Par Alexandre Turgeon
Le monde, le Canada, le Québec au tournant des années 1960
Depuis le milieu des années 1950, les relations entre l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) et les États-Unis sont sous le signe de la coexistence pacifique. Maître d’œuvre de la déstalinisation, Nikita Khrouchtchev, secrétaire général de l’URSS, se rend en Amérique du 15 au 28 septembre 1959. Il s’agit de la toute première visite officielle en sol américain d’un haut responsable soviétique. Le secrétaire général y rencontre son vis-à-vis, le président américain Dwight D. Eisenhower, et en profite pour parcourir les États-Unis. Sa visite se tient sous les auspices d’une grande victoire du programme spatial soviétique qui, plus tôt, a réussi à envoyer une première sonde sur la Lune, sous le nez de la National Aeronautics Space Administration (NASA)1. Les médias suivent le chef de l’URSS pas à pas dans son périple.
Effective depuis 1950, l’occupation par les forces militaires chinoises du Tibet prend un nouveau tournant au printemps 1959. Devant les soulèvements populaires sporadiques, depuis le milieu des années 1950, les relations entre les capitales Lhassa et Pékin sont tendues. Elles sont définitivement rompues, le 28 mars, avec la dissolution du gouvernement tibétain. Le chef spirituel des Tibétains, le dalaï-lama, prend la fuite et se réfugie en Inde pour y dénoncer les actions de la Chine. Le 29 avril 1959 est annoncée la création du gouvernement tibétain en exil.
Sous l’impulsion de Londres, l’Association européenne de libre-échange (AELE) est ratifiée, le 4 janvier 1960, en réplique à la Communauté économique européenne (CEE). À ses débuts, l’AELE compte sept membres : le Royaume-Uni, le Danemark, la Norvège, la Suisse, le Portugal, l’Autriche et la Suède. L’AELE concurrence la CEE durant 13 ans, avant de voir le Royaume-Uni quitter ses rangs pour joindre la CEE, en 1973. Cette défection sonne le glas de l’AELE comme organisme de premier plan, bien qu’elle existe encore au XXIe siècle, ne comptant plus que quatre pays membres en son sein : la Norvège, la Suisse, l’Islande et le Liechtenstein.
À Cuba, tout reste à faire après que Fidel Castro eut évincé Fulgencio Batista du pouvoir, le 1er janvier 1959. À l’intérieur du pays, Castro met en place une importante réforme agraire, le 17 mai 1959, qui a pour effet d’exproprier les intérêts étrangers, au grand dam des industries américaines qui crient au communisme. Quant aux relations extérieures, conscient de la menace américaine à 200 kilomètres à peine de ses côtes, Castro tente dans un premier temps d’assurer Eisenhower, en avril 1959, que la révolution cubaine n’est pas communiste. Mais, dès l’année suivante, le divorce avec Washington est consommé et La Havane se jette dans les bras de Moscou.
Le Mouvement des droits civiques aux États-Unis prend de l’ampleur, profitant de quelques événements fortuits qui aident grandement sa cause. Le 1er février 1960, à Greensboro, quatre étudiants noirs s’assoient au comptoir du magasin Woolworth’s, réservé aux Blancs, protestant contre la ségrégation raciale pratiquée dans cet établissement. Appelée le « sit-in », cette forme de protestation sera reprise un peu partout aux États-Unis et deviendra l’un des symboles les plus en vue du Mouvement. Six mois plus tard, les quatre étudiants en question s’assoient au même comptoir. Cette fois, leur commande est prise.
Au Canada, le gouvernement progressiste-conservateur de John Diefenbaker est bien en selle. Premier ministre depuis le 21 juin 1957, Diefenbaker décide de briguer les élections moins d’un an après avoir remporté les suffrages. Les élections du 31 mars 1958 font élire 208 députés sous la bannière progressiste-conservatrice, tandis que les libéraux menés par Lester B. Pearson mordent la poussière avec 48 élus2. Il s’agit alors de la plus importante majorité parlementaire de l’histoire canadienne. Fort de cette victoire décisive, Diefenbaker planche sur un projet de Déclaration canadienne des droits, projet qui germe dans son esprit depuis 1946. Cette Déclaration canadienne des droits devient son leitmotiv3. Sous son impulsion sont adoptées une série de lois concernant les droits de la personne. Dans cette optique, les autochtones inscrits obtiennent le droit de vote au fédéral, le 18 mars 1960, à la suite d’une loi adoptée par la Chambre des communes4. Quelques mois plus tard, le 10 août, la Déclaration canadienne des droits, point culminant de la volonté législative de Diefenbaker en la matière, est adoptée au Parlement fédéral5.
Débutés, en 1954, sous Louis Saint-Laurent – premier ministre libéral du Canada de 1948 à 1957 –, les travaux de la voie maritime du Saint-Laurent arrivent enfin à leur terme. Le 25 avril 1959, le brise-glace D’Iberville est le premier navire à entreprendre la traversée complète de la voie maritime. À cette occasion, la reine Elizabeth II et le prince consort Philip d’Édimbourg sont reçus officiellement au Château Frontenac, le 23 juin. L’inauguration officielle a lieu, le 26 juin, en présence de la reine et du président Eisenhower.
Au Québec, divers éléments défraient les manchettes. La Société Radio-Canada annonce, le 27 juillet, que l’émission d’affaires publiques Point de mire, animée par René Lévesque, sera retirée des ondes. Cette décision aurait possiblement été prise dans la foulée des événements reliés à la grève des réalisateurs de la société d’État, grève qui a duré de décembre 1958 à mars 1959 et qu’avait appuyée Lévesque6.
Le 1er février 1959, le caricaturiste Normand Hudon a remplacé au Devoir son mentor Robert La Palme, terreur du gouvernement duplessiste, lui qui avait fait des membres de l’administration provinciale ses têtes de Turc, dès 1944. Alors que La Palme cesse d’être un caricaturiste de combat à son passage à La Presse en février 1959, Hudon reprend le flambeau. S’il éprouve quelques difficultés à s’affranchir de l’influence de son maître dans les premiers temps, faisant d’Antoine « ti-Toine » Rivard sa victime de prédilection, il s’en affranchira en 1960. Il sera sans pitié pour les membres de l’Union nationale, notamment pour Daniel Johnson qui devient sous sa plume acerbe « Danny Boy », un ministre que La Palme avait curieusement épargné7.
Un certain nombre d’événements à caractère religieux et historique se déroulent en 1959. Le 3 mai 1959, Marguerite d’Youville est la première Canadienne à être béatifiée. À cette occasion, le cardinal Paul-Émile Léger célèbre une messe en la basilique Saint-Pierre de Rome8. Du 5 au 9 octobre 1959, au Séminaire de Québec et dans la cité universitaire de Sainte-Foy ont lieu les fêtes en l’honneur du 300e anniversaire de l’arrivée de Mgr François de Laval en Nouvelle-France. Mgr Joseph Charbonneau, archevêque de Montréal de 1940 à 1950 et dont le départ de l’épiscopat s’était fait dans la controverse9, s’éteint à Victoria, le 19 novembre 1959. On commémore également le 200e anniversaire de la bataille des plaines d’Abraham, le 13 septembre 1959, moment clé de la Conquête10.
Le 9 avril 1959, le Canadien de Montréal entreprend à domicile la défense de son titre face aux Maple Leafs de Toronto. Le club montréalais, mené à l’attaque par son capitaine Maurice Richard, vieillissant mais toujours redoutable, vise une quatrième Coupe Stanley d’affilée, la 11e de son histoire. La série est brève. Le club de hockey le Canadien l’emporte en cinq parties à domicile devant une foule en liesse qui porte ses héros aux nues. La saison 1959-1960, qui débute le 8 octobre à Montréal, est le théâtre de deux événements des plus mémorables. D’une part, il s’agit du dernier tour de piste du « Rocket » qui prendra sa retraite au terme de la saison. Richard se retire en pleine gloire, soulevant à bout de bras une 8ième coupe Stanley lors du dernier match de la saison, le 14 avril 1960, contre les Maple Leafs une fois encore. D’autre part, le gardien de but Jacques Plante change à tout jamais le visage du hockey en arborant, pour la première fois de l’histoire de la Ligue nationale de hockey, un masque lors d’une joute contre les Rangers de New York, le 1er novembre 1959, au Madison Square Garden. Sans le savoir, Plante vient de révolutionner la pratique de son sport.
Lancée en 1956, la nouvelle vague française démarre sur les chapeaux de roues en 1959 à l’occasion de la sortie, le 4 mai, du film Les Quatre Cents Coups de François Truffaut. Outre ce dernier, parmi les ténors de ce mouvement, on compte Jean-Luc Godard, Éric Rohmer, Alain Resnais et Claude Chabrol. Ces jeunes réalisateurs, pour la plupart dans la trentaine, sont le juste reflet de leur époque. D’une jeunesse bouillonnante, à l’orée des trente glorieuses, remettant en question les façons de faire traditionnelles, ils cherchent plus que tout à apposer leur marque personnelle sur leurs œuvres, à faire du véritable cinéma d’auteur, au fi des conventions. Parmi les films de la nouvelle vague qui sortent en 1959-1960, soulignons Hiroshima mon amour (1959), de Resnais, mais d’abord et avant tout À bout de souffle (1960), de Godard, le film phare par excellence de la nouvelle vague. Avec cet opus ont débuté les films modernes, de dire le célèbre Roger Ebert, du Chicago Sun Times, dans son compte rendu.
À l’aube des années 1960, le Bureau de censure de la province de Québec est des plus actifs, placé qu’il est sous l’autorité du procureur général, Maurice Duplessis. Dans son ouvrage Anastasie ou la censure du cinéma au Québec, l’historien Yves Lever relate, avec force détails, les décisions prises par les employés du Bureau pour censurer les films de l’époque, à l’aune d’une sensibilité catholique à fleur de peau. La censure québécoise en a, en particulier, contre les formes d’une actrice en plein essor, dénommée Marilyn Monroe, qui fait sensation.
Some Like It Hot (Billy Wilder) est approuvé avec 12 coupures totalisant deux minutes et demie. Le censeur ne cache pas son intention : « All cuts were made because of over exposure of M. Monroe » (8 avril 1959). Des scènes retranchées se dégage un érotisme sulfureux, presque agressif, dû à la mise en scène, aux gestes ambigus, au costume presque transparent de l’actrice dans une scène de spectacle, à la façon apparemment naturelle, mais hautement provocante, de mettre ses seins en valeur. Une telle sensualité est rarement atteinte depuis, malgré la nudité devenue presque la norme12.
La revue multidisciplinaire Recherches sociographiques voit le jour en 1960, dans les murs de la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval. Fondée par Fernand Dumont, Jean-Charles Falardeau et Yves Martin, tous trois professeurs au Département de sociologie de l’Université Laval, la revue s’imposera rapidement comme l’un des carrefours les plus prisés par les chercheurs en sciences humaines au Québec, voire au Canada.
Mais ce qui retient surtout l’attention au Québec, et même au Canada, en 1959, ce sont bien certainement les derniers jours du régime Duplessis qui, de toute évidence, sont comptés. À tour de rôle, Paul Sauvé et Antonio Barrette veilleront aux intérêts de la province de Québec en 1959 et en 1960. Pour certains, la 4e session de la 25e Législature est la véritable antichambre de la Révolution tranquille13 qui ébranle ce que d’aucuns ont appelé et continuent d’appeler la « grande noirceur14 ».
« Un colosse venait de tomber15 ». La fin de Maurice Duplessis, la fin d’une époque
Vers la fin de la session 1957-1958, l’impensable se serait produit. Duplessis s’interrompt au beau milieu d’une envolée oratoire. Un blanc le saisit. Il ne peut continuer. L’affaire ne laisse pas indifférent son adversaire des dernières années, Georges-Émile Lapalme : « Au cours des dernières séances, il avait eu un trou de mémoire, en plein milieu d’une phrase. Le tragique planait sur la Chambre. Maurice Duplessis était frappé à mort nous le pressentions confusément, mais sans y croire vraiment, vu qu’il était immortel16. »
Duplessis est fatigué, malade, diminué, en perte de vitesse; il ne peut maintenir le rythme de travail effréné que fut le sien durant les quinze dernières années.
Une tache sombre apparut sur son front et prit de l’ampleur durant l’année 1959, jusqu’à atteindre le diamètre d’une pièce de 25 cents. Ses bras devinrent si maigres qu’on en voyait les tendons; sa peau semblait aussi sèche et fragile qu’un parchemin. Triste spectacle pour ceux qui, après avoir connu le colosse d’antan, le voyaient ainsi décrépit17.
L’heure de la retraite semble avoir sonné pour le « cheuf », mais Duplessis ne s’en laisse pas imposer pour autant. En juillet 1959, à l’occasion d’une rencontre des ministres des Finances de la Confédération à Ottawa, rencontre à laquelle le premier ministre de la province de Québec n’est pourtant pas convié, il vole la vedette. À l’issue des travaux, il donne une conférence de presse où il fait flèche de tout bois. Sa performance est si éclatante que le Toronto Telegram titre : « Pauvre Jean Lesage18! »
Qu’on se le tienne pour dit, Duplessis n’est pas encore fini et compte bien rester, jusqu’au bout, un adversaire redoutable pour tous ses rivaux, quels qu’ils soient. Mais, selon l’historien Conrad Black, Duplessis ne se fait aucune illusion sur sa détérioration physique, constante tout au long de 1959, malgré ces quelques moments où il semble, contre toute attente, retrouver son énergie et sa fougue d’antan19.
Le 2 septembre, accompagné de Gérald Martineau et de quelques autres, Duplessis se rend à Schefferville, dans le Nord québécois, visiter l’Ungava dont les ressources naturelles lui avaient fait miroiter tant de projets pour la province. C’est dans les bureaux de l’Iron Ore qu’il est foudroyé par une hémorragie cérébrale qui le plonge dans les nimbes de l’inconscience20.
De Schefferville, la rumeur se répand à Québec telle une traînée de poudre. Nul ne sait toutefois si Duplessis est seulement indisposé ou s’il est au contraire affligé par quelque sombre mal. Puis, devant une horde de journalistes qui envahissent, le vendredi, les rues de Schefferville, Martineau émet un communiqué laconique où il annonce que les heures du premier ministre sont comptées.
Terrassé par la première attaque qu’il a subie, Duplessis en essuie trois autres le vendredi. Il rend l’âme à minuit cinq minutes, jour de la fête du Travail21. Son décès plonge le Québec tout entier dans le deuil, confondant jusqu’à ses adversaires les plus irréductibles. C’est Paul Sauvé qui annonce officiellement le décès de celui qui fut son mentor durant toutes ces années. « Ses collègues sont profondément convaincus que la meilleure façon d’honorer sa mémoire, c’est de continuer son œuvre », déclare-t-il sur les ondes de la radio de Radio-Canada22.
La dépouille du premier ministre est amenée de Schefferville à Québec le jour même de son décès. Elle est exposée en chapelle ardente dans la salle de l’Assemblée législative. En l’espace d’une journée, plus de 100 000 personnes viennent lui rendre un dernier hommage. Le lendemain, son corps est ramené à Trois-Rivières, sa ville natale. Le corps du défunt est exposé, une dernière fois, au palais de justice. Le 10 septembre 1959, il est porté en terre en présence de nombreux dignitaires dont Diefenbaker, premier ministre du Canada23.
Selon Conrad Black, comme « aux funérailles de Wellington ou de Hindenburg, tout le monde avait le sentiment qu’une ère venait de prendre fin24 ». Au passage du corbillard, des milliers de Trifluviens se massent le long du cortège de celui qui fut leur député depuis 1927. Signe du temps qui passe, implacable, les funérailles du chef de l’Union nationale sont télédiffusées par Radio-Canada dans le cadre d’une émission spéciale25, une première dans l’histoire canadienne26.
Une fois Duplessis mis en terre, une question est sur toutes les lèvres : « Qui lui succédera? » La question hante même les libéraux. En fait foi cet échange intime, reproduit dans les mémoires de Lapalme : « Jean Lesage me demanda : "Qu’est-ce que tu en penses?" Je lui répondis : "Paul Sauvé va lui succéder. Ce sera plus difficile avec lui qu’avec Duplessis." - "Tu penses cela?" - "Oui." - "Moi aussi27." » Ils ont vu juste.
Le nom de Sauvé se détache rapidement du lot. Dauphin attitré de Duplessis depuis des années28, Sauvé est son successeur tout désigné. Lorsque le premier écho de la nouvelle parvient à Québec, tous les ténors du parti se massent à ses côtés29. Un doute seulement persiste. L’inimitié entre Sauvé et Martineau, grand argentier du parti qui détient les cordons de la bourse, est bien connue de tous et pourrait bien être une pomme de discorde au sein de l’Union nationale30. Sans coup férir31, Sauvé impose son autorité sur le Cabinet, la députation et les instances du parti, qui accueillent tous sa nomination avec un soupir de soulagement.
Le lendemain des funérailles de Duplessis, Sauvé prête serment comme 17e premier ministre de la province. Le 14 septembre, il convoque la Chambre pour le 18 novembre, date à laquelle débutera la 4e session de la 25e Législature. Les cent jours du gouvernement Sauvé – 114, pour être plus exact – débutent.
Les parlementaires
Outre Duplessis, un autre membre de l’Assemblée est décédé le surlendemain de la prorogation de la précédente session parlementaire. Il s’agit de Pierre Bohémier, député unioniste de Labelle, qui s’éteint à Montréal le 7 mars 195932. Avant que reprennent les travaux parlementaires, la Chambre basse recense une autre perte : Antonio Auger, député unioniste de Lac-Saint-Jean depuis 1948, remet sa démission, le 15 juillet 1959, pour aller siéger à la Chambre haute.
Lorsque Sauvé devient premier ministre, trois circonscriptions sont vacantes : celles de Labelle, Lac-Saint-Jean et Trois-Rivières. Tel qu’il avait été prévu sous son prédécesseur, deux élections partielles se tiennent le 16 septembre, l’une dans Labelle, l’autre dans Lac-Saint-Jean. Fernand-Joseph Lafontaine et Paul Levasseur, tous deux de l’Union nationale, l’emportent haut la main33. Par respect pour la mémoire de son chef, Sauvé n’émet pas de bref d’élection pour la tenue d’une élection partielle dans Trois-Rivières, qui reste vacant jusqu’à la tenue des élections générales34.
Au Cabinet, Sauvé témoigne du même penchant que Duplessis pour la stabilité35. Lors de son assermentation, il introduit seulement deux nouveaux personnages au Conseil des ministres : Maurice Bellemare et Jacques Miquelon, à titre de ministre d’État. Antoine Rivard, quant à lui, est promu procureur général, titre que s’était toujours réservé Duplessis. Rivard cumulait déjà les postes de solliciteur général et de ministre des Transports et des Communications, l’un depuis le 12 avril 1950, l’autre depuis le 30 juin 1954. Il n’a toutefois pas l’occasion de porter ces trois chapeaux36. Sauvé le déleste de celui de solliciteur général lors de son assermentation, le 11 septembre, pour mieux en coiffer Miquelon, le 4 novembre.
Au Conseil législatif, Jean-Louis Baribeau préside les séances depuis sa nomination comme Orateur de la Chambre haute, le 1er février 1950. Au terme de la session 1957-1958, trois divisions sur les 24 sont inoccupées : celles de Kennebec, de Bedford et de Lauzon, toutes trois pour cause de décès37. Les 13 conseillers issus de l’Union nationale font alors face aux huit du Parti libéral. Le 8 avril 1959, Ernest Benoît gonfle d’autant les rangs de l’Union nationale en devenant conseiller de la division de Kennebec. Le 30 septembre, Gérald Martineau démissionne de la division des Laurentides pour être nommé le jour même à celle de Lauzon. Auger prend sa place dans les Laurentides. Seule la division de Bedford reste à combler38. Et, depuis 1948, Pierre Gelly est le huissier de la verge noire, dernier du titre dans la province de Québec.
À l’ouverture des Chambres, le 18 novembre 1959, les 93 circonscriptions sont représentées, à l’exception de Trois-Rivières. La répartition des sièges se lit comme suit : 72 pour l’Union nationale, 17 pour le Parti libéral, et trois indépendants. Orateur de l’Assemblée législative depuis le 15 décembre 1955, Maurice Tellier s’acquitte une fois de plus de cette tâche, secondé par Germain Caron, nommé Orateur suppléant le 4 décembre 1958.
À la mort subite et inattendue de Sauvé, le 2 janvier 1960, le portrait à l’Assemblée législative et au Cabinet en est sensiblement modifié. Antonio Barrette, député de Joliette, devient le 18e premier ministre du Québec, le 8 janvier 1960. De ce fait, la circonscription de Deux-Montagnes est laissée vacante, les ministériels comptant 71 députés. Au Conseil des ministres, deux ministères sont à combler, ceux du Bien-être social et de la Jeunesse, que Sauvé avait occupés sans interruption depuis leur création, le 18 septembre 194639. Ces deux ministères reviennent à Jean-Jacques Bertrand, lui qui était ministre des Terres et Forêts dans les cabinets Duplessis et Sauvé depuis le 30 avril 1958. La chaise musicale se poursuit et s’arrête avec Miquelon, nouveau ministre des Terres et Forêts. Il abandonne par le fait même le poste de solliciteur général, qui reste vacant jusqu’à la nomination de Claude Wagner, le 31 août 1964, dans le gouvernement Lesage. Maurice Custeau et Armand Maltais font également leur entrée au Cabinet, en tant que ministres d’État. Sinon, tous les autres membres du Cabinet sous Sauvé et Barrette ont été nommés et affectés à leur titre par Duplessis, sans exception40.
Paul Sauvé, le dauphin couronné
Lorsque Sauvé accepte officiellement, le 10 septembre, de succéder à Duplessis à la tête du gouvernement québécois, on peut affirmer sans se tromper que toute sa carrière, que toute sa vie le préparait à assumer ces plus hautes fonctions. Fils d’Arthur Sauvé – journaliste de profession et chef du Parti conservateur du Québec de 1916 à 192941 –, dès son plus jeune âge il baigne dans la vie politique. Chez son père, il côtoie les ténors du parti, tant au fédéral qu’au provincial, tels que Camillien Houde, Onésime Gagnon et surtout Maurice Duplessis. Des liens d’amitié et d’estime se tissent rapidement entre les Sauvé père et fils et le jeune député de Trois-Rivières.
À 23 ans, Sauvé succède à son père dans le comté de Deux-Montagnes, lors d’une élection partielle tenue en 1930. En 1936, lorsque l’Union nationale prend le pouvoir, il devient Orateur de la Chambre basse à 29 ans, le plus jeune à accéder à ce poste depuis la Confédération.
Durant la Seconde Guerre mondiale, bien qu’étant un ardent opposant de la conscription, Sauvé s’engage dans l’armée. Il dirige un régiment de Canadiens français au nombre desquels se trouve Fernand Dostie, un ami qui deviendra plus tard son chef de cabinet. À son retour du front, en 1945, toujours député de Deux-Montagnes42, Sauvé retrouve Duplessis à l’Assemblée législative et accède au Conseil des ministres l’année suivante, le 14 septembre. Il est titulaire du tout nouveau ministère du Bien-être social et de la Jeunesse.
La relation privilégiée entre les deux hommes les sert réciproquement. D’un côté, Duplessis a confiance en ce jeune homme et en ses talents; de l’autre, Sauvé bénéficie d’une liberté de parole peu commune au sein du Cabinet. Au fait de ses dossiers, c’est lui qui prend la parole lorsque les débats portent sur les affaires qui le concernent, pas un autre, pas même Duplessis43. Pourtant, il était assez courant, voire d’office, que Duplessis interrompe l’un de ses ministres lorsque l’un de ceux-ci laissait tomber certaines paroles qui sonnaient faux à l’oreille du premier ministre44.
