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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le mercredi 19 août 1987 - Vol. 29 N° 2

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'avant projet de loi portant réforme au Code civil du Québec, du droit des sûretés réelles et de la publicité des droits


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante-trois minutes)

Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je déclare la séance ouverte. J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les membres de cette sous-commission. Ce n'est pas la commission des institutions, c'est une sous-commission dont le mandat sera d'entendre plusieurs groupes qui sont déjà inscrits à cette sous-commission.

J'aimerais rappeler le mandat de la sous-commission qui est, d'abord, de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi sur la Loi portant réforme au Code civil du Québec, du droit des sûretés réelles et de la publicité des droits. Il n'y a aucun remplacement, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: II n'y a aucun remplacement, M. le Président,

Le Président (M. Marcil): Le premier groupe que nous recevons ce matin est le Barreau du Québec. Avant de faire les présentations, nous allons permettre aux deux partis de faire les remarques préliminaires. Ensuite, je vous inviterai à vous identifier et à procéder à la lecture de votre mémoire. M. le ministre, à vous la parole, si vous avez quelques remarques préliminaires.

Remarques préliminaires M. Herbert Marx

M. Marx: Oui, merci, M. le Président. Je suis heureux de prendre la parole le premier à cette séance de la sous-commission des institutions. Cette sous-commission recevra les commentaires et les suggestions d'un grand nombre de personnes et d'organismes sur l'avant-projet de loi, que j'ai déposé en décembre 1986, intitulé Loi portant réforme au Code civil du Québec, du droit des sûretés réelles et de la publicité des droits.

Je souhaite donc la bienvenue à tous les membres de la sous-commission. Je remercie tous ceux qui ont bien voulu nous présenter des mémoires. Le gouvernement est toujours heureux d'obtenir la collaboration de ceux qui sont intéressés par un projet de loi donné que nous présentons devant l'Assem- blée nationale et, plus particulièrement, quand il s'agit d'une tranche importante du -Code civil.

Je veux aussi profiter de l'occasion qui m'est offerte pour rappeler aux membres de la sous-commission et au public en général que l'objectif que je me suis fixé, lorsque le présent gouvernement est arrivé au pouvoir à la fin de 1985, sera respecté. En effet, je prévois déposer un autre avant-projet de loi au mois de décembre prochain, projet de loi qui portera réforme au Code civil du Québec du droit des obligations. Je souligne que c'est un avant-projet de loi.

Cet important projet comportera au-delà de 1700 articles. Une commission parlementaire sera tenue sur ce chapitre aux environs du mois de septembre 1988. Donc, si vous pensez prendre des vacances au mois de septembre 1988, ce sera peut-être bon de changer vos projets.

Par la suite et vraisemblablement au printemps de 1989, je déposerai un dernier avant-projet de loi portant réforme au Code civil du Québec du droit de la preuve, de la prescription et du droit international privé. Donc, la sous-commission parlementaire, la dernière, sera vraisemblablement tenue à la fin de l'année 1989.

Cela terminera l'ensemble des avant-projets de loi que j'avais promis de déposer pour compléter la réforme du Code civil. Toutes ces sous-commissions parlementaires ayant été tenues et tous les rapports présentés et étudiés, le gouvernement pourrait reprendre l'ensemble de ces avant-projets de loi pour présenter un projet de loi définitif au cours de l'année 1989 et tenir, cette fois, une sous-commission ou une commission parlementaire qui étudiera la globalité du projet, article par article. Cela complétera, comme d'ailleurs je l'ai promis, l'ensemble des travaux de réforme du Code civil du Québec.

M. le Président, je rappelle encore une fois cet échéancier de travail, parce qu'il m'apparaît important et aussi parce qu'il me permettra d'atteindre l'objectif visé, soit celui de doter les Québécois du nouveau Code civil pour 1989. Nous sommes conscients qu'il est nécessaire de finir cette réforme du droit civil, parce que ce sont tous les citoyens et toutes les citoyennes du Québec qui en bénéficieront.

Pour arriver à respecter cet échéancier,

j'ai obtenu la collaboration étroite de mon adjoint parlementaire, le député de Marquette, Me Claude Dauphin, qui a assumé cette responsabilité du dossier de la réforme du Code civil. En effet, comme vous le savez, c'est lui qui va piloter en sous-commission parlementaire les travaux sur les différents projets de loi relatifs à la réforme du Code civil. J'imagine que c'est Mme Harel qui va piloter ce projet pour l'Opposition, comme elle l'a déjà fait pour le gouvernement; donc, c'est à peu près la même équipe, quoiqu'on ait changé de place. Sur le fond, je ne pense pas que cela change vraiment grand-chose.

Qu'il me soit permis également, M. le Président, de rappeler aux membres de cette commission qu'en janvier 1987, j'ai formé un comité spécial pour étudier la question des droits économiques des conjoints. Nous avons l'intention de déposer bientôt un projet de loi en cette matière qui viendrait compléter la réforme du droit de la famille.

Encore une fois, si je rappelle tous ces faits, ce n'est pas pour minimiser l'importance du projet qui est devant nous aujourd'hui, mais bien pour démontrer que la volonté du gouvernement de terminer la réforme du Code civil est toujours présente et qu'elle se concrétise de plus en plus.

Mais je termine là-dessus pour revenir à l'avant-projet de loi qui nous occupe, c'est-à-dire l'avant-projet de loi qui touche les sûretés réelles et la publicité des droits. Cet avant-projet de loi est d'une importance capitale parce qu'il touche à la fois le régime des sûretés et le régime de la publicité des droits. Le régime des sûretés met en jeu des sommes énormes. II intéresse à la fois les créanciers et les débiteurs. Les premiers voulant que les sommes d'argent prêtées soient bien garanties, et les seconds, qui ne veulent pas être exploités par les créanciers. Le projet de loi que nous soumettons propose donc un régime des sûretés équitable et favorise la justice contractuelle. Quant au régime de la publicité, il vient rendre publiques les sûretés qui affectent les biens des individus et vient au secours de tous ceux qui acquièrent des droits sur ces biens. Il vient aussi rendre publics les droits immobiliers, c'est-à-dire tous les droits réels qui affectent les immeubles du territoire du Québec. Le régime de publicité proposé aura comme résultat pratique qu'une personne pourrait se fier aux registres immobiliers tels qu'ils apparaîtront dans les bureaux d'enregistrement à une date donnée. Cette personne pourra s'en reporter à ce qui est inscrit dans les registres, lesquels registres pourront être consultés facilement et efficacement.

Qu'il me soit permis de vous rappeler quelques-uns des points majeurs de cette réforme du droit des sûretés et de la publicité des droits. En matière de sûretés réelles, le projet de loi comprend plusieurs nouveautés. Tout d'abord, il réduit considérablement le nombre des privilèges qui affectent le gage commun des créanciers, c'est-à-dire le patrimoine d'une personne, qu'elle soit une personne physique ou une personne morale.

En second lieu, le projet crée l'hypothèque mobilière qui n'existait pas dans notre droit jusqu'à maintenant, récupère les dispositions de la Loi sur les cessions de biens en stock, les dispositions de la Loi sur les pouvoirs spéciaux des corporations et met à la disposition des prêteurs et emprunteurs, surtout ceux qui exploitent une entreprise, quels que soient les véhicules nouveaux de crédit comme l'hypothèque ouverte, l'hypothèque de créance et l'hypothèque mobilière avec ou sans dépôt de cession.

En troisième lieu, le projet unifie les procédures des divers recours hypothécaires ouverts aux créanciers, supprime la rétroactivité des dations en paiement et propose un nouveau moyen de réaliser les biens des débiteurs hypothécaires, soit la vente sous contrôle de justice. Cette dernière, selon nous, sera plus efficace que la vente en justice et rapportera un meilleur prix, tout cela étant à l'avantage du débiteur bien sûr, comme la disposition de la rétroactivité de la dation en paiement, sans nuire au droit des créanciers. Je ne cache pas non plus ici mon rôle de ministre responsable de la Protection du consommateur qui m'a beaucoup influencé en vous présentant ces nouvelles dispositions.

En matière de publicité des droits, le projet de loi n'a pas retenu la proposition de l'Office de révision du Code civil de confier la responsabilité de certifier les titres de propriété au régistrateur, mais vise plutôt à donner une plus grande certitude au registre retenu par le registrateur. La responsabilité des titres demeurera donc fondamentalement celle de l'avocat et du notaire. Par ailleurs, le projet établit un contrôle efficace des inscriptions au registre et édicté une présomption d'exactitude des inscriptions qui y sont faites.

D'autre part, notre système d'enregistrement actuel qui est un système d'enregistrement de documents - je souligne de documents - est aussi profondément transformé, en ce sens qu'il deviendra un système d'enregistrement de droits. Pour cette raison, tout enregistrement se fera par sommaire. On ne gardera plus les documents. Il en résultera évidemment une grande économie d'espace et une consultation facile. La mécanisation pourra se faire plus commodément.

Enfin, signalons, en matière de droit immobilier, que la rénovation cadastrale est un prérequis d'un système efficace de publicité des droits immobiliers. À cette fin, le gouvernement entend mettre l'accent sur

cette rénovation cadastrale réclamée par les praticiens du droit, les municipalités et par tous ceux qui touchent, par leur profession, cette sphère importante du droit. Nous n'avons pas non plus, M. le Président, oublié les personnes qui sont appelées à consulter les registres au Bureau d'enregistrement, ni celles qui veulent y recueillir des renseignements concernant des parcelles cadastrales. En effet, nous prévoyons, pour chaque lot cadastré, que le dossier immobilier comprendra en format réduit le plan de l'eau concernée, la fiche immobilière sur laquelle seront faites toutes les inscriptions découlant des actes enregistrés et une autre fiche de renseignements utiles, tels l'adresse, l'évaluation et la zone municipale de chacun de ces lots, comme le prescriront éventuellement les différentes lois municipales. Je laisse à mon collègue, adjoint parlementaire, le député de Marquette, le soin de vous expliquer davantage les objectifs et la portée de ce projet de loi.

Cependant, en terminant, je tiens encore une fois à vous dire que nous sommes fiers de vous présenter ce projet. Nous sommes heureux de pouvoir recevoir les rapports et les commentaires de tous ceux que nous allons entendre maintenant, et que je remercie une autre fois. Pour nous, c'est très important de faire cette sous-commission et d'entendre les intervenants sur l'avant-projet de loi avant de déposer un projet de loi complet, un projet de loi qui sera repris avec les autres et adopté - je me répète - pour me convaincre davantage que le tout devrait être prêt en 1989, parce qu'après cela, je ne peux pas vous promettre ce qu'il va arriver. Merci.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre, député de D'Arcy McGee. Maintenant, j'inviterais Mme la députée de Maisonneuve, porte-parole de l'Opposition en cette matière.

Mme Harel: Oui, M. le Président. Avec plaisir. À moins que le député de Marquette...

Le Président (M, Marcil): À moins que M. le député de...

Mme Harel: ...ne veuille intervenir immédiatement dans l'enveloppe de temps qui est dévolue à sa formation politique.

M. Dauphin: Je n'ai pas d'objection, M. le Président, sauf que...

Le Président (M. Marcil): Comme vous le voulez.

M. Dauphin: On peut y aller tout de suite et ensuite Mme la députée de Maisonneuve ira.

M. Marx: On va se compléter comme cela...

M. Dauphin: On va...

M, Marx: Le député de Marquette et moi, cela va vous donner l'occasion de...

Mme Harel: Vous êtes entier en vous-même.

Une voix: ...d'y répondre. M. Marx: C'est cela.

Le Président (M. Marcil): Donc, j'inviterais le député de Marquette, adjoint parlementaire à la Justice, à compléter l'exposé du ministre.

M. Claude Dauphin

M. Dauphin: D'accord. Merci M. le Président. Je vais lire un peu rapidement pour ne pas abuser de la patience de nos invités.

M. le Président, il me fait grand plaisir d'agir en cette commission à titre d'adjoint parlementaire du ministre de la Justice, M. Marx. Nous sommes aujourd'hui réunis afin de poursuivre le processus d'étude déjà amorcée du projet de loi sur les sûretés réelles et la publicité des droits correspondant aux livres sixième et neuvième du Code civil du Québec. Ce projet représente un autre volet de la réforme de notre Code civil entreprise par voie législative en 1980. Cette opération d'envergure, lorsqu'elle sera complétée, en 1989, aura permis de doter cette province d'un nouveau Code civil par la révision en profondeur des règles de notre droit privé et commun, de manière à les adapter aux besoins de notre société. Devant l'importance que revêt cette réforme, le Code civil étant la pièce maîtresse de notre droit, j'exprime ici le voeu à l'instar de mes collègues que les travaux qui auront cours en cette commission - sous-commission, plutôt - ne soient en aucune façon imprégnés de partisanerie politique.

J'aimerais également profiter de l'occasion qui m'est offerte pour féliciter ceux qui ont participer à l'élaboration des mémoires devant être présentés en cette sous-commission, lesquels se distinguent par l'intérêt qu'ils suscitent et par la qualité des arguments soulevés. Ces derniers nombreux témoignent de l'importance reconnue à cette matière: les sûretés réelles et ta publicité des droits. (10 heures)

Nous croyons que les petites, moyennes et grandes entreprises, moteur important de notre vitalité économique collective, tout comme te consommateur, seront adéquatement servies par l'implantation de cette

réforme. Rappelons qu'en matière des sûretés, la recherche d'une plus grande égalité entre les divers créanciers est un principe fondamental.

En effet, idéalement, les créanciers d'un même débiteur devraient se retrouver sur un pied d'égalité lorsque survient le moment d'être payés sur l'ensemble des biens de ce débiteur. L'avant-projet de loi maintient cette règle avec certains aménagements qui peuvent se justifier.

Dans le droit actuel, un bon nombre de créanciers jouissent d'une priorité de rang dans la distribution du produit de la réalisation des biens d'un débiteur par le biais des privilèges et des hypothèques. À cet égard, l'avant-projet de loi réduit au strict minimum le nombre de privilèges. Ainsi, seules les créances prioritaires énumérées à l'article 2807 du projet sont maintenues sans enregistrement. Elles touchent notamment les frais de justice et toutes les dépenses faites dans l'intérêt commun, les créances des municipalités et des commissions scolaires pour les taxes sur les immeubles qui y sont assujettis ainsi que les créances de l'État pour les impôts et les taxes.

Ces créances qualifiées de privilège sous le code actuel s'appellent, désormais, des créances prioritaires. Certaines créances privilégiées du code actuel deviennent des hypothèques légales, telles les créances de l'État pour taxes et impôts, les droits et créances des personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d'un immeuble, la créance du syndicat des copropriétaires pour le paiement des charges communes et des contributions au fonds de prévoyance ainsi que l'actuelle hypothèque judiciaire.

Cette transformation signifie que, dorénavant, ces créances devront être enregistrées. C'est donc la date de leur enregistrement qui leur conférera leur rang. Par ailleurs, ces hypothèques légales seront soumises au même recours que les autres hypothèques en général.

Outre l'hypothèque légale, le droit actuel prévoit l'hypothèque conventionnelle et l'hypothèque judiciaire. L'avant-projet de loi assimile l'hypothèque judiciaire à l'hypothèque légale. Quant à l'hypothèque conventionnelle, elle s'enrichira de quelques ajouts. L'on sait pertinemment que le droit québécois connaît d'autres types de sûretés réelles, telles le gage, les sessions de biens en stock, les garanties consenties en vertu d'un acte de fiducie et les divers nantissements, soient agricoles, forestiers, commerciaux. L'avant-projet transforme toutes ces sûretés en hypothèques conventionnelles. Cette façon de procéder simplifie considérablement les concepts et regroupe l'ensemble des règles applicables. Cette nouvelle conception de l'hypothèque est accompagnée de plusieurs nouveautés. Soulignons, entre autres, l'hypothèque modifiée, t'hypothèque ouverte, l'hypothèque de créance ainsi que la reconnaissance de la légalité d'une stipulation de taux d'intérêt variable.

Quant à l'hypothèque mobilière maintenant, cet avant-projet de loi se caractérise également par l'adoption d'une des principales propositions de l'Office de révision du Code civil, soit la création de l'hypothèque mobilière. Actuellement, comme vous le savez, le Code civil ne permet l'enregistrement d'une hypothèque qu'à l'égard d'un immeuble. Il s'agit donc d'une modification importante aux droits québécois des sûretés.

L'avant-projet de loi comporte, toutefois, certaines restrictions à la constitution d'hypothèque mobilière, en particulier, en regard des individus qui voudraient profiter de cette nouvelle sûreté. Ainsi, seule la personne qui exploite une entreprise peut consentir une hypothèque sur une universalité de biens ou sur des choses mobilières corporelles représentées par un connaissement, un reçu ou un autre type négociable.

Notons, à ce sujet, que cette personne pourrait être une personne physique ou morale et l'entreprise qu'elle exploite pourrait être à caractère commercial ou non.

Par contre, un individu, c'est-à-dire une personne physique, qui n'exploite pas une entreprise ne pourra consentir une hypothèque sans dépossession que sur un bien déterminé qu'elle acquiert. On désirait ainsi restreindre la capacité des individus à consentir une hypothèque mobilière en raison des risques d'une hausse du taux d'endettement sur ceux-ci.

Cependant, rien dans l'avant-projet de loi n'empêche le particulier de consentir une hypothèque mobilière avec dépossession, formule qui correspond de toute manière au gage actuel.

En résumé, sur ce point, l'hypothèque mobilière peut avoir lieu avec ou sans dépossession du meuble hypothéqué.

Quant au recours, maintenant, dans le domaine de divers recours hypothécaires ouverts aux créanciers, l'avant-projet de loi opère une véritable unification des dispositions communes, telles que les conditions générales d'exercice et les formalités préalables se retrouvent à tous les recours; ainsi le créancier hypothécaire dont le rang est antérieur peut exercer son recours par priorité à ceux qui viennent après lui. Ces recours sont exercés contre le propriétaire du bien ou contre l'administrateur du bien d'autrui qui détient le bien et en a la maîtrise.

Quant aux formalités préalables à l'exercice des recours, le créancier doit signifier un avis de son intention au débiteur

et, le cas échéant, au tiers détenteur contre lequel il entend exercer son recours.

Au sujet des recours eux-mêmes, certains sont communs aux créanciers prioritaires et hypothécaires. Nous faisans référence ici au délaissement et à la vente sous contrôle de justice, ce dernier recours constituant un nouveau moyen proposé au créancier prioritaire ou hypothécaire pour réaliser les biens de son débitant.

D'autres recours sont réservés exclusivement au créancier hypothécaire. On pense ici à la prise de possession, à la prise en paiement et à la vente par le créancier. Nous sommes convaincus que cette unification des recours donnera aux créanciers des moyens plus efficaces pour réaliser leur garantie et offrira au consommateur une plus grande protection, en ce sens qu'un plus grand nombre de créanciers pourront être payés avec le produit de la vente des biens de ce consommateur.

Le livre sur la publicité des droits aborde la question de l'enregistrement des droits réels et des droits personnels immobiliers. Il complète le livre des sûretés. L'adoption des propositions qui y sont contenues sous-tend l'adoption d'une éventuelle loi sur l'enregistrement pour donner suite à ses propositions et pour les compléter. Comme le soulignait M. le ministre, l'avant-projet de loi a choisi de donner une plus grande certitude aux registres tenus par le registrateur au lieu de confier à ce dernier la responsabilité de certifier les titres de propriété. L'avant-projet de loi confirme donc la responsabilité des avocats et des notaires en regard des titres de propriété. Dans la même veine, le projet de loi est basé sur le principe de la foi absolue dans les registres. Plus précisément, il repose sur le principe que toute personne peut se fier aux registres, tels qu'ils apparaissent à un certain moment donné.

En terminant, permettez-moi également d'insister sur les profondes modifications que subira notre système d'enregistrement des droits. En effet, le système proposé tend vers un système d'enregistrement des droits plutôt que vers un système d'enregistrement de documents. Ainsi, contrairement au droit actuel, l'enregistrement par dépôt d'un sommaire deviendra la règle générale et l'enregistrement du document deviendra l'exception.

Finalement, je veux ajouter que notre projet de loi est perfectible et que nous apprécions beaucoup le travail de tous ceux qui ont bien voulu nous présenter des mémoires. Ceux-ci nous permettront de faire les ajustements qui s'imposent. Vous aurez ainsi contribué à la bonification de ce projet de loi important. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. le député de Marquette et adjoint parlementaire du ministre de la Justice. Maintenant, j'inviterais Mme la députée de Maisonneuve, porte-parole de l'Opposition, à faire ses remarques préliminaires.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Je vous remercie, M. le Président. Je voudrais, moi aussi, m'associer aux propos tenus par le ministre de la Justice et à ceux de son adjoint parlementaire pour féliciter à mon tour les organismes et les personnes qui, au rythme d'enfer qu'on va connaître pendant ces deux prochains jours, vont présenter leurs recommandations et leurs suggestions quant à l'avant-projet de loi. Je veux d'abord saluer l'équipe de juristes - ainsi que le ministre de la Justice et son adjoint - avec laquelle j'ai eu le plaisir de travailler étroitement. Je connais leur grand dévouement et leur profonde compétence. Je suis contente que Me Pineau se soit joint à cette équipe, ainsi que Me Cossette et Me Longtin. Également, je veux remercier le ministre d'avoir consenti à l'Opposition des services professionnels de grande qualité pour l'étude de cet important domaine de notre Code civil. Je constate que je bénéficie à mon tour de l'altruisme du gouvernement précédent à l'égard du porte-parole de l'Opposition d'alors et je me félicite que cette attitude demeure. Je n'ai pas de prétention en matière de droit des sûretés, mais quelques principes, évidemment, et une certaine conception de l'équité. J'entends soutenir les efforts qui seront faits par les membres de la commission ainsi que par le ministre de la Justice dans !a poursuite de ce qu'il a appelé la justice contractuelle. Je crois que c'est certainement là l'objectif que nous devons viser par nos travaux.

Je voudrais vous présenter immédiatement Me Claude Melançon ainsi que les personnes qui ont travaillé avec lui. Ces personnes, qui l'accompagnent, sont toutes du bureau de_ Guy & Gilbert. Il y a Me Pierre Gariépy, Me Mario Saint-Pierre et Me Manon Drouin, qui seront avec nous pour les présents travaux. M. le Président, je dois vous dire que je n'aurais pas la même assurance, à l'ouverture de nos travaux, ce matin, si je ne les avais pas eus à mes côtés durant tout l'été pour bien me préparer à faire face à cet important dossier.

M. le Président, je voudrais profiter d'abord de l'occasion qui m'est donnée ce matin pour constater - je pense que cela ne fera pas grief au ministre de la Justice -que le rythme d'avancement des travaux que nous connaissons depuis bientôt deux ans est équivalent à celui qu'a connu te précédent gouvernement que, pourtant, l'actuel ministre de la Justice jugeait très sévèrement comme

étant beaucoup trop lent à l'époque, mais dont...

M. Marx: ...

Mme Harel: Oui, mais nous sommes seulement à nos remarques préliminaires.

Je profite d'ailleurs de l'occasion pour souhaiter que soit déposé dans les meilleurs délais le rapport du comité que le ministre a mis sur pied pour examiner toute la question de fond des droits économiques des conjoints. Je veux profiter de l'occasion pour lui rappeler d'ailleurs que si un seul exemple était nécessaire pour le convaincre de ne pas adopter en matière de mise en vigueur une attitude trop rigide, c'est bien l'exemple du droit de la famille. Je pense qu'à bien des points de vue, il est certainement souhaitable que tout l'édifice de la réforme du Code civil soit parachevé avant que l'une ou l'autre de ses parties ne soient mises en vigueur, mais cette règle doit souffrir des exeptions majeures. Les bouleversements dans les rapports sociaux et particulièrement ce qu'on appelle la renégociation dans les rapports entre les hommes et les femmes dans notre société commande une certaine célérité dans la mise à jour de notre Code civil. Le ministre a, à quelques reprises et avec raison, souhaité que des modifications importantes puissent être apportées au livre sur ta famille dont la réforme fut pourtant complétée et mise en vigueur dès 1979. Alors, nous disons - je le dis au nom de l'Opposition et je le dis aussi en mon nom personnel pour l'expérience que j'en ai eu -au ministre de prendre garde, en matière du droit des personnes comme en matière du droit de la famille, d'assujettir la mise en vigueur d'une réforme qui s'impose pour nos concitoyens et qui est ressentie comme telle au calendrier de nos travaux parlementaires. Malgré toute la bonne volonté que l'on peut y mettre, le ministre peut compter entièrement sur ma collaboration pour la réalisation de son échancier parlementaire qui, d'autre part, est assujetti lui-même à un échéancier électoral et à bien d'autres objectifs que se fixe le gouvernement. Je l'invite, ce matin, à reconsidérer sa décision de ne pas mettre en vigueur la réforme complétée dans la loi 20 en matière, en particulier, du droit des personnes.

Comme je le soulignais, en matière du droit des sûretés, je n'ai aucune prétention mais quelques principes et surtout cet objectif de justice contractuelle que nous allons poursuivre durant cette session où les mémoires nous seront présentés et également lors de l'étude article par article du projet de loi.

Nous entendrons des dizaines de mémoires sur lesquels nous pourrons interroger les personnes qui nous les déposeront, mais l'inverse n'est pas évidemment possible. En commission parlementaire, les organismes qui se présentent ne peuvent pas interroger le gouvernement. D'une certaine façon, c'est là le rôle de l'Opposition d'interroger le gouvernement sur ses intentions. Rapidement, je pense qu'une des qualités que nous allons avoir à respecter durant ces deux jours, c'est la ponctualité en matière d'équité afin que tous les organismes aient un droit d'écoute équivalent. Ce matin, j'aimerais poser un certain nombre de questions qui reprennent essentiellement d'ailleurs les mémoires qui nous seront présentés, mais que les organismes ne pourront pas, eux, poser au gouvernement. Ces questions, je conçois qu'on n'y réponde pas nécessairement durant les travaux de notre présente sous-commission, mais le plus tôt possible, il serait souhaitable d'avoir réponse à ces questions. Notamment, à la lecture de l'avant-projet de loi, nous nous sommes étonnés du fait que le gouvernement n'avait pas cru bon de retenir des éléments importants qui se retrouvaient dans le rapport de l'Office de révision du Code civil. Nous aimerions savoir pourquoi en particulier... beaucoup d'intervenants qui ont soumis des mémoires d'ailleurs s'étonnent que le gouvernement n'ait pas retenu la disposition capitale qu'est la présomption d'hypothèque. Que sert-il de définir et de délimiter des champs de sûretés, des qualités essentielles pour les constituants, des prohibitions pour protéger certains individus et consommateurs si on laisse la porte ouverte aux créanciers de créer des sûretés, y nommer et de circonvenir ainsi les mécanismes de protection du consommateur. Également, nous nous étonnons de l'absence de dispositions dans l'avant-projet de loi édictant que les sûretés et les recours sont d'ordre public et qu'aucune dérogation n'y est permise, comme l'a proposé d'ailleurs l'Office de révision du Code civil. (10 h 15)

Également, M. le Président, nous considérons qu'un point essentiel qui n'est pas traité par l'avant-projet de loi est le sort réservé à la Loi sur la protection du consommateur et aux dispositions protégeant le consommateur à la reprise des biens. Nous pensons qu'il est capital que le public sache dès maintenant si le gouvernement entend ou non laisser intacte la Loi sur la protection du consommateur. Nous avons lu, également, avec beaucoup d'attention les critiques contenues dans plusieurs mémoires quant aux articles 28, 41 et suivants, qui limitent à certaines entreprises seulement le pouvoir, par exemple, de créer des sûretés en matière d'hypothèque mobilière. Nous pensons qu'il y a certainement lieu d'examiner très attentivement tout ce nouveau domaine qui serait introduit. Les restrictions sont-elles véritablement suffisantes pour freiner les abus? Ce sont là évidemment des questions

extrêmement importantes auxquelles il nous faudra des réponses étanches.

Il en va de même en matière d'hypothèque légale de la construction. C'est pour nous une préoccupation majeure que le sort réservé aux entrepreneurs et fournisseurs de matériaux par l'avant-projet de loi. Nous nous interrogeons à savoir pourquoi le gouvernement a-t-il écarté la solution de rechange qui est proposée par l'Office de révision du Code civil. Nous nous interrogeons sur le certificat de certification. Comme beaucoup de mémoires, d'ailleurs, nous nous interrogeons sur l'utilité de ce document. À quoi sert-il? Quels bénéfices rend-il? Quels problèmes veut-il régler? Y a-t-il un problème à régler? Lequel? N'y a-t-il pas d'autres solutions qui pourraient être envisagées avant de choisir celles-là?

M. le Président, évidemment, c'est une liste qui s'allonge, mais j'ai eu l'occasion de discuter avec l'adjoint parlementaire, avant le début de nos travaux, je pense que le ministre de la Justice va acquiescer à la demande d'une séance de travail qui compléterait le dépôt des mémoires. Elle pourrait avoir lieu au cours des semaines qui suivront. Elle nous permettrait d'avoir l'éclairage juridique des propositions politiques qui sont contenues dans l'avant-projet de loi.

Nous pensons qu'il en va en matière d'adoption du Code civil et de l'étude que nous poursuivons, comme il en va en matière d'adoption du règlement des travaux parlementaires. Je pense qu'aucun gouvernement, quel qu'il soit, n'a procédé à des modifications du règlement qui régit les travaux de l'Assemblée sans rechercher à obtenir un consensus des partis. Évidemment, l'unanimité des partis n'implique pas nécessairement l'unanimité de tous les membres de l'Assemblée, mais l'unanimité des partis a toujours été recherchée et non pas seulement recherchée, mais obtenue pour quelque modification que ce soit qui était apportée à notre règlement qui régit nos rapports.

Il est souhaitable qu'il en soit de même dans ce qui est l'équivalent d'un règlement qui régit les rapports dans une société et qui est notre Code civil. Il faut rechercher l'unanimité des partis. Je crois que cela a été la marque de commerce des travaux que nous avons complétés en matière de réforme du droit des biens et des personnes. Je crois qu'il faut souhaiter qu'il en soit ainsi. C'est dans cet esprit que nous entendons offrir notre collaboration au gouvernement.

M. Marx: Juste un... Pas un...

Le Président (M. Marcil): Merci, Mme la députée de Maisonneuve. M. le ministre.

M. Herbert Marx (réplique)

M. Marx: Juste deux mots. Premièrement, j'aimerais souligner, M. le Président, que quand j'étais critique de l'Opposition en matière de justice, c'est vrai que j'étais sévère pour le gouvernement précédent en ce qui concerne l'adoption du Code civil du Québec. Mais c'était...

Mme Harel: Pour de bons motifs.

M. Marx: Non. ...pour de bons motifs, mais pour quelques années, jusqu'au moment où la députée de Maisonneuve a pris le dossier en main. Là, j'ai arrêté mes critiques. Je pense que si vous allez voir le dossier, j'ai été sévère à ce point envers le gouvernement, mais après cela, je pense que je n'ai pas formulé de critique parce que le gouvernement a fait plus de progrès quand il a donné la responsabilité de ce dossier à Mme la députée.

Je suis tout à fait d'accord qu'il y a certaines réformes qu'on pourrait peut-être faire au cours des mois prochains. Il ne faut pas toujours donner comme excuse qu'on attend l'adoption du Code civil en 1989, ou parce que ce serait dangereux. Je pense, par exemple, aux droits économiques des conjoints. Et aussi, nous sommes en train d'élaborer une nouvelle loi sur la curatelle publique qui touche le droit des personnes. Il ne faut pas donner comme réponse qu'on ne peut rien faire pendant des années parce qu'on est en train d'adopter le Code civil. Effectivement, rien n'est , coulé dans le ciment et on va essayer de faire des ajustements, de modifier des lois et d'adopter de nouvelles lois comme sur les droits économiques des conjoints au cours des prochains mois.

Juste en terminant, en ce qui concerne... Nous avons formé un comité sur la réforme du droit. Comme cela a été souligné, il y a Me Longtin, Me Cossette, Me Pineau et je ne veux pas oublier le juge Chassé, qui fait aussi partie de ce comité. Il nous apporte l'expérience d'un juge qui a siégé en matière de droit civil. J'aimerais aussi souligner la présence de Me France Fradette et de Me Albert Bélanger, qui ont aussi travaillé sur ce projet.

Voilà. Je suis sûr que cette sous-commission va bien aller et qu'elle va nous permettre d'adopter - je le rappelle pour la nième fois - le code en 1989. De temps en temps, cela m'empêche même de dormir. Merci.

Auditions

Le Président (M, Marcil): Merci, M. le ministre. Maintenant, nous allons procéder à l'audition du premier groupe. Auparavant, je voudrais rappeler quelques règles à suivre.

Comme l'a souligné tantôt Mme la députée de Maisonneuve, nous avons un horaire très chargé. Donc, en tant que président de cette sous-commission, je ferai en sorte de faire respecter cet horaire. Je demanderais aux participants d'être précis dans leurs questions lorsque le temps vous sera alloué pour intervenir. Je me charge de faire en sorte que notre horaire soit respecté, puisque nous en avons jusqu'à minuit ce soir et, demain également, pour terminer vendredi après-midi. Certains groupes se sont déplacés et nous ne voudrions pas être dans l'obligation de les reporter au lendemain.

Le premier groupe que nous allons entendre est le Barreau du Québec. Il est représenté par Me Michel Jolin, bâtonnier du Québec; par Me Robert Godin, président de la sous-commission du Barreau sur le droit des sûretés; par le professeur Roderick Macdonald, doyen de la Faculté de droit de l'Université McGill et personne-ressource de la sous-commission du Barreau et par Me Suzanne Vadboncoeur, directrice du service de la recherche de la législation du Barreau et secrétaire de la sous-commission sur le droit des sûretés.

Je vous rappelle que les mémoires ont été lus par l'ensemble des gens ici; donc, tous les membres de cette sous-commission ont lu vos mémoires. Vous avez 30 minutes, ceci s'adresse également aux autres intervenants qui sont assis derrière, pour exposer, faire la synthèse ou résumer votre mémoire puis, ce temps écoulé, les deux partis pourront intervenir sous forme de questions. Soyez les bienvenus. Nous vous écoutons.

Barreau du Québec

M. Macdonald (Roderick A.): Merci, M. le Président, je voudrais d'abord saluer les membres de cette commission et vous remercier d'avoir accepter d'entendre le Barreau du Québec. Avant de céder la parole au porte-parole du Barreau et à ceux qui ont préparé ce mémoire, je voudrais faire un très bref commentaire pour vous dire que depuis le début de cette réforme du Code civil, le Barreau du Québec, y attachant une très grande importance, a choisi parmi ses membres des experts pour conseiller le Barreau et le gouvernement.

Parmi les préoccupations que nous avons, nous avons l'idée ou nous retenons le principe que les amendements au Code civil doivent s'ajuster à la réalité d'aujourd'hui, telle qu'elle se vit. Nous sommes préoccupés de voir dans le futur, lorsque les différents chapitres ou les différents livres du Code civil auront été adoptés, qu'il y ait cohérence dans l'ensemble des travaux de la réforme du Code civil. Nous vous suggérons donc, comme commentaire préliminaire, de garder à l'esprit que les différents livres et la réforme du Code civil doivent s'harmoniser dans toutes leurs parties. Quant à la position et au mémoire du Barreau, je vais céder la parole Me Suzanne Vadboncoeur qui va résumer et vous indiquer les principales propositions du Barreau sur ce sujet.

Le Président (M. Marcil): Me Suzanne Vadeboncoeur, nous vous écoutons.

Mme Vadboncoeur (Suzanne): M. le Président, mesdames et messieurs les membres de la sous-commission, il nous fait plaisir de vous présenter les principales recommandations et commentaires du Barreau du Québec. Comme vous avez pu le constater, le mémoire se divise en deux parties, chacune étant consacrée à un livre, soit le livre sixième et le livre neuvième. Mon intention est de vous résumer les commentaires généraux qui, finalement, contiennent les points majeurs qui ont été discutés et les problèmes les plus fondamentaux qui ont été soulevés par les membres de la sous-commission du Barreau. Vous constaterez aussi que, dans chacune des deux parties du mémoire, les commentaires généraux sont suivis de commentaires particuliers qui ne sont pas moins importants que les commentaires généraux. Mais évidemment, compte tenu du temps dont on dispose et compte tenu du nombre gigantesque d'articles que contiennent les deux livres, il nous est impossible, à ce stade-ci, d'y faire référence. Mais on pourra évidemment y revenir dans la période de questions qui va suivre le présent exposé.

Alors, les commentaires généraux du livre sixième touchent les priorités, la présomption d'hypothèque, l'hypothèque légale dans le domaine de la construction, la forme notariée de certains actes, les recours et l'uniformité du langage. Dans les priorités, le Barreau a été un peu déçu de constater que le gouvernement n'avait pas suivi la position de l'office d'abolir tous les privilèges, comme l'ont souligné tout à l'heure le ministre et son adjoint parlementaire. Il y a certains des privilèges du Code civil qui ont été repris dans les créances prioritaires. L'office avait suggéré que la seule forme de garantie qui pouvait subsister pour les créanciers était l'hypothèque et nous aurions préféré que le gouvernement suive cette position. Dans l'hypothèse où les créances prioritaires seront maintenues, le Barreau croit qu'elles devraient se limiter à certaines. Donc, les créances de ceux qui ont le droit à l'égard d'un bien d'être remboursés des impenses devraient être abolies et remplacées par un droit de rétention dont on recommande d'ailleurs certaines dispositions dans la section III du titre premier.

La créance accordée à l'État nous apparaît un peu exorbitante également parce

qu'elle fait l'objet, non seulement d'une créance prioritaire, mais d'une hypothèque légale. On s'interroge sur les motifs qui poussent le gouvernement à accorder un tel double privilège - entre guillemets - à l'État pour les taxes et les impôts. Étant donné le peu d'explications ou le peu d'éclaircissements qu'on a sur la portée du mot État, on peut supposer qu'il couvre tant les ministères, les sociétés de la couronne que les organismes administratifs, ce qui aurait pour résultat de rendre beaucoup trop large cette créance prioritaire puisqu'elle inclurait non seulement les taxes et les impôts, mais toutes les pénalités, amendes, frais, redevances et ainsi de suite. On suggère donc de rétrécir cette créance prioritaire de l'État à celle qui est prévue dans le droit actuel, c'est-à-dire aux créances contre ses comptables. (10 h 30)

Ainsi, les priorités faisant l'objet d'une relative importance dans l'avant-projet de loi, le Barreau suggère même d'en faire une section du titre premier puisque, finalement, l'avant-projet de loi touche beaucoup plus les hypothèques, que ce soient les hypothèques conventionnelles ou les hypothèques légales, donc d'en faire des dispositions sur les priorités simplement quelques articles d'une section du titre premier.

La présomption d'hypothèque, comme l'a souligné la députée de Maisonneuve, aurait dû, à notre sens, être retenue par le gouvernement dans l'avant-projet. J'ai tout à l'heure accroché à une remarque de l'adjoint parlementaire du ministre de la Justice, en ce sens qu'il souhaitait que les créanciers soient sur un pied d'égalité. C'est précisément le but de la présomption d'hypothèque de placer tous les créanciers sur un pied d'égalité et d'éviter que certains créanciers, par le biais de clauses contractuelles, puissent contourner les règles relatives à la publicité et au recours qui sont prévues dans le chapitre des hypothèques.

Il y a plusieurs mémoires, à ma connaissance, qui préconisent l'adoption de présomption d'hypothèque. Je sais que nos confrères notaires appuient, nous appuient ou on les appuie, en tout cas, sur cela, l'Association des banquiers, la même chose, et ainsi que d'autres, je pense à la Commission des services juridiques. Je pense que le gouvernement se doit de reconsidérer sa position sur cela pour que vraiment il y ait un système égalitaire qui se crée, en ce qui concerne les créanciers. On pourra peut-être revenir plus tard sur les détails de la présomption d'hypothèque.

L'hypothèque légale dans le domaine de la construction. Le Barreau est loin d'être défavorable à ce qu'il y ait une protection dans le domaine de la construction, sauf que la solution envisagée par l'avant-projet de loi qui est, comme on le sait, une hypothèque légale, nous apparaît nettement insatisfaisante. Comme on te sait, dans ces projets de construction, ce sont les bailleurs de fonds qui, la plupart du temps, détiennent la première garantie, la première hypothèque, et de créer une hypothèque légale pour tous ceux qui sont impliqués dans le domaine de la construction, cela équivaut finalement à peu près à rien; c'est un recours qui nous apparaît excessivement illusoire. Les dispositions mêmes de l'avant-projet comportent en plus certaines difficultés d'application, notamment celle de déterminer le rang par rapport aux autres hypothèques conventionnelles, justement, cela nous apparaît absolument difficile et compliqué d'application. Donc, on demande à nouveau au gouvernement de revoir tout ce domaine de la protection légale des gens qui sont impliqués dans la rénovation et la construction d'immeubles, afin de leur accorder une protection qui soit efficace et réaliste.

Le quatrième point concerne les recours. Le recours en délaissement dont l'adjoint parlementaire a parlé un peu plus tôt nous apparaît une réalité un peu bizarre dans l'avant-projet de loi. On nous le présente comme un recours distinct et comme un recours qui est ouvert à la fois aux créanciers prioritaires et aux créanciers hypothécaires. On se demande un peu comment le délaissement peut exister comme recours distinct. Cela sert à quoi de prendre un recours en délaissement? Cela donne quoi, s'il n'y a rien qui s'ensuit? Un créancier va demander à son débiteur de délaisser le bien, mais il arrive quoi après? II ne reçoit pas plus d'argent. Il ne réalise pas plus sa garantie. Donc, cela nous apparaît vraiment impensable de prévoir le délaissement comme étant un recours distinct. On pourrait l'utiliser comme mesure préliminaire à l'exercice d'autres recours. Mais encore là, le Barreau s'interroge sérieusement sur l'utilité du recours en délaissement comme mesure préliminaire à l'exercice d'autres recours. À l'heure actuelle, le délaissement fait partie des conclusions ou des conséquences d'un jugement sur un recours hypothécaire. On s'interroge vraiment sur l'utilité de demander le délaissement, par exemple, d'un immeuble alors que la vente pourrait être réalisée seulement six mois ou un an après. D'une part, le débiteur lui-même serait privé de la jouissance de son bien pendant tout ce temps et, d'autre part, le créancier, lui-même, étant donné que le projet de loi ne semble pas lui accorder l'administration du bien pendant la période de délaissement, perdrait également les fruits et les revenus de l'immeuble parce qu'il n'a pas de pouvoir d'administration sur le bien délaissé.

Donc, on ne peut que conclure que le délaissement, finalement, n'est pas utile aux

créanciers, sauf s'il est exercé comme recours strictement hypothécaire. Je m'explique. D'abord, il ne peut être ouvert aux créanciers prioritaires, ni comme recours distinct, ni comme mesure préliminaire pour les raisons que j'ai mentionnées tout à l'heure et, de plus, parce que les créanciers prioritaires, par définition, ont un droit de créance. Ils n'ont pas de droit réel sur les biens de leur débiteur. Donc, ils ne peuvent pas sommer leur débiteur de délaisser un bien en particulier, vu que leur créance porte sur le patrimoine de leur débiteur et non sur un bien en particulier, à l'exception - je le mentionne tout de suite - des municipalités et des commissions scolaires pour lesquelles on a recommandé qu'elles aient un droit de suite sur les biens immobiliers du débiteur en défaut.

Étant donné que le délaissement ne peut être ouvert qu'aux créanciers hypothécaires, on s'est interrogé sur la différence ou sur la pertinence de distinguer la prise de possession du délaissement. Ce sont finalement deux façons pour les créanciers d'être mis en possession du ou des biens, selon le cas, de leur débiteur, mais sans en acquérir la propriété. Vous le verrez en détail dans les commentaires généraux, étant donné les lacunes et les ambiguïtés qui existent, tant dans les articles sur le délaissement que dans ceux sur la prise de possession, on a pensé fusionner ces deux sections pour faire un recours amélioré, recours strictement hypothécaire - je le répète - qui serait intitulé "Le délaissement" afin d'éviter toute confusion dans le langage.

Finalement, les recours face aux créanciers prioritaires. On a établi que les créanciers prioritaires ne détiennent pas de droit réel et n'ont pas de droit de suite sur les biens de leur débiteur. Non seulement l'avant-projet de loi contient plusieurs dispositions qui laissent supposer le contraire, mais également il prévoit justement la formalité préliminaire à l'exercice d'un recours d'un créancier prioritaire et la signification d'un avis d'intention. Or, en vertu de l'article 2927, l'avis d'intention doit sommer le débiteur de délaisser le bien en question. Encore une fois, on s'interroge. Comment le créancier prioritaire peut-il sommer le débiteur de délaisser le bien? Il n'y a aucune créance qui porte sur un bien particulier. Ainsi, les recours prioritaires qui sont prévus dans l'avant-projet de loi ne peuvent pas s'appliquer au créancier prioritaire. Le seul recours qui serait ouvert au créancier prioritaire, selon nous, est la vente en justice, tel que prévu par le Code de procédure civile. Et la vente sous contrôle de justice qui est prévue à l'avant-projet de loi, étant donné qu'elle doit être précédée d'un avis d'intention, ne pourrait être ouverte qu'au créancier hypothécaire.

Indépendamment de la vente de gré à gré, le créancier hypothécaire aurait donc deux moyens, deux façons d'exercer la vente sous contrôle de la justice: en premier lieu, d'obtenir jugement contre le débiteur de saisir et de vendre les biens, en vertu du Code de procédure civile; en deuxième lieu, la signification d'un avis d'intention au débiteur en défaut et la vente sous contrôle de la justice, tel que le prévoient les articles 2945 à 2952 de l'avant-projet.

À cause de ses positions de principe basées sur une réalité juridique, le Barreau a recommandé de modifier pas mal la structure de l'avant-projet de loi et, finalement, d'intituler tout le domaine des recours, par exemple les dispositions communes aux recours hypothécaires plutôt qu'aux recours en général étant donné que, encore une fois, les recours prévus à l'avant-projet de loi ne peuvent être ouverts qu'aux créanciers hypothécaires.

Le cinquième commentaire touche la forme notariée de certains actes. Encore là, nous avons puisé à plusieurs endroits, notamment dans un rapport qui avait été fait en 1972 sur le notariat. Le Barreau est d'avis que, compte tenu de l'évolution des modes de financement, compte tenu de l'évolution des sûretés mobilières qui se sont multipliées depuis plusieurs années, compte tenu du fait que la pratique veut que les avocats s'occupent de plus en plus de droit immobilier et que les avocats préparent même des actes réservés aux notaires, compte tenu également que pour la protection du public le législateur devrait non pas privilégier des chasses gardées corporatives mais ouvrir à la population l'action aux services juridiques en matière immobilière, le Barreau pense que les hypothèques immobilières de même que les autres actes dont la préparation est réservée aux notaires en vertu de l'avant-projet de loi devraient donc pouvoir être faits également par acte sous seing privé. Vous savez comme moi que les nantissements commerciaux, agricoles et forestiers, les actes de fiducie, etc., peuvent comporter des montants considérables. Le fait que cela puisse être rédigé par un avocat ou fait par acte sous seing privé n'a jusqu'à maintenant causé aucun problème, bien au contraire. C'est une diversité et un choix plus important pour le justiciable que de pouvoir consulter le professionnel de son choix.

Il faut aussi noter que dans les transactions commerciales importantes où des négociations extrêmement détaillées sont nécessaires, on peut même aller jusqu'à dire que le notaire qui est censé être neutre pourrait même être en conflit d'intérêts. Ces négociations doivent nécessairement comporter, si vous voulez, la représentation de chacune des parties par un conseiller juridique, qu'il soit notaire ou avocat, peu importe. Il faut quand même que chacune

des parties soit représentée par un juriste dans ces négociations, de sorte que la rédaction de ces actes par un notaire qui représentait les deux parties pourrait même nuire à ces parties plutôt que les aider. Autant les notaires ne pourraient crier à un monopole quant à la négociation justement de baux commerciaux et de transferts de droit de propriété, autant ils ne peuvent pas et ils ne doivent pas revendiquer un monopole dans le domaine des transactions immobilières. (10 h 45)

Le dernier point en ce qui concerne le livre sixième est relatif à l'uniformité du langage. On a mentionné à plusieurs reprises dans le projet de loi et même ce matin dans les remarques préliminaires l'expression "tiers détenteur". L'expression "tiers détenteur" je crois que tous savent ce que cela veut dire, on se réfère à l'expression "tiers détenteur" telle qu'on la connaît en vertu du droit civil actuel et en vertu du Code civil actuel. Sauf que le projet de loi 20 qui est maintenant une loi traite l'expression "détenteur" dans un tout autre sens. Il y aura lieu de faire attention justement dans le travail d'unification du projet final, en 1989, à cette uniformité de langage et à faire dire aux expressions, à leur donner en tout cas une signification uniforme dans chacun des livres du Code civil du Québec.

Donc, pour pouvoir reprendre la signification du Code civil actuel, on a dû, nous, utiliser une espèce de périphrase qui peut rendre le texte lourd, mais qui évite quand même la confusion qui peut exister dans la signification des termes. On laisse le soin aux rédacteurs de trouver peut-être une formule plus heureuse que la périphrase que nous avons employée.

La deuxième remarque au niveau de l'uniformité du langage, on a constaté à plusieurs reprises dans l'avant-projet que tantôt une hypothèque grève un bien, tantôt elle est créée sur un bien, tantôt elle porte sur un bien, tantôt elle affecte un bien. Encore là, il serait peut-être souhaitable d'avoir une certaine uniformité. D'autre part, quelquefois, on constate que l'hypothèque prend effet, quelquefois elle est acquise, quelquefois elle subsiste. Je pense que la remarque vaut pour ces expresssions également.

Quant à la description des biens, on a encore une fois malheureuement constaté un éventail absolument fantastique d'exigences par rapport à la description de biens dans les actes d'hypothèque. Par exemple, en matière d'hypothèque mobilière, dans la même section, trois articles sur quatre comportent des exigences complètement différentes. Il faudrait peut-être, encore là, faire attention aux exigences que l'on veut bien qu'un acte comporte.

Je vais aller rapidement maintenant dans le livre neuvième. Les commentaires généraux touchent plusieurs aspects généraux du nouveau régime d'enregistrement de même que le report des droits. Dans le nouveau système d'enregistrement à propos duquel d'ailleurs le Barreau est loin d'être défavorable, au contraire, je pense que le fait de créer un système dit objectif peut être extrêmement sain. D'autre part, le fait qu'on nous ait confirmé tout à l'heure qu'il n'y aurait plus de conservation des documents est un peu inquiétant dans la mesure où les enregistrements se feront par dépôt d'un sommaire et dans la mesure où ces sommaires, en tout cas, compte tenu des dispositions actuelles de l'avant-projet, peuvent vraiment poser des difficultés. Il faut quand même être conscient que si on ne peut consulter les documents déposés et qu'on doit se fier uniquement au sommaire, cela peut affecter drôlement les droits des parties et elles peuvent se réveiller dans des situations juridiques auxquelles elles ne s'attendaient absolument pas. Il faudrait être prudent là-dedans. Quitte à trouver un moyen de microfilmage ou microfichage ou je ne sais trop quel moyen on pourrait trouver, il nous semble absolument essentiel que les documents déposés puissent être consultés un jour ou l'autre par quiconque le requiert.

