Débats de l'Assemblée législative (débats reconstitués)
Version finale
18e législature, 1re session
(3 novembre 1931 au 19 février 1932)
Le mardi 10 novembre 1931
Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.
Présidence de l'honorable T.-D. Bouchard
La séance est ouverte à 3 h 30.
Prière.
M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!
Présentation de pétitions:
Plusieurs pétitions sont présentées devant la Chambre.
Lecture de pétitions:
Conformément à l'ordre du jour, les pétitions suivantes sont lues et reçues par la Chambre:
- des curé et marguilliers de l'oeuvre et fabrique de la paroisse de Saint-Clément, demandant l'adoption d'une loi amendant la loi 2 George V, chapitre 124, et la loi 4 George V, chapitre 143, et pour d'autres objets connexes (M. Fauteux);
- de la cité de Montréal, demandant l'adoption d'une loi modifiant sa charte relativement au système de conduits souterrains (M. Gabias);
- de la cité de Montréal demandant l'adoption d'une loi modifiant sa charte (M. Gabias);
- de la Commission métropolitaine de Montréal, demandant l'adoption d'une loi modifiant la loi la constituant en corporation (M. Gabias);
- de Maurice Gauthier et autres, demandant l'adoption d'une loi concernant la succession Chénier Émond (M. Gabias);
- de l'hôpital Saint-Luc, demandant l'adoption d'une loi modifiant la loi le constituant en corporation (M. Gabias);
- de la cité de Hull, demandant l'adoption d'une loi modifiant sa charte (M. Guertin);
- de Philippe Simard, demandant l'adoption d'une loi autorisant le bureau des médecins et chirurgiens à l'admettre à la pratique de la médecine, de la chirurgie et de l'obstétrique (M. Moreault, Rimouski);
- de J.-Arsène Morin, demandant l'adoption d'une loi autorisant le Barreau à l'admettre à la pratique du droit, sans examen (M. Rochette);
- des syndics de la paroisse Sainte-Catherine, demandant l'adoption d'une loi modifiant la loi concernant l'église de ladite paroisse (M. Vautrin);
- de la Commission des écoles catholiques de Montréal, demandant l'adoption d'une loi pour l'obtention de certains amendements aux lois qui la régissent (M. Vautrin);
- de dame Éva Morin, épouse de Lucien Martin, demandant l'adoption d'une loi concernant la succession de Hubert Morin (M. Bercovitch).
Messages du Conseil législatif:
M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:
Conseil législatif
Le 4 novembre 1931
Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a nommé un comité permanent pour assister l'Orateur dans l'administration de la Bibliothèque, en tant que les intérêts du Conseil législatif sont concernés, et pour agir au nom du Conseil législatif comme membres du comité mixte des deux Chambres, au sujet de la Bibliothèque, et que ce comité soit composé des honorables MM. Chapais, Choquette, Daniel, Girouard, Kelly, Pérodeau, Power et Simard.
Il est ordonné que cette résolution soit communiquée à l'Assemblée législative.
Comité permanent et conjoint de la Bibliothèque de la Législature
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, appuyé par le représentant de Châteauguay (l'honorable M. Mercier fils), que les honorables MM. Taschereau, Mercier fils, Perrault, Dillon et Francoeur, MM. Bédard, Béïque, Côté (Bonaventure), Duffy, Fisher, Fortier, Gault, Gauthier, Guertin, Paquet, Rochette, Stockwell et Vautrin soient nommés membres du comité de la Bibliothèque et représentent cette Chambre dans le comité mixte des deux Chambres qui est chargé d'assister MM. les Orateurs dans l'administration de la Bibliothèque de la Législature.
Adopté.
Il est ordonné qu'un message soit envoyé à l'honorable Conseil législatif, lui communiquant la résolution précédente.
Il est ordonné que le greffier porte ce message au Conseil législatif.
Comité permanent et conjoint des impressions législatives
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, appuyé par le représentant de Châteauguay (l'honorable M. Mercier fils), qu'il soit envoyé au Conseil législatif un message l'invitant à se joindre à cette Chambre pour former un comité mixte qui s'occupe des impressions législatives durant la session en cours, et l'informant que les honorables MM. Taschereau, Perrault et David, MM. Bergeron, Cohen, Duplessis, Gault, McDonald, Saurette, Savoie et Smart représenteront cette Chambre dans ledit comité mixte.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier porte ce message au Conseil législatif.
Loi des compagnies, articles 59 et 143
L'honorable M. Taschereau (Montmorency), appuyé par le représentant de Châteauguay (l'honorable M. Mercier fils), demande la permission de présenter le bill 3 modifiant les articles 59 et 143 de la loi des compagnies de Québec.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Loi de la division territoriale, article 7
L'honorable M. Taschereau (Montmorency), appuyé par le représentant de Châteauguay (l'honorable M. Mercier fils), demande la permission de présenter le bill 8 modifiant l'article 7 de la loi de la division territoriale.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Nouvelle division d'enregistrement et nouvelles municipalités de comté
L'honorable M. Taschereau (Montmorency), appuyé par le représentant de Châteauguay (l'honorable M. Mercier fils), demande la permission de présenter le bill 12 modifiant les statuts refondus, 1925, relativement à la création d'une nouvelle division d'enregistrement et de nouvelles municipalités de comté.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Notes sténographiques des témoignages
L'honorable M. Taschereau (Montmorency), appuyé par le représentant de Châteauguay (l'honorable M. Mercier fils), demande la permission de présenter le bill 15 modifiant le Code de procédure civile pour remédier au défaut de transcription des notes sténographiques des témoignages dans certains cas.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Aide aux chômeurs
L'honorable M. Francoeur (Lotbinière), appuyé par le représentant de Châteauguay (l'honorable M. Mercier fils), demande la permission de présenter le bill 17 de l'aide aux chômeurs, 1931.
Le but de ce bill est de permettre au gouvernement de réunir et de dépenser les sommes nécessaires à l'assistance aux chômeurs, aussi bien pour ce qui est des mesures que son propre programme pourrait prévoir que pour ce qui est fait en collaboration avec les municipalités, puisque le gouvernement devra payer 25 pour cent des coûts de tous les travaux de ce genre exécutés par les municipalités de cette province. Ottawa paiera un autre 25 pour cent et les municipalités le reste. Cela découle de ce qui a été fait l'an dernier.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Dépôt de documents:
Rapport de la Commission des services publics
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) dépose sur le bureau de la Chambre le vingt-deuxième rapport annuel de la Commission des services publics pour l'année finissant le 30 juin 1931. (Document de la session no 17)
Municipalités scolaires, écoles et enseignants
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) dépose sur le bureau de la Chambre la liste des municipalités scolaires, des écoles et du personnel enseignant, 1931. (Document de la session no 15)
État financier des corporations scolaires
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) dépose sur le bureau de la Chambre l'état financier des corporations scolaires pour l'année finissant le 30 juin 1930. (Document de la session no 14)
Liste des corporations municipales
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) dépose sur le bureau de la Chambre la liste des corporations municipales 1931-1932. (Document de la session no 16)
Adresse en réponse au discours du trône
Conformément à l'ordre du jour, la Chambre reprend le débat, ajourné le 5 novembre, sur la motion proposée le 4 novembre courant, à l'effet d'adopter une adresse en réponse au discours du trône de son Honneur le lieutenant-gouverneur de la province de Québec.
À Son Honneur
le lieutenant-gouverneur
de la province de Québec
Nous, les membres de l'Assemblée législative de Québec, réunis en session, prions Votre Honneur de bien vouloir agréer, avec l'assurance de notre fidélité à sa Majesté, nos humbles remerciements pour le discours qu'il lui a plu de prononcer, afin de faire connaître les raisons de la convocation des Chambres.
