Débats de l'Assemblée législative (débats reconstitués)
Version finale
16e législature, 3e session
(7 janvier 1926 au 24 mars 1926)
Le lundi 15 mars 1926
Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.
Présidence de l'honorable J.-N. Francoeur
La séance est ouverte à 4 h 15.
Prière.
M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!1
Hôpital Saint-Joseph de Rimouski
M. Moreault (Rimouski) propose, appuyé par le représentant de Verchères (M. Richard), que, vu que le bill 61 constituant en corporation l'hôpital Saint-Joseph de Rimouski a pour objet de favoriser l'expansion d'oeuvres de bienfaisance publique, les droits ordinaires, que les promoteurs de ce bill ont payés, leur soient remboursés, après déduction de tous frais d'impression et de traduction.
Adopté.
Refuge Notre-Dame-de-la-Merci
M. Fortier (Beauce) propose, appuyé par le représentant de Verchères (M. Richard), que, vu que le bill 118 constituant en corporation le Refuge Notre-Dame-de-la-Merci a pour objet de favoriser l'expansion d'oeuvres de bienfaisance publique, les droits ordinaires et additionnels, que les promoteurs de ce bill ont payés, leur soient remboursés, après déduction de tous frais d'impression et de traduction.
Adopté.
Soeurs de la Congrégation de Notre-Dame de Montréal
M. Thurber (Chambly) propose, appuyé par le représentant de Lévis (M. Roy), que, vu que le bill 106 modifiant la charte de Les soeurs de la Congrégation de Notre-Dame, de Montréal, a pour objet de favoriser la diffusion de l'instruction publique, les droits ordinaires et additionnels, que les promoteurs de ce bill ont payés, leur soient remboursés, après déduction de tous frais d'impression et de traduction.
Adopté.
Barreau de la province
M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 150 modifiant les statuts refondus, 1925, relativement au Barreau de la province de Québec soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Loi des cités et villes, article 524
M. Mercier (Trois-Rivières) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 160 modifiant l'article 524 de la loi des cités et villes.
Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.
M. Mercier (Trois-Rivières) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Questions et réponses:
Lots 10 à 48, canton Awantjish
M. Langlais (Témiscouata): 1. Combien y a-t-il de colons résidant sur les lots 10 à 48 du rang 1, canton Awantjish?
2. Quelle est la date des billets de location émis?
3. Le département de la Colonisation a-t-il un rapport sur les améliorations faites sur lesdits lots?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): 1. Onze, les autres lots étant possédés comme lots de support par les colons ou cultivateurs du rang voisin.
2. Les lots 10 à 15, le 29 avril 1922; le lot 16, le 13 mai 1918; les lots 17 et 18, le 6 mai 1918; les lots 19 et 20, le 12 décembre 1918; le lot 21, le 13 mai 1918; le lot 22, le 27 mai 1918; les lots 23 (patenté), 24 et 25 (patenté), le 26 avril 1904; les lots 26 et 27 (patentés), le 4 avril 1900; les lots 28, 29 et 30 (patentés), le 24 avril 1899; le 31 (patenté), le 15 juillet 1901; les lots 32 et 33 (patentés), le 9 décembre 1898; le 34, le 20 janvier 1916; le 35, le 5 mars 1918; le 36, le 4 juin 1919; le 37, le 30 avril 1920; le 38 (patenté) vendu pour une moitié, le 19 janvier 1900, et pour l'autre moitié, le 28 juillet 1913; le 39, le 4 juin 1919; le 40 (patenté), le 16 mai 1900; le 41, le 4 juin 1919; le 42 (patenté), le 2 janvier 1890; le 43, le 5 octobre 1915; le 44 (patenté), le 21 avril 1900; le 45 (patenté), le 30 octobre 1895; le 46, le 2 octobre 1907; le 47, le 14 avril 1908, et le 48 (patenté), le 13 octobre 1891.
3. Oui, sauf quant aux lots patentés.
Pont dans le rang 11 du canton McNider
M. Langlais (Témiscouata): 1. Le ministère de la Colonisation a-t-il fait construire un pont sur le rang 11 du canton McNider?
2. Si oui, quel est le montant payé par le ministère: a) pour la main-d'oeuvre; b) pour le bois?
3. A qui lesdits montants ont-ils été payés?
4. De qui le bois a-t-il été acheté?
5. Des soumissions ont-elles été demandées pour l'achat de ce bois?
6. Quel est le prix payé par le ministère au mille pieds?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): 1. Oui.
2. a) Main-d'oeuvre, $182; b) bois, $147.90.
3. Thomas Sénéchal, $17.50; Antoine Gendron, $22.50; Joseph Bélanger, $20; Arthur Gendron, $17.50; Léon Lévesque, $15; François Robichaud, $20; Joseph Caron, $20; Antoine Sénéchal, $49.50; R. St-Julien, pour bois, $71.90; Thomas Sénéchal, pour bois, $76.
4. De M. R. St-Julien et Thomas Sénéchal.
5. Non.
6. $23 le mille pieds pour le bois de M. St-Julien, et la somme de $76 pour 198 morceaux de bois de cèdre pour les culées et les lambourdes.
Pont Galipeault
M. Houde (Montréal-Sainte-Marie): 1. Du 1er juin au 8 décembre 1925 inclusivement, quel a été le revenu brut des droits de péage perçus sur le pont Galipeault?
2. Quel a été le revenu net?
3. Combien d'automobiles de tourisme ont traversé le pont durant cette période?
4. Combien de camions automobiles?
5. Combien de véhicules à traction animale?
6. Combien de ces véhicules de toutes dénominations ont été exemptés des droits de péage et pour quelle raison?
7. Quelle somme globale représentent ces exemptions?
L'honorable M. Galipeault (Bellechasse): 1. De l'ouverture du pont, 1er juin au 28 décembre 1925, dernier jour de la perception de l'année. Revenu brut, $40,923.01.
2. Voir Journaux de la Chambre du 1er mars 1926.
3. 98,132.
4. 7,628.
5. 2,229.
6 et 7. 1,446 véhicules à traction animale ont bénéficié d'un retour gratuit, conformément au tarif, et, si les conducteurs de ces véhicules avaient payé, les recettes auraient été augmentées de $216.90.
Seuls les véhicules au service du ministère de la Voirie ont été exemptés des droits de péage et il est impossible de dire quel montant cette dernière exemption représente.
