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Version finale

25e législature, 4e session
(18 novembre 1959 au 18 mars 1960)

Le jeudi 10 mars 1960

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Séance du jeudi 10 mars 1960

Présidence de l’honorable M. Tellier

La séance est ouverte à 10 h 30.

Prière.

M. l’Orateur: À l’ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Projets de loi:

Organismes provinciaux

L’honorable M. Barrette (Joliette) propose qu’il lui soit permis de présenter le bill 81 concernant certains organismes provinciaux et certains fonctionnaires.

Adopté. Le bill est lu une première fois.

Loi du notariat

L’honorable M. Rivard (Montmagny) propose qu’il lui soit permis de présenter le bill 72 modifiant la loi du notariat.

Adopté. Le bill est lu une première fois.

Divisions d’enregistrement, Gatineau et Hull

L’honorable M. Rivard (Montmagny) propose, du consentement unanime, qu’il lui soit permis de présenter le bill 297 concernant les divisions d’enregistrement de Gatineau et de Hull.

Adopté. Le bill est lu une première fois.

Il est ordonné que la deuxième lecture ait lieu à la présente séance.

Charte d’Outremont

M. Tremblay (Maisonneuve) propose, selon l’ordre du jour, que la Chambre se forme en comité plénier pour examiner les amendements du Conseil législatif au bill 190 modifiant la charte de la cité d’Outremont.

Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.

 

En comité:

Le comité étudie l’amendement 1, qui se lit comme suit:

1. L'article 1 est modifié:

a)   en remplaçant les trois dernières lignes qui se lisent comme suit: "valeur locative de telle habitation pour fins du prix ou taux de l'eau perçu par la cité de Montréal" par ce qui suit:

"valeur locative de telle maison d'habitation ou partie de maison d'habitation pour fins du prix ou taux de l'eau perçu par la cité de Montréal";

b)   le paragraphe suivant est ajouté à la suite du paragraphe d:

"Les personnes mentionnées aux sous-paragraphes bc et d du paragraphe 1 du présent article ne votent que pour un candidat dans le quartier sur la liste duquel elles sont inscrites comme électrices, suivant une rotation commençant par le quartier sud en 1960 et se continuant par le quartier nord en 1961 et le quartier ouest en 1962, pour ensuite suivre le même cours d'année en année."

M. Lapalme (Montréal-Outremont) explique que les remarques qu’il va faire sur le bill d’Outremont n’ont aucun caractère partisan. J’ai des amis et des adversaires au conseil municipal d’Outremont, dit-il, mais pas d’ennemis. En fait, je les ai tous accueillis ici à Québec, et nous avons causé, sans partisannerie aucune, des problèmes d’Outremont. De plus, il n’y a pas eu de politique de parti.

Il rend hommage au président du comité des bills privés. Sous sa conduite cette année, dit-il, les discussions ont été parfaitement objectives. Nous nous sommes entendus à l’unanimité pour accorder aux locataires d’Outremont un droit de vote complet et intégral. Pourquoi avoir modifié cela au Conseil législatif?

Les administrateurs d’Outremont n’étaient pas présents lors de ce dernier amendement et, apparemment, ils n’ont pas été consultés. L’amendement proposé par le Conseil législatif détermine le droit de vote des locataires. Il a pour effet de réduire les locataires au statut d’électeur à un tiers. Ils n’auront le droit d’élire qu’un seul des trois échevins dans chaque quartier de la ville. Cette disposition empêchera la ville d’Outremont, qui y songeait, à accorder à ses locataires un droit de vote complet en leur imposant une taxe locative. Même si cette taxe est mise en force, le droit de vote des locataires continuera d’être limité par la loi.

Je propose donc que l’on revienne à la rédaction que nous avions adoptée à l’unanimité au comité des bills privés de l’Assemblée législative, ou bien alors que nous biffions complètement l’article pour accorder à Outremont le loisir de reconnaître complètement le droit de suffrage de ses locataires.

À Québec, par exemple, les locataires ne paient pas de taxe d’eau et ont un droit de vote entier à l’échevinage. Il (M. Lapalme) fait des comparaisons avec Westmount. Les deux villes se ressemblent par plus d’un aspect. Elles sont toutes deux construites sur le flanc du Mont-Royal. Elles sont voisines. Dans les deux, le nombre des propriétaires dépasse celui des locataires. Il s’agit dans les deux cas de centres résidentiels avec des quartiers d’affaires assez limités quant à leur étendue.

Westmount a accordé le droit de vote à ses locataires. Un droit de vote qui n’est limité par aucune restriction. Pourquoi alors ceux d’Outremont ne jouiraient-ils pas du même droit? Limiter le droit des locataires d’Outremont serait en somme les ostraciser par comparaison avec ceux de Westmount.

L’honorable M. Dozois (Montréal-Saint-Jacques): Le principe du droit de vote limité pour les locataires est reconnu dans un grand nombre de cités et villes de la province de Québec. À mon avis, c’est explicable et ça l’est à Outremont plus que n’importe où ailleurs. La situation particulière d’Outremont rend le vote intégral pour les locataires injuste dans une certaine mesure. À Outremont, les trois quarts1 du territoire appartiennent à environ 25 % des électeurs. Si l’on donne à tous les locataires le droit de vote sans restriction, les propriétaires seront gouvernés par les non-propriétaires. À Westmount, 75 % des électeurs sont propriétaires de leur propre terrain.

M. Rochon (Montréal-Saint-Louis) met cette affirmation en doute.

L’honorable M. Dozois (Montréal-Saint-Jacques) propose de présenter une modificationà la loi qui permettra à tous les électeurs d’avoir voix au chapitre dans le choix du maire.

L’amendement numéro 1 est modifié en ajoutant le paragraphe suivant:

"Nonobstant toute disposition législative inconciliable, le maire continue d'être élu par les électeurs de toute la municipalité."

L'amendement 1 est adopté.

Les amendements 2 à 4 sont adoptés.

 

Rapport du comité plénier:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité a étudié les amendements du Conseil législatif.

