voix: Vous avez des
éclopés.
M. Prévost (Montmorency): ... presque aussi nombreuse et aussi combative. Cette équipe est aguerrie,
vigoureuse. Je souhaite à tous ceux qui m’entourent la vigueur physique
nécessaire à l’accomplissement de leur mandat.
L’Union nationale peut aujourd’hui
jeter avec fierté un coup d’œil sur son passé. Au pouvoir de 1936 à 1939, puis
de 1944 à 1960, il est évident que notre parti a présidé à une évolution
marquée dans la province. Ses œuvres se constatent partout. Elles ont été
réalisées par un parti qui a accompli, grâce à sa brillante équipe, un travail
immense. Il a vécu des années de gloire, de victoires et de succès répétés.
Nombreux, immensément nombreux, sont ceux qui ont contribué à ces réalisations
de 19 ans de pouvoir. On doit rendre hommage à tous ceux qui ont collaboré
à cette œuvre, tant à ceux qui restent qu’aux autres que le sort n’a pas
favorisés aux dernières élections.
Des députés de l’opposition applaudissent.
M. Prévost
(Montmorency) formule des remerciements sincères à tous ses collègues, aux
absents comme à ceux autour de lui, pour les services inappréciables qu’ils ont
rendus à leur province. Je demande à tous ceux qui m’entourent, par esprit de
devoir et de sacrifice, de continuer à servir leur province avec dévouement. J'ai
la certitude que pas un ne faillira à la tâche.
Quant à celui qui vous parle en ce
moment, comme ses collègues de la gauche, il est ici par devoir, il est ici
pour servir, peut-être pour une dernière fois, malgré les avanies de son état
de santé qui l’ont affligé depuis deux ans. Ces avanies s’expliquent
probablement par le fait qu’il y a vingt‑cinq ans que mes journées de
travail se poursuivent souvent jusque dans la soirée.
(Applaudissements à gauche)
Il (M. Prévost) passe en revue les
malheurs qui ont fondu sur son parti depuis septembre
dernier. Nous avons été durement éprouvés, dit‑il, depuis un an.
Mais c’est dans les jours difficiles qu’un parti montre ce qu’il est vraiment.
Le nôtre a fait preuve, en ces jours, d’un magnifique esprit de courage et de
détermination qui l’honore.
Il
lit la proclamation du lieutenant-gouverneur pour la convocation du Parlement
provincial: "Honorables Messieurs du Conseil législatif, Messieurs de
l’Assemblée législative, vous avez été convoqués en session spéciale pour
prendre en considération une mesure d’urgence concernant l’administration de la
cité de Montréal. Vous serez invités à étudier l’opportunité d’ordonner la
tenue d’un référendum le même jour que les élections municipales, soit le 24 octobre
prochain, afin de permettre aux électeurs de la métropole d’exprimer leurs vues
concernant la composition du conseil de ville. Cette mesure proposera également
que de nouvelles élections municipales aient lieu à Montréal au mois d’octobre
1962. On vous présentera sur-le-champ un projet de loi à cet effet. Puisse la
divine Providence continuer de protéger notre province et vous guider dans vos
délibérations."
Ce texte, dit‑il, indique la
volonté de s’occuper de l’expédition des affaires de la province. Je m’étonne
et je suis déçu de voir que le gouvernement ne présentera, au cours de la
session, qu’un projet de loi concernant le mode administratif de Montréal et
que le discours du trône ne fasse aucune mention de mesures que le premier
ministre et ses collègues désignaient eux-mêmes comme des mesures d’urgence
durant la campagne électorale.
Il s’agit pourtant d’une session
d’urgence, déclare‑t‑il, et la population aurait été en droit de
s’attendre que les députés tous réunis ici profitent de l’occasion pour les
aborder franchement, car il y a, M. l’Orateur, plusieurs questions
d’urgence dans le moment, comme celle du chômage. Et je suis convaincu que la
population de la province sera sûrement désappointée de savoir que la seule
question d’urgence aux yeux du gouvernement est celle qui concerne Montréal.
(Applaudissements à gauche)
Il y a, par exemple, le chômage
chronique et saisonnier. Il y a quelques mois, le premier ministre, alors chef
de l’opposition, affirmait à la population que le chômage ferait l’objet de
mesures législatives si son parti était appelé à former le gouvernement. Or, le
chômage s’accroît à l’approche de l’hiver1. Le
gouvernement fédéral a fait savoir qu’il est prêt à contribuer financièrement
dans la proportion de 40 % aux travaux d’hiver à partir du 15 octobre.
Le 15 octobre, c’est bientôt
et nous n’avons rien devant nous pour permettre aux municipalités de contracter
les ententes nécessaires. Pour obtenir cette aide, il y a des formalités à
remplir qui peuvent prendre quelques semaines. Il serait donc urgent que le
Québec procède sans tarder à ce propos. Il pourrait d’ailleurs y avoir d’autres
mesures remédiatrices à prendre.
Le gouvernement de l’Union
nationale avait annoncé, le printemps dernier, que la session serait convoquée le 7 septembre pour régler deux
problèmes: celui de l’assurance-hospitalisation et celui de l’administration
de Montréal2. Le 7 septembre est passé et
il n’y a pas eu de session.
Nous croyons, nous de la gauche,
qu’en l’espace de trois mois, c’est-à-dire depuis les élections de juin, le
gouvernement actuel aurait eu le temps de préparer des mesures telles que
l’assurance-hospitalisation, qui auraient servi la population.
L’honorable M. Cournoyer
(Richelieu): Et vous, vous avez été au pouvoir pendant 17 ans!
M. Prévost (Montmorency): Comme mesure d’urgence, la gratuité scolaire, promise par le parti ministériel,
n’a pas encore été accordée dans le Québec.
Nous, de la gauche, ne prétendons
pas que tout le problème aurait pu être réglé au cours d’une session spéciale,
mais l’étonnement de la population est grand de constater que de très nombreux
pères de famille ont dû payer encore davantage cette année pour faire entrer
leurs enfants aux écoles.
Hier même, un père de famille
m’apprenait qu’avec deux enfants de moins à l’école, il lui en coûtera $150 de plus cette année. J’aborde ce sujet surtout
pour montrer qu’il y a contradiction entre les actes actuels du gouvernement et
les affirmations que le Parti libéral a faites au cours de la campagne
électorale.
On pourrait dire la même chose pour
ce qui a trait à la sécurité sociale. J’ai rencontré des tas de gens qui croyaient que les augmentations
d’allocations qu’on leur avait promises viendraient plus vite que cela,
et on les attend encore.
En somme, le gouvernement a pris de
nombreux engagements vis-à-vis de l’électorat. Je ne prétends pas qu’il peut
tous les remplir intégralement à cette session spéciale, mais tous ces
problèmes dont il a parlé auraient dû
recevoir des commencements de solution.
Le gouvernement dira peut-être
qu’il n’est au pouvoir que depuis trois mois. D’accord. Je lui rappellerai
alors qu’en 1936, 51 jours seulement après avoir pris le pouvoir, le
premier gouvernement de l’Union nationale a convoqué une session spéciale
d’environ cinq semaines3. En une session, le
gouvernement d’alors a présenté et a fait voter 42 projets de loi
d’intérêt public, dont celle du crédit agricole. Il y a 24 ans de cela.
Les services administratifs se sont bien améliorés depuis.
Je crois donc que ce qui était
réalisable pour ce gouvernement 51 jours après les élections démontre
qu’après 90 jours d’administration, le nouveau gouvernement aurait pu
avoir un menu plus substantiel à présenter à la Chambre et pourrait faire bien
davantage aujourd’hui, après les engagements qu’il a pris devant la population.
