Débats de l'Assemblée législative (débats reconstitués)
Version finale
15e législature, 4e session
(24 octobre 1922 au 29 décembre 1922)
Le lundi 4 décembre 1922
Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.
Présidence de l'honorable J.-N. Francoeur
La séance est ouverte à 3 h 351.
M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!
Résidence des registrateurs
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) demande la permission de présenter le bill 34 amendant l'article 7516 des statuts refondus, 1909, relativement à la résidence des registrateurs.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Enseignement forestier
L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay) demande la permission de présenter le bill 41 pour développer l'enseignement forestier, l'enseignement de la papeterie et activer les recherches forestières.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Loi électorale
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) demande la permission de présenter le bill 46 modifiant la loi électorale de Québec concernant la confection et la révision des listes dans la cité de Hull.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Expropriations
M. Ouellet (Dorchester) demande la permission de présenter le bill 162 amendant le Code municipal, relativement aux expropriations pour fins municipales.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Baux à loyer
M. Gauthier (Montréal-Sainte-Marie) demande la permission de présenter le bill 164 amendant le Code civil, relativement aux baux à loyer.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Loi 31 relative à l'affaire Roberts
M. Sauvé (Deux-Montagnes) soulève une question de privilège. Avec la permission de la Chambre, je demanderai au premier ministre si le bill 31, concernant l'emprisonnement de John H. Roberts, a été sanctionné par le lieutenant-gouverneur. J'ai compris que, lors de la seconde lecture de ce bill, la chose pressait. Ce projet de loi a été adopté par les deux Chambres; on a refusé de le soumettre au comité des bills publics, à la demande de l'opposition, en prétextant que ça pressait. Depuis, nous n'en avons plus entendu parler. Je désirerais savoir si le lieutenant-gouverneur a sanctionné cette loi.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Les bills sont généralement sanctionnés à la fin de la session par le lieutenant-gouverneur. Quelquefois, lorsqu'il y a un certain nombre de projets de loi qui sont adoptés, nous demandons au lieutenant-gouverneur de venir les sanctionner au cours de la session. Je ne sais si nous suivrons cette coutume cette année; il n'y a rien de décidé à ce sujet. Il est possible que nous en fassions sanctionner plusieurs dans quelques jours. Le bill Roberts sera parmi ceux-là.
Documents non déposés
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose au chef de l'opposition la prise en considération de la motion de non-confiance du député de Joliette (M. Dufresne), contre le gouvernement, parce que ce dernier n'aurait pas produit certains documents, relativement au crime du parc Victoria. Êtes-vous prêt pour ce débat, demande-t-il?
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Il y a à peine quorum; ce n'est pas suffisant pour discuter cette motion, et je demanderais que le débat fût ajourné.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je croyais être agréable au chef de l'opposition, en suggérant de commencer le débat sur cette motion, tout de suite. Il réclame cette motion depuis plusieurs jours.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Je suis heureux de voir que le premier ministre veut nous être agréable! J'espère qu'il continuera à être aimable à l'endroit du chef de l'opposition.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): J'espère que mon honorable ami me rendra cela.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): L'honorable député de Joliette préférera sans doute commencer le débat lui-même.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Il doit être plus au courant de l'affaire Garneau que mon honorable ami le chef de l'opposition. Nous allons ajourner le débat avec plaisir.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): La semaine commence bien, j'espère qu'elle va aussi bien finir.
Questions et réponses:
Affaire Blanche Garneau
M. Sauvé (Deux-Montagnes): 1. Quels sont les noms des officiers publics qui ont été rémunérés pour avoir occupé dans les diverses affaires, concernant le meurtre de Blanche Garneau?
2. Combien chacun de ces officiers a-t-il reçu?
3. A part des $5,662.33 pour les enquêtes et des $4,773.54 pour le procès Binet, à combien s'élèvent les dépenses incidentes?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): 1. et 2. Aucun officier public, autre que les officiers réguliers du département, qui n'ont reçu aucune rémunération spéciale pour cette affaire, n'a été rémunéré pour cette affaire.
