Débats de l'Assemblée législative (débats reconstitués)
Version finale
15e législature, 3e session
(10 janvier 1922 au 21 mars 1922)
Le jeudi 2 mars 1922
Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.
Présidence de l'honorable J.-N. Francoeur
La séance est ouverte à 3 h 301.
M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!
Grève des typographes2
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Avant de passer à l'ordre du jour, il est de mon devoir de communiquer à la Chambre une lettre que j'ai reçue du club ouvrier de Maisonneuve. Cette lettre intéressera tous les députés et, en particulier, le chef de l'opposition, auquel elle s'adresse aussi bien qu'au chef du gouvernement.
Maisonneuve 25 fév. 1922
L'honorable M. L.-A. Taschereau,
premier ministre de la
province de Québec
Québec
Monsieur,
Vous trouverez ci-inclus une copie de la résolution adoptée par les membres du Club ouvrier Maisonneuve, à une assemblée régulière du 21 février 1922:
Attendu que l'honorable M. Taschereau, premier ministre à l'Assemblée législative, le 15 février dernier, a fait une attaque violente contre les ouvriers internationaux concernant la grève des typographes de Québec;
Attendu que cette attaque contre ces ouvriers syndiqués a été faite dans un but de briser et de détruire l'Union internationale, parce que cette Union internationale a revendiqué les droits des ouvriers à laquelle nos gouvernants n'ont jamais voulu donner justice;
Attendu que dernièrement les propriétaires ont augmenté leurs loyers à des prix exorbitants, et que cet état de choses a été porté à la connaissance du premier ministre de la province de Québec, et que l'honorable premier ministre n'a pas daigné attaquer ces propriétaires, de crainte de nuire à leur cause financière et, par le fait, peut-être attaquer des politiciens favoris;
Attendu que de telles attaques sont faites toujours et seulement contre la classe ouvrière cherchant par tous les moyens à la fouler aux pieds;
Attendu que ces attaques sont faites dans un but de démontrer que la classe ouvrière devrait être l'esclave des organisations financières et n'aurait pas le droit de réclamer leurs droits devant ces autres classes, protégées par toutes sortes de lois à leur avantage et qui leur donnent droit de faire de la spéculation sur la classe ouvrière;
Attendu que si de telles déclarations avaient été faites de la part des travailleurs, tous les députés à la Chambre législative se seraient levés pour protester contre de telles déclarations;
Attendu que cette déclaration a été contre les ouvriers de la part du premier ministre, tous les députés de la Chambre ont applaudi cette déclaration à l'exception du député de Ste-Marie, J. Gauthier;
Attendu que ceci a été fait dans un but de nuire au progrès de l'ouvrier, les membres du Club ouvrier Maisonneuve protestent énergiquement contre telle déclaration faite surtout par le premier ministre d'une province, et que copie de cette résolution soit envoyée au premier ministre de la province de Québec, au chef de l'opposition, au député A. Laurendeau et au député Gauthier et aux journaux pour publication.
(Signé) François Gervais, sec-archiviste,
474, rue Chambly
Montréal
M. le Président, je ne veux faire aucun commentaire sur cette lettre dont j'ai donné lecture à la Chambre et qui a dû être portée à la connaissance du chef de l'opposition, puisqu'il en a reçu une copie, mais je veux nier tout de suite l'imputation que l'on fait au gouvernement d'être l'ennemi avéré des classes ouvrières, ne voulant les aider en quoi que ce soit, et que le gouvernement conspire contre les ouvriers avec les propriétaires et ceux qui les emploient, pour les fouler aux pieds.
Je proteste absolument de la manière la plus énergique contre les sentiments qui sont exprimés là. Je suis convaincu que, qui que ce soit qui ait écrit cette lettre, elle ne représente ni les opinions ni les sentiments des ouvriers de Montréal, car je sais ces derniers trop intelligents pour se permettre de telles insinuations, surtout lorsqu'elles sont absolument mensongères et blessantes.
(Applaudissements)
La législation ouvrière que nous avons fait adopter a été inspirée par le souci de protéger tous les ouvriers en général, sans distinction d'union internationale ou nationale. Je proteste contre l'imputation qu'elle contient mais je n'ai pas besoin de protester, car la résolution porte en elle-même sa propre contradiction. Je trouve ma vengeance dans un paragraphe de cette lettre, qui dit que lorsque j'ai parlé contre la grève des typographes, grève déclarée sur l'ordre de chefs étrangers à notre province, j'ai été applaudi par toute la députation, sauf le député de Montréal-Sainte-Marie (M. Gauthier).
Que celui qui a rédigé cette phrase l'apprenne par coeur et qu'il sache que, dans la province de Québec, chaque fois que d'ailleurs on voudra donner une direction à nos ouvriers, direction autre que celle dictée par des sentiments canadiens, nous serons opposés et que toute la députation sera encore unanime à protester et à applaudir. C'est la meilleure réponse et il en sera toujours de même.
(Applaudissements)3
Rapports de comités:
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le quinzième rapport du comité permanent des bills publics en général. Voici le rapport:
Votre comité a décidé de rapporter, sans amendement, le bill suivant:
- bill 114 validant la garantie et l'endossement donnés par la cité de Trois-Rivières et ratifiant et confirmant certains règlements de ladite cité;
Et, avec amendement, le bill suivant:
- bill 50 amendant la loi électorale de Québec, relativement aux heures de votation;
Rapporté à l'Assemblée législative:
- bill 157 amendant les statuts refondus, 1909, relativement aux véhicules-moteurs.
M. Tessier (Rimouski): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le dix-neuvième rapport du comité permanent des bills privés en général. Voici le rapport:
Votre comité a décidé de rapporter, avec des amendements, le bill suivant:
- bill 76 amendant la charte de Laval-des-Rapides.
M. Ashby (Jacques-Cartier), du comité du Code municipal, présente le deuxième rapport de ce comité, lequel rapport est lu ainsi qu'il suit:
Votre comité a décidé de rapporter, avec des amendements, le bill suivant:
- bill 152 amendant l'article 228 du Code municipal;
Bill rejeté:
- bill 164 amendant l'article 243 du Code municipal, relativement au cens électoral des propriétaires.
Messages du Conseil législatif:
M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté un message, lequel est lu ainsi qu'il suit:
Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté, sans amendement, les bills suivants:
- bill 5 amendant les statuts refondus, 1909, relativement au département de la Colonisation, des Mines et des Pêcheries;
- bill 31 autorisant l'établissement de cours professionnels.
Charte de Montréal
M. Bédard (Montréal-Hochelaga) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 100 amendant la charte de la cité de Montréal.
