Débats de l'Assemblée législative (débats reconstitués)
Version finale
24e législature, 4e session
(16 novembre 1955 au 23 février 1956)
Le jeudi 9 février 1956
Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.
Séance du jeudi 9 février 1956
Présidence de l’honorable M. Tellier
La séance est ouverte à 3 heures.
Prière.
M. l’Orateur: À l’ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!
Rapports des comités permanents:
L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): J’ai l’honneur de présenter à la Chambre le dix-neuvième rapport du comité permanent des bills publics en général.
Votre comité a décidé de rapporter, sans amendement, le bill suivant:
- bill 240 concernant le titre de Paul-Émile Laperrière à la propriété d’un immeuble dans la cité de Saint-Laurent.
Et, avec des amendements, le bill 246 concernant la radiation d’une servitude établie sur le lot numéro 27 du cadastre de la paroisse de Saint-Laurent, comté de Jacques-Cartier
Votre comité fait rapport que les promoteurs du bill 100 refondant la charte de la cité de Montréal, ont déclaré qu'ils désiraient le retirer et prie votre honorable Chambre de bien vouloir agréer leur demande.
Votre comité fait aussi rapport que les promoteurs du bill 233 concernant la ville de L’Abord-à-Plouffe, ont déclaré qu'ils désiraient le retirer et prie votre honorable Chambre de bien vouloir agréer leur demande.
Le rapport est adopté.
M. Caron (Maskinongé): J’ai l’honneur de présenter à la Chambre le vingtième rapport du comité permanent des bills privés en général.
Votre comité a décidé de rapporter, avec des amendements, les bills suivants:
- bill 187 modifiant la charte de la cité de Montréal;
- bill 204 concernant les immeubles de Canada Steamship Lines Limited dans le village de Tadoussac, comté de Saguenay.
Votre comité recommande de prolonger au 16 février courant, inclusivement, les délais relatifs à la réception des rapports sur bills privés.
Le rapport est adopté.
Projets de loi:
Radiation d’une servitude, paroisse de Saint-Laurent
M. Thibeault (Montréal-Mercier) propose, du consentement unanime, que la Chambre se forme en comité plénier pour étudier le bill 246 concernant la radiation d’une servitude établie sur le lot numéro 27 du cadastre de la paroisse de Saint-Laurent, comté de Jacques-Cartier.
Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.
Le comité étudie le bill article par article et le président fait rapport que le comité a adopté le bill 246 sans l’amender.
M. Thibeault (Montréal-Mercier) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.
Charte de Montréal
M. Thibeault (Montréal-Mercier) propose, du consentement unanime, que la Chambre se forme en comité plénier pour étudier le bill 187 modifiant la charte de la cité de Montréal.
Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.
Le comité étudie le bill article par article et le président fait rapport que le comité a adopté le bill 187 sans l’amender.
M. Thibeault (Montréal-Mercier) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.
Canada Steamship Lines Ltd.
M. Cloutier (Québec-Centre) propose, du consentement unanime, que la Chambre se forme en comité plénier pour étudier le bill 204 concernant les immeubles de Canada Steamship Lines Limited dans le village de Tadoussac, comté de Saguenay.
Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.
Le comité étudie le bill article par article et le président fait rapport que le comité a adopté le bill 204 sans l’amender.
M. Cloutier (Québec-Centre) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.
Propriété de Paul-Émile Laperrière
M. Bertrand (Missisquoi) propose, du consentement unanime, que la Chambre se forme en comité plénier pour étudier le bill 240 concernant le titre de Paul-Émile Laperrière à la propriété d’un immeuble dans la cité de Saint-Laurent.
Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.
Le comité étudie le bill article par article et le président fait rapport que le comité a adopté le bill 240 sans l’amender.
M. Bertrand (Missisquoi) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté, après division.
Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.
Rapports des comités permanents:
M. Blanchard (Terrebonne): J’ai l’honneur de présenter à la Chambre le dix-huitième rapport du comité permanent des règlements.
Votre comité recommande de prolonger au 16 février courant, inclusivement, les délais relatifs à la réception des rapports sur bills privés.
Le rapport est adopté.
Voies et moyens:
Débat sur le budget 1956-1957 (suite)
Conformément à l’ordre du jour, la Chambre reprend le débat, ajourné mardi le 7 février courant, sur la motion du représentant de Matane (l’honorable M. Gagnon) proposant que M. l’Orateur quitte maintenant le fauteuil.
L’honorable M. Rivard (Montmagny) offre ses félicitations à l’Orateur et souligne sa brillante carrière au Barreau et sa science légale. Vous perpétuez parmi nous, dit-il, l’un des grands noms de la politique provinciale1. Votre père, feu Sir Mathias Tellier, et le mien, feu le juge Adjutor Rivard, étaient liés d’une amitié profonde. Il (l'honorable M. Rivard), félicite le ministre des Finances (l’honorable M. Gagnon) de l’exposé clair qu’il a fait de l’état financier du Québec et félicite le chef de l’opposition de la solidité de ses cordes vocales.
Pendant trois heures d’affilée, dit-il, le chef de l’opposition, confondant dette nette, dette totale et dette consolidée, puisant dans ses statistiques les éléments de ce qu’il voulait essayer de prouver, a tenté d’établir que la province de Québec est dans un état déplorable. Il est surprenant de constater que dans notre province et ailleurs, il n’y ait que le groupe de l’opposition qui, au lieu de chercher des raisons d’être fier, s’ingénie à trouver des raisons de désespérance.
Il y a des gens plus en état de juger sainement les finances de la province. Ce sont les gens de la finance nationale et internationale, qui font des enquêtes avant de prêter de l’argent à la province de Québec. Or, depuis 12 ans et particulièrement cette année, la province a obtenu de meilleurs termes que n’importe quelle autre province canadienne et le gouvernement fédéral, preuve de l’excellence indiscutable de son crédit. Tant et aussi longtemps que les financiers nationaux et internationaux accorderont à la province un crédit meilleur qu’aux autres provinces, nous aurons raison, nous de l’Union nationale, d’être fiers de l’état des finances soumis par le ministre des Finances (l’honorable M. Gagnon).
