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Version finale

15e législature, 2e session
(11 janvier 1921 au 19 mars 1921)

Le jeudi 3 mars 1921

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Présidence de l'honorable J.-N. Francoeur

La séance est ouverte à 3 heures.

M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Tancrède Marcil

M. Achim (Labelle) propose, appuyé par le représentant de Bonaventure (M. Bugeaud), que les articles 503 à 508 ainsi que les articles 510 à 515 du règlement soient suspendus relativement à une pétition et à un bill de Tancrède Marcil, demandant à autoriser le Barreau de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres après examen; qu'il lui soit permis de présenter ladite pétition; que cette pétition soit lue et reçue, aussitôt que présentée, et qu'il lui soit immédiatement permis de présenter le bill autorisant le Barreau de la province de Québec à admettre Tancrède Marcil au nombre de ses membres après examen.

Adopté.

 

Lecture de pétitions:

En conséquence, ladite pétition suivante est lue et reçue par la Chambre:

- de Tancrède Marcil, demandant la présentation d'un bill autorisant le Barreau de la province de Québec à admettre Tancrède Marcil au nombre de ses membres après examen (M. Achim).

M. Achim (Labelle) demande la permission de présenter le bill 145 autorisant le Barreau de la province de Québec à admettre Tancrède Marcil au nombre de ses membres après examen.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Cour de magistrat de district

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) demande la permission de présenter le bill 225 amendant le Code de procédure civile relativement à la Cour de magistrat de district.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Inspection des échafaudages

L'honorable M. Galipeault (Bellechasse) demande la permission de présenter le bill 226 amendant les statuts refondus, 1909, relativement à l'inspection des échafaudages.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Louages d'ouvrage

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) demande la permission de présenter le bill 224 amendant le Code civil relativement à certains louages d'ouvrage.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Commission des services publics

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) demande la permission de présenter le bill 237 amendant la loi concernant la Commission des services publics de Québec.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Chemin Corneau, Saint-Hyacinthe

M. Phaneuf (Bagot) demande la permission de présenter le bill 158 relatif à l'entretien du chemin connu sous le nom de chemin Corneau, près de Saint-Hyacinthe.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant, lequel est lu ainsi qu'il suit:

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté, avec certains amendements qu'il la prie d'agréer, le bill suivant:

- bill 51 amendant la charte de la cité de Thetford Mines.

Charte de Thetford Mines

La Chambre prend en considération les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 51 amendant la charte de la cité de Thetford Mines. Les amendements sont lus deux fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Charte d'Aylmer

La Chambre procède de nouveau à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 87 refondant la charte de la ville d'Aylmer. Les amendements sont lus une deuxième fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Charte de Saint-Lambert

M. Desaulniers (Chambly) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité général pour étudier le bill 79 amendant la charte de la ville de Saint-Lambert.

Adopté.

Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a adopté avec un amendement. L'amendement est lu deux fois et adopté.

M. Desaulniers (Chambly) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Chemin de fer de Québec et de l'Île d'Orléans

M. Laferté (Drummond) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 67 amendant la charte de la Compagnie de chemin de fer de Québec et de l'Île d'Orléans.

Adopté. Le comité étudie le bill et en fait rapport sans amendement.

M. Laferté (Drummond) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Tramways de Verchères, Chambly et Laprairie

M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis) propose selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 105 amendant la charte de la Compagnie des tramways de Verchères, Chambly et Laprairie.

Adopté. Le comité étudie le bill et en fait rapport sans amendement.

M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Département de la Colonisation, des Mines et des Pêcheries

Conformément à l'ordre du jour, la Chambre reprend le débat ajourné le 2 mars, sur la motion dont elle a été saisie le mercredi 2 mars courant: Que M. l'Orateur quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité plénier pour prendre en considération un projet de résolutions relatives au bill 5 amendant les statuts refondus 1909, concernant le département de la Colonisation, des Mines et des Pêcheries.

M. Gaudreault (Chicoutimi): À titre de représentant du comté de Chicoutimi, où la colonisation est fort en honneur, je veux faire certaines observations quant au fonctionnement de la loi que vient de présenter les honorables ministres de la Colonisation (l'honorable M. Perrault) et des Terres et Forêts (l'honorable M. Mercier fils), et je veux les féliciter, de même que le gouvernement, pour avoir présenté cette loi. Il (M. Gaudreault) est persuadé que cette mesure ne manquera pas de produire les meilleurs fruits et de fournir une large part au développement de la colonisation dans la région qu'il représente en cette province, à cause de l'esprit large, du travail intelligent et de l'esprit d'initiative du ministre de la Colonisation. Le gouvernement a suffisamment étudié la question pour la comprendre, et il ne pouvait agir dans un temps plus opportun.

Les délais imposés au colon, avant qu'il n'entre en possession de son titre définitif, devraient être réduits. Quand un défricheur a dessouché le tiers de son lot, il a prouvé sa bonne foi. Dans les savanes, par exemple, cela lui prendra moins de temps qu'ailleurs, mais il n'est pas exposé à revendre pour fins de spéculation, pourquoi alors le priver de son titre complet? Le colon comme le reste des humains est enchanté de posséder. Il a une hâte légitime de pouvoir dire: mon champ et ma maison. Pour ce qui est de la question de résidence, la loi devrait varier suivant les circonstances. Le jeune colon peut habiter chez ses parents au village et y gagner sa vie avec un métier, tout en faisant du défrichement. Il n'est pas juste de le priver en même temps de la vie de famille et de cette aide nécessaire.

Le gouvernement ne paie pas assez les ouvriers qu'il emploie au tracé des chemins de colonisation. Il (M. Gaudreault) rappelle les conditions pénibles dans lesquelles ils devaient tracer les artères vitales des régions récemment ouvertes à la civilisation. Il ne serait que juste que ces colons gagnassent aussi cher que les ouvriers des villes. Ils accomplissent une besogne autrement ardue. Dans la chaleur de l'été, ils sont en pleine forêt où ne passe pas le moindre souffle et dévorés par des moustiques. Quels urbains pour le même prix voudraient faire leur travail? Il (M. Gaudreault) a entendu beaucoup de plaintes à ce sujet. Leur travail devrait être reconnu à sa juste valeur.

L'honorable secrétaire provincial (l'honorable M. David) a eu une très heureuse idée, quand il a donné à son collègue de la Colonisation la somme nécessaire à la construction de deux écoles dans le canton Bégin. L'école est d'un grand encouragement pour le défricheur qui se réjouit de pouvoir donner l'instruction à ses enfants. Ça été les fiançailles de la colonisation et de l'instruction que cette collaboration des deux ministres. Pour le bien général de la province, il souhaite que cette heureuse entente se continue. Il y voit l'accomplissement d'un beau rêve: le père ouvrant de nouvelles terres et organisant le développement de son pays, et le fils à l'école développant cet autre actif important de toute nation, l'intelligence de ses enfants. Il félicite le gouvernement de la mesure qu'il vient de soumettre à la Chambre. Le défrichement est la force du passé, la nécessité du présent et l'espoir de l'avenir, dit-il.