(Applaudissements à gauche)
Le gouvernement affirmera sans doute
qu’une session régulière aura lieu en novembre et qu’il aura alors une
législation substantielle à présenter. Cela est possible. Je n’en affirme pas
moins que certaines choses intéressent la population de façon urgente et que,
sur ces questions‑là, on aurait pu faire davantage. Le gouvernement ne
tient donc pas ses engagements.
Pour ces raisons, je propose,
appuyé par le député de Chicoutimi (M. Talbot), que la motion en
discussion soit amendée en y ajoutant les mots suivants:
"Toutefois, nous regrettons
que rien dans le discours du trône n’indique que le gouvernement ait
l’intention de soumettre, au cours de la présente session, des mesures
législatives susceptibles de remédier au chômage, de favoriser l’établissement d’un système d’assurance-hospitalisation,
d’encourager la gratuité scolaire et de provoquer la solution d’autres
questions urgentes intéressant la population du Québec, en particulier celles
concernant la sécurité sociale."
(Applaudissements à gauche)
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest): Je joins mes félicitations et mes meilleurs vœux à ceux du
chef de l’opposition à l’adresse de l'Orateur de la Chambre basse. Je répète ce
que j’ai dit hier: je tiens à ce que l'Orateur soit absolument impartial. Ce
n’est pas sans une certaine émotion, sans une certaine appréhension, déclare‑t‑il,
que j’adresse la parole pour la première fois dans cette enceinte où tant d’interventions glorieuses ont été faites depuis
les débuts de la Confédération. J’essaierai de me rendre digne de cette
charge que j’occupe et des responsabilités qui y sont attachées et qui seront
les miennes.
(Applaudissements à droite)
Je veux féliciter le chef de
l’opposition (M. Prévost) qui a accepté la nouvelle tâche qu’il a à
remplir présentement dans des circonstances extrêmement difficiles. Le chef de
l’opposition a parlé d’esprit de devoir. Moi qui le connais depuis plusieurs
années, je sais que c’est cet esprit de devoir qui l’a poussé à accepter cette
tâche. Il a parlé de courage. Je lui en souhaite pour remplir sa mission.
Je demande à mes adversaires de
l’opposition de collaborer avec le gouvernement pour maintenir le décorum de la
Chambre.
Il
fait allusion aux longues années que l’Union nationale a passées au pouvoir et à son propre passage dans
l’opposition. Il cite une réflexion de Musset: "Nul ne se connaît tant
qu’il n’a pas souffert...4"
Le gouvernement n’a jamais eu
l’intention, durant cette session d’urgence, de soumettre d’autres mesures que
le bill unique concernant les affaires municipales
de Montréal. Le Parlement a été convoqué uniquement pour le problème de
la métropole, et la proclamation a été faite selon la formule courante,
contenue dans l’article 7 du Règlement de la Chambre, utilisant
l’expression d’expédition des affaires. Il s’agit d’une formule consacrée.
Le chef de l’opposition a dit qu’il
y a plusieurs questions urgentes. D’accord! Personne n’est plus d’accord à ce
sujet avec le chef de l’opposition que celui qui vous parle. Mais s’il y a tant
de questions urgentes dans la province et, si les ministres travaillent jour et
nuit depuis le 5 juillet pour tenter de les résoudre, c’est que tout est à
refaire dans la province de Québec pour la remettre sur la voie du progrès.
(Applaudissements à droite)
On a parlé de
chômage? Le chômage? Mais les honorables amis d’en face, comme disait un
illustre prédécesseur, refusaient même, par contraste, de reconnaître aux
autorités provinciales quelque responsabilité que ce soit en matière de
chômage. Quant à nous, nous avons toujours soutenu qu’il était du devoir de
tous les citoyens de tenter d’alléger la crise du chômage, et du devoir de tous
les paliers du gouvernement d’y remédier. Le gouvernement actuel a déjà posé
des gestes concrets pour contrer le chômage. Nous avons assumé le pouvoir
provincial et c’est ainsi que nous avons agi...
M. Talbot (Chicoutimi): Certes, ils ont agi... en arrêtant certains travaux dans la province.
M. Thibeault (Montréal-Mercier): Le gouvernement actuel a augmenté le taux de chômage en coupant dans tous les
travaux publics.
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest): Je suis content que les députés le mentionnent. Oui, il est
vrai que nous avons annulé certains contrats qui avaient été accordés par le
gouvernement précédent sans appel d’offre. Nous allons expliquer pourquoi
certains travaux ont été arrêtés et comment l’arrêt très court des travaux a
permis à l’administration d’économiser des centaines de milliers de dollars qui
pourront servir à lutter contre le chômage. Des soumissions publiques ont été
demandées depuis le 1er septembre pour la construction de
différents ponts, constructions qui avaient été demandées par lettres
d’intention à des entrepreneurs par le gouvernement précédent au cours de la
dernière campagne électorale et à des prix excessifs.
Il cite le cas d’entrepreneurs à
qui l’Union nationale avait confié la construction de deux ponts et qui
s’étaient chargés de l’ouvrage avant même la signature de contrats5. Les chantiers ont été fermés, dit‑il, sur
l’ordre du député de Montréal-Laurier (l’honorable M. Lévesque). Les deux
mêmes entrepreneurs ont soumissionné, mais ils ont alors proposé d’effectuer le
travail à un prix considérablement moins élevé, de 30 % à 65 %
inférieur6, que celui qu’ils exigeaient du
temps de l’Union nationale. Ils réclamaient, par exemple, $63,7807 pour le pont Pérusse, dans le comté de Bagot. Le plus
bas soumissionnaire, qui est le même entrepreneur, s’engage à faire l’ouvrage
pour $29,900. Pour le pont de Murdochville, dans Gaspé-Nord, la lettre
d’intention mentionnait $45,077.63. La même entreprise, qui a présenté la plus
basse soumission, demande maintenant $28,000.
M. Prévost (Montmorency): Le
premier ministre s’éloigne du sujet du débat et la chose pourrait se discuter
plus tard au cours de la session régulière.
L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): D’accord, nous aurons d’autres occasions de revenir sur le sujet dans peu de
temps et de donner les détails. Même si le gouvernement est en fonction depuis
trois mois, nous avons dû aller au plus pressé et, avec un petit délai dans le
cours de l’été, nous avons pu épargner aux contribuables et à la province des
centaines de milliers de dollars, des millions.
(Applaudissements à droite)
Les journaux nous apprennent
aujourd’hui que le nombre des chômeurs a diminué d’une dizaine de milliers dans
la province de Québec. En ce qui concerne le chômage, le grand mal, la raison
pour laquelle il y a proportionnellement au Québec plus de chômage que dans les
autres provinces, c’est que nous manquons d’une industrie de transformation des
matières premières. Or, ce n’est pas au cours d’une session spéciale de
quelques jours qu’on peut mettre sur pied
une telle industrie secondaire. Ce travail aurait dû être fait par le
gouvernement précédent.
La situation déplorable qui existe
à ce point de vue résulte de l’abolition de l’ancien Conseil d’orientation
économique par le gouvernement de l’Union nationale, qui n’a jamais pris de
mesures concrètes pour encourager l’industrie, le commerce et l’économie
provinciale. On a bien parlé de 10,000 firmes
industrielles fondées grâce aux gouvernements précédents de l’Union
nationale, mais où sont donc ces 10,000 industries dont vous vous vantiez?
(Applaudissements à droite)
La
création d’industries secondaires représente l’une des plus importantes
étapes pour contribuer à remédier au problème du chômage. Nous avons rétabli dernièrement un noyau de Conseil
d’orientation économique composé d’hommes compétents et qui jetteront
les bases d’un Conseil d’orientation économique aux attributions plus étendues
pour une politique à plus longue échéance. Ils nous feront aussi des
suggestions au sujet des mesures à prendre immédiatement pour résorber le
chômage saisonnier, mesures que le Cabinet mettra en application. Nous
attendons ces suggestions.
