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Version finale

25e législature, 4e session
(18 novembre 1959 au 18 mars 1960)

Le mercredi 18 novembre 1959

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Séance du mercredi 18 novembre 1959

Présidence de l’honorable M. Tellier

La séance est ouverte à 3 heures1.

La législature ayant été prorogée le 5 mars 1959, les députés se sont réunis aujourd’hui pour l’ouverture de la quatrième session de la vingt-cinquième législature, après convocation par proclamation pour l’expédition des affaires.

Prière.

M. l’Orateur: À l’ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Messages du lieutenant-gouverneur:

M. Pierre Gelly, huissier à la verge noire, apporte le message suivant:

M. l’Orateur: Messieurs, l’honorable Monsieur le lieutenant-gouverneur de la province de Québec désire la présence immédiate de cette Chambre dans la salle des séances du Conseil législatif.

En conséquence, M. l’Orateur et les députés se rendent auprès de l’honorable Monsieur le lieutenant-gouverneur dans la salle du Conseil législatif.

 

Discours du trône2

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l’Assemblée législative,

Il m'est agréable d'inaugurer aujourd'hui la quatrième session de la vingt-cinquième législature.

Au moment où vous vous apprêtez à reprendre vos travaux parlementaires, il sied de rappeler les principaux événements qui ont marqué les récents mois, et qui s'inscriront en caractères indélébiles dans les annales de la province. Comment ne pas évoquer, dès ces premiers mots, le souvenir vivace de celui qui, pendant 18 ans, a apposé à la conduite des affaires du Québec le sceau de sa puissante personnalité et de son inlassable énergie? Le 7 septembre dernier, à Schefferville, le Maître rappelait à lui l'honorable Maurice Le Noblet Duplessis, au cœur même de ces régions prometteuses qu'il avait inscrites avec tant d'autorité sur la carte des territoires récemment ouverts à la civilisation. Dans ses destins insondables, peut-être la Providence a-t-elle voulu le ravir à ses parents et collaborateurs au moment précis où il parcourait, tel un pionnier du XXe siècle, les solitudes qu'il avait si intensément contribué à placer sous la main productive de l'homme; peut-être a-t-elle souhaité pour cela choisir justement la fête du Travail, afin de souligner l'une des principales caractéristiques de sa personnalité. Vous serez très bientôt invités à poser à la mémoire de l'illustre défunt un geste qui symbolisera, à l'intention des générations futures, l'impressionnant hommage qui lui a été rendu lorsque ses restes furent déposés dans sa terre natale des Trois-Rivières.

Le 11 septembre, l'un des collègues du disparu, après avoir siégé 29 ans à la Chambre basse, prêtait son serment d'office pour lui succéder. La province de Québec se donnait alors le dix-huitième premier ministre de son histoire parlementaire. Puisse la divine Providence lui conserver la santé et la force qu'exigent de si lourdes responsabilités.

Depuis la dernière session, nous avons été honorés de la visite de Sa Gracieuse Majesté Elizabeth II, reine du Canada, et de son noble époux, le Prince Philip, à l'occasion de l'inauguration de cette remarquable réalisation du génie moderne qu'est la canalisation du Saint-Laurent. Nous avons réaffirmé à notre gracieuse souveraine l'assurance de notre loyauté, et nous en renouvelons ici l'expression.

Le trois centième anniversaire de l'arrivée en Nouvelle-France de monseigneur François de Montmorency de Laval a fait l'objet tout récemment de mémorables manifestations religieuses. Cette commémoration du tricentenaire de la hiérarchie de l'Église au Canada a conduit dans les murs de la Vieille Capitale une foule de distingués prélats. La province a été profondément honorée par la visite, à cette occasion, de Son Éminence Révérendissime le Cardinal-Légat Alfredo Ottaviani, qui a été prié de présenter à Sa Sainteté Jean XXIII l'expression de nos religieux hommages.

La dernière session a été marquée par le décès d'un membre du Conseil législatif, l'honorable Émile Moreau, dont la disparition a été soulignée dans les deux Chambres.

Le deuil n'a pas épargné non plus la Chambre basse. Dès après la session, nous avions la douleur d'apprendre le décès subit du député de Labelle, M. Pierre Bohémier. Tout récemment élu par acclamation, le représentant de cette circonscription avait déjà conquis l'amitié de tous ses collègues.

