Par Aryane Babin
Le monde, le Canada et le Québec en 1928
Dix ans après la fin de la Grande Guerre, le Québec s’est remis des difficultés infligées par ce conflit. En 1928, les « années folles » battent leur plein et l’économie tourne à plein régime. Aucun signe ne laisse présager le krach boursier de l’année suivante.
Aux États-Unis, dès le mois d’août, une flambée boursière, causée par un abaissement des taux d’escompte, déclenche une vague de hausses des titres boursiers. La prospérité économique crée une poussée spéculative, notamment sur les actions industrielles. Et, tandis qu’une famine se déclare en Éthiopie en 1927-1928 et que la surproduction de café entraîne l’effondrement de l’économie brésilienne, Charles Lindbergh devient, les 20 et 21 mai 1927, le premier pilote à traverser l’océan Atlantique, de New York à Paris, sans escale.
Au Québec, le Parti libéral, qui domine la scène politique depuis 1897, tire avantage de la prospérité économique. Cette croissance est nourrie par la hausse des exportations et par l’augmentation des investissements étrangers dans l’exploitation des ressources naturelles de la province. De nombreuses centrales hydroélectriques et plusieurs usines de pâtes et papiers voient le jour. Les débuts de l’exploration minière engendrent la création de nouvelles villes à travers le Québec telle que Rouyn en Abitibi, fondée en 1926. Or, le développement hydroélectrique du Lac-Saint-Jean prend l’allure d’une tragédie aux printemps de 1927 et de 1928. Le rehaussement du niveau du lac, pour en régulariser le débit, inonde les terres agricoles de la région. Les agriculteurs font connaître leur mécontentement au gouvernement et demandent à la compagnie Duke-Price l’exécution de travaux de protection.
En plein essor, le développement industriel vient intensifier le mouvement d’urbanisation. Au début des années 1930, près de 60 % de la population québécoise habite dans les villes1. Montréal est le pôle industriel dominant de la province où s’impose la production de textile, de fer et d’acier. Quant à la ville de Québec, même si sa croissance est inférieure à celle de la métropole, son développement industriel est néanmoins en constante progression grâce à la production de chaussures, de corsets et de tabac.
En 1928, le paysage politique de ces deux municipalités change. À Montréal, Camillien Houde devient maire, le 2 avril, avec une avance de plus de 20 000 voix sur le candidat sortant, Médéric Martin. Quant à la ville de Québec, Joseph-Oscar Auger est élu maire, le 20 avril, avec une majorité de 2 294 voix contre l’ancien maire Télesphore Simard2.
D’importants projets sont mis en chantier pendant l’année 1928. L’Université de Montréal annonce la construction de nouveaux bâtiments sur le flanc du mont Royal et la compagnie Bell Canada installe son siège social dans la métropole. Les premières communications téléphoniques transatlantiques entre Paris et New York garantissent l’expansion de cette compagnie. L’essor industriel dans les régions se poursuit avec l’implantation de la Saint-Georges Woollen Mills à Saint-Georges de Beauce3. Parmi les premières à s’établir en Beauce, cette entreprise se spécialise dans le tissage de la laine.
Nommé archevêque de Québec le 24 février 1927, Mgr Raymond-Marie Rouleau est promu cardinal le 1er décembre de la même année. Le discours du trône souligne l’accession au cardinalat de Mgr Rouleau en spécifiant que « c’est un grand honneur pour Québec ». (10 janvier) Il est le troisième Canadien français à recevoir ce titre. Le 1er février 1928, c’est au tour de Mgr Georges Courchesne d’être désigné comme évêque du diocèse de Rimouski.
Le 30 juillet 1927, les deux fils du roi Georges V, les futurs Édouard VIII et Georges VI, sont en visite à Québec. Ils sont accompagnés par le premier ministre de la Grande-Bretagne Stanley Baldwin. Aux frais de la province, les notables invités dînent au Château Frontenac et sont reçus à Spencer Wood, résidence du lieutenant-gouverneur Narcisse Pérodeau. Louis-Alexandre Taschereau, premier ministre de la province, annonce pendant le discours d’ouverture de la session de 1928 que « ces distingués visiteurs ont été l’objet d’un accueil très sympathique, et notre population a tenu à leur montrer combien elle reste attachée aux institutions qui régissent notre pays ». (10 janvier) Le but de ce voyage était de renforcer les liens britanniques au Québec et dans le dominion.
Sur le plan culturel, Ferdinand Buisson, fondateur et président de la Ligue des droits de l’homme, et Ludwig Quidde, délégué à de nombreuses conférences de paix, se partagent le prix Nobel de la paix en 1927. Aucun prix n’est attribué l’année suivante. Au Québec, la richesse de la production littéraire se manifeste davantage par des essais. Le poète Robert Choquette se démarque avec son premier recueil À travers les vents. En chanson, Mary Travers, surnommée La Bolduc, entame sa carrière. La chanteuse gaspésienne se distingue avec sa turlutte et ses textes humoristiques qui évoquent la vie quotidienne des Québécois. Elle est la première auteure-compositrice-interprète québécoise à vivre de son métier.
Les élections générales du 16 mai 1927
La tenue d’élections est décrétée le 19 avril 1927. La campagne électorale est de courte durée et donne lieu, tout de même, à de vives attaques. Forts des réalisations des sept dernières années, avec Louis-Alexandre Taschereau comme chef, les libéraux au pouvoir depuis 30 ans sont confiants de remporter la victoire au détriment du Parti conservateur d’Arthur Sauvé, député de Deux-Montagnes.
Les libéraux misent sur les thèmes du progrès et de la prospérité. Premier ministre depuis 1920, Taschereau fait, dans un manifeste, le bilan des réalisations de son administration : la Commission des liqueurs (1921), la loi de l’Assistance publique (1921), les primes aux colons, la construction de ponts et de chemins de fer et le développement des ressources naturelles, particulièrement l’hydroélectricité. Pour le gouvernement, l’amélioration la plus importante est sans contredit la prise en charge, en remplacement des municipalités, de la réfection et de l’entretien du réseau routier.
Le programme des libéraux propose de poursuivre le développement intensif des ressources hydrauliques et minières; de protéger la forêt en restreignant la coupe des arbres; d’améliorer les services de l’instruction et de l’hygiène publique; de favoriser un nouvel essor à la colonisation; et de créer de nouveaux marchés pour les agriculteurs. Taschereau adresse un message spécial aux ouvriers en promettant d’apporter des modifications pour améliorer la Loi sur les accidents du travail. En substance, le premier ministre demande aux électeurs de lui accorder « un mandat pour poursuivre les politiques et les programmes précédents, avec l’assurance sous-jacente que cela assurerait la poursuite de la prospérité4 ».
Pour leur part, les conservateurs tentent de montrer qu’ils sont à la hauteur malgré l’affaiblissement de leur parti depuis la mort de Jules Langlais, député de Témiscouata, et d’Arthur Plante, député de Beauharnois5. À cela s’ajoutent l’abandon d’Ernest Tétreau, député de Montréal-Dorion, et l’annonce de Sauvé qui déclarait que c’était sa « dernière campagne comme chef de l’opposition6 » s’il n’obtenait pas la majorité parlementaire.
Pire encore, les coffres du Parti conservateur sont vides et il n’est plus soutenu ni par les journaux ni par le Parti conservateur fédéral. Faisant fi de ces déboires, les conservateurs entament la course électorale avec une confiance affichée. Pendant la campagne, les bleus profèrent des attaques personnelles envers les députés libéraux, mais le manque d’organisation et d’unité se fait sentir. Les candidats conservateurs y vont également de critiques sur les politiques du gouvernement sans toutefois proposer aux électeurs de nouvelles alternatives7. Seule la promesse d’instaurer un système d’allocations familiales pour venir en aide aux familles nombreuses retient l’attention8.
Le scrutin se tient le 16 mai 1927. Les résultats des élections générales accordent une victoire écrasante au Parti libéral. Le gouvernement Taschereau obtient 60,7 % des votes contre 32,1 %. Sur un total de 85 sièges à l’Assemblée législative, 75 sièges seront occupés par les libéraux, soit 13 de plus qu’aux élections de 1923 (six à Montréal, trois à Québec en plus des comtés de Beauharnois, de Joliette, de Soulanges et de Témiscouata). Trois comtés libéraux sont perdus au profit de l’opposition (Hull, Trois-Rivières et Montréal-Dorion). La Chambre compte aussi un seul député ouvrier en la personne de William Tremblay qui représente le comté de Maisonneuve.
La défaite conservatrice est qualifiée de « catastrophe » et de « tragédie »9 par Le Soleil. L’opposition est réduite à neuf membres et enregistre des défaites cuisantes avec la perte de « ses têtes les plus vigoureuses10 » dans les comtés tombés aux mains des libéraux. Seuls les comtés de Montréal-Saint-Georges, avec Charles-Ernest Gault, de Deux-Montagnes, avec Arthur Sauvé, et de Westmount, avec Charles Allan Smart, demeurent des châteaux forts conservateurs. Quant aux six autres comtés devenus conservateurs - Montréal-Dorion, Sherbrooke, Trois-Rivières, Hull, Montréal-Verdun, Laval –, ils oscillaient à chaque élection entre les libéraux et les conservateurs. Un mot également sur Maurice Le Noblet Duplessis, élu dans la forteresse libérale de Trois-Rivières. Ce jeune député de 37 ans aura un bel avenir politique. En 1936, il deviendra premier ministre et laissera sa trace dans l’histoire du Québec.
