Débats de l'Assemblée législative (débats reconstitués)
Version finale
15e législature, 4e session
(24 octobre 1922 au 29 décembre 1922)
Le mercredi 6 décembre 1922
Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.
Présidence de l'honorable J.-N. Francoeur
La séance est ouverte à 3 h 15.
M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!
Syndics d'écoles d'Outremont
M. Smart (Westmount) propose, appuyé par le représentant de Montréal-Saint-Georges (M. Gault), que toutes les dispositions du règlement qui ont trait à l'avis, à la présentation, à la réception et à l'examen des pétitions introductives de bills privés ainsi qu'à l'examen préliminaire, à la présentation et à l'examen par le comités des bills privés, soient suspendues et qu'il lui soit en conséquence permis de présenter la pétition de The School Trustees for the municipality of the City of Outremont, que cette pétition soit lue et reçue aussitôt que présentée et qu'il lui soit permis de présenter un bill concernant The School Trustees for the municipality of the City of Outremont.
Adopté.
Présentation et lecture de pétitions:
La pétition suivante est présentée, lue et reçue par la Chambre:
- de The School Trustees for the municipality of the City of Outremont (M. Smart).
M. Smart (Westmount) demande la permission de présenter le bill 110 concernant les syndics d'écoles de la municipalité d'Outremont.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Charte de Longueuil
M. Richard (Verchères) propose, appuyé par le représentant de Trois-Rivières (M. Mercier), que toutes les dispositions du règlement qui ont trait à l'avis, à la présentation, à la réception et à l'examen des pétitions introductives de bills privés, ainsi qu'à l'examen préliminaire, à la présentation et à l'examen par les comités des bills privés, soient suspendues et qu'il lui soit en conséquence permis de présenter la pétition de la cité de Longueuil, demandant l'adoption d'une loi amendant sa charte, que cette pétition soit lue et reçue aussitôt que présentée et qu'il lui soit permis de présenter un bill amendant la charte de la cité de Longueuil.
Adopté.
Présentation et lecture de pétitions:
La pétition suivante est présentée, lue et reçue par la Chambre:
- de la cité de Longueuil, demandant l'adoption d'une loi amendant sa charte (M. Richard).
M. Richard (Verchères) demande la permission de présenter le bill 111 amendant la charte de la cité de Longueuil.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Rapports de comités:
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le douzième rapport du comité permanent des bills publics. Voici le rapport:
Votre comité a décidé de rapporter, avec des amendements, le bill suivant:
- bill 83 concernant la succession de dame Eléonore Gauvin.
Et, sans amendement, le bill suivant:
- bill 67 concernant la succession de feu Alfred Dalbec.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le treizième rapport du comité permanent des bills publics. Voici le rapport:
Votre comité a décidé de rapporter, avec des amendements, le bill suivant:
- bill 3 concernant les cités et villes.
M. Cannon (Québec-Centre): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le troisième rapport du comité permanent des comptes publics. Voici le rapport:
Votre comité fait rapport à la Chambre qu'il a décidé de faire prendre à la sténographie les témoignages qui seront donnés devant son comité.
Votre comité recommande qu'il soit autorisé à employer des sténographes.
Le rapport est adopté.
M. Ashby (Jacques-Cartier): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le douzième rapport du comité permanent des bills privés. Voici le rapport:
Votre comité a décidé de rapporter, sans amendement, les bills suivants:
- bill 88 autorisant le Collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec à admettre Georges Laurencelle au nombre de ses membres.
- bill 91 autorisant le Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec à admettre Jean-Baptiste Delâge à la pratique de la médecine et chirurgie, après examen.
Et, avec amendements, le bill suivant:
- bill 93 constituant en corporation la Congregation Beth Yitzchok.
Entretien des chemins d'hiver
L'honorable M. Perrault (Arthabaska) demande la permission de présenter le bill 49 amendant le Code municipal, au sujet de l'entretien des chemins d'hiver.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Code de procédure civile, article 29
M. Cannon (Québec-Centre) demande la permission de présenter le bill 166 amendant l'article 29 du Code de procédure civile.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Questions et réponses:
Sommes reçues par F. H. Dunn
M. Gault (Montréal-Saint-Georges): 1. Monsieur F. H. Dunn est-il accusé d'avoir reçu d'autres sommes d'argent d'un club de Jockey, d'une association de chasse ou de course, autre que le Connaught Park Jockey Club; dans l'affirmative, de quel club ou association de course, et pour quel montant ou quels montants?
2. Quelle est la date de la police garantissant sa fidélité?
3. Y a-t-il une chance de percevoir quelque chose de cette police?
L'honorable M. Nicol (Richmond): 1. L'enquête n'est pas encore finie.
2. Le premier janvier 1922.
3. Nous ne le croyons pas.
Comptes publics
M. Sauvé (Deux-Montagnes): À quelle date les comptes publics ont-ils été fermés pour chacun des exercices 1916-17, 1917-18, 1918-19, 1919-20, 1920-21, 1921-22?
L'honorable M. Nicol (Richmond): Le 30 juin.
Construction de routes
M. Sauvé (Deux-Montagnes): 1. Quels sont les noms des entrepreneurs qui ont signé des contrats avec le gouvernement pour la construction des routes provinciales ou régionales en 1921 et en 1922?
2. Si ce sont des compagnies, quels sont: a. les noms des directeurs de ces compagnies; b. leurs sièges d'affaires?
3. Quels sont les noms et les résidences des entrepreneurs pour chacune des routes?
4. Quel est le prix par mille?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): 1. Sur le système des grandes routes de la province, les entrepreneurs ont signé des contrats avec le gouvernement en 1921 et 1922; T. E. Rousseau, Ltée; O'Connors, Ltd; O'Connor Bos.; William I. Bishop Associated avec P. Lyall & Sons, Construction Co. Ltd; Dave Devito; I. Duquette; Alexandre Lavigne; Universal Contractors, Inc; Canada Construction Co.; Kennedy Construction Co; Damase Lagacé; H. L. St-George; Nova Scotia Construction Co. Ltd; F. Laroche, Adélard Lizotte; Newton-Dakin Construction Co.; Montreal Road Construction Co. Ltd; Armand Sicotte & Cie; Arthur Maynard; Normand & Normand; J. W. French; N. A. McDonald; Terminal Construction Co. Ltd; Laganière, Houde & Cie; Nap. Trudel & Fils; J. A. Brouillette & Alex. Venne, père; Frs Cordeau; Jacob A. Jacobs; Alphonse Létourneau; N. Bucciarelli; Gédéon Pomerleau & Édouard Lemieux; Léger & Charlton Ltd; Pacifique Baillargeaon; Uldéric Paris; Cie de Construction de St-Ours; Jos. Trudeau & J.-Euclide Messier; J. Raoul Boulanger; Veilleux Construction Co.; Frank Walters & Co; Engineers & Contractors Ltd; C. Gauthier; Rousseau & Guertin.
2. a. Le département l'ignore.
b. Le département ne connaît que les adresses données au no 3.
3. Sur le système des grandes routes du Canada: (Voir la liste ci-dessous)
Route Trois-Rivières-Grand'Mère:
T.-E. Rousseau Ltée, Edifice Quebec Railway, Québec.
Route Caughnawaga-Malone:
O'Connors Ltd, 204 rue St-Jacques, Montréal.
O'Connor Bros. Huntingdon, P.Q.
Léger & Charlton Ltd, 458 rue St-Joseph, Lachine, P.Q.
Route Laprairie-Valleyfield:
O'Connor Ltd, 204 rue St-Jacques, Montréal.
The Kennedy Construction Co., Edifice Shaughnessy, Montréal.
Route Montréal-Sherbrooke:
W. I. Bishop Associated with P. Lyal & Sons Construction Co. Ltd Édifice New Birks, Montréal.
C. Gauthier, Weedon, comté de Wolfe.
F. Laroche, Coaticook, comté de Stanstead.
Rousseau & Guertin, Lambton, comté de Frontenac.
Nova Scotia Construction Co., 59 rue St-Pierre, Montréal.
Adélard Lizotte, Ham-Sud, comté de Wolfe.
Newton-Dakin Construction Co., 181 rue King-Ouest, Sherbrooke.