Le discours du chef de l’opposition pourrait être grave si les gens s’imaginaient qu’il dit vrai. Mais ce que dit l’opposition importe peu, car il n’y a pas 10 % de la population qui prête l’oreille aux propos des libéraux. Son discours ne peut donc pas nous faire grand tort.
Une chose m’inquiète cependant. C’est qu’il y a, à gauche de l’Orateur, un groupe qui, au lieu de travailler au bonheur de la province, se laissait gagner par l’enthousiasme à mesure que le chef tentait de prouver que ça va mal dans la province de Québec. S’il avait trouvé moyen de prétendre que nous sommes dans une faillite complète, c’eût été du délire dans les rangs de l’opposition. C’est leur façon à eux de faire aimer leur province et d’amener les autres à la respecter davantage.
Le chef de l’opposition a dit que le climat économique de la province est mauvais et que le développement minier est en régression. C’est faux. Il n’y a qu’à lire les revues spécialisées pour se convaincre qu’au point de vue industriel et minier, la province est le centre d’attraction des autres provinces et des autres pays. Notre province est définitivement entrée dans une ère d’industrialisation qui permet la mise en valeur de nos richesses naturelles. Si, comme il le dit, le chef de l’opposition a visité la province, il n’a rien vu. L’essor industriel extraordinaire de la province a valu au premier ministre un témoignage très flatteur du Star de Montréal.
C’est grâce à l’Union nationale qui a ouvert à la prospérité de vastes régions minières comme l’Abitibi, Chibougamau, la Gaspésie et le Nouveau-Québec. Ce qui a été accompli là sont toutes des œuvres de l’Union nationale et M. Saint-Laurent2 a fait l’éloge de notre action dans l’Ungava. Tous les autres reconnaissent cette action bienfaisante. Seul le chef de l’opposition n’a rien vu.
Mais le gouvernement actuel ne se préoccupe pas que du développement de nos ressources naturelles. Il s’occupe aussi, en encourageant de toute manière l’éducation, à préparer les jeunes à prendre les premières places dans l’industrie et à profiter de ses progrès merveilleux. Cette année, les crédits à l’éducation ont été augmentés de $11,000,000. C’est, dans cette seule augmentation, $2,000,000 de plus que toute la dépense pour l’éducation en 1944-1945, sous le régime libéral. Depuis 10 ans, ces subsides ont été multipliés par six. Et le gouvernement de l’Union nationale dépense encore bien d’autres sommes pour l’enseignement par l’entremise de départements ministériels tels que Agriculture, Colonisation, Bien-être social, Mines, Pêcheries, Terres et Forêts, Secrétariat, etc.
La génération plus jeune a besoin de ces armes de paix parce que le Canadien français ne peut se payer le luxe de l’incompétence, et l’Union nationale a fait le nécessaire pour l’aider dans tous les domaines de l’éducation. L’éducation, du reste, a toujours été l’une des premières préoccupations du gouvernement actuel. Les parents, représentés par les commissions scolaires, sont les premiers responsables de l’instruction de leurs enfants. L’Église a son rôle à jouer, surtout en ce qui concerne le caractère moral et religieux des programmes, tandis que l’État a également un rôle supplétif à remplir.
C’est imbu de ce principe que le gouvernement s’est porté, en 1946, à l’aide des commissions scolaires qui ne pouvaient rencontrer leurs dettes. Le gouvernement a assumé les dettes scolaires de 1,025 commissions3, au total de $101,000,000. Il s’est empressé d’aider l’enseignement primaire, base de notre système éducationnel, dont il fallait s’occuper en premier lieu. Jusque-là, le gouvernement libéral n’avait donné aux commissions désireuses d’être assistées que le pouvoir d’emprunter. Les écoles, sans électricité et sans eau courante très souvent, étaient délabrées, et les instituteurs, mal payés.
Afin d’aider l’enseignement primaire, le gouvernement a construit depuis 1944 2,753 écoles nouvelles, contenant 10,381 classes, au coût de $153,514,110, avec un total d’octrois de $94,484,436. En 1935, le régime libéral n’avait donné que $90,000 aux commissions scolaires pour la construction des écoles. Cette année, c’est $18,167,164 que le gouvernement consacre à cette œuvre; en 1951-1952, c’était $9,343,000.
Les écoles ne servent à rien si les maîtres ne reçoivent pas un traitement au moins raisonnable. L’Union nationale a fait mieux payer le corps professoral. En 1944, le salaire moyen des institutrices était de $780. Il est passé à $1,473 en 1954-1955. Le salaire des instituteurs est passé, aux mêmes dates, de $1,485 à $3,445. En 1935, on comptait dans la province 1,099 institutrices qui gagnaient moins de $150 par an! Il n’y en a plus. La même année, 1,789 institutrices avaient moins de $200 par an! Il n’y en a plus, pas plus que de traitements annuels de $300 et $400. Ce sont là des chiffres que la population doit connaître, parce qu’ils démontrent que l’Union nationale a aidé l’enseignement primaire de façon pratique, généreuse et efficace.
Pour faire augmenter les traitements, le gouvernement provincial s’est mis à distribuer de plus fortes sommes en primes: $5,781,000 en 1949-1950, $10,170,000, en 1953-1954, $11,553,240.75 en 1954-1955, au lieu de $2,224,407 en 1943-1944. Ces primes sont payées deux fois par année, à raison de 40 % en octobre et 60 % en mai. Et, en 1954-1955, une somme de $198,711.50 a été consacrée aux institutrices de pays de colonisation.
