Débats de l'Assemblée législative (débats reconstitués)
Version finale
15e législature, 3e session
(10 janvier 1922 au 21 mars 1922)
Le mercredi 8 mars 1922
Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.
Présidence de l'honorable J.-N. Francoeur
La séance est ouverte à 3 heures.
M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!
Rapports de comités:
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le dix-septième rapport du comité permanent des bills publics en général. Voici le rapport:
Votre comité a décidé de rapporter, sans amendement, les bills suivants:
- bill 35 amendant le Code de procédure civile relativement à la juridiction de la Cour de circuit et de la Cour de magistrat;
- bill 149 détachant certains lots du comté de Kamouraska et les annexant à la paroisse de Saint-Pierre d'Estcourt, dans le comté de Témiscouata, pour les fins électorales, judiciaires, municipales et d'enregistrement.
Rapporté à l'Assemblée législative:
- bill 156 amendant les statuts refondus, 1909, relativement à l'annexion de territoires faisant partie d'une cité ou d'une ville, à une autre corporation.
Droit de vote des femmes
M. Miles (Montréal-Saint-Laurent) demande la permission de présenter le bill 145 modifiant la loi électorale de Québec relativement au suffrage.
Des députés: Tuez-le, tuez-le!
M. l'Orateur: Accordé. Le bill est lu une première fois.
Messages du Conseil législatif:
M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant, lequel est lu ainsi qu'il suit:
Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté, sans amendement, les bills suivants:
- bill 29 autorisant l'octroi de subventions aux collèges classiques et à certaines autres écoles;
- bill 186 relatif à l'aide que pourront accorder certaines municipalités pour l'achat de graines ou de grains de semences.
Cour des sessions de la paix
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, appuyé par le représentant des Îles-de-la-Madeleine (l'honorable M. Caron), qu'à la prochaine séance la Chambre se forme en comité plénier pour prendre en considération un projet de résolution relative au bill 195 amendant la loi concernant la Cour des sessions de la paix.
Adopté.
The Church of the Messiah
M. Smart (Westmount) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 115 pour étendre les pouvoirs de The Church of the Messiah soit maintenant lu une deuxième fois.
Adopté. Le bill est renvoyé au comité permanent des bills publics en général.
Commission des écoles catholiques de Montréal
La Chambre procède de nouveau, selon l'ordre du jour, à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 92 amendant la loi 7 George V, chapitre 28, concernant la Commission des écoles catholiques de Montréal. Les amendements sont lus une seconde fois.
M. Vautrin (Montréal-Saint-Jacques) propose, appuyé par le représentant de Montréal-Hochelaga (M. Bédard), qu'un message soit envoyé au Conseil législatif informant les honorables conseillers que l'Assemblée législative accepte les amendements du Conseil législatif, au bill 92 amendant la loi 7 George V, chapitre 28, concernant la Commission des écoles catholiques de Montréal, mais en remplaçant les deux dernières lignes par le texte qui suit:
L'article 2 est remplacé par le suivant:
"2. La section 5 de la loi 63 Victoria, chapitre 99, telle que remplacée par la loi 2 George V, chapitre 27, section 2, est modifiée en y ajoutant le paragraphe suivant:
"Le bureau central est en outre autorisé à faire des règlements concernant les honoraires additionnels à payer au président du bureau central, à en fixer le montant et à déterminer la manière dont ils seront payés, pourvu que le montant total des honoraires à payer au président, tant en vertu du présent paragraphe qu'en vertu du paragraphe précédent, n'excède pas quatorze cents dollars."
Adopté. Il est ordonné que le greffier porte ledit message au Conseil législatif.
Demande de documents:
Crédit agricole
Conformément à l'ordre du jour, la Chambre reprend le débat, ajourné le 2 mars sur la motion proposée le jeudi 2 mars courant:
Qu'il soit déposé sur le bureau de cette Chambre une copie de correspondance au sujet de l'établissement d'un crédit agricole et autres moyens d'encourager l'agriculture et le mouvement de retour à la terre.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): J'ai proposé à la séance de jeudi dernier, l'ajournement du débat sur cette question importante, parce que je voulais que l'on se renseigne pour la traiter sérieusement. Si j'ai voulu continuer le débat sur le crédit agricole, c'était dans le but d'avoir une réponse du gouvernement. Je voulais qu'on l'étudie et qu'on lui donne enfin une solution. Il (M. Sauvé) félicite le député de Saint-Maurice de l'heureuse idée qu'il avait eue en amenant devant la Chambre la question des crédits agricoles. Car ce n'est pas d'hier, dit-il, qu'elle vient devant cette Chambre.
Mon opinion sur le crédit agricole est connue dans cette province depuis 1913, alors que je l'émettais dans cette Chambre. Je l'ai soulevée, ici même, à maintes reprises et j'ai toujours eu la même réponse. À la session de 1916-1917, j'ai provoqué un débat sur cette question et l'honorable ministre de l'Agriculture (M. Caron) avait alors presque entièrement approuvé mes remarques. Cependant, disait-il, le projet mérite d'être étudié et mûri, et c'est ce que le gouvernement va faire. En 1919, même débat de l'opposition et même réponse du gouvernement. Depuis bientôt 8 ans, le gouvernement doit avoir eu le temps de mûrir cette affaire. Cette année, la procédure a légèrement changé et le député de Saint-Maurice (M. Ricard) a ramené la question sur le tapis, tout comme une affaire nouvelle, et sans faire allusion à l'attitude prise depuis longtemps par le ministre de l'Agriculture et le chef de l'opposition.
Je ne veux pas attribuer cette omission à l'étroitesse de vues ou à l'ignorance, mais je suis tenté de penser que le lionceau de Saint-Maurice, qui avait failli dévorer le ministre des Travaux publics et M. J.-A. Tessier, alors ministre de la Voirie, ne pouvait plus faire autrement depuis que le gouvernement avait réussi à lui casser les dents. Si le gouvernement avait depuis longtemps suivi ses conseils, la situation ne serait cependant pas aussi critique.
La motion du député de Saint-Maurice (M. Ricard) paraît donc purement académique et, à l'annonce des élections, elle pouvait laisser croire à certaines gens qu'elle avait une grande importance pour les cultivateurs. Le sujet ayant été discuté plusieurs fois, et le gouvernement, par son ministre sans portefeuille, l'honorable député du Lac-Saint-Jean (M. Moreau), ayant donné une réponse qui diminue tout l'effet de la motion, je suis convaincu que le député de Saint-Maurice ferait fiasco, si je ne venais à son secours et si je n'invitais le ministre de l'Agriculture à se prononcer encore et à rompre son silence de l'autre jour. Vu que le sujet a déjà été débattu, c'est par une résolution que le député de Saint-Maurice aurait dû le ramener à la Chambre. Il y a assez longtemps que la question est à l'étude pour que la Chambre se prononce pour ou contre le principe de cette mesure.
Je crois qu'il est temps plus que jamais de nous occuper de la question. Quant au mode qu'il convient d'adopter, je suggère qu'un comité d'études soit immédiatement formé qui, d'ici la prochaine session, à moins que le gouvernement ne préfère étudier le problème électoral, serait chargé d'étudier les divers systèmes de crédit agricole et de trouver la solution qui s'adapterait le mieux à notre province en face du difficile problème qui reste à résoudre. Il ne faut pas considérer les théories seulement. Il importe d'examiner les différents modes d'organisation et aussi notre propre situation. Savoir adapter, c'est assurer le succès.
Au contraire, la plus belle théorie ne saurait produire de résultat avantageux si elle était mal appliquée ou mal adaptée. Le succès d'une telle mesure dépend largement des conditions locales. Je suis contre le crédit agricole d'État; je suis en faveur de caisses de crédit rural, pourvu que nous prenions les moyens d'en assurer le bon fonctionnement par la prudence et la clairvoyance, sans injustice pour les autres institutions. On ne peut rendre justice en faisant une injustice. Ces caisses rurales pourraient recevoir l'appui financier du gouvernement, mais en restant absolument libres et indépendantes de toute influence politique.
Je veux croire que la motion du député de Saint-Maurice (M. Ricard) n'a pas simplement pour but de jeter de la poudre aux yeux. Il s'agit de décider si le gouvernement va aider à régler cette question. Il s'agit de trouver une manière de la régler. Le crédit agricole est bien vu de toute la Chambre. Il s'agit d'assurer à notre classe agricole, au bénéfice de l'agriculture et du pays, une assistance pratique et bienfaisante. Il s'agit d'organiser la classe agricole de manière qu'elle puisse répondre aux besoins du pays, au progrès de l'agriculture et apporter aux cultivateurs une aide maximale. L'agriculture ne paie guère plus que 3, 4, ou 5 % et je parle en connaissance de cause. Il faut donc aider l'agriculture. Il ne s'agit plus de recevoir une motion à chaque session et de toujours rester au même point. Pour cela, il faut doter le cultivateur d'une organisation mesurée, équilibrée, conforme aux revenus de la terre.
