Débats de l'Assemblée législative (débats reconstitués)
Version finale
18e législature, 1re session
(3 novembre 1931 au 19 février 1932)
Le lundi 1 février 1932
Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.
Présidence de I. Vautrin
La séance est ouverte à 8 h 401.
Absence de l'Orateur
M. le Greffier fait part à la Chambre de l'absence de l'Orateur (l'honorable T.-D. Bouchard).
Prière.
M. l'Orateur suppléant: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!
Loi des mines
L'honorable M. Perrault (Arthabaska), appuyé par le représentant de Drummond (l'honorable M. Laferté), demande la permission de présenter le bill 202 modifiant la loi des mines de Québec.
C'est afin d'empêcher que le gravier et le sable soient considérés comme des minerais. On veut empêcher l'exploitation que se permettent certains propriétaires de terrains miniers, en prétendant que le sable et le gravier de leur propriété faisaient partie de leur mine, et qui exigent des prix exorbitants. De cette façon, nous ne serons pas empêchés d'ouvrir des routes dans les régions minières.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Loi des salaires des ouvriers employés aux travaux pour remédier au chômage
M. Messier (Verchères), appuyé par le représentant de Témiscamingue (M. Piché), demande la permission de présenter le bill 168 modifiant la loi concernant les salaires et les gages des ouvriers et journaliers employés aux travaux entrepris pour remédier au chômage2.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Code de procédure civile, articles 313, 339 et 1178
M. Casgrain (Rivière-du-Loup), appuyé par le représentant de Portneuf (M. Gauthier), demande la permission de présenter le bill 169 modifiant les articles 313, 339 et 1178 du Code de procédure civile.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Loi des terres et forêts, article 72
L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay), appuyé par le représentant de Lotbinière (l'honorable M. Francoeur), demande la permission de présenter le bill 33 modifiant l'article 72 de la loi des terres et forêts.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Loi des assurances
L'honorable M. Taschereau (Montmorency), appuyé par le représentant d'Arthabaska (l'honorable M. Perrault), demande la permission de présenter le bill 214 modifiant la loi des assurances de Québec.
À la suite du jugement du Conseil privé, il a été décidé que les compagnies d'assurances tombent sous la juridiction des provinces, même si elles ont une charte fédérale. Il s'agit par le présent bill d'harmoniser la loi provinciale au sujet des compagnies à charte fédérale. Par notre loi, nous voulons exercer un contrôle sur les compagnies d'assurances. Cette mesure n'est que temporaire, car le gouvernement envisage une refonte complète de la loi des assurances.
M. Gault (Montréal-Saint-Georges): Des problèmes de plus pour les compagnies d'assurances, je suppose.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je ne crois pas que mon honorable ami devrait considérer comme un problème le fait que les compagnies d'assurances qui opèrent dans la province tombent sous sa juridiction.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Loi des dettes et des emprunts municipaux
L'honorable M. Taschereau (Montmorency), appuyé par le représentant d'Arthabaska (l'honorable M. Perrault), demande la permission de présenter le bill 215 modifiant l'article 3 de la loi des dettes et des emprunts municipaux.
M. Gault (Montréal-Saint-Georges): Qu'est-ce que c'est?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je dois avouer que je l'ignore. Il a été préparé par des officiers de loi de mon département, mais nous aurons les explications lors de la deuxième lecture.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Désignation et enregistrement du droit de coupe de bois
L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay), appuyé par le représentant de Lotbinière (l'honorable M. Francoeur), demande la permission de présenter le bill 217 modifiant le Code civil relativement à la désignation et l'enregistrement du droit de coupe de bois.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Dépôt de documents:
Retour à la terre, correspondance avec le fédéral
L'honorable M. David (Terrebonne) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à une adresse, en date du 26 janvier 1932, demandant la production de copie de documents et de correspondance entre le gouvernement fédéral et celui de la province, relatifs au retour à la terre. (Document de la session no 46)
Questions et réponses:
Route nationale Québec-Saint-Jérôme et Hébertville
M. Guertin (Hull): 1. Un nommé J.-Raoul Desbiens, d'Hébertville-Station, Lac-Saint-Jean, a-t-il obtenu du gouvernement de cette province un contrat pour la construction d'une partie de la route nationale Québec-Saint-Jérôme et Hébertville?