M. l'Orateur donne la parole au représentant de Rouville (M. Barré).
M. Barré (Rouville)1: M. l'Orateur, C'est avec émotion et inquiétude que je prends la parole dans cette enceinte où tant de Canadiens se sont illustrés et ont illustré notre peuple de leurs talents. Émotion bien naturelle à un débutant dans la vie parlementaire. Inquiétude bien naturelle aussi pour le cultivateur que je suis. Venu du fond de nos campagnes québécoises, je me demande si, dans une Chambre où les démarcations de parti me placent en face d'une majorité adverse, je pourrai atteindre le but que je me suis assigné: servir utilement mon pays, mes concitoyens en général.
Des voix de la droite: Plus fort.
M. Barré (Rouville): La semaine dernière, le député de Sainte-Marie dénonçait les luttes de classes, et jeudi dernier l'honorable premier ministre s'élevait contre les gouvernements des classes. Des luttes de classes, il n'en faut pas, mais le moyen de les éviter c'est de rendre justice à toutes les classes. Il faut qu'aucune classe ne souffre. Un peuple, c'est un tout composé de toutes les classes dont chacune a un rôle important à remplir; et, de même qu'un peuple doit être composé de classes sociales différentes, ayant chacune son rôle, son utilité et sa valeur propre, un gouvernement doit être composé de représentants de toutes les classes, afin que le point de vue, les aspirations de chacun soient connus et respectés.
Rôle nourricier de la terre, disait le député de Sainte-Marie, mercredi dernier. Personne ne sera surpris, M. l'Orateur, si moi, un terrien, je reprends ces paroles d'un député de la cité, et si je parle de cette terre canadienne, de ceux qui la remuent, pour la féconder, si je parle de leur situation et de leurs besoins.
Me serait-il permis, M. l'Orateur, de protester immédiatement contre une expression du député de Sainte-Marie? Je veux croire qu'elle a mal rendu sa pensée. Parlant des malheureux qui, dans nos villes, sont sans travail, l'honorable député a fait remarquer qu'un grand nombre venait des campagnes, et il les qualifie de déserteurs du sol.
M. l'Orateur, je suis un terrien de naissance, je connais cette terre de mon pays, je connais ceux qui la défrichent: ce sont mes frères. Pour nous, la terre c'est "la grande amie", qui nous parle un langage intime dans la grande paix des champs. Pour nous la terre, c'est l'aimante passionnée, caressée de nos mains et de nos lèvres qui gardent la trace des contacts et des poussières de notre sol.
Pour nous terriens, la terre c'est la vie, notre vie passée, présente et à venir. C'est l'histoire de la vie de mon père, c'est l'histoire de ma vie, c'est encore pour moi l'espérance que mes fils, après moi, y goûteront le même bonheur que mon père et moi y avons goûté.
Que l'on ne vienne pas nous dire que ceux qui sont partis sont des déserteurs! Pour la plupart, oh non!
L'arbre déraciné par la tourmente est-il un déserteur? Le saule que le torrent emporte est-il un déserteur? L'enfant que les barbares du Moyen Âge enlevaient du sein de sa mère pour en faire un esclave était-il un déserteur? Oh non!
L'enfant de la terre canadienne arraché de ses champs, arraché de sa vie de liberté pour devenir trop souvent en ville un mercenaire, presque un esclave, ce n'est pas un déserteur. C'est une victime, peut-être un martyr, mais pas un déserteur!
Ces départs, ils ont eu des causes multiples qui toutes n'ont pas concouru au même degré dans chaque cas. Mais si l'on y regarde de près, on retrouve toujours quelques raisons dont je vais en énumérer quelques-unes: considérations et protection insuffisante du cultivateur chez nous, manque de capital à un taux et à des conditions convenables. Que n'a-t-on compris à temps la nécessité d'un crédit rural efficace? Bien des départs auraient été évités. Mais non, nous qui demandions un crédit rural, nous étions des braillards. L'honorable premier ministre, parlant à Louiseville, poussait même l'amabilité jusqu'à me comparer à Jérémie, le sage prophète qui a montré d'avance aux juifs les conséquences de leurs erreurs.
Crédit rural nécessaire, dit le discours du trône, et je le répète moi aussi, crédit rural nécessaire depuis des années. Crédit rural refusé, cause de dépeuplement de nos campagnes, de surpeuplement des villes. Il faut aujourd'hui quelque chose de plus actif que ce qui aurait été suffisant il y a des années, avant l'aggravation du mal.
Autres causes: manque de science et d'instruction agricole pratiques. Fardeaux trop lourds de dépenses et d'impôts publics chargés injustement sur le cultivateur qui n'en retire pas de bénéfices spéciaux personnels comme classe.
Organisations insuffisantes, retardées, déviées de leur vrai rôle, empoisonnées, parfois détruites et rendues presque inopérantes par le poison de l'ingérence politique et gouvernementale.
Négligence des pouvoirs publics à promouvoir les recherches, les expériences propres à doter notre agriculture d'industries agricoles et de variantes dans notre agriculture.
Ce sont là quelques unes des causes qui ont amené le dépeuplement de nos campagnes, le surpeuplement dans nos villes, la crise aiguë de chômage dont nous souffrons et le danger de communisme dont l'honorable premier ministre nous parlait jeudi dernier.
M. l'Orateur, mon but n'est pas de faire des reproches stériles, mais nous sommes en face d'un mal national terrible. L'honorable premier ministre disait, jeudi, que le communisme est chez nous et que ce serait contre lui une guerre à mort.
Les règlements de cette Chambre me permettent-ils de donner au premier ministre, une assurance? C'est que, quelles que soient les divergences d'opinions qu'il puisse y avoir entre nous, je suis prêt à dire avec lui: guerre à mort à ces idées subversives, qui tendent à nous enlever nos principes chrétiens de respect de l'ordre, de la morale et de la justice.
Mais avant de parler de guerre à mort, ne vaudrait-il pas mieux se demander les causes qui nous ont amenés au point où nous sommes. En 1924, à l'occasion d'un congrès de cultivateurs, ici à Québec - un congrès où les cultivateurs avaient la place d'honneur et leur franc parler - je disais des paroles que je répète aujourd'hui à sept ans d'intervalle avec encore plus de force: "Tant que nous Canadiens, nous serons un peuple d'agriculteurs, nous serons à l'abri du socialisme et du communisme".
C'était il y a sept ans. Les cultivateurs alors réclamaient un crédit rural à un taux convenable, des marchés, des industries, des impôts moins lourds, la liberté d'organisation, plus d'instruction. À ceux qui réclamaient ainsi, on a répondu par l'injure; on les a traités d'incapables, d'arriérés, de pessimistes, de braillards. Et les cultivateurs ont continué de partir. On prêchait l'amour du sol, mais le manque de capital à un taux convenable arrachait le jeune terrien du sein de sa mère.
Et le discours du trône de cette année - confession tardive - reconnaît la nécessité d'un crédit rural à un taux inférieur au taux actuel.
Guerre à mort, au communisme! dit l'honorable premier ministre. Oui, s'il le faut. Retour à la terre. Oui encore, il faut y retourner, puisqu'un trop grand nombre en sont partis. Que n'a-t-on pris à temps les moyens d'empêcher ces départs? Secours aux sans travail et sans pain. Oui, l'humanité nous le commande. Nous ne pouvons laisser mourir nos frères. C'est déjà bien trop de les avoir laissés devenir des déracinés.
Lorsque, il y a sept ans, nous réclamions un crédit rural à un taux minime, quand l'honorable monsieur Sauvé, le père de mon voisin, se faisait dans cette Chambre le champion des droits et des besoins des cultivateurs, on lui répondait par le sarcasme moqueur, parfois injurieux.
Aujourd'hui, des années trop tard, quand nous sommes rendus à un point tel que l'honorable premier ministre parle de guerre à mort, on continue le sarcasme aux réclamations que nous faisons des choses nécessaires à l'agriculture.
M. l'Orateur, le gouvernement jette des milliers de piastres, même des millions, pour l'établissement de terres neuves, tandis que nos vielles terres se vident de leurs habitants. Mes remarques seraient incomplètes si je n'ajoutais pas que l'on a fait peser un trop lourd fardeau sur le cultivateur dans la construction des chemins. Le cultivateur ne retire pas de bénéfices des chemins qui lui coûtent cher.