Tout au long de la session de 1928, les députés du Parti conservateur sont malmenés par ceux du Parti libéral qui ne ratent aucune occasion pour ramener sur le tapis la cuisante défaite de l’opposition. Le gouvernement insiste notamment sur l’affirmation du chef de l’opposition, Arthur Sauvé, qui avait annoncé sa démission dans l’éventualité où son parti ne prendrait pas le pouvoir. Fort et confiant, Taschereau y va de commentaires ironiques :
Vous vous rappelez sans doute l’émotion qui nous étreignait, l’année dernière […] lorsque des voix inspirées nous lançaient des phrases aussi foudroyantes que celle-ci : "... l’année prochaine, quand nous serons au pouvoir...!" […] Jamais le Parti libéral n’a remporté un plus grand triomphe dans notre province. […] Loin de moi l’idée de vouloir nous montrer arrogants dans la victoire. Il me sera bien permis, toutefois, de la souligner et d’étudier non seulement les causes de notre succès, mais aussi celles de la défaite la plus humiliante que le Parti conservateur ait essuyée dans notre province. Son demi-succès de 1923 avait réveillé des espérances. La débandade de 1927 n’en laisse plus. Où sont aujourd’hui ces farouches apôtres de toutes les vertus politiques? […] Je les cherche vis-à-vis de nous, et j’aperçois les places laissées vides par ces preux qui ne respectaient pas plus la vie privée de leurs adversaires que leurs actes publics et qui s’en faisaient des jouets soumis aux caprices de prétendues nécessités politiques. Heureusement, le peuple est bon. Il est honnête. Il sait flétrir aussi bien qu’il sait récompenser. (12 janvier)
Face à la défaite, Sauvé affirme qu’il continuera à défendre les intérêts des électeurs qu’ils représentent : « Nous ne sommes pas nombreux dans l’opposition, mais il y a encore de notre côté des hommes capables de faire leur devoir et de défendre vaillamment leur drapeau. » (12 janvier)
Controverse électorale dans Montréal–Sainte-Marie
Aux élections générales, le libéral Joseph Gauthier tente de reprendre au député sortant Camillien Houde, élu une première fois en 1923, la populeuse circonscription de Montréal-Sainte-Marie. Gauthier est appuyé par le maire de Montréal, Médéric Martin, à qui Houde s’opposera l’année suivante à la mairie. Des agents électoraux, armés de cigares et de whisky, organisent la défaite du populaire « p’tit gars de Sainte-Marie » et parviennent à soulever l’enthousiasme en faveur de Gauthier11.
Dès après les élections du 16 mai, certaines irrégularités sont dénoncées dans le comté. Houde éveille lui-même les soupçons lorsqu’il déclare qu’on lui a volé ses élections12. Non sans raison car, le 12 décembre 1927, on annule l’élection de Gauthier dans Sainte-Marie parce que des agents et des représentants ont commis des manœuvres frauduleuses durant le vote. En Chambre, Sauvé précise que ce sont « certains fonctionnaires du gouvernement et des personnages importants " qui ont été mêlés à cette affaire de corruption électorale ". (1er février) Et, selon l’historien Bernard Vigod, " des organisateurs libéraux de certaines circonscriptions montréalaises ont également dépassé les bornes afin d’assurer la victoire de leur candidat13 ».
L’élection annulée, des élections partielles sont prévues dans le comté de Montréal-Sainte-Marie pour le 28 octobre 1928. La circonscription est donc privée d’un représentant durant la session de 1928. L’opposition reproche au gouvernement de faire en sorte que Camillien Houde soit ainsi écarté de la Législature:
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Le public sait que le gouvernement recule devant la perspective d’une victoire certaine de l’opposition. Il ne veut pas que Camillien Houde vienne siéger au cours de la présente session. En fait, il est impératif qu’il en soit exclu à tout prix. […] Le gouvernement recule devant la perspective d’une élection qui se soldera par une victoire de l’opposition.
L’honorable M. Taschereau (Montmorency): […] Nous tiendrons l’élection de Sainte-Marie quand nous aurons le temps d’aller expliquer notre politique à l’électorat de Montréal. Je suis certain que les électeurs rendront un verdict favorable au gouvernement. La province se débrouillera très bien sans M. Houde. (1er février)
Les parlementaires
À l’ouverture de la session le 10 janvier 1928, la présidence de l’Assemblée législative est confiée au député de Drummondville, Hector Laferté. Signalons que 26 nouveaux députés en sont alors à leur première présence à titre de parlementaires. D’autres changements viennent modifier la composition de l’Assemblée législative. Le 9 juin 1927, le député de Kamouraska, Nérée Morin, décède tandis que dans le comté de Portneuf, Édouard Hamel quitte ses fonctions pour devenir registrateur de la division d’enregistrement de Portneuf. Ces deux départs forcent la tenue d’élections partielles le 31 octobre 1927. Les libéraux Pierre Gagnon et Pierre Gauthier sont respectivement élus dans ces comtés.
Louis-Alfred Létourneau, député de Québec-Est, et Joseph-Édouard Caron, député des Îles-de-la-Madeleine, sont nommés au Conseil législatif. Caron continuera tout de même à diriger le département de l’Agriculture depuis la Chambre haute. Le siège de Létourneau, député de Québec-Est, demeure quant à lui vacant jusqu’aux élections partielles prévues le 24 octobre 1928.
Le Conseil législatif de 1928, comparativement à celui de 1927, n’a plus de sièges vacants, les divisions de Lanaudière et de Salaberry ayant été comblées par les libéraux Gaspard De Serres et Raoul Grothé. Le Parti conservateur y est peu représenté : sur un total de 24 sièges, deux sont occupés par les conservateurs Thomas Chapais et Jean Girouard. Les libéraux siègent donc majoritairement au Conseil législatif et à l’Assemblée législative.
Aucun changement à noter au sein du Conseil des ministres. Le premier ministre Louis-Alexandre Taschereau cumule toujours les fonctions de procureur général et de ministre des Affaires municipales. Joseph-Édouard Caron, ministre de l’Agriculture, Honoré Mercier fils, ministre des Terres et Forêts, Antonin Galipeault, ministre des Travaux publics et du Travail, Joseph-Édouard Perrault, ministre de la Colonisation, des Mines et des Pêcheries, et Joseph-Léonide Perron, ministre de la Voirie, conservent tous leur portefeuille, tout comme le secrétaire Athanase David ainsi que le trésorier Jacob Nicol. Il en va de même pour les quatre ministres sans portefeuille.
Taschereau et le Parti libéral
Élu pour la première fois en 1900 dans le comté de Montmorency, Louis-Alexandre Taschereau est réélu sans opposition pour un huitième mandat au printemps de 1927. À l’aube de ses 61 ans, le chef libéral entreprend la session avec confiance puisque son œuvre a reçu, dit-il, « le sceau de l’approbation populaire ». (31 janvier) Forts de leur majorité, les libéraux associent leur victoire à leur politique progressiste. L’historien Robert Rumilly attribue plutôt cette victoire à « leur maîtrise des manœuvres électorales14 ».
Bien sûr, le leadership de Taschereau n’est pas remis en question par les ministériels. Ses députés lui rendent hommage et saluent sa « clairvoyance » et sa « perspicacité ». (11 janvier) Ils reconnaissent en lui un grand premier ministre15. Ses pairs le considèrent comme un bourreau de travail, comme un homme qui consacre de longues heures à la chose publique16. Même le chef de l’opposition reconnaît « que l’honorable premier ministre est plus éloquent » que lui. (2 mars)
Dès le début de la session, Joseph-Édouard Perrault, ministre de la Colonisation, des Mines et des Pêcheries, se prononce sur les principales préoccupations qui guident le gouvernement libéral:
Ce qui a fait notre triomphe le 16 mai dernier et ce qui a triomphé depuis 1920, c’est la politique constructive du gouvernement Taschereau, c’est notre politique d’action, politique de réalisation constante qui a donné quelque chose à la province. […] De sages mesures furent adoptées pour venir au secours de l’agriculture et de la colonisation menacées. Pour donner du travail aux ouvriers, l’on prit l’initiative de développer les ressources naturelles de la province, afin de créer de nouveaux revenus et aussi de créer de nouveaux centres industriels. La création de nouveaux centres industriels a assuré du travail à nos ouvriers, l’ouverture de marchés pour les produits agricoles où les cultivateurs pourraient vendre aisément leurs produits. La tâche fut ardue, mais elle a pleinement réussi. Elle a paralysé l’exode des nôtres. Le gouvernement donna aussi une sage loi des liqueurs à la province et résolut ainsi le difficile problème de l’alcool. Par sa politique de voirie, il créa le tourisme et soulagea les municipalités par sa loi de l’assistance publique, il sauva nos hôpitaux de la pénible position où ils se trouvaient. […] C’est cette politique que le peuple a approuvée le 16 mai dernier. (17 janvier)
Depuis le début du XXe siècle, les libéraux ont mis en place de nouvelles politiques économiques où l’investissement de capitaux étrangers et la grande entreprise deviennent des alliés. S’inscrivant dans la continuité de Simon-Napoléon Parent et de Lomer Gouin, Taschereau priorise le développement industriel de la province. Cette politique est facilitée par la proximité du premier ministre avec le milieu des affaires17.
L’exploitation des richesses naturelles est certainement le fer de lance de la politique du Parti libéral. Selon le premier ministre, c’est le domaine qui a connu « le développement le plus merveilleux » des dernières années, notamment les forces hydroélectriques. (12 janvier) Taschereau compte bien poursuivre également le développement de l’éducation et de la voirie, préconisé par Gouin.
