Débats de l'Assemblée législative (débats reconstitués)
Version finale
12e législature, 1re session
(2 mars 1909 au 29 mai 1909)
Le vendredi 21 mai 1909
Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.
Présidence de l'honorable P. Pelletier
La séance s'ouvre à 11 h 15.
Messages du Conseil législatif:
M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:
Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté le bill suivant sans amendement:
- bill 203 amendant la loi du barreau de la province de Québec.
Aussi, le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté le bill suivant avec certains amendements pour lesquels il lui demande son concours:
- bill 215 amendant la loi concernant le collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec.
Collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec
La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 215 amendant la loi concernant le collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec.
Les amendements sont lus deux fois.
Subsides
La Chambre reprend le débat ajourné lundi, le 17 mai dernier, lors de la motion à l'effet que la Chambre se constitue de nouveau en comité pour prendre en considération les subsides à accorder à Sa Majesté.
L'honorable M. Gouin (Portneuf) dit que, lorsqu'il a reçu M. De Jardin chez lui, comme il reçoit tout citoyen désireux de lui parler pour affaires, il ne s'est passé que des choses des plus honorables. Abordant les négociations poursuivies avec M. De Jardin sur la concession de terres en Abitibi, il déclare n'avoir discuté que d'un seul point de ce projet avec De Jardin, soit les conditions d'établissement. Il démontre, documents en main, qu'il n'était pas du tout question de pot-de-vin, mais que la rupture des négociations fut causée uniquement par le défaut d'entente avec le syndicat sur les conditions d'établissement.
Quant à la différence entre le prix demandé par le gouvernement et celui que le syndicat était prêt à payer, il ne peut arriver qu'à une seule conclusion et il est convaincu que la Chambre et tous les honnêtes gens qui ont suivi la discussion et les témoignages apportés à ce sujet arriveront également à la même conclusion. La différence, c'est-à-dire $60 000, devait aller au baron de l'Épine, et cela ne regardait que le baron et ses associés belges. Le gouvernement et les ministres n'y étaient mêlés en aucune façon, ni de près ni de loin. On nous a accusés, l'honorable M. Turgeon et moi, d'avoir accordé un pot-de-vin, mais, s'il y a eu un pot-de-vin de donné, tous deux, nous n'en sommes pas responsables, et nous nous en lavons les mains.
Répondant aux attaques portées contre M. Turgeon, il déclare qu'une simple question avait fait couler beaucoup d'encre: Pourquoi M. Turgeon n'était-il pas ici pour se défendre? Le premier ministre rappelle à la Chambre que M. Turgeon avait fait bien attention de demeurer à son siège dans cette Chambre pendant toute la dernière session, période où il eût été plus probable qu'il soit attaqué à propos de cette question, quand tout était plus frais que maintenant dans l'esprit des gens et que toutes les preuves du procès Prévost-Asselin et de la commission royale avaient été dévoilées au public. Pourquoi ne pas l'avoir attaqué? On ne l'a pas fait, mais on a saisi toutes les occasions possibles pour lancer des accusations contre les ministres.
M. Turgeon n'a pas quitté la Chambre à jamais. Ses assaillants n'ont aucunement réussi à déshonorer ses actes officiels. Il n'a quitté la Chambre que pour un certain temps à cause d'une indisposition temporaire. Il n'a pas fait ses adieux à la vie politique à laquelle il a tant apporté dans le passé, car on n'a pas réussi à le détruire. M. Turgeon a été accusé d'avoir abandonné son siège, mais ses accusateurs ont négligé de dire qu'il avait eu le courage de faire face à ceux qui ont lancé cette accusation. Il paie un juste tribut d'hommage à l'honorable M. Turgeon qui, dit-il, a quitté cette Chambre pour accepter la haute position honorifique et de confiance de président du Conseil législatif.
Si M. Turgeon était réellement coupable, il devait se trouver assez d'hommes honorables dans le Conseil législatif pour s'opposer à sa nomination comme président. Il défie ses adversaires de trouver dans le Conseil législatif un seul membre qui reprochera à l'honorable M. Turgeon l'affaire de l'Abitibi.
Pour ce qui est de l'affaire de l'Abitibi, si le sujet revient, on découvrira que nous sommes prêts à faire face à tous ceux qui formulent des accusations sans avoir aucune preuve et à défendre M. Turgeon.
M. Bernard (Shefford) félicite le premier ministre pour la modération de son discours aujourd'hui1, comparé à celui qu'il a prononcé mercredi soir. Il se dit irrité que le premier ministre ait accusé l'opposition de travailler contre la nation par ses attaques contre le gouvernement. Au discours du chef de l'opposition demandant avec calme des explications sur tous les points restés inexpliqués, le premier ministre a répondu par une bordée d'injures à l'adresse du député de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa).
Il demande au premier ministre s'il croit incarner en lui l'honneur national et si c'est déshonorer la province que de critiquer la politique de son gouvernement. À l'entendre, toute critique des actes du ministère et de ceux qui le composent serait un crime de lèse-nationalité. Le premier ministre a bien changé d'avis depuis 1904 alors qu'après avoir représenté M. Parent comme l'un de nos grands hommes il le détrônait de la façon que tout le monde sait.
Il demande aussi au premier ministre s'il croyait commettre un crime de lèse-nationalité en détrônant M. Parent. Il ajoute qu'il aurait préféré l'entendre justifier l'affaire de l'Abitibi plutôt que de le voir lancer une attaque personnelle contre le député de Saint-Hyacinthe. Dans cette question, l'honorable premier ministre n'a pas donné sa pleine valeur comme véritable homme d'État. Le spectacle que le premier ministre a donné mercredi soir n'est pas de nature à nous le faire reconnaître comme l'incarnation des qualités de la race française.
Quant à la question même des négociations au sujet de l'Abitibi, le seul point sur lequel il désire insister est celui-ci: à un moment donné, M. Turgeon a donné une option en blanc au baron de l'Épine. Pourquoi cela? Le gouvernement n'a pas encore expliqué ce point. Le baron de l'Épine peut bien n'être pas un grand catholique, mais depuis quand le ministre exige-t-il de ses serviteurs, du député de Saint-Louis (M. Langlois) par exemple, qu'il fasse des Pâques tous les printemps? Il note en passant qu'après le député de Bellechasse (M. Galipeault) il s'est levé pour répliquer, mais que l'Orateur a préféré donner la parole au premier ministre, ce qui l'a un peu désillusionné, attendu qu'il croyait que tous les députés avaient des droits égaux en Chambre.
Il propose en amendement, appuyé par le représentant de Maskinongé (M. Lafontaine), que tous les mots après "que", dans la motion principale, soient retranchés et remplacés par les suivants:
"Cette Chambre est prête à voter les subsides à Sa Majesté, mais déclare que:
"Vu les pièces et les témoignages consignés au dossier de l'Abitibi (no 29, session 1908) et transmis à cette Chambre par les commissaires nommés par décret du 23 octobre 1907 pour faire enquête sur une partie de cette affaire;
"Vu la déclaration des commissaires, en date du 2 novembre 1907, et consignée en ces termes au procès-verbal de leurs procédures;
"Le rôle de la commission se bornera à recevoir les dépositions et à diriger l'enquête pour ensuite soumettre toute la preuve et tous les documents s'y rapportant devant la législature, laquelle dans l'opinion des commissaires est le seul et véritable juge de ce débat.
"Cette Chambre censure le gouvernement d'avoir, sans le consentement et hors la connaissance de la législature, poursuivi des négociations avec un syndicat belge représenté par le baron de l'Épine, en vue d'une concession de 500 000 acres du domaine public pour des fins d'exploitation agricole, minière et forestière.
"De plus, cette enquête tendant à confirmer fortement les présomptions de tentative de péculat qui ont résulté de la preuve recueillie dans la poursuite du roi vs Asselin, cette Chambre regrette que le gouvernement n'ait pas cherché à jeter plus de lumière sur la question; et particulièrement que le procureur général n'ait pas fait les démarches nécessaires, par voie légale ou diplomatique, pour obtenir l'émission d'une commission rogatoire pour l'examen de personnes à l'étranger."
M. Lavergne (Montmagny) propose, appuyé par le représentant de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa), que ce débat soit ajourné.
Ayant été absent depuis quelques jours, il aimerait voir ce qui a été dit par les intervenants précédents pour pouvoir préparer son discours.
L'honorable M. Gouin (Portneuf) accepte la motion d'ajournement, mais avertit le député de Montmagny qu'il est impossible de savoir quand le débat pourra reprendre.
La proposition est adoptée.
Lettres au sujet de l'affaire de l'Abitibi
M. l'Orateur donne sa décision sur l'avis de motion du député de Saint-Hyacinthe annonçant qu'il produirait une lettre de la baronne de l'Épine et des lettres de M. Gendron à M. Turgeon et de M. Turgeon à M. de l'Épine au sujet de l'affaire de l'Abitibi. Il décide que le député de Saint-Hyacinthe ne peut joindre ces documents à son avis de motion.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Le député de Montmorency (l'honorable M. Taschereau) s'est objecté à ce que je lise les lettres avant de les produire et vous, vous décidez que je ne peux pas les produire. C'est assez étrange. Qu'importe, je retire mon avis de motion, et lorsque je parlerai de nouveau je lirai ces lettres. Si je n'ai pas lu ces lettres l'autre jour, c'est d'abord parce que je ne désirais pas provoquer une série de questions d'ordre qui auraient interrompu mon discours et, ensuite, parce que, à ce moment-là, je ne désirais pas mettre dans une position ennuyeuse certaine personne qui retourne contre nous les procédés loyaux que nous avons eus à son égard.
