Débats de l'Assemblée législative (débats reconstitués)
Version finale
18e législature, 2e session
(10 janvier 1933 au 13 avril 1933)
Le mercredi 5 avril 1933
Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.
Présidence de l'honorable T.-D. Bouchard
La séance est ouverte à 3 h 30.
Prière.
M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!1
Rapports de comités:
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le vingt-neuvième rapport du comité permanent des bills publics en général. Voici le rapport:
Votre comité a décidé de rapporter, avec des amendements, les bills suivants:
- bill 13 modifiant le Code civil relativement à la désignation et à l'enregistrement du droit de coupe de bois;
- bill 53 suspendant l'exigibilité de certaines créances hypothécaires et autres. Votre comité désire recommander que ce dernier bill soit imprimé de nouveau pour les membres de votre honorable Chambre.
Les bills suivants sont retirés:
- bill 45 concernant le rachat de certains terrains détenus en vertu d'un contrat de louage, d'un bail à rente ou constitut;
- bill 200 modifiant l'article 1625 du Code civil;
- bill 228 modifiant l'article 551 de la loi des cités et villes.
Les bills suivants sont rejetés:
- bill 222 concernant les propriétaires de garages;
- bill 223 modifiant la loi des cités et villes relativement à l'imposition des taxes.
Questions et réponses:
Jardin zoologique de Québec
M. Élie (Yamaska): Relativement au jardin zoologique de Québec:
1. Quelle somme la province, par l'intermédiaire du ministère de la Colonisation, de la Chasse et de la Pêche, a-t-elle dépensée à date pour l'acquisition d'animaux sauvages?
2. Quelles espèces ou variétés d'animaux sauvages sont actuellement gardées au jardin zoologique de Québec et quel en est le nombre pour chaque espèce ou variété?
L'honorable M. Laferté (Drummond): 1. $1,733.45.
2. (Voir la liste ci-dessous)
Famille | Genre | Nombre |
Bovidés | Buffalo | 4 |
| Mouflons | 3 |
| | 7 |
Cervidés | Wapiti | 3 |
| Chevreuils | 7 |
| Orignaux | 4 |
| | 14 |
Canidés | Loups canadiens | 3 |
| Loup des prairies | 1 |
| Renard | 35 |
| | 39 |
Félidés | Loup-cervier | 1 |
| | 1 |
Mustélidés | Visons | 3 |
| Martres | 4 |
| Pécans | 5 |
| Blaireaux | 2 |
| | 14 |
Ursidés | Ours noirs | 4 |
| | 4 |
Rougeons | Porcs-épics | 3 |
| Marmotte | 1 |
| | 4 |
Oiseaux | Hiboux gris | 5 |
| Hibou blanc | 1 |
| Aigles dorés | 2 |
| Busards des marais | 5 |
| Goélands | 5 |
| Cormoran | 1 |
| Héron de nuit | 1 |
| Ptarmigans | 4 |
| Gelinottes à queue aiguë | 7 |
| Pinsons pourprés | 7 |
| | 38 |
Budget supplémentaire
M. Duplessis (Trois-Rivières): L'honorable premier ministre peut-il nous dire quand a-t-il l'intention de présenter le budget supplémentaire?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Probablement lundi. (Souriant) Avez-vous hâte?
M. Duplessis (Trois-Rivières) rit.
Exportation de la force hydro-électrique
L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 250 relatif à l'exportation de la force hydro-électrique soit maintenant lu une troisième fois.
M. Duplessis (Trois-Rivières): M. le Président, je soulève un point d'ordre. Dans mon opinion, un projet qui constitue une concession des biens de la couronne et affecte le revenu de la province doit être précédé d'une résolution avant sa troisième lecture, suivant l'article 447 des règlements de la Chambre. Ce bill ne peut donc être lu en troisième lecture parce qu'il n'a pas été précédé d'une résolution!
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): L'objection prise par mon honorable ami est mal fondée et manque de sérieux. Je soumets que le point d'ordre ne peut être maintenu parce que le projet ne constitue pas une concession. Les concessions ont été faites aux compagnies, et le projet ne leur donne que le droit d'exporter.
Il ne s'agit pas ici de biens appartenant à la couronne. Ce n'est pas le pouvoir d'eau ni les propriétés elles-mêmes qui sont cédés aux étrangers par ce bill, mais le produit du pouvoir d'eau. Ce sont les compagnies qui vont exporter l'électricité et, par conséquent, le présent bill ne tombe pas sous le coup de l'article 447.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Je crois qu'il s'agit d'une concession de biens de la couronne dont bénéficieront les États-Unis et le point d'ordre devrait être maintenu.
M. l'Orateur: L'objection est en effet mal fondée. Je renvoie le point d'ordre, car il est clair qu'il ne s'agit pas de concessions.
M. Duplessis (Trois-Rivières): Nous avons fait entendre nos objections. Je tiens à renouveler toutes les objections que nous avons faites mardi. Nous nous opposons de nouveau à ce projet, et comme un vote a été recueilli hier, nous enregistrons notre dissidence.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Dont acte.
Adopté sur division.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Préparation et vente du tabac en feuille
L'honorable M. Godbout (L'Islet) propose, selon l'ordre du jour, que la résolution relative au bill 233 concernant la préparation et la vente du tabac en feuille soit maintenant lue une deuxième fois.
Adopté sur division.
L'honorable M. Godbout (L'Islet) propose, selon l'ordre du jour, que le bill soit maintenant lu une deuxième fois.
Adopté sur division. Le bill est renvoyé au comité général.
L'honorable M. Godbout (L'Islet) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.
Adopté.
En comité:
M. Duplessis (Trois-Rivières): L'honorable ministre de l'Agriculture (l'honorable M. Godbout) a consenti à faire amender la loi de façon à limiter à $5,000 les traitements qui seront payés aux inspecteurs.
L'honorable M. Godbout (L'Islet): C'est entendu.
M. Barré (Rouville): Il me semble que le projet est un peu sévère pour les cultivateurs qui vendent leur tabac en gros paquets. On les oblige à avoir un projet standard.
L'honorable M. Godbout (L'Islet): Les inspecteurs seront là pour aider les cultivateurs à classifier leur tabac.
L'article 1 est adopté.
Le comité étudie l'article 2 paragraphe 3 qui se lit comme suit:
"3. Les mots "manipulateur de tabac" désignent toute personne, association, compagnie ou corporation, arrangeant, assortissant ou préparant du tabac en feuille pour fins de commerce;"
Cet article est amendé et se lit maintenant comme suit:
"3. Les mots "manipulateur de tabac" désignent toute personne, association, compagnie ou corporation, arrangeant, assortissant ou préparant du tabac en feuille pour fins de commerce, excepté le producteur qui offre en vente au marché de gros le tabac qu'il a récolté lui-même."
L'amendement est adopté.
L'article 2 ainsi amendé est adopté.
Les articles 3 à 16 sont adoptés2.
Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a adopté avec certains amendements. Les amendements sont lus deux fois et adoptés.
L'honorable M. Godbout (L'Islet) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté sur division.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Ventes à tempérament
M. Dugas (Joliette) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 187 modifiant le Code civil relativement aux ventes à tempérament.
Adopté.
En comité:
Le comité étudie l'article 1568b introduit par l'article 1 du projet de loi et qui se lit comme suit:
"1568b. Dans le cas de toute vente à tempérament, le vendeur doit, avant d'enlever aucun objet ainsi vendu, donner un avis écrit de cinq jours francs au propriétaire des lieux loués en indiquant la balance due sur tel objet."