Pierre Laporte a su immortaliser cette relation particulière dans une formule-choc, inoubliable, qui a fait époque. Elle lui provient en fait d’un sénateur québécois, qui l’a lancée dans une soirée mondaine, et dont il rappelle les justes mots : " Il y a dans le gouvernement de la province trois sortes de ministres : ceux qui sont assez intimes pour dire Oui, Maurice, ceux qui disent Oui, cheuf… et il y a Paul Sauvé45! » Le mythe de Paul Sauvé venait de trouver là l’une de ses deux assises46.
Orateur de l’Assemblée législative de 1936 à 1939, Sauvé est rompu aux règles et procédures parlementaires, qu’il connaît sur le bout des doigts. La joute parlementaire, dans ses méandres et ses redoutes, n’a plus de secret pour lui. Il est, de l’aveu même de Lapalme, un debater accompli, parmi les plus redoutables de la Chambre basse47.
Sous le feu de l’ennemi en Normandie, Sauvé est devenu un meneur d’hommes aguerri. Il a appris autant à se faire obéir de ses hommes qu’à obéir à ses supérieurs, une métaphore qu’il emploie en Chambre, le 24 novembre 1959, pour justifier sa relation avec son prédécesseur en regard de ses mesures comme premier ministre. Tout comme l’officier Sauvé ne s’est jamais pris pour le commandant en chef, le ministre Sauvé ne s’est jamais pris pour le premier ministre48. L’argument, s’il en convainc certains49, laisse plutôt froid le chef de l’opposition, qui a déjà vu le premier ministre sous un meilleur jour50.
Bien assez tôt, Sauvé assume seul le titre de dauphin51, une position que nul ne conteste, si ce n’est peut-être le jeune député de Bagot, Daniel Johnson, qui aurait eu, un certain temps, de légitimes prétentions52. Celui-ci devra attendre son tour.
La seconde assise du mythe de Paul Sauvé consiste en un mot, un seul, irrémédiablement associé à son souvenir dans la mémoire collective. On pourrait même dire que le mot le résume, le subsume complètement. Il s’agit du célèbre « Désormais… ». Ce mot s’est retrouvé partout. Du slogan électoral53 au sous-titre percutant54 en passant par la politique du même nom55, tout y passe! Il prend même des allures de mysticisme sous la plume du journaliste Cyrille Felteau qui se remémore les cent jours avec un soupçon de nostalgie : « Quelques jours plus tôt, on était encore dans l’ère Duplessiste [sic]; c’était "avant". Demain, ce serait… "désormais". […] De sa bouche, tout naturellement sortaient les paroles que tous avaient soif d’entendre à ce moment-là56. »
« Désormais… » Ce mot est « lourd de sens57 », il « donne le ton58 ». Il s’agit d’un « mot qui en dit long59 » et qui permet à Sauvé de marquer une rupture nette avec son prédécesseur sur nombre de politiques, en faisant preuve d’ouverture60. Pour Jean Hamelin et André Garon, ainsi qu’Yves-Henri Nouailhat, on doit surtout à Sauvé d’avoir amorcé « une véritable opération de déblocage sur le plan administratif et à manifester son désir de rompre avec la politique de son prédécesseur61 ».
De nombreuses réformes, réclamées à grands cris par l’opposition libérale tout au long des années 1950, sont entreprises ou en voie de l’être sous Sauvé62. Parmi ces mesures mises en chantier ou menées à bon terme par le premier ministre, notons le règlement du dossier des subventions fédérales aux universités et la création d’un Hansard. Toutes ces législations ont l’heur de ravir les libéraux et le malheur de voir s’émousser les uns après les autres leurs arguments sur la cote du premier ministre, dont la popularité ne se dément pas.
Pour illustrer ce changement draconien de mentalité, cette bouffée d’air frais pour le dire avec Gérard Filion63, du Devoir, autant laisser la parole à Lapalme, celui-là même qui a croisé le fer avec Sauvé à l’automne 1959 :
De septembre à janvier, Paul Sauvé, débordé, n’utilisa plus dans ses discours qu’un seul mot : désormais. Avec ce vocable, il séparait deux modes de vie politique, deux ères dont la dernière serait trop brève pour porter son nom. Dans le fond, il n’y eut pas de grands accomplissements, mais le seul fait d’agir sans Maurice Duplessis donnait une impression de liberté. André Laurendeau, dans Le Devoir, écrivait que ce qui donnait un air de nouveauté profonde au régime Sauvé, c’était que celui-ci avait décidé de nous faire marcher sur les pieds alors que Duplessis nous avait fait marcher sur la tête64.
Bien d’autres contemporains racontent que Sauvé n’avait que ce mot à la bouche. C’est le cas de Lionel Bertrand, député libéral de Terrebonne entre 1960 et 1964 : « Maintes fois sur les lèvres de Paul Sauvé, souvent harcelé par l’opposition, revient ce mot magique qui met fin à une époque : "DÉSORMAIS...!" "Désormais", tout changera65. » Dès le tout premier caucus du parti, Sauvé aurait même débuté son allocution par un tonitruant « Désormais… », si les souvenirs du député de l’Union nationale dans Compton, Claude Gosselin, sont bons66.
Au juste, quand Sauvé a-t-il lancé ce fameux « Désormais… »? Nul ne saurait le dire, pas même la politologue Denise Bombardier67. Ce qui fait d’ailleurs dire à Gérard Filion que Sauvé, « un bon jour, je ne sais pas en quelles circonstances, […] a dit "désormais", le fameux68… » Seuls Pierre Duchesne69 et Denise Bombardier70 soulignent que le terme est issu des milieux journalistiques, que ce « sont les journalistes qui lui ont collé l’étiquette ».
Nous avons dépouillé les journaux Le Devoir, La Presse, Le Soleil et L’Événement-Journal pour les mois de septembre et octobre 1959 pour tenter de trouver ce fameux « Désormais… ». Nous avons également vérifié les pages de L’Action catholique, du Montreal Star, du Toronto Star, du Montreal Gazette et du Globe and Mail, du 11 au 14 septembre 1959 – soit les premiers jours du régime Sauvé. Jamais avons-nous pu trouver la moindre citation où Sauvé aurait prononcé le vocable. Au contraire, le premier ministre cultive les déclarations où il rappelle son attachement à son prédécesseur.
Par contre, nous avons trouvé des articles qui nous ont permis de comprendre, concrètement, comment la légende s’est formée. L’histoire du « Désormais… » se passe juste avant la première conférence de presse du premier ministre. Aux journalistes assemblés, Sauvé leur assure la collaboration du gouvernement, rompant avec la célèbre « dictée » que Duplessis faisait subir aux courriéristes parlementaires. Rappelant avec émotion que son père avait été journaliste, Sauvé leur dit : « Je réalise pleinement ce que sont vos fonctions, et tout ce que je pourrai faire pour vous faciliter la mission que vous avez de renseigner la population, je le ferai avec plaisir. Soyez assurés que nous tiendrons compte des conditions difficiles dans lesquelles vous êtes obligés de travailler71. » Ça y est! Les journalistes entrent dans une nouvelle ère.
Le 16 septembre, un arrêté ministériel confirme les dires du premier ministre à l’égard des journalistes en nommant Robert Prévost à titre de directeur de l’Office provincial de publicité et chef de l’information :
Qu’il soit désirable et nécessaire que le peuple de la province de Québec reçoive toute l’information qui lui est nécessaire pour se tenir au courant de l’administration de ses affaires et pour apprécier la valeur des actes posés par ses administrateurs;
Qu’à ces fins, il est à proposé de créer un poste de chef de l’information et que le titulaire de ce poste ait pour principales attributions de fournir aux différents services d’information de la presse, de la radio et de la télévision tous les renseignements qui leur sont nécessaires pour renseigner le peuple de la province de Québec72.
Plus tard, dans Le Devoir, en date du 19 octobre, un article relate un discours prononcé par Jean Lesage devant la Fédération libérale du Québec : « Qui donc reconnaît maintenant que M. Duplessis brimait nos libertés? Nul autre que le nouveau chef du vieux régime. Dès le lendemain des obsèques de M. Duplessis, M. Sauvé déclarait que dorénavant les journalistes auraient accès à toutes les informations de l’administration provinciale afin de pouvoir renseigner le public73! » Le mot « dorénavant » est en caractère gras dans cet article.
Le journaliste – et ancien député – André Laurendeau vient compléter le tableau avec un texte qu’il signe dans Le Devoir, le 13 novembre : « M. Sauvé a un tempérament très différent. Il s’est montré jusqu’ici sage et habile. En deux mois, il a complètement modifié le paysage. Ses désormais, ses à l’avenir tombent comme des coups de hache sur ce qui reste de vieux embêtements duplessistes74. » Deux autres articles du Devoir poursuivent sur cette lancée. Lors d’une séance au comité des bills publics, on écrit que « M. Sauvé consulte ses collègues! », ce qui tranche avec la façon de faire de Duplessis. Le Devoir rapporte la chose sous le titre : « Encore un heureux "désormais"… », le 2 décembre 195975. Le 19 décembre, devant la décision de Sauvé de revoir le bill 34, Le Devoir annonce : " Un "désormais" de taille – Le bill 34 : la clause relative à l’énumérateur unique est rayée76! » Ces deux articles illustrent de manière éloquente comment certaines décisions, certains actes de Sauvé ont été perçus comme marquant une rupture nette avec son prédécesseur, auxquels d’aucuns ont apposé le vocable « Désormais… » pour les immortaliser.
En revanche, dans ses discours prononcés à l’Assemblée législative, Sauvé n’aurait laissé échapper ce mot qu’à une seule occasion en tant que premier ministre. Le 14 décembre, en comité plénier sur l’étude du projet de loi de l’autoroute Montréal-Laurentides, le député de Westmount-Saint-Georges, John Richard Hyde, suggère de changer la loi en ce qui concerne la nomination du personnel. À cette occasion, Sauvé use certes dudit vocable, mais, devant l’attitude caustique des oppositionnels, qui le narguent à propos de ses rapports avec son prédécesseur, Sauvé se rebiffe et réplique, cinglant. Il ne permet pas qu’on l’attaque sur ce flanc, quitte à rebrousser chemin et à s’enfermer dans ses positions.
L’honorable M. Sauvé (Deux-Montagnes) […] propose de rapporter le projet et dit qu’il préparera un amendement pourvoyant à ce que ce soit l’Office qui nomme désormais les employés et non le lieutenant-gouverneur en conseil.
M. Hyde (Westmount-Saint-Georges): L’an dernier, lors de l’étude de la loi de l’autoroute, l’opposition a proposé un amendement dans le même sens que celui que veut apporter maintenant le premier ministre.
[…]
M. Hamel (Saint-Maurice): L’ancien premier ministre (M. Duplessis) avait alors déclaré que l’amendement de l’opposition n’avait pas de bon sens.
L’honorable M. Sauvé (Deux-Montagnes): J’ai assez de respect pour sa mémoire pour penser maintenant que, s’il a dit ça, c’est qu’il avait raison. Aucun amendement ne sera apporté. On laisse tout cela comme c’est. Êtes-vous contents?
Jamais Sauvé ne renie l’œuvre de son prédécesseur. Nous devons d’ailleurs au politologue Dale C. Thompson la meilleure formule pour résumer succinctement la politique de Sauvé lors des cent jours, et ce, plus encore que le « Désormais… « : « D’évidence, il avait trouvé moyen d’offrir aux Québécois à la fois réforme et continuité77. »
Jean Pelletier, attaché de presse de Sauvé, raconte que celui-ci avait pour habitude de dire : « Le même but, mais pas les mêmes moyens78. » En Chambre, il tient le même discours : « La voix de la province peut avoir changé et son ton peut avoir changé, mais la province de Québec n’a pas changé. C’est probablement le seul domaine où notre politique a été la plus constante. Nous poursuivons simplement le travail entrepris par feu l’honorable Maurice Duplessis. » (24 novembre 1959)
Le ministre Antoine Rivard se fait l’écho des paroles de son chef : « Comme le premier ministre lui-même l’a dit à la conférence d’Ottawa, la voix a changé. L’accent aussi a peut-être changé. Mais une chose demeure la même : la pensée de l’Union nationale et de Maurice Duplessis, que le nouveau premier ministre continue de maintenir avec tant de vigueur et de succès. » (30 novembre 1959) Quelques changements de forme sont admis, mais le fond, lui, reste le même79.
Les libéraux font de la bile. Jean Lesage est persuadé80, tout comme certains ténors libéraux81, que l’Union nationale avec Sauvé balaiera le Parti libéral lors des prochaines élections. L’humilité de Lesage est d’autant plus méritoire qu’il fait cette concession en 1978. Intimement persuadé de sa victoire prochaine, et du fait que Lesage mordra la poussière, voire qu’il ne sera jamais élu à l’Assemblée législative, Sauvé trouve néanmoins lieu de s’inquiéter. Ayant eu vent des rumeurs selon lesquelles Lapalme songe à ne pas se représenter, il s’enquiert de ses intentions et lui fait part de son malaise à ce sujet :
Si vous ne revenez pas, je me demande bien qui sera le chef de l’opposition après l’élection. Jean Lesage ne trouve pas de comté. S’il va dans Bellechasse, nous le battrons. Personne dans la province ne croit qu’il peut me vaincre. J’ai la cote d’amour. Je ne me vante pas en affirmant que je tiens la province dans ma main. Vous devriez rester, il y aura du travail à faire en Chambre82.
Sauvé craint de se retrouver devant une opposition affaiblie, voire décapitée, qui serait dès lors dans l’incapacité d’accomplir le travail parlementaire qu’est le sien. Il cherche donc à s’assurer que Lapalme, qu’il tient visiblement en haute estime, restera en selle. Voilà un homme dont la contribution en Chambre est significative, et dont la Chambre basse ne saurait se passer, pense-t-il.
Au pas de course, le premier ministre Sauvé abat de la besogne et se met au boulot. La liste des projets entamés par son gouvernement est impressionnante. Il aurait même planifié, au dire de son chef de cabinet, Fernand Dostie83, une saignée du caucus afin d’en purger le mauvais sang : 23 députés et sept ministres, dont Antoine Rivard et Daniel Johnson, auraient même été dans sa mire84. Fait à noter, Antonio Barrette est le seul à avoir rendu publique son intention de ne pas se présenter aux élections prochaines85.
Le 18 décembre, lorsque Sauvé s’adresse aux députés, tout juste avant l’ajournement de la session pour les Fêtes, on peut dire que le repos annoncé est bel et bien mérité.
L’honorable M. Sauvé (Deux-Montagnes) remercie tous les membres de la Chambre basse pour le travail ardu accompli dans la première partie de la session de 1959-1960. Nous partons tous l’âme sereine, dit-il. À tous les députés, à leur famille, j’offre les meilleurs vœux du premier ministre et des membres du Conseil exécutif. À tous, je souhaite la paix, du bonheur, de la santé et la réalisation des désirs les plus chers.
Telles sont les dernières paroles que Sauvé prononce en Chambre. Le dimanche 2 janvier, il subit chez lui, à Saint-Eustache, à deux heures du matin, une crise cardiaque qui lui est fatale. La nouvelle terrasse la province. Le trépas soudain de Sauvé, à 52 ans, fut un véritable soufflet pour le début de la nouvelle année. Tout comme aux funérailles de Duplessis, les avis sont unanimes sur le départ de ce premier ministre, parti trop vite. « Ceux qui l’ont vu au cours des quatre derniers mois plonger tête baissée vers l’avenir trouvent incroyable de le voir s’arrêter brusquement, laisser là des douzaines de dossiers qu’il avait ouverts ou réouverts depuis qu’il était le premier ministre du Québec », d’écrire Pierre Laporte, dans les pages du Devoir86.
Denise Bombardier y va, pour sa part, d’un commentaire éclairant : « Durant quatre mois, le citoyen québécois n’aura lu sur Sauvé que des éloges, n’aura vu à la télévision que des images favorables et n’aura entendu à la radio que des propos "qui sont une bouffée d’air frais", dira Lévesque dans un commentaire87. » En fait, la lune de miel de Sauvé avec la province n’a jamais pris fin, quoi qu’en dise Lapalme88. Les journalistes et chroniqueurs du temps continuent de faire pleuvoir sur le gouvernement Sauvé des gerbes de fleurs, comme le rappelle l’un d’entre eux : « Nous regardions avec intérêt tout ce remue-ménage dans la politique québécoise. Nous laissions au gouvernement le temps d’agir et nous nous donnions, à nous, le temps de réfléchir, d’analyser ce qui se passait. Nous en étions encore à nous demander si nous ne rêvions pas lorsque la mort vint frapper le premier ministre89. » Son décès tragique constitue la touche finale, le ciment qui permettra de figer le souvenir, le mythe de Paul Sauvé dans la mémoire collective.
Sauvé a droit à des obsèques nationales90 célébrées par Mgr Paul-Émile Léger, le 5 janvier. Sous les regards des citoyens secoués, la classe politique québécoise et canadienne vient se recueillir devant la dépouille de celui qui a su répondre aux attentes, des plus élevées dans son cas. Déjà, parmi l’assistance de l’église de Saint-Eustache91, une question se fraie un chemin, lézardant sur son passage la fragile unité de l’Union nationale, mise à mal par les derniers événements et que Sauvé avait réussi à maintenir avec fermeté et doigté durant les cent jours. Qui lui succédera? Au décès de Duplessis, le choix de Sauvé s’est imposé rapidement et a fait l’unanimité. Quatre mois plus tard, le même cirque se répète, au risque d’entraîner dans sa foulée l’Union nationale dans les dédales de la vie politique.
Antonio Barrette à la tête du gouvernement
Au lendemain du décès de Duplessis, seule la personnalité forte de Sauvé avait empêché que l’Union nationale ne succombe à de sempiternelles luttes intestines. Dans les premiers jours de l’année 1960, il appert cette fois que la succession ne se fera pas aussi aisément92.
Les tractations pour trouver un nouveau chef se déroulent d’abord chez Paul Dozois, ministre des Affaires municipales93, puis chez Antonio Barrette, ministre du Travail94. Au sein du Cabinet, différents noms sont pressentis tandis que d’autres – nommément Daniel Johnson95 – cherchent à mousser leur candidature. Yves Prévost, secrétaire de la province, apparaît comme le choix privilégié96. Intelligent, capable, compétent, il inspire le respect des deux côtés de la Chambre. Pour des raisons de santé, il décline toutefois l’offre qui lui est faite97. Antoine Rivard et Antonio Talbot sont également sollicités, en regard de leur expérience parlementaire et de leur prestance au sein du parti, mais ils déclinent l’invitation chacun à leur tour98.
Les ténors de l’Union nationale sont dans une impasse, faute de candidats sérieux et valables pour assurer la succession. C’est dans ces circonstances que la candidature de Barrette commence à circuler parmi les ministres rassemblés en conciliabule chez leur collègue des Affaires municipales. Et Barrette, lui? Ne pourrait-il pas faire l’affaire? Ne pourrait-il pas assumer l’intérim? D’emblée, Barrette avait coupé net aux spéculations en affirmant qu’il n’était nullement intéressé par le poste, et qu’il ne nourrissait aucune ambition de la sorte99.
Devant le désistement systématique des autres candidats en lice, certains reviennent à la charge et redoublent d’ardeur pour convaincre Barrette qui apparaît d’heure en heure comme le choix du compromis100. Barrette se fait désirer101. Discret, tandis que Johnson livre un combat acharné pour promouvoir sa candidature, Barrette préfère des tractations à mi-voix, seul à seul. Alors que ses collègues se font de plus en plus pressants, il finit par accepter de bonne grâce et énonce ses conditions : « Que le sondage sur mon nom se révèle positif et que les ministres et les députés approuvent ma candidature à l’unanimité102. »
Or, le choix de Barrette est loin de faire l’unanimité au sein même du Conseil des ministres103. Tous se souviennent de sa défaveur auprès de Duplessis qui n’aurait guère apprécié les pratiques de patronage du ministre du Travail dans son comté, en particulier en ce qui concerne le sanatorium de Joliette, alors en construction104. La disgrâce de Barrette est consommée lorsque celui-ci se voit refuser l’accès à la Chambre pour l’ensemble des 2e et 3e sessions de la 25e Législature, en 1957-1958 et en 1958-1959. Selon Jean Lesage, cette disgrâce a même servi, bien malgré lui, le principal intéressé :
Et on pensait au « désormais », on pensait qu’il fallait quand même essayer de continuer dans la ligne de Sauvé, de capitaliser, parce que définitivement le « désormais » était populaire. Alors, comme M. Barrette avait été en rupture de ban depuis des années avec M. Duplessis, il cadrait bien dans le renouveau de l’Union nationale. Et, on pensait que vis-à-vis de la population, on continuerait de bien marquer la césure qui s’était faite entre l’ancien et le nouveau avec le « désormais » de M. Sauvé105.
Les plus réfractaires à la nomination de Barrette font partie de l’ancienne garde rapprochée de Duplessis, ses fidèles parmi les plus fidèles. Il s’agit de Gérald Martineau et de Joseph-Damase Bégin, ministre de la Colonisation mais surtout organisateur provincial de l’Union nationale, qui souhaitent sa perte. Ensemble, ils disposent de la caisse et de la machine électorales, ces deux gages des victoires unionistes des 15 dernières années. En temps voulu, elles feront toutes deux défaut à Barrette106.
C’est une chose de rallier le Cabinet derrière un homme. C’en est une autre de rallier le caucus. Barrette ne fait pas l’unanimité au sein de la députation, loin s’en faut. Le mandat d’obtenir leur approbation incombe à Maurice Bellemare qui ne passe pas par quatre chemins. Sa stratégie est des plus simples : elle consiste à mettre les députés devant le fait accompli : « Le médecin d’Yves Prévost lui interdit d’accepter le poste de premier ministre. Les ministres se sont entendus sur le nom de Barrette. Tout le monde est d’accord107! » Une stratégie qui ne sera pas couronnée de succès. Le député de L’Islet, Fernand Lizotte, claque la porte dans un tollé public qui fait grand bruit dont se serait bien passée l’Union nationale, grandement fragilisée108. Au terme de l’exercice, Barrette est choisi chef de l’Union nationale, le 7 janvier 1960. Le lendemain a lieu son assermentation comme 18e premier ministre de la province de Québec.
En tant que premier ministre, les qualificatifs ne manquent pas en ce qui concerne Barrette. Ou plutôt, en ce qui ne le concerne pas. À ce titre, les auteurs ont rivalisé d’imagination et d’ingéniosité. Barrette serait ainsi particulièrement handicapé vis-à-vis ses illustres prédécesseurs dont il n’a ni la « trempe109 », ni le « panache110 », ni « l’envergure111 », ni « l’ascendant112 », ni le flair politique, ni le « skill in manoeuvring113 », ni la « stature114 », ni le « leadership », ni le « charisme mobilisateur115 ». Pour Gilles Gariépy, il « chaussait des bottes trop grandes pour lui116 ». Barrette, un « homme sans élan » pour reprendre l’expression de Susan Mann Trofimenkoff117, est écrasé par le souvenir de ses prédécesseurs pour le dire avec Lapalme118.
L’inimitié entre Lapalme et Barrette est bien connue119. On peut affirmer que les deux hommes s’exécraient copieusement120. Pour Lapalme, c’est d’autant plus surprenant, car il est reconnu comme un politicien calme, posé et qui conserve toujours son sang-froid121; sauf lorsqu’il est question de son adversaire de Joliette. Appelé en entrevue, quelques années plus tard, à revenir sur Barrette, Lapalme n’en est que plus cinglant encore :
[Barrette] écrit qu’avant de démissionner, il avait des choses fantastiques à présenter et que si elles avaient été acceptées, l’Union nationale aurait balayé la province. Bien, c’était quoi? C’était de promettre des égouts à toutes les municipalités de la province de Québec; c’est ça qui est écrit en toutes lettres dans ses mémoires.
Barrette ne comprenait absolument rien à ce qui se passait. D’ailleurs, il n’avait pas l’envergure pour être premier ministre. En Chambre, quand il avait un argument à invoquer devant une objection, il se levait et disait : « M. l’Orateur, je suis le premier ministre de la province de Québec. » C’était l’argument, ça. Il passait absolument à côté122.