Depuis la prorogation des Chambres, des élections partielles ont été tenues dans deux comtés de la province situés en différentes régions. Elles ont permis à des milliers d'électeurs de renouveler à l'administration actuelle la confiance dont l'ensemble du Québec avait fait preuve à son égard en 1956, et d'exprimer leur appui à celui qui venait d'assumer la succession du regretté premier ministre.

Mon gouvernement croit nécessaire, avant que ne se tienne au cours de l'an prochain une conférence plénière des chefs des gouvernements fédéral et provinciaux, de définir son attitude dans la Confédération canadienne. Il exige le respect intégral du pacte confédératif, il en accepte les obligations, mais il réclame les moyens qu'il lui reconnaît pour les remplir. Il souhaite contribuer au développement et à la grandeur du Canada, mais il croit que c'est en assurant au Québec son plein épanouissement, en lui conservant son caractère propre et en maintenant ses traditions qu'il réalisera le mieux cette fin.

L'éducation, qui constitue une responsabilité strictement provinciale, est au nombre des toutes premières préoccupations de mon gouvernement. Les problèmes qu'elle suscite ne résultent ni de l'inertie, ni de la négligence, mais bien de l'essor qu'elle a connu en ces 15 dernières années. Il vous demandera de l'autoriser à prendre les moyens de stabiliser la situation financière de nos institutions éducationnelles à tous les paliers de l'enseignement. Si nous voulons que notre population jouisse pleinement des bénéfices du développement de nos ressources naturelles, il est nécessaire de continuer à assurer un développement parallèle dans le domaine éducationnel.

L'essor industriel du Québec continue de faire l'admiration des économistes, et le gouvernement a la ferme intention de tout mettre en œuvre pour en maintenir la courbe ascendante. Mais ce développement ne doit pas faire oublier la mission moins spectaculaire, mais non moins essentielle, de l'agriculture, symbole de stabilité et de survivance. Le gouvernement se propose d'intensifier les mesures susceptibles de contribuer au progrès de la classe rurale.

Il vous demandera à cette fin d'augmenter les crédits consacrés au prêt agricole dont les bienfaits sont plus manifestes que jamais. Il vous invitera également à hausser le maximum des prêts, tant pour les agriculteurs déjà établis que pour ceux qui projettent un premier établissement. Il maintiendra son effort incessant dans le domaine du drainage, qui permet la récupération de précieuses terres arables et dans celui de l'électrification rurale.

Mon gouvernement croit que la colonisation est une œuvre nécessaire, particulièrement pour la consolidation du patrimoine agricole, et il vous proposera des mesures propres à intensifier son action en ce domaine.

L'hygiène publique et la santé en général continueront de bénéficier de l'attention militante du gouvernement. Aucun principe constitutionnel ne s'oppose à l'institution éventuelle d'un plan d'assurance-hospitalisation, mais en ce domaine comme en bien d'autres, la province de Québec possède des caractéristiques qui lui sont propres; il faudra procéder avec prudence, dans le respect des traditions, en tenant compte de notre système particulier d'hospitalisation. Toute solution hâtive pourrait s'avérer désastreuse. Il vous sera soumis une législation qui facilitera au gouvernement l'obtention de toutes les données du problème, ce qui lui permettra d'étudier la situation en profondeur et de l'aborder avec réalisme. Vous serez également invités à légiférer sur les conditions de salubrité dans les établissements où les radiations ionisantes peuvent constituer un danger.

Mon gouvernement n'oublie pas qu'à la santé du corps doit s'ajouter celle de l'esprit. En plus de veiller de près sur les différents paliers de l'éducation, il s'efforcera d'encourager les initiatives d'ordre culturel, telles que les concours littéraires ou scientifiques, et la multiplication des bibliothèques publiques.

Mon gouvernement vient en aide aux corporations municipales dans une proportion remarquable qui a été sans cesse croissante. Sa participation financière au fonctionnement des rouages municipaux a même atteint un degré de parité avec le total des taxes versées par les contribuables aux municipalités. Cependant, son effort n'en restera pas là. Il vous demandera d'approuver l'augmentation des crédits qu'il met déjà à la disposition des localités pour les aider à se protéger efficacement contre les incendies; il vous invitera à poser un geste semblable à l'égard de celles qui sont dans l'impossibilité financière d'aménager ou de construire des systèmes d'aqueduc et d'égout ou d'utiliser de nouvelles sources d'approvisionnement d'eau potable; il vous recommandera de renouveler aux municipalités l'autorisation de conclure avec le gouvernement fédéral les ententes nécessaires à l'exécution de travaux destinés à remédier au chômage; il vous priera d'adopter un projet de loi qui apportera une réduction de la part municipale dans le domaine de l'assistance publique, ce qui dégrèvera encore le budget des municipalités; il vous demandera enfin l'autorisation d'alléger également leur fardeau pour ce qui a trait aux écoles de protection de la jeunesse.