Vente et administration des terres publiques et des bois et forêts
L'honorable M. Caron (L'Islet) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité général pour étudier le bill 36 amendant la loi concernant la vente et l'administration des terres publiques et des bois et forêts.
Adopté.
En comité:
M. Lavergne (Montmagny) s'étonne que le gouvernement ait retiré la clause permettant au ministre de désavouer les ventes de lots aux colons après que le ministre a défendu si chaleureusement cette clause.
L'honorable M. Caron (L'Islet): On l'avait mise dans le projet simplement pour avoir l'opinion de la Chambre.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): En retirant cette clause on laisse celle qui autorise le refus de vendre s'il y a contestation, ce qui veut dire que l'on va continuer le système actuel qui consiste à suspendre la vente des lots tous les printemps.
Le comité, ayant étudié le bill, rapporte progrès.
Demande de documents:
Travaux publics et de colonisation dans le comté de Bellechasse
M. Lavergne (Montmagny) propose, appuyé par le représentant de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa), qu'il soit mis devant cette Chambre un état indiquant: 1. Quels sont les travaux publics de la colonisation faits par le gouvernement depuis 1906 dans le comté de Bellechasse. 2. Combien ces travaux ont-ils coûté. 3. Quels sont les montants détaillés payés pour ces différents travaux. 4. Quels sont les noms, la résidence des différents conducteurs ou surveillants de ces travaux dans chaque endroit du comté et combien a été payé à chacun pour iceux.
Adopté.
Dépôt de documents:
Lots du canton Nédélec, comté de Pontiac
L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 2 avril 1909, demandant la production de copie de tous documents et correspondance en rapport avec les lots 1, 2, 3, 4, 5, 6, 14 et 15 du canton Nédélec, comté de Pontiac. (Document de la session no 163)
Lot du canton Kiamika, comté d'Ottawa
L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse additionnelle à un ordre de la Chambre, en date du 19 avril 1909, pour la production de copie de tous billets de location, documents et correspondance en rapport avec le lot no 3 du rang 9 du canton Kiamika, dans le comté d'Ottawa. (Document de la session no 164)
Construction d'un pont sur la rivière Batiscan, comté de Champlain
L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 13 mai 1909, pour la production de copie de tous documents, correspondance, mémoires, résolutions, plans et rapports d'ingénieurs échangés entre le gouvernement et aucun de ses membres relativement à la construction d'un pont à l'embouchure de la rivière Batiscan, dans le comté de Champlain. (Document de la session no 165)
Lot du canton Campbell, comté d'Ottawa
L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 28 avril 1909, pour la production de copie de tous documents et correspondance en rapport avec le lot no 15 du rang C, canton Campbell, dans le comté d'Ottawa. (Document de la session no 166)
Vente des rives et du lit de l'estuaire de la rivière Bonaventure
L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à une adresse de l'Assemblée législative, en date du 14 mai 1909, demandant la production de copie de tous ordres en conseil, correspondance et documents échangés entre le gouvernement, M. John Hall Kelly et autres personnes, relatifs à la vente des rives et du lit de l'estuaire de la rivière Bonaventure et des îles, îlots ou rochers dans l'estuaire susdit. (Document de la session no 167)
Dépôt de documents non certifiés
M. Prévost (Terrebonne) soulève une question de privilège basée sur le fait que, sur un ordre de la Chambre, le gouvernement avait produit certains documents non certifiés et ne contenant aucune signature. Il proteste contre ce qu'il appelle l'incurie ou la mauvaise foi du département des Terres. Il se plaint que certains documents produits dans l'affaire Prévost-Kelly ne sont pas signés par une personne responsable. Ce document, dit-il, contient au moins 10 lettres qui ne sont pas signées, et des lettres très importantes.
Je ne crains personne et, si ce qui vient d'arriver pour ce dossier fait partie d'une tactique, on perd son temps. Je saurai me protéger même contre ceux qui vont dans l'ombre faire de petites incursions dans les archives du département2.
L'honorable M. Caron (L'Islet) explique qu'il peut y avoir eu malentendu, que le dossier est incomplet et qu'il va le faire compléter. C'est une erreur d'un officier du département et ils seront signés par qui de droit. Il propose de renvoyer les documents au département des Terres.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) et M. Prévost (Terrebonne) demandent que toutes les pièces soient d'abord numérotées par le greffier de la Chambre et revêtues de ses initiales pour plus de sûreté afin que nous puissions constater ce qui se passe. Ils insistent même sur ce point.
Les ministres s'y objectent.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Nous avons le droit d'exiger cela et nous l'exigerons. Nous ne sortirons point d'ici tant que le dossier ne sera pas contrôlé de cette façon, tant que le gouvernement n'aura pas consenti à confier le document au greffier.
M. Prévost (Terrebonne): Ils ont besoin de surveillance, les dossiers. Ils ont une tendance à se promener.
M. Lavergne (Montmagny) prend la parole.
M. Lévesque (Laval) prend la parole.
Il est finalement décidé que les documents déjà produits resteraient entre les mains du greffier de la Chambre jusqu'à ce que les authentiques documents signés soient produits.
M. Prévost (Terrebonne) propose, appuyé par le représentant de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa), que le débat soit ajourné.
Adopté.
La séance est levée à 1 h 30.
Deuxième séance du 21 mai 1909
Présidence de l'honorable P. Pelletier
La séance est ouverte à 3 heures.
Dépôt de documents non certifiés
Conformément à l'ordre du jour, la Chambre continue le débat ajourné ce matin sur la question de privilège soulevée par le député de Terrebonne (M. Prévost) relativement à certains documents non certifiés et non signés produits en réponse à un ordre de la Chambre.
M. Prévost (Terrebonne) se plaint de la manière que l'on procède au comité spécial. Certains des documents produits à l'enquête Prévost-Kelly ne portent aucune signature, aucune marque d'authenticité. Il insiste pour avoir dans chaque cas des documents adéquatement certifiés. Il demande que le premier ministre voie à ce que, dans les sessions prochaines, les dossiers soient produits dans un meilleur état. Il exprime sa conviction que, dans cette affaire Prévost-Kelly, le gouvernement lui donnera pleine justice. Mais il fait remarquer que le département des Terres paraît être en désarroi si on fournit des documents sans signature.
L'honorable M. Gouin (Portneuf) assure l'honorable député de Terrebonne qu'il aura, comme tous les autres députés, sa pleine mesure de justice et dit qu'un fonctionnaire spécial sera chargé d'authentiquer si nécessaire tous les dossiers requis pour l'enquête à l'avenir.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe), M. Tellier (Joliette) et l'honorable M. Gouin (Portneuf) parlent de la meilleure façon d'organiser la surveillance et le contrôle des dossiers.
M. Tellier (Joliette) croit que les dossiers présentés à la Chambre devraient être préparés comme ceux de la Cour d'appel.
Village de Sainte-Anne de Beaupré
La Chambre procède, selon l'ordre du jour, à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 74 accordant certains pouvoirs à la corporation du village de Sainte-Anne de Beaupré.
Les amendements sont adoptés et le bill est retourné au Conseil législatif.
Compagnie d'assurance mutuelle contre le feu, de Montmagny
La Chambre procède, selon l'ordre du jour, à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 122 accordant certains pouvoirs additionnels à la Compagnie d'assurance mutuelle contre le feu, de Montmagny.
Les amendements sont adoptés et le bill est retourné au Conseil législatif.
The Angus Short Line Company
La Chambre procède, selon l'ordre du jour, à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 149 constituant en corporation The Angus Short Line Company.
Les amendements sont adoptés et le bill est retourné au Conseil législatif.
Vente et administration des terres publiques et des bois et forêts
L'honorable M. Caron (L'Islet) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité général pour étudier le bill 36 amendant la loi concernant la vente et l'administration des terres publiques et des bois et forêts.
Adopté.
En comité:
Le comité étudie l'article 1 qui se lit comme suit:
"1. L'article 1269 des statuts refondus, tel que remplacé par la loi 4 Édouard VII, chapitre 13, section 8, est de nouveau remplacé par le suivant:
"1269. Aux conditions et prix fixés par le lieutenant-gouverneur en conseil, l'agent des terres, s'il n'y a pas contestation et s'il n'a pas reçu d'instructions contraires du ministre, est tenu de vendre, après la classification autorisée par l'article 1268a, les terres propres à la culture et classées comme telles et, avant ladite classification, les terres propres à la culture, à tout colon de bonne foi qui en fait la demande.
"Aucune vente ne peut être faite pour plus de cent acres à la même personne par l'agent, excepté si le lot demandé contient, d'après arpentage, plus de cent acres et pas plus de cent vingt-cinq acres, auquel cas l'agent peut vendre jusqu'à cent vingt-cinq acres.
"Les ventes faites par les agents prennent leur effet du jour qu'elles sont faites si elles ne sont pas désapprouvées par le ministre dans les trois mois de leur date; mais, si le billet de location renferme quelque faute de copiste ou de nom, ou une désignation inexacte de la terre, le ministre peut annuler le billet de location et ordonner qu'il en soit remis un nouveau, corrigé, qui a son effet de la date du premier."
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) demande à l'honorable ministre sans portefeuille s'il n'a pas d'explications à donner sur les remarques faites par le député de Terrebonne (M. Prévost) à la séance du matin3.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe), M. Lavergne (Montmagny) et M. Prévost (Terrebonne) se plaignent que leurs critiques restent sans réponse.
