Débats de l'Assemblée législative (débats reconstitués)
Version finale
20e législature, 1re session
(7 octobre 1936 au 12 novembre 1936)
Le mercredi 7 octobre 1936
Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.
Présidence de l'honorable J.-M.-P. Sauvé
La séance est ouverte à 3 heures.
Prière1.
M. le Greffier: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!
Ce mercredi, sept octobre mil neuf cent trente-six, dans la première année du règne de Sa Majesté Édouard VIII, par la grâce de Dieu, roi de Grande-Bretagne, d'Irlande et des territoires britanniques au-delà des mers, défenseur de la foi, empereur des Indes, à la première session de la vingtième législature convoquée pour ce jour, par proclamation ci-annexée, pour l'expédition des affaires.
Le greffier de la couronne en chancellerie ayant remis au greffier de l'Assemblée législative et, celui-ci ayant déposé sur le bureau de la Chambre une liste certifiée des députés qui ont été élus aux élections générales tenues conformément aux brefs du 10 juillet 1936, (liste dont copie est ci-annexée). (Document de la session no 3)
M. Louis-Philippe Geoffrion, greffier de l'Assemblée législative, et M. Eugène Bernard, greffier adjoint de l'Assemblée législative, tous deux commissaires nommés per dedimus potestatem, pour faire prêter le serment d'allégeance aux députés, ont, de 11 heures du matin à 3 heures de l'après-midi, assermenté au bureau de la Chambre les députés qui se sont présentés; le serment prêté, les députés ont signé le registre qui le contient.
À 3 heures, la masse est placée sous le bureau, le greffier réclame l'ordre et les députés prennent leur siège.
Messages du lieutenant-gouverneur:
M. Arthur Saint-Jacques2, huissier à la verge noire, apporte le message suivant:
Messieurs, Son Honneur le lieutenant-gouverneur de la province désire la présence immédiate des députés de cette honorable Chambre dans la salle des séances du Conseil législatif.
En conséquence, les députés se rendent dans la salle des séances du Conseil législatif.
M. l'Orateur du Conseil législatif: Honorables Messieurs et Messieurs de l'Assemblée législative, Son Honneur le lieutenant-gouverneur ne croit pas devoir déclarer les motifs qui lui ont fait convoquer la présente législature de la province de Québec avant qu'un Orateur de l'Assemblée législative ait été choisi suivant la loi; mais quand ce choix sera fait, Son Honneur expliquera les motifs de la convocation de la présente législature.
Et les députés étant de retour3.
M. Rochefort (Montréal-Sainte-Marie) fait son entrée en Chambre.
Des voix: Woof! Woof!
M. Rochefort (Montréal-Sainte-Marie): Je ne suis pas "The Big Bad Wolf"4!
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) fait son entrée en Chambre5.
(Applaudissements de la droite et de la foule)6
M. le Greffier: À l'ordre, Messieurs!
Élection de l'Orateur
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) se lève.
(Applaudissements à droite)
M. le greffier, j'ai l'honneur de proposer, appuyé par mon honorable ami, le député de Québec-Est (M. Drouin), que le député de Deux-Montagnes (M. Sauvé) soit élu Orateur de la Chambre et prenne place au fauteuil en cette qualité.
Le député de Deux-Montagnes est bien connu depuis quelque temps de tous ceux qui ont déjà siégé en cette Chambre, ceux du moins qui siégeaient ici au cours des dernières législatures, comme un homme digne d'occuper la charge que nous lui proposons aujourd'hui. Il s'est fait remarquer par un talent parlementaire des plus extraordinaires et aussi par son sens légal et son amour de la justice, qualités qui sont toujours nécessaires pour ces fonctions très élevées que je propose de lui confier.
Le président d'une Chambre comme celle-ci, a déjà écrit, je crois, un écrivain anglais, doit être religieux, honnête, grave, sage, fidèle et discret. Voilà de bien grandes qualités à exiger d'un seul homme, d'autant plus que, de par ses fonctions, l'Orateur doit joindre à tout cela de la dignité. C'est peut-être pour cela que la coutume veut que le député choisi pour remplir de telles fonctions prenne mine de se faire tirer l'oreille, pour employer une expression de chez nous.