L'un des problèmes que suscite le nouveau régime d'enregistrement, c'est qu'on ne sait pas exactement, mis à part l'article 3341, en quoi consiste l'enregistrement. On dit que l'enregistrement se réalise par le dépôt d'un sommaire ou de l'acte lui-même et par une inscription au registre approprié. On emploie l'expression "au registre approprié" au singulier; mais il y a d'autres étapes que cela, il y a le registre des présentations et, ensuite, le ou les autres registres, selon que l'acte en question doive être enregistré dans le registre des droits personnels et mobiliers et/ou le registre foncier. Donc, à partir de quel moment exactement l'enregistrement est-il complété? C'est important, compte tenu du rang que prennent les hypothèques. Le projet est assez vague là-dessus. Alors, on a suggéré que l'article 3309 soit complété par l'assujettissement de son principe à l'accomplissement des formalités ultérieures par le régistrateur, notamment, la vérification et l'inscription dans les autres registres appropriés.

Également, il y a certaines formalités qui sont très lourdes de conséquence en ce qui a trait à la responsabilité professionnelle des notaires et des avocats. Je fais ici allusion aux articles 3325... 3335 et 3336. Je pense que c'est ceux-là. Enfin, sur le fameux certificat dont parlait Mme la députée de Maisonneuve tout à l'heure. Le fait qu'on exige des avocats, des notaires et des arpenteurs-géomètres, d'ailleurs, de certifier l'identité, la qualité des parties, l'adéquation

entre l'acte et la volonté, cela nous apparaît à peu près impossible en pratique. D'abord, sur le plan de l'identité, évidemment, n'ayant pas de carte d'identité officielle ici, on doit se fier à la déclaration des individus sans quoi évidemment une recherche approfondie de l'identité d'une personne pourrait causer des enquêtes et même, jusqu'à un certain point, des jugements déclaratoires.

L'identité corporative, le domicile d'une corporation, également, peut être difficile à établir, Le problème peut-être le plus délicat, c'est l'adéquation de l'acte et de la volonté des parties. Si chacun pouvait certifier de façon certaine, dans toutes les circonstances, l'adéquation entre la volonté des parties et l'acte qui en résulte, il n'y aurait plus de procès. Ce n'est pas pour rien qu'il y a des procès. Il y a des problèmes d'interprétation. Les gens n'interprètent souvent pas les mots de la même façon. Les actes contiennent des clauses qui dans l'esprit d'une partie veulent dire telle chose, alors que dans l'esprit du cocontractant, ça ne veut peut-être pas dire le contraire, mais souvent c'est le cas.

C'est extrêmement exigeant et impraticable de certifier cette adéquation. Nos collègues notaires nous disent qu'eux, ils le font constamment. Cela aussi reste à vérifier. Souvent, les notaires, enfin, la Loi sur le notariat elle-même permet à un notaire autre que le notaire instrumentant de recevoir la signature d'une des parties. À ce moment, il est difficile de savoir si le notaire instrumentant a effectivement vérifié auprès des deux parties si ce qui se retrouve dans l'acte correspond vraiment à la volonté de ces deux parties.

La complexité du sommaire est d'autant plus importante et dangereuse et inquiétante que les gens devront se fier sur ce qui apparaîtra au sommaire, puisque on nous dit que les documents ne seront plus consultés au bureau d'enregistrement. Quand on nous dit à l'article 3343 que le sommaire doit contenir dix points, dont, entre autres, la nature du droit, le nombre, la quantité des biens de chaque catégorie et de chaque qualité, c'est énorme. La nature du droit et son étendue, cela veut dire quoi? Quand on a un acte de fiducie, par exemple, qui peut contenir je ne sais pas combien de clauses qui peuvent affecter les droits des parties, qu'est-ce qu'on indique dans le sommaire? Quels droits? Il va falloir en indiquer plusieurs. Comment cela va-t-il fonctionner? C'est quoi l'étendue d'un droit? Est-ce que c'est un droit qui peut être soumis, par exemple, à une clause résolutoire? Quelle est la nature exacte et l'étendue du droit?

Le sommaire va donc comporter des difficultés pratiques énormes. Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, il faut vraiment s'y attarder parce que c'est le principal instrument que les justiciables auront pour constater les droits qui peuvent affecter les immeubles ou les meubles qu'ils veulent acquérir. Les devoirs imposés au registrateur nous apparaissent un peu dangereux dans la mesure où le registrateur s'impose pratiquement en quasi-juge en décidant de la conformité qui peut exister entre le sommaire et les actes. Cela risque d'entraîner des délais et des coûts très importants.

Enfin, le Barreau regrette que le gouvernement n'ait pas retenu la solution de l'office de créer un fonds d'indemnisation qui vise à indemniser les victimes d'erreurs dans les titres et les certificats. Nous croyons que dans un système objectif comme celui qui est proposé dans l'avant-projet, c'est un moyen adéquat pour justement pallier les erreurs qui pourraient se présenter dans la préparation et l'inscription des différents droits aux registres.

Quant au report des droits, c'est le dernier point, nous sommes d'avis que tous les droits qui apparaissent à la fiche immobilière et qui ont été enregistrés devraient être reportés et non seulement les droits réels qui y sont inscrits. D'ailleurs, là-dessus, cela me suscite un commentaire additionnel. L'avant-projet est assez nébuleux quant au sort des baux, par exemple, des déclarations de résidence familiale, des choses comme celles-là. Où cela est-il enregistré? Est-ce qu'on devra l'enregistrer au registre foncier? Est-ce qu'on devra l'enregistrer au registre des droits personnels et mobiliers? Si on l'enregistre au registre foncier, pourquoi ces droits ne seraient-ils pas reportés et pourquoi seraient-ils éteints par le simple effet de la loi? Cela nous apparaît dangereux et nous croyons que tous les droits qui sont enregistrés et qui apparaissent à la fiche immobilière devraient être reportés. Il faudrait enfin donner au tiers dont un droit pourrait être éteint par le simple effet de la loi la possibilité de prendre des mesures conservatoires et de s'assurer que son droit pourra être reporté, ce qui n'est pas le cas dans l'avant-projet actuel.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Merci, Me Vadboncoeur.

Maintenant, je veux vous rappeler que vous avez environ 22 minutes pour chacune des parties pour intervenir. Je vais laisser la parole à M. le député de Marquette, adjoint parlementaire.

M. Dauphin: D'accord. Merci, M. le Président.

J'aimerais tout d'abord remercier le Barreau du Québec, représenté par son bâtonnier et les personnes compétentes et distinguées l'accompagnant, pour la présentation de ce mémoire.

J'ai une série de questions que nous avons préparées. Étant donné que nous avons 20 minutes, je vais tenter de suivre un peu l'ordre de présentation de votre mémoire et commencer par les priorités. Vous vous opposez au maintien de la notion de privilège. Ma première question est celle-ci: Ne croyez-vous pas que certaines créances soient connues ou représentent des deniers publics avec une connotation pour l'intérêt de la collectivité? Est-ce que cela ne mériterait pas nécessairement un traitement préférentiel en matière de créances? Dans la même veine, vous proposez d'enlever l'article des créances prioritaires sur les impenses en ce qui concerne le remboursement des impenses sur un bien pour proposer à la place un droit de rétention. Ma question est la suivante: Comment éviter alors que le rétenteur paralyse l'action des autres créanciers qui détiennent une sûreté sur le bien retenu? Finalement, toujours sur le même sujet des priorités, vous considérez que la créance prioritaire de l'État est exorbitante puisqu'apparaissant autant dans les créances prioritaires qu'à l'hypothèque légale, ne croyez-vous pas, puisque d'ailleurs existe actuellement la Loi sur le ministère du Revenu, qu'un tel cumul de sûretés... n'êtes-vous pas d'avis que le maintien du statu quo entraînera... est-ce que le maintien du statu quo entraînera des difficultés pratiques? Comme autre sujet, est-ce que... Voulez-vous répondre à cela et on reviendra à d'autre chose après? D'accord. (11 heures)

Le Président (M. Marcil): N'oubliez pas de vous identifier à chaque fois que vous intervenez pour le besoin du Journal des débats.

M. Godin (Robert P.): Robert Godin. On peut peut-être essayer de répondre à certaines. On a cherché d'abord à simplifier et à arriver le plus près possible de l'élimination complète des priorités des privilèges. Il nous semblait que la seule qui devait demeurer pour des raisons pratiques et administratives étaient vraiment celle des créances pour les impôts fonciers pour les municipalités. C'était facile à identifier, on pouvait identifier le bien. II y avait une tradition et c'est dans ce sens qu'on a conservé celle-là. Pour les créances de l'État, on juge que la priorité doit être limitée aux sommes où des individus agissent comme percepteur pour l'État - c'est-à-dire celui qui perçoit la taxe de vente ou celui qui perçoit des impôts ou des droits - et de réserver les autres garanties à l'hypothèque conventionnelle, à l'hypothèque légale.

M. Macdonald (Roderick A.): Roderick Macdonald, de McGill. En ce qui concerne le droit de retention, notre objectif était de simplement reconnaître qu'ailleurs dans le Code civil, on trouve des exemples de droit de retention. Dans le projet de loi 20, il y en a. J'imagine que dans le projet des obligations on en trouvera d'autres. L'idée était simplement que si on laisse ailleurs dans le code le soin de stipuler les situations d'un droit de retention, on permet au créancier simplement d'exiger le paiement de sa créance qui soutient le droit de rétention. Éventuellement, le créancier hypothécaire va payer la créance pour avoir le bien. En comité, on a cru que le montant des créances du retenteur et le nombre des situations est tellement limité que ce n'était pas du tout nécessaire de stipuler une priorité. Laissez au créancier rétenteur le soin d'exiger le paiement avant de se départir de son bien. On n'a pas trouvé que c'était un problème énorme.

M. Dauphin: En ce qui concerne le statu quo qui existe en vertu de la Loi sur le ministère du Revenu, en ce qui a trait à la créance de l'État... vous n'avez pas de commentaire spécifique à faire sur cela?

M. Godin (Robert P.): Je pensais que l'hypothèque légale qui est prévue était suffisante, était satisfaisante.

M. Dauphin: Était suffisante par rapport... D'accord.

Mme Vadboncoeur: Votre question n'est pas... peut-être parce qu'on ne la comprend pas. Quel est le but de votre question exactement? Que voulez-vous savoir?

M. Dauphin: Vous dites que c'est exorbitant, parce que cela apparaît dans les créances prioritaires, à l'article 2807 et en ce qui a trait à l'hypothèque légale, aux dispositions de l'hypothèque légale. C'est une double sûreté - si vous me permettez l'expression - alors que cette double sûreté existe actuellement. En vertu de la Loi sur le ministère du Revenu, il y a une disposition dans la loi qui le prévoit. Alors, je me demandais jusqu'à quel point cela causait d'énormes difficultés que de laisser cela comme cela.

Maintenant, M. le Président, si vous me permettez juste pour... Étant donné l'importance du sujet, j'en ai d'ailleurs parlé à ma collègue au tout début de nos travaux, j'aimerais tout de suite qu'on permette aux experts des deux côtés, autant...

Le Président (M. Marcil): Tout en vous identifiant. Oui.

M. Dauphin: ...du ministère de la Justice que Me Mélançon, de pouvoir poser des questions, je ne croirais pas que nos invités aient d'objection à ce que les experts

puissent intervenir en tout temps et même poser des questions.

Le Président (M. Marcil): Pour les besoins du Journal des débats, il est important que, à chaque occasion, on s'identifie. Cela va, Me Jolin?

M. Jobin (Michel): Peut-être à titre indicatif sur la dernière question que vous avez posée, le fait que cela existe dans la Loi sur le ministère du Revenu ne devrait pas être un indicateur ou une commande à la réforme du Code civil. Alors, dans ce sens-là, on devrait ne pas être guidé par les dispositions de la Loi sur le ministère du Revenu, mais avoir une réforme qui est plus originale et qui influencera la Loi sur le ministère du Revenu éventuellement, qui à bien des égards, apparaît à certaines occasions exorbitante.

Nous sommes à votre disposition si des experts veulent nous poser des questions.

M, Dauphin: Pour passer maintenant à la présomption d'hypothèque qui était recommandée par l'Office de révision du Code civil et que vous préconisez, ma question est la suivante. N'êtes-vous pas d'avis que cette présomption serait difficile d'application et poserait des difficultés considérables au niveau de la preuve, puisqu'il y aurait évidemment une présomption, puisqu'il faudrait déterminer si une stipulation a eu ou non pour effet de garantir l'exécution d'une obligation?

On traite souvent également de la liberté des conventions, est-ce que cela n'irait pas à l'encontre de la liberté des conventions et la question première évidemment, c'est la plus importante, c'est au niveau de la preuve.

M. Macdonald (Roderick A.): Je crois que la meilleure façon de répondre, c'est d'identifier exactement ce qu'est la présomption d'hypothèque. La présomption d'hypothèque ne veut pas dire que les clauses résolutoires, les ventes dites conditionnelles et d'autres conventions contractuelles sont prohibées. Les parties peuvent toujours stipuler toutes sortes de contrats, ou jouer avec le titre de propriété et le transfert de titre, avec la charge des risques, avec l'assurance ou l'intérêt assurable. Tout ce que veut dire la présomption, c'est si on emploie une convention contractuelle comme clause résolutoire, comme la vente conditionnelle.

Pour les fins d'obtenir une sûreté, si l'objet est une sûreté, il faut enregistrer la clause et la convention selon les règles de l'hypothèque. Pour toutes autres fins, c'est-à-dire pour les fins d'assurance, pour les fins de contrôle des risques ou quelles parties assument les risques, la convention va édicter le droit implicable. Donc, la présomption, c'est une façon de régler la publicité d'une sûreté ou d'un contrat qui fonctionne comme une sûreté et, deuxièmement, de régler les recours des créanciers pour éviter des abus. Je vous donne des exemples.

Si on pense sûreté, on pense surtout aux conventions qui permettent aux créanciers d'obtenir une préférence dans les biens de leur débiteur. Cela, c'est l'idée d'une sûreté; sauf que les conventions ou les tactiques juridiques les plus répandues pour obtenir une sûreté fonctionnelle ne sont pas des stipulations permettant au créancier d'obtenir préférence dans les biens de son débiteur, mais plutôt d'obtenir le bien.

Le créancier obtient le bien en soi. Sa sûreté n'est pas une sûreté; sa sûreté, c'est le titre et d'où il y a la vente conditionnelle qui n'est pas du tout réglementée par le code. Le code actuel en ce qui concerne des hypothèques est d'abord un système intéressant et efficace de réalisation sauf que, la plupart des créanciers ne s'en servent pas, ils jouent avec le titre. Ce sont des sûretés qui ne sont pas vraiment des sûretés, mais qui sont des...

La présomption d'hypothèque a pour effet de dire aux créanciers, faites ce que vous voulez, sauf que vos recours sont les suivants et le système de publicité c'est le suivant et tout le monde va le savoir.

Vous me posez la question: pourquoi, quel est l'avantage de cela? II y en a deux.

Premièrement, le coût de crédit. Quand vous obtenez un emprunt, le prêteur exige, disons, 10 % d'intérêt pour couvrir le cours de l'argent. De plus, il ajoute un certain pourcentage pour couvrir ses risques. Dans un système où les créanciers ou les prêteurs ne sont pas en mesure de connaître les risques éventuels, le pourcentage qu'ils exigent au débiteur pour les risques est augmenté. Des statistiques démontrent qu'en Ontario et aux États-Unis, avec le PPSA et le "Uniform Commercial Code", le coût de crédit au débiteur a été réduit de 1 % après l'adoption du PPSA et du "Uniform Commercial Code". Pourquoi? Parce que tous les créanciers savent dès le début que s'ils sont enregistrés en premier, ils vont être payés en premier. Avec le système actuel, le créancier peut avoir une hypothèque, mais quelqu'un d'autre peut avoir une dation en paiement rétroactive et exproprier toute la sûreté du créancier. Donc, la première raison pour laquelle on recommande une présomption d'hypothèque, c'est pour réduire le coût du crédit pour le débiteur.

La deuxième raison est la suivante. La meilleure garantie que le débiteur ne sera pas écrasé par un créancier, c'est de mettre tous les créanciers garantis sur un pied d'égalité, de réglementer ce que les créanciers peuvent faire avec les biens de

leur débiteur. S'il y a des détournements à faire, s'il y a des pistes cachées, vous pouvez être sûr que certains créanciers vont suivre ces routes alternatives pour avoir une avance sur leurs compétiteurs. Si tout le système de réalisation est public et connu, et si tous les recours sont connus, c'est une meilleure protection pour le débiteur; tout le monde connaît la situation dès le début, il n'y a pas de cache-cache comme dans le système actuel.

M. Dauphin: J'aurais une autre question à poser, avant de céder la parole à ma collègue de Maisonneuve, relativement au privilège ouvrier. Vous êtes favorable à une protection des intervenants en matière de construction, mais vous êtes d'avis que la solution proposée dans l'avant-projet de loi est inadéquate. J'aimerais que vous nous fassiez part de vos suggestions à cet égard. Nous aimerions également connaître votre opinion relativement à la solution qui était proposée par l'Office de révision du Code civil en matière du privilège dans la construction.

M. Godin (Robert P.): Robert Godin. La solution proposée nous semble inadéquate en ce sens que, si vous êtes familier avec les projets de construction et en particulier avec le financement des projets de construction... Comme le disait Me Vadboncoeur tout à l'heure, le financement de ces projets se fait par des bailleurs de fonds qui enregistrent une première charge, qui prennent une première hypothèque et qui avancent leurs fonds graduellement, au fur et à mesure que les travaux avancent. Les problèmes subsistent quand ces fonds, au lieu d'être utilisés pour payer les créances de la construction, sont utilisés à d'autres fins. Ceux qui ont vécu la construction dans les années cinquante et les années soixante se souviennent des problèmes en matière de privilège et en matière de construction, problèmes qui se sont tranquillement estompés à mesure que les gens ont établi des façons de travailler.

Il est certain aujourd'hui que les privilèges, tels qu'on les connaît, ont su protéger les gens de la construction en imposant aux prêteurs, dans le domaine de la construction, des méthodes de travail, des procédures de déboursé et des techniques de vérification. Si on enlève le privilège, et je crois que, pour l'instant, on est favorable au système dans ce sens, il faudra trouver une solution de rechange. L'hypothèque légale que vous suggérez sera prise sur un immeuble qui sera déjà hypothéqué complètement, à 100 %. En matière immobilière, on parle d'équité. Il n'y aura pas d'équité dans l'immeuble. Les créanciers oeuvrant dans le domaine de la construction n'auront rien pour se faire payer. Tout ira pour rembourser le premier créancier hypothécaire. (11 h 15)

Dans ce sens, la protection ou le régime que vous proposez n'est pas adéquat. On a longuement discuté en comité sur ce qu'on pourrait vous suggérer. Évidemment, on sait que ce n'est pas facile. On sait que c'est un domaine très difficile. On vous avoue humblement qu'on a eu l'impression que cela dépassait nos moyens à ce stade. Il y a des régimes dans d'autres juridictions où on identifie d'abord, où on a un système objectif d'identification de tous ceux qui oeuvrent dans la construction. On établit des systèmes de retenues statutaires, on établit des systèmes de vérification de paiements et de constitution de fonds. Je crois qu'il y a lieu de faire une étude de ces législations. Il y a eu des problèmes dans les autres juridictions et dans l'administration de ces programmes. Il nous apparaît essentiel de trouver une formule ou une technique qui protégera les gens de la construction. On admet que ce n'est pas facile, mais ce que vous proposez n'est pas adéquat. Alors, on n'a pas de solution, mais vous autres non plus pour l'instant. Je pense qu'il est important de faire un travail dans ce sens. Vous avez les ressources et les gens pour le faire. Il est important de se pencher sur cette question en particulier. Faire cela, on revient aux années où les gens signaient des renonciations aux privilèges, où il y avait des faillites et que les fournisseurs perdaient tout, où tous les petits fournisseurs et tous les petits entrepreneurs se sont fait laver d'une façon terrible. On ne veut pas revenir à cela. Comme je le dis, on n'a pas la solution immédiate à vous proposer.

Le Président (M. Marcil): Merci. J'aimerais permettre à Me Cossette, directeur du droit civil au ministère de ia Justice de poser une question.

M- Cossette (André): M. le Président, je voudrais m'adresser à Me Godin. Vous avez fait allusion à diverses législations dans les autres provinces. Est-ce que vous faites allusion à celles qui veulent, par exemple, que les sommes d'argent qu'un propriétaire destine à un projet déterminé demeurent en fiducie de même que celles reçues par un entrepreneur demeurent également en fiducie, c'est-à-dire pour les fins de la réalisation d'un projet?

M. Godin (Robert P.): Je pense qu'il faut étudier ces mesures. Ce sont des mesures complexes au point de vue administratif. Ce sont des mesures aussi qui vont changer les règles du jeu dans le domaine de la construction. Je pense qu'il faut l'étudier avec soin, mais je pense qu'on s'achemine probablement vers des législations de ce type. Si on abolit le privilège à ce

moment, il faut trouver une façon d'identifier les fonds disponibles dans le domaine de la construction pour s'assurer que les gens vont être payés. Tout le principe du privilège a été de donner une sûreté pour garantir les matériaux, le travail et la plus-value. Si on enlève cette sûreté, comme je vous le dis, l'hypothèque que vous proposez arrive complètement après les autres. Il n'y a plus rien. À ce moment, ce que vous suggérez, c'est que les fonds destinés à la construction devront être identifiés et "entiercés" d'une certaine façon. C'est probablement vers cela qu'on s'en va.

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, je pense que je vais poursuivre là où mon collègue, l'adjoint parlementaire, s'est finalement arrêté. J'imagine qu'il va avoir encore une série dans sa liste de questions... Déjà, vous noua avez fait connaître très clairement votre position concernant toute la question du remplacement notamment de la priorité pour les... par le droit de retention, de l'abolition des priorités sur la question de la présomption d'hypothèques. Vous avez, je pense, éloquemment démontré combien il faut que tout le monde connaisse les risques éventuels et prenne les risques en connaissance de cause. Donc, cela faisait image mais je crois que cela nous faisait bien comprendre la préférence dans le bien et le bien doit être distingué. Je pense certainement que ce point de vue sera retenu pour réflexion, je le souhaite en fait, par le gouvernement.

En ce qui concerne l'hypothèque légale justement de la construction, l'hypothèse d'une protection par le biais d'un Code de la construction doit-elle être définitivement écartée? Il nous semble souhaitable que la protection se retrouve au Code civil. Avez-vous un point de vue sur cette question?

Mme Vadboncoeur: Si je peux me permettre. Suzanne Vadboncoeur. On n'a pas écarté la solution d'un code de la construction. On le mentionne d'ailleurs dans le mémoire. On dit: est-ce que ce serait la solution, que ce soit aussi dans le Code civil? On n'a pas pris position sur la solution, mais on ne l'écarte pas non plus, du moins pas dans le code de la construction, loin de là.

Mme Harel: En fait, ce que vous nous dites actuellement, c'est que la solution dans l'avant-projet de loi n'en est pas une. Enfin, ce serait illusoire de penser que c'en est une. Quant à la solution de rechange qui est proposée par l'Office de révision du Code civil, en fait, l'hypothèque avec rang prioritaire à toutes les autres hypothèques avec impossibilité d'y renoncer. Quel est votre point de vue sur cette question?

M. Godin (Robert P.): Cela ramène le privilège, c'est une façon de réintroduire le privilège. Si on veut être plus conséquent, on a décidé qu'on ne voulait plus avoir de privilège, je pense qu'il faut suivre cela et avoir un projet qui se tient. Si on crée une sorte d'hypothèque prioritaire, j'ai l'impression qu'on a simplement ramené la notion de privilège. C'est peut-être ce qu'il faudra faire également et repenser cette notion pour les fins de la construction. Mais simplement de ne pas donner un mécanisme, cela ne nous apparaît pas satisfaisant.

Mme Harel: Enfin, la question, c'est de savoir dans la balance des inconvénients lequel est le plus grand en regard de cette solution de rechange ou d'absence de solution tout court d'une certaine façon.

M. Godin (Robert P.): Je pense que ce qui est important, c'est de savoir qu'il y a un travail spécifique à faire dans ce secteur-là. Il y a des problèmes particuliers. Je reprends la suggestion de Me Cossette, "d'entiercement" de fonds, c'est une possibilité, mais en même temps, c'est une possiblité qu'il faut étudier avec beaucoup de soin comme toutes les autres, mais c'est un gros domaine, un domaine complexe. En tout cas, nous autres, on sentait que cela dépassait nos moyens.

M. Macdonald (Roderick A.): Roderick Macdonald, de nouveau. Le problème dans le domaine de la construction, c'est le suivant: il y a des fournisseurs de matériaux, de meubles. Souvent, les meubles sont déjà hypothéqués. Il y a également des travailleurs, et le bailleur de fonds et le propriétaire... On a trouvé - je cite le cas de l'Ontario seulement comme exemple - en Ontario, qu'une seule sûreté n'est pas aussi certaine de garantir adéquatement tous les intérêts en jeu. Avec le nouveau "Construction Lien Act of Ontario", on a créé effectivement trois sortes de sûretés dans le domaine de la construction: il y a une sûreté réelle sur le bien, il y a un fonds en fiducie avec la possibilité de nommer un syndic, quand les projets sont en difficulté, un syndic gère le projet et avance les fonds pour que le projet soit complété et il y a également la possibilité de ce qu'on appelle un "hold back" où on ne peut pas débourser plus de 80 % ou 85 %, je crois, de la valeur du projet, jusqu'à ce qu'il y ait un certificat démontrant que tous les employés et les sous-entrepreneurs sont déjà payés. À ce moment-là, le bailleur de fonds avance les 15 % qui restent. On a trouvé que c'était tellement plus complexe qu'une solution uniforme, unique. Je cite le cas de l'office

qui propose sa solution de rechange. C'est une solution unique. On a trouvé en Ontario, en tout cas, que ce n'était pas aussi utile que nécessaire. C'est pour cette raison que nous, du comité, n'étions pas capables de bâtir quelque chose de subtile dans les quelques mois que nous avons,

Mme Harel: Vous comptez sur nous pour le faire. Allez-vous poursuivre vos travaux, au Barreau, sur cette question? Au service de recherche, entendez-vous poursuivre cette question? Je pense que c'est une question majeure. C'est une question qu'on ne pourra pas éviter ou écarter.

Mme Vadboncoeur: Nous avons toujours offert notre étroite collaboration avec les légistes du ministère de la Justice. Si on peut leur être de quelque utilité, à ce niveau, cela nous fera plaisir de travailler ensemble.

Mme Harel: Peut-être pouvons-nous examiner toute cette question de la certification. Vous êtes assez sévères, je pense à bon droit, dans votre critique sur la certification aux pages 169, 170, 144, 145 du mémoire. Cela nous amène à croire qu'à faire comme une démonstration, le certificat est inutile et surtout, en tout cas, la démonstration peut être source de problème. Finalement, vous concluez à le limiter pour en faire une sorte d'attestation. Vous dites d'ailleurs au tout début de votre mémoire que les actes sous seing privé n'ont jamais causé de problème. Ma question est la suivante: Pourquoi maintenant exiger une formalité finalement, soit ta certification?

M. Godin (Robert P.): Robert Godin. La procédure proposée semble s'insérer dans la proposition globale de trouver une façon d'avoir un système d'enregistrement plus objectif. Comme on le mentionne dans notre rapport, on est certainement tout à fait d'accord avec cette évolution, avec ce principe. Mais on se met dans la position du praticien qui est appelé à poser les gestes qui sont décrits à 335 et à 336 dans son cabinet après avoir fait une transaction. Il nous apparaît très difficile d'imaginer que cela va être possible de le faire d'une façon suffisamment objective pour donner le résultat. Si vous regardez les mots, le notaire, l'avocat ou l'arpenteur-géomètre, selon le cas, doit certifier qu'il a vérifié l'identité; comme on le mentionnait tout à l'heure, on n'a pas de mode objectif pour vérifier l'identité des parties.

On peut toujours leur demander leur permis de conduire, mais c'est à peu près tout ce qu'on peut demander. Certifier la qualité. Que fait-on quand on certifie la qualité? Qu'il agit pour lui-même ou qu'il agit par procuration pour un autre, que veut- on dire exactement, qualité? Capacité. Il y a tous ses moyens. II est assez vieux. Si c'est une corporation, son statut corporatif lui permet de faire ce qu'il fait, etc. Mais, quand on en vient, comme disait tout à l'heure Me Vadboncoeur, à établir, à certifier l'adéquation entre l'acte et la volonté, là, vraiment ça nous dépasse. (11 h 30)

Tant les notaires que les avocats cherchent à rendre ou à préparer de la documentation, ou à préparer des contrats qui - tout le monde le souhaite - expriment bien ce que les parties avaient en tête. Mais, de là à pouvoir certifier l'adéquation entre l'acte et la volonté des parties, c'est impossible. Où allez-vous et jusqu'à quel point allez-vous expliquer aux parties les conséquences des gestes qu'elles posent, des contrats qu'elles signent... Si on regarde les contrats commerciaux très complexes qui ont des tonnes de dispositions différentes qui touchent un grand nombre de domaines, les domaines fiscaux, les domaines d'affaires, dans quelle mesure allez-vous être obligé d'expliquer aux parties toutes les conséquences des gestes qu'elles posent pour en venir à certifier que l'acte qu'elles ont signé correspond vraiment à leur volonté? C'est vraiment impossible. On est dans un monde tout à fait subjectif. C'est dans ce sens que cette formalité nous a vraiment troublés. On a beaucoup de difficultés. On comprend que le registrateur veut avoir des mécanismes qui sont à l'extérieur de son système, si on peut dire, qui viennent de l'extérieur pour justifier les gestes qu'il va poser comme registrateur. Cela nous apparaît comme allant vraiment trop loin. C'est dans ce sens qu'on critique... On est prêt à donner une forme de certificat, si vous avez noté dans votre rapport, mais pas rédigé de la même façon.

Mme Harel: Mais, à ce moment-là, M. le Président, ce certificat qui serait donné le serait sans responsabilité professionnelle. Ce serait une sorte d'attestation. C'est cela?

M. Godin (Robert P.): Non.

Mme Harel: C'est-à-dire que, de toute façon, il n'y aurait pas l'ensemble des exigences telles que prévues par la loi. Ce ne serait pas une certification. Je pense que vous parlez plus d'attestation.

M. Godin (Robert P.): Non, je pense que l'avocat ou le notaire qui donnerait l'attestation devraient le faire selon les règles de Part...

Mme Harel: Oui.

M. Godin (Robert P.): ...d'une façon compétente, en prenant les moyens normaux

et conformes à sa pratique, etc. Ni les avocats, ni les notaires, ni les arpenteurs-géomètres n'ont une obligation de résultat dans les services professionnels qu'ils rendent. Dans ce sens, il faudrait qu'un praticien pose des gestes d'une façon professionnelle, mais il ne faudrait pas s'attendre è une obligation de résultat, comme on semble exiger aux articles 3335 et 3336.

Mme Harel: Vous disiez - je pense que c'était Me Vadboncoeur - que le Barreau souhaite qu'il y ait de plus en plus de documents qui soient enregistrés. D'ailleurs, il y a beaucoup de documents maintenant qui peuvent être enregistrés sous seing privé sans qu'il soit nécessaire qu'ils passent entre les mains d'un avocat ou d'un notaire. Vous souhaitez d'ailleurs qu'il y en ait de plus en plus qui le soient sans qu'il soit nécessaire qu'ils passent par les mains d'un notaire. Avec les dispositions, même d'une attestation, l'ensemble de ces actes devrait maintenant obligatoirement passer entre les mains d'un notaire ou d'un avocat. On a parlé dans le passé de déjudiciarisation. Est-ce que là, cela ne serait pas une sorte de professionnalisation un peu excessive de tous ces actes?

M. Godin (Robert P.): Encore là, il faut voir dans quel contexte ce certificat s'insère. Il s'insère dans le contexte d'un système de plus en plus objectif d'enregistrement. Alors, je pense qu'il faut quand même arriver à déterminer dans une certaine mesure la forme des documents et la valeur des documents qui sont présentés pour enregistrement. C'est dans ce sens qu'on implique le notaire, l'avocat et, dans une certaine mesure, l'arpenteur-géomètre qui agissent comme, si je comprends bien, des spécialistes sur lesquels le registrateur devra se fier avant d'accepter un document pour enregistrement. Autrement, ce que vous allez faire si vous ne faites pas cela, vous allez reporter le problème directement entre les mains du registrateur qui devra vérifier l'identité, etc. Votre processus d'enregistrement va devenir de plus en plus lourd et de plus en plus difficile. Je pense que c'est pour éviter cela qu'on a établi le système du certificat, le système du sommaire. On n'est pas contre ce qui est là, mais on voit des problèmes pratiques.

Mme Vadboncoeur: Si je peux compléter, M. le Président, les articles 3335 et 3336 peuvent également poser des problèmes pratiques. Dans l'hypothèse où un acte a été rédigé par un avocat M. Untel ou Mme Unetelle et que, pour une raison ou pour une autre, la ou les parties vont en voir un autre ou vont voir un notaire ou vont voir un autre avocat dans une autre ville ou n'importe quoi pour obtenir, justement parce qu'ils sont obligés d'en avoir un en vertu de l'avant-projet, la fameuse certification, comment ce nouveau juriste qui arrive dans le portrait va certifier de l'adéquation entre la volonté et l'acte? II n'a même pas été présent ni aux négociations ni à la rédaction de l'acte, il est néophyte dans le dossier, comment va-t-il pouvoir, en toute conscience, certifier de l'adéquation entre la volonté et l'acte? Cela était une remarque pour compléter ce que Me Godin a dit.

Voici une seconde remarque. Étant donné que le système d'enregistrement proposé est un système objectif en vertu duquel n'importe qui va pouvoir se fier aux inscriptions des registres à une date donnée et étant donné que cet enregistrement va se faire, en règle générale, par le dépôt d'un sommaire - donc, les gens devront se fier au contenu du sommaire - il faut justement que le contenu du sommaire sait bien rédigé, compte tenu du fait qu'on doit à peu près préciser toute espèce de renseignement dans cela, notamment sur la nature des droits qu'on veut enregistrer. Si l'arpenteur-géomètre pour son expertise à lui, le notaire et l'avocat comme juristes ne sont pas présents, si on laisse la préparation de toute cette paperasse aux soins du commun des mortels qui, tout en étant compétent dans bien des domaines, n'a pas l'expertise juridique, on risque de faire face à un système complètement faussé où il y aura des erreurs épouvantables dans les registres, dans les sommaires et dans les certificats. Compte tenu du fait qu'on a un système objectif, évidemment vous pouvez imaginer et suivre les conséquences sur les droits des parties.

Mme Harel: Votre réponse m'incite à poser encore à nouveau cette question: Est-ce le bon moyen de résoudre un problème, si problème il y a? La gravité en est-elle à ce point importante qu'on veuille introduire un système qui, entre autres, aussi va ajouter des coûts additionnels considérables aux consommateurs? Je ne sais pas si le gouvernement a étudié le coût que le public ou les consommateurs auront à supporter. D'autre part, vous proposez également, je pense, de faire en sorte que les déclarations de résidence familiale et également les baux immobiliers soient obligatoirement maintenant tenus à cette attestation. Vous vous rendez compte du volume d'actes qui seraient finalement assujettis?

M. Godin (Robert P.): Si je peux ajouter à cela.

Mme Harel: C'est proposé par le Barreau. Le Barreau propose et recommande que les déclarations de résidence familiale de même que les baux immobiliers le soient

également.

M. Godin (Robert P.): Ceux qui sont familiers avec la pratique en droit immobilier savent que plus on va pouvoir rendre notre système d'enregistrement objectif, plus le consommateur va pouvoir en bénéficier ultimement. Cela serait de la mauvaise économie d'essayer d'épargner de l'argent au moment de l'enregistrement et d'enregistrer toutes sortes de paperasses qui vont forcer les examens des titres complexes, les problèmes de titres, les difficultés d'interprétation... Je pense que la direction qu'on tente de prendre en ce moment, celle de rendre plus efficace et plus objectif le système, est tout à fait souhaitable et je pense que tout le monde pourra en bénéficier. Si vous étiez conscients des frais d'examens des titres, par exemple, qu'on doit répéter à chaque fois qu'il y a une transaction immobilière et répéter, et répéter, et répéter, je sais que les consommateurs font les frais de dépenses à cet égard qui sont très élevées, plus on pourra minimiser ce genre de dépenses, mieux le consommateur sera protégé. Cela exige un certain formalisme. Cela exige que le système soit très rigoureux. Sur le plan de l'enregistrement, cela va exiger peut-être plus de discipline. Le Barreau n'est pas défavorable du tout à cela.

Mme Harel: II reste très peu de temps. Je pense qu'on peut tous convenir qu'autant l'objectif d'un système d'enregistrement plus objectif peut être souhaitable, autant il faut encore continuer à réfléchir sur les moyens les plus adéquats pour y arriver, à ceux qui vont assurer la protection du public, mais aussi certainement au coût le moins grand possible.

Je vais devoir terminer sur la question du sommaire. Vous soulevez indéniablement un problème réel. Vous semble-t-il que seulement le contenu du sommaire devrait être opposable aux tiers, de façon que les tiers ne puissent pas vérifier le contenu de l'acte que par le sommaire? Serait-ce là une façon d'envisager la question?

M. Godin (Robert P.): En fait, on s'est posé la question. Il semble, d'après ce qu'on a compris ce matin, qu'effectivement c'est le sommaire qui va demeurer au bureau d'enregistrement, qui va être le document qu'on pourra consulter. Les documents eux-mêmes, les contrats eux-mêmes ne seront pas disponibles. Cela rend la rédaction du sommaire... Le sommaire lui-même devient un document très important. Dans la rédaction du sommaire, il faudra faire attention qu'il n'y ait pas de divergence entre le sommaire et ce que les parties ont signé. Cela voudrait dire, à toutes fins utiles, qu'il faudra presque reproduire intégralement, dans le sommaire, les dispositions importantes d'un contrat. Je pense, par exemple, à une servitude réelle entre deux immeubles où il peut y avoir des éléments de droit réel, des éléments de droit personnel. C'est souvent très difficile de faire la distinction entre ce qu'est un droit réel et un droit personnel dans certaines servitudes. Si vous regardez les servitudes entre de gros immeubles commerciaux, par exemple, des obligations de services et des choses comme celles-là, qu'est-ce qu'on va mettre dans le sommaire? Comment va-t-on rédiger le sommaire? Est-ce qu'on va mettre tout cela dans le sommaire? Est-ce qu'on va juste prendre la chance d'en dire assez et les tiers seront liés ou auront connaissance seulement de ce qu'il y aura dans le sommaire? Pour nous, ce n'est pas clair et cette question nous inquiète. Mais, certainement, quand on lit que le sommaire doit contenir une description de la nature du droit et son étendue, cela nous laisse bien songeurs.

Mme Harel: M. le Président, je vais immédiatement remercier les représentants du Barreau. J'ai trouvé que votre travail est absolument remarquable. Je tiens vraiment à vous en féliciter. C'est un travail très substantiel, très exhaustif et beaucoup de clarté s'en dégage. Comme vous le savez, et cela a été le cas dans le passé, lors de l'étude article par article, nous nous inspirons souvent de beaucoup de vos travaux.

Le Président (M. Marcil): Merci, Mme la députée de Maisonneuve. M. le député de Marquette.

M. Dauphin: À mon tour, évidemment au nom du gouvernement, j'aimerais remercier les représentants du Barreau du Québec, Me Jolin, M. Godin, Me Vadboncoeur et M. Macdonald, de leur présence à nos travaux. Je prends bonne note de ce que Me Vadboncoeur a dit tantôt sur le fait que vous êtes disponibles pour l'équipe du ministre de la Justice afin d'approfondir notamment la présomption d'hypothèque ou le privilège en matière de construction. Félicitations pour votre mémoire.

Le Président (M. Marcil): À mon tour, je vous remercie, au nom des membres de cette sous-commission, de vous être prêtés à cette audition. Soyez assurés que les questions qui ne vous ont pas été posées et qui étaient préparées vous seront sûrement soumises pour réflexion. Merci beaucoup.

Je vais suspendre nos travaux deux minutes afin de permettre aux représentants de la Commission des services juridiques d'avancer immédiatement.

(Suspension de la séance à 11 h 45)

(Reprise à 11 h 50)

Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous plaît!

Maintenant, nous allons procéder à l'audition des membres de la Commission des services juridiques. Je vais vous laisser le soin, Me Lafontaine, de présenter vos collègues. Je vous signale, également, que vous avez 20 minutes pour votre exposé.

Commission des services juridiques

M. Lafontaine (Yves): Je note que le temps fuit étant donné que c'est 20 minutes plutôt qu'une demi-heure. On va essayer quand même de se tenir à l'intérieur de ce délai. Mon nom est Yves Lafontaine.

Le Président (M. Marcil): Je m'excuse. Tantôt, j'ai sûrement commis un impair. Habituellement c'est 20 minutes pour chacun des exposés. Même si ça dépasse, nous allons compresser dans notre temps. Ne vous inquiétez pas. Prenez le temps qu'il vous faut. Naturellement, il ne faudrait pas dépasser une demi-heure.

M. Lafontaine: Comme on dit en droit, on essaiera d'agir comme un homme ou une femme raisonnable. Merci.

À ma gauche, Michel Lamarre, directeur d'un bureau d'aide juridique sur la rive sud de Montréal. À ma droite, Georges Massol, du service de recherche de la Commission des services juridiques. À mon extrême droite, Me Jacques Lemay, directeur d'aide juridique pour l'Estrie. En arrière, et non le moindre, Me Pierre Proulx, d'un bureau d'aide juridique ici à Québec. Maintenant, il y a d'autres personnes qui ont participé à la confection du mémoire qui n'ont pas pu venir ici ce matin. C'est quand même un ouvrage de groupe et qui a été endossé par les commissaires de la Commission des services juridiques.

Je remercie la sous-commission de nous donner l'occasion de nous faire entendre sur le sujet. Quant à moi, je vais certainement me permettre deux remarques préliminaires. Je laisserai mes compères qui sont pas mal plus spécialistes dans le domaine, disons, le soin de vous informer des remarques qu'ils ont à faire à la suite d'une lecture attentive et une discussion sur le sujet. Les deux remarques qu'il y a à faire sont: La première, d'abord, c'est que nous sommes représentants d'une clientèle défavorisée. Nous avons 246 000 clients dans une année. Nous avons un billet. Il ne faudrait pas se surprendre. Nous ne sommes pas comme un législateur. Nous n'avons pas à prendre soin de l'intérêt commun de toute une communauté. Nous avons un billet pour des personnes défavorisées.

Il ne faut pas s'attendre de nous que nous allons nous occuper beaucoup de la protection des droits des créanciers, parce qu'on n'en représente pas tout simplement. C'est qu'on représente ordinairement le petit débiteur. Simplement une remarque générale pour les gros. La loi normalement les opprime parce que ça va de soi, ils sont capables de se débrouiller. Mais pour le petit, lui, sa défense dans une société démocratique est au niveau de la loi. Je pense que c'est important pour nous de venir justement en commission parlementaire parce que, pour lui, c'est une façon de se défendre parce qu'au niveau d'une négociation de gré à gré, il est toujours le perdant, parce que si c'est de gré à gré, ça lui prend des sécurités quelque part.

La deuxième remarque que je veux faire est une remarque, disons, d'aspect général. Je sais que ce n'est pas facile, mais c'est ce que je pense. C'est la troisième fois qu'on vient en commission parlementaire concernant le Code civil. Je comprends que vous avez peut-être la même difficulté, mais au niveau du Code civil, on se demande toujours ce qui fonctionne en parallèle au niveau de l'autre loi. Vous pouvez prendre certains exemples. On a passé les droits de la personne. Par la suite, on est arrivé avec une Loi sur la curatelle. Quand on était sur les droits de la personne, on se disait: Est-ce que ce sera la loi d'aspect général? Y aura-t-il une loi en parallèle à côté? S'il y a une loi en parallèle, on aimerait bien savoir pour se prononcer sur la loi générale, ce qui va rester dans cette loi parallèle. Je comprends qu'elles ne peuvent pas arriver toutes les deux en même temps. Sauf que c'est un souci constant qu'on a et cela devient difficile quand on fait des mémoires.

On a sorti aussi la Loi sur l'adoption par la suite. Pourtant, c'était sur les personnes aussi. On a vu tous les tollés que cela a pu faire et les difficultés que cela a pu entraîner. On a sorti le droit de la famille. On sort le droit économique des conjoints. C'est difficile pour nous quand on regarde le Code civil sur la famille de se prononcer, parce qu'on ne sait pas ce qui s'en vient sur le droit économique des conjoints non plus. Je comprends que, dans une société, il faut que les choses arrivent à peu près toutes en même temps. C'est difficile à faire. Ce que je veux vous dire dans le fond, c'est que là, on va vous parler des sûretés, mais on ne sait pas ce qui s'en vient dans la protection du consommateur à côté.

On a bien plus d'intérêt dans la Loi sur la protection du consommateur, par exemple, étant donné qu'on représente ordinairement des débiteurs, qu'on peut en avoir vis-à-vis des sûretés. Donc, il faudra comprendre le contexte dans lequel on est obligé de travailler sur les sûretés, c'est que l'on ne sait pas non plus s'il y aura des

modifications ou même s'il y en aura une loi sur la protection du consommateur.

Si on regarde un peu tout ce qui se dégage de l'Office de révision du Code civil, on se demande s'il n'y aurait pas juste une loi générale au niveau des sûretés. Nous disons que cela va prendre une loi sur la protection du consommateur, si oui, bien, on aimerait savoir ce qu'il y a dedans.

Cela dit, c'est simplement des "caveat" pour vous dire la difficulté qu'on a eue même à comprendre te texte; c'est qu'on ne sait pas ce qui fonctionne en parallèle ou ce qui va venir par la suite.

Je veux maintenant demander à Me Massol, un des rédacteurs qui, en fait, est secrétaire du comité, de vous transmettre les principales remarques que contient le mémoire. Merci.

Alors Me Georges Massol.

M. Massol (Georges): Merci, M. le Président.

M. le Président, distingués membres de la sous-commission, bonjour.

Alors, le projet couvre évidemment de très vastes domaines, le domaine des sûretés, le domaine de la publicité. Certains de nos commentaires ont fait déjà l'objet de discussions avec le Barreau, alors cela va peut-être faciliter le travail de nous tous de ce côté-ci comme de votre côté. Il y a des choses qu'on va essayer de ne pas retoucher lorsque cela semble clair ou lorsqu'il y a accord entre nous et le Barreau.

L'ensemble des propositions, croyons-nous, constitue un effort remarquable de synthèse. Nous constatons que l'uniformité des pricipes des matières commerciales et de consommation ne favorisent pas cependant notre clientèle.

Je m'explique. Le projet nous semble favorable d'abord en matière commerciale. C'est une synthèse des différentes tais existantes soît le nantissement commercial, la Loi sur les pouvoirs spéciaux des corporations, la loi sur la cession des biens en stock. II y avait besoin d'un bon ménage là-dedans et je crois que le gouvernement l'a effectué.

En matière de relation avec les consommateurs cependant, il me semble que les protections n'ont pas été oubliées mais minimisées.

Les principes qui ont conduit à l'adoption de ce projet tout comme la philosophie développée par l'Office de révision du Code civil avant, ont eu d'abord pour base de faire un certain ménage, comme je l'expliquais, en matière commerciale.

L'objectif principal de notre intervention sera donc de replacer les choses où elles doivent être, c'est-à-dire en matière de consommation. Le projet tire en partie son origine du rapport de l'ORCV, l'Office de révision du Code civil, qui a commencé ses travaux, si je ne me trompe pas, au milieu des années soixante, avant la période de protection du consommateur qui a caractérisé la plupart des systèmes juridiques occidentaux.

Je me demande si, en 1987, ce projet est compatible avec la protection du consommateur qui s'est développée au Québec depuis 1970-1971 et qui a pris de l'ampleur depuis 1980. À cause du temps restreint qui nous est alloué et du type spécial de clientèle que nous présentons, nous allons nous en tenir à des commentaires et recommandations touchant notre clientèle.

Ainsi, le domaine de la publicité ne fera pas l'objet de commentaires vraiment spécifiques. Nous concentrons notre exposé sur trois principales parties. Il est à noter que quelques changements ont pu intervenir depuis la rédaction de notre mémoire. Nous allons tenter de vous en faire part en cours de route ou lors de la période des questions.

J'aborderai d'abord la question des priorités des hypothèques légales. Me Lemay, à ma droite, traitera du domaine mobilier et de la compatibilité avec le domaine de la consommation. Je pense que c'est notre principal souci, notre principale argumentation qui sera développée dans cette partie-là. Me Lemay pourra, à l'occasion également, traiter de la présomption de l'hypothèque. Je compléterai l'exposé par un rapide survol des recours offerts au créancier et de la protection que ces recours offrent au débiteur. Le reste des questions soulevées par notre mémoire pourra faire l'objet d'échanges de propos par la suite.

Concernant les priorités - rapidement -on note d'abord que le législateur n'a pas retenu la suggestion de l'office de révision quant au retrait de ces priorités. Le rôle des priorités, si on regarde le projet de loi tel qu'il est rédigé, ne nous semble pas clair. On se demande au juste ce que vont apporter les priorités. Est-ce que les priorités vont conférer un droit de suite ou non? Le Barreau soulignait avec justesse que certains articles semblent conférer un droit de suite aux priorités. Par contre, est-ce que c'est l'objet même des priorités? Est-ce que c'est de la nature même des priorités? Est-ce que le législateur a voulu qu'il en soit ainsi? Les priorités ne feraient-elles que spécifier l'ordre de certains créances?

La Commission des services juridiques s'oppose donc en principe à l'instauration des priorités, tel que les arguments contenus dans son mémoire le spécifient. On se demande plus particulièrement s'il y a une raison de privilégier certains créanciers, que ce soit l'État, les commissions scolaires ou les municipalités. N'y aurait-il pas lieu de transférer tous ces domaines dans l'hypothèque légale qui est déjà passablement complète ou encore dans le domaine de l'hypothèque conventionnelle?

Néanmoins, on s'explique difficilement comment on pourrait maintenir ces priorités tout en ne leur conférant pas un droit de suite. Normalement, une priorité doit conférer un droit de suite. Si les priorités ne confèrent plus de droit de suite, cela devient peut-être moins intéressant pour tout le monde et c'est surtout peut-être inutile. Je ne passerai pas en revue chacune des priorités qui sont prévues à l'article 2807; je crois que cela fait l'objet d'amples commentaires dans notre mémoire.

Concernant les hypothèques légales cependant, nous voudrions mentionner que dans la mesure où les priorités sont éliminées ou restreintes, certaines hypothèques légales devraient subsister. La créance de l'État - je vous réfère à l'article 2888 - devrait effectivement être limitée aux créances de l'État concernant les taxes et les impôts et non pas subsister ou comporter une certaine protection pour les organismes à caractère public ou les autres organismes étatiques. Quant à la créance du vendeur impayé, cette hypothèque légale pourrait être possiblement éliminée puisque le créancier a déjà la possibilité de se faire consentir une hypothèque conventionnelle. Dans les relations contractuelles entre te vendeur et l'acheteur, il est facilement possible pour le créancier de se faire consentir une hypothèque conventionnelle. D'ailleurs, dans le chapitre de la publicité, il y a quelques articles qui donnent déjà un rang privilégié au vendeur. Je pense que, déjà, avec l'hypothèque conventionnelle, le genre de rang privilégié que le vendeur détient serait suffisamment protégé.

