Débats de l'Assemblée législative (débats reconstitués)
Version finale
15e législature, 4e session
(24 octobre 1922 au 29 décembre 1922)
Le lundi 30 octobre 1922
Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.
Présidence de l'honorable J.-N. Francoeur
La séance est ouverte à 4 heures.
M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!
Présentation de pétitions:
La pétition suivante est présentée devant la Chambre:
- de la corporation de la ville du Cap-de-la-Madeleine, demandant l'adoption d'une loi amendant sa charte (M. Bordeleau).
Lecture de pétitions:
Conformément à l'ordre du jour, les pétitions suivantes sont lues et reçues par la Chambre:
- des commissaires de l'école protestante de la municipalité de la cité et paroisse de Lachine, incluant les villes de Lasalle et de Dorval demandant l'adoption d'une loi autorisant ladite municipalité à élire un conseil de six commissaires et pour d'autres fins (M. Ashby);
- de la Montcalm Land Company Limited, demandant l'adoption d'une loi détachant certains lots de la municipalité de la paroisse de Saint-Colomb-de-Sillery et les annexant à la cité de Québec (M. Cannon);
- de la Dominion Corset Company demandant l'adoption d'une loi amendant sa charte (Cannon);
- de M. Georges Painchaud, demandant l'adoption d'une loi ratifiant un acte de rétrocession par Joseph-F. Leblanc, ès qualité, audit Georges Painchaud (M. Poulin).
Employés du département des incendies
M. Laurendeau (Maisonneuve) demande la permission de présenter le bill 150 concernant les heures de travail des employés du département des incendies dans certaines cités et villes.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Affaire Blanche Garneau
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): M. l'Orateur, je soulève une question de privilège. J'attire l'attention, dit-il, de l'Orateur et des membres de l'Assemblée législative sur un article paru le 27 octobre dans le journal The Axe. Un nommé J. H. Roberts, de Montréal, publie à Montréal une feuille hebdomadaire appelée The Axe dans laquelle il se plaît à salir tout le monde.
Jusqu'ici, ce monsieur s'était tenu éloigné des affaires de la Chambre mais, samedi dernier, il est entré dans la Chambre, et a continué la même besogne. Il y avait dans son journal un article dont le titre était "Blanche Garneau", qui faisait affront à la réputation de chaque membre de la Législature. On se rappelle le meurtre de Blanche Garneau qui a fait beaucoup de bruit dans la province. Voici que sur l'affaire de ce meurtre, M. Roberts croit avoir trouvé les coupables.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Il n'y a pas rien que lui qui croit avoir trouvé les coupables.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): En tout cas, s'il se trouve des coupables en dehors de ceux qui ont été accusés, ils ne sont pas à la Chambre des députés. D'après M. Roberts, les coupables seraient deux députés. Il accuse deux députés de cette Chambre d'être les meurtriers de Blanche Garneau, rien de moins.
Voici en effet, ce que publie Roberts dans The Axe du 27 octobre courant: "Les noms de deux membres de la Législature provinciale se trouvent impliqués dans ce sinistre crime et l'on peut entendre ouvertement mentionner leurs noms et discuter publiquement leur prétendue culpabilité dans la cité de Québec. Et l'on dit librement et franchement que la cause de l'inaction de la part des autorités pour élucider le mystère et traduire le coupable en justice tient au fait que ces deux personnes sont membres de la Législature."
C'est très clair. L'article que je viens tout juste de lire insinue quasiment que les deux coupables sont deux membres de cette Législature, que les gens de Québec en parlent ouvertement comme étant les meurtriers, et que, s'ils n'ont pas été arrêtés, c'est parce qu'ils étaient membres de la Législature.
Je ne m'étendrai pas sur le sujet mais, en conséquence, je propose, appuyé par le représentant des Îles-de-la-Madeleine (l'honorable M. Caron), que cette partie du journal The Axe du 27 octobre 1922 qui se trouve dans la première colonne de la page huit dudit journal, immédiatement avant le sous-titre "Sinister Rumors" et qui commence par les mots: "The names of two members of the Provincial Legislature" et se termine par les mots: "being members of the Legislature" soit maintenant lu par le greffier.
M. l'Orateur soumet la motion.
Adopté.
M. le greffier lit ladite partie d'article ainsi qu'il suit: "The names of two members of the Provincial Legislature are coupled with the sinister crime, and one may hear their names openly mentioned and their alleged guilt publicly discussed in the city of Quebec, and it is freely and frankly said that the cause of inaction on the part of the authorities in clearing up the mystery and bringing the guilty to justice is because of the fact of these two persons being Members of the Legislature."
(Traduction)
"Les noms de deux membres de la Législature provinciale se trouvent impliqués dans ce sinistre crime et l'on peut entendre ouvertement mentionner leurs noms et discuter publiquement leur prétendue culpabilité dans la cité de Québec. Et l'on dit librement et franchement que la cause de l'inaction de la part des autorités pour élucider le mystère et traduire le coupable en justice tient au fait que ces deux personnes sont membres de la Législature."
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je propose, appuyé par le représentant des Îles-de-la-Madeleine (l'honorable M. Caron), que la partie du journal The Axe, du 27 octobre 1922, qui vient d'être lue, constitue une violation des privilèges de cette Chambre.
M. l'Orateur soumet la motion.
Adopté.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je propose, appuyé par le représentant des Îles-de-la-Madeleine (l'honorable M. Caron), que l'Orateur lance un mandat ordonnant au sergent d'armes d'arrêter M. John H. Roberts de Montréal, directeur du journal The Axe et président de The Axe Publishing Company Limited qui publie ledit journal et d'amener ledit John H. Roberts à la barre de l'Assemblée législative le deux novembre 1922, à quatre heures de l'après-midi.
M. l'Orateur soumet la motion.
Adopté.
Administration de la Commission des liqueurs
M. Sauvé (Deux-Montagnes) se lève sur une question de privilège. J'ai lu dans La Patrie, de Montréal, que l'on nous annonçait des révélations au sujet d'un état de choses scandaleux qui existerait dans l'administration des liqueurs à Montréal. On accuse certains hauts personnages d'avoir trempé dans une combinaison pour vendre de la boisson au char, de l'autre côté de la frontière. Est-ce l'intention du premier ministre de sévir contre le journal qui fait de pareilles insinuations ou de sévir contre les personnes qui se seraient rendues coupables de malhonnêteté. Il commence la lecture d'une dépêche de La Patrie intitulée "Ce que serait ce scandale de la loi des liqueurs" et parue dans l'édition du 28 octobre 1922 à la page 7.
M. l'Orateur: L'honorable député ne soulève pas une question de privilège. En vertu des règlements de la Chambre, un député ne peut pas soulever une question de privilège sur un sujet qui peut être discuté, à moins de procéder par un avis de motion. Comme l'article en question traite d'une question qui peut être discutée, il faudrait qu'il y ait eu un avis de motion. En vertu du paragraphe 82 des règlements parlementaires, nul député ne peut citer un article de journal passible d'entraîner un débat.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Dois-je comprendre que je ne peux pas lire cette dépêche?
M. l'Orateur: Comme l'article traite d'une question qui peut être discutée, je répète qu'il faudrait que l'honorable député procède par un avis de motion.
M. Sauvé (Deux-Montagnes) dit qu'il désire poser une question au premier ministre et qu'il ne veut nullement engager un débat.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je ne connais rien de cela. C'est probablement pure fantaisie.
M. Sauvé (Deux-Montagnes) se dit heureux d'avoir obtenu une réponse indirecte du premier ministre, mais il voudrait que celle-ci soit plus complète.
M. l'Orateur fait observer au chef de l'opposition qu'il devra suivre la procédure ordinaire, c'est-à-dire faire une motion en bonne et due forme.
Train-école du ministère de l'Agriculture
L'honorable M. Caron (Îles-de-la-Madeleine) annonce aux députés que le train-école du ministère de l'Agriculture est à la gare du Palais en ce moment; il les invite à aller le visiter.
Adresse en réponse au discours du trône
Conformément à l'ordre du jour, la Chambre reprend le débat, ajourné le 27 octobre, sur l'amendement qui a été proposé le 27 octobre courant sur la motion proposée le mercredi 25 octobre courant, à l'effet que l'adresse suivante soit votée en réponse au discours de Son Honneur le lieutenant-gouverneur de la province de Québec:
À Son Honneur
le lieutenant-gouverneur
de la province de Québec
Nous les membres de l'Assemblée législative de Québec, réunis en session, prions Votre Honneur de bien vouloir agréer, avec l'assurance de notre fidélité à Sa Majesté, nos humbles remerciements pour le discours qu'il lui a plu de prononcer, afin de faire connaître les raisons de la convocation des Chambres.
Et qui se lit comme suit:
Que les mots suivants soient ajoutés à l'adresse:
Nous demandons À Votre Honneur la permission de lui présenter très respectueusement, que les sièges de cette Chambre des districts électoraux de Saint-Hyacinthe, Chambly, Napierville et Rouville sont devenus vacants par la démission de leur député respectif;
Que le gouvernement a négligé de faire les élections, comme il était de son devoir de le faire;
Que c'est le privilège incontestable des électeurs de chacune des divisions électorales de cette province d'être représentés à toutes les sessions de cette législature;
Que la négligence de la part du gouvernement d'accorder ce privilège aux électeurs des différents comtés plus haut nommés est une grave injustice commise à leur égard, une infraction flagrante du principe du gouvernement responsable et une violation coupable de l'esprit de notre constitution;
Que les élections à date fixe seraient un système plus juste que la méthode suivie actuellement par le gouvernement;
Qu'il est urgent de modifier la politique de voirie de manière à faire cesser le système ruineux qui a grevé si lourdement le budget de nos municipalités, sans leur avoir procuré les chemins permanents que le gouvernement leur avait promis;
Qu'il importe de simplifier le rouage de l'administration de la justice, de manière à rendre l'accès aux tribunaux plus facile et moins dispendieux avec moins de formules et de formalités;
Que le développement des richesses naturelles de la province s'impose de plus en plus et que le gouvernement devrait accorder une protection et un encouragement plus efficaces;
Que le gouvernement doit s'employer réellement à faire régner la tempérance d'une manière efficace, à licencier la vente des liqueurs sans affecter les justes revenus le la province, par une loi respectant la saine liberté du commerce, l'autonomie des municipalités et les droits de citoyens, mais très sévère contre l'intempérance ou les infractions;
Que cette Chambre désire aussi des écoles plus profitables au peuple et plus de protection à l'école primaire, une meilleure inspection scolaire;
Que la Chambre croit qu'il est de son devoir de signaler à Votre Honneur ces faits en même temps que sa condamnation de la conduite du gouvernement à cet égard.
M. Smart (Westmount): Je vous parlais, vendredi, M. l'Orateur du régime alcoolique sous lequel nous vivons en ce moment, depuis que le gouvernement a pris le contrôle du commerce des liqueurs. Les chiffres que le premier ministre a donnés, en ce qui a trait à la consommation d'alcool, sont trompeurs et inexacts, parce que ce n'est pas la totalité de l'alcool vendu qui est passé par les mains de la Commission.