Des centaines, des milliers de terres sont veuves de leurs terriens; des centaines, des milliers de maisons sont là à l'abandon, fenêtres garnies de planches, maisons modestes mais confortables où déjà ont vécu des familles. Elles sont vides. Les gros intérêts, les impôts trop lourds, le manque de protection et peut-être de science ont vidé ces maisons, chassé leurs habitants, arbres déracinés par la tempête. Ils sont des enfants arrachés du sein de leur mère, la terre canadienne, par la barbarie de la négligence et de l'égoïsme.
On veut les replanter sur des terres neuves. Je ne m'y oppose pas, mais je dis qu'il aurait été moins coûteux de leur fournir les moyens de rester chez eux que de les réinstaller ailleurs, de les laisser aller au loin sur des terres neuves, augmentant la longueur des chemins et rendant nécessaire la multiplication des chemins de fer. Je prétends qu'il est de mauvaise stratégie d'étendre, de disséminer nos gens et de laisser des milliers de terres inexploitées ou presque, et des milliers de maisons sans occupants, alors qu'on paye des montants considérables pour faire construire des camps plus ou moins confortables. On ne devrait pas disséminer la population sur un terrain trop étendu.
Je réclame de l'instruction pour le cultivateur. On nous dira que je suis un ignorant. Si je suis un ignorant, c'est que je n'ai pas eu l'avantage de m'instruire, parce qu'on ne me l'a pas donné cet avantage. Je réclame pour le cultivateur non pas une école à 50 milles où ça coûte cher, mais une école où l'on peut aller dans son costume de travail, dont on n'a pas honte chez nous. Je réclame pour le cultivateur l'organisation dont il a besoin pour vendre ses produits, une organisation dont il sera le maître absolu. On n'a pas le droit de favoriser certaines associations et d'en négliger d'autres. Je réclame pour le cultivateur bien d'autres choses dont je ne veux pas parler aujourd'hui.
M. l'Orateur, je dois toucher à une question que le premier ministre a traitée très longuement, celle des élections, de la manière dont elles ont été faites et de leurs conséquences. L'honorable premier ministre s'enorgueillit de la victoire libérale. Nous sommes 79 et vous 11, dit-il. Peut-être pourrait-il dire que d'après le rapport officiel, l'opposition a reçu au-delà de 44 pour cent des votes enregistrés, ce qui prouve que nous ne sommes pas si loin du peuple que le premier ministre semble le faire croire.
L'honorable premier ministre reproche à ses adversaires d'avoir fait une lutte comme jamais on en avait vu de pareilles. Lutte malpropre, celle-là! Journaux malpropres, dit-il. Que dans la chaleur d'une lutte ardente, il se soit produit des erreurs de langage, c'est possible, et l'honorable premier ministre ne doit pas en être surpris, lui qui, jeudi dernier, trouvait le moyen de nous dire en face que nous, de l'opposition, ça valait pas cher.
Injure grossière qui n'a même pas l'excuse de l'énervement, puisqu'elle a été proférée dans le calme réfléchi d'un discours préparé et le décorum de la Chambre, par un homme que sa position, son origine, et l'éducation qu'il est sensé avoir reçue ne peuvent permettre d'assimiler à un paysan comme moi ou à un charretier faubourien.
L'honorable premier ministre s'est plaint qu'on soit allé dans la vie privée des ministres. En ce qui me concerne, jamais en public, je ne parle de la vie privée des hommes publics, mais je ne défends pas aux autres de parler de ma vie privée.
Mais qui donc a parlé du lit d'enfant du chef conservateur?
Une voix à droite: Lui-même.
M. Barré (Rouville): On me dit que c'est humain.
Une voix: Non, on vous a dit que c'est lui-même qui a parlé de cela.
M. Barré (Rouville): Qui donc a voulu faire un atout électoral d'une infirmité intime du maire de Montréal? Qui donc, à Louiseville, essayait de me rapetisser dans l'esprit de mes confrères en parlant de mes prétendues faiblesses? Et pour qu'il reste une preuve de la bassesse de gens qui ne sont pas du Parti conservateur, nos adversaires ont distribué à profusion des brochures où l'on a rassemblé quelques unes des vilenies de leurs journaux.
M. l'Orateur, avez-vous vu les photographies qu'on prétend avoir été prises chez moi? Je regrette que la légende qui les accompagne en attribue la paternité à un ministre maintenant décédé.
On ne dira toujours pas que c'est moi qui ai publié les photographies soi-disant prises sur ma ferme. Photo de derrière! de derrière de grange, de derrière de boutique à réparages. Mais laissons ces bassesses de nos adversaires, elles ont écoeuré assez d'honnêtes libéraux de chez nous pour que je sois élu dans l'une des divisions réputées les plus attachées au Parti libéral dans cette province.
Lutte malpropre que celle-là, nous a dit l'honorable premier ministre. Malpropre?
Qui, malpropres? Des journaux contre nous qui dénigrent et déchirent notre chef?
Qui, malpropres? Ceux qui, pour salir les administrateurs de la métropole, lançaient l'accusation dont les tribunaux viennent de faire justice?
Mais les tribunaux par exemple n'ont pas dit que les listes électorales n'avaient pas été odieusement truquées au bénéfice du parti ministériel.
Qui, malpropres? Ceux qui répandaient ce dépliant où le chef conservateur est représenté dans une position ridicule et obscène, feuille pornographique qu'aucun père de famille ne voudrait laisser entre les mains de ses jeunes enfants.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Quel chef de l'opposition? (souriant et regardant le député de Montréal-Saint-Georges, M. Gault)
M. Barré (Rouville): Le chef du Parti conservateur. Je comprends que le premier ministre me pose une question pour m'embarrasser, parce que je suis un débutant.
Mais laissons ces choses, je sais qu'elles répugnent à tous les honnêtes gens, libéraux comme conservateurs.
Un autre point que l'honorable premier ministre a traité longuement est celui des contestations. Soyons de bon compte! Admettons qu'un député élu aime mieux ne pas être contesté, moi comme les autres. Mais celui qui a été battu et qui croit l'avoir été illégalement, peut-on le blâmer de se servir des lois qui ont été faites pour s'en servir, je suppose?
Je n'ai pas à discuter si telle ou telle contestation est juste ou non. Mais je sais que si j'avais été vaincu et si j'avais connu des manoeuvres illégales, je n'aurais écouté que mon jugement et j'aurais contesté.
L'honorable premier ministre dit que c'est une insulte aux Canadiens, aux ouvriers de Sainte-Marie, aux bourgeois de Saint-Jacques, aux cultivateurs de Laval, etc. Dieu, que le premier ministre est délicat tout d'un coup!
J'espère qu'il sera aussi délicat quand viendra le moment où siègera le comité des privilèges et élections et qu'il ne fera pas juger les questions de contestations par les intéressés contestés eux-mêmes.
M. l'Orateur, tous nous aimons notre peuple. Personne ne veut l'injurier. Alors, c'est fini!
Jamais plus personne ne devra se servir des tribunaux contre un Canadien: ça injurie la race! M. l'Orateur, on pourra défranchiser chez vous assez d'électeurs pour que jamais un des vôtres ne soit élu au conseil municipal.
Prenez bien garde d'aller devant les tribunaux: ça insulte la race! Que demain le premier ministre soit empêché d'entrer dans sa maison comme c'est son droit, il lui faudra bien l'endurer pour ne pas insulter la race en réclamant la protection des tribunaux.
Que je batte ma femme ou que je vole les poules de mon voisin, peu importe! Suivant le raisonnement du premier ministre, il ne faut pas se servir des tribunaux: ça insulterait la race!