M. Tremblay (Maisonneuve) propose: Qu'un message soit envoyé au Conseil législatif pour l'informer que l'Assemblée législative agrée les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 190 modifiant la charte de la cité d’Outremont, mais en les amendant comme suit: en ajoutant, après l'amendement numéro 1, le paragraphe suivant:

"Nonobstant toute disposition législative inconciliable, le maire continue d'être élu par les électeurs de toute la municipalité."

Que le greffier porte ce message au Conseil législatif.

Adopté, après division.

Loi des arpenteurs

L’honorable M. Miquelon (Abitibi-Est) propose que le bill 83 modifiant la loi des arpenteurs et des arpentages soit maintenant lu une deuxième fois.

Il s'agit surtout de clauses concernant des questions de régie interne. Le bureau de direction des arpenteurs-géomètres de la province de Québec pourra désormais fixer lui-même la date de l'Assemblée générale annuelle des arpenteurs. Cette assemblée devra avoir lieu soit en mai ou juin de chaque année.

L'autre modification à la loi a trait aux amendes qui peuvent être imposées à ceux qui exercent illégalement la profession d'arpenteur. L'amende sera maintenant de $100 à $200 pour une première infraction et de $200 à $500 pour toute infraction subséquente. Le défaut de paiement de l'amende imposée entraînera un emprisonnement n'excédant pas trois mois pour une première infraction et un emprisonnement n'excédant pas six mois pour toute infraction subséquente.

Adopté. Le bill est lu une deuxième fois et renvoyé à un comité plénier de la Chambre.

L’honorable M. Miquelon (Abitibi-Est) propose, du consentement unanime, que la Chambre se forme immédiatement en comité.

Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.

Le comité étudie le bill article par article et le président fait rapport que le comité a adopté le bill 83 sans l’amender.

L’honorable M. Miquelon (Abitibi-Est) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.

Loi des dentistes

L’honorable M. Leclerc (Charlevoix) propose que le bill 73 modifiant la loi des dentistes de Québec soit maintenant lu une deuxième fois.

Le principal changement vise le droit de pratique d'étrangers qui ont terminé leur cours, même s'ils n'ont pas encore obtenu leur citoyenneté canadienne. Pour obtenir la citoyenneté canadienne, il faut avoir vécu pendant au moins cinq ans au pays. Le cours en art dentaire est de quatre ans. L'immigrant qui a terminé ce cours peut obtenir un permis du Collège des chirurgiens dentistes lui permettant de pratiquer avant d'obtenir sa citoyenneté canadienne.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): L'adoption de ce bill aura pour effet de réduire considérablement le nombre des bills spéciaux au comité des bills privés.

Adopté. Le bill est lu une deuxième fois et renvoyé à un comité plénier de la Chambre.

L’honorable M. Leclerc (Charlevoix) propose, du consentement unanime, que la Chambre se forme immédiatement en comité.

Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.

Le comité étudie le bill article par article et le président fait rapport que le comité a adopté le bill 73 sans l’amender.

L’honorable M. Leclerc (Charlevoix) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.

Loi des compagnies

L’honorable M. Rivard (Montmagny) propose que le bill 299 modifiant la loi des compagnies de Québec soit maintenant lu une deuxième fois.

Plusieurs sociétés commerciales ou industrielles, incorporées sous une double raison sociale dont l’une n’était que la traduction de l’autre, se croyaient obligées d’utiliser les deux à la fois sur les contrats, les chèques ou autres documents semblables. Ce bilinguisme simultané manquait pour le moins d’élégance. Le bill 299 précise que l’usage de l’un ou l’autre nom suffira en toute circonstance.

Adopté. Le bill est lu une deuxième fois et renvoyé à un comité plénier de la Chambre.

L’honorable M. Rivard (Montmagny) propose, du consentement unanime, que la Chambre se forme immédiatement en comité.

Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.

Le comité étudie le bill article par article et le président fait rapport que le comité a adopté le bill 299 sans l’amender.

L’honorable M. Rivard (Montmagny) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.

Divisions d’enregistrement, Gatineau et Hull

L’honorable M. Rivard (Montmagny) propose, selon l’ordre adopté précédemment, que le bill 297 concernant les divisions d’enregistrement de Gatineau et de Hull soit maintenant lu une deuxième fois.

La mesure était réclamée par la population des circonscriptions de Gatineau et de Hull. Cela mettra fin à une situation paradoxale: certains citoyens de Hull n’auront plus à se rendre au bureau d’enregistrement de Gatineau.

M. Parent (Hull) dit qu’il préconisait le changement depuis longtemps et il en remercie le gouvernement. Il soulève la question des frontières apparentes mal définies entre les deux comtés électoraux. Certains, dit-il, ont prétendu qu'aux élections de 1956, des gens avaient illégalement voté dans le comté de Hull alors qu'ils auraient dû voter dans Gatineau.

L’honorable M. Rivard (Montmagny): Le bill 297 ne concerne que les divisions d'enregistrement. C'est la loi de la division territoriale qui fixe les limites des comtés électoraux. Mais comme cette loi stipule que le comté de Hull comprend le territoire de la cité de Hull, il ne devrait pas y avoir de difficultés.

M. Parent (Hull) est satisfait de ces explications.

Adopté. Le bill est lu une deuxième fois et renvoyé à un comité plénier de la Chambre.

L’honorable M. Rivard (Montmagny) propose que la Chambre se forme immédiatement en comité.

Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.

Le comité étudie le bill article par article et le président fait rapport que le comité a adopté le bill 297 sans l’amender.

L’honorable M. Rivard (Montmagny) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.

Collège des opticiens

L'ordre du jour appelle la deuxième lecture du bill 84 concernant le Collège des optométristes et opticiens de la province de Québec.

L’honorable M. Leclerc (Charlevoix) propose que l'ordre qui vient d'être lu soit révoqué. Il subsiste des divergences d'opinion parmi les membres de ces professions, dit-il. Tant qu'on ne présentera pas un front commun, le Parlement ne pourra pas légiférer à leur sujet et le bill ne pourra être présenté en Chambre.