Montreal Road Construction Co. Ltd, 29 rue Hermine, Montréal.
The Kennedy Construction Co., Édifice Shaughnessy, Montréal.
A. Sicotte & Cie, 83 rue Craig-Ouest, Montréal.
A. Maynard, Chambly-Canton, P.Q.
J. W. French, Cookshire, comté de Compton.
Route Marieville-Cowansville:
J. Surprenant, Farnham, comté de Missisquoi.
Route Lévis-Lambert:
R. Potvin & J.-P. Lachapelle & Cie, St-Ours, comté de Richelieu.
H. L. St-George, 127 rue Stanley, Montréal.
Uld. Paris, Deschaillons, comté de Lotbinière.
Cie de construction de St-Ours, St-Ours, P.Q.
J.-E. Paquin, Lotbinière, P.Q.
J. Trudeau & J.-E. Messier, Varennes, comté de Verchères.
N. Trudel & Fils, St-Irénée, comté de Charlevoix.
Route Lévis-Rimouski:
I. Duquette, Lac-Mégantic, comté de Frontenac.
J.-R. Boulanger, Montmagny, P.Q.
Route Montréal-Toronto:
Canada Construction Co., Buckingham, comté de Labelle.
N.-A. MacDonald, Dalhousie-Station, comté de Soulanges.
Route Montréal-Hull:
Alex. Lavigne, Aylmer-Est, comté de Hull.
The Kennedy Construction Co. édifice Shaugnessy, Montréal.
D. Lagacé, L'Abord-à-Plouffe, comté de Laval.
Universal Contractors Inc., Édifice Drummond, Montréal.
Engineers & Contractors Ltd, Annapolis Royal, N.E.
Route Montréal-Québec:
Universal Contractors Inc., Édifice Drummond, Montréal.
T. E. Rousseau, Ltée, Édifice Quebec Railway, Québec.
Frank Walters & Co., Lennoxville, comté de Sherbrooke.
Route Beauce-Jonction-Sherbrooke:
I. Duquette, Lac-Mégantic, P.Q.
A. Létourneau, Disraéli, comté de Wolfe.
Route Aylmer-Chapeau:
N. Bucciarelli, Aylmer, comté de Hull.
Route Beauceville-Sherbrooke:
G. Pomerleau, St-Victor-de-Tring, comté de Beauce.
Ed. Lemieux, Ste-Marie, comté de Beauce.
Route Laprairie-Lacolle:
P. Baillargeon, St-Jean, P.Q.
Route Joliette-L'Assomption, P.Q.
J.-A. Brouillette, L'Assomption, P.Q.
Route Lévis-Sherbrooke:
Veilleux Construction Co., 76 rue London, Sherbrooke.
Route Rivière-du-Loup-Edmundston:
Normand & Normand, L'Islet, P.Q.
Route Québec-St-Siméon:
Terminal Construction Co. Ltd. édifice Roy, Halifax, N.-E.
Universal Contractors Inc., Montréal.
T. E. Rousseau, Ltée, Édifice Quebec Railway, Québec.
Laganière, Houde & Cie, Grondines, comté de Portneuf.
N. Trudel & Fils, St-Irénée, comté de Charlevoix.
Route Rawdon-L'Assomption:
J.-A. Brouillette & A. Venne, L'Assomption, P.Q.
Route St-Hyacinthe-Rougemont:
T.-E. Rousseau, Ltée, Édifice Quebec Railway Québec.
J. A. Jacobs, 282 rue Ste-Catherine-Ouest, Montréal.
4. Sur le système des grandes routes de la province, les contrats n'ont pas été donnés à prix fixes, mais à des prix unitaires. Le département ne peut donc donner le prix par mille que pour les contrats suivants, lesquels sont complètement terminés: (Voir la liste ci-dessous)
Route Rivière-du-Loup-Edmunston: |
Sainte-Rose-du-Dégelée, paroisse | $4,197.41 |
Route Beauceville-Sherbrooke: |
Saint-Victor-de-Tring, paroisse | 7,149.12 |
Saint-Victor-de-Tring, village | 3,203.96 |
Route-Beauce-Jonction-Sherbrooke: |
Saint-Joseph-de-Coleraine, paroisse | 4,973.76 |
Irlande-Sud, canton | 16,515.84 |
Black-Lake, ville | 28,158.24 |
Route Lévis-Saint-Lambert: |
Saint-Louis-de-Lotbinière, paroisse | } | 17,391.84 |
Leclercville, village |
Lévis, ville (partie Villemay) | } | 33,818.50 |
Lévis, ville (partie Saint-Télesphore) |
Saint-Roch, paroisse | 13,448.53 |
Verchères, village | 8,622.68 |
Verchères paroisse (Grande Côte d'en Bas) | 9,347.80 |
Verchères paroisse (Grande Côte d'en Haut) | 8,836.09 |
Varennes, paroisse | 8,740.76 |
Varennes, village | 8,374.54 |
Route Montréal-Sherbrooke: |
Magog, canton | 13,447.85 |
Chambly-Canton, village | 18,280.94 |
Chambly-Bassin, village | 21,397.67 |
Saint-Joseph-de-Chambly, paroisse | 18,966.70 |
Saint-Hubert, paroisse | 22,012.66 |
Sainte-Anne-de-Longueuil, paroisse | 19,682.90 |
Route Montréal-Mont-Laurier: |
Saint-Janvier, paroisse | 4,059.37 |
Sainte-Thérèse, ville | 7,874.22 |
Sainte-Thérèse, paroisse (contrat Rousseau) | 2,318.88 |
Sainte-Thérèse, paroisse (contrat Universal) | 6,795.94 |
Route Montréal-Hull: |
Saint-Hermas, paroisse | 14,155.24 |
Sainte-Scholastique, paroisse | 14,970.71 |
Saint-Jérusalem, paroisse | 6,975.00 |
Pointe-Gatineau, village | 8,749.56 |
Hull, ville | 10,728.30 |
Montebello, village | 7,273.30 |
L'Abord-à-Plouffle, village | 11,269.91 |
S.-A. Filion
M. Smart (Westmount): 1. M. S.-A. Filion, de Grenville, est-il à l'emploi du gouvernement?
2. Si oui, quel emploi exerce-t-il?
3. Quel est son salaire?
4. Quelle somme a-t-il reçue du gouvernement en 1921 et quelle somme en 1922 jusqu'à ce jour?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): 1. Oui.
2. Agent des terres de colonisation;
3. $700 par année.
4. En 1921-1922, $879.73 en salaire, commission et déboursés; - du 1er juillet au 1er décembre, $422.91 en salaire, commission et déboursés.
Prière
M. Ricard (Saint-Maurice) propose, appuyé par le représentant de Montréal-Hochelaga (M. Bédard), qu'à l'ouverture de toute séance de cette Chambre, l'Orateur fasse au nom de l'Assemblée la prière suivante:
Ô Dieu éternel et tout-puissant, de qui vient tout pouvoir et procède toute sagesse, par qui les rois règnent et font des lois justes, nous voici assemblés en votre présence pour porter des lois destinées à faire le bien et la prospérité de notre province; accordez-nous, nous vous en supplions, Dieu de miséricorde, de ne désirer que ce qui est conforme à votre volonté, de le rechercher avec prudence, de le connaître avec certitude et de l'accomplir parfaitement pour l'honneur et la gloire de votre nom et le bonheur de notre patrie. Ainsi soit-il.
Me permettez-vous de dire quelques mots à l'appui de cette motion? Dans cette Législature, la seule Législature canadienne-française et catholique de ce pays, et de toute l'Amérique, ne croyez-vous pas que nous devrions réciter une prière au début des séances, comme au Conseil législatif de notre province, comme à la Chambre des communes et au Sénat canadien d'Ottawa du reste et même dans quelques Législatures? La prière qui vous est soumise dans ma motion a été préparée pour le Conseil législatif par le regretté cardinal Taschereau. Je la crois très digne.
Il est certain qu'elle sera vue d'un bon oeil par le public qui croyait déjà que la chose existait à Québec comme à Ottawa. Si nous décidions de la réciter en cette Chambre, ce serait prouver que nous sommes fiers de ce beau titre de noblesse, le titre de catholiques!