Il (M. Sauvé) regrette sincèrement qu'un aussi grand nombre de nos cultivateurs et de nos colons, victimes de circonstances imprévues, se voient aujourd'hui presque acculés à la misère. Il ne sert à rien, dit-il, de prêcher le progrès de l'agriculture, d'inciter le cultivateur à emprunter à 6 ou 7 %, pour améliorer son exploitation, quand on sait que l'agriculture rapporte généralement 5 % et même 4 %. Je ne parle pas de la culture intensive ou maraîchère autour des grands centres.
En temps normal, à tout compter: dépression inévitable du troupeau, taxes, heures de travail, etc., l'agriculture, en bien des endroits, rapporte à peine 5 %. Pour se relever, ou pour s'établir, pour développer sa ferme, le cultivateur ne doit pas emprunter à 6 ou 7 %. C'est donc un système de crédit pratique, à la portée de sa bourse, de ses moyens, de ses revenus qu'il importe de lui trouver. C'est pourquoi je proposerai, avec le consentement de mon honorable ami, le ministre de l'Agriculture (M. Caron), qu'un comité d'étude soit formé à cet effet pour faire rapport à la prochaine session. Je donne avis à cet effet.
L'honorable M. Caron (Îles-de-la-Madeleine): Ce n'est pas la première fois que j'entends parler du crédit agricole en Chambre. La question est toujours à l'ordre du jour. L'honorable chef de l'opposition peut être certain qu'aucune considération politique n'a présidé à cette question, et que la motion n'a pas été soulevée en vue de l'approche des élections. Il n'est pas plus question d'élections que d'autre chose, et l'affaire du crédit agricole est plus importante que celle des élections. Le gouvernement s'intéresse à un haut degré à ce problème et il en recherche la meilleure solution possible.
Le chef de l'opposition a parlé au point de vue général. C'est quand il parle au point de vue général, qu'il consent à discuter une question sans y mettre de parti pris, qu'il est dans ses bons moments et qu'on ne se lasse pas de l'entendre. Il raisonne alors d'une façon admirable et fait d'excellentes suggestions. Le député de Saint-Maurice a traité d'une façon qui lui fait honneur la question des crédits agricoles. Comme lui, il (l'honorable M. Caron) reconnaît en principe que ce projet serait de nature à aider puissamment à un groupe nombreux de cultivateurs et de colons...
(Quelqu'un cogne à la porte de la Chambre)1
M. l'Orateur ordonne qu'on fasse entrer le messager.
Le huissier à la verge noire entre et salue la Chambre2.
Tous les députés répondent en cognant sur leurs pupitres3.
Messages du lieutenant-gouverneur:
Un message est reçu de Son Honneur le lieutenant-gouverneur de la province de Québec par Arthur Saint-Jacques, écuyer, gentilhomme huissier à la verge noire:
M. l'Orateur, Son Honneur le lieutenant-gouverneur de la province de Québec désire la présence immédiate de cette honorable Chambre dans la salle des séances du Conseil législatif.
La séance est suspendue.
Sanction royale
En conséquence, M. l'Orateur et les députés de la Chambre se rendent à la salle des séances du Conseil législatif.
Son Honneur le lieutenant gouverneur de la province donne, au nom de Sa Majesté, la sanction royale aux bills suivants:
- bill 4 amendant la loi de la chasse de Québec;
- bill 5 amendant les statuts refondus, 1909, relativement au département de la colonisation, des mines et des pêcheries;
- bill 6 ratifiant un certain contrat passé entre le gouvernement de la province et l'Institut des Petites soeurs franciscaines de Marie, relativement au maintien des aliénés dans l'hospice Sainte-Anne-de-la-Baie-Saint-Paul, dans le comté de Charlevoix;
- bill 7 amendant les statuts refondus, 1909, relativement au directeur médical des hôpitaux d'aliénés;
- bill 8 ratifiant certains contrats passés par le gouvernement de la province avec l'hospice Saint-Joseph-de-la-Délivrance, de Lévis; l'asile du Bon-Pasteur, de Québec; les missionnaires de la compagnie de Marie; les dames religieuses de Notre-Dame-de-Charité-du-Bon-Pasteur, de Montréal; et les frères de la Charité de Saint-Vincent de Paul de Montréal, respectivement, concernant l'entretien de certains enfants dans une école de réforme ou une école d'industrie selon le cas;
- bill 9 amendant les statuts refondus, 1909, relativement à l'allocation au fonds des écoles élémentaires;
- bill 11 amendant les statuts refondus, 1909, relativement aux statistiques;
- bill 13 amendant les statuts refondus, 1909, relativement à la Commission des services publics de Québec;
- bill 14 amendant les statuts refondus, 1909, relativement à la tenue des termes de la Cour de circuit;
- bill 16 amendant les statuts refondus, 1909, relativement aux compagnies de chemins de fer;
- bill 17 amendant les statuts refondus, 1909, relativement à la liste des jurés;
- bill 18 concernant le recouvrement du coût de l'entretien des enfants dans les écoles de réforme;
- bill 19 concernant le recouvrement des frais encourus à l'occasion de l'internement de certains enfants dans les écoles d'industrie;
- bill 20 légalisant certaines entrées au registre des avis en usage depuis le 17 juin 1861 dans le bureau de la division d'enregistrement de l'Islet;
- bill 21 concernant les coroners;
- bill 22 amendant la loi constituant en corporation l'École technique de Hull;
- bill 23 amendant la loi constituant en corporation l'École technique de Trois-Rivières;
- bill 24 ratifiant le contrat passé entre le gouvernement de la province de Québec et l'hôpital Laval, relativement à l'administration du sanatorium du Lac Édouard;
- bill 25 amendant les statuts refondus, 1909, relativement à l'amélioration de la race chevaline;
- bill 26 amendant les statuts refondus, 1909, relativement aux sociétés d'agriculture;
- bill 27 amendant la loi des mines de Québec;
- bill 28 amendant les statuts refondus, 1909, relativement aux Cercles agricoles;
- bill 29 autorisant l'octroi de subventions aux collèges classiques et à certaines autres écoles;
- bill 30 créant les écoles des beaux-arts de Québec et de Montréal;
- bill 31 autorisant l'établissement de cours professionnels;
- bill 32 pour encourager la production d'oeuvres littéraires ou scientifiques;
- bill 33 ratifiant le contrat entre le gouvernement de la province de Québec et les dames religieuses de Notre-Dame de Charité du Bon-Pasteur, concernant l'entretien de certains enfants dans leur école d'industrie;
- bill 37 amendant les statuts refondus, 1909, relativement aux hôtels et maisons de logement;
- bill 38 amendant la loi établissant un nouveau district judiciaire avec chef-lieu à Amos;
- bill 40 amendant les statuts refondus, 1909, relativement à la Commission des services publics de Québec;
- bill 42 amendant les statuts refondus, 1909, relativement au personnel de la Bibliothèque de la Législature;
- bill 51 concernant la succession de feue dame Philomène Valois, veuve de Paul Lussier;
- bill 52 conférant certains pouvoirs au Synode diocésain de Montréal;
- bill 53 constituant en corporation The African Methodist Episcopal Church;
- bill 55 reconnaissant The Holiness Movement Church in Canada comme corporation ecclésiastique de la province de Québec;
- bill 56 amendant la loi 40 Victoria, chapitre 23, concernant l'instruction publique dans la cité de Sherbrooke;
- bill 57 amendant la charte et définissant les pouvoirs du Arts Club Limited;
- bill 58 constituant en corporation la Société des missions étrangères de la province de Québec;
- bill 60 concernant la donation fiduciaire et la succession de feu l'honorable Trefflé Berthiaume;
- bill 61 amendant la charte de la Compagnie du chemin de fer Roberval-Saguenay;
- bill 62 concernant la succession de feu Joseph-Arthur Villeneuve;
- bill 63 ratifiant certaines ventes par la succession Logan et autres;
- bill 64 changeant le nom de Nellie Blanche McGowan en celui d'Helen McGowan McKim;
- bill 66 amendant la charte de la ville Lasalle;
- bill 67 autorisant le Barreau de la province de Québec à admettre Herman Barrette à l'exercice de la profession d'avocat;
- bill 68 amendant la charte de la cité de Thetford Mines;
- bill 71 autorisant le Barreau de la province de Québec à admettre Max Liverman au nombre de ses membres;
- bill 73 autorisant le Collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec, à admettre Germain Chouinard à la pratique de la profession de chirurgien dentiste;
- bill 74 autorisant le Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec à admettre Léopold Desforges à la pratique de la médecine et de la chirurgie, après examen;
- bill 75 autorisant le Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec à admettre René Therrien à la pratique de la médecine et de la chirurgie, après examen;
- bill 83 amendant la loi constituant en corporation The Title Bond Guarantee & Trust Corporation of Canada;
- bill 84 constituant en corporation la Connectional Methodist Church in Quebec;
- bill 85 concernant les successions de feu Jean-Baptiste Beaudry et Hercule-Jean-Baptiste Beaudry;
- bill 86 validant un acte de vente d'Alfred Dalbec à Suzan Frozine Williamson;
- bill 88 refondant la charte de la ville de Louiseville;
- bill 89 constituant en village la ville Baie Saint-Paul;
- bill 93 confirmant une convention entre dame Nora Hunter, veuve de Walter Norton Evans et al., et ratifiant la nomination de nouveaux fiduciaires, en vertu d'un contrat de mariage de ladite dame Nora Hunter et confirmant leurs pouvoirs;
- bill 98 concernant le Bureau des commissaires d'écoles protestants de la cité de Montréal;
- bill 99 amendant la charte de la cité de Lachine;
- bill 102 autorisant le Collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec à admettre Chester Thompson Parker à l'exercice de la profession de dentiste;
- bill 104 constituant en corporation The Bassarabier Hebrew Sick Benefit Association of Montreal;
- bill 107 concernant le pont qui relie l'Île Bizard à l'Île de Montréal;
- bill 113 autorisant le Collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec à admettre James Dance à l'exercice de l'art dentaire;
- bill 171 amendant la loi pour prévenir les incendies;
- bill 178 concernant certains emprunts par la Société coopérative agricole des producteurs de semences de Québec;
- bill 186 relatif à l'aide que pourront accorder certaines municipalités pour l'achat de graines ou de grains de semence.