En ce qui concerne les relations fédérales-provinciales, Taschereau affirme que « l’unité nationale ne peut être obtenue qu’en respectant l’autonomie provinciale », notamment en matière de richesses naturelles, de canalisation du Saint-Laurent, de pêcheries et d’impôts18. (12 janvier) En revanche, les libéraux ne se préoccupent pas d’empiéter sur l’autonomie des municipalités. Le politologue Vincent Lemieux commente l’attitude de Taschereau en regard du pouvoir des municipalités :
Tout se passe comme s’il voulait les endetter pour mieux les dominer. À la fin de la période 1920-1936, le Québec est la seule province où la dette municipale dépasse sensiblement la dette provinciale […]. La loi de l’Assistance publique de 1921 est conforme à la façon d’agir du gouvernement. Il promet de débourser le tiers des frais engagés par l’hospitalisation des indigents. Les municipalités et les communautés religieuses doivent se partager le reste. La création de la Régie de la voirie et celle de la Commission municipale soumettent les municipalités endettées au contrôle du gouvernement qui peut, par l’intermédiaire de ces organismes, leur refuser des travaux d’amélioration des chemins ou encore des emprunts19.
Sur la question de l’amélioration des conditions des ouvriers en matière d’accidents du travail, le parti prévoit la mise en place d’« un système qui rencontre à la fois les vues des patrons et des ouvriers ». (12 janvier) Le problème de l’hygiène publique est pris en considération par l’équipe libérale avec l’instauration d’un service de premier ordre pour combattre plus efficacement les épidémies comme celle survenue à Montréal au printemps de 1927.
À la même époque, les relations de l’État avec l’Église sont parfois houleuses. Car les nouvelles politiques libérales en matière d’assistance et d’hygiène publiques empiètent sur un domaine traditionnellement pris en charge par l’Église. Sur la question de l’observance du dimanche, au moins, Taschereau rejoint les volontés ecclésiastiques : « Ajouterai-je que le gouvernement de Québec croit que le respect du dimanche est essentiel à notre vie chrétienne et nationale, que ceux qui le transgressent sapent la société et nos croyances à la base même, et que tous doivent s’efforcer de porter remède au mal. » (12 janvier)
En matière législative, la 1re session de la 17e Législature en est une, somme toute, faite de prudence sur les plans social et économique. Le mot d’ordre reste encore de faire place aux capitaux étrangers et de permettre le développement industriel.
Sauvé et le Parti conservateur
Journaliste de son métier, Arthur Sauvé, qui a 53 ans en 1928, est le chef du Parti conservateur depuis 1916. Député du comté de Deux-Montagnes depuis 1908, il est considéré comme un chef combatif, mais qui a de la difficulté à s’imposer. Comme il est à la tête d’un parti amaigri, la session de 1928 en est une de peu d’éclat et de rebondissements pour les conservateurs. Selon l’hebdomadaire libéral Le Clairon, ajouté à l’impopularité de Sauvé20, l’opposition est divisée, « à court d’idées et dispose de moyens limités21 ».
Au lendemain des élections, lorsque Sauvé prend connaissance des résultats décevants, il annonce qu’il démissionnera comme prévu. La fragile situation du parti d’opposition ne se prête pourtant pas à un changement de chef et c’est pourquoi les conservateurs lui demandent de demeurer en poste; du moins, jusqu’au prochain congrès provincial du parti ou jusqu’après la présente session22. En dépit de la défaite et sous la pression de ses collègues, Sauvé reste à la tête du parti. En Chambre, il avoue que l’insistance de ses collègues de l’opposition l’a « forcé à occuper ce siège durant cette session ». (12 janvier) Quelle que soit la délicatesse de la tâche, poursuit-il, « je l’accepte en considération de mes collègues qui m’honorent de leur confiance ». Le député de Sherbrooke, Armand-Charles Crépeau, qualifie le geste de son chef d’« acte de courage » et, durant la session, les conservateurs ne toléreront pas « qu’il soit calomnié » sans y opposer toute leur « indignation ». (17 janvier)
De toute manière, qui aurait bien pu le remplacer? Camillien Houde était un candidat potentiel, mais il avait été défait à l’élection de 1927. Le nouveau député de Trois-Rivières, Maurice Le Noblet Duplessis? Il manquait encore d’expérience parlementaire23 et sur les neuf députés conservateurs qui composent l’opposition, quatre en sont à leur première expérience en Chambre.
Les libéraux reprochent aux bleus de ne pas avoir de programme. Sauvé s’en défend. Il présente les grandes idées de son parti : réclamation d’un inventaire des ressources naturelles; recommandation de la création d’une commission d’étude économique indépendante du gouvernement; protection du capital canadien et des industries canadiennes; organisation des pouvoirs d’eau de manière à fournir l’électricité à bon prix; soutien aux petites industries; octroi d’un crédit rural; entretien des chemins améliorés aux frais de l’État; respect de l’autonomie des municipalités; établissement d’une commission pour encadrer les accidents du travail; et tenue d’élections à date fixe. « Voilà ce que nous avons prêché, clame Sauvé, et nous aurons au cours de la session l’occasion de discuter chacun de ces articles avec preuve à l’appui de ce que j’affirme hautement. » (12 janvier) Et, très souvent, l’opposition reproche au gouvernement d’utiliser les idées qu’ils préconisent, ce à quoi Taschereau répond en souriant : « Vous pensez et nous exécutons. » (19 mars)
En Chambre, les interventions de Sauvé se font rares et discrètes. Pour sa part, Duplessis se fait déjà remarquer. Il s’impose par l’aisance de ses discours et par son sens de la répartie. Le premier discours qu’il prononce en Chambre, en tant que député, est salué non seulement par ses collègues, mais aussi par les membres de la Tribune de la presse. Le Devoir annonce en première page que Duplessis a prononcé « le meilleur discours24 » depuis le début de la session. Au dire du correspondant du Droit, il a fait une « brillante entrée en scène » et il s’est senti « comme chez lui25 » à l’Assemblée législative. L’Action catholique mentionne qu’il a abordé tous les sujets « avec souplesse et vigueur » et qu’il a trouvé des « expressions d’un bel effet oratoire26 ». Lorsqu’il intervient en Chambre, selon La Presse, il utilise l’humour, ce qui l’empêche de trop prendre les choses au tragique27. La Tribune annonce même que Duplessis « sera une force pour l’opposition28 ».
En substance, Duplessis reproche au gouvernement de ne pas donner à son parti le crédit qu’il mérite et il réclame le respect. Il assure ensuite son auditoire que :
l’opposition fera tout son devoir en respectant toutes les personnes, pour ne voir que le bien de la province.[…] Nous voulons appuyer le gouvernement dans toutes les questions qui sont de l’intérêt de la province. Nous sommes prêts à collaborer avec le gouvernement pour faire de bonnes lois. Nous ne voulons pas faire d’opposition systématique, pour le simple plaisir de faire de l’opposition, mais, lorsque le gouvernement proposera des mesures contraires à l’intérêt de la province, nous l’attaquerons sans peur et sans faiblesse. (19 janvier)
Sinon, dans l’ensemble, la faiblesse des conservateurs en Chambre se reflète dans la nature de leurs interventions. Le Soleil résume bien la situation de l’opposition au lendemain de la prorogation : « Plusieurs fois, elle a dû approuver les mesures ministérielles, et si elle a élevé la voix contre des points de détail, elle n’a pas pu une seule fois attaquer un point essentiel de la politique libérale.29 »
Le discours du trône
Le 10 janvier 1928, le lieutenant-gouverneur Narcisse Pérodeau convoque les membres des deux Chambres pour lire le programme législatif du gouvernement. Après avoir souhaité la bienvenue aux nouveaux députés, Pérodeau brosse un portrait positif de la dernière année. La bonne administration, les réalisations antérieures et la prospérité générale dans la province teintent le discours : « La dernière récolte a été l’une des plus considérables […] Notre essor industriel s’est également accentué […] Les primes de défrichement et de premier labour ont produit d’excellents résultats, et la colonisation s’est poursuivie activement. Nos régions minières ont révélé une richesse inespérée. »
On apprend que deux importants rapports seront soumis aux députés, au cours de la session, l’un concernant l’incendie du Laurier Palace et l’autre référant à l’enquête sur les écoles catholiques de Montréal. Après quoi, le lieutenant-gouverneur réclame l’intérêt de la Chambre pour résoudre trois questions primordiales :
Nos ouvriers désirent, relativement aux accidents survenant au cours de leur travail, une loi de compensation plus généreuse que celle qui les régit maintenant. […] Indemniser généreusement l’ouvrier sans nuire à l’industrie, telle est l’idée maîtresse qui a présidé à la rédaction de la nouvelle loi que vous serez appelés à étudier. Mon gouvernement attache une importance souveraine à l’hygiène publique et en donnera de nouveau la preuve. Il est du devoir de tous de travailler à améliorer les conditions hygiéniques, pour conserver nos jeunes enfants et protéger notre population contre les maladies contagieuses. L’établissement d’un crédit agricole, en coopération avec le gouvernement fédéral, démontrera l’intérêt constant que mon gouvernement porte à la population rurale. […] Une loi destinée à favoriser le rapatriement des Canadiens émigrés aux États-Unis vous sera soumise […].
Anatole Plante – le député qui a défait le député conservateur sortant de Montréal-Mercier – ouvre le débat sur l’adresse avec un discours « sobre, mais très bien fait30 ». Débordant d’enthousiasme, il dresse un portrait positif du gouvernement libéral : « Notre état financier est excellent, notre situation économique admirable, notre développement dans toutes les sphères de l’industrie remarquable. Tout est merveilleux en tout et partout. » (11 janvier)
De son côté, l’opposition écorche les projets proposés par les libéraux sans toutefois les désapprouver. Cette « lutte courtoise31 » entre l’opposition et le gouvernement se poursuit durant plus de deux semaines et, le 24 janvier, l’adresse est adoptée.
