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(Dix heures quinze minutes)
La Présidente (Mme Cuerrier): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de la présidence du conseil et de la constitution
reprend ses travaux. Nous allons faire l'appel des membres de la commission:
MM. Bertrand (Vanier), Charbonneau (Verchères), Dussault
(Châteauguay), Laberge...
M. de Bellefeuille: Remplacement.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes) qui remplace M. Charbonneau (Verchères), MM. Dussault
(Châteauguay), Laberge (Jeanne-Mance), Le Moignan (Gaspé),
Levesque (Bonaventure) remplacé par M. Rivest (Jean-Talon), MM. Morin
(Louis-Hébert), Paquette (Rosemont) remplacé par M. O'Neill
(Chauveau), Ryan (Argenteuil) remplacé par Mme Chaput-Rolland...
M. Morin (Louis-Hébert): Ah bon!
Mme Chaput-Rolland: C'est un hasard.
La Présidente (Mme Cuerrier): ... (Prévost).
Les intervenants sont: M. Biron (Lotbinière) remplacé par
- il était remplacé hier par... Je ne sais pas de
mémoire...
M. Morin (Louis-Hébert): M. Paquette, je pense.
La Présidente (Mme Cuerrier): II n'est pas
arrivé.
M. Morin (Sauvé): Sans doute M. Gilbert Paquette.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Paquette (Rosemont). M.
de Bellefeuille (Deux-Montagnes) est membre de la commission pour ce matin. MM.
Fallu (Terrebonne), Fontaine (Nicolet-Yamaska), Forget (Saint-Laurent), Guay
(Taschereau), Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine), M. Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce).
Le rapporteur de la commission est toujours M. Paquette (Rosemont) en
remplacement de...
M. de Bellefeuille: de Bellefeuille (Deux-Montagnes).
Mme Chaput-Rolland: Je propose l'ajournement!
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Morin (Sauvé)
remplace comme intervenant M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes) qui agira comme
membre de la commission aujourd'hui.
Nous entendrons aujourd'hui...
M. Marx: Peut-on commencer avec une question de
règlement?
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député,
je vais simplement terminer la procédure générale.
Nous entendrons aujourd'hui l'Alliance des professeurs de
Montréal, représentée par M. Rodrigue Dubé;
l'Association des anglophones de l'Estrie Inc., représentée par
le Dr James Léger Ross et Mme Jacqueline Kouri; le Mouvement
Québec français, représenté par M. Guy Bouthillier;
M. Jacques-Raymond Carrier, à titre personnel; la Société
nationale des Québécois de Lanaudière Inc.,
représentée par M. René Charette; M. Hubert Gauthier,
à titre personnel; l'Association du Labrador québécois,
représentée par M. Paul de Bané.
Je rappelle simplement, pour ceux qui n'ont pas l'habitude des
commissions parlementaires, que, habituellement, lors de l'audition de
mémoires, la commission s'accorde une heure au total pour chacun des
groupes ou organismes qui se présentent devant elle, le temps
étant réparti en vingt minutes pour la présentation du
mémoire et quarante minutes pour les questions qui sont partagées
entre les représentants du gouvernement et les représentants des
partis de l'Opposition. Dans les vingt minutes qui sont allouées soit
à ma droite ou à ma gauche, il faut bien dire que les questions
et les réponses sont comptées dans le temps que j'ai à
vérifier.
M. le député de D'Arcy McGee, vous me disiez que vous
aviez une question de
règlement.
M. Marx: Le 20 novembre 1980, le ministre de la Justice a dit
qu'il avait préparé une étude sur les effets du projet
fédéral sur les lois québécoises. Il a promis de
déposer cette étude avant l'ouverture de la réunion de
cette commission. Le 17 décembre 1980, M. Charron, le leader du
gouvernement, a dit en Chambre, et je cite: "Je veux très
sincèrement informer le député de D'Arcy McGee - c'est ce
que le ministre de la Justice m'a dit - qu'actuellement les professionnels au
ministère de la Justice font tout leur possible pour pouvoir
déposer ce document vendredi. S'il n'est pas disponible vendredi, il le
sera à la reprise des travaux de la commission de la présidence
du conseil et de la constitution quelque part en janvier. Je prends la parole
de mon collègue et j'ai bon espoir que, vendredi, on pourra
déposer le document qui viendrait s'ajouter, comme information à
l'intention des députés, au témoignage..." Fin de la
citation.
On attend cette étude depuis des mois maintenant. On a eu des
promesses du gouvernement. C'est comme pour leurs promesses électorales,
ils ne livrent jamais la marchandise. Va-t-il déposer l'étude
aujourd'hui ou non?
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de D'Arcy McGee, vous me posez une question à laquelle je ne puis pas
répondre. Je ne suis pas responsable du leader du gouvernement, pas
à cette occasion-là en tout cas...
M. Marx: II n'est pas responsable non plus.
La Présidente (Mme Cuerrier): ... mais peut-être
bien pour la conduite des travaux de l'Assemblée ou de la commission...
M. le ministre des Affaires intergouvernementales voulait intervenir sur la
question que vous posez.
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, d'abord pour dire un petit
détail. Quand le député de D'Arcy McGee dit "fin de la
citation", je voudrais quand même la compléter, parce qu'elle ne
se termine pas là.
M. Marx: Ah!
M. Morin (Louis-Hébert): "Viendrait s'ajouter, comme
information à l'intention des députés, au
témoignage fort éloquent de M. Pratte qui a sans doute convaincu
tout le monde, sauf le député de D'Arcy McGee."
M. Marx: Question de règlement! Question de
règlement!
La Présidente (Mme Cuerrier): Mais je pense que...
M. Morin (Louis-Hébert): Non, mais je voudrais
répondre à votre question.
M. Marx: Non. Question de règlement, parce que vous avez
oublié une autre citation. C'est ça. Il y a une autre citation
plus loin où j'ai dit que...
M. Morin (Louis-Hébert): Vous étiez convaincu?
M. Marx: M. Pratte n'a pas répondu à la question.
Si vous voulez faire des citations, lisez toute la page.
M. Morin (Louis-Hébert): Ah! Je peux me mettre à
lire toute la page, mais je ne suis pas sûr que cela va être
avantageux pour vous.
M. Marx: Mais ce n'est pas la question...
La Présidente (Mme Cuerrier): Pourrais-je demander aux
membres de la commission de... Il m'apparaît qu'il y a une part de
taquineries et une part de...
M. Marx: Le ministre n'est pas sérieux aujourd'hui.
Une voix: Aujourd'hui? Il n'est jamais sérieux.
M. Morin (Louis-Hébert): Le député de D'Arcy
McGee ne l'était pas hier.
La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît! Ce
n'est pas le mandat de la commission de poser des questions au ministre de la
Justice, mais je comprends que les membres de la commission pourraient se
servir de ce rapport. M. le ministre des Affaires intergouvernementales est
déjà prêt à répondre à votre
question.
M. Morin (Louis-Hébert): Mme la Présidente, le
député de D'Arcy McGee m'a parlé de cela à 10 h 45
hier, à la fin de notre commission. Nous avons la citation ici. On s'en
occupe. Il peut procéder et vaquer à ses travaux habituels au
sein de cette commission. On s'occupe de sa demande et je peux le rassurer.
Comme gouvernement, il sait très bien que nous tenons toujours parole.
Alors...
Des voix: Ah! Ah!
M. Morin (Louis-Hébert): C'est vrai. C'est vrai. C'est
absolument la vérité.
Mme Chaput-Rolland: Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre?
La Présidente (Mme Cuerrier): À l'ordre, s'il vous
plaîtl J'appellerai donc maintenant...
Mme Chaput-Rolland: Vos auréoles ne vous font pas mal,
non? Vos auréoles ne vous serrent pas la tête un peu, non?
La Présidente (Mme Cuerrier): ...l'Alliance des
professeurs de Montréal et je demanderais au porte-parole de bien
vouloir identifier les personnes qui l'accompagnent, de façon que, si
les membres de la commission avaient des questions à poser aux
différents intervenants, nous pourrions les identifier au journal des
Débats et je pense que vous seriez très intéressés
aussi à ce que les membres de la commission vous connaissent
déjà.
M. Rodrigue Dubé, porte-parole de l'Alliance des professeurs de
Montréal, vous avez la parole.
Alliance des professeurs de Montréal
M. Dubé (Rodrigue): Merci, Mme la Présidente.
D'abord, je veux vous présenter, à ma droite, Mme Lorraine
Pagé, première vice-présidente de l'Alliance. À ma
gauche, Mme Yvette Cousineau-Rigazio, aussi membre du conseil d'administration
de l'Alliance. À l'extrême droite, M. Hubert Sacy, directeur
général de l'Alliance et, à l'extrême gauche, M.
Henri Égretaud, directeur de l'information à l'Alliance.
Mme la Présidente, au cas où je n'aurais pas le temps de
citer l'ensemble du court mémoire que nous déposons, nous vous
demanderions le privilège que la partie que nous n'aurions pas le temps
de citer puisse se retrouver consignée au journal des Débats.
La Présidente (Mme Cuerrier): Je voudrais simplement vous
rappeler, M. Dubé, que habituellement, le mémoire intégral
est déposé à la bibliothèque de l'Assemblée
nationale et que, chaque fois que les gens ont l'intention de le consulter, ils
peuvent toujours le demander et le faire venir chez eux. Si vous n'aviez que
trois ou quatre pages, par exemple, nous verrions à la fin de votre
mémoire si nous pourrions l'ajouter comme faisant partie
intégrante de ce que vous avez dit. Mais je ne voudrais pas qu'on arrive
avec ce qu'il est convenu d'appeler des briques parfois, parce que cela pose
d'énormes problèmes au niveau de l'administration chez nous. M.
Dubé.
M. Dubé: Très bien, madame. Nous voudrions,
à l'appui de notre mémoire, déposer la pétition de
quelque 1200 enseignants qui représentent seulement le tiers des
écoles que nous représentons. Les deux autres tiers suivront
incessamment.
Nous déposons donc ces pétitions et nous savons que vous
en ferez bon usage. Ces pétitions ont pour objet de s'opposer au
rapatriement unilatéral de la constitution. Nous voulons donc les
déposer en annexe.
La Présidente (Mme Cuerrier): Nous les remettrons, M.
Dubé, à qui de droit.
M. Dubé: Merci. Mme la Présidente, Mme la
députée et MM. les députés, l'Alliance des
professeurs de Montréal, qui est un syndicat affilié à la
Centrale de l'enseignement du Québec, constitue le plus gros syndicat
d'enseignants du Québec avec 8000 membres, dont quelque 7000 à
temps plein et 1000 à temps partiel.
L'Alliance est un syndicat dont l'origine remonte à 1919 et, tout
au cours de son histoire, l'Alliance est fréquemment intervenue dans les
débats de type linguistique, constitutionnel ou nationaliste. Nous
pouvons retrouver dans l'histoire de l'Alliance des interventions à
l'époque, entre autres, de M. Guindon, ainsi que dans les années
quarante à soixante, à l'époque où on vivait la
grande noirceur du Québec.
Nous sommes réintervenus également dans les débats
linguistiques autour des mémorables projets de loi 63 et 85, tout autant
que sur la loi 22, signalant que, même si la loi 22 constituait un pas
positif dans la bonne direction, nous avons cru bon de critiquer les aspects
qui nous apparaissaient nocifs, à cette époque, et nous nous
sommes déclarés en accord avec la loi 101. Nous espérons
que cette loi 101, qui a été votée par l'Assemblée
nationale du Québec, puisse demeurer dans sa totalité et que nous
puissions même récupérer les parties ou les aspects de
cette loi que certains jugements ont déclaré
inconstitutionnels.
Évidemment, vous verrez dans le cours de notre mémoire que
nous disputons le gouvernement pour la mollesse de l'application de cette
loi-là et nous annonçons que nous allons contester tout groupe,
groupement ou organisation qui voudrait amocher la loi 101. Évidemment,
le projet de rapatriement de la constitution présenté par le
premier ministre Trudeau, à notre sens, constitue une attaque de fond,
quant à cette loi.
Dans le débat constitutionnel, il y a l'aspect de la loi 101,
mais il y a aussi d'autres aspects qui, de notre point de vue, servent à
nous encarcaner dans un système qui a pour effet de diviser les
francophones. Nous n'avons qu'à nous rappeler les positions de la CECM,
positions que nous qualifions de rétrogades, dans le cas, par exemple,
de l'école Notre-Dame-des-Neiges, s'abritant derrière des aspects
constitutionnels pour opposer un refus à des non-catholiques ou à
des personnes qui veulent avoir l'exemption de l'enseignement moral. Faut-il
imposer un
carcan tel qu'il faudrait retourner à une période
antérieure où tout ce qui n'était pas catholique se
retrouvait dans les écoles protestantes?
Le gouvernement Trudeau veut rapatrier la constitution de façon
unilatérale et amender unilatéralement aussi cette vieille
constitution. Le gouvernement Trudeau s'arroge le droit de décider ce
qui est bon pour le Québec, de modifier et d'hypothéquer l'avenir
du Québec, de notre point de vue. Nous avons, hélas, pu constater
avec quel succès les divers gouvernements canadiens ont assuré le
rétrécissement des communautés francophones de l'Ouest et
de l'Est canadien. Devant ce triste bilan, rien ne nous incite à faire
confiance au projet fédéral. (10 h 30)
Nous ne croyons pas non plus que la volonté centralisatrice du
gouvernement fédéral constitue un progrès marquant,
même si le premier ministre Trudeau doit nous accuser de tribalisme.
Permettez-moi de signaler au passage que, lorsque nous présentons notre
mémoire et que nous disons que c'est le retour à l'âge de
pierre, c'est sans un vilain jeu de mots parce que le premier qui nous parle de
tribalisme, c'est celui qui présente le projet de rapatriement de la
constitution et je ne verrais pas pourquoi on ne parlera pas aujourd'hui du
retour à "l'âge de Pierre". Nous nous demandons, au contraire, si
l'État unitaire qui se dessine derrière le projet
fédéral ne s'inspire pas tout simplement des modèles
européens des XVIIIe et XIXe siècles, qu'il s'agisse de
l'État napoléonien, du rêve garibaldien ou de l'unification
forcée de Bismark.
Bref, bien des raisons justifient notre intervention à titre
d'enseignants, d'abord, à titre d'enseignants francophones, ensuite, et
à titre de travailleurs québécois. Notre appartenance
à la réalité québécoise et notre mandat
syndical nous commandent d'exposer notre point de vue. Le mémoire que
nous vous soumettons s'inscrit dans la tradition de l'alliance, comme je vous
l'indiquais tout à l'heure.
Du simple point de vue professionnel, en supposant que cet aspect puisse
être séparé des autres, les enseignants ne peuvent pas
accepter le projet Trudeau de rapatriement et d'amendement à la
constitution, ce qui équivaut à une prise de contrôle par
le gouvernement central de cette constitution. Le projet Trudeau consacre en
effet l'ingérence du fédéral dans l'éducation par
le biais de la langue d'enseignement, secteur qui relève
théoriquement de la compétence exclusive du Québec. Nous
précisons, théoriquement, car les syndiqués que nous
représentons, comme tous les travailleurs de l'enseignement du
Québec, n'ont cesse de subir les désastres permanents et
continuels qui ont résulté des ingérences
fédérales dans notre secteur d'activité.
Ce n'est cependant pas par hasard que les ingérences du
fédéral se traduisent par des désastres. Ce n'est pas non
plus à cause de l'incompétence notoire du gouvernement
fédéral en la matière, cette incompétence ne vient
que compliquer les choses. En fait, c'est la soif inextinguible du pouvoir de
l'État fédéral et c'est essentiellement un conflit de
priorités qui font que nous nous retrouvons face à des situations
dramatiques. En éducation, comme ailleurs, l'État
fédéral ne veut plus seulement représenter, il veut
réglementer. Les expériences vécues par l'Alliance des
professeurs de Montréal le montrent et méritent qu'on s'y attarde
quelque peu. Nous n'en citerons que quelques exemples.
Le fouillis à l'éducation des adultes. Depuis quelques
années, le gouvernement fédéral patauge lourdement dans le
secteur de l'éducation des adultes; tous les ministères y
interviennent: Agriculture, Main-d'Oeuvre, Industrie et Commerce; par tous les
biais et tous les moyens, le gouvernement fédéral s'infiltre dans
les politiques de recyclage.
Il nous semble que le recyclage, c'est de l'éducation, et que
ça devrait relever uniquement et totalement du gouvernement du
Québec.
Donc le fédéral, en finançant des projets de ce
niveau et en ne laissant pas uniquement aux provinces, par le transfert de
points d'impôt ou autrement, la totale administration de cet aspect du
recyclage des travailleurs québécois, influe continuellement sur
les politiques québécoises et ça fait en sorte que les
politiques québécoises ne peuvent être que des politiques
de court terme à ce niveau. Et nous le savons trop bien; lorsque nous
avons dû négocier, l'an passé, notre contrat collectif...
Nous devons même constater que des aspects du contrat collectif pour
lesquels nous avions obtenu un bon règlement sont même
contestés aujourd'hui prétendument par récupération
d'un certain nombre de millions du gouvernement québécois, lequel
dit ne pas être capable de les récupérer du niveau
fédéral.
Donc, cette ingérence continuelle de l'État
fédéral a empêché le Québec, de notre point
de vue, de se doter d'une véritable politique de formation continue et a
transformé ce qui devait être un immense espoir en une
véritable masquarade.
De notre point de vue, une mise en garde s'impose ici: Nous n'approuvons
en aucune manière ce que nous croyons être l'orientation du
gouvernement québécois en termes de formation continue. Nous ne
nous gênons nullement pour la critiquer et la combattre, car elle semble
mettre ce secteur
sur la voie dangereuse et inacceptable. Mais, au moins, avons-nous
à affronter un gouvernement responsable et non pas cette espèce
d'ectoplasme confus et multiforme qu'est le gouvernement fédéral,
lorsqu'il farfouille dans l'éducation.
Et puis ce n'est pas, évidemment, ce dernier
élément qui motive notre intervention, mais nous ne pouvons pas
nous empêcher de conclure sur une boutade: Le gouvernement
fédéral sert un peu trop souvent de prétexte et d'alibi au
gouvernement du Québec, lorsqu'on lui parle de ce dossier. Et je faisais
référence tout à l'heure, entre autres, à nos
négociations sur cet aspect.
Concernant l'immigration et l'accueil des immigrants, je ne crois pas
qu'il soit nécessaire de faire des leçons aux
Québécois et que le gouvernement fédéral vienne
nous dire comment nous devrions être accueillants à l'égard
des immigrants et de nous ouvrir aux autres et comment tracer nos
priorités à l'égard des arrivants.
Même si le fédéral contrôle l'immigration - la
situation s'est bien améliorée grâce aux ententes
Couture-Cullen, mais combien de temps ces ententes seront-elles
respectées, parce qu'une entente, ça peut se modifier n'importe
quand - le gouvernement fédéral n'a pas empêché les
enseignants du Québec, particulièrement ceux de Montréal,
de faire un succès, de notre point de vue, de la politique d'accueil des
immigrants. Le Québec est devenu une société où,
objectivement, les Néo-Québécois peuvent s'intégrer
facilement sans être assimilés. Nous ne méritons pas le
mépris du premier ministre fédéral, ni de tous les
aboyeurs professionnels qui versent des larmes de crocodile sur le sort "des
minorités opprimées de la loi 101". L'épanouissement des
communautés ethniques à Montréal jouit de conditions
incomparables par rapport à celui des minorités de Toronto, de
Winnipeg ou de Calgary. Faudrait-il aller voir sur place pour vraiment le
constater. Au Québec, intégration, de notre point de vue, encore
une fois, ne signifie pas assimilation ou tassement ou "melting pot".
Que de patience, que d'habileté et que de prudence il a fallu aux
gouvernements québécois et aux enseignants pour réussir
à faire vivre des classes d'accueil et que de difficultés
avons-nous rencontrées pour la mise en place des COFU Non, vraiment, le
grand frère fédéral n'a pas de leçon à nous
donner et ce que nous avons réussi, c'est un peu beaucoup malgré
lui et qu'il ne vienne pas, maintenant, détruire ce que nous avons
fait.
En quoi, maintenant, le projet Trudeau est-il inacceptable pour des
enseignants francophones? Depuis plus de quinze ans l'Alliance des professeurs
de Montréal croit à un Québec français. Rappelons
donc qu'en 1968 l'Alliance dénonçait l'anglicisation de plus en
plus évidente de Montréal et exigeait du gouvernement
Québécois des mesures propres à corriger cette situation.
Il y eut donc les lois 63 et 85 que nous combattîmes parce qu'elles
consacraient la bilinguisation du Québec et de son enseignement, et
affirmaient la prédominance des droits individuels (le libre choix) sur
les droits collectifs de la nation québécoise. Il y eut,
évidemment, la loi 22, un pas timide dans la bonne direction, et, enfin,
la loi 101 dont la qualité et l'esprit nous ont réjouis.
Il est regrettable, de notre point de vue, que le gouvernement du
Québec tolère qu'un grand nombre d'enfants allophones
fréquentent illégalement les classes anglaises de la CECM et du
PSBGM et probablement de bon nombre d'autres commissions scolaires du
Québec. Nous vous rappelons ou nous vous apprenons que nous avons
officiellement déposé une plainte devant la Commission de
surveillance créée par la loi 101 et que nous avons
signalé le problème au ministre d'État, Camille Laurin,
à l'époque, qui nous a conseillé de nous en remettre au
ministre de l'Éducation, M. Jacques-Yvan Morin, en 1979
précisément.
Depuis, nous attendons sans avoir pu distinguer l'ombre d'une mesure et
je signale que, même encore il y a deux semaines, nous avons
rencontré des représentants du ministère de
l'Éducation et nous attendons encore aussi des mesures. Mais si nous
dénonçons - et je le rappelle - la mollesse du gouvernement, nous
acceptons encore bien moins les volontés de tout autre parti politique
de vouloir amocher cette loi 101 et de vouloir faire entrer des allophones dans
les classes anglaises, que ce soit par le biais du rapatriement de la
constitution ou que ce soit par d'autres biais. On signale que, de notre point
de vue, le projet fédéral est même moins pire que la sale
job que d'autres veulent faire ici au Québec.
Le peu d'énergie du ministre de l'Éducation et les
intérêts ambivalents de la CECM ont fait que des classes anglaises
de la CECM sont encore truffées d'immigrants illégaux,
probablement de l'ordre de 1200, qui reçoivent des bulletins de notes
"parallèles" - nous serons en mesure d'apporter une preuve
là-dessus - qui seront reconnus par les institutions privées ou
par les institutions ontariennes ou encore par celles qui seront reconnues.
Nous avons aussi constaté que le PSBGM a développé
un fort réseau de classes d'accueil pour les enfants d'immigrants, ce
qui est à première vue réjouissant, ce qui a réjoui
d'ailleurs l'ex-ministre de l'Éducation, mais qui est aussi un petit peu
suspect. Demander au PSBGM, structure administrative anglophone, de venir
franciser les immigrants, c'est un peu comme demander au renard de surveiller
les poules.
Malgré ce laxisme du ministère de l'Éducation et
malgré l'ayatollisme forcené de la CECM qui se ferme à
tous ceux qui ne correspondent pas à sa définition du
catholicisme intégriste pur et dur, nous constatons avec plaisir que la
situation du français s'est améliorée à
Montréal, mais pour combien de temps?
Nous constatons aussi que la minorité anglophone au Québec
jouit de plus d'avantages, je le répète, que n'importe quelle
communauté francophone ailleurs au Canada et qu'elle ne semble
particulièrement pas opprimée. Nous constatons aussi qu'une paix
linguistique règne au Québec. Qui ne se souvient pas de
Saint-Léonard et du McGill français? Et voilà que le
gouvernement Trudeau veut détruire tout cela et recréer le chaos
de 1970?
Que les immigrants aillent à l'école de leur choix, que
les Canadiens aillent à l'école de leur choix, quel Québec
aurons-nous alors? Une Louisiane du Nord? Faut-il constater qu'au Québec
l'augmentation de la population, l'aspect démographique, est au point
zéro, dans ces dernières années? Si nous tenons compte des
décès, si nous ajoutons donc les naissances plus l'immigration,
nous arrivons au point zéro et, si les immigrants s'en vont du
côté anglophone, quel sera notre situation ou notre avenir dans
l'an 2000? Grossissement de la minorité anglophone du Québec,
donc diminution de la minorité francophone nord-américaine.
Encore une fois, nous n'avons pas de leçon à recevoir
d'Ottawa, ni de l'Ontario, ni du Manitoba, ni de la cinquième colonne
qui tente de nous culpabiliser. Le Québec francophone, au temps de la
loi 101, est l'État qui respecte le mieux ses minorités. Telle
est la vérité.
Une dernière imposture doit être soulignée. Le
premier ministre fédéral affirme avec une certitude immorale
qu'il n'a fait que reprendre dans sa charte des éléments de St.
Andrews. On ne peut manquer de signaler qu'il y a là une manipulation
des faits et des textes. Prendre la première partie d'une phrase,
c'est-à-dire les intentions, et oublier volontairement la seconde,
c'est-à-dire les accords de réciprocité, c'est se livrer
à une fraude intellectuelle que l'on appelle tout simplement dans notre
langage un mensonge.
Et lorsque le gouvernement fédéral veut bouleverser cette
paix, tout Québécois doit s'opposer à un tel projet. C'est
une question d'honneur; c'est une question de dignité et non une
question de calculs électoralistes.
C'est aussi un projet inacceptable pour les travailleurs
québécois. Faut-il se rappeler que ce gouvernement qui veut
inclure une charte des droits et libertés dans son projet d'amendement
n'inclut pas l'ensemble de la protection des droits qu'on retrouve dans la
Charte des droits et libertés de la personne du Québec, le
droit d'association, etc.? On ne trouve pas également une protection
à l'égard du droit d'association tel que celle que nous pensons
retrouver dans cette charte du Québec, mais ce qu'on trouve
particulièrement odieux ou incompréhensible, c'est comment il se
fait que ce premier ministre fédéral ou ce gouvernement
fédéral, qui se fait, dit-on, le défenseur des droits et
libertés, se conserve les mêmes droits et les mêmes pouvoirs
que cette constitution lui accordait en 1970, c'est-à-dire l'imposition
des mesures de guerre. Il y a quelque chose, comme on dirait, d'inégal
là-dedans. D'un coup, il dit vouloir donner des protections et
libertés et, de l'autre coup, il se donne le droit à tout moment,
prétendument pour l'utilisation de la loi des mesures de guerre -et on
sait de quelle façon cela a été utilisé en 1970 -
pour supprimer ces mêmes droits et libertés d'un seul coup, par
décision administrative. (10 h 45)
Le temps passant, je me permets donc de glisser quelques pages, mais de
rappeler que les interventions du fédéral ont eu
régulièrement pour objet de rétrécir les souliers
des Québécois. Rappelons-nous la ligne Borden, en 1961, contre le
développement pétrochimique dans l'axe Hamilton-Sarnia au
détriment des complexes montréalais; l'aménagement de la
voie maritime du Saint-Laurent qui a déplacé le transport
maritime canadien vers l'Ontario; le pacte de l'automobile en 1965;
l'aéroport de Mirabel qui s'est situé plutôt vers l'Ontario
que dans le centre du Québec et, très récemment, l'affaire
des avions de chasse où le gouvernement fédéral
réussit le tour de force de défavoriser l'industrie
aéronautique québécoise, la seule au pays, en refilant au
Québec quelques vagues promesses aussi solides et aussi fiables que le
moteur de l'avion en question.
Enfin, le projet Trudeau entrave toute possibilité de politique
de main-d'oeuvre québécoise. Il néglige les droits des
femmes, des handicapés, des chômeurs, des enfants et des
vieillards. Pour une charte des droits et libertés, voilà bien
des lacunes! Mais s'agit-il vraiment de lacunes ou de cynisme?
Habituellement, le gouvernement du Québec n'est pas notre
allié naturel et nous avons souvent l'occasion d'afficher nos
désaccords avec ce gouvernement mais, dans le cas qui nous
préoccupe, nous avons le strict devoir de nous opposer au coup
d'État fédéral et de demander à l'Assemblée
nationale de s'y opposer de toutes ses forces, pas au nom des politiques de
parti, mais au nom du Québec.
Nous demandons à l'Assemblée nationale d'affirmer le droit
du Québec à l'autodétermination et de s'opposer
farouchement au projet Trudeau, mais nous
savons aussi que seule la mobilisation populaire peut faire échec
au projet fédéral et aucun parti n'est capable de s'opposer
efficacement au gouvernement Trudeau sans cet appui populaire. Quant a nous, au
sein du mouvement syndical, force de progrès social, nous prendrons nos
responsabilités. Nous demandons aux députés de
l'Assemblée nationale, quel que soit leur parti, de défendre les
intérêts de notre nation en faisant tout ce qu'ils sont capables
de faire, et même un peu plus. C'est vraiment le moins que l'on puisse
exiger d'eux en ces circonstances.
Notre conclusion sera donc brève et nous la faisons au nom de
l'avenir. Le projet Trudeau, loin de constituer un élément de
progrès, nous ramène selon ses volets - et nous l'avons vu - aux
XIXe, XVIIe, XVIIIe siècles. Non, merci! Très peu pour nous. Nous
croyons que la constitution est une affaire trop importante pour être
laissée à la volonté d'un homme qui veut indiscutablement
nous amener à I'"âge de Pierre.
La Présidente (Mme Guerrier): M. le ministre des Affaires
intergouvernementales.
M. Morin (Louis-Hébert): Merci, Mme la Présidente.
Je vais faire un commentaire à partir de ce que vous avez dit et
à partir aussi de ce que j'ai vu dans les textes à venir d'autres
intervenants, comme on a pu le voir aussi à partir de textes soumis hier
et le mois dernier.
Il y a une chose qui me frappe; c'est qu'à peu près
partout on retrouve une sorte de commun dénominateur dans tout ce qui
nous a été soumis jusqu'à maintenant, un commun
dénominateur qui est directement axé sur la langue, sur la
politique linguistique du Québec et sur le français. Ce que je
veux dire en termes plus clairs, c'est qu'il y a une chose que tout le monde
semble avoir, a priori, sans consultation préalable, perçu dans
l'offensive fédérale contre les provinces et contre le
Québec, en particulier, et on a vu la même chose chez des
éditorialistes et chez des commentateurs. Ce que tout le monde semble
avoir perçu, c'est qu'il y a un élément du projet
fédéral qui est, au fond, une offensive sans
précédent contre le français, et je dirais même le
français au Canada et au Québec. Je vais m'expliquer.
Cet été, pendant les mois qui ont servi à la
négociation qui a finalement avorté -j'étais
accompagné à l'époque, je le disais hier, par M. Charron,
M. Bédard et aussi M. de Bellefeuille qui est Franco-Ontarien de
naissance, incidemment - on a remarqué ensemble que, du
côté fédéral, je dirais la moitié de la
motivation dans le projet qu'il avait, c'était au fond d'écraser
définitivement toute possibilité pour le
Québec d'avoir une politique linguistique autonome convenant
à ses besoins, en somme de lui enlever les moyens, pour l'avenir,
d'arriver avec une politique linguistique comme celle qu'on a, qui est la loi
101, ou d'autres qui pourraient lui ressembler.
Quelquefois, je me demande même si ce coup de force qu'on vit
maintenant, on l'aurait vécu s'il n'y avait pas eu la loi 101. Je suis
arrivé à la conclusion morale - je ne peux pas le
démontrer par statistiques ni par expérience scientifique, mais
je pense que c'est aussi la conclusion de M. de Bellefeuille qui est avec moi,
qui a vécu une expérience aussi, la même que la mienne,
l'été dernier - qu'au fond, tout cela, ce qui se passe,
satisferait le gouvernement fédéral si au moins il atteignait un
objectif: pas de politique linguistique autonome au Québec.
Et je dis que c'est une attaque contre le français au
Québec et au Canada. Je vais le démontrer. D'abord, au
Québec. Tout le monde le sait maintenant, ce que le projet
fédéral ferait, ce que le projet des libéraux
fédéraux ferait, c'est de nous enlever les moyens d'avoir la
politique linguistique que nous avons maintenant, en permettant à
l'anglais au Québec de bénéficier, quasiment pour le reste
de l'éternité, du statut privilégié qu'on a connu
pendant des générations.
Et en même temps qu'on fait cela au Québec, en même
temps qu'on bloque la possibilité pour le Québec d'agir comme il
l'entend pour protéger une langue qui n'est quand même pas
majoritaire en Amérique du Nord, c'est le moins qu'on puisse dire, en
même temps qu'on fait un coup de force contre le Québec et contre
le français, on ne fait pas le même coup de force en Ontario pour
protéger le français. Cela nous a été dit hier par
l'Association canadienne-française de l'Ontario.
Il y a quelque chose là qui me semble d'une évidence
éclatante. On écrase le français au Québec et on ne
donne pas un coup de main au français en Ontario. Je ne dis pas que ce
serait acceptable de faire un coup de force contre l'Ontario, mais je dis que,
quant à faire un coup de force, faisons-le partout ou ne le faisons
nulle part.
On a vu, le mois dernier, un monsieur de Saskatchewan dont j'oublie le
nom qui est venu nous rencontrer pour nous exposer la situation chez eux.
Une voix: M. Gauthier.
M. Morin (Louis-Hébert): M. Gauthier, c'est cela.
Une voix: M. Pinsonnault.
M. Morin (Louis-Hébert): M.
Pinsonnault. De sorte que, quand vous regardez le projet
fédéral, c'est, à mon avis,
tellement clair que cela me semble frapper tout le monde, puisque tout
le monde en parle sans concertation préalable; c'est au fond une attaque
contre le français au Québec et c'est une non-défense du
français dans le reste du Canada, quoi qu'on dise.
Je ne pense pas qu'on ait déjà vu cela dans le
passé. Et toute l'entreprise fédérale n'a peut-être
de signification et de sens que si on la comprend dans cette perspective.
Par-dessus le marché, c'est à un Parlement de langue anglaise, le
Parlement britannique, qu'on veut demander de diminuer les pouvoirs du
gouvernement du Québec, seul gouvernement francophone en Amérique
du Nord, de protéger et de promouvoir le français. On vit dans ce
genre d'absurdité.
Je vais conclure. Tout ce qui, au Québec, comme parti politique,
comme groupement, tend à mettre en cause l'acquis linguistique et la
politique linguistique a automatiquement l'appui des libéraux
fédéraux. C'est une vaste offensive qui s'exerce sur le plan
constitutionnel, sur le plan politique et à d'autres égards et
qui est une bataille à finir. Ce que nous vivons maintenant, en 1981,
c'est la conséquence de luttes linguistiques et, si vous voulez, une
sorte de situation dont nous héritons, mais qu'on a vue dans d'autres
manifestations au siècle dernier, dans diverses provinces.
Moi je le dis, je ne passe pas pour un nationaliste exacerbé, les
gens le savent. Mais j'ai été frappé de ce qui est
arrivé cet été quand Pierre de Bellefeuille, à un
moment donné, parlait de la politique linguistique du Québec et
qu'on a vu cette situation absurde où le ministre de l'Ontario, M. Wells
- je peux le mentionner, son nom a sorti dans les journaux à
l'époque - est venu, à toutes fins utiles, nous donner des
leçons à nous du Québec, sur la façon de
protéger la minorité linguistique chez nous, en se fondant sur
leur expérience à eux, en Ontario. Je ne sais pas si vous voyez
l'absurdité de la situation. On n'a même pas eu le temps de
répondre. M. Hatfield, premier ministre du Nouveau-Brunswick, bonhomme
fort sympathique, quoique imprévisible - il n'était pas
prévisible ce matin-là - est allé dire à l'Ontario:
S'il y a quelqu'un qui n'a pas de leçon à donner au Québec
en matière linguistique, c'est vous, l'Ontario, et c'est toutes les
autres provinces.
Malgré tout ça, voici que le fédéral nous
bloque au Québec ou veut nous bloquer pour la politique linguistique et
ne donne aucune chance dans le reste du Canada. Les libéraux
fédéraux s'associent avec n'importe qui va mettre en cause notre
politique linguistique. Cela fait longtemps que je voulais dire ça. J'ai
l'occasion de le faire, mais ça me frappe de voir qu'entre ce qu'on a
dit ce matin - il a d'autres mémoires qui vont venir; alors, ce que je
dis là vaut pour d'autres aussi - aussi ce qu'on a vu hier et le mois
dernier, il y a une constante. Tout le monde s'aperçoit que ce qui est
en cause, au fond, c'est la possibilité pour le seul État
francophone en Amérique du Nord de protéger et de promouvoir le
français, comme il l'entend. Ce n'est même pas une question que je
vous pose. C'est une remarque que je faisais. Je m'excuse d'avoir pris autant
de temps. J'ai fini mon intervention, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Dubé.