Le gouvernement base toute sa politique sur le commerce des liqueurs, et ce serait bien que les gens de la province le sachent. Je suis certain que l'histoire leur rendra justice en ce qui concerne leur régime alcoolique. Je veux vous montrer quelques exemples de ce beau régime. Des déclarations ont été faites sur la vente très libre d'alcool et, tout récemment, on m'a mis sous la main, dit-il, une lettre non signée où l'on offre de vendre du whisky provenant de la Commission des liqueurs à un prix moindre que celui établi et qui garantit d'en faire la livraison à n'importe quel point le long de la frontière internationale. Pour ce qui est du coût des opérations de la Commission des liqueurs, l'opposition ne peut pas savoir exactement les chiffres avant que leur rapport ne soit rendu publique, mais il (M. Smart) présume que c'est autour de 25 %, alors que, dans le privé, le coût d'administration ne dépasse pas 7.5 %. Ce qui revient à dire que le prix de l'alcool pour le consommateur a augmenté de 17.5 %.
Le "bootlegging" existe dans cette province et il croit que cette coutume est encouragée et appuyée par un personnage qui est en relations très étroites avec la Commission des liqueurs. Si cela n'était pas le cas, pourquoi la Commission aurait-elle jugé nécessaire d'ouvrir un second magasin des liqueurs à Valleyfield? Personne ne voudrait prétendre sérieusement qu'un magasin n'était pas suffisant pour une ville de la population de Valleyfield, quand il n'y en a qu'un aux Trois-Rivières. L'explication en est pourtant facile. La demande des liqueurs est tellement forte dans cette partie de la province, si près de la frontière internationale, que la Commission a ouvert un second magasin. Il suffit de se tenir à la porte d'un magasin pour voir les gens venir acheter des liqueurs et s'en retourner aux États-Unis.
Au cours de l'été dernier, j'étais à Valleyfield et j'ai été stupéfait de voir ce qui se passait. Les bootleggers viennent des États-Unis sans se cacher et ils payent des jeunes gens, des jeunes garçons et même des femmes pour aller dans les magasins acheter des liqueurs pour eux, et quand ils ont ramassé assez de flacons, ils traversent la frontière précédés d'une autre automobile qui file en avant pour voir si la route est claire et que les "spotters" ne sont pas dans leurs jambes. Cette coutume se pratique ouvertement et est très démoralisante, et la Commission des liqueurs ne pourrait pas prétendre raisonnablement ne rien savoir de cela, parce que l'ouverture d'un second magasin à Valleyfield paraît être dans le but d'aider les bootleggers américains à s'approvisionner de liqueurs en quantité. Ce qui se passe à Valleyfield se passe aussi à Montréal.
Il y a une insatisfaction générale due à la loi des liqueurs et l'opposition prétend que les abus augmentent et deviennent répugnants. Il est temps d'y mettre fin, et la seule façon de le faire, c'est que le gouvernement cesse d'avoir le contrôle sur les liqueurs dans la province. Ces abus sont inhérents au système gouvernemental. Il faut que la loi soit rapportée le plus tôt possible. Elle a des effets pernicieux au point de vue moral, particulièrement en temps d'élections. Les gens ne veulent pas que le gouvernement s'intéresse au commerce des liqueurs. Le pire dans tout cela, c'est qu'il s'en est servi pendant le temps des élections pour démoraliser les électeurs, ce qui fut le cas dans Labelle. On a vu des gens qui travaillaient pour le candidat du gouvernement faire le tour du comté avec de la boisson alcoolique, ce qui a été désastreux.
Le premier ministre a parlé de la diminution de l'ivrognerie. Tandis que les chiffres ont peut-être diminué, la quantité de boisson dans les maisons et la consommation par les jeunes gens en particulier ont augmenté, parce que les liqueurs sont apportées dans les maisons comme jamais auparavant. Les jeunes pensent qu'il est vraiment à la mode d'apporter une flasque avec eux lorsqu'ils assistent à une soirée, comme cela se fait au Québec et sur une plus grande échelle aux États-Unis. L'intempérance n'a pas diminué, car le fait de pouvoir apporter des liqueurs chez soi aide l'intempérance. Le fait de boire chez soi est un des résultats de la loi actuelle qui dépassent de loin n'importe quelle statistique en ce qui a trait aux arrestations pour ivresse.
Il attaque le gouvernement concernant le fait que les employés du service civil sont sous-payés. Les salaires des employés civils sont trop faibles, déclare-t-il. Le gouvernement ne fait rien pour améliorer leur condition, mis à part l'instauration d'un système de pension et d'assurance. Cela ne répond aucunement à leurs besoins actuels. C'est le vieux principe du "qui vit comme un cheval reçoit du foin". Certains meurent de faim. On a entendu dire en cette Chambre que certains employés civils sont sur le bord de la famine. Il connaît un employé du palais de justice de Montréal, marié et ayant des enfants, qui gagne moins de $14 par semaine. Ce n'est pas chrétien. Pendant ce temps-là, le gouvernement se vante de son surplus. Le gouvernement paye aux employés civils des salaires de famine.
Concernant la loi de l'assistance publique, le premier ministre doit savoir qu'une grande insatisfaction règne au sein des hôpitaux de Montréal. Les émissaires du gouvernement s'efforcent auprès des hommes les plus influents qui supportent ces institutions, à tenter de les apaiser en leur disant que les choses seront corrigées après les élections. À l'origine, les hôpitaux recevaient $1.50 par jour pour chaque patient indigent, et aujourd'hui, le gouvernement et les cités contribuent chacun pour un montant de 67 sous. C'est donc dire que les hôpitaux reçoivent 16 sous par jour de moins qu'auparavant pour chaque patient. Le gouvernement a établi ce montant de façon arbitraire, sans tenir compte des hôpitaux pour les patients n'ayant pas moins de six mois de résidence au pays. Le gouvernement insiste à présent pour qu'ils soient naturalisés, de sorte qu'une personne pauvre qui tombe malade et qui est ici depuis moins de cinq ans doit être soignée aux frais des organismes privés. Le gouvernement ne débourse pas un sou pour ces personnes et tente d'empêcher la cité de Montréal de coopérer avec les hôpitaux. Un patient coûte $3.50 par jour.
Il enchaîne en citant un éditorial du Montreal Daily Star faisant état de la mainmise gouvernementale sur diverses taxes perçues à Montréal et selon lequel la cité s'est laissée manger assez longtemps la laine sur le dos et devrait se voir retourner une part des revenus des licences d'automobiles et de quelques autres sources. Il dit que c'est là la politique de l'opposition pour laquelle il se bat session après session.
Ce n'est pas surprenant que le gouvernement se vante de la merveilleuse position financière de la province, si on considère toutes les taxes et autres impôts, le commerce des liqueurs et les taxes qui reviennent aux municipalités et à qui elles ont été soutirées. Le gouvernement oublie complètement que c'est au dur labeur de la population que la province doit d'être aussi prospère en dépit du fardeau de la taxation. Les dettes des municipalités sont plus lourdes que jamais et certaines sont au bord de la banqueroute, dû en partie aux importantes charges engendrées par la loi des bons chemins qui commence à inquiéter le gouvernement. La dette, qui était de $24,000,000 en 1897, est aujourd'hui de $50,000,000.
Il commente le fait qu'on ne retrouve aucune mention de la loi de compensation pour les accidents de travail, que le gouvernement a promis d'examiner durant l'intersession et pour laquelle il devait proposer des amendements plus équitables pour les ouvriers et les employeurs. Il ne croit pas qu'un bureau des accidents de travail tel que celui de l'Ontario serait applicable dans la province de Québec, pour une raison fondamentale, soit que la législation civile de Québec est basée sur un code qui diffère complètement de celui de l'Ontario. Il croit cependant qu'il s'avérerait satisfaisant de créer un bureau médical d'examinateurs pour protéger à la fois l'employeur et l'employé, et d'amender la loi de sorte à ce qu'aucune compensation ne soit accordée à moins de recevoir l'approbation des tribunaux.
Il parle ensuite des frais de licence qui sont chargés pour les véhicules motorisés et donne des chiffres démontrant que, dans la province de Québec, les frais appliqués à plusieurs marques de voitures sont deux à trois fois plus élevés que ceux des provinces et des États voisins. Pour une auto Ford, dit-il, on paie $26.50 de licence à Québec tandis qu'à New York, pour la même licence, on paie $8.75. Pas surprenant qu'avec de pareilles taxes le gouvernement ait de gros revenus. Alors qu'aux États-Unis un individu peut utiliser son automobile à l'année longue, cela est impossible dans plusieurs coins de Québec. Il dit que la politique prônée par l'opposition consiste à réduire le prix des licences pour les véhicules motorisés et les émettre pour des périodes de six mois, de sorte à ce que le propriétaire qui utilise sa voiture uniquement pendant les mois d'été n'ait pas à payer une licence pour la période de l'hiver durant laquelle il entrepose son véhicule. Il n'est pas raisonnable, soutient-il, que nos citoyens déboursent quatre fois plus, pour six mois d'utilisation, que nos voisins de l'autre côté de la frontière qui, eux, contribuent douze mois par année à l'entretien de leurs routes principales.
Quant à l'agriculture, il soutient que le gouvernement doit faire quelque chose pour augmenter le cheptel dans la province, dont la diminution a pour conséquence que beaucoup de la viande consommée ici provient de l'Ontario et des provinces de l'Ouest. Il y en a tellement qui entre dans la province, produite ou manufacturée à l'extérieur, que le gouvernement doit s'activer et poser un geste. Pour ce faire, il doit y avoir des hommes d'affaires au sein du gouvernement.
En terminant, je veux dire un mot sur la façon dont on traite les anciens soldats aux examens du Barreau pour être admis à la profession d'avocat. Je fais cette déclaration en connaissance de cause. La majorité des membres du Conseil du Barreau ont délibérément fait de la discrimination contre les soldats de retour du front au cours des dernières années. Ils les ont collés trois ou quatre fois et certains de ces candidats qui ont été recalés en savaient plus sur la loi que ceux qui les avaient jugés. C'est une question brûlante dans le monde juridique de Montréal; des représentations ont été faites au gouvernement à cet égard, mais sans résultat.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Quel contrôle avons-nous sur le Barreau?
M. Smart (Westmount): J'attendais cette question. Je comprends qu'il n'a pas un contrôle direct, mais le premier ministre est au courant de la situation. L'examinateur qui a la plus ostracisé les vétérans qui se sont présentés aux examens est précisément M. Fernand Roy, l'associé professionnel du premier ministre. C'est lui qui est à la tête de cette croisade contre les soldats de retour. Si le premier ministre ignore ces faits, il peut se renseigner auprès de son associé. Une petite clique contrôle les examens du Barreau de la province et celle-ci a délibérément fait de la discrimination contre les hommes qui ont servi leur pays outre-mer. Le gouvernement ne peut exercer qu'un contrôle très indirect, mais le premier ministre pourrait faire des représentations à ce sujet au petit groupe qui exerce cette croisade contre les soldats de retour du front et qui se présentent devant le Barreau de la province.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): (Souriant) Aux examens écrits ou aux examens oraux?