Adopté. Le comité étudie le bill et en fait rapport sans amendement.
M. Bédard (Montréal-Hochelaga) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
M. Poulin (Montréal-Laurier) propose, appuyé par le représentant de Saint-Jean (M. Bouthillier), que le bill ne soit pas lu maintenant une troisième fois, mais qu'il soit renvoyé de nouveau au comité plénier avec instruction d'y insérer comme article 16v, l'article suivant:
"16v. Si la cité de Montréal n'acquiert pas la Montreal Water and Power Co., dans un délai d'un an à compter de la sanction de la présente loi, elle sera tenue de payer, à l'acquit des contribuables qui sont desservis par la Montreal Water and Power Co., l'excédent chargé par la Cie pour les prix de l'eau au-dessus des taux chargés par la cité de Montréal4."
Il (M. Poulin) dit que lorsqu'il a expliqué son amendement devant le comité des bills privés, il ne possédait pas tous les renseignements voulus pour convaincre les députés. Il rappelle que 300,000 citoyens de la population de Montréal paient aujourd'hui $1.50 par cent de plus que les autres citoyens pour leur taxe d'eau, parce qu'ils sont desservis par la Montreal Water & Power Co., au lieu de l'être par l'aqueduc de la cité. Ils ont cependant contribué, dit-il, comme tous les autres citoyens, à la dépense de vingt millions pour l'amélioration de l'aqueduc de Montréal, sans en recevoir une seule goutte d'eau.
La Montreal Water & Power Co. s'est engagée à fournir l'eau à ces gens, et cela surtout sur deux articles importants, la force de la pression de l'eau et le prix qu'elle devait exiger, prix qui devait être 75 % de celui exigé à Montréal, puis 65 % le jour où il y aurait un certain nombre de maisons sur le territoire desservi. Il (M. Poulin) cite les témoignages d'experts qui affirment que les tuyaux de la Montreal Water and Power Co. n'ont pas la dimension exigée dans les contrats. Cela est dangereux en cas de feu, dit-il, et il en résulte une situation dangereuse pour la santé et le public en cas d'épidémie, surtout parce que cette compagnie ne peut fournir une pression d'eau suffisante qui permette aux pompiers de s'attaquer à de graves incendies.
Je demande à la Chambre de forcer la cité de Montréal à faire respecter ce contrat, et le meilleur moyen est d'exproprier la Montreal Water & Power Co. Elle a ce droit qui lui a été conféré par la loi 4 George V. La Montreal Water & Power Co. ne donne pas satisfaction au public. Je propose donc que la cité de Montréal s'empare de son aqueduc, par une expropriation, afin que le service de l'aqueduc dans les quartiers desservis par la compagnie soit amélioré.
M. Conroy (Montréal-Sainte-Anne) déclare qu'en tant que citoyen et député d'une section de la cité, il se permet de ne pas partager l'opinion du député de Montréal-Laurier (M. Poulin) prétendant que l'expropriation n'est pas le remède qu'il faut.
La cité de Montréal ne l'a pas demandé et il est injuste de la forcer à assumer les nouvelles obligations nécessaires à l'acquisition de la Power. Il (M. Conroy) réfute l'argument que la Montreal Water & Power Co. ne fournit pas aux quartiers qu'elle dessert la pression suffisante en cas d'incendie. Il dit être en mesure de prouver que la Montreal Water & Power Co. est très bien pourvue sous ce rapport et que le député de Laurier a dû être mal renseigné et a exagéré.
Il (M. Conroy) ne croit pas que la Chambre puisse imposer une telle charge nouvelle à la ville de Montréal avec des amendements présentés à la dernière heure. Le comité des bills privés de la Législature a jugé bon de refuser d'accorder à la cité le pouvoir d'emprunter de l'argent pour d'autres travaux, et il ne devrait pas se mêler des autres affaires.
La nouvelle administration doit régler elle-même ses problèmes. Puisqu'il est question d'un danger d'épidémie, il (M. Conroy) demande autorisation d'assurer ses collègues médecins que la compagnie possède l'un des meilleurs systèmes en Amérique, avec d'excellents filtres, et il ne peut être question de danger de maladie parmi la population desservie par la compagnie.
M. Bédard (Montréal-Hochelaga) ne nie pas qu'il soit injuste de réclamer à un groupe de citoyens une taxe d'eau plus élevée que celle prélevée dans la plupart des quartiers de la ville, mais il se met au point de vue des finances de la métropole et déclare que ce serait obliger celle-ci d'accabler les citoyens de nouveaux impôts que de la forcer à exproprier une compagnie, chose qui, dans les circonstances, exigerait des dépenses très considérables.
La cité de Montréal ne peut, dit-il, surtout dans ce moment et, d'ici à un an, supporter une telle expropriation qui se chiffrerait dans les millions et, en agissant ainsi, la Législature traiterait injustement les citoyens de la métropole.
Ce serait pratiquement forcer la cité de Montréal à faire cette expropriation que de voter l'amendement du représentant de Montréal-Laurier (M. Poulin), car ce serait une dépense énorme pour la cité de Montréal que de payer la différence de taux, à un moment où elle plie sous le taux. L'aqueduc de Montréal remplace graduellement celui de la Montreal Water & Power Co., dans les localités où expirent les franchises de cette compagnie et l'expropriation se fera ainsi sans secousse.
M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis): La seule raison qu'a donnée le député de Laurier pour forcer l'expropriation était que la compagnie ne remplissait pas son contrat. Je ne suis pas prêt à dire si la Montreal Water & Power a rempli son contrat. Il se peut qu'elle le remplisse. Il se peut qu'elle ne le remplisse pas. La Chambre n'en sait rien. Mais si tel est le cas, le député de Laurier devrait savoir qu'il existe dans cette province des lois pour forcer l'exécution des contrats.
Il y a un remède dans le contrat lui-même. Il n'y a qu'à s'adresser aux tribunaux et à forcer la compagnie à respecter les engagements qu'elle a pris. Seulement, mon honorable ami de Laurier n'osera pas prétendre que ce serait punir la compagnie que de l'exproprier en lui payant une somme considérable pour son aqueduc et ainsi tenter de faire respecter le contrat? En supposant que nous passions une loi en cette Chambre pour forcer la cité de Montréal à acheter les biens de la Montreal Water & Power, qu'arrivera-t-il si la cité n'a pas l'argent nécessaire? La cité de Montréal, d'un autre côté mon ami de Saint-Henri vient de le dire, n'est pas en état de faire cette expropriation. L'expropriation exigerait une dépense d'un, deux, trois, dix et peut-être 20 millions.