3. La Commission royale qui siège en ce moment entraîne des dépenses non connues encore.
Meurtres restés impunis
M. Dufresne (Joliette): 1. Combien de meurtres restés impunis ont été commis depuis quatre ans dans cette province, à la connaissance du département du procureur général?
2. Quels sont les noms des victimes?
3. Quel a été le résultat des démarches du procureur général et de ses officiers dans chacune de ces causes?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): 1. Tous les meurtres ne sont pas dénoncés au procureur général.
2. et 3. Répondu par la réponse précédente.
Dossiers judiciaires disparus
M. Sauvé (Deux-Montagnes): 1. Est-il vrai que des dossiers judiciaires détenus par des officiers de l'administration de la justice seraient disparus?
2. Dans l'affirmative, combien depuis cinq ans?
3. Quelles causes concernaient ces dossiers?
4. Qui avait la garde de chacun de ces dossiers?
5. Combien de ces dossiers ont été retrouvés et par qui ont-ils été retrouvés?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): 1. 2. et 3. Le procureur général n'est généralement pas informé de la disparition de dossiers qui arrive. Depuis 1917 à 1922, on lui a signalé quatre cas dans les causes de Giroux vs Carrière de Québec; Bélanger vs Lavallée, district de Pontiac; A.-J. Mady, district de Bedford et Heck vs Ziff.
4. Les protonotaires de la Cour supérieure.
5. Ils ont été retrouvés ou reconstitués.
Conflits d'intérêts à la Commission des liqueurs
M. Sauvé (Deux-Montagnes): 1. Le gouvernement ou chacun de ses ministres a-t-il demandé à la Commission des liqueurs ou à chacun des commissaires s'il est vrai que la Commission sait que des personnes occupant de hautes positions dans la politique seraient intéressées dans le commerce des liqueurs et retireraient une commission sur toutes ou sur des ventes faites pour le Canada ou pour la province?
2. Si non, pourquoi?
3. Si oui, a-t-il reçu des renseignements à ce sujet?
L'honorable M. Nicol (Richmond): 1. et 3. Non.
Vols dans les magasins de la Commission des liqueurs
M. Sauvé (Deux-Montagnes): 1. Le gouvernement ou aucun de ses ministres a-t-il demandé des renseignements à la Commission des liqueurs en vue de répondre à la question que je posais le 7 novembre 1922, relativement aux vols qui auraient été commis dans les magasins de la Commission?
2. Si non, pourquoi?
3. Si oui, a-t-il reçu des renseignements à ce sujet?
L'honorable M. Nicol (Richmond): 1. La Commission a communiqué au gouvernement la réponse donnée à la question posée le 7 novembre 1922.
Vol de cocaïne
M. Renaud (Laval): 1. Le gouvernement a-t-il été informé d'un vol considérable de cocaïne au palais de justice de Montréal?
2. Y a-t-il eu destitution de un ou des employés du Palais de Justice de Montréal, à la suite de ce vol?
3. Y a-t-il eu enquête?
4. Si oui, quel a été le résultat de l'enquête?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): 1. Oui
2. 3. et 4. Il y a eu des investigations qui ont amené la destitution de trois employés.
Ernest Hess
M. Sauvé (Deux-Montagnes): 1. M. Ernest Hess ou sa maison d'affaires a-t-il vendu des marchandises ou matériaux au gouvernement depuis 1916?
2. Si oui, dans quelles années et pour quel montant chaque année?
3. Le gouvernement a-t-il payé quelques sommes d'argent à M. Ernest Hess depuis 1916, soit pour contrats ou pour toute autre raison?
4. Si oui, quelles sommes?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): 1. M. Ernest Hess, non. Sa maison d'affaires, oui.
2. 1916, $529.80; 1917, $842.20; 1918, $771.85; 1919, $1,915.72; 1920, $2,163.78.
3. À M. Ernest Hess, non. À sa maison d'affaires, oui.
