Par Gilles Gallichan
Le Québec, le Canada et le monde de 1950-1951
La session du Parlement québécois de 1950-1951 est marquée des sceaux de la guerre froide, de la religion catholique, du traditionalisme duplessiste. Elle témoigne également des fatalités qui frappent parfois le destin des hommes. Elle est aussi – fait plutôt rare à cette époque – divisée en deux temps. Les Chambres se sont réunies deux semaines en novembre, puis ont ajourné leurs travaux jusqu’en janvier pour permettre au premier ministre de participer à la conférence fédérale-provinciale, tenue à Ottawa.
Cette époque marque l’apogée du règne de Maurice Duplessis à Québec. La prospérité économique et la santé des finances publiques permettent au gouvernement de prophétiser un avenir radieux pour la province et de multiplier les constructions d’écoles, d’hôpitaux, de ponts et de routes. Selon la formule imagée de l’historien Robert Rumilly : à l’époque, « un évêque bénit et Duplessis inaugure1 ».
L’opposition libérale décimée depuis les élections de 1948 ne compte que huit sièges contre 82 députés ministériels et deux députés indépendants (MM. Hanley et Chaloult) qui appuient souvent le gouvernement. Le Parti libéral s’est donné un nouveau chef, le 20 mai 1950, en la personne de Georges-Émile Lapalme, un avocat de Joliette, député de cette circonscription aux Communes (1945-1950). Ayant démissionné de son poste à Ottawa, il a refusé qu’un député à Québec lui cède son siège et préfère travailler à rebâtir son parti et à structurer un nouveau programme plutôt que se précipiter à l’Assemblée. Il préfère donc attendre des élections générales pour se présenter devant les électeurs. En conséquence, le député de Westmount-Saint-Georges, George Marler, agit toujours à titre de chef de l’opposition. Duplessis avait adressé à Lapalme un chant de sirène, lui offrant une élection sans opposition dans une circonscription libérale. Devant son refus, le premier ministre ne manquera jamais une occasion de critiquer l’opposition « bicéphale » et de rappeler les liens du chef libéral avec le parti de Louis Saint-Laurent et de le qualifier de « commis voyageur d’Ottawa ».
Le journaliste Pierre Laporte constate la grande faiblesse de l’opposition parlementaire de 1950 et regrette qu’à lui seul le chef de l’opposition assume « les neuf dixièmes du travail ». Lionel Ross, de Verdun, le seconde un peu, mais les autres souvent inexpérimentés sont d’une désolante inertie devant la citadelle duplessiste. Cette opposition anémique n’annonce rien de bon pour la démocratie, soutient Laporte2.
Le 4 novembre 1950, quelques jours avant l’ouverture de la session, dans un important discours à Québec, Georges-Émile Lapalme présente les valeurs qu’il entend défendre à la tête de son parti. Il parle en priorité de justice sociale et de réformes, au moment où il fait ses premières armes contre la toute puissante organisation de l’Union nationale. Il tente aussi de se faire connaître de la population par des conférences à la radio sur divers sujets de l’actualité politique3.
Le Québec, le Canada et le monde de 1950 vivent à l’heure de l’après-guerre mondiale et de la guerre froide. Depuis la crise de Berlin, en 1948, le fossé s’élargit entre le monde communiste stalinien et le monde dit « libre ». Le « Rideau de fer », naguère évoqué par Winston Churchill, divise la planète. Avec une Chine désormais communiste, l’Extrême-Orient devient un théâtre de nouveaux conflits, notamment en Corée où la guerre débute le 8 juin en Indochine (Vietnam) qui demeure encore, à l’époque, une colonie française. Dès le 30 juillet 1950, la marine canadienne s’engage dans le conflit coréen. Des soldats canadiens sont en Corée dans les premiers jours de novembre 1950; d’autres troupes terrestres, dont plusieurs soldats du Royal 22e Régiment, s’y rendront également au printemps 19514.
Les tensions idéologiques et la crainte exagérée d’une infiltration communiste sont plus que jamais présentes au Québec. L’actualité suit le procès très médiatisé des époux Julius et Ethel Rosenberg accusés aux États-Unis d’espionnage au profit de l’Union soviétique. Au Québec, comme dans toute l’Amérique, la peur des communistes et des espions russes domine les esprits. On voit partout de l’action communiste, et le plus souvent là où elle n’est pas. Par exemple, le 10 septembre 1950, le Congrès des métiers et du travail du Canada expulse des membres simplement soupçonnés d’être des sympathisants communistes. Toute action syndicale et ouvrière doit s’exercer sous le sceau des encycliques sociales et de la doctrine de l’Église. Une Ligue ouvrière catholique, établie à Montréal, y veille dans un esprit d’alliance du travail et des valeurs familiales. Dans ce contexte, Duplessis, qui se présente comme un pourfendeur du communisme, peut se permettre avec une habileté sans scrupule d’associer au marxisme toute forme d’opposition à son régime.
Pour les catholiques, 1950 est une année de jubilé et le pape Pie XII l’a proclamée « Année sainte », invitant les croyants en pèlerinage à Rome selon la tradition médiévale remontant au XIVe siècle. Plusieurs Québécois réunissent leurs économies pour s’offrir, à cette occasion insigne, un voyage en France et en Italie5. Le pape proclame également en 1950 le dogme de l’Assomption de la Vierge Marie, faisant d’une tradition mariale une vérité de foi pour les catholiques. L’Église québécoise connaît, quant à elle, des heures fastes au cœur de l’Année sainte. On se réjouit de la béatification de mère Marguerite Bourgeoys, fondatrice de la congrégation de Notre-Dame et pionnière de l’éducation en Nouvelle-France. Des ministres québécois accompagnent les délégations cléricales à Rome et sont chaleureusement accueillis par le pape. Le nouvel archevêque de Montréal, Mgr Paul-Émile Léger, qui a succédé à Mgr Joseph Charbonneau, le 24 mars 1950, amorce son épiscopat sous ces heureux auspices. Il souhaite un nouveau souffle religieux sur sa ville et sur tout le Canada français.
Cette réalité religieuse se traduit notamment par une vaste bibliographie ecclésiastique et religieuse parue au Québec en 1950; mais l’édition nationale du milieu du siècle est aussi marquée par la parution d’œuvres littéraires, de nouvelles et d’essais6. Robert Élie reçoit le prestigieux prix David pour son roman La fin des songes. Le Torrent d’Anne Hébert, La petite poule d’eau de Gabrielle Roy et l’Histoire du Canada français de Lionel Groulx paraissent au cours de l’année 1950. Un autre historien qui participera plus tard à la réforme de l’éducation, Louis-Philippe Audet, amorce la parution de son Système scolaire de la province de Québec qui comptera six tomes. L’ouvrage attire l’attention de Pierre Laporte, correspondant parlementaire du Devoir à Québec, qui lui consacre une chronique7. De son côté, le chansonnier poète Félix Leclerc connaît un grand succès populaire en France. Le 20 février 1951, il reçoit le grand prix de l’Académie du disque Charles-Cros pour sa chanson Moi, mes souliers. Dès lors, il tisse des liens durables entre son pays québécois et la France. Le cinéma québécois en est à ses premiers balbutiements. Cette année-là, Jean-Yves Bigras produit Lumières de ma ville et Paul Gury réalise Séraphin, inspiré du célèbre roman de Claude-Henri Grignon. En juin 1950 paraît un nouveau périodique trimestriel dont l’influence sera considérable : Cité libre. Gérard Pelletier dirige ces cahiers modestement tirés à 500 exemplaires et qui remettent en question l’autoritarisme de l’Église et des élites traditionnelles québécoises.
La Ville de Montréal vit à l’heure d’une volonté de redressement administratif et social. En mai, le juge François Caron inaugure une enquête de la Cour supérieure du Québec portant sur la moralité publique à Montréal. Des citoyens et des journaux, dont Le Devoir, dénoncent les abus du jeu, de la contrebande d’alcool et de la prostitution qui fleurissent sous le parrainage de la pègre dans le « Red light » montréalais. L’enquête débute en septembre pour préparer les audiences qui feront beaucoup de bruit, et deux avocats s’illustrent dans cette affaire : Pacifique Plante et Jean Drapeau. L’histoire n’incrimine pas directement l’administration du maire Camillien Houde, mais occupe le cœur de l’actualité pendant la campagne électorale municipale de l’automne. Le 11 décembre 1950, le maire Houde est réélu triomphalement à l’Hôtel de Ville contre trois adversaires tenaces : Adhémar Raynault, Sarto Fournier et Maurice Bourbonnière.
À Ottawa, le gouvernement canadien est solidement tenu par le Parti libéral dirigé par le Québécois Louis Stephen Saint-Laurent qui est fort d’une majorité dans neuf des dix provinces de la Confédération. Les premiers ministres du Canada et du Québec sont donc tous deux appuyés sur une puissante majorité parlementaire. En 1950, une importante ronde constitutionnelle entre les 11 premiers ministres du Canada se déroule en trois temps (janvier, septembre et décembre) et ponctue le calendrier parlementaire. Depuis la conférence de 1946, qui opposa Maurice Duplessis au gouvernement de Mackenzie King en un farouche duel politique, le climat s’est détendu entre les deux capitales. La formule d’amendement constitutionnel, le partage des juridictions et des compétences fiscales demeurent cependant toujours au cœur des débats, comme on le verra au cours de la session.