Le gouvernement réaffirme son attachement à la libre entreprise; consciente de ses droits et respectueuse de ses obligations, elle constitue le moyen le plus efficace d'assurer la prospérité du Québec. Mais la bonne entente entre patrons et employés s'avère essentielle au maintien de ce système. Le gouvernement vous soumettra une législation destinée à apporter plus de souplesse aux rouages de la Commission des relations ouvrières; il apportera une attention particulière aux salariés qui, à cause de l'exercice d'un droit syndical, pourraient être l'objet de congédiement, de suspension ou de déplacement; il vous demandera d'approuver une politique plus généreuse à l'égard des accidentés du travail et de leurs dépendants et d'augmenter les montants consacrés à la réadaptation de ces accidentés.

Bien que le gouvernement ait déjà à son crédit toutes les grandes lois modernes d'assistance sociale dont bénéficie le peuple, il n’entend pas s'arrêter en si bonne voie; il se propose de se pencher sur le problème de l'adoption; il présentera une mesure destinée à intensifier l'aide aux agences sociales; il se propose de consolider l'œuvre déjà accomplie dans le domaine de la prédélinquance et de la lutte à la délinquance juvénile.

Afin de faciliter l'application et l'interprétation de notre législation, mon gouvernement vous proposera des mesures pour compléter la refonte de nos lois de base, et particulièrement de notre Code civil, de notre Code de procédure civile, de notre Code municipal et de nos lois statutaires d'intérêt général.

Tout en acceptant pleinement ses responsabilités dans les domaines que je viens d'énumérer, mon gouvernement veut également exprimer sa ferme intention de maintenir le sain équilibre qui caractérise la situation financière de la province, afin que celle-ci conserve le crédit remarquable dont elle jouit sur le marché des obligations; car il s'agit là d'une fort précieuse réputation, surtout en ce moment où la situation du crédit s'avère plus difficile.

De nombreux projets d'intérêt privé et d'intérêt public vous seront également soumis. La Législature pourra en prendre connaissance dès les premiers jours de la session.

Messieurs de l'Assemblée législative,

Les Comptes publics de la dernière année fiscale vous seront communiqués avec diligence, comme cela se pratique maintenant, et vous voudrez bien voter les subsides nécessaires à l'administration de la province.

Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l'Assemblée législative,

Je demande à la divine Providence de bénir et de féconder vos travaux au cours de cette session3.

Les députés reviennent à la salle de l’Assemblée4.

L’honorable M. Sauvé (Deux-Montagnes) entre dans la Chambre5.

(Applaudissements)6

 

Brefs d’élection:

District électoral de Labelle

M. l’Orateur: J’ai l’honneur d’informer la Chambre que, à la réception de la notification suivante, j'ai adressé au président général des élections un mandat lui enjoignant d'émettre un nouveau bref portant convocation du district électoral de Labelle.

 

Vacances dans les districts électoraux:

District électoral de Labelle

Québec, le 14 juillet 1959

L'honorable Maurice Tellier, c.r.
Orateur de l'Assemblée législative de Québec,
Hôtel du Gouvernement,
Québec

Monsieur l'Orateur,

Nous soussignés, Maurice L. Duplessis, député pour le district électoral des Trois-Rivières et premier ministre de la province, et Yves Prévost, député pour le district électoral de Montmorency et secrétaire de la province, vous notifions officiellement que le siège du député pour le district électoral de Labelle à l'Assemblée législative de Québec est devenu vacant par suite du décès de M. Pierre Bohémier, au moment de sa mort, député dudit district électoral.

Le présent avis vous est transmis en vertu de la loi. Veuillez donc, s'il vous plaît, agir en conséquence.

(Signé) Maurice L. Duplessis
(Signé) Yves Prévost

 

Brefs d’élection:

District électoral de Lac-Saint-Jean

M. l’Orateur: J’ai l’honneur d’informer la Chambre que, à la réception de la notification suivante, j'ai adressé au président général des élections un mandat lui enjoignant d'émettre un nouveau bref portant convocation du district électoral de Lac-Saint-Jean.