Les finances publiques
Le 31 janvier 1928, l’honorable Jacob Nicol prononce le 31e discours consécutif sur le budget du Parti libéral et son septième discours en tant que trésorier de la province. Il amorce son allocution en soulignant le « progrès extraordinaire » du Québec dans tous les champs d’activité, particulièrement dans le domaine des forces hydrauliques ainsi que dans l’industrie de la pulpe et du papier. Avant de passer en revue l’état des finances, il prononce un conseil annonciateur aux investisseurs concernant l’augmentation de la spéculation :
La présente année a été une année de spéculation extraordinaire. La hausse étonnante de certains stocks a entraîné aux spéculations de la Bourse plusieurs personnes qui d’habitude ne spéculent pas. Si je puis leur donner un conseil, je leur dirai: « Que ceux qui n’ont pas le moyen de supporter une perte se méfient des expériences du passé. » (31 janvier)
Le trésorier atteste ensuite de la prospérité en reprenant les données de l’année fiscale 1926-1927, et ce, pour mettre en évidence les surplus dont la province a profité. Le gouvernement prend soin de maintenir et de présenter les excédents budgétaires puisque c’est le « gage d’une saine administration32 ». Comme l’avait annoncé Taschereau dans son discours sur l’adresse, « le premier souci du gouvernement a toujours été d’équilibrer son budget et de pratiquer de la saine finance, ce qui est la base d’une bonne administration ». (12 janvier) En affirmant que l’année qui vient de se terminer en est une « dont il faut se souvenir », Nicol veut, lui aussi, montrer que les finances de la province sont en excellente condition.
Les revenus et les dépenses ordinaires ont surpassé les prévisions. L’excédent s’élève à un peu plus de 1,8 million de dollars, comparativement à la prévision d’environ 255 000 $. En réponse aux critiques de l’opposition qui affirme que le montant de la dette s’élève à 68,7 millions de dollars, le trésorier établit plutôt son montant à 58,8 millions, soit près de 10 millions de moins.
Pour l’année fiscale qui se termine le 30 juin 1928, le budget offre peu de détails. Aucun chiffre n’est mis en évidence par le trésorier sinon que jusqu’au 31 décembre 1927, les recettes provenant des revenus ordinaires sont satisfaisantes et que les gains prévus seront probablement excédentaires d’ici à la fin de l’année fiscale. Le trésorier prévoit un accroissement sur les prévisions des dépenses ordinaires et extraordinaires. Nicol espère que l’augmentation des dépenses sera comblée par la hausse des revenus.
Quant aux prévisions pour l’année fiscale 1928-1929, le trésorier estime les revenus ordinaires à environ 27,8 millions de dollars et les dépenses ordinaires à 27,5 millions de dollars. Un surplus probable de 350 000 $ est annoncé.
La majeure partie de l’assiette fiscale sera consacrée à la Voirie et à la politique des Bons chemins avec 6 millions de dollars, soit 21 % des dépenses ordinaires. De plus, la province sera appelée à effectuer des travaux majeurs pour reconstruire plusieurs routes, ponts et ponceaux qui ont été endommagés par les pluies abondantes. Ensuite, 4,5 millions de dollars (17,6 % du budget) seront consacrés au remboursement de la dette publique. Les autres dépenses majeures seront l’Instruction publique et l’Administration de la justice avec près de 2 millions de dollars chacun (9,6 %). Le même montant est alloué pour les ministères des Terres et Forêts et de la Colonisation, des Mines et des Pêcheries. Ces deux secteurs bénéficient de ces sommes puisqu’ils font partie, dit-on, des priorités du gouvernement Taschereau pour 1928.
Les seules critiques conservatrices portent sur le montant réel de la dette et, le plus souvent, le débat sur le budget reprend les mêmes sujets entendus durant l’adresse. Après deux semaines de pourparlers sans agitation, donc, le budget est adopté le 15 février.
Les faits marquants de la session
Au total, sur les 186 projets de loi présentés à l’Assemblée législative, 160 sont sanctionnés par le lieutenant-gouverneur. Le 15 mars, soit sept jours avant la prorogation, un nouvel horaire est adopté, vu la charge de travail qu’il reste à abattre. Les députés vont siéger trois séances par jour de même que le samedi et le lundi. Or, la hâte d’en terminer abrège les débats33.
La session parlementaire de 1928 a donné lieu à l’accomplissement d’un travail législatif appréciable de la part des députés. La Loi sur les accidents du travail, la loi sur l’âge d’entrer dans les cinémas et l’ouverture de ceux-ci le dimanche ont retenu l’attention de la Chambre.
Les conservateurs, qui s’approprient la plupart du temps les idées des libéraux, critiquent parfois les projets de loi, en soulevant des interrogations ou encore en proposant des amendements. Mais l’accord des conservateurs sur les principes des lois proposées, couplé par leur faiblesse numérique et par le manque d’expérience des nouveaux élus, a contribué au déroulement rapide des travaux législatifs. Les débats de la session se sont donc effectués dans une relative bonne entente entre les deux partis.
La conférence interprovinciale de 1927
Convoquée par le premier ministre libéral William Lyon Mackenzie King, la conférence du dominion et des provinces se tient du 3 au 10 novembre 1927. Au programme, réforme du Sénat, procédure pour amender l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique (AANB) et questions financières, sociales et économiques. Dans le discours du trône, le lieutenant-gouverneur du Québec présente la vision des libéraux en ce qui a trait aux relations interprovinciales : « Mon gouvernement croit que le facteur qui assurera le mieux l’unité canadienne et qui sauvegardera l’avenir du Canada réside dans le respect de l’autonomie provinciale et dans la fidélité à l’esprit, comme à la lettre, du pacte fédératif. » (10 janvier)
Les vues de Taschereau sur la question des droits provinciaux sont bien connues34. Les libéraux étaient déterminés à garantir l’intégrité des lois et l’entière liberté constitutionnelle qu’assure le pacte fédératif de 1867.
Au premier chef, le gouvernement hésite à participer au programme fédéral des pensions de vieillesse parce que, selon Taschereau et Nicol, le Québec serait pénalisé sur le plan financier. Adopté en 1927, ce programme fédéral prévoit le partage des coûts des pensions entre les provinces et Ottawa. Taschereau refuse d’y participer pour trois raisons : « les pensions de vieillesse sont de compétence provinciale et le fédéral ne devrait pas légiférer en ce domaine; une telle mesure obligerait le gouvernement québécois à augmenter ses impôts pour acquitter sa part; enfin, une telle loi minerait la charité privée et risquerait d’encourager l’irresponsabilité des individus35 ».
L’opposition réclame l’adhésion de la province à ce programme. Elle affirme que le gouvernement prive la population de ces subventions.
Tout bien considéré, Taschereau est satisfait des discussions qui ont eu lieu lors de la conférence, même si elle se termine sans grand résultat concret36.
La Loi sur les accidents du travail et la Commission des accidents du travail
Le prix du développement industriel du Québec est l’augmentation des accidents du travail et leurs tristes conséquences pour ceux qui en sont victimes. Au début du siècle, les patrons ne déclaraient pas systématiquement tous les cas d’accident. Pour être indemnisé, l’ouvrier devait recourir aux tribunaux et y faire la preuve que son employeur était responsable de l’accident. Ces procédures étaient coûteuses et la preuve difficile à faire37.
Adoptée en 1909 lorsque Taschereau était ministre des Travaux publics et du Travail, la loi sur les accidents du travail consacrait le risque auquel s’expose l’ouvrier en fonction. Sous la pression des syndicats qui réclamaient davantage pour les travailleurs victimes d’accidents, le gouvernement modifie la loi en 1926. Par contre, après de nombreuses tergiversations, les ajustements prévus à la loi sont repoussés parce que, selon le premier ministre, elle « posait trop de points d’interrogation » et « les assureurs prétendirent que la loi les obligeait à imposer des taux trop élevés ». (28 février)
Pendant la campagne électorale de 1927, le gouvernement avait promis de régler la question de la Loi sur les accidents du travail. Tel qu’annoncé dans le discours du trône, le gouvernement Taschereau se penche sur la question de l’augmentation des indemnités et sur la création d’une commission. Le gouvernement propose des modifications à la loi dans le but d’« indemniser généreusement l’ouvrier sans nuire à l’industrie ». (10 janvier)
Le 28 février 1928, le député de Bellechasse et ministre des Travaux publics et du Travail, Antonin Galipeault, présente le bill 38 relatif à la réparation en matière d’accidents du travail :
Tous les frais médicaux, les frais d’hospitalisation, les frais de médecin et les frais de transport seront à la charge du patron, de sorte que l’ouvrier pourra retirer sa pleine indemnité. […] De plus, le patron devra payer les appareils d’orthopédie. Autrefois, on accordait $50 de frais funéraires; la nouvelle loi en accordera $125. D’après la loi de 1926, l’ouvrier pouvait retirer soit la rente, soit le montant total de l’indemnité qui lui était accordée en cas d’accident et à sa veuve en cas de mort. […] D’après la nouvelle loi, on adoptera le système de rentes, qui semble beaucoup plus convenable. […] Selon la nouvelle loi, l’ouvrier recevra les deux tiers de son salaire dans un cas d’incapacité totale et permanente. Dans le cas d’incapacité partielle et permanente, l’ouvrier aura droit à une rente égale aux deux tiers du salaire annuel, payable pendant une période déterminée […]. Ce que nous avons voulu, c’est apporter tout de suite à l’ouvrier et à sa famille l’indemnité à laquelle ils ont droit, éviter des ennuis à l’ouvrier […].