Quant au droit qui résulte d'un jugement, nous mentionnons dans notre rapport qu'on devrait limiter l'application de cette particularité au cas du jugement alimentaire à cause de la nature particulière de la créance. Là-dessus, plusieurs organismes et, je crois, le Barreau lui-même sont d'accord avec nous. On ne voit pas pourquoi les autres créanciers auraient une préférence ou une chance de plus, alors qu'ils n'ont pas pris la peine de se faire accorder une hypothèque dès le départ. Quant à la créance alimentaire, on comprend un peu plus la raison de cette possibilité.

En terminant, concernant l'hypothèque légale, on aimerait insister plus particulièrement sur l'article 2896 qui permet de substituer une sûreté à une autre ou de déterminer le bien sur lequel l'hypothèque portera, sauf dans les cas où l'hypothèque est en faveur de l'État. Nous pensons qu'il y a discrimination dans ce cas. Il n'y a aucune raison pour que le débiteur ne puisse substituer la sûreté ou s'adresser au tribunal afin de déterminer le bien sur lequel l'hypothèque portera, y compris en matière de créance à l'égard de l'État.

M. Lemay (Jacques): Jacques Lemay. En lisant le rapport de l'Office de révision du Code civil, je voudrais vous citer brièvement un paragraphe concernant le domaine de la consommation. On disait: On a entrepris la réforme du droit des sûretés réelles en posant comme base un certain nombre de principes généraux. Deuxièmement, c'est-à-dire le deuxième principe général était le suivant: Le besoin d'étendre le champ d'application des sûretés réelles mobilières, tant dans le domaine commercial que dans celui de la consommation, devrait s'accompagner de mesures qui tiendraient compte de la situation des économiquement faibles et réduirait les abus tout en assurant une certaine protection au créancier chirographaire.

Dans le projet de loi, je reconnais sans l'ombre d'un doute certaines protections importantes qui sont accordées au consommateur notamment, en matière de clause de dation de paiement dans le domaine immobilier. On ajoutait dans ce deuxième principe général la note suivante: La Loi sur la protection du consommateur a cependant été adoptée avant la fin des travaux de l'office de telle sorte que cet objectif s'est largement réalisé en dehors des cadres du Code civil. Donc, la Loi sur la protection du consommateur qui a été adoptée en 1972 - si ma mémoire est fidèle - avait précédé les objectifs que s'était fixé l'Office de révision du Code civil. Cependant, en lisant le présent avant-projet de loi, je note que la coordination entre les deux lois n'a pas été faite. Je vous te soumets respectueusement. Quand j'ai tu pour la première fois l'article 4021, j'ai tout de suite constaté que - si mon interprétation est valable - une personne physique, donc, un consommateur, peut consentir à une hypothèque mobilière maintenant pour garantir l'achat d'un bien de consommation.

Par la suite, je me suis rendu au niveau des recours et là j'ai eu quelques surprises. Je pense que c'est important d'insister. Je vais faire toute ma démarche. À 2915, on dit que les seuls recours des créanciers hypothécaires sont les recours prévus au présent titre. Or, tes recours prévus au présent titre, on y va au niveau des formalités préalables de l'exercice des recours à 2927 et à 2934 aussi, on nous précise ce que le débiteur peut faire lorsqu'il est poursuivi. Or, je vous soumets respectueusement que lorsqu'un débiteur... prenons l'hypothèse d'un débiteur qui achète une voiture et qui consent une hypothèque mobilière à son créancier, ce même débiteur aussi, vous le savez, consent une clause de déchéance du terme à son créancier puisqu'il achète à crédit.

Actuellement, en vertu de la Loi sur la protection du consommateur, quand le créancier désire exercer son recours, il doit

donner un avis préalable de 30 jours pour être capable, pour permettre au débiteur de remédier au défaut pendant le délai de 30 jours. Si ce même créancier désire réaliser son hypothèque mobilière, tel qu'on le prévoit dans l'avant-projet, à ce moment, il y a non-coordination entre les deux projets puisque les délais, premièrement, ne sont pas les mêmes et les droits accordés au débiteur ne sont pas les mêmes, puisqu'à 2934 on nous dit que dans le cas où le débiteur est en défaut - par exemple, lorsque le créancier invoque sa clause de déchéance du terme -ce qu'il peut lui réclamer, c'est le montant dû en capital et intérêts, donc, le solde de l'obligation.

Ce n'est que dans le cas où il exerce la reprise du bien en paiement que le débiteur peut remédier à l'omission ou à la contravention sans avoir à payer le montant global. Or, en vertu de la Loi sur la protection du consommateur actuellement, le débiteur peut remédier au défaut ou à l'omission dans le délai de 30 jours, ce qui ne serait pas possible dans votre avant-projet de loi. Il y a un manque de coordination entre les deux lois et je pense que là-dessus, des travaux additionnels devront être faits en matière de consommation. Je voudrais aussi vous dire qu'il aurait été intéressant que tous les délais soient uniformes. En matière de consommation, par exemple, on sait que la clause de déchéance du terme, le consommateur a 30 jours pour remédier au défaut. On sait qu'en matière de vente à tempéramment, le consommateur a 30 jours pour remédier au défaut.

On sait qu'il peut, à l'intérieur du délai de 30 jours, présenter une requête au tribunal pour modifier les modalités de paiement, ce qui lui permet d'être plus en mesure de faire ses paiements s'il est dans une période difficile. Pourquoi, dans le projet actuel, n'a-t-on pas la même protection pour le consommateur lorsqu'il est poursuivi sur une base hypothécaire?

En matière de dation en paiement, vous le savez, on lui donne un délai de 60 jours pour remédier à l'omission.

Pourquoi, lorsqu'il est poursuivi hypothécairement, ne lui donnerait-on pas en matière immobilière la même protection qu'il a en matière mobilière? Pourquoi, en matière de dation en paiement, lui donne-t-on une protection de remédier à Commission pendant un délai de 60 jours, alors que s'il est poursuivi hypothécairement, il n'a aucune protection, il doit rembourser le total de la dette. Il y a quelque chose qui manque quelque part au niveau de la protection.

Pour le moment, je vais arrêter ici.

M. Massol: Alors, je vais continuer.

Parlant justement des recours, nous avons constaté que les recours étaient surtout axés sur le domaine commercial. Les différents recours, que ce soit la vente en justice ou la vente de gré à gré, la vente par le créancier exige ou la vente de gré à gré constitue des formes de vente qui étaient prévues déjà par des contrats. Je ne pense pas que les consommateurs aient avantage à avoir de telles possibilités puisque, comme on l'a dit précédemment, les consommateurs seraient mieux protégés par des articles de loi qui prévoieraient explicitement le genre de recours qui doit être exercé. Ils n'ont pas laissé cela à la discrétion des parties.

L'avis d'intention qui est prévu par le projet est certainement une idée valable en soi. La possibilité de remédier au défaut devrait se retrouver cependant dans un article qui viendrait immédiatement après l'article qui prévoit l'avis d'intention, un peu comme l'actuel article 1040a et 1040b du Code civil.

L'avis d'intention devrait également être enregistré avant d'avoir son effet pour permettre entre autres au tiers intéressé de se prévaloir de la possibilité de recourir à l'article 2934. Il y a des exemples qui sont dans notre mémoire et qui sont invoqués à cet effet-là où un créancier ou un tiers intéressé pourrait voir ses droits mis en péril à cause d'un problème d'enregistrement qui n'a pas été fait puisque le créancier ne serait pas obligé d'effectuer l'enregistrement après avoir envoyé son avis d'intention.

Concernant la possibilité pour le débiteur de remédier à son défaut, on constate et on trouve regrettable que ce n'est que dans deux cas où le débiteur pourra remédier à la contravention en ne payant que ce qui est dû, le retard, dans le cas de la prise en paiement, c'est le cas actuel, ou si le créancier le permet.

Le créancier va-t-il le permettre? Je me pose la question, je trouve cela un peu alléatoire. Cette possibilité devrait à tout le moins être rendue à tous les recours. Tous les recours hypothécaires devraient comprendre cette possibilité pour le débiteur.

Le projet actuel fait en sorte que le débiteur pour remédier au défaut doit rembourser le solde en entier de l'obligation alors, la plupart du temps, s'il est en retard dans ses mensualités, il ne pourra certainement pas rembourser le solde au complet. Ce qui va arriver, c'est qu'il n'aura pas la chance des coureurs et son immeuble ou son bien en général va y passer.

L'article 2935 du projet devrait, à notre avis, subsister. Il y a peut-être des organismes qui vont vous suggérer de le retirer. Nous croyons qu'il s'agit à tout le moins d'une protection minimale. Et même si cet article pourrait se retrouver dans une autre partie ou dans un autre livre du Code civil, on devrait quand même le maintenir, quitte à ce qu'un principe général soit repris ailleurs dans le Code civil.

On peut parler rapidement également des visions de chapitre, toujours dans la partie des recours, cela pourrait peut-être être révisé, par exemple, les chapitres II et III du titre IV du livre des droits réels auraient pu être regroupés. On a des recours communs à tous les créanciers, des recours communs aux créanciers prioritaires et hypothécaires, des recours spécifiques aux créanciers hypothécaires; il me semble qu'il y aurait moyen de rediviser cela.

Quant au délaissement, on peut se poser la question de son efficacité et de son rôle dans le présent projet. Il faudrait éclaircir à tout le moins son rôle qui, pour le moment, est très obscur. On se demande si c'est un recours qui est préliminaire ou obligatoire. Dans certains cas, les autres recours nous laissent penser qu'il s'agit d'un recours obligatoire. (12 h 15)

On a mentionné précédemment le cas de l'avis d'intention par rapport à la protection du consommateur. Mentionnons également les limites protectrices proposées par les articles 2949 et 2950, les anciens articles 1202 et suivants de notre Code civil actuel, qui devraient prévoir à tout le moins les conséquences de l'acquisition du bien par le créancier à la suite d'une vente en justice. L'Office de révision du Code civil avait déjà restreint les articles du Code civil du Bas-Canada. Le projet de loi, à notre avis, vient encore plus restreindre ces articles.

La possibilité offerte au débiteur, à l'article 2958, constitue certainement une excellente innovation. Selon nous, il ne s'agit aucunement d'un accroc au "consensualisme", surtout en matière de consommation. C'est là probablement qu'on s'aperçoit qu'il y a un immense fossé qui sépare le monde du commerce du monde de la consommation. Le cas de la protection collective des consommateurs a, depuis quinze ans, constitué un principe supérieur à celui du vieux principe de la liberté contractuelle; j'y faisais allusion au début. Je pense qu'il ne faut pas revenir là-dessus, ce sont des choses acquises.

En matière de consommation, la possibilité offerte par l'article 2958 devrait être ouverte à tous les recours. On aurait alors tout le sens qu'il faut donner à cet article. Les recours et les délais offerts en matière mobilière du moins sont davantage favorables dans la Loi sur la protection du consommateur.

Ce sont tous les commentaires que nous avions à faire. Je vous remercie.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Je vais maintenant donner la parole au député de Marquette, adjoint parlementaire du ministre de la Justice.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. J'aimerais tout d'abord remercier la Commission des services juridiques non seulement pour la préparation et la présentation de ce mémoire, mais aussi pour la qualité et pour le soin qui ont été apportés à sa rédaction. Nous avons préparé quelques questions pour vous. J'aimerais aborder la première au sujet de... D'ailleurs, vous nous avez transmis un message quand même important. Vous représentez une clientèle fortement majoritaire de la société québécoise. Vous parlez de l'interrelation entre le commerce et la consommation. Vous reprochez donc à l'avant-projet de loi de vouloir uniformiser les règles qui gouvernent le marché de la consommation et celui du commerce. Ma question est la suivante. Seriez-vous satisfaits si, éventuellement, le Code civil avait des dispositions bien précises en matière de protection du consommateur et que tout soit intégré dans le Code civil du Québec? Je pense que vous avez un peu répondu à ma question au début, mais je voudrais savoir si cela vous satisfait.

M. Lemay: Je pense que, dans ('avant-projet de loi, il y a des choses extraordinaires. L'article 2958 est un net pas en avant en matière de clause de dation en paiement dans le domaine immobiilier notamment. La protection qui est accordée là n'existe pas actuellement. Par exemple, à l'article 2958, paragraphe deux, la possibilité pour le consommateur d'avoir des modalités différentes de paiement pour lui permettre de ne pas perdre la propriété de sa maison, je pense que c'est intéressant comme mesure législative. La question qu'an vous posait ce matin, vous l'avez très bien comprise, je pense: Pourquoi ne pas accorder cette protection pour tous les recours, d'une part? D'autre part, si vous voulez réintégrer dans le Code civil ce qui existe actuellement dans la Loi sur la protection du consommateur, soit, mais nous allons avoir un projet de loi qui va doubler d'épaisseur, compte tenu des dispositions particulières qui existent actuellement dans ce domaine. Si c'est la volonté du législateur, soit, mais, dans la mesure où la protection que l'on accorde ici est meilleure que celle qui existe actuellement, tant mieux. Mais ne perdons pas de vue qu'actuellement, dans l'avant-projet de loi, il y a des droits qui sont moins bien protégés en ce qui concerne le consommateur que dans la Loi sur la protection du consommateur actuelle. Donc, il faudrait changer, il faudrait réintégrer cela parce qu'il y a des conflits de loi. Et je ne sais pas dans quelle mesure on pourra régler ces conflits de loi si ce n'est pas modifié.

M. Massol: Vous me permettez de compléter la réponse?

Georges Massol. Je pense qu'on va avoir

le même problème avec le livre sur les obligations, Va-t-on abolir la Loi sur la protection du consommateur ou va-t-on plutôt prévoir que les obligations, c'est un domaine qui est général, qui doit être inclus dans le Code civil, mais à côté, il y a une loi qui s'applique aux relations particulières? Il va falloir décider si on intègre - c'est là une question de fond, plusieurs se sont penchés là-dessus et ce n'est pas fini encore - ces dispositions dans le Code civil ou si on en fait une loi à part.

Pour répondre à votre question, je pense que le Code civil, en matière de sûretés, qui est aussi importante parce que c'est la mesure d'exécution des contrats qui ont déjà été conclus, devrait soit s'appliquer uniquement en matière commerciale et que les relations entre individus ou dans le domaine de la consommation soient régies par une loi particulière, ou, à tout le moins, fassent l'objet d'un chapitre particulier dans le domaine des sûretés.

M. Lafontaine: Si vous permettez -Yves Lafontaine - pour compléter, c'est une opinion personnelle. Dans la Loi sur la protection du consommateur, il y a aussi des dispositions pénales, présentement, je vois cela difficilement dans un Code civil, où on dit qu'on prévoit différentes infractions et le pouvoir de poursuite de l'État. L'autre réflexion que je me fais là-dessus, c'est que le Code civil - remarquez que c'est de moins en moins vrai - normalement, est une institution qui doit durer un peu à travers le temps, tandis que la consommation, qui s'adresse plutôt entre compagnies commerciales et commerçants, est un domaine qui bouillonne d'idées et qui évolue très rapidement- Peut-être que si le législateur s'enferme dans un Code civil, il aura plus de difficultés à l'amender que si c'était dans une loi statutaire qui, comme on le voit, est amendable aux six mois.

M. Dauphin: Merci. D'ailleurs, quand j'ai étudié l'ensemble des mémoires - je vous le dis tout de suite, j'ai commencé par te vôtre parce que le mémoire du Barreau, je ne l'avais pas reçu encore - ce qui m'a sauté aux yeux - vous en avez parlé tantôt -c'est l'article 2934, dont le débiteur peut, pas nécessairement, remédier au défaut, mais en payant la totalité, c'est-à-dire le capital au complet et les intérêts. D'ailleurs, on en a discuté la semaine dernière au ministère; effectivement, il y aura des ajustements à faire à l'article 2934, j'en conviens.

Concernant les prioriétés, vous proposez de réfléchir à nouveau sur l'opportunité de conserver des privilèges. Par ailleurs, vous proposez trois solutions dont celle de ne conserver, comme créance prioritaire, que celle pour les frais de justice, en abandonnant l'autre partie de la phrase, c'est-à-dire le critère de frais faits dans l'intérêt commun parce que d'application trop générale. Est-ce que vous pourriez expliciter un peu plus sur cet aspect?

M. Lemay: Jacques Lemay. Pour ce qui est des frais faits dans l'intérêt commun, les spécialistes qui sont ici autour de la table, je ne sais pas s'ils ont le droit d'intervenir en commission parlementaire... La jurisprudence là-dessus est, à toutes fins utiles, inexistante; c'est très rare que cela se produit. Tout ce qu'on lit en jurisprudence, c'est que ce ne sont pas des frais dans l'intérêt commun. On cherche des exemples. Je pourrais vous en donner deux, notamment auxquels je pense: les frais de séquestre, les frais de syndic à une faillite; mais, à part cela, qu'est-ce que c'est? C'est que cela existe depuis 1866, mais on ne sait pas exactement à quoi cela fait référence. C'est dans ce sens-là qu'on ne voyait pas vraiment un besoin très grand de protection à ce chapitre.

Vous lisez les auteurs, il n'y a rien là-dessus. Ce ne sont certainement pas des frais de justice, on vient d'en parler. Donc, les frais de justice, actuellement, sont prévus notamment à l'article 714 du Code de procédure civile, on en a une liste exhaustive. Il y en a d'autres, évidemment, mais qu'est-ce qu'on va entendre maintenant dans le nouveau Code civil par frais faits dans l'intérêt commun? Doit-on laisser cela au soin des tribunaux? Quand ils se sont prononcés, ils ont toujours dit: Non, ce n'est pas cela qu'on veut dire. C'est dans ce sens-là qu'on a fait la remarque. Autrement dit, ce n'est pas utile.

M. Massol: Georges Massol. Je me permets de vous souligner qu'il s'agit justement d'une modification. Je le disais au début. Ce que vient de dire Me Lemay est vrai, c'est une modification de ce qui est inscrit à (a page 8 de notre mémoire, afin qu'il n'y ait pas d'ambiguïté. On prévoyait trois possibilités ou trois solutions possibles; c'est la première, finalement, qui doit l'emporter.

M. Lemay: Pour ce qui est des impenses, est-ce que je peux me permettre une réflexion? Il y a eu une discussion, tantôt, sur le droit de rétention versus les impenses. La question des impenses, si ma mémoire est fidèle, c'est l'article actuel du Code civil qui prévoit qu'un tiers détenteur, qui a fait des impenses, a un privilège, sauf qu'à l'article 2009, on n'avait jamais dit quel rang il avait au chapitre du privilège. Je me suis posé la question: Peut-être - ne parlons pas de priorité - que cet individu devrait avoir une certaine préférence, mais est-ce que ce ne serait pas, par exemple, en ce qui concerne l'hypothèque

légale qu'on devrait retrouver cette préférence, plutôt qu'en ce qui a trait aux priorités? Pourquoi n'enregistrerait-il pas son droit au même titre que Ies autres? Pourquoi est-ce que ce serait une charge occulte qui passerait avant toutes les autres charges? C'est cela qu'on a de la difficulté...

Le problème avec les priorités, si on fait exception des créances de l'État qui passent uniquement avant les créanciers ehirografaires, c'est que les autres sont des charges occultes, elles n'ont pas à être publiées. Pourquoi veut-on aller là-dedans, alors qu'on aurait la belle occasion d'obliger les gens à enregistrer quand même un titre?

M. Dauphin: Quand vous dites également, relativement à une hypothèque mobilière, que cela ne serait pas viable en ce qui concerne la consommation et tout cela, vous avez énuméré évidemment des raisons, c'est-à-dire versus la Loi sur la protection du consommateur avec les dispositions prévues dans l'avant-projet de loi.

Considérez-vous quand même que l'idée ne serait plus à avancer à ce point-là?

M. Lemay: Non, ce n'est pas dans ce sens-là que j'ai fait mon intervention, j'ai dit qu'il y a tellement de contradictions entre l'avant-projet de loi et l'actuelle Loi sur la protection du consommateur qu'il faudrait nécessairement travailler à nouveau et harmoniser les deux, dans le sens de donner la même protection, par contre, qu'on retrouve dans la Loi sur la protection du consommateur actuelle en matière d'hypothèque mobilière conventionnelle. C'est dans ce sens-là que je l'ai dit, je n'ai pas dit qu'on n'avancerait pas l'idée.

M. Dauphin: D'accord. Pour le moment, pour ma part, cela va. Est-ce que...

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Maisonneuve.

M. Dauphin: ...ma collègue de Maisonneuve...

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je voudrais également saluer Mes Yves Lafontaine, Georges Massol, Jacques Lemay et Michel Lamarre, je pense, qui vous accompagne également.

Je dois vous dire que j'ai beaucoup aimé vos commentaires de départ, Me Lafontaine. Cela me rappelait ce qui me semblait être la marque de commerce du droit que j'ai fait quand j'ai fait la licence; c'était une phrase - je ne sais plus de qui elle est - qui disait: Entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et le droit qui affranchit. C'est une réalité que j'ai retrouvée comme députée d'une circonscription du bas de la ville de

Montréal, où, finalement, les gens viennent fréquemment me voir, parfois simplement pour se faire lire des papiers, pas nécessairement des papiers de cour, mais des papiers de régie, d'office, de commission, de ministère parce que c'est un langage qui ne leur est pas facilement accessible, alors d'autant cette recherche que l'on doit évidemment poursuivre de textes législatifs les plus simples, les plus harmonieux possible. On est maintenant dans une société où l'on souhaite le respect des institutions, pas seulement pour des motifs d'autorité, mais aussi pour des motifs de "consensualité", de convivialité, parce que l'on veut aller chercher l'accord des gens au respect des institutions. Mais, je dois vous dire que, dans la réalité, vous devez, vous également, être en mesure de connaître cette dimension de la vie d'un bon nombre de nos concitoyens qui finissent par avoir un irrespect total à l'égard des institutions parce que ces dernières ne les respectent pas au sens où ils n'en connaissent ni les règles du jeu, ni les délais de prescription, ni les recours auxquels ils ont droit.

Je pense que votre mémoire est certainement celui qui affirme le préjugé le plus favorable au consommateur. Heureusement, dois-je dire, que vous nous le présentez dans l'ensemble de ceux que nous examinerons durant ces deux jours et demi devant la commission. (12 h 30)

Vous nous dites - je pense que c'est un aspect important - que le projet est d'abord inspiré du droit commercial plutôt que du droit de la consommation, ou, en tout cas, d'un souci qui est maintenant très largement partagé par la très grande majorité de nos concitoyens de quelque formation politique qu'ils soient, qui est celui de la protection du consommateur. On n'a plus finalement ici ces fameux débats; il est comme disparu du paysage, ce débat sur la liberté contractuelle qui était une sorte de droit divin descendu du ciel qui inspirait des opinions d'une certaine façon. On entend maintenant que ce sont des droits qui se réconcilient, alors il faut réconcilier plutôt que de faire primer un droit. Je trouve que c'est vraiment inspirant ce que vous nous apportez ce matin.

Je vais aller tout de suite à ma question parce qu'il y en a plusieurs. Je voudrais vous entendre sur la question de l'hypothèque mobilière. Vous souhaitez, je pense, vous recommandez fortement qu'elle ne puisse porter que sur les biens qui sont utilisés par l'entreprise. Vous interprétez les articles tels que rédigés comme donnant la possibilité pour un consommateur qui acquiert le bien, mais également l'entreprise de le faire non pas seulement sur les biens qui servent au commerce, mais sur l'universalité de ces biens. Je voudrais vous entendre

rapidement là-dessus avant de vous poser d'autres questions.

M. Massol: Georges Massol. D'abord, effectivement, c'est notre interprétation en particulier de l'article 2841 du projet. L'hypothèque mobilière pourra porter, dit l'article 2841, sur le bien déterminé que la personne acquiert. Quel est ce bien-là? Est-ce que c'est seulement, comme le Barreau le dit dans son mémoire, les biens futurs ou est-ce que ce serait tout autre bien qui ne constitue pas une universalité de créance. La créance est-elle en même temps que la vente ou si cela peut être une créance de financement, par exemple? Une banque qui prête à un consommateur pour l'achat d'une automobile, parce qu'il ne faut pas se le cacher, ce qu'on veut dire, c'est que, dans la réalité quotidienne, d'innombrables transactions se passent quotidiennement, les gens achètent des voitures, les revendent... Il y a beaucoup plus de transactions individuelles de ce genre et peut-être pas pour les mêmes valeurs que les créances commerciales mais il y a plus de transactions de consommation ou entre individus qui ont lieu qu'en matière immobilière.

Le gros problème de l'hypothèque mobilière dans cette matière, ce sera justement de savoir, par un bon mode de publicité, si le bien est hypothéqué ou pas. Actuellement, ce n'est pas compliqué, il y a les ventes conditionnelles, comme Me Lemay l'expliquait. Si le créancier veut reprendre le bien, normalement cela peut être un véhicule moteur, le consommateur disposera de certains recours. Il pourra se présenter au tribunal, demander une modification des modalités de paiement etc. Il disposera de la batterie de recours offerte par la Loi sur la protection du consommateur. Nous pensons qu'en matière de protection du consommateur, l'hypothèque mobilière va avoir la vie dure ou ce sont les consommateurs qui vont l'avoir, s'il n'y a pas de changement, effectivement.

Mme Harel: Vous nous avez fait part du fait que l'avant-projet de loi était silencieux en ce qui concerne l'avenir de la Loi sur la protection du consommateur. S'il existe des contradictions, et vous avez fait part de quelques-unes, entre, par exemple, la Loi sur la protection du consommateur et l'avant-projet, ne pensez-vous pas que c'est la loi qui va prévaloir?

M. Lemay: Que la Loi sur la protection du consommateur va prévaloir?

Mme Harel: Oui.

M. Lemay: Cela pourrait être l'une des interprétations, mais imaginez-vous que, dans te même contrat, vous ayez à la fois une clause de déchéance de terme, toujours en matière mobilière, une vente à crédit, donc avec les droits du vendeur et une hypothèque mobilière créée en vertu de l'avant-projet, quand les recours vont s'exercer et qu'on va invoquer la clause de déchéance de terme, comme préalable à l'exercice du recours, est-ce que ce sera le délai de 30 jours de la Loi sur la protection du consommateur qui va s'appliquer? Est-ce que l'avis d'intention qui est de 20 jours avec délaissement va s'ajouter à ce délai de 30 jours? Comment va-t-on concilier tout cela? Je pense qu'il y a un manque là.

Est-ce que le créancier pourra se limiter à exercer uniquement le recours hypothécaire et dire: la Loi sur la protection du consommateur ne s'applique pas. Je pense qu'il va y avoir un problème majeur parce que la clause de l'échéance de terme est réglementée par la Loi sur la protection du consommateur alors que, actuellement, on ne sait pas ce qu'on va nous dire sur la clause de l'échéance du terme dans le livre des obligations.

Alors, même en ce qui concerne le livre des obligations, il va falloir penser que la clause de déchéance du terme est réglementée en matière de prêt et en matière de vente mobilière dans la Loi sur la protection du consommateur actuellement. Il y a toute une série de droits qui en découle. Il va falloir concilier tout ça à un moment donné.

Mme Harel: Vous avez abordé la question, une question de fond à savoir: Faut-il introduire dans le Code civil des dispositions qui sont sujettes à moins de modifications, compte tenu de l'évolution des mentalités, de l'état de l'opinion sur certaines questions? Parce qu'il est vrai qu'on joue moins dans le Code civil que dans les lois statutaires.

Je disais d'ailleurs aux personnes qui m'accompagnent: Les fins de session sont faites pour jouer dans les lois statutaires, mais le Code civil... Heureusement, d'ailleurs, d'une certaine façon. C'est une institution; c'est une vieille dame qu'on respecte. On la laisse vieillir en paix, sans trop l'agiter, malgré qu'il y a des modifications.

Mais le législateur est, malgré tout, moins tenté de le faire. Il y a une certaine retenue. De toute façon, le gouvernement aura certainement à nous faire clairement savoir s'il entend abroger la Loi sur la protection du consommateur ou certaines des dispositions: s'il entend les harmoniser, qu'est-ce qu'il entend faire en ce qui concerne les recours, les modalités, les délais.

Vous donnez les exemples des délais. Il faut que les délais soient les mêmes, qu'ils soient, de toute façon, presque pédagogiques,

qu'ils soient connus. Cela commence à l'être. Quand on veut avoir un recours contre la ville, par exemple, quand on est à Montréal, beaucoup de gens commencent à savoir que les délais de prescription, il faut que tout ça soit connu.

Alors, le gouvernement devra certainement nous faire connaître ses intentions sur cette question. Je ne sais, sur cet aspect de protection du consommateur, si vous avez quelque chose à ajouter concernant l'harmonisation, l'abrogation ou quoi que ce soit d'autre.

M. Massol: Georges Massol. J'en ai fait un peu allusion tout à l'heure. Je pense que c'est un vieux débat. C'est un débat qui va continuer. C'est toute l'histoire de la codification à partir de 1804 du Code Napoléon jusqu'à 1866 dans le Bas-Canada. Est-ce que les relations qui existaient à ce moment-là, qui étaient réservées à une certaine élite de la population, n'ont pas été modifiées?

Est-ce qu'il n'y a pas des relations d'affaires d'un côté et de relations de consommateurs d'un autre côté? Ce sont deux réalités qui ne se trouvaient pas lors de la codification. On reprend, en 1987, le même schéma, soit un code. Je crois savoir qu'aux États-Unis, certains experts se posent la question également et ont essayé de rapatrier tous les principes dans l'UCC... et on est en train de se poser la question: Est-ce qu'on a bien fait de tout rapatrier ça dans la même loi? Est-ce qu'il n'y a pas des exceptions pour les créanciers qui ne sont pas sophistiqués pour certains débiteurs, pour les créanciers qui ont plus de pouvoirs que d'autres?

Je pense qu'il faut tout remettre en question et surtout en matière de protection du consommateur. Je pense que c'est une question fondamentale et particulièrement importante.

Mme Harel: Oui, je vous remercie. Vous avez clairement fait connaître votre point de vue concernant la présomption d'hypothèque. Vous la souhaitez. Vous avez également abordé toute la question... Vous souhaitez que l'acte hypothécaire ne soit pas nécessairement notarié. Vous semblez appuyer la position du Barreau.

M. Lemay: On n'a pas consulté son rapport avant, mais...

Mme Harel: C'est compte tenu de l'expertise que vous avez, en fait, de la clientèle que vous représentez?

M. Lemay: Jacques Lemay. Je reconnais l'acte notarié en minutes, toute sa force, toute sa valeur et je respecte énormément. Je trouve un peu curieux, par contre, qu'en 1987, on insiste encore pour que ce soit l'acte notarié en minutes dans le cas, par exemple, de l'hypothèque mobilière, à défaut de quoi l'acte est non valable.

Par contre, en matière mobilière où les transactions en termes d'argent, en termes de difficultés, d'ailleurs, en ce qui concerne la convention, sont souvent aussi importantes qu'en . matière immobilière, on accepte d'emblée que l'acte puisse être soit sous forme notariée en minutes ou sous seing privé. À l'occasion, nous avons des clients qui, effectivement, font des contrats entre eux. Vous vous imaginez le type qui vend une petite maison ou qui vend un bout de terrain ou quelque chose du genre faire la garde de se créer une hypothèque dans un acte sous seing privé, it est bien évident qu'il ne vient pas de se donner une garantie. Il ne s'est rien donné du tout, puisque cela devrait être sous forme notariée, en minutes.

À notre avis, les gens vont continuer à aller voir le notaire en matière immobilière, probablement, mais c'est tout simplement de dire pourquoi ce serait nécessairement nul quand c'est fait sous une autre forme.

M. Lafontaine: À titre de président d'une commission, de toute façon, le législateur a déjà fait des choix au plan des professions à savoir qui pouvait faire quoi et qui ne pouvait pas le faire. Je ne pense pas qu'il appartienne au Code civil, disons, de créer des champs privilégiés pour l'un envers l'autre. Que l'on règle cela dans le domaine des professions, je pense que c'est l'endroit pour le faire.

Nous, nous payons comme aide juridique, point, c'est tout.

Mme Harel: Immédiatement, j'aimerais vous poser une question, Me Lafontaine. Concernant ta certification, considérez-vous que... Par exemple, le Barreau, qui vous a précédé, suggérait que même la déclaration de résidence familiale passe obligatoirement par les mains d'un professionnel. J'aimerais avoir votre point de vue là-dessus.

M. Lafontaine: Je suis un peu au courant de la question de la résidence familiale parce que cela a fait l'objet de débats et de représentations de notre côté. J'avais compris que cela avait été réglé de la façon suivante. C'est que les formules étaient au bureau d'enregistrement. D'ailleurs, on conseillait à notre clientèle d'aller tout simplement au Bureau d'enregistrement et d'effectuer une signature. Au fond, c'est le régistrateur qui inscrit le numéro de lot sur la déclaration.

Si la société est assez riche pour obliger l'aide juridique à payer des professionnels pour faire ce qui se fait présentement au niveau du régistrateur, je ne vois pas de problèmes là. Qu'on me donne

l'argent pour ce faire et il me fera plaisir de payer les professionnels qui voudront le faire. À moins que l'on calcule que ce qui se fait présentement est mal fait, disons. À ce moment-là, qu'on me le démontre. Mais il ne m'appartient pas de faire ces choix.

Mme Harel: Croyez-vous qu'il serait souhaitable qu'il y ait des formulaires standardisés des droits, par exemple? Vous parliez d'un formulaire standardisé en matière de déclaration de résidence familiale, que les personnes n'ont qu'à se déplacer pour le remplir. Elles peuvent le remplir elles-mêmes d'ailleurs. Elles n'ont même pas besoin d'être accompagnées. Croyez-vous qu'il pourrait en être ainsi en d'autres matières, en matière de sûretés?

M. Lafontaine: C'est un grand débat que vous soulevez là, Mme la députée.

Mme Harel: C'est un débat intéressant.

M. Lafontaine: En pratique, je peux vous dire que ma connaissance des sûretés fait que les contrats qui sont en circulation se ressemblent étrangement. Ce n'est pas nécessairement le professionnel qui l'a rédigé comme l'institution elle-même qui l'a éprouvé dans le temps. Là-dessus, je suis modérément soucieux des changements qui pourraient survenir à la suite de l'apparition d'un professionnel parce que, en pratique, ils existent déjà. Il existe même déjà des "kits" de divorce en droit. Je peux vous le dire. Je comprends toutefois qu'il y a aussi une habilité particulière au chapitre de la plaidoirie qu'il est peut-être nécessaire d'effectuer au chapitre des divorces et de la séparation. Mais je préfère ne pas aborder ce sujet.

Il est évident, quant à moi, que des choses peuvent se faire. Il y a du prêt-à-porter et du sur mesure. Si des gens sont prêts à se payer du sur mesure, je ne vois pourquoi ils ne le feraient pas. Mais il pourrait peut-être y avoir aussi un champ de prêt-à-porter. Mais là, on entre dans tout le domaine des professions. Comme je vous le dis, je préfère ne pas embarquer là-dedans et on ne parle plus du Code civil à ce moment-là.

Mme Harel: D'ailleurs, vous n'êtes pas le seul. Il y a quasiment personne qui tienne vraiment à embarquer dans ce sujet. Malgré que si on a la recherche de ce que j'appellais la "consensualité" té" ou la "convialité" dans notre société, c'est pourtant un des domaines qu'il serait souhaitable que l'on aborde.

Je pense que les personnes qui m'accompagnent, entre autres, Me Gariépy, vous auriez une question à poser. (12 h 45)

M. Gariépy (Pierre): Oui. Ma question est la suivante. Je m'inquiète du sort des finances municipales si on abolit, comme vous le proposez dans le mémoire, la priorité pour les créances municipales. Vous mentionnez dans votre mémoire, à la page 7, que "le pouvoir de vendre l'immeuble suffirait et qu'il pourrait y avoir une sorte d'hypothèque légale avec enregistrement et que la date effective de l'hypothèque de la municipalité serait la date de l'enregistrement." Ce qui me vient à l'esprit est ceci. Tous les ans, la municipalité aurait donc à choisir - il faudrait donner un délai pour le faire - à enregistrer contre ces contribuables qui sont en retard un avis d'hypothèque qui prendrait effet à la date de l'enregistrement. Je m'inquiète un peu du sort des finances municipales dans ce sens-ci c'est que cela serait à ce moment-là le dernier des rangs de ceux qui sont enregistrés. Qu'en serait-il des finances municipales?

M. Lemay: Je m'appelle Jacques Lemay. Actuellement, le privilège de la couronne qu'on a à l'article 1989 - je vais revenir aux municipalités - du Code civil dit quoi? Face à un créancier hypothécaire, la couronne doit enregistrer et ne peut pas passer avant si elle n'a pas enregistré son acte. De plus, le régime que l'on propose actuellement, ce n'est pas ce que je viens de vous décrire tout à fait, mais pourquoi une municipalité n'aurait pas les mêmes obligations que n'importe quel autre créancier qui détiendrait par exemple une hypothèque légale? La difficulté de faire la chose? Mais pourtant, si on laisse cela aux priorités, c'est encore une charte accrue. Il faut faire des vérifications nécessairement, alors que la vérification se ferait au bureau d'enregistrement et, par rapport aux autres créanciers cela serait beaucoup plus équitable, quant à moi. Mais là, tout le débat arrive au niveau de l'intérêt public et de l'intérêt des deniers. Est-ce que cela ne mérite pas une considération spéciale? C'est un choix politique, mais si je pense en termes de débiteur et en termes d'égalité entre les créanciers, je ne peux pas faire autrement que dire qu'elle devrait passer par le même moule.

Le Président (M. Marcil): Vous revenez? D'accord. M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir à la présomption d'hypothèque. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus parce que je crois que, dans votre mémoire, vous n'en avez pas parlé à ma connaissance, si ma mémoire est fidèle, en ce qui concerne la difficulté de preuve. Vous avez sûrement entendu la conversation que nous avons eue avec le Barreau précédemment lorsque la commission s'est

penchée sur la présemption d'hypothèque. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Lemay: On est dans une situation difficile. En principe, je serais d'accord avec la présomption d'hypothèque, mais je reviens toujours au domaine de la consommation. Actuellement, en matière de consommation, comme vous le savez, vous avez en matière mobilière la réserve de droit de propriété. C'est réglementé actuellement par la Loi sur la protection du consommateur. On se suit bien? Si on introduit la présomption d'hypothèque, cela voudra dire que cette réserve de droit de propriété en matière mobilière prévue par la Loi sur la protection du consommateur deviendrait une hypothèque dans votre avant-projet de loi? On a un problème de coordination. Je ne peux pas dire que je suis contre la présomption d'hypothèque, au contraire, je crois que cela protège le débiteur et que cela évite certains problèmes pour les créanciers, mais j'ai un problème majeur par exemple quand j'essaie de coordonner les deux lois dans les choix.

M. Massol: Comme le dit Me Lemay, cela dépend du choix qui sera fait. Si on rapatrie les droits et obligations des consommateurs dans le Code civil, la présomption de l'hypothèque s'impose et on fait un chapitre spécial pour le domaine de la consommation. À ce moment-là, on ne pourra pas permettre à un commerçant de faire une vente conditionnelle. Mais si c'est le contraire, si on dit plutôt: L'hypothèque mobilière ne s'applique pas en matière de consommation et on se réfère à la Loi sur la protection du consommateur, à ce moment-là, il n'y a pas besoin de présomption d'hypothèque. Cela dépend du choix que l'on fait.

M. Lemay: En matière mobilière, c'est une tout autre question. Si on veut aller en matière immobilière, je serais d'accord pour qu'il y ait présomption d'hypothèque.

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Maisonneuve, il vous reste cinq minutes.

Mme Harel: Merci, M. le Président. En matière d'hypothèque légale de la construction, j'aimerais que vous nous rappeliez votre recommandation sur cette question. Je pense qu'on la retrouve en page 33.

M. Melançon (Claude): Pages 32 et 33. Vous semblez en désaccord avec le principe même de l'hypothèque légale, sauf certaines exceptions dont le jugement particulièrement en matière alimentaire, mais vous ne mentionnez pas évidemment ici les créances des personnes qui ont participé à la construction et qui ne sont pas nécessairement les consommateurs, mais qui sont également parfois de petits entrepreneurs. Est-ce que votre préoccupation va jusqu'à eux en quelque sorte?

M. Lemay: Je dirais qu'elle va jusqu'à eux, oui. Maintenant, vous comprendrez que les petits entrepreneurs en question que l'on peut représenter à l'occasion ont cessé de l'être habituellement. Donc, on a une préoccupation, mais c'est toujours une préoccupation après coup. Je comprends votre intervention. Ce qu'on a constaté au niveau des propositions qui sont faites, c'est que, par exemple, quant à moi, on se crée beaucoup de problèmes au niveau de certaines des propositions. On n'a pas insisté beaucoup, mais sur la notion de la fin des travaux, on a une jurisprudence qui date depuis je ne sais pas combien d'années et on avait même une définition dans le Code civil actuel de la notion de la fin des travaux. Là, on ne fait tout simplement que parler de la fin des travaux et là, on va repartir à savoir s'il y a plusieurs fins des travaux ou une seule, quand a-t-elle lieu etc.? Il y a certains accrocs, non pas certains accrocs, mais certains manques par rapport à ce qu'on a développé au cours des dernières années. On semble dire, par contre, que le fournisseur de matériaux, sans préciser, aurait !a possibilité d'une hypothèque légale. Est-ce que cela voudrait dire que le fournisseur du fournisseur aurait aussi une hypothèque légale? Parce qu'on fait tout simplement employer l'expression "fournisseur de matériaux" alors qu'on sait fort bien que, dans le Code civil actuel, seul le fournisseur de matériaux peut contracter avec le propriétaire ou avec l'entrepreneur, le consultant, a un privilège ou, si vous voulez, l'hypothèque légale qu'on est en train d'installer. Donc, il y a un manque non pas de coordination, je dirais, mais tout simplement un manque de suivi peut-être un peu par rapport à la jurisprudence et par rapport à certaines règles qui avaient été établies jusqu'à maintenant.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Marquette, avez-vous une autre question? Il reste environ trois minutes en ce qui vous concerne.

M. Dauphin: Cela va.

Le Président (M. Marcil): Cela va pour vous? Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Quant à la question de l'insaisissabilité des biens jusqu'à 4000 $ que prévoit le code, je pense que vous en parlez à un moment donné dans votre mémoire, n'est-ce pas?

M. Massol: C'est exact. Georges Massol. Ce sont particulièrement les articles, bien au début...

Mme Harel: Oui.

M. Massol: ...le titre premier du gage commun des créanciers particulièrement aux articles 2803 et 2804 et 2827. Les premiers articles spécifient que certains biens seront insaisissables. On dit particulièrement à l'article 2803 de la stipulation d'insaisissabilité. D'abord à l'article 2603, on dit: Bravo! Cela reprend l'article 277 du rapport de l'Office de révision du Code civil, 3auf que le rapport de l'Office de révision du Code civil prévoyait également un article subséquent qui nous semblait très important et qui devrait être inclus ici, c'était l'article 278. La question qui se pose, c'est: est-ce qu'on incorpore le domaine de l'insaisissabilité, présentement prévu aux articles 552 et 553 du Code de procédure civile, dans le Code civil? Si on les inclut, il faudrait les inclure tous. Si on en inclut juste un, il va y avoir un problème de coordination. L'article 278 nous semblait d'une importance capitale et cela, à cause de l'article 2827 qui dit que l'hypothèque ne peut porter sur des biens insaisissables. Mais là, on ne sait pas ce que c'est que les biens insaisissables. Je regarde simplement l'article 2801 et suivants du projet et on ne dit pas que, par exemple, les meubles du débiteur garnissant sa résidence principale seront insaisissables. Je tiens pratiquement pour acquis que le Code de procédure civile ne s'applique plus. Je fais référence à l'article 2803 qui prévoit une stipulation d'insaisissabilité et je remarque qu'on n'a pas inclus l'article 278 de l'Office de révision du Code civil. Donc, je me dis: est-ce qu'on a voulu le retrancher, auquel cas une hypothèque, en vertu de l'article 2827, pourra porter sur des biens mobiliers garnissant le domicile du débiteur. C'est un peu élémentaire compte tenu des dispositions que le ministre de la Justice a adoptées dernièrement en matière de dépôt volontaire, en matière d'augmentation du montant d'insaisissabilité. Je pense qu'il devrait y avoir une révision de toute cette partie-là.

Le Président (M. Marcil): Cela va.

Mme Harel: C'est ce que je souhaitais vous entendre dire. Alors je veux simplement vous remercier pour la contribution, je pense, que vous apportez à nos travaux et souhaiter qu'on aura peut-être à un autre moment l'occasion de vous entendre.

M. Dauphin: À mon tour également, merci beaucoup de votre participation et de votre excellente présentation.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup au nom de tous les membres de cette commission, de votre mémoire. Soyez assurés que nous allons tenir compte de vos remarques et je suis convaincu que l'adjoint au ministre va sûrement vous consulter sur d'autres propos.

Merci beaucoup et bonjour.

Je vais suspendre les travaux jusqu'à 14 h 15.

(Suspension de la séance 12 h 56)

(Reprise à 14 h 22)

Le Président (M. Marcil): Nous reprenons nos travaux. J'invite l'Association des registratreurs du Québec à cette table, représentée par M. Georges Desnoyers, président, M. Pierre Poirier, secrétaire et M. Louis Talbot, trésorier. C'est ça?

Nous vous souhaitons la bienvenue à cette sous-commission sur la réforme du Code civil en ce qui concerne les sûretés. Je vous rappelle, si vous n'étiez pas ici ce matin, quand même les modalités de notre rencontre. Nous vous laissons une vingtaine de minutes pour faire votre exposé. Les gens ont pris connaissance des mémoires. Ensuite, il y aura une période de questions de part et d'autre. Je reçois une version modifiée de votre mémoire. C'est ça?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Marcil): Donc, M. Desnoyers si vous voulez commencer.

Association des registrateurs du Québec

M. Desnoyers (Georges): Dans un premier temps, j'aimerais vous demander si la façon dont on veut fonctionner vous convient. D'abord, on lirait le préambule du mémoire puis, on exposerait, expliciterait davantage ce qu'on apporte dans le préambule; de retour dans le texte, je vous donnerais des références aux pages pour le texte. Je ne sais pas si ça vous convient.

Le Président (M. Marcil): C'est à votre choix, monsieur.

M. Desnoyers: Je vous remercie. On va commencer à la page 7. On dit que l'étude du présent projet de loi effectuée par l'Association des registrateurs du Québec porte davantage sur les modalités d'application du texte de loi que sur les principes et la philosophie qui sous-tendent ce projet, quoique nous aurions aimé nous interroger sur les raisons qui ont motivé le comité pour ne pas instaurer un système qui garantisse les titres. Mais nous estimions que

le n'était pas notre rôle.

Cependant, outre les modalités d'application, trois sujets ont retenu notre attention, à savoir: le rôle du registrateur et ses responsabilités, l'enregistrement par sommaire et les moyens mis à la disposition du registrateur pour assumer ses responsabilités.

Le rôle du registrateur et ses responsabilités au moment de l'enregistrement. À notre avis, le système d'enregistrement préconisé par le présent avant-projet de loi aurait avantage à être plus précis au niveau de certains articles, lesquels seront traités de façon plus élaborée au chapitre des modalités d'application. Nous entendons démontrer que le registrateur ne peut enregistrer un document non valable ou encore qu'il ne peut inscrire un document au registre foncier ou autre lorsque les conditions prescrites par la présente loi ne sont pas respectées.

Dans le texte de loi, il arrive souvent que l'on dise qu'un document n'est pas valable, mais on ne dit pas que le registrateur ne doit pas le publier ou qu'il ne doit pas être enregistré. À titre d'exemple, on se référera à la page 15 du document. L'hypothèque doit être publiée pour être opposable au tiers, tandis que l'article 2848 est à l'effet que l'hypothèque n'est valide que pour autant que l'acte indique, entre autres, la somme pour laquelle elle est consentie et la valeur de l'obligation.

La publicité suivant l'article 3300 se fait par l'enregistrement, lequel, sauf dans les cas expressément prévus par la loi, se réalise suivant l'article 3341 par le dépôt d'un sommaire. L'article 3343 précise les éléments qui doivent être énoncés par le sommaire, dont à l'alinéa 7°, la valeur de l'obligation et celle de l'hypothèque.

Lorsque la valeur de l'hypothèque n'est pas inscrite au document constituf, le sommaire ne peut l'énoncer. Il faut donc en conclure que l'hypothèque ne peut être enregistrée. Elle ne peut donc être publiée. N'y aurait-il pas lieu de modifier l'article 2848, de façon qu'il se lise: Que l'hypothèque n'est valide et ne peut être publiée que pour autant que l'acte constitutif indique la somme et la valeur pour laquelle l'hypothèque est consentie?

II y a deux hypothèques qui font exception au principe général, disant qu'il faut énoncer la valeur et la somme. Ce sont les hypothèques consenties en vertu de l'article 2849 et 2850.

Tel que nous l'avons vu précédemment, l'hypothèque dont la valeur n'est pas indiquée à l'acte constitutif, ne peut être publiée, puisque le sommaire ne peut énoncer la valeur, et cela, même si un avis est donné conformément aux articles 2851 et 2852, puisque cet avis s'enregistre non pas par sommaire, mais par le dépôt d'un avis.

Pour que les hypothèques prévues aux articles 2849 et 2850 puissent être publiées, deux solutions sont susceptibles d'être envisagées: Prévoir que les hypothèques découlant de ces articles puissent s'enregistrer par le dépôt du document ou modifier l'article 3343, de façon que le sommaire énonce le fait qu'en vertu de l'article 2849 ou 2850 la valeur est indéterminée.

Il y a des cas dans la loi qui prévoient que la valeur peut être indéterminée. Mais ces hypothèques, si l'enregistrement par sommaire est maintenu, ne pourraient pas être enregistrées, étant donné que le sommaire doit énoncer la valeur de l'obligation et il ne peut pas le faire, parce qu'il n'y a pas d'hypothèque.

Alors, il faudrait prévoir soit que l'hypothèque s'enregistre par défaut ou prévoir, en ce qui concerne le sommaire, une modification, de façon que le sommaire énonce que la valeur est indéterminée en vertu de tel ou tel article.

On s'en va à l'avant-dernier paragraphe de la page 17. On dit: Dû au fait que la somme est un élément tout aussi essentiel que la valeur pour la validité de l'hypothèque, n'y aurait-il pas lieu de modifier l'alinéa 7° de l'article 3343 de la façon suivante? Le sommaire doit énoncer la valeur de l'obligation et la somme pour laquelle l'hypothèque est consentie, ainsi que le taux d'intérêt, s'il en est. Il n'est pas prévu à l'alinéa 7° de l'enregistrement par sommaire, que le sommaire doit indiquer la somme de l'hypothèque.

À la page 18: Dû au fait que suivant l'article 2821, l'hypothèque n'a lieu que dans les cas et suivant les formes autorisées par la loi et qu'en ce qui concerne l'hypothèque immobilière, la forme à peine de nullité absolue, se doit d'être, par acte notarié et portant minutes, il devrait être prévu que l'hypothèque, faite sous une autre forme que celle autorisée par la loi, ne peut être publiée.

Nous proposons des modifications à l'article 2857 de façon qu'il se lise: Elle ne peut être publiée que par son enregistrement et, dans les cas où elle rencontre la forme ci-dessus, afin qu'une hypothèque immobilière sous seing privé, le registrateur ne soit pas tenu de l'enregistrer, étant donné qu'elle n'existe pas et n'est pas valable.