Compagnie Adélard Deslauriers limitée
M. Lafleur (Montréal-Verdun): Combien la compagnie A. Deslauriers limitée, qui, suivant une réponse faite par l'honorable secrétaire de la province, a été incorporée le 23 août 1923, a-t-elle pu obtenir, ainsi que l'a déclaré le ministre des Travaux publics et du Travail, un contrat le 10 août 1922 et toucher cet argent le 22 novembre 1922?
L'honorable M. Galipeault (Bellechasse): La soumission qui formait la base du contrat du 10 août 1922 a été produite par A. Deslauriers Enr. et la compagnie A. Deslauriers limitée a continué les travaux mentionnés audit contrat.
Coût des travaux au palais de justice de Québec
M. Lafleur (Montréal-Verdun): 1. Combien a coûté la nouvelle aile du palais de justice de Québec: a) pour terrains; b) pour construction?
2. La construction est-elle terminée?
3. Reste-t-il des comptes ou contrats à payer et pour quel montant?
L'honorable M. Galipeault (Bellechasse): 1. a) $18,000; b) $707,163.32.
2. Non.
3. Tous les comptes qui ont été présentés à date ont été payés.
Sommes payées pour l'édifice de la rue Sainte-Julie et
pour les palais de justice de Québec et Montréal
M. Lafleur (Montréal-Verdun): Depuis le 1er juillet 1925, combien le gouvernement a-t-il payé pour le compte: a) de l'édifice de la rue Sainte-Julie; b) de la nouvelle aile du palais de justice de Québec; c) de la nouvelle annexe du palais de justice de Montréal?
L'honorable M. Galipeault (Bellechasse): a) $240,273.22; b) $114,920.79; c) $855,515.75.
Taxes scolaires
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 161 modifiant la loi de l'instruction publique relativement aux taxes scolaires soit maintenant lu une deuxième fois.
La loi en vigueur jusqu'à ce jour présentait des anomalies quant à l'évaluation pour fins d'impôts. On s'est basé souvent sur une évaluation diminuée et, par conséquent, fictive. Je propose que la valeur réelle des propriétés soit inscrite et c'est sur elle que sera basée la cotisation imposée par les corporations scolaires. À l'avenir, lorsqu'une municipalité, en vertu d'un pouvoir spécial qui lui a été accordé, évaluera une propriété à un montant inférieur à sa valeur réelle, pour la perception des taxes, il sera du devoir des autorités municipales de porter au rôle d'évaluation la valeur réelle de ces propriétés, et cette valeur réelle sera celle sur laquelle sera basée la cotisation imposée par les corporations scolaires. De la sorte, les revenus des écoles ne seront pas affectés par les mutations de taxes accordées par les autorités municipales.
En outre, la nouvelle loi aura l'avantage de nous fixer sur la valeur réelle des propriétés en cette province, et l'exactitude des statistiques ne saurait qu'y gagner. Un autre effet de la loi sera de faciliter le travail d'inscription de nos statistiques et permettra que nous connaissions tous nos vraies valeurs de cotisation.
La proposition est adoptée. Le bill est renvoyé au comité général.
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.
Adopté.
Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Affaires municipales
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 37 concernant les affaires municipales.
Il s'agit simplement de faire disparaître un doute que contient l'ancienne loi. Jusqu'ici, plusieurs se sont demandé si, dans une division de municipalité, on devait tenir compte de la majorité de la population dans la municipalité entière ou simplement dans cette partie de la municipalité qui est à séparer. Le présent projet précise que, dans ce dernier cas, la majorité est suffisante. Il suffira donc d'avoir l'assentiment de la partie à séparer. L'amendement que nous proposons a pour but de rendre suffisant le voeu de la majorité des contribuables de la partie à séparer.
Un autre article de la mesure s'applique aux commutations de taxes. On y stipule que toute municipalité de cité, de ville ou de village peut accorder, pour une période n'excédant pas 10 ans, une commutation de taxes, mais la réduction ne doit pas dépasser 25 % de la valeur réelle de la propriété ou des taxes annuelles payables par l'établissement favorisé.
M. Sauvé (Deux-Montagnes) fait un signe approbateur.
La proposition est adoptée.
Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Enquêtes municipales
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 29 modifiant les statuts refondus, 1925, relativement aux enquêtes municipales soit maintenant lu une deuxième fois.
Dans le passé, on a dû faire des enquêtes à la suite de récriminations souvent fondées. L'une des clauses principales stipule que désormais les enquêtes sur les affaires municipales pourront être présidées par des juges ordinaires de la Cour supérieure qui ne recevront pour ce travail aucun honoraire spécial, comme c'était le cas par le passé. Une autre clause stipule que la décision rendue par le juge équivaudra à une sentence. De cette façon, les rapports des juges ne resteront pas dans les archives comme on l'a vu à Montréal, sans que personne ne s'en occupe. Nous croyons que ces causes relèvent de sa fonction ordinaire. À l'avenir, le juge sera habilité à condamner toute personne reconnue coupable à la suite d'une telle enquête, à prononcer la déchéance de certains élus, à les destituer de leurs fonctions et à les obliger à démissionner. Il sera autorisé à ordonner un remboursement et à imposer d'autres peines. Sous la nouvelle loi, il sera possible de porter une décision en appel devant la Cour d'appel constituée de cinq juges sur le banc, mais seulement s'il y a eu une sanction ou une sentence prononcée par le juge présidant l'enquête. Toutefois, le renvoi sera effectif aussitôt et pendant l'attente de l'appel, à moins que deux juges de la Cour d'appel en Chambre ne soient d'accord pour suspendre la sanction jusqu'à ce que tous les juges se soient prononcés. Mais, s'il n'y a pas de sanction, il n'y aura pas d'appel.
La requête demandant la tenue d'une enquête devra être accompagnée d'un dépôt de $1,000 et non de $500. À tous les stades de l'enquête, le juge président aura la discrétion d'exiger que ce dépôt soit augmenté. Le juge taxera lui-même les frais des avocats selon un tarif établi par le lieutenant-gouverneur en conseil ou, à défaut, selon le tarif de la Cour supérieure pour les actions de première classe.
M. Saint-Jacques (Argenteuil): Est-ce que les juges verront cette loi d'un bon oeil?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je ne crois pas que nous ajoutions beaucoup aux fonctions des juges. Nous avons souvent allégé leur travail; nous leur avons enlevé, par exemple, la révision.
