Débats de l'Assemblée législative (débats reconstitués)
Version finale
25e législature, 2e session
(13 novembre 1957 au 21 février 1958)
Le mercredi 13 novembre 1957
Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.
Séance du mercredi 13 novembre 1957
Présidence de l’honorable M. Tellier1
La séance est ouverte à 3 heures.
La législature ayant été prorogée
le 21 février 1957, les députés se sont réunis aujourd’hui pour
l’ouverture de la deuxième session de la vingt-cinquième législature2, après convocation par proclamation pour l’expédition
des affaires.
Prière.
M. l’Orateur: À l’ordre,
Messieurs! Que les portes soient ouvertes!
Messages du lieutenant-gouverneur:
M. Pierre Gelly, huissier à la
verge noire, apporte le message suivant:
M. l’Orateur: Messieurs,
l’honorable Monsieur le lieutenant-gouverneur de la province désire la
présence immédiate de cette Chambre dans la salle des séances du Conseil
législatif.
En conséquence, M. l’Orateur et les
députés se rendent auprès de l’honorable Monsieur le lieutenant-gouverneur dans
la salle des séances du Conseil législatif et, après quelque temps, reviennent
à la salle de l’Assemblée3.
Dépôt de documents:
Rapport de l'élection
générale de 1956 et des élections partielles de 1952 à 1956
M. l’Orateur dépose sur le
bureau de la Chambre le rapport sur
les élections générales de 1956 et sur les élections partielles tenues
pendant la vingt-quatrième législature
(1952-1956). (Document de la session no 3)
Brefs d’élection:
Districts
électoraux de Mégantic, Vaudreuil-Soulanges, Châteauguay et Compton
M. l’Orateur: J’ai l’honneur
d’informer la Chambre que, à la réception de la notification suivante, j'ai adressé au président général des élections des mandats lui enjoignant
d'émettre des nouveaux brefs portant
convocation des collèges électoraux de Mégantic, de Vaudreuil-Soulanges, de Châteauguay et de Compton.
Vacances dans les districts électoraux:
Districts
électoraux de Mégantic, Vaudreuil-Soulanges, Châteauguay et Compton
CABINET DU PREMIER MINISTRE
PROVINCE DE QUÉBEC
Québec, le 23 juillet
1957
L'honorable Maurice Tellier, c.r.
Orateur de l'Assemblée législative,
Hôtel du Gouvernement,
Québec
Monsieur l'Orateur,
Nous,
soussignés, Maurice L. Duplessis, député à l'Assemblée législative
de Québec pour le district électoral des Trois-Rivières et premier ministre de
la province, et Yves Prévost, député à
l'Assemblée législative pour le
district électoral de Montmorency et secrétaire de la province, vous notifions officiellement que les
sièges ci-après mentionnés des
députés à l'Assemblée législative de Québec
sont devenus vacants, par le décès des personnes qui les occupaient à
l'Assemblée législative, savoir:
1. Le siège du député du district
électoral de Mégantic à l'Assemblée législative, par le décès de l'honorable
Tancrède Labbé;
2. Le siège du député du district
électoral de Vaudreuil-Soulanges à l'Assemblée législative, par le décès de
monsieur le notaire J.-Édouard Jeannotte;
3. Le siège du député du district
électoral de Châteauguay à l'Assemblée législative, par le décès de monsieur Arthur
Laberge;
4. Le siège du député du district
électoral de Compton à l'Assemblée législative, par le décès de monsieur le Dr Fabien
Gagnon.
Le présent avis vous est transmis
en vertu de l'article 34 du chapitre 4 des Statuts refondus de la
province de Québec, 1941.
Veuillez donc, s'il vous plaît,
agir en conséquence.
(Signé) Maurice L.
Duplessis
(Signé) Yves Prévost
Certificats d’élection:
M. l’Orateur: J’ai l’honneur
d’informer la Chambre que j’ai reçu du président général des élections les
certificats d’élection suivants:
District électoral
de Mégantic
PRÉSIDENT GÉNÉRAL DES ÉLECTIONS
Québec, 28 septembre
1957
À Monsieur l’Orateur,
Assemblée législative de Québec,
Hôtel du Gouvernement,
Québec
Monsieur,
Je certifie que, conformément à un
bref d’élection émis le vingt-quatre juillet mil neuf cent cinquante-sept et
adressé à monsieur Aurèle Binette, régistrateur, domicilié à 456, rue Bennett
Nord, Thetford Mines, monsieur Joseph-Émile Fortin, médecin, a été, ainsi qu'il
appert du rapport qui se trouve dans les
archives de mon bureau, élu député du collège
électoral de Mégantic, à l'Assemblée législative de Québec, en
remplacement de l'honorable monsieur Joseph-Tancrède Labbé, décédé.