En attendant, nous avons décidé que le gouvernement
provincial, grâce à un budget supplémentaire,
paiera 40 % des travaux entrepris par les municipalités durant la
mauvaise saison, en vertu du programme
fédéral. Et cela, à partir du 15 octobre. Toutes les municipalités
ont été avisées.
D’autres programmes sont aussi en préparation,
tels que celui du ministre des Terres et Forêts (l’honorable M. Arsenault) qui a suggéré un programme de reboisement dans différentes parties de la
province. L’avantage d’une telle entreprise, c’est que presque tout l’argent
qui y est consacré sert à payer la main d’œuvre. Cela va aider à soulager le
chômage.
Les
ministres des Travaux publics (l’honorable M. Lévesque,
Montréal-Laurier) et de la Voirie (l’honorable M. Pinard) ont l’intention
de prolonger le plus tard possible en automne et durant l’hiver, même s’il en
coûte un peu plus cher, les travaux sur les chantiers pour donner de l’emploi
aussi longtemps que possible et au plus grand nombre possible.
L’établissement de la gratuité scolaire ne peut se
faire d’un coup. Dès la prochaine session, nous commencerons à mettre en œuvre
les dispositions nécessaires au projet de la
gratuité scolaire. D’ailleurs, le chef de l’opposition est favorable à
l’enseignement gratuit, mais ses collègues ne l’ont pas toujours été.
(Applaudissements à droite)
Pour ce qui est de
l’assurance-hospitalisation, j’ai de plus en plus raison de croire qu’il sera
possible de l’instituer pour le 1er janvier8.
L’Union nationale est surprise du délai lié à l’assurance-hospitalisation, et
le chef de l’opposition nous reproche d’attendre jusqu’à la session régulière
du Parlement pour légiférer dans ce domaine alors que, si l’Union nationale
était restée au pouvoir, la population de la province aurait à attendre bien
plus longtemps. Depuis des années, nous avons perdu des millions et des
millions à cause du fait que le gouvernement dont il faisait partie refusait
d’entendre nos suggestions et nos représentations, je dirai même nos
supplications, sur les crédits votés à Ottawa pour l’assurance-hospitalisation
et dont notre province n’a pas profité pendant des années.
(Applaudissements à droite)
Il (l’honorable M. Lesage) souligne
ce que le Cabinet fait actuellement pour la proche réalisation du projet
d’assurance-hospitalisation. Au printemps, dit‑il, l’Union nationale,
encore au pouvoir, a formé une commission d’étude qui devait coûter des
centaines de milliers de dollars aux contribuables et pour laquelle le
ministère des Travaux publics a loué des locaux pour huit ans. Et l’on nous
reproche d’attendre la session régulière pour traiter de ces problèmes! Voilà
pourquoi nous ne pouvons accepter la motion du chef de l’opposition.
Je félicite, dit‑il, le
proposeur et le secondeur de l’adresse en réponse au discours du trône.
(Applaudissements à droite)
M. Prévost (Montmorency) veut user de son droit de réplique.
M. Hyde (Westmount-Saint-Georges): Le chef de l’opposition n’a pas ce droit, puisque la motion n’en
est pas une de fond. Cette question a souvent été soulevée et décidée par les
anciens présidents.
M. Prévost (Montmorency): Je
n’ai, dit‑il, que quelques mots à ajouter.
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest): Puisque le chef de l’opposition n’a que quelques mots à
ajouter, je ne vois pas d’objection à ce que permission lui soit donnée de le
faire.
M. Prévost (Montmorency): Les
locaux loués par le département des Travaux publics pour huit ans ne le sont
pas seulement pour la Commission de l’assurance-hospitalisation, mais doivent
servir aussi à d’autres départements de l’administration provinciale. Quant aux
autres sujets mentionnés par le premier ministre, nous aurons l’occasion d’en
discuter plus tard.
M. Hanley (Montréal-Sainte-Anne) veut ici expliquer le vote qu’il donnera sur l’amendement du chef de
l’opposition. Nous sommes tous intéressés, dit‑il, à régler le plus vite
possible les problèmes causés par le chômage et à donner à la province
l’assurance-hospitalisation, mais il me semble préférable au moment de mon
premier vote de la présente session, de donner au premier ministre l’opportunité
d’agir comme il l’entend pour régler les affaires de Montréal9.
Des députés rient.
M. l’Orateur ordonne de
prendre le vote sur l’amendement du chef de l’opposition10.
L’amendement est mis aux voix et la
Chambre se divise.
Les noms sont appelés et inscrits
comme suit:
Pour: MM. Bégin,
Bellemare, Bernatchez, Bertrand (Missisquoi), Boudreau, Caron, Chartrand,
Cloutier, Custeau, Desjardins, Dozois, Ducharme, Élie, Gabias, Gosselin,
Guillemette, Hébert, Johnson, Johnston, Laberge, Lafontaine, Langlais, Larouche,
Lavallée, Leclerc, Lorrain, Maltais, Plourde (Kamouraska),
Pouliot, Prévost, Raymond, Riendeau, Roy (Nicolet), Russell, Somerville,
Talbot, Tellier, Thibeault, Tremblay, 39.
Contre: MM.
Arsenault, Bélanger, Bertrand (Terrebonne), Binette, Blank, Brousseau, Brown,
Castonguay, Coiteux, Collard, Courcy, Cournoyer, Couturier, Dionne, Earl,
Gérin-Lajoie, Hamel (Saint-Maurice), Hamel (Iberville), Hanley, Harvey, Hyde,
Jourdain, Kirkland, Lafrance, Lalonde, Lapalme, Laroche, Lavoie, Lechasseur,
Lemieux, Lesage, Levesque (Bonaventure), Lévesque (Montréal-Laurier), Lizotte,
Maheux, Meunier, Morissette, O’Reilly, Ouimet, Parent, Pinard, Plante, Plourde
(Roberval), Poulin, Rousseau, Roy (Lévis), Saint-Pierre, Théberge, Turpin,
Vaillancourt, 50.
Ainsi, l’amendement est rejeté.
La motion principale est mise aux
voix et la Chambre l’adopte11.
Nomination de
l'Orateur suppléant et président des comités pléniers
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest) propose, appuyé par le député de Montréal-Outremont
(l’honorable M. Lapalme), que M. John Richard Hyde, député du collège
électoral de Westmount-Saint-Georges, soit nommé président des comités pléniers
de la Chambre12.
Adopté. La motion est agréée à
l’unanimité.
Motions d’urgence:
Suspension des
règles pour la loi concernant le référendum à Montréal
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest) propose que, vu qu’il est urgent de procéder rapidement à
l’adoption du bill 1 concernant un référendum à Montréal, les articles du Règlement
ci‑après mentionnés soient suspendus et inopérants durant le cours de la
présente session:
Le paragraphe 12o de l’article 89
et l’article 462, en autant qu’ils concernent la formation des comités
permanents et le choix de leurs membres;
L’article 509, concernant la
présentation des pétitions;
L’article 531, qui exige que les
trois lectures d’un bill se fassent dans des séances différentes, et l’article 570,
en autant seulement qu’il interdit plus d’une lecture d’un bill au cours d’une
même séance;
Les
articles 594 à 665 inclusivement concernant les bills privés;
Les
articles 666 à 688 inclusivement concernant les questions;
Les
articles 689 à 704 inclusivement concernant les rapports et les
documents.
