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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le jeudi 20 août 1987 - Vol. 29 N° 3

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'avant projet de loi portant réforme au Code civil du Québec, du droit des sûretés réelles et de la publicité des droits


Journal des débats

 

(Neuf heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Marcil): Je déclare la séance ouverte. Je profite de l'occasion pour souhaiter la bienvenue aux représentants de la Chambre des notaires du Québec. Nous sommes fiers de vous recevoir aujourd'hui comme participants.

Donc, le but de notre commission, c'est de vous entendre, de connaître votre opinion sur l'avant-projet de loi. Afin de vous indiquer un peu les règles du jeu, vous avez environ 25 à 30 minutes d'exposé -soyez assurés que les gens ont lu votre mémoire - et ensuite, on procédera à un échange de questions avec vous.

Donc, Me Jean Lambert, président, je vous laisse le soin de nous présenter vos collègues; c'est également pour les fins du Journal des débats puisque vous allez passer à l'histoire.

Chambre des notaires du Québec

M. Lambert (Jean): Merci, M. le Président. La Chambre des notaires est heureuse de participer à l'effort du législateur qui vise à réformer le droit des sûretés réelles et de la publicité des droits. Dans ce livre du Code civil, la Chambre des notaires, comme tant d'autres, a travaillé depuis longtemps et a participé à diverses étapes avec les gens du ministère. Ce travail a été fait évidemment par un comité dont j'ai le plaisir tout d'abord de vous présenter le président, Me Earl Kimmel, qui est à mon extrême gauche ici.

Fut responsable du dossier jusqu'à tout récemment, avant d'accéder à un autre poste de responsabilités à la Chambre des notaires, Me Denise Fortin, qui est à ma droite et qui nous accompagne ce matin, dans un esprit de continuité. À mon extrême droite, le directeur du service responsable de la coordination de ces travaux, Me Julien Mackay. À mon extrême gauche, le notaire Jacques Beaulne, qui a été un artisan, un membre du comité qui a beaucoup travaillé au mémoire. Il sera ici pour nous aider à répondre à vos questions. En arrière de moi, il y a Me Laurence Charest, du service de la recherche et de l'information juridique à la Chambre des notaires, qui est maintenant responsable des dossiers touchant la réforme du Code civil et notre invité, le notaire parisien, docteur en droit, Me Pierre Roque, qui vous sera présenté plus en détail ultérieurement, au cours de l'avant-midi.

Alors, voilà, M. le Président, ce sont les gens qui m'accompagnent et qui sont heureux d'offrir leur collaboration à cette commission.

Je vous disais tantôt que nous étions heureux de participer à cet effort du législateur qui vise à réformer le droit des sûretés réelles et de la publicité des droits. Nous partageons l'objectif exprimé par le ministre de simplifier le régime juridique des sûretés, dans la mesure toutefois où ce régime conservera sa cohérence, qu'on ne dénaturera pas l'esprit fondamental du droit civil et pourvu que les citoyens dont les activités seront régies par ce nouveau droit pourront y retrouver la sécurité de leurs relations économiques et ce, dans un environnement juridique facile à comprendre.

Il faut donc prendre garde aux sursimplifications plus créatrices de confusion que de compréhension. Je soulève ici, en passant, l'écueil qui consiste à étendre au mobilier, le terme "hypothèque". Nous crayons que cela ne créera que de la confusion. À l'heure actuelle, le citoyen sait très bien, lorsqu'il s'agit d'une hypothèque, qu'on parle de droits immobiliers, alors que la langue française contient le terme "nantissement" qui s'applique à merveille au gage sur les biens mobiliers. Pourquoi donc, ou en vertu de quel principe de simplification allons-nous créer de la confusion en étendant le terme d'hypothèque au mobilier? C'était un exemple, en passant.

Donc, de quoi parlons-nous? Nous parlons d'un ensemble de règles nécessaires à la gouverne et à l'ordonnance, dans une société développée, des rapports de nature économique - j'insiste, des rapports de nature économique - établis entre citoyens, qu'ils soient individuels ou corporatifs, rapports établis à l'occasion d'une relation d'affaire ou du crédit qui sera consenti en contrepartie d'une garantie de remboursement.

L'obligation de l'État d'ordonner ces rapports et ces relations est évidente. Il n'est pas question d'y revenir. Mais nous devons nous poser la question: L'État doit-il assumer la totalité du fardeau découlant d'un système de gestion qui sera alors forcément contraignant et fortement directif? C'est une

première option. Ou l'État ne devrait-il pas plutôt se restreindre à offrir aux utilisateurs un instrument minimal nécessaire à assurer l'ordre dans l'exercice de ses droits de nature économique - je le répète - tout en laissant aux utilisateurs, c'est-à-dire au secteur privé, le soin du fardeau de les gérer? C'est la seconde option.

Évidemment, selon qu'on appuie l'une ou l'autre, cela marque des appréciations différentes des propositions qui sont contenues dans l'avant-projet.

La Chambre des notaires du Québec est d'avis que le législateur doit retenir la seconde, c'est-à-dire se restreindre à offrir un cadre minimal. Notre système économique d'ailleurs est en accord avec cette position et cette position fait une meilleure place au consensualisme des intéressés.

Selon que l'on se place à l'une ou à l'autre des options, on trouve soit que le projet ou plutôt l'avant-projet ne va pas assez loin ou va trop loin.

Je fais une parenthèse ici, M. le Président, pour vous dire que la Chambre des notaires a respecté le délai de juin 1987 pour présenter son mémoire, contrairement au Barreau qui, au cours des ans, a toujours pris l'habitude d'être en retard. Et je ne parle pas d'une ou deux journées, je ne parle pas d'une semaine ou deux semaines, on parle en termes de mois.

Alors, depuis que ce mémoire a été déposé... À l'époque, plusieurs de ces propositions faisaient l'objet de débat, il n'y avait pas nécessairement unanimité. On a voulu respecter le délai du législateur, mais la discussion et la réflexion ont continué et certains points contenus dans notre rapport ont fait l'objet d'une nouvelle prise de position. Donc, cette partie de la présentation, ce matin, traitera justement de ces nouvelles différences.

Tout d'abord, M. le Président, je crois qu'il est important de situer le rôle du notariat dans ce domaine particulier du droit civil. Des faits. En 1985, les notaires ont présidé et instrumenté des transactions immobilières pour une valeur de 13 000 000 000 $ et se sont vu confier dans leurs comptes en fidéicommis plus de 10 000 000 000 $. Ce ne sont pas des chiffres en l'air, c'est vérifié par chacun des comptables agréés des notaires qui doivent produire un rapport annuel obligatoire pour le contrôle de l'utilisation de ces fonds. Donc, nous sommes absolument certains de ces chiffres. En 1986, ce furent 18 000 000 000 $ et 14 000 000 000 $ de fonds confiés aux notaires et, cette année, avec la vague de spéculation, nous croyons que ces chiffres atteindront 25 000 000 000 $ et 20 000 000 000 $ confiés aux notaires.

Qu'est-ce qui s'est passé pendant ces années, par exemple, en termes de réclamations, la qualité du service en d'autres termes? Au cours des dernières années, le chiffre de 400 réclamations, à peu près 415, a été le chiffre stable sur lequel une centaine tout au plus ont donné lieu à une ouverture à réclamation - les autres n'étant pas fondées - pour un montant moyen de 18 500 $. Donc, on s'aperçoit que les problèmes sont minimes par rapport à l'envergure et à la masse du trafic et des affaires.

Les notaires sont reconnus pour leur expérience et leurs connaissances dans le domaine. Ce sont des spécialistes. L'acte authentique se retrouve aussi au coeur de l'une des sûretés, l'hypothèque immobilière, et a fait l'objet de discussions par plusieurs intervenants devant cette commission. Aussi, nous nous sentons l'obligation de revenir sur cette notion qui est particulière, qui est propre au Québec. Le notaire Roque, tantôt, expliquera les aspects juridiques, les avantages et la cohérence de l'acte authentique dans notre système de droit. Donc, pour ne pas faire double emploi, je me contenterai d'observations plus immédiates et d'un autre ordre.

Toutefois, je ne peux laisser passer des remarques qui, notamment, ont été formulées par le Barreau, à savoir que le recours à l'acte notarié est devenu dépassé, que cela ne correspond plus au contexte socio-économique. Je réfère à la page 17 de son mémoire. Je me permets, M. le Président, de vous demander: Comment faut-il prendre ou comment faut-il considérer l'appréciation d'un contexte socio-économique par le Barreau quand on se rappelle, par exemple, son appréciation lors de l'introduction du recours des petites créances, de l'assurance automobile et encore lorsqu'on parle de médiation familiale? Je pense qu'il faut regarder au mérite chacun des arguments qui sont soulevés.

Dans le concret, l'hypothèque immobilière, lorsque l'individu, le consommateur transige pour obtenir du crédit sur sa résidence ou lorsqu'il recourt au crédit pour faire l'acquisition de sa résidence, c'est un geste économique très important, peut-être l'un des plus importants qu'il pose dans son existence. C'est pourquoi il est important pour lui d'avoir recours à un professionnel, à un juriste dont l'impartialité est reconnue. Ce n'est pas une neutralité. Quand je parle d'impartialité, je ne parle pas d'une neutralité, mais vraiment d'une impartialité active, d'où le devoir de conseil, je dois dire, qui est mal compris par nos confrères et consoeurs du Barreau. Pourtant, de nombreux jugements sont venus soutenir ce devoir de conseil. Récemment, deux jugements... Je vous donne l'esprit de l'un, où un notaire a été tenu responsable et a dû indemniser une partie qui avait reçu une hypothèque en paiement d'un prix,

hypothèque qui était de troisième rang, et le tribunal a trouvé que le notaire, en vertu de son devoir de conseil, aurait dû informer cette personne, qui était moins familière dans les transactions immobilières, sur la valeur non pas seulement juridique, mais la valeur économique de cette hypothèque de troisième rang qu'on lui cédait en paiement du prix d'un immeuble. Vous voyez donc que cela va très loin.

L'officier public qu'est le notaire a obligation de voir à l'équilibre des droits des parties lors de cette transaction. D'ailleurs, obligation déontologique est faite au notaire de refuser de prêter son ministère s'il s'aperçoit qu'il y a une disproportion dans les droits et dans l'équilibre.

Le Barreau, à la page 19 de son mémoire, comprend mal l'éclairage que les notaires apportent aux concitoyens en cette matière. Il est inconcevable pour le Barreau qu'un juriste représente deux parties - page 144 de son mémoire.

En somme, ce qui est compréhensible, c'est que le Barreau ne peut pas concevoir le droit autrement que par représentation, c'est-à-dire par système adversaire, c'est-à-dire par le système judiciaire. Le Barreau a beaucoup de difficulté à concevoir le droit autrement que dans une formule litigieuse et contentieuse alors que l'institution notariale est justement le droit dans un contexte volontaire, lorsque les gens s'entendent, lorsque justement on veut éviter d'avoir à faire trancher, selon le régime anglo-saxon, par le tribunal, chaque fois qu'il y a acte juridique significatif.

Lorsqu'on regarde aux pages 16 à 20 du mémoire du Barreau, on s'aperçoit qu'il y a une méconnaissance et même un mépris de l'institution notariale. Tout au plus, ce qu'on reconnaît, à la page 17, dernier paragraphe, c'est que les notaires sont des spécialistes d'une technique, celle de l'enregistrement. Ils sont tout à fait dépourvus d'être capables d'avoir de l'expérience. Pourtant, eux n'affirment pas moins qu'ils ont de l'expérience dans la négociation. Ils sont peut-être les seuls qui peuvent avoir de l'expérience, semble-t-il. Mais oui. Alors, lorsque, par exemple, il est question de négociation, il faut avoir recours à un autre juriste que le notaire qui est incapable de faire une négociation.

Puis, on dit on est incapable de concevoir que le notaire ne soit pas en conflit d'intérêts lorsque, par exemple, la transaction devient complexe. Quand elle est simple, il n'est pas en conflit d'intérêts mais quand c'est complexe, il est en conflit d'intérêts. Page 18 de leur mémoire. Somme toute, on voit qu'il y a énormément d'incompréhension.

M. le Président, laissez-moi vous dire qu'il est reconnu que le notaire a une expérience particulière en matière de sûretés et de droit immobilier. Le Québec a cet avantage d'avoir une spécialisation en droit, ce que d'ailleurs dans d'autres juridictions on tente de mettre sur pied, afin d'aider le consommateur à s'y retrouver plus facilement lorsqu'il a besoin d'avoir recours à des services. Aura-t-il à trancher une question ou à se faire aider dans un litige? C'est clair, il aura recours aux services d'un avocat. Mais lorsqu'il aura besoin, par exemple, de faire constater une convention où les parties ou les gens sont d'accord, il aura recours à un juriste du non contentieux.

L'obligation de résultat. Lorsque le notaire garantit un titre, il ne dit pas au citoyen vous savez, j'ai pris les meilleurs moyens pour vous assurer que vous serez bien propriétaires. On retrouve cela ailleurs: en médecine, chez l'avocat qui aura pris les meilleurs moyens. Le notaire, lui, est tenu à une obligation de résultat. II faut que le titre soit clair. Si le citoyen se voit évincé, il a un recours direct contre le notaire et notre régime d'assurance-responsabilité obligatoire depuis I960 est là pour en répondre.

Un point qui est relevé également à la page 143 du mémoire du Barreau dit que l'obligation de certifier l'identité, la qualité, la capacité des parties, l'adéquation, c'est extrêmement exigeant. II nous met dans le lot avec les arpenteurs en disant c'est beaucoup trop, c'est excessif. Non, je regrette, retirez-nous de là parce que nous jouons ce rôle depuis toujours. Le notariat a toujours satisfait à cette obligation de garantir l'identité des parties, leurs qualités, leurs capacités et même l'adéquation de la volonté.

On a un peu l'impression que lorsque cela devient sérieux, lorsqu'il y a un engagement professionnel, le Barreau tente de se retirer alors que nous, nous disons: non, non, nous continuons à prendre cette responsabilité sociale de garantir des titres, de garantir l'adéquation de la volonté des parties au contrat, de garantir l'identité et nous en serons professionnellement responsables.

Je vous souligne, M. le Président, que dans la société actuelle, il est rare de voir des gens qui s'avancent pour dire: savez-vous, nous prenons une responsabilité. Je vous le souligne en passant.

Le Barreau souligne que ce problème d'adéquation de la volonté est difficile à établir et qu'en fait de nombreux procès en témoignent. Alors, je pose la question: Mais ces procès touchent combien d'actes notariés? Je ne sais pas s'il y a 10 ou 20 procès par année qui touchent un acte notarié, sur les dizaines de milliers d'actes qui sont passés. Il faudrait peut-être plutôt voir si les écrits sous seing privé ne sont pas surtout à l'origine de ces procès.

M. le Président, nous avons un système

ici au Québec qui se distingue des autres. Il fait partie du patrimoine comme la langue française. Je me permets de vous souligner qu'à part le français, il n'y a que le notariat qui distingue le Québec par rapport à toutes les autres provinces canadiennes. Il n'y a pas autre chose. Le français et le notariat. Le restant, on le retrouve partout. Nous avons donc un système, M. le Président, qui est cohérent, qui a bien servi la population du Québec et qui intéresse de plus en plus le monde extérieur. Pourquoi? Parce que ce râle du juriste non contentieux dans un contexte de déjudiciarisation où on réalise que le système anglo-saxon de l'écrit testimonial, du recours aux tribunaux pour tout et rien presque, touche à la limite... On le voit, quand on dit que 75 % des coûts de l'assurance-responsabilité doivent aller en paiement des frais judiciaires et d'expertises, alors que seulement 25 % vont effectivement à la réclamation. Ce n'est pas qu'au Canada, c'est aux États-Unis. Quand on voit une société qui est en train de s'épuiser économiquement par son système judiciaire, le monde anglo-saxon le réalise. Il regarde nos institutions.

Je voudrais, M. le Président, juste vous lire rapidement un extrait d'un amendement du 6 juin 1986 au Code de déontologie des juristes de la Colombie britannique. On retrouve également à peu près a la même époque un tel changement en Alberta. Je me permets de le lire d'abord en anglais, c'est très court. J'en ferai une traduction littérale: "If a member acts fort both a mortgager and a mortgagee in the circumstances set out in subsection 2 or 3, then the member shall not act in any foreclosure preceeding relating to that transaction for either the mortgager or the mortgagee." Aucun membre du Barreau qui agit pour le créancier et le débiteur ne peut, lorsqu'il s'agira de réaliser la garantie, représenter l'une ou l'autre des parties. Cela n'est pas tombé du ciel, M. le Président. C'est que pendant la crise de 1981, 1982 et 1983, dans l'Ouest canadien, plusieurs fermiers et petits entrepreneurs ont perdu leur actif par suite de reprise et de réalisation de garantie par les créanciers. Us ont dit: Vous voyez, nous avons été mal informés parce que celui qui nous a fait signer, celui qui nous a informés, regardez, aujourd'hui, il représente le créancier.

Ces représentations ont été tellement convaincantes que les gouvernements de ces deux provinces ont obligé les Law societies de ces provinces à modifier le Code de déontologie de leur Barreau respectif afin que justement on puisse essayer de retrouver un peu d'impartialité. Nous on l'a déjà. Cela existe, mais non, en vertu de je ne sais pas quel progrès, il faudrait être au goût d'on ne sait pas trop quel jour et il faudrait tout balancer.

M. le Président, si on regarde le volume de transactions, si on regarde depuis nombre d'années que le notariat est au coeur de ce genre de transactions, si on tend l'oreille, pourquoi, par exemple, la Loi sur la protection du consommateur, qui a touché à plusieurs domaines, n'a pas encore touché à celui de l'immobilier? Parce que somme toute les problèmes sont minimes. Pourquoi? Parce qu'il y a au coeur même de cette activité la présence de ce juriste particulier qu'est le notaire. Nous maintenons donc, M. le Président, que l'obligation pour l'hypothèque immobilière doit être constatée par acte authentique. Nous croyons, concernant le nantissement des biens meubles, que ce soit facultatif parce que comme nous le dirons plus loin, nous entendons que le nantissement ou l'hypothèque mobilière soit réservé aux seules affaires commerciales. (10 heures)

Par ailleurs - et ce sera l'objet de l'intervention du notaire Roque tantôt - nous croyons qu'il faut regarder vers le complément de notre système juridique actuel concernant l'acte authentique et considérer la force exécutoire comme étant un avantage dans la réalisation des garanties qui permettra des économies réelles tout en évitant le procesus extrêmement coûteux qu'est le recours aux tribunaux judiciaires.

Je me permets une parenthèse, en passant. À la page 148 du mémoire du Barreau, on s'interroge pour savoir quel sera le notaire qui devra confectionner le rapport d'actualisation. La réponse est très simple. C'est l'article 26 de la Loi sur le notariat qui dit que ce sera le notaire qui présidera à la transaction de l'aliénation. Petit point, en passant.

Concernant la publication des droits, nous sommes d'accord avec l'objectif que le ministre, l'honorable Marx, a mentionné hier voulant que le système d'enregistrement des sûretés soit économique, qu'il soit facile de consultation, qu'il soit intégrable selon les techniques modernes d'informatisation et qu'il vise des droits et non pas des documents. M. le Président, il faut reconnaître qu'il faut cesser de remplir les bureaux d'enregistrement de papiers inutiles.

Nous sommes d'accord avec l'objectif de la fiabilité des registres, mais là où il faut bien s'entendre, c'est qu'il s'agit de la fiabilité de l'ordre donné au droit et non pas une certitude quant au contenu ou à l'étendue des droits dont les registres feront état.

Nous sommes d'accord avec les principes, qui sont contenus dans l'avant-projet de loi et qui découlent de la rénovation cadastrale. Toutefois, nous trouvons qu'après production d'un rapport d'actualisation, rien ne garantit qu'on ne retournera pas à une situation chaotique où

tout le monde pourra enregistrer des droits qui ne seront pas nécessairement valables. Nous croyons que notre système d'enregistrement et de publication des droits devrait profiter de ce grand ménage qu'est la rénovation cadastrale pour aussi lui donner beaucoup plus de rigueur et de fiabilité. D'ailleurs, cela s'inscrit directement avec l'objectif d'informatisation de ces registres.

Le principe voulant que tout acte touchant le cadastre soit authentique est le nôtre. D'ailleurs, dans l'exposé qui vous sera fait tantôt, le notaire Roque vous expliquera ce qui est arrivé en Europe sur cette question et comment on a des registres absolument fiables, par l'obligation de l'authenticité à tout document qui constate des droits touchant le fond.

Le Barreau s'inquiétait de la conservation parce que l'option est celle-ci: Si on dît que le secteur privé doit assumer le fardeau relatif à l'ordonnance et à la gestion des droits en matière de sûreté, il ne s'agit donc pas de confier la charge à l'état d'archiver tous ces documents. Alors, le Barreau s'inquiétait, mais il n'a pas à s'inquiéter. On peut vous présenter des documents d'il y a 100 ans, 200 ans qui ont été reçus par les notaires du Québec. Ceux-ci assurent une conservation, dans des lieux qui sont d'ailleurs à l'épreuve de la destruction par incendie, et ce, en vertu de normes réglementaires et légales. Vous ne retrouvez cela chez aucun autre professionnel.

Également, on s'inquiétait sur la difficulté d'identifier, et d'assurer la qualité et la capacité des parties et de l'adéquation. Mais c'est l'essence même de l'acte authentique. Donc, l'acte authentique est celui qui offrira cette garantie. Nous disons donc à l'État de rendre obligatoire le recours à l'acte authentique pour tout acte qui touche aux droits immobiliers. Si, toutefois, l'État persiste a laisser le choix d'avoir le recours, pour d'autres actes que l'hypothèque immobilière évidemment, à l'écrit sous seing privé, il faudra qu'il y ait une certification, mais une certification qui ne se limitera qu'à l'identité, à la qualité et à la capacité des parties et non pas à l'adéquation, parce que, là, on demandera de se prononcer sur le contenu et l'étendue des droits. Nous croyons que ce n'est pas le rôle d'un registre. Il s'agit de dénoncer un droit et non pas de le quantifier et de l'expliciter. Ce sera le rôle, à ce moment-là, du secteur privé de le faire. Nous croyons à ce moment-là que cette certification de l'écrit sous seing privé devra être faite par un officier public, le notaire.

On a même suggéré le recours au registrateur. C'est concevable. Il faudra, à ce moment-là, repenser le statut du registrateur, qui n'est pas un officier public à l'heure actuelle, nonobstant ce qu'on vous a dit hier. II faudra, à ce moment-là, que ceux qui recourront à cet écrit et qui imposeront un fardeau administratif à l'État, c'est-à-dire d'avoir du personnel pour accueillir, pour pouvoir procéder à cette vérification d'identité, de qualité et de capacité, que le coût d'accès au registre soit en conséquence pour ceux qui recourront à l'écrit sous seing privé. Donc, si l'État a un service additionnel à fournir, il faudra qu'il soit remboursé.

Je fais une parenthèse pour clarifier le point de la certification. L'avant-projet mentionnait que l'avocat ou le notaire pouvait procéder à cette certification. Nous trouvons assez difficile de concevoir que l'avocat puisse procéder à cette certification. D'abord, il n'a pas le statut d'officier public. Deuxièmement, si deux avocats représentent chacune des parties à la transaction, lequel va certifier l'adéquation des volontés? Ces deux devront-ils recourir à un troisième qui viendra certifier? Nous croyons que c'est faire fausse route que de prolonger dans cette direction.

Une modification majeure, M. le Président, dans notre mémoire, c'est la présomption d'hypothèque. Notre mémoire reprochait un peu au gouvemement, enfin plutôt à l'avant-projet, de ne pas avoir fait place à la présomption d'hypothèque. Je vous ai mentionné tantôt que les discussions ont continué après la production de notre mémoire, sa confection et sa production. C'était un point où il n'y avait évidemment pas unanimité. La position de la chambre aujourd'hui, c'est que l'État a bien fait de ne pas retenir la présomption d'hypothèque. Alors, c'est une position qui est complètement inversée de celle qui est contenue dans notre mémoire. Pourquoi? Tout d'abord, l'hypothèque touche la relation entre prêteurs. La présomption d'hypothèque, c'est d'ordonner des relations entre prêteurs qui ont les moyens de connaître l'étendue de leurs garanties aujourd'hui.

Sur un point de vue conceptuel, alors qu'on cherche à s'assurer que le consommateur comprendra bien la portée des engagements qu'il contracte par un formalisme, par la présomption d'hypothèque, on vient justement court-circuiter cette garantie qu'on veut offrir au consommateur puisque, peu importe la sorte de document qu'il siqnera et les circonstances dans lesquelles il le signera, la loi présumera qu'il aura accordé une hypothèque. Donc, probablement, il aura grevé ses biens dans une proportion ou dans une étendue beaucoup plus grande que celle qu'il croyait faire. Nous croyons que c'est absolument désavantageux pour le consommateur.

La présomption d'hypothèque est un échec au consensualisme qui est à la base de notre droit. L'argument voulant que c'est pour que les registres soient plus fiables

n'emporte pas notre adhésion. Nous disons que les registres doivent constater dans l'ordre les droits et non pas les arbitrer, les évaluer. Ce n'est pas le rôle des registres. Est-ce si certain qu'on obtiendra une plus grande fiabilité si on recourt à la présomption d'hypothèque? Est-ce que les taux d'intérêt baisseront vraiment? Ne créera-t-on pas plutôt un climat incertain où il faudra intervenir - on le voit - par le recours aux tribunaux pour faire prononcer, pour faire évaluer cette présomption d'hypothèque? Dès lors, il y aura toujours, nonobstant ce qui est inscrit au registre, la possibilité qu'une hypothèque non enregistrée, puisqu'elle est encore sous le régime d'une présomption, puisse à un moment donné être prouvée par le tribunal et là, soudainement, venir déranger l'ordre. Donc, les registres ne seront plus fiables.

M. le Président, je soutiens que l'imagination fertile des créanciers a quand même ses limites. Et les actes de garantie et de sûreté, actuellement, n'ont pas vraiment connu beaucoup de modifications depuis les quinze ou vingt dernières années. Il n'est pas mauvais... Je trouve que c'est très prétentieux de geler un système de droit en disant: Savez-vous, aujourd'hui et à jamais, voici ce que sera le droit, en interdisant à une société d'évoluer, au fond, et de mettre au point de nouveaux mécanismes. Nous crayons que le législateur doit faire un peu plus confiance et qu'il doit laisser place aux nouvelles techniques comme le bail emphytéotique, le leasing, etc.

Concernant l'hypothèque mobilière, notre mémoire est incomplet là-dessus. On dit, à la page 43, que dans les matières non commerciales, il faudra avoir recours à l'acte notarié. C'est incomplet en ce sens qu'on a dit que, si le législateur persiste à conserver le recours à l'hypothèque mobilière - ce que nous appelons le nantissement mobilier - au particulier, à ce moment-là, il faudra que ce soit par acte notarié, mais nous croyons que c'est une erreur. Nous concevons difficilement comment il sera gérable d'avoir un système qui dénoncera des droits sur une chaîne stéréophonique ou sur un mobilier de salon ou de cuisine, par exemple, quand on considère les millions d'objets qui sont visés et la facilité avec laquelle on peut altérer les marques d'identification sur bon nombre de ces objets, quand on considère la difficulté que l'État a de financer son actuel réseau de publicité des droits fonciers.

Nous vivons des situations absolument aberrantes à l'heure actuelle. Nous devons retenir des sommes fantastiques des consommateurs pendant des périodes allant de cinq à dix jours. Pourquoi? Parce qu'il faut attendre la lenteur de la gestion des registres que sont les bureaux d'enregistrement. On n'a qu'à constater des droits sur un ensemble quand même défini qu'est le territoire et on va se lancer à constater des droits sur une multitude d'objets mobiliers qui, de toute façon, ont un caractère relativement temporaire dans le temps, alors que la gestion du sol, qui est constatée par le régime de publication foncière, a, elle, des effets qui demeurent.

Donc, nous croyons que le principe de l'hypothèque mobilière ne doit être restreint et conservé que pour les matières commerciales où, vraiment, le nantissement prend son sens. Comme nous l'avons dit dans notre mémoire, nous croyons qu'il faut laisser la liberté du recours, quant à la forme, aux parties qui sont éclairées. Actuellement, nous reconnaissons que le mineur devient capable lorsqu'il est en matière commerciale, pour les fins de son commerce. Pour les mêmes fins, nous reconnaissons que les qens d'affaires, les gens en commerce sont mieux avertis et ont peut-être un peu moins besoin de la protection qu'offre le système notarié, par exemple pour l'hypothèque immobilière, pour le citoyen qui a recours à cette formule de crédit pour faire l'acquisition d'une résidence.

Toutefois, nous préconisons - et c'est encore le sujet de l'exposé du notaire Roque, tantôt - que la force exécutoire soit accordée et complète notre système d'acte notarié afin que ceux qui y recourront, en matière de nantissement ou d'hypothèque mobilière, puissent trouver là un avantage à recourir à la forme notariée. Ils auront donc le choix. S'ils recourent à la forme notariée, ils recevront, à ce moment-là, un avantage lors de la réalisation de leur garantie.

Nous avons identifié le problème de l'hypothèque léqale des personnes avant participé aux travaux de construction-rénovation. Nous croyons que l'avant-projet de loi doit être revu. Toutefois, au chapitre des principes, il faut maintenir la protection de ceux qui, effectivement, fournissent des travaux, leur labeur, leur savoir et leurs services lorsqu'un immeuble se voit pourvu d'une valeur ajoutée par ces contributions. (10 h 15)

Ce qu'il faut faire, c'est qu'il faut déterminer un nouveau processus dans la rétention des fonds. C'est qu'actuellement, le secteur de la construction ou de la rénovation immobilière est le seul qui ne répond pas aux mêmes règles économiques que les autres. Par exemple, lorsque que j'achète une voiture, est-il possible qu'un jour je rencontre un sous-contractant de la compagnie General Motors qui viennent me dire: Savez-vous, il faut que vous me remboursiez pour le coût des poignées de porte de cette automobile? La même chose si je pense à une embarcation, à un avion. Personne de ceux qui ont contribué, aucun de ceux qui ont contribué dans la chaîne de

fabrication de ce produit n'a un recours contre l'acheteur. Pourquoi? Parce que le fabricant a le fardeau de son financement alors qu'au Québec, dans le domaine de la construction, ceux qui sont les fabricants se financent à même l'argent de ceux qui en seront les propriétaires. Là-dessus, il faut repenser. II faut que le fardeau du financement appartienne au fabricant et que ce soit clair. Alors, avec ce principe, je crois qu'on pourra repenser ce chapitre de l'avant-projet. Un mot en terminant pour souligner... bien que je croie que l'hypothèque est un recours difficilement concevable pour les créateurs, il s'agit néanmoins d'une préoccupation réelle. Les créateurs ont énormément de difficultés à faire valoir leurs droits et à les conserver. Je pense qu'au niveau du législateur, nous devrions porter attention à ces droits. Merci.

Le Président (M. Marcil): Me Jean Lambert, merci beaucoup. Cela nous laisse un peu de temps pour la période de questions. Nous allons commencer tout de suite. Je vais reconnaître le député de Marquette, adjoint parlementaire au ministre de la Justice.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Tout d'abord, j'aimerais souhaiter, au nom du ministre de la Justice et de l'équipe ministérielle, la bienvenue aux représentants de la Chambre des notaires du Québec et les féliciter pour la préparation et la présentation de leur mémoire. D'ailleurs, la chambre, à chaque occasion, a toujours collaboré avec le législateur dans toutes les lois.

J'aimerais revenir, si vous me le permettez, sur la notion de présomption d'hypothèque. Vous savez que plusieurs organismes ont proposé à cette sous-commission d'adopter cette notion. Le Barreau, notamment, nous dit que cela imposerait un régime standard, tant sur le plan des règles de publicité que sur celui des recours. Vous nous indiquez que vous êtes contre cette notion en ce sens que cela ne protégerait pas nécessairement le citoyen ou le consommateur. J'aimerais que vous détailliez un peu plus la position de la chambre et les avantages et inconvénients de cette notion de présomption d'hypothèque, surtout sur les difficultés de prêts, vous l'avez mentionné tantôt, vous en avez fait état.

M, Lambert: Remarquez qu'il y a un aspect séduisant dans la présomption d'hypothèque. Enfin, la simplification séduit toujours. On dit: Écoutez, on va simplifier, on va se reconnaître plus rapidement. Alors, c'est sûr que la présomption d'hypothèque, à ce niveau, est séduisante. On dit: Écoutez, on simplifie l'affaire, peu importe ce que vous avez voulu, nous disons que c'est une hypothèque, donc, voici le recours. Dans ce sens, on comprend qu'il y a un attrait. Mais on pense que c'est une vue de l'esprit qui risque de ne pas vraiment se réaliser dans les faits. Finalement, lorsqu'on approfondit, on s'aperçoit qu'elle irait même à l'encontre de l'objectif qu'on suit. Je l'ai mentionné rapidement tantôt. On veut que les registres soient fiables, on veut que les gens puissent constater clairement leurs droits. Alors, voici justement une possibilité que des droits naissent, existent sans même qu'on les dénonce. Mais lorsque le tribunal se sera prononcé en vertu de la présomption d'hypothèque, là, ce droit sera opposable. Alors, nous pensons que sur ce point, on n'obtiendra pas du tout l'effet qu'on recherche.

Maintenant, pour le consommateur qui se présente dans une institution, on dit: Écoutez, c'est une simple promesse que si, Mon Dieu, vous avez des difficultés, eh bien là vous nous accorderez une hypothèque sur vos biens, sur votre résidence. Cela va mal et là le créancier se présente et dit au tribunal: Voici, moi j'ai une entente comme quoi le débiteur était consentant de m'accorder des droits sur sa résidence, donnez-moi une hypothèque. Le consommateur va peut-être dire: Minute! Un instant! À l'époque c'était une promesse et j'ai des droits à faire valoir aujourd'hui contre cette promesse.

M. Beaulne (Jacques): Jacques Beaulne. Pour continuer peut-être sur la même ligne, je pense que c'est un aspect important du danger de la présomption d'hypothèque. Actuellement, dans le contexte d'une hypothèque qui est faite devant notaire, le consommateur est en mesure, de par les conseils que lui donne le notaire, de comprendre exactement ce dans quoi il s'engage, l'étendue de ses obligations. Si on aborde la question de présomption d'hypothèque, à ce moment-là, le danger est justement que le consommateur signe en dehors du cadre d'une hypothèque notariée un document dans lequel il considère que ce n'est absolument pas une hypothèque, c'est un petit droit, peu imparte la nature ou le qualificatif qu'on veut bien attribuer à ce droit. Or, il concède un droit mais dans son esprit ce n'est absolument pas une hypothèque avec ce que cela peut apporter. Tout à coup, par une interprétation du tribunal, cela devient une hypothèque et là tout à coup le créancier se retrouve avec tous les droits, tous les recours du créancier hypothécaire aux termes du Code civil. Or, dans ce sens, le consensualisme à ce moment ne veut rien dire. Ce qu'il y a dans le document n'est absolument pas la volonté du consommateur. Ce n'est absolument pas ce à quoi il voulait consentir.

C'est le grave danger, justement, de prendre un ensemble de possibilités qu'offre actuellement le droit pour tout simplifier cela à une notion et alors qu'on veut faire confiance au consommateur, on lui dit: Peu importe ce que tu as signé, en fait, c'est une hypothèque. Que tu l'aies appelé le nom qu'on veut bien lui donner, cela a le même effet quant aux recours. On donne les mêmes recours aux créanciers peu importe si dans l'esprit du consommateur, le créancier n'avait pas autant de recours. Cela est le danger principal, je pense, de la présomption d'hypothèque.

M. Dauphin: Merci. M. Pineau, M. le Président, aurait une question à poser sur le même sujet.

M. Pineau (Jean): Je vous remercie M. le Président. J'aimerais vous poser une question sur le problème des situations dites privilégiées. Si on a adopté le système d'une présomption d'hypothèque, je suppose que, dans la logique des choses, il faudrait supprimer tout ce qu'il est convenu d'appeler les situations privilégiées. Je pense particulièrement à l'exception d'inexécution, à la résolution du contrat, à la compensation, aux termes relatifs à un transfert de propriété ou une réserve de propriété. Ma question est celle-ci. J'avais l'intention de vous la poser dans l'hypothèse où vous étiez favorable à la présomption d'hypothèque, je vous la pose néanmoins. Pensez-vous que ce serait une bonne chose que de supprimer la résolution du contrat, au cas de défaut de paiement de prix, de supprimer la possibilité pour des contractants de stipuler une réserve de propriété? Est-ce que, par ces suppressions, on ferait progresser le droit?

M. Lambert: Je vous dirais que... Nous avons discuté de cet aspect avec Me Rogue hier. Avec votre permission à ce moment, M. le professeur, je suggérerais peut-être qu'on laisse notre confrère Rogue vous répondre. Mais je vous dirais toutefois ceci, c'est que les avantages qu'il y aurait à mettre en échec le consensualisme n'est pas évident. Si, par exemple, des parties décident de faire une vente à réméré et que ce droit soit bien dénoncé à tout le monde, je vois mal en vertu de quel principe on viendrait par la suite dire: Écoutez, vous avez convenu de cela mais nous, en vertu du droit, nous disons que ce n'est pas cela l'effet et vous aurez fait une hypothèque. II y a là une difficulté à s'accrocher à ce concept qui veut que, finalement, on fasse fi de l'intention des parties. Maintenant, devrons-nous, dans une optique de protection du consommateur, limiter le recour qui pourrait découler de conventions autres? Je pense que cela est fort concevable et cela peut se regarder dans un autre contexte, mais pas en arrivant avec un concept aussi particulier qu'une présomption d'hypothèque.

M. Dauphin: Merci beaucoup. Hier, plus précisément hier soir, nous avons reçu plusieurs organismes reliés à l'industrie de la construction. Ils avaient un message à nous transmettre, comme membres de cette sous-commission, par rapport à leur pnvilège, celui de la construction, remplacé ou prévu, maintenant, à l'article 2888 sur les hypothèques légales. Vous en avez parlé un peu tantôt, évidemment, certains groupes penchent d'un côté et d'autres de l'autre côté. C'est normal, chacun prêche pour ses intérêts, pour sa paroisse. Vous avez étudié ces aspects. J'aimerais que vous nous donniez un éclairage ou une opinion plus alimentée, plus élaborée, si vous me permettez, par rapport à ce que vous nous avez dit tantôt concernant l'hypothèque léqale du personnel de la construction.

M. Lambert: Juste avant de passer la parole au notaire Beaulne, je voudrais simplement peut-être préciser à nouveau ce qui a été dit tantôt, bien rapidement. T'est qu'il faut reconnaître qu'il y a là des droits qui doivent être protégés. Ceci étant dit, je crois que la situation actuelle, qui veut que les constructeurs se financent à même les sommes de ceux qui achèteront ou qui en feront l'acquisition, que ce soit des sommes provenant d'un créancier hypothécaire, ce n'est qu'accessoire quant à moi, cela, je pense, est à repenser. C'est là qu'est tout le débat, parce que toutes les déconfitures où les consommateurs se sont retrouvés entre l'arbre et l'écorce, cela a toujours été que les sommes qui devaient payer des travaux ont été utilisées par le constructeur à d'autres fins et quand le constructeur, à la suite d'une déconfiture financière, quittait la scène, à ce moment-là, les consommateurs restaient aux prises avec ces problèmes.

Nous croyons que l'industrie de la construction devra faire, à l'instar des autres industries, son effort pour financer la fabrication de ces produits et non pas en reporter le fardeau sur d'autres.

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Groulx. Est-ce que Me Reaulne vous deviez répondre? Non? Cela va.

Mme Bleau: Vous avez parlé, tout à l'heure, des créateurs et des créatrices. Justement hier, on a reçu un groupe de ces créatrices. Est-ce que vous voyez ce groupe de créateurs et de créatrices... On en parle à t'hypothèque légale, mais voyez-vous autre chose qui pourrait les aider?

M. Lambert: Je vous avoue que, là-dessus, on n'a pas fait de réflexion. Les

propos que j'ai tenus tantôt, c'est à la suite du rapport qu'on m'a fait hier des travaux de cette commission, où, notamment, vous avez évidemment reçu les créateurs. L'opinion que j'ai exprimée est d'abord personnelle, mais elle correspond aussi à une position de la chambre, puisqu'on travaille sur le projet fédéral, le nouveau projet concernant le respect des droits d'auteur. Ceci étant dit, je voulais simplement souligner à cette commission qu'effectivement les créateurs ont besoin d'avoir recours à une protection. Maintenant, l'hypothèque légale sur quoi? C'est là qu'est toute la difficulté. Par exemple, si on considère toute l'industrie de l'électronique, l'hypothèque va être prise sur quoi? Lorsque, par exemple, un compositeur et un interprète enregistrent, est-ce qu'il faudra enregistrer une hypothèque sur chacune des installations des stations de radiodiffusion? C'est là qu'on s'aperçoit qu'on a un problème.

Ce que j'ai simplement mentionné, c'est qu'on est à regarder cet aspect. On commence; malheureusement, je ne peux pas vous dire... Je voulais simplement ne pas laisser passer sous silence et dire: Voilà quand même une préoccupation qu'il faut absolument considérer. (10 h 30)

M. Beaulne: Peut-être dans la même veine. Évidemment, la difficulté avec les créateurs et les créatrices, c'est qu'en ce qui concerne l'hypothèque légale, à l'article 2888, les créanciers sont quand même en nombre limité à l'intérieur de chaque catégorie. Accorder une hypothèque léqale à tous les créateurs pourrait faire en sorte que, par exemple, 50 ou 100 écrivains enregistrent une hypothèque légale contre la maison d'édition. On se retrouverait alors avec l'immeuble de la maison d'édition sur laquelle sont enregistrées 10, 20 ou 30 hypothèques légales provenant toutes de créateurs ou de créatrices. D'autre part, leur droit étant un droit intellectuel, il y a eu une question de posée, hier, à propos de la créance du vendeur non payée. Si on regarde à l'article 2892, cet article limite l'hypothèque légale du vendeur ou bien qu'il a vendu. Ce qui veut dire que cela ne pourrait pas être ouvert aux créateurs et aux créatrices. Il est certain qu'il faut accorder une certaine protection. Maintenant, ce n'est pas certain que c'est dans l'hypothèque légale comme telle. Il faudrait peut-être penser à un autre type de sûreté ou à une autre garantie quelconque qui pourrait mieux répondre à ces problèmes précis.

Mme Bleau: Vous n'avez pas encore pensé à ce moyen-là?

M. Beaulne: Non, pas à l'heure actuelle. Mme Bleau: Si vous y pensez vous nous en ferez part?

M. Beaulne: Certainement. Mme Bleau: Merci.

M. Lambert: II faut penser absolument aux organismes protecteurs comme les sociétés d'exécution, c'est clair qu'il faut penser à cette avenue, beaucoup.

Mme Bleau: Merci.

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. J'aimerais également vous saluer, M. Lambert, M. Mackay, Mme Fortin, M. Beaulne ainsi que les personnes chargées de votre comité.

Vous avez apporté une importante contribution lors de nos travaux portant sur le projet de loi 20. J'imagine que vous restez toujours attentif à la poursuite des études qui se font sur la question du partage des biens des conjoints, sur toute la question économique. Vous savez sans doute que le ministre a annoncé, hier, que le rapport devrait nous être incessamment connu. Je sais que c'est là un sujet qui vous intéresse beaucoup.

J'ai pu constater que les relations avec le Barreau ne s'étaient pas vraiment améliorées depuis deux ans. J'ai eu l'impression que lorsqu'on traitait du droit des personnes, d'une certaine façon il y avait plus entente que ça peut être le cas maintenant.

Hier, l'un des mémoires m'a semblé être une contribution importante à nos travaux et c'est celui de la Commission des services juridiques qui a apporté un point de vue presque philosophique sur cette question. Je crois qu'il nous faut certainement d'abord nous poser la question comme vous l'avez d'ailleurs posée. Je pense qu'il faut certainement se féliciter de la franchise directe avec laquelle vous abordez ces questions. Il faut le faire. Je pense qu'on n'a pas intérêt disons à perdre notre temps en circonlocutions. Lorsque la Commission des services juridiques a présenté son mémoire, hier, je vous répète qu'il me semble, moi, comme parlementaire, comme élue dans ce Parlement par une population qui, évidemment entend certainement et souhaite que je défende ce sur quoi je me fais élire... Je pense que, je vous le répète, la liberté contractuelle, ce n'est plus considéré comme une sorte de droit divin qui est descendu du ciel sur des invidivus qui ont toute la liberté de mouvement. Des droits démocratiques se sont développés et un large consensus - et on peut parler de consensualisme aussi à ce niveau - d'une sorte d'approche nouvelle qui souvent considère que la liberté peut opprimer et que

le droit peut affranchir à bien des égards. Cette façon de voir colore aussi d'une certaine façon.

Dès le départ, comme d'entrée de jeu, vous disiez: Les sûretés ce sont des rapports de nature économique. C'est une relation d'affaires. De là, par ailleurs à glisser pour conclure que cela se passe entre gens d'affaires il faut faire très attention. Je pense qu'on s'entend sur cela. Les individus qui contractent ne sont pas pour autant nécessairement, on le sait bien - et je suis la première, j'ai bien des qualités dans la vie, mais je n'ai pas celle-là; je l'accepte. Alors, je représente bien les gens qui m'ont élue. Mais le fait est qu'il y a aussi certainement à examiner l'ensemble de ce droit en regard de ceux qui contractent et qui ne sont pas pour autant des gens d'affaires. J'interviens sur cette question de présomption d'hypothèque. Je suis en réflexion sur cette question, je n'ai pas d'opinion arrêtée et d'une certaine façon, évidemment, le devoir de prudence s'impose quant à la réforme du Code civil autant à l'égard du Livre des sûretés qu'à l'égard du Livre des biens des personnes et autres. C'est un long processus. On s'engage dans un processus, M. le député de Marquette, qui va nous entraîner dans de longues heures, semaines et peut-être mois. Il est heureux qu'il en soit ainsi. Je ne pense pas qu'il faille d'aucune façon bouleverser cet édifice avec lequel on va vivre durant bien des années, sinon des décennies, parce que c'est assez long qu'on ne fouille pas là-dedans tout le temps.

Vous disiez, quant à la présomption d'hypothèque, qu'il y aurait toujours la possibilité que des droits naissent et existent sans même qu'on les dénonce. Par ailleurs, sans la présomption, il y a aussi la possibilité pour les créanciers de créer des sûretés nommées et aussi la possibilité de circonvenir aux mécanismes de protection qui sont voulus et souhaités.

Par ailleurs, vous avez atténué en disant: Oui, mais on pourrait envisager de limiter des recours qui découleraient de conventions autres. Donc, il y a quand même, vous en convenez, nécessité d'une intervention à ce niveau-là. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Lambert; Je pense qu'il faut distinguer à la fois des objectifs de protection de consommateurs, et cela se conçoit très bien, et le principe du consensualisme. Je crois qu'on doit encore retenir dans notre droit le principe du consensualisme. La protection, elle, vient dire: Écoutez, dans telle et telle matière ou lorsque l'un des contractants sera dans telle situation, voici un ensemble de conditions qui devront être satisfaites pour qu'on puisse avoir recours contre ce consommateur. Ces conditions visent généralement à ce que le consommateur soit bien informé, Darce que c'était d'ailleurs l'une des sources de beaucoup de problèmes autrefois: les consommateurs étaient invités à signer souvent sous la pression d'un contexte très particulier où on tirait avantage, par exemple, de leur désir d'acquérir quelque chose, pour leur faire signer quelque chose dont ils n'avaient absolument aucune idée quant à la portée des engagements.

Donc, une mission d'information, une obligation d'information et aussi des conditions qui ne devront pas toucher, par exemple, à des liens qui sont absolument nécessaires à la vie. Ce sont les biens, par exemple, insaisissables et tout cela. C'est ce qenre de condition, mais après qu'on est assuré à la fois que l'individu qui est dans une position de déséquilibre puisse avoir recours à l'information. C'est d'ailleurs pourquoi on dit que lorsqu'il s'agira de gager ses biens, il devrait avoir obligatoirement recours à quelqu'un qui va l'informer d'une façon impartiale et qui verra, par l'obligation que l'État lui fait, à assurer l'équilibre des parties. Je pense que c'est dans cette direction. Mais une fois qu'on sera assuré que le consommateur sait ce qu'il fait et qu'il est entièrement informé, il faut laisser place au consensualisme.

Ce qui est dangereux avec la présomption, c'est justement qu'on dise: Écoutez, allez-y, faites-en, du consensualisme, signez n'importe quoi. Mais quand le temps de l'exécuter va arriver, on va dire: Écoutez, un instant! Ce n'est plus cela du tout. Là, c'est qu'on fait croire qu'il y a du consensualisme et quand on va arriver à l'étape de l'exécution, on va dire: Non! Non! Ce que vous avez fait, cela ne compte pas, savez-vous, c'est une hypothèque que vous avez faite. C'est là que ça ne marche plus. Je pense qu'à ce moment-là, c'est dangereux.

Mme Harel: Vous venez de parler d'impartialité, vous parliez de cette question de la capacité de négociation. Vous disiez: Nous en sommes aussi pour cette possibilité au départ, d'entrée de jeu. Mais, évidemment, la négociation suppose qu'on négocie pour une partie à la fois. Je pensais que c'était un peu comme un mariage. On peut se marier plusieurs fois, mais successivement.

Des voix: Ha! Ha!

Mme Harel: Et négocier, c'est un peu la même chose dans un sens. On peut négocier pour des parties opposées, mais successivement. Oui. Est-ce que...

M. Lambert: Bien oui, c'est que quand j'ai...

Mme Harel: Là même, il n'y a pas une sorte de contradiction.