À la page 19, c'est: De façon à ne pas publier une hypothèque non valide, nous proposons la modification de l'article 2858, en ajoutant ce qui est écrit en caractères gras: L'hypothèque immobilière n'est valide et ne peut être publiée qu'en autant que l'acte constitutif contient spécialement la désignation du bien hypothéqué.

Pour illustrer également le fait que le registrateur ne devrait pas enregistrer des actes non valides, nous pouvons nous reporter

à la page 35 du texte. Ce sont des formalités préalables à la publicité. Je peux vous faire un résumé de la page 35. Pour enregistrer un acte sous seing privé, un acte notarié en minutes ou un acte notarié en brevet, les formalités ne sont pas les mêmes. Soit que ça prenne des copies authentiques ou des originaux, de façon qu'il n'y ait personne qui conteste le fait que le registrateur doive s'assurer s'il est en présence de documents authentiques ou de documents sous seing privé. Lorsqu'il s'agit d'un acte notarié, il fut un temps où la direction du bureau d'enregistrement et la Chambre des notaires contestaient le fait que le registrateur demande que l'acte notarié soit daté, que l'acte notarié mentionne le numéro des minutes quand c'était le cas. Si c'est un acte en brevet, cela prend l'original; si c'est un acte en minutes, cela prend des copies authentiques. Il y a une différence. On demandait que le numéro des minutes soit indiqué. C'était contesté. Aujourd'hui, c'est plus conforme.

On demande qu'un paragraphe soit ajouté à la page 36, disant: Pour être admis à l'enregistrement, les actes notariés en brevet, les copies des actes notariés en minutes, ainsi que les copies des actes préparés par les arpenteurs-géomètres doivent démontrer que les formalités prescrites par les lois qui les régissent ont été respectées.

Également à la page 47 du texte, on se pose la question à savoir pourquoi le registrateur devrait s'assurer uniquement après l'inscription au livre de présentation que le document ne contient aucune erreur substantielle, alors qu'actuellement, la vérification est effectuée avant l'enregistrement et avant son inscription au livre de présentation. Pourquoi inscrire au livre de présentation, qui est un registre officiel conférant le rang, les documents qui ne sont pas susceptibles d'être enregistrés puisque, selon l'article 3341, deux conditions sont requises pour que l'enregistrement se réalise, soit le dépôt du sommaire ou du document, selon le cas, et une inscription au registre approprié? Ce document n'étant pas enregistré, donc non public, pourquoi lui apposer un certificat attestant son enregistrement? Pourquoi lui attribuer un numéro d'ordre pour l'inscrire dans un registre faisant foi de l'enregistrement?

Nous proposons de regrouper les articles 3363 et 3364 qui se liraient comme suit: Le registrateur reçoit les documents présentés pour enregistrement et s'assure que les documents présentés contiennent les mentions qui doivent être incluses au sommaire ou au certificat d'enregistrement et qu'ils ne comportent, à cet égard, aucune erreur substantielle; les inscrit en premier lieu au registre de présentation, dans l'ordre de leur réception, et leur attribue un numéro d'enregistrement. Ensuite, en suivant le même ordre, il accomplit les autres formalités requises par la loi.

Dans les cas où les documents présentés sont manifestement irrecevables à l'enregistrement, ou s'ils révèlent une omission ou une erreur, le registrateur les refuse immédiatement, sans faire aucune inscription au registre de présentation. Il donne un avis motivé à celui qui a requis l'enregistrement et lui remet le document. Lorsque le document présenté est un avis, le registrateur doit refuser de procéder à son enregistrement si l'avis ne contient pas les mentions requises ou révèle toute autre irrégularité.

À la page 48, cela concerne l'article qui suit. Des documents pourraient être enregistrés quand un élément ne concerne pas un point essentiel à l'enregistrement. On demanderait que dans cet article, il soit précisé que lorsqu'un élément est divergent entre le sommaire et le document, que cet élément ne soit pas un élément essentiel à l'enregistrement. Il pourrait être enregistré; et on continue avec la procédure prévue à l'article à savoir qu'on avise le client; que le client a un délai pour corriger son document, sans cela, il est radié. Mais il ne faudrait pas que l'élément qui manque soit un élément essentiel à l'enregistrement. On demanderait que cela soit précisé à ce chapitre.

À la page 64, en ce qui concerne l'inscription au registre foncier, à mi-page, il y a l'article 3404: Nous estimons qu'aucun acte ne devrait être inscrit au registre foncier si la description de la partie de lot n'est pas conforme au présent article. De plus, dans un territoire ayant fait l'objet d'un plan cadastral, étant donné que le numéro donné à un lot constitue son identification, nous croyons important que les tenants et aboutissants se réfèrent au numéro de lot afin d'éliminer toute tentative de donner les tenants et aboutissants par les noms des individus.

C'est ce qui se fait assez souvent, actuellement. On va voir dans les désignations et on dit: Une partie du lot untel, borné par Jos. Bleau. Mais Jos. Bleau est celui qui était propriétaire en 1900 et il est décédé. Ce sont des désignations qui se répètent d'un acte à l'autre. On ne peut plus retracer ces immeubles, finalement. Les lots qui sont contigus ont un numéro de lot. Il serait bon de préciser que les tenants et aboutissants doivent être donnés par des numéros de lots. Nous proposons la modification suivante: Pour que cet acte puisse faire l'objet d'une inscription au registre foncier, la partie lot doit être décrite par la mention de ses tenants et aboutissants se référant au numéro de lot, s'il en est,

À la page 65, à l'article 3405, on dit: La description d'une partie de lot au moyen

de distraction n'étant pas admise, le régistrateur ne devrait pas être tenu d'inscrire un tel document au registre foncier, en regard du lot ainsi décrit, si on veut qu'il puisse assumer une obligation qui lui est faite par l'article 3369, soit de s'assurer que le titre du constituant est déjà publié. Nous suggérons la modification suivante: La description d'une partie de lot par distraction des parties aliénées de ce lot n'est pas admise dans un acte soumis ou admis à un enregistrement. C'est le texte qui existe actuellement et on ajoute: "et le régistrateur ne peut inscrire ce document au registre foncier en regard du lot ainsi décrit." Le registrateur a l'obligation, avant d'enregistrer un acte d'aliénation, de vérifier si le titre du vendeur est enregistré. Si on n'élimine pas la possibilité d'enregistrer des actes avec partie de lot, il ne pourra plus assumer cette obligation-là.

Du rapport des droits, à la page 66: Lors de l'entrée en vigueur de la présente loi, une bonne partie du territoire aura déjà fait l'objet de rénovation. Ainsi, les buts visés par le présent article seront grandement atténués. Les buts visés par le présent article n'auront également pas lieu pour les lots faisant l'objet d'un décret permettant l'aliénation d'une partie d'un lot situé dans une zone agricole ou situé à plus de 345 kilomètres du bureau d'enregistrement.

Il y aura donc toujours deux systèmes: l'un étant désavantageux pour le contribuable, puisque ce dernier devra assumer les frais reliés à l'examen de titres, et ce, à répétition chaque fois que l'immeuble fera l'objet d'une transaction. Il n'y aura d'autre part de contribuable privilégié qui jouira des effets du report des droits. Nous proposons, par conséquent, de modifier l'article 3413 de façon qu'un jour le système soit équitable pour tous les contribuables en y ajoutant le paragraphe suivant: "Sur les lots ayant fait l'objet d'une rénovation avant l'entrée en vigueur de la présente loi, le report des droits de propriété sur les lots ainsi visés et des autres droits réels les affectant a lieu lors de la première aliénation entre vifs d'un lot ainsi visé ou lors de la première hypothèque conventionnelle enregistrée après l'entrée en vigueur de la présente loi.

Déjà, la rénovation cadastrale est en cours. Quand la loi va entrer en vigueur, il va peut-être y avoir la moitié du territoire du Québec qui va avoir été rénovée. Puis, un des objets de la loi, c'était que les droits soient reportés sur les nouveaux lots. Là, il va y en avoir la moitié qui ne sera pas reportée et l'autre sera reportée. Le contribuable devra toujours payer les examens de titres sur les lots qui n'auront pas fait l'objet de report de droits.

Il semble aussi que l'intention visée par le présent avant-projet de loi est de rendre obligatoire le report des droits lors de la première aliénation entre vifs ou de la première hypothèque conventionnelle. Cependant, aucune sanction n'étant prévue à l'article 3413, le registrateur devra procéder à l'enregistrement de la première aliénation ou de la première hypothèque, même si le rapport d'actualisation n'est pas produit. Nous proposons d'ajouter le paragraphe suivant: La première aliénation entre vifs ou la première hypothèque conventionnelle des lots ci-dessus mentionnés ne pourra être enregistrée si le rapport d'actualisation n'accompagne pas lesdits documents.

Étant donné que la loi ne prévoit pas que le registrateur doit refuser l'enregistrement, s'il n'est pas produit un rapport d'actualisation, il ne pourra pas se baser sur aucun article de loi pour dire qu'on ne peut pas enregistrer si vous ne le produisez pas. Donc, toute la philosophie derrière la loi concernant le report des droits s'en va en fumée s'il n'y a rien qui prévoit que la première aliénation ou la première hypothèque ne peut pas être enregistrée concernant ces lots.

C'était pour enregistrer le fait que le registrateur ne devrait pas enregistrer certains documents ou ne devrait pas inscrire en annexe des immeubles certains documents qui ne respectent pas les modalités de la loi.

Nous revenons à la page 8 du rôle du registrateur et de ses responsabilités dans la tenue des registres. Nous estimons que l'obligation d'avoir recours au tribunal pour modifier ou corriger une inscription faite dans les registres tenus par le registrateur est lourde de conséquence puisqu'une telle façon de procéder entraînera inévitablement la perte des droits pour le public. Tout en préservant les droits des tiers de bonne foi, nous sommes d'avis, tel que nous le préconisons dans nos commentaires en regard des articles 3330 et 3372, que le registrateur pourrait effectuer de telles corrections.

Pour comprendre davantage, rendez-vous à la page 32 du texte. Selon l'article 3330, un registrateur ne pourra pas corriger une erreur d'omission ou une erreur dans ses registres.

Aujourd'hui, un registrateur enregistre un acte d'hypothèque qui affecte trois lots -les lots 1, 2 et 3. Il l'inscrit à l'index des immeubles des lots 1 et 2. Il omet de l'inscrire sur le lot 3. Au moment où il fait une vérification du travail qui a été effectué par son employé, il s'aperçoit qu'il n'est pas inscrit sur le lot 3. Il ne pourrait pas le corriger; l'article ne lui en donne pas le pouvoir. L'article dit qu'il faut avoir recours au tribunal. S'il ne s'en aperçoit pas au moment de la vérification, le lendemain, le notaire, avant de faire le déboursé des fonds, vérifie au bureau d'enregistrement si l'hypothèque est inscrite sur les trois lots. Il s'aperçoit qu'elle n'est pas inscrite sur le lot

3 et demande au registrateur comment il se fait. Le registrateur lui dit: On l'a oubliée, mais je ne peux pas corriger cela aujourd'hui; il faut que vous vous adressiez au tribunal parce que la loi ne me permet pas de corriger les erreurs qui sont faites dans mes registres. Il est inévitable qu'il peut arriver que des droits soient enregistrés entre le moment où l'erreur a été constatée et le moment où la préinscription de l'action devant le tribunal est enregistrée au bureau d'enregistrement.

C'est la même chose pour une erreur d'inscription, à l'article 3372. L'article 3372 concerne les erreurs d'inscription. Le registrateur reçoit un acte au nom de M. Orner Duval et il écrit Orner Devaux; c'est une erreur d'inscription. Il ne pourrait pas corriger cette inscription sans demander l'accord de toutes les parties intéressées ou, à défaut d'avoir l'accord des parties intéressées, sans demander au registrateur central la permission de corriger son inscription. Entre temps, il peut arriver des droits. Et, étant donné que le registrateur, avant d'enregistrer un acte subséquent, doit vérifier si le vendeur a un titre de propriété d'enregistré, il ne pourra pas le faire parce qu'on n'a pas inscrit le bon nom à l'index des immeubles.

On suggère, à la page 34, de modifier l'article 3330 de la façon suivante: En cas d'erreur ou d'omission, ou pour tout autre motif, lorsque le registrateur refuse de rectifier ou d'annuler une inscription, tout intéressé peut demander au tribunal de rectifier ou d'annuler une inscription. Sur dépôt du jugement définitif, le registrateur rectifie ou annule l'inscription. La rectification ou l'annulation effectuée par le registrateur lorsque ce dernier y a consenti ou sur dépôt du jugement ne porte atteinte ni aux droit du tiers de bonne foi qui s'est fié au registre et qui a acquis à titre onéreux un droit sur le bien concerné, ni à ses ayants cause à titre particulier. Lorsque le registrateur procède à la rectification ou à l'annulation d'une inscription sans qu'un jugement ait été déposé, il en indique le moment et appose ses initiales.

En indiquant la date à laquelle il a effectué la correction, à ce moment-là, les tiers, qui se sont fiés au registre, sont quand même protégés. Le droit des tiers sera protégé.

Maintenant, nous allons à la page 9, De l'enregistrement par sommaire. Nous nous interrogeons sur les motifs qui ont poussé le comité à préconiser de façon générale l'enregistrement par sommaire plutôt que l'enregistrement par dépôt du document. Le principal motif était-il de réduire le volume des documents qui doivent être conservés dans les bureaux d'enregistrement, ou plutôt, était-ce de ne rendre susceptibles d'enregistrement, donc publics, que les droits qui affectent les immeubles ou les meubles, en écartant tous les droits personnels qui découlent des conventions et dont l'enregistrement n'est prévu par aucune loi?

II est évident que si les buts recherchés étaient ceux ci-dessus mentionnés, il y aurait eu une économie substantielle au chapitre de la conservation des documents, surtout si l'on songe à l'informatisation des bureaux d'enregistrement. Cenpendant, nous ne croyons pas que le sommaire, tel que préconisé dans cet avant-projet de loi, soit susceptible d'atteindre les buts visés puisque, bien qu'imposant certains éléments dans son contenu, la rédaction du sommaire est laissée à la discrétion des praticiens du droit et des parties. Nous ne serions pas étonnés que, très peu de temps après la mise en vigueur de cette loi, le sommaire contienne le texte intégral de la convention ou que sa rédaction soit tout aussi longue que la convention elle-même. (14 h 45)

En effet, quelle motivation le praticien du droit aurait-il de dresser un sommaire de la convention qu'il vient de rédiger, alors qu'il devra en assumer les coûts et la responsabilité? Nous estimons que seule l'imposition d'une fiche standard peut permettre d'atteindre les buts visés. Si l'enregistrement par sommaire ne se fait pas au moyen d'une telle fiche, le nouveau système comportera plus d'inconvénients que d'avantages puisque la vérification, au moment de l'enregistrement, prendra plus de temps et qu'aucun espace ne sera ainsi économisé.

Page 11. Les moyens mis à la disposition du registrateur pour assumer ses responsabilités. Les articles 3348 et 3379 laissent supposer que la présente réforme peut entrer en vigueur sans que l'ensemble du réseau des bureaux d'enregistrement soit informatisé. Si tel était le cas, nous estimons qu'il serait impossible pour le registrateur responsable d'un bureau non informatisé de se conformer à la présente loi. Étant donné que, même actuellement, le registrateur ne parvient qu'avec très grande difficulté à avoir les outils requis pour assumer adéquatement ses responsabilités aux chapitres de la conservation des documents et de la mise en application de la réforme cadastrale, nous nous interrogeons sérieusement quant à savoir si le registrateur aura à sa disposition les outils requis pour la mise en application de la présente réforme. C'est pourquoi nous suggérons que le registrateur, par le présent texte de loi, oblige l'administration à fournir les outils requis en prévoyant, entre autres, le financement pour la mise en application et le maintien de la présente réforme, de même qu'il en fut pour la réforme cadastrale. Il serait anormal qu'un service comme le réseau des bureaux d'enregistrement, qui génère des revenus qui

sont le double de son budget d'opération, ne puisse avoir les moyens pour mener à bonne fin la présente réforme.

Nous avons d'autres commentaires à la page 43 à ce sujet. L'article 3348 laisse sous-entendre que la loi pourrait être en vigueur sans que l'ensemble du réseau des bureaux d'enregistrement soit informatisé. Nous considérons déjà qu'il est inacceptable que la loi favorisant la réforme du cadastre soit appliquée sans que les bureaux d'enregistrement soient informatisés. Il n'est pas impossible pour le registrateur, avec les moyens vétustes mis à sa disposition, d'exercer adéquatement le contrôle exigé par cette loi. Il lui sera encore plus difficile, si ce n'est impensable, d'exercer le contrôle exigé par la présente loi si des moyens efficaces et modernes ne sont pas mis a sa disposition.

À titre d'exemple, sauf le téléphone et le photocopieur, on peut affirmer sans crainte de faire erreur que le registrateur a exactement les mêmes moyens pour accomplir sa tâche qu'avait le registrateur de l'an 1857. L'article 3348 devrait être modifié de façon que l'administration soit tenue de fournir le soutien technique qu'exige l'application de la présente loi. Cet article devra se lire comme suit: L'inscription de tout autre droit soumis à l'enregistrement se fait au registre des droits personnels et mobiliers, s'il concerne un immeuble, il est inscrit au registre foncier. On a enlevé de l'article 3348 la phrase suivante: ...soumis à l'enregistrement se fait au registre des droits personnels et mobiliers... où un système informatique, dans un bureau où un système informatique, existe...

On enlève cet élément de façon qu'il n'y ait pas de doute que tous les bureaux devraient être mis sur informatique. On fait la même modification en ce qui concerne l'article 3379. On demande que les mots "où un système informatique est utilisé" soient enlevés.

Page 59. Cela concerne les articles 3385 et suivants qui traitent du registre foncier. Nous estimons que le registre foncier tel que préconisé par cet avant-projet de loi ne peut être réalisé de façon convenable et sécuritaire avec les moyens actuellement mis à la disposition des bureaux d'enregistrement. À notre avis, la seule façon de réaliser un tel registre foncier est de mécaniser et d'informatiser l'ensemble du réseau des bureaux d'enregistrement et d'imposer le contenu du sommaire au moyen d'un formulaire standardisé et obligatoire. Si les bureaux ne sont pas informatisés et mécanisés, une augmentation sensible du personnel devra être prévue uniquement pour classer chaque document dans le dossier approprié. II est à remarquer que lorsqu'un document affectera plusieurs lots, il devra être fait autant de photocopies du document qu'il y a de lots afin que le dossier de chaque lot contienne l'information contenue dans le document.

Cela me fait penser à un document qu'on a enregistré il n'y a pas longtemps dans lequel il y avait 600 lots. Si on n'avait pas été informatisé, pour classer chaque document sur un lot, il aurait fallu faire 600 copies du document et les classer dans chaque lot. Ce sont des choses impensables. Ce ne sont pas tous les documents qui ont 600 lots, mais cela arrive.

En plus de prévoir une augmentation sensible du personnel, des espaces additionnels devront être prévus ainsi que des outils de classement adéquats et en nombre suffisant. Cela prendra beaucoup plus d'espace pour classer les documents, de la façon dont c'est prévu dans cette loi. Cela prendra des outils de classement beaucoup plus appropriés que ce qu'on a actuellement dans les bureaux d'enregistrement.

C'était notre préambule avec quelques commentaires. Je ne sais pas si on a écoulé nos 20 minutes ou si on peut continuer...

Le Président (M. Marcil): Vous les avez écoulées, mais si vous voulez conclure, on va quand même vous permettre d'aller jusqu'au bout, compte tenu que nous sommes ici plutôt pour vous écouter que pour jaser. Prenez le temps. Est-ce que vous avez encore besoin de quelques minutes?

M. Desnoyers: On avait beaucoup de pages, et on savait fort bien que...

Le Président (M. Marcil): Comme je vous ai dit au début, c'est vrai que vous avez un peu modifié votre texte...

M. Desnoyers: On l'a modifié, oui.

Le Président (M. Marcil): ...mais l'autre texte avait quand même été lu par tout le monde.

M. Desnoyers: Oui.

Le Président (M. Marcil): Les gens vont probablement vous poser des questions sur ce que vous avez écrit et sur ce que vous proposez.

M. Desnoyers: II y aurait peut-être un autre commentaire qu'on pourrait faire avant de passer à ta période de questions. En ce qui concerne l'enregistrement d'une hypothèque mobilière, on dit, dans un bureau informatisé, que le registrateur qui reçoit une hypothèque doit transmettre le document au registrateur central. Mais il y a des cas où il y a une hypothèque mobilière et une hypothèque immobilière en même temps, une fiducie qui aurait une hypothèque pour deux

immeubles. Il faudrait prévoir que la fiducie soit au moins présentée en double pour qu'on puisse en garder une copie dans le bureau d'enregistrement où sont situés les immeubles, et qu'une copie soit remise au registrateur central. On se demandait, dans un tel cas, quel numéro d'enregistrement porterait l'hypothèque. Est-ce qu'il y en aurait deux, une pour l'hypothèque immobilière et une pour l'hypothèque mobilière?

De plus, il est à remarquer que même si elle était présentée au même moment, elle ne serait pas enregistrée à la même heure. Dans un bureau d'enregistrement où est situé un immeuble, elle serait enregistrée à l'heure de sa présentation, et en ce qui concerne les immeubles, elle serait enregistrée à l'heure de son inscription au registre des droits personnels. Ce sont des questions qu'on se pose et qui nous semblaient importantes, concernant l'hypothèque.

Il y aurait d'autres sujets qu'on aimerait discuter, mais on va attendre vos questions.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. Desnoyers. Je vais maintenant laisser la parole au député de Marquette, adjoint parlementaire au ministre de la Justice.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Au nom du ministre de la Justice et de l'équipe ministérielle, j'aimerais vous remercier pour la préparation et la présentation de votre mémoire malgré que, comme le soulignait le président, il aurait été difficile de consulter la version amendée avant aujourd'hui, évidemment.

J'aurais, pour commencer, une question d'ordre général à vous poser, qui est la suivante. Comment voyez-vous votre rôle avec l'application de la réforme proposée?

M. Desnoyers: ...notre rôle?

M. Dauphin: Comment percevez-vous votre rôle avec la réforme proposée?

M. Desnoyers: Sensiblement de la même façon qu'on le perçoit aujourd'hui. Aujourd'hui, à notre avis, le registrateur est un officier public qui est là pour voir qu'un système d'enregistrement fonctionne adéquatement. La réforme proposée vient éclaircir certains points qui étaient contestés. Il y en a qui contenaient le fait, comme je le disais tantôt, que le registrateur demande qu'un acte notarié en minute porte le numéro de minute ou qu'un acte porte une date. Dans la présente réforme, il y a des points qui sont précisés; il y en a d'autres qu'on aimerait voir précisés davantage. On le voit comme un officier public qui serait là pour faire en sorte que la réforme préconisée se maintienne et qu'elle ait une valeur, qu'on conserve sa valeur.

Il aurait sûrement des pouvoirs qu'il n'a pas à l'heure actuelle. Quand on songe aux rapports des droits et aux rapports d'actualisation, où le registrateur peut faire en sorte que, dans le rapport d'actualisation, il y a des droits qui n'ont pas été reportés et qui auraient dû l'être. C'est un rôle qu'on n'a pas aujourd'hui, celui de vérifier les droits qui étaient enregistrés antérieurement. Cela, c'est nouveau. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

M. Dauphin: J'aurais maintenant une série de questions peut-être plus techniques, mais avant, j'aimerais vous demander ce que vous pensez de la proposition de l'Office de révision du Code civil qui conférerait au registrateur le pouvoir de certifier les titres.

M. Desnoyers: On a dit au début qu'on aurait aimé s'interroger davantage. Si le registrateur certifie les titres, c'est pour l'ensemble du réseau de la province. Le registrateur certifie les titres. On ne peut pas dire que le système ne serait pas meilleur qu'à l'heure actuelle. À notre avis, il serait meilleur. Les coûts qui seraient générés pour une transaction immobilière, à notre avis, seraient moindres qu'actuellement. Aujourd'hui, si, à chaque fois que vous avez un acte de vente ou un acte d'hypothèque, vous êtes tenu de refaire un examen de titres et que vous repayez l'examen de titres et, la semaine suivante, vous revendez votre immeuble et l'examen de titres est fait, les coûts seraient moindres, mais cela bouleverserait pas mal de choses. Il faudrait également que dans les bureaux d'enregistrement, il y ait le personnel requis pour certifier les titres et le personnel compétent. Il faudrait qu'il y ait de la formation. Un registrateur par bureau ne pourrait pas certifier les titres pour l'ensemble des transactions qu'on enregistre.

M. Dauphin: Combien de transactions peut-il y avoir...

M. Desnoyers: Dans un bureau d'enregistrement...

M. Dauphin: ...par jour ou par semaine?

M. Desnoyers: ...de cinq employés, vous pouvez enregistrer jusqu'à 17 000 documents par année. Cela vous donne 240 jours ouvrables.

M. Dauphin: Vous dites 17 000 par année.

M. Desnoyers: Oui. Il nous donne une moyenne d'environ... La moyenne qu'on doit

atteindre pour dire qu'on est efficace, avec les documents, c'est entre 3500 et 4000 par année par employé.

M. Dauphin: Bien que vous ayez abordé ce sujet un peu, l'utilisation du sommaire et de la production des pièces justificatives, pourriez-vous expliciter davantage là-dessus?

M. Desnoyers: On ne sait pas pourquoi l'enregistrement par sommaire a été retenu par le comité. Avec le projet de loi tel qu'il est rédigé, on ne sait pas pourquoi il a été retenu par le comité. Si c'était pour une économie de conservation des documents qu'on a - un sommaire, c'est censé être plus court qu'un acte, donc cela prend moins d'espace - on dit que ce serait bon. On se trompe peut-être, mais on est convaincu que tel que présentement, étant donné que le sommaire, ce n'est pas une fiche imposée, standardisée, le sommaire va être aussi long que les actes. Alors, il n'y aura pas d'économie à ce niveau. Ce sera plus long pour l'enregistrement parce qu'il va falloir vérifier, au moins dans ce qui est censé être un sommaire, si les éléments qui sont prescrits par la loi y sont et, si ces éléments sont les mêmes que le document, il va falloir aller voir dans le sommaire et aller voir dans le document pour voir si cela correspond. Ce sera plus long. On ne sait pas pourquoi cela a été repris.

M, Dauphin: C'est pour cela que, tantôt, vous proposiez une fiche obligatoire...

M. Desnoyers: Standardisée.

M. Dauphin: ...aux professionnels.

M. Desnoyers: Si c'est une fiche standardisée, le contenu des documents sera moins volumineux et cela va prendre moins d'espace. Si on s'en va sur l'informatique, il y a des lecteurs. On pourrait mettre la fiche dans un lecteur et cela rentrerait dans l'informatique. Mais si ce n'est pas standardisé et que vous avez un sommaire qui a dix ou douze pages, comme un acte d'hypothèque a dix à douze pages...

M. Talbot (Louis): Aussi, on voudrait, si vous me le permettez, dans le sommaire, qu'il soit limité à un acte seulement...

Le Président (M. Marcil): Pourriez-vous vous identifier, s'il vous plaît?

M. Talbot: Louis Talbot. Dans le sommaire, qu'il y ait seulement un acte qui soit résumé et non comme actuellement on peut résumer quatre ou cinq actes dans le même document, dans le même sommaire. On proposerait que chaque sommaire doit résumer un seul acte pour éviter les confusions.

M. Dauphin: Sur le même sujet, si le professionnel apporte une copie intégrale du document, évidemment vous n'avez pas de pouvoir en vertu de l'avant-projet de loi pour lui dire: Recommencez votre travail; cela a été mal fait; c'est un sommaire que cela prend.

M. Desnoyers: II le pourrait, comme cela se fait à l'heure actuelle. Parfois, c'est parce que la forme du document n'est pas enregistrable. On va l'enregistrer par sommaire. Ce n'est pas enregistrable par dépôt. Cela peut être enregistrable par sommaire. Alors, on aura une comparution disant que M. Untel requiert le notaire de faire le sommaire de tel acte. A ce moment-là, il nous fait le sommaire, mais c'est écrit mot à mot jusqu'à la fin et c'est signé. (15 heures)

Je ne vois pas ce qui pourrait motiver un professionnel ou un notaire qui fait un acte à en faire un résumé après pour venir le porter au bureau d'enregistrement. Il y a des actes qui pourraient difficilement se résumer. Si on pense à une déclaration de transmission, la loi prévoit déjà les éléments que doit contenir la déclaration de transmission et elle doit s'enregistrer par sommaire. Elle ne peut pas s'enregistrer autrement qu'en répétant les mêmes éléments. Quant à l'enregistrement d'un testament, il devra l'interpréter, mettre les éléments qu'il juge essentiels dans le sommaire. Le testament et la déclaration de transmission sont des documents où on préconise, dans notre texte, l'enregistrement par dépôt au lieu de l'enregistrement par sommaire. La déclaration de transmission ne pourra pas être faite autrement que ce qui est prévu dans la loi. Quant au sommaire, ce sera la même chose.

M. Dauphin: D'accord. J'ai plusieurs autres questions, mais je vais en poser une dernière, avant de laisser la parole à ma collègue de Maisonneuve, relativement à l'informatisation des bureaux d'enregistrement. Pourquoi est-ce que ce serait un prérequis à l'application de la réforme de ta publicité? Doit-elle être générale ou sectorielle? C'est-à-dire par secteurs d'activité de bureaux?

M. Desnoyers: Avec le système de loi préconisé par l'avant-projet de loi, si les bureaux d'enregistrement ne sont pas informatisés et si on a le registre foncier tel que préconisé là, vous devrez doubler ou tripler les employés d'un bureau d'enregistrement juste pour classer les actes dans le bon dossier, et vous ne serez pas certain qu'ils seront classés dans le bon dossier. Des

erreurs, cela peut se faire. Quant à la conservation, comment conservera-t-on ces documents-là? Est-ce qu'on va fonctionner avec des chemises? Quand les gens viendront les consulter, on va leur remettre la chemise? Aujourd'hui, cela est conservé dans des autorelieurs, cela ne se défait pas. On donne l'autorelieur aux gens qui veulent consulter des documents et ils ne peuvent pas le défaire. On ne prendra pas un autorelieur par dossier parce qu'on aura trop de documents. Cela prendra des chemises qu'on remettra aux gens. On n'a pas de contrôle sur les gens qui viennent dans un bureau d'enregistrement. Si vous en avez dix ou douze autour des tables, ce n'est pas qu'ils veulent les enlever, mais il serait facile de se tromper, étant donné que c'est une chemise et qu'ils ont des chemises en leur possession, de mettre toutes les chemises dans leur valise et de s'en aller.

Si on n'est pas informatisé, cela veut dire que ce sont des documents, des papiers qui circuleront un peu partout dans le bureau. Dans le bureau où je suis, on n'est pas tellement nombreux, il peut venir dix ou quinze régistrateurs, mais quand on pense aux bureaux comme Montréal ou Laval, où il y a là peut-être 50, 60 ou 70 notaires en même temps, j'ai l'impression qu'on ne retrouvera jamais les dossiers si on n'est pas informatisé. Il n'y aura pas moyen de les classer de façon sûre.

M. Dauphin: D'accord. Merci beaucoup. Je reviendrai tantôt.

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. II me fait plaisir de vous saluer, M. Desnoyers, qui êtes président, et les personnes qui vous accompagnent, MM. Poirier et Talbot. C'est vraiment intéressant. Vous l'avez dit au tout début, votre mémoire concerne beaucoup d'aspects techniques, surtout celui de l'enregistrement. C'est certainement une expertise indispensable au registrateur. Je pense que vous nous transmettez cet après-midi une contribution certainement importante pour la suite de nos travaux.

Je reprendrais la question du sommaire. Je pense que vous avez dit dans votre mémoire que seule l'imposition d'une fiche standard par le gouvernement pouvait atteindre les buts visés par une telle disposition. Croyez-vous qu'il pourrait être aussi ou plutôt alternativement intéressant pour réaliser les mêmes objectifs, d'enregistrer l'acte tout au long et de le conserver sur microfilm, par exemple?

M. Desnoyers; Les conventions varient tellement d'un acte à l'autre... Conserver l'acte sur microfilm, cela pourrait se faire assez facilement mais pour la rapidité de l'enregistrement avec une fiche standard... Aujourd'hui, pour informatiser, il y a des lecteurs optiques qui peuvent prendre une fiche standard tandis qu'avec un acte on ne pourrait pas le faire. On pourrait conserver le document sur microfilm et entrer la fiche standard sur lecteur optique pour que cela aille dans les différents registres et que les gens puissent les consulter. Si on a le document comme tel déposé, soit que le bureau d'enregistrement en fasse une fiche et, à ce moment, il va le pitonner au lieu de le mettre sur un lecteur. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

Mme Harel: Oui. Je reprends aussi une question qui vous a été posée par l'adjoint parlementaire concernant la certification des titres. Je pense que c'est à la page 36 du mémoire. Il y a trois lignes à la fin de la page qui stipulent que le régistrateur, en sa qualité d'officier public, ne devrait-il pas être autorisé à certifier la validité d'un document au même titre qu'un notaire ou un avocat. C'est une question que vous posez. J'imagine que vous avez une réponse à nous apporter aujourd'hui.

M. Desnoyers: À notre avis, le régistrateur est un officier qui aurait tout autant la compétence qu'un notaire ou un avocat pour recevoir la certification des documents qui est demandée par cette loi. On se demande pourquoi il y a des documents qui seraient obtenus devant notaire pour cela.

Mme Harel: Ce matin, il y a un député qui... le Barreau, dans la présentation de son mémoire, au cours de nos travaux, a émis de sévères réserves sur toute cette question de la définition des exigences que comporte actuellement l'avant-projet de loi. Il nous disait préférer de loin une simple attestation qu'une certification entre autres de l'adéquation de la volonté des parties.

Vous venez de répondre, en tout cas. Quant à la certification qui est prévue dans cet avant-projet de loi, considérez-vous que cette certification des titres est indispensable?

M. Desnoyers: La certification des titres comme telle?

Mme Harel: Telle que prévue dans l'avant-projet.

M. Desnoyers: Ah! D'accord. La certification de validité du document.

Mme Harel: Oui. C'est-à-dire le certificat plutôt. La certification...

M. Desnoyers: Cette loi dit qu'après dix ans, ce qui est conclu dans les registres au

bureau d'enregistrement fait foi. Si on veut être certain que c'est la volonté des parties qui est dans les documents, oui, il faut que ce soit là. Avec cette certification, il ne faut pas oublier que même si on dit que l'enregistrement sous seing privé peut encore se faire, on dit d'accord, vous pouvez faire encore des actes sous seing privé mais, pour être certain que votre document contient bien votre volonté, allez faire certifier cela devant un notaire ou un avocat.

Mme Harel: Oui.

M. Desnoyers: Des actes sous seing privé, il n'y en aura plus. Je ne vois pas où ils vont se faire.

Mme Harel: Et vous êtes à l'aise avec la certification telle que stipulée dans l'avant-projet de loi? Quand vous dites, par exemple, nous, comme régistrateur, comme officier public, on pourrait procéder à cette certification de la validité du document, êtes-vous à l'aise avec le type de certification prévu dans l'avant-projet de loi?

M. Desnoyers: À l'heure actuelle, on ne le fait pas.

Mme Harel: Non, je sais. Mais seriez-vous à l'aise avec le type de certification telle que rédigée, telle que...

M. Desnoyers: Oui. C'est la volonté des parties...

Mme Harel: Je ne l'ai pas devant moi. M. Desnoyers: ...de leur identité. Oui.

Mme Harel: Donc, à la fois, vous seriez à l'aise, par exemple, pour vérifier l'identité, la qualité, la capacité des parties, de même que l'adéquation entre l'acte et la volonté des parties.

M. Desnoyers: Bien, l'adéquation entre l'acte et la volonté des parties, c'est que vous avez des personnes devant vous. De la façon que vous le comprenez, vous leur demandez si ce qu'elles ont donné dans leur document est bien ce qu'elles ont voulu dire de façon à s'assurer que le texte reflète ce qu'elles avaient dans l'esprit.

Mme Harel: À ce moment-là, il faudrait que les parties se présentent devant vous.

M. Desnoyers: Oui.

Mme Harel: Oui. Évidemment, il y a des titres. On me faisait penser justement à l'enregistrement, par exemple, le fournisseur de matériaux va se présenter seul pour faire enregistrer à ce moment. Mais 'pensez-vous que le texte tel que rédigé serait satisfaisant en ce qui concerne la certification que vous pourriez faire?

M. Desnoyers: Oui.

M. Talbot: Mais c'est déjà mieux qu'aujourd'hui. Aujourd'hui, il n'y en a pas.

Mme Harel: Oui.

M. Talbot: Alors, ce serait un gros plus, sauf que l'idée ici était de permettre aux gens encore de faire des actes sous seing privé. Si la personne désire faire un acte sous seing privé, qu'elle est obligée de passer devant le notaire, elle a l'air un peu piqué, se présenter chez le notaire, bon... Alors que si là le régistrateur a le pouvoir de certifier, les gens vont pouvoir continuer encore à faire des actes sous seing privé et se présenter directement au bureau d'enregistrement pour la certification. C'est un peu le but pour lequel on devrait avoir le pouvoir de le faire.

M. Desnoyers: À l'heure actuelle, le régistrateur peut recevoir les assermentations concernant les actes sous seing privé. On peut les recevoir. On dit qu'il y a encore des actes sous seing privé, sauf qu'il va falloir qu'ils aillent ailleurs avant d'être enregistrés. C'est ça.

Mme Harel: Merci beaucoup. C'est fort intressant. D'autre part, je pense qu'il y avait également d'autres questions qui devaient vous être adressées. Toute la question de l'hypothèque en valeur indéterminée, vous en avez parlé au tout début de la présentation de votre mémoire, lorsque la valeur de l'hypothèque n'est pas déterminée comme cela pourrait être possible maintenant. Je pense que vous avez une recommandation à faire quant au moment où l'enregistrement doit intervenir, si c'est au moment de l'avis ou si c'est au moment de l'avis plutôt de la valeur estimée, c'est ça, ou au moment de l'avis de l'enregistrement.

M. Desnoyers: Je ne comprends pas.

Mme Harel: Vous pensez qu'il faut que ce soit concomitant, je crois. Vous avez décrit un problème.

M. Desnoyers: Le problème?

Mme Harel: Le problème entre les deux dates d'enregistrement...

M. Desnoyers: C'est une hypothèque... Mme Harel: ...à valeur indéterminée.

M. Desnoyers: Les deux dates différentes, ce serait dans un même document où cela concerne les droits mobiliers et des droits immobiliers.

Mme Harel: Vous avez décrit cela. D'accord.

M. Desnoyers: L'hypothèque à valeur indéterminée, de la façon dont on comprend le texte de loi à l'heure actuelle, c'est qu'elle ne pourrait pas être enregistrée. Etant donné que l'enregistrement, de façon générale, se fait par sommaire et qu'un des éléments que le sommaire doit contenir c'est la valeur, et là il n'y en a pas, le sommaire et l'avis, lui, qui vient déterminer la valeur de l'hypothèque, il s'enregistre par dépôt. Le sommaire ne pourrait pas faire un résumé de l'avis; l'avis s'enregistre par dépôt et l'hypothèque s'enregistre par sommaire. Mais un des éléments qui est requis pour le sommaire n'est pas là. Il faudrait qu'on prévoie, soit que cette hypothèque s'enregistre par dépôt ou prévoir un élément dans le sommaire disant que si la valeur était déterminée, c'est parce que c'est prévu par tel ou tel article.

C'est toujours à la condition qu'on exige de façon expresse que les hypothèques dans lesquelles la somme ou la valeur ne sont pas indiquées ne peuvent pas être publiées. Si on ne fait pas cela, cela veut dire que l'hypothèque n'est pas valable. Elle est publiée pareil, et arrangez-vous ailleurs. Faites ce que vous voulez avec. Mais il faut que ce soit prévu, que ce soit précisé parce que l'hypothèque dont la valeur n'est pas mentionnée ne peut pas s'enregistrer. En même temps, il faut prévoir que celle dont la loi prévoit expressément que la valeur était indéterminée, mais fixée par un avis, qu'elle puisse s'enregistrer par dépôt ou dans le sommaire où un élément dit: dans ce cas, c'est permis à cause de tel article.

Mme Harel: Et la date de l'enregistrement de cette hypothèque à valeur indéterminée, dont la valeur est estimée par l'avis estimatif, la date serait celle de l'enregistrement du sommaire ou celle du dépôt de l'avis estimatif?

M. Desnoyers: On pose la question justement.

Mme Harel: Ah! Vous n'avez pas de réponse.

M. Desnoyers: Non. Est-ce que ça va être la date de l'enregistrement du document original ou si ça va être au moment de la date de l'enregistrement de l'avis?

Mme Harel: Avez-vous une idée?

M. Desnoyers: Normalement, cela devrait être la date de l'avis, parce que la publicité au moment où l'avis nous donne le pouvoir de le rendre public, le faire...

Mme Harel: C'est ça. Une voix: Ça va?

Mme Harel: Peut-être sous la correction d'erreurs, je pense que vous insistez beaucoup sur le fait que les corrections d'erreurs puissent se faire de votre propre chef sans qu'il y ait besoin de recourir au tribunal, que vous puissiez faire ces corrections comme c'est le cas actuellement. Je pense que c'est un élément important de votre mémoire. (15 h 15)

M, Desnoyers: C'est ça. On est persuadé que si cela ne se fait pas de la façon qu'on le suggère, c'est qu'il y a des droits qui vont être perdus quelque part. S'il faut attendre à chaque fois qu'il y a une décision du tribunal, même si cela peut aller vite, ça va toujours prendre plus de cinq, dix ou quinze jours. Même le régistrateur lui, si vous enregistrez un acte de vente juste sur deux lots au lieu de trois et que le propriétaire veut vendre le troisième, vous ne pouvez pas enregistrer, comme régistrateur, un acte d'aliénation sans vous être assuré que le titre est enregistré, mais vous ne l'avez pas sur le lot. On pourrait dire: Bien non, tu ne peux pas vendre parce que j'ai oublié de le mettre sur le lot, là il faut que j'attende qu'un autre me dise de le mettre.

Le fait que le registrateur puisse faire la correction en indiquant la date et en apposant ses initiales, cela protège les tiers aussi. On sait qu'entre telles dates, il y a eu un vide? s'il y en a qui ont fait des transactions, si ce n'était pas là, on ne peut pas leur opposer ce qu'on n'avait pas mis. Une fois que la date est indiquée, à partir de ce moment-là, on pourrait...

Mme Harel: M. le Président, mon collègue a peut-être certaines questions.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Marquette.

Mme Harel: Je reviendrai peut-être avec une dernière question.

M. Dauphin: J'avais encore quelques questions d'ordre technique. Combien de temps nous reste-t-il, M. le Président?

Le Président (M. Marcil): II vous reste à peu près une dizaine de minutes.

M. Dauphin: Une dizaine de minutes. Pour en venir justement à la possibilité pour

le registrateur de faire des corrections, l'article 330 dit que tout intéressé peut demander au tribunal, en cas d'erreur ou d'omission, de faire rectifier ou d'annuler l'inscription. Sauf que, si j'ai bien saisi la portée de cet article, le notaire ou l'avocat qui rédige le sommaire et qui l'enregistre auprès de vous peut, si vous constatez une erreur d'écriture... Sauf que, dans le passé, c'était vous-même qui le faisiez,

M. Desnoyers: Non, non, le notaire ne peut pas venir...

M. Dauphin: Le notaire ne peut pas revenir pour corriger cela.

M. Desnoyers: ...corriger les registres dont on est les dépositaires, dont c'est nous qui mettons le contenu. Le notaire ne peut pas venir faire cela.

M. Dauphin: Je croyais que, sur appel... Vous l'appelez: II y a une erreur sur ton affaire...

M. Desnoyers: Non, non, sur son acte à lui... Le notaire, c'est son document. Nous ne pouvons pas le corriger. Le notaire me présente un document, je m'aperçois qu'il y a une erreur, là je peux l'appeler et lui dire: Amène-moi une autre feuille ou viens le corriger au bureau; je ne peux pas te corriger. Sur les documents qu'on tient, le notaire ne peut pas venir corriger.

M. Talbot: En fait, ce n'est pas une erreur sur l'acte notarié dont on fait mention, c'est une erreur du registrateur. Sur l'acte notarié, les lots étaient mentionnés correctement, un, deux et trois; le registrateur les a portés sur deux lots, alors il y a omission sur un lot. C'est dans ce cas-là. Parce que si le notaire voulait hypothéquer trois lots, il en a mis deux, à ce moment-là, il est obligé de recommencer son acte ou réhypothéquer le troisième lot.

M. Dauphin: C'est parce qu'on vient de me montrer l'article 3372 qui dit que le registrateur ne peut corriger les erreurs d'écriture dans les registres ou dans les certificats d'enregistrement. Vous, vous parliez de l'acte du notaire comme tel.

M. Desnoyers: Non, non, on ne parlait pas de l'acte du notaire. C'est l'article 3330 qui dit que des erreurs d'omission ou des erreurs... L'article 3372, ce sont des erreurs d'inscription. Nous, la façon dont on l'a compris, c'est si on oublie de l'inscrire sur un lot, même si l'acte donne tous les lots, nous, nous l'oublions, nous ne pouvons plus le remettre après. Ou si on le met sur le mauvais lot, on ne peut plus l'enlever de là et venir le mettre sur le bon lot, c'est dans l'article 3330. L'article 3372, c'est qu'on a inscrit, en supposant qu'aujourd'hui j'inscris un acte au registre foncier, comme on l'appelle là, mais au lieu de mettre la date du 19, je mets la date du 17, là, c'est une erreur d'inscription que j'ai faite, je ne pourrais pas la corriger sans demander l'autorisation des intéressés ou au registrateur central; ou si je mets le mauvais nom, c'est une erreur d'inscription, je ne pourrais pas non plus la corriger. De la façon dont on l'a compris, cela est une erreur d'inscription, on n'avait pas besoin d'aller devant le tribunal; on demandait l'autorisation à tous les intéressés. Mais, il n'y a rien qui nous assure qu'on a tous les intéressés... De quelle façon le consentement des intéressés va être donné, va-t-on le garder? On ne le sait pas.

L'autre, c'était pour des erreurs d'omission ou des erreurs tout simplement, soit qu'on ne l'a pas mis ou qu'on l'a mis, mais pas à la bonne place, là on ne peut plus corriger non plus.

M. Dauphin: Ma collègue du comté de Groulx aurait une question à vous poser et je reviendrai plus tard.

Mme Bleau: J'aimerais savoir si le système était informatisé, les possibilités d'erreur, soit d'inscription ou autres, est-ce que ce serait moins facile à faire, soit un oubli ou une écriture mal faite? Si c'était informatisé, est-ce que la possibilité d'erreur serait moins grande?

M. Desnayers: Non, je ne pense pas. C'est la même chose, sauf que le système informatique, tel qu'il existe... Cela dépend; si on a la fiche standard et que c'est un lecteur optique, là il y a moins de possibilités que le lecteur optique ne prenne pas ce qui est écrit dans la fiche tandis que, actuellement, avec le système informatique, on donne, au moyen d'un clavier, de l'information à la machine et cela rentre là, alors il y a autant de chances de se tromper en le donnant sur un clavier que de l'écrire à la main dans un registre. Actuellement, il se fait une vérification à Montréal où on a l'informatique... À mon avis, avec les deux systèmes qu'on a actuellement, on a autant de chances de se tromper avec l'un ou avec l'autre.

Le Président (M. Marcil): Cela va. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Peut-être, rapidement, M. le Président. Avant que nous terminions, j'aimerais revenir sur la question de la certification prévue à l'article 3336. Évaluez-vous qu'il faudrait du personnel supplémentaire en nombre important si vous aviez à procéder à la certification, telle que

prévue à l'article 3336, de la validité des documents?

M. Desnoyers: Le certificat qui va être apposé sur le document?

Mme Harel: Oui.

M. Desnoyers: Non, parce que des documents sous seing privé, il n'y en a quand même pas énormément. Cela pourrait être fait tel quel à moins que tout le monde décide de faire des documents sous seing privé, ce que je ne pense pas.

Mme Harel: Présentement, vous avez, depuis quelques années, enregistré les déclarations de résidence familiale...

M. Desnoyers: ...familiale.

Mme Harel: ...cela se fait à vos bureaux maintenant?

M. Desnoyers: Oui.

Mme Harel: Y en a-t-il plusieurs qui sont enregistrées chaque année?

M. Desnoyers: Le nombre... Non, il n'y en a pas... En fin de compte, cela n'a pas donné un surplus d'ouvrage dans les bureaux d'enregistrement qui aurait justifié l'engagement d'un employé de plus dans un bureau ou l'autre.

Mme Harel: Le Barreau recommandait ce matin que, pour ces déclarations, pour l'enregistrement de ces déclarations de résidence, il y ait une obligation de s'adresser à un professionnel, notaire ou avocat. Présentement, cela se fait à vos bureaux et vous semblez...

M. Desnoyers: Pas de problème.

Mme Harel: ...considérer qu'il n'y a pas de problème. L'autre question: considérez-vous qu'il devrait y avoir des droits réclamés si tant est que la certification se faisait à votre bureau? Toujours la certification prévue aux articles 3336, 3337 et suivants.

M. Desnoyers: Non, je ne prévois pas que... Étant donné qu'on n'aura jamais les actes notariés au bureau et je ne prévois pas que le notaire exige des droits pour apposer son certificat, il va le signer et, en même temps, cela va faire partie de son acte. L'acte, quand il va arriver au bureau... On ne le rédige pas, on ne le fait pas. Actuellement, on reçoit l'attestation de celui qui vient se faire assermenter pour dire que c'est cela. La seule chose qu'on va recevoir de plus, c'est qu'ils vont venir attester que ce qui est écrit là, de la façon dont c'est expliqué, c'est leur volonté, c'est tout ce qu'on va attester et de dire: je suis M. Untel, il va nous montrer qu'il est M. Untel. Acutellement, on ne cherche pas dans les bureaux d'enregistrement pour cela.

Mme Harel: Oui. À l'occasion d'une erreur, par exemple, la responsabilité d'un registrateur dans le certificat serait assumée par un fonds d'idemnisation. Je fais référence à ce projet qu'on retrouvait dans l'office de révision, dans le fonds d'indemnisation. Quelle est votre opinion sur cette question?

M. Desnoyers: II est certain que si le registrateur fait une erreur, j'estime qu'à ce moment-là, il devrait en assumer les conséquences, c'est-à-dire que l'État devrait payer pour les erreurs que le registrateur commet. Il faudrait que... Actuellement, même si on commet des erreurs, il y a seulement au niveau de l'avis des créanciers pratiquement où le registrateur peut être poursuivi; ailleurs, il n'y a pas de poursuite contre le registrateur.

Mme Harel: Une dernière question, M. le Président. Dans votre mémoire déjà déposé devant la commission, vous vous inquiétiez d'avoir à vérifier le rapport d'actualisation. À notre connaissance... Et on vient d'avoir copie du mémoire amendé, on ne retrouve pas cette inquiétude dans votre mémoire amendé. Avez-vous répondu à vos préoccupations entre temps?

M. Desnoyers: D'avoir à vérifier le rapport d'actualisation?

Mme Harel: Oui. Disons dans le mémoire initial...