Les députés reviennent à la salle de séances.
Demande de documents:
Crédit agricole4
La Chambre reprend le débat sur la motion suivante: Qu'il soit déposé sur le bureau de cette Chambre une copie de correspondance au sujet de l'établissement d'un crédit agricole et autres moyens d'encourager l'agriculture et le mouvement de retour à la terre.
L'honorable M. Caron (Îles-de-la-Madeleine): En théorie, la question du crédit agricole est belle, mais entre la théorie et la pratique, il y a tout un monde. Le député de Saint-Maurice (M. Ricard) a rappelé qu'il y avait des crédits agricoles d'organisés un peu partout. Dans les pays d'Europe, où ils sont établis, les conditions ne sont pas les mêmes qu'au Canada. À l'heure actuelle, la Saskatchewan, le Manitoba et l'Ontario ont des crédits agricoles.
Cela date de bien peu longtemps pour que l'on puisse juger des résultats, mais d'une période assez longue déjà pour savoir qu'en Saskatchewan les résultats n'ont pas été très heureux ni très encourageants. Était-il avisé, de la part du gouvernement, d'instaurer un système de banques pour prêter aux cultivateurs? Était-il avisé de le faire d'un point de vue politique? Et d'un point de vue financier? Je ne fais, dit-il, que poser ces questions à la Chambre. Je ne souhaite pas me prononcer pour l'instant, car le problème est sérieux. D'ici à ce que des institutions de ce genre, dit-il, aient prouvé leur efficacité ailleurs, en Saskatchewan où au Manitoba, par exemple, il vaudrait mieux favoriser l'expansion des caisses populaires qui ont déjà fait beaucoup pour le cultivateur, là où elles sont déjà établies. Il est vrai que les conditions actuelles affectent fortement les fermiers dans les endroits où ces caisses n'existent pas. Beaucoup d'agriculteurs ne paient pas leurs intérêts, ou ne les paient qu'à la dernière minute, et de là des ennuis très sérieux.
En principe, le crédit est favorable, et la Chambre lui est favorable. Les prêts par les banques sont désavantageux pour le cultivateur qui ne peut payer 8 ou 10 % et qui ignore en général les affaires de banque. Le crédit s'impose toujours de plus en plus. Certaines d'entre elles donnent autant d'avantages aux cultivateurs qu'aux autres classes. L'établissement d'un système de crédit agricole pratique serait très avantageux pour les cultivateurs de la province.
Mais il faudrait une surveillance étroite pour voir la manière dont seront utilisés les prêts. Il (l'honorable M. Caron) parle des difficultés que présente ce système, comme les hypothèques qu'il faudrait établir. De plus, dit-il, le gouvernement ne peut prêter sans garanties et, dans la généralité des cas, ce sont ceux qui ne peuvent fournir beaucoup de garanties qui ont le plus besoin d'argent. La situation serait très difficile si les cultivateurs empruntent de l'argent pour améliorer leurs troupeaux ou pour acheter des grains de semence.
Les banques paient 3 % d'intérêt sur les épargnes et nul doute que si le gouvernement payait 4 %, comme il a été suggéré par certains, il obtiendrait facilement des dépôts pour prêter de l'argent aux fermiers. Les banques prétendent qu'ils ne peuvent, avec avantage, payer plus de 3 %. Si le gouvernement obtient les économies du peuple avec un intérêt de 4 %, soit plus que les banques établies, qu'adviendra-t-il au commerce et à l'industrie actuellement financée par les banques?
Arrivera sans doute un jour où le besoin s'épuisera et où les banques se trouveront pénalisées de ne pas avoir les économies du peuple. Par conséquent, elles n'auront rien pour prêter aux industries et aux commerces, et, sans eux, le cultivateur ne demandera plus d'argent pour se développer, car il n'y aura pas de marché pour ses produits. Ce sont là quelques objections qu'il (l'honorable M. Caron) souhaiterait présenter devant la Chambre. L'aide aux fermiers, dit-il, pourrait ne pas être permanente et l'industrie en souffrirait considérablement.
Avant de prendre une décision dans ce sens, le gouvernement doit envisager sérieusement la question, la considérer sous toutes ses faces. Il vaudrait mieux, il me semble, attendre pour bénéficier de l'expérience des autres provinces. Il (l'honorable M. Caron) croit exprimer l'opinion de toute la Chambre en disant que les plus grands besoins pécuniers se font sentir dans les régions où il n'existe pas déjà une organisation qui, comme la caisse populaire, par exemple, permet au cultivateur ou au colon d'administrer ses affaires de façon à ce qu'il puisse faire mieux face à ses obligations. Dans l'intervalle, dit-il, il ne serait peut-être pas inopportun de favoriser les caisses populaires.
Le gouvernement doit encourager cette oeuvre et contribuer non seulement à son maintien, mais à son développement, en participant et en encourageant la création de nouvelles succursales dans les districts qui n'en n'ont pas. Les cultivateurs et les colons ont grandement bénéficié jusqu'ici de ces caisses populaires, et ce serait là l'un des remèdes les plus effectifs à apporter à ceux qui souffrent de la crise actuelle. Actuellement, nous en avons 102 et elles font beaucoup de bien aux cultivateurs. Elles leur prêtent pour des fins agricoles et, très rarement, il y a eu des sujets de se plaindre de ces caisses lorsqu'il est question d'assurer financièrement leurs récoltes.
Dans plusieurs régions où, l'an dernier surtout, les récoltes et les moissons ont été fortement endommagées ou furent peu considérables, les cultivateurs peuvent être en face de nombreuses difficultés. Toutefois, le gouvernement, pour le moment du moins, ne pourrait faire mieux qu'encourager ces cultivateurs à se confier aux caisses populaires, organisations sûres et prospères, en attendant que la question des crédits agricoles ait été mise à l'étude et qu'une décision ait été prise à ce sujet.
Avant donc de légiférer, il faut savoir où nous allons. Je répète cependant que je suis en principe en faveur du projet émis et proposé d'une façon si éloquente par l'honorable député de Saint-Maurice (M. Ricard), mais je crois qu'avant de décider la chose, le gouvernement doit apporter à cette mesure une attention toute spéciale. Bien que de bons arguments puissent être avancés en faveur d'un crédit agricole, il est possible également de lui en opposer.
Et avant longtemps, je l'espère, nous pourrons établir le crédit sur des bases solides, pour aider à l'agriculture sans lui nuire. Nous voulons être conservateurs...
(Applaudissements de la gauche)
L'honorable M. Caron (Îles-de-la-Madeleine): ...conservateurs, mais en affaires seulement.
(Rires de la Chambre)
Nous attendons les résultats de ce système établi dans les autres provinces. La province de Québec a pris l'initiative dans certaines innovations, mais, sur la question du crédit agricole, elle trouve plus sage de la laisser à d'autres pour en guetter les résultats.
(Applaudissements)
La motion est adoptée.