La chose existe dans toutes les écoles, dans plusieurs assemblées délibératives, dans toutes les sphères et dans nos sociétés mutuelles, régies par une constitution; une clause prévoit à ce que chaque séance commence par la prière. Partout l'on fait une prière.
Nous avons besoin de demander les bénédictions du ciel sur nos délibérations. D'ailleurs, en adoptant cette motion, nous agissons en conformité avec la mentalité canadienne-française de notre province. J'espère qu'aucun de mes collègues ne désapprouvera ma motion, que la résolution sera adoptée et mise en vigueur le plus tôt possible.
L'honorable M. David (Terrebonne) et M. Grégoire (Frontenac) se lèvent en même temps.
L'honorable M. David (Terrebonne): Après vous.
M. Grégoire (Frontenac): Je suis heureux de féliciter le député de Saint-Maurice (M. Ricard) de nous proposer cette prière. Il lui fait plaisir d'appuyer cette proposition et il se demande si son proposeur n'a pas été inspiré par sainte Catherine, dont on vient de célébrer la fête. La Sainte-Catherine est aussi le jour des fiançailles1...
Des députés applaudissent.
M. Grégoire (Frontenac): Il y a longtemps que nous devrions la réciter. Nous avons tant besoin du Ciel; nous avons tant de choses à demander au Seigneur. Voilà le moment des élections qui approche: demandons au Ciel de faire en sorte que nous ne puissions dire encore: "L'opposition s'est sauvée... !" Il félicite le proposeur de son heureuse idée qu'il appuie de tout coeur.
M. Mercier (Trois-Rivières) approuve également la motion. Je veux, dit-il, aussi adresser quelques mots de félicitations cordiales à mon voisin de Saint-Maurice pour son idée touchante. Il est juste que ce soit lui qui nous fasse cette proposition; il était prédestiné; ne porte-t-il pas le nom de Nestor, qui veut dire vieillard plein de sagesse et d'éloquence. Cette motion va attirer sur lui les bénédictions du ciel et lui attirer, peut-être, une élection par acclamation.
Des voix ministérielles: Chut! Chut!
M. Mercier (Trois-Rivières): Je félicite notre collègue de sa courageuse initiative.
L'honorable M. David (Terrebonne) félicite à son tour le député de Saint-Maurice pour la bonne idée qu'il a eue de présenter cette motion devant la Chambre. Il n'y a aucun doute que les députés ont dû croire que le gouvernement accueillerait avec plaisir, et avec gratitude même, la proposition du député de Saint-Maurice. Cette prière que l'on propose, du reste, est assez large et assez belle d'inspiration pour être acceptée par tous sans distinction de croyance. Cette prière se fait ailleurs et elle ne serait sûrement pas déplacée dans cette enceinte Elle est excessivement belle et fait honneur au distingué prélat qui en est l'auteur, feu le cardinal Taschereau; elle saura aider, si elle est entendue d'en haut, la députation dans toutes ses délibérations. Par cette prière, la Chambre demandera que la sagesse guide ses délibérations et qu'elle soit sans cesse éclairée dans la préparation comme dans l'étude et l'adoption de ses lois.
Nous avons besoin d'attirer les bénédictions du ciel sur nos délibérations; nous avons besoin des lumières célestes dans l'élaboration des lois qui feront le bonheur et la prospérité de notre province. Cette prière sera de nature à obtenir de la Providence que la Chambre continue d'édicter des lois qui soient pour le progrès et l'avancement de notre province. Je me rappelle toujours mon émotion lorsque j'ai assisté à l'ouverture d'une classe, à Montréal en compagnie du docteur Dickie de la Commission des écoles protestantes, où 1,100 petits hébreux, avant de commencer leurs travaux, récitaient avec ferveur une petite prière et le "Notre Père". La foi est belle dans toutes ses manifestations. Nous n'avons pas à la cacher, elle peut certes se manifester par une prière que tous peuvent dire, de quelque origine qu'ils soient, pour demander la sagesse et l'éclairement qui vient d'en haut.
C'est une heureuse idée que d'attirer sur nos délibérations la sagesse et l'éclairement d'en haut, afin de faire des lois pour le bien et l'avancement de notre province. Je félicite donc sincèrement le député pour l'attitude qu'il a prise. La Chambre devrait accepter sans tarder cette proposition. C'est une pieuse coutume qui existe dans les autres parlements et qui serait à sa place dans l'Assemblée législative.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Je seconde sincèrement la résolution du député de Saint-Maurice. C'est un acte magnifique, un acte sérieux que nous posons en ce moment, et je ne doute pas de la bonne foi de ceux qui vont l'appuyer ni de la sincérité des honorables députés qui ont parlé, mais on ne doit pas parler de prière en faisant du badinage... Si, par cette prière l'on veut vraiment poser un acte de foi et demander les lumières célestes sur les délibérations de la Chambre, l'on aurait dû adopter un autre genre. Cette motion que j'approuve de tout coeur est assez sérieuse pour ne pas se permettre de la légèreté et du badinage à ce sujet. Si la Chambre désire poser un acte de foi, qu'elle le fasse avec la dignité qui convient.
L'honorable M. David (Terrebonne) soulève un point d'ordre. Je demande pardon à mon honorable ami, mais j'ai considéré la motion très sérieusement... Le chef de l'opposition n'a pas le droit de dire que je n'ai pas été sérieux dans les remarques que je viens de faire.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Je ne m'étais pas envolé encore vers le siège de l'honorable secrétaire provincial lorsque ce gentleman m'a interrompu. Je voulais faire exception pour son discours, qui a été très sérieux en effet. J'allais dire que c'est sans doute parce qu'on a voulu badiner que l'honorable secrétaire provincial a prononcé de très belles, mais de trop brèves paroles, à ce sujet. Il a apporté du sérieux alors que le débat menaçait de tourner au badinage. Le secrétaire provincial a traité le sujet avec dignité. Je ne peux en dire autant des autres députés qui ont pris la parole sur cette motion. L'opposition approuve entièrement et sincèrement cette proposition.
En autant que la chose le regarde, il dit qu'il approuve sincèrement l'idée de la prière, et il espère que la Chambre la récitera sérieusement et n'en fera pas une farce. C'est un acte magnifique, un acte sérieux, que nous posons en ce moment, et je ne doute pas de la bonne foi de ceux qui l'ont appuyé, mais la Chambre me permettra de regretter que, parmi ceux qui ont parlé avant moi, il y en ait qui ont fait du badinage à propos du proposeur. Je crois que c'est un des projets les plus louables, un des actes les plus convenables qui nous aient été proposés par les députés de la droite et je l'appuierai avec plaisir. La prière est un acte de foi et, pour qu'elle soit efficace et fructueuse, il faut qu'elle soit faite avec sincérité. Nous devons réciter cette prière pour attirer sur nos délibérations la lumière céleste avec la justice divine. Nous en avons tous besoin.
Le gouvernement, plus que jamais, paraît en avoir besoin. J'espère qu'elle inspirera ceux qui, dans le passé, ont pu présenter des mesures néfastes. Il demande à la Chambre le privilège de seconder la motion du député de Saint-Maurice. Il termine ses remarques en félicitant aussi tous les députés de la droite.
M. Grégoire (Frontenac): Il est permis, en parlant, d'avoir un sourire sur les lèvres, et je ne veux pas que l'on doute de la sincérité de mes félicitations au député de Saint-Maurice. Nous nous sentons la conscience en paix et nous pouvons parler des choses sérieuses sans cesser d'avoir l'air heureux! On peut bien sourire même avec une prière sur les lèvres.
M. Mercier (Trois-Rivières): Je tiens à dire, moi, que j'étais très sérieux en félicitant notre collègue. Je ne veux pas qu'on interprète mal mes paroles. J'ajouterai cependant que les saints tristes sont de tristes saints!
M. Hay (Argenteuil): Je ne veux pas perdre l'occasion de féliciter l'honorable député de Saint-Maurice, pour son excellente proposition. Puisqu'il y a une prière à la Chambre des communes, à Ottawa, il est juste qu'il y en ait une à la Chambre des députés de Québec. Il approuve en tant que protestant le texte de cette belle prière.