M. Smart (Westmount): Les deux, les examens écrits et oraux, particulièrement à ces derniers. Je ne veux pas aller dans les détails. J'ai parlé en général et je m'en tiens là. Si je suis bien informé, le premier ministre a été mis à la connaissance de cette question. Et je voudrais savoir ce que le premier ministre en pense. Approuve-t-il ou non, cette attitude?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Me posez-vous cette question? Les examinateurs du Barreau sont des hommes honorables. Quand ils corrigent les copies d'examens, ils ne savent même pas les noms des candidats. Je serais heureux si l'honorable député de Westmount amenait cette question devant la Chambre, sous la forme d'une motion, afin que nous puissions discuter la chose à fond.
M. Smart (Westmount): Je voudrais bien savoir ce que le gouvernement pense de la clique qui ostracise les anciens soldats au Barreau. Est-ce qu'il approuve ou bien désapprouve l'attitude de cette clique qui contrôle le Barreau et qui exerce cette discrimination?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je répète que j'espère que mon honorable ami me fournira l'occasion de vider cette affaire. S'il veut provoquer un débat, il regrettera les paroles qu'il vient de prononcer. Les candidats auxquels il fait allusion ont été les mieux traités de tous les étudiants. Mon honorable ami me promet-il qu'il amènera de nouveau la question devant la Chambre?
M. Smart (Westmount): Je répète qu'il y a une clique dans le bureau des examinateurs du Barreau...
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) demande au représentant de Westmount (M. Smart) si, en faisant des insinuations, il pose des questions au gouvernement. Vous avez, dit-il, amené dans la question les noms de quelques membres éminents du Barreau de Québec, et si vous demandez des renseignements, je puis vous en donner qui ne vous feraient pas plaisir. Si vous voulez poser une question à la Chambre, je vous donnerai des informations qui vous feront regretter d'avoir soulevé cette question.
M. Smart (Westmount): Je ne parle pas de tous les membres de ce Barreau, mais de quelques-uns. Il a, dit-il, beaucoup de respect pour la plupart des membres du Barreau, mais il déclare que le petit groupe dont il vient de parler a dominé pendant trop longtemps. Il doit dénoncer les agissements d'une clique. Le premier ministre a été mis au courant de ces procédés et pourrait, s'il le voulait, les faire cesser, s'il les dénonçait.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je sais qu'on a donné des avantages aux vétérans, mais posez une question devant la Chambre et je répondrai. J'invite le député de Westmount à donner des preuves sous serment de ses déclarations.
M. Smart (Westmount): Très bien, je le ferai, car je veux éclaircir cette affaire. Je ne demanderais pas mieux que de voir toute cette question éclaircie. Il termine son discours en disant que l'opposition continuera à combattre le gouvernement, afin de faire triompher le programme qu'elle a soumis à l'électorat.
M. Vautrin (Montréal-Saint-Jacques) se lève. (Applaudissements)
Malgré que les remarques des orateurs de l'opposition n'aient en aucune façon altéré l'éloquent plaidoyer fait par le premier ministre, sur la politique de son gouvernement, il est peut-être bon qu'un député du côté de la droite, un député ministériel se lève et se fasse l'interprète de ses collègues libéraux pour dire combien la très grande majorité de la Chambre a conservé pour le gouvernement une confiance illimitée, née des sentiments de progrès et de travail constant manifestés par l'honorable premier ministre (l'honorable M. Taschereau) et ses collègues.
Le discours du trône, dont la députation a entendu la lecture au début de la présente session, contenait une brève revue de l'excellent travail accompli au cours de l'année que nous venons de terminer. Mais il énonçait aussi quelques-unes des principales lois que le gouvernement se propose de soumettre bientôt à la Législature.
Il convient de féliciter le gouvernement, tout d'abord pour la nouvelle qu'il nous annonce, qu'un nouveau recensement sera fait, afin que Québec ait justice. Le discours du trône dit en effet que "le dernier recensement fédéral a donné lieu à des plaintes réitérées, et les autorités municipales de plusieurs villes persistent à croire qu'il s'y trouve de nombreuses omissions. Un recensement défectueux étant de nature à nuire à la province et à lui faire perdre une partie de ses revenus, le gouvernement désire se faire autoriser à recommencer dans quelques villes le dénombrement de la population afin de vérifier l'exactitude du relevé qui vient d'y être fait." En sa qualité de représentant de la plus grande ville de la province, il tient à déclarer qu'avec les autorités de la cité de Montréal, il a protesté contre la façon avec laquelle le recensement a été fait et contre les injustices faites à la métropole lors de ce récent recensement fédéral. C'est au nom de la population de toute la ville de Montréal qu'il remercie le gouvernement de la province d'avoir songé à recommencer le dénombrement de notre population et de rendre justice ainsi à plusieurs villes importantes dont on connaîtra la réelle population.
Je félicite aussi le gouvernement pour la rapidité avec laquelle il pousse le mouvement intellectuel, en envoyant des jeunes en Europe, pour y parfaire leurs études. Le gouvernement demandera à la Législature de porter de cinq à quinze le nombre des bourses accordées chaque année aux jeunes gens les mieux doués qui peuvent ainsi aller en Europe parfaire leurs études littéraires et scientifiques. Il y a deux ans, le gouvernement inaugurait ce genre d'octrois dont ont bénéficié jusqu'ici plusieurs jeunes gens qui déjà ont fait grand honneur à notre province. Il veut encore, dit-il, remercier très vivement le gouvernement pour l'intérêt qu'il porte au développement, chez nos jeunes gens, de l'art, des lettres, et des sciences.
Le gouvernement aide aussi les écoles primaires. Il se propose d'augmenter considérablement cette année les octrois aux écoles primaires. Après les millions versés à nos collèges classiques et surtout aux diverses universités de Montréal et de Québec, le gouvernement dirige ses mains charitables vers nos écoles primaires que, toutefois, il n'avait pas négligées jusqu'ici.
Le rapport du surintendant de l'Instruction publique, l'an dernier, nous démontre que, grâce aux octrois accordés par le gouvernement depuis 1916, les salaires des instituteurs et des institutrices, par exemple, ont été sensiblement augmentés.
Si nous reculons de quelques années, nous constaterons, en consultant les statistiques de 1912, que plus de 2,355 institutrices recevaient à cette époque un salaire variant de $150 à $200 par année. L'an dernier, 218 institutrices seulement avaient conservé cette maigre rémunération pour leurs services.
En 1912, seulement 547 institutrices recevaient un salaire variant de $200 à $250 par année, pendant que, l'an dernier, leur nombre était porté à 2,092; ce qui est encore un progrès considérable, surtout si nous remarquons encore qu'en 1912, 75 maîtresses avaient réussi à se faire payer par les municipalités un salaire annuel de $300 à $400, tandis que maintenant ces salaires sont payés à 1,678 d'entre elles.
Notons que ces diverses augmentations des salaires des institutrices ont été accordées par les municipalités grâce aux octrois de $125,000 d'abord, puis de $60,000, de $30,000 et de $10,000 faits par le gouvernement, depuis 1916, aux mêmes municipalités, à cette fin. Quatre octrois donnés aux municipalités, afin de leur permettre de mieux payer leurs institutrices.
Le gouvernement n'a donc droit qu'à nos plus sincères remerciements pour la part qu'il prend dans l'amélioration du sort des institutrices de la province. Et il a l'intention de donner de nouveaux octrois. Il soumettra peut-être d'autres mesures et il se peut fort bien qu'il pense aussi à améliorer le système de nos écoles normales, en augmentant le nombre des professeurs dans ces institutions, afin de mieux préparer les élèves qui s'y préparent à l'enseignement primaire.
De plus, le gouvernement pourrait bien accorder aux institutrices des écoles primaires l'outillage nécessaire pour continuer efficacement leur enseignement. Le gouvernement fera donc beaucoup pour avancer l'instruction; l'école primaire a progressé et elle progressera encore.
Monsieur l'Orateur, on ne semble pas donner beaucoup d'importance, dans ce débat, au problème pour la solution duquel la session a été convoquée, le problème du charbon. La situation est grave pourtant, à Montréal, en particulier, et il faut louer le gouvernement d'avoir pris des mesures pour empêcher le peuple de souffrir de la disette de charbon qui est inévitable. Le chef de l'opposition et ses collègues n'ont pas pris au sérieux le projet de loi que le gouvernement se propose de soumettre à la Chambre pour solutionner, dans la mesure du possible, la crise actuelle du charbon.
Lorsque la crise du combustible éclata aux États-Unis, un vif malaise se souleva dans toute la province et tout particulièrement à Montréal. Les autorités de la métropole eurent alors une entrevue avec les commissaires du combustible que le gouvernement provincial avait eu la sagesse de nommer et ces derniers, après une enquête, annoncèrent que Montréal, si la crise subsistait, se verrait privée d'au moins 60,000 tonnes de charbon pour l'hiver.
Le maire de Montréal et quelques échevins, pour ne pas dire la majorité, exprimèrent alors le désir de demander, pour la ville, l'autorisation à la Législature, d'acheter à même les fonds de la cité, 60,000 tonnes de charbon pour distribuer aux familles pauvres qui ne pourraient pas facilement s'en procurer aux prix exorbitants que l'on prévoyait. Le gouvernement n'a pas voulu refuser cette demande et l'honorable M. Taschereau, dans un télégramme envoyé au maire Martin, lui annonçait qu'il serait heureux de demander pour la population de Montréal que la Législature autorise cet achat. Était-il justifiable d'approuver un projet dont la classe pauvre bénéficiera?
Il a aussi été question d'étendre les pouvoirs des commissaires du combustible. Il est certain qu'un grand nombre de marchands de charbon n'auraient pas bénéficié de la crise pour distribuer leur combustible à des prix exorbitants, mais il est certain qu'il s'en serait trouvé pour exploiter les consommateurs, comme d'ailleurs la chose se voit assez souvent. C'est donc encore une bonne et sage politique que de fournir aux commissaires du combustible les pouvoirs nécessaires qui leur permettront d'éviter les abus en temps de crise.
Il apprécie, dit-il, le projet du gouvernement d'assumer à lui seul l'entretien des routes provinciales et régionales. Et, à ce propos, il tient à réfuter une fausse assertion du député de Laval (M. Renaud) qui, au cours d'une assemblée politique tenue récemment, accusait le gouvernement de continuer ici une politique ruineuse et d'avoir déjà ruiné plusieurs municipalités par sa politique de voirie. Il a parcouru la province et n'a jamais entendu les cultivateurs se plaindre que la politique des bons chemins les avait ruinés.
Durant la campagne électorale du comté de Labelle, le député de Laval clamait que le gouvernement devrait dépenser un million pour la construction de nouveaux chemins et l'amélioration de ceux qui existent déjà dans cette division. À une récente réunion politique tenue à l'Académie Saint-Paul, à Montréal, le député de Laval se demandait pourquoi le gouvernement n'avait pas dépensé un autre million pour les routes de son comté. Que serait-il resté pour les autres comtés si le gouvernement s'était montré aussi généreux surtout pour le comté de Laval?