On trouve, au fil des séances de la session de 1950-1951, les échos de catastrophes et de tragédies qui ont frappé le Québec cette année-là. Un premier drame a ému la province le 6 mai 1950, lorsque la ville de Rimouski a été ravagée par un grave incendie qui a détruit 359 résidences, faisant des milliers de sans-abri. Quelques jours plus tard, c’est le village de Cabano, dans la même région, qui subit un sort identique. Ces sinistres obligent le gouvernement à accorder une aide d’urgence aux victimes et aux municipalités éprouvées. Ils expliquent aussi la convocation hâtive des Chambres, le 8 novembre 1950, pour régler les aspects législatifs de ce dossier.
Un nouveau lieutenant-gouverneur
Les questions religieuses, constitutionnelles et sociales sont les premières évoquées dans le discours du trône. C’est un nouveau représentant de la couronne qui arrive de Bois-de-Coulonge au parlement pour ouvrir la 3e session de la 23e Législature de la province de Québec. Depuis le 3 octobre 1950, l’honorable Gaspard Fauteux, 52 ans, a succédé à sir Eugène Fiset. Fauteux n’est pas un inconnu à Québec. Chirurgien dentiste de son état, il a été député libéral de Montréal-Sainte-Marie à l’Assemblée législative de 1931 à 1935; il a par la suite représenté la même circonscription à Ottawa de 1942 à 1950 et occupé le fauteuil de président de la Chambre des communes de 1945 à 1949. Pendant ces années, il a amorcé la modernisation des règlements et des usages parlementaires du Parlement fédéral. Vingt ans plus tard on s’inspirera de son modèle pour réformer le parlementarisme québécois et l’adapter aux défis de la Révolution tranquille.
Gaspard Fauteux est aussi l’héritier d’une illustre famille québécoise. Il est, par sa mère, le petit-fils de l’ancien premier ministre Honoré Mercier et aussi le neveu de sir Lomer Gouin qui occupa également, mais brièvement, le poste de lieutenant-gouverneur du Québec en 19298.
Les journaux décrivent comme toujours avec détails l’ouverture de la session. Le Devoir parle d’une cérémonie « solennelle » et La Tribune ajoute « brillante ». Tout le gratin civil, religieux, judiciaire et militaire participe à ce rendez-vous mondain de la capitale. Depuis deux jours, écrit Amédée Gaudreault, des ouvriers s’affairent à « mettre les chambres québécoises sur leur "36" ». Le vieux tapis vert de la salle de l’Assemblée législative a été remplacé par un neuf et on ne tardera pas à faire de même au Salon rouge9. Le lieutenant-gouverneur est arrivé au son de l’hymne royal et entouré de l’apparat militaire. On remarque qu’il ne porte pas le traditionnel costume brodé d’or ni son bicorne à plumes qu’il a remplacé par la jaquette noire et le haut-de-forme. La raison en est le deuil royal causé par le décès du roi Gustave V de Suède, cousin germain de George VI. Jusque dans les plus fins détails de l’étiquette, le Québec de l’époque se veut encore fidèle aux conventions et aux traditions de la monarchie britannique.
Le discours du trône
C’est un discours inscrit dans la tradition que le gouvernement Duplessis fait lire au lieutenant-gouverneur Fauteux. On remarque que le Parlement est convoqué hâtivement, sept mois seulement après la clôture de la session précédente; mais la tragédie de Rimouski et celle de Cabano et les affaires constitutionnelles imposent au gouvernement des actions rapides et un calendrier chargé.
Le discours du trône souligne bien sûr le caractère religieux de l’Année sainte qui a été célébrée par un Québec encore imprégné de culture catholique, laquelle est, comme la langue française, étroitement associée à l’identité nationale. Pour le gouvernement, la religion est aussi un rempart contre la progression des idées communistes qu’il associe à toutes les formes de contestation sociale.
Les priorités législatives inscrites au discours inaugural sont l’agriculture et la colonisation, car le premier ministre n’oublie pas que la classe rurale constitue sa base électorale la plus solide. On parle aussi de la santé et de l’éducation que le gouvernement inscrit dans sa politique en faveur de la jeunesse. Les relations de travail demeurent un dossier névralgique dans une société industrielle. Dans le même esprit, la question des mines et du développement des richesses naturelles est présentée comme un important levier de progrès économique. Enfin, l’industrie touristique soutenue par une vigoureuse politique de voirie doit assurer une longue prospérité à la province.
La conférence fédérale-provinciale, en cours depuis janvier 1950, en est à sa troisième session, qui aura lieu à Ottawa, début décembre. Pour cette raison, l’Assemblée ajournera ses travaux pour les reprendre en janvier 1951. On reportera aussi en janvier le débat sur l’adresse en réponse au discours du trône. Pour l’heure, on se contente du coup d’envoi de ce débat qui est confié au député de Rouyn-Noranda, Guy Dallaire, appuyé par le représentant de Pontiac, Raymond Thomas Johnston. Les deux députés unionistes font l’éloge de leur région du Nord-Ouest québécois et louangent, comme il se doit, les politiques de l’Union nationale.
Aussitôt expédiés les rituels du début de session, le gouvernement dépose plusieurs projets de loi jugés importants. Comme d’habitude, c’est le premier ministre qui donne les explications sur tous les projets de loi, illustrant ainsi l’extrême contrôle qu’il exerce sur son gouvernement et le peu de latitude qu’il accorde à ses ministres. C’est plus tard en session, au moment de l’étude des crédits des ministères, que l’on pourra entendre les ministres défendre eux-mêmes les budgets.
L’économie et les finances publiques
L’opposition dénonce le discours satisfait du gouvernement sur la prospérité, alors que l’inflation réduit le pouvoir d’achat des familles et appauvrit le Québec (24 janvier). En réponse à ces attaques, les unionistes seront fiers de brandir le numéro du 1er février 1951 du magazine torontois Maclean’s, qui consacre un long article au boom économique du Québec, à ses conséquences sur la société et à l’intérêt que les Québécois portent désormais à leur développement industriel10.
Le 1er mars, le ministre Onésime Gagnon peut présenter fièrement son budget pour l’année 1951-1952 qui affiche un surplus de 36,5 millions de dollars sur un budget de l’ordre de 232 millions de dollars. Son discours lui permet de faire à nouveau le bilan des réalisations de l’Union nationale depuis 1936 : crédit agricole, électrification rurale, forêts, mines de fer et de titane, industrie lourde, éducation, santé, habitation et logement social, travaux publics et voirie. Les discours du trésorier, toujours riches en citations, en références historiques et en statistiques, se présentent comme un moment d’apothéose pour le régime et son premier ministre. Le trésorier souligne également les 50 ans des caisses populaires fondées par Alphonse Desjardins, lesquelles ont favorisé le développement économique du Québec et stimulé le secteur des assurances. Poussé par le souffle de l’enthousiasme, le ministre en vient à parler de « la montée de notre peuple vers sa libération » et « vers sa complète émancipation ».
D’autres députés ministériels profitent du débat budgétaire pour exercer leurs talents oratoires. C’est le cas du secrétaire de la province, Omer Côté, et du ministre de la Santé, Albiny Paquette, qui offrent des pièces d’éloquence parlementaire aux séances des 8 et 9 mars.
L’opposition se donne quelques jours pour sa réplique qui est présentée par le chef de l’opposition à la séance du 6 mars. Les libéraux approuvent la recherche d’une entente fiscale avec Ottawa, mais critiquent les autorisations budgétaires que le gouvernement s’accorde en cours d’année fiscale, mettant les députés, à leur retour en Chambre, devant des décisions déjà prises et des crédits déjà engagés. Ils soulignent en outre le fardeau fiscal que l’on fait porter au citoyen contribuable. Un réel déficit se cache, dit Marler, derrière les parades comptables et verbales du trésorier. Bien des problèmes restent à régler dans la province, tant du côté de la voirie que de la santé publique où la lutte contre la tuberculose n’est pas encore gagnée. (7 mars)
Le débat sur l’économie tourne aussi sur la question de l’inflation et du salaire des ménages. Certains députés plaident en faveur d’une augmentation des salaires pour juguler celle du coût de la vie. On propose même d’ajuster les salaires en fonction des charges de famille plutôt qu’au seul service rendu; suggestion, bien sûr, pratiquement impossible à appliquer. René Chaloult rappelle la lettre épiscopale de 1950 et les encycliques sociales de Léon XIII et de Pie XI pour dire que la moyenne des salaires doit permettre à un chef de famille de faire vivre décemment ses enfants.
Les salaires des fonctionnaires sont examinés. Le gouvernement admet que 90 % des salariés de l’État québécois reçoivent moins de 3 000 $ par an et que la moyenne s’établit à 1 915 $, ce qui est jugé insuffisant11. Sur les ondes du poste CKCV de Québec, le chef libéral, Georges-Émile Lapalme, déclare que les fonctionnaires provinciaux sont mal payés12. Les « employés civils » n’ayant aucun recours syndical sont en effet à la merci de leur employeur. Pendant l’étude des crédits, le gouvernement s’engage à revoir à la hausse les salaires des fonctionnaires apportant un soulagement financier à de nombreuses familles dépendantes de la fonction publique, particulièrement dans la capitale.
Les malheurs de Rimouski et de Cabano (mai 1950)
Au moment où l’Assemblée se penche sur l’aide à porter aux sinistrés de Rimouski et de Cabano qui ont perdu leurs biens dans l’incendie du printemps, on apprend la mort de l’archevêque de Rimouski Mgr Georges Courchesne. Il était « un membre éminent de notre clergé », dira le premier ministre en annonçant son décès aux députés à la séance du 14 novembre. L’archevêque, qui encourageait le développement de la colonisation de sa région, était aussi pour le premier ministre un allié dans sa politique agricole. Il délègue quatre ministres pour représenter le gouvernement aux funérailles13. De son côté, Le Devoir salue la mémoire du prélat, mais rappelle qu’il était « une figure les plus austères de l’épiscopat14 ».