M. Smart (Westmount): C'est une proposition sérieuse que celle que nous avons devant nous et je veux la considérer sérieusement. Il appuie de tout coeur et félicite le député de Saint-Maurice de son idée et de la façon référentielle dont il propose la motion. La prière est très belle, Il dit sa grande admiration pour le texte de la prière proposée. La prière devrait en appeler au coeur de tous les députés, sans distinction de croyance ou de nationalité. Il est heureux d'endosser la motion. Je félicite l'honorable député qui en a eu l'heureuse idée, et je l'appuierai de mon vote.
La proposition est adoptée à l'unanimité.
(Applaudissements)
Demande de documents:
Chambre commerciale des cultivateurs
M. Dufresne (Joliette) propose, appuyé par le représentant de Laval (M. Renaud), qu'il soit mis devant cette Chambre la copie de toute correspondance, documents, etc., entre le ministère de l'Agriculture et M. Dollard Tessier, de Saint-Césaire, au sujet des chartes ou lettres patentes de la Chambre commerciale des cultivateurs et de la Chambre des cultivateurs limitée - Board of Farmers.
Il demande ce que le gouvernement a fait dans cette affaire dans le but d'aider les cultivateurs qui avaient perdu de l'argent.
M. Sauvé (Deux-Montagnes) rappelle qu'un débat a été soulevé devant la Chambre, il y a une couple d'années, et que le gouvernement avait alors promis que tout serait mis en oeuvre pour que les intérêts des cultivateurs fussent protégés en cette affaire. Il demande au gouvernement ce qu'il a fait pour protéger les cultivateurs contre ces deux organisations qui ont été mises en liquidation. Lors du débat qui a eu lieu sur cette affaire à la Chambre, il y a deux ans, le procureur général a fait des déclarations importantes et a assuré que le gouvernement verrait à assurer un règlement équitable et à sauver autant que possible les créanciers de la perte considérable imminente pour eux. Quel a donc été le résultat de l'intervention du gouvernement? Il ne suffisait pas de prendre des procédures contre Turner et les autres promoteurs, il fallait encore les forcer à remettre aux cultivateurs l'argent qui leur avait été extorqué.
L'honorable M. Caron (Îles-de-la-Madeleine): L'intervention du gouvernement dans cette affaire s'est produite dès que l'on a eu la preuve qu'il y avait dans ces opérations de la fraude et de la malhonnêteté. Le gouvernement s'est opposé dans toute la mesure du possible aux opérations de ces deux compagnies. Il est, dit-il, intervenu lui-même dans le temps, il a déposé une plainte contre l'un des promoteurs de la Chambre des cultivateurs, le nommé Turner qui a subi son procès et a été condamné à la prison où il purge sa peine. Nous avons tout fait pour sauvegarder les intérêts des cultivateurs qui étaient pris dans cette affaire ou qui allaient s'y faire prendre.
Quant aux intérêts de ceux qui avaient déjà souscrit des billets, on comprendra qu'il était difficile pour le gouvernement d'intervenir auprès des banques qui détenaient ces billets. Le billet est un effet de commerce et le gouvernement ne pouvait rien contre. Il y avait, on le comprendra, impossibilité légale. Le gouvernement ne pouvait empêcher les banques de négocier ces billets, car les signataires de billets escomptés à la banque sont toujours responsables. L'on ne pouvait forcer la banque à perdre le montant de ces billets. Le seul moyen pour le gouvernement de le faire aurait été de rembourser les créanciers à même les fonds de la province et cela était impossible, attendu qu'il s'agissait de gens trompés dans une entreprise privée.
Nous ne pouvions pas prendre sur les fonds publics pour rembourser ceux qui avaient perdu leur argent. Nous ne pouvions faire cela à l'endroit d'une compagnie privée. Ce que nous devions faire, nous l'avons fait: arrêter le misérable qui abusait de la confiance des cultivateurs. Le gouvernement a fait tout ce qu'il lui était possible de faire et son intervention ne pouvait aller plus loin.
M. Sauvé (Deux-Montagnes) interroge aussi le procureur général à ce sujet.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) ajoute quelques mots sur le sujet en tant que procureur général. Turner, dit-il, a été arrêté sur nos instances et nous avons fait annuler les chartes de ces compagnies en les faisant mettre en liquidation. Mais le gouvernement ne pouvait annuler les billets escomptés. Nous avons même fait plus, nous avons, en effet, averti ceux qui avaient perdu que nous les protégions dans un "test case" au sujet de la validité des billets, en payant les frais de procédures que les créanciers voudraient prendre, mais personne n'a voulu se prévaloir de cette proposition.
L'intervention du gouvernement a eu un bon effet; il a eu pour résultat un compromis par lequel les cultivateurs intéressés ont réglé pour 60 cents dans la piastre. il y a donc eu, après notre intervention, cet arrangement avec les souscripteurs des billets à raison de 60 %. Bref, l'on a arrêté complètement les opérations de ces deux compagnies. Les documents qui seront déposés établiront que l'intervention du gouvernement a mis fin à une odieuse exploitation.
La proposition est adoptée.
Congrès des médecins de langue française
Conformément à l'ordre du jour, la Chambre reprend le débat sur la motion dont elle a été saisie le mardi, 21 novembre dernier, qu'il soit déposé, sur le bureau de cette Chambre, une copie de toute correspondance, lettres, etc., entre le VIIe Congrès des médecins de langue française de l'Amérique du Nord, tenu à Montréal, en septembre dernier, et le gouvernement.
M. Grégoire (Frontenac) appuie la motion du député de Laurier (M. Poulin) demandant la création d'un bureau de médecins experts qui décideront des causes criminelles où l'on invoque l'irresponsabilité mentale en faveur de l'accusé. Il profite de l'occasion pour faire l'historique de la médecine à travers le monde et pour dire le rôle bienfaisant du médecin dans le monde. Le médecin, dit-il, est au fond de toutes les sciences matérielles. Il place la médecine au-dessus du droit et des avocats. Il rappelle divers souvenirs historiques et le rôle joué dans le monde par les fondateurs de la médecine.
Il parle tour à tour d'Apollon, d'Esculape, d'Hippocrate, de Gallien, de Paracelse, des Croisades, de la Renaissance, des bénédictins, et d'Ambroise Paré. Il rappelle le souvenir de Louis XIV et des apothicaires armés de leur seringue, semblables, dit-il, à Roland et à sa Durandal! Il évoque les sorciers et les personnages de Molière, de Pasteur, de Claude Barnard; il fait allusion à l'hypnotisme, à la Salpètrière et au Dr Charcot.
Il voudrait que le gouvernement envoie des médecins en Europe pour se tenir au courant des grandes découvertes. Il félicite le gouvernement de la fondation récente de l'Institut du radium et de l'achat de radium. La médecine a fait d'immenses progrès, surtout durant la Guerre, et elle est devenue une science positive.
Les médecins doivent être aujourd'hui des savants. Il faut donc qu'on les rétribue convenablement. Il appuie la motion du député de Montréal-Laurier (M. Poulin). Il fait voir aussi le rôle humanitaire du médecin de campagne dont il dit les misères et le dévouement sans bornes.
Avez-vous jamais pensé, messieurs, au médecin qui, appelé, part dans la nuit sombre et qui va dans la boue des chemins, ou sous la poudrerie d'hiver pour aller soigner un malade dans une maison sombre? Très souvent, je vous assure, en sortant de chez le malade en danger, le médecin a peur d'avoir fait quelque erreur fatale, et sent le besoin de prier... C'est l'effort suprême de ce médecin pour sauver une personne de la mort. Selon lui, à cause de son objet, la médecine est bien au-dessus du droit.
Et la motion étant mise aux voix, la Chambre l'adopte.
Messages du Conseil législatif:
M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:
Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté, avec certains amendements qu'il la prie d'agréer, les bills suivants:
- bill 68 concernant la construction de l'église de la paroisse de Sainte-Catherine de Montréal;
- bill 79 ratifiant un acte d'accord intervenu entre Price Brothers & Company Limited, et certaines municipalités, pourvoyant à la construction et à l'entretien d'un pont sur la rivière Saguenay, et un acte d'accord entre ces mêmes municipalités, pourvoyant à la construction et à l'entretien des chemins qui devront conduire à ce pont;
- bill 56 amendant la charte de la ville du Cap-de-la-Madeleine;
- bill 72 concernant la fabrique de la paroisse de Saint-Bernardin-de-Sienne;
- bill 81 constituant en corporation The Study Corporation.