Les conservateurs, qui critiquent les détails entourant la loi, n’osent pas se prononcer contre son principe, puisqu’ils sont eux aussi en faveur d’une meilleure protection pour les ouvriers38. L’instauration d’une commission pour le règlement des indemnités aux ouvriers est également considérée, par les députés de gauche, comme un élément essentiel. Sauvé donne son appui au projet tout en affirmant que « c’est une mesure qui est réclamée depuis longtemps par l’opposition ». (28 février)
Galipeault précise le mandat de cette commission dans le bill 49 concernant la Commission des accidents du travail. Il explique la question des assurances :
Nous voulons assurer une justice rapide à l’ouvrier. En vertu de la nouvelle loi, tous les règlements et tous les ajustements seront soumis à la commission. Il ne sera pas question de tribunaux et d’avocats, et la loi dans son interprétation sera la plus généreuse qu’on puisse trouver dans toutes les provinces canadiennes. Il n’y aura pas de délai ni d’appel. […] À propos d’assurance, […] nous croirions rendre un mauvais service à la province en adoptant le système d’assurance collective administré par l’État. […] L’État ne doit se substituer à l’entreprise privée que lorsque ces entreprises privées ne peuvent faire face à la situation, et encore faut-il qu’il se sente capable de faire mieux qu’elles. (28 février)
Tout au long de la session, les libéraux soutiennent que la mesure va dans l’intérêt de la province et de la classe ouvrière. Selon l’historien Bernard Vigod, l’établissement de la Commission comblait les demandes du mouvement ouvrier, puisqu’elle réglait le problème de l’assurance patronale et fournissait une protection substantielle aux travailleurs39. Quant à William Tremblay, le seul représentant du Parti ouvrier, il prétend, au contraire, que les travailleurs « ne sont pas satisfaits ».
À propos du gouvernement qui ne tient pas à s’engager dans une assurance d’État, Tremblay s’interroge : « Est-ce parce qu’il y aurait des ministres intéressés dans les compagnies d’assurances? » Galipeault réplique et soulève un point d’ordre alléguant que le député de Maisonneuve ne peut faire de pareilles affirmations; l’Orateur lui donne immédiatement raison.
Télesphore-Damien Bouchard, maire et député libéral de Saint-Hyacinthe, diffère d’opinions sur les propositions de son gouvernement aux ouvriers. Dans son discours, il fait référence au modèle ontarien qu’il approuve. Il affirme que la loi québécoise est défavorable à l’ouvrier. Le député libéral d’Arthabaska et ministre Joseph-Édouard Perrault, lui reproche d’apporter des arguments « contre cette loi et en faveur d’un système semblable à celui de l’Ontario, qui ne sont pas nouveaux ». (1er mars) Chose certaine, la comparaison entre la loi du Québec et celle de l’Ontario en matière d’accidents du travail est le point récurrent qui oriente la discussion.
Le 7 mars, les conservateurs votent en faveur de la motion portant sur la deuxième lecture de la loi. Quatre députés se prononcent contre : Duplessis, Joseph-Olier Renaud et les deux libéraux, T.- D. Bouchard et Victor Marchand. La troisième lecture du bill est proposée le 20 mars. L’opposition fait connaître son désaccord quatre fois durant la même journée pour que le projet soit renvoyé en comité plénier. Les motions sont rejetées chaque fois par la majorité libérale. Juste avant la levée de la séance à minuit, la motion principale est adoptée en troisième lecture par un vote de 50 contre 10. Après un long débat, la loi est finalement sanctionnée le 22 mars 1928.
La participation au crédit agricole
En 1928, près de 27 % de la population active habite sur une ferme et pratique l’agriculture. L’agriculture est encore un secteur important de l’économie, mais, par contre, le manque de ressources pour moderniser les équipements et spécialiser les récoltes se fait sentir dans les campagnes québécoises. En 1922, le gouvernement fédéral avait mis sur pied un programme de crédit agricole auquel l’administration Taschereau n’avait pas pris part, malgré les requêtes provenant du monde rural et de l’opposition.
Le crédit agricole est donc attendu dans les campagnes. Par comparaison, cette aide revêt la même importance, dans les milieux ruraux, que la Loi sur les accidents du travail dans les milieux ouvriers. En 1928, Taschereau se décide enfin de prendre part au programme fédéral de crédit agricole. À l’Assemblée législative, dans son discours sur l’adresse, Taschereau fait valoir que les :
cultivateurs ont besoin de prêts à long terme […] pour des objets de première nécessité. Le système de prêts auquel s’est arrêté le gouvernement fédéral nous paraît pratique. La coopération du gouvernement provincial est requise, et nous sommes prêts à l’accorder de grand cœur. Nous comprenons très bien que, si forcément notre province s’industrialise, la base de notre prospérité n’en reste pas moins l’agriculture, qui est notre mère nourricière et notre source de richesse la plus sûre et la plus durable. Nous ne voudrions pas qu’il fût loisible à l’agriculteur des autres provinces d’aller puiser dans les deniers publics pour améliorer son sort et agrandir son patrimoine, tandis que l’agriculteur de Québec serait laissé à ses seules ressources. Nous espérons que le système de prêts à long terme, qui n’est pas sans présenter certaines difficultés et d’onéreuses obligations, aidera considérablement la classe agricole. (12 janvier)
L’objectif avoué du crédit rural est non seulement d’inciter les cultivateurs à demeurer sur leur terre, mais aussi de contrer l’exode vers les États-Unis. Ce crédit, selon Lucien Lamoureux, député d’Iberville, « permettra aux jeunes de garder leur terre et encouragera les cultivateurs, en leur donnant les moyens de changer leurs méthodes actuelles de culture pour des méthodes plus adaptables à la terre qu’ils possèdent ». (24 janvier)
C’est le 19 mars que Jacob Nicol, trésorier de la province, présente le bill 45 relatif au prêt agricole. Un conseil sera mis sur pied pour s’occuper des prêts consentis aux cultivateurs par l’entremise des sociétés coopératives agricoles ou des sociétés de colonisation. La loi prévoit une somme qui sera payée aux cultivateurs à même le fonds consolidé. Le lieutenant-gouverneur est autorisé à souscrire au capital-actions de la Commission du prêt agricole fédérale jusqu’à concurrence de 5 % de la totalité des prêts en circulation dans la province. Quelques députés libéraux se lèvent pour souligner le bon travail du gouvernement « qui a fait beaucoup pour les cultivateurs et pour les colons ». (19 mars)
Les conservateurs sont d’accord avec le principe de la loi40. La seule manœuvre de Sauvé, pour prouver la bonne foi de son parti envers les cultivateurs, est sa tentative de revendiquer à son avantage les idées du gouvernement : « Depuis plusieurs années, c’est le projet de mon parti d’établir le crédit agricole. Le système en est un d’inspiration conservatrice. » (19 mars) Le bill est adopté avec quelques amendements et est sanctionné par le lieutenant-gouverneur le 22 mars.
Contrer l’exode vers les États-Unis
Le phénomène de l’émigration des Canadiens vers les États-Unis remonte à la fin du XIXe siècle. L’ampleur des départs varie selon les périodes. De 1920 à 1930, environ 130 000 personnes auraient quitté définitivement le Québec41. En 1921, en toile de fond, la récession frappait tous les secteurs économiques du Québec. La valeur de la production agricole diminuait tout comme les revenus. Des cultivateurs ayant payé trop cher leur terre et qui rencontraient des difficultés de paiement pliaient bagage pour tenter leur chance aux États-Unis. En 1928, Joseph-Napoléon Francoeur, député de Lotbinière, attribue d’autant plus ces départs à « l’esprit d’aventure » des Canadiens français, à la « nécessité » de partir ou encore « par esprit de spéculation » ou à l’« esprit de civilisation ». (15 février)
Le gouvernement de Taschereau tente alors d’appliquer une nouvelle mesure afin de prévenir le départ de cette population et de favoriser leur retour dans la province. Le bill 195 concernant le rapatriement des Canadiens dans la province de Québec est parrainé par le ministre de la Colonisation, des Mines et des Pêcheries, Joseph-Édouard Perrault. La mesure consiste à collaborer avec le gouvernement fédéral en défrayant les dépenses de ceux qui veulent revenir au pays. La mesure prévoit l’autorisation d’une affectation annuelle de 50 000 $. Ce montant sera payé à même le fonds consolidé. Le gouvernement fédéral fournit une somme égale pour un montant global de 100 000 $. C’est toutefois la province qui assurera la direction de la campagne de rapatriement. Selon le ministre, les libéraux espèrent :
pouvoir rapatrier 200 familles pendant la prochaine année. Le gouvernement se propose de dépenser le $50,000 du gouvernement fédéral pour le maintien d’un bureau de recrutement aux États-Unis, dans la Nouvelle-Angleterre, pour les frais de voyage de ceux qui nous reviendront et pour des conférences par des missionnaires. Le $50,000 voté par la Législature sera affecté à l’installation de ces rapatriés sur des fermes et des terres dans les centres de colonisation. Le gouvernement provincial est prêt à les aider de toutes les façons possibles. (16 mars)
Les trois lectures du bill sont adoptées sans véritable opposition. Le chef conservateur rétorque néanmoins qu’un investissement de 100 000 $ n’est pas suffisant et que dans ce dossier, il ne faut pas « mesquiner ». Pour Duplessis, la question est très importante et devrait être discutée plus longuement parce que « le problème de l’émigration est très complexe. Le gouvernement a fait un beau geste, dit-il, mais il faut l’encourager à faire mieux ». Rappelons que le programme conservateur prône une « politique très énergique et des mesures extraordinaires42 » pour contrer l’émigration et favoriser le rapatriement et la colonisation. Hector Authier, député libéral d’Abitibi, donne raison au député de Trois-Rivières tout en approuvant la mesure du gouvernement :
Il n’y a pas de doute que le montant de $100,000 ne suffirait pas à soutenir un grand mouvement de rapatriement, mais il permettra au gouvernement de commencer une campagne. C’est le point de départ d’un mouvement nouveau. C’est une expérience que l’on veut faire. La somme de $100,000 suffira pour faire l’expérience. Si celle-ci réussit, la province serait sans doute heureuse, plus tard, de voter une somme plus considérable. (16 mars)
Le bill est adopté le 16 mars et il est sanctionné le 22 mars.