4. Répondu par les réponses précédentes.
Emprisonnements en vertu de la loi des liqueurs
M. Smart (Westmount): 1. Le procureur général sait-il que des personnes condamnées à la prison sans option d'une amende, pour infraction à la loi des liqueurs, sont remises en liberté sur paiement de la somme de $1,000 et les frais?
2. Si c'est le cas, est-ce que toutes les sommes d'argent ainsi perçues, y compris les frais, sont remis au trésor public?
3. En vertu de quelle autorité ce procédé est-il permis?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): 1. Non
2. et 3. Répondu par la réponse précédente.
Charte de Hull
M. Caron (Hull) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 90 amendant la charte de la cité de Hull.
Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il n'en a pas terminé l'examen.
Demande de documents:
Affaire Pouliot-Parrot
M. Sauvé (Deux-Montagnes) propose, appuyé par le représentant de Lévis (M. Roy), que soit mis devant cette Chambre la copie de toute correspondance, lettres, télégrammes, etc., entre Jean-François Pouliot et le premier ministre ou tout autre membre du gouvernement, depuis le 1er avril 1922 jusqu'à ce jour, au sujet du docteur Louis-Eugène-A. Parrot.
Je ne veux pas provoquer un débat sur cette affaire. J'ai appris tout récemment que M. Pouliot a eu gain de cause dans un procès que lui avait intenté le Dr Parrot. Cela veut-il dire que M. Pouliot avait raison de porter les accusations qu'il a lancées contre le Dr Parrot. Cela me rappelle que, l'an dernier, le gouvernement avait refusé d'accorder une enquête royale au sujet du commerce de lot dont on accusait le Dr Parrot. Des membres du gouvernement prétendaient qu'il fallait attendre le jugement dans ce procès, avant d'ordonner une enquête royale sur cette affaire.
Le premier ministre avait prétendu que cette affaire étant devant les tribunaux, la Chambre ne pouvait s'en occuper. Cette cause vient d'être décidée et aujourd'hui, rien ne peut empêcher le gouvernement de rendre justice à M. Pouliot. Je ne dis pas que le procureur général a invoqué ce moyen très discutable pour échapper à la demande d'enquête, mais pourquoi a-t-on donné ce prétexte pour refuser à l'opposition l'enquête qu'elle demandait.
Je regrette que le gouvernement ait eu une si mauvaise cause. La chose reste non jugée. L'accusation de libelle criminel portée par Parrot à l'endroit de Pouliot a été provoquée par les déclarations écrites de Pouliot, qui dénonçait Parrot dans l'affaire de vente de boisson. Il n'a pas été question des lots de la couronne.
Ce n'est pas la question des lots qui a été jugée, mais simplement de savoir si le Dr Parrot s'est autorisé de son titre de médecin pour vendre de la boisson. L'accusation qui a été portée et sur laquelle il a demandé une enquête ne reste pas jugée. M. Pouliot - si je suis bien informé - a écrit en avril, en mai, et en juin; il a écrit au premier ministre pour lui demander d'agir dans cette affaire, de façon à lui rendre justice et à punir les coupables, quels que soient leurs titres. Le gouvernement devrait voir à rendre justice à M. Pouliot. M. Pouliot est un bon libéral. C'est extraordinaire le nombre de libéraux qui sont mécontents du gouvernement. Ce sont eux qui protestent le plus. Pourquoi le gouvernement lui refuserait-il ce qu'il demande?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Mais, qu'est-ce qu'il veut exactement, M. Pouliot?
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Il veut justice!
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Dans le procès pour libelle intenté contre lui? Mais il vient d'avoir un procès. C'est ce qu'il demandait!
M. Sauvé (Deux-Montagnes): M. Pouliot demandait autre chose. Il importe de savoir jusqu'à quel point l'on peut spéculer à même les terres de la province et si le département des Terres était de connivence dans l'affaire Parrot. Voici un cas qui illustre bien comme l'administration de la justice laisse à désirer. C'était une affaire d'administration. Trois des départements étaient impliqués. Suivant Pouliot, il s'agissait des départements de la Voirie, des Terres et de la Colonisation. C'est l'administration publique qui était en faute. À moins qu'il n'y ait enquête, la population pourra dire que le gouvernement est incompétent ou a agi de mauvaise foi, et qu'il a protégé le coupable.
