Débats de l'Assemblée législative (débats reconstitués)
Version finale
12e législature, 1re session
(2 mars 1909 au 29 mai 1909)
Le jeudi 6 mai 1909
Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.
Présidence de l'honorable P. Pelletier
La séance s'ouvre à 3 h 20.
Messages du Conseil législatif:
M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:
Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté les bills suivants sans amendement:
- bill 27 amendant les statuts refondus concernant les timbres d'enregistrement et des procédures judiciaires;
- bill 41 amendant le code de procédure civile relativement à la Cour de magistrat de district, aux arbitrages et à la cession de biens;
- bill 176 amendant la loi relative aux sociétés de colonisation dans certains endroits de la province.
Clôtures de lignes
M. Cardin (Richelieu) demande la permission de présenter le bill 227 amendant le code municipal relativement aux clôtures de lignes.
Ce projet de loi a pour but d'empêcher un voisin de faire la clôture de ligne de son voisin, ce qui donne quelquefois occasion à la satisfaction de certaines vengeances.
Accordé. Le bill est lu une première fois et renvoyé au comité spécial du code municipal.
Interpellations:
Importation de chevaux
M. Prévost (Terrebonne): Le gouvernement a-t-il fini d'étudier le problème de l'importation des chevaux dans cette province?
L'honorable M. Décarie (Hochelaga): Le gouvernement espère en venir à une solution sous peu.
Demande de documents:
Compagnie d'assurance mutuelle La Providence
M. Sauvé (Deux-Montagnes) propose, appuyé par le représentant de Jacques-Cartier (M. Cousineau), qu'il soit mis devant cette Chambre copie de tous documents et correspondance concernant la compagnie d'assurance mutuelle La Providence.
L'honorable député de Rimouski (M. D'Anjou) a soulevé l'autre jour un débat intéressant au cours duquel il a dénoncé une compagnie d'assurance mutuelle, la Canada-Feu. Il s'est plaint du fait que cette compagnie avait envoyé à ses assurés, à ses porteurs de police, un avis d'avoir à payer dans un délai de 30 jours 40 pour cent du billet de dépôt. Le député de Rimouski a déclaré que cette compagnie, par ses polices ou par la loi, n'avait pas le droit d'exiger plus de 20 pour cent. Et, pour ces raisons, l'honorable député a demandé une enquête sur les affaires de cette compagnie.
L'honorable chef de l'opposition (M. Tellier) a demandé au gouvernement d'instituer une enquête sur toutes les compagnies d'assurance mutuelle. Il demande aussi d'instituer une enquête sur toutes les compagnies d'assurances qui ont une charte provinciale.
À l'instar de la Canada-Feu, deux autres compagnies, la Providence et la Dominion, ont demandé à leurs clients de payer plus de 50 pour cent de leurs billets de dépôts, même si la loi ne permet que 40 pour cent. Ces compagnies ont-elles le droit d'exiger ces 50 pour cent? C'est ce qu'il voudrait savoir.
C'est, continue-t-il, pour montrer combien les remarques de l'honorable chef de l'opposition étaient justes que je demande la production de tout document concernant la compagnie d'assurance mutuelle La Providence. J'ajouterai que des plaintes sont aussi faites contre la Dominion Mutual Fire. Voici ce que dit le Journal de Waterloo: Cette compagnie, fondée à Waterloo il y a quatre ans environ, avait été accueillie avec bienveillance par les habitants du comté de Shefford et des comtés voisins qui voulaient encourager une institution locale. Un grand nombre prirent des assurances pour cinq ans, de sorte qu'il leur reste encore environ une année à faire comme membres. À eux aussi, par un avis daté le 7 avril mais expédié de Montréal seulement le 20 avril, on réclame non pas seulement 40 pour cent mais 50 pour cent de leurs billets de dépôts, avec menaces de poursuites si cette somme n'est pas payée sous 30 jours de la date que porte l'avis. Dans notre humble opinion les assurés de cette compagnie, d'après le système mutuel, sont bien tenus de payer toutes répartitions spéciales devenues nécessaires pour cause d'incendies, mais ils ne peuvent s'être engagés à fournir les fonds requis pour faire le dépôt exigé maintenant par la loi en question.
Mais s'il y a doute pour les assurés d'après le système mutuel, il ne peut y en avoir, croyons-nous, pour ceux qui avaient choisi le système au comptant et qui pour cela payaient à peu près le même taux que celui demandé par les compagnies à fonds social, et cependant on réclame les 50 pour cent de tous indistinctement. Ce serait donc la plus criante des injustices que de forcer ces membres à payer semblable cotisation. Le remède, direz-vous? Nous espérons que nos législateurs le trouveront, et promptement. Il le faut s'ils ne veulent pas être exécrés d'un bout à l'autre du pays.
De nombreuses plaintes sont faites contre presque toutes les compagnies de ce genre. Les journaux publient des correspondances contre ces compagnies. Une polémique est même engagée. Les préjugés deviennent plus grands et plus graves. Il me semble qu'il serait dans l'intérêt de toutes les compagnies qui sont bien administrées, tout comme dans l'intérêt du public en général, qu'une enquête détaillée soit menée pour tous les cas que j'ai mentionnés. D'ailleurs, le premier devoir d'un gouvernement c'est de veiller aux intérêts du peuple. Or les plaintes qui sont déposées devant le gouvernement sont suffisantes pour décider celui-ci à accorder l'enquête que nous lui demandons.
Cette question est excessivement grave. D'une part, les assurés, qui sont nombreux, se plaignent vivement de l'action prise par ces compagnies d'assurances et, d'autre part, les compagnies d'assurance mutuelle prétendent qu'elles sont forcées d'en agir ainsi par la loi elle-même des assurances que la législature a adoptée l'an dernier. Il s'agit maintenant de savoir si ce sont les compagnies qui abusent de leurs droits ou si c'est la législature qui a fait un pas de clerc, l'an dernier.
Des députés de l'opposition demandent au trésorier provincial s'il n'entend pas faire une enquête sur toutes les compagnies mutuelles ou s'il ne veut garder tous ses soins que pour la Canada-Feu dont le secrétaire, M. A.-P. Simar, a combattu sa loi dans les journaux.
L'honorable M. Weir (Argenteuil): Il est vrai qu'un manque de prudence au niveau de l'administration a provoqué des difficultés financières pour deux compagnies d'assurances. Pour en sortir, elles sont obligées de faire des appels extraordinaires aux détenteurs de polices. Les administrateurs de ces compagnies, pour excuser leur incompétence, rejettent la faute sur la nouvelle loi du gouvernement.
En ce qui a trait à la Dominion, j'ai entendu dire que les administrateurs avaient pratiquement admis à une assemblée qu'ils avaient des difficultés financières, mais ils rejettent le blâme sur le gérant et les autres employés.