M. Duplessis (Trois-Rivières): C'est mon opinion que, pendant ce temps de crise, le moins nous intervenons dans le commerce, le mieux c'est. Si je comprends bien, le comité des bills publics a mis une clause dans ce projet qui oblige le vendeur à donner un avis de cinq jours au propriétaire, avant de reprendre l'objet qu'il a vendu, et que le locataire-acheteur ne paie pas, afin que celui-ci puisse se prévaloir de la loi.
Nous forçons donc le vendeur à tenir une comptabilité nouvelle et spéciale, qui, en plus des ennuis, ajoutera aux frais et augmentera le prix de l'objet vendu. Les ennuis iront au marchand et les déboursés aux acheteurs. Ainsi, le consommateur n'est pas protégé.
Je crois que c'est un amendement dangereux qui comporte des ennuis supplémentaires pour le vendeur. Celui-ci ne pourra saisir l'objet vendu qu'après avoir envoyé un avis au propriétaire. Pendant cette période de cinq jours, le locataire pourra fort bien détériorer le piano ou l'objet qu'on veut lui reprendre.
Le marchand ne pourra savoir, avant qu'une inspection minutieuse de l'article ne soit faite plus tard, l'état des dommages, et conséquemment, ne pourra invoquer le Code criminel. Pendant ce temps, il n'aura aucun recours en dommages contre un homme qui ne peut rencontrer ses paiements. Mais je ne crois pas que de telles choses se produisent très souvent.
De plus, il peut se produire une foule de cas où le vendeur n'aura pas le nom du propriétaire, qui ne sera peut-être pas celui à qui il a donné son premier avis, en vertu de la loi actuelle dans un délai de cinq jours.
Les meubles détenus par un locataire et qui appartiennent à un tiers ne sont pas responsables du loyer payable au propriétaire. Supposons le cas où le locataire déménage d'une ville à l'autre. Comment le vendeur pourra-t-il donner son avis? La propriété peut changer plusieurs fois à partir du moment où l'article est acquis par l'acheteur jusqu'au moment de le reprendre.
Le registre de propriété n'indique pas toujours le nom du propriétaire, car il a pu y avoir une vente ou une location. C'est une tâche impossible qui est imposée au marchand. Alors, il perdra son moyen de recouvrer son objet. De plus, pourquoi obliger un marchand à écrire à un propriétaire pour lui dire que son locataire ne le paie pas régulièrement? Dans certains cas, des maisons font partie d'une succession, et la cour n'a pas encore décidé qui sont les propriétaires. Si l'amendement est adopté et l'avis n'est pas donné, cela voudrait dire que le marchant pourrait perdre son droit de rétention sur l'article.
Je crois que cet amendement va trop loin, car il va à l'encontre de nos lois; on humilie aux yeux du propriétaire l'acheteur à tempérament. L'amendement permet, par exemple, à une personne d'avertir une autre qu'un tel ne paie pas ses dettes, quand on sait qu'il est défendu de signaler à un débiteur, en présence d'un tiers, que ce débiteur doit de l'argent. La cour en a décidé ainsi et a accordé des dommages pour perte de réputation.
De faire en sorte que le marchant avise le propriétaire que son locataire ne paie pas ses versements va contre le crédit du locataire, contre le droit civil ordinaire et la jurisprudence, contre la charité chrétienne. On pourrait dire que, lorsque l'article est vendu pour la première fois, le propriétaire doit en être informé, mais ceci ne porte pas atteinte à la réputation de l'acheteur, car il est de coutume de nos jours d'acheter par tempérament. Mais il est dommageable de dire que des obligations ne furent pas acquittées lorsque dues.
Il n'y a pas de mal à acheter en payant par tempérament et il n'y a rien d'humiliant à ce qu'un avis soit donné au propriétaire l'informant que tel objet n'est pas responsable du loyer. Mais on humilie le locataire en donnant des avis chaque fois que ce dernier paie en retard et on nuit à son crédit. La loi actuelle nous suffit et je ne vois pas pourquoi nous imposons cet avis de cinq jours au vendeur. Je considère que cette clause devrait être biffée et on ne devrait pas toucher aux lois qui nous régissent actuellement.
M. Dugas (Joliette): Vous avez discuté le deuxième article, mais vous ne vous objectez pas au premier?
M. Duplessis (Trois-Rivières): Non.
M. le président (M. Cohen): Adopté.
L'article 1568a introduit par l'article 1 est adopté.
Le comité étudie l'article 1568c introduit par l'article 1 du projet de loi.
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): M. le Président, je partage absolument les vues et l'opinion de l'honorable chef de l'opposition au sujet du délai de cinq jours. Nous devrions supprimer la clause du projet dont mon honorable ami vient de parler. Le vendeur reste propriétaire de l'objet tant qu'il n'est pas payé, en vertu d'un contrat qu'il a passé avec l'acheteur. Pourquoi l'obligerions-nous à donner un avis de cinq jours au propriétaire, avant de reprendre un objet qui lui appartient? Je crois que nous imposons un fardeau trop lourd au vendeur. Pour les raisons invoquées par l'honorable chef de l'opposition, je propose que la clause 2 pour l'avis de cinq jours soit biffée.
M. le président (M. Cohen): Adopté?
Les députés: Non.
Cet article est amendé et se lit désormais comme suit:
"1568c. Lorsque le vendeur reprend l'objet vendu parce que l'acheteur ne s'est pas conformé aux clauses de son contrat, l'acheteur, son créancier ou toute personne mentionnée à l'article 1568a conserve le droit de payer ce qui est dû au vendeur et de reprendre l'objet vendu, pourvu que ce droit soit exercé avant que le vendeur n'ait disposé dudit objet ou dans les 20 jours, si le vendeur n'en dispose pas avant l'expiration de ce délai, et que le vendeur soit remboursé des dépenses encourues par lui pour la reprise et la conservation dudit objet."
M. Dugas (Joliette): Ce n'est pas moi qui ai proposé la clause que l'on vient de biffer. Je propose un autre amendement pour obliger le vendeur à conserver quelque temps l'objet repris de l'acheteur, afin que celui-ci puisse racheter son meuble. Le but de mon bill n'était pas tant de protéger le propriétaire et le vendeur, mais le pauvre acheteur.
Le but est le suivant: si le vendeur veut reprendre son objet, lorsque l'acheteur ne lui doit qu'une balance de prix de vente, ce dernier aura un délai pour payer la balance et garder sa marchandise. On pourrait fixer ce délai de rachat à 20 jours. L'acheteur ainsi mis en demeure pourra faire les démarches voulues pour acquitter sa dette. Je crois que la Législature devrait protéger cet acheteur qui n'a pas toujours le beau rôle dans un contrat de vente à tempérament. Toutefois, si le vendeur dispose de l'objet repris dans les 20 jours, l'acheteur n'aura aucun recours; mais s'il n'en a pas disposé, l'acheteur pourra ravoir son meuble en payant le restant de la somme due et les frais encourus par le vendeur pour déménager les meubles.
M. Samson (Québec-Centre): Je suis en faveur de cet amendement. Il devrait être adopté. Je trouve qu'il est juste et il donne satisfaction aux intéressés.
M. Duplessis (Trois-Rivières): Je ne suis pas en faveur de cet amendement. Nous avons des contrats légalement faits et nous devons les respecter. M. le Président, les contrats doivent être respectés et je soumets que cet amendement sera une cause d'embarras entre acheteurs et vendeurs qu'il faut éviter.
M. Dugas (Joliette): Je veux protéger l'acheteur et l'honorable chef de l'opposition semble évidemment vouloir protéger le vendeur.