M. Dubé: J'aurais aimé que le ministre ajoute
également que les forces ne sont pas uniquement au fédéral
quant au transfert de nos droits de francophones ou encore quant à la
diminution de la population francophone au Québec. Cela arrive quand des
allophones ou encore des immigrants ou des personnes venant des autres
provinces vont s'intégrer dans les écoles anglaises du
Québec. Il y a d'autres groupements aussi au Québec qui veulent
modifier les politiques de la loi 101, ce qui, de notre point de vue, aurait
pour effet de permettre dans très peu de temps que les allophones qui le
voudraient pourraient tous passer du côté anglais. Faut-il savoir,
par exemple, ou faut-il se rappeler que tout citoyen canadien... Je suis
allophone aujourd'hui, j'arrive d'Italie. Cela fait maintenant trois ans que je
suis au Québec, je suis donc devenu citoyen canadien, je peux donc
envoyer mes enfants à l'école anglaise, si je parle anglais. On
retrouve cela dans certains projets politiques.
Donc, nous aimerions, nous, que les partis politiques du Québec
s'unissent pour faire en sorte que le projet fédéral soit
contré, mais qu'en plus les immigrants, comme dans tout pays au monde,
viennent s'ajouter à la majorité qui est là et non pas
renforcer la minorité qui est là.
M. Morin (Louis-Hébert): Mme la Présidente, ce que
M. Dubé dit ne fait que confirmer - je ne suis pas entré dans les
détails - ce que j'ai mentionné tout à l'heure. Il
démontre que l'application de ce projet fédéral aurait
l'effet dont j'ai essayé tantôt de tirer les grandes
conséquences. On assiste à la plus grande offensive contre la
volonté québécoise d'affirmer et de promouvoir le
français, la plus grande offensive qu'on n'ait jamais vue, à ma
connaissance, en tout cas, depuis que le Québec existe.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de D'Arcy McGee.
M. Marx: J'ai été beaucoup frappé quand le
témoin a dit qu'on ne peut pas franciser des immigrants au Protestant
School Board de Montréal. Je pense qu'on
peut franciser un immigrant dans une école française. Si
l'école française est protestante ou catholique, je ne pense pas
que ça fasse de différence. Je ne pense pas que ça prenne
un Canadien français pour franciser un immigrant. Je pense que ça
prend un francophone pour franciser un immigrant. Je ne pense pas que je doive
vous donner l'information qu'on peut être francophone et non Canadien
français. Donc, pour moi, je pense qu'on peut bien franciser des
immigrants dans les écoles françaises où il y a des
enseignants qui sont francophones, où il y a des secrétaires qui
sont francophones et ainsi de suite. J'imagine que vous êtes au courant
qu'il y a des écoles françaises à Montréal qui ne
sont pas des écoles dirigées par des Canadiens français
où on francise des immigrants. (11 heures)
Mais la question que j'aimerais vous poser porte sur un autre
élément de votre mémoire. Vous êtes au courant que
la démarche unilatérale du gouvernement fédéral est
inacceptable pour le Parti libéral du Québec et nous avons dit
ça à maintes reprises. À la page 9 de votre
mémoire, vous faites une affirmation qui ne tient pas du tout. Vous avez
écrit: En favorisant la liberté d'expression - article 2 - ce qui
est louable, le projet Trudeau vise en fait les dispositions de la loi 101 sur
l'affichage et la publicité. Je pense que dans ces affirmations vous
faites le jeu du gouvernement, c'est-à-dire que vous menez une campagne
de peur pour dire: Si on fait telle et telle chose, si on met telle et telle
chose dans une charte des droits, ce sera terrible pour la langue
française au Québec. On a entendu cela hier soir parce que les
gens qui viennent devant cette commission sont souvent les mêmes
associations qui ont appuyé le gouvernement lors du
référendum; pas aujourd'hui, mais souvent c'est le même
disque qu'on joue. Par exemple, il y a beaucoup de témoins qui sont
venus nous dire que, si on met dans une charte des droits un article qui
prévoit la liberté de mouvement des Canadiens partout au Canada,
ce sera terrible pour la langue française au Québec, ce sera un
coup de force contre la langue française au Québec. Je pense que
c'est un non sens. Cela ne se tient pas debout.
Par exemple, pour revenir à votre citation, vous avez dit que, si
on met dans une charte des droits une disposition pour protéger la
liberté d'expression, ça va, dans un sens, nuire à la
langue française au Québec et ça va rendre illégale
une disposition dans la loi 101. Mais il y a une charte des droits et
libertés du Québec où on prévoit la liberté
d'expression et cette charte des droits et libertés au Québec
où on protège la liberté d'expression a
prépondérance sur la charte de la langue française. On n'a
jamais dit que la charte des droits et libertés du Québec va
mettre ou va rendre illégale une disposition de la loi 101. Donc, si
vous faites des affirmations, j'aimerais que ces affirmations soient
étayées, supportées par quelque chose; ça va
sûrement aider la commission à apprécier votre
intervention.
La Présidente (Mme Cuerrier): J'espère attirer
votre attention, M. le député de D'Arcy McGee. Je pense que vous
utilisez pas mal de temps et je me rends compte que... J'ai
présumé que le consensus...
M. Marx: Pas plus que le ministre...
M. Forget: Tout à l'heure, vous sembliez distraite.
La Présidente (Mme Cuerrier): Un instant, s'il vous
plaît. Voulez-vous vous allez me laisser terminer et vous pourrez faire
vos remarques ensuite. S'il vous plaît! Je constate que M. le
député de D'Arcy McGee n'est ni membre, ni intervenant à
cette commission et que j'ai présumé - je fais amende honorable -
du consensus de cette commission. Ce que j'allais vous dire, j'espère
que vous n'avez pas préjugé de mon intervention, c'est que vous
prenez pas mal du temps de cette commission et que, dans votre formation
politique, il y a M. le député de Jean-Talon qui m'avait
demandé la parole. Je voulais simplement vous demander d'abréger,
M. le député. Cela va?
M. O'Neill: Est-ce que désormais, les qens qui ne sont pas
membres de la commission pourront intervenir?
La Présidente (Mme Cuerrier): Non, il n'est pas question
de ça, mais personne dans la salle, au moment où j'ai
accordé la parole à M. le député, n'a
soulevé de question de règlement et c'est bien pourquoi...
M. O'Neill: Nous ne savions même pas s'il était
intervenant...
La Présidente (Mme Cuerrier): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Morin (Louis-Hébert): On va le laisser aller, cela ne
nuit pas de toute façon.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Dubé.
M. O'Neill: De toute façon, ce n'est pas grave.
M. Dubé: Quand nous disons qu'il ne nous apparaît
pas sage de confier aux renards le soin de garder les poules, nous savons bien
que dans les écoles du PSBGM il y a des classes francophones, mais nous
sommes particulièrement inquiets lorsque
nous entendons les déclarations de la présidente du PSBGM,
Mme June Doherty, qui, devant la commission fédérale, a fait des
déclarations pas trop heureuses à l'égard des
francophones.
M. Marx: Ce ne sont pas des classes françaises...
M. Dubé: Des écoles aussi. Des écoles, mais
sous administration anglaise.
Deuxièmement, on fait référence à des
campagnes de peur en regard de la publicité. De notre point de vue, il
nous semble que le Québec doit afficher son visage français et
cela se voit ça par l'extérieur également et par
l'affichage.
Cela me surprend d'entendre parler de campagne de peur lorsque, par
exemple, lors du débat sur le référendum, on faisait peur
aux Québécois en leur disant: Vous allez perdre vos pensions,
vous allez perdre vos prestations d'assurance-chômage, vous allez perdre
tout ce qui vous vient du fédéral. Campagnes de peur, on peut en
parler, il y en a de toutes sortes, mais ici je ne crois pas que ce soit une
campagne de peur, c'est une réalité.
On se promenait dans les rues de Montréal et, il y a quelques
années, nous avions l'impression que nous étions dans une ville
anglaise; aujourd'hui, nous voyons une amélioration.
M. Forget: ... une question spécifique sur une affirmation
qui est contenue dans son mémoire.
La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît, M. le
député de Saint-Laurent'.
M. Forget: Et il se lance encore dans une espèce de
diatribe qui n'a rien à voir avec la question qui lui a
été posée. Je pense qu'il serait peut-être normal,
Mme la Présidente, qu'on demande au témoin de collaborer avec la
commission.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le président de
l'Alliance.
M. Dubé: Donc, et en dernier lieu, on veut assimiler notre
point de vue sur la liberté d'expression en disant... Parce qu'on dit
que la liberté d'expression est louable, qu'on ne comprenne pas et qu'on
ne fasse pas de lien avec le projet fédéral par rapport à
la loi 101; c'est que, sous le camouflage de la liberté d'expression, le
projet fédéral vient attaquer la loi 101 et nous disons que c'est
malicieux, vicieux, malhonnête, nous le condamnons et nous voulons que la
loi 101 demeure ce qu'elle est au Québec, pour que les francophones
puissent continuer leur épanouissement. On ne veut pas que par le biais
de la liberté d'expression...
M. Forget: ... quelque chose de malicieux et de malhonnête,
on les retrouve dans les affirmations qui sont faites devant nousl
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le
député...
M. Bertrand: À l'ordre!
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Saint-Laurent, à l'ordre, s'il vous plaît!
M. Forget: II est absolument intolérable de voir des
affirmations aussi gratuites être formulées à deux reprises
par le témoin.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député,
s'il vous plaît, est-ce que je pourrais vous demander qu'au moins... J'ai
une longue expérience de votre façon de fonctionner et je sais
qu'habituellement, vous vous conformez très bien au règlement et
que vous auriez pu soulever une question de règlement si vous l'aviez
voulu. Je pense que vous vous êtes peut-être laissé un peu
emporter et peut-être moi aussi, puisque je vous ai rappelé
à l'ordre de façon un peu plus forte que je n'ai l'habitude de le
faire. M. le président de l'Alliance.
M. Dubé: Je conclurai par une boutade là-dessus,
Mme la Présidente: un premier ministre du Québec disait que,
lorsqu'on prête des intentions aux autres, c'est comme l'argent, il faut
en avoir pour en prêter.
M. Forget: C'est ça, ça s'applique à
vous.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Châteauguay.
M. Dussault: Merci, Mme la Présidente. M. le
président de l'Alliance, vous avez, dans les vingt minutes qu'on vous
allouait, trouvé le moyen quand même d'exposer, tout au cours de
votre mémoire, la position de l'Alliance, mais vous avez sauté un
petit bout sur lequel j'aimerais qu'on revienne, à la page 9 plus
précisément, où il est question de langue de travail.
Vous dites: La langue fait partie de nos conditions de travail, et vous
ajoutez plus loin: En empiétant sur les pouvoirs du gouvernement
québécois en ces domaines, le gouvernement fédéral
affecte les conditions d'emploi et de travail des Québécois.
J'aimerais vous voir parler davantage de cette question, parce que je
pense qu'elle est importante.
M. Dubé: On n'a qu'à se rappeler la loi
que le gouvernement du Québec a adoptée dans le domaine de
la construction, donnant la priorité aux travailleurs
québécois sur des chantiers québécois par rapport
à des travailleurs venant d'autres provinces.
Nous pourrions également parler des achats
préférentiels que le gouvernement du Québec pourrait faire
dans des industries implantées ici au Québec.
Mais est-ce qu'une telle politique, dans un projet comme celui du
fédéral actuellement, ne serait pas attaquée? Si le
gouvernement québécois n'avait plus la possibilité - par
un jugement d'interprétation de la charte fédérale - de
dire: Même si c'est un soumissionnaire qui n'est pas le plus pas
soumissionnaire, parce que c'est un soumissionnaire québécois et
que ça encourage l'emploi chez nous, nous voudrions accorder le contrat
à cette entreprise québécoise. Eh bien, selon le principe
de la libre circulation d'une province à l'autre, de notre point de vue,
les travailleurs québécois seraient attaqués.
Il y a d'autres gouvernements, à l'extérieur, qui
pratiquent ces politiques, mais ils ne s'en vantent pas. Ici, au Québec,
on est capable de faire les choses très ouvertement et de dire: Pour
telles et telles raisons, nous allons privilégier notre industrie ou
privilégier nos travailleurs. Nous sommes en accord avec ça.
La loi fédérale nous semble attaquer ces droits qui
existent dans la présente constitution. Si on voulait amender ces
aspects, les corriger ou les développer, encore faudrait-il que ce soit
d'un commun accord.
La Présidente (Mme Cuerrier): Monsieur...
M. Dussault: Mme la Présidente, si vous me permettez? Sans
doute que ces propos, M. le président de l'Alliance, pourront alimenter
la réflexion du député de D'Arcy McGee. J'aurais une
deuxième question à vous poser. Dans le projet de M. Trudeau, on
laisse croire qu'il y aurait des garanties de justice à l'égard
de tous les francophones du Canada dans une politique linguistique
symétrique, à savoir que l'on accorderait exactement les
mêmes droits aux francophones à travers le Canada qu'aux
anglophones à travers le Canada. Est-ce que vous pensez qu'il y a
véritablement des garanties de justice dans cette politique de M.
Trudeau? Est-ce que vous êtes d'accord avec cette politique?
M. Dubé: D'une part, dans le projet fédéral
actuellement, on dit qu'on veut assurer à la minorité anglophone
du Québec -ce n'est pas dit comme ça, mais en
réalité c'est ça - qu'elle pourra se développer et
continuer son expansion au détriment de la minorité francophone.
On impose une règle comme ça au Québec en vertu de
l'application de l'article 133, si ma mémoire est bonne, et, pour
l'Ontario où encore on a une minorité francophone, à
l'inverse, on ne retrouve pas, dans le projet constitutionnel,
d'imposition.
Nous ne voulons pas embarquer dans le débat à ce
niveau-là. De notre point de vue, si la communauté francophone du
Québec est vraiment sous la totale responsabilité du gouvernement
du Québec, si on a un gouvernement fort qui est capable de nous
protéger et de défendre nos droits à ce niveau-là
et que ce n'est pas un régime fédéral qui puisse
intervenir là-dedans, c'est la meilleure garantie et la meilleure
défense qu'on peut avoir de nos minorités à
l'extérieur.
Si les autres gouvernements des autres provinces donnaient autant aux
francophones de leur province que nous donnons actuellement aux anglophones de
notre province, je pense que nous n'aurions pas l'ensemble des revendications
des associations francophones hors Québec qui, à juste titre
actuellement, dénoncent toutes les oppressions que les gouvernements
anglais peuvent leur faire subir dans les autres provinces. Faut-il se rappeler
des jugements ancestraux ou encore des applications dans des provinces de
l'Ouest qui ont fait en sorte que ç'a été la disparition
totale des francophones, même si, à l'origine, dans une de ces
provinces-là, les francophones formaient une bonne partie de la
population de cette province-là. Aujourd'hui c'est l'extinction du
groupe francophone.
Donc, les accords de réciprocité maintenant pourraient se
faire sans que nécessairement ça puisse être à
l'intérieur d'une constitution, mais ce serait un échange entre
gouvernements. Pourquoi a-t-il fallu, par exemple, lorsque le Québec a
voulu ménager des accords de réciprocité avec les autres
provinces, qu'il y ait une intervention fédérale pour recommander
aux premiers ministres des autres provinces de ne pas signer de tels accords?
De notre point de vue, c'était, encore là, une ingérence
dans les matières qui étaient de niveau provincial.
Évidemment, c'est de l'ordre politique. On va laisser aux partis
politiques le soin de se débattre là-dessus, mais nous allons
continuer à soutenir nos revendications à ce
niveau-là.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le chef parlementaire de
l'Union Nationale.
M. Le Moignan: Merci, Mme la Présidente. J'aurais juste un
point. Vous avez fait dans votre présentation un peu le procès
des faiblesses et des injustices du système fédéral dans
le passé. Je pense bien que tout le monde est d'accord avec votre groupe
là-dessus parce qu'il y a eu beaucoup de points
faibles. Quand on parle de rajeunir, de renouveler le système
fédéral canadien, c'est parce qu'on voudrait mettre fin à
toutes les injustices non seulement à celles qui ont frappé le
Québec, mais aussi à celles qui ont marqué de façon
particulière les francophones à la qrandeur du Canada.
Je comprends un peu le but de votre mémoire. Comme d'autres
groupes, vous êtes des enseignants. Peut-être que la moitié
des témoins qui vont comparaître sont également
mêlés à l'enseignement d'une façon ou d'une autre.
Je pense que c'est une des raisons qui expliquent que les droits linguistiques
de la charte et la loi 101 vous affectent, vous touchent de façon
particulière à cause du système d'enseignement auquel vous
êtes mêlés, et je vous comprends.
Je ne souhaite pas que le projet de résolution de M. Trudeau soit
adopté; je ne souhaite pas, non plus, qu'il devienne viable ou qu'il
passe, pas plus que vous autres. Mais si jamais une telle chose se produisait,
alors que les francophones des autres provinces, dans une certaine mesure,
souhaitent voir les droits linguistiques protégés dans une charte
fédérale, à ce moment-là il y a la contrepartie que
nous ne souhaitons pas tellement, ce serait une attaque à la loi 101, ce
serait donc une affaiblissement un peu de ce que nous avons réussi
à gagner au cours des dernières années.
Avez-vous des études ou des statistiques en supposant que le
projet passe? Si le projet ne passe pas, à ce moment-là il risque
de ne pas passer, non plus, pour les francophones des autres provinces. Quelle
serait la conclusion de ce projet, de ce coup de force, s'il passait ou s'il
était raté? (11 h 15)
M. Dubé: Je n'ai pas par devers moi, ce matin, les
statistiques à l'égard de cela, si ce n'est que de vous rappeler
ce que je vous ai mentionné tout à l'heure, notre
évolution au plan démographique au Québec et ce qui se
passerait si tous les allophones ou si une partie des allophones passaient du
côté anglais. À ce moment, il y aurait une augmentation de
la communauté anglophone du Québec et le
rétrécissement en proportion de la communauté
francophone.
Je comprends qu'à un moment donné on veuille
défendre les droits des minorités et qu'on assure une protection
aux francophones hors Québec en termes de minorité, mais en
regardant la minorité hors Québec dont on parle, il faudrait
regarder les francophes du Québec comme minorité dans le
continent nord-américain. À cause de la situation dans laquelle
nous sommes actuellement, minorité francophone dans le continent
nord-américain, nous devons laisser au seul gouvernement qui a la
direction de cette minorité le soin de défendre cette
minorité et nous assurer tout l'embrigadement autour de telle sorte
qu'on ne soit pas assimilé par des effets de politiques d'immigration ou
d'autres, ce qui ne semble pas être le cas des autres provinces,
c'est-à-dire que les autres provinces pourraient accorder des droits aux
francophones ou un enseignement en français, sans que soit mise en cause
la situation des anglophones en Amérique du Nord. À notre point,
il ne faut pas analyser le problème des droits des francophones hors
Québec de la même façon qu'il faut analyser les droits des
anglophones du Québec, d'autant plus que sans obligations
constitutionnelles, ils ont reçu plus que les minorités hors
Québec qui n'avaient aucune protection constitutionnelle. Je ne voudrais
pas m'embarquer sur le projet fédéral et dire: Nous voudrions
obtenir tel amendement dans le projet fédéral. Ce que nous
disons, c'est, s'il y a lieu d'avoir un rapatriement de la constitution, cela
devrait être débattu par les partenaires dans une entente
conjointe des provinces et du fédéral et on verra quel type
d'aménagement nous pourrions faire pour les francophones hors
Québec. Mais, pour le moment, il n'est pas question de venir jouer dans
ces plates-bandes sans entente. On va garder le contrat tel qu'il est. Cela
nous permet au moins de vivre à ce moment-ci.
M. Le Moignan: Mais, actuellement, étant donné la
loi 101, concernant les immigrants et les allophones, je pense qu'il y a tout
de même une protection très solide pour le fait français,
ici dans la province de Québec.
M. Dubé: Dans le moment actuel, oui.
M. Le Moignan: M. Léon Dion disait hier qu'il y a environ
3000 anglophones par année qui entrent au Québec. Le reste peut
donc représenter 12,000 à 15,000. Si les autres, qu'ils soient
Italiens ou quelle que soit leur nationalité, se dirigent vers
l'école française, si on garde notre loi, à ce
moment-là, cela va renforcer la position du français au
Québec et c'est cela qu'on veut protéger d'abord...
M. Dubé: C'est cela.
M. Le Moignan: ... en voulant être juste aussi pour
l'ensemble des groupes, parce qu'un Italien ou un Polonais sait très
bien, avant de venir au Québec, à l'avenir, qu'il devra
s'inscrire à l'école française. Mais le point faible que
vous voyez, c'est que, si le projet Trudeau est adopté, à ce
moment-là, il pourra s'inscrire où il voudra. Je pense que la
mise en garde est sur ce point-là.
M. Dubé: À notre point de vue, quiconque vient au
Québec, qu'il soit anglophone, qu'il soit Italien, qu'il soit Grec,
quelle que soit sa nationalité, il doit savoir, avant d'arriver ici, que
le Québec, c'est
francophone et que, quand on vient s'installer au Québec, c'est
pour parler français, on s'intègre à la majorité.
C'est le premier niveau.
Sur le deuxième aspect, dans le projet fédéral
actuellement, ce qu'on perçoit, on dit: Un Canadien a le droit de
fréquenter les écoles... C'est le libre choix, avec les
amendements qui viennent d'être apportés par M. Chrétien
tout récemment. Qu'est-ce qui se produirait pour quelqu'un d'une autre
province, pour quelqu'un qui est devenu Canadien qui est ici depuis trois ou
quatre ans qui est un allophone? Il se retrouverait dans la classe anglaise,
s'il en faisait le choix. Nous autres, nous croyons que c'est une façon
de nous assimiler. Pour ces raisons-là, on s'oppose donc à toute
mesure extérieure qui pourrait faire en sorte que le groupe de
francophones serait diminué.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Jean-Talon, vous allez devoir poser vos questions rapidement, parce que le
temps file et ce sera ensuite le député de Chauveau. Je pense que
ce sera la dernière intervention.
M. Rivest: M. Dubé, vous avez fait état des prises
de position de l'Alliance antérieurement dans différents
débats. Quant à l'avenir constitutionnel du Québec,
l'Alliance a-t-elle pris position face aux deux grandes voies à
l'avenir, soit la formule fédérale ou la formule de la
souveraineté-association et, si oui, quelle est cette position?
M. Dubé: L'Alliance n'a pas pris position sur l'aspect
constitutionnel, indépendance ou non, ou rapatriement. Ce n'est pas en
termes de contenu ultérieur, si ce n'est que de dire: Sur le fait
français, sur le droit des syndiqués, sur les droits et
libertés, tous ces aspects dont nous avons traité ce matin, c'est
en regard des politiques de l'Alliance qui sont énoncées ici.
M. Rivest: Antérieurement, par exemple, à
l'occasion de la campagne référendaire, l'Alliance a-t-elle pris
position?
M. Dubé; L'Alliance n'a participé à aucun
débat d'aucune façon dans le débat
référendaire et même l'Alliance a été un des
leaders au sein de la CEQ pour dire que nous n'avions pas à nous
mêler de ce débat comme organisation syndicale à
l'époque et aussi à cause des contraintes que nous vivions
à l'intérieur à cette époque. Donc, nous n'avons
privilégié ni le oui ni le non.
M. Rivest: II y a seulement un commentaire, en fait. Dans votre
mémoire, évidemment, vous n'êtes pas très
réservé sur les termes pour exprimer, au fond, ce que tout le
monde a dit, c'est-à-dire le désaccord des gens sur la formule
qui est présentée par le gouvernement fédéral. Vous
n'êtes pas avare sur le vocabulaire et vous y mettez beaucoup de force,
ce qui fait peut-être partie de la dynamique dans laquelle vous vous
inscrivez. Néanmoins, il y a une chose qui m'agace un peu, finalement,
dans l'ensemble de votre mémoire; non pas que nous contestions un
élément particulier plus qu'un autre de votre mémoire,
mais il me semble que, de la part des enseignants et d'un groupe aussi
important que le vôtre, il y a, comme sous-entendu, autant sur les
orientations d'avenir de la société québécoise que
même sur les questions linguistiques - et on retrouve cela d'ailleurs
à plusieurs reprises dans des mémoires - une espèce
d'unanimisme, comme si tous les Québécois, peu importe leur
origine ethnique d'ailleurs ou linguistique, avaient sur ces questions des vues
absolument communes.
Dans les affirmations que vous faites, je suis convaincu qu'il y a
nombre de Québécois qui, ayant entendu votre mémoire, ont
dû être choqués par certaines affirmations. C'est comme si
tous les Québécois étaient d'accord, un peu comme le
ministre l'a dit; comme si, par exemple, le fait de s'interroger, le fait qu'il
y a la loi 101, cela mettait fin au débat linguistique; comme si on ne
devait pas s'interroger sur les conditions ou le sort concret qui est fait
à certaines catégories de nos citoyens; comme si on ne devait pas
tenir compte des chiffres. Vous affirmez allègrement que, si tous les
immigrants allaient à l'école anglaise ou si on leur promettait
de nouveau d'aller à l'école anglaise... Comme si c'était
une possibilité immédiate. C'est un commentaire que je fais et je
le fais de la façon la plus constructive possible.
Il me semble que, dans le genre de témoignage que vous faites, un
groupe comme le vôtre devrait être en mesure de nuancer davantage
ses positions et surtout de réaliser que la société
québécoise n'est pas une espèce de bloc monolithique et
complètement amorphe. Il y a une vie là-dedans et on doit en
tenir compte. Votre conception des choses, je trouve, est extrêmement
statique. Je ne le dis pas directement à vous parce qu'il y a eu
d'autres mémoires et il y en aura d'autres qui ont un peu cette
même approche. Les gens qui ne partagent pas vos orientations, vos
convictions profondes sur les questions linguistiques, constitutionnelles ou
autres sont drôlement agacés et il me semble que votre
contribution serait peut-être plus significative si vous pouviez tenir
compte du pluralisme fondamental de la société
québécoise. Il me semble qu'un groupe comme le vôtre
devrait être davantage conscient et cela devrait paraître dans vos
discours et dans vos mémoires.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Rodrigue Dubé.
M. Dubé: D'abord, on me glisse ici, on me rappelle le
pourcentage des allophones dans les classes anglaises officielles de la CECM
avant la loi 101 et la loi 22. Les allophones constituaient à cette
époque entre 60% et 70% des classes anglaises de la CECM, avant les lois
22 et 101. C'est le premier aspect. Donc, si la loi 22 était -nous
l'avons dit tout à l'heure - un pas timide dans la bonne direction et
que la loi 101 était un meilleur pas, on constate qu'il y a quand
même eu une amélioration à ce niveau.
À l'égard du langage que nous utilisons, nous sommes une
organisation syndicale démocratique et nous menons des débats
internes et, à l'intérieur de nos instances, il y a eu une
décision majoritaire clairement exprimée; quelles que soient les
allégeances politiques, péquistes, libérales, unionistes,
l'unanimité tend à se faire contre le rapatriement de la
constitution et ses aspects odieux. C'est pour cette raison qu'on peut se
permettre, après les larges débats que nous avons faits dans nos
rangs, d'utiliser les qualificatifs que nous utilisons.
C'est vrai que le Québec n'est pas monolithique. C'est vrai que
ce ne sont pas tous les immigrants qui passeraient du côté
anglophone. Mais n'en passerait-il que 13%, n'en passerait-il que 5%, dans la
situation démographique du Québec, c'est proportionnellement
augmenter la partie anglophone du Québec, parce que, faut-il se le
rappeler, nous sommes au niveau zéro quant à l'évolution
démographique.
M. Rivest: Juste une remarque là-dessus. Je précise
les derniers commentaires que vous venez de faire. Par exemple, quand vous y
allez allègrement contre l'inclusion d'une charte des droits dans une
nouvelle constitution, finalement, il n'y a à peu près aucun
aspect positif dans les pages que vous écrivez là-dessus. Ce que
je veux dire, c'est qu'il y a des gens au Québec, même ceux qui
s'inscrivent à l'intérieur de l'optique fédérale,
qui sont contre toute espèce d'idée d'une inclusion des droits
fondamentaux dans une constitution canadienne renouvelée. Par contre, il
y a d'autres personnes au Québec, tout aussi de bonne foi, je
présume, qui ont autant de bons arguments pour inclure les droits
fondamentaux.
Dans votre mémoire, vous y allez carrément et
systématiquement. Vous prenez chacun des aspects, en donnant des
exemples qui sont, à tout le moins, certainement des sujets
d'inquiétude que vous êtes en droit de soulever. Mais au total,
c'est comme si toute cette question était complètement farfelue,
l'idée d'inclure des droits fondamentaux. Il me semble que, vous devriez
manifester un peu plus de rigueur. Souvent, on nous fait le reproche, à
nous, les politiciens, de manquer un peu de rigueur intellectuelle de part et
d'autre et souvent on a raison de nous le reprocher. Permettez-moi bien
amicalement de demander à des groupes comme le vôtre, qui
êtes organisés, qui jouez un rôle extrêmement
important dans la société, lorsque vous venez témoigner
devant une commission parlementaire, d'arriver avec des mémoires qui
sont - je vous le dis très simplement et très franchement parce
que je suis profondément déçu de votre témoignage -
beaucoup plus préparés et beaucoup plus précis,
détaillés et nuancés. Il me semble que les citoyens
québécois sont en droit d'attendre de groupes comme le
vôtre - cela pourrait en être d'autres également - une
contribution autrement plus élevée que celle que vous nous
fournissez ce matin.
M. Dubé: II me semble que c'est un moyen larvé de
miner un contenu important et démocratique venant de notre association,
non pas pour l'attaquer sur le fond, de faire des allusions et de dire: Le
langage est peut-être un peu trop serré à un moment
donné. C'est miner le sens du mémoire. Ce qu'on dit, c'est que le
fait français appartient aux Québécois et que ce sont les
Québécois qui vont le traiter entre eux. Pas question d'en amener
d'autres de l'extérieur pour venir gérer cela. Si un jour on en
arrivait à une entente avec les autres provinces ou avec le gouvernement
fédéral là-dessus, c'est une autre question. Nous
discuterons du contenu au moment opportun.
D'autre part, quant à savoir si les droits des syndiqués,
les droits et libertés, la liberté de parole, toutes ces
questions doivent être inclus dans une constitution, on n'a pas dit qu'on
était contre ce matin; on est contre la manière dont ces
choses-là se font et la couverture utilisée pour le faire. Donc,
qu'on ne vienne pas dire, par des excès de langage, que ce
mémoire ne représente pas une réalité. Il
représente une réalité d'enseignants montréalais
vivant dans un milieu où les anglophones se développaient
allègrement au détriment des francophones et par le biais des
immigrants qui nous arrivaient chez nous.
La vice-présidente, qui est aussi responsable du dossier des
classes d'accueil chez nous, pourra vous donner quelques précisions ou
quelques exemples pertinents qui pourraient peut-être satisfaire le
député.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Pagé.
Mme Pagé (Lorraine): L'Alliance reconnaît l'aspect
mosaïque de la culture québécoise et je tiens à
rappeler qu'une étude menée par des sociologues, des
psychologues, à la demande de la CECM,
avait conclu que les immigrants qui fréquentaient les classes
d'accueil s'intégraient de façon très harmonieuse à
la culture française et, de plus, sauvegardaient leur propre
identité culturelle, ce qui n'arrivait pas quand ils
fréquentaient des classes d'immersion.
Et les classes d'accueil, faut-il le rappeler, ont connu un grand essor
suite à la loi 101. Je pense que les données que je vous donne
tiennent à préciser pourquoi nous ne voulons pas que la loi 101
soit attaquée non seulement comme enseignants, mais aussi parce que les
classes d'accueil ont été reconnues comme un bienfait pour les
immigrants qui les fréquentent, autant sur le plan de leur
intégration harmonieuse à la société
québécoise que sur le plan de la protection de leur
identité culturelle.
Pour conclure, il peut sembler à M. le député que
nous sommes monolithiques dans nos propos, mais je pense que la démarche
que nous impose M. Trudeau n'est pas tout à fait faite de nuances. On
est pour ou on est contre. On a choisi d'être contre.
Une voix: Très bien, très bien.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Chauveau. (11 h 30)
M. O'Neill: Mme la Présidente, on lit ceci dans ce
mémoire à la page 11; les auteurs du mémoire disent que
"l'Assemblée nationale doit s'y opposer de toutes ses forces, pas au nom
des politiques de parti, mais au nom du Québec". Un peu plus loin, on
dit ceci: "Nous demandons aux députés de l'Assemblée
nationale du Québec, quel que soit leur parti, de défendre les
intérêts de notre nation, en faisant tout ce qu'ils sont capables,
et même un peu plus. C'est vraiment le moins qu'on puisse exiger d'eux,
en ces circonstances".
Je voudrais savoir ce que ça veut dire pour vous, s'opposer de
toutes ses forces. C'est aller jusqu'où? Je sais qu'à un moment
donné vous parlez, par exemple, d'affirmer le droit du Québec
à l'autodétermination. Cela a déjà
été accepté en principe. Il suffit maintenant de faire
adopter cette loi le plus vite possible. Mais vous seriez prêts à
aller jusqu'où et jusqu'où aimeriez-vous nous voir aller pour
défendre les intérêts du Québec?
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Dubé.
M. Dubé: On n'a pas été sans constater
l'absence d'unanimité sur une proposition du gouvernement relativement
au rapatriement de la constitution. Il y a des intérêts politiques
qui ont primé l'intérêt national de notre point de vue. On
pense qu'il y aurait lieu de reprendre le débat sur cette question ou,
à tout le moins, sur l'aspect linguistique. Nous faisons par là -
parce qu'on s'adresse à tous les députés - une invitation
à des députés, entre autres, du Parti libéral,
quant à la proposition qu'ils mettent de l'avant, dans le moment, dans
le débat sur la langue d'enseignement dans les écoles ou les
questions de choix. Nous les invitons à réviser leurs politiques
actuellement, politiques qu'ils veulent mettre de l'avant. Donc, je crois que
ce serait dépasser les intérêts partisans et strictement
électoralistes. La majorité du Parti libéral est
constituée, d'après nous, de francophones; puissent-ils prendre
leurs responsabilités et s'associer aux autres Québécois
pour défendre l'intérêt des francophones. Je pense que
c'est un exemple. On pourrait peut-être en citer d'autres, mais le temps,
probablement, ne nous le permet pas.
La Présidente (Mme Cuerrier): II me reste, au nom de la
commission de la présidence du conseil et de la constitution, à
remercier l'Alliance des professeurs de Montréal d'avoir bien voulu
participer aux travaux de la commission. Je remercie le président, M.
Rodrigue Dubé, Mme Lorraine Pagé, Mme Yvette Cousineau, MM. Sacy
at Egretaud. Merci de votre participation.
M. Dubé: Merci, Mme la Présidente, et merci, madame
et messieurs les députés. C'est une contribution qui, à
notre point de vue, est assez maigre, en termes de quantité ou de sujets
fouillés de par le fait que, comme syndicat, nous avons nombre de
dossiers à mener et nous avons à peine une dizaine de ressources
à l'intérieur; d'autres organisations peuvent avoir mieux que
nous. Mais, à tout le moins, les sujets que nous avons traités
ici et le langage que nous avons utilisé corrrespondent vraiment
à la réalité de la très large majorité des
enseignants de l'Alliance des professeurs de Montréal.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Dubé, vous
n'êtes pas sans savoir, en tout cas, je vous le dis, qu'on ne peut pas
faire de dépôt en commission parlementaire. Les pétitions
que vous m'avez remises, je vous assure que je vais les acheminer. Je servirai
de canal pour les acheminer.
M. Dubé: Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): Merci à l'Alliance
des professeurs de Montréal.
Association des anglophones de l'Estrie
J'appellerai maintenant l'Association des anglophones de l'Estrie. Je
demanderais au porte-parole de l'association, s'il vous plaît, de bien
vouloir s'identifier lui-même, de même que ceux qui l'accompagnent,
pour les
fins du journal des Débats, en particulier, et pour permettre,
ensuite, les interventions entre membres et intervenants de la commission avec
cette association.
M. Ross (James): Merci, Mme la Présidente.
Premièrement, j'aimerais présenter mes autres collègues.
À ma droite, c'est Me Jacqueline Kouri, un directeur de notre
association et aussi le chef de notre programme des affaires de santé et
de services sociaux. À ma gauche, M. Royal Orr, un autre directeur de
notre association et aussi le chef de programme de nos affaires du patrimoine
et culturelles. Je m'appelle James Ross. Je suis le président de
l'Association des Townshippers.