M. Desnoyers: Oui.

Mme Harel: Je vais vous rappeler la page 19 du mémoire initial, c'est à l'article 3415, à la dernière page. Vous dites: L'article 3415 semble faire reposer sur les épaules du registrateur le fait de déterminer s'il y a des incertitudes quant à la nature et à la qualité des droits maintenus au dossier immobilier par le rapport d'actualisation.

M. Desnoyers: On se posait la question à savoir si vraiment le registrateur était responsable. Aujourd'hui, on a regardé et on a dit: Oui, il est responsable. Sauf qu'au niveau, si je peux me permettre, du rapport d'actualisation, comme on l'a dit tantôt, il faudrait qu'il y ait l'obligation de déposer au moment où il enregistre son premier acte. Sans cela on n'aura plus de responsabilité. Il va le déposer quand il va vouloir et après il ne vaudra pas.

Le Président (M. Marcil): Ca va?

Mme Harel: Alors je vous remercie. J'en profite immédiatement pour vous remercier de votre expertise.

M. Desnoyers: Cela nous a fait plaisir.

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Je reviens à l'informatique parce que vous avez insisté sur ce point à plusieurs reprises. Est-ce que la fiche informatique suffirait à bien informer les tiers?

M. Desnoyers: Quant à la fiche informatique, si le contenu est standardisé, il va falloir que le contenu soit pensé comme il faut avant de l'appliquer, elle pourrait suffire. Cela ne veut pas dire qu'on se départirait du document. Cela ne veut pas dire qu'il faudrait se départir du document, mais elle servirait pour donner toute l'information au système informatique pour que cela se fasse de façon plus rapide qu'à l'heure actuelle.

M. Dauphin: Alors, à mon tour, au nom du gouvernement, j'aimerais vous remercier pour votre participation active aux travaux de notre sous-commission. Vos recommandations seront étudiées avec beaucoup d'attention. Merci beaucoup.

M. Desnoyers: Merci.

Le Président (M. Marcil): Au nom des membres de cette sous-commission, je vous remercie de votre présence et du dépôt de votre mémoire. Nous vous souhaitons un bon voyage de retour.

Je vais suspendre pour deux minutes afin de permettre à l'Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec de prendre place.

(Suspension de la séance 15 h 28)

(Reprise à 15 h 34)

Le Président (M. Marcil): Nous reprenons nos travaux en accueillant l'Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec représenté par M. Etienne Blouin, président. M. Blouin, vous connaissez un peu notre méthode de travail. Donc vous avez un peu plus de 20 minutes pour faire votre exposé, tout en présentant vos collègues. À chaque fois qu'un de vos collègues veut intervenir, il doit d'abord se nommer pour les fins du Journal des Débats. Ca va? Et c'est ainsi qu'on passe à l'histoire. Allez.

Ordre des arpenteurs-géomètres

M. Blouin (Etienne): Merci, M. le Président. Avant de débuter, je vaudrais vous présenter les membres de notre comité. Â mon extrême droite, M. Gérard Raymond, arpenteur-géomètre, en plus, il est avocat et arpenteur général du Canada; à ma droite immédiate, M. Grégoire Girard, arpenteur-géomètre à Saint-Hyacinthe en cabinet privé; à ma gauche, M. Jocelyn Fortin, arpenteur-géomètre et secrétaire général de l'ordre. Immédiatement derrière nous, M. Jacques Sylvestre, arpenteur-géomètre en cabinet privé à Val-d'Or.

Alors c'est avec plaisir, M. le Président, que l'Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec vous présente ses commentaires sur l'avant-projet de loi portant réforme au Code civil du Québec des droits des sûretés réelles et de la publicité des droits. Nous avons porté principalement notre attention sur les articles qui touchent de près le travail des arpenteurs-géomètres pour le bien du public en général. Nous n'avons formulé de commentaires que sur les articles où nous suggérons des améliorations. Il est important de noter que nous n'avons pas commenté plusieurs autres articles avec lesquels nous sommes d'accord. Toutefois, compte tenu des commentaires présentés par d'autres organismes que le nôtre, si le législateur désire effectuer des modifications aux articles qui touchent de près ou de loin au travail des arpenteurs-géomètres, nous aimerions en être avisés et nous pourrions alors lui faire part de nos suggestions.

En règle générale, cette réforme du Code civil permettra aux contribuables des économies importantes de délai et d'argent au niveau du cadastre et du bureau d'enregistrement. Nous avons reproduit le texte de l'article du projet de loi et formulé nos commentaires immédiatement après.

A l'article 2890, nos commentaires sont les suivants: nous demandons d'insérer le mot "arpenteur-géomètre" entre les mots "ingénieur" et "fournisseur" à la quatrième ligne du premier alinéa.

L'intervention de l'arpenteur-géomètre apporte une plus-value importante à l'immeuble: cette participation s'exerce notamment par l'implantation des bâtiments, l'installation des axes de structure tout au long de la construction, la détermination des élévations de plancher et les autres travaux de précision exigés par les entrepreneurs. Par exemple, dans le cas des bâtisses en copropriété, l'arpenteur-géomètre, en plus de faire les levés préalables, agit à titre d'expert de la mesure. L'arpenteur-géomètre effectue l'implantation du bâtiment et vérifie sur les lieux les dimensions des locaux qui formeront des lots tridimensionnels. Sa présence est requise sur les lieux jusqu'à la fin des travaux. L'arpenteur-géomètre investit des sommes d'argent importantes du début à la fin des travaux. C'est pourquoi la

loi devrait le protéger au même titre que l'architecte ou l'ingénieur, en raison de ses liens très étroits avec la construction.

J'aimerais faire les commentaires suivants sur l'article 3322. Nous nous interrogeons sur le mot "visiblement" qui peut être source de confusion. C'est pourquoi nous recommandons de supprimer ce mot. Un lot est délimité suivant les règles de l'art et les règlements en vigueur.

L'article 3335. Nous sommes d'accord avec la rédaction de cet article.

Nous sommes également d'accord avec la rédaction de l'article 3337.

À l'article 3355, nos commentaires sont les suivants. Le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources du Canada, par sa division des levés officiels, effectue des travaux d'arpentage qui portent principalement sur les réserves indiennes et les parcs nationaux au Québec, Ces travaux sont exécutés sous l'autorité de la Loi sur l'arpentage des terres du Canada. L'article 44 de cette loi requiert de déposer une copie des plans officiels au bureau de la division d'enregistrement où les terres sont situées pour que l'information soit accessible localement aux intéressés et notamment aux arpenteurs-géomètres.

Comme il s'agit d'un simple dépôt de plans, il suffit qu'il soit conservé dans les bureaux d'enregistrement afin d'en permettre la consultation. La plupart des réserves indiennes ne sont pas cadastrées. Généralement, les nouvelles parcelles sont désignées afin de satisfaire aux exigences de la publicité foncière en vertu de la Loi sur les Indiens. Ces subdivisions n'apparaissent donc pas au cadastre du Québec.

Pour toutes ces raisons, le deuxième alinéa de l'article 3355 devrait se lire comme suit: "Cette disposition ne s'applique pas au dépôt de plans cadastraux visés dans le présent livre, ni à ceux visés par la Loi sur le cadastre, par la Loi favorisant la réforme du cadastre québécois ou au dépôt de plans préparés en vertu de la Loi sur l'arpentage des terres du Canada."

L'article 3365. Selon nous, cet article nous apparaît générateur de conflits perpétuels entre les professionels et les registrateurs.

Pour ce qui est de l'article 3369, nos commentaires sont les suivants. Nous suggérons d'insérer, à la dernière ligne du premier alinéa, après le mot "l'État", les mots "de municipalités, de fabriques, de commissions scolaires, dont les titres sont antérieurs à la mise en vigueur du cadastre,".

La raison de ce changement est de comprendre le plus de cas possible afin de régulariser ce qui est antérieur à la mise en vigueur du cadastre original.

Quant à l'article 3385, nous le commentons comme suit. Nous suggérons d'ajouter un troisième alinéa qui se lirait comme suit: "Le registre foncier d'une division d'enregistrement comprend en outre, le cas échéant, le livre foncier des réserves indiennes et le livre foncier des parcs nationaux déposés en vertu de la Loi sur les terres du Canada, qu'ils soient en territoire cadastré ou non."

Ici, je me permets de vous référer à nos commentaires sur l'article 3355.

Nous abordons maintenant l'article 3389. M. le Président, j'aimerais vous mentionner que notre texte de nos commentaires comporte une erreur et j'aimerais que vous la corrigiez. La première ligne de nos commentaires devrait se lire comme suit: "Nous suggérons de modifier le premier alinéa, qui se lirait comme suit." La première ligne de nos commentaires devrait être modifiée.

Le Président (M. Marcil): Si je comprends, au lieu "d'ajouter un troisième alinéa", c'est "remplacer".

M. Blouin: C'est "modifier". Au lieu de cela, il faudrait lire "de modifier le premier alinéa".

Le Président (M. Marcil): Cela va. Nous suggérons de modifier le troisième alinéa qui se lirait comme suit.

M. Blouin: C'est exact. "Sous réserve du troisième alinéa de l'article 3385, lorsque, dans une division d'enregistrement, il se trouve un territoire qui n'est pas cadastré, le registre comprend, pour ce territoire, un seul autre livre foncier."

M. le Président, nous vous référons encore une fois aux commentaires que nous avons formulés pour l'article 3355.

À l'article 3400, nous suggérons, au premier alinéa, de remplacer les mots "s'il" par les mots "si l'immeuble concerné" et, au deuxième alinéa, d'ajouter, au début: "Sous réserve de l'article 3402". En ce qui concerne le premier alinéa, il semble que l'enregistrement doive porter sur un immeuble et non pas sur un droit. Quant au deuxième alinéa, il faut tenir compte des amendements proposés à l'article 3402.

À l'article 3402, afin d'éviter d'alourdir le plan cadastral avec de multiples assiettes de servitude pour la distribution des services secondaires d'électricité et de téléphone, il serait souhaitable de limiter cet article aux grands axes de transport et de distribution d'énergie. Ainsi, le texte plus restrictif pourrait se lire comme suit: L'emprise des lignes de chemin de fer, des voies publiques et des réseaux primaires de transport de gaz, de pétrole, d'eau, d'électricité, de téléphone et d'égout, sont identifiées sur le plan cadastral."

Dans les articles 3408, 3409 et 3411, nous suggérons d'utiliser le mot "signé" au lieu de "certifié", car il ne s'agit pas d'actes donnant lieu à l'émission de "certificat" au sens où il faut généralement entendre ce mot.

À la section II, qui s'intitule "Des modifications cadastrales", les articles 3409 à 3412 ne font pas mention des corrections cadastrales. Nous croyons qu'il s'agit d'un oubli.

Quant à l'article 3414, il faut s'interroger ici sur la justesse du mot "vérifier" par rapport au certificat de localisation émis par l'arpenteur-géomètre. Il semble que le mot "analyser" serait plus adéquat, afin de ne pas obliger l'examinateur de titre à prendre la responsabilité du contenu du certificat de localisation.

L'article 3416 devrait permettre la possibilité de créer un lot avec deux ou plusieurs parties de lot ou, encore, de regrouper une partie de lot avec un lot distinct pour former un nouveau lot distinct.

Un alinéa pourrait être inséré entre le premier et le deuxième alinéa de l'article 3418 qui pourrait se lire comme suit: "II en est de même jusqu'à ce qu'une modification cadastrale attribue à cette partie, sur un plan déposé au bureau d'enregistrement, un numéro distinct groupant cette partie avec une autre partie ou avec un autre lot distinct et jusqu'à l'enregistrement d'un avis indiquant que le numéro attribué par la modification inclut la partie de lot visée par cet acte,"

Le tout respectueusement soumis.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. Blouin. Maintenant, nous allons passer à la période de questions. Vous avez environ 20 minutes chacun. Cela va? M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. J'aimerais, tout d'abord, au nom du ministre de la Justice et de l'équipe ministérielle, vous remercier d'être venus participer à nos travaux, de la préparation et de la présentation de votre mémoire. Pour suivre la chronologie de votre mémoire, vous nous indiquez au début que les arpenteurs-géomètres du Québec devraient être inclus dans la liste des personnes privilégiant, si vous me permettez l'expression, l'hypothèque légale. Évidemment, on entend toutes sortes de raisonnements dans le sens que l'arpenteur-géomètre, sauf peut-être dans le cas de copropriété, fait un travail extrêmement important. On est porté à croire que l'on ne l'assimile pas nécessairement à l'entrepreneur général ou au fournisseur de matériaux ou à l'architecte ou à l'ingénieur. En pratique, j'aurais une question à vous poser. Chez vos membres, est-il monnaie courante de ne pas être payés, si vous voulez, d'avoir des comptes impayés?

M. Girard (Grégoire): Grégoire Girard. Je ne crois pas que ce soit plus monnaie courante chez nous que chez les ingénieurs ou les architectes, qui sont quand même protégés par cet article. Sauf que la prévention ne fait pas tort. Il arrive que depuis une vingtaine d'années et, de plus en plus, les arpenteurs-géomètres qui ont acquis une formation bien particulière dans le domaine de la mesure, avec leur instrumentation dans le domaine géodésique, cartographique, qui ont acquis une expertise dans le domaine de la mesure, dis-je, fait que les entrepreneurs et les ingénieurs, à l'occasion, font appel à leurs services pour suivre les principales étapes de la construction, que ce soit à l'établissement des fondations, des pieux, des structures et des planchers, de telle sorte que lorsqu'ils arriveront à la construction des murs, surtout lorsqu'il y a des plaques de verre d'une tolérance d'environ 1/8, que chacune des pièces s'installent bien comme il faut. Souvent ces pièces sont préfabriquées. Lorsqu'elles arrivent sur place, elles doivent être installées et, pour employer une expression anglaise, "fitter" à l'endroit où elles doivent aller.

C'est en ce sens que l'arpenteur-géomètre participe en quelque sorte, par ses services, aux travaux de construction et à la plus-value de l'édifice lui-même. On a parlé aussi des édifices en copropriété. Là encore, à partir du début jusqu'à la fin, l'arpenteur-géomètre intervient pour prendre et pour donner ses mesures, de sorte qu'une fois rendus à la limite de l'immeuble, tous les plans qui concernent l'immeuble reflètent bien l'état des lieux et soient aussi déposés au cadastre. Aucun titre de propriété ne peut être enregistré, s'il n'est pas inscrit dans un numéro cadastral dûment identifié et dûment déposé par l'arpenteur-géomètre.

C'est le cas précisément dans l'avant-projet de loi actuel, comme on l'appelle. Aux articles 3400 et 3407, il est essentiel, avant toute transaction, que les immeubles soient identifiés au cadastre sous des numéros distincts. C'est l'ensemble de toutes ces fonctions qui font que l'arpenteur-géomètre intervient au cours de la construction; ce qui apporte, bien sûr, une plus-value à l'édifice lui-même.

M. Dauphin: D'accord. Vos revendications seront étudiées, c'est bien évident. J'aimerais revenir sur un point. Vous étiez présents tantôt, avec le groupe qui vous a précédés, l'Association des registrateurs, alors qu'on discutait de l'aspect du sommaire. J'aimerais avoir votre opinion comme praticiens sur ce qui est proposé dans l'avant-projet de loi.

M. Girard: Je n'ai pas suivi totalement et je n'ai d'ailleurs pas analysé le mémoire des registrateurs mais il me semble, en ce qui nous concerne du moins, qu'il pourrait avoir avantage à maintenir le sommaire. Voici pourquoi. Dans ce qui nous occupe, les procès-verbaux de bornage et les plans que l'on doit enregistrer, il y en a qui sont très volumineux. On pourrait enregistrer par sommaire un résumé du document, si on veut, en disant qu'il y a quand même un plan qui accompagne ce document et qui est déposé dans une voûte chez l'arpenteur-géomètre, où il peut être consulté. Le bureau d'enregistrement peut fournir l'information à ceux qui veulent l'avoir.

Pour nous, du moins, cela nous paraît un avantage. Je ne sais pas comment cela se passe chez les autres professions; mais cela nous paraît un avantage d'avoir un sommaire ou un résumé quelconque qui pourrait éviter de déposer au bureau d'enregistrement qui, parfois, ne sait pas quoi en faire, cet ensemble de plans.

M. Dauphin: Merci. Une autre question relative à la description des immeubles, aux articles 3404 et 3406. J'aimerais avoir votre opinion, au nom de l'ordre, sur ces deux articles.

M. Girard: Alors, il s'agit de l'article 3404: Lorsqu'il est permis d'enregistrer un acte sur une partie de lot - versus les actes qui devraient être enregistrés sur des lots distincts seulement - celle-ci doit être décrite par la mention de ses tenants et aboutissants et de ses mesures, et la description doit indiquer les éléments nécessaires pour situer physiquement la partie.

Par exemple, si on parle de servitude, entre autres, une servitude de non-construction, il est important qu'elle soit bien identifiée pour éviter qu'un futur propriétaire aille construire dans les limites d'une telle servitude. Alors, pour ce qui concerne la description, c'est notre métier de décrire des emplacements, ce n'est pas un problème pour nous. Je ne sais pas si c'était le but de votre question de nous interroger sur le travail qu'on a à faire dans ce domaine-là, mais en ce qui nous concerne, ce n'est pas une difficulté.

M. Dauphin: Autrement dit, il n'y a aucune difficulté là-dedans. Au contraire, à 100 % vous êtes d'accord avec cela?

M. Girard: Oui.

M. Dauphin: De plus, toujours revenant au premier point de l'importance des arpenteurs-géomètres dans une construction et l'hypothèse d'inclure ceux-ci à l'article 2888, je crois, est-ce que cela a fait l'objet pour vos membres - cela revient encore à ma première question de tantôt - de beaucoup de pressions considérant la pratique, d'avoir une espèce de sûreté additionnelle.

M. Girard: Si on se réfère à la tradition, je dirais oui. Depuis nombre d'années, l'on constate qu'il est prévu des privilèges semblables pour les architectes et les ingénieurs. Avec l'accession des arpenteurs-géomètres sur les chantiers de construction, de plus en plus, et par rapport à certaines faillites qui arrivent de temps en temps -remarquez bien, ce n'est pas fréquent -lorsqu'un arpenteur-géomètre se fait prendre dans une faillite semblable, la première porte où il frappe, c'est au bureau de l'ordre pour lui dire: Qu'est-ce qu'on attend pour que nos arpenteurs-géomètres soient inclus dans cet article qui prévoit des privilèges de constructeurs, d'architectes, d'arpenteurs, ou d'ingénieurs? Avec les années, il n'y a pas eu de pressions plus récentes ces dernières années qu'avant et, à chaque année, c'est revenu.

M. Dauphin: Merci. J'y reviendrai tantôt. Avez-vous une question, M. Cossette? Allez-y, ne vous gênez pas.

M. Cossette: M. le Président, je voudrais m'adresser à l'arpenteur général du Canada, tout particulièrement relativement aux représentations faites sur l'article 3355 par l'Ordre des arpenteurs-géomètres. J'aimerais avoir davantage d'explications sur la demande faite par l'Ordre des arpenteurs-géomètres, parce que je sais que vous êtes particulièrement intéressé par les terres des Indiens, en particulier.

M. Raymond (Gérard): M. le Président, je voudrais d'abord féliciter les auteurs de ce document, du projet de loi, pour les améliorations qui ont été apportées. Comme vous le savez, la caractéristique principale du système de publicité foncière au Québec est que c'est un système qui est à la fois simple et efficace. Les mesures que vous proposez dans votre document vont sûrement améliorer, mais vont aussi conserver cette caractéristique sans tomber dans le piège d'un système de titres avec toutes les difficultés que l'on connaît dans les autres provinces canadiennes.

Quant à la loi, évidemment, comme arpenteur général, je suis responsable de la gestion de la Loi sur l'arpentage des terres du Canada. L'article 44 nous requiert d'envoyer un plan. Chaque plan officiel que je signe doit être envoyé au bureau d'enregistrement du district dans lequel sont situées les terres en question. Évidemment, l'objectif de cette disposition de la loi, c'est de permettre aux arpenteurs-géomètres et

aussi aux intéressés dans ce district de pouvoir consulter nos plans sans nécessairement prendre contact avec Ottawa. Nous avons des dispositions un peu semblables avec toutes les provinces pour voir que ces plans-là soient proprement indexés, si vous voulez, pour une consultation simple et efficace, pour qu'en fin de compte, quelqu'un qui est dans la région de Sept-Îles qui veut faire un développement immobilier près d'une réserve, ou un arpenteur-géomètre qui veut être impliqué dans le tracé des limites, puisse aller au bureau d'enregistrement de Sept-Îles puis trouver le plan ou trouver la série de plans qui concernent la réserve de Sept-Îles. (16 heures)

Alors, le but de cette disposition de la loi à l'article 44, c'est simplement, d'assurer la publicité de nos plans dans les régions où sont situées les terres en question, dans l'intérêt des arpenteurs et aussi d'autres intéressés.

Évidemment, on a eu des problèmes très sérieux au Québec. En fin de compte, ce qui est très intéressant, c'est que dans les autres provinces, on a un peu moins de problèmes parce que notre système d'arpentage est beaucoup plus semblable à celui des provinces de "Common Law" que celui du Québec. On a un système d'arpentage qui porte sur les limites de terrain comme telles tandis qu'ici, au Québec, on a un système cadastral ou un répertoire de la propriété. C'est pour ça que c'est toujours plus facile dans les autres provinces parce qu'elles enregistrent des plans parcellaires pour chacune des limites qui sont tracées et pour chacune des transactions. C'est pour cela que c'est plus facile dans les autres provinces qu'ici au Québec.

Comme on le suggère dans le mémoire, tout simplement, il serait intéressant, quelles que soient les modalités, qu'on ait un livre foncier pour la réserve de Sept-Îles, par exemple, que les intéressés pourraient consulter et voir la fréquence des enregistrements qui se font au niveau du plan comme tel. À ce moment-là, de façon très simple, on pourrait tout simplement reproduire le titre du plan qui identifie les parcelles en question dans le système d'arpentage des terres fédérales. Ce serait très mécanique. Dans notre système, le titre du plan décrit les parcelles qui sont en cause, et ces parcelles sont délimitées par un trait foncé. À ce moment-là, ce serait tout simplement de transcrire cette partie sans faire aucune autre démarche.

Le Président (M. Marcil): Merci. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. M. Blouin et les personnes qui vous accompagnent, M. Fortin, M. Girard, M.

Raymond, vous êtes des praticiens, et vous disiez, M. Raymond, que de plus en plus, les arpenteurs-géomètres se retrouvaient en présence d'architectes et d'ingénieurs sur les chantiers de construction. Est-ce que c'est, d'une certaine façon, le type de tenure maintenant, avec la copropriété qui s'est multipliée, et tout, qui amène une présence accrue de vos membres sur les chantiers, ou si cela a toujours été le cas?

M. Girard: C'est surtout depuis l'avènement des instruments de mesure plus perfectionnés que l'arpenteur-géomètre utilise. Par exemple, vous avez déjà entendu parler, j'imagine, des formations de barrage. Prenons le cas du barrage Daniel-Johnson, qui est une voûte avec une certaine courbe, il y a toujours des mesurages qui se font pour s'assurer que le barrage ne se déforme pas. Ces observations sont faites par des arpenteurs-géomètres à l'aide d'instruments de mesure très précis, et cela se fait d'ailleurs par les arpenteurs-géomètres partout au Canada.

Cela a été un peu, si on veut, le démarrage de la présence des arpenteurs-géomètres sur les chantiers de construction, surtout pour des édifices de grande dimension. Là où on avait besoin d'une précision accrue dans la position de chacun des repères, que ce soient les fondations, les structures, les pieux ou chaque module de l'édifice, surtout à cause de l'avènement des modules préfabriqués qui arrivent sur les chantiers de construction, qui sont fabriqués en usine, il arrive parfois qu'ils sont percés, qu'ils sont cassés à un endroit, on a besoin d'avoir plus de précisions, et l'arpenteur-géomètre, grâce à sa formation de base à l'université, qui est une formation d'expert en mesures, est devenu une personne de plus en plus en demande sur les chantiers de construction par les ingénieurs, les architectes et aussi les entrepreneurs, pour faire ces travaux.

Mme Harel: À votre connaissance, pourquoi l'hypothèque légale, la construction n'avait-elle pas été élargie aux arpenteurs-géomètres comme cela a été le cas pour les architectes ou les ingénieurs?

M. Girard: C'est un oubli historique.

Mme Harel: II n'y a pas d'oubli, en fait, le législateur ne parle pas pour ne rien dire.

M. Girard: Justement. Il faut peut-être comprendre que dans le passé, il y a plus de 25 ans, l'arpenteur-géomètre était moins présent sur ces grands travaux. C'étaient plutôt les architectes et les ingénieurs qui avaient pris, si on veut, la relève des arpenteurs-géomètres qui, à l'origine, étaient

ceux qui s'occupaient de ces travaux. Au départ, au début de la colonie, l'arpenteur-géomètre était en même temps ingénieur et architecte, il remplissait les trois fonctions. Avec les années, les tâches se sont définies de plus en plus et les arpenteurs-géomètres se sont plutôt cantonnés dans la partie juridique de la profession de l'arpentage, alors que les ingénieurs ont occupé la partie technique et les architectes ont pris la partie planification ou aménagement. C'est un peu ce qui s'est produit historiquement.

Mais aujourd'hui, les professions se rapprochent de plus en plus. Il y a une espèce de jonction qui se fait entre les trois professions, au moment d'un chantier de construction. L'architecte prépare ses plans; on demande à l'ingénieur de calculer les structures; et, finalement, on demande à l'arpenteur-géomètre d'être sur place pour vérifier l'exécution.

Mme Harel: Vous parlez, dans votre mémoire, de la plus-value que crée votre science, d'une certaine façon. Vous en parlez en termes de construction. Je me suis demandée si... J'ai fait appel à un arpenteur-géomètre au moment où il y avait une transformation de copropriété indivise en copropriété divise. C'est là, j'imagine, un nouveau champ de votre pratique qui s'est beaucoup élargi.

M. Girard: Oui, avec l'avènement de...

Mme Harel: Et cela crée une plus-value, c'est certain...

M. Girard: C'est une...

Mme Harel: ...sans la construction, évidemment...

M. Girard: Oui, évidemment, cela...

Mme Harel: Par le simple... Excusez-mot. Cela crée une plus-value, sans la construction, par la simple transformation cadastrale.

M. Girard: Oui. À ce moment-là, on intervient dès le début, d'abord, pour la transformation du lot à bâtir, pour lui donner un numéro de cadastre et on pourra installer la bâtisse. Pendant la construction, il faut être sur place pour mesurer chacune des parties exclusives et aussi les parties communes, de telle sorte que le cadastre va refléter exactement les superficies, les surfaces et les volumes qui vont devenir des parties exclusives. Évidemment, cette partie de mesurage, le mesurage final, se fait lorsque chacune des cellules est construite. Et on dépose un plan au cadastre et au bureau d'enregistrement pour refléter cette réalité. Finalement, c'est ce qui sert aux différents intervenants par la suite - au notaire - pour préparer les actes de vente et aussi les actes d'hypothèque.

Mme Harel: Vous avez certainement pris connaissance, dans l'avant-projet de loi, du fait que l'hypothèse... oui, c'est peut-être encore une hypothèse dans l'avant-projet de loi... que l'hypothèque légale de la construction va finalement prendre effet avec les autres hypothèques. C'est sans doute le moment de son enregistrement qui va lui donner effet. Donc, l'ensemble de ceux qui sont concernés, que ce soient les fournisseurs de matériaux ou tous les autres, vont passer au même rang, à ce moment-là. Mais la date n'est pas très clairement identifiée à laquelle des dates d'enregistrement, seraient-ce les premières dates d'enregistrement ou la dernière? Même cette hypothèque légale de la construction vous intéresse malgré tout?

M. Girard: Oui, au même titre que les autres qui la conservent.

Mme Harel: Malgré ces modifications? M. Girard: Malgré les modifications.

Mme Harel: Ces modifications, est-ce que vous en pensez quelque chose de particulier? Vous agréent-elles?

M. Girard: Oui. En fait, on n'a pas fait d'étude en profondeur de cette partie parce que cela intéresse plutôt ceux qui sont dans le domaine légal, question de priorité, de rendre l'hypothèque ou de privilège. Mais on sent quand même que le projet de loi vise la plus grande justice possible envers tous ceux qui vont avoir des hypothèques ou des privilèges à enregistrer.

Mme Harel: Je sais que Me Gariépy aimerait avoir la possibilité d'intervenir.

M. Gariépy: Pierre Gariépy. J'aurais une question à vous poser. Vous avez traité, dans votre mémoire, de l'article 3402. Vous avez même suggéré une modification en ajoutant l'emprise des réseaux primaires de pétrole, de gaz et autres. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette modification que vous proposez, compte tenu d'une disposition, dans la loi, des pouvoirs spéciaux des corporations. C'est l'article 43 qui traite, dans des actes de nature comme le transfert de propriété, les actes d'hypothèque ou les actes de fiducie, de la désignation cadastrale particulière qu'on peut donner à ces emprises ou à ces réseaux de transport - je m'excuse, j'ai le texte devant moi, cela m'est peut-être plus facile d'y référer - ces réseaux de transmission et de distribution d'énergie électrique, gaz et eau. Cet article 43 auquel je me réfère mentionne qu'il est juste

suffisant de déposer au bureau d'enregistrement une indication des noms de cadastre, des cités, villes ou villages où la ligne ou le réseau passe. Pensez-vous que cet article 43 devrait être changé, compte tenu que le Code civil maintenant, tel que vous le suggérez, traite dans un plan de l'emprise même du réseau primaire de distribution? Est-ce que vous avez des remarques à faire à ce sujet?

M. Girard: Très bien. Prenons le cas d'Hydro-Québec qui dépose des plans pour des lignes de 739 kilovolts, avec des emprises de 550 pieds de largeur. On retrouve ces documents au bureau d'enregistrement. Cependant, ce n'est pas clair pour tout le monde, où sont situées ces fameuses emprises. L'arpenteur-géomètre se déprend facilement, mais la personne qui achète une terre à la campagne et voit bien une ligne, de combien la ligne peut-elle l'affecter. Si la ligne passe à l'extrémité de sa ferme, est-ce qu'il y a une partie de la ligne qui touche à sa ferme? Elle ne le sait pas. Elle va peut-être voir dans les anciens titres qu'une servitude a été enregistrée, mais de combien l'affecte-t-elle? Il faut qu'elle s'adresse à quelqu'un. On parle des réseaux primaires parce que ce sont les parties importantes. On ne parle pas des réseaux de distribution qui viendraient créer une série de lots inutiles. Mais les réseaux primaires, si on avait au bureau d'enregistrement pour chacun des lots un numéro de cadastre enregistré qui le situe parfaitement, nous pensons que, pour les propriétaires eux-mêmes et ceux qui passent des contrats, que ce soit des actes d'hypothèque ou des actes de transaction, ce serait plus facile de s'y reconnaître. On dirait que tel numéro de lot, c'est la partie qui est libre de cette servitude et tel numéro de lot, c'est la partie qui est affectée par la servitude, plutôt que d'être obligé de décrire la personne en question par tenant et aboutissant. Une question de faciliter les choses, si on veut. Cela ne nous dérange pas que ce soit des parties de lot. On peut les retrouver et on peut s'y retrouver facilement, surtout pour ceux qui ont à préparer des actes et pour les propriétaires eux-mêmes, de les voir avec des mesures et avec des numéros de cadastre distincts, ce serait plus facile pour eux.

Une voix: Cela va.

M. Melançon: Dans le Code civil actuel, plus particulièrement à l'article 2013, on ne prévoit pas que l'ingénieur bénéficie du privilège ouvrier. On ne le prévoit que pour l'architecte. Or, depuis à peu près 1978, surtout depuis l'arrêt Wolowski, on a justement accordé à l'ingénieur l'avantage qui était conféré à l'architecte. On a dit que l'ingénieur avait également un privilège, tout comme l'architecte, justement en prétextant au tribunal, en prétendant que lors de l'entrée en vigueur du code en 1866, l'architecte accomplissait ce qui, aujourd'hui, est l'apanage à la fois de la corporation des ingénieurs et de celle des architectes. Si j'ai bien entendu votre raisonnement tout à l'heure, vous disiez qu'effectivement aussi, à l'origine, c'était l'architecte qui, en quelque sorte, exécutait le travail qui vous est plus spécifiquement dévolu aujourd'hui comme profession. Or, n'avez-vous jamais tenté de faire reconnaître, comme l'ingénieur, dans la jurisprudence récente, vos droits à ce privilège compte tenu de ce que vous prétendez?

M. Girard: À ma connaissance, il n'y a pas eu de tentative sérieuse de faite là-dessus. On en a parlé. C'est un fait, ce que vous disiez tout à l'heure, à savoir qu'à l'origine, l'arpenteur-géomètre était en même temps architecte et ingénieur. Les professions ont été scindées par la suite. Depuis que nous intervenons de nouveau plus intensivement sur les chantiers de contruction, on y a pensé. On a fait des interventions, je dirais, dans un mémoire au ministre, mais on n'a jamais eu l'occasion de faire une tentative sérieuse comme l'occasion qui se présente actuellement avec l'Office de révision du Code civil qui nous présente un article qui prévoit qu'on pourrait s'installer à cet endroit.

M. Meiançon: Mais il n'y a pas eu de tentative jurisprudentielle. Vous n'avez pas essayé devant les tribunaux.

M. Girard: Non.

Mme Harel: Est-ce à dire que vos membres n'ont pas de problème de recouvrement de créances?

M. Girard: Ils en ont, madame. Ils en ont.

Mme Harel: Très bien. Je vous remercie beaucoup de votre contribution à nos travaux.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Je veux également remercier l'Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec de sa participation à nos travaux et dire que nous allons étudier ses recommandations avec attention. Merci de votre participation.

Le Président (M. Marcil): De même, au nom des membres de la sous-commission, nous vous remercions de votre participation à

ce processus démocratique qu'est la consultation. On vous remercie de votre mémoire. Bon voyage de retour.

M. Girard; Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Je vais suspendre les travaux pour cinq minutes et demander à la Conférence des associations de créateurs et créatrices du Québec de s'avancer.

(Suspension de la séance 16 h 16)

(Reprise à 16 h 23)

Le Président (M. Marcil): Bonjour. Nous souhaitons la bienvenue aux représentants de la Conférence des associations des créateurs et créatrices du Québec. Mme Jocelyne Dazé, qui est la directrice...

Mme Dazé (Jocelyne): Je travaille à l'Union des écrivains, directrice du service de l'information.

Le Président (M. Marcil): Directrice du service de l'information, Union des écrivains.

Mme Dazé: C'est ça.

Le Président (M. Marcil): Mme

Claudette Fortier, directrice générale de !a SARDEC, de l'association des créateurs. Bon, je vais vous permettre de présenter vos collègues. Nous vous donnons à peu près quinze minutes pour votre exposé, dix à quinze minutes, et nous procéderons ensuite à la période de questions. Ça va?

Mme Fortier (Claudette): D'accord.

Le Président (M. Marcil): Lorsque vous vous adressez au groupe, vous vous identifiez pour les fins du Journal des débats.

Conférence des Associations de créateurs et créatrices du Québec

Mme Fortier: D'accord. Merci, M. le Président. Tout d'abord j'aimerais remercier la commission d'avoir accepté de nous recevoir. Nous avons présenté un très court document au tout dernier moment, mais nous croyons que c'est important.

Tout d'abord, je vais vous présenter mes collègues et je vais vous dire de quel secteur elles proviennent. Alors en commençant par ma gauche, Jacqueline Lemay, directrice générale de la Société professionnelle des auteurs-compositeurs du Québec; elle représente à la conférence le secteur de la musique; Jocelyne Dazé, directrice de l'information et de l'animation à l'Union des écrivains québécois; elle représente l'édition; et à ma droite, Mme Louise Page, présidente du Conseil de la sculpture; elle représente les oeuvres...

Mme Page (Louise): Les autres associations en art visuel.

Mme Fortier: ...les arts visuels, pardon; et moi-même, Claudette Fortier, je suis directrice générale de la Société des auteurs recherchistes, documentalistes, écrivains et compositeurs; à la conférence, je représente le secteur de l'audiovisuel.

Nous avons voulu intervenir, parce que nous croyons qu'il est important de souligner que les créateurs apportent la matière première dans l'industrie culturelle et, au même titre que les fournisseurs de matériaux pour un immeuble, ils devraient avoir des recours prioritaires également.

Alors si vous le permettez, puisque notre document est très court, je vais le lire pour que nous puissions en prendre connaissance.

Que ce soit dans le domaine de l'édition, de la production cinématographique et télévisuelle, celle du disque, les créateurs sont plus souvent qu'autrement victimes de l'insolvabilité de leurs débiteurs. La plupart du temps ils doivent renoncer à leur cachet initial mais également à leurs redevances, c'est-à-dire leurs droits d'auteur ou royautés. Lorsque l'unique revenu correspond aux versements de redevances, le créateur doit assumer une perte totale.

Notre industrie culturelle est fragile et les faillites dans ce secteur d'activité sont monnaie courante. Les compagnies de disques, de films, poussent comme des champignons et disparaissent tout aussi rapidement. Le créateur, premier moteur de toute cette industrie est également la première victime des nombreuses faillites et disparitions de ces compagnies. Dans le domaine de l'architecture, par exemple, notre gouvernement privilégie la part des arts visuels; or, dans ce domaine aussi, les créateurs sont victimes de débiteurs en difficulté financière ou peu scrupuleux. Les redevances de tous ces créateurs étant assimilées à des salaires, lors d'une faillite, ils se situent en bout de liste des créanciers. Autrement dit, ils ne récoltent que les miettes.

Les solutions. Nous considérons que, les créateurs étant la pierre angulaire de toute notre industrie culturelle, la loi devrait leur assurer une protection adéquate de leur principale source de revenus, c'est-à-dire, leurs redevances. Un moyen vous est offert par le présent avant-projet de loi particulièrement, nous demandons de modifier l'article 2888 de façon à y inclure les cachets et redevances dus aux créateurs. Ces sommes devraient être récupérables sur tout bien mobilier ou immobilier du débiteur.

Nous recommandons cet ajout au chapitre de l'hypothèque légale pour les raisons suivantes: il est peu probable qu'un créateur puisse négocier individuellement une hypothèque conventionnelle puisque les rapports de forces en présence sont nettement débalancés; l'enrichissement apporté par les créateurs à notre patrimoine culturel justifie un traitement privilégié de l'État; notre industrie culturelle étant majoritairement subventionnée par l'État, ce dernier doit garantir le plus largement possible la juste part des créateurs.

Nous espérons que ce bref exposé aura su vous convaincre de la nécessité de tenir compte de nos créateurs dans les modifications législatives que vous proposez.

Nous sommes, bien sûr, à votre disposition pour répondre à tout complément d'information ou question qui pourrait être soulevée. Nous aimerions simplement vous faire remarquer que nous ne sommes pas des juristes et que nous ne sommes pas très familiers avec les textes de loi, mais sur le principe, nous sommes prêts à répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Marcil): Merci, Mme Fortier. Je vais maintenant laisser la parole au député de Marquette, adjoint parlementaire au ministre de la Justice.

M. Dauphin: Bonjour mesdames. J'aimerais, au nom du ministre de la Justice et de l'équipe ministérielle, souhaiter la bienvenue, à nos travaux, à la Conférence des associations de créateurs et créatrices du Québec.

J'aimerais, premièrement, vous demander si vous êtes au courant qu'il existe dans d'autres pays ou d'autres provinces de tels privilèges ou hypothèques légales en faveur des redevances, des droits d'auteur?

Mme Fortier: Malheureusement, je ne le sais pas. Les courts délais que nous avons eus ne nous ont pas permis de faire cette recherche.

M. Dauphin: C'est vrai que le délai a été court. Comment est-ce que vous voyez, j'essaie de m'imaginer comment, quel serait le fonctionnement pratique d'une hypothèque légale ou d'un privilège sur... exemple: quelqu'un qui fait un disque, comment se ferait la protection?

Mme Fortier: Le créancier devrait enregistrer son contrat avec le producteur de disques. Ma collègue, Jacqueline Lemay, pourrait peut-être répondre plus spécifiquement.

Mme Lemay (Jacqueline): J'imagine que la procédure serait, comme elle a commencé à le dire, au moment où l'auteur écrit son contrat avec le producteur de disques, de déposer ce contrat au bureau d'enregistrement. J'imagine qu'à ce moment-là, cela suit les procédures normales, de la même façon que pour d'autres créanciers privilégiés. Je crois qu'il faudrait que ce soit écrit dans le contrat et que celui-ci soit déposé au bureau d'enregistrement à partir du moment où on sait que c'est dans la loi.

M. Dauphin: N'êtes-vous pas d'avis qu'il serait raisonnable de ne grever que certains biens du débiteur et non pas tous ses biens? Je pense que vous parlez plutôt de tous les biens du débiteur.

Mme Lemay: En tout cas, pour rester dans le domaine du disque, je ne croîs pas que c'est exagéré de dire "tous les biens" parce que dans ce domaine l'auteur-composîteur est le plus vulnérable. De tous ceux qui peuvent être payés, c'est celui qui a le moins de recours, le moins de chances, celui qu'on oublie. Quand on se souvient qu'il existe, on s'en fiche, parce qu'on sait qu'il n'aura jamais les moyens de poursuivre. Je crois que s'il y avait cette menace-là, il y aurait peut-être un peu plus de respect. À mon avis ce n'est pas exagéré.

M. Dauphin: Vous nous disiez tantôt que c'est monnaie courante de voir des débiteurs faire faillite dans ce milieu-là.

Mme Lemay: Oui. Il y a aussi des fusions qui se font par en dessous, des disparitions, des dissolutions. Dans le domaine du disque, c'est une vraie jungle. S'il n'y avait qu'une compagnie de disques, à un moment donné, elle n'existe plus mais, comme par hasard, les bandes sont vendues à une autre compagnie. Il y a là de la piraterie. Vous ne voyez jamais ni vos états de compte ni... Vous savez que des disques sont vendus sous la couverture, par piraterie ou de toute autre façon et vous n'avez aucun moyen d'avoir ni des comptes, ni des informations, encore moins, vos redevances et, encore moins, un recours légal.

M. Dauphin: Oui, madame.

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Mme la ministre des Affaires culturelles vous prépare le statut de l'artiste. Est-ce que ces choses-là ne sont pas déjà demandées dans le statut de l'artiste?

Mme Fortier: C'est-à-dire que c'est bien ici qu'il faut le prévoir. Le dossier du statut de l'artiste est très large, il touchera les droits d'auteur, la fiscalité, la santé et

sécurité au travail pour certaines catégories de créateurs. Donc, là, il s'agit bien de garantir le paiement de redevances. Parce que, pour les personnes qui sont membres de la commission, qui sont peut-être un peu moins familiers avec le secteur de la création, il y a une loi sur les droits d'auteur qui dit que celui-ci détient son droit d'auteur tant qu'il ne l'a pas cédé par contrat. Que ce soit dans n'importe quel secteur, l'auteur signe un contrat qui peut être une cession ou une licence spécifique accordant à son producteur le droit de produire une oeuvre, que ce soit un disque, un livre, un film, une émission de télévision, à certaines conditions. Souvent les conditions ne sont pas respectées ou les redevances ne sont pas payées. Donc, il existe deux choses: le produit... Si c'est un livre, il existe un stock de livres. Qu'est-ce qu'il arrive avec ce produit-là? Il y a également les livres qui sont déjà vendus, qui n'existent plus et les redevances qui n'ont pas été payées.

Mme Bacon travaille effectivement sur un dossier qui est très général pour favoriser les créateurs, mais ici on parle bien de créances, de sommes dues. Considérant que le créateur apporte la matière première, qui est l'oeuvre, à l'industrie culturelle, nous considérons que cela pourrait être interprété comme équivalent aux matériaux, au bois de construction d'un immeuble ou à la brique dans un autre secteur.

Mme Bleau: Vous êtes certaines qu'il n'y aura rien dans le statut de l'artiste qui parlera justement de ces redevances?

Mme Fortier: II y aura certainement des choses qui parleront des redevances, mais j'aimerais dire que le statut de l'artiste est un dossier à moyen et à long terme, alors qu'ici, on a quelque chose qui est immédiat. Mme Louise Page voudrait ajouter quelques mots.

Le Président (M. Marcil): Oui, oui. Ne vous gênez pas. Allez.

Mme Page: Ce qu'il arrive souvent dans tous les cas, autant dans le disque, dans l'édition qu'en arts visuels, c'est que les artistes sont les derniers informés soit de la faillite, de la cession de biens ou des transferts d'actifs. Ce qu'il arrive à un moment donné, c'est que s'il y a faillite comme cela, on l'apprend un mois après, c'est disparu, c'est parti, tous les biens ont été saisis ou transférés sans qu'on en ait eu la moindre information.

Alors que si on était au même titre qu'un bailleur de fonds dans d'autres domaines, on serait informé en premier lieu, au même titre que ces gens, pour pouvoir récupérer autant les redevances que les oeuvres déjà déposées soit en consignation ou qui ont déjà été vendues et qui n'ont pas été payées. C'est qu'on n'a aucun recours. Ils disparaissent et on est informé puis la boîte est fermée, c'est rendu un autre commerce à ce moment.

C'est pour cela que dans la loi sur les sûretés réelles, comme l'enregistrement, quand les gens en question viennent pour récupérer les biens pour les bailleurs de fonds et les autres, qu'ils soient huissiers, les titres sont là, des gens qui ont les premières créances, les priorités sur les créances sont là. À ce moment, c'est l'intérêt pour nous d'être au moins informés. Évidemment, on sait que c'est l'État qui se sert en premier. Évidemment que nous, les créateurs, aimerions être les deuxièmes, compte tenu que nous vivons de l'État en majeure partie et qu'on est la matière première, comme disait Claudette tantôt. Ces industries n'existeraient pas sans notre apport. C'est évident qu'une galerie d'art n'existe pas si elle n'a pas d'oeuvres à exposer. Je vous remercie.

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, je vous remercie parce que je trouve cela particulièrement intéressant que vous soyez venues devant notre commission. J'ai eu l'occasion, sous d'autres cieux, très récemment, plus précisément sous les tropiques, de rencontrer Mme Dazé dans un voilier, par hasard. Elle m'avait informée qu'elle venait devant la commission accompagnée d'autres membres de la Conférence des associations de créateurs et créatrices présenter un mémoire. On avait un peu parlé des problèmes qui résultaient de l'absence actuellement d'un statut de l'artiste.

Je pense que chaque occasion que vous avez de nous rappeler la nécessité, et c'est ce que vous plaidez, d'un statut privilégié, peut-être êtes-vous en désaccord avec cette façon de voir les choses, vous dites tout simplement d'un statut normal... Je pense que vous ne plaidez pas pour un privilège, mais pour la normalité en faisant valoir votre situation particulière.

Je pense que c'est heureux que vous veniez devant nous parce que, au premier abord, ce qui est demandé par un groupe peut sembler assez facilement excessif, parce que l'État a facilement tendance à se défendre parfois contre les initiatives de ses citoyens mais très souvent, de toute façon, contre les demandes qui lui sont adressées et qui est au point de départ toujours une sorte de plaidoirie, de démonstration, qui est à faire. Je pense que cela peut être aussi d'une certaine façon souhaitable.

Je veux peut-être rappeler à mon collègue qui devait certainement assister, à l'invitation qui nous avait été adressée ici au

Grand Théâtre, où s'était faite une démonstration théâtrale, mais vraiment très éloquente, de la situation actuelle. Cela a eu lieu, je pense, au début de juin ou fin mai dernier. D'ailleurs, ma collègue de Groulx doit se le rappeler aussi. Je dois vous dire que cela avait bouleversé à peu près tout le monde dans ce Parlement qui s'y trouvait -j'ai l'impression qu'à peu près tout le monde y avait assisté - parce qu'il y avait eu une sorte de compréhension des choses qui ne vont pas de soi d'une certaine façon. Tout le monde est en demande dans notre société. Il faut bien le comprendre. Par rapport à ces demandes, on a évidemment toujours comme réflexe de résister. Passons aux choses juridiques.

Cela dit, vous nous dites: II faut modifier l'article 2888 de façon à y inclure les cachets et redevances dues au créateur. C'est une première chose. Je pense que, dans un deuxième temps, vous dites: II faut qu'on puisse, d'une façon, se payer sur l'ensemble des biens, indépendamment que ce soit immeuble ou meuble. C'est une autre chose. Ce n'est pas à 2888, cela. Parce que l'article 2888, ce sont finalement - oui - les droits et créances qui peuvent donner lieu à une hypothèque légale. Là vous avez une liste. Pour la majorité, sauf l'État, c'est: cette hypothèque légale peut s'exercer sur un immeuble. C'est pour cela qu'il y a enregistrement.

Une voix: Ou des biens particuliers.

Mme Harel: Ou des biens particuliers, mais ne s'exerce pas sur l'universalité des biens. Là il y a une liste. Vous dites: Nous, on veut faire partie de la liste. Vous dites: On a de bonnes raisons. Évidemment, je pense que la commission ici ne peut pas nécessairement évaluer, disons, les raisons parce qu'on peut personnellement dire, oui, les raisons sont bonnes. Mais cela va venir dans un ensemble de ce que la société et l'État conséquemment vont nécessairement avoir d'ici peu - Mme Bacon nous le prévoit pour l'automne - examiné sous le couvert de ce qu'on va appeler le statut de l'artiste. Cela va être une reconnaissance particulière de votre situation pour normaliser votre situation particulière.

Mais revenons à cet article 2888. Vous dites: On veut être de ceux qui sont là définis comme pouvant exercer leurs droits et leurs créances par le biais d'une hypothèque légale. À l'article 2888, on retrouve, au troisième paragraphe, la créance du vendeur non payée pour le prix du bien. Est-ce que vous avez examiné si vous ne pouviez pas être satisfaites, par exemple, dans le cas du sculpteur ou dans le cas... parce que tout cela se fait maintenant dans des clauses contractuelles. J'imagine que l'ensemble des personnes que vous représentez d'auteurs, compositeurs jusqu'aux peintres, maintenant, procèdent de façon contractuelle, lorsqu'ils vendent une de leurs créations, qu'elles soient matérielles ou intellectuelles, l'objectif louable que vous poursuivez ne pourrait-il pas satisfaire d'une certaine façon?

Mme Dazé: II y aurait peut-être une analyse légale à faire à savoir si on peut considérer l'auteur compositeur, le sculpteur comme un vendeur. Je ne sais pas s'il existe des cas de jurisprudence dans ce sens. Peut-être en ajoutant un petit mot, une virgule, je ne suis pas avocate, je ne suis pas légaliste, s'il y a un moyen d'interprétation de la loi, peut-être, mais là il faudrait faire une analyse. Je sais que dans toutes les lois, on essaie de limiter les exceptions pour finir par se comprendre quand on a un jugement à donner, inutile à faire. Mais, finalement, ce sont les gens qui travaillent à cet avant-projet de loi qui vont l'étudier à savoir si on peut l'interpréter comme ça, si on peut l'ajouter sans ajouter une clause de huit lignes non plus.