La minorité protestante n’est pas oubliée. En 1935, le gouvernement libéral donnait aux commissions scolaires protestantes, pour la construction des écoles, $20,000. Cette année, il leur paie $1,678,9814. Nos compatriotes de langue anglaise en sont reconnaissants. Le Dr Cyril James, principal de l’Université McGill, l’a souligné à plusieurs reprises.
L’opposition réclame des octrois automatiques, mais il n’y a pas deux commissions scolaires qui ont les mêmes besoins et se trouvent dans le même état financier. Dans le domaine de l’éducation, l’action du gouvernement ne doit pas être mécanique, mais dirigée selon les besoins des écoles. Il n’y a pas une commission scolaire qui ait les mêmes besoins.
Et l’expérience a prouvé que la manière d’agir du gouvernement, qui donne des octrois selon les besoins, est la meilleure. Le gouvernement n’en profite pas pour faire de la politique; et nombreuses sont les attestations qui le prouvent. Je citerai le témoignage du Dr Louis-Philippe Roy, commissaire d’écoles à Giffard, qui a déclaré que jamais le gouvernement n’est intervenu pour imposer soit un architecte, soit un entrepreneur.
Il (l’honorable M. Rivard) rend hommage au ministre du Bien-être social et de la Jeunesse (l’honorable M. Sauvé) pour avoir créé le merveilleux système d’enseignement spécialisé dont la province dispose. Ce fut un développement spectaculaire, dit-il, car, sous l’Union nationale, le ministre du Bien-être social et de la Jeunesse a établi neuf écoles techniques, 35 écoles des arts et métiers et neuf autres centres d’enseignement hautement spécialisé.
L’Union nationale s’est penchée sur le cas des jeunes gens ayant du talent, mais pas d’argent. Elle les aide sans tenir compte de leurs opinions politiques. Le gouvernement a multiplié le montant et le nombre des bourses. En 1940-1941, la province ne donnait que 60 bourses pour un total de $9,000. En 1955-1956, 9,000 étudiants obtenaient des bourses pour $1,568,000. C’est une augmentation de 14,900 % sur le régime libéral pour ce qui regarde le nombre de bourses, et une augmentation de 17,300 % en ce qui concerne la valeur de ces bourses. De nos jours, les Canadiens français occupent des postes importants dans divers domaines: ingénieurs, chimistes et experts miniers.
Mais le gouvernement ne s’est pas arrêté à l’enseignement primaire et à l’enseignement spécialisé. Il a doublé les octrois statutaires aux collègues classiques, mais, comme cela n’était pas suffisant pour permettre à ces collèges de faire des dépenses capitales, il a ajouté au statutaire des octrois de $200,000, de $300,000 et souvent de $1,000,000 pour aider aux constructions nouvelles. Il n’y a peut-être pas deux de ces établissements qui n’ont pas reçu d’importantes subventions additionnelles allant parfois jusqu’à $1,000,000.
Les universités ont aussi bénéficié des largesses du gouvernement et ont reçu leur part. Aucune administration n’a autant fait, en particulier, pour aider les jeunes qui veulent accéder aux carrières du génie. Depuis 1945, le gouvernement a versé $4,526,303 à l’École polytechnique de Montréal; $1,003,000 à l’École des hautes études commerciales; $6,395,000 à l’Université McGill; $11,776,000 à l’Université Laval; $10,775,000 à l’Université de Montréal; et $1,469,000 à l’Université Bishop5. Et cela ne comprend pas les $6,000,000 votés l’an dernier pour la reconstruction de l’École polytechnique, non plus que les subventions autorisées à la présente session, soit $1,500,000 pour l’agrandissement de la Faculté des sciences de l’Université Laval et $750,000 pour l’Université de Sherbrooke.
Il (l'honorable M. Rivard) cite les témoignages de Mgr Papineau, évêque de Joliette, et de Mgr Vandry, vice-recteur de Laval. Mgr Papineau déclarait à Saint-Jean que tant que la province de Québec aurait un gouvernement comme celui-ci, l’éducation continuerait de progresser à pas de géant. Mgr Vandry affirmait, pour sa part, que nulle part au monde l’État ne s’intéresse autant à l’éducation que dans la province de Québec. Ce sont là des témoignages dont nous sommes fiers. De tels témoignages valent mieux que ceux qui sont inspirés par la rancœur et le dépit d’avoir perdu l’assiette au beurre.
Certains font une distinction spécieuse entre la culture et l’éducation. La culture, elle aussi, doit rester sous la juridiction provinciale. Le gouvernement du Québec entend rester maître de sa juridiction dans tous les domaines de l’enseignement. Il y parviendra en autant que se poursuivra la lutte pour l’autonomie financière de la province. Or, le peuple sait que le gouvernement actuel a respecté le mandat qui lui avait été confié de défendre cette autonomie. Les vues du Québec en matière de taxation sont de plus en plus acceptées au Canada.
Dans son discours sur le budget, le ministre des Finances (l’honorable M. Gagnon) a noté qu’un changement s’était produit pour le mieux dans le climat des relations fédérales-provinciales. À qui ce changement est-il dû? À un homme qui, pendant longtemps, a résisté seul à tous les complots et maintenu inébranlable la position de sa province sur cette question de l’autonomie. Et ce ne sont pas nos amis d’en face qui l’ont aidé dans cette lutte. Au contraire, le premier ministre a dû lutter contre eux pour préserver les garanties et les libertés nécessaires à notre province.
Un homme, un homme seulement, est responsable de l’amélioration de l’attitude des autorités fédérales. Le peuple sait que tant et aussi longtemps qu’il y aura au Parlement de Québec une sentinelle vigilante, tant et aussi longtemps que le premier ministre sera là, ses droits seront entre bonnes mains. Le premier ministre de Québec ouvre la voie pour nous sur le chemin d’une victoire véritable et je prédis que la population va de nouveau avoir confiance en lui.