Église Sainte-Catherine, Montréal
La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 68 concernant la construction de l'église de la paroisse de Sainte-Catherine de Montréal. Les amendements sont lus deux fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.
Pont sur le Saguenay
La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 79 ratifiant un acte d'accord intervenu entre Price Brothers & Company Limited et certaines municipalités, pourvoyant à la construction et à l'entretien d'un pont sur la rivière Saguenay, et un acte d'accord entre ces mêmes municipalités, pourvoyant à la construction et à l'entretien des chemins qui devront conduire à ce pont. Les amendements sont lus une première fois.
Charte du Cap-de-la-Madeleine
La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 56 amendant la charte de la ville du Cap-de-la-Madeleine. Les amendements sont lus deux fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.
Fabrique de Saint-Bernardin-de-Sienne
La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 72 concernant la fabrique de la paroisse de Saint-Bernardin-de-Sienne. Les amendements sont lus deux fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.
The Study Corporation
La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 81 constituant en corporation The Study Corporation. Les amendements sont lus deux fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.
Temple Emmanu-El
La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 65 amendant la charte de Temple Emmanu-El. Les amendements sont lus une deuxième fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.
Société coopérative fédérée des agriculteurs
M. Ouellet (Dorchester) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 95 constituant en corporation la Société coopérative fédérée des agriculteurs de la province de Québec.
Adopté.
En comité:
Le comité étudie le préambule du bill et l'article 1 qui se lisent comme suit:
"Attendu que la Coopérative centrale des agriculteurs de Québec, société coopérative agricole ayant son principal établissement dans la cité de Montréal, formée en vertu de l'article 1971 des statuts refondus, 1909, par un avis en date du 21 avril 1910, possédant certains pouvoirs spéciaux en vertu des lois 9 George V, chapitre 129, et 10 George V, chapitre 122; le Comptoir coopératif de Montréal, société coopérative agricole ayant son principal établissement dans la cité de Montréal formée en vertu de l'article 1971 des statuts refondus, 1909, par un avis en date du 27 janvier 1913; et la Société coopérative agricole des producteurs de semences de Québec, ayant son principal siège d'affaires en la paroisse de Sainte-Rosalie, dans le comté de Bagot, formée en vertu de l'article 1971 des statuts refondus, 1909, par un avis en date du 3 décembre 1914, désirent se fusionner en une seule société;
"Attendu que le projet de fusion a été approuvé par une assemblée générale des membres de chacune de ces trois sociétés;
"Attendu que ces trois sociétés ont demandé la passation d'une loi pour décréter cette fusion aux conditions ci-après récitées;
"Attendu qu'il est opportun de faire droit à cette demande; à ces causes, Sa Majesté, de l'avis et du consentement du Conseil législatif et de l'Assemblée législative de Québec, décrète ce qui suit:
"1. La Coopérative centrale des agriculteurs de Québec, le Comptoir coopératif de Montréal et la Société coopérative agricole des producteurs de semences de Québec forment une nouvelle société coopérative agricole sous le nom de "Société coopérative fédérée des agriculteurs de la province de Québec"
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Le projet de loi que le député de Dorchester (M. Ouellet) a présenté constitue un abus flagrant de pouvoir extraordinaire de la part du gouvernement et tend à légaliser une mesure qui sera sévèrement condamnée par la presse sérieuse et par les cultivateurs, lorsque ceux-ci la connaîtront entièrement. La lourde mainmise de l'État va s'abattre sur tout, dans la province.
Pour ne pas être accusé d'injustice, je tiens à déclarer, tout de suite, que lorsque je parlerai des pouvoirs qui sont conférés par cette loi au ministre de l'Agriculture, je ne m'attaquerai pas au ministre personnellement, qui s'est imposé par ses qualités, mais au ministre de l'Agriculture quel qu'il soit, ceux qui viendront après.
Sans être opposé au principe du bill, il ne peut approuver le pouvoir arbitraire et abusif conféré au ministre de l'Agriculture. La majorité des actionnaires de la Coopérative fédérée ne pourra faire quoi que ce soit si le ministre de l'Agriculture ne l'approuve pas. Il est surpris que les cultivateurs aient ainsi consenti à se placer sous la férule d'un homme politique. Ce projet de loi, dit-il, donne au ministre un pouvoir absolu. S'il est adopté, il livre les cultivateurs, économiquement organisés, pieds et mains liés, au gouvernement.
Ce bill proclame qu'il n'y a pas de cultivateurs assez intelligents et assez compétents dans notre province pour faire des affaires, sans la direction souveraine du gouvernement. Pas un sociétaire ne pourra faire quoi que ce soit, si le ministre de l'Agriculture s'y oppose. Je suis vraiment surpris que les cultivateurs aient approuvé ce projet de loi, comme on nous l'a dit. Le ministre a le contrôle absolu de toutes les opérations de cette société. Il n'y a pas une autre société, pas une autre association au monde qui soit dans cette disposition. Et on fait cela au moment où des experts, appelés par le gouvernement, ont déclaré devant le comité de l'agriculture que le grand malheur et le fléau actuel, c'est l'action du gouvernement sur toutes les initiatives privées. "Débarrassez nous de cette emprise, ont-ils dit, donnez-nous la liberté de développer nos talents et nos initiatives". Les abbés Grondin et Bergeron, MM. Bélanger et Provencher ont fait de telles déclarations.
J'ai entendu plusieurs membres du comité les approuver à cette occasion. Tous ceux qui ont comparu au comité d'agriculture, relativement à la création du crédit agricole, ont parlé en faveur de l'émancipation des cultivateurs. Il est temps de développer plus que jamais leur initiative à une époque où l'agriculture, pour devenir payante, doit s'industrialiser. Au moment où les cultivateurs, les missionnaires agricoles viennent nous dire que le moyen d'aider au progrès agricole, c'est d'empêcher l'ingérence du gouvernement, afin de laisser le champ libre aux initiatives des agriculteurs, à ce moment, dis-je, voici qu'on nous présente un bill qui ressemble à une patente de carcan, nouveau modèle.
Jamais les cultivateurs organisés ont été aussi maîtrisés par le ministre de l'Agriculture2. Les membres d'une société d'agriculture n'ont même plus le droit de choisir leur président. Il ne peut être choisi par les sociétaires, il faut qu'il soit au goût du ministre. Tant qu'on n'aura pas choisi la créature du ministre, ce dernier s'opposera au choix qui pourrait être fait. Je ne puis, pour ma part, approuver cela.
Il résume les délibérations qui ont précédé ce projet de loi et croit que le gouvernement cherche trop à mettre de la politique dans ses organisations agricoles surtout.
Je n'ai jamais trahi la classe de mon père et la mienne; aussi, je ne la trahirai pas aujourd'hui. Je prétends que les cultivateurs sont assez éclairés et assez hommes d'affaires pour organiser eux-mêmes leurs coopératives et en faire un succès. Ils se sont occupés de l'organisation des anciennes coopératives et en ont fait un succès. Les mesures contenues dans ce bill n'encourageront pas les jeunes gens à rester sur la terre, car la Législature leur dit de rester dans l'ombre, et le gouvernement les considère incapables de contrôler leur destinée.
Si nous voulons encourager le jeune cultivateur à rester sur la terre, cessons donc de le mépriser, de le reléguer dans l'ombre, de n'en faire qu'un mercenaire de la terre, de lui refuser le rôle auquel il doit son intelligence dans la société. On dit au cultivateur qu'il a un beau rôle à jouer, mais on le lie par une mesure législative! On refuse de reconnaître les mérites du cultivateur; on lui refuse la confiance qu'il doit avoir pour administrer ses affaires lui-même.
Ce n'est pas témoigner une bien grande confiance aux cultivateurs que de leur dire qu'ils ne peuvent s'organiser tout seuls. Ce que l'on veut, c'est de faire de nos cultivateurs des fonctionnaires du gouvernement, de les empêcher de s'organiser eux-mêmes. Je ne parle pas d'organisation politique, mais que le gouvernement n'essaie donc pas d'attacher nos fermiers à son char, à sa volonté.