C’est un tout autre portrait que Gérard Filion brosse de Barrette, un ami personnel :
C’était un homme chaleureux, très gentil, très aimable, compréhensif, pas fanatique pour deux sous. Il avait un bon sens de l’humour; je me rappelle qu’on pouvait blaguer sur l’Union nationale, sur M. Duplessis, et ça ne le faisait pas pincer le bec pour deux sous. D’un autre côté, c’était un bonhomme qui était assez limité dans ses moyens intellectuels, qui n’avait aucune préparation économique, aucune préparation juridique : par conséquent, la fonction de diriger un gouvernement ou un parti dépassait ses capacités123.
Comme premier ministre, Barrette suit la voie tracée par Sauvé124. Il poursuit les affaires laissées ouvertes par son prédécesseur et s’illustre à l’occasion du règlement du dossier des subventions fédérales aux universités québécoises125, que d’aucuns attribuent à tort à Sauvé26. Il se réclame aussi de Duplessis dont il n’hésite pas à rappeler le souvenir en Chambre. Le 15 mars 1960, alors que la session tire à sa fin, Barrette énonce clairement les priorités de son gouvernement – en éducation et dans la lutte au chômage – sans néanmoins se réclamer du souvenir de ses prédécesseurs comme il avait pourtant l’habitude de le faire.
Au-delà des qualités et défauts de Barrette, de ses torts et travers, de son ambition démesurée ou de sa fausse modestie, un fait demeure : rien ne le préparait dans son parcours à assumer la charge de premier ministre. Surtout pas dans les délais qui furent les siens. Au terme d’une âpre course à la succession, rappelons que ce n’est que le 7 janvier qu’il est désigné chef de l’Union nationale et premier ministre de la province, le lendemain. La session est censée reprendre ses activités normales le 11, soit à peine trois jours plus tard. « Sauvé avait ajourné la session au 11 janvier. J’étais son successeur. Je me faisais un point d’honneur de siéger à la date qu’il avait désignée », d’écrire le député de Joliette dans ses mémoires127.
Tandis que son prédécesseur avait été officier de l’armée, Orateur de la Chambre et avocat, toutes des fonctions qui l’ont préparé d’une façon ou d’une autre à assumer la charge de premier ministre, Barrette est un fils d’ouvrier, un self-made man. Le fait qu’il n’ait aucun diplôme universitaire est une lettre écarlate à son dossier, un fait qui suscite chez lui un profond complexe d’infériorité128. Aussi s’enorgueillit-il d’avoir reçu des doctorats honorifiques d’universités québécoises. Il se plaît à rappeler à tous, partisans comme adversaires, ces honneurs qui lui ont été faits : « Lorsque, tout à l’heure, j’ai exprimé mon regret de n’être pas passé par l’université, quelqu’un a remarqué que l’on a eu la délicatesse de me décerner à moi quelques diplômes honoris causa. » (29 janvier 1960)
Pris au dépourvu, mal préparé, au prix d’efforts herculéens, il souquera ferme jusqu’à la fin de la session pour mener à bon port la barque du gouvernement unioniste, qui navigue alors dans les eaux les plus agitées qu’elle ait connues depuis le premier mandat de Duplessis. L’entrée en Chambre du premier ministre Barrette se fait dans la turbulence. La veille, le 10 janvier, Martineau laisse le navire et se rend en Floride, ne manquant pas d’indiquer avant son départ que Barrette n’est nullement son chef, et qu’il ne le reconnaît pas comme tel129.
Le lendemain, le ministre du Travail n’est pas au bout de ses peines. Selon Lapalme, il commet une faute qui lui sera fatale. Une faute dont s’était également rendu coupable Adélard Godbout, en 1939. Il décide de ne pas présider les comités des bills privés et des bills publics, y déléguant respectivement Talbot et Rivard. Cette décision est pourtant accueillie favorablement, au départ, par Denys Paré, du Soleil, qui salue la décision de Barrette de ne pas se tuer à la tâche comme l’ont fait ses prédécesseurs avant lui130 . Lapalme ajoute :
Ignorant le pullulement des requêtes, des prières et des suppliques, restant loin des représentations verbales ou des luttes que se livraient des intérêts privés, [Barrette] perdait pied quand les échos en parvenaient à la Chambre. J’ai vu, à deux ou trois reprises, Antonio Barrette incapable de dire un mot au sujet d’un bill privé rebondissant à la Chambre. Il était perdu dans la discussion, un autre prenait sa place131.
En Chambre, probablement pour masquer la maîtrise défaillante des dossiers qui lui échoient, Barrette adopte un ton goguenard, hautain vis-à-vis des députés de l’opposition. Il ne faudrait pas pour autant commettre l’erreur d’exagérer l’incompétence de Barrette en Chambre. Bellemare relate un échange qui s’est tenu à la Chambre basse entre Barrette et Lapalme, que reprend Pierre Godin132, tout au désavantage du premier ministre :
« Est-ce que le premier ministre a pensé aussi d’amender la loi des faillites? » Alors, le premier ministre dit : « Oui, on a pensé sérieusement à amender la loi des faillites, parce que c’est absolument nécessaire dans les temps que nous traversons de voir à régler ce problème-là » - « Le premier ministre est bien sûr? » - « Certainement! » - « Eh bien! J’apprendrai au premier ministre que la loi des faillites est une loi fédérale. » Alors, je n’ai pas besoin de vous dire comment le député de Joliette s’est assis un peu décontenancé133…
Quoi qu’en dise Bellemare, on ne retrouve nulle part cet échange dans les comptes rendus réalisés par les membres de la Tribune de la presse. Nous avons plutôt cette remarque de Barrette, précise et concise, à propos d’une motion de Glendon Pettes Brown, député de Brome, qui « déclare que le gouvernement n’a rien à faire avec l’objet de cette motion et que la loi de faillite est sous la juridiction du fédéral ». (9 mars 1960)
Le 22 février 1960, à l’occasion d’un échange sur le budget, Barrette témoigne du peu de cas qu’il fait du rôle de l’opposition en Chambre, ce qui était tout le contraire de Sauvé.
M. Hyde (Westmount-Saint-Georges): […] Je dirai au premier ministre...
L’honorable M. Barrette (Joliette): Le député a-t-il une question à me poser?
M. Hyde (Westmount-Saint-Georges): Pas du tout... j’ai des conseils à donner au premier ministre.
L’honorable M. Barrette (Joliette): Le premier ministre n’a pas de conseils à recevoir d’un personnage comme le député de Westmount (M. Hyde).
Alors que les ministériels avaient été revigorés par le leadership de Sauvé, tout confiants qu’ils étaient en leurs moyens, on les sent plus nerveux, sur la défensive sous la coupe de Barrette. Les libéraux se sont eux-mêmes ajustés. Ils ont bien senti que Barrette montrait moins d’assurance que Sauvé. Dès la séance du 12 janvier 1960, les fauves sont lâchés sur la personne même du premier ministre. Comme l’a dit Dale C. Thompson, les libéraux n’ont pas laissé la moindre chance au nouveau venu de faire ses preuves134. Le ton est donné, le reste de la session se déroulera sous le signe de la confrontation tous azimuts.
Jean Lesage s’engage
Depuis le confort du Club de réforme de Québec135, Lesage suit d’un œil attentif les débats qui se tiennent à l’Assemblée législative en son absence. Élu chef du Parti libéral du Québec, le 31 mai 1958, au terme du congrès au leadership où il avait eu raison de Paul Gérin-Lajoie et de René Hamel136, Lesage décide de ne pas briguer un siège lors des élections partielles. Il préfère attendre son tour et fourbit patiemment ses armes dans l’attente des prochaines élections générales. Non pas que l’envie d’en découdre avec Duplessis ne se fasse pas sentir. Il préfère l’affronter dans les conditions propices, sur le terrain qu’il jugera approprié.
Le décès de Duplessis et l’assermentation de Sauvé contrecarrent ses projets. Lesage se lançait en politique afin de défaire un vieux gouvernement, assailli de toutes parts par la corruption, véritable gangrène en son sein. La présence d’un nouveau chef plus jeune, dynamique, au ton avenant, change considérablement la donne. Sans tarder, Lesage monte à l’offensive. Fin septembre, il trouve son angle d’attaque. Il s’en prend à Sauvé, « nouveau chef du régime vieilli et corrompu137 », idée-force que d’autres, tel le député de Rouyn-Noranda, Edgar Turpin, reprennent en Chambre : « Non seulement il est nécessaire de repenser la politique agricole et la colonisation, comme l’a admis enfin le nouveau chef du vieux régime… » (30 novembre 1959)
Le chef libéral ne concentre pas son tir que sur la personne du premier ministre. Il s’en prend également à d’autres figures de l’administration Sauvé, considérées comme étant des maillons faibles dans les circonstances. Le 28 septembre, Lesage réclame une enquête sur le scandale de la Corporation du gaz naturel, afin de faire rejaillir l’odieux sur Sauvé; il demande aussi la démission immédiate des ministres Camille Pouliot et Joseph-Damase Bégin, impliqués dans des scandales de népotisme; il espère enfin le retour de la politique d’appel des soumissions publiques pour tout contrat gouvernemental, pratique abandonnée sous Duplessis.
Lesage ne dérougit pas. Or, ce que Lesage réclame, Sauvé commence à l’appliquer. Ce à quoi le chef libéral réplique : « L’Union nationale renie M. Duplessis, mais elle demeure fidèle au duplessisme138. » Le 30 septembre paraît Lesage s’engage, libéralisme québécois d’aujourd’hui, un essai où il explique son parcours de la scène fédérale à la scène provinciale139.
Malgré les efforts soutenus de Lesage, rien n’y fait. Sauvé ne faillit point à la tâche, et l’avenir semble bien sombre pour le chef libéral. La situation aurait été si mauvaise au sein des rangs libéraux qu’une cabale, dirigée par le père Georges-Henri Lévesque, aurait tenté de le déposer à la fin de 1959, tant il était devenu apparent qu’avec lui point de victoire n’était possible140.
Le 2 janvier, l’impossible se produit : Sauvé meurt. On sait d’office que son successeur sera d’un autre bois, c’est-à-dire un adversaire d’autant moins redoutable. Le choix de Barrette, le 7 janvier, a de quoi réjouir l’establishment libéral, et Lesage en particulier.
S’il est possible que l’éloignement entre Barrette et Duplessis, dans les dernières années de la vie de ce dernier, ait contribué de quelque manière que ce soit à la nomination de Barrette, Lesage s’applique à mettre à bas cette idée avant qu’elle germe dans l’esprit des électeurs de la province. Le 12 janvier, en conférence de presse, Lesage traite le premier ministre de « conservateur de vieille souche », évoquant au passage son appui sans équivoque au colonel George Drew, abhorré des Canadiens français141, lors de la campagne électorale fédérale de 1949142, et rappelle son implication dans le scandale de la Corporation du gaz naturel143.
Tel est le message que Lesage veut faire passer auprès de l’électorat : Barrette, c’est « l’homme d’Ottawa, de la police provinciale et du gaz naturel144 ». Dès lors, ce n’est plus qu’une question de temps avant que sorte le slogan qui fera fureur lors de la campagne électorale : C’est le temps que ça change145.
Georges-Émile Lapalme : enfin, la lumière au bout du tunnel!
Lapalme rapporte dans ses mémoires un mot que Duplessis eut à son endroit : « Pendant une conférence de presse un journaliste lui avait posé cette question : "Que pensez-vous de Lapalme?" - "Lequel? Le caricaturiste ou la caricature146?" », faisant référence au populaire caricaturiste de l’époque, Robert La Palme.
Du 18 novembre 1953 au 5 mars 1959, Lapalme a affronté Duplessis à l’Assemblée législative à titre de chef de l’opposition. Durant plus de six ans, il essuie les foudres du premier ministre, au sommet de sa forme, qui se joue de lui, le raille avec la complicité complaisante de l’Orateur – Alexandre Taché dans un premier temps, Maurice Tellier dans un second – qui, décision sur décision, donne raison aux ministériels. La lutte entre les deux hommes remonte à plus loin encore : au 20 mai 1950 plus précisément, alors que Lapalme avait remplacé George Carlyle Marler à la tête du Parti libéral du Québec.
Même après avoir cédé sa place à Lesage, à l’issue du congrès de mai 1958, Lapalme se présente à l’Assemblée législative, le 19 novembre 1958, à l’ouverture de la session. De bonne grâce, il se plie de nouveau à la musique parlementaire telle que dirigée par Duplessis. Au printemps 1959, Lapalme est excédé plus que jamais – à ce moment147 – de la chose politique. La fatigue pèse lourd sur ses épaules. Le 26 février 1960, il lance en Chambre : « Quant à moi, j’ai une position en or pour parler de la chose. Je n’attends plus rien de la politique. Politiquement, je m’en fous, mais éducationnellement [sic], je ne m’en fous pas. »
Le décès de Duplessis change tout. À l’ouverture de la session, le 18 novembre 1959, il a devant lui non pas le député de Trois-Rivières, quelque peu retors et l’œil malicieux, mais le député de Deux-Montagnes, un debater des plus respectueux des règles parlementaires. Le contraste entre les deux façons de faire est saisissant et a profondément marqué Lapalme148. Selon Lionel Bertrand, Sauvé « est avec l’opposition d’une courtoisie désarmante, ce qui fait tellement contraste avec Duplessis. Il se rend de bonne grâce à ses demandes et accepte ses suggestions; s’y oppose-t-il, il le fait avec une gentilhommerie qui désarme davantage149 ».
Si le ton est assurément à la collaboration des deux côtés de la Chambre, à l’automne, c’est tout le contraire qui survient lorsque les Chambres sont de nouveau réunies le 11 janvier 1960, au retour des Fêtes. Lapalme se retrouve face à un nouvel adversaire en la personne du premier ministre Barrette.
Après avoir rongé son frein en silence durant tant d’années150, Lapalme ouvre les vannes face à son vis-à-vis de Joliette. L’inimitié personnelle entre les deux hommes entre en ligne de compte : il le considère à ce point terne qu’il en vient à regretter le temps « où Duplessis nous assommait de sophismes et tentait chaque jour de nous terroriser151 ». Lapalme comprend que la droite est désarçonnée. Aussi est-il hors de question pour les libéraux de fournir la moindre occasion au gouvernement de faire ses preuves, de laisser la chance au coureur pour y aller d’une expression un tant soit peu familière.
Parallèlement à ses activités en Chambre, Lapalme doit également composer avec un chef, Lesage, avec lequel les relations ne sont pas toujours cordiales, comme le rapporte Dale C. Thompson :
Leurs rencontres […] étaient souvent marquées d’amères altercations et Lesage finissait par battre en retraire, pleurant d’impuissance. Lorsque ses nerfs étaient ainsi à bout, il inclinait davantage vers les excès de boisson. Lors de la réunion de la fédération libérale en novembre 1959, des aides prévinrent Lapalme que le chef souffrait, dirent-ils euphémiquement, de la grippe et qu’il lui demandait de prendre la parole à sa place. « Qu’il se dégrise », répondit Lapalme152.
Malgré leurs différends, les deux hommes mènent les troupes libérales au combat. Comme nous l’avons vu, Lesage y va d’attaques nourries contre le gouvernement, tant celui de Sauvé que de Barrette, rapportées par les médias, tandis que Lapalme tient le fort en Chambre et planche au programme du parti. Ce programme, publié à titre posthume en 1988153, est tout entier rédigé de la main de Lapalme : dans celui-ci, il annonce les idées-forces de la Révolution tranquille que sont l’étatisation, le nationalisme et la rationalisation. Selon l’historien Robert Comeau, Lapalme a su :
associer réformisme social et développement de l’autonomie québécoise. […] On y trouve ces idées audacieuses qui ont permis au PLQ d’être, à l’époque, ce réservoir de projets spectaculaires à l’origine de la modernisation du Québec. Lapalme, attentif aux débats en cours depuis le début des années 1950, a réussi à produire un programme de gouvernement qui présentait une vision articulée du travail à réaliser et qui suscita l’adhésion d’une majorité de Québécois. C’était un véritable projet de société, qui allait inspirer les gouvernements du Québec pendant 25 ans154.
Ce travail de pionner lui vaut d’ailleurs d’être considéré par d’aucuns comme le précurseur de la Révolution tranquille155. Plus spécifiquement, son attention au cours de la session se focalise autour du fait français156, de l’industrie touristique et des ressources naturelles, trois enjeux qui lui tiennent à cœur et qui ne le quitteront pas lorsqu’il deviendra ministériel, à l’issue des élections du 22 juin 1960. Dans Le vent de l’oubli, Lapalme s’étend longuement sur la question du fait français, qui continue de faire vibrer son âme au diapason de son engagement politique alors qu’il rédige ses mémoires157.
Sur les ressources naturelles, sujet sur lequel son inspiration ne tarit jamais, il insiste sur ce que devrait être le rôle de l’État en ce domaine. À ses détracteurs qui l’accusent de pencher en faveur de la nationalisation, il répond qu’il ne s’en fait ni l’ardent promoteur ni le preux défenseur : « Ce que j’ai demandé, c’est que l’État intervienne et qu’il y aille de sa garantie. Cela ne signifie pas de la nationalisation. » (15 janvier 1960)
Si Lapalme occupe toujours le devant de la scène en Chambre du côté des oppositionnels, il doit néanmoins composer avec un « conseiller en matière de stratégie » particulièrement bouillant158, un ancien rival aux plus hautes ambitions, René Hamel. Ce qui fait d’ailleurs dire aux ministériels que les libéraux ont trois chefs, au grand déplaisir de Lapalme.
René Hamel, la stratégie d’attaque
Partisan et membre du Bloc populaire dans les années 1940, Hamel est par la suite député de Saint-Maurice-Laflèche à la Chambre des communes sous cette bannière, de 1945 à 1949. Au sein de cette formation politique, il pourfend de belle manière les libéraux – ce dont les unionistes feront leurs choux gras – avant de se joindre au Parti libéral du Québec, en 1952, dans le comté de Saint-Maurice.
Son talent parlementaire ne fait pas de doute. Lorsque Lapalme doit s’absenter de la Chambre en 1956 et en 1957 pour des raisons de santé, le choix de Hamel s’impose de lui-même pour assurer l’intérim. Sa prestation éveille en lui des ambitions qui le poussent à se porter candidat à la succession de son chef, en 1958. Il est défait par Lesage qui s’assure toutefois ses services. Il sera son « conseiller en matière de stratégie », un poste taillé sur mesure pour lui ; devenant, en somme, le leader parlementaire des libéraux en Chambre, il réduit d’autant le rôle de Lapalme qui reste chef de l’opposition.
Hamel réserve quelques-unes des attaques les plus cinglantes aux ministériels. À l’Assemblée législative, le 29 février 1960, il expose clairement un cas flagrant de patronage :
Alors, comment expliquer la lettre que voici? Elle est signée par M. Hervé Lizotte, ingénieur forestier, […] et concerne une demande faite par M. Gérard Corbin […], appuyé par le conseil municipal du postulant. J’y lis ceci :
« Pour que la gratuité soit accordée sur le permis, il faut de toute nécessité que cette gratuité soit recommandée soit par le député soit par la personne qui le remplace au point de vue patronage. Faites faire une recommandation dans ce sens par M. Soucy de Rivière-du-Loup qui me l’adressera et j’interviendrai auprès de l’honorable ministre. »
Ce qui veut dire : Mettez-vous à genoux devant M. Soucy, le patroneux.
Hamel est l’homme tout désigné lorsque vient le temps de faire sortir de ses gonds ceux d’en face. Sauvé n’y est pas immunisé, bien au contraire. Le 14 décembre, ce dernier perd son sang-froid lorsque Hamel, après avoir insinué qu’il était pratique courante que des fonctionnaires soient payés par le gouvernement pour faire de la « petite politique », refuse de donner des noms.
L’honorable M. Sauvé (Deux-Montagnes): […] Qu’on donne des noms, qu’on apporte des précisions, qu’on dénonce des coupables s’il y en a. Mais il y a une limite à ce procédé malhonnête qu’utilise le député de Saint-Maurice, qui consiste à se promener dans la province et à lancer de la boue à ceux qui consacrent leur vie à la province. Si le député a des accusations à porter, qu’il se lève et qu’il ait donc le courage nécessaire de les porter ici, en Chambre, comme un homme, au lieu de se contenter d’insinuations malhonnêtes et de faire semblant de porter des accusations.
(M. Sauvé est en colère et frappe violemment sur son bureau.)
Un trio d’indépendants : Frank Hanley, Lionel-Alfred Ross et Dave Rochon
Pour conclure le portrait des forces en présence à la Chambre, il faut mentionner les trois indépendants de l’Assemblée législative : Frank Hanley, député de Montréal-Sainte-Anne, Lionel-Alfred Ross, député de Montréal-Verdun, et Dave Rochon, député de Montréal-Saint-Louis. Le premier a toujours été un indépendant, tandis que les deux autres se sont d’abord fait élire sous la bannière libérale, le premier en 1948, le second en 1944. Tous deux furent exclus par Lapalme du caucus, le 20 juin 1957, lui qui signale à demi-mot leur trahison, dans ses mémoires159. Il s’agit d’un trio qui n’ont d’indépendant que le nom, eux qui votent la plupart du temps du côté du gouvernement160, tant et si bien qu’il leur semble bon de rappeler à leurs confrères qu’ils ne sont pas des ministériels, mais bien des « indépendants », ce qui ne manque pas de susciter parfois l’hilarité générale en Chambre. (3 mars 1960)
Le discours du trône
Lorsque les parlementaires se réunissent à l’Assemblée législative, le 18 novembre 1959, pour la lecture du discours du trône, un spectacle empreint de cérémonie, auquel ils sont habitués, les attend. Une centaine de soldats du Royal 22e Régiment sont au garde-à-vous devant le parlement, les canons tonnent. Un élément tranche toutefois avec le passé : une caméra montée en girafe, laquelle retransmet les événements, en direct, à la télévision de Radio-Canada. Six autres caméras sont à l’intérieur, dans la Chambre haute, afin d’immortaliser le tout161.
Le lieutenant-gouverneur Onésime Gagnon quitte le Bois-de-Coulonge accompagné de son épouse, Marie-Cécile-Eulalie Desautels, sur la fin de l’avant-midi. Vêtu de son uniforme de cérémonie tout chamarré d’or, la poitrine recouverte de médailles, une épée d’apparat sertie à son flanc, il passe en revue les troupes avant de pénétrer dans l’enceinte du Parlement. L’y attendent une députation quelque peu nerveuse et des galeries bondées. Lorsqu’il s’assied sur le trône, son épouse prend place à ses côtés, à sa gauche, une première162. Comme le veut la coutume, le premier ministre s’installe à sa droite, debout. Dès les premières lignes, Gagnon rappelle à la mémoire de chacun le souvenir encore présent de Duplessis.
Le discours du trône est chargé. Trente-sept projets de loi sont inscrits au Feuilleton, un record dans les annales parlementaires d’alors, et 24 sont distribués séance tenante aux parlementaires163. Le discours annonce une série de mesures où le gouvernement compte agir, et vite. La priorité est donnée à l’éducation, en particulier aux universités164. Les relations fédérales-provinciales sont également à l’ordre du jour du gouvernement. Pour le sociologue Dorval Brunelle, le discours du trône marque un net « changement d’attitude à l’égard du gouvernement fédéral, où l’"opinion définitive" établie depuis 1954 le cède soudain devant un ton nouveau165 ».