L'honorable M. Caron (L'Islet): On a répondu aux critiques de l'opposition maintes et maintes fois et, pour plusieurs d'entre elles, il n'y a rien de plus à ajouter.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) fait remarquer que, même si le gouvernement a retiré la section 2 de la clause 2 qui accordait au ministre le pouvoir d'annuler une vente de lots dans un délai de trois mois4, il se réserve toutefois ce pouvoir dans la section 1, en vertu de laquelle l'agent des terres de la couronne doit agir selon les instructions du ministre pour la vente des lots. Le ministre ne doit pas avoir le pouvoir d'interdire la vente des lots dans certains cas. Il se plaint aussi que le nouveau billet de location ait été distribué à tous les agents des terres avant même d'avoir été déposé en Chambre.
M. Lavergne (Montmagny) et M. Prévost (Terrebonne) prennent la parole.
L'honorable M. Caron (L'Islet): Depuis 1904, aucun colon n'a été privé de son lot suite à son incapacité de se conformer aux exigences de la loi en ce qui a trait à l'ensemencement de sa terre et aux feux d'abattis.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Alors, pourquoi laissez-vous cette clause dans la loi?
L'honorable M. Caron (L'Islet) explique que le ministre doit avoir une certaine discrétion. Maintenant, l'annulation automatique n'existe plus. L'annulation automatique des lots a a été abolie parce que de nombreux colons avaient perdu leurs lots suite à leur incapacité de se conformer à la lettre aux exigences de la loi quant à l'ensemencement, aux feux d'abattis, etc. Depuis l'abolition de l'annulation automatique, aucun lot n'a été annulé. Le député de Montmagny (M. Lavergne) a fendu un cheveu en quatre pour prouver qu'il y avait un article de désaveu dans le nouveau billet de location. Mais il existe déjà dans l'ancien billet de location.
M. Prévost (Terrebonne): Les réponses du député de L'Islet me rappellent un petit renseignement que m'avait donné mon professeur d'anglais lorsque j'étais au collège. En anglais, me disait-il, certains mots s'écrivent Jérusalem mais se prononcent Babylone. C'est exactement ce que fait le député de L'Islet. L'opposition lui parle de Jérusalem et il répond Babylone. Je vais prouver à l'honorable ministre qu'il n'y a pas un colon qui pourra remplir les conditions actuelles du billet de location.
L'honorable M. Caron (L'Islet): Tous les arguments du député de Terrebonne ont été donnés et discutés. Son objection est aussi visible que l'opposition du député de Terrebonne.
M. Prévost (Terrebonne): Nous allons voir. Avec le billet de location actuel le colon sera obligé de défricher et cultiver trois arpents de terre la première année. Or la loi l'empêche de mettre le feu à son abattis avant le 15 juin. Il est ainsi forcé d'attendre à l'année suivante pour semer. Et voilà ce qui fait que pas un colon ne pourra remplir les conditions du billet de location et que son lot pourra être cancellé par le ministre.
C'est une preuve nouvelle que le gouvernement n'a pas assez étudié sa loi avant de la présenter. L'état rudimentaire de cette loi démontre que le gouvernement ne connaît pas à fond cette question.
L'honorable M. Caron (L'Islet) explique, se basant sur les recommandations du congrès de colonisation, qu'il est réglé que le colon ne pourra brûler son bois avant le 15 juin. Nous avons suivi les recommandations émises au congrès de colonisation, selon lesquelles la période dangereuse pour les feux d'abattis sur les lots se situait entre le 15 avril et le 15 juin. Le nouveau billet permet au ministre, si nécessaire, d'autoriser le colon à brûler son bois à n'importe quel moment, et cela, en dépit des limites imposées par le bill.
M. Tellier (Joliette): D'après l'ancienne loi, le colon n'était pas obligé d'ensemencer la première année. Mais, en vertu des conditions du nouveau billet de location, il est obligé de le faire lors de la première année, mais il ne peut pas faire son brûlé avant le 15 juin. Cela l'empêchera donc de semer au cours de cette même année, soit la première année; et, comme résultat, son lot sera annulé. Puisqu'on oblige le colon à semer la première année, il doit pouvoir faire son brûlé avant cette date.
L'honorable M. Caron (L'Islet): Le gouvernement a toujours été très généreux au sujet de la loi concernant les feux et il n'a jamais rendu les conditions difficiles pour quelque colon que ce soit. L'opposition serait d'ailleurs incapable de citer un seul cas où la loi aurait été appliquée à ce sujet.
Une voix: Il serait préférable de mettre cela dans la loi.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) et M. Lavergne (Montmagny) dénoncent le dispositif qui oblige les colons à défricher trois acres alors que la loi les empêchera de faire cela la première année.
L'honorable M. Gouin (Portneuf): Le gouvernement veut, avant tout, le bien du peuple. Il est prêt à accepter de l'opposition toute suggestion capable d'améliorer la loi qui est soumise à la Chambre, pourvu que la nécessité des amendements proposés soit démontrée. Le gouvernement est bien prêt à accepter tout amendement qui ferait disparaître les doutes quant à sa politique et à ses bonnes intentions envers les colons. Le but de cette loi est de protéger l'intérêt public et de faciliter la tâche au colon. Il ne voit pas que ces intérêts si divers peuvent être mieux protégés que par ce nouveau bill.
Le ministre a le pouvoir discrétionnaire de donner au colon la permission de brûler ses abattis quand il le veut; si la loi n'est pas assez claire à cet effet, on peut l'amender. Le ministre doit nécessairement avoir un certain pouvoir discrétionnaire. La responsabilité ministérielle est la base de notre système administratif. Le gouvernement tient à laisser cette particularité dans le bill, car il croit qu'elle est nécessaire pour promouvoir une colonisation saine et légitime et pour protéger le domaine public. Le seul désir du gouvernement est de servir les intérêts des colons et de la province. Il ne peut jamais être question pour le gouvernement de sacrifier l'intérêt du public à la popularité; le gouvernement n'hésitera pas à faire son devoir, même si l'impopularité devait être sa récompense, même si cette impopularité devait envoyer les membres actuels siéger sur les banquettes de l'opposition. Quoi qu'il en soit, le gouvernement est prêt à accepter les amendements qu'on prouvera utiles au colon.
M. Plante (Beauharnois) prend la parole.
L'article 1 est amendé en retranchant dans les 18e et 19e lignes tous les mots compris entre le mot "faites" et le mot "mais", et ledit article est adopté.
M. Tellier (Joliette) remarque combien il est important de lutter avec persévérance et combien ceux qui se plaignent que l'opposition parle trop ont tort. On a dans les concessions que vient de faire le gouvernement une nouvelle preuve qu'il est bon de discuter une loi avant de l'adopter. Je tiens à dire ceci parce qu'il y a ici des gens qui voient d'un mauvais oeil le travail de l'opposition. Il faut espérer que les faits vont leur ouvrir les yeux.
Le comité, ayant étudié le bill, rapporte progrès.
La séance est levée à 6 heures.
Troisième séance du 21 mai 1909
Présidence de l'honorable P. Pelletier
La séance est ouverte à 8 heures.
Vente et administration des terres publiques et des bois et forêts
L'honorable M. Caron (L'Islet) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité général pour étudier le bill 36 amendant la loi concernant la vente et l'administration des terres publiques et des bois et forêts.
Adopté.
En comité:
Le comité étudie l'article 2 qui se lit comme suit:
"2. L'article 1269a des statuts refondus, tel qu'édicté par la loi 4 Édouard VII, chapitre 13, section 8, et amendé par la loi 5 Édouard VII, chapitre 16, section 8, est remplacé par les suivants:
"1269a. Toute personne qui a obtenu pour fins de colonisation, tant en vertu des lois antérieures qu'en vertu de la présente loi, la quantité d'acres de terre alors permise ne peut en obtenir plus tant qu'elle n'a pas fait émettre des lettres patentes pour les terres qu'elle détient sous billet de location et tant qu'au moins la moitié desdites terres n'a pas été mise en culture.
"1269b. Avant de faire la vente, l'agent des terres fait donner par le colon une déclaration attestée sous serment suivant la formule E de la présente section, et l'agent des terres ou un notaire sont autorisés à recevoir le serment du colon."
L'honorable M. Caron (L'Islet) propose d'ajouter à la clause ad hoc que tout concessionnaire déclarant sous serment devant l'agent qu'il a quatre enfants de moins de 16 ans pourra obtenir une autre concession de 100 acres.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) voudrait qu'au lieu de quatre enfants on mît un fils.
L'article 2 est amendé en ajoutant à la fin du deuxième alinéa les mots: "Néanmoins, tout concessionnaire qui, ayant obtenu une première concession de cent acres, fait devant l'agent une déclaration attestée sous serment qu'il est père d'au moins quatre enfants n'ayant pas encore atteint l'âge de seize ans a droit à une nouvelle concession de cent acres."
Et ledit article est adopté.
Le comité étudie l'article 3 qui se lit comme suit:
"3. L'article 1275b des statuts refondus, tel qu'édicté par la loi 4 Édouard VII, chapitre 13, section 9, est amendé en en remplaçant les troisième et quatrième alinéas par les suivants:
"Les transports de lots de terre obtenus par la même personne pour plus de trois cents acres, soit d'un même propriétaire, soit de différents propriétaires, avant l'émission des lettres patentes, sont nuls et ne confèrent aucun droit au cessionnaire pour le surplus des trois cents acres.
"La personne demandant l'enregistrement d'un transport doit produire une déclaration sous serment attestant qu'elle n'a pas, au moment où elle fait la déclaration, de billets de location pour des lots de la couronne pour plus de trois cents acres, obtenus soit directement de la couronne, soit au moyen de transports déjà enregistrés."