Il est important que l'agriculture s'adapte aux conditions nouvelles, que celui qui vit de la terre soit en état de faire face aux charges nombreuses dont on le frappe. L'agriculture s'industrialise et l'on veut qu'il en soit ainsi pour retirer de l'exploitation de la ferme un revenu plus considérable, plus en proportion de la valeur du travail agraire, des talents, des efforts du cultivateur, un revenu plus proportionné aux obligations de plus en plus grandes et de plus en plus lourdes, obligations nécessitées par l'augmentation des taxes municipales, scolaires et autres.
Par ce bill, cependant, on refuse de reconnaître les mérites du cultivateur et on montre qu'on n'a pas confiance en lui. C'est manquer de confiance envers les cultivateurs que de dire dans une loi qu'ils ne peuvent utiliser à leurs propres affaires, sans l'intervention du ministre de l'Agriculture et du gouvernement. Ce que l'on veut, c'est s'emparer des cultivateurs, en faire des fonctionnaires, les livrer aux mains du gouvernement et les empêcher de s'organiser comme ils ont droit de le faire.
Je ne parle pas ici d'organisation politique, mais des organisations professionnelles de coopération commerciale, et je dis que si le gouvernement ne veut pas que la politique ne soit pas mêlée à ces organisations professionnelles, il doit lui-même ne pas mettre la politique dans ses actes; il ne doit pas inclure dans ce bill des clauses qui attachent les cultivateurs à son sort et à ses volontés.
On va dire que le bill a été préparé après des avis, avec le consentement d'une assemblée, que les directeurs des coopératives avaient des procurations. Le but du bill n'est pas tant la fusion des coopératives que la ferme volonté du gouvernement de s'emparer de cette organisation économique des cultivateurs. Nous ne sommes pas les amis des cultivateurs si nous adoptons ce bill. Il n'y a aucune animosité de ma part. Mais je parle en ce moment parce que j'ai l'ambition d'être utile à la classe agricole, à laquelle j'appartiens, et qui ne doit pas être respectée en temps d'élections, seulement. Il y en a qui voteront pour cette loi, afin de faire plaisir au ministre de l'Agriculture.
Alors, qu'on ne nous dise pas: "Prenons garde à l'organisation des classes". Si l'on veut que les cultivateurs respectent nos organisations politiques actuelles, commençons par adopter des lois conformes à leurs idées. N'adoptons pas - aujourd'hui moins que jamais - des lois qui décrètent que les cultivateurs sont incapables d'administrer leurs propres affaires.
Le bill fait de la grande coopération fédérée la chose du ministre de l'Agriculture. L'élection du président devra être approuvée par le ministre de l'Agriculture. Des cultivateurs, le bill fait des fonctionnaires. Le gouvernement fait de la nouvelle association une organisation politique. Il condamne les procédés employés pour la convocation de l'assemblée des actionnaires des trois coopératives en octobre dernier. Il affirme que tout a été mis en oeuvre pour obtenir l'approbation du projet, mais on n'a aucunement mis en garde les cultivateurs contre la main mise du ministre de l'Agriculture sur la coopération agricole. Tous les actionnaires n'ont pas eu le temps de connaître suffisamment ce projet de loi; plusieurs ont envoyé des procurations sans savoir ce dont il s'agissait, sans connaître tous les pouvoirs que l'on voulait donner au ministre de l'Agriculture.
Les actionnaires auront droit en assemblée générale de prendre des décisions et d'élire les membres du bureau de direction. Mais ce sont les gérants des trois coopératives qui dirigeront les opérations de la Coopérative fédérée, et le ministre de l'Agriculture pourra mettre de côté toutes les décisions du conseil exécutif. On donne des pouvoirs au bureau de direction, dans certains articles, mais d'autres clauses enlèvent ce que les premières donnaient.
Je ne suis pas opposé à la fusion des coopératives agricoles, mais l'objet de ce bill n'est pas tant la fusion que la ferme volonté de s'emparer de cette organisation et de diriger les cultivateurs. Cette loi constitue un mépris pour les cultivateurs, et la Chambre, en l'adoptant, proclamera qu'il n'y a pas assez de cultivateurs intelligents dans cette province pour former et diriger une organisation de cultivateurs. Je ne voterai pas cela, car j'ai le souci de servir les intérêts de la classe agricole, et je veux respecter dans mes actes, comme dans mes paroles, la classe à laquelle j'appartiens.
On pourra flatter les agriculteurs aux prochaines élections, mais on ne pourra pas expliquer la portée de ce bill et ses conséquences; on évitera d'en parler. Soyons donc logiques dans nos actes et dans nos lois. Ceux qui vont voter pour cette loi vont le faire beaucoup plus pour faire plaisir au ministre de l'Agriculture que pour travailler dans l'intérêt des cultivateurs. Ne soulevons pas les classes par nos injustices pour une classe, et nos faveurs pour d'autres classes.
Il faut que le gouvernement ne fasse pas d'injustices envers les cultivateurs, s'il veut que ceux-ci respectent les lois. Ne mettons pas, dans cette loi, des clauses et des articles qui méprisent et méconnaissent l'intelligence des cultivateurs de cette province. Il ne veut pas que ses critiques à l'endroit du gouvernement fassent en sorte de soulever une classe contre une autre. Il dit le fond de sa pensée parce qu'il croit que les cultivateurs se font entraîner dans quelque chose qu'ils ne comprennent pas parfaitement, et il proteste contre ceci. Il n'y a pas une autre classe au monde qui soit aussi maltraitée. Je le proclame parce que je le crois, et je le crois parce que je vois des exemples comme ce bill.
Si nous ne voulons pas de révolte de classe, qu'on soit juste pour toutes les classes et, surtout, qu'on ne méprise pas celle que l'on proclame comme la plus nécessaire. Donnons donc au cultivateur la place qu'il mérite; c'est le meilleur moyen de lui prouver notre confiance. Ne le forçons pas à s'agenouiller devant le ministre de l'Agriculture et le gouvernement pour obtenir la grâce de s'occuper de ses propres affaires. On se plaint actuellement que le gouvernement tend vers l'étatisme; avec cette loi, on autorise le gouvernement à continuer et à développer sa politique d'étatisme et son intention de rendre tout le monde des fonctionnaires de son administration.
L'honorable M. Caron (Îles-de-la-Madeleine) remercie le chef de l'opposition de l'estime qu'il veut bien lui témoigner et il se garde bien de l'associer au groupe de Montréalais qui a manoeuvré la vente du Bulletin des agriculteurs et tenté déjà de mettre la main sur la coopérative centrale des agriculteurs. Mon honorable ami, dit-il, a fait une peinture bien sombre de ce projet de loi, que nous allons étudier, et de sa portée. Il ne l'a pas appelé un trust, mais il est allé aussi loin que possible. Il n'a pas été aussi loin que certaines personnes qui prétendent que les trois coopératives formeront un grand trust. Nous avons senti qu'il a passé tout près du mot. Il n'a pas cependant osé le dire; d'autres l'ont affirmé. Le chef de l'opposition est, je crois, sincère quand il parle ainsi; je crois qu'il a été circonvenu par ces personnes auxquelles je viens de faire allusion. Cependant, il me permettra de différer d'avec lui sur les conclusions.
Je remercie l'honorable chef de l'opposition de sa courtoisie à mon égard. Le chef de l'opposition a été gentil en ne faisant pas intervenir la personne du ministre actuel de l'Agriculture, mais je ne partage pas ses craintes à l'égard des futurs ministres de l'Agriculture. Je crois qu'il se trompe, lorsqu'il prétend que nous voulons faire servir cette coopérative à des fins politiques. À croire le chef de l'opposition, on dirait qu'il s'agit d'un attentat contre les cultivateurs et d'une main mise sur la coopérative, dans le but de la faire servir à des fins politiques.
Le chef de l'opposition a apporté en faveur de ses dires les témoignages des ecclésiastiques, en particulier, les missionnaires agricoles et les cultivateurs qui sont venus parler et ont été récemment entendus devant le comité de l'agriculture et qui se seraient prononcés contre l'ingérence gouvernementale. Tel n'était pourtant pas le cas. Les abbés Grondin, Bergeron et Trudel, le chanoine Côté et MM. Bélanger et Provencher ont dit tout simplement qu'en matière de crédit agricole, le gouvernement ne doit pas intervenir. Ces messieurs se sont déclarés contre l'influence du gouvernement dans une institution de cette nature.