 

Vacances dans les districts électoraux:

District électoral de Lac-Saint-Jean

Le 15 juillet 1959

L'honorable Maurice Tellier, c.r.
Orateur de l'Assemblée législative de Québec,
Hôtel du Gouvernement,
Québec

Monsieur l'Orateur,

Je soussigné, J.-Antonio Auger, médecin, domicilié à Alma, comté de Lac-Saint-Jean, et député du district électoral de Lac-Saint-Jean à l'Assemblée législative de Québec, donne par les présentes ma démission comme député du district électoral de Lac-Saint-Jean à l'Assemblée législative de Québec7.

Cette démission, je l'ai signée, en présence de l'honorable Jean-Jacques Bertrand, ministre des Terres et Forêts et député du district électoral de Missisquoi et de M. Jean-Joseph Turcotte, notaire, député du district électoral de Roberval à l'Assemblée législative de Québec.

(Signé) J.-Antonio Auger, M.D.
(Signé) Jean-Jacques Bertrand
(Signé) Jean-Joseph Turcotte

 

Certificats d’élection:

M. l’Orateur: J’ai l’honneur d’informer la Chambre que j’ai reçu du président général des élections les certificats d’élection suivants:

District électoral de Labelle

PRÉSIDENT GÉNÉRAL DES
ÉLECTIONS

Québec, le 24 septembre 1959

À Monsieur l’Orateur
Assemblée législative de Québec,
Hôtel du Gouvernement,
Québec

Monsieur,

Je certifie que, conformément à un bref d'élection émis le quinze (15) juillet mil neuf cent cinquante-neuf (1959) et adressé à M. Henri LaFontaine, protonotaire et greffier, domicilié à 142, de la Madone, Mont-Laurier, M. Fernand-J. Lafontaine, ingénieur civil, a été, ainsi qu'il appert du rapport qui se trouve dans les archives de mon bureau, élu député du collège électoral de Labelle, à l'Assemblée législative de Québec, en remplacement de M. Pierre Bohémier, décédé.

François Drouin, c.r.
Président général des élections

 

District électoral de Lac-Saint-Jean

PRÉSIDENT GÉNÉRAL DES
ÉLECTIONS

Québec, le 24 septembre 1959

À Monsieur l’Orateur
Assemblée législative de Québec,
Hôtel du Gouvernement,
Québec

Monsieur,

Je certifie que, conformément à un bref d'élection émis le quinze (15) juillet mil neuf cent cinquante-neuf (1959) et adressé à M. J.-Oswald Fleury, chef-opérateur, domicilié à 114 Highway Street, Isle-Maligne, Lac-Saint-Jean, M. Paul Levasseur, industriel, a été, ainsi qu'il appert du rapport qui se trouve dans les archives de son bureau, élu député du collège électoral de Lac-Saint-Jean, à l'Assemblée législative de Québec, en remplacement de M. J.-Antonio Auger, démissionnaire.

François Drouin, c.r.
Président général des élections

 

Présentation de nouveaux députés8:

Député de Lac-Saint-Jean

Le nouveau député de Lac-Saint-Jean, accompagné de l’honorable premier ministre (M. Sauvé) et du député de Chicoutimi (l’honorable M. Talbot), se rend au bureau de la Chambre9.

L’honorable M. Sauvé (Deux-Montagnes): M. l’Orateur, j’ai l’honneur de vous présenter M. Paul Levasseur, député du collège électoral de Lac-Saint-Jean. M. Levasseur a prêté, puis souscrit sur le rôle, le serment prescrit par la loi, et il réclame maintenant le droit de siéger.

M. l’Orateur: Qu’il prenne son siège.

(Applaudissements)

M. Levasseur (Lac-Saint-Jean) s’avance et présente ses respects à l’Orateur, puis se rend à son siège.

Député de Labelle

Le nouveau député de Labelle, accompagné de l’honorable premier ministre (M. Sauvé) et du député de Papineau (l’honorable M. Lorrain), se rend au bureau de la Chambre.

L’honorable M. Sauvé (Deux-Montagnes): M. l’Orateur, j’ai l’honneur de vous présenter M. Fernand-J. Lafontaine, député du collège électoral de Labelle. M. Lafontaine a prêté, puis souscrit sur le rôle, le serment prescrit par la loi, et il réclame maintenant le droit de siéger.