M. Bray (Montréal-Saint-Henri): Est-ce qu'il y aura un droit d'appel des décisions des juges-enquêteurs?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Pas si le juge se contente de faire un rapport. Mais, s'il y a des sanctions d'imposées, il y aura droit d'appel.
La proposition est adoptée. Le bill est renvoyé au comité général.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.
Adopté.
En comité:
Les articles 1 à 6 sont adoptés.
Le comité étudie l'article 7 qui se lit comme suit:
7. Ladite loi est modifiée en y ajoutant, après l'article 15, le paragraphe suivant:
"15a. Le lieutenant-gouverneur en conseil peut édicter un tarif des honoraires des avocats des parties à l'enquête et également pour toute procédure ou chose qui se rapportent ou sont incidentes à l'enquête.
"À défaut de tel tarif, celui des avocats et celui de la Cour supérieure en vigueur pour les actions de première classe devant cette cour s'appliquent, en y faisant les changements nécessaires."
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Nous avons prévu aussi, dans ce projet, aux frais des avocats en disant que le lieutenant-gouverneur en conseil pourra fixer un tarif. S'il n'y a pas de tarif spécial, les frais des avocats devront être chargés d'après le tarif du Barreau.
Un journal de Montréal disait que le gouvernement provincial devrait accorder à tous les juges de la Cour supérieure une indemnité additionnelle de $1,000 par année pour compenser les honoraires qu'ils ne toucheront plus comme présidents d'enquêtes sur les affaires municipales et sur lesquels ils pouvaient compter quand ils ont été nommés juges.
Je ne veux pas discuter la question de savoir si les juges devraient être augmentés ou non. Ils sont nommés et payés par le gouvernement fédéral. C'était l'intention des Pères de la Confédération que les juges fussent soustraits à toute influence locale, et c'est pour cela qu'ils en ont confié la nomination et la rémunération au gouvernement fédéral. Je ne crois pas désirable de changer ce qui a été fait par les Pères de la Confédération.
Je ne vois pas pourquoi la province devrait donner $1,000 de plus à chaque juge, puisqu'ils sont déjà payés par le gouvernement fédéral. La raison que l'on invoque est que nous augmentons le travail des juges par notre législation provinciale. Je ne voudrais pas que le public restât sous l'impression que nous augmentons considérablement la tâche des juges sans augmenter leurs traitements tout en décidant qu'ils présideront aux enquêtes municipales. Je crois que nous leur avons enlevé beaucoup de travail en leur enlevant la Cour de révision qui, d'après un juge de Québec, leur prenait les deux tiers de leur temps, et la Cour de magistrat. Nous les avons déchargés de la Cour de circuit que nous avons donnée à la Cour de magistrat. Il est possible que nous ajoutions à leurs devoirs quelquefois en les chargeant des enquêtes. Mais, si nous avons ajouté de temps à autre à leur charge, je crois qu'en définitive nous avons ajouté moins que ce que nous avons retranché. D'ailleurs, il ne faut pas croire que les enquêtes municipales sont très fréquentes.
Sir François Lemieux, juge en chef à Québec, et l'honorable juge Martin, juge en chef suppléant de Montréal, et les juges en chef de la Cour supérieure, que j'ai consultés avant de préparer ce bill, m'ont dit qu'ils étaient opposés à ce que le gouvernement accorde ce traitement aux juges. N'est-il pas vrai que, lorsqu'un juge préside une enquête, il ne fait pas autre chose? La présidence des enquêtes entre normalement dans leurs attributions ordinaires. On nous a dit que les juges comptaient sur ces émoluments quand ils ont accepté la tâche comme présidents d'enquêtes. Ils ne devraient pas y compter beaucoup puisque, depuis plus de 20 ans, les enquêtes municipales ne sont pas nombreuses, on compte à peine cinq2 enquêtes judiciaires dans la province.
Si d'autres enquêtes deviennent nécessaires, le travail que cela donnera aux juges ne compensera pas la tâche que nous leur avons enlevée par la disparition du travail de la Cour de circuit. Je ne me souviens que des enquêtes du juge Cannon, à Montréal, du juge Taschereau, à Montréal, du juge Désy, à Trois-Rivières, du juge Coderre, à Montréal, du juge Letellier, à Québec, et du juge Demers, à Saint-Antoine, et de quelques autres.
M. Saint-Jacques (Argenteuil): Il y a eu aussi une enquête du juge Fortin, à Montréal.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Nous avons eu aussi une enquête à Saint-Eustache.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Même avec celle-là, le nombre est petit et ce n'est pas assez considérable pour que les juges y comptent pour beaucoup dans leurs honoraires. Certains prétendent, ajoute-t-il, que, lorsque les juges qui siègent au tribunal ont été désignés, on leur a versé des honoraires comme ceux qui sont versés pour les enquêtes sur les affaires municipales, mais je ne crois pas un seul instant que cela ait pu influencer les juges dans leur décision d'accepter leur nomination à la cour.
M. Saint-Jacques (Argenteuil): Tout de même, des enquêtes récentes ont prouvé que le juge y faisait un travail très considérable. Les juges présidant une enquête auront plus de responsabilités, vu qu'ils auront à sanctionner leur jugement. Je ne suis pas prêt à dire que la loi qui oblige les juges à présider les enquêtes sans émoluments est mauvaise, mais les juges ont demandé une augmentation de traitement. Il est certain que nous avons augmenté leurs travaux, et leurs émoluments devraient être augmentés en conséquence. Selon lui, les juges en général croient qu'ils devraient recevoir un supplément, comme c'était le cas par le passé, de $1,000 quand ils président des enquêtes. Ainsi, ils ont à présider la cour criminelle; à Montréal, cette cour siège presque en permanence et deux juges y sont presque exclusivement employés, de sorte que la tâche à la Cour supérieure se trouve augmentée pour les autres. Je crois que les juges de la Cour supérieure de Montréal espèrent que le gouvernement provincial leur donnera un salaire additionnel.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je ne crois pas que les juges soient si mal que cela. Ils ne se plaignent pas. Les juges sont bien rétribués, ils ont de bonnes places où ils sont assurés de l'existence jusqu'à la fin de leur vie, et bien des membres de l'opposition seraient satisfaits de pareils traitements. Bien des avocats des deux côtés de la Chambre seraient heureux, même dans ces conditions, de monter sur le banc avec la certitude d'une belle aisance et exempts des élections qui attendent les députés tous les quatre ans. (Rires) Je crois que les juges pourraient être mieux payés. Le recrutement du banc deviendra peut-être difficile si les traitements des juges ne sont pas augmentés. Il y a un grand nombre de politiciens qui hésitent à monter sur le banc de crainte que le traitement ne leur suffise pas.