M. Dostaler, l'inspecteur des assurances, est présentement à vérifier les opérations de la Canada Mutual et il examinera bientôt aussi les opérations de la compagnie La Providence. On sera donc à même de constater que les mesures prises par cette Chambre - en imposant une inspection plus stricte et en insistant sur l'obligation pour chaque compagnie de faire un dépôt de $10 000 - sont tout à fait justifiées. L'entrée en vigueur de ces mesures redonnera confiance en ces compagnies. Dès que les enquêtes dont j'ai fait mention seront terminées, le gouvernement a l'intention de mener une enquête détaillée sur toutes les autres compagnies, et ce, toujours dans le but de rétablir la confiance du public.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): La loi passée est excellente en principe, mais il aurait peut-être fallu ne pas l'appliquer trop strictement au début aux compagnies naissantes et leur imposer des conditions plus faciles.
M. Prévost (Terrebonne): Les compagnies ont-elles le droit de faire des appels extraordinaires aux détenteurs de police en plus de ceux spécifiés dans leurs polices?
L'honorable M. Weir (Argenteuil): Les compagnies n'ont pas le droit de faire des appels supérieurs à ceux mentionnés dans leurs polices.
M. Prévost (Terrebonne): Alors, ces appels extraordinaires devraient être abolis, car ils ne représentent rien d'autre que des vols.
Il remarque que l'appel de la Providence et des autres compagnies ne provient pas exclusivement d'une mauvaise administration parce que, dès le mois d'avril 1908, la Providence faisait appel à ses déposants pour le dépôt requis par la loi1. Il attire en particulier l'attention du procureur général sur la situation de la compagnie La Providence qui a demandé 25 pour cent de ses billets de dépôt afin de payer le dépôt exigé par la nouvelle loi, et qui selon toutes les apparences n'a pas encore fait ce dépôt. Cette compagnie a même congédié son gérant pour irrégularités. Cette compagnie comprend parmi ses directeurs plusieurs députés libéraux, entre autres le député de Bagot (M. Daigneault) et le député de Berthier (M. Lafontaine), et ils seraient sans doute en état de donner plus de renseignements à la Chambre. Il demande si le procureur général ne devrait pas intervenir. Il y a certainement double raison de faire enquête sur cette compagnie. Tout de même, c'est encore plus la loi qui a mis ces questions dans une position difficile. Le gouvernement devrait non seulement tenir une enquête, mais arrêter aussi les opérations de certains faiseurs qui font de l'assurance au détriment des assurés.
M. Daigneault (Bagot): Les directeurs de la Providence seraient très heureux de se soumettre à une enquête si le gouvernement le jugeait nécessaire. La situation de la compagnie vis-à-vis des assurés est absolument correcte. Les problèmes de la compagnie sont survenus suite aux méfaits du gérant, qui a été congédié l'été passé. Les administrateurs ont également intenté des poursuites contre l'auditeur. MM. Picard et Chaurest, le gérant et l'auditeur, ont été suspendus sur constatation d'irrégularités dans la comptabilité.
M. Sylvestre (Montcalm): Eh bien, pourquoi cet appel de 50 pour cent?
M. Daigneault (Bagot): Parce que nous étions endettés à ce moment et que nous devions nous procurer de l'argent dans un très court délai si nous voulions continuer à opérer.
M. Walker (Huntingdon) est heureux de voir le gouvernement décidé à faire des inspections, car cela rendra service aux affaires et aux assurés.
M. Sauvé (Deux-Montagnes) insiste pour obtenir une enquête, ne serait-ce que pour faire cesser les plaintes qui existent et qui créent une très mauvaise impression dans le public.
M. Bernard (Shefford): Puisqu'on a fait une enquête au sujet de la Canada-Feu, on en devrait faire une aussi au sujet de la compagnie mutuelle Dominion qui fait payer 50 pour cent du billet de dépôt. Je suppose que l'on ne fait pas de différence lorsqu'il s'agit de compagnies administrées par les amis du gouvernement.
M. Prévost (Terrebonne) prend la parole.
L'honorable M. Weir (Argenteuil) déclare que l'enquête se fera et il ajoute que la loi ne requiert pas de dépôts des compagnies faisant affaire exclusivement à la campagne; le dépôt est requis des seules compagnies mutuelles qui prennent des risques regardés hasardeux.
L'honorable M. Gouin (Portneuf) affirme que, selon la déclaration du trésorier provincial (l'honorable M. Weir), non seulement y aura-t-il une inspection des compagnies d'assurance mutuelle qui ont été nommées, mais on mènera également une enquête générale très approfondie. Alors, d'après ces rapports, s'il y a lieu, le gouvernement prendra des procédures contre les personnes incriminées. La situation actuelle montre bien l'utilité de la loi adoptée à la dernière session. Sans elle, on aurait eu des désastres, heureusement évités.
Quant à l'appel fait aux actionnaires, le procureur général a déjà déclaré que ces derniers n'étaient pas tenus de payer plus que le 20 pour cent mentionné dans leur contrat.
La proposition est adoptée.
Dépôt de documents:
Registre de l'état civil de la paroisse de Sainte-Anne des Plaines
L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 3 mai 1909, pour la production de copie de tous documents, correspondance, en rapport avec les registres de l'état civil de la paroisse de Sainte-Anne des Plaines, dans le comté de Terrebonne, depuis six années. (Document de la session no 130)
Compagnie de chemin de fer de la Baie-des-Chaleurs
L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 31 mars 1909, pour la production de copie des jugements rendus par la Cour supérieure, district de Québec, de la Cour du banc du roi en appel et de la Cour suprême du Canada, au mérite, dans une certaine cause dans laquelle Pedro de Galindez "et al." étaient demandeurs contre Sa Majesté le roi, réclamant la balance d'un certain subside dû à la Compagnie de chemin de fer de la Baie-des-Chaleurs. (Document de la session no 131)
Compagnie industrielle La Nationale
L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 28 avril 1909, pour la production de copie de tous décrets administratifs, rapports, correspondance et documents quelconques relatifs à un projet de colonisation et à l'octroi de terrains à la compagnie industrielle La Nationale, de Lowell, Mass. (Document de la session no 132)
Colonisation dans la seigneurie Murchie, comté de Témiscouata
L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 28 avril 1909, pour la production de copie de tous décrets administratifs, rapports, correspondance, documents quelconques relatifs à la colonisation dans la seigneurie Murchie, comté de Témiscouata. (Document de la session no 133)
Revue Le Terroir
L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 5 mai 1909, demandant qu'il soit mis devant cette Chambre un numéro de la revue intitulée Le Terroir. (Document de la session no 134)
Correspondance entre M. W. Williamson et le ministre des Terres au sujet du canton Howard
L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 21 avril 1909, pour la production d'une copie de la déposition de M. William Williamson envoyée à l'honorable ministre des Terres, en rapport avec le lot no 15 du septième rang du canton Howard, dans le comté d'Argenteuil. (Document de la session no 135)
Routes de colonisation dans la paroisse de Saint-Majorique, comté de Gaspé
L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 28 avril 1909, pour la production de copie de tous décrets administratifs, rapports, correspondance et documents quelconques relatifs à la construction de routes de colonisation dans la paroisse de Saint-Majorique, comté de Gaspé, depuis 1905. (Document de la session no 136)
Demande de documents:
Pouvoirs hydrauliques de la rivière des Quinze, comté de Pontiac
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) propose, appuyé par le représentant de Montmagny (M. Lavergne), qu'une humble adresse soit présentée à Son Honneur le lieutenant-gouverneur, le priant de bien vouloir mettre devant cette Chambre copie de tous arrêtés ministériels, décrets administratifs, avis, annonces, rapports, correspondance et documents quelconques relatifs à la vente ou à la location des pouvoirs hydrauliques de la rivière des Quinze, entre le lac des Quinze et le lac Témiscamingue, comté de Pontiac.