Adopté. Ledit bill est alors retiré2.

À midi trente minutes, la Chambre suspend ses travaux.

 

Reprise de la séance à 3 heures

Subsides:

Budget des dépenses 1960-1961

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose, selon l’ordre du jour, que M. l’Orateur quitte maintenant le fauteuil.

M. Hamel (Saint-Maurice) propose, appuyé par le représentant de Rivière-du-Loup (M. Couturier), que la motion en discussion soit amendée en remplaçant tous les mots après le mot "que" par les suivants:

"Cette Chambre, tout en étant prête à voter à Sa Majesté les crédits demandés, exprime l'avis que le gouvernement devrait étudier l'opportunité de redistribuer aux corporations municipales, en tout ou en partie, les paiements de péréquation que la province reçoit du gouvernement fédéral suivant un barème fixe qui tiendrait compte du chiffre de la population ainsi que la proportion des taxes municipales payées par les contribuables et les compagnies dans chaque municipalité."

Mon devoir m'impose d'attirer l'attention de la Chambre sur un problème que je considère comme extrêmement important. Depuis un certain nombre d'années, la province s'est fortement industrialisée, nous avons toujours reconnu ce fait. Nos divergences de vues avec le gouvernement portaient sur le degré de l'industrialisation qui n'a pas été aussi rapide au Québec que dans la plupart des autres parties du Canada.

Le résultat a été que certaines municipalités se sont développées considérablement aux abords des centres industriels; leur population s'est accrue énormément; ce sont des villes-dortoirs. Il (M. Hamel) cite l'exemple de Shawinigan-Sud, certainement une des plus belles villes de mon comté, dit-il, où j'ai été élevé, où j'ai commencé mes études. La population était alors de 1,500 âmes. Aujourd'hui, elle dépasse 12,000 âmes. Shawinigan-Sud est le dortoir de Shawinigan.

Dans le cas de telles agglomérations, il faut donner une expansion incroyable aux services municipaux, mais malheureusement, les revenus de l'administration locale ne s'accroissent pas suffisamment pour faire face à ces nouvelles obligations.

Dans ces localités, les déficits budgétaires suivent les déficits: $31,652 à Sainte-Foy; $16,615 à Brompton; $44,953 à Roberval... Un déficit de $100,000 en perspective à Hull. Les mémoires présentés par des organismes tels que l'Union des maires et des municipalités ou l'Association des secrétaires-trésoriers ne cessent de mettre en lumière ce problème crucial.

Les difficultés financières rencontrées par les administrations municipales viennent de ce que ces dernières sont régies par le Code municipal et une loi des cités et villes datant de plus d'un siècle. Or, à cette époque, les municipalités avaient globalement des revenus plus élevés que ceux des gouvernements. On plaça alors un fardeau très lourd sur les épaules des administrations locales dans une quantité de domaines: chemins, égouts, aqueducs, protection des biens et des citoyens contre le feu et contre les voleurs, une grande partie de l'assistance-publique, éclairage des rues, etc.

Les budgets municipaux étaient, à ce moment-là, deux, trois, quatre fois plus élevés que les revenus de la province. Mais, depuis ce temps, les proportions ont changé. Le gouvernement fédéral s'est adjugé la part du lion, les provinces ont aussi augmenté considérablement leurs revenus et les municipalités ne perçoivent plus qu’une petite part des impôts.

Par exemple, les revenus de 1926 ont été de: Ottawa, $370,000,000; les provinces, $148,000,000; les municipalités et les commissions d'écoles, $228,000,000.

Les revenus de 1936 étaient passés à: Ottawa, $399,000,000; les provinces, $251,000,000; les municipalités et les commissions scolaires, $330,000,000.

Les revenus de 1939 avaient atteint: Ottawa, $455,000,000; les provinces, $292,000,000; les municipalités et les commissions des écoles, $331,000,000.

Les revenus de 1946 se chiffraient par: Ottawa, $2,595,000,000; les provinces, $515,000,000; les municipalités et les administrations scolaires, $386,000,000.

Les revenus de 1952 s'élevaient à: Ottawa, $4,500,000,000; les provinces, $1,119,000,000; les municipalités et les commissions d'école, $698,000,000.

Bref, l’écart ne fait que grandir d’année en année. De 1926 à 1952, les revenus d'Ottawa ont été multipliés par 12; les revenus des provinces par 7.5; les revenus des municipalités et des écoles par 2.5 seulement.

Le gouvernement peut prétendre qu’il a enlevé aux municipalités une bonne partie de leur responsabilité financière, mais en fait les administrations municipales trouvent que les dépenses, dans certains domaines, n’ont pas diminué. Il dira: "Nous allons alléger le fardeau des municipalités au point de vue de l'assistance publique..." Mais le coût de l'assistance publique a tellement augmenté que le compte des municipalités dans ce domaine n'a pas dû diminuer.

La situation est d'autant plus tragique que les administrations municipales sont très endettées. La dette par habitant est de $28 à Terre-Neuve; $59 à l’Île-du-Prince-Édouard; $91 en Nouvelle-Écosse; $98 en Saskatchewan; $112 au Manitoba; $125 au Nouveau-Brunswick; $179 en Ontario; $190 au Québec; $204 en Colombie-Britannique; $239 en Alberta. On voit que la dette par habitant est au Québec de $21 plus élevée que dans l'ensemble du Canada.

C’est que le système de taxation en usage dans les municipalités est devenu désuet. La principale source de revenus des municipalités, c'est l'impôt foncier, qu’elles exploitent déjà à son extrême limite. La position financière des municipalités est très difficile et pourtant elles taxent au maximum. Elles ne peuvent exiger plus. L'impôt sur le revenu a été mis en vigueur, en premier lieu, par les municipalités, et c'est la ville de Montréal qu'il l'a imposé la première dans le Québec. Il (M. Hamel) attire l'attention de la Chambre sur le sort fait au petit propriétaire dans la partie rurale de la province de Québec. C'est dans les campagnes, en effet, qu'il y a le plus grand nombre de propriétaires, dit-il, et ces derniers sont taxés de façon particulièrement lourde.