Que, pour se faire réélire, un maire dépense les fonds publics de sa municipalité pendant les deux ou trois semaines précédant la votation, disant aux électeurs, le leur faisant dire par ses séides: Votez pour moi si vous en voulez encore. Ce n'est pas mon argent, alors ce n'est pas de la corruption. Votre vote pour moi sur un bulletin presque public, ou la misère! Choisissez! Oh! Il ne faudra pas dire un mot de protestation, ça peut insulter des Canadiens.
Notre peuple est bon. Comme chez tous les peuples, il en est qui sont moins bons. Le ferment du mal existe partout. Allons-nous le laisser se développer et grandir sans réagir? Je ne le crois pas.
Si nous voulons garder notre peuple bon et respectueux des lois, montrons-lui que les lois faites doivent être respectées par tous, grands comme petits. Je laisse ces questions que j'aurais préféré ne pas toucher, car elles ne sont pas aussi importantes que d'autres.
Je veux toucher une question toute intime, celle du chef d'un parti. On nous a parlé de nos chefs, et du côté du gouvernement, il semble qu'il y ait une opinion que même le chef de l'opposition devrait être choisi par les ministériels. En ce qui me concerne, je ne veux pas d'un chef qui serait le choix de nos adversaires.
J'irai plus loin, je dis que le choix d'un chef de parti n'est pas du tout du ressort des gens de l'autre parti.
Si mes collègues veulent par leur choix rendre un hommage à l'âge, aux années de service, à la conduite toujours honorable de l'un des vétérans de cette Chambre, je crois que mon devoir est d'accepter son autorité lorsque légitimement exercée, même et à plus forte raison si ce choix est un geste d'entente et de courtoisie envers nos frères de la minorité dans cette province. Je ne vois pas pourquoi je n'approuverais pas mes collègues d'avoir agi ainsi.
M. l'Orateur, je laisse ces sujets d'élections, de contestations, dont le premier ministre a cru devoir parler abondamment. Je veux surtout insister sur les remèdes au mal social dont nous souffrons.
On nous dit que tous les pays souffrent de la crise. Mais chez nous, peuple jeune, où les espaces immenses sont inoccupés, où les ressources naturelles commencent à peine à être exploitées, où le travail à faire apparaît abondant, il me semble qu'une crise de chômage est un mystère. Tous ensemble nous étudierons les moyens d'y remédier. Le premier ministre l'a dit, l'heure est grave; nous pouvons être appelés à combattre le communisme dans une lutte à mort.
J'ai signalé quelques moyens de parer un tel malheur: retour à la terre, aux vieilles terres d'abord, aux nouvelles ensuite; protection et considération aux terriens; encouragement à la production de produits de première qualité; capital à un taux et à des conditions opportuns; instruction pratique à la portée de tous nos terriens, surtout les pauvres et les petits; industries agricoles, organisations de cultivateurs libres de toute contrariété, servitude ou contrôle en dehors des cultivateurs intéressés.
Mais au-dessus de tous ces moyens et de ceux que je ne mentionne pas, il est une chose plus importante, le facteur spirituel et moral.
M. l'Orateur, l'expression me manque pour désigner ce facteur. Je pourrais l'appeler le sens chrétien, mais ce serait encore incomplet; je l'appellerai l'esprit de Dieu.
Je réclame pour nous, Canadiens français, l'esprit de charité qui nous fera mieux nous comprendre et au besoin nous pardonner des excès de langage.
Esprit de Dieu qui souffle sur le monde et qui inspire aux hommes des sentiments de paix, d'amour, de justice et de charité. Esprit de justice et de charité qui seul fait comprendre à l'homme que l'homme est son frère, qui fait comprendre à l'orgueilleux, par exemple, que sur terre tout n'est que poussière, qui fait comprendre au savant parfois fier de sa science au point d'en mépriser celui qu'il en croit dépourvu, qui parfois, l'ignorant, a appris dans la nature et par l'esprit de Dieu des choses qu'aucun livre n'a jamais enseignées.
Esprit de justice et de charité qui seul pourra inspirer un terrain d'entente entre employeurs et employés. Que l'employé comprenne que le patron n'est pas un ennemi à combattre ou à exploiter. Que le patron comprenne que l'ouvrier est un homme comme lui, ayant lui aussi une âme immortelle et un corps sujet aux souffrances.
Esprit de justice et de charité qui fera comprendre à notre peuple agraire que le bonheur terrestre, ce n'est pas le brillant factice des amusements trompeurs, mais que l'homme le plus heureux, c'est le travailleur modeste qui dans son champ se sent tout près de ceux qu'il aime, pour qui il travaille sous le regard d'un Dieu que toute la nature adore avec lui.
Esprit de justice et de charité, inspirant riches et pauvres. Aux pauvres inspirant la résignation nécessaire pour ne pas envier et détester le riche; aux riches, inspirant la charité voulue pour comprendre que le pauvre est lui aussi un homme comme lui, ayant corps et âme, des besoins, des aspirations, des désirs de jouissances légitimes.
Esprit de justice et de charité, et c'est par là que je termine, qui anime surtout les législateurs pour que les lois soient bonnes, respectées de tous, surtout de ceux qui les font, pour le bon exemple et le plus grand bien de tous! (Applaudissements)
M. Smart (Westmount)2: M. le Président, je ne retiendrai pas l'attention de la Chambre pendant bien longtemps, mais je veux déclarer que durant cette session, je coopérerai avec le gouvernement pour toutes les mesures destinées à venir en aide aux chômeurs, tout en me réservant le privilège d'examiner la législation qui sera présentée. Le discours du trône réclame la création de nouveaux revenus. Aussi, je suggère au trésorier d'imposer une taxe sur les achats de valeurs étrangères, taxe qui apporterait un revenu considérable à la province. Cela préviendrait la spéculation sur des valeurs peu recommandables. La situation est telle aujourd'hui que nos courtiers sont des agences de collection pour des maisons de placement de l'étranger. Le montant d'argent canadien investi à l'étranger dépasse la dette nationale du Canada. Depuis dix ans, nous avons exporté 300 millions3 de dollars de capitaux de cette façon.
La loi électorale aurait dû être modifiée depuis nombre d'années. Dans mon comté, des centaines d'électeurs se sont trouvés défranchisés le jour du vote, bien qu'ils eussent demeuré dans la même maison depuis plusieurs années. Que quelques cas isolés se présentent, passe encore, mais on ne peut expliquer que des centaines d'électeurs se trouvent ainsi défranchisés.
J'approuve entièrement les paroles prononcées par le premier ministre au sujet du communisme. Il existe des organisations même en cette province qui devraient être chassées. Ceux qui aiment la Russie soviétique devraient être expédiés par le premier bateau. À Montréal, on me dit que l'on veut corrompre jusqu'aux enfants des écoles.
Ceux qui m'ont connu dans les autres législatures reconnaîtront que j'ai toujours été indépendant dans mes idées et que j'ai suivi les dictées de ma conscience. J'entends suivre la même ligne de conduite dans cette nouvelle législature et tant que M. Houde restera le chef véritable du Parti conservateur, je n'entends pas suivre le présent chef d'opposition parlementaire, le député de Saint-Georges (M. Gault). J'ai une grande estime pour lui, personnellement, et je l'ai avisé immédiatement de l'attitude que j'entendais prendre, afin qu'il ne fût pas pris par surprise.
Je n'aime ni la direction, ni les tactiques de M. Houde, ni les contestations en bloc qui ont été prises, auxquelles il dit ne pas avoir pris part. Et il (M. Smart) promet d'appuyer les modifications apportées à la loi électorale. Ce n'est que ces jours derniers que M. Houde a déclaré à Montréal qu'il était encore chef de l'opposition et qu'il ne voyait aucune raison pour ne pas continuer de l'être.