La Beauharnois Light, Heat and Power
Pour accentuer le développement industriel de la province, le gouvernement Taschereau mise sur le développement de l’hydroélectricité. Si le grand nombre de rivières et le fort débit de celles-ci attirent l’investissement de capitaux étrangers, en l’occurrence, l’embargo sur l’exportation de l’électricité aux États-Unis, en vigueur depuis 1926, n’est pas étranger à la venue de ces investisseurs43.
La capacité de production du Québec passe de 83 000 chevaux-vapeur, en 1900, à 2 322 000 chevaux-vapeur, en 193044. Des installations d’envergure sont construites et mises en service un peu partout au Québec, notamment sur le Saint-Laurent avec la construction de la centrale Beauharnois Light, Heat and Power. Or, la construction d’un canal entre le lac Saint-François et le lac Saint-Louis s’avère nécessaire pour l’installation de cette centrale.
En vertu de sa charte, établie en 1910, la compagnie a déjà le droit de construire un canal. En 1928, la compagnie Beauharnois Light, Heat and Power demande à la Législature de lui permettre de changer le tracé en ce qui a trait au site de l’entrée et de sortie du canal, sinon une partie de la ville de Beauharnois devra être démolie.
D’entrée de jeu, le député de L’Islet, Élisée Thériault, présente, le 2 mars, le bill 141 modifiant la charte de la Beauharnois Light, Heat and Power. L’opposition soutient que la construction de ce canal va devenir un obstacle à la navigation. Certains commerçants et industriels craignent que le nouveau tracé entraîne la construction d’une voie maritime sur le fleuve Saint-Laurent, détournant ainsi les activités industrielles et économiques de Montréal. Qui plus est, l’Ontario fait face à une pénurie d’électricité alors que le Québec connaît des surplus. Vu la proximité de Beauharnois avec la province voisine et l’État de New York, l’opposition soutient que l’électricité produite par la compagnie servira plutôt au développement économique des États-Unis.
L’opposition reprend ensuite les rumeurs qui circulent dans les journaux et réitère que le gouvernement ne donne pas assez d’explications. Selon Aldéric Blain, député de Montréal-Dorion : « Des journaux prétendent que le projet est le commencement de la canalisation du Saint-Laurent. On a dit, de plus, que le canal allait être tellement élargi, par le projet de loi qui est devant nous, que le niveau du Saint-Laurent en serait affecté. » (2 mars)
Malgré les critiques de l’opposition et « après deux heures de chahut45 », le bill est adopté, le 2 mars, par 25 votes contre 6. Le projet de loi reçoit la sanction du lieutenant-gouverneur le 22 mars.
L’hygiène publique et les unités sanitaires
Au début du siècle, les conditions de vie dans les villes sont caractérisées par des carences préoccupantes dans l’état de santé de la population46. Malgré certains progrès notables, Montréal se distingue par le haut taux de mortalité infantile qui demeure plus élevé qu’à Toronto47. La mauvaise qualité de l’eau et du lait n’est pas étrangère à diverses maladies comme la tuberculose ou encore l’épidémie de typhoïde qui a frappé Montréal au printemps de 192748. Si la chloration et la filtration de l’eau et la pasteurisation du lait améliorent la situation, elles n’enraient pas tous les problèmes.
Adoptée en 1922, la loi de l’hygiène publique du Québec prévoit l’établissement d’un service conçu pour surveiller et contrôler la mortalité et la propagation de maladies, surtout les épidémies. La loi prévoit des dispositions pour la formation et l’organisation de bureaux d’hygiène. Ceux-ci doivent faire circuler, lorsque cela est requis, l’information au sujet de la salubrité publique et des mesures à prendre pour que la population se protège. En cas d’épidémie, une enquête est ouverte pour trouver les causes et tenter d’enrayer la propagation à l’aide de moyens hygiéniques comme le contrôle de la propreté des établissements publics ou encore la recherche des causes qui rendent impropre la consommation d’aliments. Des bureaux municipaux sont mis en place afin de faire appliquer les différentes directives relatives au maintien de l’hygiène publique.
Le gouvernement Taschereau, après l’épidémie du printemps de 1927, veut assurer le contrôle de l’hygiène publique pour éviter qu’un tel évènement se reproduise. Deux bills sont présentés au cours de la session. Le 1er mars 1928, le bill 58 modifiant la loi de l’hygiène publique du Québec - adoptée en 1922 - est présenté. Le 3 mars, c’est au tour du bill 160 relatif à la création et au maintien d’unités sanitaires provinciales. Ces deux projets sont parrainés par le secrétaire de la province, Athanase David, député de Terrebonne.
Le bill 58 modifie la loi de l’hygiène publique en y ajoutant, après l’article 28, l’article suivant :
Il est du devoir de toute municipalité dont la population atteint ou dépasse cinq mille âmes, de pourvoir à l’organisation d’un service d’hygiène dirigé par un médecin compétent, et ce médecin ne pourra être nommé officier médical de santé que par le lieutenant-gouverneur en conseil, sur la recommandation du conseil municipal, ou, s’il s’agit d’un groupe de municipalités employant un seul médecin, des conseils municipaux intéressés. […]
Le gouvernement a l’intention de mettre le bureau provincial d’hygiène au-dessus des services municipaux pour ainsi mettre fin aux épidémies périodiques. La campagne d’hygiène entreprise doit être poursuivie avec vigueur, et justement, la nouvelle loi a pour objet d’activer cette campagne.
Quant au bill 160, il concerne les unités sanitaires qui sont des cliniques ambulantes destinées à faire la promotion de la vaccination et à faire la prévention des épidémies. En 1928, la province comptera six unités sanitaires, soutenues en majeure partie par l’institut Rockefeller. David exprime sa volonté de voir tous les comtés de la province se doter de telles unités. Selon lui, il est « primordial que des unités de santé publique soient mises sur pied pour s’occuper de la vaccination, des inspections et des autres mesures préventives, de la santé dans les écoles, pour appliquer les règlements d’hygiène, pour gérer de façon efficace les débuts de maladies contagieuses qui peuvent survenir à l’intérieur des limites de la région administrée et, par-dessus tout, être vigilants à l’égard d’épidémies toujours possibles. » (21 mars)
En réaction à ce projet de loi, l’opposition insiste plutôt pour que le gouvernement s’attaque à la contamination du lait et de l’eau. Les conservateurs se demandent si le gouvernement a fait les efforts requis pour améliorer l’approvisionnement de l’eau dans la province et plus précisément dans la ville de Montréal.
Duplessis se déclare favorable au principe du projet de loi, mais s’oppose quand même à son adoption parce que, selon lui, ce bill entrave l’autonomie municipale et que les moyens employés ne sont pas les bons. Charles Allan Smart réplique à son collègue que la « question de l’autonomie municipale n’est pas à comparer, en importance, à celle de la protection de la santé publique ».
Certes, l’hygiène publique demeure une préoccupation essentielle pour l’ensemble des députés. Malgré les objections soulevées par l’opposition contre les moyens employés par l’administration Taschereau pour contrer les maladies, les deux projets obtiennent la sanction du lieutenant-gouverneur le 22 mars 1928.
Loi établissant l’âge d’entrée au cinéma et l’observance du dimanche
Le dimanche 9 janvier 1927, un incendie se déclare pendant la projection d’un film dans le cinéma Laurier Palace de Montréal. Paniquée, la foule se rue vers la sortie et 78 enfants meurent piétinés, victimes du sinistre. Or, la plupart de ces enfants assistent illégalement à cette représentation puisqu’une loi interdit l’accès des cinémas aux enfants non accompagnés, sauf que personne n’observe ce règlement à l’époque49. Attirés par les « vues animées », les enfants s’y faufilaient ou encore ils y étaient tout bonnement envoyés par leurs parents.
Le cinéma était entré dans les mœurs et constituait la distraction hebdomadaire des ouvriers qui fréquentaient les salles de projection chaque dimanche50. Mais, à la suite du tragique événement, le clergé, les sociétés nationales et la presse indépendante relancent le débat non seulement sur la question de l’âge d’entrée pour les enfants dans les cinémas, mais également sur l’observance du dimanche. Car, avec le développement industriel de la province, les ouvriers travaillaient même le dimanche dans les grandes usines de pâtes et papiers. Pour le clergé qui, d’emblée, ne peut contrôler le contenu des films, les diverses formes de divertissements dominicaux représentent enfin une menace pour la moralité.
Le gouvernement Taschereau est sollicité afin d’interdire le cinéma aux enfants et, plus spécifiquement, pour interdire les représentations le dimanche. À la dernière journée de la session, soit le 22 mars, le premier ministre et procureur de la province présente le bill 3 modifiant la loi des vues animées. Il propose l’interdiction du cinéma aux enfants, accompagnés ou non, et la fermeture dominicale des salles de spectacle. Le bill est inspiré du rapport du juge Louis Boyer sur l’incendie du Laurier Palace.
La loi déjà en vigueur n’autorise pas les enfants de moins de 16 ans à être admis au cinéma sans être accompagnés. Selon le premier ministre, elle est « absolument inapplicable » puisque des parents ignorent que leurs enfants se faufilent au cinéma. La seule solution réside donc dans la nouvelle mesure législative qui défendra l’admission des enfants en bas de 16 ans même s’ils sont accompagnés.