C'est un impôt rigide, qui ne suit pas la courbe de l'expansion économique et des obligations municipales. Les administrations locales s'endettent si rapidement qu'elles doivent aujourd'hui consacrer 60 % de leur budget aux frais de la dette consolidée des municipalités, intérêts et amortissements, et il ne reste que 40 % pour l'administration et les améliorations.

Il y a moyen de solutionner ce problème angoissant. Il (M. Hamel) propose deux solutions: 1°. Il faudrait modifier les lois de la province de Québec pour diminuer les obligations des municipalités. Mais ce ne serait pas la solution la plus sage, dit-il, car les corporations municipales peuvent exécuter à meilleur compte que le gouvernement provincial les travaux publics; ou, 2°. Il faut rétablir l'équilibre et ramener les municipalités à la situation financière qu'elles avaient autrefois.

Pour rétablir l'équilibre financier des municipalités, il n'y a qu'un seul moyen, c'est que le gouvernement provincial établisse envers les municipalités un système de péréquation comme le fédéral en a établi un envers les provinces. Il suggère au gouvernement provincial de répartir entre les municipalités la somme qu'il reçoit du fédéral comme paiement de péréquation. Cette année, dit-il, c'est $63,000,000 que Québec a reçu et ce serait suffisant pour guérir bien des maux municipaux.

Cette solution, dit-il, a le double mérite de conserver aux municipalités leur autonomie et de leur donner des revenus additionnels dont elles ont absolument besoin. Et on éviterait que des candidats aux élections municipales aient recours aux moyens employés, par exemple, dans Napierville par un candidat se réclamant du gouvernement de la province et qui promettrait que, s'il était élu, tous les travaux municipaux seraient faits par le gouvernement, au moyen d'octrois3.

On ne devrait pas établir la péréquation en tenant seulement compte de la population. Il faudrait payer ces subsides en proportion des taxes payées par les citoyens et par les corporations, avec un barème dans le genre de celui qui a été adopté pour les commissions scolaires. Un tel subside réglerait les déficits des corporations municipales et permettrait aux municipalités de continuer à progresser. De cette façon, on pourrait équilibrer les revenus des administrations municipales, aider les villes qui n’ont pas ou presque pas d’industries et qui doivent taxer à la limite le petit contribuable, comme Shawinigan-Sud ou d’autres villes-dortoir du genre.

Si le gouvernement provincial n'établit pas cette péréquation dans la province de Québec, le gouvernement d'Ottawa l'établira éventuellement, car depuis 20 ans ou 25 ans, l'intrusion du gouvernement d'Ottawa dans les domaines relevant de l'autorité des provinces a été favorisée par l'abstention des provinces.

La tentation sera d’autant plus forte pour le fédéral que les maires des grandes municipalités du Québec sont déjà allés rencontrer le premier ministre du Canada à Ottawa pour demander de l'aide. Depuis 20 ans, le gouvernement fédéral cherche tous les prétextes pour entrer dans le domaine des taxes directes ou pour y demeurer. Si le gouvernement provincial ne comble pas les besoins des municipalités, celles-ci se tourneront nécessairement vers Ottawa. Toute hésitation de la part de Québec est une invitation à l’intrusion du fédéral.

L’honorable M. Barrette (Joliette): Le député de Saint-Maurice vient de dire que le développement industriel de Québec a été moins rapide que celui enregistré dans les autres provinces. Il serait facile de démontrer le contraire. Je le ferai dans d'autres occasions.

M. Hamel (Saint-Maurice): Ce que j'ai dit, c'est que le développement industriel n'avait pas suivi l'élan manifesté dans la majorité des autres provinces.

L’honorable M. Barrette (Joliette): Je ne vois pas de différence. De toute façon, ce développement industriel a amené le développement rapide dans plusieurs municipalités. Il existe un problème à Shawinigan-Sud, j'en suis au courant. Il y a des problèmes analogues dans d'autres municipalités.

Les municipalités ont peut-être eu tendance, dans le passé, à rejeter leur fardeau sur les épaules du gouvernement, au lieu de s'acquitter elles-mêmes de leurs tâches en utilisant leurs pouvoirs de taxation. La conséquence, c'est que les gouvernements supérieurs ont fini par assumer des fonctions qui, souvent, auraient pu être mieux remplies par les municipalités. Et la centralisation des tâches a entraîné avec elle la centralisation des sources de revenus.

Ce qu'il convient de souligner, c'est que nous avons pris les mesures nécessaires dans les circonstances pour venir en aide aux municipalités. On déplore souvent que les gouvernements fédéral et provincial ont trop de revenus par rapport à ceux des municipalités. Il faut se rappeler que les exigences de la population sont plus considérables envers ces gouvernements qu'à l'égard des municipalités. Il souligne les délégations nombreuses qui viennent demander au gouvernement un appui financier de plus en plus considérable. Certes, dit-il, les gouvernements municipaux pourraient jouer une partie du rôle du gouvernement provincial dans certains domaines s'ils avaient les revenus nécessaires.

Les gouvernements municipaux n'ont peut-être pas les revenus qu'ils devraient avoir. Mais il est un fait certain, c'est que les municipalités reçoivent dans une proportion de plus en plus grande des subventions de l'État provincial et elles s’accroîtront encore beaucoup. À l’heure actuelle, le gouvernement provincial fait son gros possible pour leur venir en aide. Je crois qu'il est juste de dire que le gouvernement provincial donne aux municipalités la part du lion des revenus qu'il perçoit chaque année.

Le député de Saint-Maurice a dit que si le gouvernement provincial n’établit pas cette péréquation dans la province, le gouvernement fédéral l’établira éventuellement. Je tiens à souligner que l'intrusion du fédéral dans plusieurs domaines peut s'expliquer par le fait que les gouvernements provinciaux de jadis ont permis ces intrusions. Mais tous ces gouvernements ont disparu.