M. l’Orateur: Qu’il prenne son siège.

(Applaudissements)

M. Lafontaine (Labelle) s’avance et présente ses respects à l’Orateur, puis se rend à son siège.

 

Projets de loi:

Prestation des serments d’office

L’honorable M. Sauvé (Deux-Montagnes) propose qu’il lui soit permis de présenter le bill 1 relatif à la prestation des serments d’office.

Adopté. Le bill est lu une première fois.

 

Discours du trône

M. l’Orateur: J’ai l’honneur de faire rapport que, lorsque cette Chambre s’est rendue, aujourd’hui, auprès de l’honorable lieutenant-gouverneur, dans la salle des séances du Conseil législatif, il a plu à l’honorable lieutenant-gouverneur de lire un discours à l’adresse des deux Chambres de la Législature de cette province, et que, pour prévenir toute erreur, j’en ai obtenu une copie dont je vais donner lecture à la Chambre10.

(Les députés de la Chambre exemptent M. l'Orateur d'en donner lecture)11

 

Prise en considération du discours du trône

L’honorable M. Sauvé (Deux-Montagnes) propose que le discours de l’honorable Monsieur le lieutenant-gouverneur de la province, prononcé devant les deux Chambres de la Législature, soit pris en considération à la prochaine séance.

Adopté.

Institution des comités permanents

L’honorable M. Sauvé (Deux-Montagnes) propose que les comités permanents suivants soient institués:

1. un comité des privilèges et des élections;

2. un comité des règlements;

3. un comité des comptes publics;

4. un comité des chemins de fer et autres moyens de communication;

5. un comité de l’agriculture, de l’immigration et de la colonisation;

6. un comité des industries et du commerce;

7. un comité des relations industrielles;

8. un comité du Code municipal;

9. un comité des bills privés en général;

10.   un comité des bills publics en général;

11.   un comité de la Bibliothèque de la Législature;

12.   un comité des impressions législatives.

Et que chacun de ces comités soit autorisé à délibérer et à s’enquérir de toutes les affaires et de toutes les matières que la Chambre lui aura renvoyées ou qui sont de sa compétence, à faire de temps à autre des rapports exprimant ses observations et ses vues sur ces affaires et ces matières, et à envoyer chercher les personnes, les pièces et les dossiers dont il aura besoin.

Adopté.

Comité spécial

L’honorable M. Sauvé (Deux-Montagnes) propose qu’un comité spécial de onze membres soit institué pour choisir les membres ainsi que le président de chaque comité dont la Chambre vient de décider la formation, et pour fixer le nombre des membres ainsi que le quorum de chacun de ces comités; et que les honorables MM. Sauvé, Bellemare, Bourque, Élie, Leclerc et MM. Hamel, Hébert, Johnston, Kirkland, Lapalme et Ross forment ledit comité spécial.

Adopté.

 

Motions de condoléances:

Ajournement en signe de deuil,
Décès de M. Duplessis et de P. Bohémier

L’honorable M. Sauvé (Deux-Montagnes)12: Le 7 septembre dernier, à Schefferville, dans la terre qu’il avait chérie entre toutes, mourait celui qui avait dirigé les destinées de sa province pendant 18 ans et qui avait consacré à sa province les 32 dernières années de sa vie.

D’ici quelques jours, je proposerai à cette Chambre une loi qui nous permettra de prendre les mesures qui s’imposent afin de perpétuer de façon tangible la mémoire de celui qui a laissé, par sa mort, un vide immense dans la province de Québec, vide qu’il est difficile de combler. Et, en proposant que la Chambre s’ajourne aujourd’hui en signe de deuil, je veux rappeler en peu de mots le rôle considérable que l’illustre homme d’État disparu a joué dans la province de Québec.

Avant lui, son père avait été député en cette Chambre, et c’est dans sa famille qu’il a acquis l’amour de sa province et a été initié aux problèmes politiques. Élu député pour la première fois en 1927, M. Duplessis a été, à deux reprises, chef du gouvernement et il est l’homme qui a dirigé, pendant le plus grand nombre d’années, les destinées du Québec. C’est pourquoi sa mémoire vivra éternellement dans le cœur et l’esprit des générations futures. Il a été le symbole vivant de l’attachement fervent à sa petite patrie et à ses traditions ancestrales. Pour ceux qui ont eu le privilège de travailler avec lui et pour notre population, il fut toujours un exemple de dévouement, de travail, d’énergie et de fermeté dans la défense des droits des siens. Le plus grand monument en son honneur sera le Nouveau-Québec, qu’il a aidé à créer.