À titre de procureur général, Taschereau veut prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter une nouvelle tragédie. Il se rabat sur la loi fédérale qui ordonne la fermeture des théâtres le dimanche. Tandis que le chef de l’opposition reconnaît que la question est « épineuse et embarrassante pour la Législature », le chef libéral affiche son ambivalence sur la question :
Mettez-vous dans ma position, mes honorables collègues. Voilà la très grande majorité de la province qui demande la fermeture des théâtres, et le gouvernement a reçu en même temps une lettre collective de tous les évêques de la province qui me demandent d’intervenir pour faire appliquer la loi fédérale qui défend l’ouverture des théâtres le dimanche. Tous les clergés sont en faveur de la fermeture des théâtres. Aussi, devant cette expression d’opinion, le procureur général doit prendre une position précise. Aux propriétaires de théâtre, je dis : si vous voulez faire ouvrir les théâtres le dimanche, allez en obtenir le droit à Ottawa.[…] Mais, en attendant, quant à moi en ma qualité de procureur général, mon devoir est tout tracé. Je ne peux ignorer la volonté des évêques, les requêtes des deux clergés et de la majorité de la population.
Taschereau conclut que le cinéma n’est généralement pas immoral pour autant, mais selon lui, le cinéma n’est pas « recommandable » pour des enfants de moins de 16 ans. Après avoir confié que l’élaboration de ce projet de loi lui a causé « beaucoup d’inquiétudes », il avoue en faire « une question personnelle ». Il laisse cependant les députés voter selon leurs convictions; il n’impose pas de ligne de parti et invite les parlementaires à voter librement.
Propriétaire d’un cinéma dans son comté, le député libéral de Saint-Hyacinthe, Télesphore-Damien Bouchard, s’élève seul contre le projet peut-être pour protéger ses intérêts51. Il s’oppose au bill, puisqu’il remarque qu’il n’est « pas convenable que des parents soient empêchés de se présenter au cinéma accompagnés d’un enfant de 12 ou 13 ans ». Le député dénonce l’ingérence du gouvernement dans le milieu familial.
D’office, le principe d’interdiction de l’accès des cinémas aux enfants est soutenu par la plupart des députés, l’opposition préconisant, elle aussi, l’observance du repos dominical52. Somme toute, la présentation de ce bill a provoqué, selon L’Action catholique, « l’un des plus beaux débats de la session » puisque plusieurs ministres et députés ont pris la parole et ont prononcé des discours « vigoureux, élaborés, voire même très éloquents53 ». Le 22 mars, le projet de loi est adopté à 57 contre 5. Après quelques amendements en comité plénier, la loi est sanctionnée le jour même.
Le suffrage féminin et les femmes dans la société
Le 23 février 1928, en présence d’un grand nombre de femmes, dont Idola Saint-Jean54, le député ouvrier de Maisonneuve, William Tremblay, soumet à la Chambre le bill 176 relativement au droit de vote des femmes et à leur éligibilité. Ce bill revient en Chambre pour la troisième fois depuis 1922.
Tremblay soutient qu’il ne croit pas qu’en donnant le droit de vote aux femmes la société « s’exposerait à des désordres de toute nature ». D’autant plus, explique-t-il, que les femmes ont le droit de voter au fédéral et dans les autres provinces. Tremblay demande que le projet à l’étude soit référé au comité des bills publics pour laisser les femmes défendre elles-mêmes leur point de vue sur la question.
Le premier ministre ne juge pas cette démarche nécessaire puisque « la Chambre sait ce qu’il y a dans le bill » et qu’une seule chose reste à faire : « se prononcer sur la question. » Le chef de l’opposition défend lui aussi l’idée d’envoyer le projet de loi en comité des bills publics, et ce, même s’il s’est déjà prononcé par le passé contre le projet et qu’il n’a pas changé d’avis. Mais « est-ce parce que des députés seraient contre le principe du bill qu’ils refuseraient d’entendre des femmes qui ont fait de la question une étude spéciale? Ce ne serait ni gentil ni galant ». Quoi qu’il en soit, l’amendement de Tremblay est rejeté au vote de 40 contre 22.
Le débat se poursuit sur la motion principale. Contrairement à Tremblay, le député de Québec-Comté, Joseph-Éphraïm Bédard, juge que la place de la femme n’est pas dans le monde politique, mais à la maison. Il craint que la sphère publique ne soit envahie par les femmes si elles obtiennent le droit de vote et, selon lui, s’il n’y a pas « d’égalité d’aptitude » entre les hommes et les femmes, il ne peut pas y avoir d’« égalité de fonction ». Son discours n’en finit plus de souligner l’incapacité des femmes en matière politique :
On se plaint que notre Code civil ne donne pas aux femmes les mêmes droits qu’il accorde aux hommes. C’est vrai. Mais il ne lui impose pas non plus les mêmes obligations. Il tient compte du rôle que la nature a assigné à chacun. S’il n’en était ainsi, la femme serait moins bien protégée, elle risquerait de n’être plus femme. […] Il faut tenir compte de ce qu’elle est et de ce qu’elle doit être. Tout être humain a sa loi dont il ne peut s’affranchir impunément, et la loi de la femme, le seul droit de la femme est en regard de la maternité. […] Nous tenons à écarter la femme de la vie publique. Nous avons besoin que nos mères restent nos mères. Plus nous voulons écarter la femme de la vie publique, plus nous lui devons de respect dans la vie privée. Le foyer lui appartient comme elle appartient au foyer. La femme doit rester au foyer. C’est là seulement qu’elle trouvera, sinon une égalité à laquelle elle ne tient pas, son droit d’être honorée du mari et obéie de ses enfants, et qu’elle conservera l’autorité qui lui appartient, c’est-à-dire l’autorité morale. (23 février)
Le droit d’éligibilité donnerait aussi aux femmes le privilège de siéger comme députée. Le député de Bonaventure, Pierre-Émile Côté, s’objecte farouchement à la venue des femmes en Chambre, qui « compromettrait » sérieusement « l’ordre et la discipline qui y règnent d’habitude ». Guidé par le respect de la « tradition, sur la nécessité de préserver le foyer et la famille », le député de Beauce, Joseph-Hugues Fortier, appuie son collègue de Bonaventure.
Il faut dire que les arguments de la majorité des parlementaires s’allient avec la vision des autorités religieuses : les deux s’entendent pour conserver les femmes en dehors des contestations politiques55. La deuxième lecture du bill est finalement renvoyée à six mois par un vote de 39 contre 11, ce qui a pour conséquence de faire mourir le projet au Feuilleton.
Loi sur la gazoline
Le 21 février, Jacob Nicol, député de Compton, propose le bill 59 modifiant la loi de la gazoline. Ayant pris en charge le service d’entretien des routes de la province, le gouvernement impose cette nouvelle taxe pour rencontrer les dépenses de voirie et alléger le fardeau des cultivateurs et des municipalités pour l’entretien des routes. Le ministre propose « tout simplement » de changer le mot « trois », dans la loi, et de le remplacer par le mot « cinq ». Sauvé s’objecte et demande au trésorier provincial s’il s’agit d’une augmentation de taxe, ce à quoi le ministre répond vaguement que « ça peut s’appeler comme cela » :
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Pourquoi le ministre est-il gêné pour le dire? Si le trésorier provincial n’était pas si gêné, il n’attendrait pas si longtemps pour nous expliquer ce dont il s’agit. Il est gêné parce qu’il sait que la province va pouvoir se rendre compte, encore une fois, de la façon dont le gouvernement s’y prend pour se bâtir des surplus. […]
L’honorable M. Taschereau (Montmorency): Nous nous attendions aux récriminations de l’opposition. Nous savions bien que nos adversaires nous traiteraient de "taxeux".
La résolution est adoptée, les amendements proposés par l’opposition ayant été battus par un vote de 63 contre 10. Le bill est porté au Conseil législatif, le 22 février, et sanctionné par le lieutenant-gouverneur le 15 mars 1928.
Faits divers, faits cocasses
Pendant l’une de ses allocutions dans le débat sur la Beauharnois Light, Heat and Power, Duplessis commente son état matrimonial. Bien qu’il soit célibataire, il veut montrer qu’il se soucie des générations futures.
M. Duplessis (Trois-Rivières): […] Il serait nécessaire de connaître les clauses du contrat proposées à l’exécutif par la compagnie Beauharnois. Je crois que le gouvernement devrait nous faire connaître les projets de contrat, documents d’une portée considérable. Il s’agit d’une question importante dont les conséquences sont des plus graves pour l’avenir. Et même si je suis célibataire, ma position matrimoniale ne m’empêche pas de penser à l’effet qu’aura cette loi sur les générations futures, afin de les protéger contre le projet des trusts.
L’honorable M. Mercier fils (Châteauguay): (Souriant) L’honorable député de Trois-Rivières (M. Duplessis) n’a pas le droit de se faire toute cette publicité et de proclamer ainsi son état de célibataire. (Rires)
M. Francoeur (Lotbinière): Je suis également célibataire. Je pense que l’honorable député devrait nous parler de ses intentions matrimoniales. Où en est-il rendu? Que veut-il dire? (Rires).
M. Duplessis (Trois-Rivières): J’ai voulu dire mon état de célibataire. (Rires)
M. Francoeur (Lotbinière): (Souriant) Je me demandais si l’honorable député nous avait lâchés. (Rires) (2 mars)
Critique des sources
Par Aryane Babin
En 1928, Damase Potvin, de La Presse, est président de la Tribune de la presse; Abel Vineberg, du Montreal Gazette, en est le vice-président; Irénée Masson, du Soleil, agit à titre de secrétaire; et J. Stanton, du Chronicle Telegraph, occupe les fonctions de bibliothécaire. Les autres membres connus de la Tribune sont : Arthur Penny, du Chronicle Telegraph; Edmond Chassé, de L’Événement; Alphonse Désilets, du Terroir; Calixe Dumas, de L’Action Catholique; Joseph-Amédée Gagnon, du Quotidien; Gilbert W.G. Hewey, du Montreal Daily Star; J. Alfred Hardy, de La Patrie; Georges Léveillé, du Devoir; Parrot, du Progrès du Saguenay; Albert Plouffe, du Nouvelliste; Romuald Tremblay, du Canada; Ewart E. Donovan, du Montreal Gazette56. Au cours de la session, ces journalistes tentent de transmettre le mieux possible l’information de la session parlementaire.