Nous avons ici le cas d'un député de la Chambre qui aurait loué des lots destinés à la colonisation. Un bon libéral, M. Pouliot, a demandé au Président que justice soit faite, mais elle n'a pas encore été faite. Pourquoi avoir refusé à Jean-François Pouliot l'enquête qu'il demandait? Il est vrai qu'il y a eu un procès devant les assises, mais pour un libelle au sujet de certificats que le Dr Parrot aurait donnés à des clients qui voulaient acheter des liqueurs. On a retranché de ce procès l'affaire de spéculation sur des lots. Je veux donc obtenir la correspondance.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Vous l'avez peut-être vue?
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Est-ce que mes renseignements sont tellement exacts que le premier ministre puisse supposer que j'ai vu la correspondance?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je ne veux pas douter de la parole du chef de l'opposition. Mon honorable ami nous dit qu'il n'a pas vu cette correspondance. Très bien. Quant à M. Jean-François Pouliot, il n'a assurément pas raison d'être mécontent de la façon dont il a été traité par le gouvernement. Il m'a écrit et s'est plaint des lenteurs de la justice. Ce qui intéressait principalement Pouliot, c'était d'obtenir que son procès procédât le plus rapidement possible.
Le Dr Parrot lui a intenté un procès et il a réclamé un changement de venue. M. Pouliot a alors demandé un terme spécial des assises de la cour criminelle de Rimouski pour pouvoir se débarrasser du dossier. On a cru préférable que la session de la cour ait lieu à Rimouski plutôt qu'à Rivière-du-Loup, où il y avait plus de compassion pour cette affaire, ce qui aurait pu influencer le jury. Bien que les frais en soient considérables, un terme coûte de quatre à cinq mille dollars, nous avons accordé à M. Pouliot ce terme spécial.
C'est donc à sa demande qu'après le changement de venue ordonné par le juge Belleau, le gouvernement a ordonné une session spéciale à Rimouski, le printemps dernier. Mais à la demande du Dr Parrot, ce procès s'inscrivit non à Témiscouata mais à Rimouski. La cause a été remise au grand déplaisir de M. Pouliot, à cause de l'absence de témoins importants. L'été dernier, ce dernier réclama une nouvelle session de la cour à Rimouski, à l'automne, en disant encore qu'il voulait se débarrasser du cas, et le gouvernement s'est à nouveau rendu à sa demande. Le gouvernement dans cette affaire a fait tout son possible pour satisfaire M. Pouliot.
Ce dernier, (donc) à deux reprises, prétendant que les accusations portées contre lui par le Dr Parrot lui causaient un grave préjudice, vu sa profession, a demandé que des termes spéciaux fussent fixés au cours desquels il pourrait subir ses deux procès. La chose fut accordée et le gouvernement a même dépensé près de dix mille dollars pour que la chose ne fut pas négligée. Le terme a été tenu, vendredi soir, à 8 heures, alors que les jurés chargés de se prononcer, après avoir entendu les témoignages de part et d'autres, acquittèrent M. Pouliot.
Il (l'honorable M. Taschereau) fait remarquer que bien qu'il n'ait pas suivi de près les procédures, il a pu constater que le procès a roulé non seulement sur cette affaire de certificats de médecin, mais sur une foule de choses, dont l'histoire des lots.
On a aussi fait mention de plusieurs accusations portées par M. Pouliot contre le Dr Parrot. Je crois que M. Pouliot n'a pas de raison de se plaindre. Le procès pour libelle lui a donné justice. Il (l'honorable M. Taschereau) aura, dit-il, bientôt un rapport complet de l'affaire et pourra mieux discuter la question.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): M. Pouliot demandait plus que cela. Je regrette que le gouvernement persiste à dire que l'affaire a été jugée à Rimouski. L'acte d'accusation ne référait aucunement au scandale des lots de colonisation, dont le Dr Parrot est accusé par M. Pouliot de s'être approprié. M. Pouliot a demandé une enquête et je soutiens qu'elle devrait lui être accordée. Le gouvernement n'a pas raison de refuser l'enquête royale demandée. Nous avons été avertis de ne rien faire qui puisse nuire à la réputation de l'administration de la justice.