M. Lambert: Mme Harel, ce que j'ai relevé, c'est que dans le mémoire du Barreau, ce qui est dit ici, c'est que s'il s'agit de négociations, alors voilà, l'avocat est la personne. C'est ce qui est dit ici là-dedans. Moi, ce que je dis, c'est que le notaire peut très bien aussi être un professionnel juriste qui puisse intervenir dans une négociation. Rien n'empêche, à ce moment-là, que chaque partie ait recours à son conseiller juridique notaire. On ne veut pas dire que le notaire est toujours obligatoirement le seul au milieu de l'ensemble des parties.

Ce que j'ai simplement relevé tantôt, c'est que je trouve que le mémoire du Barreau fait preuve d'une certaine prétention en ravalant le niveau du notaire au spécialiste de technique, comme si on n'avait pas fait un cours de droit de trois ans comme eux, et qu'à ce moment-là, dès l'instant qu'il est question de quelque chose d'importance, de quelque chose de complexe ou de négociations, cela, c'est toujours l'avocat; il est supérieur, lui. C'est simplement ce que j'ai voulu dire.

Mais cela ne change rien au devoir d'impartialité. Si le notaire agit comme officier public, alors, là, les parties le retiennent comme officier public et il doit jouer son rôle d'officier public et, là, il se doit d'être impartial. Ce n'est pas une impartialité passive, comme je l'ai mentionné tantôt, mais vraiment active c'est-à-dire que le notaire doit voir, doit poser des questions, doit s'assurer que les gens comprennent bien.

Il doit fournir l'information et doit, à la rigueur, refuser de prêter son ministère s'il s'aperçoit qu'il y a un déséquilibre, une disproportion grave dans le rapport des forces.

Mme Harel: Me Fortin, j'ai l'impression que vous voulez ajouter quelque chose.

Mme Fortin (Denise): Oui, ce que j'allais dire, c'est qu'on n'a pas besoin d'être deux, un représentant pour chacune des parties pour jouer ce rôle. Un notaire en présence des deux parties, des deux contractants, peut très bien donner toute l'information juridique qui permettra à chacune d'elles de prendre une décision en toute connaissance de cause.

Mme Harel: Dans le mémoire...

Mme Fortin: II n'y a pas de conflit d'intérêts. C'est de l'information. C'est une façon de trouver, entre les parties, les moyens de s'entendre et, ensuite, de rédiger la convention, tout en étant bien au courant des conséquences également des engagements qu'elles prennent. C'est là l'importance du rôle notarial.

Mme Harel: Je voudrais bien que la vision que vous en avez soit celle qui trouve application, notamment pour les concitoyens qui viennent parfois me voir au bureau avec des problèmes, pas seulement avec les notaires, avec les avocats aussi, avec les deux.

Mais, dans le mémoire du Barreau, on fait état, par exemple, de la notion qu'il est difficile de conserver l'impartialité lorsqu'une partie de toute la pratique origine d'un même client, par exemple, un entrepreneur en construction. De toute façon, tout cela... Je ne veux pas qu'on prenne tout le temps, parce qu'on a peu de temps. Alors, je ne voudrais pas qu'on le prenne entièrement, parce que j'ai l'impression qu'il y a une autre chose sur laquelle je veux vous interroger, à moins que vous ne vouliez terminer là-dessus.

M. Lambert: Très rapidement. Le Barreau fait état d'un document de réflexion qui date de 1972, à une période où davantage les créanciers imposaient leur choix de notaire. On faisait un peu référence à cela. Mais, aujourd'hui, vérifiez-le vous-même, la grande majorité des créanciers laisse le choix du notaire au débiteur. Alors, déjà, cette situation qu'on pouvait connaître en 1972 et sur laquelle on était venus à s'interroger, parce que évidemment, il n'y a rien de parfait. Alors, l'institution notariale n'est pas plus parfaite nécessairement qu'une autre.

Alors, on a indiqué là une possibilité d'un problème, Mais les tribunaux ont constamment sanctionné le devoir d'impartialité des notaires et il y a eu des recours en responsabilité qui sont absolument inconcevables par rapport à un autre professionnel.

Mme Harel: Me Lambert, je viens personnellement de vivre l'expérience opposée. Le choix du notaire par le débiteur, je ne crois pas que, dans des milieux du bas de la ville, en tout cas, ce soit une pratique générale. J'aimerais bien avoir des chiffres là-dessus, mais enfin.

Je vaudrais revenir à la question du nantissement et de l'hypothèque mobilière. Vous nous dites: II faut que ce soit seulement en matière commerciale. C'est là la question du Barreau. Excusez-moi, de la Chambre des notaires. Quel lapsus! Si tant est que le gouvernement retenait, comme c'est le cas dans l'avant-projet de loi, l'hypothèque mobilière, je crois que dans votre mémoire, vous recommandez qu'à ce moment-là, ce soit la forme notariée seulement qui prévale. Est-ce que c'est bien le cas? J'ai bien lu? (10 h 45)

M. Lambert: Si le législateur maintient le recours à l'hypothèque mobilière en

matière non commerciale, Si c'est en matière commerciale, à la fois, nous reconnaissons une réalité, on reconnaît des objectifs de grande rapidité et on veut, à ce moment-là, que ceux qui y auront recours, qui d'ailleurs sont des gens initiés - donc, là, on ne parle plus de la même chose - aient le choix de recourir à un écrit sous seing privé mais qui aura des effets différents de ceux qui auront recours à un écrit qui est beaucoup plus parfait qu'est l'écrit notarié, avec une force exécutoire. C'est de cela qu'on parlera dans quelque temps. Cela s'inscrit fort bien dans un contexte de déjudiciarisation. Cela va?

Mme Harel: Mais si le gouvernement retenait les dispositions concernant l'hypothèque mobilière pour consommateur non commerçant qui acquiert un bien, il faudrait que ce soit fait sous forme notariée, dites-vous. Sinon, c'est le nantissement commercial. Est-ce bien ce que je dois comprendre?

M. Lambert: C'est cela. Mais en fait, nous disons que l'on ne doit pas retenir l'hypothèque mobilière pour le particulier. C'est la règle de fond.

Mme Harel: Oui.

M. Lambert: Parce que l'État est obligé de gérer un ensemble de registres absolument époustouflant. C'est l'État, c'est-à-dire l'ensemble des contribuables, qui devra payer pour cela. Finalement, l'État prend un fardeau qui appartient à l'industrie, aux affaires, au fond. Et, on ne voit pas du tout ce que les gens vont gagner avec cela.

Mme Harel: Concernant la reconnaissance de la force exécutoire à l'acte notarié, vous n'en avez pas parlé?

M. Lambert: Non. C'est le notaire Roque qui doit le faire. C'est pourquoi...

Mme Harel: Ah oui! Très bien. Cela va suivre tout de suite après. Très bien. J'ai une intéressante question. Je vous la pose. Je crois qu'on a peu d'occasions, finalement. La Loi sur les assurances prévoit effectivement le libre choix du notaire au débiteur. C'est bien cela? Des assureurs. Est-ce qu'il serait souhaitable de stipuler le libre choix du notaire lors d'un emprunt?

M. Lambert: Cette question a fait et fait toujours l'objet de .discussions chez nous. C'est l'article 26 de la Loi sur le notariat. L'idéal, c'est que le consommateur ait le choix de son notaire et c'est de plus en plus le cas. D'abord, voyez-vous, l'importance du Mouvement Desjardins au chapitre de l'hypothèque immobilère? Plus de 50 % des hypothèques immobilières sont consenties au Québec par les caisses populaires ou des institutions du Mouvement Desjardins et, dans la grande majorité, elles laissent la liberté de choix. C'est déjà une portion intéressante. Dans bien d'autres institutions financières, c'est le choix du notaire au client. Je dirais, à vue de nez, qu'il y a peut-être moins de 20 % des cas où le notaire est imposé par l'institution prêteuse. On s'est dit: D'accord. Supposons qu'on laisse le libre choix du notaire au consommateur, à ce moment-là, les créanciers vont dire; Très bien. Nous allons mettre comme condition de vous accorder un prêt, M. le consommateur, que vous défrayiez les frais juridiques de la firme Unetelle qui va vérifier ce que le notaire va faire. Là, on tombe dans le système anglo-saxon où chaque partie s'entend avec son juriste. Là, cela ne coûte pas meilleur marché parce que deux personnes coûtent toujours plus cher qu'une seule. C'est certain.

Mme Harel: Est-ce que notre temps est complété... En fait, M. le Président, je pense que nous pourrions permettre...

M. Kimmel (Earl): M. le Président, est-ce que je pourrais ajouter quelque chose à cela? Les créanciers exigent souvent d'imposer leur propre notaire. Mais neuf fois sur dix, si l'emprunteur menace d'aller ailleurs, il obtient le choix de son notaire.

Le Président (M. Marcil): Avez-vous terminé, Mme la députée?

Mme Harel: Non, mais M. le député de Marquette veut intervenir et je reviendrai plus tard.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Marquette et adjoint parlementaire.

M. Dauphin: Oui, premièrement, M. le président de la Chambre des notaires, nous aimerions avoir par écrit votre changement de position, notamment sur la présomption d'hypothèque. Ce serait très important pour nos travaux. Deuxièmement, tout ce qui concerne l'immobilier. Je ne parle pas de l'hypothèque, c'est clair. Vous désirez évidemment que ce soit une exclusivité de la pratique notariale. Par exemple, les servitudes ou la vente d'une maison sans hypothèque.

M. Lambert: II est certain que c'est facile. On va dire: Ca y est, les notaires veulent s'envoyer l'assiette. Ils veulent avoir le contrôle pour qu'elle ne tombe pas au bas de la table. Quoique l'on pourrait dire la même chose pour la plaidoirie. Parce que je peux représenter quelqu'un devant le tribunal mais quelqu'un d'autre, non.

À un moment donné, je pense qu'une société doit dire: Écoutez, le dentiste répare les dents. Ce n'est pas le notaire qui va faire les plans d'un pont. Non, mais c'est cela. Est-ce qu'une certaine spécialisation n'est pas bénéfique au consommateur, d'une part? Deuxièmement, il s'agit aussi de regarder la cohérence et l'effet d'un système de droit. Or, on dit: Voici, nous avons des juristes dont la spécialité dans le droit immobilier est reconnue. Je ne pense pas qu'il y ait personne qui ait mis ça en cause. Nous avons un instrument qui s'appelle l'acte notarié et qui a d'immenses vertus. D'ailleurs, de plus en plus, dans le monde anglo-saxon, on regarde cette formule. Le notaire Roque, tantôt, va vous parler de ce qui se passe dans la Communauté économique européenne et aussi dire comment l'Angleterre, pays du droit anglo-saxon par excellence, accueille l'acte authentique.

Alors on dit: Voici, les gens cherchent la sécurité aujourd'hui; ils ne veulent rien savoir d'avoir raison après cinquante procès, cela ne les intéresse pas, ils veulent avoir une sécurité maintenant. Alors le système de l'acte authentique, le système notarial... Ce magistrat volontaire qu'est le notaire, il ne représente pas les parties, ce n'est pas vrai, ce n'est pas ça du tout le rôle du notaire. On ne comprend pas quand on dit que le notaire représente les deux parties. Ce n'est pas vrai. Il ne représente pas les deux parties. Il agit comme un magistrat volontaire qui voit à équilibrer, à arbitrer un peu, si on peut dire, les parties qui viennent et un moment donné quand il est bien assuré que les gens ont bien compris l'étendue de la chose, le constate et voilà maintenant que nous avons un écrit qui fait preuve.

D'ailleurs, dans les faits, vous voyez qu'il y a très peu d'écrits notariés qui sont attaqués devant les tribunaux. Les tribunaux ne sont pas occupés par les actes notariés. Ils sont occupés par d'autres genres de conventions.

L'écrit notarié, l'acte authentique offre aussi une très grande sécurité et même à l'État. Moi, je vais vous dire d'expérience, je reçois sauvent ce genre de demande: c'est le conseiller par exemple d'un entrepreneur ou d'un individu qui dit: écoutez, ne faites donc pas ça par acte notarié portant minutes parce que là, voyez-vous, dans 15 jours il va y avoir un budget, peut-être que les règles fiscales vont changer et on veut avoir la possibilité de changer la convention, de la mettre toujours à l'ancienne date. On veut pouvoir tripoter dedans. Cela nous est fréquemment demandé. Or, l'acte notarié justement est une sécurité contre ça.

Alors, c'est tout un concept qui entre très bien dans le cadre du droit civil, qui est propre au droit civil et on dit: Voici une activité fort importante qui est la gestion du territoire, là où une société a les deux pieds.

Les effets mobiliers passent, sont consommés, disparaissent mais le territoire, lui, on va toujours continuer à avoir les deux pieds bien solidement placés dessus. Donc, on dit qu'il est important que ça soit bien qéré. On s'est aperçu, au cours des années, qu'il faut investir des sommes énormes à tout bout de champ pour faire des rénovations cadastrales, pour nettoyer, passer des lois modificatrices parce qu'on s'aperçoit qu'avec le temps les actes ont été faits, on le fait encore pour des ventes qui portent taxe parce que les conditions ont été mal respectées, etc. c'est pour ça qu'on dit: Écoutez, une fois pour toutes si on fait le ménage, on va laisser des gens dont l'expérience et dont l'expertise est reconnue et on va mettre un système pour que ça fonctionne bien et qu'on ne soit pas obligé d'intervenir dans 20 ou 30 ans parce que, encore là, c'aurait été un peu la foire. C'est pour cela qu'on le fait. Cela ne se défend pas autrement. Si c'est juste que vous pensez de dire que c'est parce que les notaires veulent avoir de l'ouvrage, je suis d'accord avec vous, ne retenez pas cela ça ne vaut pas la peine.

M. Dauphin: C'est quand même une réalité.

M. Lambert: À ce moment-là, on va arrêter de donner l'exclusivité aux ingénieurs de faire des plans, etc. Non, mais vous savez ce que je veux dire. À la rigueur, on peut pousser que tout le monde protèqe sa paraisse. Je pense qu'à ce moment-là il faut faire la part des choses.

M. Mackay (Julien): M. Dauphin, en réponse à votre question. Cela y était déjà dans le Code civil de 1866, l'article 2168 à son troisième paragraphe disait: "après le dépôt des plans et livres de renvoi, les notaires seront tenus d'utiliser dans les désignations les nouveaux numéros." C'était déjà là et cette logique a été perdue un moment donné. On a permis que des actes soient déposés par d'autres que des notaires. Il me semble que ça paraissait tellement évident au législateur en 1866 qu'il ne l'a même pas dit autrement que par le biais de cet article-là qui n'a aucun sens sans cela. Pourquoi imposait-on une obligation au notaire? C'est comme si seul le notaire était chargé de faire des actes de transmission d'immeubles. On a imposé l'hypothèque dans l'article 2042 sous forme notariée pour d'autres raisons. On a mis cela pour sanctionner sa nullité. Mais la logique pourrait revenir. Elle y était déjà. Elle a été perdue au cours des années. On essaie de la ramener.

M. Dauphin: Merci beaucoup.

Le Président (M. Marcil): En conclusion. Mme Harel: En conclusion déjà?

Le Président (M. Marcil): Non, si vous avez une autre question allez-y.

Mme Harel: C'est une question, disons, d'ordre un peu plus général. On assiste, par exemple, dans le domaine des institutions financières, des institutions bancaires, à une sorte de généralisation de façon que dorénavant on puisse, avec une sorte de guichet unique, trouver au même endroit matière à satisfaire tous ses besoins. Éventuellement, peut-être pourrions-nous aller dans une caisse populaire et puis à la fois procéder à plusieurs actes en même temps. Ne pensez-vous qu'il y a une sorte de scénario qui va dans le sens où les champs professionnels s'interpénétrent? Avez-vous l'impression que c'est une querelle, disons -je n'allais pas dire d'anciens et de modernes, il ne faut pas... - à contre-courant d'une certaine façon? J'aimerais vous entendre là-dessus. Quant à en discuter, parlons-en. N'avez-vous pas l'impression que le mouvement général est plus en faveur d'une sorte d'interpénétration que d'une sorte de spécification?

M. Lambert: Mme Harel, vous savez comme on s'interroge actuellement sur certaines décisions de l'administration américaine, sur la déréglementation. On commence à en voir des conséquences. Est-ce si bon que tout le monde puisse faire tout? On se pose la question. On voit des déconfitures financières dans l'Ouest canadien. Il n'est pas dit que cela n'arrivera pas ici non plus. Alors, je pense que les avis sont très partagés.

Le concret, c'est quoi? C'est que si on laisse la constitution de ce genre de contrats qui sont très importants pour le consommateur, qui trouve cela à l'occasion dans sa vie - ce n'est pas tous les jours qu'il va contracter une hypothèque - que cela puisse se faire par un simple contrat d'adhésion sur le coin du bureau du directeur de crédit et même d'un de ses adjoints, sans qu'on soit trop sûr que les gens ont compris, il faut comprendre à ce moment-là le contexte. Les gens ont besoin de crédit, donc ils sont prêts au moment où ils ont besoin du crédit à faire bien des concessions. Mais la semaine d'après ils commencent à se préoccuper de savoir ce qu'ils ont signé. À tel point que, dans d'autres circonstances, il a fallu par des lois de protection du consommateur, dire: Un instant, n'allez pas trop vite, prenez 48 heures ou cinq ou six jours pour réfléchir, puis on peut annuler après sept jours. Va-t-il falloir faire cela après?

Vous savez, il y a une question de sécurité. D'après nous, le système actuel offre une sécurité. On peut liire: On bazarde ce système-là. Fort bien. Là on dit: On va aller vite. Après, on va réintroduire des lettres disant: Telle ou telle affaire, il faudra que vous réfléchissiez pendant un tel temps. Vous aurez le droit de revenir sur votre décision au bout de trois, quatre ou cinq jours. Il va falloir refaire cette route-là. Puis on va dire: II y a une insécurité. Prenez donc de l'assurance. Là on va avoir de l'assurance-titre, chose que l'on ne payait pas avant. Au lieu de faire des calculs pour 8 000 000 $ de primes, on paie 1 000 000 $ de réclamations. Alors, les Américains nous ont dit: II est bien beau votre système, mais vous ne pourrez pas être différents du restant de l'Amérique du Nord et on l'implante, l'assurance-titre au Québec. Je vous dis cela en passant. Mais c'est cela. Chaque système a ses mécanismes de sécurité. Si vous ne l'avez pas par un système comme, par exemple, l'acte notarié, l'acte authentique, le fichier public et le notaire, vous dites: D'accord, on met tout cela de côté. Parfait. II va falloir avoir d'autres mécanismes pour compenser cette sécurité, parce que, dans le fond, les gens cherchent une sécurité. Alors, au lieu de payer des honoraires de notaire, ils paieront des primes d'assurances.

Le Président (M. Marcil): Puis on pourra les défendre par la suite.

M. Lambert: Ah oui, c'est fameux. Les tribunaux se développent. Activité économique.

Mme Harel: C'est le ministre de la Justice qui n'est pas content. Je veux vous remercier de ce dialogue qui, je le souhaite, se poursuivra et sera le plus concret possible, le plus direct possible. Nous cherchons vraiment à bâtir un édifice qui se tienne bien, sans pour autant penser qu'il faut tout chambarder pour rajeunir. Je pense que nous sommes à l'aube d'une certaine réflexion sur toute cette question. Alors, nous aurons certainement l'occasion d'en reparler.

M. Dauphin: À mon tour, évidemment, j'aimerais remercier la Chambre des notaires de sa contribution et les assurer que leurs recommandations seront étudiées avec beaucoup d'attention. Merci beaucoup de votre participation.

Le Président (M. Marcil): M. le président et vos collègues, merci beaucoup. Donc nous allons immédiatement inviter Me Pierre Roque à s'avancer pour pouvoir continuer... Nous suspendons pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 11 heures)

(Reprise à 11 h 6)

Le Président (M. Marcil): Je vais recevoir comme dépôt officiel tantôt, le texte de déontologie... On est en train de faire des photocopies pour les membres de cette commission.

Maintenant nous souhaitons la bienvenue, naturellement, à Me Pierre Roque. M. Roque, vous connaissez les règles du jeu. Donc, vous complétez un peu l'exposé de la Chambre des notaires. Nous avons un bloc de 30 minutes pour votre exposé et la période de questions. Sans plus tarder, je vous laisse la parole.

M. Lambert: M. le Président, si vous me permettez, juste quelques secondes pour présenter notre invité. Le notaire Pierre Roque, notaire à Paris, depuis 1958, est docteur en droit de l'Université de Montpellier et il a aussi reçu un doctorat honoris causa de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, I'an dernier. Il a occupé plusieurs postes au sein de l'organisation du notariat français; une liste impressionnante, mais comme nous avons hâte de l'entendre, je saute pour dire qu'actuellement, il est responsable des questions et des relations internationales au Conseil supérieur du notariat français, il est membre actif de l'Institut juridique du conseil supérieur, du Comité sur les droits de la prospective du conseil supérieur et il est aussi membre de la commission chargée de l'informatisation des fichiers publics. Il est conseiller et légicien de plusieurs congrès nationaux. Notamment il est fort impliqué dans les questions qui intéressent la Communauté économique européenne et l'implantation, à la fois, du nouveau droit de la communauté et aussi le mariage et l'accord avec les situations de droit civil qui existent au sein de la communauté.

Alors je lui cède la parole, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup.

M. Pierre Roque

M. Roque: M. le Président, j'apprécie au plus haut point la demande qui a été faite par mes confrères de la province de Québec et la réponse qui m'a permis de prendre la parole ici. Je prendrai cette parole avec d'autant plus de liberté qu'à pareil honneur on ne peut répondre que par une sincérité totale et par ailleurs une volonté d'explorer les problèmes tels qu'ils ont été vécus. Ce n'est pas un exposé de théoricien, c'est un vécu d'homme que je viens raconter. Ce vécu d'homme est exactement dans l'axe des préoccupations que vous développez à l'occasion de la recherche de la nouvelle structuration des sûretés et de la publicité des droits.

En effet, notre pays a été cahoté ces dernières années. Comme j'ai cru comprendre qu'ici il y avait quelques problèmes qui pouvaient se poser sur la permanence de la fonction de notaire, l'intérêt de l'acte notarié, son utilité, sa chèreté, son coût, ces cahots nous les avons subis et nous avons répondu, alors que les cahots étaient profonds et que les pressions étaient puissantes, par des études qui ont permis à des professeurs de droit, extrêmement objectifs, dans un document que j'ai là et qui est un document tout à fait apprécié par toutes les orientations qui ont eu à le connaître et qui ont répondu en disant que cet acte notarié ou cette fonction de notaire se révélait, en définitive, moins chère qu'une autre formule avec laquelle ils comparaient. Les actes s'avéraient plus efficaces. Et la conclusion à laquelle ils sont arrivés, quand on leur a posé la question du point de savoir comment on pourrait remplacer cette activité, a été la suivante: Par quoi la remplacerait-on? Qui aurait cette efficacité? Pourrait-on se passer de l'authentification? La réponse est la suivante: L'abandon de l'authentification, tout en étant concevable, implique donc la recherche d'autres moyens juridiques procurant les mêmes avantages que l'acte authentique au prix de transformations difficilement assimilables par le système français pour des résultats incertains. Qui présidait cette commission? Jacques Lesourne, un économiste, avec les professeurs de droit Henri Mendras, Pierre Raynaud et Jean Rivero.

Cette préoccupation ou du moins cette réponse par les professeurs venait directement dans le droit fil d'une préoccupation qui atteint tous les pays développés et qui est exprimée par un document que voici, émanant de l'OCDE, qui s'appelle "La politique de la concurrence et des professions libérales". C'est dire que le problème des professions libérales est aujourd'hui un problème quasi mondial, qui atteint en particulier les pays développés. Quelle est la préoccupation de ce travail, de dire: Ouvrons sur la concurrence, pratiquons la publicité, faisons disparaître les privilèges, uniformisons les façons de procéder?

En réponse à ce travail qui nous a été soumis comme étant un travail d'une perspective de type prospectif, c'est-à-dire à long terme, nous avons fait, pour le notariat français, une constitution d'un comité de prospective, également présidé par le professeur Lesourne et auquel j'ai l'honneur d'appartenir depuis deux ans.

Au bout de deux années de travaux, après avoir comparé linéairement les façons de procéder anglaises ou américaines, on est arrivé à laa démonstration suivante: La façon de faire notariée est moins chère, elle est

plus efficace et elle aboutit à une absence de contentieux. Pour arriver à ce que cette démonstration soit patente, on a fait une recherche concernant le notariat français en particulier. Il est apparu que sur les 5 000 000 d'actes que les notaires français réalisent en une année, soit plus de la moitié de tous les actes qui sont pratiqués par les services juridiques français dans une année, seulement 1700 vont devant les tribunaux et 500 font l'objet de condamnations couvertes par les caisses de garantie. C'est dire que nous sommes arrivés au risque zéro. C'est dire que la totalité de la production notariale d'une année ne fait pas l'alimentation d'un tribunal français. On peut alors légitimement se demander par quoi sont occupés les tribunaux. Ils sont occupés par des affaires qui viennent d'actes sous seing privé et par des affaires pénales, puisque les notaires ne les occupent pas.

Si l'on veut faire l'évaluation de ce non-coût dans la société française, ce n'est plus dans l'honoraire du notaire qu'on le trouve, c'est dans l'économie que fait le pays de cette absence de contentieux. Qui peut mesurer ce que représenterait un contentieux normal sur 5 000 000 d'actes s'il n'était pas avec l'arbitrage préalable que représente l'intervention du notaire au début du contrat?

Donc, au plan macroéconomique, n'importe quel pays est aujourd'hui extrêmement préoccupé par l'intérêt qu'il y a non seulement au coût de l'intervention, mais aussi à ce qu'elle évite. La démonstration double qui a été faite à la fois par les professeurs, d'une part, et par nous-mêmes dans la recherche comparative que nous avons dû faire, est en soi suffisamment éloquente pour que je ne m'étende pas davantage sur ce point particulier.

Mais, au regard des questions posées par la réforme de ces deux articulations fondamentales que représentent les sûretés et les publicités de droit, une autre étude devait être faite. Je m'y suis livré de la façon suivante: II apparaît que dans tous les colloques, dans tous les débats, à tous les niveaux, la grande préoccupation aujourd'hui est de savoir comment on va faire coexister ce qui va relever du commerce sans papier et des contrats à distance et par ailleurs du commerce avec écrit et des preuves privilégiées. (11 h 15)

Le monde de demain va nécessairement, aux yeux de tous ceux qui l'examinent sous cet angle, être séparé, sur ce plan, en deux parties. Ce qui sera relatif à ce qui sera traité par téléphone, par télex, par télécopie, par télématique, par informatique, tout ce qui sera traité de cette façon relèvera de ce qu'on appellera les contrats à distance et le commerce sans papier pour cet ensemble sur un plan macroéconomique très important et en voie de progression exponentielle. Pour cet ensemble, la dominante c'est la rapidité; pour cet ensemble la couverture c'est l'assurance, car la rentabilité passe nécessairement par l'absence de preuve traditionnelle et d'écrit. Car, si l'on mettait dans ce système la preuve traditionnelle et l'écrit, la rentabilité disparaît et tout le fondement du système également.

En conséquence, dans cette partie du monde en voie de progression par sous-tension de l'informatique apparaît une nécessité qui est une nouvelle façon de concevoir la preuve encore non élaborée mais en chemin d'élaboration de la façon suivante: Les partenaires de part et d'autre qui se téléphonent ou qui utilisent des appareils compatibles ou de marques différentes mais à performance sensiblement équivalente sont en mesure d'échanger entre eux des codes et dire: Si vous utilisez votre appareil dans telles conditions, le code étant connu, j'accepte comme preuve cette utilisation. En conséquence, des sortes de cahiers de charges vont intervenir entre utilisateurs pour s'économiser la preuve et le support écrit et se contenter, encore une fois, de couverture par assurance.

Mais de l'autre côté, puisqu'une société en voie de complexité a un droit qui se complexifie et ne peut pas répondre à la complexification par des simplifications abusives qui ne peuvent satisfaire personne, ni les consommateurs malheureux ni par ailleurs les conseils qui ne savent plus comment s'exprimer au travers d'une simplification excessive, il faut des techniques. Des techniques sont forcément complexes et dans ce cadre-là, le domaine de l'écrit, on s'avance vers une preuve privilégiée qui doit être suffisante en elle-même. La gamme, ainsi, de la totalité des preuves dans le non-écrit et dans l'écrit devient plus vaste. On aura tout ce qui relève ici de la rapidité et ici tout ce qui relève de la sécurité. La sécurité n'est pas exclusive de rapidité mais ce n'est pas au même niveau qu'elle se place. La rapidité se situe à l'absence de contentieux, c'est-à-dire au moment de l'exécution et non pas dans l'anticipation de quelques jours dans la préparation d'un contrat. Il vaut bien mieux utiliser quelques jours pour faire un contrat plus sûr et ne pas avoir cinq ans ou dix ans pour le faire valoir. Par conséquent, c'est un déplacement du système de sécurité dans le temps avec une affectation qui paraît plus conforme aux besoins des consommateurs et aux besoins macro-économiques des États.

Dans ce système de sécurité, la qamme des preuves partant de la preuve testimoniale va jusqu'où? Voilà la question. Elle va, aux yeux des gens expérimentés, jusqu'à la preuve notariée avec formule exécutoire qui permet l'exécution forcée par sa seule existence. Il y a une différence énorme entre

la prestation par exemple du "notary public" qui vient se contenter de certifier une signature, qui vient se contenter de recevoir un serment, qui vient se contenter de dire que les parties ont bien voulu, dans le contrat que voici, exprimer leur volonté, il y a une distance vertigineuse entre ces certitudes et le contenu authentique d'un contrat authentique parce que le "notary public" est interdit de conseil, il est interdit de connaissance du contenu de l'acte, i! n'y a pas participé, il ne l'a pas arbitré. Dès lors, la certitude qu'il donne est limitée au simple, à la matérialité d'une signature. Mais entre le contenu d'une clause que le notaire arbitre, ce n'est pas tellement son impartialité qui le fait arbitrer, c'est son autorité, c'est ce que le public lui concède. Quand on se présente devant un notaire, on a - et combien de fois les avocats nous font-ils l'honneur de venir dans nos bureaux à Paris pour assister à l'arbitrage que le notaire va donner devant deux avocats qui ont des avis différents pour défendre le point de vue de leurs clients!

C'est la raison pour laquelle l'acte notarié n'est pas générateur de contentieux: parce qu'il est arbitré dès l'origine. C'est la raison pour laquelle il a une force probante: parce que ceux qui l'ont signé ont eu conscience de sa finalité et quand ils l'ont signé, c'est comme quelque chose qui est terminé entre eux et les relations de droit sont achevées. C'est la raison pour laquelle il n'y a pas de contentieux sur la simple force probante.

Mais qu'est-ce que la force exécutoire? Comment peut-elle entraîner l'exécution forcée? Voilà le deuxième volet de ce que je voulais démontrer.

Voici, pris au hasard d'une signature de mon étude, un document. Le 26 juin 1987, alors que je savais que je devais venir ici au mois d'août, je prends dans les hasards d'une signature - et il y en avait environ 1,50 mètre - un document dont j'ai fait faire une copie, qui est à la disposition de qui veut le voir. J'ai d'abord ma minute que voici, qui est le document original, signé des parties, dont l'archivage est indéfini dans le temps. La minute sera conservée par moi, archivée. Et nous avons environ 40 à 50 kilomètres de minutes, à Paris, depuis 1411, le premier document conservé jusqu'à nos jours, sans préjudice, en tout autre lieu de nos microfilms relatifs à chaque minute de façon que nous ayons, en deux endroits, la preuve du document original et le document faisant également preuve, à des conditions déterminées par la loi du 12 juillet 1980 sur le microfilm de la minute.

Mais ce n'est pas ce document-là qui m'importe aujourd'hui, celui qui m'importe aujourd'hui, c'est ce document qui n'est pas un sous-produit, qui est l'expédition, c'est-à-dire la copie avec mon sceau pour le compte du vendeur et de l'acquéreur. Ici, quatre documents: il y avait quatre créanciers dans cette opération pour 930 000 francs d'un appartement très banal comprenant cinq pièces dans un quartier tout à fait ordinaire de Paris, Mais quatre créanciers se sont manifestés, chacun réclamant d'avoir pour lui un titre. On a donc fait pour les deux personnes privées, deux titres nominatifs que chacun va emporter. Chacun a de ma part une copie exécutoire. Quelle est sa particularité? En haut, un intitulé appelé "République française au nom du peuple français". À la fin, un mandement qui est le suivant: "En conséquence, la République française mande et ordonne à tout huissier de justice, sur ce requis, de mettre les présentes à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance, d'y tenir la main, à tout commandant et officier de la force publique, de prêter main forte lorsqu'ils en seront légalement requis. "En foi de quoi, les présentes ont été scellées, signées et délivrées par Me Roque, notaire à Paris, et soussigné."

Ce document, qui contient ce mandement et cet intitulé, est rigoureusement conforme depuis l'article 19 de la loi de ventôse, an XI, 16 mars 1803, rigoureusement conforme à l'intitulé et au mandement qui se trouve dans un jugement passé en force de chose jugée. Cela veut dire que ce document entre les mains de ce créancier lui permettra la procédure que je vais décrire dans un instant.

Cela lui permettra autre chose, lui permettra d'élire ce document au marché hypothécaire. Dès qu'il aura eu cette copie exécutoire qui est une copie au porteur, il va la remettre à un marché hypothécaire et il pourra, à nouveau, retrouver les capitaux pour recommencer ses opérations de près.

Mais les particuliers, eux, n'ont pas à élire ces documents à des marchés de capitaux. Donc, ils vont avoir des qrosses nominatives qui leur permettront, à l'échéance, d'exercer leur droit. Qu'est-ce que cela veut dire, exercer leur droit? La créance est certaine - pour qu'on puisse poursuivre sur une créance en France, il faut trois choses: créance certaine, créance liquide, créance exigible. La créance est certaine au niveau de l'acte. Pour qu'elle devienne liquide et qu'elle soit exigible, il faut une sommation. Cette sommation est faite au débiteur. Le débiteur se refuse de payer par hypothèse. C'est à ce moment-là que le titre exécutoire est utilisé. Il est remis entre les mains d'un huissier. Cet huissier fait sa notification de saisie sans intervention d'un juge quelconque et la réalisation du gage intervient sur le seul fondement de ce document authentique qui va jusqu'à l'exécution forcée des biens du débiteur.

Comment se fait-il que depuis maintenant bientôt 200 ans, cette façon de procéder ne génère pas chez le consommateur un tollé? Pour la raison extrêmement simple, qui est d'ailleurs une pétition de principe, que le consommateur ayant été conseillé au moment où il a consenti son obligation, n'est pas étonné d'avoir à essuyer des foudres s'il ne respecte pas les engagements qu'il a pris.

Comment est-ce que l'opération se réalise dans un document fait pour mes amis au Québec? J'ai exploré la façon de procéder. C'est un de mes confrères, ce n'était pas moi - il s'appelle Chevrier - qui a eu à formaliser l'opération. Il avait affaire à un simple commerçant qui a voulu acheter son fonds de commerce. À l'occasion de cet achat, il était reconnu devoir des loyers arriérés. Peut-être avec une arrière-pensée a-t-il dit: Mon Dieu, je ne peux pas les régler aujourd'hui, bien qu'il ait fait semblant d'émettre un chèque mais, après l'avoir signé, de le retirer.

Mon confrère lui a dit: Vous reconnaissez devoir cette somme? Oui, dit-il. Et dans l'acte de cession du fonds de commerce, il a été inséré la somme qui était due au titre des loyers arriérés. Voilà que les conseils de cet acquéreur, débiteur de loyers arriérés, de formation anglo-saxonne, lui ont dit: Ne vous inquiétez pas, nous allons demander un moratoire devant le juge.

Mon confrère, au demeurant extrêmement pacifique, comme le sont tous les notaires, lui a dit: Mais, vous savez que vous avez reconnu dans un acte authentique la somme que vous deviez. C'est aujourd'hui certain, c'est aujourd'hui liquide et c'est aujourd'hui exigible. Monsieur, je suis obligé de vous dire que, dans huit jours, l'huissier sera saisi de mon acte avec formule exécutoire et dans moins de trois mois, votre mobilier sera vendu.

La crédibilité du notaire français auprès des Anglo-Saxons n'est pas encore absolue et, par conséquent, les conseils anglo-saxons ont dit: Cela ne se fera pas! Et ils ont dit à leur client: Tenez bon jusque mais exclusivement le bûcher. C'est-à-dire que la veille de la réalisation du mobilier du monsieur, il a bien payé son chèque. Il avait réglé son chèque. Quelle a été la durée de la procédure? Trois mois. Et nous n'avons pas eu à passer devant les juges.

Alors, pourquoi peut-il en être ainsi et, surtout, quelle est la vocation de pareil titre? Est-ce qu'il a une vocation de trublion dans l'ordre social ou est-ce qu'il va concourir, dans le monde moderne qui se prépare, à un développement de la sécurité des relations contractuelles? (11 h 30)

La réponse est aisée à donner. Elle vient d'être donnée par la Communauté européenne au titre de la Convention de Bruxelles de 1968. En 1968, il n'y avait que six États de la Communauté européenne et l'Angleterre n'était pas incluse. En 1973, l'Angleterre est entrée dans la communauté. Comme chacun sait, elle n'a pas l'acte authentique. La condition était que six pays plus un ratifient la convention. Lorsque - et vous voyez la résistance qu'il y a eue - la Grèce, l'Espagne et le Portugal sont entrés dans la communauté avec la condition obligatoire d'accepter la convention, alors celle-ci est devenue applicable, avec acceptation par l'Angleterre depuis le 1er janvier 1987.

Pour mes amis canadiens, j'ai apporté tous les textes de la convention, les modifications, le texte initial et les 55 arrêts de la cour de justice, interprétant la convention.

En conséquence, aujourd'hui, que se passe-t-il au niveau d'une communauté de 320 000 000 d'habitants, parmi les plus développés de la planète? On peut sans doute contester l'avenir d'un pays de 550 000 kilomètres carrés comme la France, qui a probablement un passé prestigieux et plus prestigieux que son avenir, mais on ne peut pas négliger 320 000 000 de personnes représentant le marché le plus important qui soit dans le monde à l'heure actuelle. Qu'est-ce que la Communauté européenne a décidé? Que les jugements passés en force de chose jugée, les transactions judiciaires et les actes notariés à formule exécutoire auraient la même valeur exécutoire dans les autres pays que dans le pays d'origine. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire très exactement que, dans le domaine du contentieux, lorsque le débat est terminé, c'est-à-dire que soit le jugement, soit un arrêt est passé en force de chose jugée, alors on estime que le pouvoir du juge est tel qu'il n'y a plus de discussion possible pour le juge du pays d'accueil qui doit, sur une simple requête, exécuter. Il n'y a pas de possibilité d'apprécier le jugement intervenu dans un pays d'origine.

De même pour la transaction judiciaire. Et pourquoi? Parce que, au cours d'un procès, il apparaît qu'il est absolument inutile d'aller requérir le juge du pays d'accueil alors que le consensus a été établi par la transaction qui permet l'exécution. Enfin, la formule exécutoire de l'acte authentique. Parce que, encore une fois, l'arbitrage d'oriqine, qui a permis l'établissement de ce document, permet de placer les trois sur le même niveau d'une exécution dans un pays différent de celui du pays d'oriqine.

Dès lors, on le voit. La réforme que vous entreprenez, d'une hauteur de vue considérable, ne peut plus être envisagée, semble-t-il, sans que vous mesuriez - et je me permets révérencieusement de venir le

dire dans cette enceinte - autrement que comme un exemple, qu'attend le monde développé, des options qui doivent être prises par un pays jeune, qui est par ailleurs parfaitement clairvoyant et que l'on a l'habitude, dans la vieille Europe, de considérer comme étant capable d'assumer les options les plus audacieuses.

Mais il faut encore que cette logique apparaisse aux yeux de tous, suivant la hauteur des options arrêtées. Et là, je me permets quelques réflexions à titre personnel. Lorsqu'il nous a été donné, en 1955, de réformer la publicité foncière... Nos réformes sont très lentes, nous avons réformé en 1955 la publicité foncière qui avait été créée en 1804, soit 151 ans pour réformer. Nous avons réformé au nom d'un certain nombre de critères. Aujourd'hui, le système fonctionne et est prêt à une informatisation qui est en cours. Les critères sont les suivants: Plus d'hypothèques occultes.

Je suis personnellement désolé de voir que le critère des hypothèques occultes demeure encore dans le projet qui est présenté, car le critère retenu en France, à ce moment-là, était la sécurité des transactions et le fait que les agents économiques sont mieux informés maintenant, ce qui les amène à prendre leurs inscriptions dès qu'il y a risque pour leur créance. Par conséquent, il vaut mieux, pour la sécurité des transactions, que le seul relevé de l'État de la conservation des hypothèques indique tout ce qu'il y figure, plutôt que de créer des rampes de situation, état inclus.

L'État chez nous pour ces impôts n'a plus de privilège occulte: Première option. Deuxième option: Ce que nous appelons les faits relatifs, c'est-à-dire une rigueur absolue entre le titre de celui qui veut publier et son prédécesseur. À défaut de lien, impossibilité de publier. Mais quand le lien est obtenu, il n'y a plus de maillon faible dans la chaîne. Depuis l'origine jusqu'à l'actualité, tout est soudé solide et l'on peut consulter - troisième option - par les personnes, par les immeubles, par les adresses. C'est-à-dire que l'on peut pénétrer du point zéro vers l'absolu par trois voies qui sont autant de registres organisés à cet effet.

Ces options fondamentales prises au départ permettent l'informatisation de ce fichier et c'est là la finalité de toute modification d'un registre et d'un système hypothécaire. Si on y ajoute la preuve privilégiée, c'est-à-dire l'accès seulement réservé aux notaires... Mais là je sais parfaitement que c'est une option que la France a prise, mais qu'il n'est pas concevable de voir prendre partout. Cependant la réforme de la publicité foncière en France indique très clairement, pour la fiabilité du système hypothécaire, tout acte à publier doit être notarié ou bénéficier d'une reconnaissance d'écriture ou de signature qui peut être assimilée à un acte notarié, de façon que messieurs les conservateurs, dont les responsabilités sont grandes, puissent savoir qu'il y a un responsable identifiable pour la totalité de l'enqagement pris qui vient par conséquent s'ajouter à sa propre responsabilité professionnelle.

De ces quatre options et pour cet ensemble, vous le voyez, il semble que l'orqanisation générale que représente maintenant le système hypothécaire en France soit largement sous-tendu par l'acte authentique à formule exécutoire permettant l'exécution forcée et que, dans un ordre social où l'exigence d'instantanéité sera de plus en plus véhémente de la part des usagers, c'est une condition, à mon avis, absolument nécessaire pour arriver à avoir dans le domaine où l'écrit est roi la preuve qui est le fondement même du sytème mis en place.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, Me Roque. Nous avons malheureusement dépassé notre temps, mais je vais quand même permettre aux deux parties d'intervenir sous forme de questions.

M. l'adjoint parlementaire au ministre.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Je vais d'abord remercier Me Roque de sa présence avec nous aujourd'hui dans l'étude de l'avant-projet de loi sur les sûretés réelles et la publicité des droits. Évidemment, je veux vous dire à quel point votre compétence, votre expertise, votre expérience seront utiles à nos travaux.

Si j'ai bien saisi tantôt, vous disiez que l'État doit publiciser sa créance.

M. Roque: Le trésor, oui.

M. Dauphin: Par rapport à d'autres créanciers, quel est le rang qu'il prend à ce moment-là?

M. Roque: II prend le rang de son inscription.

M. Dauphin: À la date de son inscription?

M. Roque: À la date de son inscription, c'est le critère. Les privilèges, je réponds, M. Claude Dauphin, à cette question: Tous les privilèges, le privilège de prêteur de deniers, le privilège de vendeur ne s'inscrivent qu'à leur date. Si une inscription est prise hors du délai prévu à la suite de l'acte notarié, avec cette latence que voici: je fais un acte notarié le 26 juin 1987; si j'inscris mon privilège de vendeur dans les deux mois de l'acte, cela rétroagit au 26 juin 1987. Mais si je n'ai pas instrumenté

mon privilège de vendeur dans le délai, il dégénère en hypothèque à la date de sa publication. Donc, le trésor... Et tout à l'heure vous parliez du privilège des ouvriers en matière de construction. Dieu sait si la question est importante et si elle est difficile à manoeuvrer, si elle est difficile à utiliser parce qu'il est très difficile pour un entrepreneur, on le conçoit, qui dépend pour son marché de celui avec lequel il a traité, d'aller, pour garantir ses ouvriers, prendre une inscription contre celui qui vient de lui consentir ce contrat. Cependant, l'architecte, les entrepreneurs, en tant que maîtres d'oeuvre, ou maîtres d'oeuvre tout corps d'état, se préoccupent de la solvabilité de leurs partenaires de façon à ne pas s'aventurer dans une créance non recouvrée qui risquerait de les mettre en dépôt de bilan et en faillite.

Donc, c'est en amont que se situe le problème. L'architecte doit s'assurer de la solvabilité de son débiteur, prendre des sécurités pour les entrepreneurs, tout corps d'état ou maître d'oeuvre, et alors le recours pour les salaires n'apparaît que comme un ultime recours dans des cas tout à fait marginaux où l'entrepreneur s'est aventuré par rapport à un maître d'ouvrage indélicat, mais le place dans une zone qui était epsitonique, vraiment minime. D'autre part, il y a la couverture d'assurance de l'architecte, il y a la couverture d'assurance de l'entrepreneur qui peuvent arriver à couvrir ce genre de difficulté. 5i bien que je ne crois pas que l'on puisse faire un régime hypothécaire fondé sur des exceptions aussi epsiloniques. Cela me paraît le contraire même, et c'est exactement ce qui pourrait être soutenu pour la présomption d'hypothèque. La présomption d'hypothèque - Dieu sait si, maintenant, je suis attaché à vos débats - me paraît ne pas aller dans le courant des choses, et voici pourquoi. Qu'est-ce que l'on cherche? La protection du consommateur. Qui vous demande la présomption? Le banquier. Pourquoi vous demande-t-il la présomption? Parce qu'il veut se couvrir dans toutes les directions, y compris les directions qui n'apparaissent qu'en pointillé au moment des engagements parce qu'il les lèvera à sa guise au moment où elles seront utiles. Ce n'est donc pas une institution dans l'intérêt du consommateur, c'est la toile d'araignée du banquier qui, tantôt, met des câbles de marine pour arriver à bien tenir le bateau amarré et, de l'autre côté, des choses en pointillé de cette toile qu'il se chargera, en temps opportun, de valoriser comme il convient.

Je crois que la présomption d'hypothèque aurait un effet, à mon avis, diamétralement opposé au but poursuivi, puisque les consommateurs sentiraient bientôt que le sable devient mouvant chaque fois qu'ils prennent un enqaqement, puisque quand quelqu'un consent une vente à réméré, il serait en droit de se dire: Monsieur, je vous vends à réméré, mais je n'ai pas du tout la certitude qu'on ne viendra pas dénaturer le contrat que nous aurons signé pour le considérer comme étant une présomption d'hypothèque, et ainsi, on va se trouver dans une situation où l'agent économique qui devient de plus en plus maître de ses droits va être placé sous la tutelle d'un tiers qui pourra, de façon irréparable, arbitrer les choses qu'il aura voulues. Cela me paraît complètement opposé à l'intérêt à venir du commerce d'un pays jeune.

Je réponds à d'autres questions.

Le Président (M. Marcil): Je vais reconnaître la députée de Maisonneuve.

M. Dauphin: Je reviendrai par la suite, si vous permettez.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors Me Roque, nous vous savons qré, au nom de ma formation politique, de venir rencontrer la commission au moment où nous commençons nos travaux et nous poursuivons cette réflexion qui va nous amener à réussir à rajeunir, à simplifier et à harmoniser notre droit des sûretés. Je dois vous dire que j'ai l'impression, au départ, que vous avez peut-être de nous une vision audacieuse, qui est peut-être un peu trop ambitieuse. C'est-à-dire que, d'une certaine facon, nous avons une passion très répandue chez nous - vous la connaissez sans doute - de la recherche de nos origines, cette passion, entre autres, de notre arbre généalogique. En quelque part, cela est dû au fait que le passé est presque toujours récent ici et à cause, sans doute, de la pression environnante. Vous savez ce que nous sommes en Amérique du Nord: 2 %. Alors à cause de cette pression environnante, d'une certaine façon, je dois vous dire que nous sommes tentés de presque cristalliser ce que nous sommes déjà et, ie dirai, de peur de ne plus être en voulant être autre chose. (11 h 45)

Alors c'est un peu ce qui est la mise en scène des débats que nous tenons et cela n'est pas indifférent. Je oense qu'il faut quand même appeler les choses par leur nom, et avant, vous savez ici avant de procéder à des changements très substantiels, et je dois vous dire que la personne qui vous dit ces propos est considérée comme quelqu'un dans notre société qui prône les changements, mais alors si je vous tiens ces propos ça vous montre un peu la mesure de ce que nous sommes soucieux aussi des traditions. Je crois que vous aviez raison de dire: notre société est en voie de complexification.

Nous avons vraiment résolument, nous nous sommes enqagés audacieusernent dans tous ces changements technologiques que

vous décriviez. Nous avons d'ailleurs un niveau de coopération, le Québec et la France, qui nous honore sur ces questions-là puisque ça nous met, malgré nos différences, sur un pied d'égalité d'une certaine façon et c'est vrai que notre droit se complexifie et qu'il faut éviter les simplifications abusives.

En vous écoutant Je me demandais: qu'arrive-t-il si le débiteur ne se considère pas en défaut?