François Drouin, c.r.
Président général des
élections
District électoral
de Vaudreuil-Soulanges
PRÉSIDENT GÉNÉRAL DES ÉLECTIONS
Québec, le 28 septembre
1957
À Monsieur l'Orateur
Assemblée législative de Québec,
Hôtel du Gouvernement,
Québec
Monsieur,
Je certifie que, conformément à un
bref d'élection émis le vingt-quatre juillet mil neuf cent cinquante-sept et
adressé à monsieur Joseph-Marc Séguin, courtier, domicilié à Rigaud, monsieur
Loyola Schmidt, industriel, a été, ainsi qu'il appert du rapport qui se trouve
dans les archives de mon bureau, élu député du collège électoral de
Vaudreuil-Soulanges, à l'Assemblée législative de Québec, en remplacement de
monsieur Joseph-Édouard Jeannotte, décédé.
François Drouin, c.r.
Président général des
élections
District électoral
de Châteauguay
PRÉSIDENT GÉNÉRAL DES ÉLECTIONS
Québec, le 28 septembre
1957
À Monsieur l'Orateur,
Assemblée législative de Québec,
Hôtel du Gouvernement,
Québec
Monsieur,
Je certifie que, conformément à un
bref d'élection émis le vingt-quatre juillet mil neuf cent cinquante-sept et adressé à monsieur Joseph-Émile Laberge, commerçant, domicilié à
Châteauguay-Village, monsieur
Joseph-Maurice-Henri Laberge, marchand,
a été, ainsi qu'il appert du rapport qui se trouve dans les archives de mon
bureau, élu député du collège électoral de Châteauguay, à l'Assemblée législative de Québec, en remplacement de monsieur
Arthur Laberge, décédé.
François Drouin, c.r.
Président général des
élections
District électoral
de Compton
PRÉSIDENT GÉNÉRAL DES ÉLECTIONS
Québec, le 28 septembre
1957
À Monsieur l'Orateur
Assemblée législative de Québec,
Hôtel du Gouvernement,
Québec
Monsieur,
Je certifie que, conformément à un
bref d'élection émis le vingt-quatre juillet mil neuf cent cinquante-sept et
adressé à monsieur Anselme Tourigny, notaire, domicilié à 10, rue Garneau, c. p. 400, East Angus, monsieur
Claude-Gilles Gosselin, commerçant, a été, ainsi qu'il appert du rapport
qui se trouve dans les archives de mon bureau, élu député du collège électoral
de Compton, à l'Assemblée législative de Québec, en
remplacement de monsieur Louis-A.-Fabien Gagnon, décédé.
François Drouin, c.r.
Président général des
élections
Présentation de nouveaux députés:
Député de Mégantic
Le
nouveau député de Mégantic, accompagné du représentant de Trois-Rivières (l’honorable M. Duplessis) et
du représentant de Dorchester (l’honorable M. Bégin) se rend au bureau de
la Chambre4.
L’honorable M. Duplessis
(Trois-Rivières): M. l’Orateur, j’ai l’honneur de vous présenter M. Joseph-Émile
Fortin, député du collège électoral de Mégantic. M. Fortin a prêté, puis
souscrit sur le rôle, le serment prescrit par la loi, et il réclame maintenant
le droit de siéger.
M. l’Orateur: Qu’il prenne
son siège.
M. Fortin (Mégantic) s’avance et présente ses respects à l’Orateur, puis se rend à son siège.
(Applaudissements à droite et de la
part des députés indépendants Lionel Ross, Montréal-Verdun, et Dave Rochon, Montréal-Saint-Louis)
Député de Vaudreuil-Soulanges
Le nouveau député de
Vaudreuil-Soulanges5, accompagné du
représentant de Trois-Rivières (l’honorable M. Duplessis) et du
représentant de Deux-Montagnes (l’honorable M. Sauvé), se rend au bureau
de la Chambre.
L’honorable M. Duplessis
(Trois-Rivières): M. l’Orateur, j’ai l’honneur de vous présenter M. Loyola
Schmidt, député du collège électoral de Vaudreuil-Soulanges. M. Schmidt a
prêté, puis souscrit sur le rôle, le serment prescrit par la loi, et il réclame
maintenant le droit de siéger.