(Applaudissements)

M. Tessier (Rimouski): La nouvelle loi est d'une extrême importance et va modifier entièrement la vie des habitants de nos campagnes. Je félicite le ministre des Terres et Forêts (l'honorable M. Mercier fils) et le ministre de la Colonisation (l'honorable M. Perrault) pour le geste qu'ils viennent de faire en soumettant cette nouvelle loi à la Législature de Québec.

Ce qui, dans le passé, a empêché la colonisation, qui s'est pourtant développée de façon assez remarquable, de progresser plus rapidement encore, et ce qui a empêché le colon de s'établir sur les terres, c'est l'incertitude pour le colon d'avoir les terres nécessaires pour défricher et l'incertitude de pouvoir y établir ses enfants. On pourrait attribuer à ce fait la désertion de nos campagnes. Le père de famille tient naturellement à établir ses enfants à proximité de la demeure familiale. Avec la loi que vient de présenter le ministre, cette incertitude disparaît. Avec la loi ancienne, le colon était entouré par le domaine forestier et ne pouvait pas prévoir quand, dans ce domaine, on pourrait mettre à sa disposition des terres cultivables; il ne pouvait pas être assuré que ses fils pourraient à leur tour obtenir des terres pour le défrichement et des terres propres à la culture. Aujourd'hui, on change la loi, et avec la nouvelle, les colons seront certains que le travail qu'ils entreprendront ne sera pas perdu et que leurs enfants pourront après eux s'établir et continuer leur oeuvre.

Il (M. Tessier) fait l'éloge du système de région de colonisation, puis il appuie sur un autre défaut de la vieille loi. Un autre important changement, dit-il, que fait le nouveau projet de loi, est celui concernant le retour des lots concédés. Autrefois, le lot concédé à un colon ne sortait pas de la limite ou de la concession forestière du marchand de bois avant le 30 avril suivant. Si le colon n'avait pas accompli à cette époque les travaux requis par la loi, le lot retournait dans la concession forestière jusqu'au 30 avril suivant et ne restait pas au domaine de la colonisation. De là résultait une lutte continuelle entre le marchand de bois et le colon qui était sûrement néfaste pour les intérêts de la colonisation. La loi met fin à cette situation malheureuse.

Avec le système nouveau, le lot qui est retiré du domaine forestier est retiré pour toujours et le colon n'aura plus à lutter sans cesse contre le détenteur de ces limites. Si ce lot est résilié parce que le colon ne remplit pas ses obligations, il ne retourne pas à la forêt, mais il reste dans le domaine des terres cultivables. La nouvelle loi va donner la stabilité à la colonisation et va diminuer l'exode vers les villes. La certitude de l'avenir pour les fils de cultivateurs et la cessation de la lutte entre le marchand de bois et le colon aboliront l'une des grandes causes de la désertion des campagnes.

J'aurais désiré que cette loi eût été plus loin et qu'elle eût définitivement réglé la classification des terres cultivables ou non. J'aurais voulu que la classification des terres propres à la culture et des terres non cultivables soit faite par le ministère de la Colonisation (l'honorable M. Perrault) plutôt que par le département des Terres et Forêts1. C'est au premier que devrait revenir le droit de désigner les terres arables. On lui dira sans doute que les deux départements se donneront la main pour faire cette besogne; pourquoi le travail de deux équipes où le travail d'une seule suffirait?

Il s'est élevé des doutes à savoir si un créancier pouvait saisir les biens du colon sur sa terre avant qu'il ait obtenu ses lettres patentes. Des juges se sont prononcés dans l'affirmative, d'autres ont dit non à cette prétention. N'eût-il pas été mieux de statuer maintenant que ces biens, la maison et les bâtiments du colon, sont insaisissables, si non jusqu'à l'obtention des lettres patentes, du moins jusqu'à une période de cinq ans? Cela aurait été, je crois, plus conforme à la loi actuelle. Nous donnons plusieurs avantages aux colons au point de vue de sa terre, pourquoi ne pas ajouter ce dernier? Le fond de la terre est inaliénable, et il serait juste de faire la même chose pour les améliorations que les colons y auront faites pendant une période de cinq ans. D'autres croient au contraire que le pouvoir d'hypothéquer ses bâtiments constitue la seule façon que le colon a de se procurer de l'argent.

Cette loi est excellente et elle est grosse de conséquences. Elle assurera au Parti libéral l'appui des districts ruraux et des centres de colonisation, et je ne crains pas de dire que ce sont de ces centres que le gouvernement attend l'appui le plus ferme. C'est le meilleur appui qu'il puisse recevoir. Il (M. Tessier) cite Frédéric Le Play2 qui prédisait il y a cinquante ans le plus bel avenir pour la province de Québec de toutes les provinces du dominion à cause de l'excellence de son organisation religieuse et sociale.

(Applaudissements)

M. Cédilot (Laprairie): Je félicite les députés qui ont pris part au débat et j'apprécie hautement les efforts du ministre de la Colonisation (l'honorable M. Perrault) pour diriger les nouveaux colons vers les terres neuves. La nouvelle loi proposée fera énormément de bien à la colonisation, sera bien reçue partout en province et donnera d'excellents résultats.

Je suggère une campagne d'éducation qui ferait voir à la population de notre province les immenses richesses que contiennent nos forêts et pour lui faire comprendre les avantages immenses que l'on trouve dans notre province, afin de détourner ceux qui seraient tentés de quitter le sol et d'aller chercher fortune dans les villes.

Il (M. Cédilot) parle en connaissance de cause, car il représente un comté qui n'a pas de terres à coloniser et où plusieurs familles nombreuses, se sentant à l'étroit, sont tentées d'immigrer vers les villes ou dans les autres provinces. Il se réjouit de la nouvelle loi qui va aider à l'établissement des colons dans nos riches régions de colonisation. Mais il faut de l'argent pour s'établir sur des terres neuves. Un colon qui commence sans argent se décourage facilement. Il est urgent d'établir un crédit de colonisation qui servirait à aider les colons de bonne foi, qui n'ont pas les moyens de réaliser leurs projets, et qui leur permettrait d'obtenir de l'argent, lorsqu'ils ont besoin de capitaux pour développer leur terre ou pour les dépanner pendant une mauvaise saison. Il serait sage aussi de former une équipe d'hommes expérimentés et bien outillés qui iraient faire les premiers défrichements, afin que les colons puissent faire de la culture dès leur arrivée sur les terres et être en état de gagner leur vie. Il favorise l'amélioration des lots de colonisation.