2. Dans l'affirmative, à quelle date ce contrat a-t-il été signé?
3. Quelle longueur de chemin doit-il faire et quelle est la nature de ce travail?
4. Quel était l'estimé de la valeur de ce travail?
5. Quel est le montant accepté pour ce contrat et comment est-il payable?
6. Le gouvernement a-t-il demandé des soumissions et dans la négative, pourquoi?
7. Le contracteur a-t-il donné des garanties et dans la négative, pourquoi?
8. Le gouvernement a-t-il obligé le contracteur à employer les travailleurs sans distinction de couleur politique?
9. Quand le contrat doit-il être terminé?
10. Depuis quelle date les travaux en question sont-ils suspendus et pourquoi?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): 1. Oui.
2. Le 24 novembre 1931.
3. Une longueur de 2.42 milles sur une largeur de 60 pieds entre les clôtures. Les travaux consistent en défrichement, terrassements, fossés, clôtures, ponceaux, murs en pierre et gravelage.
4. $47,623.82.
5. L'entrepreneur exigeait $52,678.36, mais il a accepté de faire les travaux pour le montant de l'estimation. Ce montant est payable de la façon suivante: "Les travaux exécutés par l'entrepreneur dans le cours d'un mois lui sont payés dans le cours du mois suivant, après déduction du prix des matériaux que le ministre a convenu d'acheter, et des retenues."
6. Non. Ces travaux devaient être faits par les chômeurs de la région du Lac-Saint-Jean, spécialement par ceux d'Hébertville, et afin de ne pas retarder le travail, le département a accordé le contrat pour le montant de l'estimation faite par ses ingénieurs.
7. Lors des paiements, il est fait une retenue de 10 % sur la valeur des travaux exécutés; cette retenue est payée à l'entrepreneur un an après l'exécution des travaux sur la valeur desquels elle a été faite.
8. Le contrat n'en parle pas.
9. En 1932.
10. Le 8 décembre 1931, suivant l'ordre de l'ingénieur du département, à cause de l'impossibilité d'exécuter les travaux de terrassements durant l'hiver à cet endroit.
Route de l'Église de Saint-Bruno du Lac-Saint-Jean
M. Guertin (Hull): 1. Le gouvernement a-t-il payé des extra en plus des prix du contrat donné à Paul Tremblay, d'Hébertville-Station, pour le remplissage de deux coulées dans le chemin de front du rang de l'Église de Saint-Bruno du Lac Saint-Jean en 1930 et 1931?
2. Dans l'affirmative, quel montant a-t-il payé et pour quels extra?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): 1. Non.
2. Répondu au No 1.
The Viewmount Land Company Limited
M. Marchand (Jacques-Cartier): La Chambre procède à la deuxième lecture des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 85 concernant la Viewmount Land Company Limited.
Les amendements sont lus une deuxième fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.
Ville de Plage Laval
M. Filion (Laval) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 111 constituant en corporation la ville de Plage Laval.
Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.
M. Filion (Laval) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Agents de perception
M. Desmarais (Richmond) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 164 concernant les agents de perception soit maintenant lu une deuxième fois.
Adopté sur division. Le bill est renvoyé au comité permanent des bills publics en général.
Baux de maisons
M. Poulin (Montréal-Laurier) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 166 modifiant le Code civil relativement aux baux de maisons soit maintenant lu une deuxième fois.
Adopté sur division. Le bill est renvoyé au comité permanent des bills publics en général.
Loi des mines
L'honorable M. Perrault (Arthabaska) propose, selon l'ordre du jour et appuyé par le représentant de Drummond (l'honorable M. Laferté), qu'à sa prochaine séance la Chambre se forme en comité général pour prendre en considération un projet de résolution relative au bill 202 modifiant la loi des mines de Québec.
Adopté.
Loi des assurances
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour et appuyé par le représentant d'Arthabaska (l'honorable M. Perrault), qu'à sa prochaine séance la Chambre se forme en comité général pour prendre en considération un projet de résolutions relatives au bill 214 modifiant la loi des assurances de Québec.
Adopté.
Pont sur la rivière Batiscan et ponts de l'Île Perrot
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour et appuyé par le représentant d'Arthabaska (l'honorable M. Perrault), qu'à sa prochaine séance la Chambre se forme en comité général pour prendre en considération un projet de résolutions relatives au bill 216 modifiant les lois 10 George V, chapitre 5, et 11 George V, chapitre 9, concernant le pont sur la rivière Batiscan et les ponts de l'Île Perrot.