L'article 3 est amendé en insérant dans la sixième ligne, après le mot "personne", les mots "après le premier juillet mil neuf cent neuf"; en insérant dans la 10e ligne, après le mot "d'un", le mot "tel", et ledit article est adopté.
Le comité étudie l'article 4 qui se lit comme suit:
"4. L'article suivant est inséré dans les statuts refondus après l'article 1281:
"1281a. Les lots vendus ou autrement octroyés pour fins de colonisation, à dater de la sanction de la présente loi, ne peuvent, pendant cinq ans à compter de la date du billet de location, être vendus par le porteur du billet de location, ni autrement aliénés, en tout ou en partie, excepté par donation entrevifs ou par testament, en ligne directe ascendante ou descendante, ou par succession "ab intestat" et, dans ces cas, le donataire, le légataire ou l'héritier sont soumis à la même prohibition que l'acquéreur primitif.
"Tout autre transport d'un lot n'est valable que s'il a été préalablement autorisé par le ministre, sur preuve, à sa satisfaction, qu'il est dans l'intérêt de la colonisation que ce transport soit fait.
"Tout transport fait en contravention avec le présent article est radicalement nul entre les parties et il fait encourir la révocation de la vente ou de l'octroi du lot."
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) condamne les pouvoirs discrétionnaires que ce bill propose d'accorder au ministre en ce qui a trait au transport de lots.
L'honorable M. Gouin (Portneuf) défend cette clause, déclarant qu'il est absolument essentiel que le ministre ait de tels pouvoirs pour administrer de façon satisfaisante les terres de la couronne dans l'intérêt de la province. Il insiste sur le fait qu'elle est nécessaire pour la protection des ressources provinciales et pour la prévention de la spéculation abusive.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) soutient qu'un tel pouvoir discrétionnaire devrait être éliminé comme il l'a été pour la vente des lots.
L'honorable M. Caron (L'Islet) déclare avoir consenti à retirer les dispositions accordant un pouvoir discrétionnaire au ministre pour l'annulation des lots, mais insiste cependant, tout comme le premier ministre, pour garder les dispositions ayant trait à l'autorisation du ministre lors du transport de lots. Il les juge essentielles pour sauvegarder les intérêts de la province et pour encourager une colonisation honnête.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) et M. Prévost (Terrebonne) déclarent que cette loi aura comme effet de placer les colons complètement à la merci des officiers du département des Terres de la couronne, car il sera impossible pour le ministre de s'occuper personnellement de toute la correspondance du département ayant trait à cette question.
L'honorable M. Caron (L'Islet) explique que cela ne peut être.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) voudrait que ce transfert pût se faire non seulement en ligne ascendante ou descendante, mais encore en ligne collatérale. Il s'élève de nouveau contre le pouvoir discrétionnaire donné au ministre des Terres.
L'honorable M. Gouin (Portneuf) est prêt à accepter, dit-il, que le transfert se fasse aussi en ligne collatérale au lieu de limiter ce pouvoir seulement aux lignes ascendantes ou descendantes directes. Mais il trouve qu'il est juste que le ministre soit consulté avant le transfert, cette mesure devant être fatale à la spéculation. Par le fait de soumettre au ministre les transports, la spéculation est supprimée du coup.
L'honorable M. Caron (L'Islet) défend la clause en question.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Ici encore le ministre se réserve un pouvoir qui entravera la colonisation. Le colon est pauvre et, pour avoir de quoi à manger, il lui faut fournir au marchand des garanties suffisantes. Il est bien beau de dire, comme le premier ministre l'a prétendu cet après-midi, que le gouvernement veut protéger la colonisation et le colon, il vaudrait mieux améliorer la loi et donner au colon une protection légale que d'épuiser sa sympathie dans une protection théorique.
L'honorable M. Caron (L'Islet): Il n'y a pas moyen de faire mieux. La province fait déjà un beau cadeau au colon en lui donnant pour $30 un lot qui vaut $500.
M. Prévost (Terrebonne): Mais quand vous lui feriez un cadeau, s'il ne peut en profiter, le colon, faudra-t-il qu'il crève? Or le lot du colon est les trois quarts du temps le seule garantie qu'il peut offrir et, s'il ne peut pas offrir son lot, que lui restera-t-il à faire? Crever de faim. Le ministre nous répond qu'il le permettra alors. Belle perspective! Il faudra que le colon écrive au ministre. Mais c'est de la folie! Cette clause qui implique aussi le consentement du ministre pour que le colon puisse hypothéquer ses améliorations donnera lieu à une recrudescence de chinoiseries du département des Terres.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) émet l'opinion que la séparation des deux domaines forestier et agricole réduirait la spéculation à un minimum insignifiant.
L'honorable M. Caron (L'Islet): Une réserve de colonisation ne perdrait pas de sa valeur en sortant de la limite. Elle comporterait toujours le même attrait pour le marchand de bois et pour le spéculateur. C'est là toute la question.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Toutes ces dispositions de nos statuts ne seraient pas si mauvaises si nous avions les deux domaines séparés, comme la chose existe pratiquement dans l'Ontario où 18 000 milles carrés seulement sont sous licence de coupe.
L'honorable M. Caron (L'Islet) maintient son opinion. Il proteste contre l'allégation d'après laquelle le marchand de bois serait consulté chaque fois qu'il s'agit de légiférer sur les terres de la couronne. Et, comme le député de Saint-Hyacinthe a fait quelques insinuations relativement à la santé du député de L'Islet, je lui réponds que le député de L'Islet est encore solide, ne s'étant pas usé à faire de longs discours.
M. Lévesque (Laval) appuie le bill car il est prévu afin de favoriser la prévention de la spéculation. Les terres de la couronne sont la propriété de toute la province, des vieux comtés comme de ceux qui font de la colonisation. Il faut que les vieux comtés aient des garanties que ces terres-là ne sont pas dilapidées, qu'elles ne sont pas concédées sans profit pour la province. Cette loi donne les garanties désirées. La clause en question sera une sauvegarde pour le colon qui, trop souvent, pour se procurer quelque argent des marchands de bois ou autres, était tenté d'hypothéquer son billet de location entre les mains du marchand de bois. D'innombrables abus ont déjà été enregistrés de cette façon. Si un colon perd sa femme et qu'il a besoin de $50 ou à peu près, il...
M. Lavergne (Montmagny): Ha, ha!
M. Lévesque (Laval): Oh! je sais que l'honorable député de Montmagny ne serait pas très affecté si cela lui arrivait. Mais d'autres, oui. Donc, si un homme perd sa femme et qu'il veut $50 ou à peu près, il l'emprunte à partir de son billet de location et très souvent, à la fin des trois mois, il est incapable de rembourser le montant emprunté. Cela encourage un genre de spéculation qui, grâce au pouvoir que l'on propose d'accorder au ministre pour le contrôle des transports, sera presque éliminé.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Et qu'adviendra-t-il de la théorie de l'honorable député si le colon ne perd pas sa femme?
M. Lévesque (Laval): Je suis un homme pratique et non un homme de théories.
M. Tellier (Joliette): Le défaut de cette loi est d'empêcher le colon d'hypothéquer son lot.
Il regarde la clause qui défend au colon de vendre son lot pendant un délai de cinq ans comme une véritable entrave à la colonisation. En vertu de cette clause, le colon qui, à cause d'un accident quelconque, sera obligé de vendre son lot, perdra immédiatement le fruit de cette vente, le gouvernement ayant alors le droit d'intervenir et de mettre la main sur ce lot. On dit que cette clause a pour but de protéger la femme et les enfants du colon. Cela se comprendrait si l'annulation de la vente était faite au profit de la femme et des enfants, mais l'annulation se fera au profit de la couronne. Et l'on a l'audace de venir nous dire que cette loi est la loi d'un gouvernement paternel.
Des voix: Écoutez!
M. Prévost (Terrebonne): Quel est le coq qui a pondu ça?
M. Tellier (Joliette): Voyons maintenant comment l'on nous fait légiférer ici. Cette loi de prohibition détonne après le bill du député de Lac-Saint-Jean (M. Carbonneau) autorisant la vente des biens de famille. En vertu de la loi de 1882-18975, nous avons décrété que le patrimoine pris par un homme marié et devenant patrimoine de famille ne pourra pas être vendu sans le consentement. Or le député du Lac-Saint-Jean, avec le consentement du gouvernement, nous a fait voter une loi déclarant que ce patrimoine pourra être vendu sans le consentement de la famille. J'en ai été. Mais, si on permet la vente, même de ses biens sacrés, pourquoi veut-on interdire à un colon la vente d'un lot ordinaire? Et maintenant, l'on nous demande de défendre au colon d'aliéner son lot acquis dans le commerce ordinaire. On accorde d'un côté et on refuse de l'autre. Il n'est pas prêt à se déjuger de cette façon. Ce bill interdit au colon de faire quelque transaction que ce soit avec son lot afin de se procurer de l'argent, même si c'est dans le but de faciliter certaines améliorations. Quel est donc l'esprit qui anime le département des Terres cette année? Tous les amendements qu'il nous soumet ne sont que des restrictions de nature à embarrasser la colonisation.
M. Prévost (Terrebonne) appuie l'argument du député de Joliette6 et rappelle le souvenir du congrès de Saint-Jérôme où figurèrent des gens qui avaient d'autre expérience que celle des ponts de péage. Ce congrès émit le voeu qu'on donnât au colon un droit plus ample d'hypothèque de son lot pour qu'il pût obtenir de l'argent à meilleur marché et effectuer plus facilement des améliorations sur ce même lot. Il demande pour le colon un droit égal. Il adjure les députés des vieux comtés de laisser faire dans les comtés de colonisation ce qui s'est fait dans leurs propres comtés dans les années passées.