M. Prévost (Montmorency) exprime de l’étonnement devant la suspension de plusieurs des articles du Règlement
de la Chambre, mais veut se limiter à commenter la suspension de deux articles,
89 et 462, qui ont trait aux comités des bills privés et des comptes publics.
Il est bien, dit‑il, d’accélérer le travail
de l’Assemblée législative, mais il faut considérer le point de vue des
députés. Le gouvernement refuse de convoquer le comité des bills privés. Il ne
peut pas être question d’économies à pratiquer, car il convient de faire
remarquer en ce moment que les députés n’ont droit qu’à $10 par jour pour cette
session, sans aucune allocation de dépenses, ce qui veut dire qu’ils
retourneront tous chez eux en supportant personnellement un déficit. Ce n’est
pas une indemnité, mais une simple allocation.
Le fait de ne pas convoquer le
comité des bills privés en général nous empêchera de lui référer ce bill
unique. La Chambre se privera d’informations précieuses et il ne sera pas
possible, alors, d’entendre les propositions des différents groupes intéressés
à la bonne administration de Montréal, notamment les représentants de la cité de Montréal et les corps publicsde Montréal, dont les opinions pourraient aider à
améliorer ce projet de loi concernant le référendum et la réduction du
mandat du prochain conseil municipal.
Or, je soumets qu’il est
indispensable, pour la meilleure solution du problème montréalais, de donner
aux intéressés l’avantage de se faire entendre sur l’acte que le gouvernement
veut poser. Déjà, la Chambre de commerce de Montréal, pour un, a présenté des
suggestions au gouvernement et l’une d’elles a été acceptée. Pourquoi ne pas
entendre les autres corps publics pour faire plus encore dans l’intérêt de la
métropole? En refusant à la Chambre l’opportunité de convoquer le comité des
bills privés, le gouvernement prend une
responsabilité considérable, et on empêchera probablement la Chambre et
le gouvernement de faire davantage pour la cité de Montréal. C’est un principe
dangereux.
Tout homme public a droit à sa réputation. Pour
chacun de nous, c’est son principal actif et, dans bien des cas, son seul
actif. J’ai souvent référé à la vie des hommes publics et, quand je songe à
chacun d’eux, je conçois qu’ils ambitionnent pour eux-mêmes un maximum de
justice. Chacun des députés est responsable
à la Chambre, et je ne conçois pas que le gouvernement nous prive, par
sa motion, de l’opportunité de convoquer le comité des comptes publics durant
la présente session.
Je propose
que ce comité soit convoqué. Ce comité pourrait commencer immédiatement son
travail d’inventaire de façon symbolique, avec l’intention de le continuer le
plus vite possible au cours de la session d’automne en faisant, disons, une
enquête complète sur les 16 dernières années de l’administration de la
province. Je voudrais même que cette enquête s’étende à tout ce qui s’est fait
depuis la dernière convocation jusqu’au 20 septembre 1960. Chacun aura
alors l’avantage de se faire entendre et de s’expliquer.
On a parlé d’enquête devant un
juge. Je ne sache pas qu’un juge ait été nommé dans le moment, et il n’y a donc
pas préjudice à parler de cette enquête annoncée par le premier ministre.
Vouloir que les actes administratifs d’un gouvernement, en l’espace de 16 ou 20 ans,
soient jugés par un seul homme alors que les députés sont responsables à la
Chambre, je trouve que c’est confier un fardeau formidable à un magistrat
quelque éminent qu’il soit.
Il est préférable que les députés
soient jugés par leurs pairs plutôt que par un seul homme, un juge sur les
épaules duquel une enquête royale fera peser un fardeau formidable13. Des choses lui échapperont nécessairement, à cause
du serment de discrétion prêté par les ministres. Ainsi, les ministres actuels
et antérieurs n’ont pas pu révéler certains détails sur l’administration en
raison de leur serment professionnel.
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest): Le même serment de discrétion aura force devant un comité
de la Chambre.
M. Prévost (Montmorency): J'admets
ce point. Le comité des comptes publics, répète‑t‑il, est le
tribunal par excellence pour juger tous ceux qui siègent à l’Assemblée
législative et pour faire une enquête sur l’administration d’un gouvernement.
Au début de la récente session
d’urgence qui n’a rien réglé des nombreux problèmes d’urgence qui ont surgi
depuis l’avènement du régime libéral, l’enquête promise sur l’administration de
l’Union nationale aurait dû s’ouvrir sans délai dès cette première réunion de
la nouvelle législature.
J’ai voulu souligner, dès la
première occasion qui m’est offerte, que tous les membres de la gauche sont
prêts à comparaître devant le comité des comptes publics s’ils y sont
convoqués.
C’est pourquoi, j’ai l’honneur de
proposer, appuyé par le député de Montréal-Saint-Jacques (M. Dozois), que
la motion en discussion soit amendée en y ajoutant les mots suivants:
"Nonobstant les dispositions
ci‑dessus, un comité permanent dit "comité des bills privés en
général" soit institué et autorisé à délibérer et à s’enquérir de toutes
les affaires et de toutes les matières que la Chambre lui aura renvoyées ou qui
sont de sa compétence, et en particulier tout projet de loi ou mesure
législative concernant la cité de Montréal, afin d’entendre les représentants
de ladite cité et ceux des organisations, associations et groupements intéressés à soumettre des
représentations, à faire de temps à autre des rapports exprimant ses
observations et ses vues sur ces affaires et ces matières, et à envoyer
chercher les personnes, les pièces et les dossiers dont il aura besoin.
"Nonobstant également les
dispositions ci‑dessus, un comité permanent dit "comité permanent
des comptes publics" soit institué et autorisé à délibérer et à s’enquérir
de toutes les affaires et de toutes les matières que la Chambre lui aura
renvoyées ou qui sont de sa compétence, à faire de temps à autre des rapports
exprimant ses observations et ses vues sur ces affaires et ces matières, et à
envoyer chercher les personnes, les pièces et les dossiers dont il aura besoin.
"Un comité spécial de onze
membres soit institué pour choisir les membres ainsi que le président des deux
susdits comités permanents et pour fixer le nombre des membres ainsi que le
quorum de ces comités.
"Les membres de ce comité
spécial de onze membres seront désignés par entente entre le premier ministre
et le chef de l’opposition."
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest): Cette session d’urgence
a été convoquée spécialement pour régler des points déterminés dans le
discours du trône, à la veille des élections municipales du 24 octobre. À
cause de cette urgence, il faut que la Chambre prenne des décisions sans aucun
délai, et il est impossible, comme le demande le chef de l’opposition, que nous
entendions ici des représentations des corps publics de Montréal qui ont déjà
été interrogés par la commission Champagne14.
L'an dernier, quand le bill de Montréal a été
étudié, des représentants de la ville sont venus à Québec pour être entendus,
mais le gouvernement d’alors a décidé qu'il valait mieux confier ce travail à
une commission, et il a nommé la commission Champagne. Celle‑ci a fait un
premier rapport, le 31 août, qui recommandait des changements à la
composition administrative de Montréal, et elle en présentera un deuxième. Les
intéressés peuvent, s’ils en manifestent le désir, être entendus devant la commission Champagne. C’est pourquoi nous avons décidé de
toucher le moins possible, pour le moment, à la charte de la ville de Montréal.
Le gouvernement a poussé plus loin
son souci d’être démocratique jusqu’à décider maintenant de consulter le peuple
de Montréal dans un référendum, au lieu d’entendre de nouveau seulement les
administrateurs montréalais ou les délégués des corps publics et prolonger
ainsi la session.