En l'occurrence, je crois que le choix du député de Deux-Montagnes est des plus opportuns, parce qu'il me paraît posséder toutes ces qualités. Il a toute la compétence voulue et il saura faire preuve d'impartialité et de dignité dans cette Chambre qui doit être le salon non seulement de la province, mais je dirais même dans le salon de la race. Voilà pourquoi toutes ces qualités sont nécessaires. En conséquence, je crois refléter l'opinion unanime de la Chambre en proposant que Joseph-Mignault-Paul Sauvé soit élu président de cette Chambre.
(Applaudissements de la Chambre)
M. le Greffier lit la motion et se tourne vers le chef de l'opposition.
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Très bien.
M. le Greffier: J'ai l'honneur de proclamer M. Joseph-Mignault-Paul Sauvé élu Orateur de la Chambre.
Adopté nemine contradicente.
M. Sauvé (Deux-Montagnes) est conduit au fauteuil par le député de Trois-Rivières (l'honorable M. Duplessis) et le député de Québec-Est (l'honorable M. Drouin).
(Applaudissements)
M. l'Orateur arrivé au degré supérieur de l'estrade, exprime ses remerciements à la Chambre comme suit7:
Messieurs, je remercie sincèrement la Chambre du grand honneur qu'elle vient de me faire en me choisissant pour son Orateur, et je la prie de croire que je m'efforcerai toujours de mériter sa confiance.
Je n'ignore pas combien je suis peu qualifié pour occuper le poste important qui m'est assigné; aussi, je compte sur la bienveillance et le concours de tous les membres de cette Chambre pour remplir avec fermeté et impartialité les devoirs qui vont m'incomber. J'aime à espérer que la Chambre entière voudra bien, à l'occasion, m'aider à défendre nos droits et privilèges, à faire respecter notre Règlement et à maintenir la liberté de discussion que nos usages ont consacrée.
(Applaudissements)
M. l'Orateur prend alors place au fauteuil, et la masse, qui auparavant était sous la table, est alors posée sur le bureau.
Suspension des travaux
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose que la séance soit suspendue.
Une voix: Adopté sur division8.
Messages du lieutenant-gouverneur:
M. Arthur Saint-Jacques, huissier à la verge noire, apporte le message suivant:
Son Honneur le lieutenant-gouverneur de la province de Québec désire la présence immédiate des députés de cette honorable Chambre dans la salle des séances du Conseil législatif.
En conséquence, l'Orateur, précédé de la masse et suivi des députés, se rend à la barre du Conseil législatif.
M. l'Orateur de l'Assemblée législative9: M. le lieutenant-gouverneur, l'Assemblée législative m'a choisi pour son Orateur, bien que je ne me sente pas très qualifié pour remplir le poste important auquel elle m'a appelé.
Si, dans l'exercice des fonctions de ma charge, il m'arrive de commettre quelque erreur, je désire que ce soit à moi que l'on impute cette erreur et non à la Chambre dont je suis le serviteur.
Et, afin que l'Assemblée législative soit à même de se mieux acquitter de ses devoirs envers son Souverain et son pays, je réclame de sa part tous les droits et tous les privilèges qui ne peuvent lui être contestés, spécialement, je demande qu'elle jouisse de la liberté de discussion, qu'elle ait accès auprès de Votre personne en temps opportun et que vous vouliez bien interpréter favorablement ses délibérations et ses actes.
M. l'Orateur du Conseil législatif: M. l'Orateur, j'ai reçu ordre de Son Honneur le lieutenant-gouverneur de vous exprimer l'entière confiance de Sa Majesté dans vos talents, votre intelligence et votre aptitude à remplir les importants devoirs du haut poste d'Orateur de l'Assemblée législative auquel vous avez été élu par la Chambre, et que Sa Majesté vous reconnaît et vous confirme comme Orateur de la Chambre de l'Assemblée législative.
J'ai aussi ordre de vous assurer que l'Assemblée législative aura un prompt accès auprès de Son Honneur en toute occasion convenable, et qu'il interprétera toujours de la manière la plus favorable ses procédés ainsi que ses paroles et ses actions.