Il rappelle qu'il y a cinq ans et quelques mois il exposait à Québec le programme de la Ligue nationaliste et demandait pour la province un système hydrographique et forestier conforme aux intérêts du pays. On disait alors que, grâce à ses ressources naturelles, en particulier à sa houille blanche, la province de Québec pouvait devenir le plus grand foyer industriel du monde.
Il rappelle que, lors de l'assemblée à la salle des manoeuvres, le Parti nationaliste attaquait alors la politique de M. Parent pour sa méthode de disposer des plus belles forces hydrauliques de la province et suggérait comme remède de louer les pouvoirs d'eau après mise à l'enchère, tout en conservant la propriété pour l'État. Un champion se leva alors pour défendre M. Parent; ce champion était le ministre de la Colonisation du temps, le premier ministre actuel, qui vint à Montréal dénoncer la politique nationaliste comme rétrograde et moyenâgeuse.
M. Parent disparaît pour faire place au premier ministre actuel dans des circonstances qu'il n'est plus nécessaire de rappeler. Le ministre de la Colonisation (l'honorable M. Gouin), devenu premier ministre, fait les déclarations suivantes, le 5 avril 1905, à la salle Montcalm, à Montréal: Je crois que dans bien des cas la concession des forces hydrauliques ne peut avantageusement se faire par bail. À tout événement, nous ne sommes pas des doctrinaires. Nous reconnaissons que la politique n'est pas une affaire d'opinion, de préjugés, de passions. Bien comprise, elle est une science: elle fait même partie des sciences expérimentales. Nous ferons peut-être, un de ces jours, lorsque les circonstances nous paraîtront favorables, l'expérience de la vente ou location de pouvoirs hydrauliques par encan. Et, quel que soit le mode de la concession, par bail ou par vente, c'est notre intention bien arrêtée d'exiger, dans tous les cas, que les forces hydrauliques concédées soient exploitées immédiatement et permanemment. L'intérêt bien entendu de la province le demande.
La Ligue nationaliste n'aurait pas pu mieux dire. Malheureusement, les gens pratiques comme le premier ministre sont souvent comme les imaginatifs et ils oublient leurs promesses.
Voyons comment ont été réalisées de si belles promesses. Ces espérances ont été malheureusement déçues et, aujourd'hui, comme sous le régime Parent, les pouvoirs d'eau sont sacrifiés lorsqu'ils pourraient être pour la province une source de revenus incalculables.
Si le gouvernement adoptait la politique des nationalistes et louait les pouvoirs d'eau, tout serait pour le mieux. Beaucoup de pouvoirs d'eau avaient été concédés sous M. Parent sous condition d'exploitation dans un temps déterminé. Il en cite quelques-uns: une partie du rapide des Chats, rivière Ottawa, 1570 chevaux-vapeur, à la Pontiac Gold Mining Co., le 29 juin 1899, devait être exploitée dans les cinq ans. En 1907 il n'y avait encore rien de fait, les conditions ne sont pas remplies.
Le 20 décembre 1899, Thos L. Wilson obtient le pouvoir d'eau situé entre la chute à Caron et la rivière Shipshaw, sur la rivière Saguenay: 130 000 chevaux-vapeur vendus pour $3000 sous condition d'y faire des améliorations pour $300 000 dans quatre ans. Conditions pas remplies huit ans plus tard. Une pénalité de $7000 n'est pas même payée.
Le 22 juin 1900, on vend à B. A. Scott sur la Grande Décharge, rivière Saguenay, 375 000 chevaux-vapeur pour $6000 avec l'obligation de dépenser $1 000 000 pour développement. Une pénalité de $6000 est payée et le pouvoir est transféré à la Oyamel Co. C'est le même cas pour 375 000 chevaux-vapeur vendus $9000 à S. T. Higgin sur la même Grande Décharge. Je n'insiste pas trop là-dessus, ceci s'est passé avant l'arrivée du premier ministre actuel. Nous étions encore sous l'Ancien Testament.
Le 5 décembre 1900, M. Louis Simpson achète sur la rivière Ottawa 7650 chevaux-vapeur, la chute des Chats, qu'il devait exploiter dans les trois ans. Conditions pas remplies.
Le 2 mars 1901, la New-Richmond Lumber Co., qui n'est pas inconnue au député de Bonaventure, achète pour $2000 2000 chevaux-vapeur qu'elle doit développer dans les trois ans. Conditions pas remplies, mais la compagnie garde sa chute.
Il rappelle ce qu'il a déjà dit au sujet de l'extension de temps accordée à la Berlin Fall Lumber Co. pour le pouvoir de La Tuque. On a prétendu que la compagnie avait besoin de cette extension à cause de la chute du pont de Québec qui arrêtait ses opérations, que l'extension a été accordée à la demande du curé et des citoyens de l'endroit. C'est le sénateur Choquette qui a servi d'intermédiaire pour régler cette affaire. La compagnie s'en est tirée avec une petite scierie et une petite meunerie.
Il explique en détail les cas qui précèdent afin de démontrer que les forces hydrauliques restent en la possession des acquéreurs, même si les conditions de vente ne sont pas remplies et en dépit des promesses du premier ministre actuel. Cela prouve, dit-il, combien les hommes d'action mettent quelquefois du temps à accorder leurs actes avec leurs paroles. Ces pouvoirs d'eau ont été vendus pour des chansons.
Le 30 janvier 1907 arrive le nouveau régime. On a renversé du pouvoir ces hommes autocrates qui administraient le domaine national d'une façon si peu progressive. Le régime change peu. En dépit des promesses de l'école Montcalm, la même chose se poursuit sous le régime Gouin. Le premier ministre qui, à l'école Montcalm, avait promis de faire cesser la vente des pouvoirs d'eau et de les louer, n'a rien fait de cela.
Il donne ensuite les détails entourant la vente de nombreux pouvoirs d'eau dans différentes parties de la province et cite les prix. Il prétend que, dans chaque cas, le gouvernement a vendu ces pouvoirs sans les avoir annoncés suffisamment et à des prix ridicules; ce qui prouve qu'il a favorisé ses amis politiques. Concessions à M. Henry S. Auger de Montréal (30 janvier 1907), à Mme Lefebvre (17 mai 1907).
Le 30 janvier 1907, par exemple, l'on disposait d'un pouvoir de 3350 forces sur la rivière du Loup pour $1200, sans condition.
Le 3 avril 1907, pour $3500 l'honorable Geo. Bryson, conseiller législatif, obtient 52 000 chevaux-vapeur sur la rivière Ottawa, c'est la chute du Grand Calumet, un des plus beaux pouvoirs d'eau de l'Ottawa Supérieur. Cette vente se fait privément, pas à l'encan. Ceci arrive un an et demi après que M. Turgeon eut refusé à son ami de coeur, le baron de l'Épine, de concéder privément des pouvoirs dépassant 1500 chevaux-vapeur. Dans d'autres cas, l'on permet aux concessionnaires de racheter pour une bagatelle la condition d'utilisation.