Des voix de l'opposition: Écoutez, écoutez.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): De quel côté?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): (souriant)3 Je parle de politiciens des deux côtés de la Chambre qui aspireraient à ces positions. Les juges n'ont plus besoin de faire des élections, tandis que nous sommes obligés de faire des élections tous les cinq ans. Le coût de la vie augmente et les juges doivent avoir des traitements suffisants. Mais je crois que nous ne respecterions pas l'idée des Pères de la Confédération en leur donnant une augmentation de salaire payée par le gouvernement provincial. Je ne crois pas devoir en approuver le principe, parce que les juges sont des officiers fédéraux. Je ne crois pas qu'il soit juste que les juges qui sont payés par Ottawa reçoivent un traitement du gouvernement provincial.
Est-ce à Québec que les juges doivent s'adresser si leur traitement n'est pas suffisant? Je ne crois pas qu'ils fassent bien d'insister pour que le gouvernement de Québec leur accorde une augmentation de traitement, car, quand ils s'adresseront à Ottawa, on leur dira de continuer leurs démarches à Québec. Si Ottawa apprend qu'ils ont demandé une augmentation de salaire aux provinces, il y a danger qu'on dise aux juges: "Insistez et vous l'aurez peut-être des provinces." Il vaut mieux que les juges de la Cour supérieure soient nommés et payés par le gouvernement fédéral, exclusivement par lui. Cela le soustrait à toute influence locale. Si les juges de la Cour supérieure ne trouvent pas que leurs salaires sont suffisants, dit-il, qu'ils s'adressent à Ottawa pour les faire augmenter. C'est dans l'intérêt même des juges et de la magistrature. Quoi qu'il en soit, que les juges fassent leurs réclamations auprès du gouvernement fédéral.
L'article 7 est adopté.
Les articles 8 à 10 et le préambule sont adoptés.
Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Subsides4
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) pour l'honorable M. Nicol (Compton)5 propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.
Adopté.
En comité:
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) pour l'honorable M. Nicol (Compton) propose: 1. Qu'un crédit n'excédant pas soixante-dix mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour dépenses générales (terres et forêts), pour l'exercice finissant le 30 juin 1927.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Est-ce que ça comprend les annonces, ça?
L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): Oui.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Qui a obtenu des annonces du ministère des Terres?
L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): La plupart des journaux de la province.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Les journaux qui font l'éloge du gouvernement.
L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): Presque tous les journaux font l'éloge du gouvernement. Nous ne pouvons donner des annonces à tous les journaux qui font notre éloge. Nous en choisissons un certain nombre.
M. Saint-Jacques (Argenteuil) et M. Sauvé (Deux-Montagnes) interrogent le ministre.
M. Saint-Jacques (Argenteuil) se plaint d'une insuffisance de détails dans les comptes publics. Il fait quelques remarques mordantes au sujet du mystère des comptes publics, surtout en ce qui concerne le ministère des Terres et Forêts.
L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay) fait venir à ses côtés M. Théophile Giroux, comptable en chef au ministère des Terres et Forêts.
La résolution est adoptée.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) pour l'honorable M. Nicol (Compton) propose: 2. Qu'un crédit n'excédant pas trois cent quinze mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour la protection des forêts, pour l'exercice finissant le 30 juin 1927.
L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): Ces capitaux servent à combattre tous les dangers qui menacent nos forêts, surtout l'incendie. Il faut payer un grand nombre de gardes forestiers et aider à tous les services de protection. Remarquons ici que les détenteurs de limites ne participent pas directement à cette somme, car ils se protègent eux-mêmes. Ils se forment en association et se créent des services de prévention. On nous demandera pourquoi l'augmentation, mais on sait que les territoires à protéger augmentent sans cesse.
Résolutions à rapporter:
Le comité fait rapport qu'il a adopté une résolution et demande la permission de siéger de nouveau. Ladite résolution est lue deux fois et adoptée.
À 6 heures, la Chambre suspend ses travaux.
Reprise de la séance à 9 heures6
Commission des services publics
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 22 modifiant la loi de la Commission des services publics soit maintenant lu une deuxième fois.
Adopté. Le bill est renvoyé au comité général.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.
Adopté.
En comité:
Le comité étudie l'article 1 qui se lit comme suit:
1. L'article 2 de la loi de la Commission des services publics (statuts refondus, 1925, chapitre 17) est remplacé par le suivant:
"2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique le contraire:
"1° Le mot "commission", signifie la Commission des services publics de Québec;
"2° Les mots "service public" signifient toute corporation autre qu'une corporation municipale ou scolaire, toute société, personne, ou association de personnes, leurs locataires, fidéicommissaires, liquidateurs ou receveurs, qui possèdent, exploitent, administrent ou contrôlent un système, outillage ou matériel:
"a. Pour la transmission des messages télégraphiques ou téléphoniques; ou
"b. Pour le transport de voyageurs ou de marchandises sur un chemin de fer, un tramway, ou sur les lacs, rivières et cours d'eau; ou
"c. Pour le transport en commun de voyageurs ou de marchandises sur les chemins publics, à jour et à heure fixes, d'un point à un autre ou en tournées, par autobus, taxi ou véhicule de livraison, tels que définis dans l'article 2 de la loi des véhicules automobiles (chapitre 35), à l'exception d'un autobus ou d'un taxi possédé par un hôtelier dont celui-ci se sert pour le seul transport des voyageurs qui patronisent son hôtel, entre cet hôtel et une gare ou un débarcadère dans la même localité ou dans une localité voisine; ou
"d. Pour la production, la transmission, la livraison ou la vente de la chaleur, de la lumière, de l'eau ou de la force motrice; ou
"e. Pour un système d'égout;
"Et relativement à ces services publics, la présente loi s'applique et la juridiction de la Commission s'étend seulement aux matières qui relèvent de l'autorité législative de cette province.
"Néanmoins, une corporation municipale ou scolaire qui fait l'une des opérations ci-dessus, en dehors de ses limites territoriales constitue, pour cette partie en dehors de ses limites, un service public, au sens du présent paragraphe 2o."