Adopté.
Loi des liqueurs alcooliques
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour prendre en considération un projet de résolutions relatives au bill 62 modifiant la loi des liqueurs alcooliques.
Adopté.
Il informe alors la Chambre qu'il est autorisé par Son Honneur le lieutenant-gouverneur à soumettre ledit projet de résolutions et que Son Honneur en recommande la prise en considération.
En comité:
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose: 1. Qu'il sera défendu de vendre des alcools ou des spiritueux en bouteilles, à moins qu'un timbre spécial émis et oblitéré conformément à la loi des timbres (statuts refondus, 1925, chapitre 24), ne soit apposé sur chaque bouteille.
2. Que ces timbres porteront les dénominations suivantes:
a. Cinq centins si la capacité de la bouteille est de treize onces ou moins; ou
b. Dix centins si la capacité de la bouteille est de treize onces mais n'excède pas vingt-sept onces; ou
c. Quinze centins si la capacité de la bouteille excède vingt-sept onces.
3. Que ces timbres seront achetés d'avance par la Commission des liqueurs de Québec et fournis par le trésorier de la province.
4. Que cette taxe, qui sera désignée comme taxe du chômage, sera payable par l'acheteur des alcools ou des spiritueux à ladite commission qui, en ce cas, agira comme agent du revenu de la province.
5. Que le produit de la vente de ces timbres sera versé, par le trésorier de la province, à un fonds spécial affecté au remboursement, en capital et intérêts, des emprunts qui ont été ou seront faits, aux fins de venir en aide aux chômeurs.
M. Barré (Rouville): De nouvelles taxes?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Il nous faut nécessairement créer des revenus. Je le dis tout de suite: pour rencontrer nos obligations, il nous faudra emprunter et c'est pour honorer cet emprunt que nous imposons cette taxe. Nous avons besoin des produits de cette taxe pour faire face aux obligations contractées, particulièrement par le coût des travaux de chômage. Nous avons dépensé énormément pour les travaux du chômage. Quand la limite accordée pour l'exécution des travaux sera atteinte, soit pendant les deux années qui se termineront le premier juin prochain, nous aurons dépensé $9,000,000 pour notre part.
M. Barré (Rouville): Ce neuf millions de dollars comprend-il l'aide fédérale?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Non! Cette aide a été fournie par la province de Québec. C'est plus que la moitié de la somme dépensée par le gouvernement Bennett pour les mêmes fins. Nous avons été généreux, trop généreux peut-être pour nos amis de la gauche.
J'ai déclaré, au cours des débats sur le discours du trône et le budget que cette année nous ne pourrions faire autant si nous n'avions pas de revenus. Certains journaux3 ont fait du bruit, se sont scandalisés parce que nous sommes à découvert avec les banques de $14,000,000. Mais la chose ne doit pas surprendre. Car, sur les $9,000,000 pour les travaux de chômage, nous n'avons emprunté que $2,300,0004. Le reste, soit $7,000,000 a été pris à même le fonds consolidé5. Je ne le cache pas, pour rencontrer ces obligations supplémentaires, il faudra emprunter.
Nous devons emprunter pour réaliser cela, car nous ne pouvons laisser l'éducation, l'agriculture, les routes et la colonisation manquer d'argent. Nous exigeons un droit de cinq cents sur les liqueurs alcooliques en quantité de moins de 13 onces, de dix cents pour une quantité de 13 à 27 onces, de 15 cents pour les quantités de 27 à 40 onces. Cette taxe ne pèsera en somme que sur ceux qui se permettent le luxe des liqueurs fortes. Ces gens-là peuvent très bien payer une petite taxe. Ils ne s'en rendront pas compte, mais c'est avec des sous que nous trouverons les sommes nécessaires pour rencontrer nos obligations.
Si l'estimé des officiers de notre département est correct et si les ventes de liqueurs alcooliques de l'année prochaine sont les mêmes que celles de cette année, nous devrions recueillir quelque chose comme $450,000, soit un total suffisant pour nous permettre de payer l'intérêt sur ce que nous serons obligés d'emprunter, et même de créer un fonds d'amortissement, comme le dit la dernière résolution: "...sera versé, par le trésorier de la province, à un fonds spécial affecté au remboursement, en capital et intérêts, des emprunts qui ont été ou seront faits, aux fins de venir en aide aux chômeurs."