Quant
à la demande de convocation du comité des comptes publics, je trouve que
la proposition du chef de l’opposition est habile, mais c’est seulement une manœuvre, car je crois que les députés de
l’opposition ne sont pas du tout intéressés à voir dévoiler publiquement
les détails et les dédales de leur administration
depuis 16 ans. La preuve, c’est que j’ai commencé tantôt à dévoiler
certains chiffres au sujet des ponts et
l’opposition a demandé grâce tout de suite.
M. Prévost (Montmorency) nie
qu’il ait demandé grâce.
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest): Je ne suis pas d’avis qu’un député soit jugé par d’autres
députés. Je préfère qu’une commission d’enquête parlementaire sur l’administration provinciale précédente soit
dirigée par un juge. Il y a du mérite, dit‑il, à faire juger les députés par d’autres que leurs propres
collègues, et il vaut mieux qu’un juge préside le tribunal.
L’amendement du chef de
l’opposition est mis aux voix et la Chambre se divise.
Les noms sont appelés et inscrits
comme suit:
Pour: MM. Bégin,
Bellemare, Bernatchez, Bertrand (Missisquoi), Boudreau, Caron, Chartrand, Cloutier, Custeau, Desjardins, Dozois, Ducharme,
Élie, Gabias, Gosselin, Guillemette,
Hébert, Johnson, Johnston, Laberge, Lafontaine, Langlais, Larouche,
Lavallée, Leclerc, Lorrain, Maltais, Plourde
(Kamouraska), Pouliot, Prévost, Raymond, Riendeau, Roy (Nicolet),
Russell, Somerville, Talbot, Tellier, Thibeault, Tremblay, 39.
Contre: MM. Arsenault,
Bélanger, Bertrand (Terrebonne), Binette, Blank, Brousseau, Brown, Castonguay,
Coiteux, Collard, Courcy, Cournoyer, Couturier, Dionne, Earl, Gérin-Lajoie,
Hamel (Saint-Maurice), Hamel (Iberville), Harvey, Hyde, Jourdain, Kirkland,
Lafrance, Lalonde, Lapalme, Laroche, Lavoie, Lechasseur, Lemieux, Lesage,
Levesque (Bonaventure), Lévesque (Montréal-Laurier), Lizotte, Maheux, Meunier,
Morissette, O’Reilly, Ouimet, Parent, Pinard, Plante, Plourde (Roberval),
Poulin, Rousseau, Roy (Lévis), Saint-Pierre, Théberge, Turpin, Vaillancourt, 49.
Ainsi, l’amendement est rejeté.
La motion principale est mise aux
voix et la Chambre se divise.
Les noms sont appelés et inscrits
comme suit:
Pour: MM. Arsenault,
Bélanger, Bertrand (Terrebonne), Binette, Blank, Brousseau, Brown, Castonguay,
Coiteux, Collard, Courcy, Cournoyer, Couturier, Dionne, Earl, Gérin-Lajoie,
Hamel (Saint-Maurice), Hamel (Iberville),
Harvey, Hyde, Jourdain, Kirkland,
Lafrance, Lalonde, Lapalme, Laroche, Lavoie, Lechasseur, Lemieux, Lesage, Levesque (Bonaventure), Lévesque
(Montréal-Laurier), Lizotte, Maheux, Meunier, Morissette, O’Reilly, Ouimet, Parent, Pinard, Plante, Plourde
(Roberval), Poulin, Rousseau, Roy (Lévis), Saint-Pierre, Théberge, Turpin,
Vaillancourt, 49.
Contre: MM. Bégin,
Bellemare, Bernatchez, Bertrand (Missisquoi), Boudreau, Caron, Chartrand, Cloutier, Custeau, Desjardins, Dozois, Ducharme,
Élie, Gabias, Gosselin, Guillemette,
Hébert, Johnson, Johnston, Laberge, Lafontaine, Langlais, Larouche, Lavallée, Leclerc, Lorrain, Maltais, Plourde
(Kamouraska), Pouliot,
Prévost, Raymond, Riendeau, Roy (Nicolet), Russell, Somerville, Talbot,
Tellier, Thibeault, Tremblay, 39.
Ainsi, la motion est adoptée.
Travaux de la Chambre:
Horaire des
séances
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest) propose que la Chambre, au cours de la présente session,
tienne trois séances par jour tous les jours de la semaine, excepté le
dimanche: la première, de onze heures du matin jusqu’à une heure de
l’après-midi; la deuxième, de trois heures jusqu’à six heures de l’après-midi;
et la troisième, de huit heures à onze heures
du soir; et qu’à chacune de ces séances, l'ordre du jour soit celui qui
est prévu par l’article 115 du Règlement pour la journée du mardi.
Adopté.
Projets de loi:
Référendum à
Montréal
L’honorable M. Hamel
(Saint-Maurice) propose, selon l’ordre du jour, que le bill 1
concernant un référendum à Montréal soit maintenant lu une deuxième fois15.
Il y a,
déclare‑t‑il, dans ce projet de loi, deux principes importants: un
référendum donnant la chance aux Montréalais de décider eux-mêmes du sort de la
classe C16 de ses conseillers municipaux,
qui sont nommés par des organismes publics et la limitation à deux ans de la
durée du mandat du prochain terme des administrateurs de Montréal.
Il expose les grandes lignes du
système administratif de Montréal et rappelle qu’une commission a été formée
pour étudier les problèmes électoraux et administratifs de la métropole.
Elle a soumis un premier rapport
préliminaire, qui pourra éventuellement être modifié par le rapport définitif,
qui sera soumis vers la fin du mois de mars 1961. La session d’automne sera
probablement terminée à ce moment‑là, dit‑il, et il faudra attendre
à la session suivante pour adopter des solutions définitives.
Pour l’instant, le gouvernement a
jugé qu’il était pratique et démocratique de
consulter les électeurs sur la classe C. L’électeur n’aura qu’à
répondre oui ou non. Il y aura élection le
24 octobre, tel que prévu. Pour l’instant, il s’agit de
modifications temporaires.
Le gouvernement n’a pas voulu
prolonger le mandat des administrateurs actuels parce que cela n’aurait pas été
démocratique. Nous avons préféré déclarer que les élections auront lieu comme
d’habitude, mais que le terme sera de deux ans au lieu de trois.
C’est là la meilleure procédure à
suivre; c’est une façon réaliste et pratique d’attendre le résultat définitif
du travail de la commission Champagne chargée d’étudier et de modifier, s’il y
a lieu, le mode administratif de la métropole.
M. Prévost (Montmorency): Pourquoi faire si peu pour Montréal quand on pourrait faire plus! Je suis
d’accord sur le fait que le système de Montréal doit être restructuré. Je veux me
prononcer sur l’avant-propos du bill.
Sur la seconde lecture, on se
rappellera des principes fondamentaux et de la valeur intrinsèque du bill.
L’opposition n’est pas contre le principe d’un ou plusieurs référendums; elle
le favorise au contraire dans tous les cas, mais il y a bien autre chose dans
l’examen de toute la portée de cette législation.
Il relève les paroles du ministre
des Affaires municipales (l’honorable M. Hamel) après que l’audition
Champagne ait entendu les corps publics et présenté la première partie de son
rapport: "Il faut aller au plus pratique". Il insiste surtout sur
l’audition législative.
Le gouvernement a adopté une
politique d’hésitation sur cette question, dit‑il, parce que la
commission Champagne a déjà soumis un rapport détaillé sur une nouvelle
structure du conseil municipal et du comité exécutif de Montréal.
Il cite le mémoire de la commission
Champagne et analyse certaines de ses recommandations17.
Il vient à la conclusion que l’attitude de la commission est finale quant à
l’établissement du nouveau mode électoral. La commission, déclare‑t‑il,
a soumis des propositions sur lesquelles elle ne reviendra pas; il n’y aura pas
d’amendement à ce sujet dans la seconde partie du rapport.