M. Ouellet (Dorchester): L'importance de cette loi est maintenant reconnue. La population de cette province a le droit de fonder sur elle les plus belles espérances. Cette loi apporte une amélioration considérable à la situation du colon. Pour ma part, je retiens de cette loi ce qui suit. À l'avenir, le domaine forestier sera séparé du domaine colonisable. Les terres propres à la culture seront livrées au défrichement et les colons seront groupés en paroisses. Le gouvernement aidera le colon avec toute la générosité possible. Ce sont là les trois points essentiels qui doivent nous guider sur le terrain de la colonisation. Le gouvernement a, de façon évidente, l'intention de protéger le colon de bonne foi.

La séparation des terres et des bois sera profitable au colon, si une certaine portion du bois passe avec la terre au département de la Colonisation et si le marchand de bois respecte les règlements concernant la coupe du bois. Le ministre de la Colonisation (l'honorable M. Perrault) réalise que le colon a besoin de bois pour la construction et le chauffage. Il faut lui aider à s'en procurer pour ses constructions et pour l'aider à vivre durant les premiers défrichements. Si le colon n'a pas le droit d'hypothéquer son lot par un emprunt, s'il ne peut pas vendre la coupe de bois de son lot, il n'est que juste qu'il puisse trouver, en faisant ses premiers abatis, le revenu qu'un peu de bois pourra lui apporter. C'est dire que le département des Terres et Forêts aura l'obligation et l'intérêt de bien surveiller les opérations forestières dans le double but d'entretenir une source de revenus pour la province et un moyen de subsistance pour le colon. À cette condition, la séparation aura d'heureux effets. Heureux effets aussi, au chapitre de la classification. Il faut laisser pour la forêt les mauvaises terres et choisir pour la culture les terrains capables d'une production rémunératrice. Mais surtout, groupons les colons. Quand ils seront groupés, il sera plus facile au gouvernement de leur rendre les services qu'ils sont en droit d'attendre de lui. Le gouvernement leur donnera une meilleure chance de se développer. Ils pourront ainsi recevoir une protection accrue et leurs conditions de vie s'en trouveront améliorées.

Le gouvernement a prouvé qu'il entend faire de la véritable colonisation et nous pouvons espérer que rien ne refroidira son élan. Il (M. Ouellet) espère cependant une autre chose; il ose formuler un voeu. C'est que le ministre de la Colonisation s'assure les services d'hommes versés dans les questions de colonisation, pour veiller au début de l'organisation des paroisses à ouvrir. Il y aurait avantage pour le colon et pour le gouvernement à avoir dans chaque nouvelle paroisse à ouvrir un homme bien doué, aimant le peuple et connaissant parfaitement sa mentalité qui serait chargé de prévenir les besoins des colons et de mettre ceux-ci en garde contre les dangers ou les erreurs auxquels ils sont exposés, s'ils ne sont pas dirigés. Ce serait comme un chargé d'affaires du département de la Colonisation.

Il (M. Ouellet) suggère la création d'un crédit de colonisation, mais non un crédit de l'État. Il demande que ce fût un crédit basé sur le système des caisses populaires dans lequel il aurait plus confiance. Des caisses de ce genre existent dans plusieurs endroits de la province et elles donnent la plus entière satisfaction. Ces caisses sont appelées les Caisses Desjardins, elles sont l'idéal au point de vue de la petite épargne chez le pauvre peuple.

M. Daniel (Montcalm): J'appuie avec plaisir la résolution présentée en cette Chambre par l'honorable ministre de la Colonisation (l'honorable M. Perrault), consacrant définitivement la séparation du domaine forestier d'avec celui de la colonisation. Je ne suis pas un expert dans les choses de la colonisation, car le comté de Montcalm que je représente en cette Chambre n'a pas l'importance des comtés de Témiscamingue et de Lac-Saint-Jean, cependant, il se fait assez de colonisation pour que je connaisse et apprécie dans toute sa valeur l'importance de la loi qui nous est présentée à la Chambre. Les changements que l'on soumet à l'approbation de la Chambre bénéficieront grandement aux colons de toute la province. Je remercie au nom des colons de mon comté, dans la personne de l'honorable ministre de la Colonisation, le gouvernement de cette province qui a eu assez d'énergie et de patriotisme pour vouloir bien prononcer cette séparation de corps et de biens.

M. le Président, c'est la colonisation qui a contribué le plus à notre survivance dans notre province et qui a déjoué les intrigues tramées par nos ennemis acharnés à notre perte. Et c'est encore par la colonisation, par des lois aussi progressives que celle qui nous occupe en ce moment, mise en pratique sous la surveillance de ministres de la Colonisation aussi patriotes et éclairés que celui que nous avons l'honneur d'avoir en ce moment, que notre belle province de Québec, coin de terre que nous aimons tant, atteindra les brillantes destinées que lui réserve la providence.

M. Dufresne (Joliette): M. le Président, Si je me lève pour prendre part à ce débat, c'est parce que je considère comme de suprême importance les questions de colonisation et d'agriculture. Comme l'a dit le chef de l'opposition, les deux marchent de pair. J'ai l'honneur de représenter un des plus beaux comtés de cette province, au double point de vue agricole et de colonisation. Avant d'avoir l'honneur de siéger dans cette chambre, et d'établir mon commerce, j'ai passé la plus grande partie de ma vie à cultiver. Je suis un de ceux qui connaissent les besoins de nos bons colons et de nos cultivateurs. Je veux, autant que possible, prendre leur intérêt dans cette chambre et au meilleur de ma connaissance.

M. le Président, l'été dernier lorsque mes occupations m'ont laissé un peu de répit, j'ai eu le plaisir de visiter, avec l'honorable chef de l'opposition et l'honorable député de Laval (M. Renaud), la belle région de l'Abitibi. J'y ai vu une quantité énorme de bois, des beaux lacs et des terres très fertiles. Ces terres ont été défrichées par des colons très courageux. Inutile de vous dire l'utilité de ce voyage au point de vue de renseignements. Comme ancien cultivateur, je savais que la colonisation est le principal facteur de notre prospérité et, à mon retour de ce voyage, j'en étais convaincu davantage.

Je me demandai alors, M. le Président, si le gouvernement accordait réellement toute l'attention qu'il devrait à cette importante question: celle de la colonisation. Voici que le gouvernement se décide à opérer une réforme très importante, réforme réclamée par l'ancien chef de l'opposition, l'ancien et très distingué député de Joliette (M. Tellier)3. Je l'en félicite aussi. C'est une mesure de justice pour le colon, mais comment la nouvelle loi fonctionnera-t-elle? C'est le point. Il y a bien des lois qui restent inappliquées. L'application de la loi! La colonisation fournit des cultivateurs, des produits agricoles, elle crée des marchés, développe le commerce et l'industrie.