Avons-nous quelque information qui pourrait nous permettre de voter intelligemment sur l'amendement? Nous n'avons absolument rien. Le député de Laurier (M. Poulin) ne nous a donné aucune idée quant à ce que cela pourrait coûter ou quel mécanisme serait nécessaire pour les exproprier, et il n'y a rien non plus dans la charte de la cité qui lui permettrait d'emprunter l'argent nécessaire pour l'expropriation, même si on en connaissait le coût. L'amendement ne dit mot à ce sujet, et il me semble que le député de Laurier demande à la Législature d'aller très loin. Je crois donc que mon devoir sera de voter contre l'amendement du député de Laurier.
M. Vautrin (Montréal-Saint-Jacques) sympathise beaucoup avec ceux des citoyens de Montréal qui sont obligés de payer plus cher que les autres pour l'eau, mais on doit considérer l'intérêt général de Montréal.
Lorsque les quartiers actuellement desservis par la compagnie étaient annexés, aucun des contrats existants ne comportait de disposition stipulant que la cité devait faire l'acquisition de la compagnie ou rembourser les citoyens pour le surplus de taux qui leur est chargé. Certains contrats dureront encore 10 ou 20 ans. Il plaint les Montréalais qui doivent payer plus cher que les autres pour leur eau, mais c'est à l'administration de décider.
La Législature ne doit pas forcer la cité à exproprier la compagnie et dépenser des millions de dollars ou payer à nouveau chaque année une somme de plus de $200,000 à un groupe de citoyens qui, pourtant, avant l'annexion de leur territoire à la cité de Montréal, devaient faire face aux mêmes obligations qu'aujourd'hui. Le comité refuse de modifier la Charte pour permettre à la cité d'emprunter trois millions pour des travaux absolument nécessaires, et l'on ne devrait pas s'en mêler à ce stade-ci. Les citoyens de Montréal verraient d'un mauvais oeil cet acte de la Législature. Nous ne pouvons pas les obliger à acheter cet aqueduc. Nous avons donné au nouveau conseil son autonomie, laissons-le donc décider ce qu'il doit faire pour ne pas obliger celui-ci à agir d'une façon contraire à la bonne administration de la cité.
M. Miles (Montréal-Saint-Laurent): La Législature a rendu à Montréal son autonomie, il y a un an. Ils ont à présent une nouvelle administration, en laquelle les citoyens ont confiance et dont ils attendent pleine satisfaction, et ils n'ont pas d'ordres à recevoir de la Législature. C'est la première occasion de montrer que Montréal a son autonomie en n'intervenant pas dans ses affaires. La cité n'a pas demandé l'expropriation et n'est pas en position de la réaliser. C'est un mauvais principe; la cité n'est pas en position pour exproprier.
M. Laurendeau (Maisonneuve) dit que s'ils ne peuvent pas obliger la cité à acheter l'aqueduc, ils devraient se faire garantir que les surtaxes ne seront pas renouvelées à la fin du présent terme, de sorte que la cité puisse éventuellement acquérir son propre aqueduc.
L'honorable M. Lacombe (Montréal-Dorion) déclare que, si l'amendement du député de Laurier (M. Poulin) ne spécifie pas l'expropriation de la Montreal Water & Power Co. et n'oblige pas ainsi la cité de Montréal à contracter de nouvelles et trop fortes obligations, il aurait été en faveur de l'autre partie du même amendement concernant la remise aux citoyens desservis par la même compagnie, du surplus de taxe qu'ils doivent payer chaque année. Il faut bien se rendre compte, dit-il, que ce serait peut-être faire l'affaire et se rendre aux désirs de la Montreal Water & Power Co. si nous décidions que Montréal doit exproprier cette compagnie.
Il (l'honorable M. Lacombe) regrette que certains citoyens doivent payer plus cher de taxe d'eau que les autres et voit là une situation injuste. Mais il croit néanmoins que l'amendement doit être battu5.
Des députés: Vote! Vote!
M. Poulin (Montréal-Laurier) demande le vote.
Et l'amendement étant mis aux voix, la Chambre se divise et, sur la demande qui en est faite, les noms sont enregistrés ainsi qu'il suit:
Pour: MM. Ashby, Bouthillier, Fortier, Gauthier, Laurendeau, Poulin, Renaud, Ricard, Roy, 9.
Contre: MM. Bédard, Bercovitch, Bordeleau, Bugeaud, Bullock, Caron (Hull), Caron (Îles-de-la-Madeleine), Cédilot, Conroy, Daniel, David, Desaulniers, Desjarlais, Dufour (Matane), Dufresne, Forget, Gaudrault, Gault, Grégoire, Hamel, Hay, Lacombe, Laferté, Lafrenière, Lapierre, Leclerc, Lemay, Lemieux (Gaspé), Lemieux (Wolfe), Létourneau, Madden, McDonald, Mercier (Trois-Rivières), Miles, Monet, Moreau, Morin, Nicol, Paquet (Saint-Sauveur), Péloquin, Perrault, Phaneuf, Philps, Reed, Richard, Robert, Saurette, Sauvé, Simard, Smart, Taschereau, Tessier, Thériault, Tourville, Vautrin, 55.
M. Monet (Napierville) fait remarquer à la Chambre que le député de Dorchester (M. Ouellet) n'avait pas voté.
M. Ouellet (Dorchester) déclare qu'il ne désirait pas voter.
M. l'Orateur: Tout député se trouvant à son siège au moment d'un vote est obligé de voter.
M. Ouellet (Dorchester): Alors, je vote contre l'amendement.
L'amendement est donc rejeté par 56 voix contre 9.
Et la motion principale étant mise aux voix, la Chambre l'adopte. Le bill est, en conséquence, lu une troisième fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Questions et réponses:
Secours pour la Côte-Nord
M. Dufresne (Joliette): 1. Le gouvernement a-t-il reçu au cours de l'an dernier des requêtes de différentes places sur la Côte-Nord du Saint-Laurent demandant du secours en provisions, pour le cours de l'hiver 1921-1922?
2. Dans l'affirmative, de quels endroits ces demandes ont-elles été faites et pour quel montant dans chaque endroit?
3. Si le gouvernement a fourni les effets demandés, à quelle date l'envoi a-t-il été fait et pour quel montant dans chaque endroit?
4. Par qui la livraison de ces effets a-t-elle été faite et par quel bateau?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): 1. Oui.