M. Earl (Montréal-Notre-Dame-de-Grâce): L’actuel ministre des Finances (l’honorable M. Gagnon) a récolté durant les 11 dernières années, en taxes et autres revenus, un montant record de près de $2,968,075,618, soit plus que le montant global recueilli par tous les gouvernements antérieurs, y compris le premier de l’Union nationale, depuis la Confédération. Pendant les mêmes dernières années également, le gouvernement de l’Union nationale a aussi dépensé deux fois plus que toutes les administrations précédentes réunies depuis 1867.
Pour que le gouvernement puisse ainsi dépenser, le contribuable a dû être taxé lourdement. La part des automobilistes, qui va sans cesse croissante, atteint cette année quelque $95,000,000. Les taxes sur les corporations s’élèvent à $65,000,000 et celles sur les revenus des particuliers à environ $30,000,000. D’autres revenus découlent de taxes de toute nature.
Une taxe particulièrement intéressante, que le premier ministre actuel avait promis d’abolir en 1944, est la taxe de vente. Cette taxe, non seulement n’a pas été abolie, mais n’a cessé d’amener des revenus croissants à la province. Cette taxe, en effet, qui rapportait $12,960,972.58 à la province en 1944, lui en rapportait $44,066,325.59 en 1954-1955. Le gouvernement actuel, malgré toutes ses promesses, n’a aboli aucune taxe. Il en a créé plutôt de nouvelles, comme l’impôt vexatoire sur le revenu des particuliers.
Le fardeau général de la taxation s’est tellement alourdi qu’il a fait fuir nombre d’entreprises de la province, ce qui expliquerait, en partie du moins, une diminution de plus de 10 % dans les revenus provenant de l’impôt sur les bénéfices des sociétés depuis 1951-1952. Ceci est encore plus important du fait que le taux de taxe est resté le même et que le Québec connaît maintenant une période incroyable de prospérité. Au cours des trois dernières années, les revenus provenant des droits de mines ont aussi diminué de plus de 25 %. Un tel état de choses est inconcevable quand on songe à la prospérité généralisée que l’on constate partout au pays.
Je trouve également étrange que le ministre des Finances n’ait pas jugé bon de traiter de l’exercice financier terminé le 31 mars 1955. La députation et le public avaient pourtant le droit de savoir comment l’argent provenant des taxes a été dépensé. Les contribuables auraient été intéressés, par exemple, à apprendre pourquoi la province avait enregistré son troisième déficit consécutif, un déficit de $21,302,288.51, et pourquoi elle avait dépensé $35,000,000 de plus que ne le comportait l’autorisation de la Chambre.
Le ministre aurait pu aussi expliquer, de façon générale, la succession des déficits en période de pleine prospérité et les motifs qui poussent le gouvernement à dépenser toujours plus qu’il n’est autorisé à le faire par la députation. Il (M. Earl) parle de surplus fictifs et de déficits camouflés en surplus.
Le ministre des Finances a préféré donner des définitions du mot "dette", dit-il, comme si tout le monde ne savait point qu’une dette comporte l’ensemble des montants qu’un individu ou un organisme doit. Cette définition de simple bon sens a permis au chef de l’opposition d’établir que la dette de la province, au 31 mars 1955, s’élevait à $638,011,591.17.
Dans son rapport provisoire des revenus et dépenses de l’exercice 1954-1955, le 27 août 1955, le ministre s’était contenté de dire que le gouvernement avait terminé l’année, au 31 mars, sans aucun bon du Trésor en souffrance. Cette déclaration ne contenait qu’une partie de vérité. Au fait, il y a toute l’étrange histoire de ces bons du Trésor, ou emprunts temporaires que le gouvernement doit contracter de temps à autre. Cette histoire se résume à ceci.
Au 31 décembre 1954, le montant des bons du Trésor en souffrance atteignait $60,500,000. Au 1er mars 1955, ce montant était réduit à $46,000,000; au 15 mars, il était encore de $43,000,000, puis, soudain, au 26 mars, il tombait à zéro. La grande question qui se pose est la suivante; où le gouvernement avait-il pu trouver, en 11 jours, ces $43,000,000? Les Comptes publics fournissent des renseignements intéressants à ce sujet.
On y apprend que le gouvernement a emprunté $25,000,000 à 2 % d’intérêt de l’Hydro-Québec. L’Hydro-Québec avait effectué un emprunt de $40,000,000 à 3.5 % pour une période de 20 ans. Ainsi, 25 jours après avoir elle-même emprunté, elle prêtait au gouvernement de la province. L’objet de l’emprunt de l’Hydro avait été le financement d’une partie du projet de la Bersimis. Ainsi l’Hydro a emprunté à 3.5 % pour reprêter à 2 % au gouvernement.
Il (M. Earl) relève certaines affirmations du ministre des Finances concernant des gains que le gouvernement aurait effectués en rachetant certaines obligations temporaires. Le manque de mise en valeur du marché dans les bureaux des capitales européennes nuit à l’établissement de nouvelles industries dans la province. Selon les publications du British Trade Centre, 174 industries ou firmes britanniques ont ouvert une succursale au Canada entre 1954 et 1955. De ce nombre, 120 sont en Ontario, 26 sont dans d’autres provinces et seulement 28 sont au Québec.
Pendant deux ans, l’opposition a essayé en vain de convaincre le gouvernement qu’il était nécessaire d’ouvrir des bureaux commerciaux. Lorsque nous, les libéraux, allons accéder au pouvoir lors des prochaines élections de cette année, nous ouvrirons des bureaux commerciaux en France et en Grande-Bretagne pour instaurer des échanges commerciaux avec le continent et encourager de nouvelles industries et succursales à venir s’installer dans les villes et les villages de la province. Le Québec a des ressources hydrauliques et naturelles, ainsi qu’une main-d’œuvre illimitée; alors, il n’y a aucune raison pour que la majorité des firmes qui s’installent au Canada ne viennent pas au Québec.
M. Chartrand (L’Assomption) propose, appuyé par le représentant de Lac-Saint-Jean (M. Auger), que le débat soit maintenant ajourné6.