M. Roque: Eh bien, alors...

Mme Harel: D'accord. Notamment, en fait est-ce qu'il ne s'agit pas plutôt... je voyais ça comme un renversement du fardeau de la preuve d'une certaine façon, c'est-à-dire que le débiteur qui ne se considère pas en défaut se trouve dans une exécution forcée. Alors vous disiez... D'ailleurs, j'avais pris plusieurs notes de tous vos propos et j'avais d'une certaine façon l'impression qu'il allait passer à l'exécution sans même qu'il puisse faire valoir son point de vue.

M. Roque: Alors je vais vous répondre, madame parce que cette préoccupation-là nous a animés pendant des années, à savoir quel était le droit d'un consommateur. Alors il faut bien concevoir que le consommateur doit être totalement éclairé et le consommateur doit être aidé en temps opportun. Alors qu'est-ce que nous avons fait et comment les questions se présentent-elles?

Je suis le notaire de la Caisse nationale de crédit agricole pour toute la France et je vois l'ensemble des opérations qui se déroulent, notamment au profit des employés de la caisse. Dans le portefeuille d'une banque quelconque il y a des dizaines de milliers de documents avec formule exécutoire. Par an, il y a une proportion qui est de l'ordre de 7% ou 6% de débiteurs en difficulté ne pouvant pas régler leurs échéances. Les banques ont pris maintenant l'habitude - et nous avons établi des contrats avec elles - de s'adresser au notaire qui a instrumenté le contrat ou, si le consommateur le veut, à tel notaire de son choix, pour aller se faire conseiller de façon à organiser la meilleure réalisation du gage. Cela veut dire qu'il faut tenir compte des besoins macro-économiques, c'est-à-dire de la société tout entière. On ne peut pas consentir de bons taux si l'on ne sait pas en combien de temps on sera remboursé. Donc le créancier, par ses actuaires, fait un calcul de taux qui tient compte de la durée prévisible de la réalisation de ses gages.

Par ailleurs, il faut se dire que sur les millions d'actes avec formule exécutoire, il n'y en a que quelques dizaines de mille qui font l'objet de l'utilisation possible du document. Mais l'intervention des notaires ramène à quelques centaines par an l'exécution où le débiteur est manifestement de mauvaise foi.

Le débiteur s'était enqaqé dans des conditions qui étaient tout à fait anormales et les effets de ces négociations sont, à mon avis, très largement supérieurs au déploiement des énergies qu'ils engendrent. En effet, les banquiers sont très heureux de cette intervention parce qu'ils n'ont pas à utiliser un marteau-pilon pour écraser une mouche. Il y a un arbitre qui s'interpose. Le débiteur n'est plus dans l'affolement des papiers bleus. Il voit son droit être rééquilibré et s'il mérite des moratoires, il tes obtient. En un mot, c'est une possibilité puissante d'action très humanisée dans son utilisation.

Mme Harel: Vous venez de parler des besoins macro-économiques de la société tout entière.

M. Roque: Tout à fait, oui.

Mme Harel: Vous aviez précédemment parlé de l'objectif de sécurité, disiez-vous, des conventions contractuelles recherché par cette exécution forcée d'un contrat. Le président de la Chambre des notaires nous a dit, il y a peu, ce matin, que dans l'état actuel de notre droit ici même au Québec, la sécurité des actes authentiques était telle que très très très peu de litiqes encombraient nos tribunaux. D'une part, faut-il modifier à ce point substantiellement là même où la situation qui prévaut chez nous semble, dans le fond, très très très satisfaisante? D'autre part, il y aurait donc certification de saisie sur le seul fondement du document authentique. Je me pose cette question-ci: Le débiteur aurait-il, à ce moment-là, strictement le fardeau de contester l'exécution ou encore de démontrer que la dette n'est pas exigible? Je me pose vraiment la question à savoir si ce n'est pas là effectuer un renversement du fardeau de la preuve.

M. Roque: Je voudrais répondre à la première question qui est: Le système existant au Québec fait penser à la force probante de l'acte authentique et s'arrête à la force probante alors que, je vous le rappelais tout à l'heure, le statut des notaires français, depuis ventôse, prévoit que tous les actes notariés, article 19 de la loi, feront foi en justice et seront exécutoires dans toute l'étendue de la République. Jamais on n'a varié sur ce texte quelles que soient les différences que l'on peut accorder à un État centralisateur comme notre premier empire, jaloux de son autorité ou laxiste comme certaines des républiques qui ont suivi. On se trouve devant une situation qui est de la grande différence entre la force probante et la force exécutoire. Si vous te voulez bien, nous prendrons un exemple concret, celui du testament authentique. Le testament authentique est

doté d'une force probante qui fait que l'on n'ira pas devant un juge pour en vérifier les termes. Il est probant en soi, mais il ne peut pas être exécutoire parce qu'il n'émane que d'une personne: c'est l'auteur du testament qui ne peut pas dire: M. Untel me doit tant de millions de francs et ensuite exécuter ce quelqu'un parce qu'il aurait dit que ce quelqu'un lui devait. Donc, le testament authentique du notaire québécois est un testament qui a force probante en soi, mais il n'est nullement doté de la force exécutoire.

Pourquoi cette force exécutoire peut-elle être ajoutée? Précisément parce qu'il y a eu de la part des contractants échange de volonté sur cette façon de faire. Est-ce vraiment, comme vous le dites, madame, un changement si fondamental? N'oublions pas que dans nos minutes il n'y a rien à ce sujet. Ce n'est que dans l'expédition que se trouvent l'intitulé et, par ailleurs, le mandement.

Il est évident que cela pourrait être inclus dans votre avant-projet de loi pour les hypothèques, parce que ce serait la nature des choses que de le mettre là, mais il est aussi évident que cela pourrait faire l'objet d'une modification du statut des notaires qui pourraient avoir un acte faisant foi en justice et exécutoire dans tout le territoire de la province.

Si vous voulez, il y a une différence importante et comment peut-on expliquer que la grande tradition du Québec ne se soit pas trouvée avec la détention du système napoléonien? Eh bien! tout simplement parce que le traité de Paris est de 1763, que la loi de ventôse est de 1803 et que, avant la codification, nous n'avions que la force probante. Par conséquent, le système auquel on est revenu ici pour les droits civils n'a pas intégré ce qui n'était pas encore dans le droit d'origine.

Mais, encore une fois, et j'en termine cette partie de la réponse, le fait de donner à une copie exécutoire cette force qui est issue d'un document arbitré par les parties ne provoque nullement chez les consommateurs français la moindre querelle, si j'en juge par les réunions auxquelles j'ai assisté sous l'égide de représentants parlementaires qui siégeaient en présence des avocats, notamment le bâtonnier, et aucun des consommateurs ne venait contester le principe de l'exécution forcée éventuelle, parce que tous comprenaient que l'équilibre des contrats devait aboutir à une réalisation permettant au créancier de savoir quand il sera remboursé de sa créance.

La deuxième partie de la question, madame, était le renversement de la charge de la preuve. Alors, effectivement, il n'y a plus de preuve à fournir. Il suffit de remettre à l'huissier le document qui fait preuve en soi. II n'y a pas de possibilité pour le débiteur de venir dire: mais je ne dois pas, la créance n'est pas certaine, elle n'est pas exigible, elle n'est pas liquide, cela résulte de l'acte authentique, elle est certaine. Après la sommation et le non-règlement elle est liquide et elle est exigible.

Il n'y a pas de possibilité pour l'agent économique de venir contester ce qui est évident par des documents qui sont considérés comme ayant des forces de jugement de chose jugée. Ceci est favorable aux intérêts du commerce parce que c'est par là que passe toute la difficulté. Le débiteur de bonne foi... II m'est arrivé de gérer une étude pendant deux ans où il y avait eu un sinistre; notre confrère, qui a cessé de l'être très rapidement, avait consenti toutes sortes de créances à n'importe qui et n'importe comment. Tous les débiteurs se reconnaissaient comme des débiteurs de bonne foi jusqu'à ce que l'on creuse un peu et que l'on s'aperçoive qu'au travers de l'opération du notaire ils avaient essayé d'obtenir des crédits dans des conditions qu'ils n'auraient obtenues en aucune circonstance. Aucun jugement intervenu contre eux sur le fondement des actes faits par ce notaire cependant indélicat n'a fait l'objet d'une contestation par les juges.

Le Président (M. Marcil): Cela va?

Mme Harel: Je vous remercie. Évidemment, je me dis que souvent tes populations de nos pays respectifs finissent par intégrer d'une certaine façon ou comprendre leurs institutions comme si elles étaient naturelles et non pas comme si elles étaient le produit d'une culture.

Alors qu'il n'y ait pas contestation de façons de faire qui sont devenues très institutionnelles et qui sont comme telles reçues par les populations... Je pense qu'il n'y a pas constestation, par exemple, du droit pénal en France malgré la différence importante qu'il présente avec le nôtre. C'est-à-dire que s'il y a constestation cela n'est pas une contestation qui irait dans le sens, par exemple, de le modifier pour introduire le droit anglo-saxon. (12 heures)

Ce que je veux simplement signaler par là c'est que, d'une certaine façon, cela ne m'étonne pas que vous nous ameniez à constater que le consommateur français se porte bien avec le droit qu'il connaît. Évidemment, il y a toujours des modifications à y faire mais les populations en général ne sont pas nécessairement en demande sur le plan des changements substantiels. Vous savez, par exemple, en matière de réforme du Code civil, il y a, évidemment, une opinion publique éclairée dans notre société qui souhaite des modifications. Mais ce n'est pas l'ensemble

des personnes qui attendent avec impatience que le ministre de la Justice procède à cette réforme. N'empêche qu'elle s'impose. Ce que je veux simplement signaler par là, c'est qu'on vit respectivement avec des institutions et on finit par les croire comme étant quasiment naturelles, d'une certaine façon.

M. Roque: Je voudrais répondre à cela. Si le Français d'un naturel systématique était seul en cause. Mais la force exécutoire des actes notariés existe à peu près dans les mêmes termes, en Allemagne, en Belgique, en Espagne, en Grèce, en Italie, au Luxembourg, aux Pays-Bas, après les vérifications que j'ai faites et les textes qui sont là. Vous me direz que ces pays ont eu, pour certains d'entre eux, un certain nombre de problèmes posés avec un certain empereur qui s'appelait Napoléon 1er qui leur a imposé en un certain temps, ces textes. Mais d'autres n'ont pas été envahis et ont quand même la formule exécutoire. Il n'y a vraiment personne d'aussi différent qu'un Allemand d'un Espagnol. Je vous assure.

Je me suis promené dans le monde avec les obligations qui sont les miennes, et pouvoir faire admettre par des Allemands une institution qui est française, qui est espagnole, qui est grecque, qui est italienne, c'est en soi la preuve d'un consensus et alors vraiment. Pour dire que le consommateur français est dans un état d'écorché vif au plan épidermique, je vous dirai que comme logisticien d'un congrès dont j'avais souhaité le sujet et qui s'est appelé "Le consommateur", qui s'est tenu à Lyon, il est apparu que le tour de France traditionnel de l'équipe intellectuelle est allé partout. Nous avons eu en face de nous les organismes de consommateurs.

Madame, je crois que, sans le vouloir, vous avez fait injure à la capacité d'invention de nos organismes de consommateurs qui nous proposeraient des élaborations de textes à raison d'un par jour, très certainement, et dans tous les azimuts. Je crois que la capacité créative, globale de l'Europe est assez importante. Savez-vous qu'il y a 6000 règlements, directives, avis émis annuellement par la communauté européenne? Il y en a 6000. Ce qui représente une créativité continuelle dans le sens de la convergence assez remarquable. Tous ont jugé bon de conserver ces structures. C'est là le fond de la question. À la fois, ceux qui sont chargés de revoir les structures dans lesquelles se trouve intégré le monde anglo-saxon, par l'Angleterre. Personne n'a touché à cela. Et les organes de consommateurs immergés dans des pays fondamentalement différents comme comportement sociologique, ne trouvent pas à critiquer la chose.

C'est donc devenu une sorte de cohabitation en France. Ce mot a fait florès depuis quelque temps, mais une cohabitation de principe entre les besoins de la société qui doit avoir sa sécurité et la sécurité du prêteur ainsi que la sécurité de l'emprunteur qui n'emprunte pas s'il sait qu'il ne peut pas rembourser. Mais s'il emprunte, il peut s'attendre, parce qu'on le lui a dit, à faire l'objet de mesures d'exécution dans des conditions prédéterminées. Je crois que c'est cela au fond l'intérêt de l'institution. Elle n'est pas révolutionnaire. Elle est confortative. Elle n'est pas de nature à bouleverser le système du Québec. Elle est de nature à étendre la portée de son secteur de sécurité de façon à pouvoir intégrer plus facilement tout ce qui inéluctablement va venir, c'est-à-dire le domaine de la preuve du non-écrit avec les assurances.

Mme Harel: Oui, M. le Président, là je n'abuserai pas. Je dois peut-être Me Roque, vous dire que nous nous considérons certainement privilégiés d'avoir pu avoir ce dialogue avec vous. Vous êtes certainement un très bon plaideur. Merci de votre présence.

Le Président (M. Marcil): Merci, Mme la députée. M. l'adjoint parlementaire.

M. Dauphin: Juste une dernière question, Me Roque, si vous me le permettez. Ici au Québec, au risque de me tromper, en matières commerciales normalement - Me Lambert est tout près de vous -les gens vont voir soit l'avocat, soit le notaire, tandis qu'en France, je crois que la tradition ou la coutume veut qu'on aille voir le notaire plutôt que l'avocat.

M. Roque: Écoutez, cette question est merveilleuse parce qu'il est bien évident que si un notaire répondait cela, il aurait une certaine présomption. Ce n'est pas exact.

Là, les schémas mentaux se vérifient. C'est probablement une des faiblesses du notariat français d'avoir été trop discret. Aujourd'hui, les schémas mentaux de toutes les couches de la société française sont les suivants: On pense, quand on est malade, à un médecin et quand on a mal aux dents à un dentiste. Quand on pense à un problème de droit, de contrat de mariage, aussitôt on accole le nom de notaire. Quand on pense à un problème immobilier, on accole le nom de notaire et quand on pense succession, on accote le nom de notaire. Mais, le notaire, en réalité, fait beaucoup plus que cela. Lorsque l'on va demander un conseil tous azimuts à un notaire qui vous le facture, on est tout étonné d'être libéré et de ne pas avoir à faire d'acte authentique ou d'acte quel qu'il soit après. Quand on lui demande un arbitrage d'amiable compositeur, on est tout étonné que ce soit parfaitement dans ses cordes. Autrement dit, le secteur occupé par la tradition socioloqiquement reconnue au

notaire français n'est rien à côté de la vocation qu'il se reconnaît et qu'il est capable d'assumer, y compris les conseils d'entreprise, la négociation, l'expertise, etc.

Donc, je réponds à votre question. Le secteur le plus large sociologiquement reconnu lorsqu'on a un problème de droit, c'est l'avocat. J'irai voir l'avocat. Le secteur, qui est beaucoup plus étroit, que je viens de définir, avec une découverte à la clef - là, je vous la garantis - lorsque des hommes d'affaires tournant autour de la planète, quelle que soit leur origine, allemande, italienne, font l'honneur à un notaire français de venir chez lui pour faire arbitrer les contrats avec des partenaires, tous, sans exception - je pourrais donner les noms et leur liste - préfèrent la façon de procéder des notaires français ou des notaires que les conseils anglo-saxons. Car la bataille, qui est une bataille dans laquelle on défend des points de vue, amène à savoir qui paiera le plus cher celui qui est le plus fort des conseils. Voilà la question au coeur de la société de demain.

M. Dauphin: Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps qui nous est disponible, mais j'aimerais, au nom du gouvernement du Québec et du ministre de la Justice, vous remercier sincèrement de votre contribution à nos travaux.

M. Roque: Merci, monsieur.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, Me Roque.

J'appellerais la Fédération des notaires du Québec à se présenter à la table.

Maintenant, nous entendrons la Fédération des notaires du Québec, représentée par Me François Crête, président du comité ad hoc sur les sûretés réelles. Êtes-vous ici? Oui?

Fédération des notaires du Québec

M. Roy (Jean-Luc): M. Crête est ici et je suis Jean-Luc Roy, président de la Fédération des notaires du Québec.

Le Président (M. Marcil): Nous vous souhaitons la bienvenue à cette sous-commission. Sans plus tarder, compte tenu que le temps passe rapidement, nous allons nous permettre également de raccourcir un peu sur votre temps; nous n'avons pas le choix puisque nous avons un horaire jusqu'à minuit ce soir. Donc, sans plus tarder, vous avez quelques minutes pour faire votre exposé. Les gens ont lu votre mémoire- Vous pourriez peut-être en faire une synthèse ou attaquer des points en particuliers et on passerait à une période d'échanges immédiatement après.

M. Roy: Alors merci. Nous tenons également à remercier la sous-commission de nous entendre. Tout d'abord, dans le but de clarifier peut-être certaines interrogations de certains membres, nous tenons à spécifier que notre présentation n'a pas pour but une coalition avec la Chambre des notaires et de permettre aux notaires d'avoir plus de temps qu'ils auraient pu en avoir d'une autre façon. Simplement pour établir au départ que la Fédération des notaires du Québec est un syndicat professionnel constitué en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels. Son existence date de 1978 et elle a comme principal mandat de défendre les intérêts socio-économiques de ses membres. Nous sommes un mouvement d'adhésion volontaire; donc, actuellement ce ne sont pas tous les notaires du Québec qui sont membres de notre mouvement.

La Fédération des notaires du Québec a été invitée pour une première fois à participer à un comité d'étude au sujet du Code civil et nous en remercions particulièrement le ministre de la Justice. Toutefois, il est évident que notre mouvement est jeune et, à ce titre notre expérience n'est pas très vaste en ce qui a trait à la présentation d'un mémoire. Toutefois, un travail continu a été effectué par le président de notre comité, Me François Crête, et nous voulons quand même faire part à la commission de l'analyse que nous en avons faite et ce, dans l'optique de notaires de pratique privée, c'est-à-dire ceux qui auront à voir de façon quotidienne à l'application de cette loi. C'est de cette façon que nous avons l'intention de présenter notre mémoire. Alors, sur ce, je vais céder la parole au président Me François Crête.

M. Crête (François): M. le Président, Mmes et MM. les députés, mesdames et messieurs, comme le temps qui nous est consacré est assez limité nous aimerions apporter nos commentaires sur les points que nous jugeons les plus importants.

Premièrement, nous aurions aimé qu'il soit possible d'abolir tous les privilèges, mais nous savons que cela s'avère presque impossible. Nous aimerions nous attarder sur les créances prioritaires accordées à l'État pour le paiement des taxes et des impôts. D'après nous, il faut accorder priorité aux créanciers hypothécaires et suivre la règle générale que les créances de l'État prennent leur rang quant aux immeubles suivant leur ordre respectif d'enregistrement et appliquer le même principe quant aux hypothèques mobilières, sinon, il nous faudra alors, lors de la signature d'une hypothèque mobilière, obtenir de l'État un certificat que tous les impôts du débiteur hypothécaire ont été payés à ce jour.

Le débiteur hypothécaire devra soumettre annuellement à son créancier

hypothécaire un état attestant le paiement de ses impôts, ce qui nous semble exagéré et alourdir davantage ta prise de garanties. Nous voyons mal le ministère du Revenu nous donner un état attestant que les impôts d'un individu sont complètement acquittés. Également, relativement à l'article 2810, nous croyons que ce processus vient diminuer la valeur d'une hypothèque mobilière étant donné qu'elle sera sujette à toutes les taxes et à tous les impôts qui pourront être dus par le débiteur hypothécaire au moment du défaut.

Le projet de loi favorise l'État qui semble oublier le principe qu'il établit lui-même à l'article 2800 soit, que les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers. Cette priorité accordée aux créances de l'État par rapport aux hypothèques mobilières vient diminuer la valeur des hypothèques mobilières et ceci pourrait entraîner pour le débiteur une hausse des taux d'intérêt demandés par les créanciers, car leur garantie sera plus risquée.

Nous recommandons donc d'accorder priorité aux créanciers hypothécaires mobiliers et immobiliers sur les créances prioritaires de l'État pour le paiement des taxes et des impôts.

Ensuite, nous appuyons la position de la Chambre des notaires quant à la reconnaissance de la force exécutoire de l'acte notarié, vu la tendance du gouvernement à la déjudiciarisation des conflits, ce qui pourrait entraîner une diminution des frais encourus par le créancier pour recouvrer le paiement de sa créance et par conséquent une diminution potentielle du coût de crédit pour le consommateur. (12 h 15)

Concernant l'hypothèque conventionnelle, à l'article 2856, on prévoit que l'hypothèque qui garantit le paiement des obligations ou autres titres d'emprunts doit être consentie par acte notarié et en minutes. Vu l'importance de ces actes d'hypothèques, nous trouvons très juste de conserver l'obligation que ces hypothèques soient consenties par acte notarié en minutes.

Nous ne ferons pas ici la démonstration de la valeur de l'acte notarié, étant donné que cette preuve a déjà été apportéee au comité qui a retenu, à juste titre, cette exigence.

Nous croyons, vu la valeur incontestable de l'intervention du notaire à ce genre de transaction, que cette exigence devrait s'étendre à toutes les hypothèques qui doivent être enregistrées.

À l'article 2857, on retient l'exigence que l'hypothèque immobilière doit, sous peine de nullité absolue, être consentie par acte notarié et en minutes. Cette exigence existe déjà dans le droit actuel et nous avons toutes tes raisons pour justifier le maintien d'une telle exigence.

Le notaire est le conseiller juridique par excellence pour intervenir lors de la signature des actes d'hypothèques. Il se doit, par son devoir que la loi lui impose, d'être neutre et impartial entre les parties et procéder à la lecture des documents que les parties signeront et voir à l'explication des obligations contractées par les parties. De plus, le notaire a été reconnu comme étant le spécialiste par excellence en droit immobilier et il est tout à fait juste que l'on requière ses services pour la signature des hypothèques pour mieux protéger le consommateur qui contracte souvent, à ce moment-là, la plus grande obligation financière de sa vie.

Également, le notaire conservera l'acte intervenu entre les parties et pourra en délivrer des coptes authentiques sur demande.

Attendu que le législateur a retenu cette exigence pour les hypothèques immobilières, pourquoi ne retiendrait-il pas cette exigence pour les hypothèques mobilières? Si c'est bon pour l'un, cela devrait être aussi bon pour l'autre!

Les notaires du Québec sont en mesure de répondre aux besoins des créanciers et des consommateurs qui leur demandent de protéger leurs droits respectifs, de leur expliquer les obligations qu'ils contractent, de les assurer que le tout respecte la loi, de donner l'authenticité à ces actes, de les conserver et de leur en délivrer des copies authentiques sur demande.

Le consommateur se méfie du créancier qui veut obtenir le plus de garanties possible, et désire comprendre en détail les obligations qu'il contracte. Nous ne croyons pas que le prêteur lui-même soit en mesure de bien expliquer les obligations contenues dans une hypothèque. Les contrats sous seing privé seront signés sans avoir été lus et expliqués au consommateur, avec les conséquences que cela comporte.

De plus, le créancier veut s'assurer de l'identité de l'emprunteur, de sa capacité juridique à consentir une hypothèque et de son titre de propriété sur le bien offert en garantie.

Seul le notaire est en mesure de répondre adéquatement à ces demandes et d'agir de façon neutre et impartiale entre les parties.

Il ne faudrait pas que chacune des parties contractantes s'engage un conseiller juridique pour protéger ses intérêts. Cela aurait pour conséquence d'alourdir le processus de prise de garanties et d'augmenter le coût des honoraires que le consommateur devra supporter.

J'aimerais apporter une petite correction à la page 15 de notre mémoire. Dans le titre, on a marqué "Dispositions particulières à l'hypothèque immobilière" et

on aurait dû lire "mobilière".

À l'article 2861, on prévoit que l'hypothèque mobilière sans dépossession doit, sous peine de nullité absolue, être créée par écrit. À notre avis, on aurait dû prévoir la même exigence qu'à l'article 2857, c'est-à-dire qu'elle soit consentie par acte notarié en minutes.

Pour les raisons énoncées ci-haut dans nos commentaires relatifs à l'article 2857, nous croyons qu'il y a un danger pour le consommateur de signer une hypothèque mobilière sans qu'il y ait l'obligation qu'il soit assisté d'un conseiller juridique neutre et impartial qui lui expliquera les obligations qu'il contracte. De plus, le notaire verra à protéger le créancier en lui assurant l'identité de l'emprunteur, sa capacité juridique et la valeur du titre de propriété du bien hypothéqué. Également, le notaire pourra procéder adéquatement à l'enregistrement de l'acte après en avoir assuré la date et l'authenticité.

Tout cela donnera une meilleure valeur à l'hypothèque mobilière et diminuera les problèmes pour les créanciers lorsqu'ils auront à exercer leur recours.

Pour les mêmes raisons ci-haut mentionnées, nous croyons que l'hypothèque mobilière avec dépossession où un tiers possède pour le compte du créancier, devrait être constatée par un écrit fait devant un notaire en minutes. Lorsque l'on exige l'enregistrement de cette hypothèque pour la rendre opposable aux tiers, il serait beaucoup plus facile de respecter les nouvelles normes d'enregistrement si l'hypothèque a été constatée par un écrit notarié.

Également concernant l'hypothèque mobilière sur les créances, à l'article 2874, on prévoit la nécessité de remettre une copie ou un extrait de l'acte constitutif d'hypothèque au débiteur pour faire valoir cette hypothèque à l'encontre des tiers.

Si cet acte d'hypothèque a été reçu en minutes par un notaire, il sera facile d'en obtenir une copie ou un extrait. Mais, advenant qu'il ait été fait sous seing privé en nombre de copies insuffisant, ou en obtenir une copie, ou en obtenir un extrait, il pourra le faire.

Également, lorsqu'il faut que cette hypothèque soit publiée pour enregistrement ou qu'elle soit signifiée ultérieurement au débiteur, il sera beaucoup plus facile d'accomplir ces procédures si l'hypothèque a été faite devant notaire.

Maintenant, relativement aux hypothèques légales en faveur de ceux oui participent à la construction ou à la rénovation d'un immeuble, nous sommes conscients qu'il n'y a pas actuellement de solution convenable, mais dans la situation actuelle, nous aurions apprécié que le projet de loi prévoie que ces hypothèques légales en faveur de ceux qui participent à la construction ou à la rénovation d'un immeuble ne soient acquises qu'à compter du dépôt pour enregistrement de l'avis, de sorte que le créancier hypothécaire, qui requiert toujours des cessions de priorité de ceux qui bénéficient de ces d'hypothèques légales ait priorité automatiquement, de sorte que l'emprunteur n'aura plus à faire signer des formules de cession de priorité par ceux qui bénéficient de ces hypothèques légales. Cela aurait mieux reflété la situation juridique actuelle vécue dans le domaine de la construction. Mais il est sûr que, entre elles, elles devraient prendre le même rang et venir par concurrence.

J'aimerais souligner aussi que, concernant la vente sous contrôle de justice, il serait intéressant que le tribunal confie au notaire d'agir comme officier public pour la vente d'immeubles sous contrôle de justice, comme c'est déjà le cas pour la vente d'immeubles appartenant à un mineur ou à un incapable. Nous croyons que les règles édictées dans ce domaine seraient mieux respectées et le tout pourrait être accompli de façon plus expéditive.

Nous allons passer à la question de la publicité par enregistrement. Par ces articles, le législateur désire que les actes dont on requiert l'enregistrement aient une meilleure valeur juridique, également, on veut que le registre foncier reflète adéquatement l'état juridique actuel de l'immeuble. Alors, pourquoi requérir des certificats de vérification par ceux qui veulent procéder à l'enregistrement? Pour donner une certaine authenticité aux actes quand il existe déjà au Québec des notaires qui sont des officiers publics ayant le pouvoir d'accorder l'authenticité aux conventions qu'ils reçoivent?

Par définition, l'acte notarié comporte déjà toutes les qualités requises sans qu'on ait besoin de certificat de vérification pour certifier l'identité, la qualité et la capacité des parties et pour exprimer clairement la volonté des parties, notamment quant aux droits à être publiés.

En édictant l'article 3335, le projet de loi ne reconnaît pas la valeur juridique de l'acte notarié et ne fait qu'augmenter les procédures d'enregistrement et, ainsi, alourdir un système qui est déjà fort complexe. De plus, l'article 3136 ouvre la porte à l'enregistrement d'actes faits sous seing privé qui n'ont pas les qualités requises pour acquérir toute l'authenticité qu'on voudrait qu'ils aient.

Comment un homme de loi qui se respecte pourra-t-il certifier un acte qui a été fait hors de son contrôle, qui n'a pas été signé devant lui et quand il n'a pas rencontré toutes les parties à l'acte, afin de vérifier leur identité et de voir si l'acte reflète bien leur volonté?

D'ailleurs, nos confrères du Barreau ont

admis devant cette commission leur incapacité à accorder aux actes sous seing privé l'authenticité exigée par le projet de loi.

Toute cette procédure alourdit le processus d'enregistrement, augmente la tâche du conseiller juridique qui veut procéder à l'enregistrement, en plus d'exiger un travail plus considérable pour le régistrateur, ce qui entraînera une lourdeur administrative et des délais beaucoup plus longs avant d'avoir la preuve d'enregistrement. Alors même que l'on exige de plus en plus une rapidité d'action, on vient, une fois de plus, alourdir le processus d'enregistrement.

De plus, le gouvernement, en procédant à l'enregistrement par bordereau ou sommaire plutôt que par le dépôt des actes, ne veut plus conserver les actes. Alors, qui va faire ces sommaires? Est-ce que ce sont les régistrateurs? Si c'est le régistrateur, à ce moment-là, cela va nécessairement alourdir le processus d'enregistrement qui est déjà assez long dans certains bureaux d'enregistrement. Si c'est le notaire, c'est sûr que ça va entraîner des frais additionnels pour le consommateur. Également, on ne veut plus conserver les actes. Alors, que ferons-nous pour retracer ces actes? S'ils ont été faits devant notaire, on pourra toujours les retracer, car les notaires ont le devoir de conserver tous les actes qu'ils reçoivent. S'ils ont été faits sous seing privé, il sera beaucoup plus difficile de les retracer.

À notre avis, il aurait été beaucoup plus simple d'exiger que tout acte, pour être publié, ait la forme authentique reconnue par la loi ou soit fait devant un notaire et prévoir des exceptions pour les avis et autres documents expressément prévus par la loi.

Si l'on veut conserver un registre foncier en ordre, qui reflète adéquatement la réalité juridique, il ne faut admettre à l'enregistrement que des documents authentiques qui ont été préparés par des gens qui connaissent bien toutes les procédures d'enregistrement. Le notaire est le seul conseiller juridique apte à répondre à cette exigence.

L'État est en train de dépenser plusieurs millions de dollars pour refaire le cadastre du Québec et pour entreprendre de nouveaux processus d'enregistrement qui vont nous rapporter fidèlement la situation juridique des droits réels publiés. Alors, après ce grand ménage, si l'on veut que le tout conserve sa valeur et que l'on n'ait pas à recommencer dans quelques années, il faut restreindre l'enregistrement à ceux qui savent comment l'utiliser et à ceux qui savent donner l'authenticité aux actes à être enregistrés, c'est-à-dire aux notaires du Québec.

Nous connaissons déjà plusieurs problèmes pour repérer l'enreqistrement des actes de cession de biens en stock. Si nous laissons enregistrer des hypothèques mobilières par n'importe qui, qui n'aurait pas la minutie de vérifier exactement toutes les données nécessaires, nous nous retrouverons avec un registre qui n'aura pas la valeur désirée et auquel nous ne pourrons plus nous fier. Il faut, pour conserver la valeur des registres, que ceux-ci soient utilisés par des gens qui auront intérêt à en conserver toute la valeur pour être certains que les recherches que nous y ferons pourront nous donner l'assurance que le registre est exact. Si j'ai à certifier personnellement que l'hypothèque détenue par le créancier est une bonne et valable première hypothèque, je veux être certain que le registre va me répondre adéquatement.

Le législateur aurait intérêt à faire confiance de plus en plus aux notaires du Québec. Le notariat est une richesse pour le Québec. L'État doit s'en réjouir et l'utiliser davantage en lui accordant plus de responsabilités. Mous appuyons donc la recommandation faite par la Chambre des notaires d'exiger la forme notariée portant minutes pour tous les actes soumis à la publicité.

Nous tenons à souligner que nous ne partageons pas l'opinion exprimée par la Chambre des notaires quant au libre choix de la forme de l'acte pour l'hypothèque mobilière consentie par une personne qui exploite une entreprise. Si cette hypothèque doit être publiée, il faudra qu'elle suive les procédures imposées par la loi. Si c'est bon pour le consommateur, cela devrait être bon aussi pour le commerçant. Je ne vois pas pourquoi le commerçant, qui souvent ne prend pas le temps de lire les actes, qui est pressé, ne serait pas autant protégé que le consommateur.

Concernant l'enregistrement par sommaire, l'article 3341 prévoit que l'enregistrement se réalise par le dépôt d'un sommaire, sauf dans les cas prévus par la loi où il se fait par le dépôt du document. Donc, nous ne retrouvons plus au Bureau d'enregistrement copie des documents relatant des droits qui sont enregistrés. Nous sommes conscients que seuls les droits inscrits au registre seront opposables au tiers et non les conventions elles-mêmes. Mais entre les parties, il est très important de pouvoir retracer ces documents. Nous sommes très inquiets face à cette façon de procéder où il y a un risque que le sommaire déposé ne reflète pas exactement tous les droits exprimés au document original dont on désire l'enregistrement, malgré le certificat de vérification et le travail de vérification effectué par le reqistrateur ou ses employés.

Qui prend ta responsabilité du sommaire? Est-ce le registrateur ou le notaire ou celui qui le présente? Si c'est

celui qui le présente, j'aimerais bien être en mesure de pouvoir retracer cet individu. Si l'acte dont on a fait le sommaire est un acte sous seing privé, il peut être parfois difficile de le retracer, dans les cas de contestation. Nous sommes conscients que l'État ne veut plus conserver tous les documents dont on requiert l'enregistrement et qui sont déjà en grande majorité conservés par les notaires du Québec. Ces mêmes documents se retrouveront plus tard aux archives du gouvernement. Nous reconnaissons aussi le coût de l'espace pour pouvoir entreposer tous ces documents en duplicata quand il s'agit d'actes notariés. C'est pourquoi nous proposons, dans un souci de sécurité et pour être assurés de pouvoir retracer les documents dont on requiert l'enregistrement, que tous les actes admis à l'enregistrement devraient être des actes authentiques, sauf certaines exceptions qui seraient prévues par la loi.

Maintenant, concernant le report des droits. Le report des droits par un rapport d'actualisation du dossier immobilier par le notaire nous semble être la meilleure solution pour éviter que les droits réels antérieurs ne puissent être affectés par le dépôt d'un plan originaire ou d'un plan de rénovation. (12 h 30)

Cette solution se révèle également la moins coûteuse, car actuellement, tout propriétaire qui consent une hypothèque ou tout acquéreur d'un immeuble doit assumer le coût de l'examen des titres de propriété. Ce qu'il aura encore à faire une seule fois après la rénovation cadastrale. Par ta suite, nous n'aurons plus à réexaminer continuellement les titres antérieurs au dépôt du rapport d'actualisation. Également, ce rapport de droit s'effectuera au fur et à mesure des transactions, lors de la première aliénation entre vifs de ce lot ou lors de l'enregistrement de la première hypothèque conventionnelle.

En cas de doute quant au report des droits, nous pouvons obtenir un jugement ou s'en remettre à la décision du reqistrateur général si les personnes concernées ne font pas valoir leurs droits dans le délai prévu par la loi.

Il faut ici reconnaître l'importance que le rapport d'actualisation du dossier immobilier soit fait par un notaire. C'est lui qui est reconnu comme le spécialiste du droit en mobilier et seul le notaire est en mesure d'assumer toute la responsabilité professionnelle qui en découle, car les notaires du Québec ont tous l'obligation légale d'assurer leur responsabilité professionnelle et même le notaire qui décède ou qui prend sa retraite doit obtenir une assurance responsabilité professionnelle pour tous ses actes professionnels passés, ce qui n'est pas le cas de tous les professionnels.

Nous sommes d'accord également dans ce rapport des droits de conserver le rapport de certains personnels comme les baux, déclaration de résidence, etc. Également, concernant les radiations, nous savons tous que le registrateur encourt beaucoup de responsabilités lorsqu'il procède à la radiation d'une hypothèque immobilière. C'est pourquoi il est normal qu'il exige que la demande de radiation qui lui est faite, le soit sous la meilleure forme et le soit authentique. C'est pourquoi nous recommandons que cette réquisition soit faite en forme notariée. Nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire qu'elle porte minutes, car une fois que le reqistrateur a procédé à la radiation, il est rare que l'on requière une copie d'une quittance. Nous pourrions procéder également par un acte en brevet.

Vu l'importance et la responsabilité encourues par le reqistrateur lors des radiations, nous recommandons que toute demande conventionnelle de radiation devrait être faite en forme authentique.

En conclusion, ce projet de loi apporte beaucoup de modifications au droit actuel. Il ne sera pas facile pour les créanciers et pour les consommateurs de s'y retrouver. C'est pourquoi ce projet de loi se doit, pour conserver un juste équilibre entre les prêteurs et emprunteurs, d'inciter les parties à recourir à un conseiller juridique neutre et impartial qui sera en mesure d'établir clairement, leur volonté et de voir à ce que le tout respecte la loi. Les notaires du Québec sont en mesure d'être à la fine pointe des nouvelles lois pour bien conseiller leurs clients. De plus, les notaires du Québec sont prêts à assumer leurs responsabilités professionnelles pour assurer la validité et la légalité des actes hypothécaires et faire comprendre adéquatement aux parties l'étendue de leurs droits et de leurs obligations.

Le projet de loi vient modifier en profondeur l'essence même des bureaux d'enregistrement qui ne conserveront plus les actes dont on requiert l'enregistrement, mais un résumé de ceux-ci. Il est donc important pour notre société de pouvoir retracer facilement ces actes et c'est pourquoi nous recommandons qu'en principe, seuls les actes authentiques devraient pouvoir être publiés. De cette façon, les registres de l'État auront une plus qrande valeur et une meilleure crédibilité.

Après la rénovation cadastrale et l'instauration de nouvelles procédures d'enregistrement, il faudra maintenir en bon ordre les registres de l'État et c'est pourquoi nous recommandons que seul l'enregistrement d'actes authentiques pourra garantir la valeur des registres de l'État. Le législateur a tout intérêt à utiliser davantage la compétence des notaires, car ceux-ci se révéleront des

collaborateurs inédits qui verront au respect des nouvelles lois et à ce que les registres de l'État conservent toute leur valeur et leur authenticité. Le notariat est une caractéristique qui fait du Québec une société distincte. Nous voulons une société distincte; nous devons promouvoir une de nos richesses naturelles qu'est le notariat québécois. Je vous remercie.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à l'échange de points de vue. Je vais donc reconnaître l'adjoint parlementaire au ministre de la Justice, le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Je veux souhaiter la bienvenue aux représentants de la Fédération des notaires du Québec pour la préparation et l'exposé de leur mémoire que je voudrais aborder peut-être dans un ordre chronologique, à commencer par les créances prioritaires. Vous dites dans votre mémoire que le créancier hypothécaire devrait avoir priorité et non seulement dans le domaine immobilier. Vous parlez ensuite des créances de l'État qui devraient être enregistrées et prendre rang selon la date de leur enregistrement. N'êtes-vous pas d'avis que, considérant la nature de ces créances, considérant le fait que cela représente des deniers publics, ces créances mériteraient un statut privilégié, sans enregistrement?

M. Crête: Je suis d'accord qu'elles aient un statut privilégié par rapport aux créanciers chirographaires. Mais ce qui arrive, c'est que je ne voudrais pas qu'on enlève la valeur d'une hypothèque mobilière. C'est-à-dire, pourquoi veut-on instaurer l'hypothèque mobilière? C'est pour pouvoir accorder aux consommateurs la possibilité d'avoir un prêt à un meilleur taux de crédit, c'est-à-dire que si le créancier sait qu'il a une garantie, il sait qu'il peut réaliser sa garantie plus facilement et il va être porté à accorder un taux d'intérêt plus bas. Mais par contre, si on laisse les créances de l'État passer avant, il va falloir, quand on va faire une hypothèque mobilière, s'assurer que les impôts de l'individu, du débiteur sont à jour. Actuellement, est-ce que le ministère du Revenu serait en mesure de certifier que les impôts de tout individu sont à jour quand on sait très bien, à sa façon de procéder actuellement, qu'il revient cinq et dix ans rétroactivement? Je reçois un papier du gouvernement me disant que je ne lui dois rien, sauf que demain matin, ils peuvent entrer dans mon étude et passer le peigne fin et là, arriver et dire que je leur dois X montant, je ne sais pas. Mais à ce moment-là, je pense que si on laisse passer les créances de l'État, c'est dommage, mais on n'a plus de valeur à l'hypothèque mobilière.

Cela enlève beaucoup de sa valeur.

M. Dauphin: Ensuite, je crois que vous ne nous avez pas parlé de votre position relative. Est-ce que vous avez la même position que la chambre concernant la notion de présomption d'hypothèque?

M. Crête: Concernant la présomption d'hypothèque, elle n'apparaissait pas dans l'avant-projet de loi. Nous n'en avons pas fait l'étude en profondeur. Je pourrais vous dire que j'appuie la position de la chambre de ce matin, c'est-à-dire sa nouvelle position, en ce sens que nous...

M. Dauphin: ...pas la retenir.

M. Crête: ...préférons le consensualisme. Nous sommes du même avis.

M. Dauphin: D'accord. Lorsque vous traitez du report des droits, articles 3413 et 3414, le Barreau du Québec nous proposait de leur laisser la possibilité d'en faire des rapports d'actualisation concernant les immeubles. Je présume que vous êtes contre.

M. Crête: Oui, vous avez raison.

M. Dauphin: Quelle est la raison? Quelle serait votre raison, considérant un avocat spécialisé dans l'immobilier, par exemple?

M. Crête: Voici, ce qui arrive, c'est que l'avocat... Actuellement, je ne vois pas de documents qui sont signés par des avocats individuellement. C'est signé par des firmes d'avocats tandis que nous, comme notaires, on prend la responsabilité personnelle. Je signe un rapport de titres, je vais signer un rapport d'actualisation et je vais signer mon nom. J'en suis responsable. Je suis assuré pour cette responsabilité. Dans cinq ans, dans dix ans, on pourra toujours me retracer et même si je suis mort ou que je suis à ma retraite, la Chambre des notaires va être là pour répondre de cela. II y a une assurance de cela tandis qu'actuellement, même dans les dossiers, on a de la misère à retracer un avocat. Cela change de bureau comme cela change de chemise. Le bureau n'existe plus.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Une voix: N'oubliez pas que vous parlez à deux avocats.

M. Crête: Je le sais, je ne suis pas gêné.

Une voix: ...

M. Crête: Non, mais c'est la réalité qu'on vit aujourd'hui. Je regrette, mais les

confrères avocats n'ont pas voulu prendre la responsabilité. Nous, les notaires, nous sommes au front et nous prenons la responsabilité. Je vois mal un avocat... Vous savez comme moi qu'il y a des avocats qui font du criminel à 90 % et qui, demain matin, commencent à faire un rapport en droit immobilier... Je pense que si on veut conserver des registres qui se tiennent, si on veut avoir quelque chose en ordre, on devrait - pas je pense, mais je suis sûr - laisser cela aux notaires.

M. Dauphin: Aux notaires. Si on s'en va maintenant en droit mobilier concernant l'hypothèque mobilière, vous tenez, je présume, le même raisonnement: cela doit être réservé aux notaires et l'avocat...

M. Crête: Oui.

M, Dauphin: ...devrait se limiter à se tenir à la cour.

M. Crête: Quand on admet que l'hypothèque mobilière peut être faite sous seing privé, je ne veux pas attaquer nécessairement l'avocat, mais c'est qu'à ce moment-là, le banquier va demander de signer cela à la banque sous seing privé. Si je vous disais qu'il y a des nantissements commerciaux qui ont été faits sous seing privé et qu'il y en a plusieurs qui ont été mal faits, que ce soit le nom de la compagnie qui est mal rédigé, qu'on n'est pas tenu de savoir si la personne qui signe est bien autorisée, que le document n'a pas été enregistré dans la bonne division d'enregistrement, comprenez-vous? Aussi, ce qui arrive, c'est que quand on pense à publier cette hypothèque, tantôt ça veut dire, si on laisse les hypothèques mobilières être faites sous seing privé, sur le coin du bureau, qu'elles ne seront pas lues et ne seront pas expliquées et vont être enregistrées je ne sais pas comment, cela veut dire que tout le registre des hypothèques mobilières n'aura plus de valeur. À ce moment-là, on vient inventer une hypothèque mobilière qui n'aura pas de valeur et qui ne pourra pas rapporter les dividendes qu'on voudrait qu'elle rapporte, c'est-à-dire une diminution du coût de crédit pour le consommateur ou pour l'emprunteur.

M. Dauphin: Une autre question, si vous me permettez...

M. Roy: Je m'excuse, est-ce que je pourrais ajouter sur la dernière question? Également, au sujet des hypothèques mobilières qui vont être enregistrées et qui seront sous seing privé, comme notaire, pour de temps en temps voir des situations un peu surprenantes, on peut aussi avoir des doutes sur la façon dont ces garanties vont être prises. Je suis certain que pour la plupart d'entre vous, vous avez déjà vu ces situations. Un individu se présente à une institution, on lui consent un prêt et on lui fait siqner des formulaires en blanc parce qu'on veut les faire taper par la suite. Tu signes là, tu signes là, tu signes là. L'individu a besoin de son arqent et souvent va être mal à l'aise pour poser des questions. Il ne voudra pas mettre en péril l'approbation du prêt qui lui a été consenti.

Généralement, il va se plier à cette façon de procéder. On va signer, le client va signer en blanc les formulaires qui seront, après, complétés par l'institution. Quelle n'est pas la surprise - d'un notaire quand, se rendant dans une de ces institutions pour faire signer un acte d'hypothèque immobilière, il ne se fait pas demander: J'ai un transport général de créance à faire enregistrer et vous êtes comme cela à l'assermentation. Veux-tu m'assermenter cela? Il te le présente. Tout le monde a signé. Les deux témoins ont signé. Le témoin a déjà siqné l'affidavit. Il voudrait que tu viennes signer simplement. Il dit: La personne qui a signé comme témoin n'est pas ici aujourd'hui, mais c'est juste une formalité. Signe-le moi.

C'est de cette façon que les banques prennent les garanties et, à ce niveau, ce que je trouve inquiétant, c'est que, quand on va parler d'hypothèque mobilière sous seing privé, il y a des chances que les garanties soient prises de la même façon, ce qui, à mes yeux, rend tout contestable et ne donne aucune validité ou, en tout cas, on pourra toujours s'opposer à ce type d'acte.

M. Dauphin: Merci. Peut-être une dernière question, M. le Président, relative à l'hypothèque légale de la construction. Vous nous proposez dans votre mémoire que cette hypothèque ne devrait prendre effet qu'à compter du dépôt pour enregistrement de l'avis. On a reçu, hier soir notamment, plusieurs groupes qui militaient évidemment en faveur de leur "punch", qui est le privilège en matière de construction. Ne trouvez-vous pas qu'en proposant qu'une hypothèque légale ne prendrait effet qu'au dépôt de l'avis d'enregistrement... Eux nous convainquaient ou tentaient de nous convaincre que vu la fragilité de l'industrie de la construction sur le plan économique en matière de financement, ça détruirait, si vous voulez, en quelque sorte, la possibilité de financement de cette industrie.

M. Crête: Non, je ne crois pas. M. Dauphin: En repoussant.

M. Crête: C'est sûr que tout ce domaine aurait à être repensé. Je sais que la solution proposée n'est pas une solution

idéale pour personne. Sauf qu'actuellement, qu'est-ce qui se passe? C'est qu'on est obliqé de demander à l'emprunteur ou au constructeur de faire signer des formules de cession de priorité d'hypothèque en faveur du créancier. C'est ça qui se passe en réalité. C'est que tous ces gens qui ont une hypothèque légale, avant de commencer une construction, s'ils veulent avoir le contrat, il faut qu'ils signent une priorité en faveur de la banque, en faveur du créancier hypothécaire. Pourquoi ne pas le dire simplement par la loi que le créancier hypothécaire a priorité? À ce moment-là, on n'aura pas besoin de toutes ces formules. Et on se retrouve dans la même situation où on est aujourd'hui. Ils n'ont rien perdu. C'est simplement cela.

M. Dauphin: J'avais une question. Ah oui, allez-y, excusez-moi. (12 h 45)

M. Roy: Simplement une question à se poser. Est-ce que le fournisseur de matériaux pour un bateau a préséance à l'hypothèque maritime? C'est simplement cela, et je pense que c'est comme cela partout.

M. Dauphin: J'aurais juste une question qui ne concerne pas l'avant-projet de loi, M. le Président, si vous me le permettez. Vous faites partie de la Fédération des notaires; au Parlement, il y a peut-être 25, 30 avocats, et aucun notaire. Est-ce qu'il y a une raison particulière qui fait que les notaires sont plus sédentaires, cherchent à rester dans leurs bureaux? Cela sort de l'avant-projet de loi, mais...

Le Président (M. Marcil): Cela sort de l'avant-projet de loi, M. le député, mais je dois dire que nous avons trois notaires, trois ministres.

M. Dauphin: Oui? Ah bon.

Le Président (M. Marcil): M. Bourbeau, Mme Monique Gagnon-Tremblay de même que M. Raymond...