2. De divers postes dans le bas du Saint-Laurent, le montant n'étant pas spécifié dans les demandes.
3. Le gouvernement a fourni de la farine, du lard, de la mélasse, du thé, du pétrole, de la gazoline, etc., pour un montant total de $6,052.52.
4. Les effets ont été distribués à différents endroits situés entre Sainte-Augustine et Bradore Bay par l'entremise du Père Hesty et du Capitaine Living, qui étaient chargés d'effectuer la répartition avec l'aide des personnes les plus recommandables à chaque endroit.
Ces effets ont été transportés par le bateau North Shore.
Sainte-Hedwidge, Lac-Saint-Jean
M. Renaud (Laval): 1. Le gouvernement a-t-il fait des travaux de chemin dans la paroisse de Sainte-Hedwidge, au Lac-Saint-Jean, à même les argents de colonisation ou à même d'autres fonds, l'an dernier?
2. Dans l'affirmative, a-t-on dépensé de l'argent dans un chemin privé appartenant à un club de Roberval, le long duquel il n'y aurait pas de terre arable?
3. Dans l'affirmative, qui était contremaître, et quel montant a été dépensé?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): 1. Oui.
2. Les travaux ont été faits dans la route, sur le rang VIII, canton de Roberval et sur le rang I, canton de Ross, où il y a quelques colons d'établis.
3. Joseph-Elzéar Fortin, $300.63.
Lots de colonisation
M. Sauvé (Deux-Montagnes): 1. La personne qui achète un lot de colonisation est-elle obligée de remplir et de signer la formule A, article 1558, S.R.Q., 1909, et de déclarer sous serment qu'elle acquiert ce lot en son nom, pour le défricher et le cultiver pour son bénéfice personnel; qu'elle n'est le prête-nom de personne pour faire l'acquisition de ce lot? Et avant de signer, est-elle obligée de jurer que ces faits sont vrais?
2. Dans la négative, quelles sont les exceptions?
3. Combien de lots un colon peut-il acheter à la fois?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): 1. L'article 1558, S.R.Q., 1909 et la formule dont cet article faisait mention ont été abrogés par la loi 11 George V, chapitre 33, sections 7 et 8.
2. Répondu par la question précédente.
3. Voir l'article 2090a S.R.Q., 1909.
Dr L.-E.-A. Parrot
M. Sauvé (Deux-Montagnes): 1. Est-il à la connaissance du gouvernement que dans les années 1919 et 1920, MM. Alfred Bourgouin, Rodrigue April, George Lavoie, Arthur Caron, Arthur Lévesque, tous employés du département de la Voirie, sous les ordres du contremaître Jos. Tremblay, auraient été chargés par ce dernier, pendant leurs heures de travail, de transporter et de scier le bois du Dr L.-E.-A. Parrot, alors député de Témiscouata à l'Assemblée législative, au moulin de M. Herménégilde Lavoie, à Saint-Antonin, comté de Témiscouata, et qu'ils auraient été payés par le gouvernement pour le travail qu'ils auraient ainsi fait au profit de M. Parrot, alors député?
2. Y a-t-il eu restitution du salaire ainsi payé aux employés sus-nommés du département de la Voirie?
3. Dans l'affirmative, à quelle date, par qui et pour quel montant?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Le gouvernement n'en a pas été informé alors.
2. Oui.
3. a. En septembre 1921; b. Jos. Tremblay; c. $66.
Demande de documents:
Crédit agricole
M. Ricard (Saint-Maurice) propose, appuyé par le représentant de Beauce (M. Fortin) qu'il soit déposé sur le bureau de cette Chambre une copie de toute correspondance au sujet de l'établissement d'un crédit agricole et autres moyens d'encourager l'agriculture et le mouvement de retour à la terre.
M. l'Orateur, si je me permets de parler de la politique de retour à la terre, ce n'est pas que je prétende pouvoir solutionner en quelques mots une question aussi difficile et aussi sérieuse que celle-là, mais il me semble qu'il est de mon devoir en ma qualité de représentant du peuple de donner bien humblement, mais aussi bien sincèrement, ma manière de voir sur une question aussi importante. Bien souvent, M. l'Orateur, nous avons entendu une foule de gens émettre leurs idées sur la meilleure manière de favoriser le retour du cultivateur à la terre, mais je ne sache pas qu'on ait envisagé une seule fois cette politique sous sa vraie face; je crois que la première chose à considérer, c'est d'abord de prendre les moyens pour garder à la terre les fils de cultivateurs, et en deuxième lieu d'essayer de ramener au sol ceux qui en sont partis. L'un de ces moyens est l'établissement d'un crédit agricole qui aidera non seulement le jeune colon et le jeune cultivateur à s'établir sur des fermes ou à en créer des nouvelles, mais aussi le vieux fermier qui veut améliorer la sienne.
Et pour en arriver là, M. l'Orateur, il est inutile de perdre son temps à parler de l'attrait trompeur de la ville; pour ma part je suis encore du nombre de ceux qui croient que le fils du cultivateur aime la culture et que des milliers d'ouvriers seraient prêts à prendre les manchons de la charrue, si on leur donnait les moyens de s'établir sur une ferme. Si le fils du cultivateur laisse la campagne pour prendre le chemin de la ville, c'est dû souvent au fait qu'un homme père d'une nombreuse famille n'a pas les moyens voulus pour établir ses garçons sur des fermes, il en établira bien un ou deux, mais les autres devront apprendre des métiers et iront ensuite gagner leur vie dans leur village ou à la ville, et pour l'ouvrier n'ayant que très peu d'économies, malgré le désir qu'il pourra avoir de s'acheter une ferme, il ne pourra songer non plus à faire de l'agriculture ou de la colonisation, faute d'argent. Donc ce qui lui manque, c'est l'argent.
En effet, M. l'Orateur, nous comprenons facilement l'hésitation que peut avoir le jeune cultivateur d'acheter, supposons, une ferme de $6,000 avec un $500 ou même un $1,000 comptant, lorsqu'il aura une somme de $5,000 à payer dans 4 ou 5 ans à un taux d'intérêt souvent assez élevé. C'est là, je crois l'une des principales, sinon la principale des raisons pour laquelle nombre de jeunes gens ne font pas de culture et quittent la campagne pour prendre le chemin de la ville. Personnellement, je connais beaucoup d'ouvriers et de fils de cultivateurs qui seraient restés à la campagne où ils préfèrent vivre, s'ils avaient pu bénéficier des avantages d'un crédit agricole.