M. Lévesque (Laval) proteste de son zèle pour la colonisation. Il dit que le gouvernement veut avant tout sauvegarder le domaine national. Jamais on n'a autant fait que le gouvernement actuel pour la colonisation.
Cet article est amendé en retranchant dans la quatrième ligne tous les mots compris entre le mot "colonisation" et le mot "ne" et en les remplaçant par les mots "après le premier juillet mil neuf cent neuf" et en ajoutant dans la neuvième ligne, après le mot "descendante", les mots "ou en ligne collatérale", et ledit article est adopté.
Les articles 5, 6, 7 et 8 sont adoptés.
Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a modifié. Les amendements sont lus deux fois et adoptés.
L'honorable M. Caron (L'Islet) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
M. Tellier (Joliette) propose en amendement, appuyé par le représentant de Mégantic (M. Pennington), que le bill ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit de nouveau renvoyé au comité général de cette Chambre avec instruction d'y retrancher toutes les dispositions qui défendent au colon de vendre ou transporter son lot ou ses travaux et améliorations pendant cinq ans à compter de la date de son billet de location.
L'amendement étant mis aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:
Pour: MM. Bernard, Bourassa, Gault, Lafontaine (Maskinongé), Lavergne, Patenaude, Pennington, Plante, Prévost, Sauvé, Sylvestre, Tellier, 12.
Contre: MM. Blouin, Carbonneau, Cardin, Caron (L'Islet), Caron (Matane), Côté, D'Anjou, Décarie, Delâge, Delisle, Devlin, Dion, Finnie, Francoeur, Geoffrion, Godbout, Gosselin, Gouin, Kaine, Laferté, Lafontaine (Berthier), Leclerc, Lemieux, Lévesque, Mackenzie, Marchand, Mercier, Morisset, Mousseau, Neault, Ouellette, Petit, Pilon, Reed, Robert, Roy, Séguin, Taschereau, Tessier, Thériault, Tourigny, Vilas, Walker, Walsh, Weir, 45.
Ainsi, l'amendement est résolu dans la négative.
La motion principale étant de nouveau mise aux voix,
M. Prévost (Terrebonne) propose en amendement, appuyé par le représentant de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa), que ce bill ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit de nouveau renvoyé au comité général de cette Chambre avec instruction d'y retrancher toutes les dispositions qui autorisent le ministre des Terres et Forêts à donner aux agents des instructions à l'effet d'empêcher, retarder ou suspendre la vente des terres publiques classifiées comme propres à la culture.
Et cet amendement étant mis aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:
Pour: MM. Bernard, Bourassa, Gault, Lafontaine (Maskinongé), Lavergne, Patenaude, Pennington, Plante, Prévost, Sauvé, Sylvestre, Tellier, 12.
Contre: MM. Blouin, Carbonneau, Cardin, Caron (L'Islet), Caron (Matane), Côté, D'Anjou, Décarie, Delâge, Delisle, Devlin, Dion, Finnie, Francoeur, Geoffrion, Godbout, Gosselin, Gouin, Kaine, Kelly, Laferté, Lafontaine (Berthier), Leclerc, Lemieux, Lévesque, Mackenzie, Marchand, Mercier, Morisset, Mousseau, Neault, Ouellette, Petit, Pilon, Reed, Robert, Roy, Séguin, Taschereau, Tessier, Thériault, Tourigny, Vilas, Walker, Walsh, Weir, 46.
Ainsi, l'amendement est rejeté.
La motion principale étant alors de nouveau mise aux voix,
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) propose en amendement, appuyé par le représentant de Montmagny (M. Lavergne), que ce bill ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit de nouveau renvoyé au comité général de cette Chambre avec instruction de l'amender en supprimant les dispositifs qui interdisent l'acquisition d'autres lots aux colons qui n'ont pas défriché la moitié de leur terrain et qui n'ont pas obtenu leurs lettres patentes.
L'amendement étant mis aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:
Pour: MM. Bernard, Bourassa, Gault, Lafontaine (Maskinongé), Lavergne, Patenaude, Pennington, Plante, Prévost, Sylvestre, Tellier, 11.
Contre: MM. Blouin, Carbonneau, Cardin, Caron (L'Islet), Caron (Matane), Côté, D'Anjou, Décarie, Delâge, Delisle, Devlin, Finnie, Francoeur, Geoffrion, Godbout, Gosselin, Gouin, Kaine, Kelly, Laferté, Leclerc, Lemieux, Lévesque, Mackenzie, Marchand, Mercier, Morisset, Mousseau, Neault, Ouellette, Petit, Pilon, Reed, Robert, Roy, Séguin, Taschereau, Tessier, Thériault, Tourigny, Vilas, Walker, Walsh, Weir, 44.
Ainsi, l'amendement est aussi rejeté.
La motion principale étant de nouveau mise aux voix,
M. Sylvestre (Montcalm) propose en amendement, appuyé par le représentant de Laprairie (M. Patenaude), que ce bill ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit de nouveau renvoyé au comité général de cette Chambre avec instruction d'y retrancher toutes les dispositions qui défendent aux agents des terres publiques de concéder, pour fins de colonisation ou de culture, plus d'un lot de 100 à 125 acres à la même personne.
Cet autre amendement étant mis aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:
Pour: MM. Bernard, Bourassa, Gault, Lafontaine (Maskinongé), Lavergne, Patenaude, Pennington, Plante, Prévost, Sylvestre, Tellier, 11.
Contre: MM. Blouin, Carbonneau, Cardin, Caron (L'Islet), Caron (Matane), Côté, D'Anjou, Décarie, Delâge, Delisle, Devlin, Finnie, Francoeur, Geoffrion, Godbout, Gosselin, Gouin, Kaine, Kelly, Laferté, Leclerc, Lemieux, Lévesque, Mackenzie, Marchand, Mercier, Morisset, Mousseau, Neault, Ouellette, Petit, Pilon, Reed, Robert, Roy, Séguin, Taschereau, Tessier, Thériault, Tourigny, Vilas, Walker, Walsh, Weir, 44.
Ainsi, l'amendement est rejeté.
La motion principale étant de nouveau mise aux voix,
M. Plante (Beauharnois) propose en amendement, appuyé par le représentant de Compton (M. Giard), que ce bill ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit renvoyé au comité général de cette Chambre avec instruction de l'amender de manière à permettre à un seul colon la concession de deux lots de 100 acres chacun.
Cet autre amendement étant mis aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:
Pour: MM. Bernard, Bourassa, Gault, Lafontaine (Maskinongé), Lavergne, Patenaude, Pennington, Plante, Prévost, Sylvestre, Tellier, 11.
Contre: MM. Blouin, Carbonneau, Cardin, Caron (L'Islet), Caron (Matane), Côté, D'Anjou, Décarie, Delâge, Delisle, Devlin, Finnie, Francoeur, Geoffrion, Godbout, Gosselin, Gouin, Kaine, Kelly, Laferté, Leclerc, Lemieux, Lévesque, Mackenzie, Marchand, Mercier, Morisset, Mousseau, Neault, Ouellette, Petit, Pilon, Reed, Robert, Roy, Séguin, Taschereau, Tessier, Thériault, Tourigny, Vilas, Walker, Walsh, Weir, 44.
Ainsi, l'amendement est rejeté.
La motion principale étant de nouveau mise aux voix,
M. Lafontaine (Maskinongé) propose en amendement, appuyé par le représentant de Joliette (M. Tellier), que le bill ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit de nouveau renvoyé au comité général avec instruction de l'amender de manière à ce que le porteur du billet de location ne soit obligé, pour obtenir ses lettres patentes, de défricher que le 10 pour cent de la superficie de son lot et non 15 acres.
M. Prévost (Terrebonne) déclare que, bien qu'il soit l'auteur de l'amendement, celui-ci n'est vraiment pas clair.
(Rires)
Cet autre amendement étant mis aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:
Pour: MM. Bernard, Bourassa, Gault, Lafontaine (Maskinongé), Lavergne, Patenaude, Pennington, Plante, Prévost, Sylvestre, Tellier, 11.
Contre: MM. Blouin, Carbonneau, Cardin, Caron (L'Islet), Caron (Matane), Côté, D'Anjou, Décarie, Delâge, Delisle, Devlin, Finnie, Francoeur, Geoffrion, Godbout, Gosselin, Gouin, Kaine, Kelly, Laferté, Leclerc, Lemieux, Lévesque, Mackenzie, Marchand, Mercier, Morisset, Mousseau, Neault, Ouellette, Petit, Pilon, Reed, Robert, Roy, Séguin, Taschereau, Tessier, Thériault, Tourigny, Vilas, Walker, Walsh, Weir, 44.
Ainsi, l'amendement est aussi rejeté.
La motion étant de nouveau mise aux voix,
M. Lavergne (Montmagny) propose en amendement, appuyé par le représentant de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa), que ce bill ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais dans six mois.
Et l'amendement étant mis aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:
Pour: MM. Bernard, Bourassa, Gault, Lafontaine (Maskinongé), Lavergne, Patenaude, Pennington, Plante, Prévost, Sylvestre, Tellier, 11.