Cette question est pour moi la plus importante. L'agriculture, avec le commerce, assureront la prospérité de l'avenir dans notre belle province. Nous devons tous l'aimer et désirer que notre province soit la première des provinces du dominion. Je n'irai pas jusqu'à dire que le gouvernement n'a rien fait pour l'agriculture et la colonisation, j'admets qu'il a fait quelque chose, mais je dis, qu'il pourrait faire mieux et beaucoup mieux qu'il n'a fait jusqu'aujourd'hui. Mais ce n'est pas tout de donner des terres aux colons; il faut leur donner des voies de communication praticables et non les laisser isolés.

M. le Président, pour appuyer ces avances, j'irai chercher des preuves dans le comté que j'ai l'honneur de représenter dans cette Chambre. Si l'honorable ministre de la colonisation (l'honorable M. Perrault) voulait se rendre à mon invitation, il visiterait le comté de Joliette et il serait convaincu, j'en suis positif qu'il n'y a pas que l'Abitibi et le comté de Témiscamingue qui ont besoin de son aide. Dans le comté de Joliette et je me permettrai d'y ajouter celui de Berthier, on y trouve un beau sol fertile, une quantité énorme de bois francs et d'autre bois aussi, ce qui de nos jours est d'une grande nécessité. Nous ne pouvons, cependant, l'utiliser, vu le manque de communication. Nous avons aussi des beaux lacs et pouvoirs d'eaux qui dorment, faute d'initiative de la part du gouvernement.

On a parlé dernièrement encore à Joliette et à Montréal d'un chemin de fer qui relierait la ville de Joliette à la Métropole et qui passerait par Berthier et Joliette pour ensuite se rendre dans le nord y rejoindre la ligne du Transcontimental à Parent. Je suis heureux d'être un des promoteurs de ce chemin de fer qui donnera à nos colons l'avantage de venir s'établir dans une des plus belles parties de la province, au point de vue de colonisation. Je suis informé que le gouvernement fédéral serait très favorable et sympathique à ce projet. Que fera le gouvernement provincial? Ce chemin de fer aurait dû être construit depuis plus de cinquante ans et il n'est encore qu'à l'état de projet. L'honorable ministre de la colonisation devrait s'intéresser tout particulièrement à cette question, qui serait d'une si grande utilité aux colons des comtés de Berthier et de Joliette.

Parlons maintenant de l'agriculture. Avec une terre fertile comme celle qu'offre, aux cultivateurs, la province de Québec, on ne peut demander une meilleure garantie de succès. Je sais moi-même, comme je l'ai dit déjà, pour avoir été cultivateur, comme cette terre peut être généreuse et donner un rendement considérable. Malgré cette garantie de succès, malgré ce rendement que donne cette belle terre, pourquoi, M. le Président, la production dans la province de Québec ne suffit-elle pas au besoin de sa population? La réponse est bien simple, c'est que nos campagnes se dépeuplent encore et que les jeunes gens ne veulent plus y rester. Quels remèdes faut-il apporter à pareille situation? Il y en a plusieurs, mais pour le moment je n'en soumettrai que deux, et cela, avec tout le respect que je dois aux honorables ministres de l'Agriculture et de la Colonisation, avec l'espoir qu'ils voudront bien les considérer.

C'est bien beau d'avoir des fermes de démonstration et des collèges agricoles, mais pourquoi ne pas donner à chaque comté si possible, dans les comtés de colonisation surtout, une ferme-école où l'enfant du cultivateur apprendra, sans qu'il lui en coûte trop cher, à lire, à écrire, à tenir ses livres d'une manière convenable: où le jeune homme apprendra à cultiver, et enfin, tout ce qui concerne la culture de la terre. Nous avons bien dans notre province des instituts agricoles, mais ce n'est pas tout le monde qui a les moyens d'y aller. Pour moi, afin de conserver sur la terre les jeunes gens qui s'acheminent vers les villes pour aller y grossir le nombre des sans-travail, le moyen serait de montrer aux enfants des cultivateurs en même temps qu'ils apprennent à lire et écrire tout ce qui concerne la terre et à aimer cette terre qui leur donnera leur gagne-pain mieux qu'il ne pourrait le faire en ville.

L'opposition a déjà réclamé du gouvernement un plus grand encouragement à notre industrie de conserves alimentaires. Le chef de l'opposition a déjà demandé l'établissement de fabriques de conserves alimentaires dans le nord de Montréal, à Sainte-Agathe, etc. J'en réclame une pour Joliette. On devra alors, sur les fermes modèles, enseigner la culture des produits suivants: tomate, fève, blé d'Inde, etc. Que le gouvernement donne des octrois aux manufactures de conserves, afin de garder chez-nous autant d'argent que possible plutôt que d'aller tout acheter dans les provinces voisines. Prenez par exemple, Ontario, où il y a actuellement 120 manufactures de conserves alimentaires, et dans Québec, combien en avons-nous? Que va faire le gouvernement provincial? Qu'a fait le gouvernement pour encourager cette industrie?

Je termine ces quelques remarques M. le Président, en exprimant le désir que pour aider aux cultivateurs et aux colons, ces suggestions que j'ai faites soient prises en sérieuse considération par le gouvernement. (Applaudissements)

M. Grégoire (Frontenac)4 chante les beautés et les duretés de la colonisation, les montagnes d'Écosse, les hameaux qui s'échelonnent le long du Saint-Laurent, les coteaux de Saint-François, le chapelet de fermes qui s'étend dans son beau comté depuis la ligne 45e parallèle, le soleil, le chant des oiseaux interrompu par le mugissement des grands boeufs rouges, et les temps arcadiens, alors que nos ancêtres, comme Abraham, semblèrent recevoir la mission de se multiplier comme les sables de la mer! Il (M. Grégoire) évoque les premiers trappeurs, et nos hardis pionniers, qu'il compare à des chèvres!...

Il dit tout le charme de la vie champêtre et tout l'avantage qu'il y a pour le gouvernement d'encourager la belle vie du colon et du cultivateur et les nôtres à défricher les forêts vierges de notre province. C'est la finance qui en développant l'industrie forestière, dans la province, a le plus fait pour retarder les développements de la colonisation. Des fortunes colossales ont été édifiées avec nos forêts. Il n'est pas étonnant que nos colons aient été tentés de faire un peu d'argent avec le bois de leurs lots. Business is business! (Applaudissements) D'un autre côté, il croit qu'il y a eu beaucoup d'exagération de ce côté. Il applaudit des deux mains à cette loi qui va avoir pour effet de pousser la colonisation plus activement que jamais, sans les entraves du marchand de bois. Il décrit les aventures des premiers colons en répétant: La hache à la main5. On est jeune avant d'être vieux! L'Éternel semble avoir confié aux Anglais la fonction de diriger la finance mondiale6.