M. Duplessis (Trois-Rivières): Je soulève un point d'ordre. Mon honorable ami n'a pas raison et n'a pas le droit de dire que je protège le vendeur. Je ne veux pas protéger le vendeur, mais je suis pour la justice.
M. Dugas (Joliette): Le député aime les grands mots. Il est juste, il me semble, que l'acheteur ait un délai de 20 jours pour payer et garder son objet. Je crois que c'est rendre justice au pauvre vendeur que d'accepter cet amendement.
Les amendements sont adoptés.
L'article 1 ainsi amendé est adopté.
Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a adopté avec certains amendements. Les amendements sont lus deux fois et adoptés sur division3.
M. Dugas (Joliette) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté sur division.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Code civil, article 1
L'ordre du jour appelle la deuxième lecture du bill 207 abrogeant l'article 1 du Code civil.
M. Taschereau (Bellechasse) propose, appuyé par le représentant de Québec-Comté (M. Bédard), que l'ordre soit révoqué et le bill retiré.
Adopté. Le bill est retiré.
Érection de municipalités dans Saguenay
M. Rochette (Charlevoix-Saguenay) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 219 érigeant certaines municipalités dans le comté de Saguenay soit maintenant lu une deuxième fois.
Nous voulons ériger cinq municipalités. Le projet devra être étudié au comité des bills publics.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Serez-vous prêt demain matin?
M. Rochette (Charlevoix-Saguenay): Oui.
Adopté. Le bill est renvoyé au comité permanent des bills publics en général.
Loi des accidents du travail, 1931
L'honorable M. Arcand (Maisonneuve) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 42 modifiant la loi des accidents du travail, 1931, soit maintenant lu une deuxième fois.
M. l'Orateur, le projet a pour but d'amender la loi suivant les recommandations de la Commission des accidents du travail. La Commission a eu un déficit de $829,000 dans ses opérations de 1932, et il faut remédier à cette situation. Le gouvernement a créé une commission qui doit faire ses frais. Les détails du projet seront étudiés lorsque nous le considérerons en comité.
M. Poulin (Montréal-Laurier): M. le Président, Le premier rapport des accidents du travail est déficitaire. Le gouvernement décide immédiatement d'y porter remède par le projet de loi qui nous est présenté et qui a pour but, entre autres choses, d'enlever à l'accidenté le choix de son médecin, de diminuer l'indemnité. Tout le monde sait que je suis libéral.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Écoutez, écoutez.
M. Poulin (Montréal-Laurier): Tout en protestant de ma confiance dans le corps professionnel auquel j'appartiens, au nom de mon parti, que j'ai eu l'honneur de servir et que je servirai encore, au nom de mes électeurs, parmi lesquels il y a un grand nombre d'ouvriers, au nom de la profession médicale dont je suis un des membres, je déclare que je ne peux approuver ce projet d'amendements proposés à la loi de 1931, je ne peux approuver les amendements qui enlèvent le droit à l'accidenté de choisir son propre médecin et qui diminue aussi le minimum payable à l'accidenté. J'ai étudié à fond cette question et je crois de mon devoir de défendre la liberté individuelle qui a fait jusqu'ici le succès du Parti libéral.
En fait, la loi, amendée en 1931, a été acclamée par les ouvriers, de façon générale, comme la meilleure qui puisse être adoptée. Après une année à peine, le gouvernement est arrivé avec des amendements qui annulèrent toutes les améliorations apportées en 1931. On a dit que les amendements étaient nécessaires en raison d'un déficit dans les opérations de la Commission des accidents du travail. Le déficit ne fut pas causé par la facture exorbitante des médecins employés pour le traitement des ouvriers. Ce fut surtout causé par le fait que certains employeurs n'ont pas payé leurs contributions au fonds, tel que prévu par la loi. Je suis favorable à la partie du projet qui a pour but de faire disparaître le déficit de la Commission, mais je m'oppose à ce qu'on enlève à l'ouvrier-accidenté le droit de choisir son médecin. On devrait garder le statu quo quant au choix du médecin et aussi quant au minimum d'indemnité payable à l'accidenté.
Le premier argument qu'on emploie pour enlever à l'accidenté le libre choix de son médecin, c'est le fait que les taux de l'assistance médicale sont trop élevés. L'honorable premier ministre a dit un jour que les soins médicaux, dans le cas d'accidents du travail, coûtaient plus cher dans Québec que dans Ontario. Si l'honorable premier ministre était médecin, il n'aurait pas dit cela. Si le coût d'opération de la loi est plus élevé dans Québec, d'après des chiffres que je possède, ce n'est pas dû aux honoraires payés aux médecins. On ne devrait pas suivre ce qui se passe en Ontario.
Or, les statistiques démontrent que dans Québec, en 1932, l'assistance médicale a coûté $336,675 pour 20,930 accidents soit $15 pour chaque accident. Dans Ontario, le coût de l'assistance médicale a été en 1931 de $23.24 par accident. Il est vrai que le désastre de "Cymbeline" a provoqué de nombreuses réclamations pour compensations et il est probable que c'est la raison pour laquelle on dit que l'assistance médicale a coûté cher dans notre province. D'ailleurs, si l'on compare les tarifs médicaux, on constate facilement que celui d'Ontario est de beaucoup plus élevé. Je crois qu'il serait préférable d'étudier avec plus de soins la cause du déficit à la Commission des accidents du travail.
Sans attendre les conclusions de l'expérience, on veut enlever à l'accidenté sa liberté de se faire traiter par qui il voudra. Il est immoral et contre son intérêt d'enlever à l'ouvrier-accidenté, qui n'est pas un esclave, même quand l'industrie l'a blessé, le choix de son médecin. Si la Législature voulait mettre cette entrave à l'exercice de la profession médicale, il faudrait, selon moi, amender la charte du Collège des médecins et chirurgiens de notre province, car le médecin peut toujours soigner un accidenté et lui réclamer des honoraires.
Ce que nous demandons, c'est le maintien du statu quo. Toutes les classes de la société désirent le statu quo. C'est ce que veulent les associations ouvrières et professionnelles, toutes les sociétés médicales de la province, qui m'ont écrit, et tous les gouverneurs du Collège des médecins et chirurgiens. Le ministre donne une longue liste de ces sociétés. Un médecin m'écrivait: "Si l'on veut enlever au citoyen le choix de son médecin, pourquoi ne pas lui enlever le choix de son avocat, de son curé, de son notaire et de son dentiste?"
Au principe de la liberté, on veut opposer celui de la contrainte; au principe de la chirurgie conservatoire, on veut opposer le principe de la chirurgie économique. La liberté du choix du médecin, c'est la liberté de confiance qui est importante pour l'excellence du traitement. Il est immoral et contraire à l'ordre public d'attenter à la liberté de l'individu.
Il ne faut pas démolir la maison pour construire une tente. Il ne faut pas faire de loi de circonstances. Le député de Laurier cite Aristote, Montesquieu et Émile Faguet.
Il importe à tout bon administrateur de ne pas se laisser influencer et circonvenir par des influences étrangères à l'intérêt public. L'Association des manufacturiers canadiens et la grande presse anglaise de la province ont essayé d'influencer l'honorable premier ministre en lui disant: "Si les taux d'assurance contre les accidents du travail augmentent, les manufacturiers déménageront en Ontario".
C'est un argument enfantin. L'honorable premier ministre me saura gré d'apporter mes faibles lumières à cette question. Il sait qu'il peut compter sur mon dévouement et ma loyauté, mais je lui demande de ne pas adopter cette législation. Presque tous les membres de cette Chambre sont fils ou petits-fils d'ouvriers et j'espère qu'ils m'approuveront. Au nom des ouvriers et des médecins, je demande au gouvernement de nous laisser le statu quo pour au moins une autre année.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): On pourrait adopter le bill en deuxième lecture et dire toutes ces choses en comité plénier.