Nous devons faire attention de ne pas diminuer notre respect pour la justice, sinon nous garantirons des jours sombres à la société et à notre province. Qui sont les hommes responsables dans cette affaire?
Pourquoi refuser l'enquête? Lors de la dernière séance, on m'a dit que l'affaire était devant les tribunaux. J'ai alors informé le gouvernement que l'affaire devant les tribunaux était seulement un procès pour libelle, résultant d'une accusation de vente de boisson.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) nie d'un signe de tête.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): M. Pouliot veut une enquête, afin de connaître jusqu'à quel point Parrot avait commis une faute. Parrot a affirmé lui-même que, s'il a commis une faute, c'est la faute du département des Terres. Oui, c'est vrai! L'autre partie de l'accusation de libelle concernant les lots a été retirée, et il y a seulement l'affaire de boisson qui a été réglée. Je suis surpris que le premier ministre persiste encore à dire que l'affaire des lots a aussi été jugée.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) croit le contraire. Il n'a pas eu de rapport officiel de ce procès. Il a seulement appris le verdict du procès tenu vendredi dernier à Rimouski en lisant les journaux. D'après les rapports des journaux, il comprend qu'il fut question de l'affaire des lots et du travail accompli par les employés du gouvernement pour le Dr Parrot. Il assure le chef de l'opposition que le procès a porté sur tout ce qui se rapportait à cette affaire, et l'affaire de la boisson n'est venue que comme un incident. Si les lots en question, dit-il, dans cette affaire, ont été obtenus illégalement, le gouvernement n'hésitera pas à prendre les mesures et toutes les procédures qui seront jugées utiles et nécessaires pour les réclamer. Il n'hésitera pas un instant à faire retomber ces lots dans le domaine de la couronne, si le Dr Parrot ne peut justifier son droit à les posséder.
M. Sauvé (Deux-Montagnes) insiste sur la gravité de l'affaire. Cela, dit-il, ne change en rien la demande d'enquête que le gouvernement avait refusée, et l'acquittement de M. Pouliot rend plus sérieuse encore la position du gouvernement, qui n'a pas voulu accorder une enquête royale.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Maintenant que l'un des deux procès intentés contre M. Jean-François Pouliot par le Dr Parrot est terminé et que le jury s'est déclaré favorable à l'accusé, nous attendrons le résultat du second procès qui s'instruira ces jours-ci. À tout événement, le chef de l'opposition peut-être assuré que si, au cours du second procès, chose qui n'a pas été faite lors du premier, on découvre que le Dr Parrot s'est approprié ou que ses amis par son entremise se sont approprié les lots appartenant au gouvernement, le gouvernement prendra toutes les procédures nécessaires pour punir le ou les coupables.
Nous produirons ces jours-ci, comme le chef de l'opposition le demande, copie de la correspondance échangée avec M. Pouliot au sujet du Dr Parrot. La Chambre constatera que le gouvernement a fait son devoir et tout son devoir.
La proposition est adoptée.
Exploitation des forêts
L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay) propose, selon l'ordre du jour, appuyé par le représentant d'Arthabaska (l'honorable M. Perrault), qu'à sa prochaine séance, la Chambre se forme en comité général pour prendre en considération un projet de résolution concernant le bill 39 pour aider à l'exploitation des forêts de la province.
Adopté.
Protection des forêts
L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay) propose, selon l'ordre du jour, appuyé par le représentant d'Arthabaska (l'honorable M. Perrault), qu'à la prochaine séance, la Chambre se forme en comité général pour prendre en considération un projet de résolutions concernant le bill 40 modifiant les statuts refondus, 1909, relativement à la protection des forêts contre les incendies.
Adopté.