M. Lemay (Sherbrooke): Sans vouloir que le gouvernement détournât ses allocations des régions de l'Abitibi, il (M. Lemay) demande au ministre de la Colonisation (l'honorable M. Perrault) d'accorder son appui en faveur d'un vaste territoire de colonisation qui se trouve, pour ainsi dire, aux portes de Sherbrooke, où la colonisation a été arrêtée depuis plusieurs années par la spéculation sur le bois et où, pourtant, avec une direction solide dans les méthodes de colonisation, l'on pourrait ouvrir en l'espace de dix ans plus de douze belles paroisses, pourvu que la colonisation y soit bien dirigée. Le comté de Sherbrooke n'est pas, à vrai dire, un comté essentiellement agricole et de colonisation comme le Témiscamingue ou l'Abitibi et le Lac-Saint-Jean, mais on y fait quand même de la colonisation. Il (M. Lemay) demande au ministre de la Colonisation de ne pas oublier le territoire qu'il vient de lui signaler. Il tient à enregistrer son approbation de cette mesure qui est devant la Chambre et qui va avoir pour effet de donner un essor nouveau au mouvement général de la colonisation, qu'il considère comme l'un des facteurs les plus puissants pour les développements économiques de notre province. Le ministre de la Colonisation a son concours le plus entier sur cette question, dit-il.

M. Parrot (Témiscouata): Comme le député du Témiscamingue (M. Simard), j'ai certaines prétentions pour mon comté. Je ne peux pas prétendre cependant que j'ai le plus important des comtés de colonisation de la province aux points de vue de l'étendue et du développement. Mais je crois pouvoir affirmer qu'en nul comté de la province que dans le mien l'on peut suivre les divers âges de la colonisation. Dans Témiscouata, en effet, l'on peut étudier la colonisation sous toutes ses faces. Il y aura bientôt 75 ans, l'on y faisait de la colonisation; la population était alors de 13,423 âmes; en 1920 elle est de 50,000 âmes. Les terres de la couronne sont divisées en seize cantons et il reste encore au-delà de 500,000 acres à coloniser. C'est-à-dire que l'on peut encore y faire de la colonisation. Si l'on ne fait pas autant de bruit sur les progrès de la colonisation dans le comté de Témiscouata, que dans certains autres comtés, les choses ne marchent pas moins bien. Les vieilles paroisses se décongestionnent vers les centres nouveaux du comté.

J'en appelle au témoignage du ministre de la Colonisation (l'honorable M. Perrault) lui-même qui a visité tout le comté l'année dernière et qui a pu se rendre compte de la marche des choses au point de vue de la vieille et de la jeune colonisation. Il a goûté les charmes d'un voyage de dix-sept milles dans un chemin de colonisation pour aller visiter un noyau de colons dans la forêt, centre ouvert, comme il le disait hier, au hasard ou par caprice, sans réflexion; il a passé par des paroisses de colons ouvertes il y a trente ans, mais demeurées au même point. Puis il en a traversé d'autres ouvertes depuis dix ans seulement.

Je ne voudrais pas prendre trop longtemps le temps de la Chambre, mais je veux en user un peu pour féliciter le ministre de la Colonisation et le ministre des Terres et Forêts (l'honorable M. Mercier fils) pour la réalisation d'un projet que j'approuve franchement, à la condition toutefois qu'il soit complet.

L'esprit public est très préoccupé de l'importance de la colonisation et il devient impérieux d'étudier plus profondément les ressources naturelles immenses de notre province. Voilà l'une des principales raisons de la loi que l'on nous présente aujourd'hui.

À ce sujet, l'on a prétendu que cette loi était la réalisation des propositions, des idées d'hommes qui, à une époque très mouvementée, ont siégé sur les banquettes de la gauche. L'opposition a prétendu que cette nouvelle loi fut préconisée par le Parti conservateur. On a même dit que c'était la réalisation d'une idée des nationalistes. Les prétentions de ces députés étaient fausses; elles ne pouvaient être acceptées par le Parti libéral. Il peut fort bien se faire aussi que la mesure actuelle ait été proposée par le chef de l'opposition. Les conservateurs ont pu avoir cette idée, mais les nationalistes n'ont jamais voulu améliorer les conditions des colons. Ils ne connaissaient rien du premier terme que contient le mot colonisation. (En fait), il peut se faire que les nationalistes aient eu l'idée de cette mesure, mais il faut considérer les principes sur lesquels ils se basaient.

Pourquoi, en 1908 et 1912 criaient-ils si fort: "Séparons les terres de la forêt; donnons la terre libre." Était-ce pour le bien des colons? Je ne le crois pas.

Il en est de cette idée de colonisation comme des autres; il faut du temps. Mais pourquoi, au temps cher au chef de l'opposition (M. Sauvé), voulait-on que le ministre de la Colonisation disposât des terres. Parce que les marchands de bois laissent aux colons des lots dépouillés et sans valeur. Parce que le marchand de bois et le colon sont nécessairement deux adversaires. Parce que le ministre des Terres favorise le marchand de bois au détriment du colon. Enfin, parce que la terre doit être libre au colon libre.

Ces quatre prétentions sont des erreurs. Admettons que le colon soit exploité par le petit spéculateur (non licencié) ou encore par le colon lui-même qui spécule au lieu de défricher son lot. Il reste qu'il faille étudier la question au point de vue de la question de protection du colon contre le spéculateur, contre la tentation de spéculer; aussi, au point de vue de la protection du domaine national.

Les principes à la base des prétentions des nationalistes étaient faux et ils ne pouvaient être acceptés; et c'est pour cela que le Parti libéral du temps refusa leurs propositions. Que s'est-il passé depuis? Des événements extraordinaires. Le colon, tout comme les autres, fut pris du désir de faire de l'argent en peu de temps; il oublia la fin qu'il s'était proposée et il arriva que, par la suite, des lois bonnes dans un temps, sont devenues inutiles et nuisibles plus tard, par exemple, à notre époque. Il faut donc d'autres lois, mais dans celle que l'on nous présente aujourd'hui le chef de l'opposition (M. Sauvé) n'a pas le droit de s'en servir aujourd'hui pour en appeler aux préjugés.