Le chef de l'opposition et un certain échevin (M. Bray), qui présidaient conjointement la réunion en question à l'Académie Saint-Paul, ont fait des déclarations au sujet de la voirie. Je réponds à la question soulevée ici, même si je l'ai déjà fait devant le Club Lafontaine dans ma propre section. Il est faux de dire que le gouvernement ait en aucune façon dicté aux administrateurs le procédé à prendre pour obtenir le paiement des pavages dans la métropole. Au contraire, lorsque les administrateurs de Montréal se sont présentés devant la Législature, leurs demandes ont été sérieusement étudiées et, en autant que les pavages sont concernés, ils retournèrent invariablement chez eux avec plein pouvoir d'agir comme bon leur semblerait.
Ils avaient d'ailleurs, selon leur charte, trois moyens à prendre pour rencontrer les frais de pavages. Il est encore faux que la Commission métropolitaine, créée par la Législature l'an dernier, ait le monopole des affaires de la cité de Montréal. La Législature a voté à l'unanimité la création de la Commission métropolitaine, et je préfère ce système à l'annexion par Montréal des municipalités handicapées dans leurs finances par la cité de Montréal. La métropole a huit représentants sur quinze qui composent cette Commission, et s'il est arrivé que Montréal a dû payer pour certaines municipalités, la loi prévoit à ce que celles-ci remboursent ces sommes qui ne constituent que de purs prêts payables avec intérêts.
Quant au sou du pauvre, il faudrait n'être pas très bien renseigné pour ne pas savoir que la cité de Montréal ayant d'abord imposé une taxe d'un sou par entrée pour les lieux d'amusements, afin de venir en aide aux institutions de charité, ce n'est que plusieurs années plus tard que le gouvernement provincial, réalisant qu'il lui fallait aussi faire quelque chose pour les hôpitaux et les autres oeuvres de charité, décida de doubler la taxe, remettant toutefois à Montréal intégralement ce qui lui revenait des taxes perçues. Le gouvernement aide nos hôpitaux, nos institutions de charité, grâce à cette loi, que nous avons passée à la dernière session. Pour cela, on a augmenté la taxe des théâtres et des amusements.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Le gouvernement taxe donc encore.
M. Vautrin (Montréal-Saint-Jacques): Oui, M. le chef de l'opposition, le gouvernement taxe pour aider les pauvres. Les remarques faites par l'opposition à l'adresse du gouvernement au sujet du sou du pauvre sont injustes. Ce n'est pas la population de la province, encore moins celle de Montréal qui protestera contre cette taxe, car partout, excepté dans les rangs de l'opposition, on a compris que c'est celui qui s'amuse qui doit payer chez-nous pour ceux qui souffrent. Personne, je crois, ne songe à reprocher cela au gouvernement.
Des députés ministériels applaudissent.
M. Vautrin (Montréal-Saint-Jacques): De plus, il est intéressant de noter que la part du gouvernement retourne presque entièrement à Montréal, qui compte les deux tiers des oeuvres secourues par le gouvernement de cette province.
On a dit, le député de Westmount (M. Smart), je crois, que le gouvernement enlevait à Montréal ses sources de revenus, entre autres les revenus de la Cour de recorder. Rien n'est plus inexact. J'ai ici des chiffres...
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Qui vous les a donnés?
M. Vautrin (Montréal-Saint-Jacques): Je les tiens des officiers de la Cour de recorder. Le député de Laval (M. Renaud) comme l'échevin Bray ont déclaré faussement et publiquement que le gouvernement percevait illégalement la moitié des revenus de ce tribunal. La Cour du recorder ayant maintenant juridiction pour entendre les infractions aux règlements municipaux et celles contre les statuts provinciaux, il n'est que juste que le gouvernement perçoive la moitié des revenus provenant des dernières infractions.
Sur les $175,000 de revenus perçus à la Cour de recorder l'an dernier, le gouvernement n'a retiré pour sa part que $32,000; $143,000 ont été versés à Montréal et $32,000 seulement au gouvernement; ce qui est loin d'être la moitié des revenus de la Cour du recorder.
L'honorable député de Joliette (M. Dufresne), dans son discours de vendredi dernier, a parlé de trois choses. Il déclarait que les industries de cette province ne recevaient pas assez d'encouragement de la part du gouvernement. Il nous a reproché de ne pas les aider. Sait-il que les industries sont nombreuses et prospères dans la province de Québec. L'Ontario a peut-être plus d'industries que nous, mais cela est dû au fait que notre voisine est plus proche des États-Unis. L'opposition devrait le savoir.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Nous le savions.
M. Vautrin (Montréal-Saint-Jacques): Grâce à sa situation, l'Ontario attire, plus que le Québec, les industriels américains qui y fondent des succursales de leurs maisons. L'honorable député de Joliette n'ignore pas cependant que nous avions, en 1905, 4,115 industries dans la province de Québec, représentant un capital de $250,000,000, et qu'en 1920, nous en avions 10,540, qui représentaient un capital de $860,000,000. Ce qui fait une belle augmentation en relativement peu de temps. En 1905, seulement $251,000,000 étaient investis dans les diverses industries, tandis qu'aujourd'hui, nous constatons que plus de $860,000,000 sont investis. En 1905, encore, le coût de la production était de $213,000,000, pendant qu'aujourd'hui il est de plus de $913,000,000. C'est donc indéniable que nos industries progressent normalement et il serait bien injuste d'affirmer le contraire.
L'industrie de la pulpe, qui représentait un capital de $14,000,000 en 1906, avait un capital de $160,000,000 en 1920. Que l'on nous montre des villes industrielles qui ont plus progressé que les nôtres, Shawinigan, Grand'Mère, Trois-Rivières, Saint-Hyacinthe, etc. Il y a aussi les industries du bois, de la chaussure, de la viande qui ont progressé. Chacune d'elles a fait un pas rapide dans la voie du succès. Je proteste contre l'affirmation que nos industries ne progressent pas, et je suis certain que le gouvernement, qui les a aidées dans le passé, en développant nos pouvoirs d'eau, etc., les aidera encore dans l'avenir. La province de Québec deviendra la plus industrielle de tout le dominion.
Second point de l'honorable député de Joliette: il nous a dit que l'opposition était contre la loi des liqueurs. Ce fut le grand cheval de bataille de nos adversaires dans Labelle, et voilà que les électeurs de Labelle ont répondu par une majorité de plus de 500 votes.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Et les boîtes de scrutin?
M. Vautrin (Montréal-Saint-Jacques): Je n'ai pas eu affaire aux boîtes de scrutin; demandez cela à l'officier rapporteur, mais si mon honorable ami veut discuter cette question, nous y reviendrons, et je ne crains pas de la discuter.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Je le ferai.
M. Vautrin (Montréal-Saint-Jacques): Je suis surpris, d'entendre dire que les députés de l'opposition sont contre la loi des liqueurs, qui a été adoptée à l'unanimité, l'an dernier.
M. Smart (Westmount): Je proteste contre cette affirmation. Cette déclaration est erronée.
M. Vautrin (Montréal-Saint-Jacques): Ouvrez les journaux de l'Assemblée législative, et vous ne verrez pas un amendement que l'opposition ait proposé, rien qui a été fait pour empêcher la loi d'être adoptée. Si cette loi était mauvaise, pourquoi le chef de l'opposition et ses amis ne l'ont-ils pas dénoncée en Chambre et pourquoi ont-ils voté pour, en n'enregistrant pas leur vote contre cette mesure qu'ils trouvent scandaleuse aujourd'hui. Nous l'avons tous votée, et la différence entre les députés ministériels et les députés de l'opposition, c'est que les premiers ont eu le courage, après l'avoir votée, de défendre la loi devant le peuple.
Des députés ministériels applaudissent.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Je soulève un point d'ordre! L'honorable député de Saint-Jacques n'a pas le droit de dire que des députés ont manqué de courage.
M. l'Orateur: L'honorable député doit constater que son point d'ordre n'en est pas un.
M. Vautrin (Montréal-Saint-Jacques): Je n'ai pas dit que les députés de l'opposition avaient manqué de courage, mais j'ai dit que les députés ministériels avaient eu le courage de défendre leur loi des liqueurs.
Des députés ministériels applaudissent.
M. Vautrin (Montréal-Saint-Jacques): Je suis heureux de constater que les députés ministériels ont le courage de défendre en Chambre une mesure qu'ils préconisent et qu'ils n'osent pas critiquer publiquement, une loi dont ils sont responsables...
M. l'Orateur intervient pour ramener le député à l'ordre.
M. Vautrin (Montréal-Saint-Jacques): L'honorable député de Joliette a déclaré que le prix des liqueurs était trop élevé; il a omis de dire que le gouvernement fédéral, au temps où ses amis étaient au pouvoir, avait taxé l'alcool de $10 le gallon. Le gouvernement Meighen a augmenté une taxe indirecte sur les liqueurs immédiatement après l'adoption de la loi des liqueurs.
Le député de Joliette (M. Dufresne) a parlé des profits, mais il a omis de dire qu'il n'y avait que $2,800,000 de profits, que la balance des revenus de la Commission des liqueurs était le produit des amendes perçues pour les infractions à la loi; il a aussi omis de dire que le gouvernement provincial avait enrichi le trésor fédéral de $6,000,000 en droits pour l'importance des liqueurs.
Je crois que je dois finir ici mes remarques, mais, avant de terminer, qu'il me soit permis d'ajouter qu'à mon sens les députés de cette Chambre ont toutes les raisons d'approuver entièrement le programme de cette session tel que tracé dans le discours du trône qui nous a été lu mardi dernier par Son Honneur le lieutenant-gouverneur.
Ce discours fait mention que notre province est prospère à tous les points de vue et qu'elle est dans un excellent état financier. Il annonce plusieurs projets de loi qui seront sûrement appelés à contribuer considérablement à notre développement matériel, intellectuel et moral.
Le gouvernement, qui depuis si longtemps dirige les affaires de cette province, a conservé les bonnes et saines traditions administratives, qui lui ont été léguées par ses prédécesseurs depuis 25 ans.
Comme premier ministre, nous avons un homme d'une honnêteté à toute épreuve, d'une science raffermie par une longue expérience parlementaire et d'une capacité de travail qui n'a d'égale que son grand dévouement pour la chose publique et son affabilité. Admirablement secondé par ses collègues du cabinet, le leader de cette Chambre gardera longtemps, non seulement la confiance des députés, mais aussi celle de l'immense majorité des électeurs de cette province. Il restera, j'en suis sûr, assez longtemps au pouvoir pour accomplir les grandes choses qu'il nous a laissé entrevoir dans son dernier discours et pour nous faire marcher d'un pas rapide vers les sommets si difficiles à atteindre du progrès, de l'intellectualité et de bonne renommée.
Avant de m'asseoir, comme je suis le premier député de ce côté-ci de la Chambre, qui a la parole depuis que l'honorable député de Joliette (M. Dufresne) a parlé, il est de mon devoir de protester énergiquement contre la déclaration qu'il a faite vendredi dernier contre la classe agricole de cette province. Il a affirmé avec l'énergie du geste et la violence du ton déclamatoire que la classe agricole de cette province était arriérée, la plus arriérée du dominion.