J'espère que la population acceptera cette nouvelle obligation sans récriminations. Ceux qui trouveront cela dispendieux pourront acheter autre chose que des liqueurs alcooliques, soit la bière et les vins qui sont exemptés. Cela sera conforme d'ailleurs à notre politique qui a toujours été de vulgariser l'usage des vins de préférence aux spiritueux.
Cela satisfera tous ceux qui croient que la consommation des boissons légères devrait être encouragée et ce sera conforme également avec la politique de tempérance du gouvernement. Avec cette loi, nous ne taxons pas les vins, même les plus dispendieux.
Nous voulons continuer à développer l'usage des vins.
M. Barré (Rouville): Les municipalités ont contribué aussi6.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Nous avons dépensé près de $9,000,000 l'an passé et cette année, et cela ne comprend pas les montants fournis par le fédéral et les municipalités. Quelques municipalités, cette année, n'ont contribué souvent que pour 10 %, voir même 5 % et 2 %, et d'autres n'ont contribué pour rien du tout.
Et puisque la question est soulevée, il est bon de dire que l'on exploite un sentiment à tort. C'est peut-être aussi bien que la population de notre province le sache. Il y a des députés fédéraux qui parcourent les comtés de la province en disant ceci aux gens, aux municipalités: "Nous vous donnerions davantage si Québec voulait contribuer autant que nous". Cependant, c'est Ottawa qui nous a imposé une limite que nous ne pouvons pas dépasser. Il n'est donc pas juste de parler de la sorte. Ce n'est pas la vérité. Ceux qui affirment qu'il ne dépend que de Québec qu'Ottawa dépense n'importe quel montant font acte de mauvais citoyens.
Québec a fait sa large part. Nous, de la province de Québec, avons dit que nous sommes au bout de nos ressources pour ce qui est de s'engager dans des travaux de cette sorte. Et nous savons que telle est la position d'Ottawa; ils ne peuvent aller plus avant dans les dépenses de pareilles sommes pour l'aide au chômage. Cela a été dit publiquement.
Et je voudrais que le gouvernement fédéral fasse une déclaration analogue, indiquant que nous avons accompli notre large part, pour bien mettre les choses au point. Je ne crains pas de l'affirmer: Ottawa a fait généreusement sa part, il a bien fait les choses, de même que les municipalités, mais la province ne s'est pas laissée devancer et elle a été très généreuse. Nous avons fait largement la nôtre.
M. Chouinard (Gaspé-Sud): Je suis heureux des paroles du premier ministre. Représentant d'une division qui a fait souvent appel au comité du chômage, je suis fier de dire que la province a fait son devoir. Dans certaines municipalités de mon comté, la part des municipalités n'a été que de 10 %, le reste de leur part étant payée par la province. Chacun a fait sa part, et l'on devrait parler avec plus de sincérité que quelques-uns le font. Les députés fédéraux évitent leurs responsabilités.
Que l'on soit donc sincère. Que l'on ménage les représentants du peuple. Nous avons donné tout ce que nous pouvions. Ce n'est pas le temps, il me semble, d'essayer de soulever les foules.
Je crois que le fédéral et le provincial ne peuvent faire davantage, et l'on devrait avoir le courage de dire que l'initiative privée doit maintenant se préoccuper du sort des chômeurs. Cessons d'exploiter le peuple en donnant tort à qui n'en a pas. Aujourd'hui, nous devons dire aux gens: "Ayez un peu d'initiative". Les gouvernements ne peuvent pas toujours vous aider comme ils l'ont fait. Ottawa a fait son devoir, Québec l'a fait doublement.
M. Taschereau (Bellechasse): J'abonde entièrement dans le sens du député de Gaspé-Sud. Je représente le comté de Bellechasse qui compte 17 paroisses. De ce nombre dix ou douze ont fait appel pour des travaux de chômage. M. Eugène Dussault, commissaire fédéral du chômage, a répondu que les municipalités devaient au gouvernement provincial de verser une contribution de 30 % dans les travaux de chômage et que, si Québec le voulait, le permettait, les municipalités n'auraient pas à donner plus de 5 à 10 %. Je demanderais à M. Dussault de prendre ses responsabilités comme le provincial sait prendre les siennes.