Par la mesure que nous présentons actuellement nous disons aux colons: "Vous voulez des lots; vous en aurez, mais vous les garderez pour vous et pour vos enfants." Mais nous leur disons en même temps que nous ne voulons pas que, sous prétexte de colonisation, des étrangers viennent enlever du domaine national nos droits et nos avantages. Voilà ma manière de voir, elle est peut-être trop morale. Et il importe que nous agissions le plus tôt possible dans ce sens, si nous voulons éloigner de nous le péril américain.

Je crois que le système que préconise le ministre de la Colonisation (l'honorable M. Perrault) sera des plus avantageux. La classification, entre autres choses, aura d'excellents effets; le licencié n'aura plus de droits rétroactifs; la colonisation recevra une meilleure surveillance et une direction attentive7. Ce n'est plus un appui même généreux qu'il faut maintenant de la part du gouvernement, c'est une direction attentive, puissante et ferme. C'est une belle tâche; mais le zèle du ministre de la Colonisation (l'honorable M. Perrault) joint à son esprit de patriotisme me convainquent du succès de cette mesure. Sous cette direction, la colonisation va atteindre des résultats inconnus. L'héroïsme du colon va recevoir toute l'attention du gouvernement en même temps que sa récompense. Je dis héroïsme et c'est avec intention; pour être un colon, un bon colon, il faut être un héros.

Il y a peut-être sur le sujet des opinions qui sont différentes; mais je les crois toutes sincères. Ce qu'il faut, c'est de coloniser. Mais il faut coloniser de façon à agrandir notre domaine et de façon à le garder pour nous. Coloniser, c'est assurer notre nationalité.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Je n'ai pas l'intention de prolonger ce débat ni de continuer sa série de compliments que l'on vient de faire au gouvernement, et aux honorables ministres de la Colonisation (l'honorable M. Perrault) et des Terres et Forêts (l'honorable M. Mercier fils).

Il (M. Sauvé) cite une phrase prononcée par un membre de la gauche en 1919, critiquant le gouvernement et sa politique au sujet de la colonisation. Cette phrase, dit-il, a été ressuscitée aujourd'hui par un député qui, plus d'une fois, a manifesté son indépendance dans cette Chambre. Le député de Rimouski (M. Tessier) dans ses belles envolées, a déclaré que le colon était dans l'incertitude à venir jusqu'à présent. Ces paroles ont été applaudies, alors qu'elles étaient dénoncées en 1919, par la même majorité; et on viendra dire après cela que la majorité de cette Chambre est impartiale et qu'elle peut rendre un jugement impartial à une enquête.

Il y a deux ans, on entendait les mêmes compliments que cet après-midi, et le député de Rimouski vient de dire que, dans le passé, ce fut la lutte entre le colon et le marchand de bois. Il paraît que la loi n'était pas encore parfaite et je crois qu'elle ne l'est pas encore aujourd'hui. le gouvernement laisse au ministre des Terres et Forêts une tranche trop considérable, et c'est un danger national que vient de souligner le député de Rimouski. C'est lui-même qui disait, il y a un instant, que la classification des terres restera au département des Terres et Forêts. Je crois que le représentant de Rimouski a dit cela.

L'honorable M. Perrault (Arthabaska): La loi nouvelle statue que c'est le gouvernement en conseil qui nommera les personnes chargées de faire cette classification.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Je citais les paroles du représentant de Rimouski.

M. Tessier (Rimouski): J'ai exprimé le désir que le gouverneur en conseil nomme des personnes du ministère de la Colonisation pour faire la classification.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Le député de Rimouski déclare que le Parti libéral va bénéficier de cette loi si sage, aussi sage que ses lois du passé. Était-elle sage cette loi qui, dans le passé, a mis le colon en lutte continuelle avec le marchand de bois? Une campagne a été livrée contre le capital et contre ceux qui avaient de l'argent, et cette campagne a été faite dans certains clubs politiques, mais pas par l'opposition, et maintenant on veut tout faire pour le colon.

Le député de Dorchester (M. Ouellet) demande qu'un crédit agricole soit fondé pour les colons et il suggère que ce crédit soit semblable à celui des caisses populaires et rurales, des caisses Desjardins. Le ministre de l'Agriculture (l'honorable M. Caron) qui a écouté si attentivement ce discours doit se rappeler qu'un autre homme a prêché cette politique et ces idées avant le député de Dorchester; mais les idées de ce dernier ne comptent pas, car il n'est pas du côté du gouvernement. Il reste le député de Témiscouata (M. Parrot).

Il (M. Parrot) fait remarquer que, dans son comté aussi, il y a des terres colonisables et que ce n'est pas seulement dans l'Abitibi, le Témiscamingue et le Lac Saint-Jean. Il fait ainsi un petit reproche au gouvernement et à l'ancien ministre de la Colonisation, qui avaient un faible très prononcé pour Amos et qui faisaient de grandes dépenses pour annoncer ce district. Les discours des députés des diverses régions ont constitué en une certaine mesure un reproche contre le gouvernement qui a négligé toutes les autres régions dans le passé pour celle de l'Abitibi.

Il (M. Sauvé) cite des articles parus dans La Presse, et critiquant dans le passé la politique du gouvernement concernant la colonisation. Il se demande si le nouveau projet de loi donne bien tous les remèdes aux maux dont souffre le colon. Il exprime l'espérance que le ministre de la Colonisation (l'honorable M. Perrault) continuera à perfectionner la loi afin de rendre justice au colon, à la terre et à l'agriculture. Par la nouvelle loi, la colonisation a fait un grand pas dans notre province, mais cette loi n'est pas encore parfaite et le problème n'est pas encore résolu. Elle ne produira pas tous les résultats qu'on en attend.

La motion est adoptée.

L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay) informe alors la Chambre qu'il est autorisé par Son Honneur le lieutenant-gouverneur à soumettre ledit projet de résolutions et que Son Honneur en recommande la prise en considération.

 

En comité:

L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay) propose: 1. Que, pour les fins de la vente des terres publiques propres à la culture et des matières qui s'y rapportent, le lieutenant-gouverneur en conseil pourra diviser la province en agences et sous-agences, et en augmenter ou diminuer le nombre8.

2. Que, dans les comtés où des chemins et ponts de colonisation ont été auparavant faits ou ont reçu de l'aide à même les fonds publics, aucune appropriation ultérieure à même ces fonds ne devra être faite pour aucun chemin ou pont de colonisation, à moins qu'il ne soit préalablement démontré, à la satisfaction du lieutenant-gouverneur en conseil, que les chemins et ponts auparavant faits ou auxquels il a été accordé de l'aide, ont été dûment verbalisés, et qu'il est convenablement pourvu à leur entretien par les municipalités dans les limites desquelles ils sont situés ou à la charge desquelles ils devraient l'être.