L’Assemblée vote sans difficulté un crédit de 1 000 000 $ pour aider les familles de Rimouski et de Cabano à reconstruire leurs maisons. Mais on n’accorde aux familles que la valeur de la maison détruite et non ce que représente le coût de construction d’une maison neuve équivalente, ce qui en laisse plusieurs sans ressources suffisantes. On se plaint aussi de la lenteur de l’aide aux sinistrés qui, à la fin de l’année 1950, n’ont encore reçu que 182 000 $ en soutien direct. « Le véritable sinistré, c’est le gouvernement qui a besoin de fonds », déclare George Marler15. D’autres sources de financement seront nécessaires et le gouvernement devra présenter en janvier les bills 20 et 21, pour demander de nouveaux crédits. L’opposition s’enquiert du « fonds Rivard » qui a reçu 829 000 $ en dons du public pour venir en aide aux démunis victimes du sinistre. On adopte également une loi semblable pour soutenir les sinistrés de Cabano (bill 3).
La tragédie du mont Obiou (13 novembre 1950)
Le 14 novembre, on apprend une triste nouvelle : un avion DC-4 ramenant de Rome vers Paris un groupe de 51 pèlerins du Québec a percuté, la veille, un sommet des Alpes françaises, le mont Obiou. Tous les passagers de l’avion ont perdu la vie16.
Cette nouvelle marque d’une fin tragique « l’Année sainte » et frappe plusieurs familles de la capitale et son clergé, dont des membres étaient à bord de l’avion. Se trouvant alors en Europe, l’archevêque de Québec Mgr Maurice Roy et le ministre de la Chasse et des Pêcheries, l’honorable Camille Pouliot, se rendent sur les lieux du drame pour représenter les familles éprouvées17. Le deuil frappe directement 600 personnes du Québec qui perdent là-bas un parent ou un proche. Le premier ministre, le chef de l’opposition et quelques députés de l’Assemblée tiennent à rendre hommage aux disparus. Le drapeau fleurdelisé est mis en berne en leur honneur sur la tour du parlement.
En mars 1951, on votera une loi (bill 71) pour reconnaître légalement le décès des personnes disparues et qui n’ont pu être identifiées pour que les familles puissent procéder aux successions testamentaires et toucher les primes d’assurance-vie des victimes. Les restes des victimes ont été inhumés dans un enclos, constituant un lieu de mémoire de la tragédie, à l’entrée du village de La Salette-Fallavaux, près de Grenoble.
L’écroulement du pont Duplessis (31 janvier 1951)
Ouvert à la circulation en 1948, le pont dédié à Nérée et Maurice Duplessis sur la rivière Saint-Maurice inspire les chantres du gouvernement de l’Union nationale. À la suite du premier ministre qui aime comparer la solidité du pont à celle de son gouvernement, le ministre de la Voirie, Roméo Lorrain, déclare en Chambre, le 15 novembre, que « ce pont géant est plus robuste et plus puissant que jamais ». Rarement le sort aura autant fait mentir ces affirmations péremptoires. Le 31 janvier 1951, au milieu d’une nuit glaciale, quatre travées du pont Duplessis s’abîment dans la rivière Saint-Maurice, faisant quatre victimes. On réveille le premier ministre dans ses appartements du Château Frontenac, aux premières heures du jour, avec l’annonce de cette tragédie.
En informant la Chambre quelques heures plus tard, le premier ministre se porte garant des ingénieurs et de la compagnie qui l’a construit. Il émet aussitôt l’hypothèse d’un sabotage communiste. « J’en ai l’intime conviction », dit-il. Il évoque la situation internationale pour supputer de sombres complots dirigés contre la province de Québec et le Canada. L’enquête démontrera des vices dans la construction et le choix des matériaux, mais l’hypothèse d’un complot alimentera longtemps les conversations.
Dans les circonstances, il faut prendre des mesures d’urgence, détourner la circulation automobile, prévoir un pont flottant temporaire, lequel est offert par le ministre fédéral C. D. Howe. À la séance du 7 février, une semaine après le drame, l’opposition, qui a eu le temps d’examiner les premiers rapports, demande le dépôt de documents publics et propose d’instituer une commission d’enquête. Duplessis fulmine et accuse les libéraux de vouloir tirer un profit politique d’un malheur national.
Le débat est relancé par Roméo Lorrain, le 14 février. Duplessis et Marler échangent des propos aigres-doux et on rivalise, de part et d'autre, sur les responsabilités de chacun. Le premier ministre en vient même à reprocher au chef de l’opposition d’avoir dormi la nuit du drame.
La Régie des loyers et le problème du logement
Le 25 janvier, le gouvernement dépose le projet de loi 22 créant la Régie des loyers. Une législation importante de la session, déclare le premier ministre. Le gouvernement fédéral ayant voulu légiférer en ce domaine, le Québec a réagi et la Cour suprême lui a donné raison. Ce dossier de juridiction est particulièrement discuté à Montréal où se concentre la majorité des litiges entre propriétaires et locataires. À l’automne 1950, un très vif débat divise le conseil de ville de Montréal, mais les conseillers, par un vote serré, se prononcent contre la juridiction fédérale18. D’autres villes ouvrières sont inquiètes de voir simplement disparaître un organisme de contrôle des loyers et de protection des locataires. Par sa loi, le gouvernement québécois entend marquer définitivement son autorité juridique et constitutionnelle en ce qui concerne les baux locatifs et remplacer la structure fédérale par une régie québécoise.
Avec la Régie, le gouvernement veut aussi faire face à la crise de l’habitation et se doter d’outils de contrôle. Il est nécessaire d’établir un arbitrage entre propriétaires et locataires. « Nous établissons un contrôle des loyers, affirme Duplessis, pour contrôler ceux qui n’ont pas le contrôle d’eux-mêmes. »
D’autres projets de loi de cette session concernent le problème du logement qui se pose toujours avec acuité : le bill 15 sur la construction de maisons d’habitations et le bill 17 sur la commission d’enquête sur le logement, présidée par Joseph Gingras qui demande à poursuivre ses travaux d’audience. À l’opposition qui le critique sur ce point, le premier ministre répond par une parade qui lui ressemble en disant qu’on l’accuse d’être un dictateur et que s’il veut consulter et se renseigner, on le critique encore (30 janvier). L’étude du projet de loi en comité plénier se déroule au cours des séances des 21 et 22 février.
Il est clair que la question du logement social demeure lancinante en 1950-1951, particulièrement à Montréal où le nombre de taudis est considérable. Même le député indépendant de Montréal-Sainte-Anne, Frank Hanley, un fidèle admirateur des politiques de Duplessis, évoque cette crise qui touche durement sa circonscription. (6 mars)
La constitution
On ajourne les travaux de la session le 16 novembre pour permettre au premier ministre de se rendre à Ottawa pour la conférence des procureurs généraux le 23, suivie des dernières séances de la conférence fédérale-provinciale du 4 au 7 décembre.
Le débat constitutionnel est au cœur de l’actualité en 1950 et 1951. Tant Ottawa que les provinces voient dans cette ronde de négociations une étape importante pour redéfinir non seulement des champs de compétence, mais aussi l’espace fiscal relevant de chaque niveau de gouvernement. Maurice Duplessis tient à conserver l’autonomie fiscale du Québec qui est la garantie de son autonomie politique. Il veut également récupérer la portion des champs de taxation que le fédéral a occupée depuis la guerre. Pour le Québec, le gouvernement fédéral mine la Confédération en centralisant le pouvoir et en envahissant les compétences provinciales. Il se rattache à la vision l’idée du pacte fondateur de 1867, que le gouvernement d’Ottawa cherche à saper, considère-t-il.
Peu de détails sur les échanges entre les premiers ministres sont communiqués à la presse, mais le premier ministre québécois réaffirme son credo sur l’autonomie administrative, législative et financière. Et il refuse des subventions fédérales dans des domaines de juridiction provinciale. « Le gouvernement de la province de Québec ne peut accepter de devenir le pensionnaire d’un autre gouvernement », déclare-t-il19.
Duplessis dénonce le fait que le gouvernement central s’approprie 77 % des taxes et impôts, ne laissant qu’un maigre 23 % aux provinces, aux municipalités et aux commissions scolaires qui assurent une majorité de besoins sociaux. Pour le Parti libéral québécois, le public est très intéressé par ce dossier fondamental pour l’avenir et il presse le premier ministre de s’expliquer sur ses positions en ce domaine (24 janvier). Pour le chef, Georges-Émile Lapalme, l’attitude défensive et négative de Maurice Duplessis sert mal les intérêts du Québec. Au lieu de refuser les propositions fédérales, le gouvernement devrait soumettre des contre-propositions et des solutions avantageuses pour les provinces. Les principes, même justes, et les beaux discours auront peu de poids devant les millions qu’Ottawa pourra brandir pour séduire l’électorat. Et il dénonce l’attitude opportuniste et électoraliste de Maurice Duplessis dans ce dossier20.