Création d'un ministère du Commerce et de l'Industrie
M. Dufresne (Joliette) propose, appuyé par le représentant de Laval (M. Renaud) qu'il soit déposé sur le bureau de cette Chambre une copie de toute correspondance, documents, etc., entre le gouvernement et toute personne, relativement à l'importance d'encourager l'industrie dans notre province, soit par la création d'un ministère du Commerce et de l'Industrie ou autrement.
Le but de ma motion est de vous parler du commerce et de l'industrie dans cette province. On dira peut-être que cela relève du fédéral, mais la Chambre voudra bien considérer le point de vue où je me placerai et donner à la question toute son attention possible. Durant la guerre, la province de Québec a joui d'une prospérité jusqu'alors inconnue, le bonheur et l'aisance régnaient dans tous les foyers, et, nos industries donnant plein rendement, nous avons pu constater toute la somme de revenus que pouvait nous donner notre activité commerciale. Mais aujourd'hui tout est changé. Nous avons à faire face à une des crises les plus alarmantes de notre histoire, nos manufactures sont fermées, nos industries, menacées, et nos institutions les plus solides ébranlées.
Le commerce a diminué de $890,000,000 dans les 10 derniers mois, étant de $1,260,000,000 au lieu de $2,150,000,000 en 1920-21. Pour le mois de janvier seulement, la diminution a été de $55,000,000, ne donnant que $98,000,000 comparativement à janvier précédent. Le chômage règne à peu près partout: la misère et la ruine frappent à toutes les portes. Dans la seule ville de Montréal, au dire du premier ministre, 17,000 personnes sans travail et sans pain implorent le secours du gouvernement.
Le recensement de notre ville, d'après le rapport du Bureau des statistiques fédérales, indique une diminution de 60 industries dans notre ville en 1919. À cette occasion, M. O. H. Côté, commissaire des industries, dit que l'explication de cette affaire est facile à donner. Ce n'est pas la faute du Bureau des statistiques, dit M. Côté, mais celle des propriétaires et des gérants des industries québécoises. Chaque année, le bureau transmet aux industriels une lettre circulaire leur demandant des particularités sur leurs affaires, le nombre de leurs employés. Mais à cette lettre circulaire, il est à peine 40 qui ont répondu et c'est ce qui fait que Québec n'occupe la place digne d'elle dans la situation industrielle du Canada.
Les statistiques provinciales mettent nos industries dans une mauvaise posture vis-à-vis de celles des autres provinces. En 1918, les statistiques indiquaient 424 industries dans Québec et, en 1919, on en voit 388, soit une diminution de 36. C'est là qu'est le mal et qui fait un tort considérable à notre ville. Il y a à l'heure actuelle 835 industries dans notre ville, qui toutes ont reçu des lettres circulaires du Bureau des statistiques, et il serait intéressant de voir combien répondront à l'envoi de la prochaine lettre. Ainsi, il y a à l'heure actuelle 32 manufactures de chaussures à Québec et 21 seulement ont répondu relativement, quant au nombre de leurs employés.
C'est la faute des industries qui ne répondent pas aux lettres circulaires qui leur sont envoyées par le Bureau des statistiques provinciales pour avoir des détails sur leurs industries. Les industries se font tort à eux-mêmes en ne répondant pas à la lettre, car l'acheteur lit cette statistique et en vient à la conclusion que le marché de Québec est bien petit et va ailleurs. M. Côté ne comprend pas cette abstention des industriels à moins que ce ne soit la peur d'être taxés, ce qui est ridicule. Je vous le demande, M. le Président, ne pourrions-nous pas faire quelque chose pour améliorer cette situation et venir en aide aux ouvriers qui demandent du pain? Les principales sources de revenus dans notre province sont l'agriculture et le commerce. Nous ne serons riches et puissants qu'en autant que nous encouragerons notre classe agricole et que nous accorderons une plus grande protection aux ouvriers et aux industriels de cette province.
La province de Québec est la plus importante de la Confédération. Son sol est riche et fertile; son climat, plutôt favorable à la culture; ses moyens de transport, routes et chemins de fer sont assez perfectionnés. Il ne nous reste plus, en effet, qu'à construire quelques embranchements afin de développer certaines régions, par exemple la construction d'un chemin de fer de Joliette à Saint-Michel-des-Saints. J'ai toujours espérance, M. le Président, que le gouvernement protégera cette partie du comté de Joliette, afin de favoriser le commerce du bois et les braves cultivateurs de cet endroit.
La première industrie que nous devrions d'abord protéger et développer, c'est l'industrie de nos produits alimentaires, industrie qui favorise non seulement la classe agricole, mais toutes les classes de cette province.
Voici un rapport que je lisais dans un journal il n'y a pas bien longtemps:
"Attendu que le Comptoir coopératif de Montréal est une institution dont la mission est d'aider les cultivateurs dans leurs louables aspirations pour le développement de leur production et qu'il doit en même temps voir à une distribution efficace des produits agricoles;
"Attendu que dans l'exécution de son oeuvre, laquelle couvre toute la province de Québec, le Comptoir coopératif a acquis une certaine expérience sur l'efficacité de nos moyens de transport;
"Attendu que tout en reconnaissant que nos moyens de transport par eau, par voies ferrées et par chemins améliorés sont développés dans la vallée du Saint-Laurent, du Richelieu, de la rivière Ottawa et des Cantons-de-l'Est, que nos voies de pénétration vers le nord laissent beaucoup à désirer;
"Attendu que la population de Montréal, 800,000 environ, offre au cultivateur du marché rémunérateur et qu'il recherche avec raison;
"Attendu que nos classes ouvrières et industrielles ont un besoin constant d'une nourriture saine, abondante et à des prix raisonnables;
"Attendu que des millions d'acres de terre, environ 200 cantons, sur le versant nord des Laurentides et dans l'Abitibi seront ouverts à la population agricole dans un avenir très rapproché;
"Attendu qu'il est urgent que le port de Montréal, avec son outillage si perfectionné, soit mis à la disposition de tous les cultivateurs de la région nord, parmi lesquels le Comptoir coopératif compte des milliers de membres affiliés, et ce, pour faciliter l'exportation du surplus de leur production;
"Les membres du Comptoir coopératif de Montréal expriment le désir que nos compagnies de chemin de fer, telles que le C.P.R. et le C.N.R., hâtent autant que possible la pénétration de leurs têtes de lignes dans le nord de la province et prient les gouvernements d'Ottawa et de Québec d'user de leur influence et de leurs moyens d'action pour atteindre ce résultat, pour le plus grand avantage du développement de l'agriculture et de la colonisation.
"Que copie de la présente soit adressée à l'honorable ministre des Chemins de fer à Ottawa, à l'honorable ministre de l'Agriculture à Québec, à l'honorable ministre de la Colonisation à Québec."
Il est vraiment regrettable que nous ayons tous les avantages nécessaires et que nous n'en profitions pas. Chaque année, nous achetons une quantité considérable de ces produits chez les provinces-soeurs. Prenons, par exemple, l'industrie des tomates en conserves. Les 7/85, pour ne pas dire tout, nous viennent de la province d'Ontario. C'est un peu la même chose avec d'autres produits alimentaires.
La Dominion Canners, qui les manufacture, a commencé bien humblement il y a 30 ans. Aujourd'hui, elle possède plus de 75 manufactures. À part celle-ci, une centaine d'autres compagnies indépendantes font le même commerce. Nous envoyons notre argent en dehors, tandis que nous pourrions fabriquer nous-mêmes ces produits. Le gouvernement devrait encourager cette industrie et prendre tous les moyens nécessaires pour l'implanter dans notre province.
Pourquoi ne pas pousser nos cultivateurs à cultiver ces produits sur une haute échelle? On me répondra peut-être que le climat n'est pas favorable à cette culture. Mais j'ai été moi-même, pendant de longues années, contremaître d'une des plus belles fermes de l'Île de Montréal. Nous avons fait cette culture et mon expérience personnelle me permet de dire que les récoltes sont aussi bonnes qu'ailleurs.
Nous devrions encourager la culture maraîchère qui est la base même de cette industrie qui rapporte des millions par année et qui a donné de l'ouvrage à des milliers d'ouvriers dans les autres provinces. Nous devrions protéger cette culture surtout dans les petits centres, près des villes, afin de donner de l'ouvrage aux ouvriers des environs et, de plus, intervenir auprès des compagnies de chemins de fer pour obtenir un taux spécial pour le transport des engrais, afin d'améliorer nos serres et de produire en plus grande quantité la culture maraîchère.
Ce sont quelques suggestions que je soumets à la Chambre. Il y a bien des moyens à prendre pour encourager l'agriculture et promouvoir le commerce, mais le gouvernement doit prendre surtout ceux qui sont de nature à augmenter notre rendement agricole et industriel, afin de garder nos fils sur la terre et éviter cette émigration funeste vers les grands centres.