M. l’Orateur: Qu’il prenne
son siège.
M. Schmidt (Vaudreuil-Soulanges) s’avance et présente ses
respects à l'Orateur, puis se rend à son siège.
(Applaudissements à droite et de la
part des députés indépendants Lionel Ross, Montréal-Verdun, et Dave Rochon,
Montréal-Saint-Louis)
Député de
Châteauguay
Le nouveau député de Châteauguay,
accompagné du représentant de Trois-Rivières (l’honorable M. Duplessis) et
du représentant de Montréal-Saint-Jacques (l’honorable M. Dozois), se rend
au bureau de la Chambre.
L’honorable M. Duplessis
(Trois-Rivières): M. l’Orateur, j’ai l’honneur de vous présenter M. Maurice
Laberge, député du collège électoral de Châteauguay. M. Laberge a prêté,
puis souscrit sur le rôle, le serment prescrit par la loi, et il réclame
maintenant le droit de siéger.
M. l’Orateur: Qu’il prenne
son siège.
M. Laberge (Châteauguay) s’avance et présente ses respects à l’Orateur, puis se rend à son siège.
(Applaudissements
à droite et de la part des députés indépendants Lionel Ross, Montréal-Verdun,
et Dave Rochon, Montréal-Saint-Louis)
Député de Compton
Le nouveau député de Compton,
accompagné du représentant de Trois-Rivières (l’honorable M. Duplessis) et
du représentant de Sherbrooke (l’honorable M. Bourque), se rend au bureau
de la Chambre.
L’honorable M. Duplessis
(Trois-Rivières): M. l’Orateur, j’ai l’honneur de vous présenter M. Claude-Gilles
Gosselin, député du collège électoral de Compton. M. Gosselin a prêté,
puis souscrit sur le rôle, le serment prescrit par la loi, et il réclame
maintenant le droit de siéger.
M. l’Orateur: Qu’il prenne
son siège.
M. Gosselin s’avance et
présente ses respects à l’Orateur, puis se rend à son siège.
(Applaudissements
à droite et de la part des députés indépendants Lionel Ross, Montréal-Verdun,
et Dave Rochon, Montréal-Saint-Louis)
Projets de loi:
Prestation des
serments d’office
L’honorable M. Duplessis
(Trois-Rivières) propose qu’il lui soit permis de présenter le bill 1
relatif à la prestation des serments d’office.
Adopté. Le bill est lu une première
fois.
Discours du trône6
M. l’Orateur: J'ai l'honneur
de faire rapport que, lorsque cette Chambre s'est rendue aujourd'hui auprès de
l'honorable lieutenant-gouverneur7 dans la
salle des séances du Conseil législatif, il a plu à l'honorable
lieutenant-gouverneur de lire un discours à l'adresse des deux Chambres de la
Législature de cette province, et que, pour prévenir toute erreur, j'en ai
obtenu une copie dont je vais donner lecture à la Chambre.
Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l'Assemblée législative,
Il m'est agréable d'inaugurer
aujourd'hui la deuxième session de la vingt-cinquième législature.
À la reprise de vos travaux
parlementaires, je désire mentionner le fait historique mémorable de la visite
au Canada de notre Gracieuse Souveraine et de Son Altesse Royale le Prince
Philip. Nous réitérons à Sa Majesté l'expression de notre traditionnelle
loyauté et nos souhaits respectueux d'un règne heureux et fécond.
Depuis la dernière session, pour
combler les vacances à l'Assemblée législative, des élections partielles ont
été tenues dans quatre comtés de la province, situés dans différentes régions.
Elles ont fourni l'occasion à une partie importante et représentative des
électeurs provinciaux de renouveler à l'administration actuelle, de façon bien
remarquable, la confiance que l'électorat de la province lui témoigna en 1956.
De nouveau, le gouvernement a reçu le mandat de continuer la politique
familiale, sociale et nationale qu'il a instaurée d'après un plan d'ensemble
bien défini et qui se traduit par une orientation législative et administrative
nouvelle et progressive.
Depuis quelques années,
l'industrialisation de la province a été colossale, mais le gouvernement est
profondément convaincu qu'une agriculture prospère demeure le gage
indispensable de la stabilité et de la prospérité durables de la population.
C'est pourquoi ceux qui cultivent la terre doivent pouvoir le faire dans des
conditions de vie agréables et rémunératrices.