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Le seul changement à l'article 1 est de soumettre les lignes d'autobus à la juridiction et au contrôle de la Commission des services publics comme tous les autres services d'utilité publique. Les autobus sont devenus des moyens de transport et doivent tomber sous le contrôle de la compagnie, à laquelle il faudra s'adresser pour établir une ligne d'autobus. C'est la Commission qui réglera tous les détails d'un service d'autobus. Nous avons voulu en agir ainsi pour procurer une protection au public voyageur. Aujourd'hui, un autobus chargé de 20 à 25 personnes n'offre aucune garantie quant à la sécurité des voyageurs. Jusqu'à date, les compagnies n'ont offert aucune garantie, et, dans les cas d'accidents, entres autres, les recours sont parfois inutiles. Les compagnies d'autobus devront soumettre leur horaire des arrivées à certains points déterminés et des départs de ces mêmes points, leur tarif, le genre de voitures utilisé ou qui sera utilisé, leur destination, la route qu'elles suivront, le nombre de personnes qu'elles peuvent transporter, le poids de leurs véhicules. Elles devront aussi satisfaire aux normes de la Commission en matière de garantie offerte aux voyageurs pour tout dommage qui pourrait leur être causé, et faire de même quant à leur statut civil et à leur solvabilité. La Commission leur accordera ensuite des permis et déterminera les conditions de ces nouveaux services.
M. Bray (Montréal-Saint-Henri): Les compagnies devront-elles avoir des polices d'assurance pour leurs passagers en cas d'accident?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Nous n'en voyons pas la nécessité, puisque la nouvelle loi procure à la Commission des services publics des pouvoirs suffisants pour offrir au public toute la protection nécessaire. Mais la Commission verra si l'entreprise présente les garanties suffisantes en examinant la valeur de l'actif et le sérieux des promoteurs ou propriétaires. Nous connaîtrons les responsabilités des compagnies. Elles ne seront pas tenues de s'assurer ni d'assurer leurs voyageurs, mais la Commission verra à protéger le public. Jusqu'à présent, les taxis, les autobus, etc., n'ont eu d'autres permis que ceux du bureau des patentes automobiles. Comme, dans une certaine mesure, ces véhicules sont appelés à devenir l'un des grands moyens de transport de l'avenir, il vaut mieux les réglementer dès maintenant. Les compagnies de tramways et de chemins de fer, moyens de transport actuels, relèvent d'une forme de commission ou d'institution qui a pour devoir premier d'assurer la protection du public contre un mauvais service et des coûts de services exorbitants.
M. Dufresne (Joliette): Est-ce qu'un permis spécial est actuellement nécessaire pour conduire un autobus?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Seul est requis le permis ordinaire émis pour la conduite de tous les types de véhicules motorisés, c'est-à-dire le permis de conduire ordinaire.
M. Saint-Jacques (Argenteuil): Le bureau des patentes automobiles a-t-il reçu la directive de n'émettre aucun permis pour autobus jusqu'à ce que la nouvelle loi soit mise en application?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Il n'y a presque pas d'autobus sur les routes pendant l'hiver et, par conséquent, si jamais il y a des demandes de permis, ce sera au début du printemps. D'ici là, les nouvelles normes pourront être appliquées.
M. Gault (Montréal-Saint-Georges): Est-ce que la réglementation des services d'autobus va s'appliquer aux autobus dont se servent les commissions scolaires pour assurer le transport des écoliers?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): La loi ne s'appliquera qu'aux services publics et, par conséquent, cela n'aura rien à voir avec le type de transport dont le représentant de Montréal-Saint-Georges vient de parler.
M. Bray (Montréal-Saint-Henri) insiste pour qu'on ajoute un amendement qui indiquera clairement que la loi ne s'applique pas aux autobus utilisés par les commissions scolaires.
M. Saint-Jacques (Argenteuil): Des instructions ont été données au bureau des patentes automobiles, lors du renouvellement des permis au 1er mars dernier. Dès cette année, taxis et autobus tomberont sous le coup de la loi amendée. La loi ne vise pas, cependant, les institutions comme le Children's Memorial Hospital de Montréal, qui a un autobus pour conduire, matin et soir, ses écoliers infirmes.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Est-ce que les compagnies intéressées auront de nouvelles taxes à payer et de nouvelles charges à porter?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Non. Les permis accordés par la Commission ne coûteront rien, mais la loi assurera un meilleur service. Le tarif ne sera pas non plus directement affecté par la loi. Seulement, on verra à ce que le public ne paie pas trop cher. En outre, la Commission s'efforcera d'empêcher des concurrences ruineuses entre plusieurs compagnies faisant le même service sur une seule ligne.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Est-ce que cela aura pour effet d'augmenter les obligations des compagnies?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): En autant que la licence est concernée, cela relèvera du département du revenu. La Commission émettra le permis de circuler, fixera les taux, déterminera le parcours et l'horaire, etc.
Il arrive que, dans certaines parties de la province, deux ou trois lignes d'autobus se font concurrence et des lignes de chemin de fer qui ne font plus rien menacent d'abandonner leurs opérations. Il importe d'exercer un contrôle dans l'intérêt du public et le meilleur moyen de le faire, c'est de les placer sous la juridiction de la Commission des services publics.
M. Sauvé (Deux-Montagnes) craint que cette législation n'affecte, en augmentant, les taux de passage dans les autobus.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Pas le moins du monde. Il nous faut contrôler les autobus, comme la commission des chemins de fer contrôle les chemins de fer. D'ailleurs, les autobus seront, en plusieurs endroits, le grand moyen de locomotion de l'avenir et il est bon de commencer à le contrôler. À cause de cela, il faut un contrôle plus sévère.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Est-ce que le gouvernement veut protéger les chemins de fer?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Nullement. Seul l'intérêt du public est en jeu. Actuellement, les propriétaires d'autobus font ce qu'ils veulent; ils font partir et arrêter leurs machines où et quand ils veulent, sans que leurs clients aient un mot à dire. En prenant leur licence, les propriétaires d'autobus ne prennent aucun engagement. Ils achètent leur licence et circulent ensuite comme ils veulent.
M. Bray (Montréal-Saint-Henri): Va-t-on réglementer la vitesse?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): La loi y pourvoit déjà. Mais l'obligation d'avoir un horaire forcera les compagnies à ne pas exagérer en vitesse et réglera la question.
M. Dufresne (Joliette): Les autobus seront-ils limités par un tarif à tant de milles par heure comme les chemins de fer?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Les taux ne seront pas établis à tant du mille. Il faudra tenir compte de diverses conditions, chemins, affluence des voyageurs, etc. La chose sera laissée à la discrétion de la Commission des services publics.