Lors de son décès, il a reçu des témoignages d’estime sans précédent, dans l’histoire de la province et du pays. M. Duplessis est parti en pleine force et en pleine gloire. Il est mort comme il l’aurait souhaité, dans l’exécution de son travail. Le vide qu’il laisse serait difficile13 à combler si, dans le cours de sa vie, les œuvres qu’il laisse n’avaient pas couvert toute la province de Québec.

Il (M. Sauvé) offre ensuite ses condoléances à la famille de M. Pierre Bohémier, député de Labelle qui, durant son bref séjour sur la colline parlementaire, dit-il, avait conquis l’amitié et le respect de tous ses collègues.

Je réitère alors, dit-il, l’expression de mes condoléances aux familles Duplessis et Bohémier, et propose ma motion d’ajournement.

M. Lapalme (Montréal-Outremont): Nul n’est plus qualifié que l’actuel premier ministre pour rendre au regretté défunt l’hommage qui convenait. Sa longue collaboration explique son admiration sans réserve.

Mais M. Duplessis n’avait pas eu seulement des amis. À côté de ses amis et des partisans de M. Duplessis, il y avait la faction importante de ses adversaires. C’est de ceux-ci dont vous entendez la voix. Mais, autour d’une tombe, amis et adversaires se rencontrent et même se mêlent. Pour nous, de ce côté-ci de la Chambre, à cause des luttes ardentes que nous avons livrées, l’homme politique ne peut se présenter à notre esprit de la même façon qu’à celui de ses amis politiques et de ses collaborateurs intimes. Nous, nous voyons de près l’homme politique, et d’un peu moins près l’homme lui-même.

Nous sommes dans une situation qui nous fait comprendre jusqu’à quel point l’homme politique est entouré de dévouement d’une part, mais souvent de préjugés, de passions et de louanges, d’autre part. Aussi, est-il difficile pour les vivants de porter un jugement juste. Il faut le recul de l’histoire pour juger un homme comme celui-là, être complètement impartial, et faire le partage entre les préjugés et l’adoration.

Devant la tombe de l’honorable Maurice Duplessis, nous nous inclinons avec respect, en laissant à l’histoire le soin de départager les qualités et les responsabilités de l’homme politique et celles de l’homme lui-même, et de déterminer sa place dans l’essor de la province.

Permettez à ceux qui ont lutté contre lui de se joindre à ses amis et à ses partisans pour lui rendre un ultime hommage. Malgré tout le fracas de la politique, il y a toujours des qualités de l’homme qui restent14. Pour le chef de l’opposition et ses collègues qui ont eu l’occasion de le rencontrer souvent, qui ont pu converser avec lui de choses autres que celles de la politique, nous retenons surtout du disparu son ardeur au travail et son désintéressement personnel. Pour ma part, à travers la fumée des combats, je garderai de cette période de ma vie politique durant laquelle j’ai connu M. Duplessis un souvenir intense.

Il (M. Lapalme) offre ensuite les condoléances de l’opposition libérale à la famille de M. Pierre Bohémier qui est disparu, dit-il, trop tôt pour réaliser ses ambitions. C’est avec respect que je seconde la motion du premier ministre pour que la Chambre s’ajourne en signe de deuil.

M. Ross (Montréal-Verdun)15: M. Duplessis laisse à sa province un exemple de patriotisme, de devoir, de courage et d’esprit de travail. Pendant toutes les années qu’il a siégé dans cette Chambre, il a donné la preuve de son dévouement et de son grand amour de la province.

Ses œuvres sont nombreuses. On conservera de lui le souvenir d’un grand Canadien, d’un homme d’État d’envergure exceptionnelle et, assurément, de l’un des plus grands premiers ministres que la province ait eus jusqu’à date. Pour avoir siégé avec lui pendant 15 ans, j’ai appris à le connaître, à l’estimer, et à apprécier son génie politique et ses qualités transcendantes. Il (M. Ross) formule ses sympathies à l’adresse du gouvernement, de la Chambre basse et de la famille du défunt et, en terminant, il offre également des condoléances à la famille de M. Pierre Bohémier.

La motion d’ajournement est adoptée.

La séance est levée à 5 heures16.