La Présidente (Mme Cuerrier): Vous avez la parole.
J'imagine que vous étiez là comme observateur et que vous savez
que vous disposez de 20 minutes pour la présentation de votre
mémoire et nous disposons ensuite d'une quarantaine de minutes pour les
interventions entre vous et les membres de la commission.
M. Ross: Merci beaucoup.
Premièrement, Mme la Présidente, j'aimerais vous remercier
pour la permission de soumettre ce mémoire. J'ai l'intention de le
présenter en anglais et nous aimerions, à la fin de la
présentation, répondre à vos questions comme vous voulez,
en français ou en anglais. Nous allons également soumettre, aussi
vite que possible, un texte en français d'ici quelques jours.
The Townshippers' Association represents both rural and urban groups of
English-speaking people from the Eastern Townships. Some of us are descendants
of the original settlers, others have chosen to move here. Within the Eastern
Townships, there are approximately 500,000 people, about 45,000 of whom
consider English to be their mother tongue. The Townshippers' Association
founded in October, 1979, now has approximately 6000 members. It is our opinion
that the Townshippers' Association is one of the few organizations in
Québec that represents the beliefs and aspirations of non-metropolitan
English-speaking Quebecers.
The Townshippers' Association is a movement to promote English language
interests and to encourage full participation by English-speaking Townshippers
in Québec society. We are attempting to strengthen our sense of identity
by grouping together to discuss common concerns, hopes and dreams, while at the
same time continuing to keep in step with the changes in the greater
Québec community. Over the last 20 years, we have witnessed the efforts
and successes of the French Québécois to develop their society,
language and culture. We come here to express the somewhat similar concerns and
preoccupations regarding the English-speaking communities of the Eastern
Townships who also wish to retain their cultural heritage.
In the Canadian context, we believe in a strong, united country, that
will strive to develop a pluralistic society which respects its minorities. Our
association has recently been involved in meetings, along with the Council of
Québec Minorities and l'Association canadienne-française de
l'Ontario to study the proposed changes to the Canadian Constitution. We
believe that these proposed changes may affect the future rights of all
Canadians in such a fundamental way that we must address ourselves to these
proposals.
It is for these reasons that we approach this parliamentary commission
to express our opinion regarding the proposed constitutional changes. Our
association has chosen to present its brief to the special commission of the
National Assembly because we believe that as Quebeckers, we should discuss our
proposals at the provincial level.
We believe that there should be a Canadian Constitution applicable to
present day and future Canada. The British North America Act and subsequent
amendments, including bills such as the 1960 Canadian Bill of Rights, do not
appear to adequately meet the needs of contemporary Canadian society. We
require a constitution that recognizes the principle of two founding peoples
and cultures. To this end, the new constitution must recognize and guarantee
fundamental civil rights of English-speaking and French-speaking minorities
throughout Canada. Language and education rights are basic in this context. In
order that Canadian citizenship be meaningful for all our citizens, individual
human rights guaranteed by the constitution must include not only the
fundamental freedoms of legal democratic rights, but also the right to work, to
take up residence, invest savings, sell products and purchase supplies anywhere
in Canada.
The Townshippers' Association endorses the statement by the
Constitutional Committee of the Canadian Bar Association which states as
follows: "Beyond its symbolic and educational functions, a bill of rights can
be an effective instrument of enforcement, particularly of fundamental
political and legal rights. The courts can declare laws that violate
constitutional rights invalid. In the absence of guaranteed rights, a transient
majority in Parliament or a Legislature can do incalculable harm to a minority
or an individual. Unlike existing human rights legislation which can always be
abrogated or modified by statute, it would constrain future Legislatures and
governments from acting in violation of human rights."
The timing of patriation of the constitution and the subsequent amending
formulae have been difficult subjects of
discussion for federal and provincial governments of Canada for the last
twenty-five years. Our association does not have a specific solution that would
be acceptable to all. However, we believe that a constitution is of such
importance that we would support the proposal of patriation as soon as
possible.
The Townshippers' Association supports the constitutional proposals
regarding the entrenchment or the guarantee of fundamental individual and
minority rights. However, in a number of areas we do not believe that these
proposals are specific enough. In other areas, we believe further guarantees
should be proposed. The association wishes to record our recommendations before
the National Assembly regarding the proposed Canadian Constitution as presented
to the Canadian House of Commons on October 6, 1980, by the Honorable Jean
Chrétien, Minister of Justice. We recognize that many of the clauses in
the proposed constitution are under debate and in the process of change.
Nevertheless, we believe that it is important for the members of the
Québec National Assembly to know the opinion of the rural
English-speaking people in the Eastern Townships, and so we present the
following recommendations:
We recommend that Section 14 of the proposed Canadian Constitution state
in addition: A person charged with a criminal or penal offence has the right to
trial in English or French. Native people have the right to trial in the
accused's usual language.
Our recent discussions with l'Association canadienne-fançaise de
l'Ontario and the Council of Québec Minorities have confirmed our
opinion that the following change should also be made: That Sections 133 of the
British North America Act and 23 of the Manitoba Act are extended to New
Brunswick and Ontario.
We also recommend that Section 20 should state in addition: It is the
right of every person to communicate with and to receive available services
from provincial and municipal governments and their agencies in English or
French.
Recently, Québec governments, both provincial and municipal, have
freguently communicated with their citizens only in French. This tendency
effectively denies many of our English-speaking citizens access to government
services. We would, therefore, recommend that there should also be added to
Section 20: Every English-speaking Canadian and every French-speaking Canadian
and all native peoples have the right to receive health, social and judicial
services in their own language wherever numbers so warrant.
The Townshippers1 Association considers minority language
education rights to be one of the most basic rights of all Canadians. When
minority language education rights are taken away, as in Manitoba in the
1890's, or access to them restricted as in Québec with Bill 22 and even
more with Bill 101, the existence of minority communities is threatened and the
mobility of Canadians is significantly reduced. Many English-speaking people
moving to Québec wish to have their children educated in their own
language. Lacking this right, they freguently choose not to come to
Québec. Children of Englilsh-speaking people from outside Québec
have traditionally represented five to ten per cent of our school population in
the Eastern Townships. Since the passage of Bill 101, this input to our schools
has been effectively cut off and represents a critical threat to our already
decreasing school population and community. (11 h 45)
We also believe that the history of education in Québec has been
somewhat distorted by our provincial spokesmen. The two systems of public
schools, Protestant and Catholic, were not established by a Québec
government, but by the British North America Act. These two confessional school
systems have gradually evolved to a French, mainly Catholic and an English,
mainly non-Catholic system.
Recent Québec governments have reacted to projected sociological
demographic studies about metropolitan Montreal. The results of these studies
were strongly influenced by the large immigrant inflow to Montreal after World
War II and also by the fact that the great majority of immigrants chose the
English school system. Assuming the continued immigration and a continued high
birth rate among the descendants of immigrants, some sociologists predicted the
English and immigrant population would eventually outnumber the French-speaking
majority of Montreal.
Reacting to this projected threat to the French-speaking majority of
Montreal, successive Québec governments have passed Bill 22 and Bill
101, which have severely restricted access to the English school system, not
only in Montreal, possibly ... where it may have been indicated, but throughout
the province where there is no historical indication within the last 20 or 30
years.
Outside of Metropolitan Montreal, the English and immigrant minorities
only represent 5% to 10% of the total population. Surely we do not represent
any threat to the French majority. However, in the Eastern Townships, the
Gaspé, the North Shore and in northern and western Québec, our
English schools and communities are being eroded by this restrictive
legislation.
Statistics from our school population in the Eastern Townships have
shown a
dramatic decline in the last five years. From 1976 to 1981 English
Protestant school population has decreased 22%. The comparable decrease in ...
Excuse me! That is the English Protestant secondary school population has
decreased 22%. The comparable decrease in the French Catholic secondary school
population for the Eastern Townships is 11%. A more dramatic and more important
decrease has occurred in the primary school population. The English Protestant
primary school enrollment from 1976 to 1981 has decreased by 34%. The French
Catholic primary school population for the Eastern Townships has decreased 10%
during the same period. There has been a greater than three fold decrease in
the English sector as compared to the French sector. When we consider that in
1981 again, just talking about the Eastern Townships, the English Protestant
primary school population is 3393 students and that these students are divided
among 22 primary schools; it is obvious that we are talking about many small
schools in widely separated communities.
Because of this declining enrollment, the continued existence of many of
the elementary schools in this region has been placed in severe jeopardy. The
closing of each local school means not only the need to transport young
children to schools in another locality, often some distance away, but also the
loss of a center for community activities and continuing education programmes.
Without this focus for community life and development, our populations dwindle
and families move to larger centers where English language educational and
other facilities are more easily accessible. Such restrictive language
education policies have deliterious economic effects on the entire
community.
We have discussed at length the language education issue because we
believe it is a fundamental issue affecting our language, cultural, and
economic rights. We also believe that recent Québec governments, both
Liberal and Parti Québécois, have ignored the destructive effects
of Bills 22 and 101 on the very existence of the rural English minority of the
province of Québec. We therefore recommend that section 23 of the
proposed Canadian constitution be deleted and the following be substituted:
"All persons whose first language learned and still understood is that of the
French or English minority of the province in which they reside or to which
they move have the right to have their children receive their pre-university
education in that language. French and English speaking minority groups have
the right to administer their own educational institutions under the overall
jurisdiction of the provincial authority. Native people have the right to have
their children receive school instruction in their own language."
The English-speaking rural communities of Québec are widely
scattered and rely to a great extent on such communication services as the
Québec community network of the CBC. Many in the Eastern Townships would
like to benefit from Radio-Québec service also, now only available by
cable and only in French. We regard these communication services as an
essential link among geographically dispersed rural communities. The
Townshippers' Association, therefore, recommends a further addition to section
23: "A person in any part of the country should have accesss to radio and
television services in English and French. This service is of equal importance
to native people in their own language."
The English-speaking Townshippers' Association believes that the new
Canadian Constitution must include the above-mentioned clauses in order to
adequately protect the rights of the minorities. We repeat our opinion that it
is of urgent and extreme importance to have a Canadian Constitution that
embodies the above principles. Canada is a country of minorities. The changes
proposed to the constitution should guarantee freedom for all individuals while
protecting the rights of the minorities.
We urge the members of the Québec National Assembly to establish
these principles in their negotiations with other levels of government in
Canada. We believe that in so doing, you will create a country where all
Canadians will be able to enjoy freedom and mutual respect.
La Présidente (Mme Cuerrier): On me fait part du fait que
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce doit quitter. Avec
l'accord de M. le député de Deux-Montagnes, qui m'avait
demandé la parole, vous pourrez intervenir le premier, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Je vous remercie, Mme la Présidente, et je
remercie aussi le député de Deux-Montagnes de m'accorder la
priorité. Effectivement, il faut que je parte dans quelques minutes et,
comme vous le savez, j'ai un profond intérêt dans les
préoccupations des personnes des Cantons de l'Est, parce que j'en suis
moi-même originaire.
I think that you made a very important contribution today, in one way in
particular, and that is in explaining that, although the English language is
not menaced in North America or even in Canada, nevertheless the argument of
the Parti québécois and many Quebecers, many well-meaning
Quebecers that English is not threaten anywhere in Québec is just not
true. People do not live in North America, they live in their own
town or city, they live in Sherbrooke as you do, Dr Ross, and the
problems on the North American Scale are not that important. The question is:
Can you get services, can you live as an English Speaking person in the city of
Sherbrooke? It is clear that over the years, what has happened is that is has
become less and less possible to do that. Many people would say: That is good.
It is high time that that the English integrated into the Québec
society. But, on the other hand, those same people, very often, are people who,
when they see the same phenomenon outside Québec - the French
minorities, say in Saint-Boniface - do not say it is a good idea that those
people should integrate into the English Community. They say: It is a shame
that their rights and privileges are being eroded. And I think you have pointed
out, because you come from an area that is not Greater Montréal and you
do not represent what is normally considered to be the principal problem, that
there is a problem here in Québec when it comes to protecting the rights
of the English minority.
Je veux simplement ajouter, Mme la Présidente, que ce que les
personnes qui sont venues ici des Cantons de l'Est, de l'Estrie, ce matin, ont
essayé d'expliquer, c'est qu'il existe vraiment ici au Québec un
problème pour les minorités anglophones. Sur le plan global,
c'est peut-être vrai que les Anglais ne sont pas menacés en
Amérique du Nord. On ne s'assimile pas, mais, par contre, il y a un
facteur d'immigration et, quand les personnes habitent les villages et les
villes des Cantons de l'Est se trouvent dans une situation où elles ne
peuvent pas vivre dans leur langue. Elles ne peuvent pas travailler dans leur
langue. Elles ne peuvent pas avoir l'enseignement dans leur langue, sauf en
rencontrant de grandes difficultés, et elles ont souvent des
problèmes d'avoir des procès devant les tribunaux dans leur
langue. Je pense que Mme Kouri peut vous expliquer davantage ce
problème. Il existe un problème dans les Cantons de l'Est qui
étaient d'abord une région anglaise. Les Anglais ont
été les pionniers à cet endroit. Aujourd'hui, c'est de
plus en plus francophone et il faut que n'importe quel observateur un peu
neutre convienne que les anglophones des Cantons de l'Est subissent vraiment
des problèmes très réels de vie dans leur propre langue,
des problèmes qui ne sont pas très différents de ceux des
francophones au Québec.
J'espère que, quand le Parti québécois et tous les
Québécois commenceront à manifester leurs propres opinions
au sujet de l'équilibre essentiel qui est nécessaire ici au
Canada, ils vont tenir compte de la réalité qui est
exprimée aujourd'hui par le Dr Ross et ses collègues. Je vous
remercie.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le président.
M. Ross: Je n'ai pas d'autres commentaires dans le moment, Mme la
Présidente.
Mme Kouri (Jacqueline): Peut-être...
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Kouri.
Mme Kouri: ...que je peux donner un exemple. Je suis une avocate
de Sherbrooke qui travaille beaucoup au Tribunal de la jeunesse, par exemple,
et aux sessions de la paix. C'est bien de dire que l'article 133 nous donne le
droit d'être entendus en anglais, mais, du côté pratique, il
faut se rappeler que c'est le gouvernement provincial qui a le droit
d'embaucher le greffier et les sténographes. Cela veut dire que, dans le
district de Saint-François, nous avons seulement une sténographe
qui peut prendre des notes en anglais. Cela veut dire qu'il faut avoir un
interprète pour la sténographe. Cela veut dire aussi que,
parfois, les enquêtes sont très mêlées à cause
de cette interprétation. À la Cour des session de la paix, il n'y
a jamais de sténographe qui peut prendre les notes en anglais, ni au
Tribunal de la jeunesse, seulement à la Cour supérieure et
à la Cour provinciale. Nous avons reçu beaucoup de demandes des
travailleurs des CSS de l'Estrie et du Richelieu pour des formulaires en
anglais destinés aux personnes recevant l'aide sociale parce que
moi-même, dans la pratique, je rencontre des personnes qui ne sont pas au
courant de l'aide qu'elles peuvent avoir et souvent il est trop tard pour que
nous fassions quelque chose. Notre association est en train de mettre nos
anglophones de l'Estrie et aussi de Canso au courant des services disponibles
afin d'améliorer cette situation, mais, entre-temps, avant que nous
soyons plus bilingues, nous vous demandons de nous aider à donner les
renseignements aux gens en anglais, comme vous le faites maintenant pour les
allocations familiales. Je reçois les renseignements en anglais et je
pense que, dans les services sociaux et de santé, c'est seulement humain
de donner les renseignements aux gens dans une langue qu'ils peuvent
comprendre. Merci.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Deux-Montagnes. (12 heures)
M. de Bellefeuille: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais
remercier, au nom du gouvernement, la Townshippers' Association d'être
venue nous présenter ce mémoire serein, réfléchi,
bien préparé et bien présenté. Je suis
particulièrement touché par le sentiment que l'association
exprime, au milieu de la page 2 du mémoire: "Our association has chosen
to present its brief to the special commission of the National
Assembly because we believe that as Quebecers we should discuss our
proposals at the provincial level." C'est le signe d'une identification
à l'ensemble du Québec, au Québec, qui est tout à
la louange de l'association et c'est un sentiment qui n'est peut-être pas
toujours partagé par tous les anglophones du Québec. Je ne veux
pas être méchant, mais je n'ai qu'à traverser une
rivière pour me trouver dans une région qui s'appelle le West
Island où on se croirait vraiment dans un autre pays que le
Québec. Mais laissons cela.
M. Marx: II y a 40% de Français dans le West Island.
M. de Bellefeuille: Je suis heureux de ce que l'association... Il
y a de l'interférence de la part du député de D'Arcy
McGee, Mme la Présidente. Pourriez-vous lui demander de se taire, s'il
vous plaît?
M. Bertrand: Et dans Nelligan, il ne peut pas y avoir de candidat
francophone, par contre.
La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît! M. le
député de Vanier, vous aussi.
M. Marx: C'est parce qu'il vient de l'Ontario qu'il ne se sent
pas chez lui.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de D'Arcy McGee, s'il vous plaît!
M. de Bellefeuille: Je suis heureux de voir que l'association
considère que le Canada devrait avoir une constitution qui
reconnaîtrait le principe des deux peuples fondateurs et des deux
cultures principales ou fondatrices. Je suis sûr que votre association,
Dr Ross, se rend compte que cette idée a été
rejetée malheureusement par le gouvernement fédéral et
que, en particulier, un porte-parole du gouvernement fédéral, M.
Francis Fox, a invité les francophones de l'Ontario à renoncer
à la notion même de peuple fondateur que M. Fox considérait
folklorique. Je suis heureux de constater que votre association ne
considère pas ces données, qui sont fondamentales, comme
étant folkloriques.
Je me réjouis aussi de ce que vous ayez pris la peine de
consulter les francophones de l'Ontario, étant donné que votre
situation de minoritaires crée une solidarité avec d'autres
groupes minoritaires dans d'autres provinces du Canada. Il est bien sûr
que, comme les francophones de l'Ontario, nous accueillons très
favorablement votre recommandation comme quoi l'article 133 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, qui prévoit le bilinguisme au
Parlement et dans les tribunaux, devrait s'appliquer à l'Ontario. Une
fois de plus, il faut déplorer que le gouvernement fédéral
ait lâché la proie pour l'ombre en cette matière, ait
renoncé à imposer l'article 133 à l'Ontario dans un
marché assez honteux où on a maquignonné les droits des
Franco-Ontariens en échange de l'appui politique du gouvernement
Davis.
Je voudrais revenir à la page 3 de votre mémoire pour,
d'une part, exprimer un désaccord, si vous le permettez, et, d'autre
part, vous poser une question. Le désaccord, c'est à propos de la
citation que vous faites d'un texte émanant de l'Association canadienne
du Barreau. Le point de vue qu'on trouve là, c'est un point de vue qui
est bien connu; c'est manifestement un des points de vue sur lesquels les
propositions du gouvernement fédéral s'appuient. Mais il arrive
que c'est un point de vue qui est très discuté. C'est un point de
vue, en général, que les provinces n'acceptent pas et qu'en
particulier le gouvernement du Québec n'accepte pas.
Ce point de vue selon lequel ce qu'on appelle en anglais le
"entrenchment" d'une charte des droits dans la constitution donne une plus
grande valeur ou une protection plus réelle aux libertés
fondamentales, je vais essayer en quelques mots de vous indiquer qu'il est
extrêmement discutable. Quant à moi, je suis convaincu que c'est
faux; mettre cela dans une constitution, c'est plutôt une erreur.
Je vais vous donner deux exemples, relatifs à la protection des
libertés fondamentales au Québec, qui montrent bien que, si cela
avait été inscrit dans la constitution du Canada, on n'aurait pas
protégé les droits aussi efficacement qu'on a pu le faire dans la
situation actuelle où le Québec a sa propre charte des droits. Le
premier exemple, c'est lorsque nous avons fait adopter par l'Assemblée
nationale un projet de loi qui modifiait la charte des droits, de façon
à interdire la discrimination pour cause d'orientation sexuelle. Cette
cause de discrimination interdite n'avait pas été inscrite dans
la charte des droits, à l'origine, sous l'ancien gouvernement.
L'évolution des mentalités, l'évolution de la
société a fait qu'il est devenu nécessaire d'inscrire
ça.
De nouveau, il y a une modification que nous voulons apporter à
la charte des droits du Québec, de façon à permettre ce
qu'on appelle aux États-Unis, le "affirmative action", ce qu'on peut
appeler l'action positive ou la discrimination positive qui permettrait, par
exemple, au gouvernement de faire de la discrimination pour mieux aider tel ou
tel groupe de la société qui jouit ou qui subit des
désavantages à quelque égard que ce soit.
Si on interprète la charte des droits actuelle de façon
trop stricte, trop littérale, les programmes d'action positive
pourraient
être jugés contraires à la charte des droits, alors
que dans la société, à l'heure actuelle, ils sont souvent
considérés comme nécessaires. C'est un autre domaine
où nous voulons modifier la charte des droits. Si elle était
"entrenchée" - pardonnez-moi l'expression - ou enchâssée -
une chasse, c'est fait pour des reliques - si c'était
enchâssé dans la constitution, ça deviendrait justement une
relique et ce serait très difficile à modifier.
The question I would like to put to you has to do with the following
paragraph which ends with the sentence: "However, we believe that a
constitution is of such importance that we would support the proposal of
patriation as soon as possible".
I appreciate very much, incidentally, the fact that you have presented
your comments in French, but I do insist that you must feel absolutely free,
according to law and custom, to speak to us in English if you so prefer. So, my
question is whether your support of patriation as soon as possible includes
support of unilaterally obtained patriation?
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Ross.
M. Ross: Merci, Mme la Présidente. I will respond in
English, because this a field where I quite frankly feel inadequate to respond
in whichever language and I may be less inadequate in English.
It is a very difficult question, we recognize. We also recognize
historically throughout Canada that our Legislatures, both provincial and
federal, have not had a good track record in protecting individual human rights
or the rights of minorities.
We believe that what we have put down here and what we are trying to
establish in a Canadian constitution is an ideal set up for both individual and
minority rights. Where we have difficulty is faced with the fact that both our
recent provincial experience in Québec and not only Québec and
the rest of Canada, we see problems in infringing upon some of these rights and
mobility or whatever we want to talk about. We think they are very urgent.
Exactly how to get the various provincial governments and the federal
government to agree, we reallly do not know. We respect the provincial
governments' rights, particularly in the language of instruction and so on, and
we respect the idea that patriation must be made with some form of
consensus.
We feel, as an association, that possibly the agreement was almost
arrived at, at the Victoria Conference a few years ago, and we now, with all
the discussion and so on that has been going on in the last few months, we feel
that we are further away from consensus of patriation than we were three or
five years ago. And, we look upon that, as a rural minority association, as a
threat to our existence and so, for our survival or our English rural
Québécois survival, we would like to see a constitution somehow
quickly that we feel will more adequately protect our chance of survival. If
the progressive things that we see happening to our population continue in
rural Québec, there will be no English-speaking minority within the next
ten or fifteen years of any significance whatsoever.
M. de Bellefeuille: J'aimerais juste ajouter un mot. Je remercie
le Dr Ross de sa réponse. Je voudrais juste relever une autre petite
chose dans le mémoire a la page 7. "We also believe that recent
Québec governments, both Liberal and Parti Québécois, have
ignored the destructive effects of Bills 22 and 101 on the very existence of
the rural English minority of the Province of Québec. Ce que je voudrais
vous signaler, c'est que l'évolution démographique, en ce qui
concerne l'Estrie, ne peut pas, je crois, être attribuée de
façon aussi exclusive aux lois 22 et 101.
Je me souviens que, il y a un quart de siècle, je travaillais un
peu dans le domaine de l'éducation populaire et il y avait un personnage
qui était très actif dans ce domaine, qui s'appelait Dr Harry
Avison, qui avait mis sur pied au Macdonald College un programme visant
à ralentir l'exode des anglophones des Cantons de l'Est. C'est il y a 25
ans. C'était longtemps avant la loi 22 et la loi 101.
Ceci dit, le fait que cet exode remonte à une période de
temps assez considérable ne diminue pas ce qu'il a de grave pour vous,
au contraire. Cela ne fait que le rendre plus grave et nous sommes très
sensibles à la nécessité qu'il y a pour nous, au
Québec, de nous assurer que tous vos besoins culturels et linguistiques
soient satisfaits de façon juste parce que nous reconnaissons - je ne me
souviens pas qui je vais citer - qu'une des façons de juger de la
qualité démocratique d'une société, c'est par le
traitement qu'elle accorde à ses minorités. Merci.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le chef parlementaire de
l'Union Nationale.
M. Ross: Mme la Présidente, est-ce que je peux
répondre?
La Présidente (Mme Cuerrier): Oui, certainement, M.
Ross.
M. Ross: We recognize very much what you say. We do not claim
that either the English exodus or the statistics we have presented, as what we
consider to be a dramatic and dangerous decline in our English primary school
population within the last five years, are purely due or solely due
to either Bill 22 or Bill 101. However, we believe that they certainly
represent part of that reason for decline. When we actually look at our
English-speaking population of the Eastern Townships, not only do some people
not come because there are problems with access to English schools, but we know
that a lot of our English-speaking people in the Eastern Townships are choosing
to send their children, as I have sent two of mine, to the French elementary
school system to have them really properly prepared to be able to live in
Québec in the future.
Unfortunately, we do not have the finances within the English school
system in the rural area, either not the finances or not the numbers to really
give good second language education in French. Because of that, as I mentioned,
a lot of our English population choose to go to the French school system and
one of the reasons that that is necessary is because the allocation of funds to
the school system by the provincial government has considerably increased to
the French Catholic system, to provide for ways of improving and prepare people
to accept or be ready for French language education. (12 h 15)
There is no comparable significant amount of money going to the English
school system - again, I speak about rural Québec; we have a very small
grant that came to the Lennoxville district School Board for a pilot project in
improving French second language instruction, but there is very little money
available for or going to English rural school systems to try to improve our
French language instruction in our schools so that our students can go there,
be meaningfully bilingual by the time they graduate.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le chef parlementaire de
l'Union Nationale.
M. Le Moignan: Je voudrais... Une voix: M. Orr.
La Présidente (Mme Cuerrier): Vous vouliez ajouter quelque
chose, M. Orr?
M. Orr (Royal): Je voudrais ajouter qu'il y a deux choses que
notre association veut dire aujourd'hui; c'est que nous voulons participer au
Québec et c'est pour cette raison que quelques parents, dans notre
communauté envoient leurs enfants aux écoles francophones pour
acquérir une connaissance suffisante du français pour rester ici.
Mais l'autre chose est que nous voulons continuer comme communauté. Nous
pensons que c'est essentiel pour nous d'avoir nos écoles et c'est
essentiel que nos enfants apprennent à parler français pour
rester ici.
Nous pensons que le gouvernement du Québec peut trouver une
façon de réaliser ces deux choses sans la nécessité
d'envoyer nos enfants aux écoles francophones. Merci.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le chef parlementaire de
l'Union Nationale, pour une troisième fois, je vous accorde la
parole.
M. Le Moignan: J'ai ma chance finale, merci! J'ai lu avec
attention votre mémoire car la situation du comté de Gaspé
ressemble un peu à celle des Cantons de l'Est; vous avez environ 10%
d'anglophones, nous en avons peut-être 14%, mais c'est beaucoup plus
éparpillé et nous sommes loin des grands centres, donc notre
population anglophone doit affronter beaucoup plus de difficultés que
dans votre cas.
Mais vous voulez garder vos écoles; c'est un peu le fait du
comté de Bonaventure et de celui de Gaspé, que je connais de
façon spéciale. Avec la loi 101, je pense que, là
où on parle des véritables écoles anglaises, les
anglophones n'ont pas souffert, quoique c'est très difficile chez nous;
avec un nombre limité d'étudiants à Gaspé, a
Douglastown et à Barachois, il y a tout de même trois
écoles qui demeurent ouvertes avec peut-être 50 ou 60
étudiants dans certains cas.
De ce côté, c'est une lutte très difficile à
cause de l'exode de certaines familles anglaises qui quittent la région.
Mais je pense que pour les droits des anglophones... Il y a quelques points
dans votre mémoire, page 4: "It is the right of every person to receive
available services from provincial and municipal governments." Ce n'est pas
facile, au point de vue municipal, là où on a deux ou trois
familles anglophones dans une paroisse - je sais que cela a été
demandé - où les anglophones sont capables de parler et de se
débrouiller en français. Je sais qu'on a fait allusion à
un jugement de la Cour suprême déjà; il faudrait que les
municipalités traduisent également tous leurs documents soit en
français, soit en anglais, ce qui ne serait pas tellement pratique.
Or, ce que vous soulevez ici, pour des régions rurales, je pense
que ce n'est peut-être pas facile.
Mais, there is another point; when you speak of immigrant minorities -
you say from five to ten percent - you mention the Gaspé Coast; I do not
think the English schools have lost many students, because I do not see how, if
you have figures for the Gaspé Coast, because we do not receive many
immigrants. I think it is more maybe for the North Shore and for the Eastern
Townships, because the immigrants that come to the Gaspé Coast usually
go to the French schools, if they are in a French vicinity. In Gaspé,
the families who came from Vietnam or such places, their kids are going to the
French schools because they know a little
French when they come home.
Il y a un dernier point sur lequel je voudrais attirer votre attention.
Quand vous parlez de Radio-Québec, vous aimeriez que Radio-Québec
franchisse vos limites et se rende dans les Cantons de l'Est et vous donne
peut-être une programmation anglaise. Je suis très d'accord avec
ça parce que, si on avait Radio-Québec en anglais à
Gaspé, on serait très chanceux. On n'a même pas
Radio-Québec, ça va prendre encore un bon nombre d'années,
d'après le rythme de vie de cet organisme. On est desservi par CBC North
chez les anglophones et ce sont des programmes où je serais très
à l'aise, si je savais l'Inuit. On donne peut-être une heure de
nouvelles anglaises, le reste vient de CBC North, le mot le dit. Ce sont des
Inuit, ce sont nos programmes chez nous... Peut-être qu'on nous dit que
ce sont des difficultés techniques... C'est pour ça que vous
êtes peut-être privilégiés, vous êtes
près des grands centres, mais nos anglophones ne sont pas chanceux pour
la programmation anglaise. Nos francophones beaucoup moins, parce que
Radio-Canada n'entre pas à Gaspé, TVA n'entre pas à
Gaspé. Il y a à peu près trois mois qu'on n'a pas eu de
nouvelles et comme tout le monde ne lit pas les journaux ou qu'ils arrivent en
retard, quand je vais à Gaspé, je suis loin de toutes les
nouvelles.
I would like just to have your comments maybe on the municipal business
there and schools in your region, and also as far as communications, radio or
television. La radio, je n'en parle pas parce que chez nous...
M. Ross: Je suis d'accord que c'est difficile, la question de...
The right to receive information and services from the municipal governments is
very difficult the way we have it written. I am not a legal expert and perhaps
Me Kouri can say a little better to this, but what we are trying to establish
is that the right should be there, so that if in a small town in Gaspé,
there are a group of families who are not receiving the information, they can
then appeal to that right and the municipalities, then, would have to show
cause why they are unable to do it, and that would then be judged by the Courts
or however as to the way it was acceptable. If you do not have that right
established, then it is very difficult to try to get anything done if the
municipality or whatever government decides not to do it. That, I think, is our
opinion that way.
From the point of view of the schools and the immigration, I would agree
with you very much that when we mentioned in our report: "les 5% ou 10%, c'est
la population des anglophones que nous prenons en dehors de Montréal".
For the immigrants in our region, it is a very small percentage, it is less
than 1% or 2% and I am sure it is probably the same in yours. We are not
speaking of 5% or 10% immigrant population, we are talking in an overall 5% or
10% English population outside of Metropolitan Montreal.
For the communication services, I do not know how to answer your
question, maybe one of the other ones would...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Orr.
M. Orr: Premièrement, je veux dire quelque chose
concernant les services municipaux. Nous avons discuté de ceci à
notre comité qui a rédigé ce mémoire. Nous avons
décidé qu'il y avait une chose importante, c'est d'avoir les
services municipaux pour les deux langues. Ce serait vraiment coûteux
pour beaucoup de municipalités, mais nous avons décidé que
c'est peut-être un coût nécessaire à assumer pour le
Canada, pour continuer en tant que nation de deux peuples.
Concernant les communications, nous sommes en train d'essayer de
commencer un programme en anglais sur un émetteur à Sherbrooke,
un émetteur FM communautaire. À propos de Radio-Canada, c'est
possible que nous puissions commencer à essayer un programme anglophone.
Nous avons déjà discuté des choses générales
avec l'Association des anglophones de Gaspé et peut-être que c'est
un projet que nous pouvons commencer ensemble.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Vanier.
M. Bertrand: Merci, Mme la Présidente. Je suis très
heureux de prendre quelques minutes, surtout en présence de
représentants de la communauté anglophones de l'Estrie, puisque,
comme le député de Notre-Dame-de-Grâce le disait
tantôt, M. Scowen, je suis, moi aussi, originaire des Cantons de l'Est.
J'ai passé mes vingt premières années au coeur même
des Cantons de l'Est, à Cowansville, dans le comté de
Brome-Missisquoi. Je crois que je suis en mesure de bien comprendre certaines
des remarques qui ont été formulées par ces
représentants de la communauté anglophone, sauf que j'aimerais
peut-être aussi les amener à prendre en considération un
certain nombre d'éléments.
Par exemple je ne crois pas que, d'une façon ou d'une autre, on
puisse comparer l'évolution démographique vécue par la
communauté anglophone des Cantons de l'Est à l'évolution
démographique vécue par les minorités francophones hors
Québec. Je pense que, jusqu'à l'adoption de la loi 63, il n'y
avait absolument rien sur le plan des lois qui empêchait le
développement, la croissance de la communauté anglophone dans
l'Estrie. Je crois que, si on a assisté, avec le temps, à
une décroissance démographique de la communauté
anglophone, c'est dû à bien d'autres raisons qu'à
l'attitude qu'ont adoptée traditionnellement tous les gouvernements du
Québec à son endroit. Il n'y avait pas d'empêchements sur
le plan scolaire, ni d'empêchements sur le plan de la création de
media d'information, ni d'empêchements sur le plan du
développement de services sociaux autonomes. Enfin, à aucun point
de vue, je pense, le Québec ne s'est comporté, depuis 114 ans,
comme une province où on voulait empêcher, d'une façon ou
d'une autre, le développement de la communauté anglophone. Je me
rappelle très bien que - je ne sais pas si elle est à
l'écoute, car elle suit beaucoup les débats - ma propre
grand-mère me racontait très souvent qu'étant la
première arrivée avec son mari à Cowansville, qui
s'appelait à l'époque Sweetsburg, ils étaient les seuls
francophones à habiter ce village. C'est progressivement, sans doute par
des phénomènes d'émigration de la communauté
anglophone qui s'est orientée vers d'autres secteurs du Québec ou
du Canada ou des États-Unis, dans certains cas, et aussi grâce au
développement considérable, bien sûr, il faut le dire, de
la communauté francophone à cause de cette revanche des berceaux,
qui a été vécue peut-être dans les Cantons de l'Est
mieux qu'ailleurs, que progressivement - vous avez fait votre effort aussi? -
la communauté francophone a fini par devenir plus importante. Dans un
village comme celui où j'ai habité, aujourd'hui, 85% de la
population sont francophones. Mais, en aucun temps, même quand j'y
retourne aujourd'hui, je ne peux considérer que vous êtes
placés dans une situation qui soit de quelque façon que ce soit
comparable à celle des minorités francophones hors Québec.
Vous êtes peut-être, jusqu'à un certain point, ce qu'on
pourrait appeler des anglophones d'une minorité anglophone hors Canada.
Je ne pense pas que votre situation se compare de quelque façon que ce
soit à celle de la communauté anglophone du West Island de
Montréal.
Une voix: II ne comprend pas cela.
M. Bertrand: Pour faire une image un peu de la situation des
nôtres à l'extérieur du Québec, qui est quand
même leur point d'appui culturel...
M. Marx: Ah! le Québec ce n'est pas dans le Canada
aujourd'hui.
M. Bertrand: ... je pense qu'effectivement la minorité
anglophone...
Une voix: II y a une nuance.
M. Bertrand: ... de l'Estrie n'a pas, comme support, celui dont
peut bénéficier la minorité anglophone qui vit à
Montréal, dans le West Island. Je pense que votre distinction entre les
anglophones de milieu rural et les anglophones de milieu urbain est tout
à fait pertinente dans ce contexte. Je crois que, lorsqu'on regarde
comment s'est développée la communauté anglophone dans ces
deux secteurs du Québec, il y a vraiment des divergences
considérables.