Il (l’honorable M. Barrette) donne toute une série de chiffres pour démontrer dans quelle proportionla province vient en aide aux corporations municipales et scolaires. Sur un revenu total de $546,859,000, dit-il, le gouvernement accorde aux corporations municipales et aux commissions scolaires la somme de $355,000,000, soit 65 % de son budget total.

Si j'avais demandé au député de Saint-Maurice, avant de fournir ces chiffres, si une proportion de 50 % du budget de la province consacré aux corporations municipales et scolaires était suffisante, il aurait certes répondu dans l'affirmative. Or, nous donnons plus que cela. Par exemple, en subventions directes, les corporations scolaires reçoivent $63,433,000. Cette statistique réfère aux subventions de l'année fiscale 1958-1959. Les municipalités bénéficient aussi de nombreux octrois de la province.

L'assistance publique coûte quelque $24,000,000 par année à la province; l'entretien des chemins de campagne l'hiver coûte environ $8,500,000 par année au gouvernement, et cela, sans parler des versements pour les allocations sociales, les dépenses relatives aux pensions de vieillesse, à la protection de la jeunesse, aux travaux d’aqueducs et d’égouts, etc. Dans les divers domaines de la voirie, des travaux publics et du bien-être social, le gouvernement assume aujourd'hui une foule de fonctions qui autrefois relevaient des municipalités.

Le gouvernement est bien d'avis qu'il faut se rendre aux demandes des municipalités dans la mesure du possible. Nous allons continuer de les aider, mais il serait injuste de nous blâmer quand nous consacrons déjà les deux tiers du budget de la province à des mesures efficaces destinées à aider les municipalités et les commissions scolaires. C’est déjà considérable. C'est pour cette raison que j'estime que l'amendement du député de Saint-Maurice n'est pas acceptable.

M. Hamel (Saint-Maurice): Le fédéral peut tenir à l'endroit de la province des propos analogues à ceux du premier ministre de la province. Cela équivaut à dire: tout ce que nous dépensons sert à vous protéger, à vous aider. Le fédéral peut prétendre aussi qu'il fait beaucoup pour la province, dans le domaine de la défense, dans celui du commerce, et même dans le domaine des mesures sociales. Mais est-ce que cela libère le fédéral de sa responsabilité de laisser aux provinces de revenus suffisants à leurs besoins?

Je tiens aussi à faire observer au premier ministre qu'il n'a pas été question dans mon discours des commissions scolaires. Pour aider les commissions scolaires, le gouvernement a présenté cette année des lois que l'opposition a appuyées et dont on pourra mieux apprécier les résultats plus tard. Il faudra observer si ces mesures sont suffisantes. J'ai traité du problème financier des municipalités. S'il a été possible d'établir des barèmes de subventions pour les commissions scolaires, il doit être possible d'en établir aussi pour les municipalités.

Quant à l'assistance publique, il y a bien des années que le fardeau de cette mesure est partagé par différents gouvernements.

Je crois sincèrement que si on veut éviter l'intrusion du fédéral dans ce domaine, il est temps que la province vienne en aide aux municipalités par l'établissement d'un système de paiements de péréquation administré par la province.

L’amendement est mis aux voix et la Chambre se divise4.

Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Brown, Courcy, Couturier (Rivière-du-Loup), Dionne, Earl, Hamel, Hyde, Lafrance, Lalonde, Lapalme, Levesque, Parent, Saint-Pierre, Turpin, 14.

Contre: MM. Barré, Barrette, Bernard, Bernatchez, Bertrand, Boudreau, Bourque, Charbonneau, Chartrand, Couturier (Gaspé-Nord), Custeau, Desjardins, Dozois, Ducharme, Élie, Fortin, Gaboury, Gagné (Montréal-Laurier), Gagné (Richelieu), Gagnon, Gérin, Gosselin, Guillemette, Hanley, Hébert, Johnson, Johnston, Labbé, Ladouceur, Lafontaine, Langlais, Larouche, Leclerc, Levasseur, Maltais, Miquelon, Ouellet (Jonquière-Kénogami), Ouellet (Saguenay), Poulin, Pouliot (Laval), Prévost, Raymond, Riendeau, Rivard, Rochette, Rochon, Ross, Russell, Samson, Talbot, Thibeault, Thuot, Tremblay, Turcotte, Vachon, 55.

Ainsi l'amendement est, en conséquence, rejeté.

La motion principale est mise aux voix et la Chambre l’adopte et se forme de nouveau en comité des subsides.

Le comité siège ainsi durant quelque temps et le président fait rapport que le comité n’a pas fini de délibérer et qu’il demande la permission de siéger de nouveau.

Il est ordonné que le comité siège de nouveau au cours de la présente séance.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l’Orateur communique à la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:

Le Conseil législatif informe l’Assemblée législative qu’il a voté, sans amendement, les bills suivants:

- bill       13    relatif à la loi assurant à la province les revenus nécessités par ses développements;

- bill       33    concernant la taxe municipale de vente et la taxe scolaire d’éducation;

- bill       57    modifiant la loi du département des Pêcheries;

- bill       60    concernant les universités, le fonds d’éducation et l’impôt sur les corporations;

- bill       69    modifiant la loi facilitant l’accès aux études supérieures;

- bill       88    modifiant la loi pour faciliter l’établissement et l’administration d’une salle de concert à Montréal.

 

Messages du lieutenant-gouverneur:

Sanction royale

M. Pierre Gelly, huissier à la verge noire, transmet le message suivant:

M. l’Orateur: Messieurs, l’honorable Monsieur le lieutenant-gouverneur de la province de Québec désire la présence immédiate de cette Chambre dans la salle des séances du Conseil législatif.

En conséquence, M. l’Orateur et les députés se rendent à la salle du Conseil législatif.