M. l'Orateur, je le répète, je n'ai pas la prétention de pouvoir régler pour toujours une question aussi difficile et aussi délicate que celle-ci, mais je me contente de soumettre à l'étude de cette Chambre et de mes concitoyens de la province de Québec, ma manière d'envisager cette question, espérant que les honorables ministres de l'Agriculture et de la Colonisation de même que tous les députés exprimeront leur manière de voir sur cette question, afin d'aider le plus tôt possible, non seulement le jeune colon et le jeune cultivateur, mais aussi le vieux fermier qui veut améliorer sa ferme.
Je ne veux cependant pas prétendre que le gouvernement n'aide pas aux colons et aux cultivateurs. La population reconnaissante de notre province n'ignore pas les millions dépensés par les honorables ministres de l'Agriculture, de la Colonisation et de la Voirie pour les ouvriers de la ferme, et les sommes énormes dépensées annuellement par notre toujours dévoué secrétaire provincial (l'honorable M. David) dans les nouveaux centres de colonisation ou dans les vieux centres agricoles. On a dépensé des millions sur les routes et dans la colonisation ainsi que pour encourager l'agriculture de manière générale.
Quelqu'un me disait un jour que les caisses populaires sont suffisantes pour remplacer les crédits agricoles, mais l'on oublie que ces bonnes caisses ne sont pas établies dans toutes les municipalités de cette province, et le seraient-elles que nous serions bien vite forcés de constater qu'elles n'auraient pas assez de fonds pour répondre aux besoins des fermiers. Mais, me dira-t-on, les banques dans les sections rurales, la "Caisse d'économie" comme on les appelle, peuvent prêter aux colons et aux cultivateurs. Est-ce que, par hasard, l'on ignore que nos nombreuses succursales de banques dans nos campagnes sont autant de canaux par où passe l'argent de nos cultivateurs pour aller ensuite alimenter la haute industrie ou le commerce des villes?
Comme me disait cette semaine un banquier en vue de cette province, les banques sont bien disposées à prêter aux cultivateurs, mais pourquoi le gouvernement ne nous donnerait-il pas le droit aux banques de prendre des garanties sur la récolte sur pieds, et sur les animaux de la ferme, comme cela se fait déjà dans quelques provinces de l'Ouest?
Je crois que cet homme d'affaires a raison; et une loi dans ce sens devrait être passée le plus tôt possible. Déjà plusieurs pays d'Europe ont adopté une politique de crédit agricole et se sont servi ou ont établi les institutions financières suivantes: l'Italie: la Banque rurale, Banque populaire, Institut du crédit territorial etc; La Hongrie, les Institut hypothécaire territorial hongrois, Institut de la fédération nationale des prêts sur biens fonds en Hongrie; l'Autriche: les Associations du crédit agricole; l'Allemagne: les Prêts pour l'amélioration de la terre, Banque des prêts par annuité pour améliorations de la terre; le Danemark: la Société de crédit pour les propriétaires fonciers dans les districts et Diocèses des îles danoises, etc; la France: Banque régionale, Banque de France, Banque du crédit coopératif des Alpes Maritimes, La Banque populaire de Mentore, la société du Crédit mutuel de Senlis, la Banque agricole de Boulogne-sur-Mer, le Crédit foncier, etc. Au Canada, l'Ontario, la Saskatchewan, et je crois aussi que le Manitoba ont leurs systèmes de crédits agricoles, pourquoi n'aurions-nous pas le nôtre nous aussi?
Je veux être sincère et je ne veux pas que l'argent de la province soit dépensé inutilement; si je cite les noms de ces différents pays, il ne faudra pas pour cela prétendre que partout ces crédits agricoles ont toujours été un succès; en Italie et en Hongrie entre autres, si mes renseignements sont exacts, le crédit agricole n'a pas réussi, d'un autre côté l'Allemagne, le Danemark et la France en auraient fait un succès.
Si certains pays n'ont pas réussi, est-ce dû au fait que l'on aurait mal compris les besoins ou la mentalité des régions qu'il s'agissait d'aider, je l'ignore, mais ce qui m'encourage à demander l'établissement le plus tôt possible de cette politique, c'est que déjà un certain nombre de pays en ont fait l'expérience avec succès. En Canada, la Saskatchewan est fière de son système de crédit agricole. Dans la province de Québec, pourquoi ne réussirait-on pas, le ministère de l'Agriculture a toujours eu du succès chaque fois qu'il est venu en aide aux cultivateurs. Grâce à son dévouement et à l'esprit de travail et d'honnêteté de nos cultivateurs, n'avez-vous pas constaté, M. l'Orateur, les changements opérés dans nos campagnes depuis un certain nombre d'années?
Il y a 25 ans par exemple, nos cultivateurs vivaient pauvrement; aujourd'hui, l'aisance et le bonheur semblent régner chez beaucoup d'entre eux. Cependant, si beaucoup de nos ouvriers du sol sont heureux, il ne faut pas pour cela oublier les soucis du père d'une nombreuse famille qui voudrait établir ses garçons sur la terre, ou de l'ouvrier qui aimerait lui aussi à se faire colon ou cultivateur. Le moyen de garder ou de ramener au sol ceux qui aiment la culture serait, je crois, d'établir un système de prêt remboursable par annuité.
Le gouvernement pourrait, je suppose, émettre un certain montant de débentures qu'il pourrait prêter ensuite en première hypothèque aux colons et aux cultivateurs, à des conditions et pour des fins déterminées par le biais d'une commission indépendante constituée, disons, d'un cultivateur, un financier et un avocat. Le cultivateur qui veut améliorer sa ferme ou le colon sans ressource qui a déjà défriché une partie de son lot pourrait emprunter à 3 ou 4 % disons, jusqu'à concurrence de 75 % de la valeur de sa ferme pour rembourser ensuite au gouvernement son prêt en 40 versements annuels.
Supposons par exemple, qu'un cultivateur aurait besoin d'une somme de $1,000 pour faire le drainage de sa ferme ou d'autres améliorations, je crois que cet homme aurait peur d'emprunter cette somme, s'il se voyait dans l'obligation de rembourser son emprunt dans 2 ou 3 ans à un taux d'intérêt de 6 ou 7 %, comme il se paye souvent dans les centres où l'argent est très rare; mais d'un autre côté, je suis convaincu que le même homme ne craindrait pas d'emprunter cette somme de $1,000 s'il savait pouvoir la rembourser par versements de 1/40e par année, avec intérêt à 4 % avec liberté de faire des remboursements par anticipation, c'est-à-dire qu'il aurait à payer par année $65 capital et intérêts compris, montant qui devrait diminuer tous les ans.