3. Que le ministre de la Colonisation, des Mines et des Pêcheries sera chargé de l'administration et de la vente des terres publiques propres à la culture, qui seront mises à sa disposition par le lieutenant-gouverneur en conseil.

4. Que le lieutenant-gouverneur en conseil fixera le prix de vente des terres publiques propres à la culture ainsi que les conditions d'établissement et de paiement, et les autres conditions de la vente non déterminées par la loi, et les pénalités pour contravention à la loi et aux règlements, et que le prix, les conditions d'établissement et de paiement, ainsi que toutes autres conditions que le lieutenant-gouverneur en conseil aura le pouvoir d'établir, pourront varier selon le territoire auquel ils s'appliqueront.

5. Qu'aux conditions et prix fixés par la loi et par le lieutenant-gouverneur en conseil, l'agent sera tenu de vendre les terres propres à la culture, à tout colon de bonne foi qui en fera la demande, et qu'aucune vente ne pourra être faite pour plus de cent acres à la même personne par l'agent, excepté si le lot demandé contient, d'après arpentage, plus de cent acres, auquel cas l'agent pourra vendre ce lot tel qu'arpenté.

6. Que les ventes faites par les agents prendront effet du jour qu'elles seront faites; mais que, si le billet de location renferme quelque faute de copiste ou de nom, ou une désignation inexacte de la terre, le ministre de la Colonisation, des Mines et des Pêcheries pourra annuler le billet de location et ordonner qu'il en soit émis un nouveau corrigé, qui aura son effet de la date du premier.

7. Que, conformément aux règlements passés, de temps à autre, par arrêté en conseil, le lieutenant-gouverneur pourra disposer de toutes terres publiques pour en faire des concessions gratuites aux colons qui iront s'établir sur des chemins publics traversant ces terres dans les nouveaux établissements, mais qu'aucune concession gratuite ne devra excéder cent acres.

8. Que personne ne pourra obtenir des lettres patentes de la couronne pour plus de trois cents acres de terre pour fins de colonisation, au moyen de transports obtenus de l'acquéreur primitif d'un lot de terre acquis de la couronne ou des cessionnaires d'un tel acquéreur primitif; que la présente résolution ne s'appliquera pas au cas où des lots acquis primitivement de la couronne seront passés à ceux qui en demandent les lettres patentes, par succession ab intestat ou testamentaire, par vente judiciaire, ou par vente pour taxes municipales ou scolaires; et que la personne demandant l'émission de lettres patentes en vertu d'un transport produit au département devra déclarer sous serment, suivant la forme prescrite par le ministre, quel nombre d'acres de terre elle détient par lettres patentes au moment où elle fait sa demande, si elle en détient; et que dans ce cas, elle ne pourra obtenir de nouvelles lettres patentes, en vertu du transport, que pour le nombre d'acres requis pour parfaire le maximum de trois cents acres.

9. Que nul droit de coupe ne sera prélevé sur le bois coupé par les colons sur les lots régulièrement acquis de la couronne par billet de location, pourvu que ce bois soit coupé de bonne foi dans la partie qu'ils sont tenus de défricher pour remplir leurs obligations.

10. Que durant les cinq années qui suivent l'émission des lettres patentes, l'acquéreur de la coupe de bois sur la partie non défrichée du lot vendu pour fins de colonisation, devra payer double droit de coupe à la couronne.

11. Que durant vingt ans après l'émission des lettres patentes, une étendue de quinze pour cent de chaque terre, concédée par la couronne pour fins de colonisation, devra être maintenue en forêt, pour l'usage domestique du propriétaire ou du possesseur; que dans le cas de contravention, ce dernier devra payer à la couronne une somme égale à deux droits de coupe, et que cette disposition sera insérée dans les lettres patentes.

12. Que si le ministre est convaincu qu'un acquéreur, concessionnaire, occupant ou locataire de terre publique ou leurs ayants cause, se sont rendus coupables de fraude ou d'abus, ou ont enfreint ou négligé d'accomplir quelqu'une des conditions de la vente, de la concession de la location, du bail ou du permis d'occupation, ou si la rente, la concession, la location, le bail ou le permis d'occupation a été fait ou émis par méprise, erreur, contrairement à la loi ou aux règlements, il pourra révoquer ces vente, concession, location, bail ou permis, reprendre la terre y mentionnée et en disposer comme si la vente, la concession, la location, le bail ou le permis n'avait jamais été fait ou émis et que les dispositions de la présente résolution se sont appliquées et continueront de s'appliquer à toutes les ventes, concessions, locations, baux, permis d'occupation antérieurs à la loi 32 Victoria, chapitre 11, section 20.

13. Que la révocation faite en vertu de la résolution précédente opérera la confiscation pleine et entière de tous les deniers payés par l'acquéreur, le concessionnaire, l'occupant ou le locataire, soit à compte ou comme à paiement complet, sur toute vente, concession ou location et sur tout bail ou permis d'occupation, ainsi que de toutes dépenses et améliorations faites et existant sur les terres y mentionnées, et qu'il sera toutefois loisible au ministre d'accorder les remboursements ou indemnités qu'il trouvera justes et équitables.

14. Que si des concessions ou des lettres patentes émises pour la même terre, sont contradictoires entre elles pour cause d'erreur, ou si des ventes ou appropriations de la même terre sont contradictoires, le ministre pourra, dans les cas de vente, faire rembourser le prix de la vente, avec intérêt; que si la terre n'appartient plus à l'acquéreur primitif, ou s'il y a été fait des améliorations avant que l'erreur fût connue, ou si la concession ou l'appropriation primitive a été gratuite, il pourra, en sa place, accorder une terre ou accorder un scrip donnant droit à la personne lésée ou réclamante d'acquérir des terres de la couronne, de la valeur et de l'étendue qui lui paraîtront justes et équitables; et que telle réclamation ne devra cependant être reçue que si elle est faite dans les cinq années à compter de la découverte de l'erreur.

15. Que si, à raison d'un mauvais arpentage ou d'une erreur dans les livres ou dans les plans du département, il se trouve un déficit dans une concession, vente ou appropriation de terre, ou si quelque morceau de terre n'a pas la contenance mentionnée dans les lettres patentes y relatives, le ministre pourra ordonner que le prix du déficit dans la contenance de telle terre, avec intérêt à compter du jour que demande en est faite, - et si la terre n'appartient plus à l'acquéreur primitif, alors le prix de vente que le réclamant, (pourvu qu'il ignorât le défaut de contenance lors de son acquisition), a payé pour tel déficit, avec intérêt à compter du jour que demande en est faite, lui soit payé en terre, en argent, ou en scrip, suivant que le ministre l'ordonnera; que, au cas de concession gratuite, il pourra ordonner qu'il soit fait une concession d'une autre terre égale en valeur à celle qu'on avait voulu concéder gratuitement à l'époque de telle concession; et que semblable réclamation ne sera cependant pas recevable, à moins qu'elle ne soit faite dans les cinq ans à compter de la date des lettres patentes, ni à moins que le défaut de contenance n'égale un dixième de toute l'étendue mentionnée dans la concession.