Ceci étant dit, et c'est simplement...
La Présidente (Mme Cuerrier): Je m'excuse de devoir vous
arrêter ou bien veuillez conclure rapidement votre question, parce que le
temps nous est limité.
Une voix: D'accord.
M. Bertrand: Le député me permet ici de
continuer.
M. Rivest: II n'a pas le droit, il n'est pas membre.
Une voix: Consentement.
M. Bertrand: On lui a donné le droit tantôt.
La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît!
Rapidement, rapidement, M. le député. (12 h 30)
M. Bertrand: Merci, Mme la Présidente. Ceci étant
dit, Mme la Présidente, je voudrais simplement, en terminant, demander
à ces représentants de la communauté anglophone - revenant
un peu sur la question qui a été posée tout à
l'heure par mon collègue, le député de Deux-Montagnes -
leur demander de m'exposer plus clairement leur point de vue sur la question du
rapatriement unilatéral. Il me semble qu'il s'est
développé au Québec un très large consensus de
toutes les formations politiques contre le projet de rapatriement, non
seulement dans sa forme, mais même sur le fond et, jusqu'à un
certain point, je suis à l'occasion surpris de constater qu'il semble
que ce soit dans les communautés anglophones du Québec qu'un
point de vue tout à fait différent soit exprimé. Je me
demande jusqu'à quel point la communauté anglophone du
Québec ne fait pas comme si elle se disait: À toutes fins
pratiques, quant à nous, pour ce qui touche les questions
d'éducation, de culture et de langue, nous préférons nous
en remettre au gouvernement fédéral plutôt que de nous en
remettre au gouvernement provincial. Or, vous disiez, au début de votre
mémoire, que vous considériez que ces questions devaient se
discuter ici entre nous, au niveau provincial. J'aimerais peut-être vous
entendre un peu sur cette question des juridictions dans le domaine de
l'éducation, de la culture et de la langue et des
responsabilités
exclusives qui devraient appartenir, quant à nous, au
gouvernement du Québec pour ces questions, et sur votre opinion quant
à l'urgence du rapatriement. Est-ce vraiment parce que vous êtes
fondamentalement pour le rapatriement unilatéral ou si c'est parce que
vous considérez que plus vite le gouvernement fédéral
agira, plus vite vous aurez le sentiment que c'est vraiment ce gouvernement qui
prend la responsabilité en matière d'éducation, de langue
et de culture.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Ross.
M. Ross: Mme la Présidente, premièrement, quant au
début de votre intervention, je pense que, quand on regarde l'histoire
de notre région, je suis bien d'accord avec vous que c'est une
évolution progressive de la majorité que, par exemple, dans les
Cantons de l'Est, on devienne de plus en plus francophone. Je suis bien
d'accord pour dire que la loi 101, c'est cela, mais ce que nous avons
remarqué récemment, et c'est un peu d'après les
statistiques que j'ai présentées auparavant, c'est que cette
évolution s'est accélérée fortement depuis cinq ou
six ans. Vraiment, selon notre expérience comme anglophones dans les
régions rurales, il y a des restrictions, il y a des changements de
liberté d'aller chercher du travail, il y a une restriction
d'informations gouvernementales; auparavant, c'était bien plus dans les
deux langues et maintenant, de plus en plus, c'est seulement en
français. C'est bien difficile pour plusieurs anglophones d'être
capables de profiter de ces services gouvernementaux.
Quant à la question du rapatriement, encore là, c'est
difficile. Nous convenons que le droit provincial dans le domaine de
l'éducation est prioritaire, mais nous croyons qu'une constitution
fédérale est aussi exigeante pour le gouvernement
fédéral que pour le gouvernement provincial. Rien n'est
obligé au gouvernement fédéral qui ne soit pas
obligé au gouvernement provincial. C'est pourquoi nous ne
considérons pas le rapatriement comme un geste fédéral
seulement. Les droits des provinces sont abordés au
fédéral. Ils sont protégés par nos cours de justice
pour tous les citoyens. Quant à une répartition purement
unilatérale, sans l'approbation des différentes provinces, non,
je pense que nous ne sommes pas d'accord avec cela, mais j'aimerais vous donner
ces opinions.
Mme Kouri: I would like to just make the distinction between
Cowansville and the rest of the 05 and 06c that we cover in our association. In
Brome, I believe it is still 50-50, you know, 50% English, 50% French. I agree
it is very similar to the West Island situation. But for the rest of the areas
it is 10% at most and in Sherbrooke, I think we are down to 4%.
So, do not judge us all by Cowansville. Certainly, the governments have
never tried to prevent us from having our own services. I would not say that.
But indirectly, that is what has happened lately by the lack of information to
the English community and we are hoping that Communication-Québec will
think of the English also and we are working with Communication-Québec
in Sherbrooke to have them publicize more in the English medias to what
services are available to fill this void, because we do not feel that our
association should have to fill this void. I guess that is all.
La Présidente (Mme Cuerrier): Tout en faisant remarquer
à la commission...
M. Orr: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): Oui, M. Orr.
M. Orr: Je pense qu'il y a trois choses que nous voulons dire
aujourd'hui. Nous sommes venus pour dire que, comme communauté, nous
voulons continuer comme Canadiens. Je pense que récemment nous avons
décidé, comme communauté, que nous voulons être
Québécois, nous voulons participer aussi fortement que nous
pouvons à la société québécoise, mais,
à la base, nous voulons continuer comme communauté.
Nous sommes venus aujourd'hui chercher des amis. Si ces amis sont le
Parti québécois, le Parti libéral, l'Union Nationale qui
est disparue maintenant, cela ne vaut rien... Nous avons besoin d'amis quand
nous sommes une petite communauté. Est-ce que c'est possible pour le
gouvernement provincial de nous aider? Cela va. Mais si nous devons chercher
cette aide au niveau fédéral, si nous n'avons pas le choix, il
faut le faire pour continuer.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député,
je regrette, je n'ai pas de temps et le député de Saint-Laurent
disposerait encore de cinq minutes au total, pour la question et la
réponse. Vous avez la parole, M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Je vous remercie, Mme la Présidente. Moins que
des questions, j'ai plutôt des observations à formuler à ce
moment-ci à la suite de la présentation de ce mémoire et
des échanges auxquels nous avons assisté.
En premier lieu, je crois que, comme mon collègue de
Notre-Dame-de-Grâce l'a indiqué au tout début, nous avons
ici un témoignage vivant, c'est le cas de le dire, de la fausseté
de l'affirmation que nous avons entendue à quelques reprises hier et que
nous entendrons peut-être encore à
nouveau à l'effet que, pour les anglophones en Amérique du
Nord, il n'y a aucune espèce de danger. On se rend compte qu'on ne peut
dire cela qu'en regardant des statistiques sur l'ensemble de l'Amérique
du Nord, donc des abstractions, mais que pour des communautés
anglophones bien particulières, qui sont des communautés
très franchement minoritaires, le danger culturel pour leur survie est
tout à fait réel, est tout à fait concret. Et ce qui a
été dit relativement aux anglophones de l'Estrie pourrait
être répété, bien sûr, pour les anglophones de
la Gaspésie, même de la Côte-Nord et même pour
certaines sous-communautés anglophones, même dans la région
de Montréal. Je pense en particulier aux anglo-catholiques, dans la
région de Montréal.
Donc, il est faux de prétendre que nous ne sommes pas en
présence d'un problème de minorité qui lutte pour sa
survie sur le plan culturel.
Une deuxième observation qui se dégage, c'est que les
affirmations souvent entendues de la part du gouvernement péquiste
à l'effet de l'extraordinaire générosité du
Québec face à sa minorité anglophone doivent être
prises avec un grain de sel, c'est le moins qu'on puisse dire. On se rend
compte que même les dispositions de l'article 133 de la constitution
actuelle, qui soi-disant lient le Québec, soi-disant créent un
carcan intolérable, ne sont dans les faits pas respectées dans
les situations concrètes, et que lorsqu'on assiste à des
situations où le gouvernement, dans le fond, refuse d'informer les
bénéficiaires potentiels de l'aide sociale des avantages qu'ils
pourraient avoir à titre de citoyens et de résidents du
Québec, en vertu de cette loi, je crois qu'on est mal placé pour
parler de générosité à l'endroit de groupes
minoritaires.
Un troisième élément, Mme la Présidente. M.
de Bellefeuille, député de Deux-Montagnes, a
félicité le groupe en question de s'être
présenté devant l'Assemblée nationale du Québec,
devant la commission parlementaire. Il a dit qu'il était tout à
fait louable que les groupes minoritaires viennent ici débattre leurs
problèmes. Mais, au-delà de ces félicitations toutes de
surface, je pense que le gouvernement n'a pas donné beaucoup de raisons
concrètes à ce groupe et à d'autres comme lui de revenir
à la commission parlementaire. C'est remarquable qu'une des seules
présentations qui a été faite jusqu'à maintenant,
en l'absence du ministre, a été faite par ce groupe et, loin de
prendre des engagements...
M. de Bellefeuille: Une question de règlement, Mme la
Présidente.
M. Forget: ...loin de prendre des engagements et de corriger la
situation, on a essayé de percer si, dans leur motivation et dans leur
attitude face aux députés...
M. de Bellefeuille: Mme la Présidente, le règlement
ne...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Saint-Laurent.
M. Forget: J'ai la parole, Mme la Présidente. Le
député pourra intervenir en vertu de 96, après que j'aurai
terminé.
Mme la Présidente, je pense qu'au lieu de dire: Oui,
effectivement, vous avez raison, il y a des problèmes réels, on
essaie de voir si on ne pourrait pas découvrir chez ceux qui parlent une
intention d'approuver peut-être le projet constitutionnel du gouvernement
fédéral pour dire: Voyez, de toute façon, ces
gens-là, il ne faut pas les aider. Ils n'ont pas les bons motifs. Ils ne
viennent pas ici avec le désir d'appuyer le gouvernement. Je pense que,
lorsqu'on parle de générosité, à l'avenir, on devra
être un peu plus prudent du côté du gouvernement.
Une quatrième observation qui s'impose, c'est aussi que chaque
communauté culturelle a ses caractéristiques propres. Lorsque
l'on parle des minorités francophones à l'extérieur du
Québec, on parle, à juste titre, d'assimilation, parce que c'est
de cela qu'elles sont victimes, l'assimilation. Elles ne bougent pas, elles se
font absorber sur place.
Dans le cas de la communauté anglophone, au Canada et au
Québec en particulier, le danger pour sa survie culturelle ne prend pas
la forme de l'assimilation. C'est une communauté qui est typiquement
plus mobile et le danger, qui est réel, pour cette communauté de
disparaître comme entité culturelle prend la forme justement d'une
mobilité, d'une disparition, d'une émigration, d'un
départ, d'une attrition, si l'on veut, de la communauté, en terme
de nombre. Et lorsque le gouvernement s'oppose à ce que l'admission
à l'école anglaise soit élargie, il nie cette
catéristique fondamentale de cette communauté anglophone. Il
voudrait que les anglophones au Québec se comportent comme les
francophones au Manitoba et, s'ils ne sont pas pareils en tout, ils ne doivent
pas être reconnus comme minorité.
Je pense que c'est nier la réalité. La
réalité, c'est que cette communauté anglophone au
Québec a toujours été plus mobile et, quand on est en face
de 5% ou 10% de la population, d'un nombre dans les écoles qui ne
dépasse pas 3,400, répartis en 22 écoles primaires et
qu'on refuse assez chichement une addition de 5% ou 10% dans le nombre
d'élèves provenant d'anglophones de souche, mais qui ont eu le
malheur de ne pas être natifs de Sherbrooke, de East-Angus ou de Brome,
mais qui étaient natifs de
Cornwall ou de Fredericton au Nouveau-Brunswick, je pense que là,
on fait preuve d'une étroitesse d'esprit assez remarquable, sous
prétexte qu'il faut préserver les francophones du Québec
contre une horde, imaginaire d'ailleurs, d'immigrants anglophones en provenance
des autres provinces. Je pense qu'on voit très bien que cette attitude
est une attitude essentiellement hypocrite de la part du gouvernement qui
cherche à défendre ce qui n'est pas défendable dans la loi
101. On en a là la démonstration assez concrète. Je pense
que finalement - je terminerai là-dessus, Mme la Présidente -
lorsque l'on entend ce témoignage d'une communauté minoritaire au
sein du Québec de langue anglaise, on se rend compte que notre attitude
- je parle aussi peut-être des deux côtés de
l'Assemblée nationale - dans le passé a peut-être
été une attitude punitive, en quelque sorte, face à la
minorité anglophone en disant: II faut, d'une certaine façon,
faire payer à la communauté anglophone le problème
réel et indéniable qu'a constitué l'adhésion au
système d'enseignement anglophone des immigrants qui ne sont ni
francophones, ni anglophones au départ. C'est ce grand problème
qui est au centre du débat linguistique au Québec, mais je pense
qu'il faut prendre soin de ne pas chercher à régler le
problème du défaut d'assimilation au sein de la majorité
francophone de tous ceux qui y sont arrivés de différents pays
sur le dos de la minorité anglophone qui est établie depuis
longtemps parmi nous et avec laquelle, dans le fond, nous n'avons pas de
querelles particulières. (12 h 45)
II y a là un problème. Je pense, encore une fois, au
problème des immigrants allophones. Ce sont eux qui sont la
véritable cible, je pense, de la législation linguistique et non
pas des communautés qui, encore une fois, sont très visiblement
minoritaires dans les Cantons de l'Est et ailleurs au Québec en dehors
de Montréal. Mais même dans la région de Montréal,
elles acquièrent de plus en plus des caractéristiques très
semblables à celles qu'on observe à l'état extrême
dans les Cantons de l'Est.
M. de Bellefeuille: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): Avant d'accorder la parole
à celui qui voudra bien répondre à M. le
député de Saint-Laurent, j'ai ici une question de
règlement de M. le député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Tout simplement, Mme la Présidente,
pour rétablir les faits. Contrairement à ce qu'affirme le
député de Saint-Laurent, le ministre des Affaires
intergouvernementales était présent. Il a entendu la
présentation du mémoire de l'Association des anglophones de
l'Estrie. Il ne nous a quittés qu'il y a quelques instants pour aller
assister à au moins une partie de la séance du Conseil des
ministres.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Ross.
M. Ross: Mme la Présidente, actuellement, nous n'avons pas
vraiment d'autre chose à dire, excepté de vous remercier
infiniment, vous-même et les membres de votre commission, pour nous avoir
accueillis et souligner encore une fois notre position: comme une
minorité anglophone en dehors de Montréal, nous
considérons que la survivance de notre culture est vraiment en danger.
Merci.
La Présidente (Mme Cuerrier): Une question de
règlement, M. le député de Châteauguay.
M. Dussault: Très brièvement, Mme la
Présidente, sans doute que vous me permettrez de satisfaire ma
curiosité en demandant - et au bénéfice de tout le monde -
à nos invités aujourd'hui de nous dire ce que représente
le macaron qu'ils arborent très fièrement qui me rappelle quelque
chose d'un peu écossais. J'aimerais savoir exactement ce que c'est.
M. Ross: Le gros ici? M. Dussault: Oui.
M. Ross: Je peux peut-être l'expliquer en anglais. It was
an official tartan that was developed by a Mr Clifford Allan about fifteen
years ago. He lived in Kinnears Mills in the Eastern Townships and it was his
idea to develop a tartan representative of the Eastern Townships; he designed
it himself -he was working for one of the textile industries at that time -
then he took it to Edinburgh and had it officially recognized by the Laird of
Scotland to have it as an official tartan. This was all about twelve or fifteen
years before our association started. So, when we started, we thought it was a
pretty nice logo so we asked Mr Allan if we could use it as our symbol and he
said O.K.
Mme Kouri: I could also explain that the red is for the trees of
autumn, the green for the agricultural areas, the white for the snow and the
yellow for the flowers of spring or the dandelions.
La Présidente (Mme Cuerrier): Au nom de la commission de
la présidence du conseil et de la constitution, je remercie
l'Association des anglophones de l'Estrie de sa collaboration et d'avoir bien
voulu travailler avec la commission parlementaire. Merci, Mme Kouri, merci, M.
le président
Ross et merci, M. Orr.
M. Ross: Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): J'appellerai maintenant le
Mouvement Québec français, représenté par M. Guy
Bouthillier.
M. O'Neill: Mme la Présidente, je voudrais faire une
proposition de procédure.
La Présidente (Mme Cuerrier): Sur une question de
règlement, M. le député ?
M. O'Neill: Je proposerais qu'on suspende et qu'on reprenne pour
avoir en même temps la présentation et la période des
questions pour le mémoire qui s'en vient.
On pourrait reprendre plus tôt, à 14 h 30
peut-être?
La Présidente (Mme Cuerrier): II y a une proposition
à la commission, de la part de M. le député de Chauveau,
pour que le Mouvement Québec français se présente à
15 heures cet après-midi, de façon que et la présentation
et la période de questions forment un tout. Il semble que ce soit
déjà adqpté; alors, si le Mouvement Québec
français veut bien se présenter cet après-midi, à
15 heures, la commission l'entendra.
Sur ce, nous suspendons les travaux de la commission jusqu'à 15
heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 50)
(Reprise de la séance à 15 h 15)
La Présidente (Mme Cuerrier): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission de la présidence du conseil et de la
constitution reprend ses travaux.
Mouvement Québec français
J'inviterais donc au nom de la commission le Mouvement Québec
français à se présenter pour prendre part à nos
travaux. M. Bouthillier.
M. Bouthillier (Guy): Bonjour, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): Bonjour, M. Bouthillier.
Est-ce que je pourrais vous demander de nous présenter les gens qui vous
accompagnent, s'il vous plaît?
M. Bouthillier: J'allais le faire. Mme la Présidente, M.
le ministre, messieurs les députés. Vous connaissez le MQF, ce
n'est pas un organisme comme tous les autres, c'est plutôt un
rassemblement, un point de concours de plusieurs organismes, de plusieurs
associations. Pour prendre un vocabulaire d'actualité, disons que c'est
une fédération de groupements et, comme toutes les
fédérations, tout ce qui se fait en notre nom, tout ce qui se dit
ici se fait dans l'accord unanime de tous ceux qui participent, de tous ceux
qui constituent le MQF.
Pour préciser les souvenirs des uns et des autres, je vais, si
vous le voulez, rappeler le nom des organismes qui font partie du Mouvement
Québec français et qui sont représentés ici.
Il y a d'abord l'Association québécoise des professeurs de
français qui est représentée ici par son porte-parole au
sein du MQF, M. André Gaulin. Il y a la Centrale de l'enseignement du
Québec qui est représentée ici par le secrétaire du
bureau national de la CEQ, Lorraine Pagé. Il y a ensuite la
Confédération des syndicats nationaux représentée
ici par le premier vice-président de la Fédération des
mines, métallurgie et produits chimiques et aussi président du
Syndicat des travailleurs de la société Asbestos, M. Oliva Lemay;
le Mouvement national des Québécois, représenté ici
en la personne de sa vice-présidente nationale, Mme
Paulette-Michèle Hétu, l'Alliance des professeurs de
Montréal, représentée ici en la personne de son
président, M. Rodrigue Dubé; la Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal, représentée ici par un
membre du conseil général de la société, M. Dollard
Mathieu. La Fédération des travailleurs du Québec fait
également partie, vous le savez tous, du Mouvement Québec
français, mais Fernand Daoust, qui devait être présent ici
aujourd'hui, nous a demandé de bien vouloir l'excuser, il est
empêché de venir parmi nous.
Si vous le voulez bien, Mme la Présidente, je vais lire le
mémoire qui vous a été communiqué, je crois, il y a
quelque temps et qui n'est pas très long, et ensuite nous
procéderons à la passe d'armes habituelle.
Le Mouvement Québec français constitue un vaste
rassemblement de Québécois et de Québécoises issus
des milieux du travail, de l'enseignement et des sociétés
nationales et décidés à se battre pour la défense
et l'affirmation du français au Québec.
Le Mouvement Québec français est né, il y a
près de dix ans, de l'impérieuse nécessité de
s'unir pour combattre le bill 63 et pour briser les chaînes du
bilinguisme imposé au Québec depuis deux siècles. C'est le
Mouvement Québec français qui, en particulier, a constitué
le fer de lance du combat national contre le bill 22.
La lutte menée par le Mouvement Québec français a
abouti à l'adoption par l'Assemblée nationale de la Charte du
français, appelée loi 101. Cette charte proclame le
caractère à jamais français du Québec, rompt avec
deux siècles de bilinguisme et donne enfin au Québec la
possibilité d'amener tout ce qui vit, pense et travaille ici à le
faire en français. En particulier, c'est grâce à cette loi
que nous ouvrons maintenant largement et généreusement nos
écoles à ceux et à celles qui ne sont pas français
par la langue maternelle.
Le Mouvement Québec français a applaudi à cette
loi, comme l'a fait et comme le fait encore la grande majorité des
Québécois, parce que cette loi est devenue la condition de la vie
française au Québec et au Canada, et aussi parce que cette loi
est l'une des conditions de la paix sociale au Québec.
Mais sur cette victoire, acquise de haute lutte par le peuple du
Québec, planent actuellement de graves menaces. En effet, tous ceux qui,
par refus du changement, esprit de domination ou francophobie, ne peuvent
accepter de voir un peuple de langue française vivre et progresser ici,
tentent actuellement, à la faveur du désarroi dans lequel se
trouve le Québec depuis le 20 mai dernier, de rétablir l'ordre
ancien et de briser l'élan de refrancisation du Québec. Comme
toujours, ces menaces sont nombreuses, mais la plus grave, c'est encore celle
qui nous vient d'Ottawa et c'est parce que le péril est grand que le
Mouvement Québec français a décidé de se mobiliser
contre l'entreprise de démolition de la loi 101 que constituent les
visées constitutionnelles de Trudeau.
Le Mouvement Québec français voit dans le projet de
Trudeau un double danger: pour la loi 101 elle-même et pour les droits
fondamentaux du Québec. La loi 101, et plus précisément
son article 72, fait de l'école française l'école de droit
commun au Québec. Elle vise ainsi un triple but: d'abord,
rétablir la paix dans nos rues et dans nos écoles, cette paix qui
n'existait plus depuis le bill 63 et le bill 22; ensuite, briser le mur
d'indifférence et de préjugés qui séparait les
francophones des autres en ouvrant nos écoles à tous et, en
particulier, à ceux qui nous viennent de l'extérieur du
Québec et, ainsi, préparer les autres à partager notre vie
collective; enfin et surtout, renforcer l'école française et,
à travers elle, l'ensemble de la vie française du
Québec.
Or, en invitant à se détourner de l'école
française plusieurs catégories d'enfants, y compris des enfants
du Québec que la loi destine pourtant à l'école
française, le projet de Trudeau, et plus précisément son
article 23, entraverait directement la réalisation de ce triple but.
Dans ces conditions, accepter le projet Trudeau, c'est compromettre
l'idéal de paix, de fraternité et de francisation de la loi 101.
Cela, nous ne pouvons le faire.
La loi 101 et plus précisément ses articles 7 à 13,
en faisant du français la langue de la législation et de la
justice, traduit dans nos institutions publiques la volonté
exprimée par l'article premier de la loi 101 de faire du français
la seule langue officielle du Québec. L'importance de ces articles n'est
pas douteuse, car ils expriment la volonté de rompre avec le bilinguisme
officiel et ils constituent en quelque sorte une déclaration
d'identité française de l'État du Québec.
Or, cela est inacceptable aux yeux d'Ottawa. Déjà, en
décembre 1979, on s'en souvient, la Cour suprême avait
déclaré ces articles contraires à l'ordre établi en
1867 par l'article 133 du BNA Act. Et voici maintenant que le projet du
gouvernement d'Ottawa, et plus précisément son article 21,
viendrait confirmer, c'est-à-dire renforcer cet article 133, faisant fi,
faut-il le dire au passage, des conseils de la commission
Pépin-Robarts.
Dans ces conditions, accepter le projet Trudeau, c'est acquiescer
à la disparition d'un élément essentiel de notre loi 101
et c'est accepter l'ordre bilingue imposé au Québec en 1867. Cela
non plus, nous ne pouvons le faire.
Outre ces deux aspects précis de la loi 101 qu'il frappe
directement, le projet de Trudeau n'en vise-t-il pas d'autres? Malheureusement,
on peut le craindre. À l'objectif du renforcement de l'école
française et à celui de la francisation des institutions
d'État, la loi 101 ajoute l'objectif de la francisation de
l'économie du Québec.
Le troisième objectif est poursuivi à travers un ensemble
de dispositions, notamment celles qui prescrivent la francisation des raisons
sociales, de l'affichage et de la publicité commerciale, et plus
généralement celle du travail et des entreprises. L'ensemble de
ces dispositions est essentielle à la promotion sociale et
économique des Québécois.
Or, le projet de Trudeau, s'il ne contient aucune disposition explicite
qui viendrait contrer directement ces efforts, contient des dispositions
générales qui pourraient un jour servir la cause des adversaires
de la loi 101. Ainsi, l'article 2 sur la liberté d'expression
n'ouvrirait-il pas la voie à la contestation, par tel ou tel
commerçant, des dispositions sur les raisons sociales et sur l'affichage
public?
Ou encore, l'article 6 sur la liberté de circulation et
d'établissement n'ouvrirait-il pas la voie à la contestation des
dispositions sur la langue du travail et sur celle des entreprises?
Bien sûr, telle ne serait peut-être pas
l'interprétation des tribunaux. Mais encore vaut-il mieux faire preuve
de la plus extrême circonspection devant un projet qui,
s'il était adopté, laisserait à la Cour
suprême, que l'on connaît, le soin d'interpréter un texte
marqué au triple coin de la centralisation unitaire, de
l'homogénéisation pancanadienne et de la négation de toute
spécificité franco-québécoise.
Quoi qu'il en soit, ces interprétations sont pour le moins
vraisemblables. Du reste, certains juristes les ont d'ores et
déjà avancées. Dès lors, une chose devient
certaine: tôt ou tard, il se trouvera bien quelque avocat
éventuellement enhardi par des fonds fédéraux pour les
soutenir devant les tribunaux. Dans ces conditions, accepter le projet de
Trudeau c'est, au mieux, exposer la loi 101 à une longue période
d'avocasseries, de contestations et d'incertitude et, au pire, de la condamner
à une nouvelle annulation judiciaire. Cela, non plus, nous ne pouvons le
faire.
Nous savons depuis toujours les limites des compétences
législatives du Québec, mais, du moins, savons-nous depuis 1867
que l'Assemblée nationale est le seul maître de notre
système d'enseignement. Nous savons aussi maintenant que
l'Assemblée nationale est la seule autorité à pouvoir
définir la place de notre langue dans notre société.
De cela, nous avons reçu confirmation de Trudeau lui-même,
qui l'a reconnu devant les Anglo-Québécois partis à Ottawa
le supplier de défendre leurs privilèges, il y a
déjà plusieurs années. Vous vous en rappelez. Or, le
projet constitutionnel de Trudeau viendrait précisément
dépouiller le Québec de sa compétence exclusive en
matière d'éducation et en matière de langue.
Nous savons trop cruellement que le Québec est un État
faible, mal armé pour défendre sa langue et sa culture, mais nous
ne savions pas que les autres le trouveraient encore trop fort et qu'ils
s'acharneraient sur ces quelques morceaux de compétence
législative. Porter atteinte à ce droit fondamental que nous
avons et que nous avons toujours eu de légiférer en
matière de langue et d'éducation, c'est ça,
précisément, qui est le plus grave dans le projet de Trudeau. Non
seulement ce projet s'attaque-t-il à notre loi 101, il s'attaque aussi
au droit même que nous avons de voter pareilles lois. En même temps
qu'il donnerait au Canada le droit normal d'entrer en pleine possession de ses
institutions politiques, Trudeau enlèverait au Québec le droit
fondamental de garder la pleine possession de ses institutions sociales et
linguistiques.
Cette diminution du Québec, cette altération de la
constitution se ferait non pas sans l'accord, mais bien contre la
volonté expresse du Québec. Accepter le projet Trudeau, c'est
aussi accepter cela. Et ce droit qu'on nous enlèverait aujourd'hui, ce
n'est pas demain que nous le retrouverions car, en vertu des formules de
révision constitutionnelle proposées, pour reprendre nos droits
sur notre langue, il faudra pouvoir convaincre une majorité de
parlementaires à Ottawa ainsi qu'une majorité de parlementaires
ou d'électeurs d'au moins cinq Législatures
canadiennes-anglaises. (15 h 30)
Cette dépossession de l'Assemblée nationale,
déjà grave en elle-même, est aggravée par le fait
qu'elle serait effectuée par un Parlement étranger, celui de
Londres. C'est là proprement une ingérence
étrangère dans nos affaires intérieures. Nous savons bien
que le Québec n'est pas à l'abri des ingérences
étrangères. Du moins, croyions-nous nous être
libérés de l'ingérence des Britanniques. Mais il n'en est
rien, semble-t-il. Ironie de notre histoire: c'est Londres qui a imposé
l'anglais ici, il y a plus de deux siècles; c'est Londres qui
rétablirait l'anglais ici, en 1981.
Il se trouvera bien des juristes pour justifier la
légalité de cette intervention. Il s'en trouvera moins,
cependant, pour en justifier la légitimité. C'est pourquoi nous
dénoncerions cette ingérence britannique dans nos affaires et
nous informons les autorités de Londres ainsi que celles d'Ottawa que le
peuple du Québec sera justifié de tenir pour nulle et non avenue
toute disposition votée par Londres qui viendrait porter atteinte
à notre loi 101. Entre la volonté de l'Assemblée nationale
et la volonté de Westminster, nous savons où réside la
légitimité.
En conclusion, et après avoir dénoncé la menace que
fait peser le projet de Trudeau sur notre loi 101 et sur nos droits
fondamentaux, le Mouvement Québec français rappelle qu'il
s'opposera. Il invite le peuple et les députés du Québec
à s'opposer à toute tentative de rapatriement constitutionnel qui
ne contiendrait pas les éléments suivants:
Reconnaissance de l'autorité exclusive du Québec en
matière d'éducation, de langue et de culture.
Maintien de la loi 101, des droits que cette loi reconnaît
à l'école française et des droits qu'elle reconnaît
aussi au français comme langue de l'économie et du travail.
Abandon de l'article 133 pour le Québec et rétablissement
des articles 7 à 13 de la loi 101.
En terminant, le Mouvement Québec français rappelle les
raisons de son attachement à la loi 101. La loi 101, c'est notre droit
et c'est notre volonté de vivre comme peuple français en
Amérique. La loi 101, c'est notre droit et c'est notre volonté de
rompre l'isolement des personnes et des cultures et d'amener tous ceux qui
vivent ici à le faire avec nous et non plus contre nous.
Enfin, la loi 101, c'est notre droit et notre volonté de lutter
contre l'unilinguisme et le monolithisme anglais en Amérique du Nord.
Face aux hégémonies qui se déploient
actuellement dans le monde, tous les peuples sont menacés, tous
les peuples sont en quelque sorte minorisés. La lutte du peuple du
Québec pour la défense de la loi 101, c'est la lutte d'une des
minorités les plus dépouillées contre l'une des
hégémonies les plus fortes et les plus menaçantes.
Dans cette bataille, la victoire de notre peuple est possible; encore
faut-il lui laisser les moyens qu'il s'est donnés pour se
défendre. Que tous les vrais défenseurs des minorités et
des peuples se le disent: La défense de la liberté, de la justice
et de la dignité humaine passe par la victoire du Québec
français.
Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes les
députées, MM. les députés, je vous remercie de
l'attention que vous avez bien voulu porter à la lecture de ce
mémoire.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le président, j'ai
déjà plusieurs personnes qui m'ont demandé la parole. Je
la donne, d'abord, à M. le ministre des Affaires
intergouvernementales.
M. Morin (Louis-Hébert): Merci, Mme la Présidente.
M. Bouthillier, à la page 10 de votre mémoire, vous mettez des
conditions précises de sorte que le Québec ne pourrait pas et ne
devrait pas accepter, selon vous, un rapatriement constitutionnel qui, à
toutes fins utiles - je résume votre position -mettrait en cause la loi
101. Il y a autres choses, mais c'est ça que je veux retenir,
là.
J'ai deux questions: Est-ce que, si cette exigence était
satisfaite, en d'autres termes s'il y avait une garantie que la loi 101 ne
serait pas touchée, vous seriez d'accord pour qu'il y ait un
rapatriement tel qu'envisagé actuellement? Autrement dit, est-ce que ce
que vous proposez veut dire que, dans le projet fédéral, si on
enlevait les parties reliées à la langue - l'article 23 entre
autres - vous seriez d'accord? Est-ce que j'ai droit de dire, en lisant votre
texte, que vous ne vous opposez pas à la démarche
fédérale dans la mesure où elle n'atteindrait pas la loi
101? C'est ma première question.
La deuxième question est d'ordre technique. Comment faisons-nous,
lorsqu'il y a une opération de rapatriement de la constitution comme
celle devant laquelle nous sommes, pour garantir qu'il n'y aura jamais de
changement à la loi 101 dans l'avenir? Exemple - et je ne veux pas faire
de politique, mais c'est quand même important à noter - nos "amis"
libéraux ici ont des visées sur la loi 101, sur la politique
linguistique du Québec et on sait qu'ils la remettent en cause. Comment
un rapatriement de la constitution pourrait-il garantir qu'eux ne la
remettraient pas en cause? Est-ce que ça veut dire à toutes fins
utiles qu'il faudrait enchâsser la loi 101 dans la constitution du
Canada?
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Bouthillier.
M. Bouthillier: Merci, Mme la Présidente. Est-ce que vous
avez le droit, avez-vous dit, M. le ministre, de tirer la conclusion que nous
serions d'accord avec un rapatriement qui garantirait en quelque sorte la loi
101? Je répondrai à ça que vous avez le droit de le dire,
comme on a le droit de se tromper, car effectivement ce n'est pas ce que nous
voulons djre.
Je pense que, pour comprendre cela, il faut voir un petit peu ce qu'est
le MQF. Le MQF a pour unique fonction en quelque sorte, pour unique raison
d'être de se battre sur le plan de la défense de la langue. Si
nous sommes entrés dans cette lutte, le MQF comme tel, distinctement de
ceux qui le constituent, si nous sommes entrés dans la bataille contre
le coup de force que vous savez, c'est précisément et uniquement
pour rappeler l'attention sur cet aspect-là des choses. C'est en
réponse à votre première question.
En ce qui concerne la deuxième, faut-il enchâsser la loi
101 dans une constitution? Ce qu'on peut demander, au fond - peut-être
est-ce le sens de votre question - est-ce qu'on pourrait escompter que Trudeau,
pour mieux faire passer son coup de force, accepterait d'enchâsser la loi
101 pour mieux lier le Québec à son ensemble? Est-ce que c'est
ça que vous entendez...
M. Morin (Louis-Hébert): Je vais vous préciser la
démarche que j'ai suivie. Je suis très content de votre
première réponse. Ce que vous me dites, en somme, c'est que votre
intérêt dans votre présence ici, dans l'action, donc, du
Mouvement Québec français porte uniquement sur la langue. Pour le
reste, les groupes qui font partie de votre fédération, comme
vous dites, sont libres de penser ce qu'ils veulent sur l'ensemble. Je vois
très bien la réponse que vous avez apportée à la
première question. Donc, ça ne préjuge pas des avis que
vous pouvez avoir sur le reste du projet fédéral.
Cependant, deuxièmement, même si cette garantie est
accordée qu'il n'y a pas de geste fédéral qui touche la
loi 101 maintenant, je ne vois pas comment on peut garantir qu'il n'y a rien
qui la touchera dans l'avenir. C'est ça mon point.
M. Bouthillier: Là, oui, je suis tout à fait
d'accord.
M. Morin (Louis-Hébert): Donc, on ne peut pas garantir
maintenant, par une disposition constitutionnelle quelconque, que jamais la loi
101 ne sera touchée. C'est bien sûr que nous ne voulons pas y
toucher, mais ça peut arriver que d'autres veuillent y toucher.
M. Bouthillier: On sait ça, on l'a entendu dire et
effectivement il faut le craindre. Alors là, ce ne sont pas des
garanties constitutionnelles. D'une certaine façon les garanties
constitutionnelles aussi bien sur ce plan que sur d'autres n'ont qu'une valeur
relative contrairement à ce que certains peuvent penser. L'essentiel de
la défense et de la promotion de la loi 101 ne dépend pas de
garanties constitutionnelles qui peuvent devenir illusoires si la conjoncture
devait changer. L'essentiel des éléments de défense et de
garanties de la loi 101 résulte dans la volonté populaire, dans
la volonté des Québécois de défendre, de maintenir,
de propager et d'assurer la promotion de la loi 101. C'est là. Si vous
voulez, c'est un rapport de force sur ce plan-là comme sur d'autres.