Un jeune avocat montréalais de 30 ans contribue à la réflexion sur une éventuelle formule d’amendement de la Constitution canadienne. Paul Gérin-Lajoie, boursier de la fondation Rhodes en 1945, publie à Toronto, en 1950, un essai de science politique fort remarqué : Constitutional Amendment in Canada (Toronto, UTP, 1950, xliii, 340 p.). Le futur ministre de l’Éducation y considère le Québec comme l’enfant terrible de la Confédération canadienne, mais lui donne aussi raison de défendre son autonomie, car le bon fonctionnement de la Constitution ne peut être assuré que par le respect des bases sur lesquelles elle a été établie, considère-t-il. Nul doute que les participants à la conférence fédérale-provinciale de décembre 1950 avaient pris connaissance de cet ouvrage21.
Les pensions de vieillesse
L’un des dossiers constitutionnels à l’étude pendant cette conférence est celui des pensions de vieillesse. Duplessis n’a pas les moyens d’égaler les propositions fédérales dans ce domaine qui est de juridiction exclusivement provinciale selon la Constitution. Il est donc méfiant dans cette affaire. Mais il est clair que cette question nécessite un amendement constitutionnel à l’article 94, amendement qui sera demandé, comme il se doit, par le Canada et les provinces, au Parlement de Westminster.
Les questions sociales font déjà partie depuis plusieurs années du contentieux Canada-Québec. Déjà en 1920, le premier ministre libéral, Louis-Alexandre Taschereau, critiquait l’ingérence d’Ottawa dans les dossiers québécois d’assistance publique22. En 1927, un plan fédéral est appliqué pour soutenir les pensions aux personnes de 70 ans et plus. Ce plan est révisé en 1947 et en 1949. De son côté, le gouvernement québécois légifère en 1936 et crée une régie des pensions de vieillesse. Après la guerre, le Québec constate que malgré sa juridiction reconnue sur les politiques sociales, celles-ci sont fortement investies par des législations fédérales. En 1950, Ottawa paie 75 % des pensions aux personnes de plus de 70 ans et 50 % aux personnes de 65 à 69 ans qui sont dites « nécessiteuses », et le gouvernement fédéral souhaite reconduire ce plan pour une durée de cinq autres années23. Louis Saint-Laurent veut un accord de « location de domaines fiscaux ». Les provinces sont divisées quant à la pertinence de recevoir des subventions fédérales dans des juridictions exclusivement provinciales.
À Québec, le chef de l’opposition libérale, George Marler, dit au gouvernement de se méfier d’un amendement constitutionnel initié par Ottawa et demande qu’un tel amendement soit autorisé par la Législature québécoise. De son côté, René Chaloult est heureux de voir que l’importance de lois de sécurité sociale soit universellement admise; cependant, il met lui aussi le premier ministre en garde contre la cordialité apparente d’Ottawa; « Ils sont si habiles », dit-il (7 février). Duplessis dit prendre le principe de la motion Francoeur de 1917 comme base de négociation24.
Le débat sur cette question reprend autour du projet de loi 26 sur l’amélioration des pensions aux vieillards et aux aveugles, que le gouvernement a modifié, mais il s’enlise en attaques partisanes (15 février). L’enjeu est cependant majeur et Duplessis a de bonnes raisons de se méfier de la stratégie fédérale. Il insistera pour que l’amendement constitutionnel permette au Parlement du Canada de légiférer « à l’occasion » dans les pensions de vieillesse, mais que le texte réaffirme aussi les droits passés et futurs des provinces dans ce domaine, garantissant qu’aucune loi fédérale « ne doit porter atteinte à l’application de quelque loi présente ou future d’une législature provinciale en ces matières25 ». Pourtant, grâce à cette concession inscrite dans l’AANB, le gouvernement central occupera en moins de dix ans tout le champ des pensions aux personnes âgées au Canada, puisque rien n’assurait la prépondérance des lois provinciales sur des lois fédérales en ce domaine. Néanmoins, la prudence de Maurice Duplessis permettra au gouvernement de Jean Lesage dans les années 1960, sans rouvrir le dossier constitutionnel, de mettre sur pied la Régie des rentes du Québec, une des grandes réformes économiques de la Révolution tranquille.
L’agriculture et la colonisation
Pour le gouvernement de Duplessis, l’agriculture demeure un pilier de la survivance nationale, une industrie fondamentale, la « pierre angulaire de tout progrès durable, de toute sécurité véritable26 », affirme le premier ministre.
Un des tout premiers projets de loi présentés vise l’amélioration du crédit agricole. Le gouvernement se targue d’avoir établi cette politique, en 1936, pour permettre aux cultivateurs de demeurer propriétaires de leurs terres et d’en améliorer les rendements. Le gouvernement n’a pas abandonné son programme d’électrification rurale, synonyme de progrès dans les campagnes en leur assurant un accès aux « commodités modernes ». Sur un autre front, il poursuit sa croisade contre la margarine qui nuirait aux producteurs de beurre de la province. (24 janvier)
Pour les libéraux, la politique agricole de l’Union nationale laisse à désirer, elle néglige la diversification des productions. Une grande partie des fruits et légumes vendus au Québec provient d’ailleurs, disent-ils. Les cultivateurs manquent d’entrepôts réfrigérés et la colonisation n’est plus l’entreprise dynamique de salut national, mais un programme obsolète qui fonctionne au ralenti. Un débat à ce sujet est soulevé, le 6 février, lors de l’étude du projet de loi 42. René Chaloult, attaché aux valeurs agricoles traditionnelles et qui aurait tant aimé voir s’élever « des centaines de clochers dans le ciel de l’Abitibi », doit constater le déclin de la colonisation.
En 1951, il est de plus en plus difficile de recruter de nouveaux colons. Les campagnes de propagande ne donnent plus les résultats d’autrefois. Les conditions de vie dans les villes, les salaires meilleurs et les conditions de vie plus faciles n’incitent plus les jeunes à se lancer à l’assaut de nouvelles terres ingrates à cultiver.
L’opposition libérale se fait vive envers le gouvernement au chapitre de l’agriculture. Le porte-parole de l’opposition et député de Verchères, Arthur Dupré, examine en détail les crédits présentés par le ministre Laurent Barré (13 mars). C’est cette année-là que le gouvernement achète des terrains au nord de la ville de Montréal pour établir un grand marché central destiné aux cultivateurs de l’île Jésus et de la rive nord et visant à soulager les halles du Marché Bonsecours qui sont surpeuplées. Ce nouveau marché public portera plus tard le nom de Marché Jean-Talon.
La pêche et l’environnement
Les problèmes liés aux pêcheries éveillent les députés à la question environnementale. On prend peu à peu conscience que la pollution des eaux affecte la qualité du poisson pêché. C’est en étudiant les crédits des pêcheries que des députés signalent que des eaux sales contaminent le poisson et nuisent à la réputation de la province. On constate que les déchets jetés sur les grèves sont nocifs à la santé et que dans le secteur de Montréal, on ne peut plus consommer le poisson pêché dans le Saint-Laurent ou dans des affluents. La situation, dit-on, semble sans remède. (27 février)
L’éducation
Une demi-douzaine de lois portent sur l’éducation, les écoles et l’instruction publique. Le premier ministre parraine lui-même le bill 10 qui vise à assurer les progrès de l’éducation. Le ministre Paul Sauvé présente, quant à lui, le bill 69 sur la protection de la jeunesse et les écoles de réforme, qui se veut une contribution pour juguler la délinquance et pour favoriser la réinsertion sociale des jeunes criminels.
On fait grand état du rachat par le gouvernement des dettes des commissions scolaires qui s’élevaient à 100 millions de dollars, libérant ainsi des crédits pour de nouveaux équipements scolaires et la construction de nouvelles écoles. L’Action catholique est aussi heureuse d’annoncer que le gouvernement augmente les octrois aux collèges classiques. (8 mars)
On poursuit les politiques de développement de l’éducation spécialisée à mesure que les besoins se font plus pressants. Selon le gouvernement, 28 000 élèves fréquentent les écoles spécialisées (14 mars). Le premier ministre déclare suivre un plan d’ensemble : « Nous donnons à nos gens les écoles dont ils ont besoin », dit-il, le 9 mars, lorsqu’il est question de déménager l’École des beaux-arts de Québec. L’École vétérinaire de Saint-Hyacinthe est établie dans des locaux permanents avec un premier crédit de 850 000 $ (12 mars). En fin de session, le premier ministre se dit ouvert à la création d’une école pour la formation des policiers de la Sûreté provinciale. « Le temps est venu », dit-il en relevant une suggestion de l’opposition, pour un établissement qui formerait les policiers provinciaux et municipaux du Québec. (13 mars)
Le travail
La grève de l’amiante, en 1949, a soulevé une réflexion au sein de l’Église au sujet des relations de travail, de la justice sociale et du droit syndical. L’implication dans cette affaire de l’archevêque de Montréal, Mgr Charbonneau, a ramené au cœur de l’actualité les principes de la doctrine sociale de l’Église et l’importance pour les autorités cléricales de savoir les rappeler à temps et à contretemps selon la formule de l’apôtre saint Paul. Le 20 mars 1950, l’Assemblée des évêques a publié une lettre ouverte sur la question ouvrière qui vient hanter les débats. La lettre a créé un malaise du côté du gouvernement québécois et elle indispose Maurice Duplessis et son ministre du Travail, Antonio Barrette. Ce dernier déclare : « La justice sociale existe chez nous. C’est ici qu’il y a des leçons à prendre. Que l’on ne vienne pas nous en donner! » On en parle encore en 1951; René Chaloult y fait référence dans son discours sur l’adresse en réponse au discours du trône. ( 24 janvier )
Le 30 janvier, le ministre présente le bill 31 sur les relations ouvrières et le conseil d’arbitrage qui déclare faciliter les procédures de la Commission des relations de travail. Il s’agit d’une mauvaise loi, déclare le chef de l’opposition, car elle entrave les recours contre la Commission. Le premier ministre, qui se présente toujours comme l’ami des ouvriers, affirme que le travail de la Commission ne doit pas être entravé par des procédures judiciaires. René Chaloult, qui porte toujours une attention particulière aux affaires ouvrières, se méfie de cette loi et se fait l’écho des chefs syndicaux.