Aussi, le gouvernement continuera-t-il sa politique
généreuse de prêt agricole qui répond aux besoins particuliers de notre
agriculture et qui a produit, depuis une vingtaine d'années, de merveilleux
résultats en affermissant la situation financière du cultivateur, en assurant
le crédit de nos corporations municipales, scolaires et paroissiales, en facilitant
l'établissement de milliers de jeunes cultivateurs et en procurant à la classe
agricole de notre province des conditions
d'emprunt exceptionnellement avantageuses à notre époque de restriction
du crédit et d'augmentation des taux d'intérêt.
Le gouvernement poursuivra sa
politique salutaire d'électrification rurale qui, depuis 1946, a permis
d'augmenter de beaucoup la valeur et le rendement des fermes et d'y créer un
climat plus attrayant.
La mécanisation des travaux
agricoles, les méthodes modernes de colonisation et le drainage des terres,
institués et poursuivis par le gouvernement actuel, augmentent de beaucoup
l'actif de nos cultivateurs et de nos colons et facilitent leur travail. L'instruction agricole continuera d'être
favorisée et l'industrie laitière ne cessera d'être protégée.
En tant que le problème relève de
sa juridiction et n'est pas soumis aux caprices de l'économie internationale,
le gouvernement s'efforcera d'activer la vente des produits agricoles à des
conditions justes et raisonnables pour l'agriculteur et le consommateur.
Une excellente façon de créer des
marchés où pourront s'écouler les produits de la ferme est de développer dans
toute la province des centres industriels appropriés et variés. C'est la
politique constante du gouvernement.
Dans l'opinion définitive du
gouvernement, notre plus grande richesse est le capital humain; c'est pourquoi
il accorde une attention toute particulière au bien-être, au progrès et à la
prospérité de la population de la province, et spécialement de la jeunesse.
Une des plus fécondes
manifestations de véritable sécurité et de saine législation sociales réside
dans la sauvegarde et l'amélioration de la santé publique. Les généreux
subsides accordés par le gouvernement et sa sage politique de construction
d'hôpitaux à travers notre immense province permettent aux malades d'être
traités plus aisément et à proximité de leur domicile. Dans ce domaine vital, le gouvernement a réalisé de nombreuses et fécondes
initiatives qu'il est désireux de multiplier. Les méthodes qui s'avéreront les
meilleures et les plus progressives pour sauvegarder la santé publique, sans
compromettre nos droits essentiels, seront mises en pratique.
Toutefois, il ne suffit pas de
conserver la santé physique pour assurer l'avenir; il faut aussi former les
esprits, sans oublier de forger les caractères. C'est pourquoi, dans un autre
domaine de la plus haute importance, celui de l'éducation, réservé
exclusivement à la juridiction provinciale, le gouvernement, comme toujours, à
la lumière des droits et des devoirs de tous les intéressés, contribuera
généreusement à la diffusion et au progrès de l'éducation à tous ses paliers.
C'est l'opinion irrévocable du gouvernement qu'en matière d'éducation les
droits des parents et ceux du Conseil de l'instruction publique doivent être
intégralement respectés. Même si le rôle supplétif de l'État s'accroît à mesure
que se développe notre province, il ne saurait supplanter la responsabilité
primordiale des parents et des commissions scolaires. D'ailleurs, le
gouvernement est profondément convaincu que le paternalisme d'État, qui
paralyse l'initiative individuelle, doit être évité.
La Providence nous a dotés de
merveilleuses ressources naturelles que le gouvernement désire continuer à
mettre en valeur dans l'intérêt public et de la meilleure façon possible dans
les circonstances. Depuis quelques années, l'utilisation intégrale de nos
ressources forestières, les développements miniers gigantesques et l'expansion
extraordinaire de nos forces hydroélectriques ont puissamment contribué au
progrès et à la prospérité de la province. La politique du gouvernement
permettra d'accentuer ces progrès et d'en faire largement bénéficier notre
province, et tout particulièrement notre jeunesse.
L'immensité du Québec nécessite une
politique de voirie adéquate et progressive. Le gouvernement veut doter notre
population du meilleur système routier possible, en tenant compte non seulement
des besoins d'une région, mais de ceux de
toute la province, et spécialement de sa partie rurale. L'industrie du
tourisme, importante dans une province historique et pittoresque comme la
nôtre, reçoit l'attention sympathique du gouvernement. L'entretien des chemins
d'hiver, instauré par le gouvernement actuel, est une initiative féconde qui sera
continuée.