Je félicite le député de Montréal-Saint-Georges (M. Gault) d'avoir été choisi comme chef intérimaire et j'ai pour lui de chaleureux sentiments personnels. Mais, je dois déclarer que je ne puis suivre ni accepter ses directives tant que M. Houde sera reconnu comme chef véritable de l'opposition. Moi-même et beaucoup d'autres trouvons plusieurs raisons pour qu'il ne soit pas chef du parti. J'ai été élu conservateur et je suis toujours conservateur et je n'entends pas suivre un chef qui a son propre parti. Je n'ai jamais suivi aveuglement un chef ou l'autre. À plus d'une occasion, le chef du parti, M. Houde, a déclaré que ce n'était pas le Parti conservateur, mais son propre parti. Eh! bien, je n'appartiens pas à ce parti.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Venez de notre côté alors...
M. Smart (Westmount): J'appartiens à mes électeurs de Westmount que j'ai servis, que je vais continuer à servir, et qui m'ont élu, élections après élections, avec de grosses majorités augmentées et qui, apparemment, approuvent mon attitude. J'ai saisi la première occasion d'avertir le nouveau chef d'opposition parlementaire de mes intentions. Je ne veux pas paraître le lâcher. Je tiens à faire, dès maintenant, cette déclaration devant le public après l'avoir faite au député de Saint-Georges. J'ai désapprouvé les contestations en masse, je l'ai dit dans le temps, parce qu'elles ont été prises suivant l'initiative et sous la direction de M. Houde. Il n'est donc que logique et convenable que je me dissocie ouvertement et honnêtement de ce mouvement. Je fais cette déclaration comme franc conservateur, comme je l'ai toujours été. Je demeurerai conservateur, mais j'agirai indépendamment, comme je l'ai fait dans le passé. Je prendrai une attitude indépendante sur toute question qui sera soumise devant cette Chambre.
(Applaudissements à divers sièges)
L'honorable M. Godbout (L'Islet): Permettez-moi, M. l'Orateur et M. le Vice-président de la Chambre de vous féliciter de votre réélection. C'est une belle marque de confiance que l'on vous a donnée là et c'est une preuve que les députés ont confiance en votre esprit de justice et en votre impartialité pour diriger les délibérations de cette Chambre.
Je voudrais aussi féliciter cordialement le chef de l'opposition, qui n'est que chef temporaire mais qui pourrait bien devenir chef perpétuel, de sa nomination à ce poste, et lui souhaiter longue vie à la tête de la petite phalange qu'il dirige. Nous sommes assurés d'avance que s'il doit remplir son rôle jusqu'au bout, ça durera longtemps.
Mes félicitations vont aussi aux électeurs de cette province pour la belle marque de confiance qu'ils ont donnée au gouvernement, et en particulier les électeurs de Sainte-Marie et de Brome qui ont donné à la Chambre le Dr Fauteux et le major Stockwell, le proposeur et le secondeur de l'adresse.
Qu'on me permette aussi de présenter mes félicitations à l'honorable premier ministre pour le choix de notre nouveau collègue, le ministre du Travail. Le député de Maisonneuve (l'honorable M. Arcand), par la connaissance qu'il a des questions ouvrières, saura, j'en suis certain, diriger avec grande compétence le ministère qu'on lui a confié, et les ouvriers de cette province peuvent être assurés d'avance que leur sort est entre bonnes mains.
Je voudrais maintenant dire quelques mots seulement sur les questions qui concernent mon département et rappeler ce dont le cultivateur a besoin actuellement, au cours de cette crise.
Parlons d'abord de la question du crédit agricole. À l'heure actuelle, dans la crise non pas provinciale, mais mondiale, il est indiscutable que nos cultivateurs ont besoin de crédits. Le gouvernement libéral de cette province le reconnaît et l'a reconnu bien avant aujourd'hui. Il y songeait avant la crise actuelle. Mais cette question en est une d'affaires comme toutes les autres. Ceux qui, au cours de la dernière campagne, ont parcouru les comtés de la province en promettant du crédit agricole à 2 %, et les journaux qui, plus récemment, ont préconisé le crédit agricole sans intérêt pendant plusieurs années, ne prêchent pas l'opinion du cultivateur et rendent un mauvais service aux cultivateurs de cette province.
Le cultivateur, M. l'Orateur, ne demande pas la charité. Il ne veut que ce à quoi il a droit, un crédit agricole à un taux raisonnable pour l'aider à améliorer sa ferme, les conditions du marché, sa production, l'élevage de ses animaux, etc. Les cultivateurs veulent que la province pratique les meilleurs principes d'économie politique possible et continue d'avoir des finances stables, ce que les plus grands pays du monde eux-mêmes n'ont pas. Ce serait les méconnaître que de penser que les cultivateurs veulent se procurer de l'argent à un taux qui mettrait en péril la stabilité de la province de Québec.
Le gouvernement de cette province considère cette question comme une affaire et il l'étudie attentivement à la lumière des plus sains principes économiques. Notre province se doit de conserver la supériorité que lui ont acquise des magnifiques surplus, supériorité qu'elle a sur tous les pays du monde actuellement et sur toutes les provinces du Canada. Notre province ne doit pas se départir de la stabilité de ses finances.
Ce serait un grand péché, même un péché mortel, politiquement parlant. Le gouvernement de cette province ne peut pas abandonner les principes généraux qui lui ont permis d'établir sur des bases solides la position du Québec, et si le cultivateur a un crédit agricole à un taux raisonnable, il ne peut pas s'attendre à un crédit qui ne lui coûte rien, ou presque rien.
Il peut cependant compter sur un taux raisonnable et la question est à l'étude. Depuis 1928, on nous demandait d'adopter la loi du crédit agricole fédéral qui est une excellente loi en principe. Nous l'avons adoptée. A la demande des cultivateurs encore, nous avons voté une loi par laquelle le gouvernement paie 1½ % de l'intérêt chargé par le fédéral et, par cette mesure, l'un des principaux griefs des cultivateurs est disparu.
L'honorable député de Rouville nous rappelait tantôt que l'honorable Arthur Sauvé, du temps qu'il était en cette Chambre, avait souvent réclamé un taux d'intérêt raisonnable pour le cultivateur qui a besoin d'argent pour améliorer sa production. Je trouve drôle que l'honorable député de Rouville (M. Barré) vienne nous dire cela à nous; il vaudrait infiniment mieux rappeler cela à l'ancien chef de l'opposition en cette Chambre, M. Sauvé lui-même, car il semble maintenant en meilleure posture qu'autrefois pour accorder des faveurs et il pourrait fort bien user de son influence pour faire réduire le taux d'intérêt fédéral.
Le crédit agricole est nécessaire et le gouvernement de cette province est disposé à aller au devant des cultivateurs lorsque le temps sera venu, quand le crédit fédéral aura prouvé hors de tout doute son inutilité. Il ne peut pas y avoir deux systèmes de crédit agricole en cette province, un système fédéral et un système provincial. C'est une question qui a besoin d'être étudiée avec un soin tout particulier. Nous devrons étudier différents systèmes actuellement en usage et faire des enquêtes sur l'opération des crédits agricoles qui existent dans les autres pays du monde, dans les autres provinces. Je dois déclarer ici que nous avons fait faire des enquêtes sur le crédit agricole ontarien et qu'elles ont donné des résultats contradictoires.
Quelques-uns prétendent que le système ontarien donne satisfaction, d'autres disent le contraire. C'est pourquoi nous devons y aller avec la plus grande circonspection. Je le répète de nouveau, ce serait rendre un mauvais service aux cultivateurs que de leur donner un crédit agricole non viable.
Il faudra adjoindre à cela un système de renseignements agricole. L'honorable député de Rouville a déclaré tantôt, il l'a dit aussi durant la campagne électorale, que le cultivateur n'est pas assez instruit et que l'enseignement agricole a fait faillite ici. Je diffère d'opinion avec lui sur ce point. Quand on dit que sa classe se meurt, on ne parle pas sur ce ton de ceux qui dispensent aux cultivateurs la science agricole. L'honorable député de Rouville (M. Barré) a déclaré partout dans la province, durant la campagne électorale, que les agronomes étaient des gens à la solde des ministres, des gens qui faisaient de la politique, des commis-voyageurs. C'est mal servir sa classe que de dire qu'elle se meurt et de dénigrer les agronomes chargés de l'instruire.