L'an dernier, j'avais l'honneur de faire un discours dans cette Chambre demandant au gouvernement une ferme-école. Huit jours après, l'honorable ministre de l'Agriculture (M. Caron) présentait le bill adoptant mes suggestions. J'espère que cette année l'honorable ministre favorisera de la même manière ces quelques remarques.
Au cours d'un voyage d'observation aux États-Unis, j'ai constaté l'été dernier que, dans les petites villes aussi bien que dans les grands centres, il y avait beaucoup d'activité et de richesses. Toutes les ressources naturelles chez nos voisins sont exploitées, leurs pouvoirs hydrauliques parfaitement développés et, aujourd'hui, la république américaine est une des plus riches de l'univers. Nous possédons les mêmes richesses, nos pouvoirs d'eau sont beaucoup plus considérables, le fleuve Saint-Laurent nous fournit une des plus belles routes navigables du monde, pourquoi ne pas tirer le meilleur parti possible de tous ces avantages?
Notre grande erreur, c'est de ne pas faire assez connaître nos ressources naturelles. C'est en faisant connaître nos richesses nationales que nous attirerons dans cette province le capital nécessaire pour le développement de notre commerce et pour l'établissement de plusieurs industries greffées sur l'agriculture ou autres. L'opposition, pendant plusieurs années, a demandé la protection de l'industrie de la pulpe, et le gouvernement après avoir résisté pendant longtemps à cette demande, a accepté cette politique. Et quel a été le résultat? C'est que, depuis quelques années, on a vu surgir de nouvelles villes telles que La Tuque, Shawinigan, etc., par le placement de capitaux dans notre province.
Le gouvernement, conformément à l'opposition, a pris les moyens nécessaires pour faire fabriquer le bois de pulpe qui, autrefois, était exporté aux États-Unis à l'état brut et nous était renvoyé manufacturé. Nous réclamons la même chose aujourd'hui pour l'amiante, une des principales ressources de notre province; 85 % de la production mondiale vient de Québec, et nous n'avons pas de manufactures ou d'usines pour transformer cette matière et la rendre apte à répondre aux différents besoins de nos compatriotes. Nous l'exportons brute aux États-Unis qui nous la revend à des prix fabuleux. Ce sont encore des millions qui s'en vont à l'étranger et que nous pourrions garder chez nous.
Exploiter toutes nos ressources naturelles en créant de nouvelles industries et en perfectionnant, en développant celles qui existent déjà, voilà la politique que nous devons suivre et vers laquelle le gouvernement doit tendre de toutes ses forces. Une loi qui est bien de nature à nuire au développement industriel et à la création de nouvelles entreprises dans notre province, c'est la loi des cités et villes qui défend aux municipalités, villes ou villages d'accorder des bonis, des exemptions de taxe ou toute autre aide financière aux industries établies sur leur territoire. Je comprends qu'il est des municipalités pauvres et incapables de faire semblables faveurs à leurs industries locales. Mais en revanche, il y en a un grand nombre qui pourraient leur accorder un secours et qui en sont empêchées par les dispositions de cette loi.
Il me semble que nous devrions amender la loi de façon à laisser pleine et entière liberté aux municipalités qui peuvent donner certaines faveurs à leurs industries. Le gouvernement devrait leur laisser plus d'autonomie sous ce rapport. J'ai l'honneur de résider dans une des plus belles petites villes de cette province, Joliette, qui s'est agrandie et a réussi à se développer grâce à la protection qu'elle a pu accorder à ses industries et à ses manufactures.
En effet, c'est grâce aux faveurs qu'elle a faites, aux exemptions de taxes et aux bonis qu'elle a pu accorder, que Joliette a réussi à créer, à conserver et à garder chez elle des établissements comme la manufacture Acme Glove, le moulin à bois Copping, les usines de la Canadian National, la manufacture à papier McArthur, la manufacture Elkins, l'aciérie et ma propre manufacture, la manufacture Dufresne. L'histoire du progrès de Joliette, c'est l'histoire du progrès de plusieurs villes dans notre province qui ont pu accorder une certaine protection à leurs industries locales.
Le gouvernement devrait ne pas restreindre la liberté des villes, mais les encourager plutôt à faire le plus de faveurs possibles, afin de conserver leurs industries et d'en créer de nouvelles. C'est en agissant ainsi que nos villages deviendront de petites villes et que nous réussirons à garder chez nous notre belle population canadienne-française. Vers 1890, je me rappelle que nos ouvriers sans ouvrage quittaient notre province pour émigrer aux États-Unis.
Cela nous a coûté bien cher et nous a fait perdre de nombreuses familles. De grands centres canadiens-français se sont formés chez nos voisins et sont devenus des grandes villes telles que Lowell et Manchester. Si nous ne voulons pas que l'histoire se répète, nous devons prendre les moyens nécessaires pour faire marcher nos industries et en créer de nouvelles, afin de donner de l'ouvrage aux ouvriers qui ont le plus à souffrir en ce moment.
Il faut donc, M. le Président, que le gouvernement travaille à développer le plus possible notre commerce dans cette province. Il atteindra ce but en nommant un homme d'affaires, un industriel, un commerçant au poste de ministre du Commerce dans cette province, qui s'intéressera à toutes nos industries, qui étudiera les principales causes de la crise actuelle et verra à prendre les moyens nécessaires pour y remédier. Cette nomination rendra de grands services non seulement dans le moment, mais surtout dans l'avenir. Je comprends qu'il y a un ministre du Commerce à Ottawa. Mais ce ministre est nommé pour surveiller le commerce général du pays.
Il ne saurait favoriser une province plutôt qu'une autre. Ce que je demande, c'est la création d'un ministère provincial qui s'occuperait exclusivement du commerce de notre province, qui lui fournirait les moyens nécessaires pour lui permettre de prendre la première place dans les affaires du pays, qui protégera les petites industries de Québec et qui légiférerait sur la concurrence commerciale que nous devons faire aux autres provinces, afin d'augmenter nos ressources et nos revenus.
Je ne veux pas d'une concurrence hostile, injuste, mais une concurrence juste, légalement faite, qui protégerait nos petits manufacturiers contre certains trusts ou certaines compagnies des provinces voisines.
Je voudrais un ministre du Commerce qui permettrait à nos hommes d'affaires de prendre la place qui leur revient dans les affaires de la province et donnerait aux capitalistes canadiens-français une puissance comparable à celle que possèdent certains capitalistes étrangers aujourd'hui6. N'est-ce pas là, M. le Président, une politique vraiment sage et vraiment nationale?
M. le Président, étant moi-même un homme d'affaires, ayant passé par tous les degrés de l'échelle sociale jusqu'à la position que j'occupe aujourd'hui, j'ai travaillé dans toutes les classes des métiers. Je connais très bien le commerce, l'agriculture et l'industrie. Je sais tous les besoins de l'ouvrier, et si je viens présenter ces quelques considérations à la Chambre, c'est que je suis convaincu qu'elles sont d'une très grande importance. Je les présente à la considération des honorables députés de cette Chambre dans l'intérêt de mon comté et de la province.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Le député de Joliette (M. Dufresne) a fait un discours très intéressant. Il a parlé de statistiques, de chômage, de tomates, d'amitié, de boni, et finalement, il a parlé de l'industrie, une foule de sujets de la plus haute importance. Le député de Joliette n'a pas donné justice au gouvernement pour tout ce qu'il a fait pour assurer le développement et le progrès de notre commerce et de nos industries, et c'est pourquoi je tâcherai de répondre fidèlement à tous les points.
Le député de Joliette n'aurait pas dû se plaindre au statisticien de la province du fait que les statistiques publiées par ce dernier ne contiennent pas tous les renseignements que nos hommes d'affaires et nos industriels seraient en droit d'espérer. On nous reproche de n'en pas avoir des manufactures. La faute en est plutôt aux commerçants et aux industriels qui, chaque année, ne se rendent pas à l'invitation expresse qui leur est faite de fournir au Bureau des statistiques tous les renseignements concernant leur commerce ou leur industrie afin que la province de Québec conserve, au point de vue de l'industrie, la place qu'elle mérite dans les statistiques comparées de tout le Canada. Est-ce par crainte de se voir taxer, ce qui serait ridicule, ou bien est-ce simplement par négligence? Il n'en est pas moins un fait que l'on peut considérer leur attitude et leur silence comme criminels, puisqu'ils sont la cause certaine des ennuis qui paralysent maintenant le commerce et les industries.