Il passe aux pouvoirs hydrauliques du Témiscamingue. Concession de la chute du Diable à la compagnie Bronson. Le 28 juin 1902, concession pour $15 000 de tous les pouvoirs d'eau connus sous le nom de pouvoir d'eau des Quinze, 26 000 chevaux-vapeur, avec obligation d'exploiter dans les trois ans et d'y dépenser $50 000. Rien ne se fait et le 29 juin 1905 la compagnie rachète pour $3000 les conditions de vente et devient propriétaire de la chute du Diable, quatre mois après le discours de la salle Montcalm, et sous le gouvernement dirigé par le premier ministre actuel. Il y a sept ans que ce pouvoir est concédé et il n'y a rien de fait.
Il cite un rapport de M. Gauvin sur ce pouvoir de la compagnie Bronson donnant dans quatre rapides 72 pieds de chute et 26 200 chevaux-vapeur.
On vient d'apprendre par un journal d'Ontario, le Témiscamingue Herald, de New Liskeard, que la compagnie Bronson a vendu tous ses intérêts dans les Quinze à un M. O'Brien, directeur de chemin de fer, possesseur de limites forestières, etc.
Il passe à la vente du reste des pouvoirs hydrauliques des Quinze annoncée depuis quelques semaines et qui doit se faire le 11 mai. Quatre ans après que le pouvoir de la compagnie Bronson n'est pas encore exploité, qu'il n'est pas accessible, le gouvernement met en vente ce qui reste des chutes sur la rivière des Quinze et les divise en deux groupes, le Kai-Kai-Ke et le rapide des Îles. Le premier a été décrit par M. Gauvin en 1905. La description donnée dans l'annonce du gouvernement varie de celle donnée dans une autre publiée en 1905-1906. La force hydraulique a doublé et les conditions de vente, allégées. De plus, M. Gauvin déclare dans son rapport de 1905 qu'il n'a pas pu terminer l'inspection du rapide des Îles à cause d'un accident survenu à un de ses hommes et qu'il a dû s'en rapporter aux renseignements que lui a fournis un employé fédéral, M. Brophy. C'est cette même chute que l'on ne connaît pas que l'on va vendre le 11 mai. La nouvelle description des deux groupes double les chiffres, ce qui indique qu'on y inclut toute la région.
Il restait sur la rivière des Quinze sept rapides pouvant développer ensemble une force approximative de 40 000 chevaux-vapeur. Le gouvernement les a mis à l'enchère. Les annonces parues dans la Gazette officielle du 12 mars n'ont paru que plus tard dans 15 autres journaux dont une douzaine au moins ne sont jamais lus par les capitalistes et hommes d'affaires. Or la vente doit avoir lieu le 11 mai. Il donne les noms des journaux, la plupart ministériels, et la date des insertions de l'annonce: Le Canada, Le Soleil, Le Temps, d'Ottawa, La Presse, La Patrie, La Vigie, Le Spectateur, le Free Press, le Telegraph, le Star, le Witness, le Herald, la Gazette, le Peterborough Times et le Chronicle, de Québec. Trois fois dans le Spectateur et quatre fois dans tous les autres journaux. Dans le Spectateur, les 8, 15 et 30 avril. Dans la Vigie, les 31 mars, 3, 7, 14 et 24 avril. Dans les autres, le 31 mars, les 13 et 27 avril, et le 6 mai.
Il condamne le système utilisé pour annoncer la vente de ces pouvoirs d'eau et soutient que les annonces publiées dans les journaux quotidiens sont pratiquement inutiles et qu'elles servent uniquement à favoriser les organes ministériels. Qui est-ce qui aura le temps de se rendre compte de la situation? À qui donc surtout réserve-t-on la possession de ces pouvoirs d'eau? Et tout ceci pour des chutes situées à 75 milles du chemin de fer et dans des conditions qui rendent l'accès de la région impossible à d'autres qu'aux initiés.
Il reproche d'avoir fait la vente en hiver, à une époque où les intéressés ne pouvaient visiter les lieux. Il ajoute que la vente se fait sans rapport officiel. Cependant, un citoyen lui écrit que des ingénieurs travaillent actuellement dans la région à mesurer les forces hydrauliques, les ingénieurs refusant de dire qui les emploie.
Il analyse les avis publiés annoncés le 5 avril 1905 à la salle Montcalm. Il analyse les avis publiés dans les journaux et déclare que le nouveau ministre des Terres, M. Allard, a laissé surprendre sa bonne foi quand il les a signés. Il cite pour le Kai-Kai-Ke la condition qui ajoute au pouvoir d'eau aussi 400 acres de terrain dans le voisinage dudit rapide et du portage du Kai-Kai-Ke, depuis la tête de ce rapide jusqu'à une ligne menée en travers de la rivière des Quinze, à 900 pieds en amont de l'entrée du canal appelé Bryson Creek, ainsi que de tous les terrains qui pourraient être inondés par suite de la construction de barrages destinés à noyer les rapides en amont de celui de Kai-Kai-Ke et jusqu'au lac des Quinze exclusivement.
Il attire ensuite l'attention sur l'engagement suivant fait par le gouvernement: Le gouvernement s'engage à ne pas vendre, d'ici à 10 ans, de terrains sur les bords de la rivière des Quinze, sur une largeur ou profondeur d'au moins 15 chaînes (990 pieds), en sus des terrains ci-dessus désignés, depuis le pied des rapides nommés Islands Rapids jusqu'au lac des Quinze exclusivement, de manière à ce que l'adjudicataire ait, en tout point du rivage, un accès libre à la rivière et qu'il puisse choisir dans cette étendue les terrains qui seront nécessaires à la parfaite exploitation desdites forces hydrauliques, lesquels terrains, dont la superficie - y compris celle des terrains mentionnés dans les descriptions ci-dessus - ne dépassera pas 3500 acres pour le groupe du Kai-Kai-Ke, feront aussi partie de la propriété affermée. Il voit dans toute l'affaire une transaction désastreuse et un coup mortel porté à la colonisation dans la question des pouvoirs hydrauliques mis en vente.
L'enchère annoncée ne sera qu'une décision et l'acheteur des pouvoirs ne peut être que celui qui a le plus d'intérêt à les avoir, c'est-à-dire M. O'Brien, qui, avec celles de la compagnie Bronson, possédera toutes les chutes des Quinze. On se prépare à livrer à des capitalistes américains une des plus belles ressources de la province. Et il n'a fallu qu'une petite chicane entre Haileybury et New Liskeard pour nous faire connaître la transaction de M. O'Brien. M. O'Brien représente un syndicat américain qui a tout intérêt à mettre la main sur les pouvoirs hydrauliques de la rivière des Quinze. Ce dernier a besoin de ces pouvoirs pour les développements qu'il projette et c'est pour cela qu'il commence par absorber les intérêts de la compagnie Bronson.
La vente aura pour résultat de favoriser un chemin de fer américain qui portera dans Ontario le commerce du Témiscamingue. Et le gouvernement ne veut pas dire les noms de ceux qui veulent acheter ces pouvoirs hydrauliques, sous prétexte que l'intérêt public exige le secret. Le premier redoute la formation d'un "combine". Pourquoi ce secret quand la nouvelle désirée nous arrive d'Ontario? Pourquoi les ingénieurs d'un inconnu étaient-ils rendus sur les lieux avant la publication des annonces? Pourquoi vendre des forces qu'on ne connaît pas?