M. Bertrand (Saint-Sauveur): On nous soumet des amendements à une loi qui est votée depuis un an à peine. Je manquerais à mon devoir, si je ne protestais pas contre les amendements que l'on propose à la loi des accidents du travail. La loi n'a pas été évaluée équitablement. Avant l'adoption de la loi de 1931, ce sont les professionnels qui obtenaient l'argent de l'indemnité. Nous, de la classe ouvrière, nous avons demandé une loi comme celle de l'Ontario.
On nous l'a donnée et nous étions heureux et fiers. Depuis 1931, la classe ouvrière est satisfaite de la nouvelle loi. Mais les plaisirs de la classe ouvrière ne durent pas. Ces nouveaux amendements privent la classe ouvrière de certaines libertés que la loi lui accordait.
Je regrette que les amendements soient présentés par le ministre du Travail (l'honorable M. Arcand), et il doit en avoir de la peine. Il y a déficit, mais si l'on cherche quelles sont les causes de ce déficit, on constate que 700 manufacturiers de la province de Québec n'ont pas payé leurs obligations à la Commission des accidents du travail. S'ils avaient tous payé, la Commission n'aurait pas de déficit. Pourquoi n'ont-ils pas payé? Si cette assertion est vraie, on ne devrait pas présenter cette loi, mais attendre un an pour collecter ce qui est dû à la Commission.
On devrait commencer par exiger le paiement de ces sommes, au lieu de spéculer sur la misère de l'ouvrier qui est plus grande que jamais. On devrait protéger le faible contre le fort. Et si ces sentiments sont incompatibles avec les idées du gouvernement, celui-ci devrait au moins reconnaître que l'expérience d'une année n'est pas suffisante pour conclure à la faillite de la loi.
Je félicite l'honorable député de Laurier (M. Poulin) de son beau discours. Il n'a pas dit tout ce qu'il voulait dire, mais il m'a satisfait. Que le gouvernement laisse donc la loi telle qu'elle est, et au nom des ouvriers que je représente, je proteste de toutes mes forces contre ces amendements qui sont inopportuns dans le moment, contre la contrainte que l'on veut exercer en obligeant l'accidenté à accepter le médecin officiel de la Commission.
(Applaudissements à gauche)
M. Guertin (Hull): M. le président, les honorables députés de Laurier et de Saint-Sauveur méritent des félicitations de la classe ouvrière de la province. L'honorable député de Saint-Sauveur, dont je félicite l'indépendance qu'il a manifestée, a fait au gouvernement une suggestion sérieuse en demandant que les amendements proposés soient retardés d'un an. Une année d'essai de la Commission n'est pas suffisante pour se rendre compte de l'opération de la loi. J'espère qu'il y aura un membre du cabinet pour faire adopter cette suggestion. L'honorable ministre du Travail, qui y représente la classe ouvrière, est tout indiqué pour le faire.
L'honorable député de Laurier (M. Poulin), dont le discours doit être publié, a dit avec raison que l'on a tort de prétendre que les soins médicaux coûtent trop cher dans notre province. L'honorable député de Laurier, qui est un bon libéral, a dit que ce projet était un attentat à la liberté. Il a été plus loin. Il a dit qu'il était immoral d'enlever à l'ouvrier le privilège de choisir son médecin. L'honorable député de Laurier a répété ce que nous, de l'opposition, avons dit souvent en affirmant que l'honorable premier ministre s'est laissé circonvenir.
Pour se rendre aux représentations des manufacturiers et des industriels, le gouvernement veut faire trois choses: prolonger la période de maladie pendant laquelle l'accidenté ne recevra aucune indemnité, baisser le minimum de l'indemnité de $12.50 à $9, enlever à l'accidenté le libre choix du médecin.
Le projet oblige l'ouvrier-accidenté à se laisser soigner par un médecin qu'il ne connaît pas et qui lui sera imposé. Enlever à l'ouvrier le choix du médecin dans les mains duquel il met sa vie est une législation immorale, dit avec raison l'honorable député de Laurier. Ce choix s'inspirera plus des affinités politiques que de l'habilité professionnelle. Et même s'il n'entrait aucune considération de politique, les ouvriers peuvent se trouver entre les mains de médecins dans lesquels ils n'ont pas confiance.
On veut priver le malheureux des secours médicaux qu'il jugera bon de se faire donner pour le mettre à la merci d'un médecin officiel, dont l'ambition sera de donner les soins les plus économiques et non les plus efficaces. On ne devrait pas enlever à l'accidenté le libre choix de son médecin. On a dit que les médecins ont surchargé la Commission. Je considère que c'est une insulte gratuite à la profession médicale. C'est de l'arbitraire que cette mesure.
Le projet décrète que l'ouvrier, qui avait droit à une indemnité après sept jours de maladie, devra avoir été malade pendant 20 jours avant de toucher son indemnité.
Cette prolongation de la période pendant laquelle l'accidenté ne pourra rien recevoir équivaut à l'abandon de la famille de cet accidenté. Si l'ouvrier ne travaille pas durant cette période, sa famille sera dans la misère. La baisse de l'indemnité minima équivaut à une réduction de salaire.
De plus, le projet fixe à $9 par semaine l'indemnité minimum qui est actuellement de $12.50. Si l'honorable premier ministre voulait se servir de l'expression qu'il a employée hier, il pourrait dire que c'est une législation insensée.
Il en coûte deux fois plus pour le traitement des accidentés dans Ontario que dans Québec, et cet argument devrait suffire pour inciter le gouvernement à ne pas proposer son projet de loi maintenant. Mais ces amendements sont apportés pour combler un déficit. Quelle est la cause de ce déficit? Il y a deux causes principales. L'une que l'on n'admettra jamais, qui est inavouable, mais je veux attirer l'attention de la Chambre sur son existence. L'autre qui est en toutes lettres dans le rapport de la Commission.
À la veille des dernières élections en 1931, pour ne pas effrayer les industriels, les bailleurs de fonds du Parti libéral, la Commission a informé les patrons des taux qu'ils auraient à payer pour remplir les fonds des indemnités. Les taux étaient si ridiculement bas que ceux qui s'y connaissent ont dit: "Ou les compagnies d'assurances sont une bande de voleurs ou les Commissaires des accidents du travail ne connaissent pas leur affaire". Les élections terminées, on pouvait espérer que l'échelle des taux serait établie sur une base mieux équilibrée. Au lieu d'en venir à cette nécessité, on propose de couper les indemnités aux dépens de l'ouvrier. Voilà la cause inavouable!
La deuxième cause du déficit est avouée dans le rapport même de la Commission qui admet avoir trop d'employés. Or, ces employés, on ne se propose pas de les renvoyer. Les commissaires y avouent qu'ils auraient pu réduire leur personnel, mais qu'ils ne l'ont pas fait à cause de la crise. C'est parce qu'il y a trop de jeunes filles qui travaillent aux bureaux de la Commission sur la Grande-Allée comme jeunes sténographes, de belles jeunes filles pour qui le travail signifie seulement qu'elles pourront dépenser de l'argent sur leur coiffure et leurs vêtements et non pour faire vivre une famille, comme dans le cas des vrais ouvriers. (Murmures de protestations à droite)
Des clameurs à droite: Ah! Ah!
M. Guertin (Hull): Pour leur permettre de porter de belles et jolies toilettes, on les a gardées en service; on leur paie un salaire en rognant sur les dépenses de la Commission. Voilà la belle justice du gouvernement. Et aujourd'hui, pour combler le déficit, on réduit, on coupe les indemnités, on enlève aux ouvriers le droit de choisir leur médecin, on met l'accidenté dans l'obligation d'accepter les traitements officiels.