Je ne crois pas qu'avec un système comme celui-ci qu'un fils de cultivateur ou un ouvrier aurait peur de s'acheter une ferme. Parce qu'après avoir considéré le prix d'une ferme, le colon regarde toujours les conditions de remboursement, et si les conditions sont trop dures, il n'achète pas; d'un autre côté, s'il voit la possibilité de pouvoir payer sa terre grâce à des conditions faciles, dans la plupart des cas, il sera heureux et mieux de se faire cultivateur. Maintenant, comment administrer tout ce système de crédit agricole? C'est là la grande question et c'est là aussi que je demande l'expression d'opinion de tous les membres de cette Chambre. Si l'on trouve un meilleur système que celui que j'ai à suggérer, tant mieux, et pour le plus grand intérêt de ma province, je suis prêt de l'accepter.
Je crois qu'un crédit agricole comme celui-ci, s'il était accepté, devrait être administré par une commission indépendante de tout patronage politique et composé d'un cultivateur, d'un colon, d'un financier et d'un homme de loi. Cette commission verrait à prêter au cultivateur qui aurait besoin, et s'occuperait de l'emploi de l'argent emprunté, des remboursements etc. Une commission composée d'hommes compétents pourrait très certainement administrer ce genre de crédit agricole, dans le plus grand intérêt de l'agriculture et de la province. M. l'Orateur, j'aurais voulu avoir la compétence d'un économiste tel Jouzier ou Gilles pour traiter un sujet aussi important que celui-ci, mais j'ai confiance que cette Chambre discutera cette question à son mérite et comprendra que je n'ai en vue que le bonheur et la prospérité de mes concitoyens, animé d'un amour sincère pour ma vieille province française de Québec.
(Applaudissements de la Chambre)
L'honorable M. Moreau (Lac-Saint-Jean): Il m'est tout particulièrement agréable de me lever aujourd'hui en cette Chambre, et cela, pour féliciter le député de Saint-Maurice (M. Ricard) pour l'idée qu'il a eue en proposant le projet du crédit agricole et aussi pour le féliciter de la manière si avantageuse dont il a su s'acquitter de la tâche bien difficile qu'il avait assumée, et la façon si éloquente qu'il a trouvée pour argumenter son projet.
Comme représentant de la classe des colons dans le cabinet provincial, c'est un devoir impérieux pour moi de supporter la cause que défend le député de Saint-Maurice (M. Ricard) en autant qu'il est possible. Cette mesure apporterait une amélioration notable à l'état du vaillant défricheur pour lequel, on ne peut le cacher, la vie est si dure. J'entendais l'honorable secrétaire de la province dans un magnifique discours qu'il fit en soumettant son projet d'encouragement aux littérateurs, je l'entendais, dis-je, trouver d'heureux compliments pour le livre intitulé Maria Chapdelaine6, livre que la France a voulu honorer en le couronnant par son Académie.
Ce livre étant né chez nous, dans les froides et fertiles régions du nord de mon comté, j'ai suivi son ascension vers le succès avec la plus franche satisfaction, considérant que son style en était parfait: l'oeuvre qu'il accomplirait en s'étendant dans le monde entier, serait surtout utile en faisant connaître ce qu'est au juste la tâche et la mentalité du colon, et comme il mérite les sympathies et l'encouragement général.
On oublie trop, M. le Président, que, si le pays a atteint un développement si marqué, le colon en est le facteur principal, et que c'est lui qui, par son effectif travail, a placé le pays sur la voie de la prospérité, que c'est encore lui qui le pousse vigoureusement dans cette voie en continuant à l'agrandir et en facilitant son rendement par ses sueurs et son travail.
C'est toutefois un bien rude métier. Il y faut de l'énergie. Je voudrais que tous les membres de cette Chambre connaissent comme moi les difficultés multiples qu'il a à surmonter, l'énergie qu'il lui faut montrer pour trouver la subsistance de sa famille et en même temps, faire d'une forêt vierge une terre à rendement. Nous le voyons l'automne partir avec sa famille, qui de coutume est assez nombreuse, quitter la civilisation pour aller dans les endroits éloignés et sauvages, dans les chantiers, gagner par son travail quelques piastres qu'il économise pour pouvoir, durant l'été suivant, faire vivre les siens tout en défrichant son lot. Bien souvent l'argent qu'il aura gagné durant l'hiver ne sera pas suffisant pour vivre tout l'été, alors il lui faudra laisser son défrichement pour courir ailleurs et chercher quelques piastres à gagner. Combien de fois n'ai-je pas été attristé en constatant la vie pitoyable qui est son partage?
Regardez-le l'été, vivant dans un camp de bois rond, bien souvent sans plancher; dans un côté, il vit avec sa famille, de l'autre côté, il y loge son cheval, quelquefois une vache, c'est là tout son avoir qui est rarement plus considérable. Les conditions hygiéniques de ce logement ne nous frappent-elles pas?
Et pourtant, M. l'Orateur, je n'exagère pas, c'est bien là son logement, meublé d'une table à trois pattes, et de quelques bûches pour sièges. Quelle est la raison principale pour laquelle le colon qui travaille de l'aurore au crépuscule, ne peut-il pas se donner plus d'aisance? Eh bien, M. l'Orateur, c'est qu'avec le peu d'argent qu'il a gagné l'hiver, il en a bien juste pour vivre l'été, en poussant l'économie jusqu'à l'exagération; il lui faut faire ce travail de défrichement pendant 7 à 8 ans.
Je prétends, M. le Président, que, si après avoir fait quelque travail sur son lot, le colon pouvait emprunter un montant sur le travail déjà fait, ceci aurait pour effet de lui donner en encouragement matériel et de lui permettre de développer plus rapidement son lot, que s'il est obligé de quitter son travail à tout instant pour se gagner quelques miettes de pain. Si l'immigration canadienne-française vers les États-Unis est si intense, c'est parce qu'autrefois, le colon n'avait pas assez de moyens d'existence. Nous remarquons que l'avènement au pouvoir de gouvernants aux idées libérales a eu pour effet immédiat d'arrêter ce mouvement immigrateur et de garder chez nous nos travailleurs.
Dieu merci, lorsqu'il s'agit de faciliter l'oeuvre du colon, le gouvernement n'a jamais hésité à faire son possible, et nous pouvons dire qu'il y a une amélioration sensible sur ce point. Combien de choses pourraient encore être faites! Et la proposition qui est soumise par l'honorable député de Saint-Maurice (M. Ricard) pourrait aider l'agriculteur, si l'on peut lui donner une application pratique. C'est bien en accomplissant des réformes du genre de celle-ci que l'idée libérale s'établit bienfaitrice et a d'heureux effets pour la province. Lorsque le premier ministre m'appela à faire partie de son cabinet, je sentis la responsabilité qu'il plaçait sur mes épaules, bien que l'honneur qu'il faisait aux colons de la province fût marqué. Il suffisait que l'entrée dans le cabinet fût un honneur pour que je ne le recherche pas, mais le fait qu'il y avait responsabilité grave à supporter et devoir à accomplir, je ne pouvais me permettre de refuser.