Les autres mesures importantes de cette session en matière de relations de travail sont les bills 52 et 55. L’un prolonge jusqu’à trois ans la durée statutaire des conventions collectives (14 février) et l’autre porte sur la Commission des relations ouvrières; on en étudie les articles à la séance du 27 février.
Les richesses naturelles
L’un des thèmes de l’opposition est le laxisme du gouvernement Duplessis dans le dossier des richesses naturelles de la province que l’on livre à l’exploitation étrangère. Marler dénonce cette forme aliénante du capitalisme qui met la province sous le contrôle de financiers étrangers. (24 janvier)
De son côté, René Chaloult s’inquiète du bill 33 sur l’exploitation forestière, destiné à favoriser l’industrie du papier. Il se dit préoccupé par la santé du capital forestier du Québec menacé par le feu, par les insectes et, surtout, par la voracité des compagnies forestières qui dévastent plus qu’elles n’exploitent. Duplessis et Bourque se moquent du député et ironisent à propos de ses inquiétudes et « des experts qui voient tout en noir », alors que la province fait mieux que quiconque pour protéger ses forêts, disent-ils. (1er février)
La voirie
La voirie est assurément un des piliers du régime Duplessis. Grâce à une habile politique des routes, des ponts et des chemins, le gouvernement a développé un large réseau d’entrepreneurs qui deviennent autant d’apôtres de l’Union nationale en temps d’élections.
Le grand architecte de cette politique est le ministre de la Voirie, Antonio Talbot, député de Chicoutimi. Le 15 novembre, il présente un des plus importants projets de loi de la session et fait un bilan élogieux de la politique unioniste dans le domaine de la voirie. « Pas de routes, pas de société! », s’écrie-t-il avec conviction. En fait, il réclame un pouvoir d’emprunt de 60 000 000 $ financé par l’augmentation de deux cents de la taxe de vente sur le gallon de gazoline (environ ½ cent par litre).
L’opposition s’inquiète de ces dépenses en temps d’inflation. Elle s’inquiète surtout de la gestion globale que le gouvernement fera de cette importante somme. Elle aimerait que le Parlement puisse examiner les comptes en détail et que l’Administration ait à défendre sa gestion. « C’est un sabotage du système de contrôle budgétaire », se plaint le chef de l’opposition. Il accuse l’Union nationale de financer ainsi sa prochaine campagne électorale. Le ministre des Travaux publics, Roméo Lorrain, pourra reconstruire tous les ponts de son comté, dit-il. Il croit que cette politique des chemins est la véritable motivation de cette session hâtive, plus que les besoins de Rimouski et des obligations de la conférence constitutionnelle. Cette session, dit Marler, est la « session de l’essence » et le projet de loi est « l’essence de la session ».
Pour le premier ministre, la voirie est un symbole de progrès, mais « les chemins, comme les élections, ne se font pas avec des prières », dit-il (15 novembre). L’étude du budget offrira l’occasion aux députés de parler plus en détail de la question de la voirie. On parlera même du projet de métro à Montréal pour alléger et accélérer le transport en commun dans les rues de la métropole. Le député Paul Earl, de Montréal-Notre-Dame-de-Grâce, dit qu’en cas de guerre le métro constituerait un bon abri anti-aérien. (7 mars)
On constate que la route devient une voie principale pour le transport des marchandises et en toutes saisons avec l’entretien des chemins d’hiver. Le 7 février, le ministre Talbot présente la loi 47 qui prévoit notamment des pénalités pour les conducteurs de véhicules trop lourds qui abîment les chaussées.
Les affaires judiciaires
Au cours de cette session, le gouvernement présente le projet de loi 24 sur les tribunaux judiciaires visant à réduire la congestion des sessions à la Cour supérieure du Québec et à réduire les délais de procédure. On nomme quatre nouveaux juges pour Hull, Labelle, Pontiac et Mont-Laurier, portant à 46 le nombre de juges dans la province.
Plusieurs lois de nature judiciaire figurent au programme de cette session, notamment sur l’expropriation et les titres de propriété que le ministre Bourque qualifie de « lois salvatrices ». (30 janvier)
La protection civile
Le 12 mars, le ministre du Bien-être social et de la Jeunesse, Paul Sauvé, présente une législation nouvelle au sujet de la protection civile dans la province, le bill 73. La planification de mesures d’urgence s’impose en raison du climat de guerre froide, d’autant plus que la menace atomique met les gouvernements en face de situations totalement inédites.
L’inquiétude du chef de l’opposition porte davantage sur l’initiative québécoise en ce domaine. Il craint que le pouvoir fédéral perde une partie de sa responsabilité sur la défense civile en cas de guerre. C’est là une éventualité qu’il ne peut admettre, dit-il. Sauvé le rassure dès le lendemain et affirme que la loi n’enlève aucun pouvoir à Ottawa. Le gouvernement du Québec doit prendre les précautions qui s’imposent en raison du contexte international qui pourrait s’aggraver.
Les valeurs conservatrices
Le gouvernement unioniste incarne plus que jamais des valeurs conservatrices. Son discours « agriculturiste » et nationaliste s’abreuve aux idées traditionnelles de survivance du Canada français. Sa vision exalte le petit commerce de détail, le seul où les Québécois peuvent espérer une quelconque aisance. C’est ainsi que le premier ministre fait l’éloge de l’épicier du coin canadien-français que son administration soutient de son mieux par l’exclusivité qu’il lui accorde dans le commerce de la bière. (14 novembre) Mais le problème de l’alcoolisme inquiète René Chaloult qui, pendant le débat sur le budget, parle de la tempérance et de la loi des alcools qu’il juge trop permissive. Il évoque la « marée alcoolique » qui menace les lois et l’autorité. (6 mars)
Le premier bill de cette session qui est adopté porte sur la censure des imprimés. (bill 7) Treize ans après la célèbre loi du cadenas, le gouvernement persiste et signe. Le combat contre la propagande communiste justifie cette législation. Le gouvernement ne veut pas se limiter à combattre ceux qui vendent ou distribuent des imprimés jugés communistes ou séditieux, mais aussi à ceux qui les transportent et les diffusent. Le communisme est « la tuberculose de l’esprit », affirme le premier ministre. (24 janvier)
L’affaire Bernonville
En 1951, rebondit l’affaire Bernonville, du nom de Jacques Dugé comte de Bernonville, ancien militant de l’Action française de Paris, un collaborateur très compromis avec la Milice de Joseph Darnand et les occupants allemands en France pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1945, il s’enfuit par l’Espagne vers les États-Unis et est condamné à mort par contumace pour crimes de guerre devant un tribunal de Toulouse. Réfugié au Canada en 1946 par l’assistance d’une filière catholique, il est protégé au Québec par des membres du clergé et par des gens de droite, encore admirateurs du maréchal Pétain et dont certains sont associés à l’Union nationale. Avec sa famille et sous un nom d’emprunt, de Bernonville se cache à Saint-Pacôme dans la région de Rivière-du-Loup. Identifié et dénoncé, il se présente en 1948 devant un agent d’immigration pour demander sa résidence permanente au Canada.
La question de son extradition se pose alors et s’amorce une longue saga judiciaire. L’attitude discrète et pieuse de l’homme et des siens lui amène la sympathie de ceux qui voient en lui une victime innocente de l’épuration. D’autres l’accusent de duplicité et demandent son extradition pour répondre en France de ses crimes. Parmi ses défenseurs, on trouve des noms connus, comme Camillien Houde, Robert Rumilly, Claude-Henri Grignon, Mgr Maurice Roy, Frédéric Dorion, Bona Arsenault et René Chaloult, pour ne nommer que ceux-là. On trouve parmi ses adversaires les plus enflammés, Louis Saint-Laurent, Roger Lemelin, Jean-Charles Harvey et Jean-Louis Gagnon. La presse québécoise se divise également à propos de son cas sur fond de querelles mal éteintes entre gaullistes et pétainistes. La presse du Canada anglophone est largement hostile à de Bernonville et mêle au débat des accents de francophobie, entraînant du coup plusieurs francophones nationalistes du côté des défenseurs.
En 1951, les pressions en faveur de son extradition sont fortes. Les 13 et 21 février, à l’Assemblée législative, René Chaloult présente une motion et plaide la cause de Bernonville, reprenant le vieux discours sur la France « officielle », « républicaine et athée », voire « communisante », en lutte avec la France « vraie » catholique et fidèle à l’Église. Le député de Québec croit que la visite de René Pleven, premier ministre de la République, n’est pas étrangère à cette demande d’extradition. En effet, en février 1951, Québec reçoit la visite de René Pleven, président du Conseil de la République française, prélude de celle du Président Vincent Auriol prévue en avril. D’origine bretonne, René Pleven (1901-1993) est un compagnon de la Résistance française et du général de Gaulle pendant la guerre. Pleven n’avait assurément aucune sympathie pour Jacques de Bernonville.