Il n'est pas un homme ayant la dîme de l'intelligence du premier ministre qui voudrait vendre sa propriété dans les conditions où la vente de ces chutes va se faire. Il n'y avait qu'un moyen d'éviter le "combine", c'était d'agir au grand jour. En tout cas, la vente annoncée ne pourra se faire que dans des conditions désavantageuses pour la province et il demande au premier ministre de la "canceller".
Les obligations d'exploitation imposées aux acquéreurs ne sont presque jamais remplies par les compagnies qui préfèrent payer la pénalité fixée. La province est sacrifiée aujourd'hui comme dans le passé.
Il termine en dénonçant le premier ministre, car il poursuit une politique indéfendable tant au point de vue économique qu'au point de vue patriotique.
L'honorable M. Gouin (Portneuf): Je vous trouve, Monsieur le Président, bien indulgent de souffrir de pareils discours; vous avez été bien indulgent de laisser le député de Saint-Hyacinthe parler si longtemps sur des sujets pratiquement étrangers à la question. Le député de Saint-Hyacinthe s'est plu à citer un discours que j'ai fait à l'école Montcalm.
Il relit sa déclaration du 5 avril 1905 et ajoute qu'avec l'aide de ses collègues il a réalisé ses promesses. Le député de Saint-Hyacinthe rit, c'est très facile pour lui qui n'a jamais rien réalisé. Ce que je pensais alors, en 1905, au sujet des forces hydrauliques, je le pense encore aujourd'hui. Je croyais alors, et je le crois encore, qu'il n'est pas toujours de l'intérêt public de vendre à l'enchère tous les pouvoirs d'eau.
Il n'est pas toujours bon de se prêter aux combinaisons qui ne peuvent avoir que pour but d'obtenir nos ressources à vil prix. Ce système a réussi dans certains cas, il n'a pas réussi dans d'autres. Son opinion est que, dans l'intérêt de la province de Québec, les pouvoirs d'eau de mince importance ne doivent pas être vendus à l'enchère.
Quant aux autres, tout dépend encore des circonstances. Nous en avons offert aussi bon nombre à l'enchère. Certains ont même été vendus à des prix dérisoires, faute d'offres suffisantes et faute d'annonces suffisantes. Mais nous en avons vendu plusieurs avec de grands avantages pour la province. J'affirmais alors que ces forces devaient être exploitées pour le bien de la province et dans un délai raisonnable. D'ailleurs, ce que le gouvernement fait aujourd'hui, les gouvernements précédents l'ont fait avant lui. Les conservateurs, devenus les amis du député de Saint-Hyacinthe, dans le passé ne s'occupaient guère des forces hydrauliques. C'est M. Marchand qui a inauguré la vente des pouvoirs d'eau en vendant ceux de Grand'Mère. Et, aujourd'hui, au lieu de la forêt, nous avons les villes de Shawinigan et de Grand'Mère. S'il fallait en croire les nationalistes, nous n'aurions jamais dû vendre ces pouvoirs. Au lieu des villes, nous aurions encore la forêt. S'il avait fallu s'arrêter aux chinoiseries - comme le dit l'opposition - nous n'aurions pas de Grand'Mère.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Vous n'allez pas m'accuser de vouloir détruire les grand-mères!
L'honorable M. Gouin (Portneuf): Non, car c'est heureux pour vous que vous ayez une grand-mère et surtout un grand-père2. Je ne prétends pas avoir les beaux gestes ou l'éloquence du député de Saint-Hyacinthe, mais j'ai quelque chose qu'il n'a pas, qu'il n'a jamais eu et qu'il n'aura probablement jamais, la sincérité au service du pays.
Il a fait, cet après-midi, un discours de "hustings", cherchant à tromper la députation. Il a soutenu que nous avions manqué à nos promesses en vendant certains pouvoirs d'eau. Comme question de fait, je ne crains pas de dire que dans tout son discours l'honorable député s'est tenu constamment éloigné de la vérité. Il n'y a pas contradiction entre mes actes et mes paroles parce que je n'avais pas promis de concéder toutes les forces hydrauliques à l'enchère.
Je suis surpris de voir un homme de sa valeur s'amuser à faire toujours des phrases sonores les jeudis après-midi pour recueillir les applaudissements et le sourire de la jeunesse des galeries qui le suit depuis le commencement de la session et qui attendait un discours depuis deux semaines et à qui on a fait dire que le député de Saint-Hyacinthe parlerait. C'est bien la conduite d'un jeune homme et non celle d'un homme réfléchi.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Pardon, il y a plusieurs jours que ma motion était sur l'ordre du jour.
L'honorable M. Gouin (Portneuf): Oui, mais on sait que c'est toujours le jeudi que vous parlez, le jour de tribune des écoliers.
Le député de Saint-Hyacinthe a dit que nous avons vendu les pouvoirs d'eau sans les annoncer. À cette occasion, il s'est attaqué à ses anciens amis politiques. Que ce soient M. Belcourt, M. Tobin ou autres, c'est du favoritisme quand nous vendons les forces hydrauliques. Venons aux faits. Le député de Saint-Hyacinthe a prétendu que nous avons vendu à M. Bryson un pouvoir de la rivière Ottawa pour $3500. Mais que s'est-il vraiment passé? La vérité, c'est que M. Bryson était propriétaire de la rivière, le gouvernement ne lui a vendu que le lit d'une partie de la rivière d'Ottawa. Le pouvoir d'eau appartenait déjà à M. Bryson. C'est simplement le lit de la rivière qui fut vendu.
Il en est de même dans les autres cas: ainsi dans le cas de Mme Lefebvre, de même le cas de M. Onge3. C'est la même chose donc, ce n'est pas le pouvoir d'eau, mais le lit des rivières que nous avons vendu. Dans le cas de Mme Lefebvre, le pouvoir d'eau était exploité depuis des années. Pour éviter des procès pour assurer le titre de propriété, on vendit les droits à la propriété du lit. Est-ce là mauvaise administration? Fallait-il attendre des procès? L'honorable député a parlé du pouvoir de La Tuque partout dans la province, criant au scandale. Mais il y revient avec moins d'aigreur que pendant la campagne nationaliste alors qu'il comptait sur des succès faciles en calomniant le gouvernement et les ministres. Aujourd'hui, 6 de mai, nous les avons devant nous, ces messieurs, et après tant d'accusations et de calomnies à ce sujet, après deux mois de session, ils ne prétendent plus que c'est le même scandale, que les ministres ont sacrifié les intérêts de la province.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Pardon, j'en ai parlé dans mon discours sur le débat de l'adresse au trône, j'ai répété tout ce que j'avais dit sur le pouvoir de La Tuque.