Contre: MM. Blouin, Carbonneau, Cardin, Caron (L'Islet), Caron (Matane), Côté, D'Anjou, Décarie, Delâge, Delisle, Devlin, Finnie, Francoeur, Geoffrion, Godbout, Gosselin, Gouin, Kaine, Kelly, Laferté, Leclerc, Lemieux, Lévesque, Mackenzie, Marchand, Mercier, Morisset, Mousseau, Neault, Ouellette, Petit, Pilon, Reed, Robert, Roy, Séguin, Taschereau, Tessier, Thériault, Tourigny, Vilas, Walker, Walsh, Weir, 44.
Ainsi, cet autre amendement est aussi rejeté.
La motion principale étant alors mise aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:
Pour: MM. Blouin, Carbonneau, Cardin, Caron (L'Islet), Caron (Matane), Côté, D'Anjou, Décarie, Delâge, Delisle, Devlin, Finnie, Francoeur, Geoffrion, Godbout, Gosselin, Gouin, Kaine, Kelly, Laferté, Leclerc, Lemieux, Lévesque, Mackenzie, Marchand, Mercier, Morisset, Mousseau, Neault, Ouellette, Petit, Pilon, Reed, Robert, Roy, Séguin, Taschereau, Tessier, Thériault, Tourigny, Vilas, Walker, Walsh, Weir, 44.
Contre: MM. Bernard, Bourassa, Gault, Lafontaine (Maskinongé), Lavergne, Patenaude, Pennington, Plante, Prévost, Sylvestre, Tellier, 11.
La motion est en conséquence adoptée.
Le bill est en conséquence lu une troisième fois.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Droits sur les successions
La Chambre reprend le débat ajourné vendredi, le 16 avril dernier, sur l'amendement à l'effet que la deuxième lecture du bill 197 amendant les statuts refondus concernant les droits sur les successions soit renvoyée à six mois.
L'honorable M. Weir (Argenteuil): Le bill rend responsables du droit exigible sur les successions, les exécuteurs ou les compagnies qui en permettent le transport avant que ce droit soit payé. Le bill frappe d'une amende le registrateur qui enregistre ces transports sans exiger le certificat de paiement des droits. Enfin, il accorde un honoraire de 50 cents au registrateur pour recherche au sujet de ces certificats. Ce bill est destiné à rendre plus facile la mise en application de la loi qui existe déjà quant aux droits de succession.
L'amendement étant alors mis aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:
Pour: MM. Bernard, Bourassa, Gault, Lafontaine (Maskinongé), Lavergne, Patenaude, Pennington, Plante, Prévost, Sylvestre, Tellier, 11.
Contre: MM. Blouin, Carbonneau, Cardin, Caron (L'Islet), Caron (Matane), Côté, D'Anjou, Décarie, Delâge, Delisle, Devlin, Dion, Finnie, Geoffrion, Godbout, Gosselin, Gouin, Kaine, Laferté, Leclerc, Lévesque, Mackenzie, Marchand, Mercier, Neault, Ouellette, Petit, Pilon, Reed, Roy, Séguin, Taschereau, Tessier, Vilas, Walker, Walsh, Weir, 37.
L'amendement est rejeté.
La motion principale étant alors mise aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:
Pour: MM. Blouin, Carbonneau, Cardin, Caron (L'Islet), Caron (Matane), Côté, D'Anjou, Décarie, Delâge, Delisle, Devlin, Dion, Finnie, Geoffrion, Godbout, Gosselin, Gouin, Kaine, Laferté, Leclerc, Lévesque, Mackenzie, Marchand, Mercier, Neault, Ouellette, Petit, Pilon, Reed, Roy, Séguin, Taschereau, Tessier, Vilas, Walker, Walsh, Weir, 37.
Contre: MM. Bernard, Bourassa, Gault, Lafontaine (Maskinongé), Lavergne, Patenaude, Pennington, Plante, Prévost, Sylvestre, Tellier, 11.
Ainsi, la motion est adoptée.
Le bill est lu une deuxième fois et renvoyé au comité général.
Subsides
La Chambre reprend le débat ajourné sur l'amendement à la motion que M. l'Orateur quitte maintenant le fauteuil pour que la Chambre se constitue de nouveau en comité pour prendre en considération les subsides à accorder à Sa Majesté, lequel amendement se lisait comme suit: Que tous les mots après "que", dans la motion principale, soient retranchés et remplacés par les suivants:
"Cette Chambre est prête à voter les subsides à Sa Majesté, mais déclare que:
"Vu les pièces et les témoignages consignés au dossier de l'Abitibi (no 29, session 1908) et transmis à cette Chambre par les commissaires nommés par décret du 23 octobre 1907 pour faire enquête sur une partie de cette affaire;
"Vu la déclaration des commissaires, en date du 2 novembre 1907, et consignée en ces termes au procès-verbal de leurs procédures;
"Le rôle de la commission se bornera à recevoir les dépositions et à diriger l'enquête pour ensuite soumettre toute la preuve et tous les documents s'y rapportant devant la législature, laquelle dans l'opinion des commissaires est le seul et véritable juge de ce débat.
"Cette Chambre censure le gouvernement d'avoir, sans le consentement et hors la connaissance de la législature, poursuivi des négociations avec un syndicat belge représenté par le baron de l'Épine, en vue d'une concession de 500 000 acres du domaine public pour des fins d'exploitation agricole, minière et forestière.
"De plus, cette enquête tendant à confirmer fortement les présomptions de tentative de péculat qui ont résulté de la preuve recueillie dans la poursuite du roi vs Asselin, cette Chambre regrette que le gouvernement n'ait pas cherché à jeter plus de lumière sur la question; et particulièrement que le procureur général n'ait pas fait les démarches nécessaires, par voie légale ou diplomatique, pour obtenir l'émission d'une commission rogatoire pour l'examen de personnes à l'étranger."
M. Lavergne (Montmagny) commence par citer le rapport publié par le Soleil du débat de mercredi et regrette de n'avoir été présent à une discussion aussi intéressante et de n'avoir pas entendu la réponse du premier ministre; il l'a lue dans le Soleil. Il se plaint tout de même du rapport.
Il expose brièvement l'origine de l'affaire de l'Abitibi qui a surgi des relations de M. Turgeon avec le baron de l'Épine. Dans toute cette affaire de l'Abitibi, du commencement jusqu'à la fin, il y a beaucoup de contradictions dans les preuves apportées. Il cite bon nombre de témoignages recueillis lors du procès Prévost-Asselin et l'enquête menée par la commission royale afin de prouver les contradictions de M. Turgeon. C'était une belle transaction, nous dit M. Turgeon, qui prétend que les Belges devaient payer 70 cents l'acre, oubliant que les dernières conditions réduisaient à 30 cents l'acre le prix de vente. M. Turgeon a souvent de ces oublis, accidents qui arrivent aussi au premier ministre. M. Turgeon devait d'ailleurs avouer lui-même plus tard qu'il était d'accord sur toutes les conditions. Il cite le témoignage de M. De Jardin qui dit que les ministres eux-mêmes reconnaissaient que le syndicat ne pouvait coloniser dans les délais ordinaires; il cite aussi le témoignage de M. Turgeon affirmant la même chose.
Le témoignage de M. Turgeon n'est pas suffisant. M. Turgeon a déclaré plusieurs choses sous serment. Il a juré qu'il ne connaissait pas le syndicat belge, alors qu'il fut prouvé qu'il en a été le créateur et qu'il a rencontré les membres en Europe, en plus d'avoir correspondu avec eux pendant deux ans. Et, malgré tout cela, il a juré qu'il ne savait pas si ce syndicat existait ou non. Il y a également la déclaration de de l'Épine selon laquelle il devait retirer certains profits de ce pot-de-vin et aussi celle de M. Turgeon qui précise qu'il n'y avait aucun pot-de-vin. La parole de M. Turgeon n'est pas aussi valable que celle du maître-chanteur de l'Épine, déclare-t-il.
À l'aide de passages tirés des dépositions ou des correspondances, il tente de prouver d'abord qu'il y eut des modifications dans les conditions de la vente et, ensuite, qu'il fut question d'un pot-de-vin entre les contractants. Deux lettres de M. de l'Épine à M. De Jardin demandant à celui-ci de venir à Québec démontrent bien que le baron jouait cartes sur table et qu'il ne craignait pas la rencontre de M. De Jardin avec M. Turgeon. Il n'y avait rien à craindre, d'ailleurs, puisque le vendeur et l'acheteur évitaient toujours de parler du prix. Au sujet de la lettre de Charneuse, il refuse de lire l'accusé de réception de M. Turgeon parce que, dit-il, il ne veut pas mêler aux débats politiques les noms de femmes respectables. Il laisse ce triste courage à des hommes plus autorisés et plus haut placés que lui7.
Il montre que le baron de l'Épine n'a pas pu forger la lettre de Charneuse puisque celle-ci a été trouvée dans ses papiers en cherchant d'autres documents la veille même du procès et que jusque-là les papiers du baron sont restés sous clef à Québec, pendant que le baron, lui, était à Winnipeg depuis plusieurs mois. D'ailleurs, de l'Épine ne pouvait pas s'exposer aussi bêtement au pénitencier qui aurait été sa punition si l'original, qui était en la possession de M. Turgeon, avait été produit. Il n'est pas admissible non plus que le pot-de-vin fût pour le baron de l'Épine seul, puisque le syndicat pouvait s'assurer immédiatement si le baron le trompait. M. De Jardin n'avait qu'à poser la question au gouvernement et, s'il s'est toujours gardé de poser cette question, c'est qu'il avait ses raisons.
Il s'élève également contre le langage violent utilisé par le premier ministre lors de son discours sur l'affaire de l'Abitibi mercredi soir. Dans son discours, le premier ministre s'est contenté de jeter de la boue sur les nationalistes.