Entrent, si vous voulez, dans le rapport de force, toutes sortes
d'éléments, d'où l'élément constitutionnel,
mais je crois, nous croyons ici que la dimension garantie constitutionnelle, on
le sait, l'histoire des constitutions nous l'apprend, on sait que des qaranties
constitutionnelles peuvent devenir illusoires. Il suffit de se reporter au
malheureux sort des francophones du Manitoba pour le constater. Eux aussi
avaient des garanties constitutionnelles. Ils ont évidemment perdu les
positions, la situation et les droits de leur langue chez eux.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Jean-Talon.
M. Rivest: Ce que le ministre, M. Bouthillier, voulait
peut-être indiquer, c'est qu'on sait que le premier ministre du
Québec, à propos de la loi 101, a dit que, pour sa part - enfin,
il parlait probablement en son nom personnel - cela l'humiliait qu'une
société ait à adopter une telle loi. Le premier ministre -
je pense le citer exactement - disait que, dans l'éventualité
où le Québec accéderait à la souveraineté
politique, une telle loi ne serait plus nécessaire. Probablement que
c'est ce à quoi le ministre...
M. Bouthillier: J'ai entendu aussi bien que vous, M. le
député, ce qu'a dit le ministre Morin, ce n'est pas, en tout cas,
ce que j'ai entendu et compris.
M. Rivest: Je rappelle que le premier ministre du Québec a
parlé du caractère humiliant pour une Assemblée nationale
d'avoir à adopter une loi comme la loi 101. Ma question...
M. Bouthillier: Je ne sais pas s'il a parlé du
caractère humiliant, je n'écoute pas tout ce que dit René
Lévesque, comme vous semblez le faire, mais ce que je sais, c'est que,
lorsque la loi 10.1 a été adoptée, j'étais au
Québec, comme vous, je suppose, et j'étais dans les rues de
Montréal et je n'ai pas du tout l'impression que j'étais au sein
d'un peuple qui se sentait humilié. Au contraire, j'ai très
nettement l'impression d'avoir ce jour-là été au sein d'un
peuple qui était très fier et qui, grâce à son
Assemblée nationale, pouvait enfin relever la tête après
les générations et, pour tout dire, les siècles
d'humiliation que vous savez très bien et que vous connaissez.
M. Rivest: Pour poursuivre dans le sens de ma question -
remarquez que, si on écoute le premier ministre, on est payé pour
cela à l'Assemblée nationale et, fatalement, peut-être
qu'on a l'occasion de l'entendre davantage que vous - ce que je voudrais vous
demander, c'est si vous croyez qu'une loi linguistique du type de la loi 101...
À entendre vos propos, on a l'impression que, sur le plan de
l'affirmation du caractère français du Québec, cela a
commencé et cela se termine à la loi 101. Je pense que le
caractère français du Québec va bien au-delà et
s'affirme d'une façon beaucoup plus forte et peut-être beaucoup
plus permanente par le dynamisme propre que la société
québécoise a pris au cours des quinze ou vingt dernières
années. Ceci, bien sûr, ne met pas de côté la
nécessité de régler des problèmes
spécifiques qui ont été, au fil des ans, dans les cinq ou
six dernières années, réglés d'une façon
plus ou moins heureuse par une intervention législative.
Le point, c'est de savoir si vous croyez qu'une société
comme le Québec doit toujours nécessairement vivre avec une loi
d'ordre linguistique. À certains égards, quand on regarde
l'ensemble du Québec, je veux bien croire que, sur le plan du
français en tant que tel, il y a un besoin pour la question des
immigrants, mais quand on regarde la totalité du Québec, la
réalité sociologique du Québec, le pluralisme fondamental
de la société québécoise, est-ce que, à
votre avis, une loi du type de la loi 101 doit être permanente ou doit
avoir une certaine pérennité? (15 h 45)
M. Bouthillier: Votre question renvoie à celle de savoir
quelle est la signification et l'importance des lois adoptées par les
Parlements en matière de langue et, sous-entendu dans votre
intervention, il y a l'idée qu'au fond, ce n'est pas là où
se joue le jeu; c'est un élément, mais finalement, somme toute,
secondaire. À voir l'acharnement avec lequel la majorité
anglophone en Ontario se bat pour ne pas voir intégrer dans son jeu
linguistique, dans son jeu de lois, l'article 133 du BNA Act, je serais
porté à tirer la conclusion que ces lois ont une grande
importance. Elles ont une grande importance, elles peuvent avoir une grande
importance, j'allais dire, concrète. D'ailleurs, voyez l'acharnement
avec lequel les adversaires du
Québec s'en prennent à la loi 101. Si la loi 101
était purement secondaire, on ne serait pas ici. Si on est ici, c'est
parce qu'il y a des gens qui, constatant l'efficacité de la loi 101, ont
décidé de s'attaquer à la loi.
Pour toutes ces raisons, l'exemple ontarien, l'exemple de ce front
commun qui se dessine contre la loi 101, je ne sous-estime pas l'importance
concrète des lois pour la défense et la promotion des langues et
il ne faudrait pas sous-estimer non plus -nous l'avons souligné dans
notre texte et cela a été dit ailleurs, cela a été
dit notamment par les anglophones de ce matin, les anglophones de l'Estrie de
ce matin - la valeur symbolique d'une proclamation car, dans la loi 101, s'il y
a des prescriptions légales - bien entendu, il y en a comme dans toutes
les lois il y a aussi une proclamation, la proclamation d'une volonté.
C'est pour cette raison que la loi 101, nous semble-t-il, a voulu rompre,
tourner le dos à l'article 133 imposé au Québec parce
qu'elle a voulu, en quelque sorte, proclamer le caractère national de la
société québécoise. C'est d'ailleurs, me
semble-t-il, pour cette raison que les adversaires s'en prennent, au fond,
à un article peut-être secondaire. Peut-être que les
articles 7 à 13 qui ont été déclarés
contraires à l'ordre pancanadien établi en 1867 et sans doute
même, sur le plan concret, sur le plan de la vie de tous les jours,
peut-être que ces articles ont une importance secondaire, mais la valeur
symbolique est essentielle. C'est d'ailleurs pourquoi c'est par là que
l'attaque contre la loi 101 a commencé et qu'elle continue.
M, Rivest: Si vous me permettez une dernière... Vous vous
êtes référé au témoignage des
Québécois anglophones de l'Estrie qui vous ont
précédé à la table. Quelle est la réaction
que vous avez face aux préoccupations de ces gens qui, je pense, ne sont
pas nécessairement, même s'ils soulèvent certaines
interrogations au titre de la loi 101, des adversaires du Québec?
M. Bouthillier: Ce que je retiens, ce que j'ai retenu, ce
à quoi j'ai fait allusion tout à l'heure concernant le
mémoire de cette association, c'est ce que l'on trouve à la page
3, lorsqu'ils chantaient les mérites d'une déclaration des droits
de l'homme, lorsqu'ils en soulignaient l'importance: "Beyond its symbolic and
educational functions..." Ce qu'ils disent, eux, d'un "bill of rights", on peut
le dire, nous, des articles 7 à 13 de la loi 101 comme du reste. Nos
adversaires ontariens fédéraux disent la même chose de
l'importance de maintenir l'article 133 pour le Québec. La question que
vous m'avez posée s'adressait, au fond, à la question de savoir
ce que nous pensions, au-delà de cette référence que je
viens de faire, de cette équipe que nous avons vue ce matin.
M. Rivest: Ou de l'ensemble de la préoccupation de la
communauté anglophone, des Québécois anglophones qui ne
sont pas nécessairement des adversaires du Québec.
M. Bouthillier: Cela m'a frappé, pour ne rien vous
cacher.
M. Rivest: Quelle est votre réaction face aux
inquiétudes, justifiées ou non? Il y a quand même 15% ou
20% de la population qui sont concernés. Dans votre groupe qui
s'intéresse à ce point aux questions linguistiques, est-ce que
vous avez une préoccupation pour que ces gens-là, pour ces
Québécois qui, encore une fois, ne sont pas des adversaires du
Québec? Est-ce qu'on doit complètement ignorer ce type
d'inquiétudes et ne pas se poser de questions sur certaines
modalités de la loi 101?
M. Bouthillier: Nous vivons dans...
La Présidente (Mme Cuerrier): Est-ce que je pourrais
demander qu'on ne fasse pas référence à un groupe plus
particulièrement, mais qu'on parle en général?
M. Bouthillier: C'est comme cela que je l'avais entendu.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le président.
M. Bouthillier: Au fond, on nous présente un groupe, des
groupes ou des éléments un peu comme une minorité.
J'entends et je n'entends pas à la fois. Quelle minorité?
Minorité par rapport à quoi? Minorité par rapport à
quelle majorité? Si vous dites minorité au Québec, c'est
par rapport à une majorité. Majorité au Québec,
pays pourtant non encore fait. Les libéraux, vous le savez mieux que les
autres.
M. Rivest: Au lieu de parler en termes de minorité et de
majorité, si vous le permettez, parlons de citoyens du Québec qui
ont des droits égaux aux autres et qui vous font part publiquement de
leurs préoccupations. Quel type de réactions avez-vous? Vous qui
avez insisté et qui dites vous intéresser aux questions
linguistiques au Québec, il me semble que votre analyse de la situation
doit être celle de la réalité objective du Québec et
non pas celle que vous souhaiteriez comme si, par exemple, il n'y avait pas 20%
de la population qui ne partageaient pas notre langue et notre culture. C'est
ce que je vous demande.
M. Bouthillier: Si nous étions portés ici, du MQF -
ce que nous ne sommes pas - à oublier, à passer sous silence les
droits des
anglophones du Québec, la loi 101 serait là pour nous
rappeler ce que sont ces droits, car il y a, dans la loi 101 - et certains
peuvent le regretter, certains l'ont sans doute regretté - une gamme
extrêmement étendue de droits qui sont reconnus à ces
anglophones enracinés dans l'histoire et dans le territoire du
Québec.
Je crois que c'est répondre à votre question. Mais je veux
revenir sur cette question. Je l'ai entendue ce matin. Elle revenait, elle
allait revenir, elle allait vous échapper et elle reviendra sans doute
dans d'autres interventions cet après-midi ou demain. On présente
toujours ce groupe comme s'il était une minorité. Et moi, je
reviens à ma question de tout à l'heure: Par rapport à
quelle majorité? S'il y a toute l'argumentation, tout le débat -
et déjà hier, à travers l'intervention de Léon
Dion, vous avez pu voir exactement la même présentation, la
même préoccupation - si on fait cette équation
minorité francophone de l'Ouest ou de l'Ontario, minorité
anglophone, c'est donc qu'il y a deux majorités dans ce pays, 'une
majorité anglophone et une majorité francophone.
Ceux qui ont voté et fait voter pour ce pays il n'y a pas
tellement longtemps encore devraient plus que quiconque souligner l'importance
de cet aspect et devraient, puisque nous sommes en période de
réflexion constitutionnelle, proposer pour le Canada un régime
constitutionnel où serait proclamé très haut, au sommet et
en quelque sorte comme principe de tout, que ce pays est fondé sur deux
majorités. Les dispositions constitutionnelles de ce pays pour lequel
vous avez fait voter devraient faire tirer les conclusions que ce pays a deux
majorités.
Donc, dans le régime qu'on nous propose, on ne définit pas
ces histoires de majorité. Moi, je suis bien obligé de voir le
Canada tel qu'il est, c'est-à-dire un pays où il y a une immense
majorité d'anglophones -ils sont à peu près 18,000,000 -
et un pays où il y a une minorité, la minorité francophone
dont 5,000,000 d'habitants vivent au Québec et 800,000 ou 1,000,000
à l'extérieur. Si vous partez en guerre pour la défense et
la protection de la minorité, battez-vous pour la minorité et non
pas pour la majorité. Battez-vous pour défendre les droits des
minorités. Ne vous battez pas pour renforcer les droits de la
majorité. Voilà la réponse que je dirais à Trudeau,
mais, puisqu'il n'est pas là, vous la lui direz bien pour moi.
La Présidente (Mme Cuerrier): Je crois avoir vu que M.
Rodrigue Dubé avait quelque chose à ajouter.
M. Dubé (Rodrigue): ...trois éléments, d'une
part, si le Québec a dû légiférer en matière
linguistique, c'est qu'il se passait des choses à l'envers au
Québec, à savoir que les allophones s'en allaient grossir la
minorité anglophone. Donc, pour ramener les choses à la normale,
comme ça se fait dans tout pays, le Québec a dû
légiférer. Il y avait des choses qui tombaient sous le sens, mais
qui ne se vivaient pas comme ça. Donc, c'est la raison de la loi 101. Si
ça avait été autre, il n'y aurait pas eu besoin de loi de
ce côté-là.
Deuxièmement, on n'a jamais été contre le droit des
anglophones à avoir l'éducation dans leur langue. On n'a jamais
été contre ça; on est pour ça, on est d'accord avec
ça, si ne n'est, par contre, qu'on est totalement contre et
opposé et on combattra tous ceux qui vont vouloir faire en sorte que
tout immigrant, d'où qu'il vienne, aille engraisser la minorité
anglophone. Je pense que les droits que nous défendons, ce sont les
droits des parlant français au Québec à pouvoir parler
français au Québec, aujourd'hui, demain et dans 100 ans, et,
également, quand il y aura des visiteurs qui viendront chez nous qu'ils
puissent constater qu'ils vivent et qu'ils viennent en visite dans un pays
francophone.
Ce n'était pas la nature des choses avant la loi 22, qui a
été un pas en bonne direction et avant la loi 101, qui
était celle qu'on a décrite comme étant nécessaire
parce que des gens ont vécu à l'envers ou nous ont imposé
- par la majorité du continent nord-américain ou du continent
canadien - un monde à l'envers. C'est le juste retour des choses que
nous demandons et que nous voulons maintenir.
Il y avait une question à M. le ministre tout à l'heure,
à savoir: Est-ce que voulez que la question des droits linguistiques
telle que perçue dans la loi 101 soit enchâssée dans une
constitution? Je pense que là n'est pas la question aujourd'hui. Il
s'agit de dire que nous ne voulons pas que le fédéral vienne nous
imposer comment on doit agir, mais que le gouvernement du Québec en
temps opportun puisse légiférer selon les circonstances pour
protéger le fait français au Québec. C'est ça que
nous voulons, d'être maîtres de nos destinées.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le chef parlementaire de
l'Union Nationale.
M. Le Moignan: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais
demander à M. Bouthillier une précision à la page 3. Quand
vous mentionnez que l'école française et une école de
droit commun au Québec, je pense qu'il n'y a pas de problème
jusque-là. Ensuite, vous parlez des buts qu'elle vise qui est la paix,
ensuite, briser ce mur d'indifférence et de préjugés et
ouvrir nos écoles à tous. Ce n'est pas de la
générosité si on le regarde du point de vue francophone,
parce qu'on laisse aux anglophones, aux allophones et à tout le
monde le privilège, cette liberté de choix de s'inscrire
à l'école française. Je vous donne un exemple - je ne
parle pas de la ville de Montréal - pour le coin que je
représente à Gaspé, il n'y a aucun doute qu'on a eu des
Hongrois, des Laotiens, des Vietnamiens. Évidemment, ils sont
allés à l'école française. Ils vont participer
à la vie française et on a même des anglophones que je
connais très bien qui envoient leurs enfants à l'école
française, et cela, avant même la loi 101, pour des raisons
d'utilité, de convenance, et le reste. C'est un milieu assez
fermé dans un sens. (16 heures)
Mais quand vous dites qu'on prépare tous ces gens-là
à partager notre vie collective, pour que ça puisse renforcer
l'école française, d'accord, mais à travers elle
l'ensemble de la vie française au Québec. C'est là que
j'ai une inquiétude. Je causais avec une famille d'Italiens à
Montréal. Ils envoient leurs enfants à l'école
française, mais ils parlent l'italien à la maison et ils leur
donnent des cours privés d'anglais. Maintenant, ces gens vont-ils, dans
l'avenir - c'est ce que je voudrais savoir -réellement participer
à la collectivité française, peut-être du fait
qu'ils connaissent la langue, mais est-ce qu'ils ne sont pas exposés
à s'intégrer au bloc anglophone de Montréal? C'est le
point que j'aimerais que vous éclaircissiez.
M. Bouthillier: J'aimerais connaître la réponse. Je
ne suis pas devin ni astrologue, mais ce qui est certain, c'est que cet Italien
aura plus de chances de venir partager notre vie s'il est d'abord passé
par nos écoles que s'il passe d'abord par, j'allais dire, l'autre
système d'enseignement où il n'apprend pas toujours notre vie
collective et où ce qu'il en apprend n'est peut-être pas,
d'ailleurs, toujours bien destiné à le préparer à
apprécier et à vouloir vivre cette vie collective.
On nous a dit - sans doute était-ce vrai, mais il y a des
éléments d'explication, très bien - que nous étions
au sujet de l'école, mais de façon plus générale,
un peuple replié sur lui-même, que nous étions
refermés, que nous ne voulions rien savoir des autres. Voilà
qu'avec la loi 101 on veut rompre avec ce trait caractériel qui s'est
enfoncé, si vous voulez, dans notre histoire depuis des
générations. Voilà qu'on nous a dit que nous allions
rompre avec cela et on nous le reproche.
M. Le Moignan: Léon Dion, hier, avait, je crois, des
chiffres à l'appui. Vous l'avez peut-être écouté. Il
nous parle des postes cadres, des postes d'avancement dans l'économie,
dans les compagnies. Il n'en reste que 10%, environ, et dans les postes
supérieurs on mentionnait même 3%. Ce qui m'inquiète, c'est
que j'aimerais bien que nos francophones québécois puissent
accéder un jour à tous les postes de commande. C'est tout
à fait légitime pour nous. Mais avec ceux qui viennent à
l'école française, qui auront le privilège
d'étudier l'anglais et, du côté français, du
côté québécois francophone, nos jeunes vont pousser
moins loin l'étude de la langue anglaise. Quand on va essayer de prendre
notre place dans les postes de commande où, à l'échelle
internationale, c'est encore l'anglais, j'ai encore une inquiétude quand
je vois des gens qui ne veulent plus parler ou apprendre l'anglais. Ils
connaissent déjà leur français, mais est-ce qu'il y a un
moyen aussi de prévoir et de stimuler notre monde?
M. Bouthillien Écoutez, là on quitte, je crois, le
domaine des lois, des prescriptions légales pour celui des
comportements. On me dit, on vous dit: Vous constatez, je constate, nous
constatons. C'est moins important maintenant que ce ne l'était. Je
croirais du reste que c'est moins important maintenant qu'il y a encore dix
ans. Il y a des Canadiens-français de Gaspé, ou de
Montréal ou d'ailleurs, qui refusent ou n'aiment pas ou apprennent
à reculons l'anglais. Qu'est-ce que vous voulez? Cela ne m'étonne
pas compte tenu du contexte historique, compte tenu des batailles que nous
avons à mener et que nous menons encore. Soit dit en passant, les
attaques contre la loi 101 et le rétablissement de la situation
antérieure à la loi 101 ne seront sûrement pas de nature
à corriger ce que vous déplorez si justement: cette absence, si
vous voulez, cette mauvaise volonté de certains d'apprendre une certaine
langue.
Mais les comportements linguistiques, alors ça c'est la
socio-linguistique et s'il y en a un qui vous a parlé de
socio-linguistique, c'est bien Dion hier. Dion a beaucoup parlé de
socio-linguistique. Un des enseignements de la socio-linguistique, c'est que
les comportements peuvent être modifiés, changés par des
lois, mais que l'effet de ces lois ne se fait pas sentir dans
l'immédiat. Il faut compter parfois plusieurs années.
Plutôt que de juger des effets de la loi 101, plutôt que de juger
de l'ensemble, du reste, de ce comportement, aussi bien ce que l'on a entendu
ce matin de la part des gens de l'Estrie que de ceux que vous entendez
maintenant et que des autres, plutôt que de juger de cette situation
trois ou quatre ans à peine après la loi 101, sept ans à
peine après la bataille de la loi 22, onze ans à peine
après la loi 63, moi, j'attendrais plusieurs années avant de
porter un jugement définitif. Là, ce n'est pas moi qui le dis -
vous savez ce que je dis, vous savez ce que nous disons, nous du MQF -mais je
vous renvoie encore à Léon Dion qui disait: Surtout, voilà
trois partis qui se sont
succédé à Québec: l'Union Nationale qui a
fait sa loi 63; quelques années après, le Parti libéral
qui fait sa loi 22 et là, le Parti québécois qui fait sa
loi 101. Est-ce qu'on va encore changer ça? Soit par M. Trudeau, soit
par ailleurs, et ensuite on recommencera? Le bal n'est pas fini!
Alors que, justement, ceux qui proposent - puisque vous êtes
là, autant se parler franchement - comme vous, des changements encore
plus importants à la loi 101 que ceux que propose M. Trudeau... Il y a
une espèce de concurrence, me semble-t-il, entre vous et M. Trudeau en
ce moment; vous dites à M. Trudeau de ne pas intervenir contre la loi
101, pour le faire mieux à sa place. C'est un peu ça, au fond, le
jeu entre vous deux; une concurrence, une compétition entre vous deux
pour savoir lequel des deux passera à l'histoire comme celui qui aura le
mieux démoli la loi 101.
M. Le Moignan: Quand vous dites "vous", vous ne parlez pas de
l'Union Nationale?
M. Bouthillier: Non, je m'adressais à mon ami Herbert
Marx! Et sans doute à d'autres aussi.
M. Marx: Je pensais qu'il parlait de l'Union Nationale, parce que
l'Union Nationale était pour le libre choix!
La Présidente (Mme Cuerrier): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bouthillier: Vous saviez très bien à qui je
faisais allusion!
La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît! Je
dois maintenant donner la parole à Mme la députée des
Îles-de-la-Madeleine.
Mme LeBlanc-Bantey: On a fait allusion, tout à l'heure, au
fait que M. Lévesque aurait dit, et effectivement il a dit qu'il
était humiliant pour lui et pour le gouvernement d'avoir à
légiférer pour protéger le droit de la majorité
francophone de la nation québécoise.
Je comprends le sens de la parole de M. Lévesque et je crois
qu'on a tous senti dans notre coeur qu'il était effectivement humiliant
d'avoir à légiférer au Québec pour protéger
l'épanouissement des Canadiens français et des
Québécois, alors qu'on n'a jamais vu le gouvernement de l'Ontario
sentir la nécessité de légiférer pour
protéger les droits de sa majorité anglophone.
Quand j'ai lu l'introduction de votre texte, j'ai eu exactement le
même réflexe; vous dites: "Le Mouvement Québec
français constitue un vaste rassemblement de Québécois et
de Québécoises issus des milieux du travail, de l'enseignement et
des sociétés nationales et décidés à se
battre pour la défense et l'affirmation du français au
Québec."
Il faut quand même se dire que, si l'histoire nous a
obligés, nous, à nous battre pour la défense de notre
langue, quand nous sommes majoritaires au Québec, il y avait de quoi
être humiliés. Sauf que, quand la loi a été
adoptée, je crois que l'humiliation s'est transformée en joie,
peut-être pas en fierté, mais en tout cas en joie, en assurance et
en bonheur de voir qu'enfin, il y avait un gouvernement qui était
prêt à arrêter de ménager la chèvre et le chou
et à avoir le courage de légiférer pour le bien-être
de la majorité de ses citoyens.
Ceci étant dit, ça n'a pas empêché ce
même gouvernement de se préoccuper aussi du sort de ses
minorités et d'organiser, à travers le Québec, des
colloques afin d'entendre les témoignages des gens de la minorité
qui pouvaient se sentir dans l'insécurité par les effets de cette
loi, pour éventuellement en arriver à une politique qui, dans la
mesure du possible, tenterait de répondre à leurs
préoccupations.
Alors, je crois que, là-dessus, on n'a pas de leçon
à recevoir du Parti libéral du Québec.
Vous dites que votre préoccupation est effectivement la loi 101;
c'est normal. Le ministre vous a dit: II n'y a rien qui vous garantisse
qu'effectivement, même si les conditions de rapatriement n'affectent pas
officiellement la loi 101 - supposons qu'il y ait des amendements, etc. - elle
sera protégée dans la constitution, à moins de
l'enchâsser au complet. O'un autre côté, vous l'avez
mentionné, on a le Parti libéral du Québec qui, lui aussi,
dans le contexte actuel, trouve ça très rentable pour une
certaine clientèle de proposer des amendements à la loi 101, sous
prétexte qu'au Québec tous les problèmes sont
réglés pour la majorité francophone. Ceci veut dire que
cette fameuse loi 101, à laquelle vous tenez tant et à laquelle
nous continuons à tenir parce que nous pensons que les problèmes
qu'elle voulait régler ne sont toujours pas réglés, est
assaillie de toute part. Elle est assaillie du côté des
libéraux fédéraux avec leur projet et du côté
des libéraux provinciaux pour s'attirer une certaine
clientèle.
Vous avez parlé de concurrence entre le Parti libéral
fédéral et le Parti libéral du Québec pour savoir
lequel des deux passerait à l'histoire pour avoir finalement
diminué et affaibli encore une fois les chances d'épanouissement
de la majorité francophone. On se rend compte dans le débat
actuel que la seule chose qui divise le Parti libéral
fédéral et le Parti libéral du Québec, ce n'est pas
le fond. Ils sont d'accord sur le fond quant à la loi 101, ils sont
d'accord quant à l'enchâssement des droits de la
personne dans la constitution. Ce qui les divise, c'est la forme que
prend la tournure des événements et ce qui les insulte surtout,
c'est qu'à la suite de leur action référendaire ils n'ont
pas été consultés sur les modalités des meilleures
chances d'affaiblir une fois pour toutes le Québec à
l'intérieur du Canada.
La question que je vous pose est la suivante: Vous avez parlé de
concurrence. Moi, je dis: Est-ce que vous croyez que la convergence des deux
positions, finalement -parce qu'il y a effectivement une convergence de fond
entre le Parti libéral fédéral et le Parti libéral
du Québec -pourrait nous laisser croire qu'il y a une connivence entre
les deux ordres de parti pour affaiblir encore une fois le Québec?
M. Bouthillier: Quand j'ai parlé de concurrence,
d'émulation entre les deux partis libéraux, c'est évident
que c'était sur le mode plaisant. Il y a toujours eu au Québec,
depuis des générations, une espèce d'immense front commun
contre le français. Si vous remontez très haut dans le temps,
dans ce front commun, il y avait les autorités du Manitoba, les
autorités fédérales, il y avait toute la structure de
l'économie américaine, pancanadienne, québécoise,
qui faisaient partie de cet immense front commun dans lequel il y avait sans
doute pas mal d'indifférence, mais beaucoup d'hostilité, beaucoup
de racisme même et du mépris, en tout cas, à l'égard
du français, de la langue française.
Ce front commun a été en quelque sorte, grâce au
sursaut de la loi 101, neutralisé par cette loi. C'est ça la
signification, me semble-t-il, de la loi 101. Cet immense front commun a
été limité, stoppé, neutralisé, en tout cas
provisoirement. Là, maintenant, depuis le référendum
surtout, ce front commun se reconstitue. Il se reconstitue et il est
renforcé précisément de sa victoire du 20 mai dernier au
référendum. Et qui trouve-ton dans ce front commun? Trudeau avec
son projet actuel, William Davis qui ne peut même pas réussir
à cacher sa francophobie, qui ne cherche même pas à le
faire. Depuis le 20 mai, il n'est même plus indispensable de cacher sa
francophobie au Canada. Trudeau, William Davis, la Royal Bank, parce que la
façon dont elle applique la loi 101 me laisse entendre qu'elle est
plutôt du côté du front commun.
M. Rivest: La CIA. Allez-y!
M. Bouthillier: June Doherty, du Protestant School Board, qui
invitait les autorités fédérales, à
l'extérieur du Québec, à prendre possession de tout le
secteur de l'éducation. La compétence du Québec, de
l'Assemblée nationale du Québec sur les questions
d'éducation, c'est la prunelle du Québec, c'est la prunelle des
yeux du Québec. Voilà qu'une personne, qui se dit sans doute
Québécoise et qui l'est peut-être, invite les gens du front
commun, le chef du front commun à nous enlever la prunelle de nos yeux.
Il y a donc cet immense front commun auquel s'ajoute, depuis quelques semaines,
le Parti libéral du Québec. (16 h 15)
Une voix: Ah!
M. Forget: Mme la Présidente, je m'excuse, en vertu de
l'article 96, je n'ai pas voulu interrompre cette envolée oratoire. Mes
remarques s'adressent à ce que la députée des
Îles-de-la-Madeleine a dit relativement à un sujet qu'elle ne
connaît manifestement pas et qu'elle n'a sans aucun doute aucun
désir d'approfondir lorsqu'elle a fait des commentaires sur le programme
de notre parti. Je sais que, comme ses collègues, elle brûle
probablement de commencer immédiatement sa campagne électorale.
Je la comprends très bien, dans les circonstances dans lesquelles
elle-même et son parti se trouvent, de ne pas ménager les efforts
de ce côté-là. Mais je crois, Mme la Présidente, que
c'est se servir de façon assez peu correcte du forum que donne aux
députés cette commission parlementaire pour déplacer la
conversation sur un sujet qui n'a rien à voir avec l'objet de notre
étude qui est constituée, si je comprends bien, par le projet du
gouvernement fédéral et non pas par le programme de notre parti.
Nous n'aurions évidemment aucune objection à ce qu'une commission
parlementaire soit instituée pour en débattre, au contraire, ce
serait extrêmement intéressant, mais je dois préciser que
ce qui a été décrit par la députée des
Îles-de-la-Madeleine comme étant la position de mon parti,
relativement au projet fédéral, n'a rien à voir avec la
réalité.
Elle a dit en particulier que nous nous opposions seulement pour la
forme ou sur la forme au projet fédéral et que nous étions
d'accord quant au contenu de ce projet. C'est un mensonge, c'est une
fausseté absolue, puisque, dès le lendemain, bien avant que le
gouvernement du Québec, que le Parti québécois n'ait fait
connaître son point de vue sur le sujet, nous avons indiqué notre
désaccord non seulement sur le caratère unilatéral du
rapatriement... Et ce n'est pas une question de forme, c'est une question
essentielle, lorsqu'on parle de constitution, de savoir comment cela se fait,
si cela se fait avec l'accord de tous ou si cela se fait
unilatéralement. Bien sûr, cela, on peut dire que c'est une
question de forme, donc une question sans importance, selon, semble-t-il, le
jugement de la députée des Îles-de-la-Madeleine. Â
notre avis, il s'agit plus que d'une question de forme ou
d'apparence, il s'agit d'une question de fond très importante que
le caractère unilatéral d'un changement à la constitution.
Si elle n'a pas compris cela, je pense qu'elle n'a pas compris grand-chose.
Mais en plus de cela et dès le mois de septembre, l'an dernier,
nous avons exprimé notre désaccord quant au fond et, en
particulier, quant à certaines dispositions de la charte des droits
linguistiques qui était envisagée a l'époque, parce que
cela a été changé un peu depuis, mais, même depuis,
ce n'est pas devenu entièrement acceptable à nos yeux.
Il y avait de fortes réserves sur ce plan-là. Il y avait
de fortes réserves également sur d'autres éléments
de la charte des droits. Il y avait des réserves encore plus
considérables quant à la possibilité d'un
référendum permanent ou à la possibilité
permanente, si l'on veut, d'un référendum qui pouvait intervenir
à la seule option du gouvernement fédéral. Ce sont des
désaccords fondamentaux sur des points de substance.
Si la députée des Îles-de-la-Madeleine n'a pas su se
renseigner sur ces aspects-là, il serait plus convenable, d'autant plus
que cela allait à l'encontre du règlement, de s'abstenir de faire
des commentaires, parce que cela montre assez clairement le désir des
parlementaires du côté gouvernemental de se servir, à fort
mauvais escient, de cette commission parlementaire comme d'une plate forme
préélectorale ou électorale. Je pense que ces affirmations
fausses, ils pourraient les réserver à des moments où nous
serons absents au moins, de manière qu'ils n'aient pas à subir
l'humiliation d'une correction.
Mme LeBlanc-Bantey: Question de privilège, s'il vous
plaît, une question de règlement. Votre chef s'est servi hier
d'une question de règlement pour faire une question de privilège;
je crois bien que vous devriez avoir la même tolérance que celle
qu'on a eue à son égard hier. J'ai dit que le Parti
libéral du Québec n'était pas d'accord quant à la
forme que prenaient certains aspects du projet Trudeau et que, par ailleurs, il
était totalement...
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme...
Mme LeBlanc-Bantey: ...d'accord avec l'enchâssement des
droits...
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la députée
des Îles-de-la-Madeleine, je crois...
Mme LeBlanc-Bantey: ...de la personne en ce qui a trait à
la question linguistique. Deuxièmement, je rappellerai au
député de Saint-Laurent que ce dont il est question ici
aujourd'hui, c'est la défense de la loi 101 et du français au
Québec. Il me semble que nous sommes en droit de nous poser la question
si oui ou non...
Mme Chaput-Rolland: C'est pour cette raison qu'il va y avoir deux
commissions.
M. Marx: ...une pièce montée.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la
députée!
Mme LeBlanc-Bantey: ...il y a une collusion ou, en tout cas, vous
avez été très malhabiles pour la défense du
français de poser vos questions au niveau du parti quant à la
survie de la loi 10.1 au même moment où la loi 101 est
torpillée de la part du gouvernement fédéral.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la députée
des Îles-de-la-Madeleine, s'il vous plaît! Je ne pourrai permettre
qu'une seule autre question maintenant, parce que le temps qui nous est imparti
a déjà filé. M. le député de Chauveau, ce
sera la dernière question que nous pourrons accorder cet
après-midi avec le Mouvement Québec français.
M. O'Neill: Une très brève question, Mme la
Présidente. Cela concerne ce qu'on lit dans le mémoire aux pages
9 et .1.0. C'est plutôt une constatation qu'une question. C'est parce que
je m'aperçois que dans le mémoire on nous propose, on nous
demande de s'opposer à toute tentative de rapatriement constitutionnel
qui ne contiendrait pas certains éléments. Puis-je vous demander
pourquoi vous ne devriez pas ajouter l'élément affirmation du
droit à l'autodétermination? Ce qui m'inquiète, c'est que
vous donnez l'impression d'être prêts à vous rembarquer dans
le système, ou dans le régime, sans vous garder une porte
extrêmement importante de sortie. C'est l'impression que j'ai eue en
lisant cela. De façon plus précise, à la page 9, vous
dites, et c'est très fort: "Le peuple du Québec sera
justifié de tenir pour nulle et non avenue toute disposition
votée par Londres qui viendrait porter atteinte à notre loi 101.
Entre la volonté de l'Assemblée nationale et la volonté de
Westminster, nous savons où réside la légitimité."
Ma question est la suivante: Jusqu'où, d'après vous, devrait
aller l'expression de cette volonté? Que conseillez-vous à cette
Assemblée dans le cas où on continuerait non seulement de menacer
la loi 101, mais finalement de menacer le droit du Québec de vivre comme
société distincte? Qu'attendez-vous de cette
Assemblée?
M. Bouthillier: Une démolition de la loi 101 obtenue,
réalisée par un Parlement devenu ou redevenu étranger,
c'est-à-dire par
le Parlement de Londres qui ne respecterait pas les règles du jeu
constitutionnelles établies en 1931, une démolition obtenue de
cette façon serait perçue, me semble-t-il, par les
Québécois, comme un retour à une situation coloniale
qu'ils croyaient définitivement terminée pour eux. Compte tenu de
l'importance pour eux, aussi bien concrètement, symboliquement que
politiquement, de la loi 101 et de ce que représentent les lois
linguistiques, la législation linguistique, le peuple du Québec,
me semble-t-il, serait justifié de refuser d'appliquer les dispositions
nouvelles.
Présentons-le de façon affirmative, le peuple du
Québec ayant fait voter par ses représentants,
c'est-à-dire vous-mêmes, la loi 101, si cette loi devait
être, dans certains de ses éléments, brisée,
démolie, cassée par Westminster, le peuple du Québec
serait justifié de continuer à vivre sous la loi 101 comme si
elle n'avait pas été démolie par l'étranger, ce qui
nous met dans une situation politique évidemment tout à fait
nouvelle, pleine de dangers, pleine de risques, mais aussi pleine d'espoir. Qui
ne risque rien n'a rien, aussi bien en politique, en histoire qu'autrement.