Les mêmes experts, les abbés Grondin, Trudel, Côté, Bergeron, tous les missionnaires qui sont venus au comité, assistaient à l'assemblée des coopératives où le projet de loi a été étudié au mois d'octobre; ils ont vu le bill qui est devant nous et ils l'ont tous approuvé dans son ensemble, sans aucune restriction. On a là une idée de l'exagération des prétentions de ceux qui ont organisé cette opposition à la fusion des coopératives. Je reconnais la sincérité du chef de l'opposition, mais je ne crois pas à la sincérité de ceux qui l'ont ainsi trompé. Il y a un groupe, un très petit groupe, qui s'oppose à la fusion. Ce groupe a été fort désappointé en face du projet de loi actuel, parce qu'ils avaient rêvé eux-mêmes de s'emparer des coopératives, afin de s'en servir pour des fins politiques.
Ce groupe a tenté de s'emparer de la Coopérative centrale des agriculteurs et, s'il ne s'est pas opposé directement à la fusion, il n'en a pas moins soulevé des objections et n'a pas moins fait des insinuations de nature à nuire à cette fusion. Ils ont tout dit alors contre notre projet. Ces gens désappointés ont combattu le projet de loi lors de l'assemblée du mois d'octobre. Ils ne combattent pas le principe de la fusion, mais la croient trop hâtive. Ils ont prétendu que le projet avait été préparé avec précipitation.
Le plus ardent des oppositionnistes sait que, depuis deux ans, il est question de cette fusion au ministère de l'Agriculture; en face de ce fait que l'on connaît, il ne se gêne pas, cependant, pour prétendre que la fusion a été décidée tout à coup, qu'elle n'a pris naissance que depuis quelques semaines. Il s'est plaint des avis, à l'assemblée des coopératives. Les avis envoyés pour convoquer les actionnaires des trois coopératives, en octobre dernier, ont été envoyés dix jours avant cette assemblée, alors que la loi oblige de les envoyer huit jours avant.
On était donc au-delà des délais légaux et, de plus, il y avait dans ces dix jours deux dimanches, c'est-à-dire deux jours où tous les cultivateurs dans toutes les campagnes se rendent au bureau de poste. Nous avons donné dix jours d'avis pour considérer la proposition, dont il était question depuis longtemps. Nous avons donné, outre les avis officiels, un deuxième avis dans le Bulletin des agriculteurs et un troisième enfin par le ministère du comité de la fusion.
On s'est plaint aussi des procurations demandées pour la fusion. On a prétendu que les procurations envoyées par le ministre ne laissaient pas de loisir de voter contre le projet de loi. Chacun voulait évidemment endoctriner les actionnaires à sa façon; mais à cela rien de mal. Ceux-ci pouvaient à leur gré se servir ou ne pas se servir des procurations. Les cultivateurs étaient libres d'envoyer leurs procurations à ceux qui étaient en faveur du projet de fusion. C'est une chose du reste très naturelle. Le fait de donner des procurations arrive dans toutes les assemblées d'actionnaires de grandes compagnies. Ceux qui ont signé ces procurations savaient d'ailleurs ce qu'ils faisaient; ils savaient qu'il s'agissait de la fusion des coopératives.
Mais M. Ponton, qui est l'âme de ce mouvement d'opposition, n'en a-t-il pas envoyé des procurations? Il en a demandé, lui aussi, des procurations, mais contre la fusion. Il ne les a pas obtenues. Les procurations ont été inutiles, d'ailleurs, car on sait ce qui s'est passé à cette assemblée des actionnaires des coopératives, à la réunion, sur 500 personnes présentes, il y en avait cinq seulement contre la fusion, ou plutôt qui ont réclamé du délai. Tous les autres ont voté à l'unanimité. Peut-on après cela prétendre que les cultivateurs ont été persécutés et qu'on a voulu leur enlever leurs droits? Ils se sont prononcés unanimement en faveur du projet de loi que nous avons devant nous.
On a dit que la majorité des personnes présentes à l'assemblée étaient des fonctionnaires de gouvernement, qu'il y avait plus d'officiers du département de l'Agriculture que de cultivateurs. C'est une fausseté. Il n'y avait, sur les 500 présents, que 60 employés du gouvernement et, encore, bon nombre ne sont que des employés temporaires, absolument indépendants du ministère de l'Agriculture.
Mon honorable ami prétend que cette loi est une mainmise sur les coopératives par le gouvernement. Le ministre de l'Agriculture n'aura pas de pouvoir absolu. Il n'aura pas le droit absolu de choisir le président de l'exécutif, comme le prétend le chef de l'opposition. Comme question de fait, le président sera nommé par le conseil exécutif et le président devra être approuvé par le ministre.
Il n'aura donc que le droit d'approuver la nomination du président du conseil. Les membres du conseil ne seront pas des employés du gouvernement, mais des fonctionnaires salariés par la coopérative. Comment peut-on prétendre que le ministre pourra mener à sa guise le bureau exécutif, quand il n'aura que la voix du président.
Le pouvoir du ministre est restreint. Si le ministre de l'Agriculture, ce que je ne crois pas, pouvait diriger le président du conseil exécutif, il y aurait quatre autres membres dans ce bureau qui pourraient s'opposer aux décisions du président et lui faire obstacle. De plus, le ministre de l'Agriculture n'a pas le droit de voter, il n'a que le droit de prendre part à la discussion des affaires. Le conseil exécutif est composé de cinq membres, dont les trois gérants des coopératives et deux autres nommés par les sociétaires. Est-ce cela que l'on appelle la mainmise sur l'organisation agricole des cultivateurs.
On se plaint aussi du séquestre imposé par la nouvelle loi. Mais c'est simplement pour permettre au ministre d'empêcher les événements qui pourraient être préjudiciables à la Société. On aura beau dire, on aura beau faire, pour conduire une organisation qui a fait $10,000,000 d'affaires l'an dernier et qui va faire $15,000,000 d'affaires par année, il faut des hommes d'affaires avisés et indépendants. Inutile de se payer de mots; il y a des hommes d'affaires chez les cultivateurs, mais c'est plutôt l'exception.
Les cultivateurs, en général, sont moins bons en affaires que dans la culture; ce n'est pas une injure à leur faire en disant cela. Il faut donc des hommes d'affaires sérieux qui empêchent d'autres de s'emparer de la société qui fait de si belles affaires et qui excite assurément des convoitises, et c'est naturel. Pour prévenir cela, quel mal y a-t-il à consulter les actionnaires par l'entremise du ministre?
La bande Ponton s'est bien emparée du Bulletin des agriculteurs. Il est nécessaire que la loi accorde au ministre le droit de séquestre pour la protéger contre certaines convoitises. S'il y avait eu dans le passé ce droit de séquestre, il l'aurait exercé pour le plus grand bien d'une des sociétés qui se fusionnent et si le chef de l'opposition l'avait eu, il l'aurait exercé lui aussi.
Les directeurs d'une coopérative, malgré lui, dit-il, ont vendu leur journal et ont payé $1,000 à M. Ponton. Si le ministre avait eu le contrôle que lui donne la loi que nous proposons, il aurait pu empêcher ces raids sur la coopérative. C'est une bonne action que de permettre au ministre de l'Agriculture de pouvoir mettre la société coopérative sous séquestre, afin d'éviter que des mauvaises opérations soient accomplies. D'ailleurs, dans ce cas, le ministre sera obligé de convoquer le plus tôt possible les actionnaires et de leur soumettre la cause. Les actionnaires décideront si le ministre a bien agi.
Quoi qu'il arrive, il faut un pouvoir modérateur dans toute organisation. C'est là tout le pouvoir du ministre. Ce dernier n'aura pas du tout le droit de décider, il convoquera tout simplement les actionnaires. C'est, du reste, ce qui se fait à Ottawa pour la plupart des sociétés agricoles. On se plaint des pouvoirs du ministre, mais la loi fédérale est plus sévère que la nôtre et elle donne le droit au ministre de l'Agriculture, à Ottawa, de dissoudre les sociétés qu'il veut.