La motion est mise aux voix et la Chambre se divise.
Les noms sont appelés et inscrits comme suit:
Pour: MM. Auger, Barré, Barrette, Beaulieu, Bellemare, Bertrand, Blanchard, Boudreau, Bourque, Bousquet, Caron, Chalifour, Chartrand, Cloutier, Côté, Cottingham, Couturier, Dallaire, Desjardins, Dubé, Ducharme, Duplessis, French, Gagné (Montréal-Laurier), Gagné (Rivière-du-Loup), Gagnon (Matane), Gagnon (Matapédia), Gérin, Hanley, Jeannotte, Johnson, Johnston, Labbé (Arthabaska), Labbé (Mégantic), Langlais, Lavallée, Leclerc, Lesage, Lizotte, Lorrain, Miquelon, Ouellet, Paquette, Plourde, Poirier, Poulin, Pouliot, Prévost, Raymond, Riendeau, Rivard, Roche, Roy, Sauvé, Somerville, Talbot, Thibeault, 57.
Contre: MM. Bédard, Bélanger, Dupré, Dupuis, Earl, Hamel, Hyde, Kirkland, Lafrance, Lapalme, Lemieux, Marquis, Montpetit, Noël (Montréal-Jeanne-Mance), Pinard, Rochon, Ross, Savard, 18.
Ainsi, la motion est adoptée. Le débat est, en conséquence, de nouveau ajourné.
Messages du Conseil législatif:
M. l’Orateur communique à la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:
Le Conseil législatif informe l’Assemblée législative qu’il a voté, sans amendement, les bills suivants:
- bill 97 modifiant la loi des ingénieurs forestiers;
- bill 132 concernant les commissaires d’écoles pour la municipalité de Notre-Dame-Auxiliatrice, comté de Saint-Jean;
- bill 182 autorisant le Collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec à admettre Birgit Solveig Nordstrom à l’exercice de la profession dentaire à certaines conditions;
- bill 218 constituant en corporation Jewish Convalescent Centre;
- bill 219 concernant la ville de Hauterive;
- bill 235 concernant le testament de Cécile Marchildon;
- bill 241 modifiant la charte de Bishop’s College;
- bill 242 confirmant le titre de Léonard Dulude à certains immeubles;
- bill 244 exemptant André Langlais de la quatrième année d’études d’ordre pratique et autorisant le Barreau de la province de Québec à l’admettre à l’exercice de la profession d’avocat, après examens.
M. l’Orateur communique à la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:
Le Conseil législatif informe l’Assemblée législative qu’il a voté le bill 167 concernant la corporation de la ville de Bromptonville et les commissaires d’écoles du même lieu, avec l’amendement suivant qu’il la prie d’agréer:
L'article 3 est remplacé par ce qui suit:
"3. La Compagnie Richmond Pulp & Paper Co. of Canada, Ltd., devra payer toutes les taxes générales et spéciales imposées par la ville de Bromptonville et les commissaires d'écoles pour la municipalité de Bromptonville en vertu du rôle d'évaluation en vigueur pour l'année 1956 sur tous les immeubles situés en la ville de Bromptonville qu'elle a acquis depuis le 25 octobre 1955."
Le Conseil législatif a aussi voté le bill 194 modifiant la charte de la ville de Bedford, avec l’amendement suivant qu’il prie l’Assemblée d’agréer:
L'article 3 est modifié en remplaçant, dans la quatrième ligne du sous-article 604d, à la page 6, le mot "liquides" par le mot "disponibles".
Le Conseil législatif a aussi voté le bill 227 modifiant la charte de la cité de Saint-Jean, avec l’amendement suivant qu’il prie l’Assemblée d’agréer:
L'article 5 est modifié:
a) en remplaçant le premier paragraphe par ce qui suit:
"L'article 429 de la loi des cités et villes, article qui s'applique à la cité de Saint-Jean, est modifié, pour la cité, en ajoutant les paragraphes suivants:"
b) les sous-articles 429a, 429b, 429c et 429d deviennent respectivement les paragraphes a, b, c et d;
c) le sous-article 429c, qui est devenu paragraphe c, est modifié en ajoutant, après le mot "droit" dans la première ligne, ce qui suit: "depuis le 16 janvier 1953,"; et en biffant, dans les deux dernières lignes, les mots "et le règlement passé à cette fin par la cité le 8 juin 1946 est déclaré légal".
Le Conseil législatif a aussi voté le bill 237 concernant la succession de John Louis Sabbath, avec l’amendement suivant qu’il prie l’Assemblée d’agréer:
L'article 2 est modifié en biffant à la fin de l'article le mot "(Annexe)".
Et l'annexe est biffée.
Projets de loi:
Bromptonville
La Chambre prend en considération l’amendement que le Conseil législatif a apporté au bill 167 concernant la corporation de la ville de Bromptonville et les commissaires d’écoles du même lieu.
L’amendement est lu et accepté.
Il est ordonné que le greffier porte ce message, avec le bill, au Conseil législatif.
Charte de Bedford
La Chambre prend en considération l’amendement que le Conseil législatif a apporté au bill 194 modifiant la charte de la ville de Bedford.
L’amendement est lu et accepté.
Il est ordonné que le greffier porte ce message, avec le bill, au Conseil législatif.
Succession John Louis Sabbath
La Chambre prend en considération l’amendement que le Conseil législatif a apporté au bill 237 concernant la succession de John Louis Sabbath.
L’amendement est lu et accepté.
Il est ordonné que le greffier porte ce message, avec le bill, au Conseil législatif.
Charte de Saint-Jean
La Chambre prend en considération l’amendement que le Conseil législatif a apporté au bill 227 modifiant la charte de la cité de Saint-Jean.
L’amendement est lu.
Il est ordonné que l’examen de cet amendement soit remis à la prochaine séance.