Discours du trône10
Son Honneur le lieutenant-gouverneur:
Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l'Assemblée législative,
Il m'est agréable de vous voir réunis pour commencer vos travaux parlementaires.
La dernière législature, vous le savez, ayant été dissoute au cours de son unique session et avant l'adoption du budget des dépenses, les nécessités de l'heure exigeaient que vous soyez convoqués dès la rentrée des rapports d'élection.
Évidemment, il ne saurait être question, pour les nouveaux ministres, de proposer, dès cette session d'urgence, toutes les réformes sociales ou économiques qu'ils préconisent. Les travaux de la présente session porteront donc sur les crédits à voter pour l'exercice en cours et sur quelques autres mesures des plus pressantes.
Pour bien affirmer la primauté du capital humain sur le capital-argent, le gouvernement va s'appliquer à orienter la politique et la législation provinciales vers la protection et la sauvegarde du capital humain.
À la base de son plan de restauration, il entend placer les réformes agraires, parce qu'il considère que l'agriculture et la colonisation constituent les assises les plus solides de tout progrès, économique et moral.
Le ministère se propose de procéder sans retard à un inventaire complet de notre patrimoine provincial, afin d'en connaître exactement la valeur ainsi que les avantages qu'il offre à l'activité des nôtres. Cet inventaire nous mettra à même de surveiller plus étroitement l'exploitation de nos richesses, de diriger à meilleur escient la production industrielle et agricole, de faciliter l'exploitation rationnelle de nos bois, de nos minerais, de nos pêcheries, de notre houille blanche, d'adapter l'industrie, grande et petite, aux ressources et aux besoins particuliers de chaque région. Cet inventaire procurera en même temps du travail à nos jeunes et facilitera l'utilisation de leurs talents et de leurs énergies.
Le gouvernement travaille à résoudre le plus tôt possible le problème angoissant de l'établissement durable des jeunes; il s'emploiera à faire à notre jeunesse la place à laquelle elle a droit dans l'oeuvre de développement de notre province, particulièrement dans les nouvelles carrières que l'exploitation de notre domaine minier ne manquera pas de faire naître.
Le ministère sera toujours disposé à protéger les initiatives fécondes du capital sain, comme il reste bien déterminé à réprimer, par tous les moyens à sa disposition, les abus et les excès de la finance.
Il tient particulièrement à ce que les ressources hydroélectriques de la province soient utilisées pour le bénéfice de notre population, à des taux raisonnables et à des conditions qui permettent l'électrification progressive de nos villages et de nos campagnes, car il est d'opinion que les ressources naturelles doivent servir le peuple et non l'asservir.
Déjà le gouvernement a pris des mesures pour alléger la misère de nos chômeurs, pour faire disparaître certaines commissions trop coûteuses, pour mieux coordonner les différents services administratifs, pour restaurer les finances provinciales dont le bon état est essentiel et indispensable à toute réforme, pour assurer des gages et des conditions de vie raisonnables aux travailleurs.
Il se propose de continuer et de poursuivre l'enquête commencée à la dernière session au comité des comptes publics.
Messieurs de l'Assemblée législative,
Le budget des dépenses prévues pour l'exercice en cours vous sera soumis; il vous sera sans doute agréable de voter les crédits demandés.
Honorables Messieurs du Conseil législatif,
Messieurs de l'Assemblée législative,
Vous serez saisis des projets de loi qu'il sera possible au gouvernement d'élaborer et de vous soumettre dès cette session, entre autres: un projet pour autoriser l'établissement d'un crédit agricole provincial; une refonte de la loi électorale, en vue de mieux garantir la libre et consciencieuse expression de la volonté populaire; un projet abrogeant la loi communément désignée sous le nom de "Loi Dillon"; une législation relative aux commissions provinciales; un projet pour améliorer la loi des pensions de vieillesse; un projet pour rendre plus humaine la loi des accidents du travail; un projet interdisant aux ministres de faire partie du conseil d'administration de sociétés commerciales ou industrielles; un projet pour empêcher les abus résultant de la surcapitalisation; un projet abrogeant la loi décrétant la vente obligatoire des immeubles, pour taxes municipales et scolaires.