L’honorable Monsieur le lieutenant-gouverneur veut bien donner, au nom de Sa Majesté, la sanction royale aux bills suivants:

    3   Loi concernant les investissements immobiliers des universités;

    9   Loi modifiant la loi de l’hygiène publique de Québec;

  13   Loi relative à la loi assurant à la province les revenus nécessités par ses développements;

  15   Loi modifiant la loi des pensions;

  30   Loi modifiant la loi de l’acquisition de certaines terres pour fins de colonisation;

  31   Loi modifiant la loi du département de la Colonisation;

  33   Loi concernant la taxe municipale de vente et la taxe scolaire d’éducation;

  39   Loi modifiant la loi de l’instruction publique;

  42   Loi modifiant la loi pour assurer le progrès de l’éducation;

  44   Loi pour augmenter et généraliser les subventions aux corporations scolaires afin d’aider au paiement des traitements du personnel enseignant;

  46   Loi modifiant la loi du Barreau;

  50   Loi pour augmenter et généraliser les subventions aux institutions d’enseignement classique et à certaines autres écoles;

  51   Loi modifiant la loi de la Législature;

  53   Loi modifiant la loi électorale de Québec;

  56   Loi concernant certains titres de propriété de la Cie du Marché central métropolitain ltée;

  57   Loi modifiant la loi du département des Pêcheries;

  58   Loi concernant une aide financière aux universités de la province;

  60   Loi concernant les universités, le fonds d’éducation et l’impôt sur les corporations;

  64   Loi concernant le système administratif de la cité de Montréal;

  65   Loi constituant en corporation la Fondation cardinal Léger;

   66    Loi   concernant l’assurance-hospitalisation;

  68   Loi modifiant la loi des assurances de Québec;

  69   Loi modifiant la loi facilitant l’accès aux études supérieures;

  71   Loi concernant la cité de Montréal, la cité d’Outremont et la Compagnie du cimetière du Mont-Royal;

  80   Loi modifiant la loi de la convention collective;

  88   Loi modifiant la loi pour faciliter l’établissement et l’administration d’une salle de concert à Montréal;

126   Loi annexant certains territoires à la cité de Sainte-Thérèse;

152   Loi octroyant certains pouvoirs à la corporation du village de Shawinigan-Sud;

161   Loi modifiant la charte de la ville de Bromptonville;

162   Loi modifiant la charte de la cité de Sherbrooke;

165   Loi prolongeant de deux années la loi 6-7 Elizabeth II, chapitre 146, concernant une taxe de vente dans le comté de Lac-Saint-Jean-Est;

166   Loi concernant la ville de Boucherville;

170   Loi modifiant la loi concernant la Corporation de Montréal métropolitain;

173   Loi modifiant la charte de la ville de Rosemère;

174   Loi revisant et refondant la charte de la cité de Montréal;

175   Loi changeant le nom de famille de Russell Lukasiewicz en celui de Lukas;

176   Loi modifiant la charte de la ville d’Anjou;

184   Loi modifiant la charte de la cité de Lachine;

188   Loi modifiant la charte de la cité de Hull et concernant la commission des écoles catholiques de Hull et les syndics des écoles dissidentes de la cité de Hull;

189   Loi modifiant la charte de L’Industrielle compagnie d’assurance sur la vie;

193   Loi concernant la succession de feu Maurice Michaud;

202   Loi pour valider le titre de Westminster Paper Company Limited sur certaines propriétés;

207   Loi concernant la ville de Saint-Bruno-de-Montarville;

209   Loi concernant le décès et la succession du docteur Alyre Aubin;

210   Loi modifiant la charte de la cité de Longueuil;

216   Loi érigeant en corporation de ville la municipalité de Sainte-Monique des Saules;

224   Loi modifiant la charte de la cité de Saint-Laurent;

226   Loi attribuant certains pouvoirs aux commissaires de la municipalité scolaire de la paroisse de Sainte-Foy;

227   Loi modifiant la charte de la ville de Lac-Mégantic;

235   Loi modifiant la charte de la cité de Québec;

236   Loi modifiant la charte de la cité de Saint-Jérôme;

239   Loi modifiant la charte de la cité de Thetford Mines;

242   Loi modifiant la charte de la ville de Repentigny;

244     Loi   concernant la paroisse Saint-Charles-de-Lachenaie;

245   Loi modifiant la charte de la cité des Sept-Îles;

249   Loi concernant la ville de Belleterre.

Le Greffier du Conseil législatif: Au nom de Sa Majesté, l’honorable Monsieur le lieutenant-gouverneur sanctionne ces bills.

Les députés reviennent à leur salle de séances.

À 6 heures, la Chambre suspend ses travaux.

 

Reprise de la séance à 8 heures5

La Chambre se forme de nouveau en comité des subsides6.

 

En comité:

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose: 1. Qu'un crédit n'excédant pas quatre millions neuf cent mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Service civil (Agriculture)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1961.

Adopté.

2. Qu'un crédit n'excédant pas un million trois cent quarante mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Frais de voyage (Agriculture)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1961.

Adopté.

3. Qu'un crédit n'excédant pas cent vingt mille soit ouvert à Sa Majesté pour "Frais de bureau (Agriculture)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1961.

Adopté.

4. Qu'un crédit n'excédant pas cent quatre-vingt-sept mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Garage du département (Agriculture)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1961.

Adopté.

5. Qu'un crédit n'excédant pas onze mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Exécution de travaux de drainage et l'amélioration de fermes et subventions pour encourager le drainage (Agriculture)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1961.

M. Courcy (Abitibi-Ouest) offre d’aller essoucher à plein temps, à la main et avec l’aide d’un cheval, si on le paie le prix que le gouvernement paie les entrepreneurs pour un tel travail à l’heure actuelle. Je sais qu’il existe des cas, dit-il, où des entrepreneurs ont reçu $10 pièce pour l’arrachage de souches d’un diamètre de quatre pouces. Les travaux de drainage des terres, incluant le déboisement et l’essouchement, coûtent au moins 40 % trop cher à la province.