L’Union nationale n’oublie pas ses appuis les plus chers en proposant, comme par le passé, « d’intensifier les mesures susceptibles de contribuer au progrès de la classe rurale », notamment par une augmentation du prêt agricole. La classe ouvrière n’est pas en reste alors que le lieutenant-gouverneur annonce que le gouvernement travaillera « à apporter plus de souplesse aux rouages de la Commission des relations ouvrières ». Mais ce qui retient l’attention, au point de faire la une de trois journaux166, c’est l’ouverture faite à l’assurance-hospitalisation par le gouvernement Sauvé, qui s’avance prudemment dans ce dossier des plus épineux167 :
Aucun principe constitutionnel ne s’oppose à l’institution éventuelle d’un plan d’assurance-hospitalisation, mais en ce domaine comme en bien d’autres, la province de Québec possède des caractéristiques qui lui sont propres; il faudra procéder avec prudence, dans le respect des traditions, en tenant compte de notre système particulier d’hospitalisation. Toute solution hâtive pourrait s’avérer désastreuse.
Cette ouverture du gouvernement en la matière ne fait pas l’unanimité. On lui reproche d’être au mieux timide, au pis, sans avenant véritable. Pour sa part, le politologue Yves Vaillancourt est catégorique : « Au chapitre de la santé, le discours du trône annonçait peu de changements, comme si l’ombre de Duplessis planait encore168… »
Comme il est d’usage, l’honneur de lancer le bal des adresses en réponse au discours du trône revient aux tout nouveaux membres de la Chambre, soit Paul Levasseur, député de Lac-Saint-Jean, et Fernand-Joseph Lafontaine, député de Labelle. Loin de rompre avec la tradition, les benjamins de l’Assemblée législative vantent les mérites du gouvernement de l’Union nationale et rendent un hommage soutenu au premier ministre disparu et à celui qui l’a remplacé au pied levé en septembre. Lafontaine insiste sur la colonisation en raison de son comté, baptisé en l’honneur du curé Antoine Labelle, et vante « la législation abondante et productive du gouvernement de l’Union nationale ». (19 novembre 1959)
C’est au tour de Lapalme de prendre la parole. Dans ses premières salves servies au gouvernement, le chef de l’opposition évoque la difficile et ingrate tâche qu’est la sienne. D’autres avant lui, et il cible le père du premier ministre, Arthur Sauvé, ont eu à remplir cet office, une charge dont Lapalme compte bien s’acquitter. Sauvé n’est pas insensible à cette délicatesse et lui rend la pareille.
Lorsque les débats reprennent, le 24 novembre, Lapalme laisse tomber les gants blancs. De l’éloge, il passe à la diatribe. Il se concentre sur les actions du gouvernement, sur lequel il tire à boulets rouges. D’emblée, il définit clairement en quoi consiste le rôle – surveiller et suggérer – et le devoir – critiquer et combattre – de l’opposition à ses yeux, qui deviennent dans ses mains un levier d’autant puissant qu’il s’en prend à l’administration actuelle sur ses rapports houleux avec l’ancienne : « J’ai combattu M. Duplessis pendant neuf ans, et je l’ai combattu à l’époque où il était le plus puissant, je l’ai combattu pendant qu’il était de l’autre côté. Je n’ai pas eu à attendre sa mort pour critiquer sa politique. Ce que j’ai eu à lui dire, je lui ai dit ici, en face. »
Par la suite, il passe au peigne fin le programme législatif du discours du trône. Il relève les contradictions du discours unioniste des 15 dernières années, notamment en ce qui a trait au rôle du gouvernement québécois dans la route Transcanadienne, à l’application des mesures préconisées dans le rapport de la commission royale d’enquête sur les problèmes constitutionnels (commission Tremblay, 1956), et au besoin impromptu de repenser la politique agricole et les relations ouvrières. L’assurance-hospitalisation retient son attention, Lapalme en profitant pour rappeler un jeu de mots suranné que Duplessis leur avait servi jadis : « La meilleure assurance contre la maladie, c’est la santé. »
Après avoir montré l’incurie du discours du trône, Lapalme porte ses doléances sur ce qui ne s’y retrouve pas. Il attire l’attention de la Chambre sur le fait qu’il n’y soit pas question « des facultés universitaires, de la réforme électorale, de la création d’un conseil économique, de l’inventaire des ressources naturelles, des commissions scolaires et d’une politique claire et détaillée des relations fédérales-provinciales », des sujets dont l’importance ne fait pas de doute à ses yeux. Au bout de deux heures et demie, le chef de l’opposition termine sa harangue, parmi les plus violentes qu’il ait jamais faites en Chambre selon Sauvé, en y allant de ses suggestions au gouvernement actuel en ce qui a trait à l’amendement de la Constitution.
La réplique ne se fait pas attendre. À la reprise de la séance, à 20 heures, Sauvé se lève sous les acclamations de la droite. Il rend coup pour coup au chef de l’opposition. Si ce dernier a fait ses choux gras du fantôme de Duplessis, Sauvé lui rend la monnaie de sa pièce en revenant sur la course à la chefferie libérale, retournant le fer dans la plaie encore béante de la fierté blessée du chef de l’opposition. Le premier ministre confronte ensuite les remarques à l’effet de quoi il renierait l’héritage de Duplessis par les mesures progressistes qu’il met en branle. Pour ce faire, c’est au tour de Sauvé de mettre en lumière les contradictions inhérentes au discours libéral, profitant du même souffle pour situer son administration sur l’échiquier politique :
Nous continuons l’œuvre commencée avant nous. Et nous restons perplexes devant les pirouettes, les culbutes et les volte-face qu’on nous offre de l’autre côté de la Chambre. L’opposition se contredit. De temps en temps on nous dit « C’est exactement le même gouvernement », et du même souffle, avant que la phrase ne soit terminée, on nous accuse d’avoir tout changé et on déclare que nous renions le passé.
Sur la question des octrois fédéraux aux universités, Sauvé affirme qu’il travaille activement à régler le dossier. Sur l’assurance-hospitalisation, il réaffirme la nécessité d’étudier en profondeur ce dossier avant d’aller de l’avant. À cette fin, la voie préconisée par Sauvé est celle d’instaurer une commission d’enquête, laquelle pourra étudier la question sous toutes ses coutures, et fournir ainsi ses recommandations au gouvernement en temps et lieu. Il conclut son adresse en soulignant la filiation d’idées entre lui et son père politique, en particulier dans le domaine des relations fédérales-provinciales. Tout comme Duplessis, Sauvé considère que l’autonomie de la province est un principe immuable sur lequel point de compromis ne peut survenir. Il y va d’une véritable profession de foi envers celui qui fut son chef en assurant tous les membres de la Chambre qu’il poursuit « le travail entrepris » par Duplessis, lui qui sera assurément un exemple à suivre pour les « générations à venir ».
Pour la suite des choses, du 25 novembre au 1er décembre, nombre de députés des deux côtés de la Chambre prennent la parole. Les uns pour livrer une critique nourrie des politiques du gouvernement, chiffres à l’appui, sur les questions de nature économique; les autres pour défendre le gouvernement ou faire l’apologie des chefs de l’Union nationale. Le discours du trône est finalement adopté à l’unanimité, le 1er décembre 1959.
Les finances publiques
John Samuel Bourque, ministre des Finances, dépose le budget le 10 décembre, près de cinq mois avant la fin de l’exercice financier en cours, alors que la tendance des dernières années voulait que l’exercice se tienne plutôt au printemps169.
À 14 h 45, Bourque fait son entrée en Chambre, vêtu pour l’occasion d’un veston noir et d’un pantalon rayé170. Après avoir remis une copie de son discours au chef de l’opposition, comme le veut la coutume, il prend la parole. Il s’agit du troisième discours du budget que le député de Sherbrooke prononce.
Bourque rend hommage à Duplessis dont il rappelle les nombreux mérites. Sous son impulsion, la province de Québec « est passée de l’état de province agricole à l’état de province industrielle. Son expansion rapide est en voie de faire d’elle une véritable puissance économique. Hier, elle était uniquement une image du passé; aujourd’hui, elle est un espoir en l’avenir ». Dans son apologie, il effectue un va-et-vient continuel entre le passé et l’avenir qui ne se confrontent ni ne s’opposent, mais se côtoient et s’articulent l’un à l’autre, où « l’année 1959 a marqué pour la province de Québec la fin d’une brillante époque et le début d’une ère nouvelle ».
Bourque passe ensuite au cœur de son propos. Il ne fait pas de doute pour le ministre des Finances que l’année 1959-1960 en est une de prospérité économique. Il avance même que la situation économique du Québec est plus stable encore que celle du Canada. Différents indices appuient ses dires. D’une part, la dette nette a diminué de 31 000 000 $ depuis le 31 mars 1958, pour se situer à 194 385 355 $; d’autre part, la dette per capita s’en va s’amenuisant. Alors qu’elle s’élevait à 87.16 $, en 1944, elle n’est plus qu’à 39.10 $. Cette diminution, souligne-t-il, est survenue alors que la plupart des gouvernements, des entreprises et des individus voyaient leurs dettes prendre de l’ampleur, ce dont Bourque s’enorgueillit, tout en saluant le travail de son prédécesseur, Onésime Gagnon.
Pour l’année 1959-1960, les revenus de la province de Québec se chiffrent à 593 633 900 $, soit une augmentation de 47 000 000 $ par rapport à l’année financière précédente, augmentation qu’il attribue à la bonne marche des affaires. À ces revenus s’ajoutent des dépenses ordinaires de l’ordre de 479 210 000 $, pour un surplus au compte ordinaire de 114 423 900 $. En comptabilisant la somme des travaux de nature permanente – pour 113 584 000 $, un record dans les annales selon le ministre –, le surplus de la province de Québec pour l’exercice financier en cours est estimé à 839 000 $.
Viennent ensuite les prévisions pour la prochaine année fiscale. Prenant à témoin un groupe d’experts cités dans le National Post, Bourque considère de bon aloi que la prochaine année sera encore meilleure que la présente. Les revenus sont estimés à 617 797 200 $, les dépenses ordinaires, à 500 672 300 $ et celles imputables au capital, à 116 625 000 $. Le tout pour un surplus au compte ordinaire de 117 124 000 $, et un surplus global de 500 000 $.
Du même souffle, il annonce qu’aucun changement ne sera apporté aux impôts. En primeur, Bourque annonce que Diefenbaker a répondu à la proposition faite par Sauvé afin de régler le dossier des subventions fédérales aux universités, ce dont le premier ministre du Québec informera la Chambre après la lecture du discours. Le député de Sherbrooke est également des plus critiques envers les autorités fédérales, en particulier envers la politique monétaire du Canada qui « pose, à l’attention des pouvoirs publics, des problèmes dont la solution [lui] semble extrêmement difficile ». Bourque termine son discours, lequel a duré près de trois heures, en soulignant avec éloquence la nécessité d’un nouveau pacte entre le fédéral et les provinces, à l’aube du centenaire de la Confédération, qui se doit d’être célébré sous le signe de la bonne entente.
Ce discours reçoit un appui unanime des journaux, par moments dithyrambiques, dont la plupart soulignent les montants records prévus171. Par exemple, Denys Paré, de L’Événement-Journal, coiffe son article du titre « Brillantes perspectives de l’économie générale de la province172 ».
En tant que critique des finances, Lapalme se charge d’assurer la réplique au budget. Méthodiquement, il le décortique dans ses moindres méandres et soubassements. Il livre alors un discours soutenu, pétri de ses réflexions où il s’appuie sur une batterie de chiffres et de données. En fait, Lapalme livre dans sa réplique l’essentiel du programme qu’il a élaboré dans ce qui deviendra l’ouvrage Pour une politique173.
En outre, Lapalme trouve « inusité[e]174 » cette hâte du gouvernement de présenter si tôt le budget, forçant ainsi le ministre des Finances à devoir estimer les cinq derniers mois de l’année courante. Il est permis de croire que le programme chargé de la législation ait incité Sauvé à annoncer les crédits rapidement. On ne saurait par ailleurs ignorer les rumeurs de plus en plus persistantes du déclenchement des élections générales175.
Pour terminer, une pléthore de députés des deux côtés de la Chambre prennent la parole dans les débats subséquents qui perdureront jusqu’au 18 mars 1960. Ces délais anormalement longs – sans qu’il n’y ait eu d’ajournements notables – s’expliquent probablement du fait que le budget a été lu avant le dépôt des crédits, comme le soulignait La Tribune176, et que les procédures parlementaires furent grandement perturbées pour la suite des choses à la reprise de la session, le 11 janvier 1960.
Les faits marquants de la session
La session 1959-1960 en est une des plus chargées de l’histoire parlementaire québécoise, ne serait-ce qu’en égard de son imposant bilan législatif. Au terme de 65 séances, 237 bills ont été présentés, desquels 226 bills ont reçu la sanction du lieutenant-gouverneur, un record dans les annales parlementaires de l’époque. On répertorie également le dépôt de 99 documents et de quelque 198 avis de question et de motion.
Deux premiers ministres ont foulé le tapis vert de la Chambre basse177. Il serait aisé de croire qu’il s’agit en fait de deux périodes historiques, distinctes l’une de l’autre. Ce serait mésestimer, d’une part, l’apport de Barrette et surestimer, d’autre part, la rupture entre les deux administrations. Ce n’est pas tant une session en deux temps qu’une session en deux tons. De la conciliation178 à l’âpreté179, ainsi sont menés les échanges sous Sauvé, Barrette et Lapalme, où l’initiative passe de la droite à la gauche.
Un monument élevé à la mémoire de Maurice Duplessis
Durant son court mandat, Sauvé n’aura de cesse de composer avec le fantôme de Duplessis, ce qui fait d’ailleurs dire à Lapalme, le 1er décembre : « Quand le premier ministre actuel s’absente, on a l’impression, bien malgré nous, que c’est l’ancien premier ministre qui va subitement entrer dans cette Chambre. » D’un côté, Sauvé cherche à se démarquer de son prédécesseur, question d’apposer sa marque personnelle sur les affaires de la province; de l’autre, il doit composer avec cet héritage qu’est le sien.
Deuxième chef de l’Union nationale, il ne doit pas couper les ponts avec le premier, afin de maintenir à flot sa base électorale. Dans cette optique, Sauvé dépose à l’Assemblée législative le bill pour rendre hommage à la mémoire de l’honorable Maurice L. Duplessis, qui concerne l’érection d’un monument, une mesure chargée de symbolique. Cette mesure se voudrait, selon Denise Bombardier, une tentative désespérée de Sauvé d’apaiser la vieille garde unioniste qui le lui aurait imposée180, mécontente qu’elle était de voir l’héritage duplessiste bafoué quotidiennement par la nouvelle administration181.
La deuxième lecture du bill est faite le 1er décembre. The Montreal Daily Star précise qu’à ce moment « le climat de quasi-gaieté ponctué de solides boutades a fait place à une profonde attention » dans la Chambre basse182. D’emblée, Sauvé précise qu’il veut « dégager de toute considération de partisannerie politique la présentation de cette mesure ». Traçant à grands traits les mérites de Duplessis et faisant ressortir comment son décès a su réunir partisans et adversaires confondus dans le deuil, il termine en soulignant qu’il a « l’honneur, de présenter ce projet de loi et d’en demander l’adoption ».
Lapalme assure la réplique de l’opposition. On le sent hésitant, quelque peu inconfortable dans ses propos où il souligne qu’il est trop tôt pour instaurer pareil monument : « Seule l’Histoire sera en mesure de dire quel rôle a joué M. Duplessis dans le développement de la province. » Dans ses mémoires, il se remémore ses échanges avec Sauvé au-dedans comme en dehors de la Chambre. Il affirme avoir tenté de le dissuader en privé, « en invoquant les haines vivaces qui dureraient encore longtemps ». Du même souffle, il souligne n’avoir pas osé exprimer à haute voix son principal argument, « que nous avions la certitude que ce monument serait irrémédiablement maculé dès le lendemain de son inauguration et que les libéraux seraient en posture d’accusés183 ». Bien qu’il comprenne la position de Lapalme, Sauvé considère que l’histoire n’est pas infaillible pour autant.
Prenant pour exemple les portraits des Orateurs affichés sur les murs du parlement après leur départ, Sauvé juge bon d’honorer la mémoire de Duplessis dès maintenant. Une fois son discours complété, Lapalme et Sauvé y vont d’un échange à première vue anodin. Alors que le premier « se dit prêt à permettre l’adoption de la mesure sur division, sans la tenue d’un vote officiel et enregistré », le second « insiste pour que le vote soit enregistré ».
L’insistance de Sauvé pour que le vote soit enregistré en bonne et due forme met au jour l’importance qu’il accordait à ce projet de loi. Sans attendre, la Chambre se divise et le projet de loi est adopté, seuls les libéraux ayant voté contre. Le bill est sanctionné par le lieutenant-gouverneur, le 18 décembre, en présence de son instigateur, Paul Sauvé.
La construction du monument est confiée au sculpteur Émile Brunet qui le complète le 22 mai 1961, sous Lesage184. Craignant des désordres publics, sans compter que son gouvernement a des comptes à régler avec l’Union nationale185, le premier ministre libéral refuse d’inaugurer la statue. Débute alors une saga qui perdurera près de 16 ans, une saga qui prit des allures de légende urbaine avant de se terminer en 1977, peu de temps après l’arrivée au pouvoir de René Lévesque à la tête du Parti québécois, en 1976. Ce dernier inaugure le monument en grande pompe, le 9 septembre 1977. À cette occasion, il déclare que c’est « un très mauvais exercice pour une société que celui de prétendre effacer des morceaux de l’histoire186 ».
Le scandale de la Corporation du gaz naturel
Depuis que Le Devoir a dévoilé au grand jour le scandale de la Corporation du gaz naturel, le 13 juin 1958187, l’Union nationale est rongée par cette affaire. Les libéraux s’emparent du dossier. Durant l’été de 1958, le gouvernement de Duplessis passe de sombres heures, et tout indique que la session suivante, dont l’ouverture est prévue pour le 19 novembre, s’amorcera sous de bien sombres auspices pour la droite. C’est sans compter avec l’esprit retors de Duplessis, pour reprendre les paroles de Lapalme188. Il donne comme directive à tous les ministres éclaboussés de poursuivre chacun en libelle Le Devoir pour ensuite déclarer, cela fait, que l’affaire étant désormais sub judice, il n’est plus question d’aborder la question de quelque façon que ce soit en Chambre.
Ce n’est pas faute d’essayer. À plusieurs reprises au cours de la session 1959-1960, les oppositionnels évoquent l’affaire, tentent d’attirer les ministériels dans les mailles de leurs filets. À une occasion, ils semblent enfin être parvenus à leur fin. Dans son adresse en réponse au discours du trône, John Richard Hyde revient sur l’affaire. Sans tarder, Rivard, en l’absence momentanée de Sauvé189, soulève un point d’ordre auprès de l’Orateur, qui reste sans suite. De retour en Chambre, le premier ministre cause tout un émoi en permettant le débat :
Si le député veut discuter les mérites de l’administration du gaz par la province ou par l’entreprise privée, il peut le faire. Si le député veut se demander s’il eût été préférable de conserver cet actif ou de le vendre, pas d’objection. S’il veut discuter du prix payé, prétendre que ce prix est trop élevé ou trop bas, ou que sais-je, il peut le faire. Il n’a pas le droit toutefois de discuter des choses qui sont pendantes devant les tribunaux. (26 novembre 1959)
L’attitude de Sauvé tranche radicalement avec celle de son prédécesseur qui n’avait jamais accepté que l’on ose seulement mentionner cette affaire en Chambre. Les membres de la Tribune de la presse en sont ébahis. Vincent Prince, de La Presse, parle d’un « important changement d’attitude190 », tandis que Pierre Laporte, du Devoir, fait référence à une « volte-face191 » de la part du gouvernement. Il ne faut pas oublier que Sauvé est un fin stratège, un vieux loup de la politique qui a fait ses classes auprès de Duplessis, en face de Taschereau. Certes, il a fait preuve d’ouverture en permettant le débat, sans manquer de le restreindre en imposant des balises bien précises à la discussion que nul ne saurait franchir impunément. Qui plus est, il a pris au dépourvu les libéraux en ouvrant subitement le débat, un instant à peine après que Rivard eut soulevé un point d’ordre. En fait, Sauvé tend un piège aux membres de l’opposition dans lequel ils se précipitent tous, tête baissée, les uns après les autres.
Dans un premier temps, Hyde poursuit son adresse en réponse au discours du trône. Tout juste avant que la Chambre suspende ses travaux, il conclut son adresse en proposant, secondé par Philippe Lalonde, député de Montréal-Saint-Henri, un amendement selon lequel les membres de la Chambre regrettent que le gouvernement n’ait pas l’intention d’instaurer une enquête royale afin de tirer au clair les événements entourant la Corporation du gaz naturel. Il s’agit d’une motion de non-confiance à l’endroit du gouvernement. À la reprise des travaux, à 20 heures, c’est au tour de Hamel de monter à l’offensive du château unioniste sur cette question. Sauvé l’attend de pied ferme et le rappelle à l’ordre :
M. Hamel (Saint-Maurice): […] Il est important de savoir quel prix on a payé. Il y a de plus le rôle joué par certains personnages au cours de ces transactions. Il est généralement admis que la décence veut que personne ne doive être placé entre son intérêt et son devoir. C’est tellement sérieux qu’on a vu, en Colombie-Britannique, un ministre de la couronne…
L’honorable M. Sauvé (Deux-Montagnes): J’ai été très clair, cet après-midi et je crois que j’ai fait preuve de bonne foi. J’ai dit que je n’avais pas d’objection que l’opposition se demande si un tel réseau de gaz pourrait être plus avantageusement exploité par l’État ou par l’entreprise privée, s’il eût été plus opportun pour l’Hydro de le conserver ou si le prix versé était suffisant.
Rien n’y fait. René Hamel persévère en traitant de l’affaire elle-même, débordant dès lors des balises prescrites au préalable par Paul Sauvé.
M. Hamel (Saint-Maurice): Qu’on me nomme les ministres impliqués dans les procédures judiciaires. Je ne les nommerai pas ceux-là. Il y a des poursuites en libelle parce qu’un journal d’opinion, Le Devoir, a dit que ces ministres n’avaient pas agi décemment…
L’honorable M. Sauvé (Deux-Montagnes): Le député s’obstine. Il veut répéter les accusations du Devoir qui ont provoqué les poursuites. Je répète que nous sommes prêts à discuter de la transaction dans les lignes que j’ai indiquées tout à l’heure, même si la Chambre a décidé, l’an dernier, que même ce point était hors d’ordre. Si le député s’obstine à passer par des chemins détournés, je vais demander à la Chambre de déclarer tout le débat hors d’ordre.
[…]
M. Hamel (Saint-Maurice): Je m’imaginais que le premier ministre discuterait cette question de façon sérieuse. Il prétend que je ne sais pas le prix payé pour le réseau de gaz de l’Hydro. Mais qui le sait? […]
L’honorable M. Sauvé (Deux-Montagnes): […] Dans ces conditions, je mets mon point d’ordre sur la motion elle-même et je vous demande de la déclarer hors d’ordre parce que la Chambre en a ainsi décidé l’an dernier.
Hamel termine son plaidoyer en appelant la Chambre, en appui à l’amendement proposé par Hyde, à tenir une enquête royale. En guise de réponse, Sauvé est cinglant et s’amuse ferme à retourner le fer dans la plaie vive aux dépens des libéraux dépités. « Avez-vous eu comme moi l’impression que l’on était désappointé que nous ne fassions pas d’objections à la discussion de la transaction proprement dite entre l’Hydro et la Compagnie du gaz naturel? », les relance-t-il, narquois. Il revient par la suite sur l’ouverture qu’il a faite, s’en servant pour attaquer les libéraux :
Il (l’honorable M. Sauvé) rappelle l’offre fait à l’opposition en après-midi d’inscrire une motion au Feuilleton de la Chambre pour demander de façon précise toutes les informations dont elle a besoin sur la transaction de l’Hydro. Il ajoute qu’il est prêt à laisser la discussion se faire au grand jour, sur tous les points. Mais on refuse cette offre, dit-il. On préfère présenter une motion d’amendement à l’adresse, c’est-à-dire une motion de non-confiance, une motion de blâme, dans laquelle on réclame une enquête royale.