(Applaudissements)
C'est un langage déplorable. Je lui ai alors répondu en lui lançant un défi auquel il n'a pas encore répondu, auquel il ne répondra certainement pas. Je le défie de nouveau aujourd'hui et je lui demande de nous prouver qu'un seul agronome ait fait de la politique. S'il le prouve, je lui promets que cet agronome ne restera pas longtemps au service du ministère. Nous tenons à ce que les techniciens demeurent indépendants. Ils sont au service de toute la classe agricole, et ils ne doivent pas faire de politique s'ils veulent garder l'estime de tous les cultivateurs.
Nos cultivateurs ont besoin de coopération agricole en cette province. Ils ont besoin de s'entraider et de s'unir pour la bonne organisation de leurs fermes. La coopération est organisée convenablement en cette province.
Durant la dernière campagne, certains candidats que je ne veux pas nommer ont parcouru les comtés en disant partout que sur 400 coopératives agricoles qui opèrent dans la province, il y en a trois cents4 qui ne font pas pour 25 sous d'affaires par année. Je me demande comment on a pu dire cela, quand il n'y a que 100 coopératives environ dans la province et qu'elles font en moyenne pour $20,000 d'affaires annuellement5.
On nous a accusés aussi de nous mêler des affaires des coopératives agricoles. C'est absolument faux et ceux qui le disent le savent bien. Nous avons demandé des preuves de cette immixtion dans les affaires coopératives et l'on a, comme dans les autres cas, négligé de nous les donner.
On a aussi affirmé, au cours de la campagne, que nous faisons de la distinction entre les traitements accordés à deux sociétés coopératives. Le député de Rouville a même écrit des articles acerbes à ce sujet. Nous n'avons jamais, devant des qualifications égales, refusé ou accordé plus à l'une de ces coopératives qu'à l'autre; elles ont été traitées de la même façon sans distinction aucune.
Nous voulons que le cultivateur soit libre, nous voulons qu'il s'empare de ses coopératives et qu'il les conduise comme il l'entendra.
On m'a de plus reproché de traiter avec injustice les divers groupes de cultivateurs de cette province. On a dit que le ministre de l'Agriculture avait refusé au syndicat catholique des cultivateurs des avantages qu'il accordait aux autres groupes. Voilà encore une fausseté.
La question de coopération a été étudiée par nos experts et ce sont eux (ils ne font pas de politique et ils laisseraient plutôt leur position si on voulait les forcer à en faire) qui ont établi les conditions à remplir pour obtenir l'aide du ministère. Les conditions sont les mêmes pour tout le monde et les octrois sont les mêmes aussi. Ce n'est donc pas de notre faute si certains groupes ne veulent pas se soumettre à ces conditions. Ceux qui affirment le contraire se trompent ou mentent.
L'honorable député de Rouville (M. Barré) a répété souvent pendant la dernière campagne, que j'avais refusé à l'U.C.C. de payer les dépenses d'un voyage en Europe à l'un de ses représentants qui voulait y étudier la coopération. C'est faux. J'ai même voulu que ce représentant demeure en Europe plus longtemps que l'U.C.C. le demandait et voilà pourquoi je l'ai fait. On nous proposait d'envoyer là-bas, des gens qui avaient peut-être une préparation lointaine, mais aucune préparation spéciale pour y étudier dans une langue qui leur était étrangère, pendant une période de trois mois seulement, les méthodes coopératives. Tous les membres de cette Chambre admettront qu'il est impossible de passer à travers un pareil sujet dans une période de temps aussi courte. Je voulais qu'il y demeure trois ans. On ne l'a pas voulu. Je vous le demande, est-ce refuser une demande? Le député de Rouville dit maintenant que les institutrices rurales devraient être mieux payées, et que c'était la faute du gouvernement si les commissions scolaires ne paient pas plus leurs institutrices.
Cependant, le même homme qui disait alors cela, autrefois parcourait les campagnes et criait à tous les vents, en 1927: "C'est le gouvernement qui est responsable de l'augmentation du salaire des institutrices! C'est lui qui force les municipalités à payer aux institutrices des salaires exhorbitants de $225 par année." La chose se passait à Saint-Pascal.
(Applaudissements)
Des voix: Honte! Honte!
L'honorable M. Godbout (L'Islet): Je vous avoue que j'ai eu là la surprise de ma vie. J'avais cru en la bonne foi de certains orateurs conservateurs dont on entendait parler depuis longtemps. Si l'on suivait les plans dont l'on faisait grand état à cette époque, je me demande où irait l'école du rang avec des institutrices payées 50 sous par jour.
Nous avons beaucoup fait et nous entendons encore faire beaucoup pour l'instruction des classes agricoles. Nous avons mis à la disposition des cultivateurs des cours abrégés spéciaux dans les écoles d'agriculture; nous avons institué des cours d'hiver, spécialement destinés aux cultivateurs et aux fils de cultivateurs qui veulent profiter de la morte saison pour parfaire leur instruction agricole. Nous savons que les cultivateurs réclament la science agricole, mais nous constatons aussi, malheureusement, que les cultivateurs ne fréquentent pas toujours ces cours.
Voilà pourquoi il nous faut aller patiemment et graduellement. Le secrétaire provincial et moi-même, nous entendons pour cela mettre l'instruction agricole à la portée des fils de cultivateurs. Nous venons de prendre une nouvelle initiative qui permettra aux institutrices d'aller prendre des notions d'agriculture dans nos grandes écoles, afin d'en faire bénéficier le programme d'études offert aux enfants des agriculteurs. Je veux que la classe agricole, dont je fais partie, à laquelle j'appartiens toujours, soit plus instruite encore, mais je crois que nous devons procéder avec bon sens et sur des bases solides. Les instituteurs laïques et religieux pourront aller puiser la science agricole dans ces institutions, à nos frais.
Nous avons déjà reçu des adhésions de plusieurs religieux. Les collèges ruraux pourront enseigner cette science aux fils de cultivateurs. Nous ouvrirons des sections agricoles dans les collèges ruraux. Le collège de Saint-Césaire de Rouville aura la sienne. Nous sommes anxieux que la classe agricole soit plus instruite et nous faisons tout en notre pouvoir pour arriver à ce résultat.
Nous voulons que le cultivateur de la province de Québec soit le plus instruit de tous. Avant de critiquer nos cultivateurs, les calomnier en disant qu'ils sont arriérés, que l'on commence par admettre que tel n'est pas le cas; nos cultivateurs de Québec sont aussi instruits, sinon plus instruits que ceux des autres provinces. Nous en avons une preuve dans les résultats obtenus par les nôtres aux expositions. Ce sont toujours les cultivateurs de Québec qui remportent la plus grande proportion de prix aux expositions.
(Applaudissements)
Je tiens à relever l'injure parce que le budget agricole de la province de Québec, toutes proportions de population et d'ensemencement des terres gardées, est le plus considérable de toutes les autres provinces du pays. Le député de Rouville (M. Barré) devrait savoir cela. Nous voulons que la classe agricole soit conseillée et protégée et nous voulons partir du véritable point de départ.
Le député de Rouville a prétendu que nous avons trop d'écoles supérieures d'agriculture et que nous ne donnons pas assez aux cultivateurs. Je veux que la classe dont je suis, à laquelle j'appartiens encore, soit protégée, et je remercie le gouvernement libéral de cette province de faire ce qu'il fait pour le cultivateur québécois. À ce point de vue, qu'il me soit permis de dire qu'il n'y a pas une autre province au pays qui n'a plus fait pour le cultivateur miséreux. Et je le défie de nous montrer une province qui donne plus d'argent que nous pour les octrois de cultures spéciales, d'élevages, pour les coopératives. Tous les systèmes de culture sont l'objet d'octrois généreux et l'agriculture s'en ressent.