Messages du Conseil législatif:
M. l’Orateur communique à la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:
Le Conseil législatif informe l’Assemblée législative qu’il a voté le bill 122 modifiant la charte de la cité de Granby, avec les amendements suivants qu’il la prie d’agréer:
1. L'article 13 est biffé;
2. Les articles 14, 15, 16, 17 et 18 deviennent articles 13, 14, 15, 16 et 17;
3. L'article 24 devient article 18.
Le Conseil législatif a aussi voté le bill 209 modifiant la charte de la cité de Sherbrooke, avec les amendements suivants qu’il prie l’Assemblée d’agréer:
1. L'article 10 est modifié en insérant, entre la douzième et la treizième lignes, ce qui suit:
"conseil et son approbation par la com-";
2. Ce qui suit est ajouté après l'article 12 comme articles 13, 14 et 15.
"13. L'article 43 de la loi 1 George VI, chapitre 105, est modifié en ajoutant le paragraphe suivant:
"Nonobstant les dispositions des paragraphes c, d, e et f du paragraphe 1 de l'article 91 de la loi 1 George VI, chapitre 105, et ses amendements, les propriétaires et occupants des immeubles mentionnés auxdits paragraphes seront assujettis aux répartitions imposées en vertu du présent article."
"14. L'article 91 de la loi 1 George VI, chapitre 105, est remplacé par le suivant:
"91. L'article 520 de la loi des cités et villes est remplacé, pour la cité, par le suivant:
"520. 1. Sont des biens non imposables:
"a) Les terrains appartenant à Sa Majesté ou tenus en fidéicommis pour le service de Sa Majesté;
"b) Les propriétés du gouvernement fédéral, celles du gouvernement provincial et celles de la municipalité;
"c) Celles appartenant à des fabriques ou à des institutions ou corporations religieuses, charitables ou d'éducation, ou occupées par ces fabriques, institutions ou corporations, pour les fins pour lesquelles elles ont été établies, et non possédées par elles uniquement pour en retirer un revenu;
"d) les biens possédés et employés pour le culte public, les évêchés, les presbytères, maisons curiales et cimetières et leurs dépendances;
"Les presbytères et maisons curiales ci-dessus mentionnés comprennent toute maison occupée comme résidence par le prêtre ou ministre en charge d'une église quelconque, que cette maison soit la propriété de la fabrique ou de l'institution ou corporation religieuse, propriétaire de l'église, ou qu'elle soit occupée par le prêtre ou ministre en qualité de locataire, pourvu qu'un seul presbytère, maison curiale ou résidence pour chaque église bénéficie de l'exemption accordée par le présent article;
"e) Les immeubles employés pour des bibliothèques ouvertes gratuitement au public;
"f) Toutes maisons d'éducation qui ne reçoivent aucune subvention de la municipalité où elles sont situées ainsi que leurs dépendances et les terrains sur lesquels elles sont érigées;
"g) Les édifices où se tiennent les bureaux d'enregistrement.
"2. Les exemptions mentionnées dans le paragraphe 1 du présent article ne s'appliquent pas aux personnes qui occupent, en vertu d'un titre autre que celui de propriétaire, des immeubles appartenant à Sa Majesté, ou aux gouvernements fédéral ou provincial, lesquelles sont taxées comme si elles étaient les véritables propriétaires de ces immeubles et sont tenues au paiement des taxes foncières et spéciales."
"15. L'article 92 de la loi 1 George VI, chapitre 105, remplacé par l'article 7 de la loi 1-2 Elizabeth II, chapitre 67, est modifié en ajoutant le paragraphe suivant:
"Nonobstant les dispositions des paragraphes c, d, e et f du paragraphe 1 de l'article 91 de la loi 1 George VI, chapitre 105, et ses amendements, les propriétaires et occupants des immeubles mentionnés auxdits paragraphes seront assujettis aux répartitions imposées en vertu du présent article.";
3. L'article 13 devient article 16.
Le Conseil législatif a aussi voté le bill 229 concernant les testaments de Lactance Bouthillette et de Dina Trahan, avec les amendements suivants qu’il prie l’Assemblée d’agréer:
1. Ce qui suit est ajouté après l'article 1 comme article 2:
"2. Ledit Julien Gervais est déclaré propriétaire absolu desdits immeubles."
2. Les articles 2 et 3 deviennent articles 3 et 4.
Projets de loi:
Charte de Granby
La Chambre prend en considération les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 122 modifiant la charte de la cité de Granby.
Les amendements sont lus et acceptés.
Il est ordonné que le greffier porte ce message, avec le bill, au Conseil législatif.
Testaments Lactance Bouthillette et Dina Trahan
La Chambre prend en considération les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 229 concernant les testaments de Lactance Bouthillette et de Dina Trahan.
Les amendements sont lus et acceptés.
Il est ordonné que le greffier porte ce message, avec le bill, au Conseil législatif.
Charte de Sherbrooke
La Chambre prend en considération les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 209 modifiant la charte de la cité de Sherbrooke.
Les amendements sont lus.
Il est ordonné que l’examen de ces amendements soit remis à la prochaine séance.
Subsides:
Budget des dépenses 1956-1957
L’honorable M. Gagnon (Matane) propose, selon l’ordre du jour, que M. l’Orateur quitte maintenant le fauteuil.
M. Noël (Montréal-Jeanne-Mance): Je tiens à signaler que, depuis plusieurs années, toutes les autorités civiles, religieuses et patriotiques se sont élevées contre l’inégalité en ce qui concerne les districts électoraux...
L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Point d’ordre. Le sujet qu'a abordé le député de Montréal-Jeanne-Mance a déjà été déclaré hors d'ordre par une décision de M. l'Orateur rendue au cours de la présente session, décision qui a été confirmée par la Chambre7. Une loi pour modifier la loi électorale est inscrite à l’ordre du jour. Le texte n’est pas encore imprimé. L’amendement est prématuré. Avant d’aborder l’étude de la loi, on ne peut en parler.