M. Dauphin: Excusez-moi, je retire ma question.

M. Crête: Cela nous aurait fait plaisir d'y répondre.

Le Président (M. Marcil): Oui, Raymond Savoie. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Le Président (M. Marcil): Trois.

Mme Harel: Trois? Vous savez qu'après notre assermentation, c'est comme ta Pentecôte, vous savez, il n'y a plus ni Grecs, ni Romains. Après notre assermentation, nous ne sommes plus ni avocat, ni notaire, nous sommes des légistes, des parlementaires.

M. Dauphin: ...

Mme Harel: On est pris pour s'en faire dispenser.

Me Crête et Me Roy, cela m'étonnait de vous entendre dire, Me Crête, à l'instant même, en réponse au député de Marquette que, puisque les créanciers hypothécaires font habituellement signer des cessions de priorité, parce que c'est là une pratique qui s'est développée pour contourner l'intention du législateur, justement, il fallait maintenant légiférer pour que, définitivement, on opte en faveur d'eux prioritairement. Cela revient à cela. C'est illusoire de dire qu'ils seront sur le même rang. À partir du moment où c'est l'enregistrement de l'avis, en tout cas, dans la réalité d'ailleurs, vous le dites vous-même, vous avez cette franchise...

M. Crête: ...que le législateur viendrait reconnaître une situation qui existe déjà, en pratique.

Mme Harel: Encore faudrait-il se demander si on souhaite cette situation. C'est une autre question, justement.

M. Crête: Si vous ne la souhaitez pas, à ce moment-là...

Mme Harel: Je pense que...

M. Crête: Si vous ne la souhaitez pas et si vous avez d'autres solutions à proposer... Je pense qu'hier on n'a pas trouvé de solution trop trop à cette question. C'est sûr qu'on peut repenser toute cette question. Mais moi, tout simplement, je vous...

Mme Harel: D'accord, parce que, Me Crête, je ne crois pas que c'était la solution que souhaitait le législateur, les codificateurs en 1800. Je ne crois pas que c'était cela, la solution.

M. Crête: Non, je sais.

Mme Harel: Je crois que la pratique a contourné l'intention, finalement. Là, je ne crois pas que ce soit l'intention dans l'avant-projet de loi. Plusieurs sont venus dire au gouvernement: Vous cherchez une solution pour abolir le privilège ouvrier mais tout en maintenant un statut particulier parce que je pense que l'intention - cela a été exprimé par le ministre de la Justice - c'est qu'il soit maintenu quand ce ne serait que pour maintenir l'ordre dans ce secteur. On dit toujours dans une société que lorsque l'habitation va, tout va. D'une certaine

façon, eux sont venus nous dire: On a assez de problèmes sans que vous nous en ajoutiez. Je reprends toute cette question de l'hypothèque mobilière.

M. Crête: Si vous me permettez une intervention...

Mme Harel: Certainement.

M. Crête: ...concernant les hypothèques légales dans le domaine de la construction. C'est une idée, une suggestion, peut-être: Est-ce qu'on ne pourrait pas demander au notaire d'être fiduciaire des fonds avancés, de l'obliger à payer les entrepreneurs? C'est-à-dire que l'entrepreneur pourrait tout simplement déterminer d'avance qui sont ses sous-entrepreneurs, et, à ce moment-là, le notaire pourrait payer directement ces gens, au lieu de remettre l'argent à l'entrepreneur qui, lui, utilise les fonds à d'autres fins.

Mme Harel: J'ai noté d'ailleurs, à cet effet, une suggestion de la Chambre des notaires lors du dépôt de son mémoire, de prévoir éventuellement... Il faudrait voir aussi la législation ontarienne qui contient déjà des dispositions semblables. Je pense que, de toute façon, il y a aussi la solution de rechange de l'Office de révision du Code civil, enfin, on n'est pas nécessairement à court d'alternatives, mais on aura certainement à les explorer.

Je reprends la question des hypothèques mobilières qui était posée par l'adjoint du ministre. Vous dites: Moi, je ne veux pas intervenir sur la querelle à savoir faut-il que ce soit sous seing privé ou par acte authentique, mais plus encore, faut-il qu'il y ait une hypothèque mobilière. On a tellement de problèmes juste avec les modalités d'implantation que je me demande ce qu'elle viendrait ajouter aux pratiques commerciales actuelles.

M. Crête: C'est parce qu'on enlève le privilège du vendeur, parce qu'on aboli les privilèges. C'est à ce moment-là qu'on a décidé de conserver l'hypothèque mobilière mais si...

Mme Harel: Mais le vendeur non payé a une hypothèque légale.

M. Crête: Oui, il a une hypothèque légale.

Mme Harel: Le paragraphe 3 de l'article...

M. Crête: C'est une question que nous n'avons pas décidée. L'avant-projet nous propose une hypothèque mobilière. C'est sûr qu'on pourrait se poser la question à savoir est-ce qu'on doit admettre l'hypothèque mobilière ou pas? C'est une chose qui a été discutée en commission...

Mme Harel: C'est-à-dire l'hypothèque mobilière pour un non-commerçant...

M. Crête: Oui.

Mme Harel: ...et pour un consommateur qui acquiert un bien.

M. Crête: II faut quand même remarquer...

Mme Harel: La Chambre des notaires vous dit qu'il est préférable de ne pas introduire cette notion qui va, de toute façon, confondre, et de maintenir le nantissement commercial dans la forme qu'il a présentement, c'est-à-dire la libre concurrence professionnelle, avocat ou notaire. Finalement, c'est ça la position de la Chambre des notaires.

M. Crête: Ce que nous voulons c'est que s'il y a des hypothèques mobilières on veut être en mesure de s'assurer qu'elles sont bonnes, valables et qu'on puisse en vérifier la publicité de façon adéquate et être sûrs. Si je certifie à un créancier qu'il détient une bonne et valable première hypothèque mobilière, je veux être sûr de mon coup.

Mme Harel: Je pense bien que le législateur et la commission aussi auront à examiner préalablement la question de savoir s'il doit toujours y avoir des dispositions qui traitent de ces questions qui soient introduites.

À la page 37 de votre mémoire, vous nous parlez de ce qui vous semble être les formalités pour permettre un registre auquel on puisse se fier, pour permettre la fiahilité du registre, pour permettre sa sécurité, pour en permettre la valeur désirée. Lorsque les registrateurs se sont présentés devant la commission, hier, en réponse aux questions posées, ils nous ont dit se considérer en mesure de procéder à la certification tel qu'il est mentionné dans l'avant-projet de loi. Donc, la certification en ce qui concerne l'identité des parties, l'adéquation entre l'acte et la volonté. Il leur semblait possible de procéder à cela et, pour autant, de satisfaire aux objectifs légitimes que l'on poursuit tous en matière de fiabilité et de sécurité du registre.

M. Crête: Je me demande comment les registrateurs...

Mme Harel: Je vais vous poser tout de suite les deux questions en même temps parce que cela concerne les registrateurs et que le temps nous est compté. Ils ont égale-

ment contesté les dispositions qui concernent le sommaire, l'enregistrement, en disant qu'il est peut-être... La discussion s'est poursuivie sur la possibilité de microfilmer les actes et d'introduire des fiches avec lecteur optique. On a abordé toutes ces questions-là. J'aimerais avoir votre point de vue sur ces deux questions.

M, Crête: Quant à votre première question, je doute que les registrateurs soient en mesure de certifier les actes sous seing privé à être enregistrés. Est-ce qu'il faudrait que les parties à l'acte sous seing privé se présentent au bureau d'enregistrement? Vous savez qu'actuellement dans les bureaux d'enregistrement il y a des situations qui ne sont pas roses. Quand on prend le bureau d'enregistrement de Montréal où cela prend jusqu'à dix jours avant de savoir si notre acte est enregistré, avant d'avoir le retour d'une copie, si on commence avec ça, que les gens se présentent pour faire leur contrôle au bureau d'enregistrement, je m'excuse mais je ne suis pas capable de voir ça.

Actuellement il y a un manque de personnel dans les bureaux d'enregistrement. On a de la difficulté à avoir du service. Plus ça va, plus la qualité du service diminue pour les utilisateurs des bureaux d'enregistrement. Plus on va accorder de tâches et de responsabilités au registrateur et à ses employés, il faudra aussi qu'il prenne ses responsabilités. Est-ce qu'il faudra prévoir un fonds d'indemnisation de la part du gouvernement ou des registrateurs en cas d'erreur? Ce sont des questions, c'est sûr, mais si c'est le notaire qui est responsable du sommaire... c'est pour ça qu'on préfère la règle que les actes authentiques soient enregistrés. C'est notre règle parce qu'on est sûr comme ça que le registre aura le plus de valeur possible.

Je ne comprends pas que le registrateur soit en mesure de certifier, quand les avocats ont admis en commission ici, hier, ne pas être en mesure de le faire. Si un acte sous seing privé a été passé et qu'une des parties arrive, comment peut-il vérifier l'identité de l'autre partie? Je pense que c'est illusoire.

Maintenant, quant à l'informatisation des bureaux d'enregistrement, si le gouvernement est prêt à dépenser beaucoup pour informatiser tous les bureaux d'enregistrement, je suis bien d'accord avec cela, sauf qu'au comité, on a eu certains spécialistes du gouvernement dans ce domaine qui nous ont plutôt dit d'essayer de penser autrement.

Mme Harel: Alors, Me Crête... oui?

M. Roy: Je m'excuse, juste peut-être à titre de réponse supplémentaire, je siège à un comité avec la Direction générale des bureaux d'enregistrement et ce que ça me permet de constater à ce moment-ci, c'est que c'est un choix politique que le gouvernement aura à poser, je pense. C'est soit d'assumer la charge de tout cela lui-même ou de le laisser à l'entreprise privée comme cela se fait un petit peu actuellement. À savoir que si les registrateurs se voient, je dirais, affublés de la tâche d'assurer cette certification des actes, il va falloir modifier sensiblement tout le système actuellement. C'est-à-dire qu'on parle des heures d'ouverture. Je ne suis pas certain que la clientèle est toujours en mesure, pour tout, d'aller dans ces heures d'ouverture. Il va aussi donner du personnel supplémentaire parce que ça va faire beaucoup de monde. On va venir de créer un autre système d'enregistrement. Fait bizarre, à l'opposé des enregistrements automobiles qu'on a eu tendance à donner à l'entreprise privée. Alors, c'est un choix politique, mais je ne vois pas pourquoi le gouvernement aurait l'attitude de rapatrier toute cette tâche qui, actuellement, dans 95 % des cas. est faite par l'entreprise privée, c'est-à-dire le notariat.

Mme Harel: Justement, dans votre mémoire à la page 41, vous concluez que tous les actes admis à l'enregistrement devraient être des actes authentiques, et !à vous nous dites: sauf certaines exceptions prévues par la loi. Quelles pourraient être ces exceptions selon vous?

M. Crête: C'est sûr qu'il peut y avoir des avis de vente pour taxes. Il peut v avoir toute sorte de documents qui pourraient être faits sous seing privé.

Mme Harel: Alors je vous pose la question de résidence familiale, par exemple, introduite dans notre droit de la famille qui se gère actuellement au bureau du registrateur par un formulaire tout fait, tout préparé, et les personnes qui veulent utiliser ce droit n'ont qu'à se présenter au bureau d'enregistrement pour le remplir et le registrateur l'enregistre. Cela serait un type d'acte qui ne pourrait être admis que s'il est...

M. Crête: Authentique. Mme Harel: ...authentique.

M. Crête: Ou bien il faudrait bien s'assurer que la personne qui l'enregistre est bien le conjoint, qu'elle est bien mariée. Parce que vous savez qu'il y a en qui on enregistré des déclarations de résidence et qui n'étaient pas mariés.

Mme Harel: Et les baux immobiliers...

M. Crête: Être sûr que c'est la bonne désignation. Voyez-vous? C'est sûr que ces gens-là se présentent au bureau d'enregistrement et c'est l'employé du bureau d'enregistrement qui fait cela.

Mme Harel: II y a un vieux principe qui dit: souvent le mieux est l'ennemi du bien par exemple en certaines matières.

M. Crête: Oui.

Mme Harel: Et les baux immobiliers, également?

M. Crête: Oui.

Mme Harel: D'accord. Merci, M. le Président. Alors je vais vous remercier Me Crête...

M- Crêtes Oui.

Mme Harel: ...et Me Roy.

Le Président (M. Marcil): Moi aussi j'aimerais vous remercier de votre participation à nos travaux. Comme vous le savez, c'est un avant-projet de loi alors on est ici pour vous consulter et le bonifier par après.

M. Crête: Soyez assurés aussi que, de notre part, nous sommes toujours ouverts à collaborer avec vous dans d'autres projets de loi ou même dans ce dernier. Je vous remercie.

Le Président (M. Marcil): Ça va. Nous vous remercions beaucoup de vous être prêtés à cette audition. Je voudrais savoir s'il y a un membre de l'Association des banquiers canadiens présent dans cette salle? Non, c'est seulement à titre d'information.

Donc, je vais ajourner jusqu'à 2 h 15, c'est-à-dire 14 h 15.

Il y en a un? Vous êtes le groupe faisant partie de l'Association des banquiers canadiens?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Marcil): Je vous informe que nous allons reprendre nos travaux à 14 h 15. Ça va.

(Suspension de la séance 12 h 57)

(Reprise à 14 h 30)

Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons reprendre nos travaux. Nous souhaitons la bienvenue aux représentants de l'Association des banquiers canadiens, M.

Daniel Ferron, M. Wilbrod Gauthier de même que Me Pierre d'Etcheverry.

Donc, nous souhaitons la bienvenue à cette audition de notre sous-commission. Sans plus tarder, je vais vous laisser la parole. Les gens ont pris connaissance de votre mémoire. Donc, ils ont déjà des questions préparées, ils sont déjà prêts à vous les poser. Si vous voulez nous exposer en résumé votre mémoire, ensuite on pourra procéder immédiatement aux échanges. Allez.

Association des banquiers canadiens

M. Gauthier (Wilbrod): Merci, M. le Président, membres de la commission. Comme vous l'aurez constaté à la lecture du mémoire de l'Association des banquiers canadiens, celle-ci ne s'est pas attardée uniquement à critiquer les dispositions de l'avant-projet de loi qui pourraient causer des soucis aux banquiers. L'intervention de l'association se veut donc positive et non négative. Si l'on nous demandait de résumer la position de l'association, je vous dirai que la cohésion que doit avoir un tel projet de loi à l'intérieur de la révision globale du Code civil exige des textes dont le sens et la formulation sont raisonnablement à la portée de tous les justiciables.

Le mémoire de l'association se penche donc sur des questions de principe aussi bien que sur des probtèmes de rédaction et sur des questions générales aussi bien que sur les questions que pouvait se poser le banquier en tant que bailleur de fonds et prêteur d'argent. Il serait donc inutile et sûrement beaucoup trop fastidieux de reprendre ici toutes et chacune des remarques qu'on a faites. À l'invitation du président, je vais essayer de m'en tenir à des commentaires en guise de sommaire plutôt qu'autre chose. Nous sommes évidemment à votre disposition pour répondre à toutes les questions que vous voudrez bien diriger vers nous.

L'association - et quand je dis "l'association" il s'agit vraiment du comité du Québec composé de banquiers entièrement québécois qui ont contribué à la préparation de ce mémoire et à son élaboration finale -alors, l'association m'autorise à ne pas laisser passer sous silence la situation difficile dans laquelle se trouvera placé non seulement le justiciable, le citoyen mais même le conseiller juridique si la loi est adoptée essentiellement dans le sens des textes proposés par l'avant-projet.

Nous ne pouvons que déplorer la décision du gouvernement et de son équipe de juristes et d'administrateurs d'avoir rejeté presque du revers de ta main et, à mon avis, et je le dis avec tout le respect que je vous dois, sans explication valable les structures et textes de cette partie du Code civil qui avaient été proposés par l'Office de révision du Code civil, l'ORCC.

Ce projet de Code civil était accompagné de commentaires, de jurisprudences et d'autorités à l'appui. Ces commentaires, et j'insiste en particulier sur les commentaires, se seraient révélés d'une valeur inestimable pour l'interprétation future des dispositions du nouveau Code civil. T'est ainsi que se fait un Code civil. Qu'on pense au Code Napoléon ou au Code civil du Bas-Canada qui a été notre Code civil au Québec jusqu'à ce jour en grande partie. C'est ainsi que se fait et devrait toujours se faire la codification des droits civils ou du moins dans un pays de droit français comme le nôtre.

Il ne s'agit pas de prétendre que le gouvernement eût dû adopter pour ainsi dire les yeux fermés le Code civil proposé par l'ORCC mais le gouvernement de l'époque aurait pu facilement faire un choix entre deux façons de procéder qui étaient à sa disposition et qui le sont peut-être encore et qui le seraient encore de toute façon si le Code civil est adopté en bloc.

En premier lieu, l'office de révision et chacun de ses comités avaient tenu des audiences publiques qui avaient permis à tous les individus, toutes les associations... On a entendu les représentations des intéressés. Le gouvernement aurait pu, d'ores et déjà, renvoyer tel ou tel comité à la table de travail pour corriger des orientations de principe avec lesquelles le gouvernement ne pouvait pas être d'accord, si tel était le cas. L'autre choix qui s'offrait au gouvernement et qui s'offre encore au gouvernement, c'est celui d'adopter un Code civil qui, dans le cas de l'ORCC, était présenté par les codificateurs - dans le cas présent, il ne l'est pas - et de s'accorder une période de quelques années avant de le mettre en vigueur, ce qui aurait permis d'en déceler les faiblesses ou les incongruités, s'il s'en trouvait, pour le réviser de façon définitive à la fin de l'exercice. En ne faisant ni un choix, ni l'autre, le gouvernement - celui-ci et celui qui l'a précédé - nous laisse avec un Code civil qui ressemblera, malheureusement, à bien des endroits beaucoup plus à du droit statutaire qu'à de la codification des droits civils fondamentaux au Québec.

Ceci est d'autant plus vrai de l'avant-projet dont il est question ici. Le texte de l'avant-projet - et cela a été une des difficultés qu'on a fait ressortir dans notre mémoire - emprunte ici et là des idées et des principes que l'on retrouvait dans le projet de code de l'ORCC, mais il les entremêle à d'autres dispositions dont tantôt la terminologie, tantôt la phraséologie ne cadrent pas avec les dispositions empruntées au code de l'ORCC et nous laissent avec certaines idées maîtresses qui ont été retenues, mais qui ne peuvent avoir tout leur sens parce que d'autres ont été rejetées. J'en reparlerai dans quelques minutes lorsqu'il sera question de la présomption d'hypothèque, et vous verrez pourquoi.

Pour le justiciable aussi bien que pour son conseiller juridique, tout aussi bien d'ailleurs que pour les tribunaux et le législateur, éventuellement, qui aura à venir aux prises avec le code, une loi qui serait adoptée en substance selon l'avant-projet risquerait de devenir un fouillis, et c'est ce que nous avons tenté de faire ressortir dans le mémoire présenté. Nous avons procédé article par article, signalant les contradictions, le manque de définitions, le manque de cohésion entre certains articles et d'autres. Je pourrais en faire ressortir à la douzaine, mais elles sont déjà notées dans le mémoire.

Si nous insistons particulièrement sur l'absence - je devrais dire en somme la destruction quasi totale de la valeur du rapport des codificateurs de l'ORCC - c'est que l'association et les membres de son sous-comité juridique qui ont préparé le mémoire ont souvent été forcés, comme nous croyons que vous le serez aussi, de suggérer le rapatriement à l'intérieur de l'avant-projet de plusieurs des dispositions du projet de l'ORCC, lesquelles constituaient une réponse tout à fait satisfaisante à plusieurs des problèmes de rédaction et des problèmes juridiques que nous soulevons dans notre mémoire.

Ces remarques préliminaires ne sont pas faites dans le but de vous convaincre de faire marche arrière. Malheureusement, il est trop tard pour cela. Cependant, elles sont faites dans le but de vous éclairer sur le sens et la portée des critiques spécifiques formulées dans les 100 pages de notre mémoire. Tous les commentaires, toutes les critiques, toutes les questions soulevées visent à préciser ou à clarifier les textes et à donner à l'ensemble une cohésion qu'il n'a pas dans le moment.

À la suite de ces remarques préliminaires, je vais me limiter à quatre commentaires. Premièrement, au sujet de la présomption d'hypothèque. Deuxièmement, quant au principe des créances hypothécaires et des hypothèques légales. Ensuite, sur l'incertitude quant au ranq des sûretés. Enfin, au sujet de deux ou trois déficiences du texte de l'avant-projet dont mention a été omise dans le mémoire.

Revenons à la présomption d'hypothèque. Je suis éberlué, je dois l'avouer, d'apprendre que la Chambre des notaires a changé la position qu'elle avait prise en faveur de la présomption d'hypothèque. Je me suis dit: Mais à quoi ils pensent? La présomption d'hypothèque était suggérée par l'ORCC pour deux raisons qui demeurent et qui demeureront toujours les bonnes. Premièrement, c'était de simplifier le droit pour le citoyen, l'homme de la rue, le petit homme d'affaires. À la place d'être

en présence, à chaque fois qu'il veut emprunter, de contrats épais comme ça, remplis de clauses de dation en paiement dont pas deux sont semblables, des clauses de transport de loyer, de nantissement de ci, de prise de possession de cela selon des conditions et des avis, etc., fini cet enchevêtrement de l'acte d'hypothèque. C'était la première raison pour justifier l'ORCC de suggérer la présomption d'hypothèque. C'est que le gage devient inutile, le nantissement agricole, le nantissement commercial, la cession de créances et comptes de livres, la cession de biens en stock, tout cela était remplacé par l'hypothèque. Tout le monde, tous les prêteurs, tous ceux qui voulaient avoir des sûretés sur les biens du petit homme de la rue comme du riche commerçant seraient sur le même pied. C'était cela le but de la présomption d'hypothèque. C'est pour cela que nous le préconisons avec autant de force et que le Barreau l'a fait, que le Mouvement Desjardins l'a fait dans son mémoire aussi. J'espère qu'ils n'ont pas changé d'idée eux non plus. Moi je n'ai pas changé d'idée et l'Association des banquiers canadiens n'a pas changé d'idée. Et pourtant les banquiers pourraient avoir à se plaindre quelque peu parce que, par exemple, la priorité extraordinaire que leur donnent actuellement la jurisprudence et les auteurs en matière de cession de créances et comptes de livres est préférable à l'hypothèque mobilière. Mais les banquiers sont prêts à reconnaître qu'il faut mettre tout le monde sur le même pied en matière d'hypothèque. Donc, créer la présomption d'hypothèque. Il y a tout un bloc du Code civil qui va d'ailleurs devenir inutile grâce à la présomption d'hypothèque.

La deuxième raison, c'est que justement, la forme perd de l'importance. Quand j'entendais, ce matin, un notaire vous dire qu'il est important d'avoir la forme authentique parce que cela assure aux justiciables, à l'emprunteur comme au prêteur, un document dans une forme impeccable, en somme, cela évite les vices de forme, mais précisément, la présomption d'hypothèque que je me permets de relire dans le rapport de l'Office de révision du Code civil met fin à la possibilité d'invoquer des vices de forme. Qu'on s'exprime dans les termes qu'on voudra, qu'on appelle cela comme on voudra, que celui qui rédige une hypothèque sous seing privé vous tortille un texte qui est plus ou moins conforme à la pratique notariale ou à la pratique des avocats, peu importe, il va avoir son hypothèque comme tous les autres. Le débiteur va savoir que tout ce qu'il a consenti, c'est une hypothèque. Comme l'hypothèque remplace toutes les autres sûretés, il est certain de ne pas être pénalisé parce qu'il ne consent pas à telle ou telle forme de clause que le prêteur veut lui imposer. C'était cela la présomption d'hypothèque. C'était le but visé. Je pense que certaines gens l'ont perdu de vue. Il ne le faut pas.

Je m'attarde ici à l'article 281 du projet de l'ORCC, au deuxième paragraphe qui disait: "Toute stipulation à l'effet de conserver ou de conférer un droit sur un bien pour assurer le paiement d'une obligation est une stipulation d'hypothèque." Donc, même si le mot "hypothèque" n'est pas utilisé, même si celui qui rédige un contrat d'hypothèque sous seing privé pour réduire les coûts que lui apporte l'intervention du notaire ou de l'avocat, à partir du moment où il dit: Je laisse mon bien, je cède mon bien en garantie d'une dette que j'ai envers M. X ou la corporation Y, il vient de lui consentir une hypothèque entière, mais c'est tout, cela finit là. C'était cela la beauté du rapport de l'Office de révision du Code civil sur la présomption d'hypothèque. Je vous prie bien humblement d'essayer de ta restaurer dans l'avant-projet.

Maintenant, je passe au deuxième commentaire qui est au sujet des créances prioritaires de l'État, de la municipalité et de tout le monde qui ont des créances prioritaires, ceux qui auraient des créances prioritaires si l'avant-projet est adopté dans sa forme actuelle. Nous avons déjà dit dans notre mémoire ce que nous en pensions. Le Barreau a fait de même ainsi que le Mouvement Desjardins. Eux les ont dénoncées avec encore plus de vigueur, je pense, que nous l'avons fait. Ils les ont même qualifiées d'exorbitantes. Ils ont qualifié d'exorbitante, en tout cas, la priorité donnée à l'État pour ses impôts. Au seul titre de créancier, l'État n'a pas à être favorisé par priorité sur les autres créanciers. Non, les droits civils sont aussi dignes de respect que ceux de l'État. (]4h 45)

Deux remarques s'imposent ici. J'ai bien dit "au seul titre de créancier". Je comprends les problèmes que l'État peut avoir à percevoir ses impôts, mais c'est peut-être parce que les lois sur l'impôt sont mal faites. C'est peut-être parce que les principes de fiscalité en vogue au Canada et dans la province de Québec ne sont pas les bons. Il faudrait regarder cela. C'est peut-être pour cela qu'ils veulent des priorités.

J'ai deux remarques à vous faire à ce sujet-là. En premier lieu, celui qui ne paie pas ses impôts et redevances à l'État commet une illégalité de nature pénale. C'est sur lui que doivent retomber les pénalités et non pas sur les autres. Mais la priorité civile accordée à l'État pour ses créances aurait pour effet de pénaliser le créancier qui a prêté de bonne foi; ce n'est pas nécessairement un banquier, cela peut être un petit prêteur. Cela peut être un notaire qui a prêté l'argent. Cette notion de créance prioritaire introduit donc dans notre

droit, à notre humble avis, une injustice sociale flagrante, celle de pénaliser indirectement la personne qui n'a pas commis de délit, le créancier.

En second lieu, si un créancier autre que l'État ou la municipalité, qui au fond est l'État parce qu'elle est déléguée, veut alors se protéger adéquatement, il ne lui reste qu'à devenir, pour ainsi dire, le policier de l'État en instaurant un système de surveillance quasi quotidienne ou au moins hebdomadaire. Inutile de vous dire que les coûts de cette démarche seront passés à l'homme d'affaires québécois, petit ou gros, et seront à son détriment, nécessairement. C'est cela que la créance prioritaire de l'État va faire des créanciers, ils vont devenir, ni plus ni moins, des surveillants de la perception des impôts.

Nous vous disons que ce n'est pas le moyen de protéger l'État pour ses impôts. Que l'État soit considéré comme un créancier à compter d'un certain moment où sa créance est liquide et exigible, qu'il aille enregistrer une hypothèque comme tout le monde ou, au moins, s'il ne veut pas procéder par hypothèque conventionnelle, qu'il procède par hypothèque légale. Il aura le rang que lui donnera l'enregistrement, mais non pas par une créance prioritaire. La même chose s'applique - nous l'avons déjà dit dans notre mémoire - aux autres créances prioritaires pour des raisons différentes.

J'arrive ensuite à la question du rang des sûretés, qui n'est pas sans importance et qui nous cause beaucoup de problèmes parce que je pense que la rédaction de l'avant-projet de loi a des failles. Le régime que veut instaurer l'avant-projet de loi, c'est-à-dire ce régime de créances prioritaires, hypothèques légales, hypothèques ouvertes sans aucun effet, de dispense de publicité pour les créances prioritaires, en somme tout ce régime fait naître, quant au rang des sûretés entre elles, une incertitude bien pire que celle qui existait déjà. Pour s'en convaincre, on n'a qu'à lire, dans l'ordre, les articles proposés: 3306, 2889, 2806, 2807, 2811 et 2812. L'utilisation de l'expression "prioritaire" fait nécessairement allusion au rang d'une créance par rapport à une autre. Comment peut-on dire, aux articles 2811 et 2812, que les créances prioritaires sont opposables aux tiers sans avoir à être publiées et prennent rang suivant leur ordre respectif avant les hypothèques, contradiction flagrante et inexplicable? Et que dire des articles 2888 et 2889 en regard des articles 2806 et 2807? Comment peut-on donner à l'État pour ces mêmes créances, c'est-à-dire les taxes et les impôts - c'est la même expression qui a été employée dans les quatre articles - une hypothèque légale qui n'est acquise qu'à compter du dépôt pour enregistrement d'un avis que l'État entend faire valoir sa créance et en même temps lui donner une créance prioritaire? À première vue, c'est à ne rien comprendre. D'un droit simple, clair et logique que proposait l'ORCC dans cette matière en particulier, les rédacteurs ont produit des textes contradictoires et parfois incompréhensibles par souci de réintroduire dans notre droit la notion obsolète de privilège, car c'est bien la notion de privilège qu'on a voulu retenir en la masquant, je le dis bien, d'un vocable différent.

Des créances prioritaires c'est encore des privilèges. On est encore pris avec cela. Or, la forme non notariée, des hypothèques même immobilières, autrement dit la dispense de la forme notariée avait ceci d'avantageux. À mon avis, c'était un avantage énorme. Ceux qui, au moment de la présentation du rapport préliminaire du Comité des sûretés du Code civil, avaient soulevé des objections surtout au nom des petits fournisseurs de matériaux et des petits sous-traitants, ceux qui avaient soulevé ces objections aujourd'hui - et je vois Me Salomon qui est membre de la sous-commission du Barreau du Québec qui a comparu devant vous hier et qui, lui, a endossé le rapport avec les autres et qui, lui, reconnaît que la forme notariée ne devrait pas être retenue comme une obligation sous peine de nullité absolue comme elle l'est actuellement dans l'avant-projet - ces gens nous disaient que pour protéger notre privilège on peut y aller au moment où on veut, on n'a qu'à donner un avis de privilèqe au moment où l'on veut, sauf après 30 jours de la fin des travaux, faire enregistrer notre privilège en forme non notariée et faire valoir notre réclamation contre le propriétaire, contre l'entrepreneur général, etc., selon le rang et donc la nature de notre créance. Mais ils sont aujourd'hui, ces gens, en grande partie en tout cas, convaincus que l'hypothèque sous seing privé serait la solution à leur problème. Il serait facile, en vertu de la loi sur l'enregistrement et par des règlements en vertu de cette loi, d'imposer une formule d'hypothèque sous seing privé, et même une hypothèque immobilière. Il serait facile, surtout ou au moins justement pour ces qens, les petits entrepreneurs, les petits sous-traitants au nombre de 25 et même parfois de 50 sur un projet de construction, d'aller, même au début des travaux, même avant d'avoir livré les biens, aussitôt qu'ils ont leur contrat dans leur poche, remplir une formule d'hypothèque sous seing privé et d'aller l'enregistrer. C'est cela qui était visé et c'est cela qui devrait être encore visé comme étant l'idéal. C'est de faciliter l'accès à l'enregistrement, non pas te compliquer.

Sur cela, les articles 3335 et 3336 -

nous en parlons aux pages 89 et 90 de notre mémoire - ont pour effet de rendre l'enregistrement moins accessible, plus lent et plus coûteux. Je m'explique. L'article 3335 de l'avant-projet de loi nous dît: "Le notaire qui reçoit un acte concernant un droit susceptible d'être publié est tenu de certifier qu'il a vérifié l'identité ta qualité et la capacité des parties..." Jusque-là, si c'est le notaire qui le reçoit, ce n'est pas un fardeau additionnel énorme, malgré que je me demande vraiment comment il va vérifier l'identité mieux qu'il le fait actuellement. Et puis "l'adéquation entre l'acte et la volonté des parties", j'ai bien hâte de voir ce que cela va manger en hiver, Je vous assure que si c'est rédigé en termes savants de notaires, et les notaires sont savants, il n'y a aucun doute que le petit justiciable n'est pas plus en mesure de comprendre ce que le notaire a rédigé que ce qu'il rédigerait lui-même, s'il le faisait, sous seing privé.

L'article 3336 nous dit: "L'acte sous seing privé présenté à l'enregistrement doit indiquer la date et le lieu où il est fait et être accompagné d'une déclaration signée par un notaire ou un avocat, certifiant qu'il a vérifié l'identité..." Et là on reprend le même texte que celui de l'article 3335. Que font ces deux dispositions? Elles obligent celui qui veut signer un acte à en ralentir le processus parce que vérifier l'identité... Je ne sais pas si le notaire demande le certificat de naissance, s'il demande la carte de crédit pour vérifier l'identité. Quelqu'un se présente chez un notaire, il s'identifie, il a un "chum" avec lui, un membre de la famille ou qui que ce soit... Le notaire vérifie l'identité peut-être par des documents comme le certificat de naissance, j'espère qu'il le fait, mais, encore là, va-t-il demander une carte d'identité avec une photographie? Comment va-t-il savoir que l'individu qui se présente devant lui est plus certainement l'individu que celui qui se présentait devant lui avant l'adoption de telle disposition? Tout ce que cela va faire, cela va un peu ralentir le processus. En plus de cela, cela rend l'enregistrement moins accessible et plus coûteux parce que, même sous seing privé, il est obligé d'avoir la déclaration d'un notaire, la déclaration d'un avocat. Qu'est-ce que c'est ça? On voulait simplifier le droit, on voulait codifier pour rendre le droit plus accessible, plus lisible par le commun des mortels et on est en train de le rendre moins accessible et d'en rendre l'application moins accessible. T'est pour cela que l'Association des banquiers canadiens s'oppose à des dispositions de ce genre.

D'ailleurs, la forme authentique, qu'on lui donne la force exécutoire en plus de la force probante, je ne suis pas sûr que ce soit là quelque chose de bon ou de mauvais. J'en ai entendu parler pour la première fois de façon élaborée ce matin, en écoutant monsieur venu de France qui s'exprimait d'ailleurs avec une clarté remarquable. Cela peut être une bonne idée, mais je ne veux pas prendre position et sûrement que je n'ai pas mandat de l'Association des banquiers de prendre position là-dessus. Mais, si le notaire est aussi savant et aussi bon qu'il nous le dit, et je crois qu'il l'est, je ne veux pas me moquer de lui, mais alors qu'est-ce qu'il a besoin d'une disposition de la loi pour forcer les gens à aller le voir pour faire signer un acte authentique? Cela n'a jamais été nécessaire dans le cas d'un acte de vente au comptant. Si quelqu'un veut faire un acte de vente au comptant, il y a des dispositions quant au format, à ta clavigraphie, à la qualité du papier; tout cela est en vertu de la Loi sur les bureaux d'enregistrement, cela existe déjà. L'acte de vente, qui est un acte bien plus grave que celui de l'hypothèque, n'a pas à être notarié, il n'a jamais eu à être notarié. Est-ce que cela a présenté plus de problème de défaut de titre ou de vices de titre que les actes authentiques faits par les notaires? Mais non! La réalité, c'est non! Par conséquent, pourquoi exiger? Si le notaire, par la qualité de son travail, s'impose, il est évident que le créancier va vouloir la forme authentique et il n'y a aucun doute que l'arqument de force probante est bon. À partir du moment où l'on dit que l'acte notarié est un acte authentique, tout est dit qui avait à être dit par le législateur, rien de plus n'est nécessaire. Une obligation, et surtout une obligation sous peine de nullité absolue de l'hypothèque... Parce que l'hypothèque n'est pas notariée entre les parties, on va la rendre nulle! Vis-à-vis des tiers, on pourrait encore comprendre l'argument un peu, mais, entre les parties, elle est nulle, de nullité absolue, parce qu'elles ne sont pas allées devant un notaire pour la signer! Cela me répugne, cela répugne aux qens qui m'accompagnent ici, à l'Association des banquiers canadiens. (15 heures)

Enfin, quelques remarques additionnelles s'imposent peut-être. Ici, je vais devenir un peu plus précis, mais je vais essayer d'être absolument bref. La première a trait à l'hypothèque Iégale des entrepreneurs, fournisseurs de matériaux, sous-traîtants et architectes. D'abord, aux architectes, aux inqénieurs, une hypothèque légale. Ce sont des professions. Pourquoi? Parcp que le travail qu'ils font a trait aux immeubles? Le notaire devrait avoir, lui aussi, une hypothèque légale pour ses honoraires? L'avocat qui a rédiqé le contrat de vente sous seing privé va avoir une hypothèque légale pour ses honoraires? C'est de multiplier ces préférences que l'Office de révision du Code civil voulait justement éliminer. On voulait faire le nettoyage de

tout ça. Si ce sont des gens qui travaillent à crédit, ils prennent exactement le même risque que le prêteur qui prête son propre argent. Il n'y a rien de différent. Ils décident de ne pas se faire payer rubis sur l'ongle lorsqu'ils font le travail? Qu'ils ne le fassent pas, c'est tout. Le prêteur qui n'est pas capable d'enregistrer son hypothèque parce que le débiteur ne veut pas signer son document, il ne prête pas. Alors, que l'architecte, que l'ingénieur fasse comme n'importe qui qui veut garantir une dette qu'on lui doit, qu'il aille enregistrer une hypothèque, lui aussi. Pourquoi? Parce qu'il est col blanc et porte une cravate, il devrait avoir une espèce de préférence pour ses honoraires juste parce que l'architecte travaille à faire des plans de construction? Il ne fait même pas les plans du terrain. C'est un autre. C'est l'arpenteur-géomètre qui fait ça. Il fait les plans d'architecture d'un édifice. Ces plans-là changent. Les autres ne sont même pas en mesure de savoir ce que ça va coûter; les autres créanciers qui peuvent vouloir des sûretés sur les immeubles et qui prêtent ne savent pas si l'architecte va charger 50 000 $ ou 500 000 $ pour ses services. Alors, pourquoi ces gens-là seraient à l'abri de l'obligation d'aller enregistrer une hypothèque comme n'importe qui?

Une deuxième remarque. Celle-ci a trait à l'article 2858 de l'avant-projet. On dit à 2858: "...n'est valide qu'en autant que l'acte constitutif contient spécialement la désignation du bien hypothéqué." En fait, c'est 2859. Je m'excuse, c'est une erreur. "L'hypothèque qui porte sur une universalité d'immeubles n'a d'effet, à l'égard de chacun des immeubles grevés, que si elle est enregistrée contre chacun d'eux." C'est une petite déficience de rédaction que nous avons oublié de souligner dans notre mémoire. Je crois que ça devrait se lire: Sous réserve - il faut bien dire sous réserve - des dispositions régissant l'hypothèque ouverte, l'hypothèque mobilière n'a d'effet qu'à l'égard de chaque immeuble contre lequel elle est enregistrée. Mais ce n'est pas ça que le projet dit.

Je crains que les tribunaux ne l'interprètent pour vouloir dire que, pour que l'hypothèque qui porte sur une universalité d'immeubles vaille sur chacun des immeubles grevés, elle doit être enregistrée sur chacun, donc, sur tous. Je suis sûr que ce n'est pas ça qu'on a voulu dire. Mais je pense que le texte porte à confusion et devrait être corrigé.

Un dernier commentaire. Celui-ci a trait aux articles 3414 et 4486, qui sont relatifs au dossier immobilier et à son actualisation, c'est-à-dire à sa mise à jour. Je pense que, déjà. l'Association des registrateurs est venue pour faire des représentations hier au sujet des imprécisions et difficultés de ces dispositions que nous propose l'avant-projet de loi. Je dois vous avouer qu'elles nous surprennent à l'association. Elles nous inquiètent un peu pour les mêmes raisons que celles exprimées par les registrateurs. L'instauration du dossier immobilier, de l'affiche, du processus de l'actualisation du dossier par un notaire nous semble une tentative tardive de mettre sur pied un système modifié mais quand même un peu similaire au système Torrens dont même la province de l'Ontario ne veut plus, parce que cela leur a causé trop de problèmes.

Je comprends qu'il y a une amélioration dans ce que propose l'avant-projet de loi. Je ne veux pas faire un plat au sujet de ces dispositions mais elles n'auront d'abord leur pleine valeur que, si je les comprends bien, lorsque la rénovation du cadastre qui vient juste d'être amorcée aura été complétée. Si tout cela peut être informatisé, et je dis si parce qu'il m'est arrivé au cours de ma pratique, et surtout dans les années récentes, d'avoir affaire à des problèmes juridiques reliés à l'informatisation, si tout cela peut être convenablement informatisé, peut-être aurons-nous un système valable. Peut-être. Mais, en tout cas, il y a une réserve que nous aimerions exprimer. C'est que la responsabilité accrue des notaires pour l'actualisation du dossier immobilier pourrait représenter pour eux, éventuellement, un risque énorme de réclamations auxquelles ils ne pourront répondre à moins d'avoir un fonds d'indemnisation beaucoup plus substantiel ou des assurances dont le coût est en train de devenir exorbitant, tout le monde le sait. D'ailleurs, les notaires ne sont plus assurés. Ils ont leur fonds d'indemnisation. Mais le rapport d'actualisation, au fond, n'est autre chose qu'un rapport sur les titres qui va être fait une fois pour toutes et mis à jour ensuite, d'une transaction à l'autre. Cela me semble un fardeau énorme qui, s'il n'est pas soutenu financièrement par l'État, risque d'être beaucoup trop pour qui que ce soit, d'autant plus que l'avant-projet de loi ne nous semble pas s'arrêter aux responsabilités, c'est-à-dire aux recours contre les personnes responsables d'une erreur soit dans l'actualisation ou même dans le rapport initial destiné au report des droits.

Le justiciable qui a des droits dans un immeuble et qui ne sont pas soulevés par le rapport des notaires va avoir un recours contre qui? Contre l'État, parce que, éventuellement, le registrateur est appelé à trancher la question? Contre le notaire qui a fait le rapport? Là, ce n'est plus simplement une question d'opinion juridique. II fait un rapport. À mon humble avis, il se lie. Par conséquent, si dans l'ensemble de la province il y a, du jour au lendemain, 20 ou 50 ou 200 rapports, parce qu'il y en a des milliers à faire pour tous les lots au Québec, des centaines de milliers, mais s'il y en a seule-

ment 100 qui sont erronés, voyez-vous d'ici les réclamations contre le fonds d'indemnisation de la Chambre des notaires? Qu'est-ce que le gouvernement va faire?

D'ailleurs, ce problème s'était présenté d'une autre façon lorsque le comité - c'est ma dernière remarque, M. le Président - de révision du Code de procédure civile siégeait en 1966. M. le juge Pratte le présidait, je pense. Il était question de la requête en ratification de titre. Moi et d'autres, nous avions suggéré que la ratification de titre puisse être faite simplement sur avis dans les journaux et sans signification et, une fois le jugement rendu, cela équivaudrait à titre contre tous. Tous les codificateurs de la révision du Code de procédure civile m'avaient répondu la même chose. J'avais dit: Oui, mais les tiers auront des droits, auront des réclamations. Alors, que l'État s'en charge et qu'il établisse une espèce de "sinking fund" pour prévoir ces réclamations-là et les transformer en réclamations en dommages. Cette suggestion n'avait pas été retenue, mais les gens qui siégeaient à l'époque avaient bien reconnu que cela représentait un gros problème de responsabilité cette ratification des titres. C'est ce que cela fait. Le système Torrens c'était cela, c'est l'État qui ratifiait les titres. Aujourd'hui, avec un système Torrens, l'Ontario se retrouve avec trois systèmes d'enregistrement. Il y avait le vieux système d'enregistrement que nous avons encore, ou à peu près, avec une facette additionnelle, celle d'une prescription absolue de 40 ans. On a instauré le système Torrens et essayé de l'étendre à toute la province, sans réussir, c'était trop coûteux. Cela créait des problèmes énormes et, là, on a instauré un troisième système qui est celui de la subdivision exigée avant toute transaction et qui s'applique au moins dans les cas de subdivisions pour fins résidentielles.

Le problème n'est pas facile, nous le concédons, mais j'ai voulu soulever ces quelques réserves au sujet de ces dispositions particulières de l'avant-projet. Je vous remercie beaucoup d'avoir été patients avec moi.

Le Président (M. Marcil): Merci, Me Gauthier, pour votre brillant exposé. On va passer immédiatement à la période d'échanges. Donc, je vais reconnaître M. le député de Marquette, adjoint parlementaire au ministre de la Justice.

M. Dauphin: Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais tout d'abord remercier les représentants de l'Association des banquiers canadiens pour leur présence à cette sous-commission aujourd'hui sur l'étude de l'avant-projet de loi et les féliciter pour la préparation et la présentation de leur mémoire. Tout d'abord, commencer peut-être par une remarque. Vous nous dites dans votre mémoire au tout début qup le comité aurait dû retenir plusieurs recommandations de l'Office de révision du Code civil et vous nous avez parlé un peu plus tard de l'exigence de l'hypothèque immobilière, l'exigence que ce soit consenti par acte notarié. Également, en ce qui concerne la certification des professionnels à 3435 et 3436, mais ces dispositions étaient effectivement recommandées par l'Office de révision du Code civil...

M. Gauthier (Wilbrod): Avec l'exception, si je me souviens bien, quant aux fournisseurs de matériaux, sous-traitants, entrepreneurs. Il y avait des exceptions.

M. Dauphin: Sauf que ce que vous nous avez dit, c'était recommandé, on l'a pris comme tel.

M. Gauthier (Wilbrod): Oui, c'était recommandé pour l'hypothèque immobilière, mais avec des exceptions, parce que l'on trouvait que cette forme notariée était trop exigeante pour ces classes de créanciers et surtout trop lourdes comme processus.

M. Dauphin: Quant à l'exigence c'est strictement pour l'immobilier dans l'avant-projet de loi aussi.

M. Gauthier (Wilbrod): Oui.

M. Dauphin: D'accord. On a préparé plusieurs questions, mais je vais me limiter aux plus importantes. Vous nous suggérez, évidemment, fortement la présomption d'hypothèque. D'autres organismes avant vous l'ont également proposée, notamment le Barreau du Québec, et j'aimerais vous entendre davantage là-dessus en ce qui concerne la présomption et la preuve. Faudra-t-il déterminer qu'une stipulation a pour but de garantir l'exécution d'une obligation ou pas? C'est sûr que cela facilite ou simplifie le réseau en n'ayant qu'une forme de sûreté, mais, comme un peu la Chambre des notaires nous l'a dit ce matin, est-ce que cela protège réellement le consommateur que, par l'exercice de la présomption, il y aurait une hypothèque sur ses biens? (15 h 15)

M. Gauthier (Wilbrod): Cela le protèqe beaucoup mieux, en tout cas, que le régime actuel où l'emprunteur n'a que faire des clauses interminables qui sont introduites dans les contrats de prêt hypothécaire. Il sait... Tout ce qu'il a à faire, c'est de lire quelques articles de son Code civil pour savoir à quoi s'en tenir si on accepte la présomption d'hypothèque. Ce n'est pas malin.

M. Dauphin: C'est la liberté des conventions. Évidemment, si vous vous stationnez...

M. Gauthier (Wilbrod): Ah bien oui!

M. Dauphin: ...avec le réseau de ta présomption d'hypothèque...

M. Gauthier (Wilbrod): La liberté des conventions, j'en suis, soit. D'abord, je vous dirai: Donc, donnez la liberté à l'hypothèque sous seing privé, que les gens choisissent les moyens de preuve qu'ils veulent. S'ils ne veulent pas le moyen de preuve qu'est le contrat authentique du notaire, tant pis pour eux si on parle de liberté. Mais c'est que les différentes clauses contractuelles et les différentes formes de contrat qui sont nées au cours des 25 ou 30 dernières années parce que le nantissement agricole n'existait pas, le nantissement commercial non plus, la cession de biens en stock non plus... Cela n'existait pas. Elles ont été introduites, non pas pour faciliter la liberté, mais parce qu'il manquait quelque chose au Code civil. Mais là on vous dit: On n'a plus besoin de compliquer ni le contrat ni le Code civil. Adoptez l'hypothèque comme la seule forme de sûreté et le tour est joué. On n'a plus besoin... Je comprends le sens de votre question. C'est que là les gens ne peuvent avoir recours qu'à l'hypothèque, mais ils ne peuvent avoir recours qu'au bureau d'enregistrement comme moyen de publicité. Ils n'ont pas la liberté de faire de la publicité autrement pour que leurs droits valent contre les tiers. Il y a aussi une question de liberté; il y en a toujours une. Je la respecte, mais je pense que la solution avait trop d'avantages pour qu'on la rejette au chapitre de la liberté.

M. Dauphin: Si vous me le permettez, M. le Président, hier soir, nous avons, et nous en entendrons d'autres ce soir, rencontré plusieurs associations qui, effectivement, nous ont recommandé plus que fortement de maintenir le privilège en matière de construction. Comme représentant de l'Association des banquiers canadiens... Évidemment, vous dites au début que les privilèges devraient disparaftre. Je sais que vous avez régulièrement, de par la nature de vos affaires, à transiger avec le domaine de la construction ou avec des...

M. Gauthier (Wilbrod): Beaucoup.

M. Dauphin: ...propriétaires qui construisent. L'Office de révision du Code civil proposait un certain mécanisme en matière d'hypothèque légale ou de privilège dans la construction. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Vous nous en avez parlé un peu tantôt.