M. Dufresne (Joliette): Je n'ai jamais dit cela.
M. Vautrin (Montréal-Saint-Jacques): J'en prends à témoins tous les députés de cette Chambre.
M. l'Orateur se lève et signale que l'honorable député veut soulever un point d'ordre. Il donne la parole au député de Joliette (M. Dufresne).
M. Dufresne (Joliette): J'ai dit, M. l'Orateur, que la classe agricole était arriérée au point de vue de la fabrication des produits alimentaires.
M. Vautrin (Montréal-Saint-Jacques): Je considère que ces sentiments sont blessants pour tous les députés de cette Chambre.
M. Dufresne (Joliette): Je n'ai pas dit cela! Je n'ai jamais dit cela! J'ai dit que, sous le rapport de l'industrie alimentaire, la classe agricole de notre province était en arrière des autres provinces et j'en ai blâmé le gouvernement.
M. Vautrin (Montréal-Saint-Jacques): J'ai été surpris de ne pas entendre le député de Laval (M. Renaud) protester contre ces paroles. J'aurais cru que l'honorable député de Laval, qui en plusieurs occasions s'est déclaré l'ami des cultivateurs, aurait désavoué les avancés de son collègue. J'aurais cru que l'honorable chef de l'opposition aurait bondi de son siège pour les réfuter.
J'ai répugnance, M. l'Orateur, à discuter ici cette phrase de nos débats qui a revêtu l'autre jour un caractère profondément offensant pour la grande majorité de ceux qui, dans cette enceinte, représentent les districts ruraux de notre province.
Tous, nous avons été étonnés d'abord, puis profondément attristés, de ce dévergondage de langage, et tous, nous protestons de ce côté-ci de la Chambre, de ces affirmations aussi erronées que blessantes prononcées à l'adresse de ceux qui tirent de la fécondité de notre sol, par le dur et pénible labeur de leurs bras, le pain qui nous donne chaque jour la force et la vie.
Arriérés! Ces braves agriculteurs descendants de ceux qui depuis trois siècles ont colonisé, cultivé, civilisé et affranchi notre pays.
Arriérés! Ces humbles mais héroïques pionniers du sol, qui, sur cette terre d'Amérique, ont si vaillamment assuré la survivance de notre race, de notre langue et de notre foi.
Arriérés! Les nobles émules de ce Pierre Boucher, à qui tout le Canada agricole a rendu, il y a quelques mois à peine, dans cette ville même, un des plus durables et des plus glorieux hommages. Non, Monsieur l'Orateur, nous de ce coté-ci de la Chambre, nous ne partageons pas ces sentiments, ces sentiments qui blessent si profondément toute notre race, et il est de notre devoir de les répudier sans défaillance.
L'injure et les paroles blessantes avilissent toujours celui qui s'en sert, et c'est un bien piètre argument à employer, même pour défendre une cause que l'on croit juste.
Nous avons jusqu'ici écarté de nos débats un tel genre de discussion, lui laisser prendre pied, au dépend de nos agriculteurs, est chose espérons-le qu'à l'avenir, Monsieur l'Orateur, vous ne permettrez jamais.
Des députés ministériels applaudissent.
M. Sauvé (Deux-Montagnes) propose que le débat soit ajourné. Cette dernière proposition est adoptée. Le débat est ajourné.
À 6 heures, la Chambre interrompt ses travaux.
Reprise de la séance à 7 h 30
Adresse en réponse au discours du trône
Conformément à l'ordre du jour, la Chambre reprend le débat, ajourné le 30 octobre, sur l'amendement qui a été proposé le 27 octobre courant sur la motion proposée le mercredi 25 octobre courant, à l'effet que l'adresse suivante soit votée en réponse au discours de Son Honneur le lieutenant-gouverneur de la province de Québec:
À Son Honneur
le lieutenant-gouverneur
de la province de Québec
Conformément à l'ordre du jour, la Chambre reprend le débat sur l'amendement qui a été proposé le jeudi 27 octobre courant, sur la motion proposée le mercredi 25 octobre courant: Que l'adresse suivante soit votée et présentée à Son Honneur le lieutenant-gouverneur:
Nous les membres de l'Assemblée législative de Québec, réunis en session, prions Votre Honneur de bien vouloir agréer, avec l'assurance de notre fidélité à Sa Majesté, nos humbles remerciements pour le discours qu'il lui a plu de prononcer, afin de faire connaître les raisons de la convocation des Chambres.
Et qui se lit comme suit:
Que les mots suivants soient ajoutés à l'adresse:
Nous demandons À Votre Honneur la permission de lui présenter très respectueusement, que les sièges de cette Chambre des districts électoraux de Saint-Hyacinthe, Chambly, Napierville et Rouville sont devenus vacants par la démission de leur député respectif;
Que le gouvernement a négligé de faire les élections, comme il était de son devoir de le faire;
Que c'est le privilège incontestable des électeurs de chacune des divisions électorales de cette province d'être représentés à toutes les sessions de cette législature;
Que la négligence de la part du gouvernement d'accorder ce privilège aux électeurs des différents comtés plus haut nommés est une grave injustice commise à leur égard, une infraction flagrante du principe du gouvernement responsable et une violation coupable de l'esprit de notre constitution;
Que les élections à date fixe seraient un système plus juste que la méthode suivie actuellement par le gouvernement;
Qu'il est urgent de modifier la politique de voirie de manière à faire cesser le système ruineux qui a grevé si lourdement le budget de nos municipalités, sans leur avoir procuré les chemins permanents que le gouvernement leur avait promis;
Qu'il importe de simplifier le rouage de l'administration de la justice, de manière à rendre l'accès aux tribunaux plus facile et moins dispendieux avec moins de formules et de formalités;
Que le développement des richesses naturelles de la province s'impose de plus en plus et que le gouvernement devrait accorder une protection et un encouragement plus efficaces;
Que le gouvernement doit s'employer réellement à faire régner la tempérance d'une manière efficace, à licencier la vente des liqueurs sans affecter les justes revenus le la province, par une loi respectant la saine liberté du commerce, l'autonomie des municipalités et les droits de citoyens, mais très sévère contre l'intempérance ou les infractions;
Que cette Chambre désire aussi des écoles plus profitables au peuple et plus de protection à l'école primaire, une meilleure inspection scolaire;
Que la Chambre croit qu'il est de son devoir de signaler à Votre Honneur ces faits en même temps que sa condamnation de la conduite du gouvernement à cet égard.
M. Sauvé (Deux-Montagnes)1: Le député de Saint-Jacques, (M. Vautrin) prétend que le député de Joliette (M. Dufresne) a insulté les cultivateurs en parlant de l'industrie comme il l'a fait. Le député de Saint-Jacques a été injuste par ses remarques à l'endroit du député de Joliette et il est coupable d'avoir déformé la réalité. Le représentant de Joliette (M. Dufresne) n'a pas attaqué les fermiers; il est lui-même un enfant de la terre et il éprouve une plus grande sollicitude pour les cultivateurs que le député de Saint-Jacques. Il n'a parlé que de l'industrie des produits alimentaires. Il a dit que la province de Québec est en arrière de celle de l'Ontario sous ce rapport, et je défie qui que ce soit de prouver le contraire.
Nous avons des industries prospères, je l'admets, mais cela ne dépend pas du gouvernement. La prospérité est le résultat d'un tarif conforme aux intérêts nationaux. La science a révolutionné l'industrie, le peuple a changé, celui de la colonisation aussi. Ce n'est pas le gouvernement de Québec qui a produit toute cette transformation. Il y a 25 ans, les besoins n'étaient pas les mêmes qu'à l'heure actuelle. Ce n'est pas le député de Saint-Jacques, ni le ministre de l'Agriculture (M. Caron) qui ont bâti une automobile, ça force déjà assez pour la conduire. Mais on prend tous les progrès de la science, on souffle le député de Saint-Jacques avec cela et on lui dit: c'est l'oeuvre du gouvernement.
Le problème, c'est que le député de Saint-Jacques ne connaît en rien l'industrie des produits alimentaires du Québec et de l'Ontario. Je lui ai suggéré de dire à la Chambre combien il y a de ces usines au Québec. Il a dit qu'il pensait qu'il y en avait 32, mais qu'il ne le savait pas pour ce qui est de l'Ontario. Il y en a 200 en Ontario; le député devrait étudier la question avant de s'en occuper.
Je trouve étrange que lorsque la province se porte très bien et que l'industrie prospère, le gouvernement s'attribue le mérite; mais lorsque les affaires sont mauvaises, c'est toujours à cause des conditions mondiales. La référence au rapport du ministre de la Colonisation, des Mines et des Pêcheries en est un des meilleurs exemples. Le rapport attribuait le déclin des mines aux conditions mondiales. Pour ma part, j'ai toujours compris que la prospérité de l'industrie était due aux politiques fiscales du pays et aux tarifs douaniers. C'est bien ce que les journaux de cette province, qu'ils soient libéraux ou conservateurs, ont toujours rapporté. Maintenant que les élections s'en viennent, le député de Saint-Jacques veut attribuer le mérite au gouvernement pour tout ce qui est bien.
Le gouvernement a profité à cause du développement industriel, à cause de la fiscalité, mais il n'a pas été démontré que l'industrie s'est développée à cause du gouvernement. C'était futile de la part du gouvernement de revenir sur le régime conservateur d'il y a 25 ans et de faire des comparaisons, comme il ne serait pas juste de la part des conservateurs de revenir sur le règne libéral précédant le régime conservateur. Serait-il juste de dire que si le développement industriel de la province n'avait pas atteint le niveau actuel, ce serait dû à l'imprévoyance du gouvernement Mercier?
Les choses et les gens ont changé depuis 25 ans. Le ministre de la Colonisation est aussi un homme différent avec des idées nouvelles. Le député de Saint-Jacques a fait l'éloge du gouvernement pour ses politiques en matière d'éducation, mais il a oublié que les commissions scolaires étaient gravement endettées, et il n'a pas beaucoup pensé à la sollicitude du gouvernement envers ces "chers enseignants". Le député de Saint-Jacques devrait encore une fois parcourir la province pour en apprendre plus sur les conditions réelles.
" Que de villes prospères!" s'est-il écrié en parlant de Shawinigan, Trois-Rivières, etc. Mais une prospérité factice résultant de l'aide substantielle apportée par le gouvernement pour le bénéfice des individus.
L'ancien ministre de la Voirie (l'honorable M. Tessier), a été maire de Trois-Rivières et il a aussi beaucoup parlé de la prospérité de Trois-Rivières. Les députés ministériels ont accepté ses paroles comme si c'était l'Évangile; et qu'est-il arrivé à Trois-Rivières? Une enquête judiciaire a démontré tous les problèmes qu'il y a eu là-bas, sous l'ancien ministre de la Voirie. L'histoire de la Page Wire Fence Company et des autres entreprises est bien connue, tout comme il était notoire à quel point les politiciens étaient intéressés par Trois-Rivières. Le premier ministre a dit qu'il n'avait pas le courage de demander s'il n'était pas vrai qu'un ministre était un membre de la Sun Trust Co.