Nous avons toujours loyalement supporté la Commission, nous de l'opposition. Mais comment se fait-il que la Commission ne compte pas un seul représentant de la classe ouvrière? Maintenant que nous savons que la Commission a un déficit parce qu'elle a trop de sténographes à son emploi, nous sommes obligés de l'attaquer. J'ai appris que la Commission avait un moyen de combler son déficit; je n'ose affirmer que c'est vrai parce que ce serait criminel. J'ai appris que la Commission voulait combler son déficit à même les indemnités qui doivent être payées aux accidentés.
Le député de Hull cite le cas d'un ouvrier de la ville qui devait se faire examiner à Montréal et auquel la Commission a refusé ses dépenses de voyage. Il cite le cas d'un autre ouvrier dont le médecin a reconnu qu'il avait perdu 40 % de sa capacité et qui n'a obtenu que 3 % d'incapacité à l'examen du médecin de la Commission.
Le projet ne devrait même pas être envoyé au comité. Ce que je reproche à l'honorable premier ministre, c'est de faire porter à l'honorable ministre du Travail l'odieux de cette loi. Il lui a fait porter hier l'odieux de la loi de la silicose.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je soulève un point d'ordre. L'honorable député de Hull n'a pas le droit de dire qu'une loi est odieuse.
M. Vautrin (Montréal-Saint-Jacques): L'honorable député de Hull admettra que l'expression n'est pas parlementaire. Il pourrait employer un autre terme.
M. Guertin (Hull): Très bien. Je ne veux pas jouer sur les mots. Je retire l'expression, mais le ministre du travail (l'honorable M. Arcand) aura de la peine à défendre cette loi auprès de ses électeurs. Je souhaite bonne chance à l'honorable ministre du Travail dans le rôle qu'on lui fait jouer. 15 ans après la province d'Ontario, nous avons obtenu une loi des accidents du travail qui faisait l'affaire de tout le monde
L'opposition en était satisfaite. Les ouvriers en étaient satisfaits. Voilà qu'on veut la changer. M. le Président, les 2,000,000 de Canadiens français qui ont quitté notre province sont allés voir ailleurs parce que chez nous, ils ne se trouvaient pas bien traités, pas bien protégés au point de vue social.
(Protestations à droite)
En voyant le gouvernement leur enlever des avantages, les ouvriers de Hull continueront à aller chercher du travail à Ottawa, parce que, dans la province d'Ontario, on leur demandera moins de sacrifices. (Applaudissements à gauche) (Murmures de protestations à droite)
La motion étant mise aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:
Pour: MM. Arcand, Authier, Bédard, Bélanger, Casgrain, Charbonneau, Chouinard, Cohen, Côté (Gaspé-Nord), Dansereau, Desmarais, Dufour, Duval, Farand, Filion (Laval), Fillion (Lac-Saint-Jean), Gagnon (Frontenac), Gagnon (Kamouraska), Giguère, Godbout, Laferté, Mercier, Messier, Paquet, Perrault, Phaneuf, Piché, Plante, Power, Sabourin, Samson, Saurette, Stockwell, Taschereau (Montmorency), Thisdel, 35.
Contre: MM. Bachand, Barré, Béïque, Bercovitch, Bouthillier, Duplessis, Élie, Fisher, Fortier, Fortin, Francoeur (Montréal-Dorion), Guertin, Lafleur, Lamoureux, Lortie, Poulin, Sauvé, 17.
Ainsi, la motion est adoptée. Le bill est, en conséquence, lu une deuxième fois et renvoyé au comité général.
La séance est levée à 6 heures.
Deuxième séance du 5 avril 1933
Présidence de l'honorable T.-D. Bouchard
La séance est ouverte à 8 h 50.
Prière.
M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!
Messages du Conseil législatif:
M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:
Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté, sans amendement, le bill suivant:
- bill 117 permettant à Joseph-Samuel-Emilio Lapointe de changer son nom de famille, de Lapointe en celui de Vézina.
Demande de documents:
Aldermac Mines, correspondance ou contrats
M. Duplessis (Trois-Rivières) propose, appuyé par le représentant de Montréal-Saint-Georges (M. Gault), qu'il soit mis devant cette Chambre copie de toute correspondance et de tous contrats entre le gouvernement de cette province, aucun de ses membres ou officiers et la Aldermac Mines, au sujet d'un subside de $150,000 payable à raison de $25,000 par année et dont un versement annuel a été effectué durant l'année fiscale 1931-1932.
Adopté.
Agents de recouvrement
M. Desmarais (Richmond) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 204 concernant les agents de perception.
Adopté.
En comité:
M. Duplessis (Trois-Rivières): Je soulève un point d'ordre, car le projet de loi n'a pas été précédé d'une résolution.
M. le président remet sa décision à plus tard.
M. Desmarais (Richmond): Ce bill a été défait au comité des bills publics, mais j'ai cru de mon devoir de présenter de nouveau ce projet devant la Chambre. Cette loi qui permettrait au trésorier d'exercer un contrôle sur les agents en recouvrement m'a été suggérée par les marchands de toute la province. En effet, il est approuvé par un grand nombre de marchands, entre autres la compagnie Paquet, bien connue à Québec. Pour rendre le bill plus clair, je propose que le titre du projet soit modifié en changeant le mot "perception" pour le remplacer par le mot "recouvrement".
Je suis convaincu que lorsque les membres de cette Chambre auront pris connaissance du projet, ils l'approuveront. Ce bill décrète que les agents en recouvrement devront prendre un permis. Nous demandons que ces agents soient obligés de remettre entre les mains du trésorier provincial une somme de $500 en garantie.
Le permis obtenu sera gratuit. Comme président de l'Association des marchands détaillants, je déclare que nous ne pouvons prendre assez de précautions pour forcer ceux qui collectent de l'argent à le remettre à ceux auxquels il appartient.
M. Duplessis (Trois-Rivières): L'émission de ce permis entraînerait une dépense, donc on aurait dû procéder par voie de résolution approuvée par le gouverneur en conseil.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Il y aura peut-être d'autres objections au bill.
M. Desmarais (Richmond): La garantie qui sera déposée entre les mains du trésorier devra être de $50. Pour infraction à cette loi, la pénalité sera de $500 ou six mois de prison. J'ai un amendement pour que la loi ne s'applique pas aux membres du Barreau, aux notaires, aux banques, aux compagnies de fiducie, aux compagnies d'assurance, aux huissiers, etc. qui font des recouvrements de par leurs fonctions.
M. Duplessis (Trois-Rivières): Je vois que les infractions à la loi sont passibles d'une amende de $500 ou six mois de prison. N'est-ce pas exagéré?
M. Bertrand (Saint-Sauveur): Est-ce qu'on ne pourrait pas exempter aussi les agents d'assurance?
M. Guertin (Hull): Le promoteur du bill procède par élimination et je ne vois pas comment la loi pourra être appliquée. Le projet contient une anomalie, car il donne le droit au trésorier provincial de retirer la licence des agents en aucun temps. Je sais que le gouvernement est animé de bonnes intentions et qu'il ne prendra jamais de décision inspirée par des motifs politiques, mais les honorables messieurs qui siègent à droite pourront être remplacés un jour.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Ça va prendre du temps.
M. Guertin (Hull): Je crains que le projet ne provoque des abus. On devrait donner à l'agent le droit d'en appeler de la décision du trésorier à un tribunal.