M. Noël (Montréal-Jeanne-Mance): Il s’agit de la redistribution des sièges, ce qui est complètement étranger à la loi électorale.
M. l’Orateur: Ce point a été couvert par une décision de l’Orateur. La Chambre a confirmé cette décision stipulant que seul un membre du gouvernement peut soumettre une motion réclamant une redistribution des sièges, car cela comporterait une dépense de deniers publics. Si c’est de ça que le député de Montréal-Jeanne-Mance veut parler, le point d’ordre est fondé.
M. Noël (Montréal-Jeanne-Mance): J’ai présenté deux motions pour une meilleure représentation de la région métropolitaine au Parlement. Je veux exprimer un regret... L’amendement est conforme au Règlement. Voici...
M. l’Orateur: Je n’ai pas suffisamment de détails pour savoir exactement ce que le député veut. Qu’il parle quelques minutes...
L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Que le député vous envoie le texte de son amendement, s’il ne veut pas le lire immédiatement! Vous pourrez ainsi en prendre connaissance.
M. Dupré (Verchères): M. l’Orateur, vous venez de rendre la décision de continuer de parler quelques minutes.
M. Noël (Montréal-Jeanne-Mance): Je vais d’abord faire l’historique des redistributions de sièges électoraux. Les circonscriptions électorales de la province de Québec...
L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le député n’a pas le droit de présenter cette motion et j’attends la décision de l’Orateur.
M. Lapalme (Montréal-Outremont): Il n’y a aucun lien avec la loi électorale ordinaire. Cela ne peut entraîner des dépenses de deniers publics. D’où le nouveau texte n’a aucun rapport avec les motions qui ont été rejetées.
M. Noël (Montréal-Jeanne-Mance): Je veux simplement exprimer un regret...
L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je demande la décision.
M. l’Orateur: Il est manifeste que la discussion converge vers le sujet de la redistribution des collèges électoraux dans la province, sujet qui, suivant une décision qui a déjà été rendue et qui a été confirmée par la Chambre, ne peut servir de thème à une motion présentée par un simple député. Le premier ministre a suggéré de soumettre le texte à l’Orateur. Le député de Montréal-Jeanne-Mance (M. Noël) ne l’a pas soumis; c’est son privilège. Mais il me semble que comme cela a rapport à une redistribution des sièges et qu’une redistribution de sièges doit entraîner nécessairement des dépenses, le point d’ordre est fondé d’après les articles 155 et suivants du Règlement.
M. Noël (Montréal-Jeanne-Mance): J’en appelle de votre décision.
La question: "La décision de l’Orateur sera-t-elle maintenue?" est mise aux voix et la Chambre se divise.
Les noms sont appelés et inscrits comme suit:
Pour: MM. Auger, Barré, Barrette, Beaulieu, Bellemare, Bernatchez, Bertrand, Blanchard, Boudreau, Bourque, Bousquet, Caron, Chalifour, Chartrand, Cloutier, Côté, Cottingham, Couturier, Dallaire, Desjardins, Dubé, Ducharme, Duplessis, French, Gagné (Montréal-Laurier), Gagné (Rivière-du-Loup), Gagnon (Matane), Gagnon (Matapédia), Gérin, Hanley, Jeannotte, Johnson, Johnston, Labbé (Arthabaska), Labbé (Mégantic), Langlais, Lavallée, Leclerc, Lesage, Lizotte, Lorrain, Miquelon, Ouellet, Paquette, Plourde, Poirier, Poulin, Pouliot, Prévost, Raymond, Riendeau, Rivard, Roche, Roy, Sauvé, Somerville, Talbot, Thibeault, 58.
Contre: MM. Bédard, Bélanger, Dupré, Dupuis, Earl, Hamel, Hyde, Kirkland, Lafrance, Lapalme, Lemieux, Marquis, Montpetit, Noël (Montréal-Jeanne-Mance), Pinard, Rochon, Ross, Savard, 18.
Ainsi, la décision de M. l’Orateur est, en conséquence, maintenue.
M. Dupuis (Montréal-Sainte-Marie): Nous traversons dans la province de Québec une époque de grandes déclarations de principe qui malheureusement ne sont pas suivies par des actes. La situation actuelle n’est pas concevable pour une province qui se dit catholique et française. Je veux parler de la façon dont on y respecte la loi du dimanche.
Il (M. Dupuis) reproche au gouvernement de faire de nombreuses déclarations sur le respect de la loi du dimanche, une loi provinciale, une loi divine, et de répéter ses déclarations d’année en année depuis 1936. De telles répétitions annuelles, en langage populaire, ça s’appelle du radotage, dit-il. On promet, on s’engage... mais rien ne se fait! On dirait que l’on est prêt à se contenter de belles déclarations de principe et à ignorer la réalité.
Il (M. Dupuis) cite des déclarations du premier ministre reproduites dans différents quotidiens de la province. Mais la loi n’est pas respectée, dit-il. Je regrette que nos catholiques canadiens-français se contentent seulement de conférences de presse. Il faut autre chose que cela. C’est le devoir du gouvernement, du département du procureur général, de la police provinciale d’intervenir...
Je ne suis pas seul à me lever pour dire que la loi du dimanche est violée. Il (M. Dupuis) cite des lettres de la Ligue du travail, des Ligues du Sacré-Cœur8, des mémoires de syndicats ainsi que L’Action catholique qui demandent une campagne de presse pour faire appel à la population en général et aux syndiqués. Toutes ces personnes, tous ces organismes réclament depuis des années le respect de la loi du dimanche, dit-il. Pour sa part, chaque vendredi, le premier ministre fait de grandes déclarations. Il y a, dans tous les grands centres de la province de Québec, des usines qui font travailler leurs ouvriers le dimanche. C’est le cas de la majorité des papeteries. Même à Trois-Rivières, où habite le premier ministre, les usines de pâtes et papiers ont du travail le dimanche. Au nom de la Ligue du travail, des unions ouvrières, des Ligues du Sacré-Cœur, je regrette que le gouvernement ne prenne pas des mesures immédiates pour faire respecter nos traditions.