 

NOTES

1. Pour la première fois, la séance est retransmise par la télévision de Radio-Canada. Le Montréal-Matin du 19 novembre 1959, à la page 3, confirme d'ailleurs que "les réflecteurs de la télévision inondaient la Chambre de leurs feux éblouissants." Il note également qu’une grande foule assistait à cette première séance; "le parquet et les galeries étaient bondés."

2. Selon la procédure parlementaire, le texte du Discours du trône fait l'objet de deux lectures, une première fois à la salle du Conseil législatif par le lieutenant-gouverneur, et une seconde fois par l'Orateur de l'Assemblée législative, à la salle de l'Assemblée législative. Les députés peuvent toutefois exempter l'Orateur de procéder à cette seconde lecture. Selon les Journaux de l'Assemblée législative, à la page 5, rien n'indique que cette exemption ait été demandée ou accordée à l'Orateur. À défaut de souligner toutefois cette exemption, Le Soleil du 19 novembre 1959, à la page 24, rapporte "qu'au lieu de le lire de nouveau, le Président en fait distribuer une copie à chacun des représentants du peuple". Cette même source indique, à la page 24, au sujet de cette seconde lecture, que "c'est une simple formalité". Ceci nous porte à croire, malgré la contradiction entre les deux sources, que seule la lecture au Conseil législatif ait eu lieu.

3. Le Montréal-Matin du 19 novembre 1959, à la page 3, souligne que le Feuilleton a une taille inusitée. Le gouvernement y a inscrit 37 projets de loi et leur seule nomenclature couvre près de quatre pages. Selon le journal, il s’agit d’un record dans les annales de l'Assemblée législative. L'ordre du jour comportait aussi un grand nombre de motions et de questions de l'opposition.

4. Selon L’Action catholique du 19 novembre 1959, à la page 3, le retour des députés se fait à 4 h 30.

5. Selon le Montréal-Matin du 19 novembre 1959, à la page 7, le premier ministre se présente à la députation à 4 h 35, après avoir accompagné le lieutenant-gouverneur à la réception donnée au Café du Parlement.

6. Il s’agit de la première apparition de l'honorable M. Sauvé à l’Assemblée, en tant que premier ministre et la plupart des journaux soulignent l’ovation que lui ont accordée les députés de l’Union nationale. Un journal partisan, le Montréal-Matin du 19 novembre 1959, à la page 7, rapporte pour sa part que les acclamations et les bravos ont duré plus de deux minutes.

7. M. Auger a été nommé conseiller législatif de la division des Laurentides le 13 septembre 1959.

8. L’Action catholique du 19 novembre 1959, à la page 3, souligne que le député de Lac-Saint-Jean est présenté en premier, suivi par le député de Labelle.

9. L’Action catholique du 19 novembre 1959, à la page 3, explique que les parrains vont chercher les nouveaux députés à l’extérieur de la Chambre pour les conduire au pied du trône de l’Orateur.

10. Selon Le Soleil du 19 novembre 1959, à la page 24, le discours du trône ayant été lu précédemment, dans la salle du Conseil législatif, l’Orateur ne fait qu’en distribuer une copie à chacun des députés.

11. Selon la procédure parlementaire habituelle, les députés peuvent exempter le Président de reprendre la lecture du discours du trône. Même si aucune mention à cet effet n'est inscrite dans les Journaux de l'Assemblée législative, l'on peut présumer que cette exemption a été accordée par les députés, puisque le Président a fait distribuer une copie du discours à chaque député.

12. Le Soleil du 19 novembre 1959, à la page 8, note que le premier ministre est fort ému au moment de commencer son discours. La Chambre, note ce même journal, écoute les éloges funèbres avec émotion.

13. Certains journaux, notamment La Presse du 19 novembre 1959, à la page 21, emploient le mot "impossible" au lieu de "difficile".

14. Le Soleil du 19 novembre 1959, à la page 50 et Le Devoir du même jour, à la page 2 rapportent plutôt: "Malgré tout le fracas de la politique, il y a toujours des qualités de l’homme qui s’estompent." Il s’agit manifestement d’une erreur, la phrase n’ayant ainsi aucun sens.

15. L’Action catholique du 19 novembre 1959, à la page 3, affirme que M. Ross parle ici au nom des indépendants, qui sont alors au nombre de trois.

16. L’Action catholique du 19 novembre 1959, à la page 3, souligne que la séance dure à peine 30 minutes.