M. Saint-Jacques (Argenteuil): Il y a des compagnies organisées qui ont des permis, d'autres qui n'en ont pas encore. Il serait opportun de les soumettre toutes à la présente loi. En toute justice, il faudra les mettre sur le même pied.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): La suggestion est fort juste. En effet, il ne faudrait pas faire d'exceptions.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): La nouvelle loi permettra à la Commission de favoriser les compagnies de tramways quant aux services d'autobus.
Je crains que ce soit ce qui arrivera. À Montréal, la Compagnie des tramways est toute prête à établir un service d'autobus.
Comment se fait-il que les tramways de Montréal ne soient pas sous le contrôle de la Commission des services publics?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Ils relèvent de la commission des tramways de Montréal.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Est-il prudent de donner autant de discrétion à la Commission des services publics?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): S'il est une commission qui a donné satisfaction et a rendu des services, c'est bien la Commission des services publics de la province.
M. Saint-Jacques (Argenteuil) demande de protéger au moins les propriétaires d'autobus qui viennent d'obtenir leur licence et qui pourraient, dans la suite, se voir refuser un permis de circuler par la Commission.
Cet article est amendé et les mots suivants du sous-paragraphe "c" du deuxième paragraphe sont retranchés: "en commun".
Cet article est amendé et les mots suivants du dernier paragraphe sont retranchés: "ou scolaire".
L'article 1 ainsi amendé est adopté.
Le président du comité (M. Laferté, Drummond) lit l'article 2 du bill qui se lit comme suit:
"2. L'article 4 de ladite loi est modifié en y remplaçant le mot "trois", dans la deuxième ligne, par les mots "pas moins de trois et de pas plus de quatre".
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Est-ce que le gouvernement a une nomination en vue?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Peut-être le chef de l'opposition voudrait-il en profiter, mais il me semble qu'il ne sera pas plus utile dans la Commission que comme chef de l'opposition.
M. Saint-Jacques (Argenteuil): Avec ces quatre commissaires, que fera-t-on quand ils seront deux contre deux? Qu'arrivera-t-il lorsqu'il y aura égalité des voix? On peut supposer, par exemple, que deux commissaires se prononcent dans un sens et deux dans l'autre. Que faire alors?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) dit qu'il examinera la question attentivement et que, lorsque toutes les autres clauses du bill auront été examinées, il soumettra un amendement à la nouvelle loi qui établira que, dans le cas où les voix des membres de la Commission seront divisées également, lorsqu'il y aura égalité des voix, le président aura une voix prépondérante, décisive, en plus de sa voix habituelle dans le conseil.
M. Saint-Jacques (Argenteuil): La Commission décidera-t-elle des tarifs sans appel?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Parfaitement. Vous avez raison. Mais la Commission est composée d'hommes d'expérience qui jugeront les questions en jeu à la satisfaction générale. Ils pourront facilement évaluer les coûts d'exploitation, les conditions de travail et d'utilisation, de même que toute autre question relative au fonctionnement d'un service public, et décider aussi bien que quiconque ce qu'est un tarif raisonnable. Notre loi est copiée en grande partie sur celle de New York, qui a donné de bons résultats. Je ne vois pas pourquoi ça ne fonctionnerait pas aussi bien dans notre province. D'ailleurs, il n'y a pas de craintes à entretenir, car il n'est pas très difficile de savoir si réellement le public est exploité. Cependant, si l'avenir démontrait que des amendements doivent y être apportés, le gouvernement n'hésitera pas. La Commission a d'ailleurs le droit de se renseigner complètement et, pour cela, d'examiner les livres des compagnies, leur installation, leur matériel, etc.
M. Saint-Jacques (Argenteuil) n'en doute pas. Étant donné les conditions actuelles et les membres de la Commission, il ne devrait pas y avoir de problèmes, mais on ne sait pas dans l'avenir qui seront les commissaires, ni s'ils seront en mesure de prendre pour chaque cas des décisions définitives qui seront satisfaisantes pour tous. Il croit vraiment qu'il devrait y avoir une forme quelconque d'appel.
En réponse à M. Taschereau, qui rappelait que leur loi était copiée sur celle de l'État de New York, il affirme que, bien que ce pourrait être plutôt judicieux d'adopter quelque bonne loi qu'ils ont de l'autre côté de la frontière, il faudrait faire très attention en ouvrant notre porte à quelque bonne loi de ne pas laisser entrer avec elle de mauvaises lois. Il remet cette question entre les mains de l'honorable M. Taschereau.
L'article 2 est adopté.
Le comité propose d'ajouter un nouvel article 3 qui se lit comme suit:
"3. L'article 10 de ladite loi est amendé en le faisant précéder des mots suivants:
"La Commission décide à la majorité des voix et, s'il y a partage des voix, le président a un vote prépondérant. Cependant, le secrétaire a le pouvoir de faire prêter serment lors de toute enquête ou relativement à toute procédure devant la Commission."
Le nouvel article 3 est adopté.
Les articles suivants sont numérotés en conséquence.
Les articles 4 et 5 sont adoptés.
Le comité étudie le paragraphe 28d de l'article 6.
L' article est modifié en y ajoutant le sous-paragraphe 3 qui se lit comme suit:
"3. Le présent article ne s'applique pas aux contrats pour la vente de force motrice électrique pour des fins industrielles ou commerciales de plus de cent chevaux-vapeur."
Le sous-paragraphe 3 est adopté.
Le comité poursuit l'étude de l'article 6.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Toute compagnie voulant établir un nouveau service devra obtenir un permis de la Commission qui fixera les taux et les conditions auxquelles ce service pourra être établi. On veut que tout service public qui commence des opérations puisse obtenir un permis de la Commission, surtout pour le contrôle des taux. Nous voulons simplement protéger le public contre les taux trop élevés. La Commission pourra, par exemple, faire diminuer les taux d'éclairage. Personne ne peut être mieux en état que les membres de la Commission de déterminer les taux qui seront justes pour le public.
M. Saint-Jacques (Argenteuil): Si une compagnie obtient de la Commission la permission d'augmenter ses taux et qu'il n'y a plus d'appel, comment le public sera-t-il protégé?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): On ne fait qu'appliquer la loi de l'État de New York.