M. Gauthier (Wilbrod): Oui. Ce que l'Office de révision du Code civil préconisait, c'est d'avoir une hypothèque plus facile à enregistrer, c'est-à-dire une hypothèque sous seing privé, pour couvrir ces gens qui peuvent à tout moment se sentir instables dans leurs positions. Ils n'ont qu'à aller enregistrer l'hypothèque après l'avoir fait signer par l'entrepreneur général ou par le propriétaire lui-même. Cela n'apparaissait pas...

M. Dauphin: Tout ce qui était prêt...

M. Gauthier (Wïlbrod): ...dans des textes précis, mais c'était compris dans les commentaires et recommandations. Je pense que - quelque part dans le rapport de l'Office de révision du Code civil, d'ailleurs, il y a quelques lignes de suggestions à ce sujet - certains des aspects de l'enregistrement et de la forme des documents auraient beaucoup plus leur place dans des lois administratives que dans le Code civil à proprement parler. Je pense que ce problème pourrait être facilement résolu par une bonne formule d'hypothèque spéciale pour un fournisseur de matériaux, constructeur, etc.

M. Dauphin: En pratique, on sait pertinemment que, par exemple, concernant la clause de dation en paiement, cette industrie se plaint souvent que le privilèqe est illusoire, que le privilège ne vaut pas grand-chose, c'est balayé.

M. Gauthier (Wilbrod): C'est ce qu'on vous a dit, et c'est ce qu'on se plaît à répéter. Je ne suis pas d'accord. Dans ma pratique du droit, j'ai représenté aussi des entrepreneurs et des fournisseurs de matériaux, j'en représente encore. Ce n'est pas le cas. D'abord, j'ai payé pour l'apprendre parce que j'ai amené un de mes clients jusqu'en Cour suprême et j'ai perdu. Le privilège du fournisseur de matériaux, du sous-traitant et de l'entrepreneur naît à compter de la date de son contrat. Le contrat est pour tant, il a son privilège pour tant, sous condition résolutoire s'il ne remplit pas son contrat, mais son privièqe est né. Le prêteur, lui, prête toujours après que le propriétaire et l'entrepreneur se sont entendus sur un contrat d'entreprise et, ta plupart du temps aussi, après que la plupart des fournisseurs de matériaux qui, eux-mêmes, se sont liés parce que l'entrepreneur leur a demandé de soumissionner pour la fourniture des matériaux principaux, en tout cas, des sous-traitances principales... Tous ces gens ont déjà des contrats d'une nature ou d'une autre avant que le prêteur fasse signer son hypothèque.

D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que le créancier a été obligé d'inventer toutes sortes de moyens de se prévaloir de sa

dation en paiement pour passer avant le fournisseur de matériaux, par exemple, ou le sous-traitant, essayant d'obtenir des renonciations au privilège. Pourquoi? Parce que, depuis le jugement de la Cour suprême dans la cause de Bélisle et la cause de Lumberland, le privilège passait premier. Donc, l'entrepreneur avait son contrat, il faisait tout à crédit ou il décidait des termes de crédit qu'il accordait au propriétaire, donc il lui prêtait de l'argent, ni plus ni moins; il ne sortait pas un cent de ses poches pour lui prêter, mais, au fur et à mesure que la dette augmente, il prête lorsqu'il tolère. Il tolérait même des arrérages dans le terme de la dette. Les propriétaires, les entrepreneurs paient leurs sous-traitants, leurs fournisseurs de matériaux en retard, souvent ils font faillite, les détenteurs de privilège étaient obligés de prendre des actions.

Tout cela pour dire que c'est l'inverse de ce qu'on vous dit. Le rang privilégié qu'on donnait aux fournisseurs de matériaux compliquait la vie de tout le monde, y compris la leur, alors que, s'ils étaient avertis que le Code civil leur donne une hypothèque aussitôt qu'ils signent leur contrat, ils pourraient faire signer à l'entrepreneur général ou au propriétaire -là, je comprends qu'il faudrait discuter exactement des modalités - un document qu'ils pourraient, sans être obligés de passer par un avocat, par un notaire, par une formule très simple, aller enregistrer au bureau d'enregistrement s'ils le veulent parce qu'ils ont décidé d'accorder un crédit.

À ce moment-là, le prêteur saura exactement à quoi s'en tenir, il verra les créances des sous-traitants, des fournisseurs de matériaux et de l'entrepreneur général contre l'immeuble et, à ce moment-là, tout sera à découvert, tout sera "above board", si vous me permettez l'expression anglaise. Tout le monde saura à quoi s'en tenir par rapport aux autres, et le fournisseur, et le prêteur.

M. Dauphin: Un autre sujet, M. le Président, si vous me le permettez. Concernant l'hypothèque mobilière, vous proposez dans votre mémoire qu'il soit permis à une personne physique de pouvoir hypothéquer ses biens meubles, tous ses biens, non seulement le bien qu'il acquiert.

M. Gauthier (Wilbrod): Oui.

M. Dauphin: On a reçu d'autres groupes... Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de lire le mémoire de la Commission des services juridiques...

M. Gauthier (Wilbrod): Non, celui-là, je ne l'ai pas lu.

M. Dauphin: ...qui traitait abondamment de l'hypothèque mobilière, disant que ce n'était pas viable, dans un premier temps, que cela pouvait causer un surendettement des consommateurs, des citoyens. J'aimerais vous entendre là-dessus, vous, comme représentant de l'Association des banquiers canadiens.

M. Gauthier (Wilbrod): II y a évidemment là-dedans des éléments politiques que je suis mal placé pour juger. Il y a des éléments sociaux qui entrent en ligne de compte. Ce que l'association se dit, et nous ne voulons pas insister outre mesure là-dessus, c'est que, dans le monde nord-américain en tout cas, c'est ce qui se fait. II faudrait qu'on ait des dispositions très claires quant à l'insaisissabilité de certains biens. Pourquoi celui qui a une collection de tableaux, de bijoux précieux ou de sculptures ne pourrait pas se servir de cette richesse particulière pour aller emprunter? J'ai entendu toutes sortes de raisons. Je sais que cela pourrait encourager l'homme de revenu moyen, minime ou même en dessous du seuil de la pauvreté à aller hypothéquer son lit mais son lit est insaisissable. On peut d'ailleurs le protéger par une liste d'insaisissabilité plus grande que celle qu'on a ou, alors, par une disposition de droit purement administratif en dehors du Code civil, dire qu'il ne peut pas hypothéquer ses biens personnels s'il n'a pas au moins des biens personnels dépassant tel montant. Il y a toutes sortes de façons d'aborder le problème. Je ne sais pas laquelle est la bonne. Nous avons fait cette mention dans notre mémoire parce que nous croyons que cela devrait se faire comme cela se fait dans certaines autres provinces et dans les États américains mais je vois l'objection, je la respecte, je ne suis pas d'accord mais elle a du pour et du contre.

M. Dauphin: Comme vous l'avez dit, sur le plan politique il faudra que le gouvernement fasse son lit.

M. Gauthier (Wilbrod): Oui. Il ne faut jamais perdre de vue qu'en le protégeant parfois vous lui enlevez la possibilité et la liberté, monsieur, de se servir de ses biens pour emprunter temporairement pour une bien bonne cause. Ce n'est pas facile. Je ne voudrais pas être à votre place.

M. Dauphin: Je reviendrai tantôt.

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait vraiment plaisir de vous saluer, Me Gauthier, et les personnes qui vous accompagnent. Votre mémoire est certaine-

ment une pièce maîtresse dans l'échafaudage de nos travaux actuels. Je pense que tout le monde en convient autour de cette table. En vous écoutant, je me disais: Quelle habileté dans la présentation. Vraiment quelle habileté. Toute la démonstration que vous avez faite est élégante, en fait.

M. Gauthier (Wilbrod): Merci.

Mme Harel: J'ai plusieurs questions, par exemple.

M. Gauthier (Wilbrod): Allez-y!

Mme Harel: J'ai trouvé à un moment donné que c'était vraiment d'une habileté consommée de nous parler de l'ingénieur et de l'architecte et d'omettre de nous parler, en fait, de tout le secteur du bâtiment, parce qu'on ne peut quand même pas oublier l'éléphant au profit de la souris, d'une certaine façon. Évidemment, dans l'échange avec mon collègue de Marquette, vous êtes revenu sur cette question du rang des sûretés. Vous avez dit, à un moment donné: C'est l'incertitude quant au rang qui pose le plus de problèmes. Je me suis dit: Est-ce que, dans le fond, le pire problème est l'incertitude ou, finalement, le rang? Pour la bonne raison que l'impression que j'en ai c'est que présentement avec l'avant-projet de loi, d'une certaine façon, tout le monde ou presque va être sur la même ligne de départ mais certains pourront marcher avec des bottes de sept lieux et d'autres devront le faire à pas lents. Ce que vous disiez m'a beaucoup surprise parce qu'on nous a dit vraiment exactement le contraire, à savoir que c'est le prêteur, le bailleur de fonds qui, dans la réalité, passe toujours devant. Dans la réalité de la vie d'aujourd'hui, pas seulement d'aujourd'hui mais dans la réalité de ce qu'on pourrait appeler le vécu de ceux qui se succèdent là où vous êtes maintenant, cela a été quasi unanime de nous dire c'est le bailleur de fonds qui passe avant. (15 h 30)

Dans la situation présente, l'impression qu'on peut peut-être avoir quand on regarde cela comme moi, comme une observatrice de loin - je l'ai dit dès l'entrée de jeu de cette commission, je suis modeste dans ma façon d'aborder nos travaux. Je conçois qu'on doive l'être quand on est un parlementaire parce qu'on a le devoir d'arbitrer, ce qui est quand même une très lourde responsabilité. Mais, dans les circonstances actuelles, il y a une sorte de course folle soit pour avoir un jugement de dation en paiement pour laver les privilèges ou encore pour avoir une vente en justice pour que les privilèges passent en premier. N'est-ce pas la réalité de la vie de maintenant?

Avec l'avant-projet de loi, aux dires de tous ceux qui sont venus ici, et on continuera sans doute ce soir à entendre le même point de vue, c'est maintenant vous qui allez passer en premier. Il n'y aura plus d'incertitude, semble-t-il. Qu'en pensez-vous?

M. Gauthier (Wilbrod): Je ne suis pas d'accord. D'abord, je vais vous faire un aveu. C'est par habileté que j'ai parlé de l'architecte et de l'ingénieur.

Mme Harel: J'en suis certaine.

M. Gauthier (Wilbrod) Je l'ai fait intentionnellement, mais pour bien signaler qu'on a des choux et des raves, n'est-ce pas, et que ce n'est pas si simple que cela de dire un tel devrait avoir une créance plus prioritaire que tel autre. C'est pour cela qu'avec l'hypothèque simplifiée et l'hypothèque mobilière tout le monde à titre d'emprunteur et tout le monde à titre de prêteur pouvait se dire au moins nous sommes tous sur le même pied. C'est le premier qui va enregistrer. Je vous répète ce que j'ai dit. C'est qu'à mon avis il n'est pas exact de dire que les prêteurs exercent la dation en paiement pour passer avant les privilèges. Si les privilèges sont ceux des sous-traitants et des fournisseurs qui ont signé... Et je vous répète qu'un qrand nombre, sinon la plupart, ont siqné, ont contracté avec l'entrepreneur et avec le propriétaire avant que le propriétaire fasse une entente définitive quant à son emprunt; le privilège passait avant l'hypothèque et le créancier hypothécaire était obligé de payer les privilégiés avant. Il le serait encore même sans ta priorité, sans la créance prioritaire, même sans l'hypothèque légale mais surtout même sans la créance prioritaire - tenons-nous-en à cela. II serait obligé de le faire si le fournisseur de matériaux ou le sous-traitant peut facilement aller, au moment où il sous-traite avec le sous-entrepreneur, enregistrer une forme simple d'hypothèque contre la propriété. Il arrive avant le prêteur. D'ailleurs, je vous répète que dans mon esprit le type qui vend à crédit est un prêteur. Cela n'est rien de plus. Je ne sais pas si cela répond entièrement à votre question.

Mme Harel: Ici, vous savez, cela a été dit. Alors, vous le dites. Donc, je prends acte que vous le dites.

M. Gauthier (Wilbrod): On se comprend.

Mme Harel: M. le Président... Très bien.

M. Mélançon (Claude): Claude Mélançon. Vous dites des choses mais je me demande si on dit toute la réalité. Ce que vous dites n'est pas faux mais je pense qu'il y a des choses qui sont incomplètes. C'est vrai que, pour les

entrepreneurs généraux, leurs créances privilégiées, ceux qui ont contracté avec le propriétaire, naissent lors de !a signature du contrat. Mais il faut se rappeler que tous les petits entrepreneurs, les fournisseurs qui ne contractent pas directement avec te propriétaire, c'est lors de la dénonciation, et cela est quand même très important. Deuxièmement, c'est que la dation en paiement, lors de la course dont madame a parlé, effectivement les inscriptions subséquentes sont lavées, c'est-à-dire les privilèges subséquents, tels qu'enregistrés lors, par exemple, de l'exercice du droit du privilège lorsqu'on intente la poursuite ou lorsqu'on enregistre l'avis de privilège. Il n'en demeure pas moins qu'il y a une inscription et par la dation en paiement, en fait, les banques lavent systématiquement.

Troisièmement, il faut se rappeler qu'en pratique aussi les banques demandent la cession de priorité. Elles exigent la cession de priorité et demandent très souvent - et cela leur est de moins en moins accordé parce que quand même aujourd'hui les entrepreneurs ont commencé à refuser, pas systématiquement, mais dans certains cas ils ont la capacité de refuser, du moins les gros entrepreneurs - elles demandent aussi, et cela leur est très souvent accordé, la renonciation au privilège, c'est-à-dire la renonciation au droit privilégié qu'ils auraient, ce que beaucoup signent.

Je comprends les principes que vous énoncez, mais dans la vraie vie, dans la réalité, ce n'est pas tout à fait comme ça que ça se passe. C'est pourquoi, d'ailleurs, les banquiers, très souvent, et vous le savez très bien, très souvent ont systématiquement priorité sur les entrepreneurs au Québec.

M. Gauthier (Wilbrod): Pas seulement les banquiers, les caisses populaires aussi.

M. Mélançon: Oui, oui. Je veux dire les banquiers...

M. Gauthier (Wilbrod): Même le petit prêteur du coin aussi. Il va procéder de la même façon.

M. Mélançon: C'est parce que vous représentez les banquiers, donc je dis les "banquiers".

M. Gauthier (Wilbrod): Oui, mais encore là je suis obligé d'être en désaccord avec certaines des affirmations que vous faites. N'oubliez pas que si les fournisseurs de matériaux refusaient de signer des priorités -j'en ai comme clients, moi, et je ne les laisse jamais signer une priorité. Je dis cela à la face des banquiers. À ce moment, le banquier dit à l'entrepreneur: Très bien, tu m'apporteras les factures de ton sous-traitant et je vais les payer directement pour m'assurer qu'il n'y en aura oas de privilège. Le tour est joué. Mais on est en matière de codification du droit. Les faits que vous mentionnez, même s'ils étaient entièrement exacts - et là-dessus on est en désaccord, mais je respecte votre point de vue, monsieur, c'est la loi du monde du crédit de nos jours. Tout ce que nous vous demandons, c'est de dire à tout le monde aujourd'hui que celui qui fait du crédit, qu'il soit banquier, fournisseur de matériaux n'importe quoi, il a les mêmes moyens à sa disposition, Doint. Cela simplifie le droit. Tout le monde le sait. On part de là.

Mme Harel: Oui, M. le Président, et l'ouvrier ses crédits.

M. Gauthier (Wïlbrod): Cela est le problème le plus aigü de tous en théorie. Il n'y a aucun doute que l'ouvrier, qui lui ne fait pas crédit, il va travailler à la semaine et, quand il a fini sa semaine ou ses quinze jours, il veut être payé... Là-dessus, d'ailleurs, il y a encore là, dans le rapport de l'Office de révision du Code civil, certains commentaires qui touchent ce problème, qui en est un gros en réalité, qui est un problème fondamental. Mais, au niveau de l'Office de révision du Code civil et au niveau des banquiers aussi, je n'en ai pas discuté en détail récemment avec les deux collègues qui m'accompagnent, c'est que d'abord la syndicalisation a éliminé déjà beaucoup de problèmes de ce genre. Des ouvriers qui ne sont pas payés pour leur dernière semaine de travail, ou les quinze derniers jours, il n'y en a plus beaucoup de nos jours, mais il y en a quand même encore sur de petits chantiers de construction. Il y en a encore beaucoup trop. Je suis d'accord avec vous, madame, là-dessus. II ne devrait pas y en avoir.

Mais, à ce moment, qu'on les traite par une disposition particulière. Là on tombe dans du droit social. Je n'y ai aucune objection en soi, mais qu'on dise clairement pourquoi et comment on veut le protéger de façon particulière. Déjà, cependant, il est protégé de façon particulière par les dispositions qui veulent que les administrateurs des corporations soient responsables des salaires. Évidemment, les administrateurs ne sont peut-être pas toujours solvables. Donc, si la propriété est là et qu'il a donné son travail à l'immeuble, je le comprends. Mais, lui, je le place sur un niveau tout à fait différent de tous les autres parce qu'on ne peut pas dire qu'il travaille à crédit parce qu'il faut bien qu'il travaille pour avoir quelque chose à se faire payer. Alors, je comprends le problème. Je verrais d'un bon oeil une disposition dans le Code civil qui le protégerait d'une façon différente ou dans une loi de droit administratif.

Mme Harel: Oui, M. le Président. Me Gauthier, vous avez vraiment, dès le départ, dans votre présentation du mémoire, dit des choses intéressantes qui, d'une certaine façon, blâmaient le gouvernement dans la pérennité des choses, c'est-à-dire indépendamment des changements qui sont survenus. N'est-ce pas?

M. Gauthier (Wilbrod): Oui, oui.

Mme Harel: II y en avait pour les deux...

M. Gauthier (Wilbrod): Oui.

Mme Harel: ...également. Vous avez dit, finalement, qu'on avait perdu de vue que la réforme consistait plus en une codification des droits civils fondamentaux du Québec qu'en une introduction de droit statutaire.

En général, vous avez certainement insisté sur la pertinence des recommandations de l'Office de révision du Code civil. Cela vous paraissait un édifice plus acceptable. Je ne me trompe pas de penser...

M. Gauthier (Wilbrod): Oui.

Mme Harel: ...que c'est ainsi que vous voyez les choses.

M. Gauthier (Wilbrod): Oui, c'est ainsi que je vois les choses.

Mme Harel: Dans cet édifice, l'office de révision proposait, notamment, que les sûretés et les recours soient édictés d'ordre public et qu'aucune dérogation n'y soit permise. C'était dans les propositions que faisait l'Office de révision du Code civil. Considérez-vous que l'absence de dispositions, par exemple, dans l'avant-projet... L'avant projet de loi ne contient pas de dispositions édictant que les sûretés et les recours sont d'ordre public; y voyez-vous là une omission qui vous semble devoir être réparée?

M. Gauthier (Wîlbrod): À mon avis, oui non pas comme représentant de l'Association des banquiers parce que je n'ai pas eu l'occasion d'en discuter précisément avec eux - cela devrait, encore là, dans un espoir de simplification et d'uniformisation du droit des sûretés.

Mme Harel: Je vous remercie de votre franchise. Je t'apprécie et je pense que, certainement, cela contribue à nos travaux.

J'ai quelques autres questions. M. le Président, jusqu'à quel moment avons-nous?

Le Président (M. Marcil): Il nous reste à peu près cinq minutes.

Mme Harel: Ah bon! Parce que Me

Gapiépy aurait également une question à poser. Vous avez parlé de toute la question du sommaire et vous privîlégez que l'enregistrement se fasse tout au long. Je pense que vous écartez l'enregistrement d'un sommaire.

M. Gauthier (Wilbrod): Oui.

Mme Harel: Qu'est-ce que vous pensez d'un système qui pourrait prévoir l'enregistrement d'un formulaire standard? Vous en avez parlé à deux reprises pour ce qui est des fournisseurs de matériaux, mais qu'est-ce que vous pensez d'un système qui pourrait être envisagé dans un objectif de simplification et qui pourrait prévoir l'enregistrement d'un formulaire standard qui pourrait décrire la sûreté, qui pourrait remplacer, à toutes fins utiles, l'acte au long?

M. Gauthier (Wilbrod): Cela existe déjà dans d'autres pays et dans certaines provinces du Canada. On tend vers cela. Plus la population augmente, plus il y a d'activités industrielles et commerciales qui requièrent du crédit et plus la mentalité de tous tend vers l'acquisition, la construction, l'achat, la consommation à crédit, plus il faut trouver des moyens de simplifier le droit parce qu'autrement on va se retrouver dans un échafaudage et on ne saura même pas comment monter dessus. Je ne peux pas m'opposer violemment à la formulation d'un acte. Remarquez, il va falloir faire des exceptions à une règle générale comme cela parce qu'il y a des opérations de financement d'immeuble très complexes, qui font qu'une formule simple ne s'y prête pas. Mais cela peut se regarder, ils l'ont fait dans d'autres provinces, au Nouveau-Brunswick; je pense que c'est la dernière province à l'avoir fait. Ils ont une formule d'hypothèque... C'est cela. (15 h 45)

Mme Harel: Une dernière question avant que Me Gariépy pose les siennes, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): C'est à votre choix; si vous voulez aller jusqu'à une heure du matin, c'est votre privilège.

Mme Harel: II s'agit de l'hypothèque mobilière. Vous recommandez une hypothèque mobilière sur tous les biens, non pas seulement pour le consommateur commerçant mais pour la personne physique; sur tous les biens et non pas seulement sur les biens qu'il acquiert. Je pense qu'avec les individus entrepreneurs les banques exigent une garantie standard lors du premier emprunt. Dans le cas d'une personne physique qui ne serait pas un individu entrepreneur et qui pourrait être amenée à signer une garantie

comme celle-ci, cela ne l'expose-t-elle pas à perdre toute équité pour une transaction avec d'autres créanciers?

M. Gauthier (Wilbrod): Je ne sais pas à quoi vous vous référez exactement.

Mme Harel: Sur l'universalité des biens, lors d'un premier emprunt, lorsqu'il y a un individu entrepreneur il y a habituellement une garantie standard.

M. Gauthier (Wilbrod): Oui, mais c'est l'article 178 de la Loi sur les banques.

Mme Harel: C'est cela. M. Gauthier (Wilbrod): Oui.

Mme Harel: II en serait de même pour l'individu qui contracte même si ce n'est pas un individu entrepreneur?

M. Gauthier (Wilbrod): Non, parce que là il n'a pas, lui, de biens de la nature de ceux décrits dans la Loi sur les banques susceptibles d'être engagés de cette façon. Alors, le problème ne se présenterait pas comme cela.

Mme Harel: Mais il se présenterait d'obtenir une garantie standard.

M. Gauthier (Wilbrod): Je ne pense pas. Pas sous la Loi sur les banques actuelle en tout cas.

Mme Harel: Je vous remercie.

Le Président (M. Marcil): Est-ce que cela va?

Mme Harel: Oui. Me Gariépy.

Le Président (M. Marcil): M. Gariépy.

M. Gariépy (Pierre): Je vais essayer d'être bref. Ma question va porter sur la question des hypothèques mobilières sur les créances. Les dispositions des articles 2874 et 2875 de l'avant-projet parlent de signification par avis public ou individuellent. À la page 36 de votre mémoire, vous critiquez ces dispositions. Vous voulez avoir un retour aux dispositions de 1571d du Code civil actuel. Voici la question que je me pose. Actuellement, avec l'avis public, la signification d'un transport de créance publiée dans les journaux, qu'en est-il des débiteurs cédés qui n'ont pas connaissance de la publication dans le journal local? Est-ce qu'ils ne s'exposent pas à payer une deuxième fois la dette? Vous dites dans votre mémoire que vous avez entre les mains la liste des débiteurs de votre propre client.

M. Gauthier (Wilbrod): Oui. De nos jours et depuis la dernière modification oui a été faite à l'article 1971 du Code civil, les cessions de créances et comptes de livres du Code civil sont enregistrées et publiées au bureau d'enregistrement. La cession vaut mais pas contre les tiers débiteurs tant et aussi longtemps que l'avis n'a pas été publié. Cela a été une souplesse qui a été introduite dans le Code civil justement pour éviter que tout dépende de l'avis public dans les journaux. Il y a avis qui est déjà au bureau d'enregistrement qu'il existe une cession de créance. L'avis dans les journaux vient tout simplement dire: Bien, écoutez, à compter de maintenant on exerce la cession de créance; à l'avenir payez nous, nous créanciers.

M. Gariépy: Ma question portait sur la clientèle du commerçant qui a fait la cession de créance. Les clients ne sont pas au courant, ils ne vont pas vérifier au bureau d'enregistrement s'il y a eu un enregistrement, quel que soit le commerce, ou s'il y a un avis qui a été publié. Vous demandez le maintien du régime de 1571d. La question que je me pose est: Est-ce qu'on n'expose pas les clients de ce commerçant qui a emprunté chez vous à payer deux fois parce qu'ils n'auront pas connaissance ni de l'enregistrement, ni de l'avis public?

M. d'Etcheverry (Pierre): Le paiement que fait le débiteur de notre débiteur est libératoire tant que nous n'avons pas publié. Je ne vois pas de différence avec le texte de loi actuellement. Je pense qu'au moment de la publication il doit payer le créancier bénéficiaire de l'hypothèque sur les créances, de la même façon. Je dois vous dire que la pratique des banques, c'est que lorsqu'elles exercent une cession générale de créances, lorsque cela va mal chez leurs débiteurs, elles vont non seulement publier dans les journaux pour se conformer aux exigences du Code civil, mais elles vont aussi, pour s'assurer d'être payées, notifier individuellement à même la liste que vous évoquiez tous et chacun des débiteurs de leurs débiteurs de sorte que, véritablement, le problème de l'obliqation de payer deux fois n'est pas exclu, mais il est vraiment - je reprendrai l'expression du notaire - epsilonique dans la pratique.

Mme Harel: Cela risque de marquer nos travaux!

M. Gariépy: Je voudrais juste conclure en disant qu'il se pourrait que la loi soit amendée pour dire justement: Le paiement du débiteur est libératoire jusqu'à ce qu'on l'ait notifié de la cession.

Ma deuxième question est peut-être plus technique, c'est seulement la question de l'hypothèque ouverte. Je m'interrogeais

sur les dispositions des articles 2882 et 2887 de l'avant-projet; lorsqu'il y a défaut du débiteur et que le créancier, le fondé de pouvoir envoie l'avis de clôture, je me demandais si vous aviez imaginé que la corporation débitrice pourrait remédier au défaut et exiger du créancier la levée de la clôture. Je me demandais si vous aviez pensé, à la lecture des articles 2882 et 2887, si on pouvait empêcher, en fin de compte, décristalliser la charge flottante si la corporation débitrice remédie au défaut mentionné dans l'avis de clôture ainsi qu'à tous ceux qui pourraient être enregistrés.

M. Gauthier (Wilbrod): Dans la pratique, cela se fait couramment et je ne vois pas pourquoi, par contrat, il ne peuvent pas lever la décristallisation. Mais l'embêtement, c'est qu'il y a des tiers qui peuvent intervenir. Mais cela se fait dans des cas simples.

M. le Président, me permettriez-vous seulement une petite remarque? Il a été question ce matin de la force exécutoire du contrat notarié. Si la commission juge bon de faire des recommandations dans ce sens-là... Comme je vous ai dit, j'aimerais bien voir les textes; c'est peut-être une notion fort valable, cela semble être très valable en France, en Allemagne, en Italie et en Espagne surtout, je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas valable ici. C'est ma première réaction. Mais quand on songe, par exemple, aux dispositions de la loi fédérale sur la protection des agriculteurs qui a été instaurée pour donner toutes sortes de moyens à l'agriculteur de prolonger les délais, de se remettre en bon état vis-à-vis de son créancier - il peut faire une requête pour demander encore des délais additionnels longs comme cela, il peut donc retarder le créancier et bien protéger le débiteur, dans ces cas-là en tout cas... Mais qu'est-ce qu'on va faire avec un document notarié exécutoire devant cette loi? Cela ne vaudra rien à mon avis, si la loi fédérale est constitutionnelle. Peut-être ne l'est-elle pas.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Oui, juste une dernière petite question...

Le Président (M. Marcil): La dernière petite question, s'il vous plaît, parce que...

M. Dauphin: ...M. le Président, pour ne pas abuser du précieux temps, malgré que c'est extrêmement intéressant, et on est très fier d'avoir l'association avec nous aujourd'hui. Concernant l'article 2807, créance prioritaire au niveau des impenses de personnes, le droit au remboursement aux impenses, vous proposez plutôt un droit de rétention. J'ai posé la même question au

Barreau, j'aimerais avoir votre opinion. Qu'arrive-t-il avec les autres créanciers qui auraient un lien sur le bien en question, le bien retenu? Cela ne paralyserait-il pas plutôt leur action ou leur possibilité de recourir?

M. Gauthier (Wilbrod): Oui, mais, de toute façon, la créance prioritaire ne paralysera-t-elle pas aussi? Si elle est prioritaire, il va passer avant tout le monde et il va dire: Je garde le bien, de toute façon, et je le vends. Je ne vois pas trop la différence dans l'effet ultime. Le seul but de notre suggestion, c'est encore là de simplifier le droit un peu, c'est tout.

M. Dauphin: Le créancier prioriaire n'a pas nécessairement le bien en sa possession.

M. d'Etcheverry: Non, mais ultimement il faut le payer; alors, qu'on le paye parce qu'il a le droit de le retenir jusqu'à parfait paiement ou parce qu'il est prioritaire à même le produit de la disposition ne nous apparaît pas une grosse différence, sinon dans le temps, et simplifierait, nous semble-t-il, beaucoup le droit.

Le Président (M. Marcil): Me Pineau, est-ce que vous avez une question à poser?

M. Pineau: M. le Président, simplement je pense que remplacer la créance prioritaire relativement à ces impenses par un droit de rétention, c'est bonnet blanc, blanc bonnet. Ce que l'avant-projet appelle créance prioritaire, vous l'appelez droit de rétention et ce droit de rétention se voudra à l'égard de tous, donc, ce sera bel et bien un droit prioritaire dès lors que le créancier détient le bien sur lequel il a ce droit de rétention.

M. Gauthier (Wilbrod): Vous avez parfaitement raison, monsieur, mais il faut dire, cependant, que le droit de rétention dont l'exercice est bien connu par les justiciables, les conseillers juridiques, les tribunaux actuellement et qui est une notion connue et interprétée d'une façon très précise par la jurisprudence, pourquoi ne pas la qarder plutôt que d'arriver avec une nouvelle terminoloqie de créance prioritaire? Je vous ferai remarquer que dans notre mémoire, d'ailleurs, nous soulevons ce problème du sens des mots "créance prioritaire".

M. Pineau: M. le Président, d'une part, les mots "créancier prioritaire" signifient, dans notre esprit, en tout cas, créancier qui a une créance prioritaire, c'est-à-dire privilégiée selon la terminoloqie d'aujourd'hui. Quant au créancier qui n'a qu'une hypothèque, c'est un créancier hypothécaire, ce n'est pas un créancier prioritaire.

M. Gauthier (Wilbrod): Si on veut dire qu'elle est privilégiée, qu'on le dise, au moins on connaît le sens du mot "privilégié" actuellement dans notre droit; celui de "prioritaire", on ne le connaît pas.

M. Pineau: Quant au droit de rétention, M. le Président, aujourd'hui, il fait l'objet d'un privilège. Le rétenteur a un droit privilégié; alors, c'est exactement le droit d'aujourd'hui qui se trouve dans l'avant-projet et c'est le droit d'aujourd'hui que vous proposez en demandant un droit de rétention. Il n'y a aucune modification au droit d'aujourd'hui.

M. Gauthier (Wilbrod): Oui, il y en a, sans les complications procédurales qu'entraîne le droit qui existe aujourd'hui.

Le Président (M. Marcil): Donc, au nom de tous les membres de cette commission, nous vous remercions de vous être prêtés à cette période de questions, également de votre franc parler et je suis convaincu que les membres de cette commission vont retenir de bonnes idées, de bonnes recommandations qui apparaissent dans votre mémoire. Sur cela, nous vous souhaitons un bon voyage de retour.

M. Gauthier (Wilbrod): Au nom des banquiers, du comité du Québec de l'Association des banquiers canadiens, de mes collègues et moi-même, je vous remercie tous de l'accueil que vous nous avez fait.

Le Président (M. Marcil): Le fait de vous avoir invités, est-ce que cela suppose qu'on peut obtenir des taux privilégiés?

M. Gauthier (Wilbrod): Non. Si vous signez un contrat d'hypothèque...

Le Président (M. Marcil): Je vais suspendre pour deux minutes et je vais inviter l'Association des architectes en pratique privée du Québec à s'avancer.

(Suspension de la séance à 15 h 59)

(Reprise à 16 h 5)

Le Président (M. Marcil): Maintenant, nous allons entendre l'Association des architectes en pratique privée du Québec représentée par M. Paul Trépanier, qui est président du Comité Code-Civil et par Me Clavier.

Association des architectes en pratique privée du Québec

M. Trépanier (Paul-O.): C'est-à-dire que Me Clavier a été dans l'impossibilité de venir à Québec ce matin. Je suis accompagné par notre directeur général, M. Claude Letarte.

Le Président (M. Marcil): Donc, c'est M. Letarte qui est ici, le directeur qénéral.

M. Trépanier: C'est cela.

Le Président (M. Marcil): Comme je vous l'ai mentionné tantôt, nous vous laissons immédiatement la parole pour votre exposé et, ensuite, on procédera à un échange entre nous.

M. Trépanier: Merci beaucoup. C'est bien évident que nous sommes honorés d'avoir été invités ici. Nous espérons revenir sur d'autres articles de la loi qui nous concernent d'une façon plus importante que les privilèges et la sûreté. Personnellement, je suis tout à fait heureux d'être dans une si belle salle qui a été restaurée de façon magistrale, que je qualifierais même de chef-d'oeuvre de restauration. C'est très plaisant et c'est tout à l'honneur du gouvernement du Québec d'avoir procédé à une telle restauration. C'est un bel endroit pour travailler. C'est clair, c'est plaisant et c'est bien fait.

Voici le point de vue de notre association. Comme vous le savez, il y a l'Ordre des architectes qui est là, qui a un caractère de protection du bien public et il y a l'Association des architectes en pratique privée qui constitue un syndicat, ni plus ni moins, des architectes qui ne sont pas à l'emploi de l'État.

C'est notre association qui a obtenu le mandat de l'ordre en ce qui concerne la réforme des articles du Code civil. Très brièvement, nous, au niveau du rang des privilèges, nous avons examiné le projet de loi, le projet de réforme. Nous avons consulté l'Association des ingénieurs ainsi que les représentants des associations des constructeurs.

Notre point de vue, c'est que nous sommes d'accord qu'il n'y ait pas de rang de privilèges. Nous voulons que les privilèges demeurent, évidemment. Nous voulons garder les privilèges en relation avec le projet qui voudrait que les privilèges disparaissent et qu'ils soient remplacés par des hypothèques, ce que vous appelez l'hypothèque légale.

Mais, quant au rang, on ne voit pas de problème d'une façon générale et d'une façon particulière, nonobstant ce que les banquiers ont prétendu tantôt, en parlant des architectes en cravate blanche et à honoraires non fixés. Je pense que c'est une fabulation parce que, en général, quand les architectes font appel à la procédure de privilèges, ils sont sur le chantier et ne sont plus en cravate blanche.

Quand on fait des plans et qu'il n'y a

pas construction, c'est bien évident qu'on ne peut avoir recours aux privilèges, parce qu'il n'y a rien sur lequel on peut prendre un privilège. Ce n'est qu'au moment d'une construction, lorsque l'architecte exerce sa surveillance, c'est à ce moment-là seulement qu'on peut exercer un privilège et c'est assez rare que les architectes exercent un privilège sur une construction.

Mais, quant au rang, je crois que nous sommes d'accord avec le législateur pour simplifier la notion de plus-value aussi. Nous prétendons d'une part, d'un autre côté, que le travail de l'architecte, nonobstant encore ce qui a été dit tantôt, constitue une plus-value qui est importante, parce qu'une construction est le résultat du travail de l'architecte, de l'ingénieur et du constructeur, le résultat du travail direct de ces trois intervenants. Le travail de ces trois intervenants constitue nécessairement une plus-value qui est apportée à l'édifice.

Quant à la notion de la fin des travaux, j'ai remis tantôt un texte que j'ai apporté ici et qui vient d'être publié dans une revue qui s'appelle "Chantiers", par Jacques Grenier, avocat. C'est un texte extrêmement intéressant. Cela nous concerne beaucoup. La définition actuelle de "fin des travaux" est simple. Mais, nonobstant cette simplicité, la jurisprudence fait qu'il y a eu plusieurs interprétations. On semble très souvent avoir de la difficulté à établir la fin des travaux. Selon l'opinion de Me Grenier et selon l'opinion de plusieurs autres juristes, la fin des travaux est vraiment quand tout est terminé. Pour nous, au chapitre de nos responsabilités professionnelles et de nos responsabilités devant le public, c'est extrêmement complexe. Lorsque vient le temps de terminer un chantier, en particulier au Québec... Dans les pays froids, c'est plus difficile qu'ailleurs, parce qu'il y a des édifices qui sont occupés en novembre et en décembre alors qu'il y a encore beaucoup de travaux extérieurs à terminer au printemps.

Cette notion de "fin des travaux", selon la jurisprudence actuelle, veut que la fin des travaux ait lieu seulement après que les trottoirs, le gazon et l'asphalte aient été terminés. Cela nous cause beaucoup de problèmes. Où est la solution? On ne la connaît pas. On ne sait pas de quelle façon corriger une situation aussi difficile alors qu'un propriétaire va occuper un édifice, disons en novembre ou en décembre, et que la fin des travaux n'intervient pas pendant plusieurs mois. Pendant toute cette période, il y a même des sommes importantes qui ont déjà été payées par le propriétaire et avancées par les banquiers. Il y a d'autres personnes qui pourraient enregistrer des privilèges, si la période est longue. On est très prudent. On fait bien attention à ceux qui ont dénoncé leur contrat au début des travaux. Mais c'est une préoccupation que nous avons. Nous demandons évidemment aux membres de la commission de se pencher sur cette question.

Il y a un autre point que je voudrais aborder, dans les remarques qui ont été publiées en 1978, sur la réforme. Il est beaucoup question dans ce document de protéger les institutions financières. On voit cela partout. Il faut protéger le banquier ou la personne qui avance les fonds. Mais, dans la pratique, ce qui arrive, c'est que plus souvent qu'autrement et presque toujours dans les contrats moyens et les petits projets, les sommes avancées par les banquiers ne sont avancées qu'au moment où le propriétaire a donné une garantie totale. D'abord, le banquier n'avance pas 100 % de la somme de la construction. Il en avance environ 60 %, 65 %, 70 %, mais à partir de là cela force. Souvent, il va demander un endossement du propriétaire. Souvent, on demande un endossement de la maison. On va presque jusqu'à la niche du chien. Je prétends que le banquier ne vous fait pas pleurer et qu'il est très protégé dans le cours normal des choses. Il arrive que le banquier va perdre, mais ce n'est pas le cours normal des choses. Le cours normal des choses, dans notre profession, c'est que c'est le propriétaire qui paie lorsqu'il y a une faillite importante. Je m'excuse. Ce n'est pas le propriétaire qui paie. Le propriétaire va perdre. Ce sont les sous-entrepreneurs et l'entrepreneur général qui vont perdre. Ce n'est pas le banquier. (16 h 15)

Je pense que l'on ne doit pas aller vers une simplification qui amoindrirait les droits de recours des fournisseurs de matériaux, des sous-entrepreneurs, des entrepreneurs généraux dans une construction, qui amoindrirait le droit qu'ils ont actuellement par le processus du privilège de protéger leur effort, leur science, les matériaux qui sont avancés, enfin, de protéqer le paiement de ce travail et de ces matériaux. Le privilège actuel fonctionne. Il fonctionne, je pense bien, dans certains cas d'une façon difficile, ardue, mais c'est une protection. Comme association, nous pensons qu'il serait préférable au Québec de garder les procédures actuelles d'enregistrement de privilèges. Nous sommes solidaires sur ce point avec différents organismes, dont l'association de la construction. Ce sont les trois points que l'on voulait toucher devant nous. C'est bien évident que, si vous avez des questions sur lesquelles vous aimeriez avoir l'opinion de personnes qui sont sur le front, on est sur le front, on est dans le domaine de la construction, il nous fera plaisir, M. Letarte et moi, de répondre à vos questions. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Trépanier. Je vais maintenant

céder la parole au député de Marquette, adjoint parlementaire du ministre de la Justice.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Au nom du ministre de la Justice du gouvernement du Québec, j'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Association des architectes en pratique privée du Québec. J'aimerais aussi leur poser quelques questions. Vous souhaitez évidemment le maintien du privilège au niveau de l'architecte. D'un autre côté vous êtes contre la possibilité d'un privilège pour l'État. Vous prétendez que l'État a différents autres moyens de recouvrer ses créances. Une question que j'ai posée à presque tous les groupes qui sont venus: Ne trouvez-vous pas qu'une créance de l'État, par sa nature, étant donné que ce sont des deniers publics, ne mériterait pas une priorité ou un privilège?

M. Trépanier: Ce n'est pas mon point de vue. Je pensais à cela tantôt, il me semble que l'Etat doit, comme un individu ou une entreprise, exercer toute la vigilance voulue pour protéger son bien durant une construction. Lorsqu'on en arrive au moment des privilèges et qu'un sous-entrepreneur n'est pas payé, je pense que l'État doit être solidaire avec tous les intervenants dans cette construction. Si on fait une école ou un agrandissement d'édifice, que cela va mal pour l'entrepreneur général et que des sous-entrepreneurs ne sont pas payés, je ne vois pas pourquoi l'État passerait à un rang prioritaire, privilégié.

M. Dauphin: Privilégié, par rapport à celui du groupe de la construction.

Un autre groupe est venu hier, l'Ordre des arpenteurs-géomètres qui, eux, ne sont pas inclus dans 2888, dans la liste des personnes bénéficiant d'une hypothèque légale étant donné que ce ne sont pas des confrères, mais pas loin. Comme architecte ayant travaillé avec eux régulièrement, ils nous ont dit justement qu'avec les nouveaux instruments de mesure dans les édifices en copropriété ils avaient à travailler jusqu'à la fin des travaux. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus, si vous recommander que les arpenteurs...

M. Trépanier: Je ne peux parler au nom de l'association. On a parlé de cela un peu, mais pour être logiques quand même avec notre position, je pense qu'on doit accepter leur demande. Voici pourquoi. La société change, le changement est la loi de la vie; avec la grande entreprise qui a été amorcée il y a quelques années par le Québec pour arriver au niveau quaternaire et avoir tout un système généralisé de références spatiales au niveau géodésique, je pense que la profession d'arpenteur-géomètre est maintenant devenue beaucoup plus qu'autrefois sine qua non. II faut absolument que l'arpenteur-géomètre soit là dès le début. C'est devenu extrêmement complexe au niveau de l'emplacement du terrain, de l'emplacement des édifices, les institutions financières entre autres, les gouvernements municipaux sont beaucoup plus alertes. Tout est vérifié d'une façon très juste et une erreur minime peut entraîner une démolition de l'édifice. On a vu - c'est évidemment une question de zonage - le fameux immeuble Deskin à Hull. C'est un exemple célèbre. Personnellement, je considère que le travail d'arpenteur-géomètre amène aussi une plus-value à l'édifice, à cause des raisons que j'ai expliquées, au même niveau que l'architecte, l'ingénieur, le constructeur et les fournisseurs de matériaux.

M. Dauphin: Puisque vous êtes considérés comme des créateurs, un autre groupe est venu nous voir, les créateurs et créatrices du Québec de l'association des artistes du disque par exempte, sur les droits d'auteur, la propriété intellectuelle. Est-ce que vous seriez d'avis que ces gens devraient également bénéficier d'une préférence dans la réalisation des biens d'un débiteur?

M. Trépanier: Je n'ai pas vu leurs demandes, je n'ai pas vu le dossier non plus. Cela me surprendrait que le travail... Ce n'est pas un travail préliminaire à une construction. Si vous prenez, par exemple, une sculpture, c'est accessoire, vous comprenez.

M. Dauphin: Non, c'est sûr qu'on ne parle plus de construction.

M. Trépanier: Cela apporte sûrement une plus-value à l'environnement, mais je pense que c'est assez rare que l'on voie... Si on parle de privilège, de non-paiement, pour l'artiste, actuellement, le 1 % est payé par l'État. C'est assez rare qu'on voie un artiste faire un travail... Cela peut arriver dans l'entreprise privée, mais c'est un fait extrêmement rare. Je n'ai pas eu connaissance d'une situation comme celle-là, mais je ne pense pas qu'on puisse accorder la notion de plus-value dans ce cas-là.

M. Dauphin: Disons que je ne reliais pas ma question à la construction d'un édifice. Je parlais des artistes en général qui se plaignent que, la plupart du temps, les compagnies font faillite et qu'ils ne sont jamais payés pour leurs droits d'auteur, par exemple. Ce n'est pas nécessairement relié à votre domaine, je suis d'accord avec vous.

Je vais demander à ma collègue de Maisonneuve de continuer et on reviendra tantôt.

Mme Harel: Merci, M. le Président. M. Trépanier, vous disiez que vous étiez content d'être dans cette salle restaurée; je suis contente que vous soyez des nôtres. Vous avez également travaillé pendant longtemps, je pense, comme élu. Vous êtes accompagné de M. Letarte; c'est bien cela? Dans votre mémoire, vous avez mentionné que vos membres utilisent malgré tout assez peu souvent le privilège. Je pense que ce n'est pas fréquent que vos membres, ceux de l'association tout autant que... Est-ce que l'ensemble des architectes sont membres de l'association?

M. Trépanier: À ma connaissance, je n'ai pas eu de fait, je ne sais pas si...

M. Letarte (Claude): L'association regroupe les bureaux d'architectes en pratique privée. Les autres architectes sont soit professeurs d'université, soit fonctionnaires. Pour être payés, ils n'ont pas les mêmes problèmes que l'architecte en pratique privée au niveau de la construction; alors, la question ne se pose pas.

Mme Harel: Malgré ce qu'ils en disent.

M. Letarte: Au niveau des architectes en pratique privée, on regroupe près de 95 % des bureaux d'architectes de la province. Alors, il y a quelques...

M. Trépanier: Pour la question des privilèges, à mon point de vue, je n'ai pas entendu parler... Je voudrais être très clair là-dessus. Si on fait un plan en chemise blanche, comme on a dit tantôt, il n'y a pas de construction, on n'est pas payé. Comment voulez-vous prendre un privilège? Vous avez d'autres droits civils, mais vous ne pouvez pas prendre un privilège pour quelque chose qui n'existe pas. À ce moment-là, il n'est pas question de privilège.

Cependant, si l'immeuble est construit, si l'édifice est construit, à ce moment-là, vous avez un privilège. Mais, normalement, on émet des certificats de paiement à chaque mois et on est payé à chaque mois. C'est extrêmement rare qu'à la fin l'architecte n'a pas reçu ses honoraires. Cela peut arriver, mais je n'ai jamais entendu parler encore d'un architecte qui a pris des privilèges.

Mme Harel: II y en a certainement un parce qu'il est allé jusqu'en Cour suprême ou en Cour d'appel pour faire reconnaître...

Une voix: Les ingénieurs.

Mme Harel: C'étaient les ingénieurs; excusez-moi, c'est vrai.

Une voix: Cela ne me surprend pas!

Ha! Ha! Ha!

Mme Harel: Contrairement à l'architecte, l'ingénieur n'était pas prévu dans la législation et par extension dans le privilège, en fait, de l'architecte. Il s'est fait reconnaître un privilèqe, c'est juste.

Vous demandez également dans votre mémoire que la loi précise les biens des municipalités et des corporations de l'État qui devraient faire l'objet d'une affectation par hypothèque. Vous avez déjà une idée de ce que devraient être ces biens qui devraient être définis par la loi?

M. Trépanier: Je ne comprends pas tellement bien le sens de votre demande. Concernant l'État, on parlait de priorités tantôt, on dît: Tout le monde sur le même pied, on ne veut pas de priorité. Je ne comprends pas. Est-ce que c'est dans ce sens que vous posez la question?

Mme Harel: Par ailleurs, dans votre mémoire...

M. Trépanier: Sur les biens grevables, oui.

Mme Harel: Oui, c'est dans les commentaires spécifiques, vous nous dites: "La révision du Code civil devrait déclarer comme bien grevable la majorité des bâtiments publics et les bâtiments appartenant aux municipalités et aux corporations d'État. Le statut de bien non grevable devrait être réservé à certains bâtiments très spécifiques précisés par un texte législatif." Quels pourraient être ces bâtiments très spécifiques auxquels vous faites référence?

M. Trépanier: Notre avocat n'est pas là, je regrette, mais c'est lui qui... Ah oui, je m'en souviens maintenant, Mme Harel, on a parlé à notre...

Mme Harel: Ce sont les biens d'utilité publique, j'imagine.

M. Trépanier: Si on parle de l'Hôtel du parlement ici, si on parle d'un immeuble comme celui-ci, on est dans une situation très spéciale.

Mme Harel: Considérez-vous que c'est un lieu d'utilité publique?

M. Trépanier: II peut arriver des cas d'exception, mais même là je ne le sais pas. Cela pourrait être débattu. On a fait à grands frais des toits en cuivre et pour une raison ou pour une autre la compaqnie qui a fourni le cuivre n'a pas été payée. Je ne vois pas pourquoi il n'y aurait pas moyen de prendre un privilège sur le parlement. Cela

peut être débattu, vous savez, mais c'est ce qui a été dit à notre comité.

Mme Harel: Je vois le genre de problème.