La province a pris en juste considération toutes les demandes qui lui ont été faites là-dessus, par l'entremise du comité pour le fonds d'aide aux chômeurs qu'il a formé, et je suis convaincu que l'ensemble des municipalités sont satisfaites de la manière dont les choses ont été menées. S'il est arrivé accidentellement des conflits, c'est dû à des ingérences comme celles dont j'ai parlé. C'est injuste et c'est une mauvaise politique que de tenir un tel langage, sachant qu'il est absolument faux. Rien n'apparaît plus faux, quand on sait ce qu'a fait et ce que fait encore le gouvernement de cette province.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Lorsque l'an dernier, nous avons formé un comité du chômage, nous avons frappé à la porte des deux partis de notre province et nous n'avons reçu de blâme de personne: nous avons fait appel à des rouges et à des bleus. Tout a bien été et nous nous sommes bien accordés avec le fédéral. Nous nous sommes toujours bien entendus avec l'honorable M. Robertson ou les officiers de son département.
Mais l'erreur qu'Ottawa a faite cette année, ça été de mettre l'administration du chômage entre les mains d'un partisan comme M. Dussault, un candidat archibattu aux dernières élections et qui n'est pas capable de s'élever au-dessus de la politique pour traiter du chômage. Si ça ne va pas, c'est dû à M. Dussault qui explique les refus légitimes d'Ottawa en prétextant que le provincial ne veut pas consentir tel octroi. La vérité c'est que ni l'un ni l'autre gouvernement ne veut accorder des demandes illégitimes. Je le répète, avec Ottawa tout a bien marché.
M. Barré (Rouville): M. Dussault est absent.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Ça ne m'étonne pas qu'il soit absent: il a été battu six fois.
M. Barré (Rouville): Ce dont il s'agit ici c'est d'une taxe nouvelle. Les dépenses de chômage doivent être temporaires. Il faut prendre le mal à la racine. Il me semble que le gouvernement devrait prendre, pour régler la situation, ses obligations, d'autres moyens que ceux des petites taxes.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Quel autre moyen avez-vous à nous suggérer?
M. Barré (Rouville): On aurait pu être plus prévenant. Si le gouvernement s'était préoccupé plus vite, davantage, du sort de l'agriculture, si les cultivateurs avaient été plus encouragés à demeurer sur la terre, si on leur avait permis de faire une concurrence avantageuse à leurs voisins dans la vente des produits de la ferme, si on leur eût assuré de meilleurs marchés, une meilleure et plus solide instruction, de plus sûrs moyens de vivre, nous n'aurions pas une agriculture en désarroi; on eût gardé le cultivateur chez lui et, aujourd'hui, on ne l'aurait pas sur les bras et l'on ne serait pas obligé de dépenser des millions pour le retourner à la terre. Si le gouvernement avait moins crié à l'industrialisation et veillé davantage à garder aux terriens une mentalité rurale, les gens de la campagne ne seraient pas venus augmenter le nombre de chômeurs. Il y aurait moins de chômeurs et moins de pensionnaires. Au cours de la dernière campagne, nous avons entendu souvent dire que si ça n'allait pas mieux, c'était la faute du fédéral.
M. Gault (Montréal-Saint-Georges): Le gouvernement a-t-il une idée du montant dont il aura besoin d'ici le 1er juillet?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): En tout, le gouvernement est obligé pour près de $9,000,000, desquels $2,800,000 ont été empruntés l'an dernier.
M. Gault (Montréal-Saint-Georges): Mais combien devrez-vous emprunter d'ici le 1er juillet?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Il va falloir emprunter d'ici le 1er juillet une somme de $6,000,000 environ. Cela doit être ajouté à la somme de $2,800,000 déjà empruntée l'an dernier, de sorte qu'à l'heure actuelle, les obligations du gouvernement pour les travaux de chômage sont exactement de $8,896,000.
M. Gault (Montréal-Saint-Georges): Je crois que nous tous de la province de Québec pouvons féliciter les autorités fédérale et provinciale du fait que nous n'ayons eu pratiquement aucun problème avec les chômeurs, eu égard à la manière dont les sommes ont été traitées. Mais je persiste à penser que le gouvernement semble ne pas avoir pris de mesures pour couper dans ses dépenses; s'il l'avait fait, nous aurions probablement pu éviter d'augmenter les taxes.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Dans le prochain budget, c'est-à-dire celui qui s'étend du 1er juillet 1932 au 1er juillet 1933, le chef de l'opposition, et il peut en être certain, verra que les dépenses ont été réduites.