M. Saint-Jacques (Argenteuil): Ce n'est pas nécessairement une protection pour le public. Lorsqu'une compagnie fait une preuve devant la Commission à l'effet qu'elle doit augmenter ses taux, la Commission autorise l'augmentation et le public ne peut en appeler. Je suggère qu'il y ait un recours à la Cour d'appel.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): C'est la même chose pour la commission des chemins de fer.
M. Saint-Jacques (Argenteuil): Non, il y a un droit d'appel des décisions de la commission des chemins de fer.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je ne crois pas qu'un appel à la Cour d'appel assurerait plus de protection et puisse rendre service. Le public aura toujours un recours facile à la Commission elle-même, qui ne manquera pas de revenir sur une décision du moment qu'on lui démontrera qu'il y va de l'intérêt général d'en agir ainsi. Nous avons des commissaires compétents. Cependant, je suis prêt à considérer la chose et, si plus tard nous en venons à la conclusion qu'il vaut mieux qu'il y ait appel, nous l'accorderons. Si, plus tard, l'on trouve que les taux sont trop élevés, la Commission peut les diminuer, dans la suite. Elle a le pouvoir de diminuer et d'augmenter. En tout cas, nous faisons une loi nouvelle et, plus tard, nous pourrions voir s'il y a lieu de recourir à l'appel.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je veux proposer un nouvel amendement donnant à la Commission des services publics le pouvoir d'enquêter sur la valeur des successions et de faire comparaître qui elle voudra parmi les intéressés. Il s'agit tout simplement de permettre à la Commission d'obtenir des informations. Elle ne rendra aucun jugement.
Nous voulons confier à la Commission certaines questions qui regardent les droits sur les successions. Nous croyons qu'il serait sage qu'un membre de la Commission puisse, dans le cas d'une succession, interroger un héritier sur la fortune à lui laisser par le défunt, au lieu de laisser ce soin à un tribunal, ce qui entame toujours une succession. Il déclare qu'il ajoutera cette prévision à la fin du bill.
Le gouvernement touche des droits sur les successions qui en valent la peine et il n'entend pas être floué. Il constitue la Commission des services publics, la vigilante gardienne de ses intérêts. Celle-ci aura le droit d'assigner devant elle toutes les personnes susceptibles de la renseigner sur la valeur d'une succession déclarée au percepteur des droits.
Dès que celui-ci aura des doutes quant à l'exactitude d'une déclaration qui lui aura été faite, il n'aura qu'à demander à la Commission d'enquêter. Et l'enquête pourra être aussi complète que possible, la Commission étant autorisée à prendre tous les moyens pour se renseigner. Héritiers et exécuteurs testamentaires seront entendus sous serment et le gouvernement pourra ensuite faire servir leurs déclarations contre eux.
Il signale les services qu'une telle enquête pourrait rendre au fisc dans le cas, par exemple, d'actions et d'autres titres non cotés en bourse. La Commission n'est pas chargée, cependant, de porter un jugement sur la valeur d'une succession. Après avoir simplement tenu une enquête, elle présentera un rapport et le percepteur des droits sur les successions pourra prendre des actions judiciaires en conséquence.
Jusqu'à présent, quand le percepteur avait des doutes sur une déclaration, il devait se renseigner de son mieux et prendre à tout hasard une action judiciaire. L'enquête devant la Commission des utilités publiques assure un contrôle bien plus efficace.
La nouvelle loi augmente les devoirs des commissaires en chargeant la Commission de faire les enquêtes qui pourraient être jugées nécessaires sur les successions appelées à payer les droits à la province. Le gouvernement estime que, bien des fois, il ne retire pas tout ce qu‘il devrait avoir de cette source. La Commission pourra interroger les héritiers et procéder à toute enquête susceptible de renseigner le gouvernement sur la valeur de la succession.
M. Saint-Jacques (Argenteuil): La Commission s'adresse aux services publics exclusivement et on ne devrait pas l'étendre à d'autres domaines. Il combat cet amendement du premier ministre. Il y a un revers, dit-il, si la décision de la Commission est sans appel, le public n'aura plus aucun recours quand elle aura permis une augmentation de tarif à une compagnie.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Ce sont les tribunaux qui décideront ce qu'une succession doit payer, comme c'est le cas actuellement, et la Commission ne fera qu'informer le gouvernement de la force de la succession.
Il propose l'amendement qui se lit comme suit:
L'article 6 est modifié en y ajoutant le paragraphe suivant après le paragraphe 28i:
"28j. Il est loisible au lieutenant-gouverneur en conseil ou au trésorier de la province de référer à la Commission tout état ou déclaration transmise au percepteur du revenu en vertu de la loi des droits sur les successions (chapitre 29) afin que la Commission fasse enquête sur l'actif et le passif de la succession concernée et qu'elle contrôle l'exactitude de l'état ou de la déclaration. À cette fin, la Commission a tous les droits et est revêtue de tous les pouvoirs conférés à un commissaire nommé en vertu de la loi des commissions d'enquête (chapitre 8)."
Naturellement, dit-il, la Commission ne rendra aucun jugement. Ce soin est du ressort des tribunaux. Mais nous avons constaté, dans le passé, que bien des hommes, en mourant, laissaient une fortune sensiblement diminuée et peu proportionnée à la taxe du revenu.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Il me semble que l'on donne à la Commission des pouvoirs exorbitants. On va causer des ennuis considérables aux héritiers, aux veuves et aux orphelins. La loi actuelle concernant les successions est simple et doit donner justice. Les amendements proposés par le premier ministre augmenteront les difficultés et les frais. La Commission des services publics sera appelée par le gouvernement à faire comparaître plusieurs veuves ou orphelins, causant des ennuis à ceux-ci. Cet amendement aura pour résultat d'ennuyer pour rien des héritiers dont on mettra la parole en doute. L'on n'a pas raison de douter de l'honnêteté des héritiers d'une succession. Cet amendement sera peu populaire et sera de nature à entraîner des dépenses chez les héritiers. Le public est assez honnête pour faire des déclarations justes, des rapports consciencieux. Pourquoi ferait-on encourir aux successions des frais additionnels peut-être considérables?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Il n'y aura sûrement pas d'abus. Bien au contraire, le procédé est plus rapide, plus sommaire et moins ennuyeux que celui des tribunaux. Si le trésorier en vient à la conclusion qu'un état fourni n'est pas exact, il est raisonnable de faire venir les intéressés devant un commissaire pour le faire vérifier.