Durant un discours qui dure près de 45 minutes, selon le courriériste du Temps192, Sauvé s’attaque à contrecarrer les uns après les autres les arguments de l’opposition, à laver l’honneur du gouvernement et à justifier en quoi la transaction s’est faite dans les règles de l’art, pour le plus grand bénéfice de la province. Il va plus loin encore, assurant que loin d’avoir des regrets, il ne changerait « absolument rien de ce qui a été fait. Je demanderais à l’Hydro de continuer son développement hydroélectrique et je mettrais de côté le système du gaz naturel ». Les libéraux en sortent amoindris193. S’ils continuent de revenir là-dessus, y compris sous Barrette, ils se buteront à l’Orateur qui déclarera la discussion comme étant hors d’ordre.
L’Orateur en conflit d’intérêts
À l’ouverture de la session, l’Orateur, Maurice Tellier, est pris au centre d’une controverse. En septembre, les libéraux ont appris qu’il était l’un des directeurs de la compagnie LaSalle Equipment Inc., qui se spécialise dans la vente de pelles mécaniques, laquelle compagnie aurait vendu pour 102 833 $ en équipement au gouvernement. S’emparant de l’affaire, Lesage réclame sa démission le 27 septembre194. L’affaire rebondit en Chambre, le 2 décembre 1959, lors de la deuxième lecture du bill concernant l’Orateur de l’Assemblée législative, déposé par Lapalme, qui prévoit que l’Orateur ne puisse plus avoir de capacités administratives au sein de compagnies traitant avec le gouvernement de la province.
Comme le bill le concerne au premier titre, Tellier cède sa place à l’Orateur suppléant, Germain Caron, qui présidera à sa place les discussions, décision saluée par Lapalme. Celui-ci rappelle à la Chambre que les règles actuelles font en sorte que les ministres de la couronne ne peuvent siéger au conseil d’administration de compagnies qui font affaire avec le gouvernement. Cette décision s’appuie sur le principe qu’un homme ne peut et ne saurait servir deux maîtres, et qu’en toute circonstance, il doit servir la province. Là-dessus, il souligne que :
le personnage le plus important de la Chambre, c’est l’Orateur. [Son rôle] est au-dessus de celui des ministres. L’Orateur remplit une mission encore plus délicate, puisqu’il doit rendre des décisions sur des questions présentées par le gouvernement ou par l’opposition. Aussi, il doit être au-dessus de tout soupçon et rigoureusement impartial, parce qu’il est tenu de rendre justice à tous les députés de la Chambre. L’Orateur a le pouvoir de déclarer hors d’ordre des mesures qui sont présentées ou de faire expulser des députés. Il est presque souverain, et seule la Chambre entière pourrait se placer sur sa route, mais elle ne le fait pas, soucieuse de garder le prestige reconnu à celui qui occupe ce haut poste.
Suivant le même principe que pour les ministres de la couronne, il apparaît évident pour Lapalme que l’Orateur doit être tenu aux mêmes règles de conduite, ce à quoi la législation actuelle ne prévaut pas. Dans sa réponse, non content de renchérir sur l’argumentaire de Lapalme, Sauvé l’appuie totalement. Au passage, il ne manque pas de souligner que Tellier n’a commis aucune faute, le Règlement dans sa forme actuelle ne lui interdisant pas de cumuler les charges, ce qui n’est plus le cas dès lors.
Le projet de loi est approuvé unanimement dans une atmosphère de bonne entente et de collaboration des deux côtés de la Chambre, typique de la session sous Sauvé, et sanctionné par le lieutenant-gouverneur le 18 décembre.
La fonction publique
Dès son entrée en fonction, Sauvé s’applique à revaloriser la fonction publique, quelque peu laissée pour compte sous Duplessis. Il aurait « dans sa serviette, selon Pierre Godin, un projet de refonte complète de la fonction publique195 ». Parmi les mesures mises de l’avant, il augmente la rémunération des employés de l’État196. Est signé à cet effet un arrêt ministériel, le 28 octobre, accordant sept millions de dollars supplémentaires aux fonctionnaires : « Dorénavant, ils seront payés suivant leur compétence197 », déclare-t-il. Cela a pour effet de redonner à la fonction publique sa dignité et son utilité, pour reprendre les termes de Gérard Bergeron198. Pour Jean Pelletier, Sauvé a réussi à « redonner aux fonctionnaires le goût d’être fonctionnaires199 ».
Une opinion que partage Denise Bombardier. Selon elle, l’État québécois a su profiter durant la Révolution tranquille de cette manne de jeunes diplômés qui pouvaient, depuis Sauvé, considérer la fonction publique comme une voie d’avenir non seulement viable, mais exaltante. Ces jeunes technocrates, fraîchement diplômés, « constitueront le noyau de fonctionnaires qui ont eu, par la suite, une influence considérable sur le pouvoir politique, en particulier dans le domaine de l’éducation200 ».
Malgré son importance évidente dans les mesures entreprises par le gouvernement Sauvé, le traitement de la fonction publique n’a pas retenu l’attention de la Chambre. Les deux projets de loi en question, les bills 52 et 81, ne sont lus une première fois qu’au retour de la session du temps des fêtes, sous Barrette. Comme le bill 52 ne consiste qu’en un réaménagement des procédures en cours, il ne suscite aucune discussion en deuxième lecture, si ce n’est Hyde qui « exprime l’opinion que le bill est inutile ». (15 janvier 1960)
La deuxième lecture du bill 81, si elle ne soulève pas les passions, attise néanmoins la flamme de Lapalme qui s’oppose à ce que ce soit le « lieutenant-gouverneur en conseil [qui] détermine le traitement de chacun des membres de la Commission [du service civil]201 », comme le prévoit la loi. Ce à quoi Barrette répond que le changement est minime « car, lorsqu’une loi est présentée par le gouvernement pour fixer le salaire du fonctionnaire, ce salaire a été, en premier lieu, fixé par le lieutenant-gouverneur en conseil. Les augmentations de salaire, dans le cas à l’étude, devraient donc être décidées d’abord par le Cabinet, avant d’être soumises à la Chambre ». Ce bill est adopté le jour même, et sanctionné le 18 mars 1960.
Le dossier des subventions fédérales aux universités
L’éducation est la grande priorité des gouvernements Sauvé et Barrette. Sous leur égide, une quinzaine de projets de loi sont adoptés et sanctionnés par le lieutenant-gouverneur. De tous ces projets de loi, le bill 58 a occupé l’avant-scène en Chambre.
En primeur dans son discours du budget, Bourque avait annoncé aux parlementaires que Diefenbaker avait donné suite à la proposition de Sauvé afin de régler, de manière définitive, le dossier des subventions fédérales aux universités, véritable pierre d’achoppement entre les deux paliers de gouvernement à partir de 1952. Depuis, près de 25 000 000 $ revenant de droit au Québec dorment dans les coffres à Ottawa, faute d’une entente. Une somme que Sauvé veut à tout prix récupérer, tout en restant fidèle à la ligne de conduite préconisée par Duplessis.
Une fois la lecture du discours du budget complétée en fin d’après-midi, la séance reprend ses activités à 20 heures. Sauvé fait alors la lecture en Chambre, sous les applaudissements de la droite, de la lettre de Diefenbaker qu’il a reçue sur l’heure du midi. Dans les grandes lignes, Ottawa reconnaît à Québec le droit de prélever lui-même les fonds destinés à cette fin par le programme fédéral – à concurrence de 1.50 $ par tête – en augmentant de 9 % à 10 % la part provinciale de l’impôt fédéral sur les sociétés. Si cette majoration de l’impôt ne compensait pas l’investissement provincial, le fédéral pourvoirait à cette carence.
Alors que certains ministériels frappent bruyamment sur leur pupitre202, les oppositionnels restent silencieux tout au long de la lecture203. Une fois celle-ci complétée, aucune question n’est même posée, les libéraux préférant se concerter avant de se prononcer sur la question. La réplique vient, plus tard, du côté de Jean-Marie Nadeau, éminence grise du Parti libéral. Celui-ci considère que la proposition du fédéral est inacceptable car s’il « permet aux provinces de percevoir plus d’impôts […] il leur dit, en même temps, à quelles fins ils devront être affectés. Autant dire que c’est le gouvernement fédéral qui décidera quelles subventions recevront les universités par le truchement des provinces204 ». Un nouveau chapitre s’écrit dans la sempiternelle lutte pour l’autonomie de la province.
Le sujet rebondit en Chambre, le 14 décembre. Aux questions de Lapalme, qui cherche à savoir dans quel contexte la proposition a été faite, Sauvé précise que le contact s’est fait à l’occasion de la conférence des ministres des Finances, plus précisément le 15 octobre205. Il justifie également sa décision de ne pas fournir le texte de sa proposition en arguant « qu’il est important de conserver le caractère privé à ces entretiens entre les deux gouvernements en ne déposant pas immédiatement en Chambre le texte des propositions […] faites à Ottawa ».
Lapalme revient à la charge le lendemain, pendant sa réplique au discours du budget. Disséquant la lettre de Diefenbaker, dont il n’apprécie guère l’équivoque, il pose une batterie de questions où ressortent les préoccupations soulevées par Nadeau. En substance, Lapalme se demande si le fédéral impose lui-même, de son côté, toutes les conditions préalables au règlement ou si le provincial a son mot à dire dans l’entente. L’insistance de Lapalme place Sauvé sur la défensive. Il interrompt le chef de l’opposition dans son discours, qui acquiesce de bonne grâce à sa demande, afin d’apporter une mise au point. Il tient à souligner avoir « dit qu’il s’agissait d’un pas dans la bonne voie en ce sens que c’est la première fois qu’Ottawa offre une alternative depuis qu’il s’est immiscé dans le domaine de l’enseignement universitaire. Je n’ai pas été plus loin que cela! », termine-t-il.
Le 17 décembre, Sauvé revient sur le propos en faisant la lecture en Chambre de la lettre qu’il a envoyée à Diefenbaker. Comme le signale avec justesse Lapalme, Sauvé se contente dans cette lettre de demander des explications. Placé une fois de plus sur la défensive par le chef de l’opposition, Sauvé réaffirme la volonté autonomiste de la province. Le lendemain, Sauvé présente en Chambre le bill 58, qui prend acte des tractations faites de part et d’autre sur le dossier, dont est faite la première lecture. Devant l’importance de la chose qui retient toute son attention, il demande à la Chambre « de prendre quelques minutes de son temps pour un à-côté qui est intimement lié au sujet de cette loi ». Soulignant à quel point l’affaire fait couler de l’encre dans la province, il martèle que les relations entre Québec et Ottawa sont à un point critique.
Les ententes actuelles entre Ottawa et les neuf autres provinces, ententes auxquelles le Québec n’a pas apposé sa signature, viendront à échéance en 1962. Le premier ministre y va de ce commentaire :
Je n’ai aucun doute que la période que nous avons à traverser d’ici 1962 est la plus importante dans l’histoire des discussions entre les pouvoirs fédéral et provinciaux. Si on ne réussit pas en 1962 à faire un pas important dans la voie du respect intégral de l’esprit et de la lettre de la Constitution, on aura fait un pas immense dans le sens contraire.
Je demande à ceux qui veulent se prononcer là-dessus qu’on traite la question en tenant compte non seulement de son importance en elle-même, mais aussi de ses répercussions sur l’ensemble des relations fédérales-provinciales. Et veuillez croire qu’en prononçant ces paroles je parle en toute franchise. Il ne faut risquer aucun commentaire qui puisse compromettre le succès des pourparlers noués entre le gouvernement fédéral et les provinces. (18 décembre)
Au dire d’Auréa Cloutier, secrétaire personnelle de Duplessis et de Sauvé, le dossier des subventions fédérales aux universités éprouve durement le premier ministre. Elle raconte l’avoir vu huit jours avant sa mort : « Il sortait du Conseil des ministres et il m’a dit en me serrant les mains : "Je suis assez fatigué! Le problème des universités me bouleverse, je n’en dors pas206." »
La mort de Sauvé a pour conséquence de léguer à son successeur une panoplie de dossiers en cours, dont celui des subventions fédérales aux universités. Dès son arrivée en poste, Barrette s’attelle à la tâche. Il prend d’abord connaissance de la correspondance entre Sauvé et Diefenbaker sur la question et fait la lecture en Chambre de la dernière lettre envoyée par ce dernier qui clarifie certains points, lettre à laquelle Barrette devra répondre.
Une semaine plus tard, soit le 22 janvier, la réponse du gouvernement du Québec est fin prête. Barrette en fait la lecture aux membres de l’Assemblée. Tenant pour acquis les avances faites par Diefenbaker dans sa lettre, soit que le gouvernement de la province « a décidé d’exercer son droit de porter de 9 % à 10 % l’impôt sur les profits des sociétés », Barrette ajoute que le « gouvernement de Québec a aussi décidé, […] après une nouvelle étude des besoins de nos universités, de leur accorder […] une contribution additionnelle dépassant substantiellement 1.50 $ par tête de sa population, quelle que soit l’issue des pourparlers entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial de Québec ».
Pour le chef de l’opposition, un élément reste à tirer au clair. L’augmentation d’un point de pourcentage de l’impôt aux sociétés engendrera des revenus supplémentaires de l’ordre de 9 200 000 $, alors que le montant prévu des subventions fédérales aux universités s’élève pour leur part à 7 500 000 $207. Le risque est grand, de l’avis de Lapalme, de voir le gouvernement fédéral s’emparer à son profit de l’excédent. Ce à quoi Barrette oppose une fin de non-recevoir : « S’il existe une différence et si, par égard pour les autres provinces du pays, nous devons négocier à ce sujet, nous sommes prêts à rencontrer les autorités fédérales… Mais je n’ai pas l’intention de discuter cette question208. »
Le débat sur la deuxième lecture du bill 58 se déroule le 26 février. Dans sa présentation du projet de loi, Barrette produit, de l’avis de Lapalme, un discours éminemment partisan. Produisant d’entrée de jeu un bref historique du dossier, Barrette légitime ensuite la position de son gouvernement en prenant à charge Donald Fleming, ministre fédéral des Finances et Receveur général, qui a déclaré « que l’instruction publique relève exclusivement des provinces et que le gouvernement actuel d’Ottawa le reconnaît nettement », tout en décochant quelques flèches au passage contre Lesage. Outre de soulever les carences intrinsèques de son discours, Lapalme déplore que la Chambre ne soit pas tenue au courant des tractations faites de part et d’autre : « Pour se prononcer sur l’entente elle-même, il faut attendre d’en connaître les modalités. Pour l’instant, nous les ignorons. » Ce débat se termine en queue de poisson, le 29 février. L’absence impromptue de John Richard Hyde209, qui devait poursuivre le débat, incite Barrette à demander le vote sur le projet de résolution et sur la troisième lecture. Les députés présents adoptent alors le bill à l’unanimité210.
Par la suite, en coulisse, s’élabore, entre les deux gouvernements, une formule afin de trancher le nœud gordien de l’affaire, appelée le « opting out ». Cette formule permet aux provinces de se retirer de tout plan fédéral qu’elles considèrent ne pas convenir à leurs intérêts propres. En pareil cas, les provinces pourront se prémunir des fonds prévus à cette fin par le gouvernement fédéral pour instaurer leur propre programme, une formule utilisée à profusion par les gouvernements Lesage et Johnson211 avant que Pierre Elliott Trudeau n’en sonne l’hallali à son arrivée au pouvoir en 1968212.
Si certains attribuent le règlement du dossier à Sauvé213 – qui l’a amorcé –, d’autres reconnaissent le mérite qui revient de droit à Barrette214. Il en est de même de la formule du « opting out », au cœur du règlement, imputée à tort à Sauvé par d’aucuns215. Les mesures annoncées dans le règlement sont instaurées dans le bill 60, qui est déposé en première lecture à la Chambre le 29 janvier. Adopté en deuxième lecture le 7 mars, il reçoit la sanction royale le 10 mars 1960.
Déclaration des droits et libertés
Alors que le gouvernement Diefenbaker est à mettre les touches finales à son projet de déclaration canadienne des droits et libertés, les échos de ce projet parviennent à l’Assemblée législative, saisie de l’affaire par Lapalme dans une motion qu’il présente le 3 février. Il rassure d’abord la Chambre : il ne s’agit ni d’une question partisane ni d’une motion de non-confiance. Il s’agit, pour lui, d’un sujet de la plus haute importance.
Selon Lapalme, « le projet fédéral tel que rédigé consiste en une pénétration fort avancée dans les domaines que la Constitution réserve aux provinces. Si le bill des droits de l’homme était adopté par Ottawa, et même si on lui apportait certains amendements, il n’en constituerait pas moins un accroc à l’autonomie provinciale, car le principe resterait le même ». Loin d’être un texte de nature symbolique, comme d’aucuns pourraient le croire, cette déclaration s’attaque, d’après Lapalme, « à la racine même du droit civil, qui est de la juridiction exclusive des provinces. [..]. Tout cela finira par être interprété comme aux États-Unis, dit-il, où une loi d’un État enlevant un droit d’accès à une grande route a été déclarée invalide parce que contraire aux droits fondamentaux contenus dans le bill des droits de l’homme ».
Lapalme propose la création d’un comité de 15 députés, qui étudierait la question pour en connaître tous ses tenants et aboutissants. Dans sa réplique, Rivard fait part de son intention de continuer la discussion « dans l’objectivité et la sérénité ». S’il ne partage pas les appréhensions de Lapalme dans son ensemble, il reconnaît toutefois que la question est problématique en vue de la préservation de l’autonomie de la province. Comme il le rappelle, en « vertu du Code civil français, le Québec possède certains droits exclusifs qu’il est le seul à posséder, et il ne pourra jamais admettre que le gouvernement fédéral exerce un droit de surveillance sur eux ». Or, comme l’Union nationale a fait son pain et son beurre de l’autonomie, de Duplessis à Barrette en passant par Sauvé, Rivard ne considère pas que la formation d’un tel comité soit la mesure appropriée à la situation présente.
Rivard propose plutôt d’amender la motion en question en y ajoutant ce qui suit : « L’Assemblée législative de la province de Québec réaffirme que les droits des provinces ne peuvent être restreints, diminués, amendés ou changés par un acte du Parlement du Canada et sans l’assentiment des Législatures provinciales, et elle prie le greffier de l’Assemblée législative de transmettre copie de cette motion au très honorable premier ministre du Canada. » Ajourné, le débat reprend le 17 février, en l’absence de son instigateur, indisposé selon toute apparence par des maux d’arthrite216. Remplaçant Lapalme, Brown réaffirme la nécessité de référer l’étude de la question à un comité parlementaire formé spécialement à cet effet.
Pour finir, l’amendement de Rivard est adopté à l’unanimité.
Les relations ouvrières
Pour la première fois depuis 1954217, le gouvernement du Québec se propose de modifier la loi des relations ouvrières par le bill 8, déposé par le ministre du Travail, le 19 novembre. Ce bill prévoit la réintégration pleine et entière de salariés qui auraient été congédiés en raison ou à cause d’activités syndicales, et revoit la formation de la Commission des relations ouvrières, qui sera désormais composée moitié de représentants ouvriers, moitié de représentants patronaux. Cette mesure témoigne d’une ouverture de la part du gouvernement218.
Le débat en deuxième lecture du bill 8 a lieu le 2 décembre. Selon le député de Joliette, le projet de loi, dans ses grandes lignes, « élargit les cadres de la Commission des relations ouvrières, son activité et ses pouvoirs et accorde une protection accrue aux ouvriers en ce qui concerne le respect du droit d’association et les congédiements pour activités syndicales », à la satisfaction des représentants syndicaux et des employeurs. Pour René Hamel, s’il est un point que l’on peut reprocher au projet de loi dans sa forme actuelle, c’est le manque de souplesse inhérente à la Commission des relations ouvrières. Il regrette également que la nomination des commissaires soit faite par le gouvernement, ce qui augmente d’autant le risque de collusion.
Tout comme son confrère, le député libéral de Richmond, Émilien Lafrance, salue ce qu’il considère être « un effort loyal de la part du gouvernement pour améliorer cette loi [des relations ouvrières]. Nous nous en réjouissons, dit-il, car cette loi doit être un instrument de paix sociale et non pas une cause de conflits sociaux ». Il soulève, par ailleurs, la nécessité de recourir à des amendes plus sévères à l’endroit des compagnies coupables, puisque, à son avis, les amendes actuelles ont peu d’incitatifs. Dans sa dernière intervention, Barrette admet volontiers qu’il s’agit d’« un cadre assez rigide », mais se dit prêt à « l’élargir encore », sans hésiter, si le besoin s’en fait ressentir.
Adopté à l’unanimité par la Chambre, le bill est sanctionné par le lieutenant-gouverneur le 18 décembre 1959.
Une motion de non-confiance envers le premier ministre Barrette
À la reprise des travaux parlementaires en janvier 1960, la mort soudaine de Sauvé est sur toutes les lèvres. La première séance est ajournée en signe de deuil alors que les hommages pleuvent toujours sur la tombe du regretté député de Deux-Montagnes, dont le fauteuil est désormais occupé par Barrette.
Les affaires courantes de la Chambre basse reprennent le lendemain, mais sont subitement interrompues. Hamel se lève sur une question de privilège pour proposer, à la fin de son discours, une motion de non-confiance contre la personne même du premier ministre. En tant que premier ministre, Barrette n’a encore rien fait pourtant; encore eût-il fallu qu’il ait le temps de faire quoi que ce soit, que déjà les libéraux sortent l’artillerie lourde. Ils sentent que c’est le moment ou jamais de reprendre le pouvoir face à une Union nationale considérablement affaiblie et ne perdent pas de temps.
La motion concerne une affaire remontant au 14 décembre 195929 alors que Hamel lui avait demandé la liste des employés de la Commission du salaire minimum, ce à quoi le ministre du Travail lui avait assuré qu’il aurait le tout sous peu. Barrette, devenu entre-temps premier ministre, n’ayant pas obtempéré à l’ordre de la Chambre de fournir ce document, Hamel considère que Barrette, non le gouvernement, a perdu la confiance de la Chambre, ce qui soulève l’ire des ministériels, indignés220.
Les discussions s’enveniment. Alors que Hamel réclame un droit de réplique du fait qu’il s’agit d’une motion de fond, une voix ministérielle lui lance : « Pas une motion de fond, une motion de fou! » À trois reprises, l’Orateur est amené à rendre une décision – toujours en faveur du gouvernement –, toutes contestées par Hamel.
Hamel revient à la charge les 15 et 26 janvier, jusqu’à ce que le premier ministre dépose le document en question le 27. Cela ne satisfait guère Hamel. Le 5 février, il revient une ultime fois sur cette affaire. Il argue que le document qui a été déposé n’est toujours pas conforme puisqu’« il ne donne pas la liste des allocations et donne la liste des fonctionnaires de la Commission alors que les motions référaient au "personnel" de cette commission ». Ses doléances restent toutefois sans conséquence. Toute cette affaire donne le ton au reste de la session, qui se déroulera sous le signe de la confrontation acerbe.
Contestation systématique des décisions de l’Orateur
Les libéraux, sous l’impulsion de Lapalme, s’appliquent à bloquer les activités parlementaires en 1960. Pour ce faire, les députés libéraux vont contester systématiquement les décisions de l’Orateur, en appelant de ses décisions. Le président du comité plénier ne sera pas plus épargné, sinon dans une moindre mesure.
Il faut dire que la fonction même de l’Orateur a bien mauvaise presse depuis le retour de Duplessis au pouvoir, en 1944. Taché (1945-1955) et Tellier (1955-1960) occupent ce poste sous les gouvernements unionistes et prennent toujours position en faveur du gouvernement, au grand dam de l’opposition. En dix ans, l’opposition en appelle des décisions de l’Orateur : 87 des 108 décisions rendues par Taché sont contestées par la gauche; 129 des 142 décisions de Tellier le sont également221.