Les résolutions sont adoptées.
Résolutions à rapporter:
Le comité fait rapport qu'il a adopté plusieurs résolutions, lesquelles sont lues deux fois.
Loi de la police et du bon ordre
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité général pour prendre en considération un projet de résolution relative au bill 31 modifiant la loi de la police et du bon ordre.
Adopté.
Il informe alors la Chambre qu'il est autorisé par Son Honneur le lieutenant-gouverneur à soumettre ledit projet de résolution et que Son Honneur en recommande la prise en considération.
En comité:
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose: Que le lieutenant-gouverneur en conseil pourra fixer le montant de la solde des officiers de police mentionnés dans la section 1 de la loi qui accompagne la présente résolution.
La résolution est adoptée.
Résolutions à rapporter:
Le comité fait rapport qu'il a adopté une résolution, laquelle est lue deux fois et adoptée.
Il est ordonné que ladite résolution soit renvoyée au comité général chargé d'étudier le bill 31 modifiant la loi de la police et du bon ordre.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 31 modifiant la loi de la police et du bon ordre soit maintenant lu une deuxième fois.
C'est une réorganisation de la police. La loi pourvoit à ce qu'il y ait un chef qui résidera soit à Québec, soit à Montréal. Si le chef est à Montréal, le chef-adjoint sera à Québec et vice-versa. Le bill pourvoit aussi à la classification des constables et donne au chef le pouvoir de suspendre lesdits constables. À Montréal, il y a actuellement 28 constables et 14 détectives provinciaux; à Québec, nous avons 56 constables et 16 détectives. Cela ne veut pas dire que Québec est moins vertueuse que Montréal. Le nombre de constables est plus considérable à Québec à cause de la surveillance qu'il faut exercer dans les édifices publics de la province qui sont plus nombreux à Québec qu'à Montréal.
Adopté. Le bill est renvoyé au comité général.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose que le Chambre se forme immédiatement en ledit comité.
Adopté.
En comité:
Le comité se réunit sous la présidence du député de Québec-Comté (M. Bédard).
Le comité étudie le paragraphe 6 de l'article 1 qui se lit comme suit:
"1. L'article 41 de la loi de la police et du bon ordre (statuts refondus, 1925, chapitre 68), est remplacé par le suivant:
"41. Le corps de police comprend:
"6. Lorsque le chef de la sûreté de la province de Québec réside dans la cité de Montréal, la personne nommée chef pour la division de Québec exerce ses fonctions dans le district d'appel de Québec, tel que compris et défini pour les fins de la Cour du banc du roi siégeant en appel, et il doit résider dans la cité de Québec;"
Le comité propose un amendement.
Ce paragraphe est amendé et se lit désormais comme suit:
"1. L'article 41 de la loi de la police et du bon ordre (statuts refondus, 1925, chapitre 68), est remplacé par le suivant:
"41. Le corps de police comprend:
"6. Lorsque le chef de la sûreté de la province de Québec réside dans le district de Montréal, la personne nommée chef pour la division de Québec exerce ses fonctions dans le district d'appel de Québec, tel que compris et défini pour les fins de la Cour du banc du roi siégeant en appel, et il doit résider dans le district de Québec;"
L'amendement est adopté.
Le comité étudie le paragraphe 7 de l'article 1 qui se lit comme suit:
"1. L'article 41 de la loi de la police et du bon ordre (statuts refondus, 1925, chapitre 68), est remplacé par le suivant:
"41. Le corps de police comprend:
"7. Lorsque le chef de la sûreté de la province de Québec réside dans la cité de Québec, la personne nommée chef pour la division de Montréal exerce ses fonctions dans le district d'appel de Montréal tel que compris et défini pour les fins de la Cour du banc du roi siégeant en appel, et il doit résider dans la cité de Montréal;"
Le comité propose un amendement.