Les besoins des colons sont si nombreux, et les réformes à opérer dans leur domaine sont si nécessaires, que le gouvernement a voulu avoir dans son conseil un homme connaissant parfaitement leurs besoins, ayant vécu de leur vie et peiné avec eux. C'est bien en cette qualité que j'ai l'honneur de prendre part aux délibérations ministérielles, et aujourd'hui, c'est fort de mon expérience et conscient de mes devoirs que je suis sympathique en principe à la motion de l'honorable député.
Je voudrais que ma voix franchisse les murs de cette Chambre et aille dire aux colons émigrés qui, faute de secours, ont dû quitter leurs terres pour chercher à l'étranger, sinon le bien-être, du moins les ressources nécessaires pour vivre en travaillant dans les filatures américaines: Revenez, revenez à votre vielle province, afin d'aider à son développement. Nous avons compris votre situation, nous avons compris la position du colon, et nous voulons par tous les moyens faire au défricheur une vie relativement agréable... Nous savons qu'ainsi encouragés, votre travail sera plus vigoureux, et que notre territoire productif s'agrandira plus rapidement s'ils reviennent dans leur vieille province, confiants qu'ils pourront être dans un avenir prospère.
Représentant du peuple et colons, nous voulons marcher ensemble, car notre rôle à tous deux est patriotique. J'émets donc l'opinion, M. le Président, que si une mesure de crédit agricole peut être prise à effet sans trop d'inconvénients et si les ressources de la province le permettent, celle-ci pourra rendre des services à l'agriculture et aux colons particulièrement.
(Applaudissements de la Chambre)
M. Ouellet (Dorchester)7 est fortement en faveur de cette mesure proposée par le député de Saint-Maurice (M. Ricard) et voit dans les paroles de l'honorable député du Lac-Saint-Jean (M. Moreau) les réalisations futures du projet, sous une forme ou une autre. Il (M. Ouellet) profite de l'occasion pour faire l'éloge de l'oeuvre magnifique des caisses populaires, mais qui ne sont naturellement pas capables de suffire à tous les besoins, surtout en un temps où l'argent est rare. Le gouvernement fera sans doute tout en son pouvoir pour établir un système de crédit agricole.
Il (M. Ouellet) veut qu'en instituant un crédit agricole le gouvernement pense à encourager l'établissement de ces caisses très utiles pour les cultivateurs, qui ont rendu tant de services. Elles viennent de se former en fédération, dit-il, et leurs services peuvent être surtout utiles aux colons et aux cultivateurs.
M. Grégoire (Frontenac): Ce n'est plus le temps de pousser vers l'industrialisation à outrance et la haute finance, car le jour de l'agriculture est arrivé. Le gouvernement doit absolument aider aux cultivateurs s'il veut que le mouvement de l'agriculture continue de prospérer dans cette province. Il (M. Grégoire) fait l'éloge des cultivateurs canadiens français et maintient la nécessité de la mesure, particulièrement dans l'intérêt des fils de cultivateurs. Il est temps, dit-il, de donner à ces derniers les chances d'exploiter avec plus de profits les champs qu'il a ouverts. Autrement, ils seront forcés de chercher ailleurs de quoi subvenir à leur subsistance. Avec des chefs comme nous en avons à la tête de l'Agriculture, de la Colonisation et des Terres, on ne peut envisager qu'avec confiance la solution du problème de trouver l'argent nécessaire à nos cultivateurs. Il (M. Grégoire) approuve de tout coeur la motion du député de Saint-Maurice (M. Ricard).
(Applaudissements de la Chambre)
M. Conroy (Montréal-Sainte-Anne) ajoute quelques mots pour féliciter le député de Saint-Maurice (M. Ricard).
(Applaudissements de la Chambre)
M. Hamel (Portneuf) ajoute quelques mots pour féliciter le député de Saint-Maurice (M. Ricard).
(Applaudissements de la Chambre)
M. Sauvé (Deux-Montagnes) propose, appuyé par le représentant de Montréal-Saint-Georges (M. Gault) que le débat soit ajourné.
Adopté.
Ingénieurs civils
M. Vautrin (Montréal-Saint-Jacques) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 158 amendant les statuts refondus, 1909, relativement au ingénieurs civils.
Adopté. Le comité étudie le bill et en fait rapport sans amendement.
M. Vautrin (Montréal-Saint-Jacques) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Chemin de Saint-Jean à l'Acadie
M. Bouthillier (Saint-Jean) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 165 relatif à l'entretien du chemin connu sous le nom de Chemin Saint-Jean à l'Acadie, dans le comté de Saint-Jean.
Adopté. Le comité étudie le bill et en fait rapport sans amendement.
M. Bouthillier (Saint-Jean) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Code municipal, entretien des chemins
M. Hamel (Portneuf) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 167 amendant l'article 460 du Code municipal soit maintenant lu une deuxième fois.
Adopté. Le bill est renvoyé au comité permanent du Code municipal.
Code du notariat
M. Leclerc (Québec-Comté) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 168 amendant le Code du notariat soit maintenant lu une deuxième fois.
Adopté. Le bill est renvoyé au comité permanent des bills publics en général.
Annexion de territoire
M. Leclerc (Québec-Comté) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 156 amendant les statuts refondus, 1909, relativement à l'annexion de territoire faisant partie d'une cité ou d'une ville à une autre corporation soit maintenant lu une deuxième fois.
Adopté. Le bill est renvoyé au comité permanent des bills publics en général.
Convictions sommaires
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 36 concernant les convictions sommaires soit maintenant lu une deuxième fois.
Adopté. Le bill est renvoyé au comité permanent des bills publics en général.
Signification par huissier
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 181 amendant l'article 833 du Code de procédure civile.
Adopté. Le comité étudie le bill et en fait rapport sans amendement.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Enregistrements
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 49 amendant le Code civil relativement aux enregistrements.
Adopté. Le comité étudie le bill et en fait rapport sans amendement.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Cour de circuit, comté de Saint-Maurice
M. Ricard (Saint-Maurice) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 166 amendant les articles 3109 et 3112 des statuts refondus, 1909, relativement à la Cour de circuit, dans le comté de Saint-Maurice.