Elle a proposé que la cité de
Montréal soit divisée en 45 quartiers, chacun élisant un conseiller. Le
gouvernement pourrait mettre en vigueur immédiatement cette recommandation
d’ici deux mois. Vu les critiques soulevées par le présent mode d’élection,
pourquoi attendre deux ans afin de donner à la cité de Montréal le mode
d’élection qu’elle réclame?
C’est offrir bien peu aux citoyens
de la métropole. Le gouvernement devrait immédiatement insérer les
recommandations de la commission dans un nouveau projet de loi et retarder de
deux mois, s’il le faut, les élections
municipales de la métropole, afin de permettre à la Chambre de se
prononcer et d’adopter une nouvelle législation à ce sujet.
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest): Il serait impossible de préparer une liste électorale
tenant compte des 45 districts suggérés par la commission Champagne dans
un délai de deux mois.
Le mois de décembre, dit‑il,
serait d’ailleurs un temps peu propice à des élections. Voulez-vous avoir des
élections la veille de Noël? Des élections à la veille de Noël ralentiraient la
préparation du budget de la ville qui doit habituellement être prêt le 15 février.
Le rapport Champagne, sur la
redivision géographique des districts électoraux en 45 unités, demande
beaucoup de travail, et les électeurs doivent avoir assez de temps pour prendre
connaissance de la nouvelle opinion
électorale. Le retrait des catégories A et B signifie la
réécriture presque totale de la charte de la ville, car elles sont mentionnées
dans la majorité du document de 487 pages, alors que la catégorie C
figure à certains endroits seulement. La réécriture de la charte exige beaucoup
de travail.
De plus, aucune personne sensée ne
peut s’attendre à ce que le gouvernement traduise dans les lois le rapport
Champagne d’ici plusieurs mois; c’est un document qu’il
faut étudier avec beaucoup d’attention. Toute improvisation à ce domaine
pourrait être plus nuisible qu’utile aux intérêts véritables de la métropole.
Étant donné que le processus de
réécriture devrait également tenir compte des changements internes à l’Hôtel de Ville, sur lesquels la commission fera un rapport seulement le 31 mars, il est impossible d’effectuer ce
travail pendant la session régulière d’hiver, qui devrait normalement se
terminer à cette date.
De plus, je trouve difficile
d’accepter certaines parties du rapport
Champagne. Selon moi, le rapport donne au président le pouvoir exécutif
d’un premier ministre sans avoir de responsabilités ministérielles, car il n’y
a pas de disposition pour une motion de défiance. Le rapport favorise
l’élimination de la catégorie C, mais il donne un pouvoir juridictionnel à
une commission consultative chargée d’administrer, car son approbation sera
requise pour le congédiement des directeurs des services ou même pour
l’ajustement de leurs salaires.
En procédant comme il le fait, le
gouvernement proclame qu’il agit de façon très démocratique, en fournissant les
moyens d’éliminer la partie la plus critiquée du conseil, puisque c’est le
peuple tout entier qui pourra faire connaître son opinion au référendum sur les
conseillers nommés. Il aurait été mal venu de prolonger le mandat du conseil
actuel. Et comme il est possible, de l’aveu même des membres de la commission
Champagne, que la deuxième partie de leur rapport modifie des recommandations
formulées dans la première, il faut absolument attendre ce rapport définitif.
Je conviens, dit‑il, que le
système de Montréal doit être réorganisé. Si nous allons trop rapidement pour
solutionner la question, nous ne serons pas plus avancés qu’avant. En somme,
pour le moment, le mieux que le gouvernement puisse faire, c’est d’aller au
plus pressé. Nous avons sûrement adopté la façon la plus honnête de procéder en
demandant un référendum.
M. Prévost (Montmorency): Je
ne vois pas de raison valable, dit‑il,
qui puisse différer l'application du nouveau mode électoral à deux ans,
et le fait d’invoquer la rédaction des listes électorales est une piètre
objection.
Je suis certain que, dans une
période de deux mois, le gouvernement pourrait passer une législation pour
mettre en place les recommandations de la commission concernant les changements
à apporter au système électoral. Le premier ministre nous dit que le
gouvernement veut attendre la remise de la deuxième partie du rapport de la
commission Champagne, qui est prévue pour le 31 mars, pour passer à
l’action. Ceci signifie que les recommandations ne seront pas instaurées avant
la session de 1961-1962.
Dans moins de deux mois, les
autorités municipales peuvent mettre en branle le système pour dresser les
nouvelles listes électorales. Le délai est court, mais même si les listes
électorales sont déjà prêtes, il ne s’agit que de les découper et de les
appliquer aux 45 nouvelles circonscriptions préconisées par la commission
Champagne, puisque ses recommandations sur ce point sont définitives, ce qui
sauverait aux citoyens de Montréal une attente de 22 mois avec tout ce
qu’elle comporte d’aléatoire. Tous ceux qui ont l’expérience législative
partageront mon point de vue.
Je veux que le mandat du conseil,
aux proportions réduites, soit de trois ans comme le veut l’économie générale
des lois municipales. Le gouvernement a présenté un projet de loi qui réduit le
mandat du conseil de la ville de Montréal, qui passe de trois à deux ans. Il
est donc possible que les nouvelles élections sous le nouveau système électoral
ne puissent pas être tenues avant octobre 1962. La décision prise par le
gouvernement laissera la population de Montréal dans l’incertitude sur ce qui
va arriver pendant une période de deux ans, tandis que les progrès et
l’expansion de la ville seront retardés pendant ce temps‑là. Ceci
signifie qu’un nombre important de projets seront retardés jusqu’à ce que la
situation soit réglée. Il en résultera de sérieux reculs dans le développement
de la métropole. Ce n’est pas juste pour la métropole de conserver son conseil
municipal actuel pendant deux autres années, simplement parce que la commission
Champagne n’a pas complété son travail. Il est antidémocratique d’attendre deux
ans pour mettre cette recommandation en pratique.
Je regrette que le gouvernement
n’ait pas jugé opportun de référer le bill au comité des bills privés avant de
l’étudier à son mérite en Chambre. Le gouvernement, dit‑il, s’est ainsi
privé des conseils utiles qu’auraient pu lui donner les gens de
l’administration de Montréal et des corps ou organismes intéressés.
Je conviens qu’il est vrai que les
fonctionnaires de Montréal et les représentants d’organismes publics ont eu la
chance d’exprimer leurs points de vue et de formuler des recommandations au
sujet du projet de loi présentement débattu.
La création
de la commission consultative, déclare‑t‑il, remplacera en quelque
sorte la classe C, avec cette différence qu’au lieu d’être 33, ils
seront 12. En définitive, c’est maintenir le principe de la classe C.
Je rappelle au gouvernement que je
ne m’objecte pas au nouveau système, mais que je le veux plus expéditif dans son application et qu’on doit mettre en
vigueur le nouveau mode électoral dès le 24 octobre, alors qu’aura lieu
l’élection municipale à Montréal.
Je propose que le débat soit
maintenant ajourné.
Adopté. Le débat est ajourné.
Ajournement
M. l’Orateur prononce l’ajournement.
La séance est levée à 6 heures.
Deuxième séance du
21 septembre 1960
Présidence de l’honorable L. Cliche
La séance est ouverte à 8 h 30.
Prière.
M. l’Orateur: À l’ordre,
Messieurs! Que les portes soient ouvertes!
Projets de loi:
Référendum à
Montréal
Conformément à l’ordre du jour, la
Chambre reprend le débat ajourné plus tôt ce
jour, sur la motion du député de Saint-Maurice (l’honorable M. Hamel)
proposant que le bill 1 concernant un référendum à Montréal soit
maintenant lu une deuxième fois.