L'honorable M. Gouin (Portneuf): Oh! je m'en rappelle et tous les députés se rappellent votre fuite. À une interruption que j'ai faite à ce sujet, demandant de préciser, le député de Saint-Hyacinthe prit une tangente pour se dérober et on ne l'a pas revu depuis sur cette question. La seule vérité sur ce cas, c'est que le gouvernement a étendu de trois ans le délai pour la mise en exploitation à une compagnie qui a fait beaucoup pour le développement de cette région et qui avait souffert de la chute du pont de Québec. Le député de Saint-Hyacinthe à ce sujet a attaqué M. Choquette. Il a parlé avec moquerie de la chute du pont de Québec. Le pont de Québec est tombé, c'est vrai, et le député de Saint-Hyacinthe n'aurait pu l'empêcher de tomber.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Oh non!
L'honorable M. Gouin (Portneuf): Et encore, je ne sais pas si son instinct de destruction ne l'eût pas porté à laisser faire la chute, même s'il avait pu l'empêcher. Moi, je l'aurais fait si j'avais pu.
Mais je reviens au sujet. C'est à la demande des citoyens et du curé de La Tuque que l'extension a été accordée. Or le curé de La Tuque est connu. C'est un prêtre dévoué qui s'occupe un peu de colonisation, qui fait même des conférences. Ce n'est pas un ami du gouvernement, cela se voit surtout dans les petites discussions qui suivent ses conférences. M. Corbeil est venu lui-même demander l'extension de trois ans pour la compagnie pour faire les travaux. On en a déjà fait de très considérables. Les citoyens ont demandé un délai de trois ans pour la compagnie et on a cru devoir l'accorder, sachant que la compagnie ne pouvait entrer en opération, ne pouvant plus compter sur le chemin de fer, qui aurait traversé le pont. Nous n'avons pas cru devoir faire perdre à de bons citoyens leurs capitaux en profitant d'un accident. Après tout, si le gouvernement a mal fait dans cette affaire, la Chambre pourra, par un vote, le censurer. Mais je ne crois pas que ce soit après de telles déclarations en l'air qu'elle le fera.
Il ne reste que cinq minutes, je répondrai ce soir à toutes les critiques, à toutes les accusations du député de Saint-Hyacinthe. Mais il a surtout insisté sur la vente des forces hydrauliques du rapide des Quinze. Nous n'avons pas voulu donner, dans l'intérêt public, les noms de ceux qui veulent l'acheter, car il aurait pu y avoir entente entre eux sur le prix. Le député de Saint-Hyacinthe alors a crié au scandale. Pour lui montrer que le scandale n'existe que dans son imagination, nous sommes prêts à lui donner, ainsi qu'au chef de l'opposition, les noms de ceux qui se portent acquéreurs, mais ils ne doivent pas être rendus publics. Cela, pour montrer que rien ne se fait en cachette et pour montrer que le seul motif qui anime les ministres, c'est l'avantage et l'intérêt de la province. Toutes les actions du gouvernement peuvent faire l'objet d'une enquête et toutes les informations demandées seront transmises en toute franchise. Rien ne sera tenu secret ou caché.
Je propose l'ajournement de ce débat. Quand j'y reviendrai, je m'engage à réfuter toutes les erreurs et insinuations avancées par le député de Saint-Hyacinthe. Et on verra que, malgré tout ce qu'on dit, nous n'avons encore en vue que les meilleurs intérêts de la province. Le gouvernement ne se laissera pas influencer par tous ces cris de l'opposition et continuera à suivre une politique qui s'est révélée juste, avantageuse et saine4.
Il propose, appuyé par le représentant d'Argenteuil (l'honorable M. Weir), que ce débat soit ajourné.
Adopté.
Compagnie La Nationale
M. Galipeault (Bellechasse) propose, appuyé par le représentant de Témiscouata (M. Dion), qu'il soit mis devant cette Chambre copie des lettres patentes constituant en compagnie La Nationale, ainsi que copie de toute requête et de documents produits par toutes personnes demandant la constitution en corporation de ladite compagnie.
Adopté.
Honoraires pour bills privés
M. Gault (Montréal no 5) propose, appuyé par le représentant de Compton (M. Giard), qu'il soit mis devant cette Chambre un état détaillé du montant de $15 153.43, indiqué à la page 6 des comptes publics, en 1908, comme ayant été reçu pour honoraires sur bills privés et montrant, séparément, les sommes payées pour honoraires et celles payées pour impression, traduction, etc.
Adopté.
Division des municipalités du village de Saint-Octave
M. Lavergne (Montmagny) propose, appuyé par le représentant de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa), qu'une humble adresse soit présentée à Son Honneur le lieutenant-gouverneur, le priant de bien vouloir mettre devant cette Chambre copie de toute correspondance, de documents, arrêtés ministériels concernant la division des municipalités du village de Saint-Octave, de Saint-Octave de Métis Sud, et de la paroisse de Saint-Octave de Métis.
Adopté.
Octrois à la municipalité scolaire de la paroisse du bienheureux Alphonse de Rodriguez
M. Tellier (Joliette) propose, appuyé par le représentant de Compton (M. Giard), qu'une humble adresse soit présentée à Son Honneur le lieutenant-gouverneur, le priant de bien vouloir mettre devant cette Chambre copie de tous ordres en conseil, requêtes, lettres et autres documents se rapportant aux octrois spéciaux faits à la municipalité scolaire de la paroisse du bienheureux Alphonse de Rodriguez, dans le comté de Joliette, depuis le 1er janvier 1905 jusqu'à ce jour, ainsi qu'un tableau détaillé de ces octrois.
Adopté.
Médecins et chirurgiens de la province de Québec
La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 168 amendant et refondant la loi relative aux médecins et chirurgiens de la province de Québec.
Les amendements sont lus une deuxième fois.
La séance est levée à 6 heures.
Deuxième séance du 6 mai 1909
Présidence de l'honorable P. Pelletier
La séance est ouverte à 8 h 40.
Messages du Conseil législatif:
M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:
Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté les bills suivants sans amendement:
- bill 45 amendant les statuts refondus et le code de procédure civile relativement au district de Chicoutimi;
- bill 125 amendant la charte de la cité de Sorel.
Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté le bill suivant avec certains amendements pour lesquels il lui demande son concours:
- bill 124 constituant en corporation The Crown Trust Company.
The Crown Trust Company
La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 124 constituant en corporation The Crown Trust Company.
Les amendements sont lus deux fois.
Médecins et chirurgiens de la province de Québec
M. Côté (Saint-Sauveur) propose, appuyé par le représentant de Saint-Maurice (M. Delisle), que la Chambre adopte les amendements faits par le Conseil législatif au bill 168 amendant et refondant la loi relative aux médecins et chirurgiens de la province de Québec.
Les amendements sont adoptés sur division. Le bill est retourné au Conseil législatif.
Déclarations de certaines corporations, compagnies, sociétés et personnes
L'honorable M. Roy (Kamouraska) propose, selon l'ordre du jour et appuyé par le représentant de Nicolet (l'honorable M. Devlin), que le bill 205 amendant la loi concernant les déclarations que doivent faire certaines corporations, compagnies, sociétés et personnes soit maintenant lu une deuxième fois.
Adopté sur division. Le bill est renvoyé au comité général.
L'honorable M. Roy (Kamouraska) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.
Adopté.