À propos de chômage, je dois dire que nous n'avons pas de ministère de l'Industrie et que c'est encore dans notre province que la proportion de sans-travail est la plus faible. D'ailleurs, le député de Joliette me rendra témoignage que le gouvernement a fait beaucoup pour procurer de l'ouvrage depuis un an surtout. Que de travaux nous avons fait entreprendre à des prix exorbitants, à Montréal particulièrement, que nous aurions pu permettre au printemps et qui auraient coûté beaucoup moins cher, comme la construction de l'entrepôt de la Commission des liqueurs et l'annexe du palais de justice. Une maison de Sherbrooke m'écrivait, aujourd'hui même, qu'en vertu du contrat que nous lui avons accordé pour le pont de East-Angus, ses usines n'ont pas chômé et ont fourni de l'ouvrage à 90 pères de famille. A Québec, nous ferons commercer sous peu les travaux d'agrandissement du palais de justice.
Dans l'Abitibi, le ministre de la Colonisation a disposé d'une somme de $100,000 pour procurer de l'emploi à ceux qui avaient besoin de gagner, et le ministre de la Voirie, dans plusieurs campagnes, a fait faire des travaux pour procurer de l'emploi aux ouvriers. Le gouvernement, sans égard aux conditions onéreuses des entrepreneurs qui, tout naturellement, ne peuvent accepter de travaux en hiver au même prix qu'ils avaient pu le faire durant la belle saison, a fait sa large part pour améliorer la situation du chômage. Il (l'honorable M. Taschereau) est heureux de voir qu'il n'y a pas autant de chômage dans la province de Québec qu'ailleurs, et il croit que les conditions s'amélioreront rapidement.
Et je passe aux tomates. Il y a dans la province de Québec cinq ou six maisons qui s'occupent de l'industrie des tomates qui ont reçu des subsides du gouvernement qui leur permettent de continuer avec un certain succès leurs opérations. On a tenté aussi de mettre les petits fruits en conserve, mais les résultats n'ont pas été très satisfaisants. Cependant, il est reconnu, et les plus grands connaisseurs et experts l'ont admis, que la province d'Ontario peut fournir sous ce rapport de meilleurs produits, et il est injuste pour le député de Joliette (M. Dufresne) de prétendre que Québec peut primer en autant, du moins, que cette industrie est concernée.
En ce qui regarde l'industrie de la pulpe et du papier, le gouvernement ne saurait suivre une meilleure politique que celle discutée et mise en pratique avec tant de succès par Sir Lomer Gouin7. L'essor merveilleux que nous avons remarqué dans l'industrie du bois est un effet de la politique de mon prédécesseur qui voyait clair dans l'avenir, politique qui a eu pour résultat de faire prohiber l'exportation du bois aux États-Unis. N'est-il pas d'ailleurs admis qu'actuellement la province de Québec produit à elle seule autant de pulpe que toutes les autres provinces réunies? La défense d'exporter le bois brut en dehors de la province a eu pour résultat de faire venir de nombreuses industries dans cette province. Nos usines ont décuplé et de nouveaux moulins se construisent chaque année. Et nous continuerons cette politique.
Il ne peut en être de même cependant pour l'industrie de l'amiante et Asbestos, car le marché canadien rencontrera beaucoup d'opposition de la part des producteurs de la Rhodésie. Ces producteurs pourraient en effet produire à meilleur marché qu'Asbestos certaines sortes d'amiante. Le gouvernement, pour accepter la suggestion du député de Joliette qui demande la prohibition de l'exportation de notre amiante à l'état brut aux États-Unis, doit d'abord considérer ce projet sous tous ses aspects.
Il serait peut-être possible d'adopter pour l'amiante la même politique que celle mise en pratique pour la pulpe; la proposition présentée de cette manière est attrayante, mais nous devons considérer que, dans notre province, nous pouvons difficilement exploiter avec succès l'industrie de l'amiante, par suite des dépenses trop considérables que cette exploitation occasionnerait. Il faut considérer la question sous tous ses aspects et espérer la régler dans le meilleur intérêt de la province. Si nous prohibons l'exportation de l'amiante à l'état brut, il faudra le manufacturer ici. D'ailleurs, si le bill Fordney8 doit rester permanent aux États-Unis, l'exportation de l'amiante même à l'état brut sera de fait prohibée et la situation deviendra alors beaucoup plus difficile à améliorer. À tout événement, la question sera considérée très sérieusement et le gouvernement s'efforcera d'en venir à la plus sage solution.
L'expérience a prouvé que c'est une mauvaise politique pour les municipalités que de donner des bonis ou des exemptions de taxes aux diverses industries, afin de les attirer dans leurs limites. Autrefois les municipalités pouvaient accorder des exemptions de taxes. Il y a 2 ou 3 ans, la Législature a enlevé aux municipalités un tel pouvoir, car nous nous sommes aperçus des effets désastreux de cette politique sur le plan économique. Les municipalités s'étaient lancées dans une véritable course pour attirer les industries et avaient offert des conditions qu'elles étaient incapables d'accorder. Il (l'honorable M. Taschereau) ne veut pas en nommer une en particulier, mais tous les députés en cette Chambre, dit-il, savent qu'aujourd'hui, plusieurs villes sont obligées de payer des centaines et des centaines de milliers de dollars en débentures, quand les industries qu'elles favorisaient ont fait faillite.
Récemment, une importante délégation au service du gouvernement déclarait que la province d'Ontario, qui autorise les municipalités à encourager l'établissement d'industries, jouit à cet égard d'un avantage injuste sur Québec. En accordant des exemptions de taxes, elle a pu attirer des industries qui autrement seraient venues s'installer ici. Cela est malheureux et le trésorier provincial (M. Nicol) est à correspondre avec le gouvernement d'Ontario pour que la province-soeur adopte une législation similaire à la nôtre, afin d'empêcher nos industries de fuir vers l'Ontario. Mais jusqu'à maintenant, aucune réponse satisfaisante n'a été obtenue. Pour le présent, la province de Québec peut perdre quelques industries, mais selon un hebdomadaire financier, à la fin elle sera en meilleure posture que la province qui les aura reçues grâce à la politique qui a été adoptée dans la province dans les trois ou quatre dernières années.
Si les municipalités endettées comme elles le sont aujourd'hui, dans le secteur des travaux et aménagements publics, accordent des bonis et des exemptions de taxes, elles ne pourront jamais payer leurs dettes. En certains cas, il se peut qu'elles aient profit à exempter de taxes certaines industries, mais, pour ma part, je ne leur accorderais ce droit qu'à contre coeur. Mais il faudra être très prudent.
Enfin, le député de Joliette a préconisé la nomination d'un ministère de l'Industrie. Il (l'honorable M. Taschereau) remercie le député de Joliette de la suggestion, mais ne voit pas la nécessité d'un pareil ministère pour le moment. Comme toutes les améliorations qui ont une certaine importance, dit-il, cette question mérite considération et étude, avant qu'une décision soit prise. Mais quand je serai convaincu qu'un ministère de l'Industrie pourra combler une lacune, promouvoir plus efficacement le commerce et les industries de la province et mettre fin aux nombreux sujets de griefs énoncés par le député, le député de Joliette peut être sûr que, le premier, je demanderai à cette Chambre l'autorisation d'organiser un tel département.
M. Sauvé (Deux-Montagnes) félicite le député de Joliette pour le travail qu'il vient de soumettre à la Chambre et souligne l'importance des questions soulevées par ce dernier. Il (M. Sauvé) proteste contre la façon dont le premier ministre a répondu au discours du député de Joliette.
Le gouvernement a identifié lui-même les industries qu'il considère comme étant les piliers de la province. Il (M. Sauvé) veut savoir ce que le gouvernement fait pour encourager ces industries que ses propres spécialistes disent nécessaires à la province. S'il faut que la province de Québec se spécialise dans certaines industries pour lesquelles elle est particulièrement adaptée, il est bon que le gouvernement accorde son soutien. Il y a eu toute une histoire, l'an dernier, à propos d'une industrie de Montmagny, et on a beaucoup parlé alors de l'affectation d'un député au poste de ministre du Commerce et de l'Industrie, déclaration qui a sans doute froissé certains députés, notamment le député de Québec-Est (M. Létourneau).
Il (M. Sauvé) affirme que, pour lui, la création d'un ministère du commerce et de l'industrie s'impose. Il dit qu'il souhaite être juste envers le gouvernement, mais que l'on doit se rappeler qu'il y avait longtemps que l'opposition préconisait cette mesure et qu'on nous disait que c'était une utopie. Ceux qui se souviennent des brochures libérales de l'époque se rappelleront que la bataille des députés conservateurs et nationalistes pour cet embargo a été dénoncée comme irréaliste. Il (M. Sauvé) se souvient d'un débat mémorable, en 1909, au cours duquel le premier ministre du temps, Sir Lomer Gouin, avait déclaré que la question d'un embargo appartenait au fédéral. Il (M. Sauvé) croit qu'il faudrait mettre sur pied un département du Commerce et de l'Industrie, afin d'aider les industries qui sont particulières à la province. Peut-être le gouvernement hésitera-t-il, cependant, à établir un tel département, vu le choix embêtant qui se pose quant au nombre d'aspirants à un tel portefeuille.