Je crois, pour répondre à votre question, effectivement,
que si Londres - du reste, j'ai l'impression que Londres a très bien
compris - devait ne pas comprendre et devait nous imposer cette situation,
briser cette loi fondamentale pour nous, nous serions justifiés de leur
dire: Messieurs les Anglais, veuillez bien rester chez vous. Nous tenons pour
nul et non avenu ce que vous avez dit et nous continuons à vivre sous
nos lois et selon nos lois, selon la loi 101 qui a été
votée par les nôtres, qui a été votée par
notre Assemblée nationale. Nous serions donc dans une situation
constitutionnelle tout à fait différente, tout à fait
nouvelle. Du reste, on pourrait même s'interroger là-dessus, des
mouvements faisant partie du MQF le feront peut-être ici d'ici la fin des
travaux, une constitution nouvelle, canadienne, imposée par
l'ingérence étrangère comme cela, selon la formule du coup
d'État, du coup de force, ferait probablement plonger le Québec
et peut-être le Canada, mais parlons pour le Québec, dans une
espèce de "no man's land" constitutionnel. Je pense que cette
assemblée serait justifiée de constater, je ne dis pas proclamer,
de constater la vacance de la constitutionnalité.
En mai dernier, on nous a dit qu'il n'y aurait pas de formule de type
souveraineté-association. En février, mars ou avril 1980, on dit:
Mais il n'y a pas non plus de fédéralisme. Car ce serait cela, la
signification d'un coup d'État de Trudeau.
Alors, nous serions un "no man's land" constitutionnel. Nous serions
dans une absence de régime et la nature a horreur du vide, et je suppose
que les Assemblées nationales aussi. Et il faudrait bien que
l'Assemblée nationale remplisse ce vide en faisant ce que les autres,
manifestement, ne sont pas capables de faire, une constitution pour le
Québec.
La Présidente (Mme Cuerrier): Merci au Mouvement du
Québec français. Merci à son président, M. Guy
Bouthillier. Merci à chacun de ceux qui l'ont accompagné
aujourd'hui.
M. Bouthillier: Merci bien.
La Présidente (Mme Cuerrier): J'appellerai maintenant un
nouveau groupe. Au nom de la commission, je demanderais maintenant à M.
Jacques-Raymond Carrier de se présenter ici pour participer aux travaux
de la commission.
Avant que M. Carrier prenne place, j'aimerais juste rappeler aux membres
de la commission d'être très attentifs à ne pas provoquer
des échanges entre les membres de la commission, mais bien à s'en
tenir aux travaux et au mandat que la commission s'est donné
aujourd'hui.
M. Jacques-Raymond Carrier.
M. Jacques-Raymond Carrier
M. Carrier (Jacques-Raymond): Mme la Présidente, je me
présente ici non pas comme un grand juriste ou quoi que ce soit, mais
comme un simple citoyen québécois ayant suivi les
activités politiques depuis quelques années.
C'est à titre personnel que je viens présenter ce
mémoire sur mon approche constitutionnelle dans la crise actuelle que
vivent les Québécois et les Canadiens. Je le soumets à
votre attention pour tous les Québécois et les
Québécoises à la recherche d'une identité propre et
d'un pays bien à eux.
Cette indépendance que je propose devra se faire
démocratiquement, par voie parlementaire, dans le respect des
libertés collectives et individuelles et dans le plus grand respect de
nos minorités, afin que tous participent à l'édification
de ce Québec devenu leur pays.
Ayant reçu mon éducation universitaire en génie
mécanique et ma formation d'officier au Collège militaire royal
de Saint-Jean, au Royal Military College of Canada à Kingston et dans
l'Armée canadienne et ayant servi en tant qu'officier de Sa
Majesté, j'ai été à même de constater les
difficultés énormes qu'éprouve un francophone non bilingue
à réussir.
Dans une culture, une langue et un contexte qui ne sont pas siens, il
doit étudier et travailler beaucoup plus fort, alors qu'un anglophone
reçoit ses cours et sa formation dans sa langue et sa culture.
Combien de temps et d'argent sont
gaspillés dans ces disputes et querelles entre le Québec
et le Canada, parce qu'il existe deux peuples que les gouvernements du Canada
et de plusieurs provinces refusent de reconnaître. Ces énergies et
cet argent pourront être utilisés à des fins
socio-économiques lorsque chacun des peuples aura son pays. (16 h
30)
Dans tout ce contexte de rapatriement unilatéral de la
constitution par le gouvernement fédéral, les
représentants de notre Assemblée nationale se souviendront que la
fidélité du peuple québécois à la Grande -
Bretagne a permis de vaincre les armées américaines à deux
reprises. Ces faits historiques de fidélité militaire de 1776 et
de 1812 doivent être utilisés à juste titre, car, sans
ça, nous serions devenus des sujets américains. C'est pourquoi le
peuple québécois a mérité et a gagné par les
armes ce pays, et le gouvernement du Canada ne peut pas le nier. Avant
même que tout rapatriement unilatéral soit fait, les
représentants de cette Assemblée nationale doivent exiger du
gouvernement du Canada que le territoire du Labrador soit un cinquième
de la superficie du Québec, redevienne, tel qu'il devait l'être,
partie intégrante du territoire du Québec et ils doivent prendre
tous les moyens pour ce faire.
Ce mémoire, intitulé Position constitutionnelle, permet
à tous les députés de cette Assemblée nationale de
réfléchir à l'importance de la situation. La force
parlementaire du gouvernement du Québec ne sera jamais plus la
même après un rapatriement unilatéral de la constitution.
L'indépendance ne sera plus possible par voie parlementaire et
démocratique et le gouvernement du Canada pourra faire ce qu'il veut du
Québec. Nos droits et nos pouvoirs politiques seront alors
diminués ou enlevés à tout jamais. Un grand rêve, un
objectif encore possible que le peuple québécois ait son pays, se
sera envolé par un verdict parlementaire du gouvernement du Canada.
C'est pourquoi la force actuelle réside dans notre
Assemblée nationale et, pour une cause qui tient à la survie du
peuple québécois, tous les députés doivent agir en
toute logique et conscience, bien au-dessus de toute partisanerie
politique.
Maintenant, voici la position constitutionnelle:
Étant donné la reconnaissance du peuple
québécois par l'Acte de Québec, sanctionné par le
roi d'Angleterre le 22 juin 1774 (l'Acte de Québec reconnaissait au
peuple québécois les droits de langue, de culture, de religion et
d'administration judiciaire suivant les lois civiles françaises et les
lois criminelles anglaises);
Étant donné que l'Acte confédératif de 1867
devait être un pacte où les deux peuples fondateurs mettaient en
partage des biens et des institutions sur une base d'égalité en
tant que peuples-
Étant donné que l'Angleterre reconnaissait
l'indépendance des États confédérés du
Canada en 1931;
Étant donné que le Québec en tant qu'État
souverain lors du pacte confédératif de 1867 a été
continuellement lésé dans ses droits, ainsi que dans la
représentativité parlementaire ayant une tendance de plus en plus
faible proportionnellement;
Étant donné que la Confédération de 1867
où quatre partenaires souverains se joignaient est tout simplement
devenue une fédération centralisatrice à dix provinces
dont neuf sont anglophones et où le statut d'égalité entre
les deux peuples fondateurs est impensable;
Étant donné que le gouvernement central du Canada et les
gouvernements des neuf provinces anglophones ne reconnaissent plus le statut de
peuple aux citoyens vivant sur le territoire du Québec, tel que
sanctionné par le roi d'Angleterre le 22 juin 1774 d'Acte de
Québec);
Étant donné que le gouvernement du Canada, par sa loi des
mesures de guerre de 1970, peut intervenir militairement en tout temps sur le
territoire du Québec pour brimer les droits du peuple
québécois;
Étant donné que le gouvernement du Canada menace de
rapatrier unilatéralement la constitution présentement à
Londres étant la seule garantie de souveraineté qui reste au
peuple québécois, le gouvernement du Canada menaçant
même de légiférer sur le plan constitutionnel par voie de
référendum sur le territoire canadien où le statut
d'égalité pour les deux peuples fondateurs sur le plan
démographique est inexistant: 75% d'Anglo-Saxons et d'autres races,
contre 25% de francophones.
Jacques-Raymond Carrier, Québécois, à l'appui de
tous ces faits et dans le but de conserver l'existence du peuple
québécois, propose la démarche constitutionnelle suivante:
Que le gouvernement du Québec, seul représentant des
intérêts et de la destinée des Québécois,
présente un projet de loi à l'Assemblée nationale du
Québec pour sortir, par vote parlementaire, de la
fédération canadienne et redevienne, tel que devant l'être,
un État souverain, tel que sanctionné par l'Acte de Québec
et le statut d'indépendance promulgué par l'Angleterre en 1931.
Qu'un tel projet de loi soit débattu en commission parlementaire devant
des juristes internationaux qui serviront de guides en jurisprudence
internationale. Pour éviter toute émotivité et pour
éviter les attachements au vote de parti, que le vote des
députés de l'Assemblée nationale lors des première,
deuxième et troisième lectures soit libre et secret. Qu'une telle
loi votée et
sanctionnée par le lieutenant-gouverneur du Québec soit
transmise au gouvernement de l'Angleterre, à la Cour internationale et
aux Nations Unies pour que l'indépendance du Québec soit reconnue
légalement dans les faits historiques de jurisprudence.
Que le Québec, reconnu pays indépendant, demeure dans le
Commonwealth britannique avec tous les avantages du commerce et des relations
internationales, ayant accès libre aux pays francophones en tant que
souverain, ainsi que la possibilité d'entrer dans le marché
commun européen, étant allié de la Grande-Bretagne. Que
d'un commun accord entre la Grande-Bretagne et le Québec: soit que le
Québec indépendant accepte et continue d'être une monarchie
constitutionnelle avec un gouverneur à Québec représentant
de Sa Majesté ou devienne une république démocratique
membre du Commonwealth britannique, l'option de régime politique la plus
avantageuse devant être étudiée et acceptée d'un
commun accord entre les gouvernements de la Grande-Bretagne et du
Québec. Que les engagements internationaux, tels l'OTAN, NORAD,
continuent. Que le reste du Canada, étant partie du Commonwealth
britannique, continue d'être des partenaires socio-économiques.
Que les liens économiques avec les États-Unis d'Amérique
et tous les autres pays dont le Québec a des intérêts
avantageux actuellement continuent sans entrave et sans aucune restriction de
la part du gouvernement du Québec.
En ce retour à un État souverain, réaliser une
entente avec le gouvernement du Canada, où le gouvernement de Londres et
la Cour internationale seraient arbitres sur la répartition des avoirs
et des dettes et sur le partage des biens publics suivant le droit et la
coutume internationale. Reconnaître l'autonomie des peuples
amérindien et inuit vivant dans des régions
délimitées du Québec et favoriser leur
représentativité à l'Assemblée nationale.
Élaborer une constitution avec la participation des
Québécois et y incorporer les droits de la personne.
Posséder une force armée sur la base du volontariat et d'un
minimum de 15,000 hommes pour assurer la défense du territoire et pour
participer à différentes missions de paix, tel que demandé
par les Nations Unies. Favoriser une position de neutralité en ce qui a
trait aux conflits armés internationaux, position comparable à la
Suisse.
Opter pour un système électoral démocratique par
scrutin élisant les députés des divers partis au vote
universel, plus le tiers des sièges comblés à
l'Assemblée nationale par représentation proportionnelle, y
comprenant des sièges pour les peuples amérindien et inuit et les
anglophones du Québec. Que le Québec revendique devant les
tribunaux compétents, la Cour internationale et aux Nations Unies, le
droit d'appartenance du Labrador. Pour fins d'impartialité au niveau du
président général des élections et au niveau des
présidents d'élection des comtés, que des
représentants du parti au pouvoir, que des représentants de
l'Opposition officielle ou des représentants d'un tiers parti ayant
terminé premier ou deuxième dans les comtés soient
présents dans les bureaux des présidents d'élection lors
de recensements ou en période d'élections et soient
rémunérés suivant la Loi électorale. Merci.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre des Affaires
intergouvernementales.
M. Morin (Louis-Hébert): Merci. M. Carrier, très
brièvement, je voudrais vous remercier au nom de mes collègues
ici présents du travail que vous avez accompli en nous fournissant votre
opinion sur la question que nous avons à étudier ici aujourd'hui
en tant que commission parlementaire. Je voudrais vous poser une question. Je
n'ai peut-être pas entendu tout à l'heure, vous venez ici à
titre individuel. Vous ne représentez pas de groupe particulier. Est-ce
que le sujet sur lequel vous avez préparé ces notes que vous nous
avez lues en est un sur lequel vous vous activez ou encore que vous discutez
avec d'autres? Faites-vous partie d'une association quelconque? Vous ne
représentez pas ici d'association, c'est ça?
M. Carrier: Non, M. le ministre, je suis ici à titre
personnel. Disons que j'ai suivi la situation politique depuis les
années soixante, lorsque j'étais au collège militaire, et
c'est peut-être le fait que j'aie connu les deux peuples en vivant avec
les anglophones qui m'a porté à suivre un peu plus la politique,
les événements qui se sont déroulés au cours des
années.
M. Morin (Louis-Hébert): Une chose m'a frappé dans
votre texte - je ne peux pas relever tout ce que vous avez dit - je ne me
souviens pas très bien où ça se situe, mais vous laissez
entendre que vous êtes favorable à ce que la reine soit
conservée comme reine du Canada.
M. Carrier: Dans le système actuel - je fais encore partie
des forces actives du Canada, au point de vue militaire - on est dans une
monarchie constitutionnelle, il ne faut pas se le cacher, même si
certains veulent tout rapatrier, la reine reste dans le système quand
même, c'est une monarchie constitutionnelle. Si jamais on décide
de se retirer de la fédération canadienne, il y a encore les
liens avec l'Angleterre, on est encore dans une monarchie constitutionnelle.
C'est à ce moment qu'on doit décider de
rester dans la monarchie, un peu comme l'île Maurice, ça
fait douze ans qu'elle est indépendante, elle a un gouverneur et elle
fait partie du Commonwealth britannique.
M. Morin (Louis-Hébert): En somme, vous voyez la reine
comme une sorte de lien qui existerait entre le Québec ou le Canada, le
cas échéant, et d'autres pays qui font partie du
Commonwealth.
M. Carrier: Oui, c'est ça, plus qu'autre chose.
M. Morin (Louis-Hébert): D'accord. Je n'ai pas d'autre
question, je pense que ce que vous avez exprimé est assez clair. Je ne
sais pas si mes collègues en ont, pour leur part.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la députée
de Prévost.
Mme Chaput-Rolland: Mme la Présidente, j'aurais un
commentaire à faire qui attend en moi depuis déjà un
moment, je pense que plusieurs députés ici s'en sont permis, je
vous demande la permission de le faire très rapidement.
Je suis membre d'une commission qui parle de constitution et qui parle
du rapatriement unilatéral, je ne fais pas partie d'une commission qui
parle de la langue et c'est ce qu'on est en train de faire.
Je suis venue ici avec beaucoup de respect pour les droits des autres,
je voudrais qu'on en ait autant pour nous. Et j'assiste a un exercice de
propagande qui me scandalise profondément.
Monsieur, ces propos ne s'adressaient pas a vous, bien au contraire.
Quand vous parlez de proclamer l'indépendance, quand vous dites, par
exemple, dans votre mémoire, que vous proposez que l'on déclare
l'indépendance d'une façon unilatérale, qu'est-ce que vous
faites de la volonté des Québécois qui se sont
prononcés à 60% contre? Et je demande également comment il
se fait que les membres de ce gouvernement qui, pendant un an et pendant tout
le temps du débat référendaire, nous ont assurés de
leur respect pour la démocratie, qui nous ont également
assurés que l'indépendance du Québec ne pouvait se faire
qu'avec l'assentiment des Québécois, demeurent aujourd'hui
étonnemment silencieux quand on parle de proclamer
unilatéralement l'indépendance du Québec, malgré le
référendum, et j'avoue que je ne comprends pas.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Carrier.
M. Carrier: Mme la députée, ça fait quand
même suite un peu... Etant donné qu'on est dans le processus
unilatéral de rapatriement de la constitution, tous les
députés de l'Assemblée nationale sont les
représentants du peuple québécois, alors si jamais le
Canada rapatrie la constitution, on est un peu dans un cul-de-sac.
L'Assemblée nationale va devoir prendre une décision, soit qu'on
reste avec le Canada, qui a rapatrié la constitution, ou qu'on sorte du
régime tout en respectant les engagements et les attachements qu'on
avait à travers le monde.
C'est plutôt rendre le Québec plus international, au lieu
de rester pris dans le Canada. (16 h 45)
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Jacques-Raymond Carrier,
la commission de la présidence du conseil et de la constitution vous
remercie de votre contribution à ses travaux.
J'appellerai maintenant la Société nationale des
Québécois du Lanaudière, représentée par M.
René Charette.
SNQ du Lanaudière
M. Charette (René): Je voudrais faire une intervention
pour vous dire que le mémoire va être livré par la
présidente de l'organisme, Mme Paulette-Michèle Hétu. Afin
qu'il n'y ait pas de confusion, parce qu'on l'a vue tout à l'heure
à la table, la Société nationale des
Québécois est un organisme régional faisant partie du
Mouvement national des Québécois, lequel est affilié au
Mouvement Québec français. C'est pour ça qu'elle
était tout à l'heure à la table avec les gens du Mouvement
Québec français. Elle est avant tout la présidente de
l'organisme régional chez nous. C'est elle qui va vous livrer le
mémoire de la société.
La Présidente (Mme Cuerrier): Madame, seriez-vous assez
bonne de nous présenter les gens qui vous accompagnent, à moins
que M. Charette ne veuille le faire?
Mme Hétu (Paulette-Michèle): Je pense que je peux
le faire, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): Madame.
Mme Hétu: II y a, à ma gauche, M. Jacques Mondor
qui est membre du comité politique de notre société
nationale; à ma droite, Me Richard Landry qui est avocat et conseiller
juridique de notre Société nationale des Québécois
et membre du comité de rédaction du présent
mémoire; aussi, M. René Charette qui est directeur
général de notre société nationale.
La Présidente (Mme Cuerrier): Pour les fins du journal des
Débats, pourriez-vous me dire, je crois avoir mal entendu, j'avais
compris que votre nom était, si je me
souviens bien, Paulette...
Mme Hétu: Paulette-Michèle Hétu.
La Présidente (Mme Cuerrier): Michèle
Hétu.
Mme Hétu: Oui, mon prénom est
Paulette-Michèle, mon nom est Hétu.
La Présidente (Mme Cuerrier): Merci, madame. Vous avez la
parole.
Mme Hétu: Merci, madame. Mme la Présidente,
mesdames, messieurs de la commission permanente du conseil et de la
constitution, la Société nationale des Québécois du
Lanaudière, regroupant sur son territoire quelque 20,000 membres, se
présente aujourd'hui devant votre commission pour dénoncer le
gouvernement Trudeau dans sa volonté de rapatrier unilatéralement
la constitution canadienne.
Cette résolution du gouvernement Trudeau nie le principe
même de l'existence de deux ordres de gouvernement dans le cadre
fédéral et ce, sans le consentement des gouvernements
provinciaux. Elle vise insidieusement à briser le système
fédéral pour le remplacer dans les faits et juridiquement par un
État unitaire canadien, notamment en appropriant au seul gouvernement
fédéral la possibilité d'amender la constitution
canadienne en tout temps par voie référendaire, sans tenir compte
de la volonté des gouvernements provinciaux. Elle traduit aussi la
faiblesse du régime fédéral et du gouvernement Trudeau
à régler les problèmes constitutionnels du Canada en
demandant à l'ex-pouvoir colonial britannique de se substituer à
la volonté des Canadiens et de nos gouvernements légitimes. Cette
résolution démontre la fraude intellectuelle du gouvernement
Trudeau qui, à la veille du référendum
québécois, allait même jusqu'à mettre son existence
en jeu pour obtenir un non et promettait un fédéralisme
renouvelé dans le sens des intérêts du Québec.
Cette résolution annihile la conception même de
l'État québécois constitué et
légitimé par l'acte fédératif lui-même et
bâti grâce à l'acharnement du peuple québécois
et par la continuité de la volonté politique de ses gouvernements
successifs.
Elle injurie le peuple québécois dont elle nie l'existence
en le réduisant à la perception qu'en a le gouvernement Trudeau,
à savoir une simple communauté régionale sans
véritable pouvoir politique et ignorant la réalité d'un
peuple québécois ayant droit à son
autodétermination.
Elle détruit irrémédiablement les pouvoirs
essentiels au maintien de l'État québécois et
élimine le pouvoir exclusif du Québec de légiférer
en matière de langue d'enseignement, secteur essentiel à la
survie de la culture française du Québec et constituant l'un des
consensus les plus durement acquis.
Elle annule la volonté politique du peuple
québécois d'intégrer à sa collectivité les
immigrants de toute origine, et elle s'acharne à présenter le
gouvernement fédéral comme protecteur de la minorité
anglophone québécoise laquelle a toujours
bénéficié de l'ouverture d'esprit du peuple
québécois.
Elle compromettra la paix sociale au Québec et elle confinera
dans leur état de minorités livrées à
elles-mêmes les groupes francophones des provinces autres que le
Québec.
Elle assujettit les politiques de développement économique
du Québec au bon vouloir d'un gouvernement étranger et elle
trahit la promesse de Pierre Elliott Trudeau d'imposer le bilinguisme
institutionnel dans les Parlements et tribunaux à la majorité des
Canadiens, mais en ne maintenant cette obligation que pour le Québec et
possiblement le Nouveau-Brunswick.
Elle illustre la servilité de Trudeau et de ses intendants face
à cette minorité de Canadiens qui, tout en mettant le
Québec au pas, profitent de la situation pour écraser l'ensemble
des gouvernements provinciaux et oblige chaque Québécois à
se lever pour faire retraiter Pierre Elliott Trudeau et son gouvernement dans
ce projet odieux et historiquement indigne.
Conséquemment, la Société nationale des
Québécois du Lanaudière dénonce Pierre Elliott
Trudeau et son gouvernement dans sa volonté de rapatrier
unilatéralement la constitution canadienne; appelle le peuple
québécois et les groupes de pression à s'élever
publiquement et avec vigueur contre ce projet de neutralisation des efforts
d'affirmation historiquement véhiculés par les
Québécois et les Québécoises; accuse les
députés libéraux fédéraux du Québec
de s'associer servilement à un projet aussi odieux envers leurs
compatriotes; demande à l'Assemblée nationale du Québec de
ne reconnaître sous aucun prétexte quelque
légitimité que ce soit à un tel rapatriement
unilatéral, s'il devait avoir lieu.
Après cette prise de position générale sur cette
résolution fédérale, notre société veut
porter à votre attention son point de vue sur deux aspects de la vie
collective des Québécois, lesquels seront touchés par ce
projet de résolution: les menaces du rapatriement unilatéral sur
l'économie de la région de Lanaudière et les
conséquences de la mobilité de la main-d'oeuvre sur les
travailleurs québécois, et l'aspect négatif de la
résolution Trudeau sur la langue d'enseignement.
Le projet de loi fédéral sur le rapatriement de la
constitution canadienne trace, dans ses grandes lignes, le projet de
l'union telle que préconisée par le gouvernement
fédéral. Outre la manière désinvolte avec laquelle
le gouvernement fédéral s'apprête à rapatrier
unilatéralement ce qu'on appelait jadis le pacte
confédératif, on peut également s'inquiéter des
finalités visées par ce projet. Les grandes décisions de
la Cour suprême du Canada, depuis au moins un demi-siècle, ont
dénoté une tendance manifeste à reconnaître au
gouvernement fédéral une mainmise sur le contrôle de
plusieurs domaines économiques (richesses naturelles,
télécommunications, plans de mise en marché, etc.) sur
lesquels la constitution de 1867 est silencieuse, soit qu'ils n'avaient pas
l'importance qu'on leur découvre aujourd'hui, soit qu'ils n'existaient
tout simplement pas. Cette tendance centralisatrice a été
fortement appuyée par les politiques fédérales des
dernières années à un point tel que les provinces semblent
vouloir réagir collectivement à ces intrusions d'Ottawa dans
leurs champs d'autonomie.
Il est manifeste que la modification constitutionnelle qui s'annonce
entraînera à l'échelle nationale un changement dans les
rapports entre les divers paliers de gouvernement. Il est également vrai
que c'est au niveau des relations entre l'État et le justiciable que se
manifestera, au cours des prochaines décennies, l'impact de la grande
réorganisation qui s'annonce.
Chaque grande région du Canada possède certaines
caractéristiques (a langue, les richesses naturelles, la reliqion et le
système politique) qui nécessitent des distinctions et des
variables qui peuvent être brimées par l'établissement
incessant de politiques économiques d'envergure nationale qui ne peuvent
tenir compte de leurs aspirations variées (le commerce extérieur
et le contrôle des prix, entre autres. Ces différences
fondamentales existent également au niveau des collectivités
locales et régionales. L'économie du Nord-Ouest
québécois a peu de commune mesure avec celle de l'île de
Montréal, pas plus que celle de la Mauricie avec celle de la
Gaspésie.
Les spectre d'un contrôle accru du fédéral sur les
économies régionales fait craindre un enchevêtrement encore
plus complexe des interventions distinctes des deux paliers de gouvernement
dans les secteurs d'économie. Il n'est donc pas inutile de
s'arrêter à réfléchir aux conséquences
possibles du rapatriement projeté sur l'économie d'une
région comme celle de Lanaudière. La région de
Lanaudière est située au nord-est de Montréal,
campée entre la région des Laurentides et la Mauricie. Elle
comporte une population d'environ 150,000 résidents répartis sur
un territoire borné par Mascouche-Lachenaie-Terrebonne au sud-ouest,
Berthier, au sud-est, Saint-Michel-des-Saints, au nord-est et Saint-Donat, au
nord-ouest. Les deux centres urbains les plus populeux sont Repentigny et
Joliette qui regroupent ensemble plus de 60,000 personnes. L'agriculture,
l'industrie, le commerce et le tourisme se partagent équitablement
l'économie de la région. Alors que le tourisme envahit surtout le
nord de la région pour y amener environ 150,000 villégiateurs
annuellement, que Joliette et sa zone d'influence sont divisées entre
l'activité industrielle et commerciale, d'une part, et l'agriculture,
d'autre part, le secteur Repentigny semble destiné à absorber une
partie du surplus de l'activité industrielle métropolitaine.
En agriculture, on dénombrait, en 1976, 3616 emplois directs,
soit 12% des emplois manufacturiers, et 1537 emplois reliés à la
transformation des produits agricoles. L'agriculture participe à environ
6,6% de l'économie régionale, alors que l'agriculture provinciale
ne participe qu'à 2,2% de l'économie du Québec. Les
productions agricoles de pointe sont l'industrie laitière et bovine
à 33%, avicole à 20%, porcine, 16%, le tabac, 15%, les
légumes, 4,5% et les pommes de terre à 3%. La région de
Lanaudière est considérée comme un des régions
agricoles les plus importantes du Québec.
En 1980, on dénombre dans Lanaudière environ 500
entreprises manufacturières dont 75% sont de petites entreprises de 0
à 25 employés fournissant environ 15,000 emplois et environ 25%
de la main-d'oeuvre générale. Les groupes majeurs sont les
aliments et la boisson, les vêtements, le bois et le papier, les
appareils électriques et produits non métalliques. Peu
d'entreprises sont rattachées au secteur primaire puisqu'en dehors des
carrières et sablières les matières premières ne
représentent pas un atout important pouvant justifier l'implantation
d'industries. Le secteur tertiaire, pour sa part, est très important,
fournissant de l'emploi à plus de la moitié de la main-d'oeuvre
active de la région et les ventes au détail s'élevaient en
1977-1978 à $375,000,000, dont le plus important est l'alimentation,
20%.
Une meilleure structure d'accueil et la multiplication de centres
récréotouristiques ont eu un effet important sur l'accroissement
du tourisme dans la région. Plus de la moitié des 71
municipalités de la région offrent des facilités de tous
genres. On dénombre 26,000 chalets, 60 centres de ski de
randonnée, 50 terrains de camping, 40 colonies de vacances et une
clientèle touristique non résidente évaluée
à 300,000 personnes.
Bref, ce tableau sommaire révèle quelques traits
caractéristiques qui font de Lanaudière une région avec
son identité propre. Dans chacune de ces sphères
d'activités, les deux ordres de gouvernement sont omniprésents,
chacun à sa manière avec une harmonie loin d'être enviable.
Qu'on pense au zonage agricole, aux quotas laitiers,
à la mise en marché des oeufs, au contrôle des prix
des denrées alimentaires, aux services d'inspection et de contrôle
de qualité, aux subsides et aux crédits agricoles, on
découvre une jungle dans laquelles les deux ordres de gouvernement se
livrent une lutte à finir pour établir leur emprise sur
l'industrie agro-alimentaire.
En matière industrielle et commerciale, il suffit de penser aux
interventions disparates et mal ordonnées du ministère provincial
de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et du ministère
fédéral de l'Expansion économique régionale qui
rivalisent entre eux par la multiplicité des programmes d'aide à
la PME, les centres de création d'emplois provinciaux et
fédéraux, les programmes de formation d'emplois, les
affrontements épiques pour le contrôle des taxes sur la vente au
détail, la double juridiction en matière de lois du travail et
l'intégration des programmes d'aide sociale, d'assurance-chômage,
de création d'emplois et le reste.
Toutes ces interventions conditionnent directement, tous les jours, la
vie des travailleurs quels qu'ils soient. Pour éviter d'augmenter le
taux d'insatisfaction de l'ouvrier, l'agriculteur ou l'industriel qui finissent
par avoir peine à se retrouver à travers le dédale
administratif des juridictions provinciales et fédérales, il
semble important de profiter au maximum du renouveau constitutionnel afin de
réaménager les compétences respectives de chacun pour
instaurer l'ordre et mieux coordonner les énergies dans chaque domaine
particulier. C'est dans cette perspective, il nous semble, qu'il faut analyser
le projet de rapatriement de la constitution.
Le texte du projet de loi sur la constitution propose un engagement du
fédéral et des provinces, à travers leurs juridictions
respectives, de promouvoir l'égalité des chances de tous les
Canadiens dans la recherche de leur bien-être, favoriser le
développement économique pour réduire
l'inégalité des chances et fournir à tous les Canadiens,
à un niveau de qualité acceptable, les services publics
essentiels. En transportant cette déclaration avec les principes
contenus dans celle du ministre Jean Chrétien, du 8 juillet 1980, on
constate que la libre circulation des personnes, des biens, des services, des
capitaux et des entreprises passe par l'unification, par l'uniformisation des
grandes politiques d'encadrement de l'activité économique au
Canada. Cette uniformisation présuppose, selon lui, "une extension de la
compétence du Parlement fédéral en ce qui touche la
réglementation du commerce...". (17 heures)
Ce à quoi le Québec répondait le 22 juillet 1980:
"Confier, en matière économique, l'avenir québécois
au seul gouvernement fédéral et à sa réglementation
fait partie d'une perspective que le Québec ne partage pas", par crainte
de l'aliénation des moyens de contrôle de son économie qui
résulterait de la centralisation. Il proposait plutôt une
discussion sur la manière dont une décentralisation de certains
pouvoirs économiques constituerait un stimulant additionnel à la
croissance économique et à la prospérité de tous
les Canadiens.
Comme on peut s'en rendre compte, nous ne sommes pas à l'aube
d'une entente concertée sur le partage des responsabilités en
matière économique.
Par son projet, le gouvernement fédéral propose une
solution à ces divergences fondamentales: rapatrier
unilatéralement la constitution sans attendre de consensus, tout en
incluant dans son projet de loi des déclarations de principe qui
pourraient lui permettre de légiférer dans le sens où il
l'entend.
Dans la mesure où le projet de rapatriement tel que
proposé permet au gouvernement fédéral de s'arroger des
compétences en matière d'économie qu'il ne
possédait pas auparavant et d'appliquer législativement les
principes de libre circulation et de péréquation, on peut deviner
qu'il procéderait initialement à un aménagement du
territoire pour favoriser certains types d'activités économiques
dans certaines régions du Canada et d'autres, à d'autres
endroits.
C'est d'ailleurs l'orientation du MEER qui n'est actuellement
limité dans ses interventions que par les politiques provinciales. Une
telle structuration deviendrait nécessaire pour planifier à
l'échelle du Canada les applications des grandes politiques
économiques, un peu comme a cru utile de le faire le gouvernement
québécois avec les MRC pour l'aménagement du territoire
québécois.
Par ailleurs, il est certain qu'un aménagement
fédéral ne pourra tenir compte de toutes les aspirations locales
ou régionales dans son zonage et devra définir des
activités privilégiées par portions de territoire.
Par exemple, lors des études fédérales faites en
vue de l'implantation du territoire aéroportuaire de Mirabel, il fut
défini que la région de Lanaudière aurait une vocation
principalement agricole, par rapport à celle du couloir
Laval-Sainte-Thérèse-Saint-Jérôme qui aurait
dorénavant une vocation industrielle. Assez paradoxalement, les
interventions des ministères fédéraux depuis lors ont
semblé tenir compte de ces analyses. Ce portrait de la région de
Lanaudière n'a pas été établi suivant les
aspirations de la population et est loin de satisfaire les promoteurs de la
relance économique de la région.
Il est également pensable que
l'exploitation minière serait favorisée dans les
Maritimes, que l'exploitation pétrolière et la culture du
blé seraient encouragées dans l'Ouest canadien et que la
production d'énergie hydro-électrique serait maximisée au
Québec.
Mais est-ce la un modèle souhaitable sous prétexte de
l'augmentation de la productivité nationale par l'accroissement du
rendement, sans distinction de provinces, de régions et de
localités, qui possèdent leurs caractéristiques
propres?
La région de Lanaudière ne pourrait se satisfaire
d'être principalement agricole, ni principalement industrielle ou
touristique. Elle est les trois en même temps et s'il en est ainsi, c'est
qu'elle l'a voulu, c'est ce qu'on appelle l'intégrité du
territoire.
Personne n'est mieux placé pour présider au
développement économique d'une région que la population
qui y vit, y gagne son pain et tente de s'y créer un environnement de
qualité, en harmonie avec les pressions économiques, sociales,
ethniques, géographiques et démographiques qui s'exercent sur
elle. Il est concevable que ce développement puisse être
orchestré par l'autorité provinciale qui est plus en mesure de
respecter ces volontés individuelles, tout en tenant compte des
idéaux du peuple qu'elle représente.
Centraliser davantage les paliers de décision ne pourrait avoir
pour effet que d'augmenter la frustration face à l'État,
décourager la libre entreprise et brimer le sentiment d'appartenance
à une collectivité pour mener à une rationalisation
déshumanisante.
L'encouragement aux politiques d'achats locaux, la transformation des
richesses naturelles dans leur milieu d'origine, la protection des emplois des
travailleurs québécois au Québec sont des programmes qui
se justifient d'instinct et aucune politique économique, si rentable
soit-elle, ne saura compenser les valeurs qu'ils véhiculent.
Les craintes appréhendées de pénurie de
pétrole ont incité les Albertains à exploiter leurs
gisements pétrolifères, les Québécois à
miser sur l'hydroélectricité et les Néo-Écossais
à réactiver leurs mines. Chacun a investi son génie, son
dynamisme et ses ressources dans la "solution" qui correspondait le plus
à ses capacités. Il est loin d'être certain que les
Québécois auraient investi autant à la Baie James si une
politique énergétique nationale avait favorisé
prioritairement et financièrement l'exploitation des sables bitumineux
de l'Athabaska et vice versa. Personne ne se plaindra aujourd'hui que le
Canadien possède ces ressources indispensbles. L'incapacité du
gouvernement fédéral à en faire profiter tout le monde ne
peut que susciter des craintes lorsqu'il propose de s'occuper de gérer
ces ressources à la place des provinces.
Au Québec, on a tendance actuellement à vouloir
décentraliser les pouvoirs économiques et décisionnels
à travers les régions, afin que, dans un avenir prochain, les
politiques d'aménagement du territoire, d'environnement, de
développement économique et le reste soient avancées par
ceux qui vivent dans le milieu et non par des technocrates assoiffés de
pouvoir et trop souvent coupés du contact avec la
réalité.
Cette participation de la population à l'organisation de sa
région ne se fera sans heurts, mais elle correspond à un besoin
exprimé depuis longtemps et la rigueur avec laquelle on procède
dans la réqion de Lanaudière au découpage des MRC
témoigne de la satisfaction de la population à la
démocratisation du pouvoir décisionnel. Ainsi, l'agriculteur
pourra participer au développement de l'agriculture, l'industriel,
à l'essor économique de sa communauté.
À notre avis, le projet actuel de rapatriement, tant dans sa
forme que par la philosophie qui l'anime, va exactement dans le sens contraire
des volontés exprimées et la levée des boucliers qu'il
suscite est parfaitement compréhensible.