J'aimerais mentionner aussi que si on revient toujours au statut de l'artiste, le statut de l'artiste va peut-être prévoir certains points, X, Y, Z, mais il faudrait que les créateurs puissent s'intégrer ou puissent être là de façon évidente, au niveau des autres lois. Comme dans la loi sur la faillite, il y est prévu aux articles 60.1, 60.2, 60.3 où on parle du cas d'une faillite d'édition qui est très précis. Il y aurait peut-être de petites corrections, mais c'est une autre histoire. Si chaque loi, si au Code civil, quand on parle d'hypothèque légale, on peut reconnaître le créateur, soit par l'ajout d'une courte phrase ou l'ajout d'une virgule ou d'une conjonction, finalement, ce sont les gens qui travaillent à cet avant-projet de loi qui vont pouvoir l'étudier. (16 h 45)

L'important, c'est de savoir si on peut vraiment les considérer. Est-ce qu'à partir du moment où on intente un recours légal, on peut gagner une cause?

Mme Fortier: Si je peux ajouter un mot, Mme Harel, peut-être qu'à l'article 2807, qui traite des créances prioritaires, on pourrait, à cet endroit-là également, faire mention du droit du créateur sur la propriété intellectuelle. Parce que la difficulté, le défaut, c'est qu'on ne parle pas d'un bien matériel, on parle de propriété intellectuelle, donc quelque chose de non palpable. Tout à l'heure, on a soulevé la difficulté de ne pas être informé de dissolution de compagnie, de changement de nom, de transfert d'actions ou d'actifs; cela est une difficulté réelle. Donc, l'hypothèque légale nous plaçait dans une situation où le créateur pouvait être informé qu'il existait un droit quelque part.

Mme Harel: On est dans une sorte d'économie générale d'un avant-projet de loi qui s'est plutôt dirigé vers l'abolition ou presque des privilèges en matière de sûretés. Alors, quand vous nous parlez de l'article 2807, dam un sens, c'est comme si c'était à contre-courant de ce qui est, finalement, l'esprit général de l'avant-projet de loi qui est déposé.

Mais, je pense que votre intervention est extrêmement utile pour la raison suivante. C'est qu'on pourrait très bien demander au gouvernement - je pense qu'on pourrait l'obtenir aussi, compte tenu de la collaboration qui existe pour les travaux que nous menons - dans le cadre de la préparation des mesures qui sont en train de prendre forme en ce qui concerne le statut de l'artiste, qu'il examine ces questions relatives au vendeur non payé pour le prix du bien, pour la bonne raison que ce qui compte - vous allez être d'accord avec moi - c'est que l'objectif que vous poursuivez soit satisfait. On souhaite toujours, quand on est en demande, d'une certaine façon, je dirais quasiment avoir la ceinture avec les bretelles, c'est-à-dire... Je dirais que, dans le cas des gens que vous représentez et que vous êtes pour plusieurs d'entre vous... Je comprends qu'étant donné la situation passée, vous voulez avoir plus de garanties que moins. Alors, vous vous dites: II nous faudrait quasiment être nommément désignés pour être sûr qu'on n'est pas oubliés.

Par ailleurs, on s'entend que c'est le résultat qui va compter, d'une certaine façon, et que si le point de vue était que vous pouvez être satisfait par l'application de ce que l'on retrouve tel que rédigé, à ce moment-là, j'imagine, que vous acquiesceriez à ce qui est là.

Mme Fortier: Effectivement, vous l'avez bien souligné. Le but, l'intention, c'est de faire protéger les créances des créateurs. Nous croyons qu'à l'intérieur de cet avant-projet de loi, c'était tout à fait pertinent de le prévoir, contrairement à ce que... On veut que les créateurs soient traités au même titre que les autres citoyens; ils ont des droits. Louise a dit, tout à l'heure, qu'on vivait de l'État; je ne veux pas contredire Louise, mais je pense que c'est une volonté de l'État aussi de maintenir une production culturelle qui est spécifiquement québécoise; c'est bien, c'est formidable. Sauf que cette volonté de l'État débalance les forces des parties. Par exemple, le créateur vis-à-vis de son producteur, ce dernier a l'argent et non pas le créateur. Donc, il y a un rapport de force qui est très inégal, donc il est très difficile pour le créateur de négocier des garanties à l'intérieur du contrat puisqu'on lui dit: Tu es chanceux, au moins tu as un contrat. Tu vas avoir un film, ta vue va être faite, compte-toi bien chanceux, mais cela devrait être plus que cela. On devrait avoir la possibilité de négocier des conditions si elles ne sont pas dans le contrat et si elles ne sont pas respectées, que le créateur puisse récupérer des droits sur son oeuvre. Mais je suis d'accord avec vous, l'important, c'est que partout, dans tous les textes de loi,on puisse le plus possible les garantir contre les injustices qui sont faites. Les créateurs ne sont pas riches, n'ont pas beaucoup d'argent; des études démontrent la moyenne de leurs gains dans une année est de 7000 $. Donc, ils n'ont pas les moyens d'intenter des recours, ils n'ont pas les moyens de payer les frais juridiques. Souvent, par exemple, si un sculpteur ou un peintre voit ses oeuvres saisies dans une faillite de galerie, dont le "galiériste" n'est pas propriétaire, il n'aura pas l'argent nécessaire pour faire valoir ses droits et dire: Un instant! Ce sont mes oeuvres!

Mme Harel: Oui, je souhaiterais peut-être...

Le Président (M. Marcil): Oui, M. le député de Marquette.

Mme Harel: Habituellement, on procède par alternance. J'aimerais entendre l'adjoint parlementaire, le député de Marquette sur cette question. Je reviendrai après. Je vais lui laisser l'occasion de se faire entendre.

M. Dauphin: Elle demande cela parce qu'elle me connaît bien, je pense. Effectivement, considérant le fait que la ministre des Affaires culturelles est en train d'étudier tout le statut de l'artiste, je conçois très bien que l'on puisse communiquer avec elle. Comme Mme la députée de Maisonneuve disait tantôt, l'important, c'est le résultat que vous cherchez et non pas un quelconque article. Mais effectivement, je m'engage au moins à signaler à Mme Bacon, ministre des Affaires culturelles, la fragilité finalement de votre situation. Vous n'êtes quand même pas dans la situation d'un vendeur d'automobiles, c'est différent. On sait pertinemment que ce milieu, au risque de me répéter, est fragile en termes budgétaires et financiers. Il est important évidemment pour l'artiste, dans l'étude de son statut, qu'il soit payé pour son travail et pour ses créations. Je vais en parler à Mme Bacon, ministre des Affaires culturelles et on verra après ce qui pourra résulter comme communications ou négociations avec le ministère de la Justice.

Mme Fortier: J'aimerais, si vous me permettez, parce que je ne voudrais pas qu'il y ait de malentendus... Un statut de l'artiste ne réglera pas tous les problèmes. Je crois plutôt que ce que la ministre des Affaires culturelles va faire, ce sera de faire des recommandations à d'autres ministères où il

y a des lois pour qu'on inclut une protection, un recours ou des... Mais le statut de l'artiste lui-même ne va pas tout régler. Ce n'est pas une petite boîte où on règle tout, il y a des ramifications à l'intérieur d'autres règlements, lois, ministères. C'est pour cela que je ne voudrais pas qu'on évacue notre demande en disant que le ministère des Communications se penche actuellement sur le statut de l'artiste.

M. Dauphin: ...

Mme Fortier: D'accord.

Le Président (M. Marcil): Disons que ce qu'on va faire dans le fond, c'est qu'on va renvoyer tout le dossier que vous avez déposé aujourd'hui, de même que les galées, tout ce qui s'est dit, à la ministre des Affaires culutrelles, Mme Bacon, pour qu'elle en prenne connaissance et intervienne peut-être auprès du ministre de la Justice pour que vos demandes soient analysées et, si possible, les intégrer ou qu'on puisse y répondre positivement. C'est un peu dans ce sens-là que le député de Marquette a parlé. Cela va?

Mme Lemay: Mme Harel, vous parliez tout à l'heure de l'article 2888, numéro 3: "La créance de vendeur non payé pour le prix du bien". La seule chose qui m'inquiète, c'est: est-ce que le législateur peut interpréter le bien comme pouvant être un bien non tangible, une propriété intellectuelle? Un bien, il me semble - c'est notre difficulté en général - il n'en n'existe pas.

Mme Harel: Vous avez raison, cela peut être un tableau...

Mme Lemay: Oui.

Mme Harel: ...cela peut être une sculpture, mais cela ne peut pas être la propriété intellectuelle.

Mme Lemay: Je voudrais préciser une chose, si mes camarades sont d'accord, c'est qu'il est sûr que ce qu'on veut en fin de compte c'est d'avoir des recours et d'être payé et tout. Une chose que je voulais dire tout à l'heure, ce sont les implications que cela peut avoir sur une carrière quand... Un disque, vous ne pouvez pas le suivre pendant sept ans; ce ne sont pas seulement les redevances, c'est tout ce que cela implique au niveau de la carrière. J'ai un cas patent avec Jacques Michel, Gilles Valiquette, si j'avais le temps... Je pense que vous avez compris l'essentiel de tout cela, mais je veux dire que c'est aussi important que ce soit inscrit dans l'article, que les créateurs soient concrètement nommés quelque part quand il est question de telle loi. C'est là qu'on a quelque chose à gagner pour qu'on puisse enfin exister. Je sais qu'on existe, mais je veux dire pour que les producteurs le sachent.

Mme Fortier: C'est cela. Pour qu'on ait justement non pas un statut particulier, mais qu'on s'insère bien dans les normes et dans les critères d'autres citoyens qui vivent de biens physiques et non pas de propriété intellectuelle.

Le Président (M. Marcil): Vous avez entièrement raison.

Mme Lemay: C'est une chose qui est réelle. Ce qu'on apporte dans une production, ce n'est pas une figure de style. C'est vrai qu'on apporte la matière qui constitue le produit. Par exemple, dans le domaine du disque, si vous n'avez pas de musique et si vous n'avez pas de chanson, il n'y a pas de disque. Ce n'est même pas une interprétation; c'est vraiment la réalité.

Mme Fortier: M. le Président, mesdames, messieurs, on vous remercie beaucoup de nous avoir reçues. On espère que cela aura pu vous aider un peu à comprendre la situation et l'état où se trouvent les créateurs. Jacqueline a raison, les oeuvres des créateurs sont la matière première. Il n'y a pas de film s'il n'y a pas de scénario. Il n'y a pas de disque s'il n'y a pas de parole ni de musique. Il n'y a pas de livre s'il n'y a pas d'écrivain et si l'écrivain n'écrit pas. Il n'y a pas de galerie s'il n'y a pas d'oeuvres dans les galeries, il n'y a pas d'expositions, il n'y a rien.

Le Président (M. Marcil): Oui, allez, Mme la députée.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je souhaite que, non seulement nous transmettions à Mme la ministre de la culture votre recommandation et l'échange de vues que nous avons eu à cette commission, mais que nous obtenions un avis du ministère de la culture sur cette question. En tout cas, moi, je m'engage à ne pas aquiescer à l'adoption tant que nous n'aurons pas vu l'ensemble de cette question qui vous concerne.

Une voix: Merci beaucoup.

M. Dauphin: À mon tour, j'aimerais vous remercier d'avoir participé à nos travaux. Je puis vous assurer que vos recommandations seront étudiées avec beaucoup d'intérêt et d'attention.

Mme Fortier: Merci beaucoup.

Le Président (M. Marcil): Merci et bon voyage de retour.

Avant de suspendre nos travaux, j'aimerais vous informer que, compte tenu du fait que sont présents les représentants de l'Association de détaillants de matériaux de construction du Québec que nous devions entendre à 19 h 30, nous allons reprendre nos travaux à 19 heures. Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 19 heures. Donc, les gens sont informés. Si vous voulez, cela nous donne deux... Cela va? Il manque encore deux représentants.

Donc, je suspends nos travaux jusqu'à 19 heures.

(Suspension de la séance à 16 h 58)

(Reprise à 19 h 7)

Le Président (M. Marcil): Donc, nous reprenons nos travaux. Nous allons entendre l'Association des détaillants de matériaux de construction du Québec. Messieurs, on vous souhaite la bienvenue à cette sous-commission. Nous sommes heureux de pouvoir vous entendre. Afin, disons, d'harmoniser nos travaux, vous avez une vingtaine de minutes pour exposer votre mémoire. Vous savez que tout le monde ici a lu votre mémoire déjà. Donc, ensuite, on procédera à une période de questions. M. Armand Houle. Pas ici. Alors je me suis trompé, excusez-moi. C'est M. Maurice Breton. C'est vous. Je vais vous laisser le soin de présenter vos collègues et ensuite de faire la présentation de vos recommandations.

Association des détaillants de matériaux de construction du Québec

M. Breton (Maurice): Merci, M. le Président. Je vous remercie de nous accorder ce moment que nous attendions depuis longtemps. A ma droite, je vais présenter M. Réal Latulippe, notre président au comité d'étude aux privilèges; ici à côté de moi, Me Jean-Claude Cormier, notre procureur, et à ma gauche ici, M. Maurice Rhéaume, notre directeur général.

J'aimerais vous décrire ce qu'on fait, nous, à l'Association des détaillants de matériaux de construction du Québec. Notre Association des détaillants de matériaux de construction du Québec est un organisme à but non lucratif qui regroupe sur une base volontaire les détaillants de matériaux de construction du Québec.

Le chiffre d'affaires global de l'industrie, des commerces de détail, s'élève à plus de l 600 000 000 $ en matériaux seulement. L'association a été fondée en 1940. Il existe au Québec 675 détaillants de matériaux de construction et l'association en regroupe 325 sur les 675 ainsi que la plupart des groupements d'achats, tels le groupe RONA, le groupe BMR, DISMAT, les Marchands unis inc., Pal, UNIMAT, Sodisco et Home Care.

Comme services à ses membres elle offre entre autres un document intitulé "Opération ratios" qui donne des analyses comparatives du marché. L'ADMACQ administre également le Salon de la quincaillerie et de la rénovation de Montréal qui s'adresse uniquement aux marchands oeuvrant dans ce secteur d'activité. Elle publie également une revue qu'elle distribue à tous les détaillants de matériaux de construction au Québec; la revue officielle de l'association Le quart de rond.

Je vous remercie. J'aimerais vous présenter Me Jean-Claude Cormier qui va vous présenter notre document que nous avons préparé et que vous avez tous en main. M. Réal Latulippe, excusez-moi.

M. Latulippe (Réal): Disons que j'ai quelques notes ici. En tant que marchand, j'aimerais tout simplement souligner à la commission l'importance des ventes à crédit dans notre secteur d'activité, les ventes qui sont consenties aux entrepreneurs en construction. Pour ce faire, permettez-moi de vous citer l'enquête Opération ratios que l'Association des marchands de matériaux de construction a produite en 1983. Je ne crois pas que les membres soient en possession de cette enquête. J'en ai quelques exemplaires ici. Je pourrai vous les remettre tantôt peut-être.

Cette enquête, la troisième à être publiée par l'Association des marchands de matériaux de construction du Québec, a été rendue possible grâce à la collaboration des principaux groupements d'achats du ministère de l'Industrie et du Commerce du Québec et des marchands participants.

Vendre à crédit - parce qu'on vend quand même beaucoup à crédit dans le domaine de matériaux de construction - dans le domaine de la construction comporte des risques. Par conséquent, il s'ensuit inévitablement des pertes lesquelles peuvent être considérables. Ici, je m'en réfère à l'étude Opération ratios. À la page 13, à la ligne 101, il est mentionné que les mauvaises créances représentent, dans le cas de magasins faisant un chiffre d'affaires entre 4 000 000 $ et 8 000 000 $, un pourcentage de six dixièmes de 1 % du chiffre d'affaires ou de 25 % des profits avant impôt. Dans le cas de magasins faisant un chiffre d'affaires de 8 000 000 $ et plus, les pertes sont encore plus élevées, soit 1,2 % du chiffre d'affaires ou de 59 % des profits avant impôt.

Les mauvaises créances représentent, dans notre domaine...

Mme Harel: Je m'excuse de vous

interrompre, mais je crois que vous faites référence à une étude qui pourrait nous être distribuée immédiatement, peut-être, Mme la secrétaire, peut-on demander... Ne vous déplacez pas. On va...

Le Président (M. Marcil): Nous allons procéder immédiatement.

Mme Harel: Alors, comme ça, on pourra plus facilement.

M. Latulippe (Réal): Je ne crois pas avoir suffisamment d'exemplaires pour tous les membres de la commission; j'en ai cinq ici.

Le Président (M. Marcil): On pourrait toujours en donner aux députés au départ et nous allons en faire quelques photocopies.

M. Latulippe (Réal); Je me réfère surtout à une page. On pourrait peut-être faire une photocopie de cette page-là. Je me réfère à la page 13, à la ligne 101.

Les mauvaises créances représentent, dan3 notre domaine, la quatrième dépense en importance, soit immédiatement après les salaires, 12,5 %; les frais de banque, 3,9 %; l'entretien et l'essence, 1,6 % et les mauvaises créances, 1,2 %. C'est à la page 13, ligne 101.

Mme Harel: ...à la ligne 129.

M. Latulippe (Réal): La ligne 129, oui. C'est bien ça. Si vous prenez la colonne du magasin de 4 000 000 $ à 8 000 000 $, vous avez 29 000 $ pour un pourcentage de six dixièmes; pour ceux de 8 000 000 $ et plus, 120 000 $, soit 1,2 % du chiffre d'affaires ou, si vous prenez les profits en bas de la ligne avant impôt, 202 615 $, ce qui fait 59 %, puis 25 % dans le cas des magasins de 4 000 000 $ à 8 000 000 $.

C'est donc, en fait, une dépense très importante. En fait, c'est la quatrième dépense en importance dans notre domaine, soit immédiatement après les salaires, 12,5 %, des frais de banques, 3,9 %, l'entretien et l'essence, 1,6 % et les mauvaises créances, 1,2 %. Les mauvaises créances coûtent plus cher aux détaillants de matériaux que l'électricité, plus cher que les assurances, plus cher que la publicité et l'amortissement.

Pour réduire cette dépense, les détaillants de matériaux utilisent, en dernier recours, le privilège de fournisseurs de matériaux. Je dois, cependant, préciser qu'en tant que marchand, la plupart des règlements s'échelonnent entre 50 % ou 75 % de la créance, sans compter qu'un nombre assez important est tout simplement rayé en raison de la clause de dation en paiement ou d'une cession de priorité qui a été signée.

Vu les sommes considérables en jeu, vu les risques élevés de notre secteur d'activité, le founisseur de matériaux doit pouvoir bénéficier d'une protection adéquate. C'est ma conclusion. Je vous transfère à Me Cormier.

M. Cormier (Jean-Claude): M. le Président, membres de la sous-commission, vous avez sans doute devant" vous quatre documents, c'est-à-dire le mémoire original, qui avait été produit en 1983, le mémoire amendé, et à la toute fin du mémoire amendé, vous allez trouver une liste de citations. Ce sont effectivement les citations qui sont dans le mémoire original. On avait oublié d'annexer la liste au mémoire original. Finalement, j'ai reproduit un article de Me Solomon, qui fait partie du mémoire amendé. C'était la transcription d'une conférence que Me Solomon avait prononcée lors du congrès du Barreau, en 1977, sur le projet de l'office de révision, à l'époque.

J'ai l'intention de vous entretenir brièvement sur quatre points. Premièrement, de la spécificité du domaine de la construction. Deuxièmement, du rang et de l'opposabilité de l'hypothèque légale du fournisseur de matériaux. Troisièmement, des cessions de priorités et renonciations. Finalement, quatrièmement, du sous-ordre de priorités de collocation.

Au chapitre de la spécificité du domaine de la construction, l'Office de révision du Code civil recommandait l'abolition de tous les privilèges, tant ceux du Code civil que ceux créés par les lois spéciales. Dans les commentaires, reconnaissant d'une certaine façon la spécificité du domaine de la construction ou pris de remords, l'office suggérait une solution de rechange sans, toutefois, la recommander. C'est ce qu'on retrouve dans le rapport de l'Office de révision du Code civil du Québec, à la page 365. Ce sont les articles 461a à 461g.

L'hypothèque légale, que l'on retrouve dans l'avant-projet de loi, aux articles 2888, 2°, 2890 et 2891, est une version modifiée, au fond, de cette solution de compromis que prévoyait l'Office de révision du Code civil aux articles 461a à 461g. Nous sommes fort heureux que l'avant-projet de loi reconnaisse la spécificité du domaine de la construction et lui accorde un statut particulier, que l'on a appelé "hypothèque légale" et que l'on retrouve pour les fournisseurs de matériaux et pour tous les autres qui participent è la construction ou à la rénovation d'immeubles, aux articles 2888, paragraphe 2.

Pourquoi les personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d'un immeuble doivent-elles être protégées d'une façon spéciale par le législateur? Les réponses à ce sujet se trouvent à la page 2 du mémoire original, colonne de droite, sous

le sous-titre "Scénarios habituels". On établit clairement que tant le fournisseur de matériaux, le sous-traitant, que l'entrepreneur ne disposent jamais ou à peu près jamais des sommes pour construire l'immeuble qu'ils veulent construire. Évidemment, ils ont une promesse de prêt, un acte d'hypothèque qu'un créancier hypothécaire, sur vue des plans et devis ou d'autres documents, a promis de prêter. Mais ces montants d'argent ne seront touchés que progressivement, par tranches, selon l'évolution de la construction. Mais en attendant, qu'est-ce qu'on fait? En attendant, ce sont les sous-traitants, l'entrepreneur et les fournisseurs de matériaux qui, en plus de rendre des services ou de fournir des matériaux, se trouvent à faire du financement temporaire ou à court terme.

Toujours sous le même titre, pourquoi doit-on les protéger d'une façon spéciale? À la page 3 du mémoire original, colonne de droite, les deux premiers paragraphes.

Le fournisseur en matériaux serait bien consentant d'utiliser la méthode "cash and carry", mais c'est impossible dans le domaine de la construction. Ce sont ceux qui seront appelés dans l'avenir à continuer de remplir ce rôle, en plus d'être fournisseurs de matériaux, de faire du financement temporaire. C'est pourquoi on doit leur accorder ainsi qu'aux autres qui participent à la rénovation ou à la construction d'immeubles un régime spécial.

Sous le même titre, la spécificité du domaine de la construction, je vous reporte à l'article qui a été écrit dans la revue du Barreau et qui est reproduit intégralement à la fin du mémoire amendé de Me Solomon qui explique grosso modo les mêmes phénomènes.

Alors, je passe au deuxième point que je veux discuter avec la sous-commission, c'est le point le plus important: du rang et de l'opposabilité de l'hypothèque légale du fournisseur de matériaux. Si on lit l'article 2890, 1er paragraphe, il est bien clair que cette hypothèque a son point de départ ou sa naissance lors de la livraison des premiers matériaux. Cela reproduit exactement l'état de la jurisprudence actuelle qui fait naître le privilège du fournisseur de matériaux de construction au moment de la première livraison. Je ne rentre pas dans les détails, des fois on pourrait même aller jusqu'au premier bon de commande, mais tenons pour acquis que c'est la première livraison de matériel.

Cependant, l'avant-projet de loi ne règle pas de façon explicite la question de l'opposabilité de cette hypothèque légale au tiers acquéreur et au bailleur de fonds. Nous maintenons qu'il faut régler cette question sans aucune équivoque dans le Code civil. Cependant, il faut pour le moment interpréter l'avant-projet de loi pour savoir ce que cela pourrait donner en pratique. La situation actuelle établie par la jurisprudence est claire: le privilège du fournisseur de matériaux de construction naît au moment de la première livraison de matériaux et il est opposable au tiers acquéreur et au créancier hypothécaire, pour autant que la date de la première livraison des matériaux est antérieure à la date d'enregistrement du type de créancier hypothécaire ou de l'acte de vente du tiers acquéreur.

En fait, l'enregistrement de l'avis de privilège du fournisseur de matériaux ne fait pas naître le privilège et ce n'est pas ce qui le rend opposable au tiers, soit au bailleur de fonds ou au tiers acquéreur. L'enregistrement de l'avis de privilège actuellement ne fait que conserver le privilège. Au point de vue pratique, qu'est-ce que cela donne? Cela donne que si vous êtes un fournisseur de béton, c'est-à-dire que si vous intervenez au début de la construction de l'immeuble, la plupart du temps vous allez passer avant le bailleur de fonds et avant le tiers acquéreur. Par contre, évidemment, si vous êtes un fournisseur de céramique, un fournisseur de rampes d'escaliers puis, encore pire, un fournisseur de tapis, il y a de grosses chances que vous passiez à peu près tout le temps après le bailleur de fonds et après le tiers acquéreur. C'est la situation actuelle.

Dans la solution de compromis que l'office de révision du Code civil, sans la recommander, mettait sur la table, cette histoire était réglée de façon très claire par l'article 461a où on disait - on retrouve cela dans le rapport sur le Code civil de l'Office de révision du Code civil - à la page 366, au haut de la page: "Cependant, l'hypothèque des personnes mentionnées au deuxième alinéa de l'article 314 prend rang avant toute hypothèque, pourvu que les conditions prévues aux articles 461b et 461g soient remplies." Cela, c'étaient des questions d'avis. Mais c'était établi clairement à 461a que l'hypothèque légale du fournisseur de matériaux et des autres qui participent à la construction d'un immeuble passait avant celle du bailleur de fonds et avant le tiers acquéreur.

Quelle sera la situation de ces mêmes détenteurs d'hypothèque légale avec l'avant-projet que nous avons devant nous? L'hypothèque légale du fournisseur de matériaux, entre autres, comme les autres, d'ailleurs, sera au moment de la première livraison de matériaux, mais elle ne deviendra opposable au tiers acquéreur et au bailleur de fonds qu'à compter de la date de son enregistrement. Dans le mémoire amendé, je cite la plupart des articles sur lesquels je me base pour donner cette interprétation. Dans ma tête, après avoir lu attentivement le projet de loi, il ne fait aucun doute que maintenant, ce qui rend opposable le privilège ou l'hypothèque légale

du fournisseur de matériaux, c'est la date de son enregistrement au lieu d'être ta date de la première livraison.

Au point de vue pratique, qu'est-ce que cela voudra dire? Cela voudra dire que le fournisseur de matériaux, qu'il soit un fournisseur de béton ou un fournisseur de tapis, passera toujours après le bailleur de fonds et aussi après le tiers acquéreur. Quand est-ce qu'on enregistre un priviège au fournisseur de matériaux? C'est quand cela fait déjà un certain temps qu'on a livré des matériaux, que la créance ou les paiements se font attendre et qu'il s'est écoulé un certain temps, de telle sorte que c'est à peu près certain que, toujours, le titre du créancier hypothécaire sera enregistré et le titre du tiers acquéreur probablement aussi. D'où la première recommandation que l'on retrouve dans le mémoire amendé.

Le Président (M. Marcil): La deuxième?

M. Cormier: C'est la première, je m'excuse, c'est à la page 6...

Le Président (M. Marcil): Non, je vous disais que vous avez environ encore deux minutes»

M. Cormier: Deux minutes? Nous suggérons évidemment que le législateur fasse en sorte que le privilège du fournisseur de matériaux passe avant celui du bailleur de fonds et avant celui du tiers acquéreur. Pourquoi? Il y a de multiples raisons. Pourquoi, d'abord, avant celui du bailleur de fonds? Premièrement, parce que le bailleur de fonds fait du prêt hypothécaire à peu près à 75 % de la valeur; deuxièmement, parce qu'il ne débouche que progressivement et après que sa garantie ait pris forme; troisièmement, c'est encore lui qui décide quand il fera des déboursés. S'il n'est pas satisfait, que fait-il? Il cesse de faire des déboursés ou il rappelle son prêt. Lui, est vraiment en mesure de surveiller sa créance. Il n'y a rien qui l'empêche de demander au constructeur de lui fournir une liste assermentée du nom, de l'adresse de tous ses fournisseurs de matériaux et ses sous-traitants. (19 h 30)

Je pense que le bailleur de fonds ne peut pas simplement se croiser les bras, s'asseoir chez lui et attendre que la garantie soit complète, bien en place et passer avant tous ceux qui sont allés sur la ligne de front, entre autres, les fournisseurs de matériaux et les sous-traitants.

Pourquoi devrait-il passer avant le tiers-acquéreur? D'abord, un certificat garanti pour maisons neuves existe; il protège les tiers acquéreurs. On me dit que cette forme de garantie serait étendue prochainement aux rénovations. Deuxième- ment, le tiers acquéreur est aussi en mesure de vérifier qui sont les fournisseurs et qui sont les sous-traitants. S'il n'est pas satisfait de la construction, il a la possîblité de retenir les versements.

Finalement, je vais vous entretenir durant une minute d'un point qui m'apparaît essentiel. Les créanciers hypothécaires ont développé des nouvelles techniques, ce qu'on appelle la cession de priorités de rang et les renonciations à privilège. Si la recommandation première que nous faisons est acceptée et si on veut qu'elle soit efficace, il faut que ces cessions de priorités et ces renonciations à privilège deviennent illégales. Je vous reporte, entre autres, à la solution de compromis de l'office de révision qui, à l'article 461, sous-paragraphe g, réglait de façon définitive ce problème. On disait: La stipulation par laquelle le titulaire d'une hypothèque renonce à la préférence de rang prévue par l'article 461a, ainsi que celle visant à empêcher la création d'une telle hypothèque, de même que toute clause pénale les assortissant, sont sans effet. C'est notre deuxième recommandation.

Finalement, pour ce qui est du créancier hypothécaire, j'ai peut-être oublié un point assez important. En vertu de son acte d'hypothèque, il jouit toujours de la clause de dation en paiement qui, souvent, vient effacer les privilèges tant des fournisseurs de matériaux que des autres qui ont participé à la construction de l'immeuble. Je vous remercie.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Nous allons procéder à la période des questions. Je vais reconnaître M. le député de Marquette, adjoint parlementaire au ministre de la Justice.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Au nom du ministre de la Justice et de l'équipe ministérielle, j'aimerais souhaiter la bienvenue à l'Association des détaillants de matériaux de construction du Québec. Étant donné le sujet d'une extrême importance, je vais demander au directeur de la section du droit civil au ministère de la Justice de commencer la période d'échanges avec vous relativement à votre point qui est bien spécifique, soit le privilège en matière de construction. Me Cossette, si vous voulez bien commencer l'échange.

M. Cossette: M. le Président, je voudrais adresser une première question à celui qui nous a présenté le mémoire. Vous savez que le projet de loi qui est devant vous préconise que, pour l'avenir, la rétroactivité de la dation en paiement ne soit plus possible. Tenant compte du fait que, selon le projet de loi toujours, il n'est plus possible de prendre rétroactivement un immeuble et de faire disparaître ainsi tout

ce qui est après l'enregistrement de l'hypothèque, est-ce que vous auriez le même raisonnement?

M. Cormier: À quel article référez-vous?

M. Cossette: En particulier au chapitre de la prise en paiement, 2958 et suivants.

M. Cormier: Même si je ne suis pas plus familier qu'il faut avec ce sous-titre, je pense que oui, pour la raison suivante. En vertu de l'article 2963, il le prend dans l'état où il se trouvait alors, libre des hypothèques publiées après la sienne. Il est bien clair que l'enregistrement de l'acte d'hypothèque surviendra toujours, avec ce projet de loi, après la publication de l'acte d'hypothèque. Si on prend les choses telles qu'elles sont actuellement, l'enregistrement de l'avis de privilèqe intervient toujours ou presque toujours après la date d'enregistrement de la créance hypothécaire. Pourquoi passe-t-on avant? Parce que la jurisprudence a déterminé qu'elle fait rétroagir, à la date de la naissance du privilège, les droits du fournisseur de matériaux de construction.

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. te Président. Présentement, que ce soit avant ou après la date d'enregistrement de la créance hypothécaire qui est l'enregistrement du privilège, cela n'a pas tellement d'importance puisque c'est un privilège qui est prioritaire. Qu'il soit avant ou après, il est prioritaire. Ce qui vous fait problème actuellement c'est la dation en paiement et non pas l'enregistrement de la créance hypothécaire.

M. Cormier: Non. Est-ce que vous parlez de la situation actuellement, en vertu du Code civil actuel, madame?

Mme Harel: En vertu du Code civil actuel. Je pense que la question de Me Cossette est relative à la dation en paiement.

M. Cormier: Oui.

Mme Harel: Mais la dation en paiement...

M. Cormier: La dation en paiement fait rétroagir et lave le titre jusqu'à la date de l'enreqistrement de l'acte d'hypothèque.

Mme Harel: Oui. Ce n'est donc pas l'enreqistrement de la créance hypothécaire, même avant votre privilège, qui a cet effet-là, c'est la dation en paiement. Présentement, ce que l'avant-projet de loi fait, c'est d'abolir votre privilège.

M. Cormier: C'est-à-dire qu'il abolit le privilège et crée l'hypothèque légale. Qu'on l'appelle privilège ou hypothèque légale, cela n'a aucune...

Mme Harel: Oui, mais l'hypothèque légale, la créant pour tous, y compris pour le créancier hypothécaire... C'est-à-dire qu'il l'enregistre et, vous le dites vous-même, son enregistrement va nécessairement ou presque être avant l'enregistrement du fournisseur de matériaux.

M. Cormier: Ce qui compte actuellement, ce n'est pas la date de l'enregistrement du privilège, c'est la date de la première livraison. La cause de Armor Ascenseur de la Cour suprême a établi cela de façon très claire. Actuellement, quand on enregistre un privilège, on ne fait que conserver un droit. C'est une formalité pour conserver un droit.

Mme Harel: Permettez-moi de vous demander, justement en fonction du fait que c'est au moment de la livraison des matériaux... Que les matériaux soient livrés avant ou après qu'un créancier hypothécaire ait enregistré, cela n'a pas d'importance.

M. Cormier: Mais oui, cela a de l'importance.

Mme Harel: Présentement? M. Cormier: Mais oui.

Mme Harel: Parce qu'il y a une clause de dation en paiement.

M. Cormier: Non.

Mme Harel: Mais s'il n'y avait pas de clause de dation en paiement? Ce n'est pas l'enregistrement de la créance qui vous fait problème, c'est la clause de dation en paiement.

M. Cormier: La clause de dation en paiement ne nous fait pas plus de problème...

Mme Harel: Elle lave tout.

M. Cormier: On ne s'entend pas sur les choses. Actuellement, ce qui compte, c'est la date de la première livraison. Si on prend un exemple pratique: A est un fournisseur de matériaux. Il fait sa première livraison aujourd'hui, le 18 août 1987; B est le constructeur; C est le créancier hypothécaire. À un moment donné, il enregistre son acte d'hypothèque, disons le 18 septembre, et A enregistre son privilège parce que cela va mal, beaucoup plus tard,

le 18 octobre 1987.

Actuellement, la situation de la jurisprudence, même si on a enregistré après la date de l'enregistrement de l'hypothèque, elle fait rétroagir les droits du fournisseur de matériaux à la date de sa première livraison de matériaux, c'est-à-dire le 18 août et, même s'il y a une clause de dation en paiement, il passe avant le créancier hypothécaire.

La grosse différence avec l'avant-projet. L'avant-projet de loi fait naître le privilège ou l'hypothèque légale à la même date mais, pour l'opposer à un tiers acquéreur ou à un créancier hypothécaire, la date qu'on va retenir n'est pas la date de la livraison des matériaux, c'est la date où il va publier son privilège, c'est-à-dire qu'il va le faire enreqistrer.

Si on prenait le même exemple actuellement, en vertu du Code civil et de la jurisprudence actuelle, A aurait un privilèqe qui passerait avant la créance hypothécaire, même avec la dation en paiement, alors qu'avec l'avant-projet de loi il va passer après, il va se faire laver.

Mme Harel: Concevrons-nous de pouvoir poursuivre pour bien se comprendre? Est-ce que je peux permettre à Me Mélançon de poser les questions?

M. Dauphin: ...

M. Melançon: Claude Mélançon. C'est que ce qu'affirme actuellement la députée de Maisonneuve... C'est bien cela?

Mme Harel: Oui.

M. Melançon: C'est que dans le régime actuel, le problème vient au fond de la dation en paiement, c'est-à-dire que les privilèges passeraient en fait avant l'hypothèque, même l'hypothèque qui est née avant les privilèges en quelque sorte, mais c'est que la dation en paiement vient laver toutes les hypothèques subséquentes. Sinon, sur la plus-value, les privilèges auraient priorité. Je pense que dans le droit actuel, c'est exact mais comme les créances hypothécaires sont toujours assorties d'une clause de dation en paiement, on sait qu'en pratique, lorsqu'il y a dation en paiement, tous les privilèges subséquents ou qui sont nés subséquemment, y compris comme vous le dîtes très bien, et vous avez raison, lors de la livraison des matériaux, sont lavés.

Mais ce qu'elle dit, le problème vient de la dation en paiement. S'il n'y avait pas la dation en paiement, comme c'était originalement en 1866, si ce n'était qu'une créance hypothécaire et que des créances privilégiées, des privilèges ouvriers, les privilèges ouvriers sur la plus-value, c'est-à-dire sur la valeur de la construction, auraient toujours priorité. Mais aujourd'hui, et je pense que vous avez raison là-dessus, ce qu'on propose dans le projet de loi, ce n'est pas ce qui est dans l'Office de révision du Code civil évidemment. Selon le projet de loi, c'est que, effectivement, c'est la date d'enregistrement du privilège qui est la date de sa naissance à toutes fins utiles pour les fins de l'opposer à l'hypothèque qui est habituellement enregistrée avant.

Cependant, si on retenait l'Office de révision du Code civil, à ce moment, la clause de dation en paiement n'aurait peut-être pas l'incidence dont vous parlez. Cela dépendrait évidemment à ce moment de la date ou de la...

M. Cormier: Mais la clause de dation en paiement n'est pas ce qui fait le plus mal. Cela lave certains privilèges. Mais cela lave des privilèges uniquement pour ceux qui sont nés antérieurement à l'enregistrement de l'acte d'hypothèque. On la fait rétroagir. La clause de dation en paiement ne fait que rétroagir à la date d'enregistrement de l'hypothèque.

Or, la jurisprudence et le Code civil actuel faisant naître les privilèges lors de la première livraison des matériaux ou lors de la signature d'un sous-contrat pour le plâtre, les planchers, n'importe quoi, en pratique à 90 % des fois actuellement les créanciers privilégiés, sauf ceux qui arrivent à la toute fin d'une construction, passent avant le créancier hypothécaire et passent avant le tiers acquéreur. Mais ce ne sera pas cela avec l'avant-projet de loi.

M. Melançon: C'est tout à fait exact. Je pense au fond qu'on parle de la même chose. Je n'en revenais qu'à l'affirmation de Mme Harel à l'effet que le problème actuel dans le droit que l'on a c'est la clause de dation en paiement. Sinon, ce serait un régime parfait. Les privilège passeraient toujours avant les hypothèques. C'est pourquoi on les appelle les privilèges. Sur la plus-value, sur la valeur de l'immeuble, ils passeraient toujours avant. C'est la dation en paiement qui, par sa rétroactivité, emportait ou lavait tout ce qui était enregistré après et donc les privilèges, habituellement.

M. Cormier: Comme les privilèges étaient rétroactifs à la date de sa naissance parce qu'on avait toujours un paragraphe dans l'avis de privilège qui disait "J'ai commencé à livrer des matériaux telle date, telle date, telle date, tel montant, tel montant." Pourquoi écrivait-on cela? C'était pour montrer à partir de quelle date cela indiquait au procureur du créancier hypothécaire: Paie-moi ou tu passes avant moi. Cela le lui disait exactement. (19 h 45)

M. Melançon: II arrivait, évidemment,

que la date de naissance faisait en sorte que le privilège était avant l'enregistrement d'une hypothèque, la plupart du temps. Même s'il y avait clause de dation en paiement, cela n'avait pas d'incidence et d'importance.

M. Cormier: On s'entend en fait. M. Melançon: Exactement.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Marquette?

M. Dauphin: Je saisis, maintenant, absolument tout. Je vais essayer de vous le résumer en 30 secondes. Vous me direz si j'ai saisi, sinon on recommencera. Autrement dit, avec le droit actuel, le privilège vient au monde à mesure que la fourniture des matériaux se fait, à la première fourniture. Tandis qu'avant l'avant-projet de loi, le privilège vient au monde ou naît avec l'enregistrement.

M. Cormier: Actuellement, le privilège naît au moment de la première livraison. Si vous lisez l'article 2890, on dit: "L'hypothèque légale en faveur des personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d'un immeuble" etc.. Attendez un peu. Bon. Article 2891, premier paragraphe, je m'excuse. "L'hypothèque légale des personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d'un immeuble subsiste... Cela veut donc dire qu'il existait avant. Si on va au deuxième paragraphe: ...elle n'est conservée que par le dépôt pour enregistrement de l'avis de privilège ou de l'avis d'hypothèque légale. Cela confirme l'interprétation.

Actuellement, le privilège naît au moment de la première livraison. En vertu du projet de loi, le privilège ou l'hypothèque légale du fournisseur de matériaux va naître lors de la première livraison, la même "mosus" d'affaire.

M. Dauphin: Cela devient opposable.

M. Cormier: II va devenir opposable, sa date pour l'opposer au tiers acquéreur ou au bâilleur de fonds, cela va être la date de sa publicité ou de son enregistrement; alors qu'actuellement, la date de son enregistrement n'a d'importance que pour suivre les formalités. La jurisprudence le fait rétroagir au niveau de son rang où il va passer à la date de la première livraison, ce que l'avant-projet de loi ne fait pas.

M. Dauphin: Je saisis. Évidemment, tout le monde est d'accord ici que c'est la bonne interprétation à lui donner. C'est ça? Vous nous demandez - excusez-moi - c'est bien évident, de modifier la rédaction de ces articles. On en convient tous, j'en suis persuadé, que vous voulez le statu quo.

M. Cormier: Je pense que ce serait... En fait, le statu quo, c'est la situation la plus facile quand on vient pour regarder des choses. Je pense qu'avec tous les travaux qui ont été faits par l'office de révision, le fait qu'on a fait un avant-projet de loi, je pense qu'il y a des choses qui sont excellentes là-dedans. Il ne faut pas se le cacher. Il y a des imperfections dans le régime actuel. Le projet de loi en corrige certaines. Le droit des privilèges pour les gars de la construction, ça existe depuis 1916. Les choses ont évolué depuis 1916. Je pense que ce serait un peu ridicule que de vous dire: Laissez donc cela comme cela. Vous en avez d'excellentes, dans le projet de loi, des dispositions.

Je pense à l'article 2896, par exemple. Actuellement, il ne faut pas se le cacher, il y en a qui ambitionnent sur leur droit d'enregistrer des privilèges de fournisseur de matériaux. On foute un avis de privilège, on a bien de la misère à faire radier cela. Le créancier hypothécaire ne fait plus de déboursé et même si on n'a pas un bon privilège, cela se peut très bien qu'on nous offre 5000 $, 10 000 $ pour nous enlever de là. C'est de l'abus de droit. Vous l'avez réglé avec l'article 2896. Vous avez dit: On peut déposer un montant d'argent ou offrir une autre sûreté, cela ne préjudiciera pas à nos droits de contester votre action sur privilège et cela va laver le titre, et l'immeuble va pouvoir continuer; il n'y a plus personne qui va être embarrassé par cela. Il y a des anomalies, c'est bien sûr. Cela en est une importante. Actuellement, s'il y a un privilège d'enregistré, cela barre tout le système; il n'y a plus personne qui fait des déboursés; cela peut engendrer des faillites, etc. Il fallait trouver une méthode.

Si on fait un versement en vertu de la loi sur les offres et consignations, actuellement, c'est considéré comme un paiement. L'article 2896 l'a réglé. Vous allez faire un dépôt, cela ne sera pas considéré comme préjudiciable à vos droits et comme un paiement partiel ou comme un paiement. Le titre va être clarifié au bureau d'enregistrement et tout le monde va pouvoir fonctionner.

Laisser cela comme cela, il me semble qu'il y a des choses à corriger; on sait qu'il y a des choses à corriger. Mais, ce qu'on dit, c'est que les gars de la construction, ce sont les premiers sur la ligne de front, ce sont les premiers à avancer des matériaux, des services, il faut leur donner des garanties. Le bailleur de fonds, il vient toujours après. Qu'est-ce qu'il fait quand il passe un acte d'hypothèque? Il promet de payer sur une bâtisse à devenir ou de débourser une somme d'argent. Il vient toujours après coup, lui. Il va débourser

quand la bâtisse monte; il ne prête pas à 100 %. Les avances progressives, c'est bien rare que cela correspond exactement aux travaux qui ont déjà été effectués. Il me semble que les gars qui participent à la rénovation ou à la construction d'un immeuble sont beaucoup plus en danger que lui. C'est pourquoi on devrait les faire passer avant.

Qu'est-ce que l'on fait dans de la grosse construction? Au tout début d'un projet, on demande à l'entrepreneur général de nous dresser une liste de tous les sous-traitants et de tous les fournisseurs de matériaux. Mensuellement, on lui demande de mettre à jour cette liste. C'est bien rare que les gars se font organiser. Pourquoi est-ce que cela ne se ferait pas au plan domiciliaire? Cela est facile. Le créancier hypothécaire est capable de protéger sa créance et il faut qu'il la protège aussi. On n'est pas venu ici pour vous dire: Écoutez, protégez-nous au détriment de tous les autres. On vous dit! On est un petit peu plus en danger, faites-nous passer avant ceux qui sont moins en danger; et ceux qui sont moins en danger, comme le bailleur de fonds, vont prendre les moyens - ils les ont - pour faire en sorte que lorsque tu débourses de l'argent, cela s'en va dans les poches du fournisseur de matériaux qui a fourni des matériaux pour cette construction ou qui a fait un sous-contrat sous cette construction.

Actuellement, qu'est-ce qui se passe? Quand un entrepreneur est en danger, est en mauvaise affaire, qu'est-ce qu'il fait? Il retire de l'argent pour la bâtisse du 1255 rue..., n'importe quel nom de rue, et il paie ses fournisseurs de matériaux et ses sous-traitants pour une autre construction qu'il a faite six mois avant. Là, la situation se déqrade et c'est comme cela qu'on arrive à un cul-de-sac.

Si dans la loi il était établi clairement que ceux qui sont sous la ligne de front, les ouvriers, les fournisseurs de matériaux, les sous-traitants, le gars qui vient après et qui a l'argent dans ses poches, il s'arrangerait pour que cet argent s'en aille dans les poches de ceux qui ont travaillé et qui ont participé à la construction de cet immeuble. C'est cela qu'on vous demande.

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Oui...

Le Président (M. Marcil): Oui, allez-y, M. le député de Marquette.

M. Dauphin: C'est parce que Me Longtin, qui est directrice de ta législation ministérielle, voudrait vous poser une question.

Mme Longtin (Marie-Josée): Oui, M. le Président, ma question est un peu double. D'une part, c'est parce que c'est un aspect du mémoire qu'on n'a pas eu le temps d'aborder. Donc, à la page 10, vous faites une recommandation dans le sens que les fournisseurs de matériaux passent avant les autres personnes qui ont participé à l'entreprise et vous vous motivez sur le fait que celles-ci ne sont pas présentes au moment de la construction pour veiller à la surveillance de leur privilège ou enfin de leur hypothèque dans le présent cas.

L'avant-projet de loi, évidemment, établit une concurrence entre tous les créanciers, les fournisseurs, les ingénieurs, enfin chacun apporte à la plus-value de l'immeuble une spécificité propre, qu'il s'agisse de la technique, du dessin ou de la visibilité de l'immeuble ou de l'organisation des travaux. Je pense que des sous-entrepreneurs peuvent être là au début d'une construction et ne plus y être à la fin ou y arriver à la fin et ne pas être là au début. Je ne vois pas trop bien la justification de cette recommandation. Je me demande aussi si le fournisseur de matériaux, étant également un vendeur, peut et, en plus de ce privilège, ne peut-il pas bénéficier de l'hypothèque du vendeur?

M. Cormier: Pour répondre à votre première question sous le sous-ordre de collocation, actuellement, l'article 2013c établit un sous-ordre de collocation: l'ouvrier, le fournisseur de matériaux, le constructeur, l'architecte. J'ai recherché dans la doctrine pourquoi on avait fait ce sous-ordre de collocation et je vous avoue que je ne l'ai pas trouvé. Lorsqu'on regarde dans Trudel, il dit qu'il y a un sous-ordre, mais il ne dit pas pourquoi.

La justification que je verrais à un sous-ordre est dans mon mémoire. Je pense que si sous-ordre il devait y avoir, parce l'office de révision, même dans sa solution de compromis, ne parle pas de sous-ordre et dit que tous ces gens-là vont venir au prorata... D'ailleurs, avant qu'on me le dise, je vous le souligne que dans le mémoire original, mon prédécesseur n'avait pas porté attention à la question du sous-ordre; il avait même dit que, dans une solution de compromis, il serait prêt à accepter que les gens soient payés au prorata. Je me dis que si sous-ordre il y a, il devait être établi de la façon suivante: l'ouvrier, parce qu'il est le plus économiquement faible, le fournisseur de matériaux parce que, lui, ne va jamais sur les lieux de la construction, souvent cela se fait par téléphone la plupart du temps et il a des chances d'être l'une des dernières personnes informées que ce chantier va mal. L'ouvrier, s'il ne reçoit pas son salaire au bout de la semaine, il sait qu'il se passe quelque chose. Le sous-traitant qui est là

tous les jours, pendant une certaine période de la construction aussi, il sait ce qui se passe. L'ingénieur ou l'architecte, surtout s'il n'a pas seulement la conception des plans et devis, mais s'il a aussi la surveillance des travaux est très au fait de ce qui se passe, tandis que le fournisseur de matériaux a des chances d'être le dernier informé. Je n'insiste pas plus là-dessus.

Le Président (M. Marcil): Cela va?

M. Cormier: Je reviens à la deuxième partie de votre question au sujet du privilège du vendeur.

Une voix: C'est cela, l'hypothèque légale du vendeur.

M. Cormier: Actuellement... Parlez-vous du droit de revendication des matériaux qui ne sont pas incorporés ou si j'ai mal saisi?

Mme Longtin: Évidemment, il y a ce droit-là, mais le fournisseur se trouve également à être vendeur d'un bien. Donc, ne peut-il pas, en plus de cette hypothèque de ne pas avoir participé à la construction, faire valoir une hypothèque comme vendeur?

M. Cormier: Qu'est-ce que cela lui apporterait de plus?

Mme Longtin: Un autre débiteur.

M. Cormier: D'autant plus qu'il vient à un rang postérieur de son hypothèque légale d'avoir participé à l'immeuble. Je ne vois pas ce que cela viendrait ajouter à conserver ses droits. Maintenant, sur la question de revendiquer les biens qui ne sont pas incorporés dans l'immeuble, c'est un droit qui n'est à peu près jamais utilisé parce que, souvent, les matériaux sont déjà transformés. Souvent, aussi, ces matériaux ont été faits spécifiquement pour un type de construction. Par exemple, si on a un ensemble de portes et fenêtres qui sont de grandeur irrégulière, quand bien même il revendiquerait ces fenêtres-là, comment va-t-il faire pour les vendre le prix que cela peut valoir? Je vous renvoie, entre autres, sur ce droit de revendiquer à l'article publié par Me Solomon, en particulier à la page...

Il se réfère à une cause sans préciser la référence, mais à un arrêt qui a été rendu dans une action à revendication pour ascenseur et la cour aurait, semble-t-il, dit que les ascenseurs pour un immeuble de plusieurs étages, c'était quelque chose d'absolument essentiel et aurait empêché la revendication. Je m'excuse si je ne trouve pas exactement... À la page 404, fin du premier paragraphe. (20 heures)

Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Tout de suite, je vais demander... D'abord, je vais vous saluer. On est tout de suite intervenu dans le vif du sujet. Pour la contribution que vous aurez à nos travaux, je pense que c'est là, d'ailleurs, un élément important sur lequel il est convenu que nous réfléchissions sur cette question de l'hypothèque légale et de ce qui était le privilège de l'ouvrier.