Même sous la gouverne du premier ministre Sauvé, les députés de l’opposition avaient remis en question chacune des cinq décisions de l’Orateur en l’espace de seulement 19 séances. Sous Barrette, cela perd toute commune mesure. L’Orateur est appelé à se prononcer à 29 occasions, et l’opposition porte aux voix 27 d’entre elles. Les présidents des comités pléniers ne sont pas en reste, eux qui voient les oppositionnels contester cinq de leurs 12 décisions.
L’assurance-hospitalisation
Dès le discours du trône, le gouvernement annonce son intention d’étudier en profondeur la possibilité d’instaurer un plan d’assurance-hospitalisation pour le Québec222. Une commission d’enquête sera instaurée, dont le mandat sera d’étudier les conditions et les besoins de la population et, au terme de leur enquête, de faire rapport au gouvernement « en vue de l’organisation, aussi prochaine que possible223 » d’un tel plan d’assurance-hospitalisation, tel que défini par le bill 66. Une mesure considérée insuffisante par les libéraux pour qui le temps presse224.
Lapalme fait sienne cette urgence d’agir, prenant à témoin Duplessis lui-même : « Ce que nous considérons comme urgent, ce n’est pas de créer une commission… Ça, c’est retardataire… Ce que nous réclamons, c’est ce que M. Duplessis voulait déjà le 16 juin 1943 quand il a déclaré : "Le problème étant étudié depuis longtemps, le moment d’agir est arrivé, et ce qu’il faut, c’est une loi!" » (11 février 1960) Ce à quoi les ministériels réitèrent qu’il est nécessaire de prendre en compte les particularités propres à la province avant d’agir.
Le bill est adopté à l’unanimité le 16 février, et reçoit la sanction royale le 10 mars. La politique étant ce qu’elle est, le bill 66, tant décrié par les oppositionnels, sera la pierre d’assise sur laquelle les libéraux pourront instituer leur plan d’assurance-hospitalisation, lequel entrera en vigueur le 1er janvier 1961225.
À chacun ses victoires… La séance qu’il fallait ajourner
Parmi les affrontements entre Lapalme et Barrette, la séance du 27 janvier reste dans les annales. À 17 h 10, soit près de 50 minutes avant la fin réglementaire de la séance, Barrette demande l’ajournement de la Chambre alors que la séance a débuté avec une demi-heure de retard. Alors que Lapalme réclame des explications, Barrette refuse d’obtempérer :
L’honorable M. Barrette (Joliette): Je ne suis pas tenu de donner de raison pour demander l’ajournement de la Chambre.
M. Lapalme (Montréal-Outremont): Vous pourriez au moins avoir la courtoisie de nous dire pourquoi. Vous nous coupez une heure sur les trois heures de la journée des députés. C’est un manque absolu de courtoisie à l’endroit des députés et une mesure dictatoriale.
« Mesure dictatoriale ». Barrette saute à pieds joints sur l’occasion et exige que Lapalme se rétracte. L’Orateur le somme de retirer ses paroles, jugées antiparlementaires, mais ce dernier ne fléchit pas. S’ensuit un échange entre les deux hommes où Tellier tente de le convaincre de revenir sur sa décision, mais en vain. Lapalme est donc nommé par l’Orateur, mesure qui a pour effet immédiat de priver le député en question de son droit de parole en Chambre pour le reste de la séance. Sur ces entrefaites, Lapalme quitte la Chambre basse. Mais avant de tirer sa révérence, il enjoint ses confrères de continuer « de parler la motion jusqu’à six heures226 », ce qu’ils firent, l’ajournement demandé n’ayant dès lors plus raison d’être.
Dans ses mémoires, Lapalme revient longuement sur cet incident et jette un jugement implacable contre Barrette auquel il sert une leçon de parlementarisme bien sentie :
Quand on a l’expérience de la procédure, on ne force jamais l’adoption d’une motion pour ajournement, surtout si on est pressé d’ajourner, car l’opposition n’a qu’à parler sur cette motion et le temps passe, passe jusqu’à l’ajournement réglementaire. […]
[Et Barrette de dire :] « Je suis le premier ministre de la province de Québec et j’ai le droit de présenter cette motion sans rendre des comptes au chef de l’opposition. » Évidemment qu’il en avait le droit! Mais j’avais aussi le droit de ne pas consentir! […] [En définitive, Barrette n’a] pas obtenu son ajournement. Dans son livre227, c’est là sa victoire : un ajournement perdu. Tout le monde n’a pas les mêmes exigences228…
La disgrâce de Camille Pouliot
La séance du 3 mars 1960 est le théâtre de ce qui constitue pour Pierre Laporte l’« un des événements les plus dramatiques de la dernière décennie à l’Assemblée législative229 ». Lapalme y livre un réquisitoire impitoyable contre Camille Pouliot, ministre de la Chasse et des Pêcheries, impliqué dans un scandale de népotisme concernant la compagnie dirigée par son fils230. Alors qu’il rédige ses mémoires, Lapalme affirme être encore rongé par les remords concernant son rôle dans cette histoire231.
L’accusation est grave, les preuves accablantes. Le père, en sa qualité de ministre, a subventionné la compagnie du fils afin qu’elle desserve le transport aérien dans la région de la Gaspésie. Les fonds publics ont-ils été dépensés en vain? Là n’est pas la question, d’affirmer Lapalme : « Il fallait condamner une politique232. » Qui plus est, un échange d’avions a été conclu entre le gouvernement et ladite compagnie, tout à l’avantage de cette dernière. Lapalme est catégorique : « Je ne sais pas comment, en dehors de la Chambre, on qualifierait cela, mais pour nous, c’est du népotisme. Ce traitement de faveur de la compagnie Trans-Gaspésien Aérien ltée a conduit cette dernière à faire de la sollicitation auprès des propriétaires de club de chasse et de pêche dépendant du ministère de la Chasse et de la Pêche. »
Du côté des ministériels, Rivard et Barrette interrompent certes Lapalme, mais celui-ci persiste et signe. Il est plus caustique et déchaîné que jamais233. Après cette tempête, Pouliot tente tant bien que mal de défendre son honneur. Amené par Lapalme sur un terrain des plus glissants, non seulement Pouliot n’évite pas les écueils qui jalonnent sa route, mais il s’enfonce plus profondément encore alors qu’il laisse parler sa fibre paternelle : « On appelle cela du népotisme? Quand je vois ainsi quelqu’un consacrer tout son temps et tous ses efforts au service d’une cause, de ses concitoyens et d’une région, même s’il est fils de ministre, je n’appelle pas ça du népotisme, mais du patriotisme. […] C’est du népotisme que de travailler pour son pays et ses enfants? Voyons donc M. le président. »
Dans ses mémoires, Lapalme revient sur cette scène et s’étonne de la réaction du premier ministre : « Personne ne se leva pour répondre. […] Barrette le regardait, mais restait assis. C’était navrant234. » Aussi, durant la séance, Lapalme se lève-t-il et demande la démission du ministre, laissé à lui-même. N’en revenant toujours pas, il se confie à Rivard : « "J’ai connu un homme qui n’aurait pas laissé les choses se passer ainsi. Duplessis aurait pris la défense de son ministre et serait ensuite passé à l’attaque. Regardez le docteur : il est seul à son siège. Personne n’est allé lui parler." Il faisait pitié, abandonné de tous, surtout de son chef qui n’avait pas ouvert la bouche. »
Les ministériels ne manquent pas de remarquer la torpeur de Barrette qui n’avait osé prendre sa défense, et le lui reprocheront amèrement par la suite25. Pour Lapalme, cette séance marquante ne fait pas de doute dans son esprit : il s’agit du « commencement de la fin236 » pour l’Union nationale.
Pour une politique agraire
Les dispositions de la politique agricole du gouvernement retiennent largement l’attention des débats lors de la session. Sous Sauvé, le crédit agricole reste le fleuron de l’administration unioniste dont les mérites sont multiples. Selon Laurent Barré, ministre de l’Agriculture, le « but du prêt agricole, c’est d’assurer la stabilité et la sécurité sur la ferme. Le cultivateur est capable de payer 2 % et c’est parce qu’il est capable de payer qu’il n’y a pas eu de pertes. Le vrai crédit agricole, c’est celui que M. Duplessis a établi ». (1er décembre 1959)
Du point de vue des oppositionnels, la situation des agriculteurs est bien moins rose qu’il n’y paraît. Pour Alcide Courcy, député d’Abitibi-Ouest, il est temps de « repenser la politique agricole dans la province ». (15 décembre 1959) Après avoir décrié l’inaction du gouvernement sous Duplessis et Sauvé en la matière, il présente les points sur lesquels la législation québécoise devrait se focaliser : « Recherche scientifique, enseignement, vulgarisation, mise en marche, voilà les points de la politique agricole à l’avenir sur lesquels le gouvernement devrait porter ses efforts. »
Les mesures mises en place par les gouvernements Sauvé et Barrette, notamment les bills 5 et 79, prévoient d’augmenter significativement les sommes consacrées au crédit agricole afin d’accroître d’autant le pouvoir d’achat des agriculteurs, en ciblant le matériel spécifique aux fermes, tel l’achat d’outillage spécialisé ou la construction de certains bâtiments, dont des silos ou des hangars.
Les « orphelins de Duplessis »
Un ouvrage de Jacques Hébert défraie les manchettes et revient ci et là au gré des débats parlementaires. Dans Scandale à Bordeaux237, paru en 1959, le polémiste relate le triste sort réservé à un jeune enfant illégitime qui croupit à la prison de Bordeaux et dont il a pu consulter le dossier. Cette affaire sera l’une des premières pièces au dossier de ce que l’on appellera, par la suite, les « orphelins de Duplessis ». Devant l’insistance des oppositionnels, qui ne lâchent pas prise, le procureur général, Antoine Rivard, prend la parole et tente de calmer le tout, le 17 mars 1960, en soulignant les mesures prises par le gouvernement depuis pour remédier à la situation.
Le journal des débats
Dans son discours sur l’adresse en réponse au discours du trône, le 24 novembre, Lapalme attire l’attention des députés sur la présence de sténographes dans la Chambre. Il s’enquiert de la raison de leur présence et demande à « avoir une copie du texte qu’ils vont en transcrire ».
Sauvé répond que ces dispositions ont été prises à la suite d’une demande des membres de la Tribune de la presse, demande qu’il a acceptée de bonne grâce. Les sténographes, issus du palais de justice, avaient vocation d’aider les journalistes dans leur travail de retranscription des débats, non de suppléer à leur tâche. Une expérience qui tourne rapidement au vinaigre, les sténographes n’étant guère équipés pour accomplir adéquatement leur travail. Une expérience nécessaire, toutefois, puisqu’elle sensibilise le premier ministre aux questions entourant la retranscription de débats.
La question réapparaît, le 2 décembre, alors que Lapalme propose une motion sur la tenue d’un journal officiel des débats parlementaires. Il rappelle que non seulement l’expérience de sténographie, en l’occurrence, « n’a pas été très concluante, dit-il. Elle a même eu un effet désastreux ». Pour illustrer à quel point la tâche des sténographes n’a pas été exécutée convenablement, Lapalme présente une « perle » de leur part qui provoque l’hilarité de la Chambre : « L’un des sténographes à l’œuvre dernièrement lui a fait dire alors qu’il s’adressait au procureur général (l’honorable M. Rivard) : "Je m’excuse, Antoine238!" » En attribuant ces mots à Lapalme, les sténographes laissaient entendre que le député n’avait pas respecté le Règlement de l’Assemblée voulant que l’on interpelle un député par le nom de la circonscription qu’il représente ou par la fonction qu’il occupe au Conseil exécutif.
En retour, Lapalme réitère qu’il « faut intéresser la population à la chose publique et servir la cause du parlementarisme au Québec. Un Hansard serait un document authentique. Certains y chercheraient peut-être l’écho de leurs propres paroles; d’autres y chercheraient les paroles de leurs adversaires ».
Dans sa réponse, Sauvé reconnaît la lourde tâche qui incombe aux membres de la Tribune de la presse, auxquels il rend hommage, laissant entendre, au passage, qu’ils travaillent selon le système des pools239 : « Comment ont-ils pu rédiger en vitesse leur compte rendu de ce qui s’est dit au bureau du premier ministre devant la délégation et se retrouver, aussitôt après, au comité des bills publics, dont des comptes rendus ont été publiés, je me le demande. Ils ont dû prendre entre eux des arrangements mystérieux que j’ignore. » (2 décembre 1959)
Se rangeant aux arguments de Lapalme, Sauvé apporte son soutien à sa motion. À la surprise générale240, il propose que soit formé sur-le-champ un comité spécial qui étudiera la faisabilité du projet. Composé de Lapalme, de Rivard et de Caron, ce comité remet son rapport le 18 mars 1960 à la Chambre, lors de la dernière séance de la session. Au terme de leurs travaux, qui les ont vus s’enquérir des dispositions prises par les gouvernements de l’Ontario, du Manitoba et de la Saskatchewan, les membres du comité y vont du constat suivant :
Il nous semble que le système le plus effectif, qui rendrait le plus de services, serait celui d’engager un nombre suffisant de sténographes ou de sténotypistes qui enregistreraient les débats et qui les transcriraient suivant le système adopté à la Chambre des communes à Ottawa. Cette transcription pourrait être par la suite polycopiée à un nombre suffisant pour satisfaire les membres de l’Assemblée de même que ceux de la Galerie de la Presse.
Mis à l’essai dans les années subséquentes à partir des recommandations faites par ledit comité, le Journal des débats sera créé officiellement le 4 janvier 1964241.
Faits cocasses, faits divers
La session 1959-1960 contient son lot d’étrangetés, de bizarreries, de faits tant insolites qu’inusités. Certains députés se permettent parfois quelque homélie prophétique, dont la justesse des propos est surprenante, si elle n’est renversante. Tel est le cas de Lafrance, alors qu’il reprend les idées-forces du mythe de la grande noirceur : « L’histoire démontrera combien l’incurie, l’opportunisme électoral, le favoritisme et l’improvisation administrative du régime de l’Union nationale ont retardé de plus de 25 ans l’épanouissement social, économique et culturel de notre peuple. » (30 novembre 1959) Déjà, au tournant des années 1960, la grande noirceur est un sujet à la mode et n’est pas l’exclusivité de la gauche, loin s’en faut. Alors que Barrette « compare le régime de M. Godbout à la grande noirceur » (4 mars 1960), Caron, pour sa part, considère « que les libéraux préfèrent l’obscurantisme, car si le peuple est moins renseigné, ils auront peut-être la chance d’être élus… » (11 février 1960)
Il arrive que des adversaires, rompus aux affres de la joute parlementaire, se permettent de badiner en plein débat. Alors que tous deux sont troublés par un chiffre sur lequel la confusion semble régner, Sauvé et Lapalme font preuve d’une belle complicité dans les circonstances en se répondant du tac au tac :
L’honorable M. Sauvé (Deux-Montagnes): […] On m’informe qu’en date du 31 décembre 1958, la dette du pont Jacques-Cartier était de $14,926,000, plus $14,185,816 pour les déficits accumulés et les intérêts, soit une somme globale de $29,111,000. Ces chiffres me paraissent fabuleux.
M. Lapalme (Montréal-Outremont): Moi, je ne comprends plus rien!
L’honorable M. Sauvé (Deux-Montagnes): Moi non plus!
M. Lapalme (Montréal-Outremont): Disons que ce n’est pas la journée de la compréhension! (9 décembre 1959)
Dans la même lignée, des députés de part et d’autre y vont à l’occasion de facéties qui ont l’heur de détendre l’atmosphère. Dans une discussion sur les bibliothèques publiques, Hamel s’inquiète, le 7 décembre, que la commission concernée ne soit soumise à des intérêts partisans.
M. Hamel (Saint-Maurice): Il faut prendre des précautions. Si par hasard le gouvernement plaçait certains de ses amis dans cette commission, on pourrait bien imposer Quinze années de réalisations242 comme livre de lecture.
L’honorable M. Sauvé (Deux-Montagnes): Cela serait aussi bien, à coup sûr, que Lesage s’engage.
(Rires)
Les débats en Chambre sont parfois le lieu de retrouvailles autant inattendues qu’inusitées, comme celles d’un étudiant et de son maître qui se retrouvent après tant d’années. Mais des flammèches finissent par jaillir, surtout lorsque l’élève (Hamel) cherche à en montrer au maître (Rivard) :
M. Hamel (Saint-Maurice): En Chambre, il s’agit de projets de loi publics. Les avis publics sont pour les projets de loi privés, et il faut renseigner la population. Va-t-il falloir maintenant, que je donne des cours à mon ancien professeur à Laval?
L’honorable M. Rivard (Montmagny): Le député de Saint-Maurice aurait dû comprendre ceux que je lui ai donnés.
M. Hamel (Saint-Maurice): Le procureur général (M. Rivard) a trouvé autrefois que je comprenais ses cours puisqu’il m’a accordé son prix à l’université pour le meilleur élève. Je plains le reste de la classe s’il considère que je n’ai rien appris.
L’honorable M. Rivard (Montmagny): Bien, tout ce que je peux dire, c’est que vous semblez en avoir oublié beaucoup depuis ce temps. (14 janvier 1960)
Sans surprise, certains mots restent, au grand dam des personnages concernés. À l’Assemblée législative, il arrive ainsi fréquemment que les députés libéraux rappellent à Rivard la saillie de Duplessis à son endroit, le fameux « toé, tais-toé » que tous ont frais à la mémoire, tel Émilien Lafrance qui, le 16 février 1960, veut parler :
Un député ministériel: Tais-toé et assis-toé.
M. Lafrance (Richmond): Je ne suis pas le solliciteur général243.
Même rendu dans les banquettes de l’opposition, en 1960, le pauvre Rivard ne sera pas au bout de ses peines alors que les libéraux au pouvoir continueront de rappeler le souvenir de cette anecdote.
Albert Dionne, député libéral de Rimouski, y va d’une proposition insolite. Citant l’expertise du commandant Lucien Beaugé, dont la réputation n’est plus à faire à ses dires, il propose au gouvernement d’établir un barrage sur le détroit de Belle-Isle, ce qui « améliorerait sensiblement notre climat, pour le plus grand bénéfice de l’agriculture, de la navigation, des pêcheries et du tourisme ».
D’après le commandant Beaugé, si l’on construisait une jetée pour arrêter les glaces dans le détroit de Belle-Isle, qui n’a que neuf milles de largeur à un certain endroit, et que l’on détournait le courant du Labrador, tout se passerait comme si la province de Québec était située à 240 milles plus au sud, et il en résulterait un prolongement de la saison chaude à Gaspé et le long du fleuve Saint-Laurent. […] Il vaudrait la peine de dépenser quelques milliers de dollars pour scruter plus à fond cet audacieux projet. (1er décembre 1959)
Ce n’est pas la première fois que ce projet des plus audacieux de Beaugé remonte à la surface des débats parlementaires. René Chaloult, alors député indépendant de Québec, avait soumis les mêmes recommandations au gouvernement, le 28 avril 1947. Comme quoi il est de ces idées particulières qui fascinent les esprits et traversent les époques.
Critique des sources
Par Alexandre Turgeon
La Tribune de la presse
Du mois de novembre 1959 au mois de mars 1960, la présidence de la Tribune de la presse est assurée par Fernand Renault, du Montreal Star, secondé dans ses fonctions par Pierre Laporte, du Devoir, et par Ken Stewart, du Toronto Telegraph, qui agissent tous deux à titre de vice-présidents. Henri Dutil, du Soleil, remplit pour sa part les fonctions de secrétaire.
Les autres courriéristes parlementaires connus sont : Wilbur Arkison, de The Gazette; Maurice Bernier, du Montréal-Matin; Domnique Clift, du Globe and Mail; Richard Daigneault, Gilles Marcotte et Jacques Monnier, de La Presse canadienne; Calixte Dumas et Charles-Eugène Pelletier, de L’Action catholique; Denys Paré, du Soleil; Paul Leclerc, du Montreal Star; Fernand Marcotte, de Broadcast News; Gilles Méthot, du Nouvelliste; Warren Stafford, du Quebec Chronicle-Telegraph; Marc-Émond Thivierge, de la United Press International; et Brian Upton, du Star.
La Tribune de la presse accueille dans ses rangs deux nouveaux médias, lesquels viennent gonfler d’autant la galerie. CFCM-TV, une station de télévision privée de Québec, et CHRC, une station de radio de Québec, délèguent chacun un courriériste pour suivre les débats. Il s’agit de Gérard Fecteau, de CFCM-TV, et de Jacques Gauthier, de CHRC. Cette session marque donc l’entrée des médias électroniques à la Tribune de la presse.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes… ou non?
S’il est un élément sur lequel les membres de la Tribune semblent constamment buter, et ce, tout au long de la session, c’est bien lorsque vient le temps de rapporter les montants présentés par les députés lors de leurs discours. La plupart du temps, les discordances recensées d’un journaliste à l’autre sont minimes. Parmi tant d’autres cas de la sorte, prenons celui du 15 février 1960, alors que Lafrance discute de montants alloués à la construction des ponts. Alors que Le Soleil parle d’une somme de 16 millions de dollars, L’Action catholique parle plutôt de 18 millions de dollars. Comme les Comptes publics de 1961 rapportent pour leur part la somme de 16 millions de dollars, le nombre publié par Le Soleil a été conservé dans la reconstitution des débats.
Il arrive par contre que la disparité soit d’un tout autre ordre. C’est le cas de Hamel, le 15 janvier, qui signale qu’un journal fait fausse route. Alors qu’il avait avancé que les frais de publicité de l’Union nationale s’élevaient à 23 000 $ par candidat, le journal en question a plutôt rapporté le nombre gargantuesque de 23 000 000 $. Ce qui fait dire à un Barrette, le sourire aux lèvres244 :
Le député du Saint-Maurice a droit à son opinion, mais les chiffres mentionnés sont fantastiques et fantaisistes. Une telle somme représente sans doute la publicité de tous les partis politiques depuis 10 ou 15 ans pour le moins.
(Éclats de rire général)
Pareille coquille met également en cause le chef de l’opposition. Le 19 janvier, il tient à signaler qu’une erreur s’est glissée dans les comptes rendus de certains journaux, dont Le Soleil. Dans son discours du 15 janvier portant sur la transformation des matières premières, il avait cité en exemple l’industrie sidérurgique du Bengale, qui emploie non pas 300 personnes comme on lui a attribué à tort, mais près de 30 000 individus. L’erreur est somme toute assez banale, et sans conséquence, mais Lapalme ayant à cœur le dossier des richesses naturelles, il tient à ce que la rectification soit faite en bonne et due forme.
La Tribune de la presse, un partenaire sur lequel il faut compter
Les parlementaires ont pleinement conscience que le travail des courriéristes parlementaires constitue un puissant levier de l’opinion publique qui peut servir autant à leur avantage qu’à leur désavantage. Ainsi, le 22 février, alors qu’oppositionnels et ministériels se déchirent sur la question des documents déposés aux archives et la procédure à suivre, l’Orateur, à qui revient l’ultime responsabilité dans ce dossier, tient à tirer les choses au clair. Pour ce faire, il s’adresse directement aux députés et communique, selon toute apparence, une copie de son discours aux membres de la Tribune qui, pour leur part, le reproduisent intégralement dans leur média respectif. Il appert toutefois que Le Devoir ait déformé, sciemment ou non, la nature du propos :
M. l’Orateur: Je désire faire une observation relativement à ce qui a paru dans certains journaux de vendredi, concernant la séance de jeudi dernier, et je tiendrais à ce que les journaux reproduisent exactement mes remarques.
Je lis, dans un journal, ce qui suit: "Le gouvernement provincial a décidé qu’à l’avenir, les libéraux seront obligés de consulter les documents dans le bureau des archives, documents que la Chambre basse oblige de produire."
Je lis dans un autre entrefilet qui se lit comme suit: "À l’avenir, les libéraux devront consulter les documents au bureau même des archives et ne pourront plus les emprunter245…"
Ces notes de journaux sont manifestement inexactes, incomplètes et fallacieuses et sont de nature à tromper le public, en plus d’être injustes pour l’Orateur.