Il serait possible de décortiquer encore plus à fond les
conséquences possibles de la réalisation d'un rapatriement comme
celui préconisé par le gouvernement fédéral sur
notre économie régionale. Nous risquons peut-être de
sombrer dans les hypothèses et les suppositions.
Qu'il nous suffise de conclure, après la brève analyse que
nous venons de faire, que ce projet n'est pas celui qui permettra de
solutionner le problème du chevauchement de juridictions et
d'interventions. La création d'un État totalitaire risque
d'engendrer des problèmes beaucoup plus graves encore gui ne
contribueront en rien au mieux-être de la population.
L'autorité provinciale est, faute de mieux, l'interlocuteur
privilégié pour défendre les intérêts de ses
régions, avec toutes leurs individualités et leurs
caractéristiques. Il nous apparaît logique de croire que le
partage des pouvoirs ne pourra se faire sans l'accord des provinces, si
difficile soit-il.
Au moment où les provinces seront parvenues entre elles à
un consensus sur le rapatriement des pouvoirs qui devraient incomber aux
gouvernement provinciaux et au gouvernement fédéral, nous aurons
alors de solides qaranties que ce consensus sera adapté aux besoins
propres de chaque partie du territoire canadien, sans pour autant porter
atteinte aux aspirations locales légitimes. Et, à partir de ce
moment, le gouvernement fédéral n'aura d'autre alternative que
d'agir suivant les pouvoirs qu'on lui aura confiés, ni plus ni
moins.
De plus...
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme
Hétu.
Mme Hétu: Oui.
La Présidente (Mme Cuerrier): Je regrette de ne pas avoir
précisé au début de notre rencontre que, habituellement,
les gens disposent de vingt minutes seulement pour présenter leur
mémoire. Je profite du moment où l'autre partie de votre
mémoire n'est pas tout à fait l'essence même du
mémoire comme tel. J'entends qu'elle n'en fait pas partie
automatiquement. Cela m'apparaît comme une annexe qui parle de quelque
chose de différent, n'est-ce pas?
Je me dois maintenant, à cause des règlements sur lesquels
nous avons établi un consensus, ou bien de demander a la commission si
elle permettrait que vous terminiez votre mémoire ou bien si elle
préférerait vous poser des questions et qu'à travers les
questions auxquelles vous répondrez, vous puissiez faire état de
la langue d'enseignement. Ce que j'allais vous dire, c'est qu'on pourrait
immédiatement poser des questions. Est-ce que la commission serait
d'accord pour que nous poursuivions la lecture du mémoire quitte
à poser moins de questions? En tout cas, la commission est
maîtresse de ses travaux maintenant.
Mme Hétu: Si je peux me permettre, Mme la
Présidente, ce n'est qu'une question de peut-être quatre
minutes.
La Présidente (Mme Cuerrier): J'ai le consensus,
madame.
Mme Hétu: Merci, madame. De plus, la formule d'amendement
à la constitution, par l'inclusion d'une nouvelle charte des droits,
prévoit un mécanisme d'amendement excessivement dangereux pour
tout ce qui touche la langue d'enseignement étant donné que "les
immigrants qui auront séjourné à l'extérieur du
Québec assez longtemps pour apprendre l'anglais et devenir citoyens
canadiens pourront s'installer au Québec et faire instruire leurs
enfants dans la langue anglaise, tout comme les parlant anglais du
Québec, alors que ce même droit sera refusé aux
francophones." En plus d'être insidieusement maléfique à
l'orientation naturelle d'un enseignement en français au Québec
à la suite de l'adoption de la loi 101, il s'ensuivrait en très
peu de temps, connaissant le servilisme de la majorité des immigrants et
de beaucoup de nos concitoyens à l'égard de ce faux principe
qu'il faut connaître l'anglais pour gagner sa vie au Québec, une
diminution draconienne des inscriptions dans les écoles publiques
francophones du Québec, d'où de nombreuses fermetures
d'écoles et, par ricochet, une augmentation accentuée du
chômage dans ce champ très complexe de l'éducation.
Car, et nous tenons à le souligner, le Québec ne s'est pas
seulement montré généreux avec et à l'égard
de ses minorités. Il a servi avec les lois 63, 22 et 101 une
leçon d'humanisme qu'aucune des autres provinces n'a jamais
amorcée même de loin. Qu'on pense seulement au jugement de la Cour
suprême obligeant le Manitoba à produire le texte français
de toutes ses lois votées depuis 1890. Notre société,
s'unissant de plein coeur a tous les organismes du Mouvement Québec
français, s'est opposée à l'époque par tous les
moyens dont elle disposait aux lois 63 et 22 qui, même si elles faisaient
montre de beaucoup (trop, disions-nous) de respect et d'humanisme à
l'égard de nos minorités, dénotaient quand même un
manque de respect fondamental à la majorité francophone. Que
serait-il advenu d'un William Davis s'il avait fait voter, lui, une loi
semblable? Même y penser aurait été suicidaire. Comme dans
toutes les autres provinces, d'ailleurs. Et qu'on ne vienne pas nous parler des
Acadiens qu'on massacre et qu'on méprise aux paliers administratif et
gouvernemental;
Comme le Québec a servi aux autres provinces des leçons de
respect qui frisent un servilisme pas mal honteux; comme le gouvernement
actuel, malgré une orientation certaine vers l'indépendance
nationale, a quand même voté la loi 101; comme rien de similaire
n'existe in facto dans aucune des autres provinces du Canada; comme le
Québec détient, depuis 1867 et même avant, le droit
à la langue d'enseignement chez lui; comme tous les peuples libres n'ont
jamais voté de loi élaborée pour dire et faire comprendre
que la langue d'enseignement est la leur; comme, partout ailleurs dans le
monde, l'immigrant respecte absolument la langue d'enseignement du pays
hôte et pour lui et pour ses enfants (verrai-t-on des Allemands ou des
Portuguais exiger que l'enseignement public se fasse dans leur langue s'ils ont
émigré en Suède ou en Finlande?); pour toutes ces raisons
et parce que nous avons le droit élémentaire de vivre chez nous
dans la langue de nos ancêtres; parce que nous avons été le
peuple fondateur de notre pays, le Québec; parce que, en système
démocratique, la décence veut que la majorité jouisse d'un
droit fondamental à son autodétermination; parce que la culture
et la tradition dépendent toujours de la langue d'un peuple, nous
demandons le retrait en entier du projet Trudeau qui ne nous concerne
absolument pas et n'est que la duperie d'un homme infatué d'une
"société juste" dans un "Canada uni".
De plus, nous tenons à affirmer que jamais nous ne cesserons de
lutter pour l'indépendance du Québec. Depuis quinze ans
déjà, nous y travaillons sans relâche du mieux que nous le
pouvons, sachant que nos
fils et nos filles pourront prendre la relève jusqu'à la
victoire finale car, écrivait Louis Hémon, "nous sommes venus il
y a 300 ans et nous sommes restés. Autour de nous, des étrangers
sont venus, ils ont pris presque tout le pouvoir; ils ont acquis presque tout
l'argent; ils se sont emparés de nos lacs, de nos montagnes. Mais au
pays du Québec, rien n'a changé! Rien ne changera, parce que nous
sommes un témoignage. Et nous nous sommes maintenus, peut-être,
afin que, dans plusieurs siècles encore, le monde se tourne vers nous et
dise: Ces gens sont d'une race qui ne sait pas mourir." Merci, madame. (17 h
15)
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Châteauguay.
M. Dussault: Merci, Mme la Présidente. À lire et
à entendre le mémoire que vous nous avez présenté
aujourd'hui, je dois m'incliner devant la qualité, la richesse et
l'articulation que j'ai pu y constater et je suis convaincu, malgré la
remarque qu'a faite la députée de Prévost, tout à
l'heure, que vous n'avez pas préparé ce mémoire en pensant
venir participer à un exercice de propagande.
J'ai très bien compris, à travers votre mémoire,
que vous vous êtes rattachés fondamentalement à un vice
profond de la politique de M. Trudeau sur le rapatriement de la
constitution.
On sait maintenant clairement que M. Trudeau essaie de profiter de ce
rapatriement pour s'introduire, par le biais de l'inclusion d'un principe dans
la charte des droits qu'il veut enchâsser dans la constitution, dans des
champs de législation québécoise pour centraliser
davantage son pouvoir, mettre davantage la main sur le bien
québécois. C'est assez clair, il s'agit du principe de la libre
circulation des biens et des personnes.
Je pense que la richesse de votre mémoire réside
particulièrement dans le fait - et, jusqu'à maintenant, nous
n'avions pas vu cette réalité - que vous avez essayé de
voir dans la réalité concrète de tous les jours, d'une
région particulière, qui est la vôtre, de quelle
façon l'application d'un tel principe dans la charte pourrait avoir des
conséquences dangereuses. Si d'autres groupes sont tentés de
venir faire connaître leur point de vue à cette commission dans
les prochains jours ou les prochaines semaines, je pense qu'on pourrait leur
donner le conseil d'essayer aussi de nous faire voir, chez eux, dans leur
région, comment l'inclusion d'un tel principe pourrait être
néfaste pour les Québécois, chez eux, dans leur vie
quotidienne.
Vous avez été assez explicites et votre mémoire est
assez révélateur sur cette question que je ne me sens pas le
besoin d'aller plus dans le détail; vous l'avez très bien fait,
je pense.
Un peu plus loin, dans votre mémoire, vous avez fait remarquer
aussi un vice de cette intrusion du gouvernement fédéral par le
biais du rapatriement de la constitution. Vous avez fait remarquer que, dans un
domaine donné, on pouvait créer du chômage, dans
l'enseignement particulièrement. C'est un fait et, avant la loi 101, moi
qui étais dans l'enseignement, j'ai pu voir de très près
les conséquences de cette hémorragie que nous connaissions du
côté linguistique, du fait que les immigrants venaient
s'établir ici et allaient engraisser le secteur anglophone; même
que des francophones allaient engraisser - dans ma région je l'ai vu
largement - le secteur anglophone. De plus en plus d'enseignants se
retrouvaient, à la fin de chaque année, dans une situation
plutôt pénible, parce qu'on devait les aviser que, l'année
suivante, ils devraient se trouver du travail ailleurs.
Si vous avez fait remarquer particulièrement cette question dans
votre mémoire, est-ce à dire que, dans votre région - la
région de Joliette et la région de Lanaudière - ce
problème était aigu ou est encore aigu ou qu'il - compte tenu du
passé pourrait devenir énormément aigu? J'aimerais avoir
votre point de vue là-dessus.
Mme Hétu: Merci. Ce n'est peut-être pas aigu, mais
prenons un exemple, la ville de Rawdon, qui est une ville où il y a une
majorité d'allophones, des Ukrainiens, des Russes, des Polonais; ce sont
des gens qui étudient en français présentement. Mais si on
changeait la loi 101 ou si on changeait les principes actuels, ce seraient
peut-être des gens qui iraient vers les écoles anglaises, parce
que, à Joliette, on a le Joliette High Scholl, qui est
réservé présentement aux gens qui ont l'anglais comme
langue maternelle, mais ça pourrait être une porte facilement
franchissable. C'est dans ce sens là qu'on l'a dit.
M. Dussault: Est-ce que vous avez une idée de l'ampleur du
problème qui pouvait exister avant la loi 101? Est-ce que c'est à
partir d'une expérience que vos craintes existent? Parce qu'on sait de
toute façon que, sur le plan légal, le danqer est clair, on l'a
constaté assez rapidement, mais est-ce que concrètement, dans les
dernières années, avant la loi 101, ce problème
était crucial chez vous?
M. Charette: Je peux vous répondre, M. le
député. On avait fait une enquête, je pense, auprès
de toutes les écoles de la région pour connaître les
relevés au moment de la loi 63 surtout, lorsque le libre choix existait.
Je pense que, dans une région comme la nôtre, voir 1000
francophones, pratiquement, tant à l'élémentaire qu'au
secondaire, transférer d'école, ça nous
apparaissait quand même important chez nous, une région à
98.9% francophone.
Bien sûr, la loi 101 a corrigé une situation qui montrait
que même des francophones, bien sûr, pouvaient aller à
l'école anglophone avec le libre choix. Bien sûr, la loi 101 a
corrigé un tel état de fait.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Saint-Laurent.
M. Forget: Mme la Présidente, j'aimerais faire à ce
moment-ci un certain nombre de commentaires sur l'impression qui se
dégage de nos travaux.
Il devient de plus en plus évident -c'est le troisième ou
le quatrième groupe qui le fait et nous n'avons pas terminé - que
cette commission parlementaire fournit une occasion à différents
groupes - et sans aucun doute avec beaucoup de sincérité, je n'en
doute pas - de reprendre le flambeau de l'indépendance. C'est la
troisième ou la quatrième fois, encore une fois, qu'on le
mentionne devant nous. C'est un flambeau que le gouvernement donnait tous les
signes de ne pouvoir assumer lui-même devant le désarroi qu'ont
produit chez lui les événements de la dernière
année, mais voici que des groupes se portent volontaires pour rallumer
la flamme et la porter bien haut.
On entend de plus en plus parler de l'indépendance. C'est quelque
chose qui sonne assez curieux, moins d'un an après le
référendum. Je dois dire que cette référence
à l'objectif de l'indépendance, l'insistance qu'on y apporte,
sans aucune référence au référendum, nous permet de
dire qu'il se dégage de tout ça un certain relent
antidémocratique.
Les Québécois ont quand même, il y a moins de douze
mois, dit carrément de quoi il en retournait, ce qu'ils pensaient de
cette question-là et nous savons tous, au moins de ce
côté-ci, que l'immense majorité de nos concitoyens a une
opinion très faible et très peu flatteuse de ceux qui veulent
revenir à cet ancien débat, retourner le Québec dix ou
quinze ans en arrière et tout recommencer comme si rien ne
s'était passé, comme si on n'avait rien appris.
En plus de ça, dans presque tous les mémoires, de
façon voilée ou même dans les présentations
verbales, on sent, on devine ou même on entend très clairement des
appels à la violence, à la désobéissance civile. On
dit ces choses-là de façon à pouvoir les nier, mais il est
facile de comprendre entre les lignes que tout ce danqer qu'on prévoit
pour la paix sociale, ces appels à la désobéissance civile
qu'on retrouve dans certains mémoires n'ont d'autre but que
d'éveiller cette inquiétude parmi nos citoyens que l'on revive
des périodes difficiles, des périodes de tension et
d'impressionner la majorité des
Québécois qui ont carrément tourné le dos
à toutes ces hypothèses afin que, peut-être, ils se
laissent convaincre un peu par l'intimidation.
Mais s'il y a une menace à la paix sociale, Mme la
Présidente, de qui viendrait-elle, si ce n'est de ces groupes qui
défilent devant nous depuis hier et qui sont les porte-parole de l'aile
ultranationaliste dans la société québécoise? De
qui viendrait cette menace si ce n'est des mêmes groupes qui la font
miroiter à nos yeux comme étant une chose dont il faut se
méfier? Je pense que cela aussi, en plus du refus de même
mentionner le référendum et la façon dont il s'est
déroulé, la façon dont il s'est terminé, ça
démontre un mépris pour nos institutions démocratiques
qu'on prétendait pourtant vouloir défendre comme la prunelle de
nos yeux, lorsqu'il était question du référendum, avant
qu'il se produise, et on espérait encore qu'il pourrait donner une suite
favorable au projet indépendantiste ou souverainiste, qu'on emploie les
termes qu'on voudra.
On remarque également que les groupes qui se succèdent,
à qui mieux mieux, préparent le terrain pour la campagne
électorale du gouvernement qui cherche
désespérément à faire situer tout le débat
électoral sur la seule question linguistique. Il devient assez
évident qu'à défaut d'un programme, le gouvernement
cherche à faire porter le débat là-dessus et à le
faire de façon à agiter des épouvantails, à faire
une campagne de peur basée sur des affirmations absolument gratuites.
À plusieurs reprises déjà, le gouvernement a brandi le
spectre de la nullité de toutes les lois québécoises, si
jamais on avait une charte des droits enchâssée dans la
constitution. Mais, quand on l'a sommé de donner des preuves
raisonnées de ses affirmations, il s'est toujours récusé.
C'est toujours pour plus tard. Les études qui démontreraient des
affirmations absolument gratuites et farfelues, évidemment, n'existent
pas. On retarde toujours à un mois ou à un semaine plus tard, ou
à trois mois plus tard la production d'une argumentation qui donnerait
peut-être un début de vraisemblance au dixième des
affirmations qui se font du côté gouvernemental et qui sont
reprises à qui mieux mieux par les groupes qui se succèdent
devant nous.
Précisément, relativement à cela, Mme la
Présidente, quand on parle aux groupes qui se succèdent devant
nous, on ne peut pas ne pas remarquer, à ce moment-ci, que,
derrière l'abondance de ces groupes préoccupés
jusqu'à l'angoisse par le projet de rapatriement de la constitution, se
cache une réalité qui est difficile à percer, mais on ne
peut pas ne pas remarquer qu'il y a des personnes qui apparaissent avec trois
ou quatre chapeaux différents, des organismes qui semblent
composés d'une poignée
d'individus et qui reviennent à toutes les sauces.
Tantôt, il s'agit d'une centrale syndicale qui fait partie d'un
mouvement et qui revient sous un autre titre, à un autre moment. Il y a
eu véritablement là un jeu de chaise musicale qui ne peut pas
faire autrement que de susciter l'admiration, l'étonnement et un peu
aussi la surprise, parce que, si vraiment tous nos compatriotes du
Québec sont saisis aux tripes par cette urgence nationale, comment se
fait-il qu'ils ne trouvent pas plus de représentants différents
pour venir exprimer leur angoisse? Comment se fait-il qu'ils ne trouvent que
ces quelques porte-parole qui changent de chapeau au fur et à mesure que
la journée se déroule et qui, tantôt, viennent parler au
nom de tel mouvement, tantôt, au nom de tel autre? Serait-on vraiment en
peine de trouver des gens pour venir assumer non seulement cette
responsabilité, mais cet honneur? Cela doit sûrement en être
un.
Mme la Présidente, je crois que nous assistons à une mise
en scène. Nous nous en doutions évidemment et nous ne sommes pas
les seuls à nous en douter. Nous assistons à une mise en
scène soigneusement faite, orchestrée par le gouvernement, qui
pousse tous ces gens-là à utiliser le Parlement comme un
instrument de propagande partisane, indiquant par là même qu'ils
épousent ce mépris des institutions démocratiques dont on
ne peut faire autrement que de constater l'existence à travers ces
appels à l'indépendance, cette ignorance, cette conspiration du
silence face aux résultats du référendum, alors qu'on nous
dit: Revenons à la discussion telle qu'elle se déroulait au
Québec il y a dix ou quinze ans; revenons aux états
généraux. Cela fera sans doute plaisir au ministre qui
siège avec nous dans le moment. Revenons en arrière puisqu'on
s'est trompé. On va tout recommencer, comme si rien ne s'était
passé.
Cette mise en scène, Mme la Présidente, est d'autant plus
visible dans le cas qui nous intéresse, puisque nous sommes en face,
dans une large mesure, d'organismes qui, indirectement, sont financés
par le gouvernement, qui sont des personnes qui bénéficient
de...
M. Charette: Mme la Présidente, c'est une erreur
fondamentale qui vient d'être...
La Présidente (Mme Guerrier): Monsieur...
M. Forget: Vous répliquerez en temps et lieu, encore que
vous n'ayez pas comme tel le droit de réplique.
Une voix: Laissez-le aller...
La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît: S'il
vous plaît!
M. Forget: Nous avons des organismes, en particulier un organisme
devant nous qui est sur la liste des concessionnaires de Loto-Québec, au
titre des organismes à but non lucratif. Or, Mme la Présidente,
il faut se poser des questions. Ce programme est admirable lorsqu'il vise
à aider financièrement, par les commissions qu'ils gagnent sur la
vente des billets de loto, des organismes véritablement sans but
lucratif qui ont des fins sociales ou humanitaires. Mais, lorsqu'il s'agit...
(17 h 30)
M. Dussault: Mme la Présidente...
M. Forget: J'ai le droit de parole.
Lorsqu'il s'agit d'organismes qui sont essentiellement des organismes
d'action politique...
M. Dussault: J'invoque le règlement, Mme la
Présidente.
M. Forget: ...on peut se poser de grandes questions en voyant
dans la liste de ces organismes dits à but non lucratif...
M. Dussault: Question de règlement, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Guerrier): M. le député
de Saint-Laurent, je vais entendre une question de règlement et je vous
redonnerai la parole.
M. le député de Châteauguay.
M. Dussault: Mme la Présidente, on veut bien, nous,
être coopératifs le plus possible avec vous. Cependant, je pense
bien - vous le savez comme nous - que le mandat de cette commission est
d'entendre des groupes. Les gens qui sont ici, qui nous ont
présenté un mémoire s'attendent, évidemment, qu'on
fasse des commentaires sur leur mémoire ou qu'on leur pose des questions
sur leur mémoire. C'est dans l'ordre des choses. M. le
député de Saint-Laurent, qui nous offre toujours un bon dix
minutes de fiel à chaque séance, est en train de nous livrer
à nouveau son fiel sur le dos des gens qui viennent nous voir pour nous
donner leur point de vue sur le rapatriement de la constitution qui se fait
d'une façon unilatérale. Je vous demanderais, Mme la
Présidente, s'il vous plaît, de bien demander à M. le
député de Saint-Laurent de sortir de Loto-Québec qui n'a
rien à voir ici dans notre séance et de revenir au mémoire
qui nous est présenté par la Société nationale des
Québécois du Lanaudière.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Saint-Laurent, j'aimerais vous
demander si vous avez une question à poser au groupe qui est
devant nous maintenant.
M. Forget: Mme la Présidente, oui, pour répondre
à votre question, mais je vous ferai observer que je ne suis pas le
premier à faire des commentaires lors de cette commission parlementaire.
Je vous réfère au journal des Débats et vous verrez de
nombreuses interventions, de la part du ministre des Affaires
intergouvernementales, qui ont consisté totalement, essentiellement et
même exclusivement dans certains cas en de longs monologues. Je fais ce
commentaire qui est tout à fait pertinent à la suite de
l'audition de ce mémoire. J'ai fait des commentaires qui relèvent
spécifiquement des affirmations que l'on trouve à la page 21
relativement à la revendication de l'objectif de l'indépendance,
à des appels voilés aux difficultés sociales, à la
violence, à la menace à la paix sociale qu'on trouve à la
page 2, etc., etc.
Je pense qu'il est tout à fait pertinent, quand des groupes se
présentent devant l'Assemblée nationale, que l'on souligne le
fait qu'il ne s'agit pas nécessairement de groupes totalement
indépendants du gouvernement. Dans ce cas-ci, le gouvernement actuel a
inauguré un mécanisme de financement d'un certain nombre
d'organismes sans but lucratif. Il est remarquable de constater que les groupes
qui faisaient partie de la coalition du oui se retrouvent comme les
bénéficiaires de ce programme. Il y en a une dizaine, une
douzaine et peut-être même une vingtaine qui se partagent quelques
centaines de milliers de dollars par année a titre d'organismes
bénévoles, présumément humanitaires, mais qui sont
effectivement des organismes d'action politique. Cela faisait-il partie des
dépenses contrôlées du référendum? On s'est
tellement indigné, de l'autre côté, du non-contrôle
de certaines dépenses. Je pense que la crédibilité des
groupes qui viennent devant nous peut, tout de même, faire l'objet d'une
question, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Saint-Laurent, je vous ai demandé si vous aviez une question à
poser aux gens qui sont devant nous. Vous conviendrez avec moi...
M. Forget: Et je vous ai dit que je n'avais qu'un commentaire,
tout comme vous avez permis au ministre des Affaires intergouvernementales,
sans l'interrompre, de faire les commentaires qu'il jugeait bon de faire.
Une voix: Sur le programme du Parti libéral.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Saint-Laurent, quand nous étions dans le cadre du mandat de la
commission. Et je vous ferai remarquer que j'ai déjà fait des
appels aux membres de la commission pour que cette commission ne prenne pas
l'allure d'un échange partisan entre les membres de la commission. Vous
me rendrez au moins ce crédit. Je vous demanderais maintenant de bien
vouloir poser des questions au groupe qui est là présentement.
D'ailleurs, deux des personnes qui sont ici avec M. Charette m'ont
déjà demandé la parole et je pense qu'il faudrait
maintenant la leur donner. Je vous demanderais si vous avez une question
spécifique.
M. Forget: Mme la Présidente, je veux poser une question
de règlement.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Saint-Laurent, sur une question de règlement.
M. Forget: Oui. Vous indiquez, Mme la Présidente, que vous
m'avez demandé de poser des questions et non pas de faire des
commentaires. Je crois, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Saint-Laurent...
M. Forget: ...qu'il n'appartient pas...
La Présidente (Mme Cuerrier): ...pourrais-je...
M. Forget: Je n'ai pas terminé ma question de
règlement, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): Peut-être me suis-je
mal exprimée.
M. Forget: Me serait-il possible de terminer ma phrase?
La Présidente (Mme Cuerrier):
Sûrement, je vous permettrai de le faire. Je me suis
peut-être mal exprimée. Ce que j'aurais voulu vous dire, c'est que
votre commentaire m'apparaissait suffisamment long quant aux propos que vous
vouliez tenir et que maintenant nous devrions revenir au débat qui nous
occupe et au travail de la commission. Vous pouvez toujours continuer sur votre
question de règlement, si vous pensez que vous devez toujours la
soulever.
M. Forget: Oui, je crois que c'est fort important, Mme la
Présidente. Je crois que la présidence d'une commission
parlementaire n'a pas à censurer les propos des membres des commissions
parlementaires. Vous vous en êtes - et je vous en rends hommage -fort
heureusement abstenue lorsque des membres du côté
ministériel ont pris la
parole. Ils ont pris la parole, non pas nécessairement - et je
pourrais vous donner des preuves écrites de cela - sur des sujets qui
avaient été abordés par des témoins ou des groupes
apparaissant devant la commission, mais, par exemple, sur des sujets comme le
programme d'une autre formation politique et vous ne les avez pas interrompus.
Je vous en sais gré. C'était leur droit de faire des
commentaires, c'était le droit du ministre en particulier de faire les
commentaires qui lui apparaissaient appropriés.
Par contre, je ne sais pas en vertu de quelle règle le contenu de
nos interventions devrait être astreint à des règles
différentes de celles que vous avez vous-même appliquées au
ministre des Affaires intergouvernementales. Si je préfère
utiliser le temps qui m'est imparti pour faire des commentaires plutôt
que de poser des questions, parce que je suis, quant à moi, suffisamment
renseigné quant à la position du Mouvement national des
Québécois du Lanaudière, je pense qu'il est dans l'ordre
que nous soyons autorisés à faire les commentaires que nous
jugeons bon de faire. Pour ce qui est des membres de l'autre formation
politique, comme vous le savez, ils ont également le droit. Ils ont la
même liberté. Je dois faire une mise en garde très
sérieuse à ce sujet, Mme la Présidente; si notre droit de
parole, comme parlementaire, est le moindrement mis en question, je pense que
c'est la justification même de la commission parlementaire qui sera mise
en question.
La Présidente (Mme Cuerrier): Peut-être voulez-vous
remettre en question la façon dont j'ai dirigé les débats
jusqu'à maintenant, M. le député de Saint-Laurent, mais je
crois pouvoir vous dire que, quand il m'apparaissait que nous n'étions
pas dans le cadre du mandat qui avait été donné à
cette commission, je l'ai rappelé à plusieurs reprises, et pas
seulement d'un côté, M. le député de Saint-Laurent.
Et je crois même que c'est la première fois que je le rappelle de
votre côté, que ne m'apparaissaient pas tout à fait
pertinents à la question les propos que vous teniez.
J'aurais laissé passer. Je crois vous avoir laissé la
parole suffisamment longtemps pour que vous considériez - je
l'espère en tout cas - que je ne vous ai pas retenu dans vos propos.
Maintenant, je voudrais donner la parole au groupe qui est devant nous
pour qu'il puisse au moins intervenir sur ce que vous avez déjà
dit. Et je pense bien que vous ne protesterez pas.
M. Charette m'avait fait signe qu'il voulait prendre la parole et M.
Richard Landry.
M. Charette: Simplement sur une remarque du député
relativement au financement de la Société nationale des
Québécois. C'est bien mal connaître la
Société nationale des Québécois que de parler dans
le sens qu'il l'a fait tout à l'heure et de dire qu'il y a des
mêmes personnes qui se retrouvent aux mêmes tables. Je l'ai
expliqué tout à l'heure. Quand on fait partie d'une
fédération, on se retrouve à un palier supérieur
pour y siéger à un moment donné, parce que cela regroupe
quinze sociétés régionales, le Mouvement national des
Québécois.
Si Mme Hétu était à la table avec le Mouvement
national des Québécois, c'est que cet organisme regroupe des
organismes à caractère national, sur le plan national du
Québec. Je voulais mettre cela clair.
Sur le plan de Loto-Québec et du financement de la
société, la société est entièrement
financée par ses 20,000 membres. Si M. Forget veut venir
vérifier, nous lui déposerons nos états financiers. Il n'y
a aucuns fonds gouvernementaux qui viennent à la Société
nationale des Québécois du Lanaudière, sauf par
l'entremise d'un kiosque de Loto-Québec qui nous a été
octroyé dans le cadre d'une loi ou d'un règlement du gouvernement
québécois, qui a offert à tous les organismes sans but
lucratif du Québec de faire une demande de concession.
Il a omis, à mon sens, de mentionner les organismes qui sont
plutôt favorables au Parti libéral - ceux-là, il ne les a
pas mentionnés - qui ont des concessions de Loto-Québec aussi et
de Lotomatique. Je pourrai lui en nommer s'il en veut. Je lui en ferai parvenir
une liste. Autrefois, qui les avait ces concessions? On le sait. On pourra lui
en donner des listes. Je réplique à des arguments un peu
politicailleurs qu'on a soulevés tout à l'heure.
M. de Bellefeuille: C'est très intéressant, Mme la
Présidente.
M. Charette: Ensuite, je demanderais à M. Forget de
s'informer auprès de Loto-Québec de la qualité de la
gestion de la Société nationale des Québécois dans
les concessions de Loto-Québec. Je voulais quand même soulever ces
deux aspects.
La Présidente (Mme Cuerrier): J'ai permis ce commentaire
en réponse à celui de M. le député de
Saint-Laurent. Est-ce que je pourrais demander maintenant que nous en revenions
au mémoire comme tel? M. Richard Landry.
M. Landry (Richard): Merci, Mme la Présidente, j'aimerais
répliquez brièvement aux attaques qui ont été
portées par M. Forget relativement au mémoire qui a
été
présenté devant vous. Je dois vous souligner que le
mémoire en question n'a pas été préparé par
des gens d'une formation politique ou d'un groupe particulier. Quant à
moi, je suis un individu et en même temps un avocat et je ne fais partie
d'aucune option politique. Je ne suis membre d'aucun parti.
J'aimerais porter à l'attention de la commission le fait que nous
avons tenté avec soin, je pense, de présenter deux optiques
différentes de ce que vous avez pu entendre jusqu'à
présent par notre mémoire, c'est-à-dire l'opinion d'une
région, comme bien d'autres régions dans la province de
Québec, qui a le droit d'exprimer, vis-à-vis du problème
du rapatriement de la constitution, les craintes qu'elle éprouve.
Je constate que M. Forget a relevé la page 2 et la page 21, parce
que cela lui permettait peut-être d'exprimer des idées qui ne
portent pas sur le sujet sur lequel on a à se prononcer. Je suis tout
à fait déçu, cependant, d'un homme que j'ai toujours
considéré intelligent, qu'il ait ignoré les pages 5
à 19 qui, à mon sens, représentent une étude
suffisamment objective de l'influence du rapatriement sur la question
économique. Je me serais plutôt attendu à des questions de
sa part ou à une opinion de sa part sur ces sujets-là.
J'ai vu Mme Chaput-Rolland, à lecture du mémoire,
acquiescer à plusieurs de ses parties sur la section économique.
Je pense qu'il y a dans ce document des éléments qu'on doit
retenir. Je considère votre intervention et je vous le dis bien
honnêtement - c'est la première fois que j'ai l'occasion de venir
en commission parlementaire - comme absolument vexatoire et injurieuse pour le
groupe qu'on représente devant vous. Je suis à peu près
certain, par les commentaires que vous avez formulés, que vous n'avez
pas écouté ou lu la section qui porte sur l'économie,
sinon vous n'auriez pas formulé les commentaires que vous avez
faits.
Je demanderais maintenant, en terminant, que le temps qui a
été utilisé par M. Forget ne soit pas enlevé sur le
temps qui nous est accordé et qu'on puisse expliquer les positions qu'on
a prises dans notre mémoire - s'il y a des questions; évidemment,
je ne forcerai personne à en poser - expliquer les vues qui sont
contenues dans ce mémoire. Car, à notre sens, on a suffisamment
travaillé et suffisamment de personnes y ont travaillé, je pense,
pour qu'on ait le droit d'exprimer notre opinion ici.
C'est pour cela qu'on est venu.
La Présidente (Mme Cuerrier): Simplement pour clarifier la
question, je vais relire pour tous ceux qui sont ici maintenant le mandat de la
commission pour que nous tâchions tous ensemble de nous en tenir à
ce mandat qui est d'entendre des personnes ou des organismes en regard du
projet de résolution du gouvernement fédéral concernant la
constitution du Canada.
Je demanderais à chacun leur collaboration, à partir de
maintenant. De toute façon, à venir jusqu'à maintenant je
l'ai eue. Je pense que c'est un incident qui peut se produire n'importe quand
pendant le travail des commissions. Cela se produit très souvent.
M. le chef parlementaire de l'Union Nationale, est-ce que vous m'aviez
fait signe que vous alliez prendre la parole? Non. Alors, M. le
député de Chauveau.
M. O'Neill: Mme la Présidente, ce ne sera pas très
long. Je voudrais d'abord présenter, je dirais, des excuses, comme
membre de cette commission. Je sais que vous avez été l'objet
d'insultes... Je suis, pour ma part, un petit peu, je dirais, humilié.
Je n'ai jamais été témoin d'une attaque aussi basse
à l'égard des visiteurs. Ce n'est pas la première bassesse
du député en question, parce que c'est une habitude chez lui.
Mais je crois que c'est très important. Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît!
M. O'Neill: Mme la Présidente, je tiens...
La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît.
M. O'Neill: Question de règlement. J'ai déjà
dit, madame, qu'ils ont été insultés, injuriés. Je
pense qu'on peut...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le
député.
M. O'Neill: ... au moins s'excuser. Comme il ne faut pas
s'attendre à ça de la part du député de
Saint-Laurent, il en est incapable, je le fais à titre de membre de
cette commission. Deuxièmement, Mme la Présidente, je voudrais
quand même rappeler un droit que ces gens ont, le droit à une
certaine liberté d'expression. Ils représentent une opinion qui a
été partagée par 50% des francophones du Québec,
Mme la Présidente, je réclame comme un droit qu'ils puissent
s'exprimer sans être injuriés et sans être
insultés.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Chauveau, je vous demanderais maintenant de me faire confiance pour que nous
puissions continuer nos travaux. (17 h 45)
M. O'Neill: Très bien, Mme la
Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): Je tâcherai de
respecter...
M. O'Neill: ... je signalerais qu'après cette
extraordinaire liberté que vous avez permise de laisser injurier des
gens, on puisse quand même faire une rectification. Il y a eu ici un
étalement de bassesse assez spectaculaire. Je pense que cela nous prend
au moins une rectification. C'est un droit et je crois que le
député de Notre-Dame-de-Grâce n'a pas le droit de m'enlever
mon droit de parole.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Chauveau, s'il vous plaît, M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît! M. le député de
Chauveau, pour la bonne marche de nos travaux, je vous demanderais de ne pas
continuer. Je pense que tout le monde a déjà entendu et que
chacun est bien conscient de cet épisode. Si vous le vouliez, nous
pourrions continuer nos travaux et je demanderais aux gens qui sont avec nous
maintenant... Il est clair qu'il se produit des choses que tout le monde n'aime
pas tout le temps, c'est bien entendu. Cela fait partie du genre de choses que
nous avons à vivre. Je demande donc à M. Landry s'il a un autre
commentaire à faire. Alors, allez-y. M. le député de
Chauveau.
M. Landry (Richard): Je préférerais avoir des
questions.
La Présidente (Mme Cuerrier): Je pense que les gens qui
sont avec nous, M. le député de Chauveau, ont très bien
compris que vous n'admettez pas la façon dont les choses se sont
passées.
M. O'Neill: J'accepte votre directive, Mme la Présidente,
à la condition que si d'autres abus aussi regrettables se commettent,
vous allez intervenir.