Vous avez échangé des propos sur cette question des créanciers privilégiés qui vont prendre le même rang, parce que l'article 2890 prévoit qu'entre eux, les créanciers qui en bénéficient prennent le même rang et viennent par concurrence.

La question que nous nous posons, c'est: À laquelle des dates d'enregistrement? Puisque dans cet édifice, chacun va enregistrer mais, par la suite, va venir en concurrence sur le même rang et à laquelle des dates d'enregistrement? La première des dates ou, à savoir, celle de l'architecte, de l'ingénieur, du fournisseur de matériaux, de l'ouvrier, de l'entrepreneur? L'enregistrement peut se faire à des dates différentes, évidemment.

M. Cormier: Je pense que le législateur, en mentionnant que ces créances vont venir au prorata et par concurrence, pour ces personnes, entre elles, la date de l'enregistrement de leur hypothèque légale, ce qui était autrefois le privilège, n'aura pas d'importance. Actuellement, cela n'en a pas, en tout cas.

Mme Harel: C'est certain, entre elles. Mais puisqu'elles vont aussi concourir avec d'autres, comme les créanciers hypothécaires qui vont avoir enregistré, possiblement entre l'une et l'autre des dates d'enregistrement d'une des parties qui peut concourir, on peut imaginer, par exemple, qu'il y a un enregistrement d'un fournisseur de matériaux, qu'il y a ensuite l'enregistrement d'un créancier hypothécaire et, ensuite, l'enregistrement d'un ouvrier, par exemple, alors, laquelle des dates d'enregistrement?

M. Cormier: Si on prend votre exemple, si on prend l'exemple que vous venez de citer, avec la clause de dation en paiement, le créancier hypothécaire viendrait laver le deuxième privilège. Sans clause de dation en paiement, il va venir au bout de la ligne. Votre deuxième gars qui enregistre un privilège de fournisseur de matériaux va venir après le premier qui a enregistré son hypothèque légale. Même si la loi prévoit que c'est par concurrence, qu'est-ce que le créancier hypothécaire va faire quand il va se voir pris avec un fournisseur de matériaux qui passe avant lui, parce qu'il a enregistré

son privilège ou son hypothèque avant lui?

II va le désintéresser. II va être obligé de le désintéresser. En pratique, il va se trouver, même si la loi prévoit que c'est par concurrence, dans l'exemple que vous donnez...

Mme Harel: II va donc devoir désintéresser tous les autres, parce que tous les autres vont prendre rang et ils vont venir, par concurrence, au même rang. Vous voyez, les créanciers qui bénéficient de l'hypothèque légale en faveur des personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation prennent le même rang et viennent par concurrence.

M. Cormier: Entre eux?

Mme Harel: Oui. Alors, si le créancier hypothécaire doit le faire à l'égard du fournisseur de matériaux, pourquoi ne serait-il pas tenu de le faire à l'égard des autres?

M. Cormier: Dans l'exemple que vous donnez, c'est pour la simple raison que votre deuxième fournisseur de matériaux enregistre son hypothèque légale postérieurement à l'enreqistrement de la date d'enregistrement de la créance hypothécaire. Donc, l'hypothèque légale du deuxième fournisseur de matériaux ne sera pas opposable au créancier hypothécaire tandis que le premier fournisseur de matériaux, ayant publicisé et enregistré son hypothèque légale, lui, pourra passer avant le créancier hypothécaire.

M. Melançon: En fait, ce que fait ressortir ici Mme la députée de Maisonneuve, c'est que, malheureusement, à l'article 2890, en disant qu'entre eux, on parle uniquement des créanciers priviléqiés, bénéficient, c'est-à-dire qu'ils prennent le même rang et viennent par concurrence, elle se demande ce qu'il arrive lorsque divers créanciers privilégiés enregistrent à des dates différentes. Ils vont prendre le même rang, oui, mais à laquelle des dates d'enregistrement? Puisqu'on sait dorénavant, vous l'affirmez et c'est exact, que c'est la date d'enregistrement qui compte pour être opposable au tiers. Donc, entre eux, il va falloir d'abord déterminer la date. Est-ce la date du premier enregistrement du privilège ou la date du dernier? Une fois qu'on aura déterminé cela, ensuite, face au créancier hypothécaire, on pourra déterminer qui passe avant ou après. Malheureusement, la loi est muette là-dessus. C'est ce qu'elle fait ressortir ici. Comprenez-vous?

Au fond, ce qu'elle veut dire, c'est que même si vous avez une date donnée qui est la date du début des fournitures des matériaux ou la date d'enregistrement de votre privilège dans l'avant-projet de loi, qui est la date d'enregistrement de votre privilège de fournisseur de matériaux, il est bien possible qu'en pratique - on attend le résultat final des commentaires d'ici - la date effective de la naissance de votre privilège, pour les fins de l'opposer au tiers, soit une date postérieure ou antérieure. Ce n'est pas dit ici. Il va falloir qu'on se penche là-dessus.

M. Cormier: Même si la loi prévoit que cela vient par concurrence, à cause du jeu de l'opposabilité, il se peut que le créancier hypothécaire soit obligé de désintéresser. Finalement, en pratique, il ne viendrait pas par concurrence. Mais la loi est muette, comme vous le dites, sur cet aspect et je n'ai pas de réponse.

Le Président (M. Marcil): Cela va?

Mme Harel: M. le Président, je pense qu'on pourrait difficilement se laisser sans revenir sur la question de la cession de priorités et de la renonciation. Malgré que cela ne soit pas encore très clair, toute cette question du rang, de l'opposabilité et la question d'une solution, finalement. Le Barreau, qui vous a précédés ce matin, disait aux membres du gouvernement que la solution qu'il avait retenue dans l'avant-projet de loi n'en était pas une. En pratique, le choix qui était fait n'était pas celui de mettre cela sur le même rang parce que le créancier hypothécaire allait être privilégié. Donc, contrairement aux codificateurs, en 1866, qui avaient décidé de privilégier les constructeurs sur les hypothécaires, dans les faits, le choix contenu dans l'avant-projet de loi était un choix inverse. C'est notre interprétation.

Quoique vous ayez posé quatre questions au départ, soit, premièrement, sur la spécificité de la construction; par la suite, le rang et l'opposabilité de l'hypothèque légale; ensuite, la cession de priorités et de renonciation et le sous-ordre de collocation, quand vous dites: Oui, l'avant-projet de loi reconnaît la spécificité... Mais par ailleurs, en la mettant sur le même pied d'égalité que la créance hypothécaire, puisque l'enregistrement va primer, il n'y aura plus de privilège. Il y a vraiment la perte du privilège. De toute façon, si on revient à la question pratique suivante: certains disent qu'il n'y a pas de solution, il faut en trouver une. Dans votre mémoire, vous avez fait état de la solution de rechange qui est préconisée par l'office. Je veux vous demander si vous l'adoptez en entier parce que dans la solution de l'office, il y a précisément l'abolition de la cession de priorités et de la renonciation. Il y a également un enregistrement de l'hypothèque dans les 90 jours du contrat. Il y a avis au bailleur de fonds indiquant une estimation des coûts. Il y a aussi la concurrence égale

pour tous alors, sur la question de location pour l'office, c'est la concurrence égale pour, en fait, tous les privilèges.

Est-ce que vous adoptez la solution de rechange de l'office en tout ou en partie?

M. Cormier: Je me suis servi pour étayer certaines parties des recommandations... mais je veux revenir sur un point important. Les cessions de priorité, puis les renonciations à privilège. Si le législateur faisait comme la solution de compromis à 461, il disait que le créancier hypothécaire passe après les personnes mentionnées à 314, c'est-à-dire les gars de la construction.

Au point de vue pratique, si on ne touche pas à la question de cession de priorité, puis à la question de renonciation à privilège, on va faire une loi qui va être quasi inopérable. Il faut vivre dans le milieu de la construction pour savoir comment cela se signe ces questions de renonciations à privilège.

Parfois, cela se fait avec un certain ordre, mais d'autres fois, ces feuilles-là sont des grandes feuilles avec des blancs que les gens sur les chantiers remplissent avec des stylos où on indique des numéros de lots puis, sans prêter mauvaise foi à personne, on peut en rajouter tant qu'on veut parce qu'on n'a pas de photocopieuse sur les chantiers de construction et souvent le gars qui tient dans la main droite la renonciation à privilège tient dans la main gauche un chèque, puis si tu veux ton chèque, bien signe. Je pense qu'on vit dans une société qui est beaucoup plus civilisée que cela et puis que cela doit se faire dans..., il me semble que cela n'a pas d'allure.

C'est effrayant ce qu'on voit sur ces feuilles-là.

Mme Harel: M. le Président, simplement pour nous signaler que c'est peut-être une clause générale qui est absente de l'avant-projet de loi et qui édicterait que les sûretés et les recours sont d'ordre public et aucune dérogation n'y est permise. C'était d'ailleurs une proposition de l'Office de révision du Code civil.

Je veux vous remercier, d'une certaine façon, c'est exploratoire, mais c'est important, on va avoir à faire l'étude article par article et, nécessairement, on va revenir sur toutes ces questions-là.

M. Dauphin: Au nom de l'équipe ministérielle, on tient à vous remercier de cette participation à vos travaux pour la préparation des différents mémoires, malgré que vous, c'est le mémoire amendé, si j'ai bien saisi tantôt. Soyez sans crainte que vos recommandations seront étudiées attentivement. On vous remercie pour l'éclairage que vous nous avez rendu. Merci beaucoup.

Le Président (M. Marcil): M. Breton et vos collègues, on vous remercie beaucoup de vous être présentés, et bon voyage de retour.

Je vais suspendre pour deux minutes, afin de permettre à la Fédération de la construction du Québec de s'avancer à la table.

(Suspension de la séance à 20 h 14)

(Reprise à 20 h 17)

Le Président (M. Marcil): Nous allons continuer nos travaux. A la Fédération de la construction du Québec qui est représentée par M. Robert Linteau, président, nous souhaitons la bienvenue à cette audition mise sur pied par la sous-commission. Sans plus tarder, je vais vous permettre d'exposer votre mémoire, c'est-à-dire le résumer, puisque tous les membres de cette sous-commission en ont pris connaissance. Vous disposez d'environ 25 minutes, ensuite, on va procéder à la période de questions de part et d'autre. Si vous voulez tout d'abord nous présenter vos collègues pour les fins du Journal des Débats. Je vais recevoir ce document officiellement comme dépôt, votre déclaration conjointe de l'association. Ca va.

M. Linteau (Robert): Merci.

Le Président (M. Marcil): Allez M. Linteau.

Fédération de la construction du Québec

M. Linteau: M. le Président, membres de la commission, je m'appelle Robert Linteau. Je suis entrepreneur général et président de la Fédération de la construction du Québec. A ce titre, je voudrais vous remercier de l'occasion que nous est offerte de vous faire part des préoccupations des entrepreneurs sur l'avant-projet de loi sur la Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des sûretés réelles et de la publicité des droits.

Avant, permettez-moi de vous présenter les personnes qui m'accompagnent. En commençant, à mon extrême droite, M. Charles Jacob, directeur général de l'Association de la construction du Québec.

M. Jacob (Charles): Bonsoir.

M. Linteau: M. François Gagnon, entrepreneur généra! et président de l'Association de la construction du Québec.

M. Gagnon (François): Bonsoir.

M. Linteau: Michel Paré, avocat, directeur des services juridiques à la fédération. À mon extrême gauche, M.

Claude Duval, entrepreneur spécialisé de la Vallée du Richelieu et, à ma gauche, Pierre Simard, avocat, bâtonnier du Saguenay-Lac-St-Jean.

Maintenant, j'aimerais ouvrir une parenthèse sur le document, la déclaration conjointe qu'on vous présente ce soir. Etant donné que nous sommes la première association patronale à vous présenter un mémoire, nous avons une déclaration conjointe des six associations, soit l'Association de la construction de Montréal et du Québec, l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec, la Corporation des maîtres électriciens du Québec, la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec ainsi que la Fédération de la construction du Québec.

Alors il se lit comme suit:

Attendu que cet avant-projet de loi a pour effet de faire disparaître les privilèges du constructeur et du fournisseur de matériaux de construction;

Attendu que cet avant-projet de loi a pour effet de remplacer ces privilèges par une hypothèque légale pour les personnes ayant participé à la construction ou à la rénovation d'un immeuble;

Attendu que cette hypothèque légale constituerait une sûreté réelle considérablement affaiblie et diminuée en ce que, entre autres, - l'hypothèque légale n'aurait pas de priorité de collocation sur l'hypothèque conventionnelle, alors que tel est le cas pour le privilège, - l'hypothèque légale n'aurait d'effet qu'à compter de son enregistrement, alors qu'actuellement le privilège naît et prend effet dès le début des travaux ou de la fourniture des matériaux, enfin, la dénonciation des sous-contrats ne serait plus requise? attendu que le privilège du constructeur et du fournisseur de matériaux revêt une importance primordiale dans l'industrie de la construction; attendu que l'industrie de la construction revêt un caractère particulier dans la vie économique par le nombre des personnes tant physiques que morales qui y oeuvrent et par les montants impliqués;

Attendu que les autres provinces canadiennes ont affermi au cours des dernières années ce mécanisme de protection que l'on connaît au Québec sous le nom de privilège de la construction au lieu de l'amoindrir;

Nous demandons que soit conservé l'actuel privilège de la construction et qu'il soit amélioré suivant les recommandations faites dans les mémoires présentés à la commission des institutions au nom des entrepreneurs, des sous-entrepreneurs et des fournisseurs de matériaux de l'industrie de la construction du Québec.

C'est signé par les six associations.

Je poursuis la présentation de notre mémoire. Au cours de cette audition, je n'ai pas l'intention de procéder à une lecture complète, mais plutôt à vous en résumer les points principaux qui nous paraissent inacceptables pour les entrepreneurs. D'abord, pour vous situer, disons que la fédération a été créée en 1947 et qu'elle représente près de 3000 entreprises de construction oeuvrant dans tous les secteurs d'industrie, que ce soit des entrepreneurs généraux, des entrepreneurs spécialisés, des fournisseurs de matériaux.

Elle est présente au sein de toutes les instances décisionnelles du milieu de la construction ou patronal, tel le conseil d'administration de la Commission de la construction du Québec, de la Régie des entreprises de la construction, du Bureau des soumissions déposées et du conseil du patronat. Bref, la Fédération de la construction est présente dans tous les grands débats touchant l'industrie de la construction.

Or, l'avant-projet de loi propose une modification substantielle du cadre juridique actuel en matière du droit des sûretés réelles, notamment le privilège de constructeur.

Alors, le privilège actuel est une garantie de paiement pour celui qui a contribué à des travaux de construction, garantie qui lui permet d'être préféré sur les travaux qu'il a effectués. L'avant-projet de loi propose d'éliminer l'élément essentiel, la garantie de paiement, soit le droit de préférence.

Ce droit de préférence peut être perçu par certains comme un droit exorbitant qui brise l'équilibre commercial. Cette perception théorique fait abstraction de la réalité économique. Il s'impose ici de crever un mythe. Le mot "entrepreneur" rime souvent avec grandes entreprises et gros travaux privés, publics ou de voirie. Or, rien n'est moins exact. La grande majorité des entreprises de construction sont de petite taille puisque 82,1 % d'entre elles ont eu en moyenne cinq employés ou moins en 1986. Les entrepreneurs qui ont 50 employés sont l'exception, puisqu'ils représentaient en 1986 moins de 1 % du total.

Or, l'industrie de la construction québécoise est essentiellement composée d'une majorité écrasante de très petites entreprises et ces entrepreneurs ont besoin d'une garantie de paiement sur les travaux qu'ils effectuent. C'est leur seul moyen de posséder une certaine assurance d'être payés, car un montant d'argent important imputé au poste "mauvaise créance" est susceptible, dans bien des cas, de causer de sévères difficultés financières à ces entreprises. Tous les entrepreneurs, heureusement, n'ont pas besoin d'utiliser cette garantie de paiement.

Certains, il faut le reconnaître, renoncent à leur privilège.

Les pratiques commerciales de certains propriétaires ou institutions en font même une condition sine qua non pour l'obtention de contrats de construction. Il ne faut pas conclure de cette acceptation par certains entrepreneurs que les privilèges ne sont pas nécessaires, bien au contraire. Cette pratique n'est que le symbole d'un déséquilibre économique entre gros donneurs d'ordres, institutions financières et petits entrepreneurs. Ces entrepeneurs sont victimes de chantage économique et se voient obligés pour pouvoir obtenir des contrats, donc du travail et donc leur gagne-pain, de renoncer à leur garantie de paiement, avec pour conséquence que plusieurs n'obtiennent jamais la totalité de leur dû. Ces pratiques sont malheureusement souvent génératrices de faillite d'entrepreneur.

La réforme du Code civil en cette matière ne doit pas reposer sur ces pratiques de renonciation de privilèges. Au contraire, elles devraient, pour rétablir un certain équilibre économique, interdire toute clause de renonciation à un privilège. Nous demandons que ces droits soient d'ordre public. Nous réclamons que les articles du Code civil traitant des privilèges de constructeurs et de fournisseurs de matériaux soient déclarés d'ordre public, afin qu'il soit interdit d'y déroger par convention privée, ou encore que toute renonciation soit nulle, sans effet et inopposable à celui qui l'a signée. Dans le cadre juridique actuel, lorsque l'entrepreneur ou le fournisseur de matériaux continue à construire avec le propriétaire, le privilège naît lors de la conclusion du contrat. Le sous-entrepreneur ou le fournisseur de matériaux, pour sa part, qui n'a pas contracté avec le propriétaire ou avec un entrepreneur général, voit son privilège prendre naissance lors de la dénonciation de son contrat au propriétaire.

Les pratiques commerciales des banquiers démontrent une utilisation automatique dans leur contrat de financement de la clause de dation en paiement. Cette clause de transfert de propriété sous condition suspentive, lorsqu'utitisée, a pour effet de purger tout privilège né et enregistré après l'enregistrement de la clause de dation en paiement. Entre autres, le bénéficiaire de la clause de dation en paiement pourra obtenir la radiation de tous les privilèges. Dans les faits et selon l'ordre normal de l'indication des différents intervenants, lors de la préparation et de la construction d'un immeuble, le banquier arrive toujours avant l'entrepreneur général, avant le sous-entrepreneur et même avant le fournisseur de matériaux, tout propriétaire devant évidemment s'assurer du financement de ses travaux avant d'accorder des contrats de construction.

Dans ce contexte, rares sont les entrepreneurs qui peuvent espérer être payés pour la totalité de leur dû lorsqu'arrivent des difficultés financières sur un chantier. Il peut arriver à l'occasion, avec beaucoup de chance, que les premiers entrepreneurs à travailler sur un chantier, surtout ceux qui font de l'excavation, puissent survivre à la clause de dation en paiement, mais les autres, jamais.

Ainsi, on vit des situations où le banquier reprend l'immeuble libre de toutes charges, le revend à rabais pour les fins de sa créance. Les entrepreneurs sont ainsi trompés dans leurs droits. Ils ne peuvent même pas obliger le banquier à vendre au prix réel pour profiter du partage de la différence entre le montant de la valeur réelle et celui de la créance du banquier. L'avant-projet de loi, au lieu d'introduire des notions d'équité et apporter des correctifs à la situation décrite, vient fermer hermétiquement la porte aux entrepreneurs qui pouvaient, à l'occasion, être reconnus prioritaires au banquier. L'avant-projet de loi clarifie donc un seul point, d'après nous: maintenant, plus aucun entrepreneur ne pourra survivre à un banquier.

Vous vous imaginez bien qu'il nous est impossible de cautionner une telle orientation législative. La capacité financière des banquiers n'a aucune commune mesure avec celle des entrepreneurs de construction. Nous réclamons donc que des modifications soient apportées pour faire en sorte que le prêteur reprenne l'immeuble sujet aux privilèges de constructeur ou de fournisseur de matériaux, indépendamment de l'existence de toute clause à l'effet contraire.

Maintenant, sur le plan de la dénonciation de contrat, l'avant-projet de loi propose l'élimination de ta procédure de dénonciation de contrat pour la naissance du privilège ou de l'hypothèque légale du sous-entrepreneur et du fournisseur de matériaux, dans les cas où ceux-ci ne contractent pas directement avec le propriétaire. L'abolition de cette procédure est un recul inacceptable tant à l'égard du propriétaire que du sous-entrepreneur et du fournisseur de matériaux. La dénonciation de contrat doit être considérée comme une procédure normale d'affaires qui permet au sous-entrepreneur et au fournisseur de matériaux d'informer le propriétaire qu'ils ont obtenu de l'entrepreneur général un contrat pour participer à la construction.

Cette façon de faire sert d'avertissement de l'intention éventuelle du bénéficiaire d'invoquer son priviège s'il n'est pas payé. Cette procédure incite le propriétaire à la vigilance lorsqu'il libère les fonds et, de plus, c'est même devenu une pratique courante dans l'industrie. L'abolition de cette procédure aura comme conséquence d'enlever au propriétaire toute possibilité de remédier

à la situation au moment où il est encore temps de se protéqer en retenant sur les montants dus à l'entrepreneur des sommes suffisantes pour payer les sous-entrepreneurs et les fournisseurs de matériaux.

Le propriétaire pourra aussi faire des chèques conjoints à l'entrepreneur général et à ceux qui ont dénoncé leurs contrats. Ainsi, le propriétaire a à son secours certaines possibilités qu'il peut utiliser afin de ne pas se retrouver avec un immeuble grevé de privilèges. (20 h 30)

Avec le projet de loi, le propriétaire ne saura qu'au 31e jour suivant la fin des travaux s'il y a des sous-entrepreneurs ou des fournisseurs de matériaux qui n'ont pas été payés. Il est probable qu'à ce moment le propriétaire ait épuisé son financement. Devant un tel danger, les propriétaires avertis n'auront d'autre choix que de transférer sur le dos des entrepreneurs le financement de leur projet de construction.

Parlons maintenant de la notion de fin des travaux. Dans l'avant-projet de loi, contrairement au Code civil actuel, le projet de loi ne donne aucune indication législative concernant la notion de fin des travaux. Cette définition est d'une importance capitale pour les entrepreneurs, car elle sert de point de départ ou de délai limite, selon le cas, à certains gestes que doit poser l'entrepreneur pour préserver ses droits. L'avant-projet de loi prévoit en effet que l'hypothèque légale subsiste sans enregistrement pendant les 30 jours qui suivent la fin des travaux. À l'expiration de ce délai, l'hypothèque légale n'est conservée que par le dépôt pour enregistrement. L'hypothèque légale s'éteint six mois après cet enregistrement.

La notion de fin des travaux demeure donc, avec l'avant-projet de loi, une notion extrêmement importante. C'est une question de vie ou de mort pour l'entrepreneur puisqu'une fois les délais expirés, il perd tous ses droits à l'hypothèque légale. Le danger de faire disparaître la définition arrêtée à l'article 2013a du Code civil, à savoir que les mots "fin des travaux" signifient la date à laquelle la construction est devenue prête pour l'usage auquel elle est destinée, est d'ouvrir la porte à la reconnaissance d'une multitude de fins des travaux sur une même construction. Une telle interprétation signifierait, à toutes fins utiles, l'impossibilité pour un sous-entrepreneur ou un fournisseur de matériaux d'inscrire une hypothèque légale puisque les pratiques administratives de facturation et de paiement dépassent toujours le délai de 30 jours.

Le recours à l'enregistrement de l'hypothèque légale est une mesure conservatoire en cas de difficulté de paiement. Or, comment est-il raisonnablement possible pour une entreprise de percevoir ses difficultés de paiement à l'intérieur de 30 jours après la fin de l'exécution de son contrat puisqu'en conformité avec les pratiques commerciales, les délais raisonnables de paiement ne sont pas encore écoulés? À tout le moins, le délai d'enregistrement devrait être porté à un minimum de 90 jours. En pratique, et selon la progression normale des travaux sur ces chantiers de construction, ce sont les entrepreneurs dont l'intervention est tardive qui seront favorisés.

Cette ouverture à la reconnaissance d'une multitude de fins des travaux est d'autant plus grande que même avec l'existence de l'article 2013a du Code civil, une certaine jurisprudence et une certaine doctrine ont déjà soutenu qu'il y avait autant de fins de travaux qu'il y avait de fins d'ouvrage particulier. Si le législateur retire du Code civil la définition actuelle de la notion de fin des travaux, il donne libre cours aux tribunaux pour qu'ils appliquent la thèse voulant qu'il y a autant de fins des travaux qu'il y a de fins d'ouvrage particulier.

Afin de ne pas perturber l'industrie de la construction, nous réclamons le maintien de la définition de la notion de fin des travaux que nous connaissons déjà à l'article 2013a du Code civil. C'est la seule garantie pour s'assurer que la pratique passée va continuer de s'appliquer à l'avenir.

Maintenant, passons aux recours de l'entrepreneur. Il est reconnu que la qualité d'un droit se mesure par les possibilités de son détenteur de l'exercer et de le faire appliquer. Or, le droit n'a de valeur qu'en autant qu'on puisse le matérialiser.

Les recours en délaissement et en prise de possession prévus par l'avant-projet de loi ne sont d'aucune utilité pour les détenteurs d'une hypothèque légale dont les droits émanent d'une participation à la construction ou à la rénovation d'un immeuble.

Le délaissement n'est qu'un recours préalable à la vente sous contrôle de justice, à la prise en paiement ou à la vente par le créancier qui ne donne que la possession du bien. L'exercice de ce seul recours ne permet pas au créancier de se faire payer et ne lui apporte que des contraintes pour se libérer du préjudice causé.

L'autre recours qui aurait pu permettre à l'entrepreneur d'exercer sa garantie et de récupérer son dû est la procédure de prise en paiement. Cependant, la nouvelle obligation qui est imposée au créancier, à savoir qu'il doit payer au débiteur ou au tiers détenteur la valeur du bien pris en paiement qui excède le montant de l'obligation, aura pour effet direct et immédiat d'empêcher tout entrepreneur de recourir à cette procédure de prise en paiement.

Obliger un sous-entrepreneur en installation d'armoires de cuisine à acheter

la maison pour se faire payer pour les travaux qu'il a effectués est carrément inacceptable. Même chose pour l'entrepreneur peintre, le poseur de tapis, etc.

Nous comprenons que l'encadrement de ces recours s'apparente à des mesures de protection du consommateur. Ces mesures sont peut-être souhaitables pour pallier les abus passés des banquiers mais, pour l'entrepreneur de construction dont l'objectif est de se faire payer pour les travaux effectués, ces recours sont d'une totale inutilité.

Pire encore, ce recours, lorsque utilisé par le banquier, ne prévoit même pas que l'argent que devra débourser ce banquier pour prendre l'immeuble en paiement sera versé à l'entrepreneur détenteur de l'hypothèque légale. Cet argent est versé au débiteur ou au tiers détenteur. Ainsi, l'on se retrouve dans une situation où le détenteur de l'hypothèque légale n'a plus de bien en garantie sur lequel il peut exercer son droit réel et rien n'assure l'entrepreneur que le montant reçu du banquier par le débiteur servira à payer les travaux effectués par l'entrepreneur.

Il ne reste plus que les recours de vente sous le contrôle de justice ou de vente par le créancier. L'entrepreneur qui utilise l'un ou l'autre de ces recours se voit obligé de payer tous les créanciers prioritaires ou hypothécaires prenant rang avant lui. L'acheteur éventuel, pour sa part, se voit obligé d'assumer toutes les hypothèques léqales prenant rang après celle de l'entrepreneur qui exerce son recours en vente de l'immeuble. À ces conditions, qui osera se porter vendeur et qui, d'après vous, osera se porter acquéreur?

En résumé, l'entrepreneur détenteur de l'hypothèque légale, pour récupérer son dû, se voit obligé ou bien d'acheter l'immeuble sur lequel il possède un droit réel ou bien de payer tous les droits réels grevant ledit immeuble pour le vendre étant entendu dans ce dernier cas que l'acheteur éventuel n'est pas assuré de posséder un titre clair.

En fait, les recours que le législateur s'apprête à accorder aux constructeurs, sous-entrepreneurs et fournisseurs de matériaux nous semblent si théoriques, illusoires et impraticables qu'il soit possible que nous n'ayons pas saisi toutes les subtilités de la mécanique suggérée par l'avant-projet de loi. Si tel est le cas, des précisions s'imposent. Dans le cas contraire, une révision complète s'impose, à défaut de quoi il faut maintenir la situation actuelle plutôt que de détériorer davantage le fragile équilibre commercial avec lequel doivent vivre présentement les entrepreneurs de construction du Québec.

Pour terminer, parlons du rang des hypothèques légales. L'avant-projet de loi indique que les détenteurs d'une hypothèque légale dont le droit origine de leur participation à la construction ou à la rénovation d'un immeuble prennent entre eux le même rang et viennent par concurrence.

Par ailleurs, l'avant-projet de loi mentionne que les droits ont rang suivant la date, l'heure et la minute de leur inscription au registre de présentation.

Ces deux approches différentes de l'avant-projet de loi nous semblent plutôt contradictoires. Comment des droits peuvent-ils être sur le même rang lorsqu'ils ont rang suivant la date, l'heure et la minute de leur enregistrement?

L'entrepreneur en acier de structure va enregistrer son hypothèque légale plusieurs mois avant l'entrepreneur en revêtement extérieur, que ce soit revêtement d'aluminium, de verre plat ou de maçonnerie. Si, entre ces deux étapes d'une construction commerciale, un second financement hypothécaire s'effectuait, le même rang entre l'entrepreneur en acier de structure et l'entrepreneur en revêtement extérieur se situerait à quel moment? Avant ou après le second financement hypothécaire?

Si cette notion de même rang a pour efet de faire passer l'entrepreneur en acier de strucutre après le second créancier hypothécaire qui a pourvu au financement, Pavant-projet de loi met en péril la sûreté de cet entrepreneur qui pourra voir son droit purgé par une action en paiement de la part de ce second financier, alors même que, dans le temps, il est intervenu avant ce second financier. Cette notion peut être source d'incertitude, voire d'inquiétude, vis-à-vis de l'entrepreneur en acier de structure, pour continuer le même exemple.

À cela s'ajoute la difficulté d'identifier le moment de la naissance du droit. Actuellement, il est reconnu que les formalités de l'enregistrement, lorsque faites à l'intérieur des délais requis, sont une mesure conservatrice du privilège. Le privilège prend naissance au moment du contrat ou de sa dénonciation au propriétaire, selon le cas.

Avec l'avant-projet de loi, l'on fait référence aux personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d'un immeuble. À quel moment prend naissance le droit à l'hypothèque légale? La date du contrat ou le jour de la symbolique levée de la première pelletée de terre?

En terminant, nous espérons que la commission permettra d'améliorer l'avant-projet de loi portant réforme au Code civil dans le sens d'une véritable garantie de paiement pour les entrepreneurs de construction. Je vous remercie.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. Linteau- Nous allons procéder immédiatement à des échanges avec le député de Marquette, adjoint parlementaire au ministre de la Justice.

M. Dauphin: M. le Président, au nom du ministre de la Justice et de l'équipe ministérielle, j'aimerais remercier la Fédération de la construction du Québec d'avoir accepté l'invitation de la sous-commission pour venir participer à nos travaux. Évidemment, je prends acte de la déclaration conjointe des différentes associations qui réclament le maintien du privilège en matière de construction et même son renforcement. Je constate que vous n'êtes pas pour l'abolition des privilèges mais, bien au contraire, pour le renforcement du moins de celui qui vous concerne.

J'ai écouté attentivement vos recommandations, au même titre que le qroupe qui vous a précédés, relativement aux différentes clauses de renonciation en matière de privilège que certains entrepreneurs ou fournisseurs doivent signer. Je présume que vous êtes du même avis que le groupe qui vous a précédés. C'est "monnaie courante" - entre guillemets - de voir, dans la pratique, des renonciations au privilège. N'étant pas un spécialiste en la matière, je peux quand même être heureux de le savoir et de l'avoir lu.

M. Linteau: Malheureusement, oui.

M. Dauphin: Cela se voit fréquemment. Je présume que vous souhaitez, et c'est clair, le statu quo en matière de privilège, en matière de construction. Vous avez sûrement déjà lu ou entendu parler d'une solution que l'on dit mitoyenne de l'Office de révision du Code civil en matière de privilège sur la construction. On est ici justement pour échanger. J'aimerais avoir votre opinion sur ce que l'Office de révision du Code civil proposait en cette matière.

M. Simard (Pierre): M. le député, je présume que vous faites référence à la solution d'hypothèque légale telle que proposée dans l'avant-projet de loi.

M. Dauphin: Non. Ce qui avait été prévu, la solution de rechange de l'office, 461a, 461b.

M. Simard: Ah! C'est-à-dire ce qui avait été préparé au chapitre des sûretés réelles en 1977 ou tout récemment?

Mme Harel: En 1977.

M. Simard: En 1977. Je dois vous avouer, M. le député, Mme la députée, que nous avons surtout, pour la préparation de la présente rencontre avec vous, analysé l'avant-projet de loi, c'est-à-dire la notion d'hypothèque légale telle que publiée en 1986 et présenté par M. le ministre Marx. (20 h 45)

Ayant une préparation relative sur la documentation de 1977, je ne voudrais pas m'avancer. J'ai ici le rapport sur le Code civil du Québec et certains commentaires faits par l'Office de révision du Code civil, je ne l'ai pas étudié en profondeur. Je ne crois pas que personne ici, du moins ceux qui parient au nom de la Fédération de la construction du Québec, la FCQ... Maintenant, si ma mémoire est bonne, à l'époque, les privilèges étaient totalement abolis. Il n'y avait pas vraiment... Je ne peux vous certifier s'il y avait vraiment une solution de rechange pour l'entrepreneur. Maintenant, vous parlez de l'article 281...

M. Dauphin: On spécifiait à l'article 461a, par exemple, que les personnes mentionnées au deuxième alinéa de 314, c'est-à-dire le groupe de la construction prend rang avant toute autre hypothèque pourvu que les conditions prévues aux articles qui suivent soient respectées. D'un autre côté, si cela n'a pas fait l'objet d'une étude attentive...

M. Simard: Je vais vous avouer...

M. Dauphin: On va passer par-dessus. On n'endurera pas le martyre pour rien. J'ai déjà vécu des expériences semblables. Ce n'est pas drôle. De toute façon, au même titre que le groupe qui vous a précédés, si avec toutes les associations que vous représentez, du moins que ce soit conjointement avec elles, vous nous présentez un document, selon les intérêts non seulement de vos associations membres ou de vos membres, mais également sur le plan de l'éthique économique du milieu, quant au privilège actuel, vous êtes convaincu qu'il doit demeurer et même être renforci, c'est sûr que du côté du ministère de la Justice, au risque de me répéter, on en prend acte. On va étudier cela très sérieusement.

Maintenant, relativement à la notion de fin des travaux, quant à son interprétation, vous en avez quand même parlé dans votre mémoire, le fait que l'opposabilité commence par son enregistrement ou sa publicité de l'hypothèque légale, amenuiserait la valeur du privilège ou d'hypothèque légale comparativement à ce qui existe actuellement, vous êtes sûrement de cet avis, j'aimerais vous entendre là-dessus, à savoir l'opposabilité au tiers.

M, Paré (Michel): C'est une question de fait. Présentement, les entrepreneurs sont bien aguerris là-dessus lorsque vient la fin des travaux. On le sait lorsque vient la fin des travaux. Le danger qu'on voit avec l'avant-projet de loi, avec l'abolition de la notion de fin des travaux, de la manière qu'on le connaît présentement dans le Code civil, c'est rouvrir les anciens débats juridiques, à savoir s'il y a plusieurs fins des

travaux ou une seule fin des travaux sur un chantier. Présentement, le privilège prend naissance, selon les cas, lorsque c'est un sous-entrepreneur avec un entrepreneur général, au moment de la dénonciation au propriétaire, au moment de la signature du contrat lorsqu'on signe directement avec un propriétaire.

La notion de fin des travaux est une étape importante qui nous permet de comptabiliser les délais pour utiliser le recours. Présentement, avec l'abolition de cette nation, comme on la connaît, le danger d'avoir plusieurs fins des travaux, c'est qu'il va y avoir plusieurs fins des travaux sur une même construction, plusieurs fins de contrats de construction.

Alors, l'entrepreneur qui vient en premier, il a 30 jours après la fin de son contrat pour utiliser son recours d'hypothèque légale, mais avant de savoir, de connaître s'il y a des difficultés de financement sur le projet, ses délais de facturation sont passés et lorsqu'il va en prendre connaissance, fort probablement qu'il aura pris son recours trop tard, hors délai par rapport à la fin des travaux, si l'on juge qu'il y a une fin des travaux par spécialité.

Alors, il doit y avoir, à notre avis, une seule fin des travaux, question de fait, opposable à tout le monde et que celle-ci arrive en même temps pour tout le monde.

Il y a quelques années, même avec la disposition actuelle qu'on connaît au Code civil, le débat - cela remonte à plusieurs années - était: est-ce qu'il doit y avoir une fin des travaux ou plusieurs? Aujourd'hui, on ouvre le débat sur le dos des entrepreneurs, sur le dos de tout le monde. On va créer une incertitude. Je pense que cela est danqereux. On s'oppose avec force à l'abolition de cette notion de fin des travaux comme on la connaît présentement.

M. Dauphin: Un autre aspect relatif à la dénonciation concernant les sous-entrepreneurs ou les sous-traitants, je présume - j'aimerais vous entendre là-dessus - que vous y voyez une grande importance pour le maintien de cette dénonciation qui existe actuellement.

M. Linteau: Au cours des dernières années, nos associations patronales ont fait des efforts fantastiques pour justement favoriser cette procédure de dénonciation des travaux. Aujourd'hui, on est rendu peut-être dans une proportion de 60 % où tous les sous-entrepreneurs dénoncent leur contrat au début des travaux. Alors, étant donné que c'est une tendance qu'on a essayé de favoriser et de régulariser, on voit mal le fait de venir aujourd'hui et d'enlever cela complètement. Cela donne des protections autant aux propriétaires qu'aux fournisseurs ou aux sous-entrepreneurs. C'est pour cela qu'on y tient mordicus.

M. Paré (Michel): Pour compléter, M. le Président, si vous me le permettez, l'abolition de cette procédure de dénonciation de contrat peut avoir comme conséquence de reporter le financement des projets de construction sur le dos des entrepreneurs. Je m'explique.

Actuellement, un propriétaire averti, lorsqu'il reçoit la dénonciation de contrat d'un sous-entrepreneur, cela l'informe de l'intention éventuelle de ce dernier d'utiliser son recours sur privilège pour se faire payer. Or, à ce moment-là, le propriétaire peut prendre les dispositions nécessaires pour que le sous-entrepreneur soit payé par des chèques conjoints. En tout cas, il y a des moyens. Mais, avec le système qu'on propose, de la manière dont on le comprend, c'est qu'on ne va savoir qu'au trente et unième jour suivant la fin des travaux s'il y a des hypothèques légales sur la bâtisse. Le propriétaire ne le saura qu'à la fin de l'expiration des délais pour enregistrer si son immeuble a des privilèges ou des hypothèques légales.

Un propriétaire qui va voir un avocat à ce sujet, de quelle façon se préserver du double paiement, on recommanderait à ce dernier de payer son entrepreneur le trente-cinquième jour de la fin des travaux, pour être sûr qu'il n'y a pas d'hypothèque légale d'enregistrée sur sa bâtisse. Cela a comme effet de chambarder complètement la structure économique, le financement de projets de construction. C'est ce que l'on pense. À ce chapitre, avec la taille économique des entreprises de construction, il faut le rappeler, ce sont de petites entreprises, ce ne sont pas des multinationales, des entreprises essentiellement québécoises avec cinq employés et moins dans une très forte majorité des cas. Alors, on n'a pas la capacité financière de supporter tous les contrats de construction. Cette chose se fait, évidemment... C'est toujours dans le cas de dossiers problèmes. Demain matin, il va y avoir encore des entrepreneurs qui vont prendre des contrats de construction. Il va y avoir encore de la construction, mais cette mécanique de financement peut avoir comme conséquence directe, si on sait qu'on sera payé seulement dans un an, que les entrepreneurs chargent le taux de crédit pour ceux qui sont capables, mais la très forte majorité ne sera pas capable, ne survivra pas économiquement à cela. C'est là notre crainte.

Le Président (M. Marcil): Merci. Je vais céder la parole à Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je veux vous féliciter pour la logique

implacable. Cela m'a fait penser à un certain moment donné au chirurgien qui taille un peu dans te vif. M. Linteau, êtes-vous avocat?

M. Linteau: Non.

Mme Harel: Non parce que je dois vous dire que...

M. Linteau: Je n'ai pas ce défaut-là.

Mme Harelî Ha! Ha! Personne n'est parfait.

M. Dauphin: C'est un privilège.

Mme Harel! Ha! Ha! Vous lisiez avec une telle connaissance des effets, que j'ai pensé que, sans doute, beaucoup d'entrepreneurs ou de gens qui ont quelque chose à voir avec la construction au Québec ont quasiment à devenir juristes pour pouvoir s'y retrouver. Nonseulement votre logique était implacable, mais votre humour était assez noir également. Ce que vous nous dites, c'est que, en cas de doute, vaut mieux s'abstenir plutôt que de chambarder toute une industrie qui n'en a pas vraiment besoin présentement. J'ai l'impression que votre message a été compris. Enfin, je crois qu'il sera certainement transmis par l'adjoint parlementaire et par la députée de Groulx au ministre de la Justice. Un avant-projet de loi, cela reste malgré tout un projet de loi où un gouvernement va la pêche. Si les poissons sont trop gros et qu'ils risquent de faire chavirer la chaloupe, en règle générale, il change de direction ou il change de lac.

Une voix: II change de chaloupe. Des voix: Ha! Ha!

Mme Harel: Si on reprend plus sérieusement, il n'en demeure pas moins que - les propos que je tenais sont quand même sérieux - il vaut peut-être mieux s'abstenir plutôt que de tout chambarder.

Je pense que votre mémoire pose bien, à mon point de vue, la question qui est celle de la perte des privilèges. Quand la question vous a été posée, plusieurs ont dit avant vous: II faut trouver une solution. Je pense d'ailleurs que tout le monde est du même avis en fait. Quelle serait la solution la plus adéquate? Ce matin, on demandait au Barreau: en avez-vous une à proposer ou avez-vous l'intention de commencer à travailler pour nous en proposer une? Il semblait ne pas tellement vouloir se compromettre en disant au gouvernement: Vous avez les moyens, trouvez-en une. Évidemment, il n'y a pas de prestidigitateur qui en sort de son chapeau, mine de rien. C'est peut-être pour cela que le député de

Marquette et adjoint parlementaire au ministre vous interrogeait sur la solution de rechange qui a été soumise par l'Office de révision du Code civil et qui consistait - je donne simplement les éléments - anciennement à établir la priorités des hypothèques de construction avant tout autre hypothèque? donc, une hypothèque qui prenait rang avant tout autre hypothèque même publiée avant qu'elle ne le soit, mais une préférence qui était limitée au montant de la valeur marchande des travaux faits et des matériaux fournis, d'une part. Elle comprenait également trois autres éléments: l'enregistrement de l'hypothèque dans les 90 jours du contrat, donc 90 plutôt que 30, l'avis au bailleur de fonds indiquant une évaluation des coûts et, le troisième élément, la concurrence égale de tous les intervenants de la construction. C'était à peu près essentiellement l'édifice de la solution de rechange. De toute façon, il est certainement à souhaiter que non seulement vous mettiez en pièces des projets de législation, mais que, éventuellement, vous refassiez des recommandations sur les améliorations qui peuvent être apportées. (21 heures)

Je pense qu'on peut souhaiter que ce sera là une contribution importante pour la poursuite de nos travaux. Nous aurons à réexaminer le tout lors de l'étude article par article; il y aura certainement, de toute façon, précédant cette étude, d'autres rencontres.

Alors, il serait utile ce soir même, ou éventuellement, si vous avez à communiquer avec nous que vous le fassiez, même par l'intermédiaire de la commission, en faisant parvenir au secrétariat de la commission des documents, de façon que nous puissions tous en prendre connaissance.

Cela dit, les personnes qui m'accompagnent ont quelques questions à vous poser. J'aimerais m'en réserver une rapidement. Dans ce document que vous nous avez remis ce soir, dans cette déclaration conjointe, vous concluez en souhaitant la conservation de l'actuel privilège et son amélioration.

Je me demandais si vous aviez un point de vue concernant l'ordre de collocation. Ceux qui vous ont précédés, les fournisseurs de matériaux, demandent d'être priorisés de façon que sait maintenu le droit actuel. La solution de rechange de l'office, comme ce qui était connu dans l'avant-projet de loi, établissait le même rang, en fait, où tout le monde y prenant rang concurremment. Avez-vous un point de vue sur cette question?

M. Simard: L'avant-projet de loi prévoyait - je pense que je le vois à l'article 2890 et 2891 - le même rang pour tous les gens qui sont reliés à l'industrie de la construction, qu'ils soient entrepreneurs,

sous-traitants ou fournisseurs. L'actuelle loi qui est en vigueur actuellement nous dit, si ma mémoire est bonne, qu'effectivement, le sous-traitant doit être payé d'abord et en entier avant que les sous-entrepreneurs et les contracteurs soient payés, avant même qu'ils puissent recevoir un montant quelconque en ce qui concerne la collocation qui peut se faire.

Il est bien évident que c'est un problème bien important. Un fournisseur qui est payé normalement, de façon générale, c'est englobé dans le contrat de construction générale. Lorsqu'un entrepreneur en spécialité fournit un prix pour faire un contrat d'électricité, il fournit à la fois le prix pour son matériel, à la fois le prix pour sa main-d'oeuvre et, à la fois, un certain pourcentage pour son profit.

C'est bien sûr que quand le sous-traitant est payé, il apparaît que c'est aussi partiellement l'entrepreneur électricien qu'on paie sur son contrat. Cependant, si vous me permettez... Excusez-moi de cette interruption. Je penserais cependant plus équitable - pour parler comme mon président - la solution que tout le monde soit sur un pied égal.

Cependant, je voulais poser la question suivante. Dans l'éventualité d'un trouble financier du propriétaire où, pour des sommes substantielles, ni l'entrepreneur général, ni les sous-traitants, ni les fournisseurs ne sont payées, il va y avoir évidemment une pluie d'enregistrements d'hypothèque légale.

Dans l'hypothèque légale de l'entrepreneur général, qu'on prenne les sommes pour lesquelles il n'est pas payé et, de façon générale, également, les sommes que lui-même n'a pas payées à ses sous-traitants et souvent les sommes que les sous-traitants n'ont pas payées à leurs fournisseurs. Ce qui fait qu'il y a dans l'hypothèque légale de l'entrepreneur général un recoupement avec une hypothèque réelle qui peut être également une hypothèque légale et bien prise par le sous-traitant, ce qui fait que deux enregistrements peuvent faire double emploi.

Par exemple, si un entrepreneur général, sur un contrat de 100 000 $, est impayé de 50 000 $ et, par ailleurs, qu'il y a un montant de 40 000 $ pour les sous-traitants, qui enregistre également des droits réels d'hypothèque légale des sous-traitants et des fournisseurs qui sont en réalité regroupés dans le montant de 50 000 $ mais payés à l'entrepreneur général, il me semble que l'entrepreneur général va - supposons qu'il a à amasser 30 000 $ - peut-être prendre plus de 50 % de la somme à colloquer.

Théoriquement, c'est sans impact, parce que l'entrepreneur général... Le sous-traitant n'est pas affecté dans ses relations contractuelles avec l'entrepreneur général, mais il est bien sûr que lorsqu'un entrepreneur général connaît des problèmes sur des chantiers de construction, cela peut affecter sa propre solvabilité. Il me paraît donc que l'avant-projet de loi, tel que présenté, au ratio qui ne tient pas compte du fait que le droit réel enregistré par l'entrepreneur général contient en réalité des sommes qui sont dues aux sous-traitants et aux fournisseurs, fait que, finalement, l'entrepreneur général, qui sous-traite 90 % de son contrat, prend beaucoup plus que les 10 % des choses qu'il paie réellement. Au lieu de prendre 10 % de ce qu'il reste à séparer, il prend peut-être 55 % à 60 %. S'il a aussi des problèmes financiers, les sous-traitants n'ont peut-être pas pu profiter de la manne lorsqu'elle passait.

Tel que présenté dans l'avant-projet de loi, il est bien évident, à mon humble avis, pour le sous-traitant et le fournisseur, que nous trouvons normal qu'ils soient traités sur un pied d'égalité, mais je pense qu'il faudrait tenir compte du problème qu'il y a une cascade dans le droit réel de l'entrepreneur général. Je ne sais pas si je me suis bien fait comprendre.

M. Paré (Michel): Si vous permettez. On est à la recherche d'un système d'équité. On entendait parler, ce matin, d'une justice contractuelle. On se retrouve dans une situation, devant un projet de construction où 11 y a de l'argent. Des fonds ont été avancés. Il y a un bailleur de fonds. On se retrouve avec des intervenants de l'industrie de la construction qui travaillent à ériger la bâtisse, fournissent des matériaux, construisent et travaillent dessus et il y a un problème financier.

Or, le système actuel permet aux banquiers - le système proposé; le Barreau en a parlé un peu ce matin - de reprendre et on se retrouve dans une situation où ceux qui ont contribué à l'enrichissement du patrimoine ne sont pas payés. On est présentement à la recherche - on veut corriger cette situation, évidemment - d'un système d'équité où tous ceux qui ont participé à l'enrichissement d'un patrimoine soient payés pour leurs travaux, indépendamment, enfin qu'ils ne soient pas lavés par des techniques de financement. C'est ce qu'on vit malheureusement. On se retrouve avec une hypothèque légale sur le projet, sur des biens déjà hypothéqués.

J'entendais les représentants de l'Ordre des arpenteurs-géomètres demander d'accéder à cette hypothèque. Ils peuvent bien la prendre. Ils n'auront pas de difficulté. Ce n'est pas celle que nous voulons, nous.

Mme Harel: Je ne pense pas qu'il soit tellement altruiste de la leur offrir. Vous savez que l'avant-projet de loi contient des

dispositions qui prévoient un certificat de vérification par des professionnels, avocats et notaires. Je crois que votre mémoire ne parle pas de cette question. Malgré que vous n'ayez pas, M. Linteau, repris Ies annexes qui portent sur diverses questions, mais concernant ce certificat de vérification, l'avis d'hypothèque légal dans le domaine de la construction dans l'avant-projet de loi devra faire l'objet pour être enregistré de la formalité de ce certificat qui devrait être signé par un notaire - je vois que vous êtes bien entouré d'un côté et de l'autre, d'ailleurs - attestant de l'identité des parties, de l'équation entre l'acte et la volonté... Que pensez-vous à la Fédération de la construction de ces dispositions? Croyez-vous qu'elles doivent être maintenues? Les croyez-vous indispensables?

M. Paré (Michel): Faites-vous référence à l'article 3335?

Mme Harel: Les articles 3335, 3336 et jusqu'à l'article 3338.

M. Paré (Michel): Très sincèrement, on ne s'est pas penché sur ces dispositions-là. On a été un peu aveuglé par le danger réel que l'on voyait arriver concernant le changement du droit des sûretés réelles. On ne s'est pas rendu jusqu'à l'article 3335. Cependant, je dois dire que pour avoir entendu le Barreau du Québec, comme avocat, je souscris totalement à ce qui a été dit par le Barreau du Québec.