Chaloult en veut à l’administration fédérale qui refuse le droit d’asile à un Français collaborateur sous l’Occupation, mais qui, avec une grande facilité, dit-il, laisse entrer au Canada des Allemands au passé nazi beaucoup plus lourd. Avec une grande prudence, Maurice Duplessis s’abstient de prendre position dans ce débat, sentant le malaise même au sein de ses troupes. Il déclare que l’affaire ne relève pas de sa juridiction et il se réfugie derrière les procédures en cours pour éviter d’avoir à appuyer publiquement l’un ou l’autre camp. Il laisse cependant voter la motion du député de Québec qui n’engage pas son gouvernement. L’opposition officielle se montre tout aussi prudente et le plaidoyer de Chaloult tombe dans une Assemblée qui préfère manifestement garder un silence circonspect sur cette affaire.
Quelques mois plus tard, le comte de Bernonville s’enfuira au Brésil où il ira finir ses jours. Il mourra assassiné par un domestique, en avril 1972, et cette affaire qui avait tant divisé les Québécois tombera dans un oubli presque total27.
De choses et d’autres…
L’Assemblée souhaite perpétuer le souvenir de l’ancien conseiller législatif et historien, Thomas Chapais, décédé en 1946. Par une loi, le 15 novembre, on vote un crédit pour l’acquisition de la bibliothèque et de divers biens ayant appartenu à l’homme de lettres. La Législature financera également la réédition de son Jean Talon, devenu très rare, dit-on, et d’autres de ses œuvres pour, déclare le premier ministre, « le bénéfice des générations futures ».
On parle de plus en plus d’implanter la télévision au Québec et au Canada. La Société Radio-Canada souhaite ériger une antenne de diffusion sur le mont Royal. L’arrivée de ce nouveau média inquiète le premier ministre qui se méfie du possible monopole de la Société fédérale sur les ondes télévisuelles. La télévision n’est pas encore présente dans les débats politiques à l’Assemblée, mais par sa nouveauté elle fascine et elle ne tardera pas à faire son apparition au Québec28.
Le 13 février 1951, on apprend que le colonel Georges-Émile Marquis, Bibliothécaire de la Législature depuis 1934, quittera ses fonctions pour prendre sa retraite. En fait, il s’écoulera encore 18 mois avant qu’il n’abandonne définitivement son poste. Son adjoint, Jean-Charles Bonenfant, ancien secrétaire particulier du premier ministre Duplessis et homme de grande culture, est pressenti pour prendre sa relève29.
Le 15 février, le « Salon de la race » se transforme un moment en salle de cinéma. En décembre 1950, le député de Bagot, Daniel Johnson, s’est rendu en Nouvelle-Zélande comme représentant du Québec à une conférence du Commonwealth. Il en ramène deux films documentaires sur l’Australie et la Nouvelle-Zélande, qu’il projette devant des députés réunis après la séance.
René Chaloult propose et défend une représentation officielle du Québec à l’étranger. Il suggère que le gouvernement nomme un agent diplomatique à Paris et un à Rome auprès du Vatican (21 février). L’importance de telles initiatives n’est pas encore perçue par le gouvernement Duplessis. Il faudra attendre l’arrivée des libéraux de Jean Lesage au pouvoir dix ans plus tard pour que ces dossiers débloquent.
Le ministre des Travaux publics, Roméo Lorrain, doit défendre ses priorités pour les 270 000 $ qu’il consacre à la restauration de l’hôtel du Parlement et des édifices de la colline. Les députés de l’opposition aimeraient bien que l’on améliore les 2e et 3e étages de l’édifice où se trouvent leurs bureaux, mais le premier ministre leur rappelle que c’était pire sous le précédent gouvernement et rappelle aussi qu’un incendie survenu le 6 mars à l’édifice de la voirie (aujourd’hui édifice André-Laurendeau) a fait pour 50 000 $ de dégâts qu’il faut assumer en priorité.
Les bons mots de la session
Dans sa longue carrière, le premier ministre Duplessis a fait subir de nombreuses brimades à l’opposition parlementaire, ce qui ne l’empêche pas de proclamer à l’Assemblée, le 13 mars : « Le Parlement est l’âme de la démocratie. » La formule est noble et fort belle, mais elle ne lui sert qu’à critiquer l’absence du chef libéral Georges-Émile Lapalme qui souhaite attendre les élections générales pour venir siéger en Chambre.
Le 10 mars, un crédit du ministère de la Chasse accorde un montant au Zoo de Québec pour la construction d’une cage pour un condor. Marler entend « pour un veau d’or », d’où un quiproquo amusant au comité. Duplessis enchaîne en disant que dans l’Union nationale, il y a des aigles et que l’opposition fournit le petit gibier.
En début de session, le 14 novembre, le premier ministre sert à Marler un de ses jeux de mots réchauffés : « Le chef de l’opposition a parlé avec sincérité, bien qu’il soit sincèrement dans l’erreur. » Le chef de l’opposition lui répond : « Le premier ministre a répété ce que nous avions entendu cinq ou six fois. Il aurait avantage à faire des disques. » L’Union nationale avait en effet, à des fins électorales, fait distribuer des discours de Maurice Duplessis enregistrés sur disques.
Antonio Talbot déclare le 15 novembre que, grâce à la route entre Québec et Chicoutimi, un journal comme Le Soleil peut être distribué le jour même au Saguenay. « C’est le principal défaut de la route », ajoute Maurice Duplessis.
Le même jour, on parle de l’augmentation de la taxe sur la gazoline que Marler critique au nom de l’opposition. Maurice Bellemare lui demande « Comment Ottawa a-t-il taxé les cigarettes? » « Ne jetez pas de cigarettes dans la gazoline, lui réplique Marler, vous allez mettre le feu! » Le chef de l’opposition, ajoutera le premier ministre, « montre beaucoup de bonne volonté et de mauvais arguments ».
Le 25 janvier, on discute le bill 41 qui autorise le microfilmage des documents de banques, d’assurances et aussi du gouvernement, ces archives prenant trop de place. « Nous avons, dit le premier ministre, un grand nombre de paperasses inutiles qui prennent de la place, par exemple, les discours du député de Verdun, Lionel-Alfred Ross. » « Voilà donc pourquoi, le premier ministre n’écrit pas ses discours », réplique de chef de l’opposition.
Le premier ministre badine aussi sur la crise du logement en disant qu’il n’y aura pas de problème pour abriter les quatre ou cinq députés de l’opposition qui resteront après les prochaines élections. Cette question du logement est complexe et ancienne, dit-il, elle remonte à Adam et Ève quand ils furent chassés du paradis. (25 janvier)
Marler qui critique les mandats en blanc que donne le gouvernement se fait répondre par le premier ministre : « le chef de l’opposition représente un régime qui n’avait de blanc que le mandat. » Le 6 février, Duplessis lance au député Ross, de Verdun, la boutade de Molière : « Les mauvaises intentions, c’est comme de l’argent, pour en prêter aux autres, il faut d’abord en avoir. » Lorsque le député se montre inquiet du patronage qui serait réservé aux seuls comtés unionistes, il se fait répondre : « Lorsqu’un comté est représenté par un député libéral, nous le trouvons tellement à plaindre que nous avons tendance à lui être favorables. »
Le 9 mars, on étudie les crédits du Secrétariat de la province concernant la commission des monuments historiques. On évoque l’idée d’un monument à Trois-Rivières dédié à Mgr Laflèche, un farouche évêque ultramontain du XIXe siècle. Le premier ministre suggère malicieusement de demander l’opinion de Louis-Alexandre Taschereau, ancien premier ministre libéral et neveu du feu le cardinal Taschereau, qui s’était opposé à la pensée de Laflèche.
Cette session fut très courte, constate Marler, ce fut une « session éclair »; dommage que « nous n’ayons pas un gouvernement éclairé », ajoute-t-il. (16 novembre)
La session en chiffres
On a qualifié cette session de courte et fructueuse. Le Parlement québécois a adopté, en 1950-1951, 154 lois dont 67 lois publiques, 83 lois privées et quatre lois budgétaires. L’Assemblée a tenu 38 séances et le Conseil législatif, 17. Le Parlement a voté un budget total de 236 726 900 $.
Les journaux de l’époque retiennent la création de la Régie des loyers et l’aide aux sinistrés de Rimouski et de Cabano comme les plus importantes mesures de la session. On peut dire que sans les malheurs qui ont frappé le Québec cette année-là et les questions constitutionnelles qui ponctuent toujours l’actualité canadienne, bien peu de grandes politiques auraient marqué les annales parlementaires de 1950-1951.
Critique des sources
Par Gilles Gallichan
Pour cette période de 1950-1951, Georges-Émile Lapalme dresse, dans ses mémoires, un sévère portait de la presse québécoise et des journalistes de l’époque qui, selon lui, avaient envers l’opposition une « conduite indigne « :
À travers tout le territoire, écrit-il, l’Union nationale avait suscité la création d’une foule de petites feuilles, particules de presse jetées aux quatre vents de l’opinion publique. Dans un grand nombre de cas, les courriéristes parlementaires attachés aux quotidiens rédigeaient ces journaux de province ou de quartier, et on répétait à la Tribune de la presse que certains d’entre eux mangeaient à deux râteliers quand l’occasion se présentait d’écrire dans un petit journal libéral.
Le chef libéral se plaignait que, faute de fonds, aucun des grands quotidiens ne déléguait de journalistes pour ses tournées, alors que le moindre discours du premier ministre s’étalait en première page sous des « titres à faire frémir », se souvient-il. Pour que l’on parle de l’opposition, disait Lapalme, il fallait « prendre une partie de nos pauvres fonds pour la distribuer aux journalistes de la tribune parlementaire et à quelques-uns des autres laissés sur place ». Cette vénalité de la presse s’explique par une culture généralisée qui faisait du journaliste un mercenaire sous-payé devant survivre par ses « pourboires ». Avec sa robuste caisse électorale, l’Union nationale pouvait attirer les journalistes comme des mouches autour d’une coulée de miel.