La raison pour laquelle les prix sont si élevés est que le ministère de l’Agriculture a refusé de procéder à des appels d’offres pour les travaux effectués à contrat. Le ministère de l'Agriculture pourrait réaliser une économie de 40 % à 50 % des sommes affectées aux travaux d’amélioration des cours d’eau en vue d’un meilleur drainage des terres, s'il demandait des soumissions publiques avant d'accorder les contrats et fixait des prix beaucoup plus bas. Avec les quelque $4,000,000 ainsi économisés, on pourrait mettre en œuvre avantageusement un plan d'ensemble de drainage des terres dont l'absence est fortement déplorée à l'heure actuelle. Les prix actuels sont variables et fantaisistes. Ainsi, on donne $245 à un entrepreneur pour le déboisement d'un arpent et jusqu’à $350 à un autre. Dans presque tous les cas, le déboisement coûte environ $350 l’acre, l’essouchement coûte $375 et les travaux de nettoyage coûtent $275. La plupart des entrepreneurs qui ont obtenu ces contrats feraient le même travail pour $100 de moins l’acre, et c’est ce que ça nous coûterait si on procédait à des appels d’offres.

L’honorable M. Barré (Rouville): Les prix varient parce que la nature du travail n'est pas la même partout. Le gouvernement actuel a fait énormément pour le drainage. Il serait absurde d’élaborer un plan directeur pour le drainage, car il y a entre 3,000 et 4,000 réseaux hydrographiques distincts dans la province.

Depuis 1945 jusqu’au 1er avril 1959, le ministère de l’Agriculture a creusé 1,489 moyens cours d’eau et 1,831 petits cours d’eau7, ce qui a permis de récupérer 1,286,552 acres de terre au bénéfice de 55,000 cultivateurs8. Nous avons accompli cette tâche avec un budget plutôt modique. Nous ne faisons pas de politique en ce domaine. Nous accordons les contrats à des entrepreneurs compétents, capables d'accomplir leur besogne à la satisfaction des cultivateurs.

Il (l’honorable M. Barré) déclare qu’il ne fait aucunement confiance au système des appels d’offres, car on ne connaît pas nécessairement le niveau de compétence des entrepreneurs présentant les soumissions les plus basses. Nous avons des entrepreneurs locaux qui sont fiables et bien équipés, dit-il, et qui exécutent les travaux à des prix relativement bas. Nous avons eu de mauvais entrepreneurs. Ils sont pour la plupart des libéraux ou des agents des libéraux. Je me rappelle avoir rendu visite à un de ces types. Il avait reculé son tracteur dans la clôture d’un voisin. La vache de l’agriculteur s’est échappée dans le champ de céréales du voisin. Mais l’entrepreneur s’en moquait. Un autre a mis le feu aux huiles usées de son tracteur et a réduit en cendres le bosquet du voisin. Mais il a refusé de payer, étant donné que son contrat ne faisait pas mention des incendies.

Il (l’honorable M. Barré) conteste au député d’Abitibi-Ouest (M. Courcy) le droit de s’ériger en juge. Il dit: "C’est trop cher..." Je me défie des gens dont la compétence est soi-disant universelle, qui décident tout. Il dit qu’il préfère écouter les avis de ses ingénieurs et experts que ceux du député d’Abitibi-Ouest (M. Courcy). Il est toujours facile de se proclamer grand connaisseur, dit-il, mais plus difficile d’en fournir des preuves.

Nous avons un système qui a donné de bons résultats et nous allons le conserver. Des travaux de creusage ont été faits partout, et certains comtés représentés par des députés oppositionnistes ont reçu plus que d’autres qui ont élu des députés ministériels. C’est la preuve que nous ne faisons pas de politique.

M. Gosselin (Compton) remercie le ministre de l’Agriculture (M. Barré) d’avoir fait procéder aux travaux de drainage qui ont permis la récupération de terres le long de la rivière au Saumon dans les Cantons-de-l’Est; cela a aidé les agriculteurs.

M. Brown (Brome) s’élève contre les propos du député de Compton (M. Gosselin), déclarant qu’avant le drainage, les agriculteurs habitant le long de cette rivière possédaient 367 vaches et qu’ils n’en ont pas une de plus depuis que le drainage a été effectué. La plupart des agriculteurs disent que le drainage ne fait pas particulièrement leur affaire, car à l’époque où il y avait des inondations, les terres agricoles s’en trouvaient fertilisées et produisaient plus.

M. Courcy (Abitibi-Ouest) pose une question à propos d'une dépense prévue de $2,000,000 pour travaux d'amélioration de fermes avec tracteurs loués.

L’honorable M. Barré (Rouville): Le ministère paie une subvention de $5 l'heure à raison de 10 heures par ferme. Cette subvention est payée directement à l'entrepreneur qui a fait le travail, mais il faut que l'agronome et le cultivateur signent la réclamation, en plus de l'entrepreneur lui-même.

M. Courcy (Abitibi-Ouest): Pourquoi le gouvernement n'accepterait-il pas, comme le lui a demandé l'U.C.C.9, de payer la subvention à des cercles agricoles ou à des cultivateurs qui se grouperaient ensemble pour engager eux-mêmes l'entrepreneur?

L’honorable M. Barré (Rouville): Parce que le contrôle deviendrait beaucoup plus difficile. Cette politique d'amélioration des fermes est une des plus belles du gouvernement et aussi une des plus difficiles à surveiller. Si n'importe qui pouvait mettre la main dans le sac, imaginez-vous la difficulté de contrôler la dépense. L'important ce n'est pas de faire plaisir à tel ou tel propriétaire de tracteur, mais de rendre service aux cultivateurs. Nous n'engageons que les entrepreneurs qui font bien leur travail, à la satisfaction des cultivateurs. Le système actuel est le plus facile à contrôler. Il est en application depuis 16 ans et il n'y a jamais eu de critiques sérieuses.

M. Courcy (Abitibi-Ouest): Il y a eu des abus pourtant.

L’honorable M. Barré (Rouville): Il peut y en avoir eu dans mon dos. Mais le député peut être sûr que je réprimerai tous les abus qui seront portés à ma connaissance. Et les dangers d'abus seraient plus considérables si n'importe qui pouvait s'acheter un tracteur et se faire embaucher par un cercle agricole ou par les cultivateurs eux-mêmes.

M. Dionne (Rimouski) intervient10.

M. Turpin (Rouyn-Noranda) intervient.

La résolution est adoptée.