M. Trépanier: Je me souviens maintenant.

Le Président (M. Marcil): Quand vous touchez au secteur public, vos honoraires sont toujours déterminés en fonction d'un arrêté en conseil.

M. Trépanier: Dans notre profession, nous n'avons pas d'honoraires minimums, nous avons des honoraires suggérés et...

Le Président (M. Marcil): Oui, mais pour le secteur public, ce n'est même pas suggéré, c'est applicable.

M. Trépanier: C'est-à-dire qu'on les applique, mais c'est une entente que nous avons avec l'État pour notre travail et cela sert dans l'entreprise privée à titre d'exemple. Nous nous basons sur ces honoraires.

Mme Harel: Mais vous faites surtout référence aux corporations d'État ou aux municipalités.

Le Président (M. Marcil): Exactement, les commissions scolaires et les municipalités; on n'a pas le choix quand on engage des professionnels. On applique une grille. On est obligés. Ce n'est pas négociable.

M. Trépanier: C'est calculé par des experts au sein du gouvernement et cela nous assure un profit raisonnable à la fin de l'année et le moyen de payer des assurances dont on a parlé ce matin.

Le Président (M. Marcil): ...

Mme Harel: M. Trépanier, je ne sais plus à ce stade-ci de nos travaux quel sera exactement le projet de loi auquel nous aurons à travailler cet automne. Tout au moins, maintenant je sais les dispositions de l'avant-projet de loi qui ont été sévèrement critiquées depuis le début des travaux de la présente commission. Quel sera le résultat de la cogitation qu'aura à faire le gouvernement dans les semaines à venir, je ne le sais pas, mais je souhaite que l'on reprenne toute cette question du privilège ouvrier, toute cette question relative à l'hypothèque légale de la construction pour reconnaître la spécificité du secteur de la construction. Je crois que plusieurs de nos lois le reconnaissent déjà; par exemple, en matière de relations du travail, le secteur n'est pas assujetti au Code du travail et en combien d'autres domaines. Alors, c'est une réalité qui s'impose. La question est de savoir comment la prendre en compte. Je souhaite que votre point de vue soit entendu.

M. Trépanier: Si vous me le permettez, j'aimerais signaler une deuxième fois la solidarité que nous avons en ce qui concerne la déclaration conjointe de l'Association de la construction de Montréal et du Québec, les constructeurs de routes et d'habitations, les maîtres électriciens, les mécaniciens et la Fédération de la construction du Québec face à la commission et au projet de loi actuel. Il y a une solidarité en ce qui concerne le projet actuel pour modifier les privilèges. Nous pensons qu'un certain statu quo devrait être accepté.

Mme Harel: Tous ceux qui avaient des privilèqes en veulent le maintien. Est-ce ce que vous nous dites?

M, Trépanier: Je n'ai pas compris.

Mme Harel: Tous ceux qui avaient des privilèges en veulent le maintien.

M. Trépanier: Oui. II y a cette question de fin des travaux qui nous cause vraiment des problèmes. Cette notion de fin des travaux: Cela se termine quand? Quand on parle de privilèges, on parle d'une journée X. Alors, c'est assez difficile, mais je pense que la solution, c'est qu'on va être obligés de vivre avec une espèce de compromis.

M. Letarte: Je voulais juste ajouter sur la notion de fin des travaux que la définition dans le code actuel a une implication sur d'autres secteurs ou d'autres chapitres du code qui ne sont pas à l'étude aujourd'hui. Dans le projet de refonte, on élimine la définition de la fin des travaux et le meilleur exemple, c'est que la responsabilité de l'architecte, la période de garantie de cinq ans de l'architecte débute à la fin des travaux. Alors, si on élimine cette définition, on va avoir un trou durant la période jusqu'à laquelle on révisera le 1688, la responsabilité de l'architecte. C'est un risque; on ne peut pas actuellement ne pas déterminer cette période. C'est vraiment...

M. Dauphin: C'est vraiment pertinent. D'ailleurs, à mon tour, au même titre que ma collègue de Maisonneuve... évidemment, c'est un avant-projet de loi que nous avons devant nous. Cette consultation a été faite justement pour avoir le pouls du milieu et des intéressés. Je pense que, de votre côté, vous avez d'ailleurs un autre document peut-être plus élaboré à nous faire parvenir. Alors, nous attendrons votre document. Je peux vous dire que vos recommandations et

vos revendications seront étudiées avec beaucoup d'intérêt et d'attention. Je vous remercie d'être venus participer à nos travaux. (16 h 30)

M. Trépanier: Est-ce que je peux me permettre une anecdote en terminant? Je pense que vous avez presque terminé pour cet après-midi. J'ai été appelé tout à fait par hasard à remplacer M. Provost devant les étudiants de l'Université de Padoue; qu'il devait parler de la loi lors d'une journée francophone â cette université. Il y a de cela une dizaine d'années. J'étais par hasard à Milan et j'avais promis à ma femme une fin de semaine à Venise, trois jours. Mais, en tout cas, le consul général du Canada a réussi à me convaincre d'aller remplacer M. Provost qui était pris en Autriche. J'ai donc été appelé à prononcer cette conférence sur la loi québécoise, sur le Code civil au Québec et sur la responsabilité des entrepreneurs, à la faculté de droit de l'Université de Padoue. J'ai su ensuite ce qu'était l'Université de Padoue; alors, cela m'a donné un gros coup.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. Trépanier, de même que M. Letarte.

Nous allons procéder immédiatement à l'audition des représentants de l'Association de l'immeuble du Québec. Je vous demanderais de vous approcher, s'il vous plaît.

Nous vous souhaitons la bienvenue à notre sous-commission sur la loi portant réforme au Code civil. J'aimerais reconnaître M. Serge Cayer, vice-président-directeur général de l'Association de l'immeuble du Québec. Si vous voulez présenter vos collègues, nous vous laisserons quelques minutes pour la présentation de votre mémoire pour, ensuite, procéder à un échange de questions.

Association de l'immeuble du Québec

M. Cayer (Serge): Merci, M. le Président. M. le Président, Mmes et MM. les députés, avant de commencer, nous aimerions excuser l'absence de notre président, M. Hudon, et d'un autre membre de notre délégation, M. Allard, qui ont été retenus à Montréal pour cause de force majeure.

J'aimerais remercier les membres de la sous-commission d'avoir accepté d'entendre notre groupe sur le projet de réforme du Code civil. Notre délégation est aujourd'hui formée de Me Robert Nadeau, coordonnateur aux affaires juridiques à l'Association de l'immeuble du Québec, de même que de M. Maurice Faraggi, à ma gauche, ancien président de notre association et membre de notre comité de recherche et de législation.

Nous tenons à souligner l'excellente collaboration qui s'est instaurée depuis quelque temps entre les représentants politiques du Québec et notre association, notamment à l'occasion de la récente tenue des audiences de la commission parlementaire sur la levée du moratoire.

Avant de vous faire part de nos commentaires sur l'avant-projet de loi, j'aimerais vous présenter sommairement notre association. Notre association représente plus de 10 000 membres, tous agents ou courtiers, détenteurs de permis en vertu de la Loi sur le courtage immobilier, loi provinciale. Nos membres ont accompli, pour l'année financière gouvernementale 1985-1986, plus de la moitié des quelque 190 000 transactions immobilières enreqistrées au Québec, soit une valeur d'environ 7 000 000 000 $.

Notre association a deux grandes préoccupations: la première, la protection du public et la seconde, la promotion d'un professionnalisme accru de nos membres. Au premier titre, nous avons adopté, il y a quelques années, un code de déontologie dont l'application est maintenant confiée à quelque trois syndics à temps plein. Les clauses de notre code de déontoloqie relatives au mandat - c'est-à-dire le contrat en vertu duquel un propriétaire confie la vente de son immeuble à un courtier - ont été publicisées auprès de tous les propriétaires offrant leur immeuble en vente par l'intermédiaire d'un courtier dans la province.

Au second titre, notre association est responsable de la formation de base, du perfectionnement, ainsi que de la spécialisation de nos membres. Nous avons commencé à mettre un accent de plus en plus fort sur ces deux dernières spécialités, c'est-à-dire le perfectionnement et la spécialisation.

Enfin, notre association se penche aussi sur tout sujet affectant le domaine de l'immobilier, tant pour les propriétaires que pour tes praticiens du courtage immobilier. C'est à ce titre que nous avons le plaisir de vous soumettre cet après-midi nos commentaires sur l'avant-projet de loi visant à modifier et surtout à simplifier les dispositions du Code civil du Québec relatives aux sûretés et à la publicité des droits.

 cette fin, j'aimerais passer la parole à Me Robert Nadeau qui se charqera de vous expliciter davantage notre position à ce sujet.

M. Nadeau (Robert): Merci, M. Cayer. L'exposé qu'on va vous soumettre cet après-midi va être réparti en deux volets, te premier étant un commentaire d'ordre général sur le fondement de l'avant-projet de loi et un deuxième commentaire portera sur certains articles afin de vous transmettre notre réflexion et notre philosophie vis-à-vis

de ceux-ci.

Mais, avant d'attaquer ces commentaires d'ordre général, j'aimerais à titre de préambule, peut-être, vous mentionner que notre association appuie la réforme qui est proposée par l'avant-projet de loi. On sait que les travaux ont été entrepris depuis maintenant - le rapport a été déposé en 1977 - dix ans. On pense à une refonte - et non pas à une modification du Code civil - à une refonte en profondeur en revoyant tous les aspects que cela peut entraîner. À écouter les premiers ou quelques commentaires que j'ai pu entendre ici, devant cette tribune, il est certain que cela dérange les uns et que cela en arrange d'autres. On aurait voulu aller plus loin, on aurait voulu aller moins loin, sauf que nous préconisons qu'il y ait recommandation afin que la refonte se fasse. La société étant en constante évolution, il faut s'y adapter. Je pense qu'avec déjà dix ans de travaux il faut que cela avance. Cette refonte va permettre au Québec, en fin de compte, de se doter d'un Code civil qui va rejoindre les exigences de cette société.

Ce qui a dirigé notre réflexion avant d'émettre ces commentaires, c'est, devant l'importance du sujet et dans le but de collaborer avec le législateur, le fait de répondre à deux questions. En quoi cet avant-projet répond-il aux réalités économiques d'aujourd'hui et en quoi consti-tue-t-il pour le citoyen et la citoyenne, débiteur ou créancier, une amélioration? C'est la première question. L'autre question, c'est qu'en revoyant un peu Pavant-projet de loi on s'est dit: Pourquoi tout ce qui a été recommandé à l'ORCC, l'Office de révision du Code civil, n'a-t-il pas été retenu intégralement? Que s'est-il passé un peu entre les deux? À partir de ces prémisses, on a commencé à examiner l'avant-projet de loi.

En premier lieu, on sait que cela répond aux principes de l'Office de révision du Code civil même si on a délaissé certaines idées qui avaient été émises. On répand aux principes qui avaient été soulevés. On concrétise aussi une pratique d'uniformisation. La tendance actuelle, si on examine la façon dont les banques et les autres institutions prêteuses fonctionnent, c'est qu'on veut uniformiser de façon à rationaliser et à simplifier davantage. On pense que, dans ce sens, l'avant-projet de loi est sur une bonne voie et que cela devrait être concrétisé aussi davantage. On pense aussi que ce qui était le plus important, c'était, tout en respectant l'esprit civiliste qui règne au Québec, de vouloir quand même s'approcher de ce qui existe dans le reste de l'Amérique du Nord. Chez nos voisins de juridiction de "Common Law" on a essayé d'uniformiser le plus possible les hypothèques mobilières, si on peut ainsi les nommer, qui existent. Cela a chanqé les modes de financement.

Dans ce sens, je pense que, oui, dans le but d'uniformisation avec le reste de l'Amérique du Nord, c'est un bon apport tout en respectant, comme je le disais, l'esprit civiliste.

L'amalgamation de toutes les sûretés sous un seul vocable, celui d'hypothèque, cela aussi, c'est un apport, même si à la lecture de l'avant-projet de loi on voit qu'il y a des disparités selon que c'est l'hypothèque mobilière ou immobilière. Il reste qu'on essaie de rejoindre ce qui est populairement pensé, c'est-à-dire que c'est une hypothèque, cela équivaut à une sûreté, cela équivaut à une garantie. Je pense que cela rejoint la majorité de la population et c'est compréhensible. On évite maintenant de parler de toutes ces garanties dont on ne fera pas l'énumération, on risque d'en oublier.

On est aussi pour le recours unique. En fin de compte, cela va peut-être alléger les actes qui concrétisent les garanties en disant: Écoutez, on se réfère au code et tout y est.

Concernant l'hypothèque mobilière plus particulièrement parce qu'elle est introduite jusqu'à un certain point par l'avant-projet de loi, c'est-à-dire qu'on vient résumer ce qui existait sous le vocable de nantissement, on est d'accord parce que c'est une nouvelle source de financement. Cela va aussi faciliter les échanges commerciaux. Deux réserves, cependant: Cela va sûrement freiner la libre circulation des biens si, administrativement parlant, l'administration de la publicité est mal implantée; un risque d'endettement supplémentaire aussi pourrait arriver, surtout chez le consommateur moyen et le salarié qui composent, je pense, la majeure partie de la population de notre province.

Tout en considérant que l'article 2800 de l'avant-projet de loi exprime que le patrimoine est le gage commun de tous les créanciers, un peu à l'instar d'autres intervenants, encore une fois d'après ce que nous avons pu comprendre de leur mémoire, il reste qu'on a créé des créances prioritaires et une hypothèque léqale qui vient un peu remplacer ce qu'on appelait le privilège.

Si on prend les exemples des articles 2811 et 2812 qui sont conséquents à 2806 et 2807, on dit que toutes ces créances prioritaires n'ont pas à être enregistrées pour être effectives. On se demande donc quelle incertitude cela créera-t-il. On pense au prêteur qui se dit: J'ai une garantie, une sûreté valide sur un bien meuble ou immeuble et qui, tout à coup, même avec l'exception de l'article 2810, apprend qu'il y a un montant qui est peut-être exorbitant à payer et qui pourrait lui être préféré. Comment réagira-t-il? Quelle est la certitude

de sa sûreté? C'est un point d'interrogation et c'est une réflexion que nous émettons parce qu'on pense que ces créances, même prioritaires, devraient connaftre une forme d'enregistrement pour au moins être dénoncées. Je pense que cela pourrait être bénéfique à ceux qui ont ces créances parce qu'on sait très bien que le créancier hypothécaire qui reçoit un avis disant qu'il y a des créances qui pourraient lui être préférées fait des pieds et des mains pour essayer de les résorber. Il n'a pas intérêt à ce que ces créances, ces privilèges ou ces dettes qui lui sont préférables viennent empêcher la réalisation de sa garantie entièrement et pleinement. (16 h 45)

D'autres remarques en ce qui concerne la publicité des droits. Nous avons une crainte - le mot est peut-être un peu fort -mais on comprend mal pourquoi il ne serait pas aussi important de connaître les réformes administratives que les réformes législatives concernant la publicité des droits. Quel est l'impact? Comment tout cela va-t-il s'administrer? Quel frein l'administration va-t-elle poser à la publicité en tant que telle et à l'administration des sûretés? De quelle façon cela va-t-il se faire et quels sont les échéanciers? On aurait aimé connaître du point de vue administratif de quelle façon cela était pour être géré et peut-être apporter un meilleur éclairage à ce moment.

Il y a aussi la confiance au système qui est proposé. On sait qu'il y a une présomption que ce qui est enregistré le sera, c'est une présomption, pendant une période de dix ans ou alors ce sera une certitude. C'est 3308 de l'avant-projet qui nous parle de cela. On se demande jusqu'à quel point de conserver le réexamen des titres à chaque fois qu'il y a une transaction sur un immeuble est une solution valable. Pourquoi n'y a-t-il pas plus de titres ou le titre ne pourrait-il pas être plus définitif dès son enregistrement ou, du moins, est-ce que la période de dix ans ne s'avère pas un peu longue de ce point de vue?

N'y aurait-il pas lieu aussi, vis-à-vis des erreurs administratives dans un cas comme cela, de pourvoir à un fonds d'indemnisation qui pourrait être créé pour empêcher éventuellement que certaines personnes qui enregistrent leurs droits ne soient lésées? Pouvons-nous croire qu'un système qui apporterait une certitude absolue n'accélérerait pas la prise des garanties, la prise des sûretés et ainsi faciliterait davantage l'obtention du crédit et son ajustement au monde qui est en constante évolution par rapport au financement?

Pour attaquer le deuxième volet de notre exposé, on voudrait vous faire certains commentaires. On ne veut pas les prendre article par article et vous suggérer un mot ou deux à changer - je pense que ce n'est pas le travail de cette sous-commission -mais vous exprimer ce que l'on croit être soit des disparités ou peut-être des points de vue qui n'avaient, semble-t-il, pas été soulevés jusqu'à maintenant.

On prend comme premier article 2842 qui nous parle de l'hypothèque qui a pu être prise sur l'universalité des biens servant à un entrepreneur, à un commerçant ou à un artisan. On a une petite réserve vis-à-vis de cela. On dit: II y a une notion de risque commercial. Le dépanneur du coin et l'artisan pour les produits et pour les besoins de son artisanat, ne se trouvent-ils pas dans une place ou une part qui ressemble plus au consommateur ordinaire qu'à la PME? À ce point de vue, n'y aurait-il pas lieu de faire certaines distinctions entre les besoins de financement de ces gens et les besoins de financement de ceux qui ont un risque commercial beaucoup plus élevé et qui ont un besoin, eux, d'hypothéquer des universalités? Je me demande jusqu'à quel point certaines institutions n'auront pas tendance à dire: Monsieur, s'il vous plaît, tous vos oeufs dans mon panier. Ca vient de s'éteindre.

Une autre réserve aussi vis-à-vis de l'article 2850. Je vous le rappelle, l'article 2850, c'est la prise d'hypothèque pour garantir du crédit rotatif ou marge de crédit. On se demande là aussi, avec la facilité avec laquelle on pourrait obtenir certaines hypothèques, jusqu'à quel point ceux qui veulent offrir ce crédit rotatif n'exigeront pas des hypothèques qui pourront être placées en premier rang, peu importe si on se sert ou non de ce crédit, et ce peut-être pour certains consommateurs. Vis-à-vis de la grande entreprise, ça ne pose pas de problème, mais vis-à-vis de celui qui va avoir un crédit même minime, qui par rapport à lui est minime. Ne se verrait-il pas coller une exigence telle qu'il sera obligé de céder une hypothèque? Dans un dossier de crédit, à quel moment cela se situe-t-il, à quel endroit cela se situe-t-il et vis-à-vis des autres emprunteurs avec qui il veut faire affaire après pour un crédit plus élevé, de quelle façon ces emprunteurs vont-ils réagir?

Voici ce qui concerne les articles 2857 et 2861. Dans notre mémoire, on dit, concernant l'article 2857, que nous sommes d'accord avec le libellé de l'article qui nous dit que "L'hypothèque immobilière doit, à peine de nullité absolue, être consentie par acte notarié et en minute." Un peu plus loin, dans notre mémoire, concernant l'article 2861, on dit: "Ne serait-il pas plus plausible de considérer la possibilité d'exiger que l'acte mentionné soit notarié?"

J'aimerais juste vous exprimer, en quelques minutes, pourquoi on est arrivé à ces conclusions. On ne serait pas, par ailleurs, contre le fait de permettre que l'hypothèque immobilière ou mobilière puisse

être consentie par un acte autre que notarié, mais qui fournirait au consommateur ou à celui qui consentirait, autant prêteur que débiteur, un coût plus compétitif et l'équivalent d'une sécurité pour ces gens. On n'a pas parlé ici d'acte sous seing privé, mais on dit qu'il y aurait des solutions autres que sous seing privé qui n'offrent peut-être pas ces garanties.

Un peu plus loin, à l'article 2888 concernant les hypothèques légales et plus particulièrement à l'alinéa 2°, on comprend mal, au départ, pourquoi cette hypothèque légale subsiste actuellement. On donne un exemple. Un constructeur de pelles mécaniques qui valent de 200 000 $ à 300 000 $ donne des sous-contrats, engage des ingénieurs, engage des ouvriers. Ces gens n'ont aucune hypothèque légale pour le travail qu'ils vont faire. C'est un bien mobilier et, de plus, c'est un bien qui se déplace.

Par contre, la notion de plus-value étant un peu mise dans l'ombre, celui qui apporte des travaux même minimes, une rénovation à un domicile, à une résidence, a les moyens d'obtenir une telle hypothèque. Pourquoi a-t-on laissé cela? Si on la laisse là et qu'on a trouvé une raison pour la laisser là, on se dit: Oui, mais pourquoi, dans ce cas, d'autres intervenants dans le milieu immobilier n'auraient-ils pas droit à une telle hypothèque légale? Entre autres, on croit que tes membres de notre association sont des gens qui font en sorte que plusieurs transactions se réalisent avec leur expertise intermédiaire et qui, en fin de compte, réalisent l'augmentation de valeur qui se produit et qui s'attache à un immeuble.

Quelques articles que nous voulons aussi vous souligner en dernier lieu. On pourrait regrouper l'idée principale dans les articles 2943, 2945, 2964, ainsi que 2965 où on parle de ventes sous contrôle de justice ou par le créancier, dans certains cas. L'idée qu'on a essayé de décortiquer dans tout cela, on dit: En fin de compte, il s'agit d'un genre de privatisation des ventes pour la réalisation des sûretés. Il s'agît aussi de possibilité de ventes de gré à gré, enchères, ou par d'autres moyens qui y sont prévus. On dit: Pourquoi, dans ces cas, ne serait-il pas reconnu aussi dans cet avant-projet de loi que ce soient des professionnels de l'immobilier qui détiennent entre autres des permis du service du courtage immobilier qui feraient ce travail immobilier, étant donné que la majorité d'entre eux - plus que la majorité, on dit qu'il y en a plus de 90 % -sont affectés à des chambres immobilières? Il y aurait aussi la possibilité de faire appel à des services de mise en marché que n'importe quelle autre personne n'aurait pas nécessairement à sa disposition pour effectuer de telles ventes.

Il ne faut pas oublier que les surplus de ces ventes doivent être remis au débiteur. Ne serait-il pas dans la philosophie de cet avant-projet de loi qu'on obtienne la meilleure valeur marchande ou la juste valeur marchande pour ce bien, afin qu'il n'y ait personne de lésé?

En résumé, c'étaient les commentaires et réflexions que notre association voulait vous sugqérer, vous apporter.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Nadeau, M. Faraggi, de même que M. Cayer. Nous allons procéder immédiatement à la période d'échanges.

Je vais reconnaître le député de Marquette, adjoint parlementaire du ministre de la Justice.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Au nom du ministre de la Justice et du gouvernement, j'aimerais vous souhaiter ta bienvenue à nos travaux rie cette sous-commission qui fait l'étude, comme vous le savez, de l'avant-projet de loi sur les sûretés réelles et la publicité des droits. J'ai lu votre mémoire. Vous étiez parmi nous cet après-midi, du moins pour les deux groupes qui vous ont précédés. Vous avez sûrement entendu l'échange avec les groupes sur la présomption d'hypothèque.

M. Nadeau: Partiellement. Je n'ai pas été ici pour toute l'audition.

M. Dauphin: D'accord. Vous nous dites que vous êtes pour un régime unifié, uniforme de sûretés.

M. Nadeau: Oui.

M. Dauphin: Cela cadre justement, selon moi, avec cette présomption d'hypothèque. Dans toute stipulation ou forme de sûretés, il y aurait une présomption que c'est une hypothèque. Certains groupes, comme la Chambre des notaires ce matin, nous ont dit qu'ils étaient contre la présomption d'hypothèque, notamment à cause du fait que, pour le consommateur, la moindre allusion à une sûreté deviendrait une hypothèque, ce qui n'est pas toujours la volonté des parties. J'aimerais savoir ce que vous pensez, comme représentant de l'association, de cette notion de présomption d'hypothèque qui rend uniformes toutes les sûretés, finalement.

M. Nadeau: Il est certain que notre réflexion et notre philosophie sont ta simplification. Pas la simplification à outrance, pas ta simplification qui permet de laisser planer des doutes. Ce que vous avez soulevé, et je n'ai pas entendu les commentaires de la Chambre des notaires et, comme je vous le disais, j'ai entendu partiellement ceux auxquels vous avez fait

allusion tout à l'heure... Il n'en demeure pas moins que, dans un esprit d'unification et de simplification, avec appelons-la la présomption d'hypothèque, je pense qu'on pourrait être d'accord en principe. Quant aux modalités d'application, de quelle façon elles se concrétisent et se publicisent, il faudrait revoir entièrement le mécanisme et apporter peut-être une réflexion qui serait plus spécifique. Dans son ensemble, il est certain que, moins on mélange les termes, plus la compréhension est facile.

M. Dauphin: Vous y seriez, en principe, favorables. On a également échangé sur le fait que, d'un autre côté, cela donnerait des difficultés au niveau de la preuve, par cette présomption.

M. Nadeau: C'est ce que je vous disais.

M. Dauphin: D'ailleurs, l'office de révision proposait la présomption d'hypothèque, si ma mémoire est fidèle.

J'aimerais maintenant parler de l'hypothèque mobilière.

M. Nadeau: Oui.

M. Dauphin: Vous nous dites que vous êtes favorables, avec certaines interrogations...

M. Nadeau: Avec deux réserves.

M. Dauphin: ...au niveau de la circulation des biens meubles et d'une possibilité de surendettement des particuliers ou des consommateurs.

Le groupe qui a précédé le groupe avant vous, les banquiers, nous proposaient au niveau de l'hypothèque mobilière, pour une personne physique, vous et moi, de prolonger cela à tous les biens et non pas ce qui est prévu actuellement dans l'avant-projet, soit un bien qu'elle acquiert. J'aimerais savoir ce que votre association pense de cela. C'est sûr que la réserve de surendettement du particulier nous donne une indication de votre réponse, évidemment, si on vous demande d'appliquer cela "at large" au niveau de l'hypothèque mobilière sur tous les biens du citoyen ou du consommateur.

M. Nadeau: On a émis une réserve tout à l'heure en ce qui concerne l'endettement sur l'universalité des biens d'un commerçant quand on le catégorise comme étant un petit commerçant et un artisan. Si on suit la même ligne de pensée, il est facile de comprendre qu'on serait plus ou moins d'accord à ce que le consommateur, la population en général puisse endetter tous ses biens comme bon plaira au créancier. À cet effet, je pense que cela rejoint cette même réserve que nous avons émise tout à l'heure. (17 heures)

M. Dauphin: Un autre point. Si je vous ai bien compris tantôt relativement au privilège actuel en matière de construction qui deviendrait l'hypothèque légale à l'article 2888, vous disiez que vous ne voyez pas pourquoi ces gens auraient plus de privilèges que d'autres, que les arpenteurs-géomètres, que les agents d'immeubles, par exemple.

M. Nadeau: On se dit que, s'il y a une raison attachée à l'immobilier, bon, on est attaché à l'immobilier et on devrait répondre au même raisonnement. Mais, entre les deux, on ne l'a peut-être pas trouvé exactement. Je vous donnais l'exemple de la pelle mécanique. On peut trouver beaucoup de biens meubles qui aujourd'hui ont des valeurs souvent supérieures à beaucoup d'immeubles qu'on peut voir en se promenant sur les routes. On se dit pourquoi une catégorie qui est l'immobilier, qui est fixe quelque part a ce "privilège", entre guillemets, plus que ceux qui travaillent sur un bien meuble.

Mais si, dans le raisonnement, le législateur a laissé à l'avant-projet de loi la notion d'immobilier et d'hypothèque légale ou privilège immobilier, on se dit: Dans ce cas il faut que le raisonnement dise aussi pourquoi certaines catégories de personnes y ont droit et pourquoi d'autres qui travaillent aussi à cet apport immobilier n'y ont pas droit. La réflexion est arrivée à cela. On dit: Nous aussi, on concrétise aussi une valeur immobilière. Alors, on le concrétise par notre travail. Pourquoi n'a-t-on pas plus le droit à cela pour les honoraires qu'on pourrait y toucher?

M. Dauphin: C'est parce que tout est relié à la plus-value apportée à l'immeuble.

M. Nadeau: Oui. Même si la plus-value a été...

M. Dauphin: On se dit que l'agent immobilier n'apporte peut-être pas de plus-value à l'immeuble.

M. Nadeau: Est-ce que le peintre qui...

Mme Harel: M. le Président, peut-on leur demander ceci: Quelle est la plus-value que vous apportez à l'immeuble?

Le Président (M. Marcil): C'est la question que je voulais poser, justement.

M. Cayer: Alors, notre intervention à ce niveau ne se situe pas nécessairement sur le fait que nous devrions avoir un privilège. Notre position est qu'il ne devrait pas y avoir de privilège supposé. Cependant, il arrive des situations où, alors même que nous sommes la cause procurante, c'est-à-

dire la cause pour laquelle la transaction se fait éventuellement, on ne puisse être payé parce que des privilèges occultes se révèlent subitement et que notre droit à notre rémunération est lésé dès lors.

Ce que nous préconisons, c'est que, s'il doit y avoir privilège, il soit publicisé, il soit public, sinon, qu'il n'existe pas de façon supposée, tout simplement.

M. Nadeau: Pour ajouter peut-être au commentaire de M. Cayer, il y a un exemple qui me vient à l'esprit. Si j'engage un peintre en bâtiment et que ses travaux sont évalués à 10 000 $ pour repeindre entièrement ma maison, mais que le tout se fait avec un choix de couleurs qui est de très mauvais goût et que très peu de personnes vont apprécier, quelle valeur a-t-il amenée à l'édifice?

Le Président (M. Marcil): II a ajouté quelque chose à l'édifice tandis que vous, habituellement, dans les contrats d'immeuble, vous vendez toujours en bas du prix qu'on suggère. Vous ne pouvez pas dire aujourd'hui que vous...

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Nadeau: Peut-être que vous suggérez toujours un prix trop haut.

M. Dauphin: Pour le moment, cela va. Je vais demander à ma collègue de continuer.

Le Président (M. Marcil): Allez, Mme la députée.

Mme Harel: Merci, M. le Président. M, Cayer et les personnes qui vous accompagnent, M. Faraggi et M. Nadeau, je constate que l'Association de l'immeuble du Québec prend goût aux commissions parlementaires. On dit toujours qu'il y a des dinosaures dans la société, c'est-à-dire qu'il y a des groupes organisés qui s'inscrivent presque par automatisme à toutes les commissions parlementaires qu'un gouvernement ou l'autre convoque pour exprimer leur point de vue. Je ne sais pas si vous ferez bientôt partie de la liste qui... Vous faites des signes de dénégation, M. Cayer.

Je pense que c'est certainement l'indice de l'activité et peut-être aussi de l'aspect stratégique du rôle que vous jouez et de la multiplication des transactions que l'on a pu connaître. Je ne le sais pas pour l'ensemble du Québec, mais je le sais en particulier pour la ville de Montréal et, entre autres, pour le secteur que je représente dans le cas de la ville de Montréal. Je peux constater qu'il y a une sorte de turbulence, il y a quand même des secousses dans le marché présentement. J'aurais bien des questions à poser sur votre profession, mais je ne crois pas que ce soit l'objet de nos propos et de l'échange que nous devons avoir ensemble. Peut-être pourrais-je aller vous voir par la suite. Ha! Ha! Ha! Pas pour moi, mats pour les commettants.

Je reprends un peu la question de mon collèque, l'adjoint parlementaire, concernant la plus-value à l'immeuble. Toute la question est relative à l'hypothèque légale de la construction. Même dans l'avant-projet, il y a une hypothèque légale de la construction. Auparavant, le législateur avait reconnu un privilège ouvrier. C'est donc qu'il y a une sorte de reconnaissance de la spécificité de ce secteur. Peut-être est-ce du fait que le chantier, par définition, est temporaire? Il y a aussi des secousses sismiques dans ce secteur. Il est fragile, d'une certaine façon. Est-ce que c'est le barème? On dit souvent aussi que c'est une sorte de barème pour l'état de l'économie dans une société. Mais, de toute façon, quels qu'en soient les motifs, c'est comme reconnu pour les bons ou les mauvais motifs. De toute façon, c'est - je ne dirais pas universellement connu - mais assez consensuel qu'il y a lieu de trouver une sorte de règle du jeu qui harmonise et qui maintienne un ordre relatif dans ce secteur, que le désordre n'est pas souhaitable et que l'absence de dispositions pourrait apporter du désordre. Quand vous dites qu'il faut abolir tous les privilèges, j'imagine que vous vous inscrivez quand même par la suite pour étendre celui qui est déjà prévu dans le cadre de l'hypothèque légale de la construction. Vous dites: Si les autres l'ont, on le veut aussi. C'est cela?

M. Nadeau: Pour faire suite à votre commentaire et juste pour reprendre le fait qu'on se demande encore pourquoi cela est demeuré là, on sait qu'à l'époque où le Code civil est né au Québec, vers 1800, peut-être que l'immeuble était la seule valeur impartante que les gens avaient dans leur patrimoine. Mais je pense qu'aujourd'hui, en 1987, c'est faux. Je connais peut-être certaines personnes qui ont un portefeuille d'actions plus important que leur portefeuille immobilier. Mais, néanmoins, je pense que le but de protéger cela, si vous y trouvez des raisons et si vous trouvez plus louable de le laisser là, c'est qu'on se dit qu'on veut éliminer la disparité, à ce moment-là, parce qu'on a encore de la difficulté à concevoir comment - si je reviens à l'exemple que je soumettais tout à l'heure - quelques rénovations apportent une si grande plus-value à un immeuble, peut-être. Est-ce que la plus-value amenée à un immeuble, si on veut parler de cette notion, est équivalente aux honoraires qui sont réclamés et qui font l'objet de l'hypothèque légale? C'est la question que je me pose et je ne suis pas certain que, dans tous les cas, cela soit

valide, cela soit appréciable ou, du moins, cela soit recommandable qu'on leur laisse ce genre de privilège.

Mme Harel: M. le Président, il y a encore et toujours 78 % de locataires dans la ville de Montréal. Si vous pensez qu'ils ont préféré un portefeuille d'actions à l'achat d'une maison, disons que ce n'est pas tout à fait la situation que je suis à même de constater. Alors, comme c'est une très grande majorité, soit 78 %, qui sont encore locataires dans une ville comme Montréal, je me prête à penser que l'habitation est encore un bien dont l'achat n'est pas largement et nécessairement répandu. Je ne pense pas que ce soit au profit d'un portefeuille d'actions, mais enfin...

M. Nadeau: Oui.

Mme Harel; C'est une autre question. Sur cette question, je pense que la réflexion va se poursuivre. L'avant-projet de loi contenait certaines dispositions qui ont été, parfois en tout cas, sévèrement critiquées, mises en pièces même ou presque par certains secteurs et applaudies par d'autres, il faut bien le constater. Il y a des choix à faire. Ces choix, le gouvernement nous les fera connaître et nous verrons par la suite comment nous entendons réagir. Il demeure qu'il faut une équité sociale la plus grande, non seulement une équité, mais aussi l'apparence de l'équité. Ce sont parfois des choses distinctes, d'une certaine façon.

En ce qui concerne l'hypothèque mobilière, vous craignez des abus, vous le dites dans votre mémoire. Vous craignez que cela ne favorise l'endettement. Il n'y a pas beaucoup de mémoires qui ont parlé de cet aspect, mais je pense que le vôtre a fait état du danger que cela peut représenter pour un individu non commerçant de créer une sûreté contre les biens qu'il acquiert. Cette préoccupation vous vient-elle d'une expertise que vous avez? D'où vient le fait que vous avez tenu à en faire mention dans votre mémoire?

M. Nadeau: À l'association, le comité qui s'est penché sur l'ensemble de l'avant-projet de loi émettait les opinions suivantes. Il s'est placé dans la peau de la majorité de ses clients et s'est dit: Si c'est déjà difficile, du moins pas facile, d'obtenir du crédit pour un immeuble, mais dans tous les cas où ils vont emprunter de façon personnelle - pour leur automobile ou autrement, on essaie tout le temps de trouver une garantie quelque part - si tout cela est plus facile, si la prise d'hypothèque se veut plus facile, si on veut essayer d'uniformiser, d'améliorer et de simplifier cela, ne serait-il pas aussi plus simple pour les prêteurs, quels qu'ils soient, de demander ce genre de sûreté? Tout le monde la veut, elle est plus facile maintenant. Alors, le consommateur ne serait-il pas un peu biaisé par le fait que c'est si facile qu'on va toujours lui en demander une, au moindre crédit, même minime, même pour une carte de crédit, peut-être? On peut extrapoler jusque-là. Je pense qu'il y aura là des distinctions à faire et une certaine prudence à apporter lors de la rédaction d'un projet de loi plus définitif.

Mme Harel: Une dernière question, M. le Président. Selon vous, quelles sont les dispositions de l'avant-projet de loi qui peuvent empêcher un créancier de solliciter vos services pour procéder à la vente d'un bien hypothéqué?

M. Nadeau: On ne dit pas qu'on ne permettra pas de... Sauf dans un cas où on dit que le créancier a droit de vente - je peux retrouver le numéro de l'article...

Mme Harel: Le créancier peut faire appel à vos services?

M. Nadeau: II n'est pas précisément prévu qu'il doit y faire appel. Plus loin que cela, ce qui nous préoccupe le plus, c'est qu'on dit qu'il peut faire appel à n'importe qui, à quelqu'un qui n'a pas de formation, à quelqu'un qui n'a peut-être pas accès à ces réseaux de mise en marché, à quelqu'un qui n'a pas ce permis de faire du courtage et que le gouvernement délivre, par ailleurs. On se dit que c'est peut-être une question de concordance entre les lois; que ceux qui peuvent faire de l'immobilier soient ceux qui ont les permis.

Mme Harel: Mais la loi sur les courtiers en immeuble prévoit déjà cette question. Il n'est pas nécessaire de le faire en plus dans le Code civil.

M. Nadeau: La loi prévoit aussi qu'il y a des exceptions dans cette loi et que certaines autres personnes, dans certaines circonstances, peuvent aussi faire de l'immobilier. S'il n'est pas prévu peut-être plus précisément, dans cet avant-projet de loi ou dans le projet de loi qui va suivre, que ce sont les gens détenteurs de permis qui auront le droit de faire cette transaction, je pense qu'on ouvre des portes et qu'il n'est peut-être pas certain qu'elles seraient favorables à tout le monde. On enlève le shérif; on enlève un rôle qui avait quand même une certaine expertise.

Mme Harel: M. le Président, est-ce que mon collègue de Marquette a d'autres questions?

Le Président (M. Marcil): Cela va.

Mme Harel: Je vais, pour ma part, vous remercier d'être venus faire connaître votre point de vue devant la commission. Comme vous le savez, nous sommes au début de nos travaux et c'est certainement le moment le plus névralgique pour nous transmettre vos recommandations.

M. Dauphin: Également, j'aimerais vous remercier d'avoir participé à nos travaux; vous êtes une association que j'ai l'occasion de rencontrer assez régulièrement maintenant. Je vous félicite de l'intérêt pour la chose publique. J'avais été, d'ailleurs, à votre congrès annuel, il y a deux ans. À ce moment-là, j'aimerais vous mentionner de nouveau que c'est un avant-projet de loi et que vos recommandations seront étudiées très sérieusement. Merci encore une fois d'avoir participé à nos travaux.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Cayer et vos collègues. Bon voyage de retour!

M. Cayer: Merci. Notre association tient à vous remercier de votre accueil et aussi de l'attention que vous avez pu porter à nos commentaires et nous osons espérer que, dans le bien-être de tous les membres de la population du Québec, on ne pourra que leur présenter un projet de loi qui amènera une simplification de leur vie en matière de sûretés et de droits réels. Merci.

Le Président (M. Marcil): Merci. Nous reprendrons les travaux à 19 h 30 précises.

(Suspension de la séance à 17 h 17)

(Reprise à 19 h 36)

Le Président (M. Marcil): Reprenons nos travaux. J'inviterais la Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec à s'avancer à la table.

Nous vous souhaitons la bienvenue à cette sous-commission. M. André Dupont, président, nous allons vous laisser la chance et le plaisir de nous présenter vos collègues. Vous aurez une vingtaine de minutes pour présenter le résumé de votre mémoire. Vous savez que vos mémoires ont été analysés et plusieurs questions ont été préparées justement en fonction de votre mémoire. Ensuite, on poursuivra avec un échange de questions. Cela va?

Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec

M. Dupont (André): M. le Président, mesdames, messieurs, membres de cette commission, j'aimerais, en tant que président de la Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec et concessionnaire Mercury à Hull, vous remercier de nous recevoir dans le cadre de votre commission.

Avant que l'on puisse exposer notre mémoire, je désire vous présenter les membres de notre délégation. M. Gabriel Gagnon, premier vice-président de la corporation, propriétaire de Goyette Automobile Limitée, de Chambly, M. Jean Lecours, deuxième vice-président de la corporation, propriétaire de Victoriaville Autos, de Victoriavilte. Quant aux permanents de la corporation, M. Denis Demers, directeur général, Me Jacques Béchard, conseiller juridique, Me Louis Vaillancourt, de la firme Grondin, Poudrier et Associés, les conseillers juridiques de la corporation. Me Vaillancourt est d'ailleurs celui qui vous présentera le mémoire.

Pour vous situer, dès le départ sur notre organisme, la Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec regroupe plus de 850 personnes détenant une concession d'un manufacturier ou d'un distributeur d'automobiles. Les membres de la corporation représentent plus de 90 % des concessionnaires d'automobiles détenteurs d'une concession de vente de véhicules neufs au Québec. Ces concessionnaires sont répartis sur tout le territoire de la province, à l'intérieur des dix régions. Je laisse maintenant à Me Louis Vaillancourt le soin de vous préciser toute l'importance que nous attachons à cette question. Merci.

M. Vaillancourt (Louis): M. le Président, mesdames, messieurs. Tel que nous vous le mentionnons dans le mémoire que nous avons déposé à votre commission, la Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec a toujours été sensible à un des problèmes qui est soulevé dans l'avant-projet de loi, plus particulièrement le problème de l'enregistrement de certains droits.

C'est ainsi qu'au cours des années la corporation a fait diverses représentations auprès de divers ministères pour sensibiliser, d'une part, le législateur sur ce qui pouvait se produire dans d'autres provinces et, . d'autre part, pour pouvoir appliquer ce système-là dans la province de Québec, afin d'assurer une certaine garantie, une certaine sûreté auprès des transactions commerciales que les membres de la corporation font.

Ces transactions sont assez importantes et c'est la raison pour laquelle il nous semblait approprié de faire des représentations afin de s'assurer que les ventes pouvaient se faire sans qu'il y ait dépossession. Vous savez sans doute que les ventes d'automobiles ou de camions sont des ventes assez importantes. On peut penser à des transactions qui se font facilement dans les environs de 100 000 $ à 150 000 $. Le législateur, au cours des années, a cru bon d'implanter un système particulier pour les

transactions qui se font dans le domaine de l'automobile. On se réfère ici plus particulièrement aux dispositions du Code civil, dispositions qui ont été raffinées au cours des années avec l'adoption de l'article 23 du Code de la route de l'époque, pour s'assurer que les personnes qui achètent des véhicules aient une certaine sécurité. Tout cela pour vous mentionner que les concessionnaires et les membres de la corporation sont très sensibles aux garanties qui doivent exister lors des transactions commerciales.

Notre mémoire se divise en deux parties, d'une part, les créances prioritaires et leur assujettissement à la publicité et, d'autre part, les aspects techniques.

Dans la première partie , on parle des créances prioritaires. On divise cette partie en deux, à savoir, d'une part, les priorités et, d'autre part, les droits soumis à la publicité.

À l'article 2806 du titre deuxième du livre sixième, tel que proposé, on voit que l'on suggère de mettre en deuxième ordre de priorité les créances de ceux qui ont le droit d'être remboursés des impenses. Tel qu'on vous le dit dans le mémoire, la corporation est très heureuse de constater qu'une garantie peut être donnée à ce niveau par les priorités. Sauf que, malheureusement, on ne sait pas ce qui va se retrouver dans les autres livres du code.

Lorsque l'on voit le mot "impenses", on peut penser que ce mot se réfère à toutes les améliorations qui sont faites. Or, le commentaire que nous vous faisons est en fonction, entre autres, d'un commentaire qu'on fait un peu plus tard quant à la rédaction. Il n'y a pas de tribunaux, à l'heure actuelle, qui ont analysé la notion d'impenses. Si on se réfère au dictionnaire, on s'aperçoit que la notion d'impenses se réfère aux immeubles. Donc, on a bien beau se réjouir, à un moment donné, et avoir l'impression qu'une priorité est donnée au commerçant qui fait des réparations sur un véhicule automobile, sauf qu'il n'y a absolument pas de garantie que la notion d'impenses couvre précisément les réparations ou les choses du domaine mobilier. D'ailleurs, lorsque l'on voit l'ordre de priorités, on s'aperçoit que l'on ne fait plus référence maintenant à la créance du vendeur. Donc, comme on le mentionne dans le mémoire, on peut imaginer facilement un concessionnaire automobile qui vend un véhicule pour une somme déterminée dont la moitié est payée immédiatement et le solde peut être payable - pour les fins de la discussion - dans trois mois. Ce même véhicule, qui est un véhicule neuf, peut être accidenté et, si on est juste lorsqu'on voit la définition du mot "impenses" qui couvre les améliorations, cela veut dire que la personne qui réparera ce véhicule accidenté aura une priorité sur la personne qui a vendu le même véhicule. Cela nous semble une chose un peu particulière, pour ne pas dire exorbitante, bien entendu en fonction de la notion d'impenses qui, pour nous, dans le moment, semble loin d'être claire. C'est la raison pour laquelle, d'autre part, on recommande d'inclure la créance du vendeur impayé dans les priorités et de placer celle-ci immédiatement après les frais de justice et les dépenses faites dans l'intérêt commun. (19 h 45)

D'autre part, au chapitre II, lorsqu'on parle des droits soumis à la publicité, on vous a mentionné tout à l'heure que nos membres de la corporation ont toujours été sensibles à ce phénomène. De plus en plus de véhicules sont vendus avec des soldes de prix de vente ou encore des véhicules sont loués. Il faut comprendre que dans le domaine de l'automobile, à l'heure actuelle, autant auparavant on pouvait dire dans le domaine immobilier que l'achat d'un immeuble de 10 000 $ valait la peine d'être protéqé, et c'est la raison pour laquelle on offrait un système de sûretés dans le Code civil... Il faut comprendre que les sûretés dans le domaine immobilier sont protégées dans le moment. Sauf que dans le domaine mobilier on a des transactions qui se font d'une façon régulière. Si on prend simplement le phénomène du camionnage au Québec, des transactions d'au-delà de 100 000 $ se font qui, elles, n'ont aucune sûreté. Or, l'article 3303 proposé par l'avant-projet de loi prévoit que sont soumis à la publicité les droits mobiliers dans la mesure où la loi le prescrit. Ce qu'on vous recommande, il nous semble qu'on devrait faire en sorte que cet article soit modifié pour mentionner que sont soumis à la publicité non pas simplement les droits réels immobiliers mais les droits mobiliers aussi.

D'ailleurs, on veut vous souliqner que ce qu'on vous demande, c'est quelque chose qui n'est pas nouveau dans bien des provinces. Dans bien des provinces au Canada, en Ontario, au Manitoba ou en Saskatchewan, il existe un système d'enregistrement des droits réels mobiliers qui font en sorte que les personnes qui transigent dans le domaine de l'automobile sont assurées de savoir qui est le véritable propriétaire. Lorsque nous parlons, vous pouvez penser qu'on pense exclusivement à protéger nos transactions. C'est entendu qu'on pense avant tout aux transactions que nous faisons comme concessionnaires. Mais il n'en demeure pas moins que l'acheteur du véhicule automobile qu'on a vendu et qui l'a payé, cette personne revend par la suite ce véhicule. Pour ce véhicule, ce camion dont je vous parle, des sommes qui peuvent être très importantes, il nous semble qu'il est important que cette personne puisse avoir un moyen d'être assurée que, lorsqu'elle fait sa

transaction, elle fait affaire avec la personne qui est véritablement le propriétaire. Donc, nous vous recommandons que l'avant-projet de loi soit modifié afin de prévoir que soient soumis à la publicité les droits mobiliers.

Un autre commentaire général que nous avons à vous faire en ce qui concerne notre première partie, c'est le style de rédaction. On félicite le législateur d'avoir proposé un style qui est positif, sauf que - c'est là qu'on vous fait des commentaires - je vous ai parlé tout à l'heure du mot "impenses". Ne nous demandez pas ce que cela veut dire exactement, on ne le sait pas. On comprend que le législateur peut être influencé par d'autres législations. Il n'en demeure pas moins que les tribunaux dans le passé ont eu à analyser des mots d'une façon régulière. Pourquoi les mots qui ont subi l'usure du temps ne seraient-ils pas repris dans un projet de loi au lieu d'arriver avec des mots nouveaux qui ne concernent pas nécessairement des notions nouvelles? Cela fera en sorte que les tribunaux seront appelés à se prononcer de nouveau alors que présentement la situation peut être claire.

D'autre part, dans notre deuxième partie, on voudrait vous faire nos commentaires au sujet des aspects techniques de l'avant-projet. Les premiers commentaires dans le chapitre I en ce qui concerne les registres des droits personnels sont relatifs aux formalités de l'enregistrement. À ce que nous sachions, ce sont d'autres personnes qui ont été appelées à se prononcer devant vous et qui ont eu à faire certains commentaires en ce qui concerne les formalités d'enregistrement.