Dans la Société des éleveurs où le gouvernement n'a que des intérêts bien moindres que nous n'en avons dans la Société coopérative, le ministre de l'Agriculture peut dissoudre la société. Les sociétés sont donc, dans le cas du fédéral, entièrement, pourrait-on dire, entre les mains du ministre de l'Agriculture. Du moment qu'une société ne fait plus l'affaire, on a droit de lui enlever la vie complètement. Nous, nous ne donnons au ministre que le droit de refuser ou d'accepter une décision des directeurs de la coopérative, de convier les actionnaires et de leur soumettre toute l'affaire. N'est-ce pas juste?
Le chef de l'opposition veut que nous laissions les cultivateurs libres, que nous leurs donnions des ailes et que nous leur disions: "Allez, volez comme vous voudrez!" Il est bien beau de crier que les cultivateurs doivent être libres, entièrement libres, encore faut-il les protéger contre eux-mêmes. C'est parce qu'ils avaient ce droit que sept directeurs d'une coopérative ont engagé, l'an dernier, 12,000 cultivateurs dans des transactions qu'ils n'auraient peut-être pas approuvées.
On a vu sept cultivateurs seulement empêcher 12,000 des leurs de se prononcer contre la vente du Bulletin des agriculteurs. Ces derniers ont été obligés après coup d'accepter un fait accompli. Le journal a été vendu dans le dos des actionnaires par le bureau de direction et sans garanties suffisantes. J'aurais bien voulu alors posséder les pouvoirs que l'on craint; j'aurais pu empêcher une iniquité de se commettre au détriment des cultivateurs.
Un journal, dans une critique très bienveillante, a dit que la décision du ministre serait souveraine. Elle ne l'a pas été, lorsque je me suis opposé à la vente du Bulletin des agriculteurs. Il parle du salaire de M. Trudel. Avec le droit de séquestre accordé au ministre de l'Agriculture, conclut-il, de tels événements n'auraient pu se produire.
Il a lu une critique de la loi faite par un journal de cette ville, L'Action catholique. Cette critique n'est pas malicieuse, le journal critique bienveillamment le projet et prétend que le ministre dirigera pratiquement les séances. Cela n'est pas juste. Si le journaliste qui a écrit cet article avait été à la séance des bills publics de mardi soir, lorsque le bill fut discuté, il aurait compris que cela est impossible. Il ne reproche pas cependant au journaliste de n'avoir point assisté à cette séance, car il comprend que les journalistes ont beaucoup de travail à faire et qu'ils sont bien occupés.
Il cite un extrait de cet article. On dit que, pratiquement, le ministre de l'Agriculture dirigera le bureau de direction et le conseil exécutif, bien qu'il n'ait pas le droit de vote.
L'an dernier, lors de la vente du Bulletin des agriculteurs, j'assistais à trois assemblées du bureau de direction de la Coopérative centrale et j'ai parlé contre cette vente, mais les directeurs ne m'ont pas écouté. Je n'ai pas pu empêcher que les directeurs fanatisés vendent le Bulletin des agriculteurs. Le ministre ne pourra pas diriger les nouveaux directeurs plus que les anciens.
J'ai fait ces quelques remarques en réponse au chef de l'opposition, mais je sais qu'il n'aurait pas approuvé les transactions qui ont été faites et que j'ai condamnées. S'il les avait connues, elles auraient révolté son caractère d'honnête homme. (Applaudissements) Il raconte de nouveau en détail ses démêlés avec MM. Trudel et Ponton et les irrégularités qu'il dit avoir été commises dans la vente du Bulletin des agriculteurs, ainsi que le paiement de $1,000 de salaire non dû à l'ancien secrétaire de la Coopération centrale, un fonctionnaire qui avait cessé de travailler pour la coopérative.
Voilà donc toute la portée du bill, la seule.
Le préambule et l'article 1 sont adoptés.
Les articles 2 à 25 sont adoptés.
Le comité étudie le sous-paragraphe 5 de l'article 26 relatif au bureau de direction et au conseil exécutif nommé pour administrer la société. L'alinéa se lit ainsi:
"5. Le président de ce conseil exécutif ne doit pas être un chef de département. Il est nommé par le bureau de direction, mais il ne peut agir qu'après que sa nomination a été approuvée par le ministre de l'Agriculture de cette province."
M. Sauvé (Deux-Montagnes) proteste de nouveau contre le pouvoir absolu accordé au ministre. La société n'est même pas libre d'élire son propre président. Il propose, en amendement, que l'on retranche du bill les mots par lesquels on veut donner au ministre de l'Agriculture le pouvoir de confirmer l'élection du président et qu'en conséquence, le paragraphe se lise désormais ainsi:
"5. Le président de ce conseil exécutif ne doit pas être un chef de département. Il est nommé par le bureau de direction."
Je ne crains pas, dit-il, le pouvoir que pourrait exercer le ministre actuel, mais le ministre actuel peut disparaître. J'aimerais mieux le voir monter en grade que de le voir mourir...! Il pourrait alors être remplacé par le ministre sans portefeuille (M. Moreau). Il demande le vote et exprime de nouveau ses inquiétudes, surtout, dit-il, à la veille d'une période électorale...
L'honorable M. Galipeault (Bellechasse): Nous verrons cela après les élections (en riant). Tout sera bien alors...
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Après les élections? C'est moi qui verrai à tout cela! (rires) Je serai peut-être avec le ministre de l'Agriculture, alors...
L'honorable M. Caron (Îles-de-la-Madeleine): Pourtant j'aurais confiance, moi, dans le député de Deux-Montagnes quand il sera à ma place!
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Nous serons peut-être ensemble! ...
M. Létourneau (Québec-Est) entre dans la Chambre et il y a quelques applaudissements.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Est-ce que ces applaudissements veulent dire que le député de Québec-Est sera nommé ministre du Commerce? Je ne dirai pas que pareille nomination dépasserait ses ambitions, mais elle dépasserait assurément ses espérances.
L'honorable M. Caron (Îles-de-la-Madeleine) défend le bill et profite de l'occasion pour annoncer que, pour sa part, il favorisera l'élection d'un homme d'affaires comme président de la Coopérative fédérée et non pas un cultivateur, car c'est un homme d'affaires qu'il faut à la tête d'une société comme celle-là.
L'amendement, étant mis aux voix, est rejeté par 50 voix contre 4.
L'article 26 est adopté.
Les articles 27 à 39 sont adoptés.
Le comité poursuit l'étude du bill et en fait rapport sans amendement.
M. Ouellet (Dorchester) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois3.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Montefiore Hebrew Orphans Home of Montreal
M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 107 constituant en corporation The Montefiore Hebrew Orphans Home of Montreal soit maintenant lu une deuxième fois.
Adopté. Le bill est renvoyé au comité permanent des bills privés.
Demandes de documents:
Comptes payés par le procureur général
M. Smart (Westmount) propose, appuyé par le représentant de Montréal-Saint-Georges (M. Gault), qu'il soit mis devant cette Chambre un état détaillé des comptes payés par le procureur général pour le mandat comptable de $31,815.80 mentionné dans les comptes publics de 1920-21, page 138.
Adopté.
Sommes payées à Charles Lanctôt
M. Smart (Westmount) propose, appuyé par le représentant de Montréal-Saint-Georges (M. Gault), qu'il soit mis devant cette Chambre les états de compte détaillés pour toute somme payée à M. Charles Lanctôt, depuis trois ans.
Adopté.
Dépôt de documents:
Annuaire statistique
L'honorable M. David (Terrebonne) dépose sur le bureau de la Chambre l'Annuaire statistique 1922. (Document de la session no 19)
La séance est levée à 6 h 304.
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NOTES
1. Sur cette remarque, La Tribune de Sherbrooke du 7 décembre 1922, à la page 1, ajoute: "Ce disant, il regarde le député de Saint-Maurice, la Chambre applaudit. On dit que le jeune député de Saint-Maurice a l'intention d'entrer chez les bénédictins."
2. Le journaliste de L'Événement a entendu les mots "méprisés par le ministre".
3. Selon le Montreal Daily Star, à la page 4, la troisième lecture de ce bill aurait été faite le 7 décembre 1922.
4. D'après Le Devoir, 7 décembre 1922, à la page 1, la séance a été levée quelques minutes avant 7 heures.