En comité:
L'honorable M. Roy (Kamouraska): L'objet du bill est de diminuer l'amende imposée aux corporations qui négligent de se faire enregistrer. D'après la loi actuelle, les corporations qui négligent ce devoir sont passibles d'une amende de $400 et le président de la compagnie, d'une amende de $200. Le nouveau bill réduit ces sommes à $200 et à $100 respectivement.
M. Tellier (Joliette) demande quelles sont les raisons d'une pareille modification.
L'honorable M. Roy (Kamouraska): Ces changements ont été apportés à la demande des "Boards of Trade", qui représentent les corporations qui sont supposées se faire enregistrer.
M. Tellier (Joliette): Il est bel et bon de changer la loi pour plaire aux "Boards of Trade", mais le public en général n'a pas été consulté à ce sujet. Aujourd'hui, toute corporation sait qu'il lui faut faire enregistrer sa raison sociale sous peine d'une lourde amende, mais si on réduit cette amende on négligera d'obéir à la loi. Au lieu d'introduire cette loi, les amendes devraient être augmentées pour forcer les corporations et les firmes à s'enregistrer.
Il proteste contre ce projet de loi qui tend à encourager les infractions à la loi et, par là, à causer bien des pertes aux citoyens de la campagne qui sont si souvent victimes des représentants de ces compagnies et qui, ensuite, ne peuvent plus trouver ces compagnies lorsqu'ils veulent les citer en justice.
L'honorable M. Gouin (Portneuf): Depuis plusieurs mois, certains individus, à Montréal, avaient fait une spécialité de la chasse aux corporations qui n'avaient pas été enregistrées, métier qui peut devenir lucratif, la moitié de l'action revenant à celui qui l'a intentée. Les chambres de commerce n'ont pas été les seules à réclamer le changement, des juges ont fait la même demande. Des abus se commettent.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) et M. Prévost (Terrebonne) s'opposent à ces réductions.
Des députés de l'opposition s'étonnent qu'au moment où les infractions augmentent les amendes diminuent.
L'honorable M. Roy (Kamouraska) prend la parole.
Le comité étudie l'article 1 qui se lit comme suit:
"1. L'article 4757 des statuts refondus est amendé:
"a. En en remplaçant les mots: "quatre cents", dans la quatrième ligne, par le mot: "cent";
"b. En en remplaçant les mots: "deux cents", dans les cinquième et sixième lignes, par le mot: "cinquante."
L'article 1 est amendé en remplaçant, à la fin du 2e alinéa, le mot "cent" par les mots "deux cents"; en remplaçant, à la fin du 3e alinéa, le mot "cinquante" par le mot "cent". Et ledit article est adopté.
Le comité étudie l'article 2 qui se lit comme suit:
"2. L'article 5639 des statuts refondus est amendé:
"a. En y insérant après le mot: "section", dans la troisième ligne, les mots: "ou du troisième alinéa de l'article 1834 du code civil";
"b. En en remplaçant les mots: "deux cents", dans la quatrième ligne, par le mot: "cinquante."
L'article 2 est amendé en remplaçant, à la fin du 3e alinéa, le mot "cinquante" par le mot "cent". Et ledit article est adopté.
L'article 3 est adopté.
Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a modifié. La Chambre procède à la prise en considération du bill ainsi amendé en comité général.
L'honorable M. Roy (Kamouraska) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Expropriation de terrains pour l'exploitation de pouvoirs hydrauliques
La Chambre procède de nouveau à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 29 concernant l'expropriation des terrains requis pour le développement et l'exploitation de certains pouvoirs hydrauliques.
Les amendements sont lus une deuxième fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.
Loi sur les accidents du travail
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité général pour étudier le bill 34 concernant les responsabilités des accidents dont les ouvriers sont victimes dans leur travail, et la réparation des dommages qui en résultent.
Adopté.
En comité:
Le comité reprend l'étude de l'article 9 qui se lit comme suit:
"9. Dès que la permanence de l'incapacité du travail est constatée ou, en cas de mort de la victime, dans le mois de l'accord entre le chef d'entreprise et les intéressés, et, à défaut d'accord, dans le mois du jugement définitif qui le condamne, le chef d'entreprise doit payer, suivant le cas, le montant de l'indemnité à la victime ou à ses représentants, ou le capital des rentes à une compagnie d'assurances agréée à cette fin par arrêté du lieutenant-gouverneur en conseil."
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) se fait l'avocat de l'assurance obligatoire dont les primes seraient payées partie par le patron et partie par l'employé. Cette assurance serait tout à fait minime: $7 ou $8 par année. D'après le système actuel, l'ouvrier court le risque d'avoir affaire à un patron insolvable; alors, adieu l'indemnité.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) déclare que ce danger est illusoire, les patrons devant jeter les bases d'une assurance.
M. Blouin (Lévis) corrobore cette assertion.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency), tout en reconnaissant les avantages de l'assurance obligatoire, prétend que son application dans notre pays serait prématurée. La commission technique, dans son rapport, a désapprouvé l'assurance obligatoire.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Les commissaires ont tellement senti la faiblesse de leur conclusion après tous les témoignages qu'ils avaient entendus, qu'ils n'ont pas osé la mettre dans leur véritable rapport. Les neuf dixièmes des témoins entendus par la commission - tous les ouvriers, sauf un, et les trois quarts des patrons - se sont déclarés favorables à l'assurance obligatoire.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency5): Il est évident que le député de Saint-Hyacinthe veut être désagréable. Par animosité contre le premier ministre, il dénigre tout ce qui provient de ce côté-ci de la Chambre.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Il est inutile que le ministre se mette en colère. Je veux rendre la loi aussi bonne que possible. Quant à mes sentiments pour le premier ministre, le député de Montmorency devrait être le dernier homme à en parler, lui qui admirait si peu le député de Portneuf (l'honorable M. Gouin) lorsque celui-ci étouffait son ami et son chef, M. Parent.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Il y a eu un temps où le député de Saint-Hyacinthe admirait le premier ministre plus que je ne l'admire moi-même aujourd'hui.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Oui, j'admirais le ministre de la Colonisation (l'honorable M. Gouin) avant 1905, lorsqu'il avait des principes. J'admirais le ministre de la Colonisation dénonçant M. Parent pour faire mieux; je n'admire plus le premier ministre copiant le régime Parent sur toute la ligne.
L'honorable M. Weir (Argenteuil) veut protester.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Je ne parle pas du ministre de la Colonisation actuel, je parle de l'ancien (M. Gouin), qui s'est débarrassé de l'ancien associé et vieil ami de l'actuel ministre des Travaux publics et du Travail (M. Taschereau).
L'article 9 est amendé en insérant après le mot "cas", dans la 5e ligne, les mots "au choix de la victime ou de ses représentants". Et ledit article est adopté.
L'article 14 est adopté.
Le comité étudie l'article 15 qui se lit comme suit:
"15. Les dommages résultant des accidents survenant par le fait du travail ou à l'occasion du travail dans les cas prévus par la présente loi ne donnent lieu, à charge du chef d'entreprise, au profit de la victime ou de ses ayants droit, qu'aux seules réparations déterminées par cette loi."
L'article 15 est amendé en insérant après le mot "droit", dans la 4e ligne, les mots "tel que défini à l'article 3 de la présente loi". Et ledit article est adopté.