Il accuse de nouveau le député de Saint-Jacques (M. Vautrin) d'avoir favorisé la commission métropolitaine. Il nie que l'opposition ait consenti à sa création et il dit plutôt qu'il s'y est opposé pendant des jours en comité des bills privés en Chambre. Sa création est en faveur de ses amis, ceux qui ont des intérêts immobiliers dans les municipalités avoisinant Montréal. Le gros problème, c'est qu'un grand nombre de votes en Chambre sont tenus sans trop de réflexion.
Il nie aussi que l'opposition ait voté en faveur de la Loi des liqueurs. L'opposition a toujours affirmé que c'était une mauvaise loi en principe, et il regrette que le député de Napierville (M. Monet) ne soit pas présent pour rappeler le débat qu'il avait mené dans l'opposition. Le député de Saint-Jacques n'avait pas raison de dire que l'opposition était en faveur de la loi des liqueurs, mais il était bien jeune et il ne lui rendrait pas la pareille dans sa façon de le traiter.
L'amendement proposé par le député de Joliette (M. Renaud) est conforme aux idées que préconise l'opposition qui demande des élections à date fixe. Quant à moi, j'ai toujours proclamé que j'avais assez de largeur de vue pour approuver ce qui était ou est bon chez mes adversaires, pour condamner les erreurs de mon parti, et j'ai payé cher pour avoir été ce que je suis encore. Je prie mon ami Calder de Montréal de ne pas l'oublier.
Jeudi dernier le premier ministre a prononcé un discours de campagne électorale dont certains passages convenaient à un auditoire vulgaire. Le premier ministre m'a porté des coups très douloureux. Je ne conçois pas que lui (l'honorable M. Taschereau), qui a du talent, puisse parler ainsi. On nous accuse d'impolitesse, mais c'est pour mieux nous dire des injures.
Le premier ministre a voulu me provoquer en duel. Le premier ministre dit que j'emplissais mon siège, mais que j'étais un lâche. Je ne vois pas comment le premier ministre puisse croire donner toute la mesure de son intelligence et de son éducation en parlant ainsi. Je ne suis pas un pugiliste. À coup d'arguments et de raison, très bien, face à face, mais à coups de poings, si le premier ministre persiste, je vais demander Olivar Asselin de venir à mon secours. Je n'irai pas me risquer de me fendre les mains.
D'ailleurs je ne trouve pas cela convenable, et ce n'est pas convenable, et ce n'est pas mon genre de faire lancer des roches et des oeufs pourris à mes adversaires2.
Le premier ministre a fait des personnalités blessantes, incapable de combattre la thèse inattaquable que j'ai soutenue avec dignité, sinon avec talent. Le premier a encore eu recours à la manoeuvre du porc-épic pour défendre ses abus et les abus de son gouvernement. Ce qui est étrange, c'est que le premier ministre reproche à son adversaire ce que tout le monde lui reproche à lui-même et ce qui a toujours été une faiblesse pour ses grands talents et ses qualités. Le premier ministre a dit des choses évidemment contraires à la vérité. Si pour m'attaquer, il s'est servi de pareils moyens, mérite-t-il les compliments de sa province?
Le premier ministre et ses suivants ont pris comme tactique de nous accuser d'impolitesse, afin de se permettre de nous dire des injures. Le premier ministre dit que mon parti est bien tombé depuis que j'en suis le chef, c'est possible, mais je crois qu'il ne convient pas au premier ministre de se proclamer lui-même aussi grand que les chefs libéraux du passé. Il y a peu d'hommes qui furent plus injuriés que moi par la presse du gouvernement depuis une couple d'années. On dit les pires choses sur mon compte. Je tiens à revendiquer mon honneur. Dans le cours de l'été, pour combattre l'estime que j'avais pu gagner chez les électeurs, des députés comme celui de Laurier (M. Poulin) ont dit les pires choses contre moi, inventées de toute pièce pour me faire tort.
On a été jusqu'à répandre dans une réunion où l'on se sentait à l'abri que si j'étais contre la loi des liqueurs et en faveur de la liberté du commerce, c'était parce que j'étais un ivrogne. L'on savait que jamais, en aucun temps, pas un jour, pas une heure, je n'ai fais le moindre abus d'alcool; le député de Laurier (M. Poulin) le savait, et pourtant, ces choses ont été dites. Le premier ministre qui me tient responsable de tout ce qui se dit contre lui-même par des gens que je ne connais pas, va-t-il, lui, accepter la responsabilité des paroles de ses collègues?
Le ministre de la Voirie (M. Perron) a été jusqu'à dire que l'honorable M. Patenaude couchait avec des chiens. Quant aux vers que le premier ministre a récités, ils sont moins mauvais que ceux qui se mettent dans son gouvernement. Le premier ministre a déloyalement déclaré que j'étais l'auteur de ces vers. Or, je n'ai même pas vu cette circulaire. Le premier ministre savait cela, mais il a dit le contraire. Est-ce comme cela qu'un discours est remarquable maintenant?
Le premier ministre a aussi dit que depuis que je suis le chef du Parti conservateur, le parti s'effondre lentement. Sans aucun doute, d'autres leaders du parti avaient plus de talent que le premier ministre lui-même, quelqu'un de remarquablement talentueux, mais pour ce qui est de la dévotion envers la province, je ne concèderai pas la supériorité ni au premier ministre ni à n'importe qui d'autre. Cependant, je n'ai pas peur de quelques coups, et même si je tombe, d'autres vont tomber avant moi.
L'honorable premier ministre a été injuste envers le député de Westmount (M. Smart) en déclarant qu'il n'avait accepté de prendre part à la convention conservatrice que parce qu'elle n'avait pas lieu dans la salle des Chevaliers de Colomb. Or, la convention dont il a parlé a été tenue dans la salle des Chevaliers de Colomb. La conduite de M. Smart a été celle d'un gentleman aux idées larges et dépourvues de tout préjugé. Il a tenu une conduite contraire à celle que, pour essayer de soulever des préjugés, le premier ministre lui a prêtée. La convention dont il a parlé a été tenue dans la salle des Chevaliers de Colomb. Pourquoi dire que M. Smart a pris part à la convention de son parti parce qu'elle n'avait pas lieu dans cette salle? Quel nom pourrais-je donner à une fausseté aussi méchante? Celui qui en est coupable parle d'honnêteté et de déloyauté!
J'invite le premier ministre à voir s'il n'y a pas de libéraux qui le menacent de mort. J'espère que si jamais, il est malheureusement assassiné lui aussi, il se trouvera un procureur général pour faire chercher les vrais coupables et les faire pendre, et que l'on ne jettera pas pour cela des innocents en prison pendant que les assassins seront au large.
Le gouvernement habite une maison de verre. Dans cette maison, il y a des filles de Jérusalem qui doivent pleurer sur elles-mêmes. Le premier ministre dit que son parti n'a suivi l'exemple du Parti conservateur rien qu'une fois: sur la session en automne. A-t-il dit la vérité? S'il n'a pas dit la vérité, a-t-il fait un excellent discours? Je connais assez mon histoire; j'ai lu assez de journaux pour savoir que le parti libéral a proclamé l'abolition de Spencer Wood et du Conseil législatif. Il y a bien des années, lorsque le premier ministre était un jeune homme et qu'il faisait parti de la "bonne vieille école libérale" dont il se glorifie encore, il dénonçait bien fort le cérémonial afférent à la monarchie, et il était scandalisé du coût annuel de Spencer Wood dont l'entretien s'élevait à $7,000 du temps des conservateurs, et qui coûte maintenant au-delà de $45,000. Les dépenses du Conseil législatif ont plus que doublé. Le premier ministre a-t-il dit la vérité? N'est-il pas confondu devant les frais?
J'ai un autre exemple pour faire travailler la mémoire. Je me souviens de cette même époque de cette "bonne vieille école libérale", lorsque le premier ministre prêchait la doctrine de la vraie démocratie, il y avait des clameurs contre la Chambre haute. Il criait: "Finissons-en avec la Chambre des lords dans notre chère province de Québec" et "Pourquoi devrions-nous garder ces vieux malfaiteurs qui ne sont pas responsables envers le peuple?"
Et pourtant, après vingt-cinq ans de glorieux régime libéral ayant de vrais principes démocratiques, la Chambre rouge est toujours là et elle coûte encore plus cher. Il est étrange qu'aucun député libéral ne se lève maintenant pour dénoncer ces vieilles atrocités de la renommée de "la bonne vieille école libérale". Au contraire, les représentants de la démocratie vont jusqu'à briser leur bureau en applaudissant le premier ministre, lorsqu'il se réfère aux glorieux anciens leaders libéraux.
Le premier ministre a combattu les taxes imposées par les conservateurs, le Conseil de l'Instruction publique etc., autant de choses que défendaient les conservateurs. Le gouvernement a-t-il aboli ces choses? Les taxes, il les a doublées dix fois et il n'a pas aboli une seule de celles qu'il reprochait aux conservateurs. Je défie le gouvernement de me prouver le contraire.
Pas un libéral n'a élevé la voix pour demander d'être conséquent avec le passé libéral. Le premier ministre a fait plusieurs étranges déclarations depuis qu'il occupe sa haute position, elles ont toutes été contredites par les faits et par ses propres actes. Je ne rappellerai pas ses déclarations sur les meurtriers de Blanche Garneau. A-t-il promis au peuple de la meilleure boisson et à meilleur marché? Dois-je parler de son assertion concernant les profits de la Commission des liqueurs, 18 %, dit-il!
Le premier ministre a dit que le parti conservateur fédéral ne veut pas de moi. Eh bien, ses organes ne diront donc plus, et lui ne dira plus qu'Arthur Meighen et Arthur Sauvé ne font qu'un seul; ils ne diront plus qu'il ne faut pas avoir confiance dans Arthur Sauvé parce qu'il est l'associé d'Arthur Meighen. Le premier ministre n'a rien dit au sujet des opinions de M. King sur les provinces et la centralisation de l'État. Pourquoi le premier ministre n'a-t-il pas répondu? C'est parce que sa politique est en flagrant désaccord avec les idées de M. King.
Dans la dernière partie de son discours, le premier ministre m'a traité comme le dernier des hommes, après m'avoir appelé au commencement: "Mon ami, le chef de l'opposition", "Mon ami, le député des Deux-Montagnes". Cela n'a-t-il pas l'air de manquer de logique et même de sens? Je crois plutôt que le chef du gouvernement a d'abord voulu me traiter comme un premier ministre doit parler à son siège, mais, qu'à la fin, il s'est embarqué sur son maigre dada pour revenir au galop vers sa chère malice, son cher naturel qui, n'eussent été de ses talents, l'aurait complètement et à jamais déconsidéré, il y a plus d'un quart de siècle.