M. Prévost (Montmorency) continue l’analyse du rapport Champagne.
La recommandation, rappelle‑t‑il,
de la commission relative à la création d’un comité consultatif de 12 membres,
nommés par six corps publics, destiné à remplacer la classe C, est aussi
une recommandation définitive que le gouvernement pourrait appliquer sans
délai. En somme, on pourrait dès maintenant donner suite aux suggestions
définitives de la Commission, quitte à apporter les autres amendements plus
tard. La charte de Montréal a été amendée tous les ans, dans le passé.
M. Dozois
(Montréal-Saint-Jacques) appuie le point de vue exposé par le chef de
l’opposition et reprend plusieurs de ses arguments. On pourrait, dit‑il,
dans une couple de mois, procéder à l’élection des conseillers en suivant les
nouvelles divisions territoriales et stipuler que, pour le moment, les nouveaux
élus n’auront que les pouvoirs actuellement prévus par la charte de Montréal.
Le gouvernement, en retardant à deux ans toute modification d’envergure, se
rend complice d’un système incompatible avec une bonne administration pour la
métropole.
L'honorable M. Lapalme (Montréal-Outremont) critique l’Union nationale pour son insistance relativement au fait que les
élections de Montréal soient tenues d’ici à la fin de l’année sous le nouveau
système électoral suggéré dans le rapport de la commission Champagne. Cette
proposition est inacceptable, dit‑il.
On a refondu la charte de Montréal
sous l’Union nationale. Il ne s’agissait alors que de faire du découpage,
d’utiliser le travail fait par Montréal, et cela a traîné deux ans.
Aujourd’hui, on a mauvaise grâce de tenter d’amener l’administration libérale à
faire en deux mois une besogne difficile qui nécessitera une refonte presque
complète de toute la charte de la métropole du Canada.
Les membres de l’opposition ont été
au pouvoir pendant 16 ans; ils ont maintenu des considérations qui
permettent au système actuel d’exister, tout en le critiquant année après
année, et ils n’ont rien fait pour améliorer les conditions à Montréal. Tout ce
qu’ils ont fait à la fin de leur règne a été de constituer une commission pour
étudier le système administratif de Montréal, la commission Champagne, à qui
l’Union nationale, si elle était au pouvoir, comme toutes celles constituées
auparavant, aurait fait faire un cours classique de huit ans. Le gouvernement a
proposé le projet de loi parce que l’adoption du rapport Champagne produirait une solution inadéquate, qui ne
serait pas instaurée aussi rapidement que certains le croient.
Et maintenant, ils veulent régler les problèmes de
Montréal pendant qu’ils sont dans l’opposition. Même si nous avions le rapport
Champagne en entier, il serait impossible de mettre en œuvre ses
recommandations à temps pour la tenue des élections municipales
de Montréal en décembre. De toute façon, le rapport soumis le 31 août
n’est qu’un document préliminaire.
Et les commissaires ont déclaré
eux-mêmes, en le communiquant au chef du
gouvernement actuel, qu’ils modifieraient peut-être certaines de leurs
conclusions lorsque viendra le temps de rédiger le rapport définitif. Cela
résulte de l’interdépendance et de la complexité des problèmes en jeu, ainsi
que de la documentation nouvelle qui sera examinée par la commission, par
exemple le mémoire Woods-Gordon18.
Il faudra, de toute manière,
attendre le rapport complet pour connaître l’opinion de ses rédacteurs sur les
pouvoirs du comité exécutif, du directeur des services, etc.
Il n’est donc pas raisonnable
d’exiger du cabinet provincial, dans la conjoncture actuelle, qu’il passe
immédiatement une loi qui, entre autres choses, enlèverait tous les pouvoirs du
maire.
Les électeurs doivent aussi avoir
le temps de comprendre ce qu’ils reçoivent exactement. Il y a assez de
désordres politiques à Montréal; ils n’ont pas besoin d’une nouvelle charte sur
les bras.
Le gouvernement provincial
s’inspirera du rapport de la commission Champagne, en apportant une solution
finale aux problèmes qui existent à Montréal depuis des années.
M. Johnson (Bagot): Je me
sens obligé de parler du projet de loi de Montréal même si je représente
un comté agricole devant la Chambre, car ce qui arrive à la métropole du Canada
a un effet direct sur tous les secteurs et toutes les classes sociales de la
province. Aucun député de la Chambre, déclare‑t‑il, ne peut rester
indifférent aux problèmes de Montréal.
Il lance plusieurs flèches aux
membres du gouvernement.
Le projet de loi présenté par le
ministre des Affaires municipales (l’honorable M. Hamel) offre une
solution qui ne constitue pas une solution à bien des problèmes relatifs à
Montréal.
Il reproche au gouvernement
d’imposer aux Montréalais pour deux ans un régime dont ils ne veulent pas.
L’honorable M. Lévesque (Montréal-Laurier): Montréal est malade. (Parlant en faveur du projet de loi) Je suis surpris, dit‑il,
du soudain désir de l’opposition d’accélérer les changements à Montréal.
La proposition du chef de l’opposition, dit‑il,
de mettre dans la loi, tout de suite, les propositions définitives du rapport
de la commission Champagne, en retardant les élections municipales de deux
mois, est inacceptable. Pendant 16 ans, dit‑il, l’Union nationale
n’a rien fait pour améliorer la situation, et on a mauvaise grâce maintenant de
tenter d’amener l’administration libérale à faire en deux mois une besogne
difficile qui nécessitera une refonte presque complète de toute la charte de la
métropole du Canada.
M. Thibeault (Montréal-Mercier) fait le procès du régime des 99 conseillers et cite les critiques
auxquelles le régime a donné lieu dans un article du magazine Time19, dans un mémoire de la Chambre de commerce20 et dans un mémoire du Conseil des syndicats
catholiques21.
Le gouvernement libéral, affirme‑t‑il,
reste sourd aux protestations de Montréal en
maintenant dans la métropole un régime municipal antidémocratique.
Le gouvernement veut‑il punir
la commission Champagne d’avoir été formée par l’ancien gouvernement de l’Union
nationale en retardant, par ses hésitations, l’application du système qu’elle
préconise? À moins que le gouvernement refuse de mettre résolument la hache à
un régime municipal qui a été conçu et instauré par M. T.‑D.
Bouchard22? Le bill actuel, de toute façon,
n’est qu’un cataplasme sur une jambe de bois.
M. Hanley
(Montréal-Sainte-Anne): Il faut être juste pour le premier ministre et
l’appuyer au commencement de son administration.
M. Tremblay
(Montréal-Maisonneuve) fait un bref discours. Il formule une recommandation
pour l’élection simultanée des six commissaires, de façon à éviter le
marchandage auquel on se livre, particulièrement quand il s’agit d’élire les
deux derniers membres de l’exécutif, et ce, en laissant le vote secret au
moment où il est donné, mais en décrétant qu’il sera ensuite rendu public.
L’honorable M. Lesage
(Québec-Ouest) réclame le vote enregistré.
La motion est mise aux voix et la
Chambre se divise.
Les noms sont appelés et inscrits
comme suit:
Pour: MM. Arsenault,
Bélanger, Bertrand (Terrebonne), Binette,
Brousseau, Brown, Castonguay, Coiteux, Collard, Courcy, Cournoyer,
Couturier, Dionne, Earl, Gérin-Lajoie, Hamel (Saint-Maurice), Hamel
(Iberville), Hanley, Harvey, Hyde, Jourdain, Kirkland, Lafrance, Lalonde,
Lapalme, Laroche, Lavoie, Lechasseur, Lemieux, Lesage,
Levesque (Bonaventure), Lévesque
(Montréal-Laurier), Lizotte, Maheux, Meunier, Morissette, O’Reilly,
Ouimet, Parent, Pinard, Plante, Plourde (Roberval), Poulin, Rousseau, Roy
(Lévis), Saint-Pierre, Théberge, Turpin, Vaillancourt, 49.