Le gouvernement ne cessera de
coopérer, généreusement et de façon appropriée, au progrès et à la prospérité
de notre grande industrie de la pêche.
Il attache beaucoup d'importance
aux problèmes économiques des corporations municipales et scolaires. Il
continuera, pour autant que le permettront les circonstances, à alléger leur
fardeau financier.
La coopération entre le travail et
le capital est indispensable au véritable progrès. Les employés et les
employeurs ont des droits et des devoirs incontestables les uns envers les
autres, et tous les deux envers le public. La meilleure garantie de l'exercice
des droits de chacun se trouve dans l'accomplissement du devoir par chacun.
Le gouvernement apprécie les
services signalés que rendent à notre peuple les différentes professions, et
toutes seront traitées avec justice, mais la classe agricole et la classe
ouvrière seront l'objet d'une sollicitude particulière.
Le gouvernement a reçu l'invitation
du nouveau gouvernement fédéral de participer, à la fin de novembre, à une conférence
fédérale-provinciale qui se tiendra dans la capitale canadienne. Malgré la
session en cours, le premier ministre se rendra à cette réunion avec quelques
collègues. À cette occasion, il réitérera l'expression de la politique constante
du gouvernement actuel en matières constitutionnelles. Parce que les principes
invoqués sont fondamentaux et que leur application est essentielle, le
gouvernement croit devoir les réaffirmer.
Les remarquables et continuels
progrès dont profite notre immense province, en particulier de nombreuses
régions autrefois peu favorisées, nécessitent des dépenses considérables qui
exigent l'utilisation plus complète des sources de revenus que la Constitution
canadienne reconnaît aux provinces, à la province de Québec en particulier.
Le gouvernement reconnaît les
droits et les obligations de l'autorité fédérale. Québec ne demande pas de
faveurs, mais bien le respect intégral de ses droits, prérogatives et libertés.
Dans son opinion définitive, les
attributs essentiels au gouvernement responsable, que nos pères ont chèrement
conquis et qui constituent pour nous un héritage précieux et inaliénable,
doivent être respectés et sauvegardés. C'est une vérité évidente que la
maîtrise des pouvoirs fiscaux nécessaires à chaque autorité gouvernementale est
indispensable au gouvernement responsable.
Québec désire sincèrement coopérer
à la grandeur et à la prospérité du Canada dans le respect des droits et des
devoirs de tous les intéressés.
Le gouvernement exprime l'espoir que
cette conférence soit couronnée d'un entier succès auquel la Législature sera
appelée à collaborer.
Messieurs de l'Assemblée législative,
Conformément à la politique
inaugurée depuis 1945, les Comptes publics de la dernière année fiscale
vous seront rapidement distribués et vous voudrez bien voter les crédits
nécessaires à l'administration de la province.
Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l'Assemblée législative,
En outre des projets de loi
d'intérêt privé et des projets législatifs indiqués précédemment, plusieurs
projets d'intérêt public vous seront soumis. Ils se rapportent entre autres aux
objets ci-après: la saisie des biens et du salaire d'un débiteur; la loi pour
faciliter la conciliation entre locataires et propriétaires; les tribunaux
d'appel en matière civile et en matière criminelle; le Code de procédure civile
et la loi des tribunaux judiciaires; l'aide aux corporations municipales pour
l'établissement d'aqueducs et de systèmes d'égout ainsi que pour la protection contre
l'incendie; les pouvoirs spéciaux des corporations municipales au sujet des nouvelles maisons d'habitation; la loi
pour améliorer les conditions d'habitation; la circulation sur les chemins
publics; la loi de la pêche; la loi des cités et villes et le Code municipal.
Je prie la divine Providence de
bénir et de féconder vos travaux et de continuer à répandre Ses bienfaits sur
notre chère province.
Prise en
considération du discours du trône
L’honorable M. Duplessis
(Trois-Rivières) propose que le discours de l’honorable Monsieur le
lieutenant-gouverneur de la province, prononcé devant les deux Chambres de la
Législature, soit pris en considération à la prochaine séance.
Adopté.