Mme Harel: M. Linteau, êtes-vous au courant de ce que le Barreau est votre...?

M. Paré (Michel): Je vais l'être, ce ne sera pas long.

M. Melançon: C'est peut-être une maigre consolation en fonction de ce que vous demandez, mais je pose l'hypothèse suivante. En supposant que vous soyez, en tant que créancier privilégié, c'est-à-dire bénéficiaire du privilège ouvrier, un créancier hypothécaire subséquent à un bailleur de fonds, c'est-à-dire un créancier hypothécaire dûment enregistré. Vous êtes dans une situation subséquente. L'article 2959 de l'avant-projet de loi prévoit que, dans un tel cas, vous pourriez exiger que le créancier qui se prévaudrait du recours de prise en paiement abandonne justement son recours de prise en paiement et procède à la vente du bien. Malheureusement, le projet de loi est imprécis là-dessus, mais la vente du bien présume que c'est sous contrôle de justice ou par le créancier. Alors, à ce moment-là, pourvu que vous ayez déposé pour enregistrement un avis à cet effet et que vous ayez remboursé les frais légitimement engagés, vous pouvez en fait voua faire payer s'il y a un surplus après que le créancier hypothécaire antérieur aura été payé. Comme je le disais, c'est peut-être une maigre consolation, mais que pensez-vous de cette mesure?

M. Simard: M, le député, en ce qui concerne la prise en paiement qui est...

Une voix: Heureusement, il n'est pas député.

M. Simard: Je m'en excuse.

Mme Harel: II n'a pas ce défaut-là.

M. Simard: ...elle est complètement différente de la dation en paiement telle qu'on la connaît actuellement. La dation en paiement annule l'obligation de façon totale et la personne qui prend le bien en paiement n'a aucune obligation. Dans l'actuel projet de loi, nous ne pensons pas que l'article 2959 soit un défaut. Il est bien évident que la possibilité pour un créancier subséquent de dire à un créancier: On vous force à abandonner la prise en paiement, peut être avantageuse, surtout en fonction, non pas de ce qui est la prise en paiement en vertu du projet de loi, mais en fonction de ce qu'elle est actuellement.

Cela serait actuellement avantageux de pouvoir forcer un créancier hypothécaire qui jouit d'une clause de dation en paiement d'aller en vente en justice, parce qu'actuellement il y a un effet rétroactif. Dans l'actuel projet de loi, si on se place dans les bottines de quelqu'un qui est d'un rang subséquent, l'article 2959 lui est passablement utile. Cependant, après en avoir longuement discuté, nous nous posons des questions sur la conséquence de la prise en paiement telle que prévue par l'actuel projet de loi, c'est-à-dire l'obligation pour celui qui le prend en paiement d'y ajouter la valeur marchande. (21 h 15)

Lorsque, pour une raison ou pour une autre, j'avance 10 000 $ à quelqu'un pour une créance hypothécaire, quelle que soit la façon dont je l'avance par le biais d'une hypothèque légale si je suis constructeur ou par prêt ou par balance de prix de vente, j'ai 10 000 $. Si, pour une raison ou pour une autre, pour protéger mes 10 000 $, je dois mettre 25 000 $ supplémentaires, c'est 35 000 $ supplémentaires que j'engage. Lorsque les sommes augmentent, je ne suis pas convaincu que cela va devenir extrêmement séduisant pour quelqu'un qui est détenteur d'une hypothèque dans le futur. Si on augmente les prix, mettre 100 000 $ pour protéger une créance de 75 000 $, on n'est pas intéressé à cela, surtout si on veut revendre le bien en question dans six mois, avoir investi 75 000 $ et revendre

135 000 $. Personnellement, je me pose des questions, ce n'est pas vraiment une demande de modification.

Un sujet de réflexion que nous devrions peut-être soumettre à la sous-commission, c'est que l'article 2962 est évidemment carrément inabordable pour quelqu'un qui n'a pas d'autre argent que sa créance et, deuxièmement, ce n'est peut-être pas intéressant pour quelqu'un qui est obligé de mettre le double de ce qu'il a antérieurement risqué.

Une voix: Peut-être que mon collègue, M. Gariépy, aurait quelques questions.

M. Gariépy: Pierre Gariépy. Une question peut-être technique. Vous demandez dans votre mémoire et dans votre recommandation un privilège prioritaire. Qu'en serait-il alors de la créance du vendeur du terrain, à savoir le concours avec le privilège du vendeur du fonds et le privilège du constructeur? Dans la solution que vous proposez, est-ce que vous avez tenu compte que la créance du vendeur est payée sur le fonds de terrain?

M. Simard: La philosophie que nous soutenons en réalité est en quelque sorte un statu quo. Le privilège de l'entrepreneur est prioritaire; cependant, dans la législation actuelle, l'assiette du privilège, c'est la plus-value. Il est évident que l'assiette du vendeur impayé est totalement différente. Une personne vend le terrain sur lequel on fait un immeuble, la créance qui porte sur le terrain a une assiette différente de la créance de l'entrepreneur en construction dont la créance est la plus-value et se rapporte à l'immeuble dans son ensemble.

C'est pour cela qu'en soutenant une sorte de statu quo, il est bien évident qu'on n'est pas véritablement en concurrence avec le vendeur impayé, puisque nos assiettes sont différentes, et le problème qui existe, c'est la ventilation du Code de procédure civile. Enfin, en prônant le statu quo, je pense que c'est la conséquence.

Le Président (M. Marcil): Cela va? Me Mélançon, avez-vous d'autres questions...

Mme Harel: M. le Président, je voudrais remercier la Fédération de la construction du Québec. Je crois que par votre présence, par votre nom... Vous savez, il y a un langage non verbal qui est aussi éloquent pour un gouvernement, et je pense que votre présence et le dépôt de cette déclaration conjointe signée par les présidents de tout le secteur de la construction, c'est certainement très éloquent. Je souhaite que votre message soit non seulement entendu - et je pense qu'il l'est - mais qu'il soit compris.

Le Président (M. Marcil): Merci, Mme la députée. M. le député de Marquette, avez-vous d'autres commentaires?

M. Dauphin: À mon tour, j'aimerais remercier bien sincèrement la Fédération de la construction du Québec pour son mémoire, lui dire avec autant de sincérité que toutes ses recommandations, dans l'ensemble, seront étudiées et analysées très sérieusement. C'est un avant-projet de loi, comme on vous l'a dit tantôt, alors c'est perfectible; c'est la raison d'être de cette consultation. Je peux vous assurer que mon rapport sera fait au ministre de la Justice en conséquence. Merci.

Le Président (M. Marcil): Cela va?

M. Linteau: J'aimerais remercier les membres de la commission pour cette occasion qu'ils nous ont donnée de pouvoir nous exprimer et de vous donner un peu la philosophie des entrepreneurs en construction, ce qui se passe et ce que l'entrepreneur ressent dans les projets de loi qui sont sur la table. Nous avons voulu être tout simples et vous donner exactement le pouls, ce que l'entrepreneur pense de votre avant-projet de loi et ce qu'il aimerait avoir demain matin pour avoir une équité avec ses travaux de construction. C'est à nous de vous remercier sincèrement. Nous vous offrons notre concours si c'est nécessaire dans d'autres études de projet pour pouvoir connaître le pouls d'une industrie de la construction.

Le Président (M. Marcil): Je remercie M. Linteau, de même que ses collègues.

Tantôt, quand j'ai dit: Heureusement que Me Mélançon... c'était dit sur une note positive; je pense qu'il préfère jouer le rôle qu'il joue présentement à celui de député; c'est plus payant, sûrement. C'est surtout dans ce sens-là.

Au nom de tous les membres de cette sous-commission, nous vous remercions. Nous avons apprécié votre franc parler. Soyez assurés que vos recommandations seront analysées de façon bien particulière.

Donc, je vais suspendre deux minutes. Nous allons entendre l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec Inc. J'invite ses porte-parole à s'approcher de cette table.

(Suspension de la séance à 21 h 21)

(Reprise à 21 h 26)

Le Président (M. Marcil): Donc, nous allons accueillir l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec Inc., présidée par M. Armand Houle.

Bienvenue à cette sous-commission.

M. Houle, nous allons vous laisser le

temps de nous présenter vos collègues et de faire la synthèse de votre mémoire; donc, vous disposerez d'un peu plus de 20 minutes et, ensuite, nous procéderons à un échange entre les parties et votre groupe.

Sans plus tarder, nous vous laissons la parole.

Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec

M. Houle (Armand): À mon extrême droite, Me Gilles Doyon, directeur du contentieux de l'APCHQ, Me Serge Crochetière, avocat, conseiller à l'APCHQ et Me Denis Bouchard, membre du contentieux de l'APCHQ.

Avant de procéder à émettre des commentaires et recommandations de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec concernant divers aspects de l'avant-projet de loi portant sur la réforme au Code civil du Québec, du droit des sûretés réelles et de la publicité des droits, il conviendrait, croyons-nous de vous entretenir brièvement de notre association et de sa représentativité de l'industrie et de la construction résidentielle au Québec.

Organisme sans but lucratif et d'appartenance volontaire, l'APCHQ regroupe au-delà de 7000 entreprises actives dans l'industrie et de la construction résidentielle. De ce nombre, quelque 5000 d'entre elles se répartissent dans treize associations régionales, les autres se retrouvant au sein de l'association affiliée à l'APCHQ: la Fédération provinciale du bâtiment et de l'habitation du Québec, la Société québécoise des manufacturiers d'habitation, l'Association des puisatiers du Québec. Représentatifs de leur milieu, les membres de l'APCHQ réalisent plus de 80 % des travaux de construction résidentielle au Québec.

Peu importe le type de structure ou le mode de tenure, ces membres oeuvrent dans tous les secteurs de l'industrie de la construction résidentielle, qu'ils soient entrepreneurs, constructeurs, promoteurs, manufacturiers, prêteurs, assureurs ou professionnels spécialisés en ce domaine. À ce titre, notre association est spécialement concernée par l'avant-projet de loi sur les sûretés réelles et la publicité des droits.

Par ailleurs, depuis sa création en 1962, l'APCHQ a su reconnaître et jouer pleinement son rôle en s'avérant à la fois une association professionnelle, une association de services ainsi qu'un orgnisme voué à la protection du consommateur, grâce à ses programmes de garantie.

Instaurée depuis 1976, la garantie des maisons neuves offre une protection complète tant au chapitre du remboursement des acomptes versés, du parachèvement des unités résidentielles que des vices de construction. Plus de 1400 entreprises sont volontairement accréditées auprès de la GMN. Depuis dix ans, la GMN protège plus de 125 000 unités d'habitation. D'ailleurs, l'APCHQ est fière de souligner que 95 % des unités construites dans le cadre de Corvée habitation sont protégées par la garantie des maisons neuves de l'APCHQ.

Créée en 1985, la garantie rénovation offre une protection analogue dans le domaine de la rénovation et de la restauration d'immeubles. Après deux ans d'opération, plus de 400 entreprises sont maintenant accréditées auprès de ce programme.

De fait, la garantie des maisons neuves et la garantie rénovation sont le symbole du professionalisme de l'industrie de la construction résidentielle et constituent la meilleure des protections pour les consommateurs.

Au chapitre de la recherche, l'APCHQ a élaboré, de concert avec l'Association canadienne des constructeurs d'habitations, et Énergie, Mines et Ressources Canada, une nouvelle technologie pour la construction de maisons à haut rendement énergétique: le programme R-2000. L'APCHQ est le maître d'oeuvre de ce programme au Québec.

C'est donc comme porte-parole de l'habitation que l'APCHQ s'adresse aux membres de cette commission, afin de faire valoir l'opinion des entrepreneurs et autres intervenants du secteur résidentiel sur l'avant-projet de loi sur les sûretés réelles et la publicité des droits. Une opinion qui se veut d'ailleurs pragmatique et directement reliée à la pratique courante des affaires.

M. Doyon (Gilles): Mesdames et messieurs, ce sera un résumé de la teneur de nos propos, de notre étude article par article.

L'industrie de la construction résidentielle représente à elle seule un champ d'activité économique important. En effet, on estimait la valeur des travaux de construction résidentielle en 1984 à 5 500 000 000 $. Cette valeur globale se répartit dans les faits, à part égale, entre construction et rénovation.

Par ailleurs, au cours de la dernière décennie, la somme des biens et services produits par l'industrie de la construction résidentielle a représenté, selon les années, un pourcentage variant de 2 % à 5 % du produit intérieur brut du Québec. C'est tiré de notre mémoire qu'on avait présenté devant la commission de l'économie et du travail le 5 décembre dernier en regard du projet de loi 119.

Enfin, l'industrie de la construction résidentielle fournit également de l'emploi de façon directe ou indirecte à un très grand nombre d'individus. Dans le cas de la construction neuve, par exemple, on évalue, en règle générale, que chaque mise en

chantier équivaut à un homme-année de travail. Pour les cinq à dix dernières années, cela aurait donc représenté quelque 2 % de la population active totale du Québec. C'est toujours tiré de notre mémoire relativement à ta loi 119.

Ces quelques données statistiques suffisent à démontrer l'importance des activités économiques de l'industrie de la construction résidentielle ainsi que la part et la contribution de cette industrie à l'enrichissement collectif de la société. En outre, la presque totalité des travaux exécutés par les entrepreneurs en construction confère une plus-value aux immeubles sur lesquels ils travaillent, mais tous ces travaux et toutes ces activités doivent être réalisés dans une sécurité juridique relative et appropriée comme celle que conférait le traditionnel privilège de la construction que l'on connaît après bien des cas et bien de la jurisprudence depuis une cinquantaine d'années.

Or, l'hypothèque légale que l'on propose aux entrepreneurs en construction et aux fournisseurs de matériaux, en remplacement de l'actuel privilège de la construction, ne va s'avérer, selon nous, qu'une sûreté réelle substantiellement affaiblie et diminuée. En d'autres termes, on va donner à ces créanciers sous une nouvelle appellation un privilège dénaturé.

Alors que le privilège de la construction prime une autre sûreté réelle, telle l'hypothèque conventionnelle, la nouvelle hypothèque légale qui sera conférée aux intervenants de l'industrie prendra rang par l'effet combiné d'autres dispositions du projet de loi, que l'on va voir plus loin, après une première et même une seconde hypothèque conventionnelle que, comme je viens de le dire, l'on va voir un peu plus loin.

Sur un autre plan, contrairement à l'état actuel du droit, l'avant-projet de loi sur les sûretés réelles ne fait aucune obligation de dénonciation de leur contrat aux propriétaires de l'immeuble par les entrepreneurs, sous-entrepreneurs et fournisseurs de matériaux. Dans le même ordre d'idée, l'avant-projet de loi est muet sur la question du droit pour le propriétaire de retenir une certaine somme d'argent pour garantir le paiement des sous-traitants et des fournisseurs impayés. C'est bien évident que si on est muet sur l'un, on va aussi abolir l'obligation de dénonciation... Si on ne donne plus le droit de rétention, c'est sûr que, logiquement, il n'y a plus de droit de dénonciation. Mais, pour nous, cela doit rester, encore une fois à cause de ce qu'on va vous dire un peu plus loin.

À titre de représentant des constructeurs, promoteurs et initiateurs de projets immobiliers résidentiels, l'APCHQ s'interroge sérieusement sur cet aspect. Comment un propriétaire d'un immeuble pourra-t-il, sans obligation de dénonciation de la part des sous-traitants et fournisseurs et sans droit afférent de rétention de sommes d'argent par le propriétaire, effectuer un parfait contrôle sur les opérations de construction d'un ouvrage et s'assurer à lui-même également une certaine sécurité juridique?

Compte tenu de chacun de ces éléments, du caractère ambigu et équivoque de certains aspects de l'avant-projet de loi et compte tenu aussi qu'il est déjà très difficile pour plusieurs intervenants de l'industrie de la construction, dans l'état actuel du droit, de s'assurer une certaine sécurité juridique -tout le monde sait comment c'est complexe et difficile à comprendre et à digérer -l'APCHQ demandera, notamment dans les commentaires et recommandations qui suivent, que soit conservé l'actuel privilège de la construction et que soit maintenue l'obligation de dénonciation pour les sous-traitants et fournisseurs de matériaux. En d'autres termes, devant le peu de sécurité juridique qui serait accordée aux entrepreneurs dans la réforme proposée et devant le caractère obscur de plusieurs de ses dispositions, l'APCHQ va demander le statu quo ante. Je cède la parole à Me Crochetière.

M. Crochetière (Serge): M. le Président, mesdames, messieurs, membres de la commission, pour ma part, je vais commenter certains des articles qui, d'après nous, posent le plus de problèmes ou sont susceptibles de poser le plus de problèmes aux entrepreneurs en construction. Mes commentaires ne viennent pas amoindrir l'opposition qu'on a quant à l'abolition du privilège, tel qu'on le connaît actuellement.

Dans un premier temps, les articles 2806 et 2807 créent une priorité et une énumération de certains droits réels qui auraient cette priorité en établissant leur rang. On se pose simplement la question à savoir pourquoi, après le rapport de l'Office de révision du Code civil qui avait théoriquement justifié l'abolition du privilège en disant que cela ne servait plus à rien, que c'était désuet dans notre société, le gouvernement pour lui-même entre autres considérerait que c'est encore valide et que cela ne l'est plus pour les autres? Qu'on l'appelle "privilège" ou "priorité", on parle de la même chose, c'est-à-dire le droit d'être payé par préférence sur tout autre créancier en établissant des rangs de priorité.

D'autre part, l'article 2808, dans son deuxième paragraphe, pose le principe que sur les biens immeubles quant au droit prioritaire pour les créances de l'État, la priorité attachée aux créances de l'État pour les taxes et les impôts ne vaut qu'à rencontre des créanciers chirographaires. Ce principe semble paradoxal relativement à

l'énoncé qu'on retrouve à l'article 2812 qui dit que les créances prioritaires priment toute autre hypothèque, qu'elle soit mobilière ou immobilière.

Évidemment, le plus spécifique doit être exclu du plus général. On vous souligne tout simplement que cela laisse quand même part à une difficulté d'interprétation et à une certaine ambiguïté.

L'article 2811: Les créances prioritaires sont opposables aux autres créanciers et aux tiers sans qu'elles aient à être publiées.

Évidemment, nous disons encore une fois comme commentaires, quant à cet article, que c'est un nouveau privilège déguisé qu'on a créé par les créances prioritaires puisqu'il n'y a plus d'enregistrement où c'était le cas actuellement pour les taxes, mais là on l'a étendu à d'autres types de créanciers.

L'article 2830: Ici, on commence vraiment à souligner certains problèmes. L'hypothèque s'étend à tout ce qui s'unit ou s'incorpore aux biens dès l'incorporation. Vous avez maintenant la création de deux types d'hypothèques: les hypothèques mobilières et les hypothèques immobilières. Prenons l'exemple d'un fournisseur de matériaux qui est une corporation, un commerçant donc qui peut se déposséder et qui vend à un autre commerçant qui fabrique des modules assemblés qui, éventuellement, deviendront des maisons. Il pourrait créer des hypothèques mobilières avec dépossession qui seraient fusionnées entre elles et le bien nouveau qui serait encore un meuble serait encore lui-même susceptible... C'est-à-dire qu'on aurait la possibilité de créer une hypothèque mobilière sur ce bien-là. Le fabricant de maisons modulaires a encore un statut de fabricant de meubles et pourrait, lui aussi, se voir assujetti à toute cette chaîne d'hypothèques, prendre ses créances aussi et les financer sous forme d'hypothèques mobilières auprès d'un créancier quelconque. Le module pourrait être vendu à un individu, qu'il soit un entrepreneur général, assorti, encore une fois, d'une hypothèque mobilière et en plus du droit ou à la créance du vendeur impayé, parce que tantôt on verra que cela fait aussi une différence qui pourrait lui créer un lien de priorité par rapport aux autres créanciers; il y aurait par la suite vente, disons, à un entrepreneur général qui a contracté avec un constructeur propriétaire sur son propre terrain. Il pourrait y avoir encore là création d'une hypothèque légale immobilière cette fois-ci à titre d'entrepreneur. Les entrepreneurs spécialisés qui vont travailler sur ça pourront aussi créer des hypothèques immobilières légales et non pas conventionnelles, et tout cela serait assorti d'une hypothèque conventionnelle par un prêteur hypothécaire. Vous essaierez de démêler au bout de tout ça si on ne paie pas, qui a des droits préférentiels et, s'il n'a pas payé les taxes en plus auprès de la municipalité, parce que la municipalité, par rapport à la remarque que j'ai faite tantôt, comme il s'agit d'un droit prioritaire, si elle n'exerce pas son hypothèque immobilière légale, mais qu'elle se prévaut simplement de son droit de priorité, ne pourra pas l'opposer aux créanciers hypothécaires immobiliers, à cause de ce qu'on a vu à l'article 2808, deuxième paragraphe... Cela va pouvoir cependant avoir pour effet de faire passer en avant les créanciers avec des hypothèques mobilières.

Juste pour mettre un point final, si cela brûle et qu'on le refait dans un délai raisonnable, toutes ces hypothèques renaissent et tous les nouveaux travaux aussi vont être assortis d'hypothèques.

Le Président (M. Marcil): Vous voulez absolument nous mêler, vous.

M. Crochetière: Non, mais c'est ce que cela donne. D'accord? Je comprends que cela n'arrivera probablement pas. Mais comment les entrepreneurs vont-ils faire pour vivre avec cette situation si on est à peu près incapable de la démêler, nous, le législateur et le juriste?

Le Président (M. Marcil): Cela pourrait faire un bon scénario de film.

M. Crochetière: Bien, cela va être un vrai drame comme les anciens romans-savons à la radio.

Le Président (M. Marcil): C'est une hypothèse.

M. Crochetière: Alors, c'est ce que je voulais illustrer par l'exemple sur 2830, À 2832: "L'hypothèque qui grève une universalité de biens subsiste, lors même que l'un d'eux est aliéné, et se reporte sur tout bien acquis en remplacement de celui-ci." Quant à nous, cela aussi risque de créer des problèmes.

À 2833, l'hypothèque qui grève... pour nous, cela ici, c'est juste sur la difficulté de suivre la destination des biens quand cela va être auprès de commerçants qui ont un grand débit mais uniquement à ce niveau. Disons que c'est moins lié à l'exercice du négoce ou du commerce des entrepreneurs ou des fournisseurs.

À 2857: "L'hypothèque immobilière doit, à peine de nullité absolue, être consentie par acte notarié et en minute.

Elle est publiée par enregistrement." Cela va peut-être être juste par coquetterie d'avocat. On se demande pourquoi on l'a conservé. Quand vous allez pouvoir avoir une maison que vous allez payer 20 fois plus cher ou un immeuble d'habitation sur la base d'une société en commandite, vous pouvez

avoir tout cela financé sous seing privé par des hypothèques mobilières qui vont être enregistrées sur les parts d'un commanditaire ou sur les actions de la compagnie. Pourquoi? Quelle est l'obligation à ce moment que cela soit un notaire qui l'enregistre?

A 2888: "Les seuls droits et créances qui peuvent donner lieu à une hypothèque légale sont les suivants: "Ici, c'est la création des hypothèques légales avec, en deuxième nomenclature et non pas en deuxième ranq, parce qu'il n'est pas supposé y avoir de rang, théoriquement, les droits et créances des personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d'un immeuble. Toutefois, 2888, troisième paraqraphe cependant, dit: "La créance du vendeur non payé pour le prix du bien;". On verra plus loin que s'il enregistre dans les dix jours il y une priorité sur les autres. Pourquoi lui donne-t-on une priorité à lui? N'oubliez pas que tantôt on parlait des vendeurs de modules dans la construction, ils peuvent le faire dans les dix jours. Il va y avoir une priorité sur les autres. Il va avoir à la fois droit è une hypothèque mobilière comme fournisseur, une hypothèque prioritaire comme vendeur impayé et, en plus, une créance immobilière à titre d'entrepreneur ou de fournisseur de matériaux, tout cela sur la même vente.

On répète dans notre mémoire que ce qu'on nous laisse en réalité comme créance hypothécaire, c'est tellement édulcoré et dénaturé que cela ne vaut à peu près pas la peine d'en parler. Je vais vous dire ce que je donnerais comme conseil à un de mes clients qui serait un promoteur à ce moment pour ne pas avoir de problème avec les hypothèques légales qui risqueraient d'être... Je lui dirais: Au lieu de mettre votre argent sous forme de mise de fonds dans la compagnie comme avance des actionnaires, vous allez former votre compagnie et vous allez vous prêter votre mise de fonds par une autre compagnie garantie par une hypothèque conventionnelle de deuxième rang après votre financement hypothécaire et il ne restera plus rien pour personne d'autre. Ils enregistreront tout ce qu'ils voudront si cela va mal. Il n'y a plus de priorité. Vous n'avez plus besoin de vous en occuper. C'est cela qui risquerait d'arriver. Cela ne veut pas dire que je le dirais pour vrai. Il y en a d'autres qui y penseraient et qui le diraient sans doute.

Le Président (M. Marcil): J'aimerais vous signaler que ce que vous venez de dire est enregistré.

M. Crochetière: C'est pour cela que j'ai apporté la précision.

Le Président (M. Marcil): C'est public. ...juste une boutade. (21 h 45)

M. Crochetière: Non, mais cela ne sert à rien de ne pas voir la réalité en face. Il est certain que cela va amener de nouveaux types de financement, de la part des promoteurs-développeurs, qui risquent de rendre caduques les hypothèques légales que la loi créerait dans ces cas. En fait, c'était pour souligner ce qu'il y avait dans la page 18, donner un exemple de ce qui pourrait se faire pour rendre inutile l'hypothèque légale qu'on nous propose dans l'avant-projet de loi.

D'autre part, encore une fois, le sous-paragraphe 3 de l'article 2880 - je l'ai souligné tantôt - aurait pour effet de créer une priorité en réalité au fournisseur de matériaux qui peut aussi prétendre à son droit, à titre de vendeur impayé, s'il l'enregistre dans les dix jours.

Article 2890. D'accord, là on parle des délais. Il y a une ambiguïté aussi a ce niveau. L'article 2890 dit à son deuxième paragraphe: "L'hypothèque est limitée à la valeur marchande, au moment où ils ont été fournis..." Donc, il faut que les travaux aient été fournis, si on le lit textuellement et non pas, ça ne naîtrait pas avec le contrat ou le début des travaux. Lorsqu'on parle aussi de valeur marchande, ça naîtrait, quant à moi, au fur et à mesure que se dérouleraient les travaux pour chaque partie des travaux qui auraient été fournis. "L'hypothèque est limitée à la valeur marchande, au moment où ils ont été fournis, de ces travaux, matériaux ou services et, entre eux - et ça, je vous avoue que pour nous ça crée un gros problème - les créanciers qui en bénéficient prennent le même rang et viennent par concurrence." Alors qu'à l'article 3309, comme il n'y a plus de rang, l'article 3309 dit que c'est la priorité d'enregistrement pour tous les créanciers hypothécaires qui établit les rangs de priorité.

Ou bien l'article 3309 ne s'applique pas à ces cas-là. On arrive avec la situation où 2890 s'applique sans rang pour tout le monde, indépendamment des délais pour qu'ils prennent rang, mais cette fois-ci sans ordre de collocation entre l'architecte, l'ingénieur, le fournisseur de matériaux, le spécialisé et le général. Cela peut être une interprétation si on dit que l'article 2890 étant plus spécifique doit recevoir une interprétation. Mais, à ce moment, cependant, on va avoir un autre problème qu'on verra tantôt. Dans les délais requis pour enregistrer son action, parce qu'on parle des six mois de l'enregistrement de l'avis et non pas de la fin des travaux. Sur des chantiers qui vont durer plus de six mois, ce que l'extension du privilège des premiers qui ont commencé à travailler vont, à cause de cela, faire perdre le droit des derniers ou à l'inverse, est-ce qu'ils vont faire naître tous les droits indépendamment de la date d'enregistrement

de l'hypothèque conventionnelle du prêteur? Si on suivait spécifiquement le deuxième paragraphe de l'article 2890, c'est la situation à laquelle on serait confronté. À l'inverse, ici on dit: Non, non, ce n'est pas cela que ça veut dire. Je ne sais pas ce que cela pourrait vouloir dire autrement, mais en tout cas. Ce n'est pas cela que cela veut dire. On laisse quand même à 3309 la priorité d'enregistrement comme étant le critère de sélection, mais on va se retrouver avec un autre problème, c'est que chacun des entrepreneurs spécialisés, parce qu'il n'y a plus de priorité, pour ne pas passer après le créancier conventionnel, va se dépêcher à aller enregistrer son privilège.

Là vous allez bloquer tous les projets de construction au Québec. Vous allez bloquer tout le financement. Ou bien il va y avoir des renonciations à l'hypothèque légale de signer en faveur des créanciers hypothécaires sans plus aucun recours, cette fois-ci, cependant. C'est à peu près les commentaires que cet article avait trait.

Ensuite, on dit aussi: On abolit la notion de plus-value. On parle de valeur des travaux. Cela va avoir un effet multiplicateur. Je vous donne un exemple. Vous avez un contrat de 200 000 $ pour construire une maison. La valeur des travaux pour le général, c'est 200 000 $. Pour chacun de ses sous-traitants, disons que le général a fait 40 000 $ de profits, il va rester 160 000 $ pour la valeur des travaux. On est rendu à 360 000 $, c'est la même maison qui s'est vendue 200 000 $.

Tous les fournisseurs de matériaux qu'il y a là-dedans, si on dit qu'à 60 % de la valeur, 120 000 $, ça fait 480 000 $. Vous allez faire vendre votre maison, vous allez avoir du plaisir à répartir et à colloquer tout cela. Il n'y a plus d'ordre de priorité et il n'y a plus de plus-value. Quel va être le critère? Par ratio. Cela ne se peut pas non plus parce que si c'est par ratio, j'ai tenté de faire le calcul. Plus il va y avoir de sous-traitants et plus le ratio va être faussé en proportion. Quand le général va faire tous les contrats tout seul avec ses salariés, il va en ramasser plus. Quand il va avoir plus de sous-traitants, il va en ramasser moins. Cela ne sera pas plus juste. Comment appliquer cela? Je ne sais pas comment on va pouvoir appliquer cela, comment le registrateur va pouvoir faire un ordre de collocation avec cela. On ne parle plus de valeur, de plus-value. À partir du moment où on ne parle plus de plus-value, c'est chacun des contrats qui doit s'apprécier à sa juste valeur. Vous en avez bien plus cumulativement que le prix total, parce qu'il s'ajuste, chaque contrat étant pris individuellement. Chacun va dire que c'est le sien qui est bon. Il n'y a rien dans la loi qui prévoit qu'on peut en faire une diminution quelconque en fonction des plus-values réellement apportées à l'immeuble. Cette notion est complètement disparue.

L'article 2891, c'était le problème, comme je vous le disais tantôt, notamment quant à l'extinction des droits naissants de l'hypothèque légale six mois après l'enregistrement, s'il n'y a pas eu d'action. Il y a bien des chantiers qui durent plus de six mois. Allez-vous forcer tous les entrepreneurs à prendre action pendant que les travaux sont en cours s'il y a une opposition entre lui et le donneur d'ouvrage? Ce n'est pas toujours parce que le donneur d'ouvrage veut le voler ou quoi que ce soit. Sur plusieurs chantiers, les gens ne s'entendent pas. Il y a même des clauses d'arbitrage qui reportent tout cela à la fin des travaux. Il n'y a pas un entrepreneur qui va vouloir signer une clause d'arbitrage compromissoire pour que cela soit décidé à la fin des travaux en sachant que c'est un chantier qui dure plus d'un an ou plus de six mois. En plus de cela, vous allez, à partir de ce moment-là, préjudicier au droit des gars de coffrage, qui sont les premiers, ou les gars d'excavation ou vous créez un droit pour les gars de la démolition par rapport aux gars d'armoires, aux poseurs de revêtements souples qui passent les derniers sur le chantier. Ils vont être tout seuls pour ramasser le gâteau. Comment va-t-on faire pour vivre avec cela?

Je m'excuse, mais je suis en train de revoir où j'en suis parce que je n'ai pas suivi le texte du tout. Je ne voudrais pas me répéter.

Mme Harel: ...

M. Crochetière: Ah oui! Ha! Ha! Ha! C'est pas mal cela qui est exprimé dans ce que je viens de vous dire. Il y a aussi tout le problème de la copropriété divise où, par rapport à ce que je vous ai dis, sur de gros ensembles immobiliers en copropriété divise qui risqueraient de durer plus de six mois, tout le monde se dépêcherait à enregistrer son hypothèque légale avec un fractionnement, avant que cela soit vendu à un consommateur parce que, pour lui, si cela n'est pas enregistré, cela ne lui est plus opposable. Les gens vont se dépêcher à l'enregistrer pour ne pas être lésés dans leurs droits à ce moment-là et vous ne pourrez plus enregistrer de déclaration de copropriété sauf quant aux requêtes prévues là-dessus. Mais si tu n'exerces pas le droit prévu dans le document ou l'avant-projet de loi par voie de requête pour faire substituer à ton hypothèque une autre garantie, il n'y aura pas de déclaration de copropriété qui va pouvoir être enregistrée, parce que les créanciers privilégiés n'y auront pas consenti. L'article 2927 crée un problème aussi. Il prévoit un avis de 60 jours dans tous les

cas où on va demander le délaissement de l'immeuble. Actuellement, ce n'est que pour les cas de dation en paiement et non pas dans les cas où on demande de délaisser l'immeuble pour faire vendre le bien. Si on laisse le délai de 60 jours, il n'y a pas juste des consommateurs qui sont pris là-dedans, il y a des promoteurs, des donneurs d'ouvrage qui sont de vrais professionnels. L'entrepreneur spécialisé risque de payer cher son délai d'attente de 60 jours sur certains chantiers avant de pouvoir exercer ses recours.

L'article 2978, c'était juste pour souligner la difficulté de dire que l'hypothèque mobilière subsiste malgré le changement de nature au bien. On se demandait juste comment le créancier d'une hypothèque mobilière incorporée à un immeuble pourrait exercer son droit de prise de possession ou de prise en paiement d'une partie qui a été incorporée à deux demandes. L'article 3311, c'était ce qu'il fallait lire avec l'article 2888.3 tantôt, quant à la possibilité de créer une priorité pour certains fournisseurs de matériaux qui sont, en réalité, des vendeurs qui ont le double statut.

Enfin, en page 28, on revient avec les commentaires que Me Doyon vous exprimait tantôt, l'exigibilité de la dénonciation pour retenir l'argent parce que, imaginez-vous que, dans l'habitation résidentielle, la plupart du temps, l'entrepreneur général ou le promoteur est à la fois propriétaire de son terrain et il n'a pas encore vendu à des consommateurs qui vont habiter cet immeuble. S'il ne sait pas si ses sous-traitants... Parce que cela va en sous, sous, sous-traitance; dans certains métiers comme la pose de gypse, des fois il y a un cinquième ou un sixième sous-traitant. S'il n'y a pas de dénonciation, qu'est-ce qui va l'autoriser à garder l'argent pour s'assurer qu'il ne sera pas pris avec des hypothèques légales? Rien, absolument rien.

Or, c'est pour toutes ces raisons qu'on vous demande presque d'oublier votre avant-projet de loi dans sa présentation actuelle et de maintenir la validité du privilège.

Le Président (M. Marcil): Merci. Maintenant, nous allons passer à une période de questions. Je vais reconnaître Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Vous allez être le dernier organisme que nous allons entendre aujourd'hui. Nous avons fait une sorte de concentration, ce soir, sur tout le secteur de la construction. Je crois que vous êtes le troisième, mais à votre façon qui est particulière, M. Crochetière, à exprimer ce que, finalement, vous dites tous aux membres de la commission et au gouvernement: La prudence extrême s'impose avant de tout chambarder te secteur que nous connaissons et dans lequel il y a déjà des difficultés; alors, ne les aggravez pas. C'est un peu le message que je reçois.

M. Houle, comme président de l'association provinciale, et les personnes qui vous accompagnent, je dois vous dire que Me Crochetière a présenté, avec d'autres personnes de l'association provinciale, un mémoire concernant la levée du moratoire sur la copropriété divise et j'ai été à même, lundi soir dernier, à Montréal, à l'hôtel Du Parc, d'assister au même exercice de franchise brutale qu'il vient, en fait, d'effectuer. Cela me faisait penser un petit peu à Cyrano de Bergerac quand il disait: Ce n'est pas un nez, c'est une montgolfière, en fait ce n'est pas un mémoire, c'est un massacre.

Mais je pense qu'on est dans les dispositions d'esprit, dans un avant-projet de loi, pour recevoir des critiques comme celles-là, justement parce que rien encore n'est vraiment engagé. Alors, je crois que cela a été l'opinion exprimée, qu'il s'agissait d'un avant-projet de loi perfectible et donc sujet à d'importantes modifications, pour ne pas dire de modifications majeures. Alors, je pense que l'adjoint parlementaire du ministre de la Justice aura peut-être tantôt - je le souhaite - l'occasion de le répéter. Je pense que, dans les circonstances, cela s'impose; c'est qu'il y a un examen à faire sur toute cette question du privilège ouvrier.

J'aimerais d'ailleurs, rapidement, sur quelques éléments revenir sur la question avec vous. Est-ce que vous avez déjà pris connaissance d'une solution de rechange possible, qui était celle préconisée par l'Office de révision du Code civil, d'une priorité donnée à l'hypothèque de construction avant toute autre hypothèque? Non? (22 heures)

M. Crochetière: Personnellement, j'étais là au premier rapport, à l'époque. Il y avait M. Caron à l'office de révision; on l'avait rencontré à la suite de la première parution du rapport.

On avait exposé un peu ces problèmes. On a dit: Appelez-le comme vous voulez, appelez-le hypothèque, appelez-le privilège, cela ne nous fait rien. On veut avoir un droit de priorité, on en a besoin. Cela prend une formalité peut-être beaucoup plus souple d'enregistrement et de dénonciation préalable pour préserver les droits des entrepreneurs, mais aussi pour préserver les droits des donneurs d'ouvrage, des consommateurs, des créanciers hypothécaires, des institutions financières, on est d'accord avec cela, mais laissez-nous quand même notre priorité. On ne retrouve pas cela ici du tout. Quant au vocable sous lequel on regrouperait cette priorité, on vous laisse l'entière liberté de la désigner comme il vous plairait.

Mme Harel: On peut continuer à parler de l'abolition des privilèges du moment que vous avez priorité.

M. Crochetière: C'est cela.

Mme Harel: Vous ne nous avez pas indiqué quelle était l'opinion de l'association concernant la question de la renonciation ou de la cession des priorités. J'imagine que vous recommandez à cet effet...

M. Crochetière: Actuellement, dans I'usage, dans le résidentiel, surtout dans ce qu'on appelle le résidentiel bas, brique et bois, le prêteur va, à l'occasion de la cession, demander la priorité, mais c'est beaucoup moins demandé que sur les contrats plus hauts, en hauteur où le promoteur n'est pas toujours l'entrepreneur général. Dans le résidentiel bas, le promoteur est à la fois le propriétaire du terrain, le concepteur de son projet, le développeur, le constructeur entrepreneur général, il fournit ses matériaux et contrôle pas mal son chantier. C'est beaucoup plus l'institution financière qui va lui dire: Je veux que tous tes sous-traitants ou tes fournisseurs me signent une cession de priorité de rang. Mais la cession de priorité de rang, chez nous, est généralement acceptée par les entrepreneurs, non pas la renonciation, mais la cession de priorité de rang en faveur du créancier hypothécaire. Les gens sont habitués, ils savent que, pour qu'il y ait du financement sur le projet, il faut que l'institution financière soit protégée et surtout sécurisée, alors ils sont prêts à céder la priorité et non pas à renoncer cependant. Si un projet de loi venait institutionnaliser cette pratique, c'est-à-dire que l'hypothèque légale ou le privilège dans la construction est d'ordre public, on peut céder le rang, mais qu'on ne puisse pas renoncer à l'hypothèque. Évidemment, je ne crois pas qu'il y aurait d'objection, au contraire, cela correspondrait pas mal à ce qui se passe chez nous dans le secteur résidentiel.

Mme Harel: Sur le certificat de vérification - j'ai posé la question à la fédération qui vous a précédés - avez-vous un point de vue? Avez-vous cristallisé un point de vue sur cette question?

M. Crochetière: La seule chose, c'est que lorsque nous avons commenté...

Mme Harel: Est-ce je serais mieux de poser la question à M. Houle?

M. Crochetière: Ha!

Mme Harel: Non?

M. Croehetière: Oui, oui.

Mme Harel: Ha! Ha!

M. Croehetière: C'est parce que je vais lui faire lire la...

Une voix: Je suis bien entouré, Mme la députée.

Mme Harel: Non, non. En fait, le certificat de vérification qui prévoit que l'avis d'hypothèque légale, dans le cas où il doit y en avoir un qui soit enregistré, le soit par la formalité d'un certificat qui soit signé par un professionnel, un notaire ou un avocat, et qui attesterait un série de choses sur l'identité, l'adéquation entre l'acte, la volonté et tout cela, pensez-vous que c'est utile d'avoir...?

M. Houle: Me Rousseau me fait une remarque qui est juste. Dans notre cas, la personne qui aurait le plus à perdre ou à gagner là-dedans, c'est la personne qui va le signer et qui sera le professionnel. Nous allons lui remettre les renseignements qu'il nous demande et ce sera signé par quelqu'un d'autre que nous en fin de compte. Mais je ne pense pas qu'un entrepreneur spécialisé... Quant à moi, cela fait quand même 23 ans que je me sers des privilèges parce que je suis spécialisé - je n'aime pas le mot sous-traitant - mais je suis un entrepreneur spécialisé, donc on s'en sert, on dénonce et on n'a pas d'objection.

Mme Harel: Vous avez toujours... Donc, vous le faites toujours par l'intermédiaire d'un professionnel?

M. Houle: Oui. Mme Harel: Oui.

M. Houle: Mais je ne dirais pas qu'on est plus sûr, mais il y a une uniformité dans les documents à ce moment-là et on peut simplement communiquer par téléphone. On lui dit ce qu'on veut... C'est-à-dire on lui donne les données et il remplit un document, l'enregistre et le fait signifier.

Mme Harel: Dans ce contexte, qu'est-ce que vous pensez d'un système qui pourrait prévoir l'enregistrement d'une sorte de formulaire standard qui décrirait la sûreté et qui pourrait remplacer l'acte au long, tel qu'on le connaît présentement?

M. Houle: L'APCHQ est d'avant-garde comme toujours, d'ailleurs. Cela fait à peu près cinq ou six ans que Me Crochetière et le contentieux de l'APCHQ ont préparé des formules de dénonciation de contrat qui sont uniformes à travers la province pour les membres de l'APCHQ.

Mme Harel: D'autres questions viendront, M, le Président. Ah oui, une peut-être, à moins que l'adjoint veuille intervenir tout de suite et je reviendrai.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Je veux tout d'abord remercier l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec Inc., pour la préparation et la présentation de son mémoire. J'avais pris note que vous étiez cosignataire de la déclaration conjointe relativement au maintien du privilège en matière de construction.

Vous proposez, au risque de répéter un peu, le maintien du privilège de la construction. Vous proposez le maintien de l'obligation pour les entrepreneurs, les sous-entrepreneurs et les fournisseurs de dénoncer le contrat au propriétaire de l'immeuble. Vous proposez le maintien du droit pour le propriétaire de l'immeuble de retenir les sommes d'argent.

Alors, c'est sûr - avec raison et je vous comprends très bien - que chacun y va pour sa paroisse; c'est bien normal. On entendra un autre groupe demain qui va nous dire le contraire. Ce n'est pas la première fois - Mme la députée de Maisonneuve est là pour en témoigner autant que la députée de Groulx - cela fait six ans et demi qu'on fait des commissions parlementaires et c'est normal que ce soit comme ça.

D'ailleurs, nous sommes au stade d'un avant-projet de loi, c'est-à-dire que l'avant-projet de loi est susceptible d'être bonifié, perfectible. Nous sommes heureux, en tout cas, des deux côtés, que vous ayez participé.

Maintenant, comme question précise, c'est clair; votre affaire est claire. Je ne chercherai pas à contre-interroger et utiliser des mesures dilatoires. Je prends bonne note de vos recommandations et j'aviserai le ministre en conséquence de vos recommandations. Pour moi, c'est clair et je vous remercie de votre participation.

Mme Harel: M. le Président, je ne cherche pas tellement à tourner le fer dans la plaie, mais je souhaite quand même avoir quelques éclaircissements. Vous avez dit, entre autres, qu'avec l'avant-projet de loi, il y aurait une sûreté diminuée. Mais, actuellement, le privilège ouvrier, est-ce qu'il n'est pas diminué avec la clause en dation de paiement?

M. Crochetière: Oui. Évidemment, le jeu de la rétroactivité par l'enregistrement de la clause de dation en paiement risque de faire expurger les privilèges, sauf que sur un chantier en construction, surtout dans le résidentiel, quand c'est étendu, on nous donne des chances d'en ramasser ici et là, parce qu'il y a bien des travaux qui ont été commencés avant et on peut s'asseoir et négocier avec leurs prêteurs.

Si, encore une fois, on annulait l'effet rétroactif et les décisions de jurisprudence qui ont consacré ça, je pense que, nous, comme constructeurs, on ne pourrait que s'en féliciter, sûrement.

M. Melançon: Claude Melançon. Me Crochetière, l'article 2959 ne vous met-il pas dans une meilleure situation quand même, compte tenu que lorsque vous êtes un créancier privilégié qui a un rang subséquent à un créancier hypothécaire qui serait le bailleur de fonds, il n'en demeure pas moins qu'à ce moment-là, vous pourriez exiger que le créancier hypothécaire abandonne son recours de présent paiement et procède à la vente du bien, ce que vous n'avez pas actuellement. Vous êtes complètement lavé, à toutes fins utiles, actuellement, par la dation en paiement. Alors, vous ne trouvez pas que c'est mieux qu'avant?

M. Crochetière: C'est exact. À ce point de vue, oui, sauf que ce que l'on craint, comme je le disais tantôt, c'est que le promoteur, plutôt que de mettre une avance de fonds dans sa compagnie, se crée un prêt par une autre compagnie dont il ne serait peut-être pas le seul actionnaire et cela va réduire à néant les effets de ces articles. Disons que pour un projet de 500 000 $, vous avez besoin de 150 000 $ de fonds pour acheter le terrain, etc. Plutôt que de prendre une avance de fonds et d'investir 150 000 $ dans la compagnie, vous faites prêter à cette compagnie la somme de 150 000 $ par une autre compagnie qui cède priorité de rang au créancier hypothécaire qui assure le financement, le "brige", et ensuite, le financement conventionnel, vous allez chercher un autre montant de 350 000 $ de financement hypothécaire de premier rang. Vous avez votre deuxième rang déjà enregistré. Votre hypothèque légale ne vous donnera plus grande chance sur la vente, surtout qu'une vente en justice, vous le savez pertinemment, Me Melançon, si on va chercher 75 % à 80 % de la valeur, on est content; qu'est-ce qu'il va rester?

M. Melançon: Vous sembliez également trouver dramatique qu'à l'article 3311, l'hypothèque du vendeur impayé, à savoir le fournisseur de matériaux, en l'occurrence, prenne rang avant toute autre hypothèque. D'accord? Si elle était publiée, évidemment, dans les dix jours de la vente. Je vous ferais remarquer, cependant, que cet article est complété par l'article 2892, qui prévoit effectivement que l'hypothèque légale du vendeur a effet à compter de l'enregistrement de la vente. Est-ce qu'on peut parler de compléter ou de contredire? Là, je ne le

sais pas. Mais on parle de la prise d'effet lors de l'enregistrement, évidemment. Donc, un peu comme...

M. Crochetière: Cela s'appliquera seulement dans certains cas, à l'intérieur du délai. Je dois dire que lorsque j'ai fait cette remarque, ceux auxquels je pensais, je ne trouvais pas cela dramatique; je trouvais cela injuste, ce n'est pas pareil... si on abolit la priorité, ce n'est pas pour la recréer différemment. Premièrement, c'était le sens de mon propos. Deuxièmement, dans le cas des vendeurs de maisons usinées, le délai de 10 jours n'est pas long pour monter le module. Ils vont bénéficier des deux. Vous allez l'avoir à l'intérieur du délai. À ce moment-là, c'est Ià-dessus où je ne veux absolument pas préjudicier au droit des fabricants de maisons usinées. Ce sont des membres de l'APCHQ. Ce n'est pas le sens de mon intervention. C'est tout simplement pour dire qu'il y a un caractère inéquitable aux mesures prévues par l'avant-projet de loi, parce que l'application qu'on pourra en faire dans l'industrie de la construction sera de faire renaître en faveur de certains fournisseurs une priorité sur les autres, alors que si on dit qu'on l'abolit, on devrait l'abolir réellement.

Mme Harel: Pour ma part, cela complète. Peut-être, Me Gariépy, est-ce que vous auriez...

M. Gariépy: Peut-être seulement une précision. Me Crochetière, sur l'article 3311, dans votre critique sur le cumul possible de deux garanties en faveur du fournisseur de matériaux, soit l'hypothèque légale de vendeur impayé et peut-être aussi l'hypothèque de fournisseur de matériaux, si jamais il y avait cumul possible dans une situation, est-ce que, par souci d'équité, le fournisseur de matériaux devrait... ou serait-ce équitable qu'il perde le bénéfice de l'hypothèque légale de vendeur impayé?

M. Crochetière: Écoutez, il pourrait même y avoir une troisième hypothèque qui serait celle mobilière qui s'incorporerait à la chose, dont pourrait se prévaloir le même fournisseur de matériaux. Laquelle, il devrait perdre? Je ne sais pas. Cela aussi, c'est peut-être un peu gros qu'il ait droit au cumul de trois sûretés réelles sur la même vente.

Mme Harel: Je veux vous remercier. Évidemment, comme nous l'avons déjà indiqué, je veux vous dire que je souhaite que, des deux côtés de cette commission mais, en tout cas, certainement de ce côté-ci, nous tenions compte de la contribution que vous avez apportée à nos travaux lors de l'étude article par article.

Le Président (M. Marcil): Cela va?

M. Crochetière: C'est la même chose de notre côté, Mme la députée.

Le Président (M. Marcil): M. Houle, allez-y.

M. Houle: On a été remercié, mais je pense que c'est à nous de vous remercier de nous avoir donné l'occasion de présenter ce mémoire et surtout de le commenter. Je savais qu'avec mes acolytes, je n'étais pas en difficulté. On a fait une bonne recherche et on voulait absolument vous dire, comme Mme Harel parlait de massacre tout à l'heure, que nous pensons aussi que l'on massacrait notre protection; ce que nous ne voulons pas du tout. Merci de nous avoir écoutés.

Le Président (M. Marcil): M. Houle, de même que vos collègues, merci beaucoup. Je sais pertinemment que votre association est quand même très dynamique, du moins dans notre région de Valleyfield. C'est à cet endroit que je vous ai rencontré, je crois, lors d'un colloque ou lors d'un souper de l'APCHQ. Donc, félicitations pour votre mémoire et merci pour votre franc-parler. Le projet de loi se doit de répondre à l'ensemble des besoins de la population, donc, à l'ensemble des gens qui interviennent dans ce domaine. Nous espérons qu'il fera l'affaire de tout le monde. Merci et bon voyage de retour.

J'ajourne les travaux à demain, 9 h 30.

(Fin de la séance à 22 h 15)

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