Le comité étudie l'article 16 qui se lit comme suit:
"16. Tous montants payés par une compagnie d'assurances ou une société de secours mutuels sont imputés en déduction des sommes et rentes payables en vertu de la présente loi, jusqu'à due concurrence, si le patron justifie qu'il avait pris à sa charge les cotisations ou primes exigées pour cet objet. Mais l'obligation du patron continue si la compagnie ou société néglige ou devient incapable de servir l'indemnité à laquelle elle est tenue."
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) voudrait ajouter, à la 5e ligne, après "à sa charge" les mots "en tout ou en partie".
Des députés de l'opposition prétendent qu'avec cette addition il suffira à un patron de payer 10 pour cent des primes d'assurances d'un ouvrier pour le priver des bienfaits de cette assurance.
L'amendement est rejeté.
Cet article est adopté.
L'article 17 est adopté.
Le comité étudie l'article 18 qui se lit comme suit:
"18. La victime est tenue, si le chef d'entreprise l'exige par écrit, de subir un examen fait par un médecin pratiquant, choisi et payé par le chef d'entreprise et, si elle refuse de se soumettre à cet examen ou s'y oppose en aucune façon, son droit à l'indemnité, ainsi que tout recours pour le mettre à effet, reste suspendu jusqu'à ce que l'examen ait lieu."
Un député de l'opposition propose d'ajouter à la fin de l'article les mots "La victime, dans ce cas, aura toujours le droit d'exiger que l'examen soit fait en présence d'un médecin de son choix".
Adopté.
L'article 19 est adopté.
Le comité étudie l'article 20 qui se lit comme suit:
"20. La créance de la victime de l'accident ou de ses ayants droit relative aux frais de médecin et aux frais funéraires, ainsi qu'aux indemnités allouées à la suite de l'incapacité temporaire de travail, est garantie par un privilège sur les biens meubles et immeubles du chef d'entreprise prenant rang concurremment avec la créance mentionnée au paragraphe 9 de l'article 1994 et au paragraphe 9 de l'article 2009 du code civil.
"Le paiement de l'indemnité pour incapacité permanente de travail, ou accident suivi de mort, est garanti tant que l'indemnité n'a pas été payée ou que la somme requise pour constituer la rente exigible n'a pas été versée à une compagnie d'assurances ou autrement payée en vertu de cette loi, par un privilège de même nature et de même rang."
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose d'ajouter, à la fin de cet article, les mots "sur les meubles, et prenant rang sur les immeubles après les autres privilèges et hypothèques".
Des députés de l'opposition prétendent que cet amendement enlève à l'ouvrier la première garantie sur les biens du patron.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) trouve que l'ouvrier est déjà protégé et qu'il faut faire quelque chose pour le patron.
La proposition est adoptée.
L'article 20 est amendé en retranchant, dans la 7e ligne, tous les mots après les chiffres "1994" dudit paragraphe; en ajoutant, à la fin du 2e paragraphe, les mots "sur les meubles, et prenant rang sur les immeubles après les autres privilèges et hypothèques".
Et ledit article est adopté.
Les articles 21 à 26 sont adoptés.
Le comité étudie l'article 27 qui se lit comme suit:
"27. Avant d'avoir recours aux dispositions de la présente loi, l'ouvrier doit y être autorisé par un juge de la Cour supérieure, sur requête signifiée au patron. Le juge peut, avant d'accorder cette requête, l'ajourner ou employer tels moyens qu'il croit utiles pour amener une entente entre les parties. Si elles s'accordent, il peut rendre jugement conformément à cette entente, sur la requête même, et ce jugement a le même effet qu'un jugement final de la cour de juridiction compétente."
Des députés de l'opposition n'admettent pas ce recours au juge. Dans une foule de cas l'accident se produit loin du siège de la Cour supérieure et cette disposition ne peut qu'embarrasser de pauvres gens. Ils s'élèvent contre les formalités, requêtes et affidavits que le juge pourra exiger à l'appui de la requête de la victime.
M. Tellier (Joliette) dénonce cette clause comme très dangereuse: premièrement, parce qu'elle met le juge dans l'obligation de se prononcer sur le mérite de la cause avant d'avoir connu tous les faits et qu'un juge qui s'est déjà prononcé une fois revient difficilement sur sa première décision; deuxièmement, parce que si le juge, avant de connaître tous les faits, décide que l'ouvrier n'a pas droit d'action, celui-ci est privé de tout autre recours.
M. Prévost (Terrebonne), M. Cousineau (Jacques-Cartier), M. Plante (Beauharnois) et M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) appuient cette opinion.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) voudrait que la victime fût obligée d'envoyer un avis au patron. Il allègue qu'un patron qui a plusieurs usines peut ne pas connaître l'accident.
Il propose un amendement obligeant l'ouvrier à donner un avis de son intention de poursuivre dans les huit jours de l'accident. Si l'avis n'était pas donné, le juge restait libre d'accorder ou de refuser l'action.
M. Geoffrion (Verchères) s'oppose à cet amendement qui causerait des dommages et des ennuis considérables aux ouvriers. Une semblable disposition existe dans la charte de Montréal et son application n'a pas été pratique. Il est persuadé que dans les districts ruraux cette nouvelle formalité serait pour le moins inopportune.
M. Prévost (Terrebonne) s'oppose à cet amendement.
Il y a lieu de croire que c'est le marchand de bois qui l'a sollicité en cas d'accident dans les chantiers, par exemple, et dans l'espoir qu'en multipliant les délais il aura le temps de circonvenir la veuve et de régler avec elle à l'amiable pour une somme ridicule.
M. Tellier (Joliette): L'amendement irait bien avec le reste de la loi. Cependant, quant à lui, il serait encore prêt à accepter l'obligation de l'avis. Il voit 10 fois plus d'inconvénients dans la clause précédente qui oblige l'ouvrier à adresser une requête à un juge avant de se servir de la loi.
L'amendement est rejeté.
M. Plante (Beauharnois) et M. Cousineau (Jacques-Cartier) prennent la parole.
Cet article est amendé et se lit désormais comme suit:
"27. Avant d'avoir recours aux dispositions de la présente loi, l'ouvrier doit y être autorisé par un juge de la Cour supérieure, sur requête signifiée au patron. Le juge, sans enquête ni affidavit, doit accorder cette requête, mais peut auparavant employer tels moyens qu'il croit utiles pour amener une entente entre les parties. Si elles s'accordent, il peut rendre jugement conformément à cette entente, sur la requête même, et ce jugement a le même effet qu'un jugement final de la cour de juridiction compétente."
L'article 28 est adopté.
Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a modifié. Les amendements sont lus une première fois.
La séance est levée à minuit quarante-cinq.
__________
NOTES
1. L'Événement attribue ces propos à M. Bourassa.
2. Il fait référence à Louis-Joseph Papineau.
3. Le Soleil parle de M. Augé.
4. Selon le Montreal Daily Herald, M. Gouin aurait continué son discours à la séance du soir. Cependant, aucune autre source ne confirme cette information.
5. Plusieurs journaux rapportent cette altercation entre M. Taschereau et M. Bourassa, mais aucun ne mentionne exactement à quel moment elle a lieu. Nous avons cru pertinent de l'insérer après les interventions de M. Bourassa.