L'honorable M. Stockwell (Brome): Je propose que le comité rapporte progrès, afin que je puisse étudier la mesure davantage.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Les marchands ont eu à se plaindre des agents percepteurs, je l'admets, mais je crois que nous devrions rapporter progrès, car il y a une question assez grave à étudier. On demande au trésorier d'émettre des permis, de surveiller les agents, etc. cela entraînera une dépense. L'honorable trésorier a raison d'hésiter à se charger de la responsabilité d'émettre ou de refuser des licences aux agents de collection. Il est sage de demander la permission à la Chambre d'étudier ce bill plus à fond. Le comité des bills publics a rejeté ce bill, et il est juste d'en peser les conséquences avant de l'étudier. On le ramène maintenant devant la Chambre, avec de bonnes raisons, nous allons l'étudier et nous verrons.
Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il n'en a pas terminé l'examen.
M. Dugas (Joliette)4: M. le président, je soulève un point d'ordre. Ce projet oblige le trésorier provincial à émettre gratuitement des licences, il lui impose des charges. Il n'a pas été précédé d'une résolution et, comme tel, il ne peut être étudié. Il faudra les faire imprimer, et cela entraînera des dépenses. Le projet devrait donc être précédé d'une résolution, sinon le bill est illégalement devant la Chambre. Je soumets que le bill est hors d'ordre et devrait être rejeté.
M. Guertin (Hull): Les dépenses qui pourront être encourues ne sont qu'indirectes.
M. l'Orateur: Je suis obligé de déclarer le projet hors d'ordre pour les raisons exposées par l'honorable député de Joliette. Le bill n'est pas conforme aux dispositions de l'article 448 du règlement; il faudrait une résolution. Je maintiens donc le point d'ordre et je déclare le bill hors d'ordre.
Loi des licences
L'honorable M. Stockwell (Brome) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 35 modifiant la loi des licences de Québec soit maintenant lu une deuxième fois.
Adopté sur division. Le bill est renvoyé au comité général.
L'honorable M. Stockwell (Brome) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.
Adopté5.
En comité:
L'honorable M. Stockwell (Brome): Le but du projet est de permettre au trésorier d'annuler la licence d'un hôtelier qui se rend coupable d'une infraction, qui a été condamné pour une offense à la loi ou dont l'établissement est un lieu de désordre, au lieu de laisser ce licencié jouir de sa licence jusqu'à son expiration.
M. Duplessis (Trois-Rivières): Je considère que le gouvernement fait ses lois trop rapidement et qu'il nous demande ensuite de les corriger par d'autres lois. Dans ce cas-ci, on demande un pouvoir extraordinaire qui permettra au gouvernement d'annuler la licence si un hôtelier et un restaurateur commettent une erreur dans la perception de la taxe sur les repas, ce qui est possible, car le mot repas n'est pas encore défini. Cette loi est une mesure arbitraire qui peut aussi prêter à l'intimidation, au favoritisme politique et au chantage. De plus, le bill diminue les permis de regrattiers, imposés l'an dernier, et cette diminution est rétroactive en 1932. Le gouvernement ne peut modifier cette loi sans passer une résolution.
La véritable cause de ce bill, c'est parce que le gouvernement a mal fait sa loi sur les repas, par exemple. Le gouvernement a poursuivi des restaurateurs pour taxe sur vente de bière et de sandwiches. Le juge Cusson ayant conclu que ce n'était pas un repas, le fisc a perdu sa cause. Au lieu de définir le mot repas, ce qui risquait de provoquer de vives critiques, le gouvernement prend un détour pour forcer les restaurateurs à payer la taxe, sous peine de voir leur licence annulée; car le trésorier a tout droit d'accorder, de refuser et d'annuler n'importe quelle licence et il imposera sa volonté de cette façon.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Le seul but de la loi est de permettre au gouvernement l'annulation de la licence d'un hôtelier qui permet du désordre dans son établissement. Nous ne voulons qu'une chose: faire respecter la loi et le bon ordre. Aujourd'hui nous sommes impuissants à le faire. La loi nous donnera ce pouvoir, et cela sera dans le meilleur intérêt de la morale dans la province. Le gouvernement n'a pas les mauvaises intentions que le chef de l'opposition veut lui prêter.
M. Duplessis (Trois-Rivières): Tout le monde est favorable au respect de la loi et du bon ordre. Mais les pouvoirs accordés au trésorier sont trop considérables, trop grands. Je ne parle pas pour le trésorier actuel. Le trésorier actuel est bon, mais ses successeurs le seront-ils toujours? La question relève des tribunaux plutôt que du trésorier. Pourquoi ne pas dire dans la loi que les magistrats, sur conviction, devront ou pourront suspendre les licences?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Tous nos trésoriers ont été bons. Tous nos trésoriers ont appliqué la loi au meilleur de leur connaissance.
M. Duplessis (Trois-Rivières): L'honorable premier ministre, qui a été trésorier, ne devrait pas se vanter!
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je n'ai été que trésorier temporaire, comme les chefs de l'opposition dont l'actuel.
M. Duplessis (Trois-Rivières): C'est parce que le chef de l'opposition est temporaire que cela fatigue l'honorable premier ministre?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Au contraire! Mais non, ça ne me fatigue pas. Je voudrais vous garder toujours devant moi.
Les articles 1 et 2 sont adoptés.
Le comité étudie l'article 3 qui se lit comme suit:
"3. Les dispositions de la précédente section 2, de la présente loi s'appliqueront aux licences payables en vertu de l'article 119 de la loi des licences de Québec le et après le 1er mai 1932."
L'article 3 est retiré.
L'article 4, devenu l'article 3, est adopté.
Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a adopté avec un amendement. L'amendement est lu deux fois et adopté.
L'honorable M. Stockwell (Brome) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté sur division.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Droit d'emprunter du fidéicommissaire
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 174 modifiant la loi des pouvoirs spéciaux de certaines corporations relativement au droit du fidéicommissaire d'emprunter en certains cas soit maintenant lu une deuxième fois.
Adopté sur division. Le bill est renvoyé au comité permanent des bills publics en général.
Subsides
L'honorable M. Stockwell (Brome) propose, selon l'ordre du jour, la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.
Adopté6.
En comité:
L'honorable M. Stockwell (Brome) propose: Qu'un crédit n'excédant pas quatre millions cinq cent mille dollars soit ouvert à Sa Majesté pour la construction, réparation et entretien des chemins, pour l'exercice finissant le 30 juin 1934.
M. Guertin (Hull): L'honorable ministre de la Voirie (l'honorable M. Perrault), auquel nous reconnaissons un grand talent d'administrateur, ne pense-t-il pas que, s'il économisait $1,000,000, il pourrait assurer des pensions aux vieillards?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Pour l'entretien et la réparation des chemins, il nous faut ce montant. L'item a déjà été considérablement réduit, de près d'un demi-million.
M. Guertin (Hull): On parle de construction. Pourquoi?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Parce que l'item a toujours été présenté comme cela. Nous ne faisons d'ailleurs pas de constructions nouvelles. Nous entretenons simplement nos routes en existence. L'entretien nous coûte une moyenne de $370 du mille. Nous avons 14,000 milles de chemin, dont 11,000 sont pavés. J'ai l'intention de demander à nos fournisseurs de matériaux de réduire leurs prix parce que le prix de la pierre a diminué.
M. Béïque (Chambly): L'amiésite dont on se sert pour paver les routes est-il un produit recommandable? Est-ce qu'il y a un grand nombre de compagnies qui vendent de l'amiésite?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): L'amiésite est un produit patenté. Il a été découvert par le Dr James Miles, aux États-Unis. Il donne entière satisfaction.