Adopté. Le comité étudie le bill et en fait rapport sans amendement.
M. Ricard (Saint-Maurice) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
École polytechnique
L'honorable M. David (Terrebonne) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 45 amendant la loi constituant en corporation l'École polytechnique soit maintenant lu une deuxième fois.
Adopté. Le bill est renvoyé au comité général.
L'honorable M. David (Terrebonne) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.
Adopté. Le comité étudie le bill et en fait rapport sans amendement.
L'honorable M. David (Terrebonne) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Questions et réponses:
École technique de Hull
M. Dufresne (Joliette): 1. Le gouvernement a-t-il fait construire une école technique à Hull?
2. Dans l'affirmative, combien à coûté ou va coûter la construction de cette école?
3. Quel était l'estimé de l'architecte qui l'a fait?
4. Des soumissions ont-elles été demandées?
5. Quels étaient les noms des soumissionnaires et le prix demandé dans chacune des soumissions?
6. Quel est le nom de l'entrepreneur qui a construit cette école?
7. Quelles étaient ses conditions? Était-il au percentage?
8. Quel était le nom du contremaître?
9. Quel était le nom de l'employé qui marquait le temps des hommes?
L'honorable M. David (Terrebonne): La Commission nommée par la loi 9 George V, chapitre 42, a sous son contrôle, la construction de cette école, les travaux ne sont pas encore terminés.
Messages du Conseil législatif:
M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté les messages suivants, lesquels sont lus ainsi qu'il suit:
Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté sans amendement, les bills suivants:
- bill 102 autorisant le Collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec à admettre Chester Thompson Parker à l'exercice de la profession de dentiste;
- bill 107 concernant le pont qui relie l'Île Bizard à l'Île de Montréal;
- bill 113 autorisant le Collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec à admettre James Dance à l'exercice de l'art dentaire.
Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté, avec certains amendements qu'il la prie d'agréer, les bills suivants:
- bill 14 amendant les statuts refondus, 1909, relativement à la tenue des termes de la Cour de circuit;
- bill 57 amendant la charte et définissant les pouvoirs du Arts Club, Limited;
- bill 61 amendant la charte de la Compagnie du chemin de fer Roberval-Saguenay.
Termes de la Cour de circuit
La Chambre prend en considération les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 14 amendant les statuts refondus, 1909, relativement à la tenue des termes de la Cour de circuit. Les amendements sont lus deux fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.
The Arts Club Ltd
La Chambre prend en considération les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 57 amendant la charte et définissant les pouvoirs du Arts Club, Limited. Les amendements sont lus deux fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.
Compagnie du chemin de fer Roberval-Saguenay
La Chambre prend en considération les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 61 amendant la charte de la Compagnie du chemin de fer Roberval-Saguenay. Les amendements sont lus deux fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.
Ajournement
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose l'ajournement..
M. Laurendeau (Maisonneuve): M. le Président, me sera-t-il permis de me lever sur une question de privilège?
M. l'Orateur: Sur quel sujet?
M. Laurendeau (Maisonneuve): Au sujet de la déclaration que l'honorable premier ministre a faite cet après-midi, sur la résolution du club ouvrier de Maisonneuve.
M. l'Orateur: L'incident est clos. Vous n'êtes pas dans l'ordre, car il n'y a rien devant la Chambre.
M. Gault (Montréal-Saint-Georges) attire l'attention du premier ministre sur un article paru dans le Montreal Star du 1er mars. Il (M. Gault) en fait lecture. Cela est-il vrai? dit-il.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je n'ai pas compris un mot de ce que vous avez lu.
M. Gault (Montréal-Saint-Georges) (Plus fort) demande au premier ministre s'il y a quelque chose de vrai dans la nouvelle publiée hier dans le Montreal Star qui dit que le député de Montréal-Saint-Laurent (M. Miles) va être nommé conseiller législatif ou ministre du Commerce et de l'Industrie, portefeuille nouveau qui va être créé. Il (M. Gault) demande aussi s'il est vrai que le député de Shefford (M. Bullock) pourrait être nommé conseiller législatif.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) dit qu'il ne voit pas la nécessité pour le gouvernement de nier toutes les rumeurs que peuvent publier les journaux. Il (M. Taschereau) trouve étrange qu'à chaque fois que les journaux lancent des rumeurs, des membres de l'opposition se lèvent pour demander si elles sont vraies. Le meilleur moyen de se renseigner, pour un député, est de faire insérer une interpellation régulière au feuilleton de l'ordre du jour. Il demande à l'Orateur si la question du représentant de Montréal-Saint-Georges (M. Gault) est bien dans l'ordre. Je laisse au président de la Chambre, dit-il, de décider si la question du représentant de Montréal-Saint-Georges (M. Gault) est bien dans l'ordre.
M. l'Orateur: La question n'est certainement pas dans l'ordre.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Je comprends que l'honorable député de Maisonneuve veut donner certaines explications à la Chambre...
M. l'Orateur: J'ai décidé que la question n'était pas dans l'ordre, puisqu'il n'y a pas de motion devant la Chambre. La séance est ajournée à demain trois heures.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Il est évident que seul le premier ministre a le droit de parler, ici. Oh, les ouvriers!
Adopté.
La séance est levée vers 6 heures.
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NOTES
1. La Tribune du 3 mars 1922, à la page 1, mentionne que ce retard est dû au fait que "le premier ministre et ses collègues étaient aux prises dans la salle du conseil avec une délégation d'automobilistes qui venaient leur demander de ne pas imposer de taxes trop lourdes sur les véhicules-moteurs."
2. Sur cette grève, voir la séance du 15 février 1922.
3. Le Devoir du 3 mars 1922, à la page 1, rapporte que M. Gauthier (Montréal-Sainte-Marie) et M. Laurendeau (Maisonneuve) n'ont pas applaudi avec le reste de la Chambre.
4. La Presse du 3 mars 1922, à la page 17, précise que "c'est exactement l'amendement que le Dr Poulin avait proposé la veille devant le comité des bills privés et qui avait été rejeté."
5. Le Devoir du 3 mars 1922, à la page 1, précise que M. Lacombe avait pourtant voté en faveur de cet amendement au comité des bills privés.
6. Maria Chapdelaine, roman du terroir publié en 1916 par Louis Hémon (1880-1913), écrivain français établi au Canada en 1911. Ce roman posthume connut un succès universel.
7. Selon The Gazette du 3 mars 1922, à la page 1, c'est M. Ouellette du comté de Yamaska qui prend la parole.