Il affirme en terminant qu'il s'est séparé des ministériels parce qu'il voulait rester net.
M. Côté (Saint-Sauveur) dénonce les nationalistes parce qu'ils combattent Sir Wilfrid Laurier. Après leur affreuse campagne de viles calomnies et d'abus inqualifiables, les nationalistes tels que le député de Montmagny (M. Lavergne) devraient être les derniers à se plaindre de la violence du langage. Les nationalistes n'ont pas à se plaindre si l'on va chercher de la boue au ruisseau pour la leur jeter au visage; ils peuvent s'attendre à des éclaboussements après avoir, pendant deux années, vidé tous les cloaques pour en jeter le contenu sur le gouvernement. Quant à M. Turgeon, c'est un grand homme et douter de sa vertu est un crime. Il parle contre la motion de non-confiance du député de Shefford (M. Bernard).
M. Prévost (Terrebonne): Malgré mon jeune âge en politique, je suis un vieillard né d'hier et je pourrais écrire des mémoires intéressants. Les épreuves vieillissent et instruisent vite. Messieurs, mon histoire sera brève.
Il commence par parler de son entrée dans le ministère, où il travailla de son mieux dans l'intérêt de son département. À un âge relativement bas, j'ai été appelé à devenir ministre de la Colonisation. J'ai cru pouvoir lui donner un essor nouveau, j'ai cru devoir réorganiser les mines et les pêcheries de manière à les faire rapporter plus, je me suis imposé des voyages pénibles et des fatigues, j'ai cru ensuite qu'on pourrait commencer un système d'émigration intensive au moyen des habitants des Flandres, j'ai rencontré en Belgique le baron de l'Épine. À propos de ce voyage, j'ai subi des attaques souvent cruelles de la part des nationalistes et des conservateurs qui ont provoqué dans ma vie et jusque dans mon foyer bien des larmes.
Un jour une tempête s'éleva autour de moi. Je voulais aller vite, je l'admets. On m'envoya une lettre de menace, quelqu'un m'offrit de me livrer un dossier qui devait me ruiner politiquement si je n'accordais pas une place à celui qui l'écrivait; ce quelqu'un était le baron de l'Épine qui est aujourd'hui méprisé de tous et écrit dans ce moment dans les journaux de Belgique les plus infâmes calomnies contre le pays qui l'a hébergé.
Il est heureux de voir que les deux côtés de la Chambre n'ont que des mépris pour cet aventurier ingrat.
Alors parut un article écrit par un employé de mon département qui me devait tout. Article injurieux dont je crus devoir parler à mes collègues. Deux d'entre eux m'avaient conseillé de prendre des procédures contre M. Asselin. Ce procès Prévost-Asselin fut, rappelle-t-il, le point culminant de sa carrière. Je profite de cette occasion pour donner au ministre des Travaux publics l'hommage de mon estime et de ma reconnaissance. J'ai reçu du député de Montmorency (l'honorable M. Taschereau) et de M. Turgeon au cours de ce procès les témoignages de la plus profonde estime. L'honorable M. Turgeon, qui m'avait dit que je devais me défendre ou disparaître, est resté au poste pour défendre un collègue. Je reçus de lui l'appui que j'attendais. Je leur rends donc hommage de m'être restés fidèles dans ces moments difficiles. Il ne croit pas, dit-il, M. Turgeon coupable. Il a été comme lui victime de la vengeance du baron de l'Épine.
Au commencement du procès, M. Laflamme, avocat de M. Asselin, me dit de ne pas le continuer parce qu'il conduirait à des découvertes qui pourraient faire un grand tort à mon parti. J'en fis part à M. Turgeon, lui disant que je ne craignais rien pour moi mais pour M. Turgeon. Celui-ci répondit: C'est sur mon indication et sur celle du premier ministre que vous avez pris cette poursuite. Quoi qu'il arrive, marchez. Continuez, ne craignez rien pour moi. Je le remercie de ne pas avoir reculé. Durant le procès je disparus comme dans un nuage. J'expliquai, au cours de la première soirée, mon cas au député de Montmorency qui me dit: Il n'y a rien contre vous, vous avez réponse à tout. Je le remercie encore de m'avoir si bien défendu.
Je disparus donc dans un monceau de lettres et c'est M. Turgeon qui en est sorti. Le procès ne prouva rien contre mon administration et se termina soudain par des accusations contre M. Turgeon. J'en suis sorti avec un témoignage d'honnêteté de la part du juge Bossé, qui présidait l'enquête. Je veux parler avec sincérité; je suis libre et indépendant, ne relève d'aucun chef; je suis ma propre route et je n'ai aucun remords dans mes nuits qui ne sont plus sans sommeil.
Messieurs, si j'étais convaincu que l'honorable M. Turgeon avait voulu carotter le premier dans cette affaire de l'Abitibi, si je croyais que M. Turgeon ne fut pas innocent, je ne me serais pas levé ce soir. M. Turgeon se fait difficilement connaître mais, quand nous sommes membres d'un même cabinet, nous nous connaissons. On l'aime alors parce qu'il fait partie des coeurs de cristal et des âmes de diamants. Il lui en rend témoignage. Je vous le déclare en toute indépendance, je l'ai déjà dit et je le répète, je crois que dans cette affaire l'honorable M. Turgeon est parfaitement innocent de tout ce dont on l'accuse.
Il peut y avoir des variantes. Voulez-vous que je vous dise franchement? Les conditions d'établissement n'ont pas été la cause, mais le prétexte de la rupture. Le syndicat aurait été réalisable n'eût été l'Affaire Prévost, c'est-à-dire les ennuis avec le baron de l'Épine. Son opinion à lui est que les négociations ont été rompues par le procès Prévost-Asselin. Je suis allé en Belgique où j'ai fait des conférences, entre autres choses, mais je suis convaincu que M. Turgeon n'a pas voulu carotter un seul sou dans cette affaire. J'ai cru devoir rendre cet hommage à M. Turgeon, mais cette affaire de l'Abitibi marque une date dans la vie de mon ami. Il n'aurait rien ajouté au témoignage qu'il croit devoir donner à M. Turgeon, si le premier ministre n'avait pas dit qu'il avait passé ses jours et ses veillées à travailler pour défendre et protéger ses collègues. Le premier ministre n'a pas travaillé tant que cela pour protéger ses collègues et, s'il y en a deux qui ne sont plus à ses côtés, M. Turgeon et lui, ce n'est pas parce que le premier ministre a passé ses nuits à les défendre.
Je regrette qu'à ce propos on ait parlé d'assassinat et de sicaires, etc. Le premier ministre a comparé le député de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa) à Henri III de France mais, si le premier ministre n'avait pas passé ses jours et ses nuits à préparer ce qu'il appelle la défense de ses amis, j'aurais pu lui rappeler un autre souverain, pas Henri III le faiblet, dont le chapeau n'était pas un paquet de plumes et qui se laissait influencer, mais un autre qui avait l'habitude d'envoyer ses ministres aux chaînes quand ils ne lui obéissaient pas. Dans le château de Plessis-les-Tours, il y avait Louis XI, au chapeau couvert d'amulettes, et qui avait autour de lui Olivier le Daim et d'autres gens de son espèce. Michelet raconte que pendant les nuits on entendait, dans les oubliettes de ce château, des bruits de chaînes et des pleurs. C'étaient d'anciens ministres qu'on avait rivés aux chaînes de l'iniquité. Ce roi existe encore et on a vu disparaître des ministres.
Il montre le premier ministre écrasant ses collègues les uns après les autres pour satisfaire son ambition de dominer. M. Turgeon ne s'est jamais plaint à lui, mais il a assez d'expérience pour lire dans le coeur humain et il n'hésite pas à dire que, si le premier ministre avait soutenu M. Turgeon, celui-ci serait encore dans l'Assemblée législative et à la droite du premier ministre.
À propos de ces accusations de l'Abitibi, je remercie ceux de mes collègues qui me tendirent alors la main. Mais qu'ils me permettent de regretter d'avoir suivi les appels de Louis XI qui, au lieu de m'aider à me cuirasser pour faire face à cette avalanche de traits et à me donner les armes nécessaires pour combattre en champ clos, a voulu faire autour de moi le désert. On avait commencé à faire une campagne par toute la province, l'éloquent député de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa) sonnait le pas de charge contre le gouvernement. On se demandait s'il fallait le rencontrer. J'étais d'opinion qu'il fallait aller le rencontrer. Le premier ministre décida qu'il valait mieux le suivre. J'étais solidaire du ministère, la Providence s'est chargée de me punir. Je n'étais pas habitué à voir mes adversaires dans le dos, je préfère les voir en face. C'était la première fois que je combattais dans l'ombre; j'en avais reçu les leçons de Louis XI. Je vis alors un peu du sang de ceux que les sicaires de Louis XI et Louis XI lui-même avaient assassinés dans l'ombre. Mais avec le député de Kamouraska (l'honorable M. Roy) je partis enfin pour le combat. J'avais vu des coups de couteau portés dans le dos et j'apprenais quelque temps après que mon premier se promenait par toute la province. Lorsque l'on nous attaqua ensemble, M. Turgeon et moi-même, le premier ministre prit la défense de M. Turgeon et me laissa me débrouiller tout seul. Je constatai vite que le premier ministre commençait à me lâcher. Je lui avais aidé à détrôner M. Parent, confiant que j'étais dans son dévouement, mais je commençai à comprendre que celui qui se sert du couteau périra par le couteau. Je sentis le couteau du premier ministre qui me pénétrait dans le dos. Je sortis du procès Prévost-Asselin indemne et, malgré cela, le désert se fit autour de moi.