Enseignement forestier
L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay) propose, selon l'ordre du jour, appuyé par le représentant d'Arthabaska (l'honorable M. Perrault), qu'à la prochaine séance, la Chambre se forme en comité général pour prendre en considération un projet de résolutions concernant le bill 41 pour développer l'enseignement forestier, l'enseignement de la papeterie et activer les recherches forestières.
Une école de fabrication de papier et pour l'avancement des études forestières sera établie en Mauricie.
Adopté.
Registrateur de Montréal
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour prendre en considération un projet de résolution relative au bill 29 amendant les statuts refondus, 1909, relativement au registrateur de la division d'enregistrement de Montréal.
Adopté.
Il informe alors la Chambre qu'il est autorisé par Son Honneur le lieutenant-gouverneur à soumettre ledit projet de résolution et que Son Honneur en recommande la prise en considération.
En comité:
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose: Que le traitement du registrateur de la division d'enregistrement de Montréal, au lieu d'être fixé à $5,000 par année, tel que prévu par la cédule A de la section dix-huitième du chapitre premier du titre douzième des statuts refondus, 1909, telle qu'amendée par la loi 11 George V, chapitre 15, section 6, sera fixé à $6,000, conformément au bill qui accompagne la présente résolution.
L'an dernier, nous avons centralisé tous les bureaux d'enregistrement de Montréal en un seul. Les trois bureaux qui existaient pour les districts de Jacques-Cartier, Hochelaga et Montréal-Est ont ainsi été réorganisés et fondus en un seul. Le gouvernement a cru bon de nommer à la tête du nouveau bureau, où depuis, il se fait un travail très considérable, un notaire de grande expérience, le notaire Télesphore Brassard, que la Chambre des notaires de Montréal a recommandé à l'unanimité au gouvernement. Nous voulons porter son salaire à $6,000; ce traitement est actuellement de $5,000. Il ne croit pas qu'une rémunération de $6,000 soit exagérée. Les assistants-registrateurs, qui sont les anciens registrateurs, MM. Simpson Walker et Lalonde2, sont payés $2,500 par année.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Je veux croire que M. Brassard est un officier très compétent, Je n'ai aucune animosité contre le nouveau registrateur, qu'il ne connaît pas, dit-il, mais il arrive souvent que des employés subalternes travaillent plus que les chefs dans ces bureaux d'enregistrement et ils reçoivent rarement de l'augmentation.
Si les trois anciens registrateurs, MM. le Dr Lacombe, Lalonde et Walker sont encore à l'emploi du gouvernement en qualité de députés-registrateurs au salaire de $2,500 par année, le salaire pour le chef du département n'est-il pas trop élevé, quand on voit des subalternes travailler beaucoup plus que le chef du département lui-même.
Il ne veut pas mentionner tout spécialement le département du registrateur, mais constater simplement un fait qui se produit dans plusieurs départements. Il arrive souvent que le "député"3 travaille plus que le chef, fait tout le travail du bureau pendant que le chef touche à peu près tout. L'un touche à tout, l'autre touche tout. J'ai entendu des plaintes amères, à ce sujet. On dit que le gouvernement paie ses fonctionnaires suivant le titre de leur fonction et non suivant le travail qu'ils font. Ces critiques sont fréquentes et presque violentes. Elles deviendront un jour tellement amères que le respect de l'autorité pourra en souffrir. Le gouvernement ne pourra en tenir l'opposition responsable.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Il y a du vrai dans ce que dit le chef de l'opposition, mais sur une bonne partie de ses remarques le chef de l'opposition fait erreur. La chose est inévitable, dans tous les rouages de l'administration. Je déclare à l'honorable chef de l'opposition que nous sommes prêts à suivre les recommandations de M. Brassard, pour rémunérer plus convenablement ses subalternes qui le mériteront. Depuis quelques années, il y a eu des augmentations considérables dans les salaires des employés du gouvernement. Le gouvernement sera disposé à augmenter le traitement des employés intelligents et laborieux que lui signalera le conservateur en chef des hypothèques. M. Brassard a des instructions à cet effet. Je lui ai demandé de procéder à une petite enquête dans son département et je serai prêt à rémunérer convenablement les employés qu'il me recommandera et qui occuperont dans son bureau des fonctions qui leur feront assumer le plus de responsabilités.