Des mots qui manquent à l’appel, ou à reconsidérer
Parfois, dans les comptes rendus quotidiens, une expression, un mot lâché au hasard – perdu dans le brouhaha des discussions – est attribué à un parlementaire qui, malheureusement, n’a pas pu être identifié par aucun des courriéristes.
D’autres propos rapportés par les courriéristes parlementaires portent davantage confusion. Tel est le cas de cette phrase qu’aurait lancée à brûle-pourpoint Germain Caron, au beau milieu du discours de René Hamel sur la loi de l’instruction publique, alors que la Chambre était en comité plénier :
M. Hamel (Saint-Maurice): [Ce télégramme] a eu son écho dans les journaux, notamment dans Le Nouvelliste qui étalait la nouvelle sur huit colonnes.
M. Caron (Maskinongé): C’est un tissu de mensonges.
Cette phrase de Caron, telle que rapportée par Le Nouvelliste, est à prendre avec précaution. De prime abord, on la retrouve dans l’introduction de l’article et non dans le corps du texte; aussi on ne sait quand elle a été dite246. Qui plus est, selon Gilles Méthot, courriériste du Nouvelliste, ces paroles s’adressent au quotidien. La journée même de la parution de l’article, Caron se rend auprès de Méthot afin de faire une mise au point concernant cette phrase, mise au point publiée dès le lendemain. Au dire de Caron, il n’a jamais prononcé l’expression telle quelle. Il aurait plutôt déclaré " qu’il y a eu malentendu », faisant alors allusion à une méprise entre trois individus247.
La reconstitution des débats, reproduite à partir des comptes rendus réalisés par les membres de la Tribune de la presse, n’est certes pas un exercice parfait, étranger aux erreurs et aux incorrections. Les quelques exemples mentionnés montrent quelques-unes de ces failles rencontrées. Mais, dans son ensemble, l’essentiel des débats reconstitués de 1959-1960 demeure tout de même un portrait fidèle de la session.
Notes de l’introduction historique et de la critique des sources
1. « 15 septembre 1959 – Visite de Nikita Khrouchtchev aux États-Unis », Perspective Monde, Université de Sherbrooke, [en ligne] http://perspective.usherbrooke.ca/
2. Parmi les décisions notables de Diefenbaker à la tête du gouvernement du Canada, notons celle de faire entrer Ellen Fairclough au Cabinet. Il s’agit de la première femme à siéger au sein du Cabinet fédéral.
3. Denis Smith, « Diefenbaker, John George », Dictionnaire biographique du Canada, [en ligne] http://www.biographi.ca/
4. Au fédéral, le droit de vote est accordé aux Inuits en 1950. « Droit de vote », L’Encyclopédie canadienne, http://www.thecanadianencyclopedia.com.
5. À ce sujet, on consultera Jean-Pierre Fournier, « Diefenbaker, champion des droits de la personne », Les Archives de Radio-Canada, le 28 novembre 1971, [en ligne] http://archives.radio-canada.ca/
6. Pierre Godin, René Lévesque. Tome 1 : Un enfant du siècle 1922-1960, Montréal, Boréal, 1994, p. 368.
7. Notons que Normand Hudon s’en prend à Daniel Johnson une fois qu’il est devenu la figure de proue de l’Union nationale.
8. Bilan du siècle, Université de Sherbrooke, http://bilan.usherbrooke.ca/
9. Mgr Charbonneau avait notamment pris position pour les ouvriers lors de la grève de l’amiante à Asbestos, en 1949, ce qui aurait fait de Duplessis son irréductible adversaire. Ce serait sous les pressions de Duplessis et de son entourage que Mgr Charbonneau demande au pape Pie XII de le relever de ses fonctions, le 10 février 1959. Sa démission, effective immédiatement, est annoncée par Rome le lendemain.
10. À ce sujet, on consultera Guy Frégault, La guerre de la conquête, Montréal, Fides, 2009 (1955), 514 p. et Charles-Philippe Courtois (dir.), La Conquête : une anthologie, Montréal, Typo, 2009, 485 p.
11. Roger Ebert, « Breathless (1960) », rogerebert.com, [en ligne] http://rogerebert.suntimes.com/
12. Yves Lever, Anastasie ou la censure du cinéma au Québec, Sillery, Septentrion, 2008, p. 165.
13. Une tendance récente de l’historiographie québécoise consiste à souligner l’apport de Paul Sauvé à la Révolution tranquille, en lui donnant le rôle de « précurseur ». Voir : Christian Blais, Gilles Gallichan, Frédéric Lemieux et Jocelyn Saint-Pierre, Québec : quatre siècles d’une capitale, Québec, Publications du Québec, 2008, p. 499; Paul Labonne, Paul Sauvé : désormais, l’avenir, 1907-1960, Outremont, Point de fuite, 2003, 109 p.; et Jacques Parizeau, « Quand le Canada n’est plus au centre de la scène », dans Yves Bélanger, Robert Comeau et Céline Métivier (dirs.), La Révolution tranquille : 40 ans plus tard : un bilan, Montréal, VLB éditeur, 2000, p. 139. Dès 1971, Denise Bombardier affirme que Sauvé est « le précurseur de la "Révolution tranquille" « : Denise Bombardier, Les « cent jours » du gouvernement Sauvé, mémoire de maîtrise (science politique), Montréal, Université du Québec à Montréal, 1971, p. 168. Dans la série radiophonique La Révolution tranquille, diffusée à Radio-Canada à l’occasion du cinquantenaire de ladite révolution, l’hypothèse est avancée que Sauvé en soit le père.
14. D’autres auteurs continuent de dissocier Paul Sauvé de la Révolution tranquille et de l’associer, de fait, à la grande noirceur. Voir : Jean-Claude Deschênes, « La Révolution tranquille et les réformes de la santé », dans Y. Bélanger, R. Comeau et C. Métivier (dirs.), La Révolution tranquille…, p. 293. Notons pour finir que l’anniversaire consacré de la Révolution tranquille est le 22 juin 1960, date de l’élection de Jean Lesage et de son « équipe du tonnerre ».
15. Georges-Émile Lapalme, Mémoires. Tome 2 : Le vent de l’oubli, Montréal, Leméac, 1970, p. 244.
16. Ibid., p. 237.
17. Conrad Black, Maurice Duplessis, Montréal, Éditions de l’Homme, 1999, p. 503.
18. Ibid., p. 512. Voir : Dale C. Thompson relate lui aussi l’affaire, en situant plutôt la conférence au mois de juin. Voir Jean Lesage et la révolution tranquille, Saint-Laurent, Éditions du Trécarré, 1984, p. 108.
19. C. Black, Maurice Duplessis…, p. 512.
20. À ce sujet, on consultera C. Black, Maurice Duplessis…, p. 513-514.
21. C. Black, Maurice Duplessis…, p. 513-514.
22. Paul Sauvé, « Annonce du décès de Maurice Duplessis », Les Archives de Radio-Canada, le 7 septembre 1959, [en ligne] http://archives.radio-canada.ca/
23. Jean-Michel Leprince, « Duplessis, mort et renié », Les Archives de Radio-Canada, le 7 septembre 1979, [en ligne] http://archives.radio-canada.ca/
24. C. Black, Maurice Duplessis…, p. 517.
25. Roland Lelièvre, « Les funérailles de Duplessis », Les Archives de Radio-Canada, le 10 septembre 1959, [en ligne] http://archives.radio-canada.ca/
26. Martin Pâquet, « Le deuil comme consensus. Les rituels funéraires des responsables politiques au Canada et au Québec, 1868-2000 », Bulletin d’histoire politique, vol. 14, no 1 (automne 2005), p. 84.
27. G.-É. Lapalme, Mémoires…, tome 2, p. 244.
28. Cette opinion fait consensus auprès de tous, contemporains et chercheurs confondus. Voir : D. C. Thompson, Jean Lesage…, p. 108; Pierre Godin, Daniel Johnson. Tome 1 : 1946-1964 : La passion du pouvoir, Montréal, Éditions de l’Homme, 1980, p. 116; et G.-É. Lapalme, Mémoires…, tome 2, p. 244.
29. C. Black, Maurice Duplessis…, p. 515.
30. Robert Rumilly, Maurice Duplessis et son temps. Tome 2 : 1944-1959, Montréal, Fides, 1973, p. 706; et P. Godin, Daniel Johnson…, p. 115-116.
31. Selon certains, Paul Sauvé retire son indépendance vis-à-vis de Gérald Martineau du fait de sa situation financière avantageuse. Jamais durant sa carrière il dut recourir aux services de la caisse électorale pour assurer son élection dans Deux-Montagnes. Voir : P. Godin, Daniel Johnson…, p. 119.
32. Pierre Bohémier remporte sans opposition la circonscription de Labelle lors des élections partielles qui se tiennent le 15 octobre 1958. Le siège était vacant depuis le 20 août 1958, depuis la démission d’Albiny Paquette, nommé au Conseil législatif dans Rougemont.
33. Il est à noter que le Parti libéral ne présente aucun candidat dans Lac-Saint-Jean et "n’a pas montré trop d’animosité" dans Labelle, pour citer Lapalme. (19 novembre 1959) Cette décision de Lesage, qui préfère fourbir ses armes en prévision des élections générales, suscite les railleries des ministériels en Chambre.
34. « Trois-Rivières restera sans député jusqu’aux prochaines élections », Le Soleil, 14 septembre 1959, p. 1.
35. Réjean Pelletier, Partis politiques et société québécoise : de Duplessis à Bourassa 1944-1970, Montréal, Québec/Amérique, 1989, p. 119-124.
36. Fait à noter, Denise Bombardier raconte qu’à la toute première rencontre du Cabinet sous Sauvé, Rivard aborde familièrement celui qui avait été la veille son collègue d’une franche tape dans le dos, accompagné d’un bonhomme : « Salut Ti-Paul! » Ce à quoi il répondit, flegmatique : « Bonjour Monsieur le procureur général. Ayez donc l’obligeance de vous rappeler que nous sommes au Cabinet et que vous vous adressez au premier ministre. » Denise Bombardier, Les « cent jours » du gouvernement Sauvé, mémoire de maîtrise (science politique), Montréal, Université du Québec à Montréal, 1971, p. 107-108.
37. Élisée Thériault s’éteint le 30 juillet 1958, Jacob Nicol, le 23 septembre, et Émile Moreau, le 28 janvier 1959. On notera que les trois étaient d’allégeance libérale.
38. Barrette y pourvoira en y nommant Joseph-Oscar Gilbert, le 30 mars 1960, soit 12 jours après la prorogation de la 4e session de la 25e législature.
39. À l’origine, il s’agissait d’un seul et même ministère, mais, devant l’ampleur de la tâche, la décision de les scinder en deux ministères, avec leur personnel respectif, s’imposa d’elle-même le 15 janvier 1959. Il est à noter que du 18 septembre 1946 au 17 août 1947, Sauvé et Paquette furent respectivement ministre du Bien-être social et de la Jeunesse et ministre de la Santé et du Bien-être social au sein du cabinet Duplessis. Une situation normalisée le 17 août 1947, Paquette n’étant plus que ministre de la Santé.
40. Dont voici d’ailleurs une liste exhaustive : Antonio Barrette, ministre du Travail; Paul Dozois, ministre des Affaires municipales; Laurent Barré, ministre de l’Agriculture; Joseph-Damase Bégin, ministre de la Colonisation; John Samuel Bourque, ministre des Finances; Paul Beaulieu, ministre de l’Industrie et du Commerce; William McOvat Cottingham, ministre des Mines; Camille Pouliot, ministre des Pêcheries et de la Chasse; Daniel Johnson, ministre des Ressources hydrauliques; Arthur Leclerc, ministre de la Santé; Yves Prévost, secrétaire de la province; Roméo Lorrain, ministre des Travaux publics; Antonio Talbot, ministre de la Voirie; Antonio Élie, Wilfrid Labbé et Gérard Thibeault, ministres d’État.
41. Arthur Sauvé fut, à l’Assemblée législative, député conservateur dans Deux-Montagnes de 1908 à 1930 et, à la Chambre des communes, député conservateur dans Laval-Deux-Montagnes de 1930 à 1935. Dans le cabinet Bennett, il fut ministre des Postes pour la même période.
42. Bien qu’absent du Québec lors des élections générales de 1944, son épouse Luce Pelland fait campagne en son nom et parvient à le faire élire avec une majorité de 1 509 voix face au libéral Jean-Léo Rochon.
43. Gérard Bergeron, Pratique de l’État au Québec, Montréal, Québec/Amérique, 1984, p. 68.
44. Qui ne connaît pas la fameuse anecdote du copieux « Tais-toi, tais-toi… Laisse-moi faire! » que Duplessis servit à Baie-Comeau, le 14 juin 1958, au pauvre Rivard, tout décontenancé de cette boutade gaillarde. Voir : Mathieu Rompré, « Le "toé, tais-toé" de Duplessis : mythe ou réalité? », Bulletin de l’Assemblée nationale, vol. 30, nos 1-2 (septembre 2001), p. 20; et Michel Sarra-Bournet, « Duplessis, Maurice Le Noblet », Dictionnaire biographique du Canada…. Le caricaturiste Robert La Palme fit ses choux gras de l’affaire. Tout devint prétexte pour La Palme d’insérer ci et là dans ses caricatures le solliciteur général qui pour un rien se faisait rabrouer promptement par le premier ministre, qui ne mâchait pas ses mots : « Toé, tais-toé! » Parmi les caricatures de La Palme, on consultera notamment celles parues dans Le Devoir les 7 et 21 juillet et le 1er août 1958, toutes à la page 4. La légende est rendue telle d’ailleurs qu’elle dépasse tout entendement : « Le fameux "toé-tais-toé" que Duplessis lançait à ses ministres en pleine Chambre résume bien le fondement du duplessisme. » de soutenir Denise Bombardier, dans Les « cent jours »…, à la page 53.
45. Pierre Laporte, Le vrai visage de Duplessis, Montréal, Éditions de l’Homme, 1960, p. 65.
46. Nous parlons de mythe, du fait que ce passage des plus anecdotiques de Laporte sur la personnalité de Sauvé a depuis été repris à toutes les sauces, par différents auteurs. Réjean Pelletier et Dale C. Thompson, l’un dans Partis politiques et société québécoise : de Duplessis à Bourassa 1944-1970 (p. 124), l’autre dans Jean Lesage et la révolution tranquille (p. 109), reviennent sur cet extrait en commettant l’erreur d’attribuer ces propos à Laporte. Sous leur plume, c’est Laporte qui parle, qui analyse, qui classe « en trois catégories » les ministres de Duplessis. Alors qu’il s’agit de prime abord d’une déclaration à l’emporte-pièce d’un sénateur québécois que Laporte, sans doute par considération pour la formule, insère dans son ouvrage. Il est d’ailleurs digne de mention qu’outre cette brève mention Pierre Laporte ne revient qu’à une seule autre occasion sur Sauvé dans son ouvrage Le vrai visage de Duplessis (p. 22), bien qu’il consacre un pan entier de son ouvrage aux relations du chef avec ses ministres (Maurice Duplessis et ses ministres, p. 65-76). Dans ce chapitre, outre l’anecdote ci-haut mentionnée, il n’est nulle part fait mention de Sauvé.
47. G.-É. Lapalme, Mémoires…, tome 2, p. 198.
48. C’est plutôt en ces termes que Pierre Godin rapporte les propos de Sauvé : « Quand j’étais dans l’armée, j’étais un simple major. Je ne discutais pas les ordres de mes supérieurs. Quand Duplessis était premier ministre, j’exécutais ses ordres. Je ne discutais pas. » dans Daniel Johnson…, p. 126.
49. D. Thompson, Jean Lesage…, p. 109.
50. G.-É. Lapalme, Mémoires…, tome 2, p. 278.
51. D. Thompson, Jean Lesage…, p. 108.
52. Voir : Marguerite Paulin, Maurice Duplessis : Le Noblet, le petit roi, Montréal, XYZ, 2002, p. 141; et René Chaloult, Mémoires politiques, Montréal, Éditions du Jour, 1969, p. 221-222.
53. M. Sarra-Bournet, « Duplessis… ».
54. Paul Labonne utilise le vocable comme sous-titre de son ouvrage Paul Sauvé : désormais, l’avenir, 1907-1960.
55. G. Bergeron, Pratique de l’État…, p. 68.
56. Cyrille Felteau, « Le prélude du 22 juin 1960 », dans Une certaine révolution tranquille : 22 juin 60-75, Montréal, Éditions La Presse, 1975, p. 11.
57. C. Black, Maurice Duplessis…, p. 521.
58. Pierre Duchesne, Jacques Parizeau. Tome 1 : Le Croisé, 1930-1970, Montréal, Québec/Amérique, 2001, p. 211.
59. Jean-Louis Gagnon, Les Apostasies. Tome 2 : Les dangers de la vertu, Montréal, Éditions La Presse, 1988, p. 16.
60. Paul Gérin-Lajoie, Combats d’un révolutionnaire tranquille : propos et confidences, Montréal, Centre éducatif et culturel, 1989, p. 173; D. Bombardier, Les « cent jours »…, p. 16; Yves-Henri Nouailhat, Le Québec de 1944 à nos jours : un destin incertain, Paris, Imprimerie nationale, 1992, p. 95; Jean Hamelin et André Garon, « Introduction : La vie politique au Québec de 1956 à 1966 », dans V. Lemieux (dir.), Quatre élections provinciales au Québec, 1956-1966, Québec, Presses de l’Université Laval, 1969, p. 12; M. Cardinal, V. Lemieux et F. Sauvageau, Si l’Union nationale…, p. 102.
61. J. Hamelin et A. Garon, « Introduction… », p. 12; Y.-H. Nouailhat, Le Québec…, p. 95. On notera par ailleurs qu’Yves -Henri Nouailhat utilise le même passage, mot pour mot, dans son ouvrage.
62. D. Thompson, Jean Lesage…, p. 110.
63. M. Cardinal, V. Lemieux et F. Sauvageau, Si l’Union nationale…, p. 102.
64. G.-É. Lapalme, Mémoires…, tome 2, p. 277.
65. Lionel Bertrand, Quarante ans de souvenirs politiques, Sainte-Thérèse, Éditions Lionel Bertrand, 1976, p. 78-79.
66. P. Godin, Daniel Johnson…, p. 126. Le député Pierre Laporte en rajoute, alors qu’il siège à l’Assemblée législative. À la séance du 3 avril 1962, il affirme : "L’Union nationale a répandu le gauchisme à l’époque où elle était au pouvoir et elle a conservé cette pratique dans l’opposition. Mais le gauchisme est mort. Il est mort quand Sauvé, debout en face de moi, a dit : Désormais."
67. Elle date pourtant dans son mémoire une autre déclaration de Sauvé, soit qu’il aurait déclaré le 8 septembre à propos de son prédécesseur qu’il « faut continuer son œuvre ». D. Bombardier, Les « cent jours »…, p. 1.
68. M. Cardinal, V. Lemieux et F. Sauvageau, Si l’Union nationale…, p. 102.
69. P. Duchesne, Jacques Parizeau…, p. 211.
70. D. Bombardier, Les « cent jours »…, p. 16.
71. « M. Sauvé assure les journalistes de la collaboration du gouvernement », Le Soleil, 12 septembre 1959, p. 11.
72. Archives nationales à Québec, Conseil exécutif, arrêté en conseil du 16 septembre 1959, no 870-59 .
73. « M. Lesage : L’U. N. a renié Duplessis mais elle conserve le duplessisme », Le Devoir, 19 octobre 1959, p. 3.
74. « M. Sauvé déconcerte amis et adversaires », Le Devoir, 13 novembre 1959, p. 4.
75. « Encore un heureux "désormais"… – M. Sauvé consulte ses collègues! », Le Devoir, 2 décembre 1959, p. 1.
76. « Un "désormais" de taille – Le bill 34 : la clause relative à l’énumérateur unique est rayée! » Le Devoir, 19 décembre 1959, p. 1.
77. D. Thompson, Jean Lesage…, p. 111.
78. M. Cardinal, V. Lemieux et F. Sauvageau, Si l’Union nationale…, p. 101-102.
79. Pierre Godin rapporte également de tels propos de la part de Sauvé en conférence de presse. Voir : P. Godin, Daniel Johnson…, p. 123. Une stratégie tout en subterfuges, selon Pierre Godin, persuadé du machiavélisme politique de Sauvé. « Politicien rusé, Sauvé se défend bien de renier le duplessisme ou même de le contredire. Il est tout simplement en quête d’un nouveau style qu’il définit dans un slogan : "Le même but, mais pas les mêmes moyens!" Néanmoins, personne ne s’y trompe. Ni la presse ni le libéraux moroses. Rien ne sera plus comme avant. Ce qu’on appellera dans moins d’un an "la Révolution tranquille" vient de commencer. » dans ibid., p. 127.
80. M. Cardinal, V. Lemieux et F. Sauvageau, Si l’Union nationale…, p. 46.
81. G.-É. Lapalme, Mémoires…, tome 2, p. 280-281.
82. Ibid., p. 279.
83. Nous connaissons maintenant l’identité de l’informateur de Denise Bombardier. Il s’agit de Fernand Dostie, tel que révélé par Paul Labonne dans le cadre du colloque Duplessis, son milieu, son époque, tenu à Trois-Rivières et à Québec les 17, 18 et 25 septembre 2009.
84. D. Bombardier, Les « cent jours »…, p. 108. Il faut toutefois prendre avec un grain de sel cette information, comme il s’agit d’un témoignage d’un proche de Sauvé qui n’est corroboré par aucun autre témoin.
85. A. Barrette, Mémoires…, p. 192-193.
86. Pierre Laporte, cité dans C. Felteau, « Un prélude… », p. 11.
87. D. Bombardier, Les « cent jours »…, p. 129.
88. G.-É. Lapalme, Mémoires…, tome 2, p. 278. Lapalme annonce également la fin de la lune de miel en Chambre, le 24 novembre 1959, soit lors de la troisième séance de la session.
89. D. Bombardier, Les « cent jours »…, p. 145.
90. « Paul Sauvé – Un homme politique tourné vers l’avenir », Bibliothèque et Archives nationales du Québec, [en ligne] http://www.banq.qc.ca/
91. P. Godin, Daniel Johnson…, p. 143.
92. Dorval Brunelle, La désillusion tranquille, Montréal, Hurtubise HMH, 1978, p. 141; M. Cardinal, V. Lemieux et F. Sauvageau, Si l’Union nationale…, p. 47; Y.-H. Nouailhat, Le Québec de 1944…, p. 95; et G. Bergeron, Pratique de l’État…, p. 68.
93. P. Godin, Daniel Johnson…, p. 138.
94. Ibid., p. 148.
95. Ibid., p. 139.
96. M. Cardinal, V. Lemieux et F. Sauvageau, Si l’Union nationale…, p. 46.
97. P. Godin, Daniel Johnson…, p. 150-151. On notera qu’au terme des élections du 22 juin 1960, qui virent Lesage l’emporter sur Barrette, ce dernier démissionna, remplacé par Prévost qui assure l’intérim. Il ne sera toutefois pas en mesure de siéger en Chambre pour des raisons de santé.
98. C. Black, Maurice Duplessis…, p. 521.
99. P. Godin, Daniel Johnson…, p. 138.
100. D. Brunelle, La désillusion…, p. 141.
101. P. Godin, Daniel Johnson…, p. 144.
102. Ibid., p. 151.
103. R. Pelletier, Partis politiques…, p. 238.
104. P. Godin, Daniel Johnson…, p. 153-154.
105. M. Cardinal, V. Lemieux et F. Sauvageau, Si l’Union nationale…, p. 47. Sa longue absence de la Chambre basse à la fin des années 1950 a sonné le glas de l’homo civilis, ajoutent les auteurs. Ibid., p. 104.