Il appartient à cette école qui a traité ses adversaires avec toutes les injures que la langue française et la férocité iroquoise pouvaient trouver. Cartier fut traité de "charogne" par les gens de l'école du premier ministre. On a dit que M. Tellier était bon pour faire un maire de campagne, mais pas un chef de parti ou de gouvernement. Que n'a-t-on pas dit contre MM. Chapleau, Taillon, Flynn, Chapais, Leblanc, Cousineau? Le 24 novembre 1893, L'Électeur, organe du parti du premier ministre disait en parlant des ministres conservateurs: "M. F.-X. Lemieux, habitué à défendre les voleurs, s'est cette fois constitué leur accusé." Quels étaient les ministres voleurs? Était-ce l'honorable M. Alphonse Nantel? Je le demande à l'honorable secrétaire provincial. Était-ce l'honorable M. Flynn? Et c'est le premier ministre, ancien rédacteur de L'Union libérale qui se plaint de ma sévérité.
Si le Parti conservateur fut si grand, pourquoi les gens de l'école du premier ministre l'ont-ils toujours traité de "parti pourri?" La vieille école du premier ministre a traité La Fontaine de vendu, de "conservateur fasciné à l'école de Cauchon".
Le premier ministre ne pensait pas que l'opposition lui fournirait l'occasion de dire s'il approuvait l'attitude prise par son parti sur une question d'élections partielles, dans un amendement présenté par les libéraux le 23 novembre 1896. Les libéraux en 1896 proposèrent un amendement pour réclamer la tenue immédiate des élections partielles. Lequel avait raison alors, le Parti libéral ou le Parti conservateur? Que pense le gouvernement de cet amendement des libéraux en 1896? Je lui demande de répondre par lui-même et non par un homme qui en Chambre retire sa parole aussitôt après l'avoir donnée, le député de Saint-Jacques (M. Vautrin).
L'honorable M. Tessier disait de son côté à propos des sièges vacants durant la session: "Des milliers d'électeurs ont été défranchisés au moment où des questions de la plus haute importance, entraînant la dépense de plusieurs millions de piastres, allaient être soumises au Parlement. Ce n'est plus alors de l'injustice, mais de la tyrannie."
Les élections à date fixe, conformément à l'esprit de la Constitution interprétée par May, s'impose; c'est pour cela que j'ai proposé cette réforme l'an dernier. Pourquoi le gouvernement a-t-il voté contre?
Le premier ministre a une occasion de prouver la valeur de sa parole et la logique de ses actes. Il est opportun pour nous de prouver que le gouvernement n'était ni sincère, ni véridique quand, la semaine dernière, il lançait de son cratère les paroles et les professions d'admiration pour le parti libéral. Lequel avait raison le 23 novembre 1896, ici même dans cette enceinte, le Parti conservateur ou le Parti libéral? Je le demande aux membres du gouvernement et aux députés de la droite.
Quant aux lois dont j'ai parlé dans cette Chambre, je dis ceci: Une loi, mauvaise dans son principe, reste toujours dangereuse dans son application. Et ce n'est pas, ce n'est pas au moment où nos législateurs veulent endormir le peuple, où les autorités intéressées, le gouvernement son auteur en montreront tous les dangers. Au contraire, le gouvernement cherchera alors à la montrer pas méchante du tout. "Voyez, dira-t-il, comme elle n'est pas mauvaise, comme elle est généreuse, comme elle va nous combler de bienfaits. Elle va au devant de vos besoins et vous offre de l'argent. Si vous ne le prenez pas, vous allez mourir. Entre la mort par la faim et le paradis sur terre, vous avez à choisir?"
Le gouvernement, par son chef, n'a pas attaqué mes arguments concernant les principes de sa législation, de ses principales lois. Pas un seul ne fut touché. Peut-il attaquer cette autre autorité que je vais citer? Je le défie. Voici:
"Si la loi frappe d'ostracisme une partie des citoyens, si elle répand l'abondance sur un point, pour augmenter la misère sur un autre, si elle comble ceux-ci pour frapper ceux-là, elle est sans valeur. Sans force également la loi qui ne chercherait que le bien propre du législateur, qui doit vivre pour les autres.
"Non moins tyrannique est la loi qui se préoccupe uniquement du bien de cet être abstrait qu'on appelle l'État, et qui n'est au fond que la puissance gouvernementale, représentée par un petit groupe de citoyens. Cette puissance est redoutable, car sous couleur de bien public, elle peut dissimuler plus facilement, la pire des théocraties, celle du Dieu-État, qui substitue ses activités et ses droits à l'activité et aux droits de l'individu au lieu de le protéger. Le vrai bien commun désigne un bien qui se répartit entre tous les citoyens selon une mesure proportionnelle." (R.-L. Mignault).
Je le répète, voilà la pure doctrine chrétienne, source des vérités et je ne la renierai pas pour des besoins politiques. Le premier ministre cite des extraits de lettres comme celle du R. P. Lalande, il n'a pas cité toute la lettre. Cette lettre ne réfute pas ce que j'ai dit au sujet des collèges classiques. Le gouvernement cite des documents qui favorisent sa loi de l'Assistance publique, mais il refuse de produire ceux qui le condamnent. Pourquoi a-t-il refusé de produire un document épiscopal à ce sujet? N'est-il pas vrai qu'il a reçu un document savamment préparé par un grand avocat d'une société religieuse ou d'une communauté? Pourquoi ne le cite-t-il pas? J'affirme qu'il y a 85 institutions de bienfaisance qui n'ont pas accepté la loi de l'assistance publique.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) soulève un point d'ordre. Le chef de l'opposition n'a pas le droit de critiquer une loi passée à une session précédente à moins que ce ne soit sur une motion pour rescinder cette loi ou sur un bill d'amendement à cette loi.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Passons aux ministres qu'on proclame riches et qui ne disent pas comment ils s'enrichissent? N'est-il pas vrai qu'il y en a qui se sont enrichis avec un tarif que le premier ministre a qualifié d'exorbitant? Est-il vrai, oui ou non, que des bureaux d'avocats ministres plaident pour des individus qui sont poursuivis par le gouvernement? Si c'est vrai, je dis que c'est un abus intolérable.
N'est-il pas vrai que des ministres ont été intéressés et sont intéressés dans le Montreal Power, dans la compagnie du tramway, dans le Quebec Railway? Ces compagnies ne viennent-elles pas demander des privilèges au Parlement? Qui s'est enrichi dans une législation concernant Maisonneuve? Si le premier ministre veut des détails, qu'il les demande au maire Martin, qui ne demanderait pas mieux d'être libéré de son bâillon. Le Parti libéral a-t-il dénoncé un ministre parce qu'il était sénateur et ministre en même temps? Est-ce qu'un ministre n'est pas membre d'un trust qui, par exemple, a bénéficié de la vente des débentures de la ville des Trois-Rivières, après que le Conseil de cette ville, dont un ministre était le maire eût reçu des pouvoirs exorbitants de la Législature? Qui?
J'ai dit que si j'avais voulu me taire, j'aurais pu être nommé conseiller législatif, puisque M. Martin, après avoir dénoncé des ministres comme des bandits a été nommé conseiller législatif, pour qu'il se taise. J'ai dit que j'aurais pu comme d'autres faire fortune, si j'avais voulu m'associer avec des politiciens ministériels pour faire le commerce de liqueurs en violation de la loi. Comment n'aurais-je pas pu le faire quand d'autres l'ont fait? Le député de l'Assomption peut-il me contredire sur ce point?
Le premier ministre parle de l'argent qu'il donne au peuple, mais il omet de dire que son gouvernement a triplé les taxes et que sa politique a imposé sur nos municipalités des obligations trop lourdes pour leurs revenus; il a fait de l'argent en violant une loi qu'il a faite lui-même. Il omet de dire s'il y a de grosses corporations commerciales et que s'il s'est fait de grosses affaires, cela dépend des débouchés, mais non de son gouvernement. Le gouvernement, lui, par exemple, a profité des autres en les taxant et en les taxant encore. Il donne beaucoup d'argent parce qu'il en retire beaucoup du peuple. Ça n'empêche pas la dette d'augmenter, et les municipalités sont surchargées de taxes, tellement que le problème agraire est plus compliqué, plus menaçant que jamais.
Jamais les municipalités n'ont été aussi surchargées d'obligations alarmantes.
Je crois avoir démontré que la logique du discours du premier ministre n'était pas si grande que les applaudissements qu'il a recueillis, que ses paroles et ses actes étaient en contradiction avec son parti. Le premier ministre, m'a proclamé journaliste-fermier. À coup sûr, avec ce titre, il va chercher à m'empêcher de passer sur la Grande Allée! Pourtant l'honorable premier ministre est aussi avocat et procureur général. Il a tenté ensuite de me ridiculiser parce que journaliste, j'avais dit aux cultivateurs: "J'ai toujours été un des vôtres". C'est vrai. J'ai été rédacteur agricole à La Presse et à La Patrie. Mais un des organes publiés par les officiers du ministre de l'Agriculture le proclame dans le Bulletin de la ferme du mois de juin.
J'ai toujours été profondément attaché au sol et à la classe agricole, et ce fut caractéristique de ma carrière de journaliste. Je n'attends pas, moi, à la veille des élections pour montrer mon dévouement au peuple, pour montrer une réelle considération aux cultivateurs. Ces cultivateurs, qui a défendu leurs intérêts dans cette Chambre? J'irai plus loin, qui dans cette Chambre a le plus aidé mon ami le ministre de l'Agriculture (M. Caron) à obtenir des réformes en faveur de la classe agricole?
Je n'approuverai pas, je n'approuverai jamais ce que je considérerai comme une erreur, pas plus si elle était commise par la classe agricole, mais je dis encore que le cultivateur a besoin d'une plus grande protection, si l'on veut qu'il reste sur sa terre grevée d'obligations municipales.
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Le chef de l'opposition, en répondant au député de Montréal-Saint-Jacques (M. Vautrin), s'est attaché surtout à poser au martyr. Il a prétendu qu'on avait cherché à la calomnier par toute la province. Nous verrons s'il avait bien raison de se plaindre. Le chef de l'opposition a eu le temps de profiter de la vacance, il nous a donné une oeuvre d'imagination remarquable.
Avant de répondre au chef de l'opposition, et de commencer à relever ses prétentions, je répondrai au député de Westmount (M. Smart), pour relever les attaques qu'il a faites contre les examinateurs du Barreau de la province, et réfuter certaines insinuations du député de Joliette (M. Dufresne), concernant le développement de nos industries et de l'agriculture dans notre province.
Le député de Westmount (M. Smart) a dit que les examens du Barreau étaient entre les mains d'une clique et qu'il y avait partialité contre les retours du front. C'est une insulte gratuite, une insulte à tout le Barreau de la province. Le comité est constitué de certains des membres les plus respectés du Barreau du Québec. Les examens sont entre les mains des meilleurs avocats de la province et ces avocats sont choisis par nos universités. Il ne peut y avoir de partialité. En qualité d'ancien bâtonnier général de la province, je considère que la remarque du député de Westmount constitue une insulte gratuite à l'adresse de tous les avocats de la province de Québec.
J'ai souvent eu l'occasion d'étudier la question des examens du Barreau. Ce sont des hommes distingués qui font partie de ce bureau. L'Université McGill et les membres anglais de la Cour d'appel ont adressé des félicitations à ce bureau. Les examens du Barreau de la province sont justes et jamais aucune partialité n'a été commise contre qui que ce soit. De la discrimination? C'est une calomnie basée sur des ouï-dires et je défie le député de Westmount de venir prouver qu'il y a eu discrimination sur ce sujet. L'on a pas le droit de dire que les examens du Barreau sont contrôlés par une clique.