Contre: MM. Bégin,
Bellemare, Bernatchez, Bertrand (Missisquoi), Boudreau, Caron, Chartrand, Cloutier,
Custeau, Dozois, Ducharme, Élie, Gabias, Gosselin, Guillemette, Hébert,
Johnson, Johnston, Laberge, Lafontaine, Langlais, Larouche, Lavallée, Leclerc,
Lorrain, Maltais, Plourde (Kamouraska), Pouliot, Prévost, Raymond, Riendeau,
Roy (Nicolet), Russell, Talbot, Tellier, Thibeault, Tremblay, 37.
Ainsi, la motion est adoptée. Le
bill est, en conséquence, lu une deuxième fois et renvoyé à un comité plénier
de la Chambre, pour étude à la prochaine séance.
Ajournement
M. l’Orateur prononce
l’ajournement.
La séance est levée à 11 heures.
NOTES
1. La formulation du Montréal-Matin du
22 septembre 1960, à la page 6, est beaucoup plus pessimiste:
"Or le chômage n’a fait que s’accroître et la saison froide n’est pas
commencée."
2. Selon le Montréal-Matin du 22 septembre 1960, à la page 6, la session spéciale, qui aurait
été appelée par l’Union nationale, n’aurait abordé que la question de
l’assurance-hospitalisation.
3. M.
Prévost fait référence à la première session de la vingtième législature, qui a
duré 21 jours entre le 7 octobre et le 12 novembre 1936.
4. Bien que Le
Soleil du 22 septembre 1960, à la page 8, attribue ce vers à
Lamartine, il s’agit bien d’un vers d’Alfred de Musset tiré du poème "La
nuit d’octobre":
"(...) L’homme est un
apprenti, la douleur est son maître,
"Et nul ne se connaît tant qu’il n’a
pas souffert. (...)"
Voir Philippe van Tieghem, Musset.
Œuvres complètes, Paris, Seuil, 1963, à la page 158.
5. À ce
sujet, La Tribune du 22 septembre 1960, à la page 1, mentionne
plutôt que, par les lettres ainsi envoyées, l’Union nationale avait accordé des
contrats aux entrepreneurs.
6. L’Action catholique du
22 septembre 1960, à la page 2,
parle de 30 % à 60 % inférieur. Le Chronicle-Telegraph du 22 septembre 1960, à la page 2, annonce des taux de 35 % à
65 % inférieurs. Si on se réfère aux exemples donnés plus loin par le
premier ministre, les prix des travaux ont baissé respectivement de 53.1 %
et de 37.9 %.
7. L’Action catholique du
22 septembre 1960, à la page 2, indique $67,780.
8. L’Action catholique du
22 septembre 1960, à la page 2, est la seule source qui écrit que
l’assurance-hospitalisation a été promise pour le 1er janvier.
9. Le Soleil du 22 septembre
1960, à la page 12, rappelle à ce sujet que M. Hanley a l’habitude de
voter avec le gouvernement, puisqu’il a presque constamment voté du côté de
l’Union nationale depuis qu’il siège à l’Assemblée législative, soit depuis
1948.
10. Le Montréal-Matin du
22 septembre 1960, à la page 12, indique qu’il s’est écoulé trois
quarts d’heure entre le moment où M. Hanley est intervenu au tout début de
la séance et le moment où l’on prend le vote sur l’adresse en réponse au
discours du trône.
11. La
Presse du 22 septembre 1960, à la page 51, rapporte que le débat
sur le discours du trône à la Chambre basse est marqué d’un précédent: pour la
première fois dans les annales parlementaires du Québec, l’adresse est réduite
à une simple motion.
12. À
l’instar du Devoir du 22 septembre 1960, à la page 1,
certaines sources mentionnent que M. Hyde est élu vice-président de
l’Assemblée législative. En effet, le
président des comités pléniers remplit aussi les fonctions d'Orateur
suppléant. Voir Louis-Philippe Geoffrion, Règlement annoté de l’Assemblée
législative, Québec, Assemblée
législative, 1941, chapitre II, section II, article 27, paragraphe 2 (à la page 10).
13. Le
journaliste du Devoir du 22 septembre 1960, à la page 1,
indique que le chef de l’opposition n’est pas très précis sur ce point, mais
que l’enquête du comité des comptes publics remplacerait celle qu’un juge
pourrait faire en vertu d’une commission royale. À cet effet, le gouvernement
nommera le juge Élie Salvas, à la tête de
cette commission qui entreprendra ses travaux le 7 décembre 1960.
14. La loi
concernant le système administratif de la cité de Montréal, loi 8‑9 Elizabeth II,
chapitre 104, est sanctionnée le 10 mars 1960. Elle donne naissance à
la Commission d’étude du système administratif de la cité de Montréal qui est
présidée par le juge Paul-Émile Champagne de la Cour municipale de Montréal.
Les commissaires sont: Cecil F. Carsley, Louis‑A. Lapointe, Honoré
Parent et Gérard Picard. Cette commission fait suite au désir du premier
ministre de l’époque, M. Antonio Barrette, de modifier le mode électif de
la ville. Voir Antonio Barrette, Mémoires, aux pages 205‑206.
15. Le Montréal-Matin du 22 septembre 1960, à la page 3, rapporte qu’il y a, dans
l’assistance aux débats, plusieurs figures connues de l’administration
municipale montréalaise.
16. Le
conseil municipal de la ville de Montréal est formé de 99 conseillers dont
un tiers sont élus par les propriétaires (classe A), un autre tiers sont
élus par l’ensemble des électeurs (classe B), et un dernier tiers sont
nommés par différentes associations publiques (classe C). Chaque classe de
conseillers fait élire deux de ses membres pour le conseil exécutif de la ville
dont le septième membre est le maire. Voir Paul-André Linteau, Histoire de
Montréal depuis la Confédération, 2e édition, Montréal, Boréal, 2000,
aux pages 532 et 544.
17. Le Nouvelliste du
22 septembre 1960, à la page 14, emploie de fortes images pour
illustrer cette phrase: "Il s’empare du mémoire de la commission Champagne
et fait la dissection de certaines de ses recommandations".
18. La commission Champagne reçoit le
mémoire de la compagnie Woods-Gordon au mois d’août 1960; il ne figure donc pas
dans la première tranche de son rapport. Voir Second rapport de la
Commission d’étude du système administratif de Montréal, 1961, aux
pages 2‑5.
19. Voir "Montreal’s Malaise", Time,
Canada Edition, vol. LXXVI, no 12, 19 septembre 1960, à la
page 21.
20. Voir Le
mémoire respectueux de la Chambre de commerce du district de Montréal
concernant un nouveau mode d’orientation et de contrôle démocratique de
l’administration de la cité de Montréal, mai 1960, dans Commission
d’étude du système administratif de Montréal. Mémoires (1‑12),
vol. 1.
21. Il
s’agit très certainement du mémoire du Conseil central des syndicats nationaux
de Montréal. Voir le mémoire 16 de Commission d’étude du système administratif de Montréal.
Mémoires (13‑18), vol. 2.
22. Le
député fait référence à Télesphore-Damien Bouchard (1881-1962), journaliste et
homme politique, qui a été, entre autres, ministre des Affaires municipales en
1935 et 1936 dans les cabinets d’Alexandre Taschereau et d’Adélard Godbout.