Nos cultivateurs ont répondu à l'appel que leur a lancé le gouvernement de s'instruire. Je disais tantôt que le cultivateur de Québec est le plus instruit de tous les cultivateurs du dominion et j'en trouve une preuve dans les succès qu'il remporte dans les expositions. C'est la meilleure réponse à ceux qui, sous prétexte de défendre la classe agricole, viennent calomnier les cultivateurs.
(Applaudissements)
Les cultivateurs sont encouragés, ils le sont plus qu'ils ne l'ont jamais été dans la province de Québec. Celui qui a parcouru les expositions de la province de Québec cette année, a vu les plus beaux exhibits qu'il avait jamais vus. Non, le cultivateur de Québec n'est pas découragé. Il se ressent, comme tout le monde, de la dépression économique, mais il passe à travers.
Un bon esprit de coopération règne et doit régner toujours chez les cultivateurs. Toutefois, cet esprit de coopération n'est pas tout. Lorsque le cultivateur a beaucoup produit, il lui faut des marchés pour vendre ses denrées, non seulement chez nous, mais à l'étranger. Pas un autre gouvernement provincial au Canada n'a fait de dépenses comme celui de la province de Québec pour trouver des marchés aux cultivateurs. Le gouvernement a lancé une campagne de coopération agricole et il a répété la nécessité pour le cultivateur de bien classifier ses produits. Le gouvernement va encore plus loin. Lorsqu'un gouvernement a chassé les acheteurs étrangers par des barrières tarifaires infranchissables, il étudie et trouve d'autres marchés pour ses produits. Nous avons encouragé nos gens à acheter des produits québécois; nous avons cherché à leur ouvrir des marchés à l'extérieur de la province.
Il (M. Godbout) fait allusion aux efforts qui ont été faits pendant les dernières élections pour monter les classes les unes contre les autres et faire croire aux cultivateurs qu'ils avaient été maltraités. On a attaqué le gouvernement et lui-même à la radio. Ce n'est pas qu'il veuille se plaindre personnellement, car les gens se sont exprimés. En leur nom, il peut dire à la Chambre que le cultivateur québécois a confiance dans le gouvernement, dans l'autorité et dans l'avenir et que, même pendant la crise, le cultivateur québécois cherchait à acquérir une meilleure instruction.
C'est calomnier les cultivateurs de notre province que de dire qu'ils sont découragés. Les oppositionnistes ont encore prétendu que Québec ne fait rien pour annoncer les produits de ses agriculteurs. Pourtant, le gouvernement et le ministère de l'Agriculture reçoivent des félicitations de toutes parts. Il a été le seul à se faire représenter à l'exposition d'hiver de Toronto, l'automne dernier, et il s'y est attiré des compliments chaleureux et des demandes de la province voisine, surtout pour ses produits d'arts domestiques. Le président du Art Center6, de New York, après avoir admiré les produits de Québec à l'exposition de Toronto disait: "Dans quelques années, l'industrie des arts domestiques de la province de Québec sera la plus belle et la meilleure du monde entier!" Le président de l'exposition de Toronto disait de son côté: "Ce qu'il faut d'abord voir à l'exposition de Toronto, c'est l'exhibit de la province de Québec!"
(Applaudissements)
Le député de Rouville (M. Barré) a parlé des contestations d'élections. Le peuple a répondu le 24 août dernier à la campagne de l'opposition. Il a reproché au premier ministre d'avoir parlé de la valeur des deux partis. Le premier ministre a dit que l'opposition ne valait pas grand-chose? Le peuple a approuvé le premier ministre le 24 août.
En parlant de l'opposition qui ne valait pas grand-chose, le premier ministre voulait parler de ceux qui faisaient campagne pour décourager les habitants de la province de Québec, en particulier les cultivateurs. Ceux-là ne valaient pas cher! Le premier ministre voulait aussi parler de ceux qui prétendaient que le ministre de l'Agriculture faisait construire des écoles d'agriculture pour servir ses intérêts personnels. Voilà ceux dont il parlait quand il disait que l'opposition n'était pas loyale et tous savent la réponse que l'électorat a donné le 24 août dernier.
(Applaudissements)
Les cultivateurs de la province, malgré tous les efforts de ces hommes-là, ne sont pas découragés et on ne leur arrachera pas le respect des autorités. Malgré la crise, le cultivateur travaille et s'instruit. Il sait apprécier les efforts faits par ceux qui le servent. La classe agricole constitue la meilleure classe de notre société et c'est pour cela que le devoir du Parlement est de lui voter de la législation juste et des octrois généreux pour qu'ils puissent accomplir leur noble mission.
(Applaudissements)
M. Sauvé (Deux-Montagnes): M. l'Orateur, j'ai l'honneur de proposer l'ajournement du débat...
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Non, non, il n'est que 5 h 10.
M. Sauvé (Deux-Montagnes) prononce donc son discours qu'il ouvre par des félicitations d'usage à l'Orateur. Il félicite les proposeurs de l'adresse.
Je souhaite la bienvenue aux nouveaux députés et je leur souhaite succès dans la carrière qu'ils ont embrassée.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Vous pourriez avoir un bon mot pour les disparus.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): La mort politique n'est pas éternelle. Pourquoi insisterai-je?
Le député de L'Islet (l'honorable M. Godbout) nous a exposé le système de crédit rural employé dans le passé, et il a dit que le grand désavantage résidait surtout dans le taux d'intérêt trop élevé. Cependant des députés ont déjà dénoncé dans cette Chambre les graves ennuis du crédit rural fédéral et indiqué qu'ils provenaient surtout du mode d'évaluation et des dispositions diverses qui l'entourent.
Il y a quatre ans, monsieur Arthur Sauvé faisait adopter unanimement par la Chambre une motion pour demander au gouvernement fédéral de réduire le taux d'intérêt, mais le gouvernement provincial a porté un tel intérêt à la question agricole qu'il ne s'est même pas donné la peine d'envoyer copie de ladite motion au gouvernement fédéral.
La réduction du taux d'intérêt de 12/3 % rend le système fédéral plus approprié aux besoins de la classe agricole. Il vaudrait encore mieux si les cultivateurs pouvaient en bénéficier. Il convient d'ajouter aussi que le 1½ % que le gouvernement rembourse à Ottawa sur l'intérêt payé par le cultivateur est perdu pour la province et pour le cultivateur lui-même.
Il (M. Sauvé) affirme que des cultivateurs de son comté des Deux-Montagnes, qui est admirablement bien situé par rapport aux marchés puisqu'il est aux portes de Montréal, lui avaient demandé conseil à propos de l'obtention de crédits ruraux. Il leur a fourni tous les renseignements et les a même adressés au ministère. Pourtant, une fois en possession de tous les renseignements, les cultivateurs en question ont décidé de ne pas profiter de la loi.
Le ministre de l'Agriculture dit qu'avant de s'aventurer dans un nouveau système de crédit rural, il faut étudier et comparer soigneusement les différents systèmes afin de trouver un régime sain et viable. Le ministère avait déjà envoyé des experts à l'étranger, même au Danemark. Mais quelles mesures efficaces a-t-on adoptées à la suite des rapports de ces experts? J'aimerais savoir quels sont les résultats de ces voyages? Cependant il ne doit pas oublier que la classe agricole traverse une crise aiguë qui exige une action rapide et immédiate.
Il (M. Sauvé) affirme que beaucoup de cultivateurs des Deux-Montagnes ont fait faillite dernièrement, d'autres sont au bord de la faillite et de nombreux autres seraient incapables de s'acquitter de leurs obligations cette année. Or, le ministre nous présente une politique d'atermoiements, des études, des comparaisons, il compare les systèmes, malgré qu'il ait prétendu que le gouvernement avait profondément étudié la question depuis quatre ans. La vérité est qu'actuellement un grand nombre de cultivateurs sont dans une situation grave, parfois voisine de la faillite, et qu'il faut pas tant parler de continuer des études soi-disant commencées depuis des années, mais agir.