M. Ouellet (Dorchester): Est-ce que les personnes appelées à témoigner devront toutes se déplacer à leurs frais, même si l'état est trouvé exact?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Oui, mais il n'y aurait pas d'objection à ce que la Commission paie les frais de déplacement des héritiers qui auront été appelés à comparaître devant elle. Je crois qu'il y aurait moyen d'exempter des frais à plusieurs, quand on aura constaté la véracité des premiers rapports.
M. Saint-Jacques (Argenteuil): La loi actuelle des successions permet au gouvernement de nommer un ou des commissaires pour faire l'enquête nécessaire afin de contrôler la valeur des successions. Le mécanisme de la loi des successions, qui est dans les statuts en ce qui se rapporte aux enquêtes qu'il y a à faire sur une succession, est suffisant pour protéger le Trésor et offre toutes les garanties possibles. La loi donne déjà au gouvernement le droit de nommer un ou des commissaires pour faire enquête sur une succession. Il se peut qu'il s'agisse d'une succession qui échappe à la compétence de la Commission des services publics, comme par exemple celle d'un cultivateur ou celle d'un marchand. Chaque succession doit être réglée à son mérite particulier. Je suis convaincu qu'en créant des commissaires spéciaux on n'obtiendra pas la satisfaction que l'on pourrait obtenir de la loi actuelle. Les cas d'ailleurs doivent être très rares, car la loi impose des amendes très sévères.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): L'ancienne loi va substituer, mais la constitution de ce tribunal spécial épargnera des frais et assurera des commissaires plus compétents. Le mécanisme de la loi actuelle ne disparaîtra pas et l'on pourra y avoir recours, le cas échéant. En nommant, dit-il, un commissaire pour chaque cas d'enquête à faire sur une succession, on pourrait dire que nous nommons des créatures du gouvernement. D'ailleurs, ces enquêtes-là ne se feront que sur les grosses successions où il serait mieux de se servir d'un tribunal tout organisé. La loi actuelle subsiste, mais la nouvelle loi donne au gouvernement un tribunal organisé, composé de membres entraînés et indépendants des parties intéressées.
M. Saint-Jacques (Argenteuil) suggère que le gouvernement nomme une commission spéciale pour faire ces enquêtes.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) ne voit pas pourquoi la province ne profiterait pas de l'organisation toute faite qu'offre la Commission des services publics.
Il poursuit la lecture du paragraphe 28j:
"La Commission peut procéder suivant les dispositions du paragraphe 2o de l'article 9 et elle doit faire rapport sur ce qui a fait l'objet de son enquête, aussitôt que possible."
L'amendement, étant mis aux voix, est adopté par 17 voix contre 5.
L'article 6 ainsi amendé est adopté.
Le comité étudie l'article 7 qui se lit comme suit:
7. Ladite loi est modifiée en y insérant, après l'article 33, le suivant:
"33a. La Commission a tous les pouvoirs nécessaires pour interpréter et mettre à effet les dispositions de la présente loi."
Cet article est amendé et les mots suivants sont retranchés: "interpréter et". L'article 7 ainsi amendé est adopté.
Les articles 8, 9, 10, 11 et le préambule sont adoptés.
Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a adopté avec certains amendements. Les amendements sont lus une première fois, une deuxième fois sur division et adoptés sur division.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) suggère à l'opposition de voter sur la troisième lecture.
M. Sauvé (Deux-Montagnes) fait remarquer qu'il y a des prévisions dans le bill que l'opposition approuve et d'autres qu'elle ne veut pas endosser.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté sur division.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Messages du Conseil législatif:
M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:
Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté, avec certains amendements qu'il la prie d'agréer, le bill suivant:
- bill 75 modifiant la charte de la cité d'Outremont.
Charte d'Outremont
La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 75 modifiant la charte de la cité d'Outremont. Les amendements sont lus une première fois.
Subsides
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) pour l'honorable M. Nicol (Compton) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.
Adopté.
En comité:
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) pour l'honorable M. Nicol (Compton) propose qu'un crédit n'excédant pas cent mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour service d'hydroplanes, pour l'exercice finissant le 30 juin 1927.
M. Sauvé (Deux-Montagnes) et M. Saint-Jacques (Argenteuil) interrogent l'honorable M. Mercier fils (Châteauguay).
L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay) explique de quelle façon avaient été dépensés les crédits de l'an dernier et de quelle façon seraient employés ceux de cette année, cinq fois plus considérables. Il explique que l'on a, pour chef de service important, M. Quigley, qui donnera des renseignements précieux sur la valeur de nos immenses régions boisées. Des hydroplanes survoleront plus complètement les territoires forestiers du Lac-Saint-Jean, de la vallée du Saint-Maurice et de la région d'Ottawa. Les explorations faites ainsi aideront la province à compléter l'inventaire de nos immenses ressources naturelles. Il dit comment il en est venu à employer les services de monsieur Quigley pour survoler l'Ashuapmushuan et une partie de la Mengiscan. Il cite les résultats obtenus, et les résultats plus grands encore à prévoir quand, en plus de M. Quigley, on pourra s'assurer les services de la Fairchild Aerial Survey Company ou de toute autre compagnie analogue pouvant survoler la région du Lac-Saint-Jean, du Saint-Maurice et de l'Ottawa.
La résolution est adoptée.
Résolutions à rapporter:
Le comité fait rapport qu'il a adopté une résolution et demande la permission de siéger de nouveau. Ladite résolution est lue deux fois et adoptée.
La séance est levée à 11 heures.
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NOTES
1. Selon Le Soleil, il y avait peu de monde à l'Assemblée. M. Sauvé a rapporté de Montréal un gros rhume qui nuira à ses discours pendant quelques jours. Il n'y avait qu'une quinzaine de députés du côté de la droite. Trouvant l'assistance trop petite, le premier ministre n'a pas voulu discuter des bills les plus importants.
2. Le Canada rapporte que le premier ministre aurait dit "huit" enquêtes au lieu de cinq.
3. Voir La Patrie du16 mars 1926, page 16.
4. Dans Le Canada, on signale que la Chambre se forma en comité des subsides à 10 h 30.
5. Le Chronicle Telegraph dit que M. Nicol est absent et remplacé par le premier ministre.
6. Dans les journaux du lendemain, soit le 16 mars, on rapporte différentes heures pour la reprise de la séance. La Presse parle de 8 h 15, La Patrie parle de 8 h 30, tandis que dans L'Événement on rapporte 8 h 40.