L’honorable M. Bourque (Sherbrooke) propose: 6. Qu'un crédit n'excédant pas deux millions trois cent quarante et un mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour "Écoles et subventions s'y rapportant (Agriculture)", pour l'exercice finissant le 31 mars 1961.

M. Courcy (Abitibi-Ouest): Il y a quatre ans, le ministre de l'Agriculture (l’honorable M. Barré) avait promis de déménager la ferme-école d’élevage d’animaux à fourrure plus loin, afin de débarrasser la ville de Courville des embarras et des odeurs provenant de la présence de cette ferme dans le centre de la ville. Les gens de Courville se plaignent des inconvénients que leur cause cette ferme. Malgré la promesse du ministre, la ferme est encore au même endroit en 1960 et les citoyens veulent que cette ferme disparaisse. Il (M. Courcy) demande au ministre de l’Agriculture si le problème sera réglé cette année, comme le désire particulièrement le maire C.-N. Dorion.

L’honorable M. Barré (Rouville): L'opinion n'est pas unanime à Courville à ce sujet. Il y a des partisans du déménagement et des adversaires. Le gouvernement a investi une forte somme dans cette ferme-école; la rebâtir ailleurs maintenant nécessiterait une dépense encore plus considérable. Sans compter que l'élevage des animaux à fourrure n'a plus la même vogue qu’autrefois. On pourrait décider éventuellement de l’abandonner.

Les cages des animaux ont été transportées à l'autre bout de la ferme, derrière un rideau boisé. Il y a deux ans, la ville de Courville a manifesté le désir d'obtenir de l'espace, à travers la ferme, pour passer des rues, afin de favoriser le développement de la ville. J'ai demandé à la ville de faire faire un plan par un arpenteur, de me faire rapport, et je me suis engagé à demander au cabinet provincial la permission de donner le terrain nécessaire. Je n'ai pas eu de nouvelles depuis ce temps-là.

M. Courcy (Abitibi-Ouest): Alors, dans l'opinion du ministre, il n'est pas possible de déménager cette ferme?

L’honorable M. Barré (Rouville): Ce ne serait pas pratique, d'autant plus que cette ferme ne constitue pas la nuisance que l'on dit. Le plus sage, pour le moment, serait de permettre à la ville de Courville de prendre le terrain nécessaire pour passer des rues à travers la ferme, pour aider au développement. Et, dans deux ou trois ans, il sera plus facile au gouvernement de voir ce qu'il y a à faire. Déménager la ferme ailleurs maintenant serait une décision prématurée.

M. Courcy (Abitibi-Ouest) aborde la question des bourses d'étude accordées à certains étudiants de l'École de laiterie de Saint-Hyacinthe. Il donne lecture d'une lettre portant que la recommandation du député serait nécessaire pour l'obtention de ces bourses.

L’honorable M. Barré (Rouville) nie catégoriquement.

L’honorable M. Barrette (Joliette) propose l'ajournement de la Chambre. Si l'on veut parler des bourses, dit-il, nous en parlerons demain.

 

Rapport du comité des subsides:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité a adopté cinq résolutions et qu’il demande la permission de siéger de nouveau.

Lesdites résolutions sont lues et agréées.

Il est résolu que la Chambre, à sa prochaine séance, se formera de nouveau en comité des subsides.

 

Ajournement

L’honorable M. Barrette (Joliette) propose que la Chambre s’ajourne maintenant.

Adopté.

La séance est levée.


 

NOTES

1. Il s’agit du chiffre du Montreal Daily Star du 10 mars 1960, à la page 22. Le Devoir du 12 mars 1960, à la page 3, écrit plutôt que les propriétaires d’Outremont détiennent 90 % du territoire.

2. La Tribune du 11 mars 1960, à la page 20, souligne que les quatre bills précédents ont été adoptés en moins d’une demi-heure.

3. Rappelons que la veille, lors de la séance du 9 mars 1960, M. Hamel a posé une question au premier ministre au sujet de ce candidat aux élections de Napierville.

4. Le Montréal-Matin du 11 mars 1960, à la page 5, précise que le débat sur la motion de M. Hamel a duré environ une heure.

5. Bien que plusieurs journaux du 11 mars 1960, dont La Presse, à la page 33, et The Montreal Daily Star, à la page 14, mentionnent que les crédits du ministère de l’Agriculture ont été étudiés en soirée, aucun journal ne précise l’heure et le moment de la suspension des travaux pour le souper. Nous avons donc inséré la suspension à un endroit qui semblait opportun et nous avons inscrit l’heure habituelle de suspension et de reprise.

6. Le Nouvelliste du 11 mars 1960, à la page 1, souligne que l’étude des crédits du ministère de l’Agriculture a donné lui à la séance la moins mouvementée de la session. M. Lapalme et plusieurs autres députés de l’opposition se sont absentés et les galeries se sont progressivement vidées, si bien qu’à la fin de la soirée, il ne restait en Chambre que le premier ministre, quelques ministres et députés et les journalistes.

7. The Montreal Daily Star du 11 mars 1960, à la page 14, soutient plutôt que ces travaux ont été effectués "l’an passé seulement",  ce qui paraît peu probable. Nous avons donc conservé la version du Montréal-Matin du même jour, à la page 2, qui rapporte que ces travaux ont été étalés sur 15 ans.

8. Ce chiffre est rapporté par L’Action catholique du 12 mars 1960, à la page 17, et La Presse du 11 mars 1960, à la page 20. Le Montréal-Matin du 11 mars 1960, à la page 2, écrit plutôt "155,000 cultivateurs".

9. Créée en 1924, l’Union catholique des cultivateurs (U.C.C.) était à la fois un groupe de pression et un syndicat agricole. M. Barré en fut cofondateur et président de 1924 à 1926.

10. Le Nouvelliste du 11 mars 1960, à la page 1, souligne que MM. Dionne et Turpin ont pris la parole lors de l’étude des crédits du ministère de l’Agriculture, sans pour autant préciser à quel moment, ni pour quelle raison.