Institution des comités
permanents
L’honorable M. Duplessis
(Trois-Rivières) propose que les comités permanents suivants soient
institués:
1. un comité des privilèges et des
élections;
2. un comité des règlements;
3. un comité des comptes publics;
4. un comité des chemins de fer et
autres moyens de communication;
5.
un comité de l’agriculture, de l’immigration et de la colonisation;
6. un comité des industries et du
commerce;
7. un comité des
relations industrielles;
8. un comité du Code municipal;
9. un comité des bills privés en
général;
10. un comité des bills publics en général;
11. un comité de la Bibliothèque de la
Législature;
12. un comité des impressions législatives;
Et que chacun de ces comités soit
autorisé à délibérer et à s’enquérir de toutes les affaires et de toutes les
matières que la Chambre lui aura renvoyées ou qui sont de sa compétence, à
faire de temps à autre des rapports exprimant ses observations et ses vues sur
ces affaires et ces matières, et à envoyer chercher les personnes, les pièces
et les dossiers dont il aura besoin.
Adopté.
Comité spécial
L’honorable M. Duplessis
(Trois-Rivières) propose qu’un comité spécial de onze membres soit institué
pour choisir les membres ainsi que le président de chaque comité dont la
Chambre vient de décider la formation et pour fixer le nombre des membres ainsi
que le quorum de chacun de ces comités; et que les honorables MM. Duplessis,
Gagnon (Matane), Élie, Leclerc, et MM. Bellemare, Hamel, Hébert, Johnston
(Pontiac), Kirkland, Lapalme et Ross forment ledit comité spécial.
Adopté.
Dépôt de documents:
Comptes publics,
1956-1957
L’honorable M. Gagnon (Matane) dépose sur le bureau de la Chambre les Comptes publics de la province de
Québec, pour l'exercice clos le 31 mars 1957. (Document de la session
no 4)
Motions de condoléances:
Ajournement en
signe de deuil
L’honorable M. Duplessis
(Trois-Rivières) fait l'éloge des deux députés décédés depuis la fin de la dernière session8. J'ai eu l’occasion, dit-il, lors du décès de ces deux députés, deux citoyens honorables, d'exprimer mes sympathies et celles du gouvernement de la province à leurs familles. Je les réitère
aujourd'hui. Je connaissais intimement M. Laberge. C’était un homme
d’une intégrité proverbiale, et absolue, d’un dévouement inlassable et sans
borne. M. Laberge a toujours été un digne représentant de son comté, qu’il
a représenté avec beaucoup d’efficacité et de succès. Il laisse la réputation
d’un excellent député et d’un serviteur public très zélé. C’était un homme à
son devoir et nous regrettons tous sa disparition.
Quant au Dr Gagnon, c’était un
membre éminent de la profession médicale. Il a joué un rôle considérable comme
médecin, particulièrement dans le domaine des recherches sur le cancer. Sa mort
a causé un profond chagrin à toute la Chambre, ainsi qu’un regret universel. Sa
perte constitue un deuil pour la profession médicale.
Je propose, appuyé par le
représentant de Montréal-Outremont (M. Lapalme), que la Chambre s'ajourne
en signe de deuil par respect pour la mémoire des députés décédés.
M. Lapalme (Montréal-Outremont) fait à son tour l’éloge des disparus. Au nom
de l'opposition, il exprime le regret que lui a causé la mort des deux
députés, dont l’un, le Dr Fabien Gagnon, appartenait à son groupe et il
s’associe au premier ministre pour exprimer ses condoléances à leurs familles.
Par une coïncidence curieuse, dit-il, la silhouette du député de
Châteauguay (M. Laberge), qui siégeait en face de moi, m’était plus
familière que celle du député de Compton (M. Gagnon) avec qui je n’ai pas
eu le privilège de siéger. L’un et l’autre étaient atteints de maladies graves
et savaient depuis longtemps qu’elles allaient les conduire au tombeau.
Le député de Châteauguay a eu une
longue et fructueuse carrière dans la politique municipale et provinciale. Quant à la carrière du Dr Gagnon,
elle fut une brillante contribution à la science médicale relativement à la lutte contre le cancer. Cette
contribution était hautement appréciée, même à l’étranger.
Sa réputation avait depuis
longtemps dépassé les frontières de notre pays. Il était membre de plusieurs sociétés
étrangères, et j’ai été frappé de voir comment son nom était connu et souvent
cité à l’étranger dans les cercles médicaux. Notre collègue se savait si
gravement atteint par la maladie qu’il en avait prévenu le chef intérimaire de
l’opposition, le député de Saint-Maurice (M. Hamel), l’an dernier, mais en
lui demandant de ne pas en souffler mot ni à ses collègues, ni à personne.