Malheureusement, rares étaient ceux qui saisissaient le déficit démocratique que représentait cette domestication de la presse par le pouvoir politique. Lapalme en conservera un souvenir amer :
Ils [les journalistes] y ont tous passé, les plus vertueux comme les plus cyniques, et je revois avec le même mépris qu’alors des figures connues du nationalisme ou de la fausse religion défiler les unes après les autres dans le petit bureau de mon chef de cabinet pour y recevoir l’enveloppe contenant le viatique. Que leur donnait Maurice Duplessis? Ils ne me l’ont jamais dit.
Il y eut une seule exception. Maurice Bernier, de Montréal-Matin, obligé quotidiennement de nous attaquer, vint en gentilhomme nous dire que la décence lui dictait un refus30.
En 1950-1951, la Tribune de la presse de Québec compte 19 membres connus. Le président est alors Arthur-W. Langlois du journal La Presse. Le principal quotidien francophone de Montréal a aussi délégué à Québec un journaliste d’origine française, Jacques Monnier, qui fera une longue carrière à la Tribune jusque dans les années 1960.
Le Devoir compte également deux correspondants parlementaires : Marcel Thivierge, en poste depuis 1947, et un jeune journaliste de 29 ans, Pierre Laporte, arrivé en 1948, et qui est élu secrétaire de la Tribune en 1951. Le Devoir se montre une voix indépendante et de plus en plus critique du pouvoir duplessiste. Cependant, il soutient l’attitude autonomiste du gouvernement et approuve notamment la création de la Régie des loyers. « Il faut savoir gré à la province, écrit Laporte, d’occuper le champ qui lui appartient31. » À l’Assemblée, le 7 février, René Chaloult souligne que « même Le Devoir » a reconnu au gouvernement une bonne défense des droits de la province. Duplessis ajoute que c’est vrai et qu’« ils [les gens du Devoir] en ont été malades pendant trois semaines ». Pour Lapalme, Pierre Laporte était un journaliste de talent quoiqu’il le jugeait « très nationaliste », ce qui expliquerait le fait qu’il passait tour à tour les membres de l’opposition libérale « au crible d’une critique assez dure32 ».
Le Devoir profite d’une équipe chevronnée d’éditorialistes, capable d’offrir au public une analyse intelligente de l’actualité. À près de 75 ans, Omer Héroux est l’un des doyens du journalisme québécois. Compagnon d’Henri Bourassa aux origines du quotidien montréalais, il signe toujours en 1950-1951 des éditoriaux et des « blocs-notes » dans les pages du quotidien. La rédaction profite également des plumes d’André Laurendeau, de Paul Sauriol, de Pierre Vigeant, de Gérard Filion et, occasionnellement, de Pierre Laporte lui-même.
Les milieux unionistes s’en prennent au Devoir, devenu le quotidien francophone le plus critique envers le gouvernement. On dénonce les jeunes journalistes « socialistes » qui « étalent le vice » dans les colonnes du journal « devenu le plus jaune de tous les quotidiens français du Canada33 ».
Pour les historiens, Le Devoir représente une source privilégiée. Journal de culture et d’idées, ouvert aux échanges intellectuels, journal nationaliste, mais qui ne chante pas toujours dans le même ton que la chorale unioniste, il apporte un éclairage intéressant sur la période. La couverture qu’il fait de la session parlementaire est complète.
Jacques Verrault et Calixte Dumas sont toujours depuis dix ans les deux correspondants de L’Action catholique qui demeure un appui fidèle au gouvernement dans la capitale. À la séance du 22 février, le premier ministre dit préférer L’Action au Devoir. Mais René Chaloult lui répond : « Mais le premier ministre déjeune avec Le Devoir. » Duplessis ne dut pas apprécier que ce détail de ses habitudes matinales soit révélé publiquement.
À l’opposé, le Montréal-Matin se fait le chantre du régime. C’est un journal populaire qui appartient par prête-noms à l’Union nationale, mais qui dispose encore d’une certaine autonomie. Le journal dispose à Québec d’un journaliste chevronné – et honnête homme de l’aveu même du chef libéral –, Maurice Bernier. Les chroniques du Montréal-Matin ne sont pas les plus originales et n’ont pas fourni une source particulièrement abondante en 1951.
Trente ans après sa fondation, Le Nouvelliste est devenu une institution à Trois-Rivières, le fief de Maurice Duplessis. Avec une centaine d’employés, c’est une entreprise dynamique et rentable sous la direction d’Émile Jean. Le quotidien est encore la propriété de Jacob Nicol, ce qui l’associe à la mouvance libérale. Il se montre donc prudent et réservé pour ne pas heurter la susceptibilité du « Chef ». Nicol décidera même de se retirer en septembre 1951 pour ne pas nuire à l’entreprise. Pourtant, Lapalme n’hésite pas à clouer au pilori de l’histoire cet ancien compagnon de Louis-Alexandre Taschereau :
Le sénateur Nicol, propriétaire de trois quotidiens bâtis à même la force passée du Parti libéral, reniant jusqu’à la reconnaissance du ventre, approuvant publiquement Duplessis au Sénat et dans nombre d’éditoriaux signés par d’autres, ne pensant qu’aux revenus d’une presse d’affaires, était le prototype de la richesse pliant sous la puissance du pouvoir et, quand on lui demandait de revenir aux sources, répondait qu’il avait troqué la politique pour les affaires. Seule exception : il gardait ses titres de conseiller législatif et de sénateur34!
Le Nouvelliste accorde naturellement une place importante aux informations issues de l’actualité politique et qui concernent particulièrement la région de la Mauricie. Hervé Biron, un homme de grande culture, en est le chroniqueur attitré à la Tribune de la presse. Il deviendra, quelques années plus tard, rédacteur en chef du journal.
L’Événement-Journal et Le Soleil sont les deux principaux quotidiens de la capitale et sont tous deux la propriété du colonel Oscar Gilbert. Si les journaux sont de sympathie libérale, on sait demeurer discret lorsque l’on distribue des exemplaires sous les fenêtres du premier ministre. Le Soleil ose parfois un titre plus percutant, tel « Salaires insuffisants au Parlement », pour parler de la question des salaires des fonctionnaires (14 mars). Edmond Chassé, qui en est à sa 34e année à la Tribune, représente L’Événement-Journal et Henri Dutil est le chroniqueur du Soleil depuis autant d’années. Ce dernier, outre son reportage quotidien, publie aussi un synopsis général intitulé « La session de Québec en résumé » pour le bénéfice des lecteurs pressés. Les deux journaux offrent une source riche et abondante pour les débats. On dit qu’Henri Dutil publiait le « pool » des journalistes presque intégralement. Au premier jour de la session, il écrit ceci qui nous éclaire sur la valeur qu’il porte à son travail :
Comme par le passé, le public y gagnera à suivre attentivement les débats parlementaires. Il n’est pas de meilleur moyen de se renseigner sur la politique, sur les hommes et sur les partis afin de pouvoir donner, le moment venu, un vote intelligent. Pour sa part, notre journal [Le Soleil] cherchera à informer ses lecteurs de façon aussi impartiale que possible. C’est un service public auquel il ne saurait se soustraire35.
Lapalme raconte au sujet d’Henri Dutil l’anecdote suivante :
Maigrement payé et traité par la direction de son journal comme un forçat de la plume, [Henri Dutil] faisait des reportages dont l’objectivité lui était si bien tracée en haut lieu qu’un jour, ayant oublié de mentionner le nom d’un personnage de l’Union nationale parmi les personnes présentes à un banquet, son salaire de toute une semaine lui fut enlevé à titre de punition36.
La Patrie, de Montréal, a comme correspondant Dostaler O’Leary, un journaliste nationaliste qui possède déjà une grande expérience. La Tribune, le quotidien de Sherbrooke, retient toujours les services d’Amédée Gaudreault, un journaliste respecté par Georges-Émile Lapalme, pour ses travaux personnels et ses enquêtes37.
Le Droit, d’Ottawa, est représenté à Québec depuis les années de la guerre par Charles-Eugène Pelletier. Le Droit porte une attention particulière aux questions constitutionnelles et, spécialement, en 1950, au dossier des pensions de vieillesse. On y retrouve quelques titres qui soulignent l’action de l’opposition en Chambre, déclarations de Marler, interrogations des députés, etc. D’autres titres insistent sur l’humour grinçant et parfois douteux de Duplessis, comme « Prudence de M. Duplessis pour ne pas faire tomber le pont de Québec » (13 mars), quelques semaines après l’écroulement du pont à Trois-Rivières, alors qu’on discutait du parachèvement d’une nouvelle voie de circulation automobile sur le pont de Québec, le premier ministre avait dit qu’il fallait prendre son temps et éviter de faire tomber le pont de nouveau.
Quant au journal libéral Le Canada, de Montréal, on ne sait pas s’il avait un représentant attitré à Québec.
Le Quebec Chronicle Telegraph est représenté par Jack Dunn qui couvre l’actualité parlementaire depuis une dizaine d’années. Il trouve cette session étrangement calme. (15 mars)
Le Montreal Herald salue chaleureusement la politique d’éducation du gouvernement et sa loi pour soulager les commissions scolaires. Ce doyen de la presse anglo-montréalaise affiche toujours des couleurs conservatrices, mais on ignore le nom de son représentant à Québec en 1951.