M. Duplessis (Trois-Rivières): Il a été retrouvé au département de la Voirie.
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Il a été retrouvé avant mon arrivée au département.
M. Gault (Montréal-Saint-Georges): Je vois que l'honorable ministre abandonne son crédit de $150,000 pour la suppression des traverses à niveau. Pourquoi?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Parce que le gouvernement fédéral ne veut plus payer sa part. Depuis trois ans, nous avons aboli 43 traverses à niveau dans la province. Nous allons cependant supprimer la traverse à niveau de Vaudreuil, qui est une des plus dangereuses sur la route Montréal-Ottawa.
M. Gault (Montréal-Saint-Georges): C'est une traverse de la mort.
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Oui, et nous avons fait un arrangement avec le C.N.R. pour la supprimer.
M. Duplessis (Trois-Rivières): Il y a trois lois de la Voirie dont une permet au ministère de dépenser avec autorisation par ordre en conseil, ainsi que la loi des $17,000,000, qui autorise le ministre de la Voirie à dépenser de ce montant dans une période d'années pour la construction des routes. Combien le gouvernement a-t-il dépensé en vertu de cette loi de 1929?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Je crois avoir répondu à une question de mes honorables amis à ce sujet. Au 30 mars, nous avions dépensé $11,786,0007 sur les $17,000,000.
M. Duplessis (Trois-Rivières): Cette loi est extraordinaire et antiparlementaire. Elle me paraît être un chèque en blanc qui permet au ministre de dépenser des millions, sans que les députés soient mis au courant des projets du ministre. C'est un procédé qui a été condamné avec force par l'honorable M. Lapointe8, le libéral le plus distingué de la province de Québec, à Ottawa. Que pense l'honorable ministre de l'opinion de l'honorable M. Lapointe? Est-il de son avis?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Non. Il s'agissait d'appliquer cette somme dans un but défini: la construction et l'entretien des routes de Québec. Quand l'usage de l'argent que l'on obtiendra par un chèque en blanc est bien déterminé, il n'y a pas de mal. À Ottawa, l'honorable M. Lapointe a condamné la demande d'un chèque en blanc pour des travaux indéfinis, des dépenses vagues. Il n'y a pas de comparaison entre le mandat donné à M. Bennett contre lequel M. Lapointe a protesté en Chambre des communes, qui autorisait le premier ministre à faire n'importe quoi pour le maintien de la paix, de l'ordre, du bon gouvernement au Canada, du règlement du chômage, etc. Ottawa voulait un chèque en blanc, sans spécifier l'usage que le gouvernement ferait de cet argent. La loi des $17,000,000 spécifie comment cette somme doit être dépensée. On sait pour quelle fin cet argent est dépensé.
M. Duplessis (Trois-Rivières): Au contraire, on ne sait pas pourquoi. Le département de la Voirie a le droit de dépenser l'argent qu'il veut. C'est un pouvoir extraordinaire. Ce ne sera pas seulement pour l'entretien mais pour la construction, le revêtement, l'élargissement, les expropriations, les réparations, etc. C'est un chèque en blanc tout comme celui de M. Bennett. Le ministre peut, si ça lui chante, dépenser des millions de dollars, et comme question de fait, il les dépense. Voilà pourquoi le gouvernement a dépassé d'une somme de $225,300 le montant de $5,917,000 voté l'an dernier et que la loi lui permettait. Il a pensé que la loi l'autorisait à faire passer un arrêté ministériel. Il n'y a que pour les institutions d'assistance publique que les arrêtés ministériels sont impossibles.
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): En vertu d'une des lois que mon honorable ami a citées, le département a le droit en effet de faire les dépenses nécessaires lorsqu'elles sont autorisées par ordre en conseil. Au contraire, nous avons dépensé $565,000 de moins en vertu de ce que nous étions appelés à dépenser par la loi des $17,000,000. Le $225,000 a été dépensé sous l'autorisation d'un arrêté ministériel.
M. Duplessis (Trois-Rivières): Le contrôle des députés sur la dépense publique est illusoire, inexistant. Le gouvernement, qui a passé une loi lui permettant de dépenser n'importe quoi pour les chemins, vient nous dire ensuite qu'il ne peut payer les dettes pressantes aux institutions de charité. Il y a certainement un manque d'équilibre et de sens commun.
Le département paye son huile bien cher. Est-ce que le département achète de l'huile et de la gazoline d'une seule compagnie? Je constate qu'à l'état 48, dans les Comptes publics, que l'Excel Petroleum revient souvent, à tous les six ou huit pages, où diverses sommes lui sont payées pour de la gazoline et aussi de l'huile.
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Le gouvernement a acheté de cette compagnie une quantité relativement faible, si on fait une comparaison avec l'Imperial Oil et autres.
M. Duplessis (Trois-Rivières): J'aimerais à connaître le nom des directeurs, du président ou du directeur-général.
L'honorable M. Perrault (Arthabaska) donne les noms des directeurs. Je l'ai déjà dit dans une réponse à une question au feuilleton, c'est un M. Paradis de Montréal qui est le président.
M. Duplessis (Trois-Rivières): Habite-t-il Montréal depuis longtemps?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Environ depuis deux ans.
M. Duplessis (Trois-Rivières): Ce M. Paradis que le ministre vient de nommer est, si je ne me trompe, un de ses organisateurs ou un de ses anciens organisateurs politiques?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Bien, c'est un ami qui a travaillé pour moi déjà. Je n'ai rien à cacher. D'ailleurs, il ne faut pas se scandaliser avec le cas de l'Excel Petroleum, car un bon nombre d'autres compagnies ont vendu de l'huile et de la gazoline au ministère. En fait, elles en ont vendu beaucoup plus que l'Excel, comme par exemple, l'Imperial Oil avec 180,684 gallons, et à prix plus élevé que ceux de l'Excel. Nous avons aussi acheté 192,000 gallons de gazoline de la British American Oil.
Quant à l'huile, nous voulions une huile de toute première qualité, ce qui a restreint forcément le nombre de vendeurs. Nous tenions à n'utiliser que de l'huile de premier choix, à cause de notre machinerie. Il est incroyable comme le choix de l'huile est important pour la durée et le bon fonctionnement de la machinerie. Or, le ministère a des automobiles pour une somme de $1,500,000.
Nous avons fait examiner l'huile de l'Excel Petroleum, en même temps que les échantillons des autres compagnies que je ne nommerai pas. Nous avons acheté de l'huile et de la gazoline de cette compagnie parce que la marchandise, d'après le rapport d'analyse d'un chimiste, M. Lucien Gravel, est de 25 %9 supérieure à celle des autres compagnies. Et il est de toute première importance que nous n'employions que de la bonne huile.
M. Duplessis (Trois-Rivières): L'huile de l'Excel Petroleum est supérieure à ce point, et le ministre n'en a acheté qu'une petite quantité? C'est une explication boiteuse. Si l'huile est si merveilleuse, si bonne qu'elle dépasse de 25 % toutes les autres et est, en plus, meilleur marché, le gouvernement aurait dû s'approvisionner uniquement de cette marchandise supérieure. Pourquoi le ministre a-t-il acheté de l'huile ailleurs, de l'huile inférieure et à prix plus élevé?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Parce que nous voulons en acheter de plusieurs compagnies. Nous demandons des prix à toutes les compagnies. Les prix varient pour l'huile de $1 à $1.77 le gallon, et cela comprend le transport.