J'aime à croire que vous apporterez à la discussion de ces questions l'attention et le soin qu'elles méritent et je demande à Dieu de bénir vos travaux et de répandre ses bienfaits sur la province.
L'Orateur et les députés reviennent à la salle de l'Assemblée législative.
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) entre en Chambre avec ses collègues.
(Applaudissements de la foule)
M. l'Orateur: J'ai l'honneur de faire rapport que cette Chambre vient de se rendre dans la salle des séances du Conseil législatif; que là j'ai informé Son Honneur le lieutenant-gouverneur que l'Assemblée législative m'avait choisi pour son Orateur; que j'ai aussi, au nom de cette Chambre, réclamé tous ses droits et privilèges et demandé qu'elle jouisse de la liberté de discussion, qu'elle ait accès auprès de Son Honneur, lorsque les circonstances l'exigeront, et qu'il veuille bien interpréter favorablement tous les actes et délibérations de cette Chambre; que, sur ce, Son Honneur a bien voulu déclarer qu'il reconnaissait volontiers à notre Assemblée tous les privilèges que lui accorde la constitution, qu'elle aurait, en temps opportun, un accès facile auprès de lui et qu'il interpréterait toujours favorablement nos délibérations, nos paroles et nos actes.
Prestation des serments d'office
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) demande, appuyé par le représentant de Québec-Est (l'honorable M. Drouin), la permission de présenter le bill 1 relatif à la prestation des serments d'office.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Discours du trône
M. l'Orateur: J'ai l'honneur de faire rapport que, lorsque cette Chambre s'est rendue aujourd'hui auprès de Son Honneur le lieutenant-gouverneur dans la salle des séances du Conseil législatif, il a plu à Son Honneur de lire un discours à l'adresse des deux Chambres de la Législature de cette province, et que, pour prévenir toute erreur, j'en ai obtenu une copie dont je vais donner lecture à la Chambre.
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe) et des voix: Dispensé.
Prise en considération du discours du trône
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): J'ai l'honneur de proposer, appuyé par le représentant de Québec-Est (l'honorable M. Drouin), que la prise en considération du discours du trône soit remise à demain.
Adopté.
Formation des comités permanents
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose, appuyé par le représentant de Québec-Est (l'honorable M. Drouin), que les comités permanents suivants soient institués, savoir:
- un comité des privilèges et élections;
- un comité des règlements;
- un comité des comptes publics;
- un comité des chemins de fer et autres moyens de communication;
- un comité de l'agriculture, de l'immigration et de la colonisation;
- un comité des industries et du commerce;
- un comité du Code municipal;
- un comité des bills privés en général;
- un comité des bills publics en général;
- un comité de la Bibliothèque de la Législature;
- un comité des impressions législatives;
Et que chacun de ces comités soit autorisé à délibérer et à s'enquérir de toutes les affaires et matières qui lui seront renvoyées par la Chambre, à faire de temps à autre des rapports exprimant ses observations et ses vues sur ces affaires et matières, et à envoyer chercher les personnes, pièces et dossiers dont il pourra avoir besoin.
Adopté.
Composition d'un comité spécial
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose, appuyé par le représentant de Québec-Est (l'honorable M. Drouin), qu'un comité spécial de onze membres soit institué pour dresser et présenter avec toute la diligence possible une liste des députés qui feront partie de chacun des comités permanents dont la Chambre a décidé la formation.
Adopté.
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose, appuyé par le représentant de Québec-Est (l'honorable M. Drouin), que les honorables MM. Duplessis, Drouin et Fisher, MM. Bastien, Béïque, Bertrand (Montréal-Laurier), Boiteau, Bouchard, Pouliot (Missisquoi), Lafleur et Tardif forment ledit comité spécial.
Quand j'étais chef de l'opposition, j'ai toujours préconisé certains principes, entre autres celui-ci: que les partis soient représentés dans chacun des comités et que le premier ministre devait avertir le chef de l'opposition. Je suis encore dans cet état d'esprit. J'ai communiqué ce matin avec le chef de l'opposition... parlementaire pour connaître ses sentiments sur les députés qui doivent représenter l'opposition dans le comité, et il m'a donné les noms de MM. Bouchard, Bertrand et Bastien Je ne sais pas si ce sont ceux que le chef parlementaire de l'opposition veut voir apparaître?