106. J. Hamelin et A. Garon, « Introduction… », p. 12; et D. Thompson, Jean Lesage…, p. 113.
107. P. Godin, Daniel Johnson…, p. 152-153.
108. Ibid., p. 161.
109. D. Brunelle, La désillusion…, p. 141.
110. R. Pelletier, Partis politiques…, p. 238.
111. M. Cardinal, V. Lemieux et F. Sauvageau, Si l’Union nationale…, p. 106.
112. J. Hamelin et A. Garon, « Introduction… », p. 12; Y.-H. Nouailhat, Le Québec de 1944…, p. 95. Comme une fois n’est pas coutume, Yves-Henri Nouailhat repique la même expression à Jean Hamelin et André Garon.
113. Herbert Furlong Quinn, The Union nationale: Quebec nationalism from Duplessis to Lévesque, Toronto, University of Toronto Press, 1963, p. 177.
114. P. Godin, Daniel Johnson…, p. 163-164.
115. P. Gérin-Lajoie, Combats…, p. 174.
116. Gilles Gariépy, « L’Union nationale meurt, le Parti québécois naît et les libéraux règnent », dans Une certaine révolution tranquille : 22 juin 60-75, Montréal, Éditions La Presse, p. 29.
117. Susan Mann Trofimenkoff, Visions nationales : une histoire du Québec, Saint-Laurent, Éditions du Trécarré, 1986, p. 403.
118. G.-É. Lapalme, Mémoires…, tome 2, p. 284.
119. L. Bertrand, Quarante ans…, p. 106.
120. Voir : G.-É. Lapalme, Mémoires…, tome 2, p. 157.
121. « Trahison. J’ai tu l’histoire détaillée de celle ou de celles qui m’ont touché, je n’ai pas parlé des députés Ross et Rochon, j’ai passé sans le voir à côté de tel conseiller législatif, je n’ai pas raconté l’odyssée de l’agent X de Jos.-D. Bégin, etc. », Ibid., p. 290.
122. M. Cardinal, V. Lemieux et F. Sauvageau, Si l’Union nationale…, p. 106-107.
123. Ibid., p. 107.
124. C. Blais, G. Gallichan, F. Lemieux et J. Saint-Pierre, Québec : quatre siècles…, p. 499; J. Hamelin et A. Garon, « Introduction… », p. 12; H. Quinn, The Union nationale…, p. 177; G. Bergeron, Pratique de l’État…, p. 68.
125. P. Godin, Daniel Johnson…, p. 129-130, 152; L. Bertrand, Quarante ans…, p. 106; G.-É. Lapalme, Mémoires…, tome 2, p. 283.
126. L. Bertrand, Quarante ans…, p. 79. On notera que Lionel Bertrand, d’un côté, affirme que « Sauvé trouve la formule pour les obtenir » (p. 79), tandis que de l’autre il reconnaît que « Barrette récupère quelque 25 millions de la Fondation des universités canadiennes » (p. 106). Pour sa part, Michel Lamy reconnaît leurs mérites à tous deux. Voir : Michel Lamy, La révolution tranquille et le nationalisme politique : analyse du contenu des discours de Jean Lesage durant le premier mandat du gouvernement libéral (1960-1962), mémoire de maîtrise (science politique), Québec, Université Laval, 1994, p. 23.
127. A. Barrette, Mémoires…, p. 205.
128. Voir : M. Cardinal, V. Lemieux et F. Sauvageau, Si l’Union nationale…, p. 107.
129. P. Godin, Daniel Johnson…, p. 161.
130. Denys Paré, « C’était un géant en pleine maturité, dit l’hon. Barrette », Le Soleil, 12 janvier 1960, p. 3.
131. G.-É. Lapalme, Mémoires…, tome 2, p. 164.
132. P. Godin, Daniel Johnson…, p. 164.
133. M. Cardinal, V. Lemieux et F. Sauvageau, Si l’Union nationale…, p. 104.
134. D. Thompson, Jean Lesage…, p. 113.
135. Les présences de Lesage au Club de réforme sont bien connues. Les ministériels s’en moquent d’ailleurs en Chambre, tel Jean-Jacques Bertrand : "Et si nous avions eu à décider où doit rester le chef qui est en dehors de la Chambre, nous l’aurions laissé au Club de Réforme, son "parlement-école". (Rires)". (27 novembre 1959)
136. Lapalme avait finalement décidé de se retirer de la course à sa succession pour appuyer Lesage.
137. D. Thompson, Jean Lesage…, p. 110.
138. G. Bergeron, Incertitudes d’un certain pays : le Québec et le Canada dans le monde (1958-1978), Québec, Presses de l’Université Laval, 1979, p. 120.
139. « Publication du livre "Lesage s’engage" », Bilan du siècle…
140. G.-É. Lapalme, Mémoires…, tome 2, p. 280.
141. À ce sujet, on consultera Alexandre Turgeon, Le nez de Maurice Duplessis. Le Québec des années 1940 tel que vu, représenté et raconté par Robert La Palme : analyse d’un système figuratif, mémoire de maîtrise (histoire), Québec, Université Laval, 2009, p. 75-79.
142. P. Godin, Daniel Johnson…, p. 159.
143. D. Thompson, Jean Lesage…, p. 113.
144. P. Godin, Daniel Johnson…, p. 159-160.
145. D. Thompson, Jean Lesage…, p. 113.
146. G.-É. Lapalme, Mémoires…, tome 2, p. 115.
147. Il le sera plus encore lorsqu’il sera appelé, au terme des élections du 22 juin 1960, à participer au gouvernement de la province, d’où le titre des plus cyniques dont il affuble le troisième tome de ses mémoires, Le paradis du pouvoir. Voir : G.-É. Lapalme, Mémoires. Le paradis du pouvoir, Montréal, Leméac, 1973, tome 3.
148. Pour s’en convaincre, on consultera ibid., p. 276-279.
149. L. Bertrand, Quarante ans…, p. 78.
150. Les mésaventures de Lapalme au cours des années 1950 sont nombreuses. Pensons ainsi aux deux élections générales de 1952 et 1956 qui virent l’Union nationale triompher, à sa défaite personnelle dans Joliette en 1952, aux criants problèmes du Parti libéral durant ses années de vaches maigres, pour culminer avec la contestation de son leadership, qui propulsa Lesage à la tête du parti en mai 1958.
151. G.-É. Lapalme, Mémoires…, tome 2, p. 284.
152. D. Thompson, Jean Lesage…, p. 112.
153. G.-É. Lapalme, Pour une politique : le programme de la Révolution tranquille, Montréal, VLB éditeur, 1988, 348 p.
154. R. Comeau, « La Révolution tranquille : une invention? », dans Y. Bélanger, R. Comeau et C. Métivier (dirs.), La Révolution tranquille…, p. 15-16.
155. Ibid., p. 15; Jean-Charles Panneton, Georges-Émile Lapalme, précurseur de la Révolution tranquille, Montréal, VLB éditeur, 2000, 190 p.; M. Sarra-Bournet, compte rendu de l’ouvrage de J.-C. Panneton, Georges-Émile Lapalme…, Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 56, no 2 (automne 2002), p. 272; Claude Corbo, « Aux sources de la Révolution tranquille : redécouvrir Georges-Émile Lapalme », dans Jean-François Léonard (dir.), Georges-Émile Lapalme, Sillery, Presses de l’Université du Québec, 1988, p. 8.
156. Sylvain Simard, « Les relations France-Québec : aspect important de la Révolution tranquille », dans Y. Bélanger, R. Comeau et C. Métivier (dirs.), La Révolution tranquille…, p. 158.
157. G.-É. Lapalme, Mémoires…, tome 2, p. 241.
158. Georges-Émile Lapalme souligne d’ailleurs que ses discours étaient « d’une grande violence ». Voir : Ibid., p. 201.
159. Ibid., p. 290.
160. À titre d’exemple, le 3 mars 1960, à l’occasion d’un vote sur la décision du président du comité plénier, Hanley vote pour la première fois de la session contre le gouvernement.
161. « Reportage sur l’ouverture du Parlement », Progrès Islet, 14 novembre 1959, p. 7.
162. Jacques Monnier, « Cérémonial empreint de grandeur – Une importante session parlementaire s’ouvre », La Presse, 18 novembre 1959, p. 17.
163. « Faits saillants de la première séance de la nouvelle session », Montréal-Matin, 19 novembre 1959, p. 7.
164. D. Thompson, Jean Lesage…, p. 111.
165. D. Brunelle, La désillusion…, p. 136.
166. « L’assurance-hospitalisation : "Il faudra procéder avec prudence et sans hâte" », L’Événement-Journal, 19 novembre 1959, p. 1; « L’assurance-hospitalisation en vigueur bientôt dans le Québec », Le Nouvelliste, 19 novembre 1959, p. 1; « Plan d’assurance-santé au Québec? », La Tribune, 19 novembre 1959, p. 1.
167. Épineux, du fait que l’assurance-hospitalisation a longtemps été refusée d’office par Maurice Duplessis.
168. Yves Vaillancourt, L’évolution des politiques sociales au Québec 1940-1960, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1988, p. 199.
169. En fait, au cours des 22 derniers exercices financiers, le discours du budget a été lu neuf fois en février, huit en mars, trois en avril, ainsi qu’une fois en mai et en janvier. Il faut remonter au 16 octobre 1936 pour trouver un discours du budget qui ait été lu si tard dans l’année, ou plutôt si tôt au cours de l’exercice financier. Ce premier budget de l’administration Duplessis s’est lui-même tenu dans des circonstances particulières. Ce budget n’a toutefois que peu marqué les mémoires parlementaires, ce qui fait dire – à tort – à Jacques Monnier qu’il semble que ce soit la première fois que le budget est déposé avant Noël. Voir là-dessus : Christian Blais, « Introduction historique – 1ère session de la 19e Législature (du 19 mai 1935 au 11 juin 1936) », Débats reconstitués de l’Assemblée législative, Assemblée nationale, Québec; et J. Monnier, « L’hon. John S. Bourque prévoit un budget record de $617,797,200 – Un excédent réel de $500,200 », La Presse, 11 décembre 1959, p. 1.
Pour ce qui est des deux budgets qui ont été déposés en janvier et en mai, soit les 9 janvier 1952 et 21 mai 1940, la tenue ou l’issue d’élections générales expliquent ce décalage. Le 25 octobre 1939, le Parti libéral sous la gouverne de Godbout a remporté les élections. La 1ère session de la 21e Législature débutant le 20 février 1940, cela laisse près de trois mois jour pour jour au trésorier provincial, James Arthur Mathewson, afin de préparer son premier budget. La tenue des élections générales, prévues pour le 16 juillet 1952, explique quant à elle le fait que Gagnon ait déposé son budget si tôt dans la nouvelle année.
170. « Hommage au personnel », Montréal-Matin, 11 décembre 1959, p. 9.
171. Fernand Renault, « $593,633,000 In Revenues Set Record », Montreal Star, 10 décembre 1959, p. 1; J. Monnier, « L’hon. John S. Bourque… »; « Budget sans précédent… »; Maurice Bernier, « Budget record à Québec », Montréal-Matin, 11 décembre 1959, p. 3.
172. D. Paré, « Brillantes perspectives de l’économie générale de la province », L’Événement-Journal, 11 décembre 1959, p. 3. Dans les pages de La Tribune, on souligne toutefois une situation quelque peu problématique. Le discours du budget ayant été lu si tôt dans l’exercice financier, les députés n’ont pas encore pris connaissance du détail des crédits prévus par le gouvernement pour le prochain exercice financier. « L’hon. J. S. Bourque avait cru à un déficit de sept millions préalablement », La Tribune, 11 décembre 1959, p. 1.
173. G.-É. Lapalme, Mémoires…, tome 2, p. 279.
174. Ibid.
175. « On s’interroge sur la proximité d’élections générales au Québec », L’Événement-Journal, 11 décembre 1959, p. 3.
176. « L’hon. J. S. Bourque… », p. 1.
177. De 1867 à 2010, on compte 141 sessions parlementaires de l’Assemblée législative – puis nationale. De ces 141 sessions, dix ont connu deux premiers ministres.
178. Voir : L. Bertrand, Quarante ans…, p. 78-79.
179. Voir : G.-É. Lapalme, Mémoires…, tome 2, p. 284.
180. Ibid., p. 278-279.
181. D. Bombardier, Les « cent jours »…, p. 112.
182. The Montreal Daily Star, 2 décembre 1959, p. 1.
183. G.-É. Lapalme, Mémoires…, tome 2, p. 278-279.
184. Ginette Laroche, « Le Duplessis du sculpteur Émile Brunet », Bulletin de l’Assemblée nationale, vol. 38, no 2 (automne 2009), p. 31.
185. La Commission royale d’enquête sur l’administration publique, présidée par le juge Élie Salvas, est instituée par le gouvernement Lesage le 5 octobre 1960. Voir : D. C. Thompson, Jean Lesage…, p. 138.
186. J-M. Leprince, « Duplessis, mort… ».
187. « Scandale à la Corporation de gaz naturel de Québec », Le Devoir, 13 juin 1958, p. 1.
188. G.-É. Lapalme, Mémoires…, tome 2, p. 273.
189. Vincent Prince, « Important changement d’attitude », La Presse, 27 novembre 1959, p. 2.
190. Ibid.
191. P. Laporte, « Volte-face à l’Assemblée législative – Le premier ministre Sauvé permet le débat sur le GAZ NATUREL », Le Devoir, 27 novembre 1959, p. 1.
192. Le Temps, 3 décembre 1959, p. 3.
193. « From the discussion which followed it was obvious that the Liberals were unprepared, although Mr Hamel did not fare too badly under the circumstances. » Voir : Montreal Daily Star, 3 décembre 1959, p. 3.
194. On notera que Tellier a quitté entre-temps son poste de directeur de la compagnie.
195. P. Godin, Daniel Johnson…, p. 124.
196. J. Hamelin et A. Garon, « Introduction… », p. 12. Une fois de plus, on peut dire que Jean Hamelin et André Garon soutirent carrément les mots de la bouche à Yves-Henri Nouailhat. Voir : Y.-H. Nouailhat, Le Québec de 1944…, p. 95.
197. Le Devoir, 29 octobre 1959, cité dans D. Bombardier, Les « cent jours »…, p. 81.
198. G. Bergeron, Pratique de l’État…, p. 69.
199. M. Cardinal, V. Lemieux et F. Sauvageau, Si l’Union nationale…, p. 101.
200. D. Bombardier, Les « cent jours »…, p. 159.
201. Statuts de Québec, 8-9 Elizabeth II 1959-1960, chapitre 36.
202. The Quebec Chronicle-Telegraph, 11 décembre 1959, p. 1.
203. La Presse, 11 décembre 1959, p. 2.
204. La Presse, 12 décembre 1959, cité dans D. Bombardier, Les « cent jours »…, p. 120-121.
205. The Quebec Chronicle-Telegraph, 15 décembre 1959, p. 2.
206. M. Cardinal, V. Lemieux et F. Sauvageau, Si l’Union nationale…, p. 103. Le témoignage d’Auréa Cloutier entre d’ailleurs en contradiction avec les propos de Denise Bombardier. Cette dernière affirme que Paul Sauvé, dans une volonté de rompre avec le passé, « renvoie à Trois-Rivières Mlle Cloutier », dans Les « cent jours »…, p. 111.
207. Chiffres avancés dans The Gazette, 23 janvier 1960, p. 1.
208. On notera que Barrette, dans ses mémoires, ne souligne en aucun cas l’intervention de Lapalme sur cette question. Voir : A. Barrette, Mémoires…, p. 215-216.
209. Le train qui devait le ramener de Montréal est retardé par un déraillement survenu près de Trois-Rivières.
210. Voir : L’Action catholique, 1er mars 1960, p. 1; et Le Soleil, 1er mars 1960, p. 11.
211. D. Bombardier, Les « cent jours »…, p. 156; Jean Pelletier, cité dans M. Cardinal, V. Lemieux et F. Sauvageau, Si l’Union nationale…, p. 101; D. Brunelle, La désillusion…, p. 139.
212. John English, « Trudeau, Pierre Elliott », Dictionnaire biographique du Canada…
213. L. Bertrand, Quarante ans…, p. 79.
214. P. Godin, Daniel Johnson…, p. 129; L. Bertrand, Quarante ans…, p. 106; J. Hamelin et A. Garon, « Introduction… », p. 12. Et curieusement! Y.-H. Nouailhat, Le Québec de 1944…, p. 95.
215. P. Duchesne, Jacques Parizeau…, p. 211; D. Bombardier, Les « cent jours »…, p. 156; Jean Pelletier, cité dans M. Cardinal, V. Lemieux et F. Sauvageau, Si l’Union nationale…, p. 101; D. Brunelle, La désillusion…, p. 139.
216. L’Événement-Journal, 18 février 1960, p. 10.
217. La Tribune, 20 novembre 1959, p. 9.
218. À l’automne 1959, une seule grève d’importance est en cours dans la province, celle de la Dominion Textile à Magog, qui dure depuis le 26 septembre. Pour Dorval Brunelle, il appert évident que Duplessis « eût sans doute fait illico investir la ville par la Police provinciale ", alors que Rivard, procureur général, s’est engagé à ne pas la faire intervenir à moins que les forces de police locales ne le lui demandent expressément. Voir : D. Brunelle, La désillusion…, p. 140-141; et Le Devoir, 28 novembre 1959, p. 1.
219. Pour sa part, Hamel affirme « avoir "proposé d’adopter une motion pour que la Chambre ordonne qu’il soit produit et déposé, sur le bureau, une copie de la liste du personnel de la Commission du salaire minimum, à la date du 1er novembre 1959, avec en regard de chaque nom, l’adresse, le montant du salaire annuel et de l’allocation annuelle s’il en est". (12 janvier 1960) ».
220. Appelé à revenir sur ces événements dans ses mémoires, on sent bien toute la colère de Barrette, bouillant, qui de toute évidence n’a pas digéré depuis cet affront. Voir : A. Barrette, Mémoires…, p. 205.
221. Louis Massicotte, Le Parlement du Québec de 1867 à aujourd’hui, Québec, Presses de l’Université Laval, 2009, p. 54.
222. Un pareil plan est en vigueur au fédéral depuis le 1er juillet 1958, à la suite du rapport de la Commission royale d’enquête sur les services de santé présidée par Emmett M. Hall, le gouvernement Duplessis refusant d’y adhérer. Voir : J.-C. Deschênes, « La Révolution tranquille… », p. 293.
223. Statuts de Québec, 8-9 Elizabeth II, 1959-1960, chapitre 12.
224. Yves Vaillancourt partage leur avis et brosse un portrait bien sombre de la situation au Québec au tournant des années 1960 dans son ouvrage. Voir : Y. Vaillancourt, L’évolution des politiques…, p. 200.
225. D. Brunelle, La désillusion…, p. 140.
226. G.-É. Lapalme, Mémoires…, tome 2, p. 284.
227. Barrette revient lui-même sur cet incident dans ses mémoires. Selon ses dires, le chef de l’opposition avait prévu, cette journée-là, de le faire sortir de ses gonds. Lapalme ayant été nommé par l’Orateur, ce qui fit dire à Barrette : « Ainsi fut pris celui qui croyait prendre. ». Voir : A. Barrette, Mémoires…, p. 162-163.
228. G.-É. Lapalme, Mémoires…, tome 2, p. 283-284.
229. Le Devoir, 7 mars 1960, p. 1.
230. L’histoire est connue dès le printemps 1959. Laporte raconte même une histoire mettant en scène un Duplessis badinant sur cette affaire avec Lesage dans Le vrai visage de Duplessis, à la page 24 : « Vous avez l’air pressé, monsieur Lesage? - En effet j’ai hâte que ce soit mon tour de parler, car je dois assister à une assemblée ce soir dans les Cantons de l’Est et je crains d’être en retard. - Ne vous en faites pas. Je vais dire un mot à monsieur Pouliot. Il connaît cela l’aviation, lui! Il mettra un avion à votre disposition pour que vous arriviez à temps à votre réunion. »
231. « Je ressasse ici un remords qui me poursuit depuis la soirée où j’exécutai un ministre que j’estimais et qui depuis est allé mourir sous la bure. », dans G.-É. Lapalme, Mémoires…, tome 2, p. 284.
232. Ibid., p. 284.
233. P. Godin, Daniel Johnson…, p. 164.
234. G.-É. Lapalme, Mémoires…, tome 2, p. 285.
235. P. Godin, Daniel Johnson…, p. 163-164.
236. G.-É. Lapalme, Mémoires…, tome 2, p. 285.
237. Jacques Hébert, Scandale à Bordeaux, Montréal, Éditions de l’Homme, 1959, 157 p.
238. Il va sans dire que la bonne humeur de la Chambre à l’écoute de cette anecdote indique hors de tout doute que Lapalme n’a jamais prononcé ces paroles. Il l’eût fait qu’il aurait été alors vertement ramené à l’ordre par les ministériels. Malgré ces ratés plus qu’évidents, et les nombreuses difficultés auxquelles ils durent faire face, le compte rendu des sténographes a été conservé puisqu’il leur arrivait – déformation professionnelle de leur part? – de jeter sur le papier des éléments que nul autre n’avait cru bon relever. Pensons principalement à l’adresse en réponse au discours du trône faite par Lapalme, le 24 novembre. Pour conclure son imposant discours des plus critiques envers le programme législatif du gouvernement, il formule quelque 14 propositions concernant la Constitution canadienne. Le travail des sténographes étant ce qu’il est, on y retrouve certaines phrases étranges, sinon illisibles, du moins particulièrement nébuleuses. Or, comme seul le compte rendu des sténographes contenait cet élément, il fut conservé, malgré ces imperfections et ces carences, quitte à demander un certain travail de remodelage lors de la reconstitution des débats.
239. Sur les pools, voir : Jocelyn Saint-Pierre, Histoire de la Tribune de la presse à Québec, 1871-1959, Montréal, VLB éditeur, 2007, 315 p.
240. Nombreux sont les journalistes qui s’étonnent de voir Sauvé approuver une mesure que Duplessis avait rejetée si longtemps du revers de la main. Voir : L’Événement-Journal, 3 décembre 1959, p. 10; et The Montreal Daily Star, 3 décembre 1959, p. 1.
241. Gilles Gallichan, « La reconstitution des débats parlementaires du Québec : mémoire politique et identité nationale », dans Jean-Pierre Wallot, Pierre Lanthier et Hubert Watelet (dirs.), Constructions identitaires et pratiques sociales, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 2002, p. 247.
242. Robert Rumilly, Quinze années de réalisations : les faits parlent, Montréal, 1956, 237 p. Pour René Durocher (« L’histoire partisane : Maurice Duplessis et son temps vus par Robert Rumilly et Conrad Black », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 31, no 3 (1977), p. 408), il s’agit d’un « ouvrage de propagande », tandis que pour Xavier Gélinas, la publication de cet ouvrage « porte un dur coup à la crédibilité de l’historien dans certains milieux. » (La droite intellectuelle québécoise et la Révolution tranquille, Québec, Presses de l’Université Laval, 2007, p. 86).
243. On notera qu’Émilien Lafrance, en faisant allusion à Antoine Rivard, mentionne son poste de « solliciteur général », poste qui n’est plus le sien depuis l’assermentation de Paul Sauvé, au lieu de l’appeler le « procureur général » ou le « ministre des Transports et Communications ». Déjà, dans les mémoires, le poste de Rivard en tant que solliciteur général reste associé à l’affaire du « toé, tais-toé ».
244. Le Soleil, 16 janvier 1960, p. 13.
245. Il semble que cette affirmation concerne Le Devoir qui, le 19 février, à la page 3, fustige la nouvelle règle concernant les documents déposés aux archives et insiste sur le fait qu’elle soit préjudiciable à l’opposition.
246. Gilles Méthot, « Me Germain Caron s’en prend au Nouvelliste – L’imbroglio scolaire survenu à Louiseville le 11 juillet rebondit à l’Assemblée législative », Le Nouvelliste, 12 février 1960, p. 1.
247. « Mise au point – Il y a eu malentendu, dit Me Germain Caron », Le Nouvelliste, 13 février 1960, p. 1.