Le Montreal Daily Star reçoit les félicitations de Frank Hanley, député de Montréal-Sainte-Anne, pour son soutien dans la campagne de souscription en faveur des sinistrés de Rimouski et de Cabano auprès de la population anglo-québécoise. (14 novembre) Le journal montréalais est une voix un peu critique du gouvernement, il lui arrive à l’occasion de mettre en doute la parole du premier ministre. Cependant, les éditorialistes saluent le budget au point où les journaux de l’Union nationale traduisent le texte et publient son commentaire pour le public francophone. Guy Beaudry représente le journal à Québec.
The Montreal Gazette se montre toujours favorable au gouvernement de Maurice Duplessis. C’est Abel Vineberg, un ami personnel du premier ministre, qui en est le représentant à la Tribune. Vineberg est le doyen de l’institution, étant en poste depuis 1913. Lapalme se souvient qu’au temps de Louis-Alexandre Taschereau, Vineberg était le confident des ministres libéraux et qu’il est devenu, avec l’Union nationale, un canal pour les « scoops » et un « thuriféraire déguisé » de Maurice Duplessis38.
Pour la session de 1951, la British United Press, qui semble être une agence affiliée de la BBC, a également délégué un journaliste à Québec, Marc-Edmond Thivierge. Le représentant de l’agence de la Presse canadienne / Canadian Press est William Stewart en 1951.
Plusieurs petits journaux régionaux relaient les nouvelles de cette équipe. Ce sont sans doute les tâcherons rétribués par l’Union nationale dont parlait Lapalme. On peut prendre l’exacte mesure des critiques du chef libéral en consultant une feuille comme La Chronique de Magog qui manque de mots pour vanter l’Union nationale et son chef. Ces petits journaux peuvent se permettre de rapporter des nouvelles de la session de Québec avec la fière, mais abusive mention : « DNC », « de notre correspondant ».
Le Temps, journal officiel du parti ministériel à Québec, est représenté par Paul Bouchard qui ne cache pas son nationalisme très conservateur. Ce journal, en osmose parfaite avec le pouvoir, représente une source essentielle pour suivre le discours autorisé de l’Union nationale. On y trouve des discours complets de ministres ou du premier ministre reproduits ici avec l’imprimatur officiel. Le journal ne manque pas de souligner le concert d’éloges envers le gouvernement qu’il recense dans la presse, en particulier celle qui soutenait traditionnellement l’opposition. Il se fait aussi l’écho du Montréal-Matin qui est l’autre porte-voix de l’Union nationale.
Pour la reconstitution des débats de cette session, on a également retenu en source principale, Le Progrès du Golfe offrant des informations sur la Côte-Nord et sur la Gaspésie, ainsi que L’Étoile du Nord, publié à Joliette, la ville du député-ministre Antonio Barette. Ce journal sans chroniqueur à Québec confie à Lévis Lorrain une chronique intitulée « La politique à Québec », évidemment fort laudative pour le gouvernement. On repère aussi dans L’Étoile des articles favorables au gouvernement et soulignant « sa sage intendance » (22 mars) qui ont paru dans les autres journaux du Québec.
Nombreux, selon Lapalme, sont les journalistes de cette époque qui ont par la suite « revendiqué une place dans le maquis de la résistance ». Pour croire ces gens, « il ne faut pas questionner ceux qui se souviennent ». L’héroïsme rétroactif est difficile à prouver « devant ceux qui commandaient la troupe isolée39 ». L’historien des débats parlementaires, conscient qu’il n’a pas sous les yeux les sources les plus impartiales ni les plus complètes, doit les départager et tenter de restituer le texte le plus fidèle et le plus honnête possible des discours prononcés en Chambre. Heureusement, la comparaison et la critique des sources permettent d’accorder à l’ensemble des chroniques parlementaires rapportant les débats un niveau d’honnêteté que l’on ne retrouve pas nécessairement dans les reportages, les éditoriaux ou les titres des mêmes quotidiens.
Notes de l’introduction historique et de la critique des sources
1. Robert Rumilly, Maurice Duplessis et son temps. Tome II (1944-1959), Montréal, Fides, 1978, p. 363.
2. Pierre Laporte, « Le parlementarisme en danger », Le Devoir, 28 novembre 1950, p. 4.
3. « M. Lapalme à la radio », Le Devoir, 19 décembre 1950, p. 3.
4. http://www.kvacanada.com/cankor_fr.htm (consulté en février 2009)
5. L’aviation civile s’impose de plus en plus et Air France inaugure en 1950 une liaison régulière entre Montréal et Paris. Le paquebot demeure cependant encore le mode de transport le plus usité pour aller en Europe. Plusieurs voyageurs de l’Année sainte partiront du port de Québec pendant la saison 1950.
6. Bulletin bibliographique de la Société des écrivains canadiens. Année 1950, Montréal, Société des écrivains canadiens, 1951, 200, [14] p.
7. « Le Système scolaire de la province de Québec », Le Devoir, 23 décembre 1950, p. 8.
8. Frédéric Lemieux, Christian Blais et Pierre Hamelin, L’histoire du Québec à travers ses lieutenants-gouverneurs, Québec, Publications du Québec, 2005, p. 214-223. Dans ses mémoires, Hector Laferté qui aurait aimé occuper cette prestigieuse fonction ne peut résister à la tentation de casser un peu de sucre sur le dos du nouveau titulaire, rappelant ses erreurs et ses maladresses passées, H. Laferté, Derrière le trône. Mémoires d’un parlementaire québécois 1936-1958, Sillery, Septentrion, 1998, p. 337-338, 341-342.
9. La Tribune, 8 novembre 1950, p. 1; Pour la conférence constitutionnelle en septembre, on avait commencé à rafraîchir la peinture et le décor des édifices parlementaires, « Toilette nouvelle pour les immeubles du gouvernement », Le Temps, 15 septembre 1950, p. 1.
10. Fred Bodsworth, « Watch Quebec’s Smoke! », Maclean’s, 1er février 1951, p. 7-9, 47-48.
11. « Québec révèle le chiffre du salaire des fonctionnaires », Le Devoir, 13 janvier 1951, p. 1.
12. « M. Georges Lapalme estime… », Le Devoir, 15 janvier 1951, p. 8.
13. Il s’agit des honorables Onésime Gagnon, Jos D. Bégin, Antoine Rivard et Patrice Tardif.
14. « Mgr Courchesne », Le Devoir, 15 novembre 1950, p. 3.
15. Le Devoir, 1er décembre 1950, p. 3.
16. Au total, 58 personnes sont mortes dans cet accident.
17. Le géographe Louis-Edmond Hamelin, alors étudiant à Grenoble, s’est également rendu sur place. En 1990, il a publié un livre racontant le drame où il émet l’hypothèse d’un accident provoqué le détournement du vol dans le but de récupérer des documents ultrasecrets qui se seraient trouvés à bord de l’avion. L.-E. Hamelin, L’Oubiou, entre Dieu et diable, Québec, Éditions du Méridien, 1990, 225 p.
18. « Opposition à la Régie des loyers », Le Devoir, 7 novembre 1950, p. 3.
19. Pierre Laporte, « Lettre d’Ottawa », Le Devoir, 7 décembre 1950, p. 7.
20. « Duplessis peut-il se vanter du centième d’une réalisation en matière d’autonomie? », Le Devoir, 11 décembre 1950, p. 3; voir aussi les éditoriaux de Pierre Laporte, « À quand le crucifiement? », Le Devoir, 12 décembre 1950, p. 4, et « L’autonomie provinciale à la manière d’Honoré Mercier et de Maurice Duplessis », Le Devoir, 21 décembre 1950, p. 4.
21. Pierre Laporte, « Constitutional Amendment… une œuvre primée par la province de Québec », Le Devoir, 2 décembre 1950, p. 4.
22. Le Soleil, 23 novembre 1920, p. 1, 3.
23. Kenneth Bryden, Old Age Pensions and Policy Making in Canada, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 1974, p. 103-128.
24. Motion présentée en 1917 par le député Joseph-Napoléon Francoeur exprimant l’avis « que la province de Québec serait disposée à accepter la rupture du pacte confédératif de 1867 si, dans les autres provinces, on croit qu’elle est un obstacle au progrès et au développement du Canada ».
25. Article 94A de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique.
26. Cité par Le Temps, février 1950.
27. Yves Lavertu, L’affaire Bernonville, le Québec face à Pétain et à la collaboration (1948-1951), Montréal, VLB, 1994, 217 p.
28. « M. Duplessis étudie le problème de la télévision », Le Devoir, 4 novembre 1950, p. 1.
29. « M. J.-C. Bonenfant sera le prochain bibliothécaire », L’Action catholique, 14 février 1951, p. 3.
30. Georges-Émile Lapalme, Le vent de l’oubli. Mémoires. Montréal, Leméac, 1970, p. 34-36.
31. « Le menu sessionnel », Le Devoir, 23 janvier 1951, p. 3.
32. G.-É. Lapalme, Le vent de l’oubli..., p. 36.
33. « Ce que le gouvernement a fait pour la promotion de la personne humaine », Le Temps, 10 novembre 1950, p. 3.
34. G.-É Lapalme, Le vent de l’oubli..., p. 37.
35. « Trois semaines de session », Le Soleil, 8 novembre 1950, p. 4.
36. G.-É. Lapalme, Le vent de l’oubli..., p. 36-37.
37. Ibid., p. 36.
38. Ibid., p. 37.
39. Ibid., p. 38.