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Oui, ça va faire notre affaire.
(Rires)
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Très bien, alors. Je comprends que l'opposition n'est pas beaucoup embarrassée pour choisir ses membres. Mais, du côté du gouvernement, il nous faut choisir les membres de façon à les placer dans les comités pour lesquels ils sont qualifiés.
(Avec ironie) Et, comme il faut se baser sur la proportion des députés en Chambre, il faut déplorer que l'opposition ne soit pas plus largement représentée dans un comité de onze personnes. Je suppose que la Chambre est unanime pour approuver ce choix?
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Entendu.
La motion est adoptée.
M. l'Orateur invite les membres du comité à se réunir demain matin à 10 h 3011.
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): À moins que le chef de l'opposition parlementaire aime mieux 11 heures ou une autre heure ou un autre jour. Les comités ne pourront pas siéger avant l'adoption de l'adresse la semaine prochaine et, d'autre part, le gouvernement a beaucoup de travail. Il n'y a rien qui presse. Si le chef de l'opposition parlementaire préfère...
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Je n'ai pas d'objection pour demain. Cependant, comme le gouvernement paraît plus ennuyé que nous pour choisir ses membres, nous pouvons attendre un peu. Nous sommes disposés à accepter n'importe quelle date. Nous voulons donner au gouvernement la plus grande facilité d'agir pour remplir ses promesses, dans la mesure du possible, d'administrer la province, selon une ancienne formule.
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): (Souriant) Il vaut mieux que le gouvernement soit ennuyé que l'opposition soit ennuyante.
(Rires et applaudissements à droite et de la foule)
Si cette dernière est prête à procéder demain à la nomination des membres des divers comités, le gouvernement se rendra de bon gré à leur suggestion.
Je remercie le chef parlementaire de l'opposition des facilités qu'il nous donne et de ses bonnes dispositions. Je me rends compte de sa générosité, quand je vois la grande force de l'opposition. Nous comprenons que l'opposition veuille nous voir agir, après tant d'années...
(Rires)
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Je ferai remarquer à l'honorable premier ministre que notre force est toujours plus grande que l'était celle des conservateurs en 1916 et 1919. Et c'est assez pour le moment.
(Applaudissements à gauche)
Ajournement
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): M. l'Orateur, j'ai l'honneur de proposer, appuyé par le représentant de Québec-Est (l'honorable M. Drouin), que la Chambre s'ajourne maintenant.
Adopté.
La séance est levée à 4 h 30.
__________
NOTES
1. Selon L'Action catholique du 8 octobre 1936, à la page 3: "Il y a eu de l'inédit à l'inauguration de la session d'hier. Pour la première fois dans un Parlement dit britannique, il y avait un crucifix au mur principal. La disposition de ce crucifix fait suite à une remarque que M. Nil Larivière avait faite au cours de la session précédente. Le député du Témiscamingue s'était demandé comment il se faisait que la seule Législature catholique de l'Amérique du Nord n'avait pas de crucifix dans sa salle de délibérations. À la demande de M. Duplessis, des crucifix ont été placés dans l'Assemblée législative et dans la salle du Conseil exécutif. Ajoutons que le premier ministre lui-même a placé un crucifix dans son bureau."
2. Le Canada du 8 octobre 1936, à la page 5, écrit que M. Saint-Jacques, "qui occupe au parlement depuis 33 ans les fonctions d'huissier à la verge noire, a constaté aujourd'hui que jamais, dans son expérience des foules parlementaires, il ne s'est présenté autant de monde qu'aujourd'hui à l'hôtel du gouvernement. Plus de 350 personnes autorisées à assister à l'ouverture de la Chambre n'ont pu être admises, faute de place dans les galeries".
3. Le Journal du 8 octobre 1936, à la page 4, précise qu'il est 3 h 15 à ce moment. L'Illustration Nouvelle du 8 octobre, à la page 3, rapporte que seul M. Alexis Bouthillier (Saint-Jean), un député libéral, est absent à l'occasion de l'ouverture de la session. De plus, le même journal mentionne que la chaleur était telle au Conseil législatif que plusieurs des députés sont demeurés à la Chambre législative pendant les cérémonies.