Mais il y a aussi du faux dans ce que dit le chef de l'opposition. Nous vieillissons tous, et en vieillissant, nous perdons de notre efficacité. Les fonctionnaires du Bureau d'enregistrement n'échappent pas à la commune loi. Les assistants sont les anciens registrateurs. Le gouvernement les a nommés assistants, afin de ne pas leur faire perdre leur position, mais il sera possible plus tard de se dispenser des services d'assistants pour les remplacer par les employés du Bureau d'enregistrement.
M. Sauvé (Deux-Montagnes) veut savoir l'âge de ces messieurs qui ont perdu leur efficacité. Il pose la question au sujet de MM. Lalonde et Walker.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): L'un a bien 70 ans et le second, plus de 75 ans.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Il y a des juges qui sont frais à 80 ans.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Il y en a de beaucoup plus jeunes qui sont moins frais. Concernant MM. Lalonde et Walker, le gouvernement leur garde leur place, parce qu'il n'y a pas de fonds de pension pour les employés du service extérieur. Ce sont deux vieux employés dont la province se doit de reconnaître les services.
La résolution est adoptée.
Résolutions à rapporter:
Le comité fait rapport qu'il a adopté une résolution, laquelle est lue deux fois et adoptée.
Registrateur de Montréal
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) demande la permission de présenter le bill 29 amendant les statuts refondus, 1909, relativement au registrateur de la division d'enregistrement de Montréal.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose que le bill soit maintenant lu une deuxième fois.
Adopté.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Dépôt de documents:
Plaintes contre l'administration de la justice
L'honorable M. David (Terrebonne) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre, en date du 1er février 1921, pour copie de toutes correspondances, documents, plaintes contre l'administration de la justice dans notre province, en 1918, 1919, 1920. (Document de la session no 51)
Meurtre de Ena Auger
L'honorable M. David (Terrebonne) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre, en date du 14 mars 1921, pour copie de toute correspondance, etc., depuis 1920 inclusivement, entre le gouvernement et M. Napoléon Laliberté, avocat, concernant l'enquête et le procès sur le meurtre de Ena Auger et au sujet de l'accusé Létourneau. (Document de la session no 52)
Meurtre de Blanche Garneau
L'honorable M. David (Terrebonne) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre, en date du 18 janvier 1921, pour copie de toute correspondance entre le gouvernement et les substituts du procureur général ou toute autre personne à Québec, au sujet de l'affaire concernant la mort de Blanche Garneau. (Document de la session no 53)
Paiements supplémentaires aux fonctionnaires
L'honorable M. David (Terrebonne) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre, en date du 27 novembre 1922, pour copie de tous les arrêtés du lieutenant-gouverneur en conseil depuis les 1er juillet 1920 et autorisant de payer à des personnes employées dans le service civil quelque rémunération, en sus du traitement régulier attaché aux fonctions de ces personnes. (Document de la session no 54)
Ajournement
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose que, lorsque cette Chambre s'ajournera, elle soit ajournée à demain à 3 heures.
Adopté.
La séance est levée à 4 h 454.
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NOTES
1. La Tribune signale qu'il n'y avait que 15 députés, incluant l'Orateur en début de séance. Le Nouvelliste parle plutôt de 10 membres. "On attendit une demi-heure pour former le quorum. M. Sauvé était le seul membre de l'opposition présent. Du côté ministériel, il y avait le premier ministre Taschereau et les honorables David et Caron."
2. Certains journaux donnent le nom de Lacombe.
3. Le chef de l'opposition utilise un anglicisme pour désigner l'adjoint. Ironique, le journaliste du Devoir écrit: "Qui a jamais soupçonné un député de travailler?"
4. À 4 h 30, selon La Patrie du 5 décembre, à la page 13.