(On entend du bruit.)
M. l'Orateur: Silence!
M. Prévost (Terrebonne): Quelque temps après avoir démissionné comme ministre, j'apprenais qu'un officier du département, M. Lemont, était en conférence avec mon premier au moins un quart d'heure tous les jours dans les premiers temps que j'étais ministre. Louis XI s'informait de tout, de mes revenus, de ma manière de vivre, etc. Je me suis dit qu'il était commode pour Louis XI de se débarrasser d'un ministre. Mais M. Turgeon, mon compagnon d'infortune qui avait surnagé grâce à l'élection de Bellechasse et aussi à ses efforts, fit ainsi la dernière session. Je me disais: Sa présence doit embarrasser Louis XI. Il ne restera pas longtemps. J'avais raison de le croire par ce qui m'était arrivé et par ce que j'avais vu. Pendant la campagne de Bellechasse, M. Turgeon se défendait de son mieux lorsque, tout à coup, le Star publia un article où on disait que M. De Jardin pouvait prouver qu'il avait été question d'un pot-de-vin. Alors, le premier ministre, qui s'occupe tant de ses collègues, lui écrivit une lettre où il lui demandait s'il avait été question entre lui et M. De Jardin de souscription électorale durant les négociations.
Puis, remarquez l'égoïsme du premier ministre. Quand il câble à M. De Jardin, c'est lui et lui seul qu'il demande au président du syndicat d'exonérer. Louis XI ne parle pas de M. Turgeon - moi!; Sir Wilfrid aurait écrit: moi ou aucun de mes collègues. Heureusement, M. De Jardin, homme plus généreux et plus juste, habitué au monde diplomatique où les ministres ne songent pas à se sauver les uns aux dépens des autres, mentionna dans sa réponse que ni le premier ministre ni M. Turgeon n'avaient fait de telles suggestions.
Depuis cette époque, l'honorable M. Turgeon changea. S'il avait été certain de la confiance du premier ministre, il serait encore son collègue. Mais il s'apercevait que petit à petit, autour de Louis XI, disparaissent ceux qui l'ont fait ce qu'il est. Comme son homonyme, Louis XI, l'actuel roi de la province de Québec abandonne ses ministres quand ceux-ci deviennent trop éminents. Bien des ministres sont disparus depuis 1905, soit d'eux-mêmes, soit sous les coups de couteau finement plantés dans le dos. Louis XI les laisse crouler à ses pieds sans qu'une larme mouille ses yeux; il ne regarde que la quiétude absolue dans laquelle il veut croupir. M. Turgeon n'est pas parti à cause de l'Abitibi ni à cause de sa maladie, mais parce que le premier ministre veut dominer seul. Si M. Turgeon a quitté le ministère, c'est qu'il n'y trouvait pas la solidarité ministérielle. La disparition de M. Turgeon, tout comme la sienne, n'est que le résultat des machinations du premier ministre.
Le premier ministre nous a prouvé ainsi qu'avec beaucoup de diplomatie on peut partir de Saint-Jacques pour arriver au poste de premier ministre, grâce à l'enthousiasme de quelques jeunes gens qui ont cru comme j'ai cru en son dévouement et finir par dominer seul. Comme conséquence, à cette session, à part quelques-uns, il est obligé de faire face seul à la tempête qu'il a soulevée.
Il ne peut pardonner à l'honorable premier ministre ce qu'il appelle un abandon à son égard et il lui reproche d'avoir ensuite laissé partir l'honorable M. Turgeon. Mais il est une justice immanente des choses et, malgré ses talents et son habileté, et qu'il brise comme verre ceux qui l'ont fait ce qu'il est, un jour, au souvenir des luttes faites ensemble, le premier ministre aura le remords de la disparition de deux de ses meilleurs lieutenants qui ont eu un jour confiance en lui.
Pour moi, cette affaire de l'Abitibi est bien simple. La cause de l'affaire de l'Abitibi, c'est le baron de l'Épine qui a voulu se venger des députés de Terrebonne et de Bellechasse. Il a réussi à nous faire disparaître tous deux grâce à l'encouragement du premier ministre lui-même, qui a lâché ses deux collègues, mais pas à briser leur carrière politique, car les électeurs de Bellechasse et ceux de Terrebonne ont la mémoire du coeur. Lui, il a trouvé des sympathies franches chez ses électeurs, qu'il ne trouvait pas dans le cabinet. Les carrières politiques n'ont pas été brisées, mais le meilleur atout du baron de l'Épine a été l'oubli impardonnable dont s'est rendu coupable le premier ministre de cette province. M. Turgeon ne m'a jamais fait part de ses sentiments, il a dû éprouver à cet égard les mêmes sentiments que moi. J'ai parlé avec conviction et indépendance. Il est dur d'ouvrir ainsi son coeur, mais que mes paroles soient la panacée qui puisse me faire oublier toutes les douleurs dont j'ai souffert pendant les trois années que j'ai passées auprès d'un homme qui aime des collègues qui traînent de l'aile, qui sont soumis et ne disent rien. Il n'a jamais passé trois années aussi pénibles que celles pendant lesquelles il était titulaire du portefeuille de la Colonisation et l'esclave du premier ministre.
Mes paroles ne sont pas le résultat de pensées longuement mûries. J'ai décidé de les prononcer lorsque j'ai entendu le premier ministre, dans la nuit de mercredi, parler des nuits et des jours qu'il a passés à défendre ses collègues. Il a délibérément attendu tard dans la nuit pour dire franchement en Chambre ce qu'il avait à dire au premier ministre. Il a attendu pour le faire que les galeries fussent libres. Je ne sais pas où le premier ministre passe ses jours et ses nuits, mais je sais qu'il n'a jamais défendu ni M. Turgeon ni moi lorsque nous avions le plus besoin d'être défendus. Je ne sais s'il a défendu les autres. Les autres ministres n'ont pas besoin d'être défendus. Pourquoi a-t-il donc veillé?
Il prédit la chute prochaine du premier ministre. Je lui souhaite que jamais il ne ressente, devant l'indifférence de ceux qui l'entourent aujourd'hui, ce que j'ai senti et ce que ressentait le député de Bellechasse lorsqu'il nous a traités comme il l'a fait. Et, s'il lui arrive des jours sombres, je lui souhaite qu'il trouve une main plus secourable que celle qu'il a tendue à ceux qui s'en allaient à la dérive.
Il souhaite au premier ministre de ne pas connaître les souffrances d'être abandonné par ceux qu'on a aimés. Le pire qu'il pourrait lui souhaiter, c'est d'avoir à endurer toutes les souffrances qu'il a lui-même subies suite à ses coups de fouet. S'il existe quelque chose de cruel et d'insoutenable dans la vie d'un homme politique, c'est bien d'être rejeté par ses propres amis.
Mais ce que je veux lui dire, c'est qu'il s'est servi de mon inexpérience pour s'élever, c'est que le député de Terrebonne se redresse aujourd'hui avec l'allure d'un indépendant; c'est que j'ai brisé la chaîne qui m'attachait à son char et que le temps est fini où il me comptait dans son troupeau d'esclaves.
(On entend des murmures.)
On murmure; est-ce qu'il y aurait des députés à qui le bonnet ferait? Le premier ministre a dit qu'il m'avait mis en face de lui pour savoir ce que je pense, je le lui dis. Il est dur de faire ce que je fais. Le premier ministre a déjà sauté sur un portrait de Mme de Rémusat comme s'il avait été fait pour lui. Je demandais simplement alors justice pour mon comté. Louis XI chargea alors ses créatures de travailler à faire échouer ma mesure. C'était sa manière de me récompenser. Entre les deux sessions il reprit ses airs de sphinx, croyant que je disparaîtrais, suivant son désir, et que tout serait fini. Durant ma dernière élection on m'a demandé qui était mon chef. Je n'ai jamais dit que c'était le premier ministre actuel.
En terminant, je vous dirai que ces gens ont bien raison qui disent que la vie publique n'est pas rose mais, s'il est des jours sombres, ce sont ceux où on tombe victime de ceux que l'on avait aimés.
L'honorable M. Gouin (Portneuf) demande si quelque autre député a quelque chose à dire sur l'affaire de l'Abitibi.
Il propose, appuyé par le représentant d'Argenteuil (l'honorable M. Weir), que ce débat soit de nouveau ajourné.
Adopté.
La séance est levée à 3 heures du matin.
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NOTES
1. Le Montreal Daily Star avait écrit "yesterday".
2. Le secrétaire provincial (M. Roy) avait déposé un dossier pour l'enquête Prévost-Kelly et M. Prévost, après l'avoir examiné, constata qu'il s'y trouvait plusieurs documents incomplets.
3. Aucun journal ne fait mention de cette intervention qu'aurait faite M. Prévost à la séance du matin.
4. Cette partie du projet de loi a été modifiée par une résolution adoptée à la séance du 19 mai, mais pour que ce changement soit effectif il faut que cet article soit étudié et amendé par le comité plénier.
5. La loi du "homestead" de 1897 venait bonifier la loi de 1882. Cette loi cherchait à protéger le colon contre les créanciers. La loi de 1897 obligeait le propriétaire d'un lot à obtenir le consentement notarié de son conjoint pour aliéner le patrimoine de famille. Avec le projet de loi no 182, M. Carbonneau enlevait cette restriction, en 1909.
6. Il s'agit de l'argument axé sur le cas où un colon aurait subi un accident quelconque.
7. M. Lavergne fait ici allusion au discours du premier ministre où celui-ci n'avait pas hésité à parler de la baronne de l'Épine.