4. L'Illustration Nouvelle du 8 octobre 1936, à la page 3, rapporte que les députés criaient "Woof! Woof!" à M. Candide Rochefort (Montréal-Sainte-Marie) parce que ce dernier va occuper le siège alloué à M. Thomas Lapointe, député libéral de Wolfe lors de la dernière session.
5. Selon L'Événement du 8 octobre 1936, à la page 4, "le pupitre de M. Duplessis est orné d'une magnifique gerbe de fleurs: il paraît qu'il y en avait quarante, pour rappeler les quatre décades durant lesquelles l'ancienne opposition a attendu le pouvoir". L'Action catholique du 8 octobre, à la page 12, précise que M. Duplessis, sitôt arrivé à son pupitre, "distribue des fleurs à ses collègues du ministère".
Toutefois, L'Illustration Nouvelle du 8 octobre, à la page 3, mentionne que pendant que M. Duplessis était au Conseil législatif, "les députés ont fait une razzia de roses, avec le résultat qu'il n'en avait même pas une pour placer à la boutonnière du premier ministre."
6. L'Événement du 8 octobre 1936, à la page 4, rapporte que, durant l'ovation en l'honneur du premier ministre, MM. Philippe Hamel, J.-E. Grégoire et René Chaloult furent, avec ceux de la gauche, les seuls députés à ne pas applaudir, ainsi démontrant leur déception à l'égard de la composition du nouveau cabinet Duplessis. Ces trois dissidents fonderont le Parti national le 26 juin 1937.
7. Selon Le Journal du 8 octobre 1936, à la page 4, M. Sauvé s'est exprimé en anglais à ce moment:
Gentlemen, I beg to tender my grateful acknowledgements to the House for the honour it has conferred upon me in electing me to be its Speaker. It shall be always my desire to deserve the confidence reposed in me.
I am sensible of my unfitness for the position, but relying upon the kindness and cooperation of the honourable gentlemen on both sides of the House, I will endeavour to do my duty to the best of my ability and to discharge the functions of the Chair with firmness and impartiality. I hope the House will sustain me in vindicating our rights and privileges, in maintaining our Rules and Orders, and in securing the freedom of debate according to our established usages.
8. Selon Le Journal du 8 octobre 1936, à la page 4, il est 3 h 28 à ce moment. À 3 h 45, après avoir revêtu dans l'intervalle l'uniforme de gala, M. Sauvé entre au Conseil législatif.
9. Le Journal du 8 octobre 1936, à la page 4, précise que M. Sauvé s'exprime de nouveau en anglais:
May it please Your Honour: The Legislative Assembly have elected me as their Speaker, though I am but little able to fulfill the important duties thus assigned to me. If, in the performance of those duties, I should at any time fall into error, I pray that the fault may be imputed to me and not to the Assembly whose servant I am, and who, through me, the better to enable them to discharge their duty to their King and Country, humbly claim all their undoubted rights and privileges; especially that they may have freedom of speech in their debates, access to Your Honour's person at all seasonable times, and that their proceedings may receive from Your Honour the most favourable interpretation.
10. Selon la procédure parlementaire, le texte du Discours du trône fait l'objet de deux lectures, une première fois à la salle du Conseil législatif par le lieutenant-gouverneur, et une seconde fois par l'Orateur de l'Assemblée législative, à la salle de l'Assemblée législative. Les députés peuvent toutefois exempter l'Orateur de procéder à cette seconde lecture. Selon les Journaux de l'Assemblée législative, à la page 4, rien n'indique que cette exemption ait été accordée à l'Orateur. L'Action catholique du 8 janvier 1936, à la page 12, souligne toutefois cette exemption, ce qui nous porte à croire, malgré la contradiction entre les deux sources, que seule la lecture au Conseil législatif ait eu lieu.
11. Heure donnée par Le Journal, à la page 4, et Le Nouvelliste, à la page 3, du 8 octobre 1936. L'Événement, à la page 4, de la même date, mentionne plutôt 10 heures.