Dans le domaine de l'automobile, les transactions ne sont pas des transactions qui prennent trois semaines avant d'être décidées. Lorsque quelqu'un désire acheter un véhicule, c'est entendu qu'il va visiter les divers concessionnaires et à un moment donné se fait une idée et décide de l'acheter. Si on parle des formalités de l'enregistrement pour garantir le solde de prix de vente par une hypothèque légale, à ce moment, on parle d'un certificat de vérification à l'article 3336. Je suis d'autant plus à l'aise d'en parler que je fais partie d'une des dignes professions qui sont mentionnés dans l'avant-projet de loi. Mais pourquoi serait-il nécessaire pour un concessionnaire automobile qui veut se donner une garantie quelconque d'aller chez un notaire ou chez un avocat pour obtenir un certificat dit de vérification? Encore là, vous allez me dire que le système du droit civil québécois est bien particulier avec nos avocats et notaires, mais dans plusieurs autres provinces, dans les provinces voisines, qu'on parle de l'Ontario ou qu'on parle de la Nouvelle-Écosse ou des Maritimes, ces transactions, pour être garanties, c'est très facile. C'est une formule, un "financial statement" qui doit être enregistré, qui doit être siqné et qui, dans certains cas, doit être assermenté. Ce système fonctionne très bien ailleurs. J'imagine qu'il pourrait fonctionner assez bien chez nous. L'avantage de ce système, bien entendu, c'est sa rapidité et sa simplicité. II n'est sûrement pas nécessaire d'aller voir un avocat pour lui demander ce qu'il pense de la transaction, parce que vous remarquerez qu'on dit que le certificat de vérification doit établir la qualité et la capacité des parties, ainsi que l'adéquation entre l'acte et la volonté des parties quant au droit à être publié. C'est un exercice que je ne crois pas être nécessaire. À partir du moment où quelqu'un décide d'acheter une automobile, il l'achète, il la paie ou il en paie une partie, et nous autres on voudrait bien avoir une certaine sécurité. Ce qu'on vous recommande, c'est que la procédure prévue doit être simplifiée afin de permettre justement que les transactions puissent continuer d'avoir lieu rapidement tout en protégeant les parties en cause.

Lorsque l'on parle des divers registres dans l'avant-projet de loi, on vous mentionne dans notre mémoire qu'il nous semble, encore là, que la consultation ries registres devrait être facile. On parle, à un moment donné, d'un registre central, ou encore qu'on pourra obtenir certaines informations dans les divisions d'enregistrement où un système informatique est utilisé. À l'heure actuelle, le système informatique, à moins que l'on ne soit pas très au courant, n'est pas informatisé partout en province. Si c'est bon pour la personne qui fait affaires dans la région de Montréal - parce que ce sera la première région informatisée - et que c'est nécessaire pour cette personne, pourquoi les gens qui font affaire à Rouyn-Noranda, à Hull ne pourraient-ils pas aussi avoir accès à un même registre? Lorsque l'on parte de registre, bien des fois, bien entendu, on fait référence aux coûts, ou encore on fait référence à la difficulté d'enreqistrer tout ce qui a pu se faire dans le passé. Il nous semble qu'il serait peut-être préférable de mettre un système en place à partir d'une date déterminée où ces transactions seront enregistrées et ce système, qu'il soit aux frais, bien entendu, des gens qui vont l'utiliser. II ne s'agit pas pour nous de vous demander que le gouvernement paie ce système. Il va servir à tous les contribuables, bien entendu, mais, si nous sommes appelés à l'utiliser comme bien d'autres personnes, à ce moment, qu'on ait à en endosser le coût.

Dans le chapitre II de notre mémoire, on fait certains commentaires au sujet de certains articles. On vous réfère plus particulièrement à l'article 2920 qui prévoit que le créancier hypothécaire dont le ranq est antérieur peut exercer ses recours par priorité devant ceux qui viennent après lui. Peut-être avons-nous mal compris cette

disposition, mais, quand on lit attentivement cet article, on ne voit pas pourquoi le créancier antérieur pourrait être obligé de prendre des décisions et de faire un mouvement avant le créancier postérieur. II est possible que le créancier antérieur soit payé parce que sa créance est supérieure, mais il n'y a rien qui l'oblige à ce moment-là, è partir du moment où il est payé, à prendre des dispositions quelconques, alors que le créancier qui est peut-être placé en troisième lieu, s'il y est, à ce moment-là, décidera qu'il est nécessaire de prendre action.

Enfin, à la section 2 de notre mémoire du deuxième chapitre, on vous parle de l'avis d'intention d'exercer un recours, à savoir l'article 2927 de l'avant-projet. Lorsque vous parlez de l'obligation de signifier un avis d'intention d'exercer un recours, permettez-nous de vous dire que nous sommes en accord avec cette proposition. Sauf que, lorsqu'on mentionne que cet avis d'intention doit préciser le recours spécifique qui doit être exercé, il nous semble que c'est exorbitant. C'est plus un avis de défaut qui devrait être expédié et, à partir du moment où la personne continue d'être en défaut après l'expiration, le créancier pourra exercer les recours qu'il voudra bien exercer et qui seront à sa disposition.

Afin de vous apporter certains éclaircissements là-dessus, je pense qu'il est assez intéressant de consulter la jurisprudence en vertu de la Loi sur la protection du consommateur, qui, dans le moment, prévoit un avis de cette nature. Advenant que l'avis ne soit pas précis, les tribunaux ont eu à décider, en certaines circonstances, que cet avis devait être repris ou des choses de cette nature-là. Or, il nous semble qu'à partir du moment où on devrait donner un avis de défaut ce serait suffisant si la personne ne remédie pas au défaut.

D'autre part, certains commentaires généraux, comme la procédure qui, il nous semble, devrait être plutôt au Code de procédure civile. Le paiement des assurances, tel qu'on vous le mentionne dans notre mémoire, en raison de l'article 2860, encore là, de la manière qu'il est écrit et à l'endroit où il est écrit, on croit que cela s'applique exclusivement dans le domaine immobilier, alors que cela devrait s'appliquer dans le domaine mobilier aussi; il en est de même pour le droit de suite.

Donc, ce sont là les principaux commentaires que nous avons à vous faire sur l'avant-projet de loi que nous avons étudié et pour lequel nous avons soumis nos commentaires. Finalement, tel qu'on vous le mentionnait précédemment, il nous semble important d'harmoniser certaines lois avec lesquelles les concessionnaires font affaire fréquemment. Il y a, bien entendu, la Loi sur la protection du consommateur. Lorsqu'on vous parlait d'avis de défaut, tout à l'heure, quel est l'avis de défaut qui va s'appliquer? Est-ce que c'est l'avis de défaut en vertu de la Loi sur la protection du consommateur ou est-ce celui-ci? Donc, il nous semble important que les textes soient harmonisés afin de savoir précisément en vertu de quel article les droits seront exercés, tant pour les créanciers que pour les débiteurs.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, Me Vaillancourt. Maintenant, nous allons passer à la période d'échanges. J'inviterais le député de Marquette, adjoint parlementaire au ministre de la Justice, à débuter.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. J'aimerais, tout d'abord, souhaiter la bienvenue à la Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec, qui est très bien représentée ce soir. Je veux vous féliciter, premièrement, pour votre préparation et pour la présentation de votre mémoire. Avant de vous poser quelques questions, je vais demander à Me Longtin, qui m'a fait signe qu'elle avait une question pour vous, qui est directrice de la législation ministérielle au ministère de la Justice, de vous poser sa ou ses questions. (20 heures)

Mme Longtin (Marie-Josée): M. le Président, en fait mes questions ont plusieurs volets. D'une part, vous demandez le maintien du privilège du vendeur impayé; d'autre part, vous suggérez qu'on établisse un formulaire pour permettre d'enregistrer aisément les hypothèques du vendeur concessionnaire de voitures. Si, par ailleurs, on établit un tel formulaire, pourquoi faudrait-il conserver le privilège du vendeur? Il deviendrait assez aisé, dans une convention contractuelle, au moment de la vente d'une voiture, d'un véhicule automobile, de procéder à cet enregistrement.

L'autre aspect de ma question, c'est... Je ne suis pas trop certaine si j'ai compris. Évidemment, d'abord, le projet de loi prévoit l'enregistrement des sûretés et non pas l'enregistrement de toutes les ventes de véhicules automobiles. Je ne me souviens pas si vous avez suggéré un enregistrement global ou cet enregistrement de sûretés. C'est le deuxième point.

J'aurais un autre aspect. Je ne sais pas si vous préférez répondre et je poserai une autre question par la suite.

M. Vaillancourt (Louis): Pour ce qui est des priorités, on ne voit pas de contradiction entre, d'une part, le privilège du vendeur qui se continuerait et, d'autre part, l'utilisation de formules pour qarantir une hypothèque légale. Je crois que c'est absolument... À l'heure actuelle, il n'y a rien qui s'y oppose. Pratiquement, c'est une chose qui peut se

faire très facilement. Je ne vois pas en quoi ce serait inconciliable.

Mme Longtin: Mais, dans l'hypothèse où... Évidemment, le projet de loi n'a pas retenu la présomption d'hypothèque, ce qui signifie que vraisemblablement... C'est certain qu'ici on n'a qu'un volet de la réforme. Donc, il est vraisemblable qu'en matière de droit des obligations le vendeur a généralement un droit de résolution de la vente. Si c'est pour défaut de paiement du prix, il peut l'avoir. Il peut évidemment faire une vente conditionnelle. II peut avoir un droit de revendication. Là, il aura un privilège de vendeur impayé et, en plus, une hypothèque. Cela fait quand même cinq possibilités pour lui d'agir en cas de défaut de paiement par son acquéreur. Est-ce que ce n'est pas beaucoup?

M. Vaillancourt (Louis): Ce sont des choses qui existent à l'heure actuelle.

Mme Longtin: Oui.

M. Vaillancourt (Louis): Si les parties ont convenu de procéder de cette façon, que ce soit par contrat de vente conditionnelle où il y a une rétention du droit de propriété... Ces pratiques n'existaient pas il y a peut-être bien des années, mais, à un moment donné, les pratiques commerciales ont voulu qu'il en soit ainsi. Plus les gens ont de l'imagination pour faire des transactions, que ce soient des consommateurs ou des commerçants, et que cela permet à tous de faire des transactions avantageuses de part et d'autre, on ne croit pas que ce soit quelque chose qui s'oppose.

Mme Longtin: J'aurais une autre petite question qui est d'information plus qu'autre chose. Vous avez mentionné que, dans le domaine de l'automobile, on faisait, par tradition, beaucoup de ventes et que l'on commence de plus en plus à faire de la location. Je voulais savoir si on retrouve de plus en plus le besoin de certains types d'opérations commerciales de la nature du crédit-bail immobilier en matière de...

M. Vaillancourt (Louis): Pardon?

Mme Longtin: Je voulais savoir si, en matière de véhicule automobile, on retrouve une tendance vers le crédit bail...

M. Vaillancourt (Louis): À l'heure actuelle, peut-être que mes collègues pourront...

Mme Longtin: ...dans les locations à long terme.

M. Vaillancourt (Louis): Pratiquement...

Une voix: Vous parlez de location d'automobiles?

M. Vaillancourt (Louis): Oui.

Une voix: Maintenant, chez moi, environ 25 % des transactions sont de la location. II y a des concessionnaires pour qui cela représente 2 %, 3 %. Il y en a qui n'en font pas du tout. Mais il y en d'autres qui sont à au-delà de 50 % de leur...

Mme Longtin: Est-ce que ces locations sont généralement assorties d'un droit d'acquisition?

M. Vaillancourt (Louis): Non, madame. Mme Longtin: Non?

M. Vaillancourt (Louis): À l'heure actuelle, la pratique, en Amérique du Nord... Si on regarde les statistiques aux États-Unis en ce qui concerne les transactions - M. le président me corrigera - les chiffres relatifs à la proportion de location sur la totalité des transactions automobiles qui se font sont au-delà de 50 % dans bien des domaines. Lorsque l'on parle de ces locations, on parle de locations sans - avec la notion de crédit-bail - on parle d'une location - excusez-moi - "straight".

Une voix: "Straight lease".

Mme Harel: M. le Président, je veux simplement demander si on a répondu à la question de Me Longtin concernant l'enregistrement des sûretés ou l'enregistrement des transactions; il me semble qu'on n'a pas répondu à la deuxième partie de la première question.

M. Dauphin: Parce que le monsieur n'avait pas saisi la question.

Mme Longtin: Oui, à savoir si, dans votre mémoire ou dans vos représentations, vous souhaitiez qu'on enregistre toutes les ventes de véhicules automobiles ou, comme le fait l'avant-projet de loi, strictement les hypothèques qui sont prises sur les opérations immobilières.

Une voix: Les hypothèques.

Mme Longtin: Les hypothèques seulement. Je reviens au crédit-bail. C'est parce que plusieurs l'assimilent, par le biais de la présomption d'hypothèque, à une sûreté mais il me semble que le leasing est quand même une opération assez courante aux États-Unis, surtout dans les flottes de véhicules pour le camionnage ou le transport en vrac.

M. Vaillancourt (Louis): Peut-être que

M. Gagnon peut en parler, je crois qu'il y a là... Lorsqu'on parle de leasing et au Québec lorsqu'on parle de location dans le domaine de l'automobile, on parle de deux choses, bien des fois. Avec l'expérience qu'il semble y avoir dans le moment dans le domaine de l'automobile, c'est loin d'être les transactions sous la forme de leasing qui l'emportent. On parle beaucoup plus de contrats de location standard. Sinon, lorsque vous parlez de leasing, vous parlez probablement de flottes qui peuvent être achetées, d'une certaine façon, par de grosses corporations qui mettent leurs véhicules à la disposition de leurs employés, que ce soit des compagnies d'assurances, des entreprises de ce genre, et ce n'est pas la majorité des transactions.

M. Gagnon (Gabriel): Je peux peut-être me permettre de préciser certaines choses. Vous parlez de crédit-bail, je vais essayer de distinguer un petit peu quand on parle de location et tout cela, il y a différents styles de location qui se font. Actuellement, il y a énormément de location qui est faite, si vous voulez, de la part des manufacturiers. Alors, bien souvent dans ce genre de location, on parle de location pure pour une durée de trois, quatre ou cinq ans où le client ne rachète pas le véhicule. Par contre, si on va plutôt dans le camion et notamment dans le camion lourd, il est évident que dans ces cas il y a beaucoup plus de crédit-bail parce qu'après un certain temps l'entreprise ou l'individu va acheter le véhicule. Je pense qu'il faut un petit peu séparer les automobiles, les camions... Ce sont des genres de location ou de crédit-bail qui sont un petit peu différents, selon le type de véhicule qui est vendu ou loué, si vous voulez.

M. Dauphin: Question d'information. Quelle est la proportion de véhicules vendus qui ne sont pas payés comptant?

M. Gagnon: Je dirais qu'actuellement les statistiques veulent qu'il y ait 95 % des véhicules avec du financement.

M. Dauphin: 95 % avec du financement. M. Gagnon: Oui.

M. Lecours (Jean): Maintenant, cela ne veut pas dire...

M. Dauphin: Pas nécessairement financés par vous.

M. Lecours: C'est justement. Ce n'est pas nécessairement financé par un contrat de vente conditionnelle. Cela peut être financé par un emprunt personnel à la caisse populaire ou à la banque.

M. Dauphin: Mais vous êtes payés quand même.

M. Lecours: Nous sommes payés quand même. Il n'y a pas de lien enregistré sur le véhicule, que ce soit par la caisse populaire ou par la banque, s'il n'y a pas de contrat de vente conditionnelle.

Le Président (M. Marcil): Si on précisait à ce moment la question. Quel est le pourcentage de véhicules vendus et financés par les concessionnaires?

M. Lecours: Par contrats de vente conditionnelle, on peut parler d'environ 60 %.

Le Président (M. Marcil): 60 %.

M. Lecours: Oui.

Le Président (M. Marcil): Et 40 % par des institutions bancaires?

M. Lecours: À peu près. Admettons 35 %, et 5 % que les privilégiés pourraient payer comptant.

M. Dauphin: C'est intéressant de savoir cela. Vous demandiez au tout début de votre revendication ou recommandation que le privilège du vendeur ou l'hypothèque légale du vendeur prévue à l'article 2888 devienne une priorité ou un privilège. Vous avez également mentionné, à l'article 2807, c'est-à-dire les créances prioritaires, qui a rapport au remboursement des impenses, un peu l'absurdité d'avoir un vendeur qui ne serait pas payé alors qu'un garagiste voisin réparant l'auto serait payé en priorité. D'ailleurs, vous vous êtes réjoui de cette disposition à l'article 2807. Vous êtes le seul groupe à s'être réjoui, à ma connaissance, depuis hier de cette disposition. Tout le monde demande son retrait. Vous vous en réjouissez tout en plaidant l'absurdité en même temps de la disposition. Est-ce que c'est du fait que vous voudriez être parmi les prioritaires au lieu d'être dans le groupe des hypothèques légales?

M. Vaillancourt (Louis): C'est évident.

M. Dauphin: C'est ce qui vous justifie en priorité?

M. Vaillancourt (Louis): Pas nécessairement, ce n'est pas le fait qu'une priorité soit accordée à celui qui fait la réparation, comparativement à celui qui vend, mais il n'en demeure pas moins que celui qui vend, c'est son bien qui est réparé et par la suite il ne sera pas payé, et l'autre personne qui fait les réparations peut être payée. Donc, il nous semble que la personne qui vend a

avant tout un droit principal. D'autre part, si on regarde les priorités, vous remarquerez que l'État, pour sa taxe de vente, pour le bien vendu, est prioritaire. Donc, si la taxe de vente est prioritaire, il me semble que le prix de vente ou le solde du prix de vente devrait être prioritaire.

M. Dauphin: On se dit que la taxe de vente de l'État représente des deniers publics. On sort du domaine du privé et à ce moment-là...

Des voix: Nous, on vous parle de nos deniers.

M. Dauphin: ...c'est l'intérêt collectif qui en cause qui nous justifie de préserver cette priorité, sauf que vous vous sentiriez moins frustré si on enlevait demain matin la disposition qui parle du remboursement des impenses. Disons que vous plaideriez avec moins de vigueur.

M. Vaillancourt (Louis): Ne me faites pas dire des choses qu'on ne dit pas. Je ne suis pas prêt à dire cela.

M. Dauphin: D'accord. Hier, on a rencontré plusieurs associations, notamment un organisme qui relève du ministère de la Justice, la Commission des services juridiques, qui, tout le monde l'admet, dans un premier temps est venu nous parler du consommateur, de sa clientèle. Normalement, les services d'aide juridique sont dispensés à une clientèle majoritaire comparativement aux commerçants - j'entends en termes de nombre - puis elle nous disait qu'effectivement l'avant-projet de loi semblait protéger plus les créanciers que les consommateurs -cela ne veut pas dire que c'est ce que l'on pense - et qu'il y avait une espèce de problème avec l'hypothèque mobilière. C'était pour surendetter les consommateurs, même qu'elle n'était pas viable et que l'on s'embarquait dans un bateau assez important, finalement. Évidemment, représentant les concessionnaires d'automobiles, vous n'avez sûrement pas la même définition d'une hypothèque mobilière qui viendrait dans notre droit. J'aimerais avoir votre opinion sur la généralité de l'hypothèque mobilière.

M. Vaillancourt (Louis): Lorsque vous dites que l'avant-projet de loi semble protéger plus le créancier que le débiteur ou le consommateur, permettez-moi de vous dire qu'en fonction des commentaires qu'on a faits auparavant, où le privilège du vendeur n'existe pas en ce qui concerne la priorité, j'ai de la difficulté à voir comment le créancier est plus protégé ou que le vendeur est plus protégé.

Pour ce qui est de l'hypothèque légale, j'ai de la difficulté à comprendre que l'on puisse dire que cela ne peut pas être viable. D'une part...

Une voix: L'hypothèque mobilière. (20 h 15)

M. Vaillancourt (Louis): Excusez-moi, l'hypothèque mobilière. La réalité commerciale fait que présentement la plupart des transactions, comme l'ont dit les représentants de la corporation, se font sous la forme d'un contrat de vente conditionnelle. Donc, à l'heure actuelle, on veut s'assurer que le contrat de vente conditionnelle soit réellement protéqé par un système d'enregistrement. L'hypothèque mobilière, lorsque l'on voit ce qui se produit dans les autres provinces, lorsqu'on parle de "chattel mortqage", permettez-moi de vous dire que tant dans les autres provinces qu'aux États-Unis c'est un système qui va très bien. Je ne vois pas comment le consommateur peut être défavorisé par cela. À ce moment-là, je serais porté à dire le contraire parce que pour les institutions financières c'est une consécration par le législateur qu'une sûreté existe sur un bien; à ce moment, l'hypothèque mobilière peut tout simplement aider tant les consommateurs que les commerçants dans les transactions qu'ils font.

M. Dauphin: Toujours, si vous me permettez, sur l'hypothèque mobilière, cet après-midi, un groupe nous a recommandé d'élargir; dans l'avant-projet de loi, pour les personnes physiques, c'est limité à un bien que tu acquiers. Exemple: Je m'en vais chez un concessionnaire d'autos, j'achète une auto, l'hypothèque mobilière est possible pour une personne physique, un citoyen ordinaire. On nous proposait d'élargir sur l'universalité ou d'élargir "at large" les possibilités d'hypothéquer. Exemple: Si quelqu'un achète une voiture de 30 000 $, elle sort du garaqe et tout le monde sait qu'au bout d'un mois ça ne vaut plus 30 000 $. Elle est usagée. Je ne sais pas, un chiffre, disons, 22 000 $. À ce moment, je présume que vous seriez intéressé, je n'ai même pas besoin de vous poser la question, d'élargir la possibilité d'hypothéquer les biens du débiteur - non seulement votre privilège de vendeur sur le bien, mais également sur d'autres biens -pour récupérer.

M. Vaillancourt (Louis): Comme vous le dites, lorsque le véhicule automobile sort du garage, on peut partir du principe qu'il est déprécié de 30 % immédiatement, ou non?

Une voix: Non.

M, Gagnon: La dépréciation n'est pas si forte que ça, mais il reste que quand même il y a effectivement une certaine dépréciation dès le moment où le véhicule

est sur la route.

M. Dauphin: Ça peut être combien à peu près, par curiosité?

Une voix: De 10 % à 15 %. La dépréciation est encore plus forte quand il sort du garage et qu'il a une collision!

M. Dauphin: À ce moment, le garagiste qui répare serait payé avant vous autres. D'accord. Je sais quoi dire à mon ministre demain matin.

Le Président (M. Marcil): Je vais reconnaître Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. M. Dupont, M. Vaillancourt et les gens qui vous accompagnent, c'est toujours intéressant de faire un exercice d'application pratique de dispositions comme celles contenues dans l'avant-projet de loi, en regard d'un secteur d'activité que l'on connaît bien, que l'on connaît tous et qui est celui des transactions en matière d'automobiles. Cela nous permet de voir l'application concrète des dispositions contenues dans l'avant-projet de loi en regard de l'état du droit présentement. Vous avez donné l'exemple des réparations qui seraient faites sur un véhicule endommagé que vous auriez vendu en faisant mention que la perte du privilège de vendeur impayé aurait des conséquences et vous nous les avez décrites. Mais dans l'état actuel du droit, aujourd'hui, te garagiste réparateur aurait un droit de rétention qui pourrait vous être opposable - c'est l'état actuel du droit - malgré le privilège. Alors, ce que vous souhaitez, c'est qu'on change, finalement, le droit.

M. Vaillancourt (Louis): Vous le changez ici parce que le droit de rétention on ne le retrouve pas ici. Je dois vous dire que l'on s'est interrogé longtemps sur le droit de rétention. Lorsqu'on regarde le rapport de l'Office de révision du Code civil, qui faisait mention que le droit de rétention devait faire partie du chapitre des sûretés, et celui que l'on a ici, on ne retrouve pas cela du tout dans cet avant-projet de loi. On s'est longuement interrogé et on a cherché longuement. Peut-être que le législateur a quelque chose, ou M. Cossette ou d'autres personnes ont d'autres idées à cet effet.

Une voix: Ça s'en vient au mois de décembre.

M. Vaillancourt (Louis): Ça s'en vient au mois de décembre. On ne le savait pas.

M. Lecours: Me Vaillancourt, cela faisait partie de votre commentaire quand vous parliez de l'harmonisation des différentes lois, comme la Loi sur la protection du consommateur, de l'harmoniser avec le Code civil quand on parle du droit de rétention, du privilège du réparateur et du privilèqe du vendeur. Cela faisait partie...

Mme Harel: Dans l'état actuel du droit, le droit de rétention, c'est une priorité sur le privilège du vendeur impayé.

M. Vaillancourt (Louis): Le droit de rétention, oui.

Mme Harel: Alors...

M. Vaillancourt (Louis): Sous réserve des limites qui ont été imposées par la Loi sur la protection du consommateur.

Mme Harel: Oui.

M. Vaillancourt (Louis): Parce que le droit de rétention a été limité.

Mme Harel: Dans les dispositions qui sont contenues dans l'avant-projet, à ce moment-là, vous savez certainement que tous les groupes ou presque, pas tous, mais plusieurs des groupes qui vous ont précédé ont plaidé en faveur d'un respect plus qrand des recommandations de l'Office de révision du Code civil pour mettre tous les créanciers, le plus possible, disons peut-être pas sur un même pied, mais en tout cas sur une même ligne de départ; il y en a qui vont aller plus vite que d'autres, II s'est beaucoup plaidé le fait que, justement, on devait simplifier et, dans le domaine des sûretés, ne plus en maintenir d'occultes et ne plus maintenir de privilèges. Alors, quelle est votre réaction, Me Vaillancourt, à l'égard de toutes ces recommandations?

M. Vaillancourt (Louis): C'est entendu que lorsque l'on parle... Il peut y avoir eu beaucoup de commentaires qui ont pu être faits de cette nature, plus particulièrement -si je me rappelle les commentaires qui ont été faits - dans le passé, dans le domaine de la construction, où on a tout le phénomène des privilèges pour les personnes qui vendent des biens, qui enregistrent, etc. À l'heure actuelle, lorsque l'on parle de biens, du privilège du vendeur, il nous semble que ce privilège doit continuer à exister. Vous me dites que, bien entendu, les gens veulent que le bien soit le gage commun des créanciers; ce sont les principes qui sont mentionnés dans l'avant-projet de loi. Mais nous croyons que la personne...

Si le législateur a cru approprié de laisser le principe des priorités, à ce moment-là, on dit que celui qui vend doit être prioritaire. Si, comme vous avez mentionné, madame, on veut que tous les gens soient sensiblement sur le même pied et

qu'on ait l'hypothèque mobilière, parfait! Sauf qu'à l'heure actuelle on fait accroc à ce principe, dès le départ, avec le principe des priorités. Donc, si on juge à propos d'avoir des priorités, on pense que celui qui vend doit nécessairement être prioritaire. On est d'accord avec "tout le monde sur un même pied", sauf que, lorsqu'on regarde l'avant-projet de loi, ce n'est pas cela.

Mme Harel: Dans le fond, vous me dites: S'il y en a qui ont le pied devant, on veut être dedans,

M. Vaillancourt (Louis): Surtout que la transaction n'aurait pas pu avoir lieu si on n'avait pas été là.

Mme Harel: Si on revient, peut-être, sur la question des transactions. Évidemment, on parle beaucoup de la transaction entre un commerçant et un consommateur, mais la Commission des services juridiques est venue nous faire part que beaucoup de transactions se faisaient aussi entre des non-commerçants. Vous avez dit que le souhait, ce n'était évidemment pas que toutes les ventes soient protégées par le système d'enregistrement, finalement; c'est l'hypothèque, c'est la garantie, c'est la sûreté. Présentement, pour garantir votre solde, vous avez beaucoup de recours... Les recours à votre disposition vous satisfont-ils, présentement?

M. Vailiancourt (Louis): Les recours, à l'heure actuelle, sont simplement des recours contractuels qui ont été inventés au cours des années? c'est le contrat de vente conditionnelle. Donc, c'est le problème... C'est pour cela que ce n'est pas satisfaisant dans le moment. C'est qu'on fait affaire avec des biens, ne nous le cachons pas, qui valent beaucoup de sous. Ces biens sont transigés entre diverses personnes. Nous, lorsque l'on prend... Si un consommateur vient nous voir, veut acheter un véhicule neuf et nous apporte, en échange, son véhicule usagé, comment peut-on savoir que le véhicule qu'il nous vend est un véhicule sur lequel il n'y a pas une garantie en vertu d'un contrat de vente conditionnelle? II n'y a pas moyen de le savoir. Cela, on le dit lorsqu'on parle entre commerçants et consommateurs, mais le phénomène existe entre tous les consommateurs qui se vendent des véhicules usagés, entre autres. Quelle est la proportion de ventes de véhicules usagés qui se fait entre consommateurs"?

M. Gagnon: II se vend...

M. Vailiancourt (Louis): Ils ne passent pas par nous.

M. Gagnon: Approximativement, 60 % des transactions de véhicules d'occasion se font entre particuliers. Alors, la majorité des transactions de ces véhicules se font entre différents particuliers, plutôt que de passer par le réseau de commerçants.

Mme Harel: Me permettez-vous de vous redemander le pourcentage? Je n'ai pas bien compris.

M. Gagnon: C'est 60 %. Mme Harel: D'accord.

Le Président (M. Marcil): Ce qui veut dire que vous ne pouvez jamais savoir s'il y a une mainlevée sur une voiture.

M. Vailiancourt (Louis): C'est la raison pour laquelle on se retrouve avec des ventes, à un moment donné, et des dépossession s. On peut vous raconter des histoires d'horreur de dépossession. Pour des commerçants, vous allez me dire que c'est moins attristant que pour des particuliers...

Le Président (M. Marcil): C'est la raison pour laquelle vous cherchez à introduire un genre de fichier central dans lequel toutes les transactions seraient enregistrées.

M. Vaillancourt (Louis): C'est l'objet de nos demandes et de nos récriminations depuis plusieurs années.

Le Président (M. Marcil): Quand on parle de toutes les transactions, ce n'est pas uniquement pour le véhicule neuf, c'est également pour le véhicule usagé.

M. Vailiancourt (Louis): Exactement, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Ce qui veut dire que, lorqu'un individu arrive chez vous avez un véhicule usagé, qu'il vous le donne en échange, vous pouvez référer au fichier central pour savoir si...

M. Vailiancourt (Louis): C'est exactement cela, M. le Président.

Mme Harel: Non pas pour savoir s'il est propriétaire, pour savoir s'il y a une sûreté.

M. Vailiancourt (Louis): S'il y a une sûreté...

Le Président (M. Marcil): Une sûreté. M. Vaillancourt (Louis): ...exactement.

Mme Harel: Parce que cela ne donnera pas pour autant une information sur la propriété.

M. Vaillancourt (Louis): Par d'autres moyens, à l'heure actuelle, il peut y avoir moyen d'avoir...

Mme Harel: Ce n'est pas la même chose.

Le Président (M. Marcil): Non?

M. Vaillancourt (Louis): Par d'autres moyens, à l'heure actuelle, il pourrait y avoir... Je pense plus particulièrement au . système de permis d'enregistrement.

Mme Harel: Oui.

M. Vaillahcourt (Louis): À l'heure actuelle.

Mme Harel: Oui.

M. Vaillancourt (Louis): Si les déclarations justes sont faites.

Mme Harel: Avec les modifications qui ont été apportées, entre autres, au code.

Le Président (M. Marcil): Est-ce que cela va?

Mme Harel: Voulez-vous poser des questions? Peut-être alternativement et on reviendra.

M. Pineau: M. le Président, s'il vous plaît, une question d'information. Sur le certificat d'immatriculation de l'automobile, quel est le nom qui est mentionné? Est-ce le nom du propriétaire ou est-ce le nom de celui qui détient l'automobile?

M. Dupont: Quand il achète une voiture neuve?

M. Pineau: Oui, une voiture neuve ou d'occasion, peu importe...

M. Dupont: La voiture neuve est immatriculée au nom du client.

M. Pineau: Au nom du client. M. Dupont: Du consommateur.

M. Pineau: Même s'il y a une réserve de propriété?

M. Dupont: Même s'il y a une créance dessus.

M. Pineau: Même s'il y a une réserve de propriété?

M. Dupont: Oui, monsieur. Une voix: Oui.

Le Président (M. Marcil): Une voiture en garantie, c'est un prêt personnel que...

M. Dupont: C'est cela.

Le Président (M. Marcil): ...les qens vont négocier avec une institution financière.

M. Dupont: Ou même sur le contrat de vente conditionnelle.

Mme Harel: Dans une vente condi tionnelle, par exemple, si j'ai un certificat d'immatriculation d'une location...

Une voix: Un crédit-bail.

Mme Harel: ...un crédit-bail, c'est le garage automobile qui apparaît comme...

M. Dupont: Propriétaire de l'auto.

Mme Harel: ...propriétaire. Dans le cas d'une vente conditionnelle, le nom qui est inscrit comme propriétaire, est-il celui du garage ou...

M. Dupont: Non. Dans le cas d'une vente conditionnelle, c'est seulement le nom du consommateur qui est inscrit.

Une voix: De l'acheteur.

M. Dupont: II n'y a aucune indication mentionnant qu'il s'agit d'une vente conditionnelle. Il y a seulement le nom de l'acheteur, point.

Le Président (M. Marcil): Est-ce que cela va? Y a-t-il d'autres questions? Oui, Me Cossette.

M. Dauphin: Oui, Me Cossette, c'est ici chez vous.

Le Président (M. Marcil): Allez-y.

M. Cossette (André): Je voudrais poser une question à Me Vaillancourt. Sachant que l'hypothèque mobilière est possible et, conséquemment, l'hypothèque mobilière sur un véhicule automobile, est-ce que, d'après vous, les concessionnaires d'automobiles feraient encore des ventes avec réserve de propriété?

M. Vaillancourt (Louis): Vous posez une bonne question.

M. Cossette: C'est important pour nous de le savoir.

M. Vaillancourt (Louis): Vous posez une question hypothétique à laquelle j'ai de la difficulté à répondre. Malheureusement, M. Cossette, je ne le sais pas. C'est possible...

Qu'est-ce qui va se produire dans la vraie vie, c'est ce que vous voulez savoir?

M. Cossette: Oui, oui.

Mme Harel: Peut-être qu'un de vos membres pourrait y répondre.

M. Vaillancourt (Louis): Oui, oui, bien sûr.

M. Lecours: Quand vous parlez d'une réserve de propriété, vous faites référence à une vente conditionnelle, bon. À ce moment, il y a vente conditionnelle lorsqu'il y a un contrat de financement par une maison de financement. Fort probablement que tout ça va continuer. D'après moi, en tout cas. La maison de financement qui finance le véhicule va continuer à avoir un contrat de vente conditionnelle avec une réserve de propriété. Là où on va demander une hypothèque mobilière sur un bien ou sur une voiture qu'on vend ou sur un camion, c'est lorsque... Des situations, bien souvent, se présentent où le consommateur vient nous voir et dit: Écoute, moi je l'achète. Je te paie, etc. Sauf que je vais te faire un chèque payable dans un mois parce que j'ai des montants qui sont dus, des obligations, je ne veux pas sortir ça, etc.

À ce moment, nous, on a une protection s'il nous signe un billet, sauf qu'on n'a pas un droit direct sur le véhicule et que le client peut se retourner de bord et aller vendre le véhicule. Cela s'applique à nous autres, mais ça s'applique aussi entre consommateurs, cette situation. Pour répondre à la question: Oui, il va continuer à y avoir des contrats de vente conditionnelle lorsque financés par des maisons de financement. Mais nous, lorsqu'on vend ou qu'on loue un véhicule à un client et qu'on veut prendre une hypothèque mobilière sur le véhicule pour s'assurer que le client ne se retournera pas de bord et ne vendra pas le véhicule et que nous autres, sans qu'on soit au courant et sans qu'on ait de recours ou que le client qui veut acheter un véhicule et qui veut être bien sûr qu'il va être propriétaire du véhicule... Il faut avoir un fichier où on peut vérifier véritablement s'il y a un lien qui est rattaché au véhicule. Je ne sais pas si ça répond un peu. Oui, il va continuer à y avoir des rétentions de propriété dans le cas des financements par les maisons de financement par le biais de contrats de vente conditionnelle. Sauf qu'il y a d'autres types de transactions où présentement il n'y a pas de sûreté ni pour l'acheteur qui ne sait pas s'il achète un bien libre de toute obligation ni pour nous autres.

Le Président (M. Marcil): Ça va? Est-ce qu'il y a d'autres questions? Tout est clair. Si vous voulez procéder à la conclusion, Mme la députée.

Mme Harel: II ne faut jamais poser cette question en commission parlementaire sur un avant-projet de loi. Tout est clair.

Le Président (M. Marcil): II me semble, toujours. C'est le premier groupe où on peut réellement saisir l'importance du projet de loi. Oui.

Mme Harel: Parce que d'abord ça devient une question contentieuse.

Le Président (M. Marcil): Ce que je voulais dire, Mme la députée, c'est qu'il ne demande pas grand-chose. Il s'agirait simplement de l'appliquer.

Mme Harel: Ça, l'évaluation, c'est laissé à la commission. J'aimerais remercier, au nom de ma formation politique, les représentants de la corporation, M. le président, les personnes qui vous accompagnent, vos conseillers juridiques, et vous dire que c'est toujours utile de venir présenter votre point de vue en espérant que vous ayez l'occasion de le faire à d'autres moments.

Une voix: On vous remercie de nous avoir entendus.

M. Dauphin: Au nom du gouvernement du Québec, j'aimerais vous remercier de votre présence, de votre participation et vous dire que c'est un avant-projet de loi, alors, vos recommandations seront étudiées attentivement avec intérêt dans le but de bonifier le projet. Merci d'être venus.

Le Président (M. Marcil): Voyez-vous, moi, je n'ai ni de formation d'avocat ni de notaire, donc, je peux considérer que la question était très claire. Bonsoir. Oui, c'est un privilège que j'ai. Nous allons suspendre pour deux minutes et je demanderais aux gens de l'Association de la construction de Montréal et du Québec de s'avancer.

(Suspension de la séance à 20 h 35)

(Reprise à 20 h 43)

ACMQ

Le Président (M. Marcil): Nous poursuivons nos travaux et nous allons entendre les représentants de l'Association de la construction de Montréal et du Québec. J'espère que vous n'avez pas trop de problèmes de ce temps-ci avec les débrayages?

Une voix: On en a.

Le Président (M. Marcil): Vous en avez? Donc, M, André Morin, président. Je vais vous laisser le soin de présenter vos collègues et je vous signifie que vous avez à peu près 15 ou 20 minutes pour présenter votre mémoire, tout en sachant que le mémoire a déjà été analysé par tout le monde ici; ensuite, on procédera à une période de questions. Allez!

M. Morin (André O.): M. le Président, mesdames et messieurs les membres de la sous-commission, l'Association de la construction de Montréal et du Québec est heureuse de l'occasion qui lui est donnée de vous rencontrer aujourd'hui. Permettez-moi d'abord de vous présenter notre délégation: à ma droite, M. Jacques McDonald, président du comité spécial de l'ACMQ sur les privilèges de la construction; à mon extrême droite, Me Claude Bonenfant, directeur des affaires juridiques de l'ACMQ, et, à ma gauche, Me Jacques Théoret, directeur général de notre association. Mon nom est André O. Morin, président de l'ACMQ.

L'Association de la construction de Montréal et du Québec, l'ACMQ, est un organisme sans but lucratif à appartenance volontaire qui a été fondé à Montréal en 1897. Elle représente actuellement près de 3 000 entrepreneurs généraux ou spécialisés et fabricants et fournisseurs de la construction dont l'activité s'étend à tout le territoire du Québec, Cette activité touche aussi bien les domaines du bâtiment résidentiel, commercial et industriel que la construction institutionnelle ou d'ouvrage de génie civil. Si on se base sur le nombre d'heures rapporté à la Commisison de la construction du Québec pour des travaux à pied d'oeuvre seulement, les membres que représente l'ACMQ touchent environ 55 % des travaux de construction qui s'exécutent annuellement au Québec, exception faite de la petite construction résidentielle. Or, environ 90 000 000 d'heures ont été rapportées à la Commission de la construction en 1986 et, selon les plus récentes prévisions, ce chiffre devrait atteindre pour 1987 les 97 000 000 d'heures.

Ainsi que vous le savez maintenant, notre association est l'une des six signataires de la déclaration conjointe qui a été lue et déposée devant vous par les représentants de la Fédération de la construction du Québec hier soir. Nous y demandons que soit conservé l'actuel privilège de la construction et qu'il soit amélioré suivant les recommandations faites dans les mémoires présentés à la commission des institutions au nom des entrepreneurs, sous-entrepreneurs et fournisseurs de matériaux de l'industrie de la construction du Québec. Rappelons que ces six associations, que sont l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec, la Corporation des maîtres électriciens du Québec, la Corporation des maîtrès mécaniciens en tuyauterie du Québec, la Fédération de la construction du Québec et l'Association de la construction de Montréal et du Québec, regroupent l'immense majorité des entrepreneurs, sous-entrepreneurs et fournisseurs de matériaux de l'industrie de la construction.

De plus, je tiens à souliqner ici que notre mémoire a reçu l'appui de six associations régionales de la construction qui sont: l'Association de la construction de l'ouest du Québec, l'Association de la construction de l'Outaouais, l'Association de la construction de Saint-Hyacinthe-Ragot-Rouville, l'Association de la construction des Laurentides, l'Association de la construction du centre du Québec Inc., et l'Association de la construction Richelieu-Verchères-Bertrand. Nous nous félicitons aussi de l'appui qu'a reçu cet après-midi notre position commune de la part de l'Association des architectes en pratique privée du Québec.

Je cède maintenant la parole à M. Jacques McDonald, président du comité spécial de notre association sur les privilèqes de la construction, qui va vous présenter les vues de notre association sur l'avant-projet de loi. Merci.

Le Président (M. Marcil): M. McDonald.

M. McDonald (Jacques): Devant l'importance des modifications qui sont suggérées dans l'avant-projet de loi quant aux privilèges de la construction, notre association a voulu faire porter son mémoire uniquement sur cet aspect de l'avant-projet de loi.

Le privilège est en effet d'une importance capitale dans notre industrie et nous sommes opposés à sa transformation en hypothèque légale. Ce chanqement radical, s'il était retenu, aurait entre autres comme conséquence de réduire de façon majeure la seule protection ultime dont disposent les entrepreneurs de construction, les entrepreneurs sous-traitants et les fournisseurs de matériaux afin d'assurer le paiement de leurs créances.

Nous allons donc, dans les quelques minutes qui nous sont allouées, tenter de vous démontrer l'importance du privilège dans notre industrie et l'ampleur de l'affaiblissement qui y est proposé, en espérant que vous prendrez note de nos représentations et en tiendrez compte, et que le ministre fera de même dans l'élaboration du projet de loi qui sera déposé par la suite.

L'importance du privilège dans notre industrie. En 1986, la valeur totale des investissements effectués au Québec, au chapitre de la construction, a été de

16 500 000 000 $. Même si l'on retranche de ce chiffre la valeur de certains travaux de génie qui ne donnent vraiment pas lieu au privilège, l'on peut dire sans trop se tromper que la valeur des travaux privilégiables, qu'il s'agisse de construction résidentielle, commerciale, industrielle ou même institutionnelle, a, au Québec, atteint 11 000 000 000 $ en 1986.

Même s'il ne représente qu'une protection ultime des créances pour les entreprises de construction, les salariés et les fabricants, les fournisseurs de matériaux et de machinerie, l'on comprendra facilement que le privilège est un atout important pour toutes ces personnes, d'autant qu'il est prouvé par les statistiques qu'au delà de 90 % des entreprises de construction qui oeuvrent au Québec ne sont en fait que de petites, et même de très petites entreprises.

Si l'on étudie la situation dans les neuf autres provinces du Canada, l'on s'aperçoit aussi que, sous le titre de "Mechanics Liens Act", toutes les juridictions ont adopté et conservent depuis de fort nombreuses années l'équivalent du privilège de chez nous pour la protection des créances des salariés et des entrepreneurs et fournisseurs. Récemment, d'ailleurs, en Ontario et au Manitoba, les lois à ce sujet ont été améliorées.

Il est étrange qu'au Québec, au contraire, l'on nous propose maintenant d'abolir les privilèges. Le secteur de la construction et les multiples entreprises qui oeuvrent au Québec représentent un élément de dynamisme important pour la santé de l'économie. La valeur des investissements au titre de la construction représentait au Québec plus de 15 % du produit intérieur brut en 1986, sans compter les 0,83 $ supplémentaires qui sont injectés dans l'industrie pour chaque dollar dépensé à l'achat d'un produit de l'industrie de la construction. Il est donc important que l'un des moyens traditionnels pour les entreprises de protéger leurs créances et l'effet dissuasif de l'existence du privilège sur les débiteurs qui voudraient profiter d'un système trop complexe soient conservés et améliorés.

Que ce soit son importance dans la vie économique par le nombre de personnes tant physiques que morales qui constituent les maîllons de la chaîne contractuelle ou par les montants impliqués, la construction se démarque des autres activités humaines et industrielles. C'est aussi une activité où un fournisseur de biens ou de services devient une sorte de prêteur immobilier. Son bien devenant irrécupérable en tant que meuble, il n'a d'autre choix que d'avoir un recours de nature immobilière. À la différence d'un fournisseur de biens "ordinaires", tels une automobile, un fauteuil ou un téléviseur, le bien fourni par le constructeur n'est pas récupérable une fois incorporé à l'immeuble. C'est ce caractère unique, spécifique de la construction qui rend essentiel le maintien du privilège de ta construction. L'affaiblissement du privilège qui est proposé dans l'avant-projet de loi est donc, quant à nous, inacceptable. Nous soutenons respectueusement que le privilège doit demeurer dans sa forme actuelle et même plus, qu'il doit être amélioré.

L'hypothèque légale des personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d'un immeuble, La transformation de l'actuel privilège en hypothèque légale aurait comme principale conséquence les points suivants: premièrement, la baisse de l'opposabilité aux tiers; deuxièmement, la disparition de la procédure de dénonciation des sous-contrats et, troisièmement, la disparition de la préséance des privilèges sur les hypothèques conventionnelles.

La baisse de l'opposabilité aux tiers. On sait qu'actuellement le privilège de la construction naît au début des travaux ou au début de la fourniture des matériaux, sous réserve, bien sûr, de son enregistrement éventuel. Là réside la grande protection conférée au détenteur du privilège. Dès qu'il a pris naissance, le créancier peut suivre l'immeuble, en quelque main qu'il se trouve. Or, ce que l'on nous propose ici, c'est que l'hypothèque légale des constructeurs et des fournisseurs de matériaux ne devienne opposable aux tiers qu'à compter de son enregistrement (article 3306). Donc, l'hypothèque légale prendrait effet beaucoup plus tard parce que l'enregistrement peut être fait 30 jours après la fin des travaux, selon l'avant-projet de loi.

De plus, selon l'article 2932 proposé, il semble que l'immeuble pourrait être vendu faisant perdre au constructeur ou au fournisseur de matériaux ses droits si la vente avait lieu avant l'enregistrement de l'avis d'intention d'exercer un recours. Cet affaiblissement est, selon nous, inacceptable.

La nécessité de la dénonciation. Une autre raison pour laquelle nous sommes opposés à la transformation du privilège de la construction en hypothèque légale, c'est que cette transformation aurait pour effet d'obliger les propriétaires et les bailleurs de fonds à utiliser des modes de protection additionnels et plus onéreux afin de se protéger contre l'enregistrement d'hypothèques légales éventuelles. Actuellement, notre Code civil prévoit que, pour acquitter les créances privilégiées, le propriétaire peut retenir sur le prix du contrat un montant suffisant. Dans le cas des créances des entrepreneurs, sous-traitants et fournisseurs de matériaux, le propriétaire est à même de connaître l'identité des éventuels créanciers et d'évaluer le montant des créances privilégiées par suite de l'obliqation qu'ont ces créanciers de lui dénoncer leur contrat.

Or, la transformation du privilège en

hypothèque légale éliminerait l'obligation des entrepreneurs et des fournisseurs de matériaux qui n'ont pas contracté avec un propriétaire de lui dénoncer le contrat, c'est-à-dire de l'informer qu'il doit agir en administrateur prudent avant de verser toutes les sommes dues à l'entrepreneur principal. Il résulterait de cette nouvelle situation, si elle devait être adoptée, que les propriétaires retiendraient des montants beaucoup plus élevés qu'actuellement et/ou exigeraient des cautionnements de paiement, de main-d'oeuvre et de matériaux plus lourds. L'effet de cette nouvelle situation serait également le même sur les entrepreneurs généraux qui, étant responsables face aux propriétaires, devraient eux aussi retenir des montants dus à leurs sous-traitants des sommes plus élevées. Cette nouvelle situation ne pourrait se traduire que par une augmentation des coûts du crédit, par l'utilisation accrue d'autres garanties et donc par une augmentation des coûts de la construction. Nous recommandons donc le maintien de la dénonciation des sous-contrats.

Mais à qui les dénoncer? Actuellement, le Code civil prévoit que cette dénonciation doit être faite auprès des propriétaires. Or, l'expérience a démontré qu'il est parfois difficile de découvrir l'identité du propriétaire parce qu'il n'est pas toujours celui qui contracte avec l'entrepreneur principal: corporations liées, bailleur ou locataire emphytéotique, gérant de projet, propriétaire étranger, créancier hypothécaire, etc. Nous recommandons que la dénonciation des sous-contrats, tant pour l'exécution des travaux que pour la fourniture des matériaux, puisse être valablement faite à la personne qui est la cocontractante de l'entrepreneur principal.