Je pense qu'il est urgent d'assurer aux cultivateurs un capital à des conditions qui sembleraient extraordinaires si nous étions dans une période ordinaire. Le gouvernement ne devrait pas hésiter à prendre des mesures pour assurer la survie de nos cultivateurs.
Le gouvernement n'a pas d'ailleurs hésité à recourir à des mesures extraordinaires, dans un temps où la crise ne sévissait pas. On se souvient du $15,000,000 de la Banque Nationale. Ce qu'on a fait pour des actionnaires mal pris, est-ce qu'on refusera de le faire pour les cultivateurs?
Le député de L'Islet (l'honorable M. Godbout) avait déclaré avec force qu'il ne tolérait pas que les agronomes mêlent la politique avec leurs fonctions. L'honorable ministre de l'Agriculture nous a dit: "Nommez-en un qui fait de la politique et il sera dehors le lendemain". L'honorable député des Îles-de-la-Madeleine (M. Caron) a dit la même chose à un ancien député, un jour. Le député a répondu: "Je vais vous citer le nom de l'agronome de mon comté". Le même agronome a gardé sa position, il l'occupe encore et il s'occupe de politique encore. Je ne veux pas le nommer car je ne veux pas lui enlever les moyens de gagner sa vie. Les membres de l'opposition n'ont jamais prétendu que tous les agronomes faisaient de la politique, mais que quelques-uns en faisaient, et surtout qu'on avait tenté de leur en faire faire.
Il (M. Sauvé) cite certains agronomes qui auraient fait de la politique et qui cependant n'ont jamais été menacés de démission. Il rappelle le questionnaire politico-agricole que l'on avait voulu faire remplir par les agronomes sur le compte des cultivateurs.
Je fais partie du comité des privilèges et élections et mon élection est contestée. L'honorable député de Rouville (M. Barré) a dit que des membres de ce comité étaient dans une position délicate parce que leurs élections sont contestées. Je dois dire que, bien que je sois dans ce cas, je m'efforcerai d'étudier cette question des élections contestées avec la plus grande impartialité possible.
M. l'Orateur, j'ai voulu relever certains points du discours du ministre de l'Agriculture. J'aurai l'occasion de discuter plus au long, au cours de la session, des problèmes auxquels la province doit faire face.
(Applaudissements)
M. Lamoureux (Iberville): M. l'Orateur, je veux en premier féliciter le premier ministre du beau témoignage de confiance que la province lui a donné.
On a parlé beaucoup du crédit agricole. Ce crédit agricole est absolument nécessaire et le système établi par le gouvernement fédéral ne donne aucune satisfaction. Comme l'a si bien dit l'honorable ministre de l'Agriculture, il n'y a pas que le taux d'intérêt qui est important, c'est le système lui-même. Ça me surprend que l'honorable député de Rouville (M. Barré) n'ait pas suggéré de remède à ce système. Dans la dernière campagne électorale, nos adversaires ont promis de prêter de l'argent aux cultivateurs à 2 %. L'honorable député de Rouville (M. Barré) ne nous a pas parlé de cela. J'ai dit dans mon comté et je répète ici qu'aucun gouvernement ne peut prêter de l'argent à 2 %. Je crois cependant que l'on devrait faire quelque chose.
Il y a actuellement dans la province de Québec trois classes de cultivateurs: ceux qui sont rendus au bout de la corde, qui sont en banqueroute; ceux qui sont dans des impasses financières et que le gouvernement peut aider et enfin les cultivateurs qui n'ont pas besoin du gouvernement. Ceux qui ont besoin d'aide doivent en recevoir du gouvernement et il faut féliciter ce dernier d'y songer.
Le crédit agricole fédéral ayant prouvé son insuffisance, il ne vaut même pas grand-chose, il faut un système provincial afin de secourir la classe des cultivateurs qui ne peuvent pas rencontrer leurs obligations parce que les produits ne se vendent pas. Cela ne veut pas dire qu'il faille accorder le crédit agricole à 2 %, comme le prêchaient les conservateurs au cours de la dernière campagne. Il n'y a pas un seul gouvernement qui puisse faire ça. Le gouvernement ne peut rien faire pour ceux qui sont faillis ou dont la situation est désespérée, mais il doit aider ceux qui, avec un peu d'argent, peuvent sortir du pétrin.
Les politiciens qui passent leur temps à dire au cultivateur qu'il est dans le marasme font du communisme. Il est préférable de dire au cultivateur que la crise passera et de tendre la main pour l'aider.
C'est ce qu'a compris le ministère. Depuis plusieurs années, il a fait beaucoup pour la classe agricole en remettant aux municipalités les dettes contractées pour l'amélioration des chemins. L'an dernier, il a fait un beau geste en accordant 1½ % sur l'intérêt du crédit agricole fédéral.
Le député de Rouville (M. Barré) a oublié ces choses, comme il a oublié les octrois importants accordés à celui qui égoutte sa terre, qui veut participer aux concours de toutes sortes.
J'espère que le gouvernement poursuivra sa politique; et parce que le crédit agricole s'impose, je souhaite que bientôt le ministre de l'Agriculture soit en mesure de l'établir d'une façon solide parce que c'est une question d'affaire, et d'affaire très importante, et l'on doit y accorder une attention spéciale. Il faut traiter cette question comme une affaire importante, comme le disait le sympathique ministre de l'Agriculture (M. Godbout). Il ne faudrait peut-être pas beaucoup d'argent pour commencer, afin d'aider la seconde classe d'agriculteurs, et il faudrait faire quelque chose avant longtemps. C'est au gouvernement à trouver la meilleure solution possible.
L'honorable député de Rouville (M. Barré) a parlé de la construction des chemins qui pèse sur les cultivateurs. Mais ce sont les cultivateurs qui ont demandé la construction des chemins. Aux dernières élections, ils ont montré qu'ils n'avaient pas de reproche à faire au gouvernement sur ce point puisqu'ils ont voté pour lui.
Dans mon comté, mes adversaires ont fait une lutte si malpropre qu'ils n'ont pas osé contester mon élection.
(Applaudissements)
M. Duplessis (Trois-Rivières) propose, appuyé par le député de Saint-Sauveur (M. Bertrand), que le débat soit ajourné.
Cette dernière proposition est adoptée. Le débat est ajourné.
Travaux de la Chambre
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Il est vrai que c'est demain la fête de l'Armistice, mais nous ne devons pas arrêter le travail important de la session. Toutefois, demain matin à 11 heures, il y aura une cérémonie à la Croix du Sacrifice et tous les députés de cette Chambre sont invités à y assister. Pour cela, les comités ne siègeront pas demain matin.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) suggère que la Chambre s'ajourne jusqu'à mercredi 3 heures.
La séance est levée à 6 heures.
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NOTES
1. Selon Le Canada du 11 novembre 1931, à la page 1, M. Barré a parlé pendant environ trois quarts d'heure.
2. L'Événement du 11 novembre 1931, à la page 13, relate le fait suivant: "L'honorable Adélard Godbout se lève en même temps que le général C. A. Smart. Ovation au ministre de l'Agriculture qui, très aimablement, cède la parole au général Smart (Westmount)".
3. Le Montreal Herald du 11 novembre 1931, à la page 11, écrit "three billions".
4. Le Canada du 11 novembre 1931, à la page 7, écrit 385.
5. Selon l'Annuaire statistique 1932, à la page 249, le nombre de sociétés coopératives agricoles ayant transmis un rapport de leurs opérations au département de l'Agriculture était de 105. De plus, nous notons une contradiction entre certains journaux quant au nombre de coopératives évoqué par le ministre de l'Agriculture (M. Godbout). Le Soleil, L'Action catholique et L'Événement maintiennent que le ministre a parlé de 100 coopératives tandis que Le Canada, Le Devoir, La Patrie et La Presse affirment que le ministre a parlé de 110 coopératives.
6. L'Événement du 11 novembre 1931, à la page 23, écrit: "Le président d'un chemin de fer américain..."