L’honorable M. Duplessis
(Trois-Rivières): Il me fait plaisir de constater que le chef de
l’opposition est aujourd’hui de retour en Chambre parmi nous9 pour cette année. Je suis sincèrement heureux qu’il
ait recouvré ses forces et que les rapports attestent qu’il est en parfaite
santé. Je souhaite sincèrement qu’il conserve une bonne santé physique pendant
plusieurs années et qu’elle soit de plus en plus parfaite.
Dieu sait combien, dans les
fonctions qu’il occupe, le chef de l’opposition a besoin d’une excellente
santé, car ce n’est pas facile de faire face à un gouvernement aussi fort, qui
est non seulement parfait, mais plus que parfait.
Tous mes collègues en Chambre, sans
distinction de parti, s’uniront sans doute à moi pour souhaiter au chef de
l’opposition une santé physique parfaite: quant à sa santé politique, je crains
que ce soit trop espérer. Il est évident qu’on ne peut pas lui souhaiter
l’impossible.
(Applaudissements à droite)10
M. Lapalme (Montréal-Outremont): Je remercie le premier ministre des bons vœux qu’il formule sur ma santé. Je comprends les restrictions du chef du
gouvernement sur ma santé politique. Je ne voudrais pas qu’il croie que ses
souhaits sur ma santé physique m’empêcheront plus tard de démontrer que je suis
en bonne santé politique. Je peux lui dire tout de suite que ma santé politique
est tout aussi bonne. Le temps saura lui montrer à quel point.
M. Ross (Montréal-Verdun)11: Je suis heureux de m’unir au premier ministre
pour saluer le retour du chef de l’opposition, que je considère comme un
excellent chef, un grand parlementaire et un grand gentilhomme. Des sentiments
d’amitié me lient au chef de l’opposition depuis plusieurs années. Le député de
Montréal-Saint-Louis (M. Rochon) et moi-même sommes heureux de le voir de
retour parmi nous pour reprendre son poste, poste auquel il a été élu à
l’unanimité en 1950.
La motion est adoptée.
La Chambre s’ajourne en signe de
deuil jusqu’à jeudi après-midi.
La séance est levée à 5 heures.
NOTES
1. L’Action
catholique du 13 novembre 1957, à la page 13, précise que
l’Orateur de la Chambre préside la séance dans un nouveau fauteuil, sculpté par
Henri Trudelle, de Saint-Romuald, "membre d’une famille de sculpteurs qui
ont fait leur marque". C’est qu’une tradition de l’Assemblée législative
veut que l’Orateur sortant garde le fauteuil qu’il a occupé pendant son mandat.
Or, au cours de la session précédente, l’honorable M. Tellier a siégé sur
le fauteuil de son prédécesseur, l’honorable A. Taché, en attendant qu’on
en sculpte un pour lui. L’Action catholique ajoute enfin que, sur
chaque fauteuil, l’on sculpte les chiffres de l’année de l’entrée en fonction:
on complète plus tard en y inscrivant les chiffres de l’année de démission.
2. L’ouverture
de la session provinciale donne lieu à chaque année à un rituel particulier,
auquel assistent habituellement tous les membres du cabinet ainsi que
l’ensemble des élus à l’Assemblée législative. L’Événement du
14 novembre 1957, à la page 6, observe cependant qu’un ministre, le
Dr Arthur Leclerc, n’a pu participer aux cérémonies, en raison de problèmes de
santé. La Presse du jeudi 14 novembre 1957, à la page 49,
souligne de son côté que le premier ministre a brisé une vieille tradition lors
de cette même ouverture. La coutume veut en effet que le chef du gouvernement
aille rencontrer le lieutenant-gouverneur à "la porte du sauvage"
après avoir passé en revue une garde d’honneur sur les terrains du parlement.
Ce jour-là, le lieutenant-gouverneur a franchi, seul, à 3 heures les
portes de l’institution, le premier ministre arrivant quelques minutes plus
tard. Il a plutôt rejoint l’honorable Fauteux au restaurant du parlement.
3. Le
Soleil du 14 novembre 1957, à la page 3, précise que l’Orateur a
attendu quelques minutes l’arrivée du premier ministre pour reprendre la
séance. M. Duplessis s’était attardé à l’entrée du Café du Parlement afin
de "donner la main", en compagnie du lieutenant-gouverneur, aux
"centaines d’invités" réunis dans le cadre de la réception offerte à
la suite de la lecture du discours du trône. Le premier ministre a fait son
entrée à 4 h 30, accueilli par les députés ministériels et par les deux
députés indépendants présents.