(Applaudissements)
La motion est adoptée.
Messages du Conseil législatif:
M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant, lequel est lu ainsi qu'il suit:
Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté, sans amendement, les bills suivants:
- bill 45 amendant la loi constituant en corporation l'École polytechnique;
- bill 48 amendant les statuts refondus, 1909, relativement à la police provinciale;
- bill 50 amendant la loi électorale de Québec, relativement aux heures de votation;
- bill 179 concernant la création de commissions athlétiques par certaines municipalités;
- bill 181 amendant l'article 833 du Code de procédure civile.
Demande de documents:
Chef-lieu du district de Terrebonne
M. Sauvé (Deux-Montagnes) propose, appuyé par le représentant de Laval (M. Renaud), qu'il soit déposé sur le bureau de cette Chambre copie de toutes correspondances, requêtes, etc., depuis 1920, jusqu'à ce jour, entre toute personne et le gouvernement au sujet du chef-lieu du district de Terrebonne et du changement de son site.
Adopté.
Brasserie de Trois-Rivières et National Breweries Ltd
M. Sauvé (Deux-Montagnes) propose, appuyé par le représentant de Laval (M. Renaud), qu'il soit déposé sur le bureau de cette Chambre une copie de toute correspondance, documents, etc., entre le gouvernement ou la Commission des liqueurs et les représentants de la Brasserie de Trois-Rivières et aussi les officiers de la National Breweries Ltd, au sujet de la remise du coût ou d'une partie du coût de la licence basée sur la proportion du chiffre d'affaires.
Adopté.
Lots du comté de Terrebonne
M. Reed (L'Assomption) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 148 détachant certains lots du comté de Terrebonne et les annexant à la paroisse de Saint-Joachim, dans le comté de l'Assomption, pour les fins électorales, judiciaires, municipales, et d'enregistrement soit maintenant lu une deuxième fois.
Adopté. Le bill est renvoyé au comité général.
M. Reed (L'Assomption) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.
Adopté. Le comité étudie le bill et en fait rapport sans amendement.
M. Reed (L'Assomption) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Lacs Ouareau et Archambault
L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour prendre en considération un projet de résolutions relatives au bill 185 accordant certains pouvoirs à la Commission des eaux courantes de Québec, relativement à l'emmagasinement des eaux de la rivière Ouareau et de ses lacs et rivières tributaires.
Adopté.
Il informe alors la Chambre qu'il est autorisé par Son Honneur le lieutenant-gouverneur à soumettre ledit projet de résolutions et que Son Honneur en recommande la prise en considération.
En comité:
L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay) propose qu'il soit résolu:
Attendu que la Commission des eaux courantes de Québec recommande de faire les travaux nécessaires à l'emmagasinement des eaux de la rivière Ouareau et des lacs et rivières tribulaires, dans le but d'en régulariser le débit;
Et attendu qu'il est dans l'intérêt public de mettre à exécution les dites recommandations et d'accorder à la commission les pouvoirs nécessaires à ces fins;
1. Que la Commission des eaux courantes de Québec, après avoir produit au département des Terres et Forêts tous les plans et détails nécessaires pour indiquer d'une façon précise les travaux qu'elle voudra entreprendre sous l'autorité de la loi qui sera basée sur les présentes résolutions, et le coût probable d'iceux, pourra être autorisée par le lieutenant-gouverneur en conseil à faire les travaux requis pour établir des barrages-réservoirs ou autres travaux aux lacs Ouareau, Archambault et Blanc et dans la rivière Ouareau, dans le but d'emmagasiner les eaux de ces lacs et rivière et de pourvoir à la régularisation de leur débit, au point de vue de la meilleure utilisation des forces hydrauliques dépendant de ces lacs et rivière.
2. Que la Commission adjugera l'entreprise des travaux autorisés par la loi qui sera basée sur les présentes résolutions, par voie de soumissions et de contrats, après annonces publiques et avis que les plans et devis sont déposés pour examen au bureau de la Commission; que l'adjudication de l'entreprise sera constatée par un contrat qui sera accordé à l'entrepreneur qui produira la plus basse soumission et qui, en même temps, au jugement de la Commission, aura assez d'expérience, d'habileté et de ressources pour bien exécuter les travaux; et qu'un contrat ne pourra toutefois être conclu par la commission qu'avec l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil.
3. Que la Commission pourra, avec l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil, acquérir de gré à gré ou par voie d'expropriation:
a. Les barrages et travaux existants aux lacs Archambault, Ouareau et Blanc, sur la rivière Ouareau;
b. Les immeubles nécessaires à l'exécution et au maintien des travaux qu'elle est autorisée à faire par la loi qui sera basée sur les présentes résolutions;
c. Les immeubles qui pourront être inondés ou autrement affectés par suite de l'exécution et du maintien desdits travaux;
d. Les immeubles requis pour la construction de chemins publics ou privés destinés à donner accès auxdits travaux ou à remplacer des chemins inondés ou autrement détruits ou endommagés;
e. Les immeubles requis pour l'établissement des servitudes nécessaires;
f. Les servitudes, droits réels, droits conférés par la Législature, droits résultant de contrats et tous autres droits d'une nature quelconque.
4. Que l'expropriation en vertu de la loi qui sera basée sur les présentes résolutions sera faite conformément à la loi des chemins de fer de Québec, et que la Cour supérieure du district ou un juge de ce tribunal pourra accorder la possession préalable, aux conditions qu'il jugera à propos.
5. Qu'il sera loisible à la Commission, avec l'autorisation du lieutenant-gouverneur en conseil, lorsqu'il sera nécessaire de n'exproprier qu'une partie d'un lot cadastré ou non, d'acquérir en entier ce lot et de vendre ensuite les parties du lot dont elle n'aura pas besoin.
6. Que, après avoir produit les plans et détails mentionnés dans la première des présentes résolutions et entendu les intéressés, il sera du devoir de la Commission de soumettre au ministre des terres et forêts:
1. Tout projet de contrat à intervenir entre la commission et toute personne, compagnie ou association qui bénéficiera des travaux d'emmagasinement et de régularisation des eaux visées par la loi qui sera basée sur les présentes résolutions;
2. Le tarif général fixant les taux, prix et conditions qui pourront être exigés de toute personne, compagnie ou association qui ne sera pas régie par le contrat mentionné dans le paragraphe 1, pour l'utilisation desdites eaux.
7. Que les contrats passés en vertu du paragraphe 1, de la résolution précédente n'auront force et effet qu'à compter de leur approbation par le lieutenant gouverneur en conseil; et que le tarif fixé en vertu du paragraphe 2 de la résolution précédente n'aura force et effet, une fois approuvé par le lieutenant-gouverneur en conseil, qu'à compter de sa publication dans la Gazette officielle de Québec.
8. Que le coût de la construction des travaux et ouvrages autorisés par la loi qui sera basée sur les présentes résolutions, y compris l'acquisition des terrains et droits immobiliers nécessaires, ne devra pas excéder la somme de deux cent cinquante mille dollars.
9. Que, pour assurer la construction des travaux et ouvrages et les acquisitions d'immeubles visés par la loi qui sera basée sur les présentes résolutions, il sera loisible au lieutenant-gouverneur en conseil d'autoriser le trésorier de la province à contracter, de temps à autre, le ou les emprunts qu'il jugera nécessaires, mais que le ou les emprunts ainsi contractés ne devront pas excéder la somme de cinquante mille dollars; que ce ou ces emprunts pourront être effectués au moyen d'obligations ou de rentes inscrites émises pour un terme n'excédant pas cinquante ans et à un taux d'intérêt n'excédant pas cinq pour cent par année; que ces obligations ou rentes inscrites seront faites dans la forme et pour le montant que le lieutenant-gouverneur en conseil déterminera et seront payables, intérêt et principal, annuellement ou semi-annuellement, à l'endroit qu'il indiquera; et que les obligations ou rentes inscrites émises en vertu de la loi qu sera basée sur les présentes résolutions ne seront pas sujettes aux droits imposés par les lois de Québec relatives aux successions.
10. Que les sections 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19 et 20 de la loi 3 George V, chapitre 6, s'appliqueront, mutatis mutandis, à la loi qui sera basée sur les présentes résolutions, comme si elles avaient été spécialement décrétées pour icelle.
Les résolutions sont adoptées.
Résolutions à rapporter:
Le comité fait rapport qu'il a adopté plusieurs résolution, lesquelles sont lues deux fois et adoptées par la Chambre.