Ce paragraphe est amendé et se lit désormais comme suit:
"1. L'article 41 de la loi de la police et du bon ordre (statuts refondus, 1925, chapitre 68), est remplacé par le suivant:
"41. Le corps de police comprend:
"7. Lorsque le chef de la sûreté de la province de Québec réside dans le district de Québec, la personne nommée chef pour la division de Montréal exerce ses fonctions dans le district d'appel de Montréal, tel que compris et défini pour les fins de la Cour du banc du roi siégeant en appel, et il doit résider dans le district de Montréal;"
L'amendement est adopté.
L'article 1 ainsi amendé est adopté.
Les articles 2 à 8 sont adoptés.
Le comité étudie l'article 9.
M. Gault (Montréal-Saint-Georges) demande quel sera le traitement du chef de la sûreté de la province?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Le traitement du chef de police est de $6,000, et celui du chef suppléant de $4,000. On présume que la clause touchant la rémunération vise en particulier à assurer un traitement raisonnable aux constables et détectives de la police provinciale.
M. Gault (Montréal-Saint-Georges) et M. Fisher (Huntingdon) demandent si la police provinciale était à la disposition de quiconque se trouvant victime de vols dans la province.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) affirme que des coûts doivent être garantis dans plusieurs cas.
M. Gault (Montréal-Saint-Georges) veut savoir si la centaine de constables spéciaux, qui opéraient à Montréal et dans le district lors de la dernière élection provinciale, ont été nommés par le chef provincial de police.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) explique qu'ils n'ont été nommés ni par le chef provincial, ni par le procureur général. C'est la magistrature de la métropole qui leur a fait prêter serment pour intervenir dans des cas urgents qui surviendraient lors de la situation électorale.
M. Gault (Montréal-Saint-Georges): Ne serait-il pas bon pour la province de suivre l'exemple des provinces des Prairies, qui ont déclaré qu'elles abandonneraient leurs propres polices pour confier la surveillance de leur province à la Gendarmerie royale du Canada?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Nous n'avons pas du tout l'intention d'abandonner la surveillance de notre province aux autorités fédérales, même si les autres provinces le faisaient.
L'article 9 est adopté.
Les articles 10 et 11 sont adoptés.
Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a adopté avec certains amendements. Les amendements sont lus deux fois.
Loi des cités et villes
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 211 modifiant la loi des cités et villes soit maintenant lu une deuxième fois.
Adopté sur division. Le bill est renvoyé au comité permanent des bills publics en général.
Code municipal
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 212 modifiant le Code municipal soit maintenant lu une deuxième fois.
Adopté sur division. Le bill est renvoyé au comité du Code municipal.
La séance est levée à 10 h 15.
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NOTES
1. The Quebec Chronicle du 2 février 1932, à la page 3, souligne que seulement quelques députés de plus que le nombre requis pour former le quorum étaient présents.
2. Relativement à la présentation de ce bill, Le Canada du 2 février 1932, à la page 7, écrit ce qui suit: "L'on demande des explications, mais il semble que seul le député de Verchères (M. Messier) puisse les donner et il n'était pas présent. L'on croit que ce bill a pour effet de contrecarrer la loi présentée par l'honorable M. Arcand sur l'insaisissabilité des salaires des chômeurs. Il est présenté dans l'intérêt des marchands, mais l'on doute qu'il soit adopté. D'ailleurs, le bill Arcand n'a de force, en somme, que pendant une durée de quelques mois seulement."
3. La Presse du 2 février 1932, à la page 9, écrit que ce sont les députés de l'opposition qui le prétendent.
4. L'Événement et The Gazette disent $2,800,000; L'Action catholique, La Patrie et La Presse, $2,000,000; Le Canada, plus de $2,000,000.
5. Le Devoir du 2 février 1932, à la page 2, emploie les termes "fonds ordinaires".
6. The Gazette du 2 février 1932, à la page 1, nous présente un texte très différent quant aux propos de M. Barré. La réponse du premier ministre est à peu près semblable à celle rapportée par les autres journaux, à l'exception des pourcentages qui sont carrément différents. Voici le texte de The Gazette:
M. Barré (Rouville): Vous dites que la province de Québec s'est engagée pour un montant de $9,000,000. Il faudrait donc multiplier par quatre pour obtenir le total de ce qui a été déboursé pour l'aide au chômage?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Pas nécessairement, puisqu'il y a des municipalités qui n'ont pas payé 25 %. Certaines n'ont payé que 10 et 15 % du total dépensé dans leur circonscription...