Troisièmement, la disparition de la préséance des privilèges sur les hypothèques conventionnelles. Actuellement, lors d'une vente en justice, les créanciers privilégiés sont colloques avant les créanciers hypothécaires, et ce, même si l'enregistrement de l'hypothèque a eu lieu avant celui des privilèges. Ceci nous paraît tout à fait justifié parce que les créanciers privilégiés ont conféré une plus-value à l'immeuble, alors que tel n'est pas le cas pour les créanciers hypothécaires. De plus, ces derniers bénéficieront indirectement de la valeur de cette plus-value car la vente pourra être faite à meilleur prix. L'avant-projet de loi, au contraire, fait en sorte que cette situation n'existerait plus. L'article 3309 proposé prévoit en effet que les droits ont rang suivant la date, l'heure et la minute de leur inscription. Nous recommandons donc que soit maintenu le privilège de la construction afin que son détenteur puisse continuer de jouir d'une préséance par rapport au créancier hypothécaire.

Les lacunes de l'avant-projet de loi. L'ACMQ est également opposée à l'avant-projet de loi parce qu'il comporte des lacunes importantes. Notre mémoire en fait une longue énumération. Pour les fins de cette présentation, nous nous arrêterons à trois d'entre elles seulement: l'absence d'une définition de la fin des travaux, l'absence d'indication quant aux biens grevables de privilège et l'absence du droit actuel de revendication du fournisseur de matériaux.

La fin des travaux. L'avant-projet de loi ne comporte pas de définition de l'expression "fin des travaux". Or, cette notion est d'une importance capitale. L'article 2891 proposé stipule que l'hypothèque légale des personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d'un immeuble subsiste sans enregistrement pendant les 30 jours qui suivent la fin des travaux. L'on sait que le Code civil actuel, à l'article 2013, quatrième alinéa, définit de la façon suivante la fin des travaux: "la date à laquelle la construction est devenue prête pour l'usage auquel elle est destinée". De plus, la jurisprudence a clairement établi, à partir de cette définition, l'interprétation à donner à cette notion. L'absence d'une telle définition risque, selon nous, de donner lieu à une multitude de débats et d'interprétations comme ceux qui ont été réglés par la jurisprudence actuelle. Nous recommandons donc que la fin des travaux soit définie et que cette définition se lise comme suit: la date à laquelle l'ensemble de la construction est devenu prêt pour l'usage auquel il est destiné. (21 heures)

Les biens qrevables. L'un des problèmes fréquemment rencontrés dans l'utilisation des privilèges de la construction est celui de la détermination des biens sur lesquels le privilège peut être enregistré. Actuellement, en effet, un privilège ne peut être enreqistré sur un bien du domaine public. Mais que signifie exactement cette expression "domaine public"? Cette question a été étudiée dans plusieurs jugements et la jurisprudence nous permet maintenant de cerner un peu mieux cette notion. Il y aurait qrand avantage cependant à ce qu'une réforme de notre Code civil comporte l'affirmation que tous les biens, tant publics que privés, peuvent être grevés de privilèges, à moins d'un texte législatif spécifique contraire.

Avant de conclure, nous aimerions suqqérer quelques modifications qui pourraient être apportées à notre Code civil actuel afin d'améliorer la qualité des privilèges de la construction. En premier lieu, nous aimerions suggérer qu'il soit stipulé qu'il ne peut être renoncé d'avance aux privilèges. Une clause semblable existe déjà dans notre Code civil à l'égard de la prescription. L'article 2184 stipule en effet

qu'on "ne peut d'avance renoncer à la prescription. On peut renoncer à la prescription acquise et au bénéfice du temps écoulé pour celle commencée." L'insertion d'une clause au même effet dans la partie du Code civil traitant des privilèges pourrait se lire comme suit: On ne peut d'avance renoncer au privilège. On peut renoncer au privilège, mais jusqu'à concurrence seulement du coût des travaux, matériaux ou services déjà exécutés ou déjà fournis et payés.

Nous aimerions suggérer également que le délai limite pour l'enregistrement des privilèges soit non pas de 30 jours après la fin des travaux, mais plutôt de 30 jours après la date limite prévue au contrat pour la remise des retenues ou, à défaut d'une telle stipulation dans le contrat, de 30 jours après la fin des travaux. Ceci aurait pour effet d'assurer une meilleure protection des créances des constructeurs et des fournisseurs de matériaux.

Comme dernière suggestion, nous souhaitons que des modifications soient apportées dans le Code civil actuel afin que l'exercice de la prise de paiement soit soumis au respect des hypothèques légales de construction. On sait qu'actuellement, si un créancier hypothécaire prend en paiement un immeuble, l'enregistrement du jugement ou de l'acte aura pour effet de radier tous les actes postérieurs. Nous recommandons que l'exercice de la prise de paiement soit soumis au respect des privilèges de la construction, même enregistrés postérieurement.

En conclusion, nous espérons, dans cette brève présentation, avoir su vous convaincre de l'importance des privilèges dans notre industrie et de l'importance qu'ils soient conservés, sinon améliorés. Nous espérons également vous avoir convaincus de l'ampleur de l'affaiblissement des privilèges de la construction qui est proposé dans l'avant-projet de loi. Le Code civil est la pièce maîtresse des rapports juridiques entre les justiciables au Québec, Comme tel, il se doit de refléter la réalité de ces rapports afin de les encadrer et non de les nier dans un éventuel but de systématisation, car c'est en les niant que l'on crée l'injustice. Nous ne croyons pas que telle était là l'intention des rédacteurs de l'avant-projet de loi. C'est pour cette raison que nous disons: Ne touchez pas au privilège de la construction, maintenez-le. Mieux encore, apportez-y tous les amendements nécessaires qui préciseront les textes et empêcheront l'usage des techniques élaborées pour en contrecarrer les effets, tels ceux des renonciations et des clauses résolutoires.

L'Association de la construction de Montréal et du Québec offre, en conclusion, sa collaboration à la réalisation de ce travail et se déclare disposée à examiner toute autre solution permettant une garantie efficace et réelle du paiement de la créance des fournisseurs de biens et de services de la construction. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Marcil); Merci beaucoup de votre exposé. Nous allons passer immédiatement à l'échange de questions. Je vais reconnaître le député de Marquette, adjoint parlementaire au ministre de la Justice.

M. Dauphin: Merci beaucoup, M. le Président. Tout d'abord, j'aimerais, au nom du ministre de la Justice et du gouvernement du Québec, souhaiter la bienvenue à l'Association de la construction de Montréal et du Québec, vous féliciter évidemment pour votre participation, votre préparation et la présentation de votre mémoire. Hier soir, nous avons reçu à ma connaissance trois associations reliées à l'industrie de la construction qui avaient signé, tout comme vous, la déclaration conjointe non seulement pour le maintien du privilège en matière de construction, mais aussi pour son renforcement. D'ailleurs, j'ai apprécié vos propositions d'amélioration du privilège. On voit que vous avez vraiment travaillé votre affaire.

En guise d'information, j'aimerais savoir, dans un premier temps, avec le vécu, quel est le pourcentage des créances qui nécessite l'enregistrement d'un privilège actuellement, approximativement?

M. McDonald (Jacques): Je ne peux pas vous donner de pourcentage, mais la pratique actuelle est que les sous-traitants et fournisseurs dénoncent presque automatiquement leurs créances. Ce que je peux vous dire, c'est que, dans le passé, pour les ?5 dernières années environ, notre dénonciation et la possibilité d'enregistrer un privilège nous ont sortis de certains pétrins pour nous permettre de recevoir nos paiements dans des cas très complexes. Si an n'avait pas eu cette possibilité et aussi le Code civil dans son état actuel avec les privilèqes, on aurait été dans des conditions beaucoup plus difficiles pour récupérer les sommes que nous avions investies dans les bâtiments.

M. Morin: Cela a un effet dissuasif important dans nos relations commerciales.

M. Dauphin: Dans le même ordre d'idées, vous demandez, comme plusieurs autres, d'ailleurs, que ces dispositions de privilèges soient d'ordre public, c'est-à-dire ne pouvant pas y renoncer. Cet après-midi, je posais la question aux banquiers, je leur demandais si cela arrivait souvent même sur le chantier qu'on demande aux fournisseurs ou à d'autres de signer ces renonciations. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. C'est monnaie courante de demander une

renonciation de privilège en tout premier lieu?

M. Morin: Disons que la pratique s'est un peu atténuée avec les années. Si on retourne dix ans en arrière, lorsque l'on dénonçait un contrat, la plupart des entrepreneurs généraux ou même des propriétaires devenaient furieux. On pensait qu'on n'avait pas le respect de l'entrepreneur ou du propriétaire, ou de sa capacité de payer, mais il y atoutes sortes de problèmes qui surviennent dans le cours d'une construction. Les gens ont finalement compris que le besoin du privilège était important. Aujourd'hui, on se fait encore demander dans certains projets de renoncer. Il y a des entrepreneurs ou des sous-traitants qui refusent automatiquement. Quand on a la capacité de refuser parce qu'on a assez d'ouvrage pour faire vivre nos employés, à ce moment-là, tout va bien, mais, quand on n'a pas assez d'ouvrage puis qu'il faut se plier à prendre ce risque-là, c'est un risque qui devient très onéreux pour une compagnie. Si le projet va mal, on n'a plus de recours. C'est sûr que, plus le sous-traitant sera faible, plus il aura l'occasion de signer une renonciation de privilège, mais cela n'est pas recommandable.

M. Dauphin: On parle évidemment de ce qui fait l'objet de votre mémoire, du privilège en matière de construction. Dans l'avant-projet de loi est prévu, dans la disposition sur les créances prioritaires, un certain nombre de paragraphes, notamment pour l'État et les commissions scolaires, comme créances prioritaires. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces créances. Est-ce que le législateur devrait maintenir des privilèges, des priorités pour ces personnes?

M. Morin: Je vais laisser Me Bonenfant répondre.

M. Bonenfant (Claude): Effectivement, dans notre mémoire, nous discutons un peu de cette disposition des articles 2806 et suivants de l'avant-projet de loi et nous nous déclarons opposés à l'existence de telles créances prioritaires.

M. Dauphin: Autrement dit, vous en voulez une, et la vôtre.

M. Bonenfant: Effectivement, comme créance prioritaire, nous reconnaissons, en fait, le privilège de la construction et les hypothèques conventionnelles ou légales qui nous paraissent les plus importantes et qui devraient être maintenues.

M. Dauphin: Et, pour vous, l'État, le fait que ce sont des deniers publics...

M. Bonenfant: Le fait que ce soient des deniers publics...

M. Dauphin: Cela ne change pas votre opinion là-dessus.

M. Bonenfant: ...ne chanqe pas vraiment notre opinion parce que c'est presque autoriser l'État à agir comme un Robin des bois pour récolter des deniers dits publics et faire perdre des deniers qui appartiennent à des individus ou à des corporations privées sous le prétexte que ce sont des deniers publics. C'est un peu jouer à Robin des bois à ce moment-là. C'est pour cela que nous sommes opposés à cette...

M. Dauphin: Je respecte votre opinion. Elle n'est pas nécessairement partagée, mais je la respecte.

On a reçu un groupe hier, les arpenteurs-géomètres du Québec. Ils demandaient d'être inclus dans le groupe de l'article 2888, avec l'ingénieur, l'architecte, l'ouvrier, les fournisseurs de matériaux et les autres. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Seriez-vous favorables à ce que les arpenteurs-qéomètres, étant donné les nouveaux instruments de mesure qui donnent une plus-value à l'immeuble, comme ils nous l'expliquaient aujourd'hui, soient inclus dans le groupe privilégié?

M. Théoret (Jacques): II ne me semble pas que l'arpenteur-géomètre... Enfin, je ne vois pas très clairement comment l'arpenteur-géomètre apporte une plus-value à l'immeuble. Je n'ai rien contre les arpenteurs-géomètres, remarquez bien. Peut-être qu'avec l'évolution des techniques, un peu comme l'ingénieur est maintenant devenu capable de se pourvoir, comme l'architecte le pouvait depuis le début, l'arpenteur-géomètre devrait également le faire. Je regrette, malheureusement, je n'ai pas pris connaissance de cette représentation des architectes. Mais, sur l'affaire de la plus-value, je ne vois pas très bien comment le travail de l'arpenteur-géomètre ajoute une valeur à un immeuble. II certifie quelque chose. Un peu en facétie, on pourrait dire qu'il aide un peu nos amis les notaires à faire leur travail à plein, mais, quant à ajouter une plus-value, je ne vois pas.

M. Dauphin: D'autres groupes ont aussi demandé d'être inclus, notamment, les aqents d'immeubles, les notaires, tout le monde veut être inclus finalement.

Des voix: Ha! Ha!" Ha!

M. Morin: On peut penser que les agents d'immeubles, de nos jours, donnent une plus-value.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Dauphin: Ils font monter les prix, en tout cas. Une autre question. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de vous attarder sur la présomption d'hypothèque qui était recommandée par l'Office de révision du Code civil, que l'Association des banquiers canadiens recommande fortement avec d'autres, notamment le Barreau...

M. Bonenfant: Je dois dire que notre association s'est surtout attardée à l'avant-projet de loi. Et, comme la présomption d'hypothèque n'a pas été retenue, nous ne nous y sommes pas attardés dans la présentation du mémoire.

M. Dauphin: D'accord, je reviendrai tantôt. Mme la députée de Groulx... Je m'excuse, M. le Président, je suis en train de m'arroger vos privilèges. C'est vous qui devez...

Le Président (M. Marcil): Donc, je vais reconnaître Mme la députée de Groulx. Merci, M. le député de Marquette.

Mme Bleau: Merci, M. le Président. Quand vous parlez de l'amélioration de l'article au sujet des privilèges, en plus de ta définition dont vous avez parlé, des mots "fin des travaux", à quelle autre amélioration pensez-vous? (21 h 15)

M. Bonenfant: Premièrement, un des principaux points d'amélioration que nous suggérons dans notre mémoire, c'est le fait que l'on ne puisse plus, comme c'est le cas actuellement, renoncer au privilège de l'entrepreneur, du sous-entrepreneur ou des fournisseurs de matériaux. Actuellement, on sait que c'est permis. C'est une technique qui est souvent utilisée de façon abusive et c'est un des premiers moyens, croyons-nous, d'améliorer les privilèges de la construction et d'interdire cette méthode-là, d'ailleurs, tout comme l'Office de révision du Code civil, dans ses commentaires et dans sa solution de rechange, proposait une clause ayant pour effet d'interdire la renonciation au privilège. Donc, c'est un moyen que nous suggérons dans notre mémoire d'améliorer les privilèges.

Nous suggérons également, en ce qui a trait à la clause de dation en paiement, que cette clause de dation en paiement, si elle est utilisée, n'ait pas pour effet d'annuler tous les privilèges qui ont été enregistrés après la clause de dation en paiement. On sait qu'actuellement, si une clause de dation en paiement a été enregistrée et est utilisée, elle aura pour effet de laver tous les privilèges qui ont été enregistrés postérieurement. Donc, c'est une deuxième façon que nous suggérons d'améliorer les privilèges.

M. Morin: II y a aussi le fait d'allonger la période pour couvrir les retenues contractuelles des sous-traitants aux projets, parce qu'on est souvent payés, on a souvent des retenues qui seront payées un an après la fin des travaux. Alors, la loi dit: 30 jours après la fin de nos travaux. Il faut presque présumer ou prendre un risque. Alors, quand on a des sous-contrats de l'ordre de 1 000 000 $ ou 2 000 000 $ et que la retenue contractuelle est de 100 000 $ ou 200 000 $, ce sont de qros risques. Voir un an à l'avance dans l'industrie de la construction, ce n'est pas facile. C'est un autre point qui a été apporté, soit qu'on voulait qu'il y ait une prolongation du délai d'enregistrement.

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. M. Morin, M. McDonald, M. Théoret et M. Bonenfant, vous ne serez peut-être pas surpris que ce soir, d'une certaine façon, on consacre moins de temps parce qu'on a fait un spécial construction hier soir. Cela a été fort éloquent d'une certaine façon, puisqu'on dit: Cent fois sur le métier, répétez et vous finirez bien par être compris. Alors, le fait que ce soit repris ce soir, cela l'est aussi et cela nous fait voir d'autres facettes. Cela reste certainement intéressant, notamment sur ces améliorations... Je voyais en page 24 que vous faites état de toute cette pratique qui s'est installée dans l'industrie suivant laquelle les retenues sont remises après l'expiration de la période de temps. Enfin, vous êtes parmi les premiers à nous en parler. Comme le Code civil prévoit l'enregistrement du privilège de 30 jours, finalement, la pratique qui s'est installée, c'est de retenir les retenues tant que le propriétaire n'a pas l'assurance qu'il n'y aura pas de privilège d'enregistré. C'est un peu cette situation qui prévaut présentement. Mais est-ce à cette situation que vous voulez en particulier vous attaquer?

M. Théoret (Jacques): C'est une des situations, madame, qui vient d'être abordée par le président. Quand on dit qu'on vaudrait que cela soit prolongé, qu'au moins le délai d'enregistrement du privilège soit de 30 jours après la date de paiement de la retenue, c'est justement pour cela. Si on avait au moins cela dans la loi, on pourrait peut-être convaincre les payeurs de raccourcir la période de paiement, parce que de toute façon ils n'arriveraient pas à éliminer le privilège en faisant attendre cinq jours de plus.

Mme Harel: Alors, c'est un aspect certainement intéressant. Également, j'ai trouvé vraiment intéressant, personnellement,

dans votre mémoire, qu'à la page 4 on retrouve une explication juridique ou, si vous voulez, qui est quand même satisfaisante intellectuellement de l'origine du privilège ouvrier, parce que c'est évident, et mon collègue vous en parlait il y a quelques minutes, que tout le monde veut en être. Tout le monde le fait, fais-le donc, d'une certaine façon. On retrouve cette explication, qui en vaut bien d'autres, mais je la trouve intellectuellement intéressante: "C'est cette transformation de meuble à immeuble qui a rendu nécessaire l'élaboration de mécanismes de préférence légale. À la différence d'un fournisseur de biens "ordinaires"..." Je pense bien que c'est la première fois dans les mémoires dont j'ai pris connaissance que l'on voit une explication qui soit satisfaisante et qui me satisfait. Cela me faisait penser aux créateurs, parce que c'est tout à fait autre chose - ils vous ont précédés hier. Je souhaite qu'éventuellement on trouve ce type d'explication qui se tient bien et qui permet non pas d'avoir une situation nécessairement privilégiée... On appelle cela un privilège, mais, finalement, c'est de faire reconnaître une sorte de spécificité. C'est autre chose, d'une certaine façon.

Une question spécifique que je voulais vous poser concerne les périodes d'enregistrement des privilèges; appelons-les comme cela. Vous proposez, je crois que c'est à la page 15, des périodes de trois mois. Alors, vous dites: "II y aurait avantage, croyons-nous, à ce qu'un ordre de priorité ou de rang basé sur l'enregistrement soit maintenu mais non pas suivant la date d'enregistrement comme tel, mais plutôt à l'intérieur d'une période de temps..." C'était bien arbitraire, cette période de temps. C'est comme si vous demandiez au législateur de choisir les fondations plutôt que la finition. Parce que c'est cela, dans le fond, les fondations auraient priorité sur la finition.

M. Bonenfant: En fait, c'est une suggestion...

Mme Harel: Représentez-vous plus les fondations que la finition?

M. Bonenfant: Non, pas du tout. Nous les représentons toutes deux. C'est une idée qui est lancée pour établir quand même un certain ordre de priorité entre les créanciers privilégiés. C'est une idée qui est lancée à la réflexion des rédacteurs, sans plus.

M. Théoret (Jacques): Si je pouvais ajouter à cette réponse, il serait quand même intéressant de noter que bien des projets de construction s'étendent sur un an et demi, deux ans et deux ans et demi; on en a vu des majeurs, des travaux de construction. Ma foi, s'il y a des privilèges qui sont enregistrés à l'intérieur de la période de trois mois, un jour, le propriétaire va déclarer qu'on arrête le chantier, et c'est aussi bien pour ceux de la finition qui vont venir après parce que sans cela ils auront de la difficulté à se faire payer de toute façon. Donc, c'est une espèce d'échelonnement qui ne s'appliquerait peut-être pas à tous les chantiers parce que, évidemment, dans tous les cas, cela ne dure pas trois mois et plus, mais qui pourrait au moins limiter les dégâts pour les gens de la finition.

Mme Harel: Cet après-midi, le porte-parole de l'association des banquiers qui présentait le mémoire nous a dit que, règle générale, les créances, l'hypothèque légale, dans le cas où seraient maintenues les dispositions de l'avant-projet de loi, bénéficierait à la construction parce que c'est antérieur aux créances hypothécaires. Votre point de vue là-dessus, est-il semblable ou différent?

M. Théoret (Jacques): C'est probablement tout à fait le contraire qui est vrai, au moins dans bien des cas, et je vous explique ceci: comme d'ailleurs notre collègue de l'association des banquiers l'a bien dit, it arrive souvent que l'hypothèque soit, en fait, que les discussions entre la compagnie prêteuse et le propriétaire, etc., soient complétées et enregistrées après que le propriétaire ait déjà demandé des soumissions, ait quelquefois déjà accordé un contrat général et, ce qui se voit aussi dans bien des cas maintenant, sans passer par un entrepreneur général, se mette à accorder des contrats en commençant par les fondations. Cela peut aller jusqu'à 35 ou 40 contrats avec de petites ou de moyennes entreprises spécialisées sans qu'il y ait d'autres personnes en haut, sans entrepreneur général, mais avec un gérant de projet, etc., et l'état du droit sur cela n'est pas très avancé. Si le privilège ou l'hypothèque légale de l'entrepreneur était sujette à l'enregistrement, il est bien évident que la créance hypothécaire, avec la clause de dation en paiement qui lave tout ce qui vient par la suite, prendrait tout le temps préséance sur le privilège ou sur l'hypothèque du constructeur qui ne l'enregistrerait finalement qu'une fois qu'il verrait que les paiements ne viennent pas. D'accord?

Si je pouvais me permettre de contredire quelque chose que l'Association des banquiers canadiens a dit cet après-midi, la pratique s'est installée et ils ont inventé des trucs, comme on l'a dit cet après-midi, pour contrer l'effet de la cause Lumberland en particulier. C'est une cause de la Cour suprême qui a reconnu que le privilège naissait dès la signature du contrat ou le début de l'exécution de l'obligation de l'entrepreneur. Même si ce n'était pas

enregistré avant, cela pouvait valoir contre l'hypothèque. C'est un progrès que nous avons fait et une obtention de progrès quant à l'interprétation de la loi que nous avons faite à cause justement des trucs que nous ont trouvés les prêteurs hypothécaires pour annuler ou annihiler même les droits de l'entrepreneur. Ce serait dommage de dire, comme ce monsieur le disait cet après-midi: Bien, reconnaissez la réalité. Ce n'est pas vrai, ce n'est pas la réalité. Ce sont des trucs qu'ils ont inventés et je vous jure que nous aussi on en a inventé pour contrer leurs trucs. On ne les expliquera pas tous ici, mais j'allais dire, avec un peu d'orgueil, que les 3000 entreprises que notre association représente sont bien informées de leurs droits. Cela nous donne évidemment la possibilité de faire de l'éducation auprès de nos entrepreneurs, mais c'est fort agréable de voir l'évolution de cette affaire. Le fait que, comme le président Morin l'a dit tout à l'heure, aujourd'hui, le privilège soit reconnu par tout le monde et que les entrepreneurs généraux... Je vous dirai même que notre recommandation qui dit de ne pas abolir la dénonciation du contrat vient aussi maintenant des entrepreneurs généraux qui veulent bien savoir d'où viennent les coûts et comment s'occuper prudemment des paiements pour, justement, que le contrat vienne le plus rapidement possible.

Mme Harel: Oui, alors est-ce qu'on termine?

Le Président (M. Marcil): Non, cela va.

Mme Harel: Au nom des personnes qui m'accompagnent, je veux vous remercier pour l'éclairage que vous nous permettez de continuer à obtenir sur toute cette question. Nous sommes dans une phase exploratoire, alors cela reste extrêmement important et certainement intéressant pour nous le point de vue que vous nous avez apporté.

M. Dauphin: Si vous me permettez, M. le Président, au même titre, de notre côté, nous aimerions encore une fois vous remercier de votre participation. Pour répondre à votre interrogation de tantôt, vos recommandations seront étudiées avec beaucoup d'intérêt et d'attention, puisque, comme vous le savez, c'est un avant-projet de loi et que cette consultation est justement faite dans le but de le bonifier. Merci d'être venus.

M. Morin: M. le Président, mesdames et messieurs les membres de la sous-commission des institutions, au nom de l'Association de la construction de Montréal et du Québec, je tiens à vous remercier de votre intérêt pour notre industrie et pour ses préoccupations face à l'avant-projet de loi. J'aimerais ajouter comme mot final que, pour une fois que vous voyez toutes les associations patronales signer un même document, j'espère que quelqu'un va réaliser qu'on ne peut pas tous avoir tort.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup de votre présentation. Je vais suspendre la séance une minute afin de permettre à la Corporation des maîtres électriciens du Québec et à la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec de s'approcher.

(Suspension de la séance à 21 h 30)

(Reprise à 21 h 34)

Le Président (M. Marcil): Nous continuons cette soirée avec la Corporation des maîtres électriciens du Québec et la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec représentées par M. Richard Nolet, président, et M. Normand Bureau. Je vais permettre aux deux présidents de présenter leurs collègues et également prendre quelques minutes pour faire leur exposé. Vous connaissez les règles du jeu, vous étiez ici tantôt. Vos mémoires ont déjà été analysés. Donc, faîtes un résumé, ensuite on va procéder à la période de questions. Allez.

CMEQ et CMMTQ

M. Fabre (Michel): Mon nom est Michel Fabre, je suis de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie; à ma droite, François Lemay, qui est 1er vice-président des maîtres mécaniciens en tuyauterie, ainsi que M. Bureau; il y a aussi Richard Nolet et Roger Gosselin, respectivement président et secrétaire de la corporation des électriciens, et, à mon extrême-droite, John White, qui est conseiller juridique des deux corporations.

M. Nolet (Richard): Si vous le permettez, M. le Président, membres de la commission, mesdames et messieurs, je débuterai par la présentation et M. Bureau, de la CMMTQ, terminera la présentation.

Alors, je tiens à vous remercier de nous permettre d'émettre nos opinions, nos commentaires sur cet avant-projet de loi.

Créées depuis plus de 30 ans, la Corporation des maîtres électriciens du Québec et la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec sont des associations professionnelles qui visent à assurer une plus grande compétence de leurs membres et par le fait même une plus grande sécurité du public. Ces corporations, créées chacune par une loi, regroupent des entreprises de tailles diverses. Ainsi, l'artisan qui exécute des travaux d'installation

électrique ou l'installation de tuyauterie doit être membre d'une des corporations. C'est la même chose pour l'entrepreneur qui exécute des travaux d'électricité ou d'installation de tuyauterie sur de grands chantiers et qui peut employer une centaine de salariés.

Dans le but de répondre à leurs objectifs, les deux corporations ont établi différents services qui leur permettent d'aider leurs membres dans l'exercice de leur profession. Les deux corporation ont toujours démontré un grand intérêt aux travaux entourant la révision du Code civil. Ainsi en 1972 les deux corporations faisaient parvenir à l'Office de révision du Code civil un mémoire conjoint sur le privilège de construction. L'intérêt qu'elles manifestaient il y a quinze ans est toujours présent. Les membres de la corporation ont à tous les jours à faire face à des problèmes reliés aux différentes sécurités qui existent en tant que créanciers ou en tant que débiteurs. La lecture de l'avant-projet de loi a permis aux corporations de constater que la protection qui était accordée à leurs membres en tant qu'entrepreneurs de construction par le régime actuel risquait d'être grandement diminuée, pour ne pas dire totalement anéantie. C'est pour cette raison que les deux corporations ont déposé un mémoire conjoint devant la commission et qu'elles ont signé la déclaration conjointe des six associations d'entrepreneurs en construction dont vous avez déjà pris connaissance.

Vous avez déjà entendu le point de vue de l'industrie de la construction quant aux dispositions relatives à l'hypothèque légale de construction. On peut résumer de la façon suivante la position de l'industrie: il doit exister une forme de protection efficace du droit de l'entrepreneur en construction d'être payé pour les travaux qu'il effectue. Or, dans son état actuel l'avant-projet de loi consacre de façon définitive la priorité des institutions financières sur le droit des entrepreneurs en construction qui, grâce à leurs travaux, risquent d'augmenter le patrimoine du banquier. Ainsi donc, les entrepreneurs en construction verront encore plus les institutions financières s'approprier des immeubles qu'ils ont construits sans que le prix de tous leurs travaux ne soit remboursé. Comment qualifier cette pratique? L'incidence économique d'une telle situation risque fort d'être malsaine. Si un entrepreneur en construction fait faillite, tenant compte de la structure même de l'industrie, il risque fort d'entraîner dans la faillite d'autres entrepreneurs de construction. Il faut donc trouver une façon pour assurer une protection adéquate du droit des entrepreneurs en construction d'être payés et, de l'autre côté, s'assurer du respect des droits des institutions financières et des donneurs d'ouvrage.

M. Bureau (Normand): Alors, M. le Président, je terminerai donc les quelques lignes qui restent à présenter. Vous pouvez constater l'unanimité des entrepreneurs en construction, on s'est même partagé la tâche de vous faire la lecture de notre présentation.

L'avant-projet de loi ne répond pas aux objectifs que M. Nolet vient de mentionner, c'est-à-dire d'assurer une protection adéquate du droit des entrepreneurs de construction d'être payés et d'assurer le respect des droits des institutions financières et des donneurs d'ouvrage. Plusieurs mécanismes peuvent être envisagés pour atteindre ces objectifs. Dans l'état actuel des choses, le priviliège nous semble être un bon moyen. Le système actuel, avec tous ses défauts et toutes ses qualités, est bien connu de toutes les parties... Est bien connu, dis-je, M. le Président, et je fais une petite parenthèse, depuis des années qu'on tente d'informer nos entrepreneurs sur la façon d'enregistrer, comment se protéger des différents requins qui entourent souvent les entrepreneurs en construction dans l'industrie.

Modifier dans la direction de l'avant-projet de loi risque de créer plus de confusion que de régler les problèmes actuels. Le statu quo est préférable aux propositions contenues dans l'avant-projet de loi. Cependant, il faut bien comprendre que le statu quo doit être amélioré. C'est un peu dans cet état d'esprit que les corporations recommandent dans leur mémoire différentes modifications non seulement dans l'avant-projet de loi, mais également au droit actuel, comme elles le faisaient il y a quelque quinze ans. Entre autres, les corporations recommandent que l'on ne puisse renoncer à l'hypothèque légale de construction. J'ai bien l'impression que ce n'est pas la première fois que vous entendez prononcer cette sentence-là aujourd'hui. Nous recommandons également qu'un rang prioritaire soit reconnu à l'hypothèque de construction. On ne doit pas permettre à quiconque de profiter injustement de la valeur des travaux de construction. La loi doit s'assurer qu'une personne qui a le droit d'être payée le sera. Nous recommandons ainsi que soient uniformisés les délais quant à l'enreqistrement et aux poursuites et qu'ils soient prolongés. Enfin, il faut s'assurer que les droits que la loi donne aux entrepreneurs de construction puissent facilement être mis à exécution. Quant à cet aspect, les avis qui doivent être donnés devraient l'être de la façon la plus simple possible. Pourquoi n'y aurait-il pas des formules standard pour les enregistrements afin de faire en sorte que l'intervention de différents professionnels ne soient pas nécessaire'' Par exemple, nous ne croyons pas nécessaires que certaines informations, telles que la date de naissance, soient mentionnées dans ces avis. Certaines

dispositions qui sont mises dans les avis réapparaissent en tout cas un peu loufoques.

Il y va de l'intérêt de l'industrie de la construction et du public consommateur que l'avant-projet de loi soit modifié de façon importante quant à l'hypothèque légale de construction. Nous croyons qu'il faut assurer une protection adéquate aux entrepreneurs de construction. Ce faisant, le secteur s'en portera mieux. Les entreprises seront plus solides au niveau financier et pourront, par le fait même, offrir de meilleurs services aux consommateurs.

Nous sommes heureux, M. le Président, d'avoir pu faire entendre notre point de vue devant la commission et nous en remercions tous les membres. Nous sommes à votre disposition pour toute question supplémentaire et nous voulons assurer les membres de !a commmission de notre entière disponibilité pour toute autre rencontre dans le cadre de la préparation du projet de loi.

M. le Président, nous avons tenté d'être le plus concis possible dans notre présentation compte tenu du fait que nous avons signé conjointement le projet avec l'ACMQ, l'Association de la construction de Montréal et du Québec. Nous ne voulions pas prendre le risque de nous répéter X fois. Je compte sur vos bannes oreilles pour avoir bien écouté les représentations qui ont été faites au préalable et j'espère que vous en avez pris bonne note. Soyez assurés de notre entier appui aux représentations qui vous ont été faites au préalable.

En terminant, je vous remercie de votre bienveillante attention de la part de tous et nous sommes disposés à répondre à vos questions.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup de votre exposé. Je vais maintenant reconnaftre le député de Marquette, adjoint parlementaire au ministre de la Justice. (21 h 45)

M. Dauphin: Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais, tout d'abord, au nom du ministre de la Justice, vous saluer et vous remercier de votre participation à nos travaux. Je crois que vous êtes cosignataire de la déclaration d'hier de votre groupe. Alors, la chose est claire.

À force de cogner sur le même clou, à un moment donné, il n'y a plus de tête après le clou. Alors, vous m'excuserez si mes questions ne sont pas imprégnées d'une originalité à toute épreuve. Comme j'ai mentionné...

Le Président (M. Marcil): Ce sont tout le temps les mêmes problèmes qui sont soulevés, il n'y a pas d'erreur.

M. Dauphin: Oui.

Mme Harel: Parce que c'est l'avant-projet de loi qui pose le même problème à tout le monde.

Le Président (M. Marcil): Oui, qui pose le même problème à tout le monde, c'est ca. Mais on a eu des bons tuyaux jusqu'à maintenant!

Une voix: On n'est pas venu ici pour parler de...

Le Président (M. Marcil): On va essayer de se brancher sur la même longueur d'onde.

M. Dauphin: Comme le groupe qui vous a précédé, les créances prioritaires, vous êtes contre ça sauf la vôtre, je présume. Est-ce que c'est à peu près ça? L'État, la commission scolaire...

M. White (John): Non. Si vous me permettez, M. le député, je pense que ce qu'il faut comprendre, c'est que, lorsqu'on enrichit le patrimoine de quelqu'un, lorsqu'on participe à l'enrichissement de ce patrimoine qui devient le gage commun de tout le monde, il me semble un peu normal que les personnes qui participent à cet enrichissement d'une façon très directe puissent être privilégiées, "priorisées" ou utilisez l'expression que vous voulez.

Alors, vous dire qu'on est contre toutes les priorités, ce serait probablement mentir, mais je pense qu'il faut tenir compte de cette situation que je viens de vous exposer, parce qu'autrement, à ce moment-là, ouhlions les priorités si cette première priorité ne peut pas être retenue. C'est dans ce sens-là. On ne peut pas dire que les deux corporations sont contre les priorités, comme telles. Mais je pense qu'il faut tenir compte des propos que je viens de tenir à cet effet.

M. Dauphin: D'ailleurs, vous mentionnez, ce qui revient à peu près au même, que soit reconnu un rang privilégié à l'hypothèque légale de construction.

M. White: C'est ça, c'est dans ce sens-là.

M. Dauphin: II y a un aspect que je trouve intéressant. L'article 2888 parle de construction ou de rénovation et, vous, vous apportez un élément, au début, qui parle de réparation. C'est que réparation n'est pas nécessairement synonyme de rénovation, si on songe à la plus-value.

M. White: Si vous me permettez encore, c'est exactement ça. La question se pose au niveau d'une question de plus-value. C'est sûr qu'actuellement, dans les dispositions, il faut démontrer une plus-value. Si on s'en tenait aux dispositions contenues dans

l'avant-projet de loi qui parlent plutôt de valeur marchande des travaux et services effectués... Pourquoi ne pas parler de réparation? Je pense qu'il faut en tenir compte également, parce que la réparation va au moins permettre de sauver la valeur de l'immeuble. Elle va au moins permettre de faire en sorte que l'immeuble, qui au début valait 70 000 $, mais qui a pu se détériorer au fil des ans et qui est rendu à 50 000 $, puisse retrouver, à tout le moins, sa valeur première. C'est sûr que, si on parle plutôt de plus-value, il faut peut-être en laisser un peu de côté, parce que la réparation n'apporte pas nécessairement une plus-value. Je pense que tout le monde peut en être conscient. Mais la réparation peut quand même aussi apporter une plus-value.

Or, si on utilise le mot "construction" ou "rénovation", si on veut également couvrir - parce que la rénovation et la réparation, telles qu'indiquées, ce ne sont pas nécessairement la même chose dans la définition du dictionnaire - tout ce qui donne une plus-value, si on utilise ces termes, il faudrait également, à notre sens, utiliser aussi le mot "réparation".

M. Dauphin: Plusieurs groupes nous ont demandé d'être - j'ai posé la même question tantôt - inclus dans la liste du 2888, dans la liste des gens protégés par une hypothèque légale. Est-ce que vous avez la même opinion, vous autres qui êtes dans le domaine de la construction d'immeubles? À part les gens mentionnés dans l'article de l'avant-projet de loi, voyez-vous d'autre monde là-dedans - les arpenteurs entre autres - ou bien donc ce serait du luxe?

M. Gosselin (Roger): On ne s'est pas penché sur le cas des autres, nous non plus, mais étant dans le domaine, ce qu'on veut -pour ma part, je suis dans le domaine directement - protéger, c'est notre droit d'être payés. C'est ça. Si les autres ont les mêmes droits que nous autres, on ne voit pas pourquoi ils n'auraient pas le droit d'avoir le même recours. Mais de là à dire: Un devrait être là, un ne devrait pas être là, qu'est-ce que cela apporte à la construction comme telle? Ce n'est pas à nous de le déterminer.

M. Dauphin: La situation actuelle vous convient, tout en proposant des améliorations.

M. Gosselin: La situation actuelle nous convient partiellement. Si elle était améliorée, cela serait encore mieux, parce que c'est évident que plus le projet est petit, actuellement, plus le'danger est grand. Plus le projet est grand, plus le danger est petit, parce qu'il y a autre chose qui fait que le chantage dans le domaine de la construction sera éliminé. Il y a des règles de dépôt de soumission qui obligent les donneurs d'ordres à prendre les plus bas soumissionnaires, ou il y a des cautionnements de soumissions. Il y a toutes sortes de choses qui entrent en ligne de compte. Mais, plus le projet est petit, plus le chantage peut se faire pour renoncer à la priorité du rang du privilège. C'est en ce sens-là.

M. Dauphin: Je comprends. Je sais qu'à un moment donné il avait été question que tous les organismes reliés à la construction se formeraient en un seul groupe pour les travaux de la sous-commission. Seulement, stratégiquement, je présume que vous avez décidé de venir à tour de rôle pour mieux...

M. White: Si vous me le permettez, je dirai qu'effectivement il en a été question. Il y a eu des discussions à ce niveau-là. Alors, c'est peut-être une question d'appréciation. Est-ce qu'on enfonce le clou avec un qros marteau ou si on prend cinq ou six marteaux pour enfoncer le clou?

M. Dauphin: Je comprends l'intérêt parce que c'est votre gagne-pain, c'est votre vie, c'est tout à fait légitime. Cela me fait penser à quelqu'un à qui on enlèverait 20 % de son chèque de paye, il n'aimerait pas cela. Je me mets un peu dans cette situation-là, car personne n'aime se faire enlever les choses qui font son affaire.

Vous m'excuserez si je ne pose pas d'autres questions, à moins que d'autres personnes de mon côté désirent poser des questions. Alors, si je n'en pose pas plus, ce n'est pas par manque d'intérêt, au contraire, les qroupes s'accumulant depuis hier ont fessé sur le même clou justement et je peux vous dire que je vais faire mon rapport au ministre de la Justice en conséquence. Je vous remercie d'être venus participer à nos travaux.

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Bienvenue de la part de ma formation politique à vos deux corporations. Je me demandais en lisant votre mémoire si lorsque vous faites état du fait que vous souhaitez une prohibition à toute renonciation - par exemple, vous faites état dans votre mémoire de la prohibition de renoncer à... Plus exactement, vous suqgérez qu'il devrait-être précisé dans un projet de loi que les recours sont d'ordre public. J'imagine que vous voulez intervenir là-dessus, parce qu'il y a déjà l'article 2915 qui répond en partie à votre inquiétude, à celle mentionnée dans le mémoire.

M. White: Si vous me le permettez, le sens de cette partie du mémoire est le

suivant: Vous savez qu'il existe un avis de 60 jours prévu aux articles 1040a et suivants du Code civil. Ces dispositions sont clairement déclarées d'ordre public. Nous ne pouvons d'aucune façon y déroger, entre autres d'une façon conventionnelle. Autrement dit, le prêteur hypothécaire ne peut dans son prêt hypothécaire convenir que l'avis de 60 jours ne sera pas donné. C'est un acquis du début des années soixante, parce qu'il y avait eu de graves problèmes, et c'est inspiré d'une loi ontarienne. Lorsqu'on lit l'avant-projet de loi, on ne trouve pas, et vous me permettrez, je n'ai pas trouvé d'endroit où il était spécifiquement indiqué que !a nécessité d'expédier un avis d'intention de recours, l'avis de 60 jours, était d'ordre public. C'est dans ce sens-là que l'on fait une représentation, c'est-à-dire que nous, suivant l'avant-projet de loi, aurons une hypothèque légale. Je vois difficilement comment nous ne pourrons pas respecter l'obligation d'envoyer un avis de 60 jours. Mais, d'un autre côté, le créancier hypothécaire conventionnel, s'il ne s'agit pas d'une disposition d'ardre public, pourra faire renoncer à cet avis de 60 jours et donc il aura un certain avantage. Je pense qu'il faudrait que tout le monde soit sur la même longueur d'onde, que les droits de tout le monde soient semblables. S'il y a un article précis dans l'avant-projet de loi qui l'indique clairement, aussi clairement que le prévoit l'article 1040e actuel, quant à moi, je ne l'ai pas trouvé, je ne l'ai pas vu. Pourtant, j'ai passé quelques heures à lire le projet de loi. La représentation est dans ce sens-là uniquement: que tout le monde soit sur le même pied d'égalité parce qu'on est tous, suivant l'avant-projet de loi, des créanciers hypothécaires. Alors que tous, nous soyons clairement assujettis aux mêmes formalités.

Mme Harel: M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Oui, madame.

Mme Harel: Si vous me permettez, je souhaiterais que, éventuellement, un juriste puisse poursuivre cet échange sur cette question précisément.

Le Président (M. Marcil): Donc, en d'autres mots, vous voulez savoir s'il existe un article?

M. White: C'est-à-dire que oui... Enfin, s'il y en a un qui... Si c'est le cas...

Le Président (M. Marcil): Oui, allez-y.

Mme Harel: C'est une démonstration que j'attends également.

M. Pineau: Oui, M. le Président...

Le Président (M. Marcil): Allez-y.

M. Pineau: ...si vous me permettez, l'article 2915 ne dît pas textuellement que c'est d'ordre public. Cet article n'utilise pas les mots "disposition d'ordre public", mais je crois que cette disposition est très claire. "Les créanciers prioritaires et hypothécaires ne peuvent, pour faire valoir et réaliser leur sûreté, exercer, outre les mesures provisionnelles pévues au Code de procédure civile, que les recours prévus au présent titre." Donc, tous les recours doivent être faits sous la forme imposée par les dispositions qui se trouvent sous le chapitre des recours hypothécaires. Donc, ce n'est pas dit expressément que c'est d'ordre public, mais c'est dit en d'autres termes qu'on ne peut déroger à ces dispositons. En tout cas, c'est l'intention, c'est ce qui a été souhaité ou voulu.

M. White: Je vous remercie. Effectivement, c'est peut-être l'intention mais vous me permettrez, avec tout le respect que je vous dois, de vous indiquer que je ne suis pas prêt à partager votre... Je ne suis pas sûr qu'un tribunal en viendrait à cette interprétation. Vous le savez comme moi. S'il y a moyen de clarifier la situation, nous sommes dans le cadre d'un avant-projet de loi, s'il y a un moyen de le dire clairement, disons-le clairement. C'est surtout cela. Cette question portait simplement sur cet aspect.

Mme Harel: C'est vraiment un débat qui, de toute façon, va se poursuivre parce qu'on est à la phase exploratoire. La question qui se pose, me dit-on, c'est la suivante: est-ce que l'avis d'intention est un recours ou non?

M. Pineau: Cela fait partie du processus du recours.

Mme Harel: Alors, si on a des questions très graves, vous voyez... Cela n'a l'air de rien, mais n'empêche que le législateur doit chercher à exprimer le mieux possible l'intention qu'il a. Ce que vous voulez, en termes pratiques, pour qu'on se comprenne, c'est que la renonciation à l'hypothèque légale soit prohibée. C'est cela que vous voulez obtenir?

Des voix: Exactement.

Mme Harel: Que ce soit dit le mieux possible, mais que ce soit finalement l'effet qui soit obtenu, qu'il soit interdît de demander à renoncer à son hypothèque légale. Pensez-vous que cette prohibition pourrait nuire aux possibilités de financement?

M. Nolet: Le problème, je pense, c'est que les personnes qui sont les plus touchées dans cela, c'est souvent le plus petit entrepreneur. C'est lui qui est menacé le plus souvent. Une personne ou une entreprise qui est bien structurée va avoir des contrats de plus grande valeur et elle peut se défendre, mais c'est le petit, souvent juste pour une construction résidentielle, qui sera menacé parce qu'on va lui dire: Tu dois renoncer au privilège sinon la banque ne déboursera pas d'argent. C'est surtout pour protéger ces gens-là; pour les contrats plus élevés, M. Roger Gosselin pourrait peut-être répondre.

M. Gosselin: Pour répondre directement à votre question, je dirais que ce serait un problème d'ajustement, tout simplement. C'est que l'institution financière ou la compagnie prêteuse prendrait des moyens autres que de décharger ses responsabilités sur tout le monde; elle s'occuperait de voir à ce que les montants d'argent aillent à ceux qui ont travaillé, je ne sais pas, mais par des formules assermentées ou quoi que ce soit, n'importe quel autre moyen. Elle s'occuperait de se faire certifier ou émettrait des chèques conjoints, tout simplement, selon les travaux qui ont été exécutés. Ce sont des possibilités à envisager. Ce serait tout simplement une question d'ajustement. Quant à savoir si les prêts seraient plus diffiles à obtenir, je ne le crois pas. Quand elles ont de l'argent à prêter, elles trouvent le moyen de le prêter.

Mme Harel: Dans l'avant-projet de loi, il y a une disposition qui prévoit qu'il peut y avoir cession de prioriété. Alors, à défaut de vous faire renoncer, est-ce que l'institution ne serait pas désireuse de faire céder priorité?

M. White: Si vous permettez, la renonciation et la cession, c'est la même chose. Alors, quand on parle de renonciation dans le mémoire, pour nous, si on renonce à notre rang prioritaire, en le cédant, on y renonce. Alors, quand on parle de renonciation, c'est la cession. Pour que ce soit bien clair, la renonciation, la cession, tout autre mécanisme juridique possible inventé par les banques, les caisses populaires ou quoi que ce soit qui feraient en sorte d'amener cela, on veut éviter ce genre de problème...

M. Gosselin: D'ailleurs...

M, White: ...pour que ce soit déclaré d'ordre public.

M. Gosselin: ...au cours des années, c'est ce qui s'est passé. Antérieurement, c'était une renonciation à l'enregistrement du privilège tel quel; aujourd'hui, c'est tout simplement un changement de rang, une cession de priorité. C'est ce qui se passe aujourd'hui.

Mme Harel: Bien. Écoutez, d'une certaine façon, cela peut vous étonner, mais je suis dans la même situation que mon collègue de Marquette. Évidemment, on pourrait vous poser toute les autres questions qu'on a posées à vos collègues du secteur de l'habitation, mais on connaît quasiment à l'avance vos réponses. Alors, il me reste à vous remercier pour vous être déplacés et être venus. Je pense que chaque fois qu'un organisme vient, c'est une sorte de confiance qu'il fait dans les institutions. Je pense qu'il est important que l'échange ait eu lieu. Je vous remercie d'être venus devant la commission.

Une voix: Merci.

M. Bureau: M. le Président, les remerciements sont mutuels. J'ose espérer que la confiance que les organismes mettent dans les institutions est aussi mutuelle, que les institutions mettent autant de confiance dans les organismes qui viennent faire leurs représentations au nom de l'entreprise de la construction, laquelle, à mon avis, est constituée, en grande majorité, de petites entreprises. On l'a mentionné tout à l'heure, plus petite la construction est, plus petites les entreprises sont. Ce sont elles qui paient la note et ce sont celles-là qui ne peuvent pas se permettre des professionnels pour tenter de défricher les ambiguïtés d'une loi. Comme on l'a mentionné tout à l'heure, tentons donc de trouver les moyens les plus simples pour procéder. Ce n'est pas la multinationale qui a besoin d'un projet de loi comme celui-là, elle a les professionnels pour veiller à son pain et à son grain. Ce sont... À mon avis, je tente de représenter la petite et la moyenne entreprise dans l'industrie de la construction. J'ose espérer que c'est de cette façon que vous avez prêté l'oreille à toutes les représentations qui vous ont été faites depuis deux jours. Je vous remercie, une fois de plus, pour votre bonne attention. Je vous permettrai de prendre congé... On vous permettra de prendre congé une heure ou deux avant...

Le Président (M. Marcil): Nous allons ajourner à demain, 9 h 30. Est-ce que vous auriez quelque chose à ajouter?

M. Nolet: M. le Président, simplement, au nom de la CMEQ, merci de votre attention. Merci.

(Fin de la séance à 22 h 5)

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