M. Béïque (Chambly): Sur sa parole d'honneur, le ministre peut-il affirmer qu'il n'a pas fait un peu de patronage en faveur de son ami, son organisateur?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Je n'ai voulu faire aucune faveur. C'est une compagnie canadienne dont la tête est même canadienne-française. J'ai préféré encourager une telle compagnie qui nous fournissait un produit supérieur, de bonne qualité, à meilleur compte. Les analyses des échantillons d'huiles ont été faites pour en connaître le rendement. Personne ne peut le reprocher.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Si le ministre entretient de tels sentiments patriotiques, si la marchandise est supérieure, si les prix sont favorables, le ministre n'est pas excusable de ne pas avoir acheté plus d'huile de cette compagnie.
M. Duplessis (Trois-Rivières): Le ministre nous dit que son ministère a acheté de l'huile de son organisateur en chef et ami, M. Paradis, qui est président de l'Excel Petroleum. Il a fait analyser cette huile, on ne sait trop pour quelle raison. Et cette huile, dit le ministre, était de 25 % supérieure en qualité aux autres huiles, quoique moins chère. Pourquoi alors acheter l'huile inférieure de 25 % ailleurs, à prix plus haut, quand le ministre nous signale l'importance extraordinaire du $1,000,000 de machinerie? Quand il achetait d'autre huile, il ne pensait donc plus à son $1,000,000 de machinerie?
Le ministre sait, qu'en fait, le prix payé à l'Excel était plus élevé que le prix payé pour la même huile à d'autres compagnies. J'ai reçu sur ce point plusieurs témoignages. Le ministre achetait de son ami et organisateur en chef et il a fait faire l'analyse parce qu'il craignait d'être accusé de favoritisme.
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Je n'ai pas demandé de soumissions pour l'huile et la gazoline, mais on m'a envoyé des cotations, des prix. Il est difficile de demander des soumissions parce qu'il n'y a pas deux huiles pareilles.
M. Béïque (Chambly): Le département a acheté la gazoline 29½ ¢ le gallon, taxe comprise, quand la meilleure gazoline au détail coûte 30 ¢. Est-ce là le prix de gros que le gouvernement peut obtenir pour les quantités considérables qu'il achète tous les ans?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Nous payons la taxe sur la gazoline comme tous ceux qui se servent de voitures automobiles. Le département achète de la gazoline un peu à tous les prix, en quantités diverses suivant les besoins et les demandes, ce qui explique que les prix peuvent paraître parfois élevés.
M. Barré (Rouville): Une circulaire de l'Excel Petroleum donne des prix inférieurs à ceux payés par le ministre à cette même compagnie. L'huile vendue par l'Excel au prix de 82 ¢ alors que le département paye $1.10 et même $1.20.
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): C'est que ce n'est pas la même huile ni de la même qualité. Voilà qui explique la différence du prix. Le département a trouvé l'huile de l'Excel supérieure aux autres et les prix étaient comparativement plus avantageux.
M. Duplessis (Trois-Rivières): Ce n'était donc pas une huile spéciale. Il est curieux que l'ami de coeur du ministre, son ancien organisateur en chef, qui dit vendre la meilleure huile au monde la vende 88 ¢ au public et $1.10 au ministre. La sorte d'huile vendue par l'Excel Petroleum était vendue ailleurs à meilleur marché que le ministère l'a payée, et le ministre le sait parce qu'on le lui a écrit.
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Le ministère n'a pas fait de favoritisme en faveur de l'Excel. Il a acheté 350,000 gallons de gazoline de l'Imperial Oil depuis deux ans contre 37,000 à l'Excel. Le prix a varié de 22 ¢ à 32 ¢ le gallon. Et l'Excel a vendu à meilleur marché que l'Imperial. Le ministère a fait si peu de favoritisme qu'il en a acheté de plus grandes quantités et à plus haut prix d'autres compagnies.
M. Duplessis (Trois-Rivières): Comment il se fait qu'une compagnie de vente pure et simple puisse si bien arriver? Il serait extraordinaire que l'ami du ministre, son ancien organisateur en chef, pût avoir autant de prestige que l'Imperial Oil, filiale de la Standard Oil ou que la McColl Frontenac et pût offrir des prix plus avantageux avec un produit supérieur aux produits de ces compagnies.
Et c'est tellement anormal que le ministre a senti le besoin d'éparpiller les montants dus à l'Excel dans cinq ou six pages des Comptes publics. Le ministre a si bien arrangé ça qu'il faut parcourir cinq ou six pages pour rapailler les montants.
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Les Comptes publics présentent les faits de la même manière que la comptabilité gouvernementale. Le département a plusieurs garages et les Comptes publics offrent les comptes complets pour chaque garage.
M. Duplessis (Trois-Rivières): C'est tellement bien arrangé dans les Comptes publics que je vois un item: petits comptes, $304,000. Ce sont des petits comptes importants? Et plus loin: salaires, $10,000 sans qu'on sache ce que cela peut bien représenter.
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Ce sont des comptes provenant de nos 36 garages dans 34 divisions. Nos chefs divisionnaires ont droit d'acquitter tout compte n'excédant pas $25. Nous donnons dans les Comptes publics les dépenses par garage.
M. Duplessis (Trois-Rivières): Les dépenses par garage ne nous intéressent pas, mais ce qui intéresse la Chambre qui a le droit de contrôler les dépenses, c'est de savoir combien le gouvernement a payé à telle ou telle compagnie. Ces gens-là ont pu acheter de l'huile, de la gazoline, en acheter de l'Excel par exemple?
Les explications du ministère sont décidément contradictoires chez un homme habitué à être plus conséquent. Il y a évidemment anguille sous roche. Il nous dit que l'huile Excel est de 25 % supérieure aux autres, qu'elle est moins chère, qu'elle est indispensable pour son million de machines. L'Excel est, en plus, contrôlée par un Canadien français. Cependant, il néglige cette si bonne huile qui coûte si bon marché, vendue par un bon Canadien français, pour en acheter de qualité inférieure à prix plus élevé ailleurs.
L'étude de la résolution est suspendue.
Ajournement
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, appuyé par le représentant de Châteauguay (l'honorable M. Mercier fils), que, lorsque cette Chambre s'ajournera, elle soit ajournée à jeudi, 3 heures.
Adopté.
La séance est levée à 11 h 40.
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NOTES
1. Selon L'Événement du 6 avril 1933, à la page 4, les députés se prêtent à la prise d'une photographie, puis retournent à leur siège et débutent le travail sessionnel. Cette photo paraît dans Le Soleil du vendredi 7 avril 1933, à la page 3.
2. Des amendements ont été apportés aux articles 7 et 13. Toutefois, les journaux ne rapportent aucun débat à ce sujet.
3. L'amendement du député de Joliette est mis en voix: les députés de la droite votent pour, à l'exception du député de Montréal-Saint-Louis qui vote contre. Les députés de l'opposition s'abstiennent, selon L'Événement du 6 avril 1933, à la page 4.
4. Certaines des dispositions de ce bill auraient dû être recommandées par le lieutenant-gouverneur, avant d'être incorporées dans le bill.
5. M. J.-A. Bégin, contrôleur du revenu, vient s'asseoir à côté de l'honorable M. Stockwell, afin de renseigner la Chambre, selon L'Événement du 6 avril 1933, à la page 4.
6. M. J.-L. Boulanger, sous-ministre de la Voirie, vient s'asseoir à côté de l'honorable M. Perrault, afin de renseigner la Chambre, selon L'Événement du 6 avril 1933, à la page 4.
7. Le Soleil du 6 avril 1933, à la page 7, parle du 10 mars courant.
8. M. Ernest Lapointe, député libéral de Québec-Est depuis 1919.
9. Selon L'Événement du 6 avril 1933, à la page 4, c'est de 20 % supérieur.