4. Contrairement
aux autres journaux, La Tribune du 14 novembre 1957, à la
page 1, affirme que c’est le représentant de Stanstead (M. Gérin) qui
accompagne le représentant de Mégantic (M. Fortin).
5. Le
représentant de Vaudreuil-Soulanges (M. Schmidt), tout comme celui
de Châteauguay (M. Laberge), a été assermenté le matin même. L’Événement du 14 novembre 1957, à la page 6, nous informe que la bible sur
laquelle les deux nouveaux élus ont prêté serment a servi à l’assermentation de
tous les membres de l’Assemblée législative depuis la Confédération.
6. Selon la
procédure parlementaire, le texte du Discours du trône fait l'objet de
deux lectures, une première fois à la salle du Conseil législatif par le lieutenant-gouverneur, et une seconde fois par
l'Orateur de l'Assemblée législative, à la salle de l'Assemblée législative. Les députés peuvent toutefois exempter l'Orateur de
procéder à cette seconde lecture. Selon les Journaux de l'Assemblée
législative, à la page 6, rien n'indique que cette exemption ait été
accordée à l'Orateur. De plus, aucun quotidien ne mentionne ni ne fait
référence à cette possible exemption. Conformément aux Journaux de
l'Assemblée législative, il est fort probable que l'Orateur ait repris la
lecture du discours du trône. Toutefois, seule la lecture à l'Assemblée
législative n'est retenue dans le présent contexte, afin d'éviter une
répétition du texte qui ne comporte aucun élément nouveau.
7. L’Événement du 14 novembre
1957, à la page 6, rapporte que, depuis 90 ans, pendant ce discours,
un représentant de la famille Blais se tient à proximité du trône. Les Blais se
transmettraient en effet de père en fils la fonction de messager du Conseil
législatif. Le premier de la famille à exercer cette fonction se prénommait François
Blais, de Saint-François de Montmagny; en novembre 1957, c’est Rosario Blais
qui assiste à la cérémonie inaugurale de la session provinciale.
8. Il s’agit
de M. Arthur Laberge (Union nationale), décédé le 7 juin 1957, et du
Dr Fabien Gagnon (Parti libéral), décédé le 11 juin suivant,
respectivement députés des comtés de Châteauguay et de Compton au moment de
leur décès. L’Action catholique du 14 novembre 1957, à la
page 3, nous apprend qu’avant l’ouverture de la séance, des couronnes de
fleurs ont été déposées sur les pupitres où ils ont siégé autrefois.
9. Le chef du Parti libéral, Georges-Émile
Lapalme, a dû en effet s’absenter en raison d’une grave maladie au cours de la
session de 1956-1957. Le député de Saint-Maurice, René Hamel, l’a alors remplacé
comme chef de l’opposition en Chambre.
10. La Presse du 14 novembre
1957, à la page 49, remarque que les représentants de Montréal-Verdun
(M. Ross) et de Montréal-Saint-Louis (M. Rochon) participent
également aux applaudissements.
11. Tout
comme son collègue Dave Rochon, député de Montréal-Saint-Louis, Lionel Ross,
représentant de Montréal-Verdun, siège comme indépendant à l’Assemblée
législative. Messieurs Ross et Rochon se sont cependant fait élire sous la
bannière du Parti libéral à l’élection du 20 juin 1956. Selon La Presse du 14 novembre 1957, à la page 49, les deux élus libéraux ont voté à
deux reprises avec le gouvernement, au cours de la session de 1956-1957, sur
les deux mesures relatives au plan du ministre des Affaires municipales,
l’honorable Paul Dozois. Le quotidien de Montréal ajoute également qu’un
"fossé s’était lentement creusé entre eux et le chef provisoire de
l’opposition", M. René Hamel. Dans leur édition du 22 juin 1957, La Presse et Le Soleil déclarent que MM. Ross et Rochon ont remis
leur démission à la suite d’un entretien, deux jours plus tôt, avec
Georges-Émile Lapalme. Dans celle du 7 novembre 1957, L’Action
catholique, à la page 22, et Le Soleil, à la page 21,
affirment plutôt que les deux élus montréalais ont été expulsés du parti. Il
semble bien toutefois que les députés Ross et Rochon continueront à appuyer le
Parti libéral. Dans une déclaration au Quebec Chronicle Telegraph du
25 novembre 1957, à la page 8, M. Rochon a déclaré: "Tant
que personne ne nous attaquera, nous suivrons le Parti libéral".