L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay) demande la permission de présenter le bill 185 accordant certains pouvoirs à la Commission des eaux courantes de Québec, relativement à l'emmagasinement des eaux de la rivière Ouareau et de ses lacs et rivières tributaires.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay) propose que le bill soit maintenant lu une deuxième fois.
Il (l'honorable M. Mercier) explique le projet de loi en détail9.
M. Smart (Westmount) demande des explications.
L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): On a tout d'abord proposé de dépenser $50,000 pour procéder à l'expropriation des barrages existants et ainsi les régulariser, afin d'améliorer substantiellement le flux de la rivière. Une fois cela fait, la Commission en est venue à la conclusion qu'il serait préférable de construire de nouveaux barrages et créer un réservoir. Cela se fera.
Les travaux ne seront pas entrepris tant que la Commission n'aura la pleine garantie qu'au moins dix pour cent sera assuré chaque année sur le capital investi par les utilisateurs de la rivière. Le même principe fut adopté concernant la Saint-Maurice et d'autres barrages construits par le gouvernement.
Adopté.
L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Attelage des chevaux
M. Ouellet (Dorchester) propose, selon l'ordre du jour que la Chambre se forme de nouveau en comité général pour étudier le bill 159 amendant l'article 7630 des statuts refondus, 1909, relativement à la manière d'atteler les chevaux sur les voitures d'hiver, dans certains comtés.
Adopté. Le comité étudie le bill et en fait rapport sans amendement.
M. Ouellet (Dorchester) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Subsides
L'honorable M. Nicol (Richmond) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.
Adopté.
En comité:
L'honorable M. Nicol (Richmond) propose: 1. Qu'un crédit n'excédant pas vingt-cinq mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour octroi spécial aux municipalités scolaires, pour encourager la construction et le maintien de nouvelles académies pour les garçons, pour l'exercice finissant le 30 juin 1923.
M. Sauvé (Deux-Montagnes) pose plusieurs questions.
L'honorable M. David (Terrebonne) répond aux questions10.
La résolution est adoptée.
Résolutions à rapporter:
Le comité fait rapport qu'il a adopté une résolution et demande la permission de siéger de nouveau. La résolution est lue deux fois et adoptée par la Chambre.
Travaux de la Chambre
M. Sauvé (Deux-Montagnes) dit qu'il est prêt à siéger ce soir, mais il dit que d'importantes mesures gouvernementales ont été annoncées et publiées dans les journaux, il y a de cela quinze jours, et la Chambre n'a pas encore reçu les bills, pas plus que le gouvernement ne semble prêt à procéder. Le problème, c'est que les législations arrivent à la dernière minute, alors que la Chambre a à peine le quorum. Je ne veux pas que l'on ne fasse rien que voter des subsides, d'autant plus qu'on est à la fin de la session et qu'il y a déjà des députés qui font leur paquet et ramassent leurs plumes pour samedi prochain.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Le gouvernement n'est pas prêt à aller de l'avant avec sa législation ce soir. Ce soir, si le chef de l'opposition y consent, on pourrait faire du budget. La grève des typographes, qui a retardé l'impression de ces bills a été un sérieux embarras, malgré que la Chambre n'ait pas cessé de siéger. Le gouvernement faisait, contre ces circonstances, tout ce qu'il pouvait pour ne pas retarder les travaux de la session. D'ailleurs, on ne saurait dire qu'il y a retard.
Tout ce qui reste de la législation est inscrit à l'ordre du jour. Le ministre de l'Agriculture (M. Caron) n'a plus qu'une loi à présenter. Moi-même, dit-il, (l'honorable M. Taschereau), j'ai pratiquement fini, et il ne reste que quelques mesures, des petites affaires de rien, de la somme volumineuse et considérable de législation présentée cette année par le secrétaire provincial (l'honorable M. David).
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Que faites-vous de votre grosse législation dont les journaux nous parlent depuis quelques jours? Peut-on se fier sur ce que les journaux ont publié?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): En partie; les journaux ne sont pas toujours fiables.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Pas Le Soleil?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) refuse de commenter. Lorsque le chef de l'opposition occupera mon siège, dit-il, comme premier ministre, il comprendra mieux les difficultés qu'il ne peut les comprendre maintenant. Ce qui paraît dans les journaux n'est jamais que le résumé de projets qui sont ensuite modifiés. D'ailleurs, il n'est pas mauvais que les journaux entretiennent leurs lecteurs des lois qui vont être présentées. Celui-ci fait entendre son sentiment, hasarde des critiques propres à les améliorer et collabore ainsi utilement à l'oeuvre de la législation. Cependant, puisque la Chambre a travaillé dur cet après-midi, je crois que l'on pourrait se passer d'une nuit à siéger.
M. Sauvé (Deux-Montagnes) dit qu'il ne s'accorde pas avec le premier ministre et qu'il ne croit pas, en bonne doctrine constitutionnelle, que le public doive être saisi des projets de loi avant le Parlement.
On pouvait lire dans Le Canada que le premier ministre a dit qu'il avait été contraint à reporter des bills importants, dû à l'absence du chef de l'opposition.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je n'ai jamais dit ça.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): C'est ce que Le Canada dit.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Peu importe ce que peut dire Le Canada. Je me suis entendu avec le chef de l'opposition pour éviter les questions litigieuses pendant son absence de lundi dernier.
La séance est levée.
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NOTES
1. Selon La Presse du 9 mars 1922, à la page 19, il est à ce moment 3 h 30.
2. Le Devoir du 9 mars 1922, à la page 1, donne beaucoup de détails sur cette entrée remarquée. Le huissier est "un long monsieur qui porte sous l'un de ses bras un claque et, sous l'autre, très cérémonieusement, comme un bâton de maréchal, un court rouleau noir. Il est haut de six pieds, ce qui donne plus de profondeur et de solennité à ses saluts, lesquels, pour se conformer à une vieille tradition, sont salués par un claquement de pupitre considérable et sans unisson. Il salue trois fois à l'aller, puis expose son message qui est bref. Il refait trois plongeons au retour qui s'effectue à reculons. Et la Chambre se désagrège petit à petit pour suivre l'orateur qui s'en va, coiffé d'un tricorne noir".
3. Sur ce point, L'Événement du 9 mars 1922, à la page 3, nous donne de précieux renseignements: "La cérémonie de circonstance ne manqua pas de piquant. Ce n'est peut-être pas une cérémonie inscrite au rituel de la Chambre, mais c'est une cérémonie consacrée par l'usage. Elle veut que les députés frappent bruyamment les couvercles de leurs pupitres à chacun des trois saluts consécutifs que le sergent fait avant et après avoir transmis son message.
"Pour ceux qui ne sont pas initiés aux coutumes parlementaires, cette manière de procéder ressemble à une manifestation d'élèves, auxquels le professeur viendrait annoncer un congé. Dans un lieu où la gravité préside à toutes les actions, la cérémonie revêt un caractère assez comique. Mais, la députation reprit vite son sérieux, dès que la sanction fût terminée au Conseil législatif, et quand tous les représentants furent revenus, hier après-midi, dans l'enceinte parlementaire, l'honorable ministre de l'Agriculture continua ses remarques, sur la motion Ricard, comme si rien d'anormal ne fût survenu."
4. Selon Le Devoir du 9 mars 1922, à la page 1, l'interruption de la séance dure 45 minutes et la sanction des bills au Conseil législatif "n'attire pas un nombreux public."
5. Estimation de La Presse du 9 mars 1922, à la page 12. The Gazette du même jour, à la page 11, mentionne plutôt les 7/10.
6. Le Devoir du 9 mars 1922, à la page 1, précise que M. Dufresne a lu son discours.
7. Lomer Gouin, premier ministre du Québec de 1905 à 1920.
8. Le Tariff Act, ou bill Fordney, de Joe Fordney, membre du Congrès américain, est adopté à la fin de l'été 1921. Il s'agit d'une mesure protectionniste américaine qui surtaxe de 50 % le sucre et les autres produits agricoles étrangers. Il est renforcé par le Fordney-McCumber Tariff Act, voté en septembre 1922.
9. Sur ces explications, les journaux ne font que reprendre le texte de la résolution, sans nous donner d'autres déclarations de la part de l'honorable M. Mercier fils. Seule La Patrie, à la page 4, écrit que "le ministre a expliqué l'entreprise avec force détails", ce qui nous fait déduire qu'il a dû ajouter des remarques (que nous n'avons pas) en plus du texte officiel de la loi.
10. L'Événement du 9 mars 1922, à la page 10, rapporte que "le chef de l'opposition a provoqué un vif débat avec l'honorable secrétaire provincial, au sujet des académies", mais aucun journal n'en a rendu compte.