Seulement trois questions de privilège sont soulevées pendant la session pour revenir sur des faits publiés par les courriéristes parlementaires. Le 17 janvier, le député conservateur de Westmount, Charles Allan Smart, tient à faire une mise au point sur son allégeance politique qui semble avoir été remise en question par un journal de Montréal qui n’est pas nommé :
Avant l’ajournement de la Chambre, je tiens à faire une mise au point. Je désire soulever une question de privilège pour corriger certaines déclarations inexactes publiées dans les journaux. Des journaux ont parlé de ma situation à la Chambre. Un certain journal de Montréal a affirmé qu’avant une réunion de cette Chambre, j’ai écrit au gouvernement pour lui demander un siège à la droite de l’Orateur. Il n’y a pas un vestige de vérité dans ce rapport. Je veux simplement dire que je n’ai eu aucune relation avec le gouvernement ou avec aucun de ses membres, ni orale ni écrite, à ce sujet. Les faits sont les suivants. Quelques semaines avant la session, j’ai écrit au greffier de la Chambre, lui disant que je désirais avoir mon siège dans cette Chambre et lui demandant en même temps d’être placé immédiatement à côté de l’opposition officielle. Il me répondit que les places à la Chambre n’étaient distribuées que quelques jours avant l’ouverture de la session. Quelques jours avant cette cérémonie d’ouverture, je recevais une lettre courte et très polie du greffier, me déclarant que l’on m’avait donné le siège que j’occupe en ce moment et exprimant l’espoir que je serais satisfait de cet arrangement. C’est tout ce qui est arrivé. Tous les rapports contraires sont tout à fait inexacts. Si j’avais fait ce que l’on m’attribue, je me considérerais indigne d’occuper un siège dans cette Chambre. Si j’avais changé mes allégeances politiques, j’aurais soumis cela à mes électeurs et je leur aurais demandé un nouveau mandat. Je veux qu’il soit bien entendu que je suis et entends rester un conservateur.[…] Je n’ai rien d’autre à ajouter, mais je désirais simplement rectifier les faux rapports de journaux pour ne pas être placé sous un faux jour.
À son tour, le 23 février, le chef de l’opposition critique un compte rendu du journal L’Événement au sujet du débat sur la loi de la gazoline.
M. Sauvé (Deux-Montagnes) proteste contre un compte rendu publié par L’Événement qui a mal rapporté ses paroles prononcées en Chambre lorsqu’il a critiqué l’augmentation de la taxe sur la gazoline. Il n’a pas dit que la taxe affectait 25 %, mais 55 % de la population. Il n’a jamais dit que le gouvernement doit diriger sa politique vers l’exploitation de nos forêts et de nos mines.
Le premier ministre lui suggère de se fier au compte rendu du Soleil, organe principal du Parti libéral.
Enfin, le 14 mars, Duplessis rectifie un détail de son discours sur les droits de succession : « Au sujet d’une certaine clause de la loi des successions, dit-il, mes vues ont été mal interprétées dans certains journaux, et contrairement à ce qui a été dit, je demandais que l’exemption de taxes de succession soit basée sur la part de chaque héritier, au lieu d’être basée sur le montant global de la succession. »
Dans son ensemble, les débats de la session de 1928 semblent avoir été bien couverts par les journalistes de la Tribune de la presse. Les comptes rendus des débats sont compilés avec rigueur et seuls quelques passages sont résumés. Sans contredit, les journaux de l’époque ont su offrir une image fidèle des faits et des paroles prononcées par les élus de l’Assemblée législative.
Notes de l’introduction historique et de la critique des sources
1. Paul-André Linteau, René Durocher, Jean-Claude Robert, Histoire du Québec contemporain : de la confédération à la crise (1867-1929), Montréal, Boréal compact, 1989, p. 469.
2. Bilan du siècle, Université de Sherbrooke, http://bilan.usherbrooke.ca Consulté le 4 juin 2010.
3. Ibid.
4. Bernard Vigod, Taschereau, Sillery, Septentrion, 1996, p. 192.
5. Robert Rumilly, Histoire de la province de Québec : Vers l’âge d’or, tome XXIX, Montréal, Fides, 1955, p. 87.
6. Ibid., p. 88.
7. B. Vigod, Taschereau…, p. 193.
8. Paul Cliche, Les élections provinciales dans la Province de Québec de 1927-1956, Québec, 1960, p. 23.
9. Le Soleil, 17 mai 1927, p. 1.
10. « L’élection d’hier », L’Action catholique, 17 mai 1927, p. 3.
11. R. Rumilly, Histoire de la province de Québec…, tome XXIX, p. 92.
12. Ibid., p. 97.
13. B. Vigod, Taschereau…, p. 194.
14. R. Rumilly, Histoire de la province de Québec…, tome XXIX, p. 91.
15. Robert Rumilly, Histoire de la province de Québec : Camillien Houde, tome XXX, Montréal, Fides, 1958, p. 11.
16. Comité libéral central, Deux chefs, deux figures : Taschereau et Houde, Montréal, Comité central libéral, 1930, 7 p.
17. Vincent Lemieux, Le parti libéral du Québec : Alliances, rivalités et neutralités, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2008, p. 27.
18. Ibid., p. 37.
19. Ibid., p. 38.
20. « La session à Québec », Le Clairon, 13 janvier 1928, p. 1.
21. P.-A. Linteau, R. Durocher, J.-C. Robert, Histoire du Québec contemporain : de la confédération à la crise (1867-1929)…, p. 676.
22. R. Rumilly, Histoire de la province de Québec…, tome XXIX, p. 99.
23. Ibid., p. 99.
24. « La session de Québec : M. Duplessis a prononcé le meilleur discours, depuis le 10 janvier », Le Devoir, 19 janvier 1928, p. 1.
25. « Quatre députés à la Législature », Le Droit, 20 janvier 1928, p. 6.
26. « Au Parlement », L’Action catholique, 20 janvier 1928, p. 1.
27. « L’opposition », La Presse, 28 février 1928, p. 1.
28. « Deux acquisitions à la Législature », La Tribune, 20 janvier 1928, p. 1.
29. « Fin d’une session », Le Soleil, 23 mars 1928, p. 1.
30. « La session à Québec », Le Clairon, 13 janvier 1928, p. 1.
31. Paroles prononcées en Chambre par Joseph-Hugues Fortier, député de Beauce, le 25 janvier 1928.
32. P.-A. Linteau, R. Durocher, J.-C. Robert, Histoire du Québec contemporain : de la confédération à la crise (1867-1929)…, p. 633.
33. R. Rumilly, Histoire de la province de Québec…, tome XXX, p. 16.
34. B. Vigod, Taschereau…, 1996, p. 205.
35. P.-A. Linteau, R. Durocher, J.-C. Robert, Histoire du Québec contemporain : de la confédération à la crise (1867-1929)…, p. 583.
36. Bien que peu discuté en Chambre, le sujet de la rencontre interprovinciale est davantage couvert par les journaux. Le Canada affirme que « le point capital porte, semble-t-il, sur la constitution canadienne. Québec a lancé le cri d’alarme au sujet du respect de l’autonomie provinciale ». « Autonomie et respect du pacte fédératif », Le Canada, 11 janvier 1928, p. 1. Voir aussi : « Le gouvernement Taschereau et la constitution », Le Devoir, 11 janvier 1928, p. 1, et « Le gouvernement Taschereau et la constitution », Le nationaliste et Le Devoir, 12 janvier 1928, p. 2, et R. Rumilly, Histoire de la province de Québec…, 1955, p. 159.
37. P.-A. Linteau, R. Durocher, J.-C. Robert, Histoire du Québec contemporain : de la confédération à la crise (1867-1929)…, p. 547.
38. R. Rumilly, Histoire de la province de Québec…, tome XXX, p. 24, et Jean-Louis Roy, Les programmes électoraux du Québec : un siècle de programmes politiques québécois, Ottawa, Leméac, 1970, p. 236.
39. B. Vigod, Taschereau…, p. 206.
40. Le programme du parti met en évidence les « sympathies plus réelles et plus profondes pour le cultivateur et l’ouvrier ». Voir : J.-L. Roy, Les programmes électoraux du Québec …, p. 231.
41. Yves Roby, Histoire d’un rêve brisé? Les Canadiens français aux États-Unis, Québec, Septentrion, 2007, p. 30.
42. J.- L. Roy, Les programmes électoraux du Québec…, p. 235.
43. Ibid., p. 227.
44. P.-A. Linteau, R. Durocher, J.-C. Robert, Robert, Histoire du Québec contemporain : de la confédération à la crise (1867-1929)…,p. 412.
45. R. Rumilly, Histoire de la province de Québec…, tome XXX, p. 39.
46. P.-A. Linteau, R. Durocher, J.-C. Robert, Histoire du Québec contemporain : de la confédération à la crise (1867-1929)…, p. 570.
47. Ibid., p. 572.
48. Ibid., p. 572.
49. R. Rumilly, Histoire de la province de Québec…, tome XXIX, p. 14.
50. R. Rumilly, Histoire de la province de Québec…, tome XXX, p. 45.
51. Ibid., p. 47.
52. J.-L. Roy, Les programmes électoraux du Québec …, p. 231.
53. « La Chambre adopte le projet de loi interdisant le cinéma aux mineurs de moins de seize ans », L’Action catholique, 23 mars 1928, p. 1.
54. Le Canada et L’Action catholique, 24 février 1928, p. 1.
55. Antonin Dupont, Taschereau, Montréal, Guérin, 1997, p. 175.
56. Jocelyn Saint-Pierre, Les membres de la tribune de la presse : liste chronologique, 1871-1989, Québec, Bibliothèque de l’Assemblée nationale, 1990, Bibliographie et documentation, no 34.