On dira qu’on dénigre notre province. On ne la dénigre pas quand on dénonce un mal qui existe, une plaie connue de tous. Le premier ministre n’a pas le droit de faire comme l’autruche et de se cacher la tête dans le sable pour dire que tout va bien.
C’est le docteur Louis-Philippe Roy qui dit que le dimanche est violé de plus en plus. Il dit que non seulement on viole cette loi divine et humaine dans nos papeteries, mais aussi dans les cabarets, en forçant les gens à travailler le dimanche dans ces endroits. On ne demande qu’une chose: que la loi soit aussi bien respectée dans le Québec qu’en Ontario. Nous avons pensé que le premier ministre était tellement extraordinaire qu’il réussirait au moins à régler ce problème-là.
Dans toutes les campagnes électorales, il s’est engagé à faire respecter la loi du dimanche. Cela fait 15 ans qu’on attend que ce grand homme réalise au moins une fois dans sa vie ce qu’il promet. Nous verrons l’an prochain un régime libéral qui fera observer la loi du dimanche, car le seul corps capable de faire fermer les compagnies le dimanche, c’est le gouvernement de la province.
Nous aimerions savoir du procureur général quelles procédures ont été prises pour faire observer la loi, combien de causes sont allées jusqu’au bout et combien il y a eu de condamnations. Tant que le gouvernement sera satisfait de ce qui se passe, notre devoir sera d’intervenir dans cette Chambre. L’opposition veut mettre fin à cela parce qu’elle a conscience de faire entendre les revendications de la majorité de la population. Nous serons satisfaits des déclarations du premier ministre quand il y aura après des actes positifs.
Il (M. Dupuis) propose, appuyé par le représentant de Richmond (M. Lafrance), que la motion en discussion soit amendée en en remplaçant tous les mots après le mot "que" par les suivants:
"cette Chambre, tout en étant prête à voter à Sa Majesté les subsides qu'elle a demandés, blâme le gouvernement de laisser violer ouvertement la loi de l'observance du dimanche."
M. Noël (Montréal-Jeanne-Mance): Je me lève au nom des ouvriers pour réclamer une action positive pour mettre fin à la violation flagrante de la loi du dimanche à laquelle nous assistons sous le régime de l’Union nationale.
Il cite le mémoire de la C.T.C.C.9 et demande combien le gouvernement a d’enquêteurs pour surveiller l’application de la loi du dimanche. Cette question, dit-il, a été posée dans cette Chambre par un membre de l’opposition et on ne lui a pas encore répondu. Il serait aussi bon de savoir combien il y a eu de causes contre les violateurs de la loi et combien il y a eu de condamnations. Avec l’Union nationale, on se contente de lois de mirage. On se contente de déclarations ronflantes, on se contente d’une attitude hypocrite. Si l’Union nationale n’a pas réalisé l’une de ses plus belles ambitions, celle de la corruption dégoûtante...
L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Point d’ordre. Que le député retire sans restriction ses paroles.
M. Noël (Montréal-Jeanne-Mance) retire ses paroles et propose, appuyé par le représentant de Drummond (M. Pinard), que le débat sur l’amendement soit ajourné.
L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): C’est bien, mais comme il y a réception chez le lieutenant-gouverneur et que les journalistes seront absents, l’on ne pourra siéger ce soir10. Il faudra donc avoir deux séances demain.
Adopté. Le débat est ajourné.
Ajournement
L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose, du consentement unanime, que la Chambre, lorsqu’elle s’ajournera, se trouve ajournée à demain à 11 heures du matin.
Adopté.
La séance est levée à 6 heures.
NOTES
1. Le père de Maurice Tellier, Joseph-Mathias Tellier (1861-1952), en plus d’avoir été avocat et juge, a été député à l’Assemblée Législative durant plusieurs années; il a été député de Joliette, de 1892 à 1915, et chef de l’opposition, de mars 1909 à février 1915.
2. Louis Saint-Laurent (1882-1973), premier ministre (libéral) du Canada de 1948 à 1957.
3. L’Événement du 10 février 1956, à la page 18, parle plutôt de 1,027 commissions scolaires.
4. Le Montréal-Matin du 10 février 1956, à la page 16, parle de $1,662,980.
5. L’Événement du 10 février 1956, à la page 18, donne les chiffres de $11,576,000 pour l’Université Laval, $10,675,000 pour l’Université de Montréal et $1,500,000 pour l’Université Bishop.
6. D’après L’Action catholique du 10 février 1956, à la page 3, il était 4 h 30 quand le député de L’Assomption, Victor Chartrand, a proposé l’ajournement du débat.
7. Le premier ministre fait référence à une décision rendue par l’Orateur lors de la séance du 14 décembre 1955. On pourra aussi consulter les séances du 6 et du 7 décembre 1955, ainsi que celle du 18 janvier 1956, où M. Noël aborde la question de la modification de la carte électorale.
8. Fondées en 1883, les Ligues du Sacré-Cœur ont pour but de regrouper les hommes et les jeunes gens pour en faire des apôtres actifs pour le bien, de favoriser l'établissement d'œuvres charitables, économiques et sociales s'inspirant de l'esprit chrétien, et d’organiser la lutte aux œuvres malsaines.
9. Confédération des travailleurs catholiques du Canada.
10. Le Quebec Chronicle du 10 février 1956, à la page 2, nous apprend que le lieutenant-gouverneur du Québec donnait ce soir-là un dîner d’État pour tous les membres de la Galerie de la presse; c’est à ce dîner que le premier ministre fait allusion quand il parle d’une réception, et c’est ce qui explique que la Chambre ne siège pas ce soir-là, les journalistes ne pouvant assister aux débats.