Qu'il prouve ses avancés! Ce n'est pas le devoir d'un député ou d'un membre de l'Assemblée législative de saisir la Chambre de oui-dires ou de médire en semant partout la calomnie. Plusieurs fois, la question de l'admission au Barreau de soldats de retour a été discutée par les examinateurs et des avocats éminents, voire même de savants magistrats même de la Cour d'appel et de la Cour suprême, dont plusieurs de langue anglaise. Tous ont donné raison à la majorité canadienne-française des examinateurs sur cette question.
Ceux qui n'ont pas réussi aux examens pour l'admission au Barreau étaient des incompétents et ne possédaient pas les qualifications requises pour faire partie du Barreau de la province de Québec. Les examens du Barreau sont présidés par les avocats les plus compétents de la province, des hommes qui ont un sens aigu de l'honneur et de la justice.
C'est, dit-il, tout ce qu'il veut retenir du discours du député de Westmount. Quant au discours du député de Joliette (M. Dufresne), il en a retenu deux choses: il a parlé des industries des conserves et du whisky. Que faisons-nous pour encourager l'industrie des conserves, demande-t-on. Nous faisons beaucoup. On fait des comparaisons avec l'Ontario. Sans doute, il y a plus d'industries dans la province soeur. Cela dépend du climat où les fruits ont davantage le temps d'arriver à maturité.
Mais nous faisons plus qu'Ontario même. Nous avons 32 fabriques et, en autant que le gouvernement est concerné, je dois dire que nous subventionnons les fabriques. Cela appert au rapport de l'honorable ministre de l'Agriculture; ce que ne fait pas Ontario. Des subventions de $400 par année ont été versées.
L'Ontario a plus de fabriques; c'est très naturel. Il y a le climat et certains engrais naturels. Enfin, nous faisons tout pour encourager ces industries. Il y a une usine de Joliette qui a reçu $700 du gouvernement, mais qui n'a pas réussi parce que les cultivateurs ne voulaient pas leur vendre ses produits, préférant les mettre sur le marché. Les statistiques fédérales prouvent que la province de Québec devance toutes les autres en ce qui a trait aux progrès faits en agriculture. Mais, il y a aussi ces cultivateurs qui préfèrent souvent vendre leurs fruits et légumes sur les marchés locaux qu'aux fabricants de conserves. On ne dira toujours pas que le cultivateur n'est pas libre de vendre ses produits à qui il veut.
Il résume ensuite le discours du chef de l'opposition dont il fait une brève analyse. Il continue son argumentation et rappelle au chef de l'opposition certaines paroles qu'il a prononcées en Chambre ces jours derniers.
M. Sauvé (Deux-Montagnes) proteste.
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Je les trouve dans le rapport des journaux.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Sur quel journal?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Sur L'Événement, c'est un bon journal, n'est-ce pas?
M. Sauvé (Deux-Montagnes) donne un signe d'assentiment.
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): L'honorable chef de l'opposition reproche au député de Montréal-Saint-Jacques (M. Vautrin) d'avoir fait l'éloge du gouvernement. Il n'est pas le seul. La Gazette qui est un bon journal a fait sa quote-part. Il en est de même du Financial Post, de Toronto qui dit que le gouvernement a fourni une politique de progrès.
M. Smart (Westmount): Combien avez-vous à payer pour ces articles?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Le gouvernement n'a rien payé parce que sa politique a de si bons résultats qu'elle impose des commentaires favorables. Les éloges n'ont pas été payés et tout journal de bonne foi doit admettre que notre province est à la tête des provinces de la Confédération. Seule l'excellente administration du gouvernement lui vaut ces éloges. Le chef de l'opposition se demande si le député de Saint-Jacques a donné des chiffres qui ont bien renseigné cette Chambre. Et il se plaint d'accusations portées contre lui dans Labelle. Quand on se proclame de l'école de Cartier, La Fontaine, Morin, quand on est chef de l'opposition, il faut avoir davantage le souci de l'exactitude.
Le chef de l'opposition a prétendu qu'il ne voulait pas faire appel aux préjugés. Ne s'est-il pas rendu coupable d'appels aux préjugés durant cette élection? N'a-t-il rien insinué contre la justice? Il n'était certes pas sincère lorsque, durant la campagne de Labelle, il insinuait, dans un discours prononcé à Mont-Laurier puis répété à Terre-Neuve, que les meurtriers de Blanche Garneau n'étaient pas cachés dans son entourage. Le chef de l'opposition voulait-il insinuer que si les meurtriers n'étaient pas parmi les siens, ils étaient du côté ministériel? Que faisait-il donc quand il écrivait dans La Minerve que le gouvernement cache les meurtriers de Blanche Garneau? Que faisait-il quand il disait que la justice n'était pas à la disposition des pauvres comme des riches? À lui de s'expliquer.
Le chef de l'opposition parcourait aussi les paroisses du comté de Labelle en clamant que les argents votés par le gouvernement pour l'administration des départements de l'Agriculture et de la Colonisation n'étaient pas distribués aux colons, mais qu'ils servaient à l'exploitation d'entreprises qui permettaient à des députés et à quelques favoris du gouvernement de s'enrichir. Il disait que l'argent de la colonisation devait être employé pour les colons et non pour des fins politiques. Voilà des appels aux passions populaires et aux préjugés. Le chef de l'opposition faisait-il bien son devoir à Mont-Laurier? A-t-il toujours bien renseigné la province? Il est un devoir que tout homme public doit accepter. C'est le devoir de la vérité de ne pas tromper les électeurs. Le chef de l'opposition peut-il mentionner les argents qui ont été dépensés pour enrichir les députés? Je le défie de prouver qu'un seul sou voté par le gouvernement pour les agriculteurs ou pour les colons ait été utilisé pour le bénéfice d'un député ou d'un favori, ou pour enrichir des organisations politiques.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): J'accepte, je relève le défi !
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Quels sont ces députés?
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Le gouvernement par sa politique de favoritisme a voulu protéger des gens comme le Dr Parrot, l'ex-député de Témiscouata. C'est un de ceux là, le gouvernement l'a protégé en refusant une enquête sur son cas. Il cite aussi le cas des lots du canton Barraute.
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Il ne s'agit pas ici des lots du Dr Parrot ou d'autres lots. Le chef de l'opposition a fait une grande sortie, mais il l'a fait à côté. Il n'a pas répondu à la question que j'ai posée. Il s'agit de l'argent de la colonisation mal employé et qui a été dépensé pour des députés. C'est beau de faire des sorties et des grands gestes, mais il faut savoir répondre aux questions posées et prouver ce que l'on a avancé.
Le chef de l'opposition ne peut pas prouver ses accusations; il prend du faux-fuyant. Il fait allusion aux lots du Dr Parrot et aux lots de Barraute. Est-ce là aussi un grand scandale? Où est la faute du gouvernement dans cette affaire? Des explications ont été données maintes fois là-dessus. La province n'a pas perdu un seul sou là-dedans; s'il y a eu faute, elle n'est pas du côté du gouvernement.
M. Parrot, après avoir commis certaines irrégularités, a dû renoncer à son mandat après avoir toutefois remboursé au gouvernement une somme de $66, seul montant qui n'avait pas été remis en remboursement sur l'achat de lots de colonisation. L'ex-député Parrot a été puni par la perte de son siège et il n'y a pas eu là de détournement des deniers de la colonisation.
Quant aux lots du canton Barraute, l'affaire a été expliquée l'an dernier à la satisfaction de la Chambre. C'est étrange que, sur une dépense de quarante millions de piastres qui a été faite pour donner de bons chemins à la province, l'opposition ne trouve qu'une affaire de $66 comme prétendu scandale.
Quand on a le sens du devoir, on doit discuter les choses telles qu'elles sont. Nous avons dépensé notre argent honnêtement, nous avons organisé un service d'inspection et nous contrôlons. Les lois passées l'ont été à l'avantage du colon que nous aidons de toutes les manières.
L'argent voté pour la colonisation est allé à la colonisation; nous avons la conscience de l'avoir dépensé honnêtement. On sait ce que nous avons fait pour la colonisation. Les lois qui ont été passées l'ont été tout à l'avantage des colons. Nous aidons le colon dans tous ses travaux. Le colon est-il maltraité? Le chef de l'opposition le prétend. En quoi? À part les deniers publics qui ont été dépensés, nous avons fait un immense travail de propagande.
Depuis trois ans, le gouvernement de cette province a fait de grands sacrifices pour encourager l'agriculture, arrêter l'émigration. Il aide aux colons; il leur construit des chemins, des écoles et des chapelles; il vient d'inaugurer une nouvelle politique pour les aider davantage. Or, pendant ce temps, le chef de l'opposition parcourt la province pour la dénigrer, pour conseiller aux cultivateurs de ne pas faire de colonisation et dire aux colons, sinon directement, du moins indirectement de ne pas travailler ici, car l'argent voté pour eux est détourné de sa fin et destiné à des favoris.
Le premier ministre a livré un discours, jeudi dernier, rempli de faits concernant ce que le gouvernement avait fait dans les différents domaines et ce qu'il entendait faire.
Au lieu de répondre au discours du premier ministre, le chef de l'opposition s'est amusé à exprimer des rêves de pouvoir. Il a parlé avec son imagination. Son discours était un rêve. Il a parlé des successeurs du gouvernement.
Si le chef de l'opposition craint pour la mauvaise application future des lois de l'assistance publique et de la régie des alcools, qu'il se rassure; il n'a rien à redouter pour des longues années, car le gouvernement est appelé à présider longtemps encore aux destinées de la province.
Il parle des progrès accomplis par l'agriculture et la colonisation depuis quelques années surtout. Il termine en se disant convaincu, à son grand regret pour le chef de l'opposition, que le peuple de la province conservera encore longtemps à la tête de son administration, un homme d'énergie, de travail et de progrès comme le premier ministre actuel, et longtemps encore, le gouvernement actuel aura la confiance du peuple de cette province.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Glorieux immortels!
M. l'Orateur demande si l'amendement sera adopté et le déclare adopté.
Des députés de l'opposition applaudissent.
M. l'Orateur se corrige et déclare l'amendement battu.
La motion principale est mise aux voix.
M. l'Orateur: Cette motion sera-t-elle adoptée?
La motion est adoptée.
Ajournement
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, appuyé par le représentant des Îles-de-la-Madeleine (l'honorable M. Caron), que, lorsque cette Chambre s'ajournera, elle soit ajournée à demain à 11 heures.
Adopté.
La séance est levée à 11 h 30.
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NOTES
1. Le discours de M. Sauvé a duré deux heures quinze minutes, selon le Sherbrooke Daily Record, à la page 1.
2. M. Sauvé fait ici allusion à la gifle donnée à M. Taschereau par Olivar Asselin en 1909. Il fait aussi allusion à l'assemblée publique tenue à Saint-Roch de Québec en août 1907 et qui tourna à l'émeute. On accusa alors M. Taschereau d'avoir encouragé les plus agités.