M. Sauvé (Deux-Montagnes) demande si, après que le lieutenant gouverneur, le gouvernement, dit-il pour faire comprendre aux communs, aura nommé les personnes pour faire la classification des terres, si ces personnes feront la classification. Qui fera la classification?

L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Les officiers que désignera le lieutenant-gouverneur en conseil.

M. Sauvé (Deux-Montagnes) ne partage pas la manière de voir du ministre de la Colonisation (l'honorable M. Perrault). Alors, je crois que la situation ne s'améliorera pas beaucoup. Ce n'est pas le gouvernement qui devrait choisir les terres cultivables, mais c'est le ministre de la Colonisation qui devrait faire cette classification. Il fera comme dans le passé. J'ai peur que le gouvernement favorise les marchands de bois et gêne le ministre de la Colonisation. Je croyais que le ministre aurait l'autorité suffisante pour déclarer que telle ou telle région sera réservée aux colons. Pourquoi faut-il qu'il passe par le lieutenant-gouverneur en conseil? Pourquoi faut-il qu'il passe par le ministre des Terres (l'honorable M. Mercier fils) qui est entouré d'hommes que le sort du colon n'intéresse pas? J'espère que l'honorable ministre de la Colonisation gagnera ce point, qu'il mettra assez d'énergie pour obtenir l'autorité nécessaire.

L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Cette loi est sérieuse. Le gouvernement entend protéger également les intérêts de tous les citoyens de la province. Cette loi n'est pas seulement celle du ministre de la Colonisation, c'est celle du gouvernement. Qui veut la fin veut les moyens. Je crois que le gouvernement doit avoir quelque chose à dire dans le transfert des lots du ministère des Terres au ministère de la Colonisation. Et c'est pourquoi je crois qu'il est juste que les officiers qui choisiront les lots qui doivent nous être transportés soient nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil. Nous avons eu dernièrement deux conférences des officiers du département des Terres et du département de la Colonisation et nous avons commencé à choisir les terres qui doivent nous être transportées. Nous ne devons pas prendre de grands blocs de terre. Nous ne prendrons que les lots dont nous avons besoin dans l'intérêt de la colonisation. L'honorable chef de l'opposition (M. Sauvé) a tort de croire que nous voulons protéger les marchands de bois; nous voulons respecter les droits de tous ceux qui assurent à sa province des revenus. Et j'ai confiance que notre loi rendra justice à tout le monde.

Le comité fait rapport qu'il n'a pas terminé l'examen des résolutions et qu'il désire avoir la permission de siéger de nouveau.

Polices d'assurances sur la vie

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose, appuyé par le représentant de Bellechasse (l'honorable M. Galipeault), qu'à la prochaine séance la Chambre se formera en comité plénier pour prendre en considération un projet de résolutions relatives au bill 201 autorisant le gouvernement de la province à prendre des polices d'assurance collective sur la vie des officiers et employés publics.

Adopté.

Service civil

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose, appuyé par le représentant de Bellechasse (l'honorable M. Galipeault), qu'à la prochaine séance la Chambre se formera en comité plénier pour prendre en considération un projet de résolution relative au bill 234 amendant les statuts refondus, 1909, concernant le service civil.

Adopté.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté les messages suivants, lesquels sont lus ainsi qu'il suit:

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté, sans amendement, les bills suivants:

- bill 120 amendant la loi 40 Victoria, chapitre 23 concernant l'instruction publique dans la cité de Sherbrooke;

- bill 137 régularisant l'état civil de Joseph-Charles-Patrice Guy et autres.

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté, avec certains amendements qu'il la prie d'agréer, les bills suivants:

- bill 108 refondant et amendant la charte des Prévoyants du Canada;

- bill 109 amendant la loi concernant la reconstruction de la Cathédrale de Chicoutimi;

- bill 111 concernant la succession de feu Raphaël Bouchard.

Prévoyants du Canada

La Chambre prend en considération les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 108 refondant et amendant la charte des Prévoyants du Canada. Les amendements sont lus une première fois.

Cathédrale de Chicoutimi

La Chambre prend en considération les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 109 amendant la loi concernant la reconstruction de la Cathédrale de Chicoutimi. Les amendements sont lus une première fois.

Succession de R. Bouchard

La Chambre prend en considération les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 111 concernant la succession de feu Raphaël Bouchard. Les amendements sont lus une première fois.

 

Demande de documents:

Dominion Detective Agency

M. Sauvé (Deux-Montagnes) propose, appuyé par le représentant de Montréal-Saint-Georges (M. Gault) qu'il soit déposé sur le bureau de cette Chambre une copie de toute correspondance, documents, etc., entre le gouvernement et la Dominion Detective Agency de Montréal, depuis 1920 jusqu'à ce jour.

Adopté.

La séance est levée vers 6 heures.

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NOTES

 

1. Dans The Herald, du 4 mars 1921, à la page 3, on rapporte le contraire: "Il aurait préféré que cette classification soit faite par le ministre des Terres et Forêts plutôt que par le ministre de la Colonisation."

2. M. Pierre Guillaume Frédéric Le Play (1806-1882) fut un sociologue et économiste français. Il écrivit notamment des ouvrages sur les ouvriers européens et tenta de donner à la question sociale des solutions de type familial.

3. Joseph-Mathias Tellier (1861-1952), député conservateur et chef de l'opposition de 1908 à 1915.

4. L'Événement du 4 mars 1921, à la page 12, rapporte que M. Lemay a surnommé M. Grégoire "la lyre de Frontenac".

5. La Patrie du 4 mars 1921, à la page 9, écrit que le député prononça plusieurs aphorismes, mais plusieurs des phrases rapportées par le quotidien sont placées hors de leur contexte.

6. La Patrie du 4 mars 1921, à la page 4, rapporte que: "Monsieur Bercovitch, son voisin aurait dû bondir à cette affirmation. Mais celui-ci se contenta après coup, d'assurer le docteur Grégoire qu'il partageait son opinion; que l'Éternel avait dû confier aux Anglais la direction de la finance mondiale, précisément pour donner une chance aux Juifs de la leur enlever!"

7. Le Devoir du 4 mars 1921, à la page 5, rapporte plutôt: "une meilleure directive et une surveillance attentive."

8. Plusieurs journaux, comme L'Événement, Le Devoir et Le Soleil, écrivent que la première résolution fut adoptée à cette séance. Le Journal de l'Assemblée n'en fait pas mention.