La Présidente (Mme Cuerrier): Comme je l'ai fait, M. le
député de Chauveau.
M. O'Neill: II doit y avoir une certaine exigence de
décence, autrement dit, que j'aimerais qui soit respectée. Cela
étant dit, Mme la Présidente, j'ai une question à poser
à nos invités.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Chauveau, M. le député de Saint-Laurent me demande de lui
accorder la parole juste un moment sur une question de règlement. Il
invoque l'article 96 de notre règlement.
M. O'Neill: Mais je n'ai pas terminé,
La Présidente (Mme Cuerrier): Mais les questions de
règlement passent toujours avant votre question, et bien sûr, M.
le député, je vous accorde la parole immédiatement
après. M. le député.
M. Forget: Je vous remercie, Mme la Présidente. En vertu
de l'article 96, comme on le sait, tout parlementaire a le droit de corriger
des déclarations qu'il juge erronées et qui lui ont
été imputées ou qui lui ont été
adressées. Le député de Chauveau a fait deux affirmations
que je veux contester avec la dernière énergie. Il a d'abord
laissé entendre que j'aurais empêché les témoins de
parler, que je ne leur aurais pas reconnu un droit, l'exercice du droit
d'expression. Or, j'ai écouté religieusement, pendant 20 minutes,
la lecture du mémoire. J'en ai pris connaissance moi-même et je
suis tout à fait disposé à les entendre aussi longtemps
qu'il vous plaira de leur donner la parole, Mme la Présidente. Je n'ai
nullement contesté leur droit à s'exprimer. Au contraire, je les
invite à le faire abondamment. Je n'ai pas peur de ça.
Deuxièmement, le député de Chauveau a dit que je
les avais insultés. Or, Mme la Présidente, je n'ai fait
qu'énumérer des éléments factuels contenus dans
leur mémoire ou contenus dans d'autres documents publics. S'ils
considèrent que l'appel à l'indépendance est une insulte
ou que le fait de souliqner qu'on insiste encore ici sur la question
linguistique, aux dépens du caractère unilatéral du projet
d'amendement, est une insulte, à ce moment, je serai d'accord avec lui.
Bien sûr, s'il appelle ça des insultes, je les ai
insultés.
M. O'Neill: Leur dire qu'ils ont été payés
pour dire ça, c'est une insulte.
M. Forget: Cependant, je ne crois pas qu'il s'agisse là
d'insultes.
Pour ce qui est de prétendre qu'il ne s'agit pas de groupes
entièrement indépendants du gouvernement, je n'ai fait que dire
ce que j'ai bien connu, à savoir qu'ils étaient avec le
gouvernement dans un front commun du oui, donc, ils n'étaient pas
indépendants sur le plan politique, ils faisaient partie d'un plan, d'un
front commun. Sur le plan financier, il y a effectivement des liens et
ça, ça ne peut pas se nier, c'est dans les publications
officielles du gouvernement.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député,
s'il vous plaît!
M. de Bellefeuille: Eux sont pour le Québec, nous, nous
sommes pour le Québec et vous, vous êtes contre; c'est clair.
La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous
plaît! M. le député de Chauveau, vous aviez une
question sur le mémoire.
M. O'Neill: Mme la Présidente, je peux poser une question?
J'aimerais quand même avoir certaines précisions de la part de ces
gens dont je respecte le désintéressement,
l'honnêteté; je pense qu'ils viennent ici non pas commandés
par l'argent, mais parce qu'ils ont des convictions et ils sont venus les
exprimer.
Je note que, à la page 21 de votre mémoire - puisqu'il est
question d'indépendance, parlons-en - vous dites que vous demandez le
retrait en entier du projet Trudeau, d'une part; vous dites, d'autre part, que
vous tenez à affirmer: Jamais nous ne cesserons de lutter pour
l'indépendance du Québec.
Je voudrais savoir quelle est votre réaction face à une
thèse, un point de vue juridique qui a été exposé
devant cette commission, à savoir que si on acceptait ou on nous
imposait - évidemment, ce gouvernement-ci ne l'acceptera jamais, mais il
pourrait arriver, quand on sait le genre de gens qu'il y a parfois dans
l'Opposition libérale et qui pourraient accepter des choses pareilles -
une formule d'amendement telle que, finalement, vous ne pourriez même
pas, en pratique, militer librement et démocratiquement pour la
souveraineté du Québec - car c'est ainsi que c'est
interprété par certains juristes - est-ce que vous seriez
portés à proposer quelque chose de plus que simplement une
demande générale de retrait? Parce qu'il faut prévoir que
M. Trudeau -quand on connaît son genre de comportement - ne traitera
peut-être pas de nouveau aussi facilement, parce qu'il a
décidé de plier le pays à ses idées. Est-ce que
vous accepteriez, étant donné que vous êtes des gens qui,
dites-vous, luttez depuis quinze ans pour la souveraineté ou
l'indépendance du Québec, l'idée que les élus du
peuple, eux, en situation d'urgence et avec l'appui de la population - parce
qu'on peut consulter des gens, quoique, en état d'urgence, on n'a pas
toujours le temps de les consulter tout de suite - ces élus du peuple
qui servent d'abord les Québécois et non pas les
étrangers, mettent en garde les ennemis de la nation en leur disant
qu'ils sont prêts, au nom de la population, à affirmer, s'il y a
lieu, très ouvertement, l'indépendance de ce pays du
Québec?
La Présidente (Mme Cuerrier): M. René Charette.
M. Charette: Là-dessus, si vous me le permettez, je pense
que ce n'est pas une position officielle de la société. Nous
sommes ici des représentants de la Société nationale des
Québécois. Quand on parle de l'indépendance du
Québec, c'est parce que nos membres nous ont donné le mandat de
véhiculer cette idéologie et personne ne nous a
contrecarrés dans cette idée-là parmi nos membres, parce
que ce sont eux qui le décident.
Quand vous posez la question comme vous la posez, je pense qu'il
faudrait retourner à nos membres pour le leur demander. Si vous nous
posez la question en tant qu'individu, on pourra avoir des opinions
personnelles, mais, comme société, je pense qu'on n'est pas en
mesure de vous donner une opinion sur celle-là, parce que nos membres
n'ont pas été consultés dans cette forme.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre d'État
au Développement culturel et scientifique, je vous en prie.
M. Morin (Sauvé): Mme la Présidente, je serai
très bref. Je voudrais remercier les comparants qui, répondant
à une invitation du gouvernement québécois et de
l'Assemblée nationale du Québec adressée à tous les
citoyens, ont choisi de comparaître, de se déplacer, de
rédiger un mémoire, de réfléchir, de faire un
effort pour venir nous présenter leur point de vue.
Si l'Assemblée nationale a choisi d'agir de la sorte, c'est parce
qu'à Ottawa, vous le savez, on a empêché la plupart des
groupes, et surtout les groupes en provenance du Québec, de pouvoir se
présenter devant la commission à Ottawa.
C'est donc en toute bonne foi que vous vous êtes
présentés ici et je crois qu'effectivement, vous aviez droit
à une réception peut-être un peu plus polie. Je vous
présente mes excuses au nom de la commission. Le traitement qui vous a
été infligé, aucun citoyen n'est obligé de
l'endurer, surtout quand il se présente en toute bonne foi et, quelles
que soient ses idées, il a droit au respect de la commission.
Hélas, vous n'avez pas, comme nous, l'habitude du député
de Saint-Laurent qui nous a donné bien des fois dans le passé des
exemples de cette bassesse qui le caractérise. Donc, toutes mes excuses
et j'espère que vous reviendrez devant la commission quand vous
estimerez que vous devez le faire pour représenter vos commettants.
Merci.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Richard Landry.
M. Landry (Richard): Relativement à la question de
l'indépendance, je pense qu'il y a peut-être dans notre
mémoire une proposition qu'on n'a pas eu l'occasion de voir
étalée au grand jour concernant le processus ou la
stratégie vis-à-vis du rapatriement unilatéral de la
constitution.
On assiste actuellement, de la part du
fédéral, à ce qu'on appelle un coup de force par
lequel on voudrait rapatrier la constitution et en faire finalement on ne sait
pas trop quoi encore.
Nous proposons dans notre mémoire, à la page 18, une
stratégie qui ne nous semble pas, quant à nous,
dénuée de sens. Pourquoi les provinces, qui finalement sont les
composantes du Canada ne verraient-elles pas à composer
elles-mêmes ensemble, en l'absence du gouvernement fédéral,
un projet de constitution qui représenterait un consensus de toutes ces
provinces sur le partage des pouvoirs? Ce processus pourrait être suivi.
Etant donné que le projet est actuellement soumis aux tribunaux, on peut
s'attendre que ce soit encore long. Mais, dans l'intervalle, les provinces, par
l'intermédiaire de leurs représentants élus, se
réunissent et préparent un projet de constitution qui
répondrait à leurs aspirations. En effet par ce qu'on sait des
conférences constitutionnelles, les provinces semblent d'accord sur un
certain nombre de points et c'est avec le gouvernement fédéral
qu'on a de la difficulté à s'entendre.
Un projet de constitution pourrait être préparé par
les provinces. Nous pensons que, si les provinces s'entendaient sur un partage
des pouvoirs, ce partage pourrait nous donner un certain nombre de garanties.
Les provinces entre elles auraient à se protéger l'une
vis-à-vis de l'autre et auraient à confier au gouvernement
fédéral certaines juridictions d'envergure nationale.
Ce projet qui pourrait être conçu par les provinces
pourrait éventuellement être présenté au
gouvernement fédéral. Là, si ce projet qui aurait fait
l'unanimité des provinces, évidemment avec certaines concessions,
n'était pas accepté par le gouvernement fédéral, je
pense que les provinces seraient en droit de dire au gouvernement
fédéral qu'il ne représente plus grand monde au Canada,
qu'il devrait, je pense, ou accepter le consensus que les provinces auraient
réalisé ou tout simplement se retirer. Je pense que le peuple
canadien avant tout donnerait bonne foi aux démarches des provinces dans
cet esprit-là. Sinon, je pense qu'on va vers un cul-de-sac, parce qu'on
se retrouve toujours sans aucun texte possible de constitution vu que les
conférences constitutionnelles avortent.
Pourquoi les gouvernements provinciaux n'en profiteraient-ils pas
actuellement pour tenter de mettre sur pied un projet de constitution? On
verrait ensuite quelle serait la réaction du fédéral. Je
pense qu'au point de vue de la stratégie, si on peut l'appeler ainsi
malheureusement, ce serait une excellente réponse au projet
fédéral et je pense qu'on avancerait, qu'on ferait un pas dans la
bonne direction, parce que, de toute façon, la constitution devra
résulter de la volonté des provinces, entre autres. Surtout, on
éviterait de perdre du temps dans des discusssions entre deux paliers de
gouvernement qui ne semblent pas en voie de s'entendre. C'est une proposition
contenue dans notre mémoire. Je sais que ce n'est pas à moi de
poser les questions, mais je vous avoue que je me demande pourquoi cette
hypothèse n'a jamais été avancée jusqu'ici par les
premiers ministres provinciaux.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Merci. Non, je pense que je n'ai pas de question.
La Présidente (Mme Cuerrier): Vous n'avez pas de
questions. Il me reste à me faire l'interprète de la commission
pour remercier la Société nationale des Québécois
du Lanaudière, pour remercier Mme Paulette-Michèle Hétu,
M. René Charette, M. Richard Landry et M. Jacques Mondor. Je me dois
maintenant d'appeler une autre personne qui a demandé d'être
entendue par la commission. Merci beaucoup à la
société.
J'appellerai maintenant M. Hubert Gauthier, qui se présente
à titre personnel.
Il est question de suspendre les travaux de la commission même si
nous ne sommes pas tout à fait à 18 heures maintenant.
M. Dussault: Je ferais une suggestion à la commission. Je
pense qu'il serait possible d'entendre immédiatement les deux prochains
intervenants et pouvoir quitter l'Assemblée nationale pour 20 heures
sans difficulté. Je pense qu'on pourrait facilement avoir le
consentement pour fonctionner ainsi.
Une voix: L'Association du Labrador québécois. On
nous a demandé de venir pour 21 heures. Si vous quittez à 20
heures, comment pourrons-nous...
La Présidente (Mme Cuerrier): La commission est...
M. Dussault: Mme la Présidente, je pense qu'il est encore
possible, si on a été invité pour 21 heures de ce
côté-là, de demander à ces gens d'arriver ici pour
être entendus dans trois-quarts d'heure, je pense bien. Si c'est
complètement impossible, on pourrait entendre les représentants
de l'Association du Labrador québécois demain matin.
La Présidente (Mme Cuerrier): La commission étant
maîtresse de ses travaux, ce à quoi il faudrait être bien
attentif, c'est...
M. Dussault: Mme la Présidente, peut-on demander...
La Présidente (Mme Cuerrier): ...que nous ne retardions
pas les travaux de la commission de façon que nous puissions entendre
tous les groupes qui ont été convoqués. Puis-je avoir
votre avis? (18 heures)
M. Le Moignan: Sont-ils prêts à revenir demain matin
à 9 heures? C'est une autre question.
M. Morin (Sauvé): Non. Mme la Présidente, je crois
qu'il est important que nous entendions aujourd'hui même ceux qui ont
été convoqués pour comparaître aujourd'hui. Demain
matin, il y a une liste d'autres personnes intéressées à
se faire entendre par cette commission et je crois qu'elles seraient fort
déçues de se trouver décalées en quelque sorte dans
le temps, de sorte que la commission n'aurait aucun espoir de terminer ses
travaux à temps. Je crois que nous avons un ordre du jour. Nous devons
entendre les personnes qui sont inscrites et je vous demanderais tout
simplement, puisque 18 heures ont sonné, à toutes fins pratiques,
soit que nous entendions immédiatement l'un des groupes et que nous
suspendions ensuite brièvement jusqu'à ce que l'autre se soit
présenté, soit que nous suspendions tout simplement
jusqu'à 20 heures pour entendre les deux personnes qui restent.
La Présidente (Mme Cuerrier): Suspension des travaux
jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 02)
(Reprise de la séance à 20 h 17)
La Présidente (Mme Cuerrier): La commission permanente de
la présidence du conseil et de la constitution se réunit de
nouveau, après la suspension. Son mandat, je le rappelle, est d'entendre
des personnes ou des organismes en regard du projet de résolution du
gouvernement fédéral concernant la constitution du Canada.
J'appellerais maintenant M. Hubert Gauthier qui a demandé
à être entendu à titre personnel.
Je vais quand même rappeler, comme je le fais la plupart du temps
- je pense vous avoir aperçu dans la salle où vous étiez
observateur - que vous disposez d'une vingtaine de minutes, selon la
règle, pour présenter votre mémoire. Si nécessaire,
vous pouvez peut-être le résumer un peu. Par la suite, nous
disposerons d'une quarantaine de minutes, selon le nombre de personnes qui
veulent poser des questions.
M. Hubert Gauthier. Vous avez la parole.
M. Hubert Gauthier
M. Gauthier (Hubert): Merci, Mme la Présidente.
Bonsoir, mesdames et messieurs de la commission. Vous avez sans doute en
main un texte que j'ai préparé. Je vais en faire état, le
plus rapidement possible, à l'intérieur des 20 minutes que vous
me donnez. Il y aura des modifications que je devrai faire en cours de route.
Je voudrais que vous en teniez compte, par la suite.
Je voudrais d'abord remercier la commission d'avoir accepté
d'entendre mon témoignage, celui d'un Québécois
d'adoption. Je me présente donc aujourd'hui comme un citoyen qui a
choisi de vivre ici au Québec, il y a à peu près deux
ans.
Originaire du pays de Louis Riel, Gauthier de la quatrième
génération, je suis un de ces Franco-Manitobains qui ont
été élevés dans une tradition de lutte pour
redresser des torts, ce qui, là-bas, chez nous, constitue le lot de la
vie française.
Au Manitoba, je n'avais pas d'autre choix que d'étudier en
anglais, tant au niveau élémentaire que secondaire, alors que le
français, je l'étudiais illégalement après mes
heures de classe régulières. Par la suite, je décidais de
m'associer activement aux organismes que mes pères avaient
instaurés.
Ils avaient réussi à bâtir un quasi-ministère
de l'éducation clandestin au Manitoba qui s'est transformé, au
fil des années, en un groupe de pression redoutable pour assurer la
survie et l'épanouissement de la communauté
franco-manitobaine.
J'ai donc oeuvré comme mes pères, non seulement au
Manitoba, mais avec mes compatriotes des autres provinces de l'Ouest, avec les
Ducharme, avec les Chabot, avec les Motut, avec les Lacombe, avec les Monnin et
non les moindres, les Pinsonneault dont vous avez entendu l'éloquent
témoignage, ici même, il y a quelques semaines. C'est avec eux, au
niveau national, que j'ai participé, à titre de premier
président fondateur et ensuite de premier directeur
général, à la fondation de la Fédération des
francophones hors Québec en collaboration avec ce vigoureux peuple
acadien et les représentants des 500,000 Franco-Ontariens.
Vous avez donc devant vous aujourd'hui un Québécois -
certains me qualifieraient peut-être de
Néo-Québécois - dont les souches sont à
l'extérieur. J'ai dû me déraciner en laissant
derrière moi mon père, ma mère, mes frères, mes
soeurs, de bons amis et toute une communauté que je chérissais et
que je chéris encore. Veuillez me croire, ce choix
délibéré n'a pas été facile à
faire.
Avec tous ces antécédents, si j'ai décidé de
me présenter devant vous aujourd'hui à titre de citoyen du
Québec, c'est que je ne pouvais garder plus longtemps le silence devant
ces discussions
constitutionnelles. À mon sens, elles touchent à la fois
aux réalités quotidiennes de mes parents, de mes amis
francophones qui vivent hors du Québec et tout autant celles des
Québécois. Je me sens donc doublement soucieux des
conséquences du projet de pays que l'on nous propose et que l'on veut
nous imposer. Je vous préviens tout de suite, je ne suis pas un expert
en matière constitutionnelle et mes propos, aujourd'hui, ne vont pas
dans ce sens.
Il est important de vous signaler également que je ne
représente ici personne d'autre que moi-même. C'est d'ailleurs
pourquoi il m'est possible de vous parler librement et sans attache politique
d'aucune sorte. Il m'apparaissait être de mon devoir, d'une
expérience privilégiée que j'ai vécue, de vous
faire part d'un point de vue qui risque de passer sous silence autrement.
Si je m'adresse à vous aujourd'hui, c'est que je ne pouvais, en
toute bonne conscience, ignorer les conséquences des quelques lignes ou
paragraphes du projet de loi du gouvernement fédéral sur la
constitution qui ne font pas autre chose que de consacrer, à mon avis,
des inégalités. Je ne pouvais non plus m'abstenir de parler des
marchands d'illusions qui influencent la démarche constitutionnelle
actuelle.
C'est dans cette optique que je vous expliquerai comment un bon nombre
de francophones hors Québec, comme moi, vivent des conséquences
de frustration et d'humiliations répétées. Enfin, je
souhaiterais partager avec vous ma vision et mes conditions
d'émancipation comme Québécois et celles,
également, de tous mes frères et soeurs francophones qui vivent
encore à l'extérieur du Québec.
Si on parlait de cette consécration des inégalités.
Au cours des années et à l'occasion de toutes sortes de
rencontres tenues avec des représentants de divers paliers
gouvernementaux aux niveaux municipal, provincial et fédéral,
alors que j'étais tour à tour directeur général de
la Société franco-manitobaine, chez nous au Manitoba, ou
directeur général de la FFHQ à Ottawa, je me suis toujours
considéré comme faisant partie d'un peuple distinct dans ce pays
qu'on appelle Canada.
Toutefois, je me suis rendu compte que cette notion de peuple distinct
ou fondateur avait quitté l'esprit de mes interlocuteurs depuis
longtemps. Mais moi, je croyais toujours, peut-être un peu
naïvement, à cette idéologie qu'on avait fait miroiter
à la face du peuple canadien tout entier. Un peu incrédule et
décontenancé devant une telle attitude, force m'était de
constater qu'on avait graduellement et très consciemment opté
pour une formule de droit individuel plutôt que collectif, autant pour
les francophones hors Québec que pour les Québécois. La
politique du multiculturalisme est venue concrétiser, à mon sens,
cette nouvelle orientation.
C'est à ce moment-là que je commençais à
réaliser que les autorités dites compétentes se
préoccupaient davantage de promouvoir les droits de ce que j'appelle,
moi, le peuple anglophone, au détriment des individus francophones au
Québec et dispersés, eux, dans neuf provinces.
La preuve en est flagrante et le projet de loi sur la constitution du
gouvernement fédéral en fait état. Â mon sens, il y
a des inégalités.
L'article 133. L'inégalité la plus apparente ou qui, du
moins, est la plus dénoncée est sans doute celle qui ferait des
500,000 Franco-Ontariens des citoyens de deuxième classe.
Pourquoi le Québec, le Nouveau-Brunswick et le Manitoba
doivent-ils assurer des services à la minorité, au niveau de la
Législature et des tribunaux, alors qu'on exclurait l'Ontario? Pourquoi
également, en poussant le raisonnement, exclut-on les autres
provinces?
De toute manière, mesdames et messieurs de la commission, vous
savez que, depuis que le Manitoba a accédé à un soi-disant
statut de province bilingue, la réalité quotidienne que doivent
vivre mes frères, mes soeurs et mes amis au Manitoba n'a pas
véritablement changé. À quoi leur servent des tribunaux
bilingues, une Législature où l'on traduit le journal des
Débats, s'ils ne peuvent accéder à des services vitaux,
tels les garderies, les services de loisirs, des services sociaux et de
santé, de communication et d'éducation dans leur propre
langue?
Je ne peux pas faire autrement que de vous rappeler qu'au Manitoba, on a
dû attendre 90 ans avant que justice soit faite, alors qu'un tort
irréparable avait fait ses ravages.
Il n'a pas été nécessaire pour les
Anglo-Québécois de compenser pour 90 ans d'injustice afin de
s'affirmer en tant que collectivité. Encore une fois, le projet de loi
proposé par le gouvernement du Canada a réussi à
légitimer cette collectivité anglophone et à laisser pour
compte, sans réparer les torts, les francophones vivant à
l'extérieur du Québec. Voilà ce qui s'appelle consacrer
des inégalités.
Et si on parlait de l'article 23. Il y a une autre
inégalité énoncée de façon plus subtile,
mais parce que les conséquences en sont plus graves pour une grande
partie de la vie des francophones hors Québec, elle mérite qu'on
s'y attarde un peu plus; c'est le droit à l'instruction dans la langue
de la minorité.
Qu'est-ce que l'article 23.1 signifie en réalité? D'une
part, pour les anglophones du Québec, cela signifie qu'on leur consacre
ce qu'ils ont déjà, c'est-à-dire un statut officiel
pour des réalités, des infrastructures qui se
vérifient non seulement dans le monde de l'éducation, mais
également dans d'autres domaines, tels la santé, la vie
municipale, culturelle et dans le secteur des communications. Pour eux, donc,
ce sont des acquis qui leur permettent de vivre dans leur langue et non de
survivre. Je constate qu'à leur égard on veut enchâsser une
réalité.
D'autre part, pour mes frères, pour mes soeurs, mes amis, mes
parents du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta, tout ce que ce
même article leur concède, consacre, c'est le droit de se battre.
Eh bien, j'aimerais vous signaler que le droit de se battre, moi, je n'en ai
pas eu besoin. Mon père, non plus, n'a pas eu besoin du droit de se
battre, mon grand-père non plus et Louis Riel non plus. Le droit de se
battre, on en portait l'enseigne. Et, là-bas, cela fait partie
intrinsèque de la vie de tous les jours.
Encore aujourd'hui, on peut faire état des batailles que doivent
mener mes frères franco-manitobains pour des classes françaises,
des parties d'écoles françaises -j'ai bien dit des parties
d'écoles françaises -des écoles françaises tout
entières, et l'on ne connaît encore pas le contrôle de nos
écoles françaises ou de nos commissions scolaires
françaises.
Il est donc complètement superflu, pour ne pas dire aberrant, de
nous dire qu'il faut enchâsser le droit de se battre dans la constitution
canadienne. C'est cela, à mon avis, la pire des
inégalités, le deux poids, deux mesures dont on fait tant
état. Car les anglophones, au Québec - je suis à
même de le constater aujourd'hui - ont des acquis, des infrastructures et
même la gestion de leurs moyens de développement, tandis que les
francophones hors Québec n'ont pas les outils fondamentaux qui
pourraient leur permettre une vie française. Il suffirait d'aller le
constater sur place non seulement à Saint-Boniface, d'où je
viens, mais à Gravelbourg, à Edmonton, à Moncton, à
Sudbury et j'en passe.
Voilà ce qui s'appelle consacrer des inégalités.
Mesdames et messieurs, est-ce bien cela que l'on veut comme droit: consacrer
des inégalités, donner à mes frères et à mes
soeurs le droit de se battre?
Ce projet de constitution consacrera l'acquis. Or, l'acquis, comme on
vient de le voir, est inégal pour les deux communautés
minoritaires. Le débat constitutionnel qui se joue et qui touche les
francophones hors Québec ne représente pas les joies et les
peines de la vie quotidienne à Saint-Boniface chez nous, par exemple.
Pourtant, ce sont à ces conditions de vie auxquelles il faudrait
à tout prix s'attaquer. L'illusion, c'est que tout est centré sur
l'aspect juridique, sur une soi-disant charte des droits qui donne bonne
conscience à certains. Mais je sais très bien que tout ce
débat ne représente qu'une petite fraction de la
réalité quotidienne chez nous. Y a-t-il des experts
constitutionnels qui se sont penchés sur les véritables
problèmes auxquels les francophones hors Québec ont eu à
faire face ou ont à faire face quotidiennement, telle l'absence de
services en français que j'ai déjà nommés?
Pourtant, on nous laisse croire que tous les problèmes des francophones
hors Québec seront résolus une fois pour toutes lorsque ces
droits seront enchâssés dans la constitution. Voilà l'autre
illusion. Il est à se demander si le projet de constitution qu'on nous
propose n'est pas l'oeuvre de marchands d'illusions. (20 h 30)
Vous me permettrez, encore une fois, mesdames et messieurs de la
commission, de faire appel à des expériences vécues alors
que je devais faire face à ces marchands d'illusions comme
représentant formel des francophones hors Québec alors que
j'étais directeur général à la FFHQ. Je les vois
encore aujourd'hui, ces marchands d'illusions, sans considération aucune
pour la vie quotidienne de mes frères et de mes soeurs et qui veulent
à tout prix vendre une mauvaise panacée pour atteindre des buts
et des intérêts qui sont à tout le moins obscurs. Ces
mêmes marchands racontent à des Québécois et
à des Québécoises sceptiques qu'ils doivent accepter
d'accorder aux Anglo-Québécois un statut privilégié
pour supposément en faire autant pour leurs frères et soeurs en
dehors du Québec. Mais le troc est frauduleux. Les situations des deux
communautés minoritaires ne sont pas comparables.
L'une a de fortes assises, des acquis. L'autre a peu ou rien dans
plusieurs cas. Mais rien ne semble arrêter l'esprit machiavélique
de ces marchands d'illusions. Ils vont jusqu'à dire aux francophones
hors Québec qu'ils doivent accepter cette situation, sinon ils se
retrouveront les mains vides. Ils perdront toutes ces subventions qui ont
été arrachées au prix de tant de luttes. Les nombreux
contacts que je maintiens encore aujourd'hui avec mes amis hors Québec
me confirment que ce chantage éhonté se poursuit toujours. Les
faits sont là. Il suffit d'aller vérifier auprès des
associations qui représentent les francophones de la Saskatchewan, du
Manitoba, du Nouveau-Brunswick qui ont plus particulièrement
exprimé leur attachement à l'égard du Québec, non
seulement au moment du référendum, mais bien avant. En entendant
tout ce charabia, ce fouillis de messages, ce machiavélisme
évident, il n'est pas surprenant de voir chez les leaders de la
francophonie hors Québec, où je compte un bon nombre d'amis, un
apparent manque d'unité.
Aux différentes clientèles, on chantonne des messages
discordants.
Les marchands d'illusions réussissent
ainsi à confondre leurs interlocuteurs, à tronquer les
véritables intérêts de mes frères et de mes soeurs
qui vivent à l'extérieur du Québec.
Je comprends les hésitations, mesdames et messieurs, les discours
des chefs de file francophones qui apparaissent écartelés et
confus à travers ce débat. Malgré toute leur bonne
volonté, ils finissent par en perdre leur latin. Et voilà encore
une fois qu'on a réussi à diviser pour mieux régner.
Avec le recul du temps, je ne pouvais me permettre de passer sous
silence les beaux discours de ces marchands d'illusions qui sont passés
maîtres pour ignorer la réalité du vécu quotidien et
qui sont passés maîtres pour troquer des appuis pour des
subventions.
Vous savez, à force de vivre des conditions difficiles de vie,
à force de prendre conscience de toutes ces inégalités qui
existent et qui persistent encore aujourd'hui, à force de voir mes
enfants à moi, de six ans, de onze ans, s'assimiler malgré tous
mes efforts, je me suis mis à rêver qu'une vie française
était possible en dehors d'une lutte de tranchées
quotidienne.
Le fait d'avoir vécu l'humiliation répétée
du marchandage sur mon dos et sur le dos des générations de mes
concitoyens m'a amené à prendre la décision de me
déraciner pour venir me développer comme francophone à
part entière.
Et je ne suis pas seul. Plusieurs personnes qui comptent parmi les
forces vives des communautés francophones hors Québec
s'expatrient, se sont expatriées au cours des années pour de
semblables raisons. Plusieurs autres, surtout des jeunes, s'apprêteraient
à en faire autant. D'autres encore, il faut bien l'admettre, ont choisi,
consciemment ou non, l'assimilation. C'est un phénomène qu'il ne
faut pas sous-estimer.
Je voudrais vous parler également de mes préoccupations,
comme Québécois ayant des racines franco-manitobaines, dans le
cadre des discussions constitutionnelles.
Je constate que l'on risque de consacrer, comme je vous l'ai dit, des
inégalités fondamentales auxquelles je ne peux souscrire.
Je constate que des illusions ont été fabriquées de
toutes pièces et marchandées.
Pour ma part, il m'était impossible de continuer à vivre
dans de telles conditions. C'est d'ailleurs les raisons pour lesquelles
j'aspire enfin à un Québec qui doit être pour moi, mes
enfants, ma femme, une source de vitalité.
L'unité qui doit faire la force des Québécois
m'apparaît indispensable pour contrecarrer le projet de constitution du
gouvernement fédéral. Les Québécois doivent
réclamer coûte que coûte le contrôle des moyens de
leur épanouissement collectif.
Le développement des communautés francophones hors
Québec est intimement lié à la vitalité du peuple
québécois. En niant les droits collectifs tant aux
Québécois qu'aux francophones hors Québec, le projet de
constitution tend à affaiblir et diviser les liens qui les unissent. Je
veux que vous compreniez, mesdames et messieurs de la commission, que je vous
ai parlé comme quelqu'un qui appartient à un peuple, celui du
Québec. Malgré ce fait, je suis conscient qu'il y a encore des
francophones qui vivent à l'extérieur du Québec et qui ne
peuvent opter pour un choix identique au mien pour une foule de raisons.
Les Québécois et les Québécoises ne peuvent
être indifférents à l'égard de ces quelque 700,000
francophones qui veulent vivre une certaine vie française et qui n'ont
pas d'autre choix que de la vivre là où tous nos ancêtres
les ont amenés. Ce ne sont pas des énoncés
constitutionnels qui leur apporteront des appuis pour pallier les graves
problèmes qu'ils subissent et qu'ils connaissent. Mais vous et moi,
comme Québécois, avons tous la responsabilité de faire du
Québec le château fort, le bastion, le pôle de rayonnement
de la francophonie. C'est vital pour la survie des francophones hors
Québec.
Le Québec doit être une source vibrante d'inspiration, mais
plus que cela; il doit poser des gestes concrets pour que la vie quotidienne
française de mes frères, de mes soeurs et de mes amis qui vivent
à l'extérieur du Québec soit améliorée. Je
crois profondément que nous avons au Québec la capacité,
l'intelligence et le coeur pour le faire. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais
vous dire, M. Gauthier, que votre mémoire, quant à moi, est
très émouvant. Je pense qu'il est tout aussi émouvant pour
toute personne autour de cette table qui serait normalement constituée,
et ce n'est pas là une exclusive.
Il y a dans votre mémoire la description de conditions dans
lesquelles des collectivités ne parviennent à survivre qu'au prix
de batailles constantes et épuisantes. Mais notre propos ici, ce n'est
pas proprement de refaire l'histoire de cette fraude qui a fait que le
français au Canada ne jouit pas des mêmes droits que l'anglais;
notre propos est plutôt d'étudier les propositions
constitutionnelles des libéraux d'Ottawa. Je voudrais vous poser un
certain nombre de questions qui vous paraîtront peut-être un peu
disparates, mais qui s'inspirent, soit du coup de force constitutionnel et de
son contenu, soit du contenu de votre mémoire.
Vous parlez du projet constitutionnel
des libéraux fédéraux en des termes assez durs, ce
qui m'amène à vous demander quel type de loi, de constitution
pourrait créer les conditions voulues pour l'émancipation des
francophones au Canada, tant au Québec que dans les autres provinces? En
répondant à cette question, évidemment, vous tiendrez
compte de la situation que vous avez décrite et qui représente un
tableau assez sombre quant aux conditions qui existent en dehors du
Québec.
Quelles sont, à votre avis, les lois fondamentales qui
permettraient cet épanouissement des collectivités
françaises au Québec et au Canada?
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Gauthier.
M. Gauthier: À mon sens, c'est une question d'approche. Il
me paraît important de vous dire que je ne crois pas qu'il soit possible,
dans le carcan actuel, de modifier, d'amender, pour qu'on puisse
véritablement répondre aux questions que j'ai posées ici
dans mes propos. Quand je vous ai dit, tantôt, que j'avais
réalisé qu'on voulait traiter les francophones - j'ai dit du
Québec et hors Québec - comme des individus, je pense qu'il est
là, le problème fondamental.
À mon sens, il faudrait revoir l'approche au complet, pour se
rappeler qu'on doit bâtir des lois et une constitution qui respectent la
notion de peuple, la notion de collectivité.
J'ai vécu au Manitoba une loi de M. Schreyer qu'on avait
considérée comme généreuse, la loi 1.13. Mais la
loi 113 avait une approche individuelle, qui nous donnait, encore une fois, le
droit de se battre. Je pense que, tant et aussi longtemps qu'on voudra rester
dans cette dynamique, dans cette dialectique, il ne sera pas possible de
pallier aux carences dont j'ai parlé. Il faut donc trouver les moyens de
donner aux francophones les outils qui vont leur permettre de contrôler
leur vie à différents niveaux. Si on parlait de
l'éducation, on peut parler de contrôler nos institutions
d'éducation, et ne pas avoir le droit simplement à l'enseignement
individuel en français.
On peut penser à toute cette question qui a déjà
été discutée d'avoir les moyens pour contrôler notre
vie municipale, parce que cela touche, au niveau des loisirs, à la vie
de tous les jours des gens. On peut penser aussi à tout l'aspect social,
le côté santé et services sociaux. Cela veut dire de
développer une approche où on ne permettra pas aux individus
d'avoir à se battre pour un service en français, mais pouvoir
avoir des institutions qui vont leur appartenir et qu'ils pourront
gérer.
Il me semble que ce sont des choses comme cela qui devront inspirer les
lois et la constitution, si on est pour redresser 100 ans d'injustice,
finalement.
M. de Bellefeuille: Vous avez parlé à plusieurs
reprises des marchands d'illusions dont vous décrivez bien l'action et
le rôle, M. Gauthier. Est-ce que je peux vous demander d'être un
peu plus précis quant à l'identification des marchands
d'illusions? Qui sont les marchands d'illusions dont vous parlez?
M. Gauthier: Je peux y aller, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Cuerrier): Certainement, M.
Gauthier.
M. Gauthier: Quand j'étais directeur général
de la Fédération des francophones hors Québec, j'ai
vécu des situations assez pénibles, alors que les ministres - et
ce sont des autorités du gouvernement fédéral - nous
indiquaient littéralement que des prises de position qui favorisaient
cette notion de peuple, d'une part, et qui favorisaient aussi des
rapprochements trop intimes avec le peuple québécois, qu'ils
soient de n'importe quel type d'acabit, pourraient nuire très
directement à nos subventions; et je vous dis que cela a nui à
des processus de remise de subvention à des gens. Cela a bloqué
des subventions, cela a donné beaucoup de difficultés à
des leaders francophones qui étaient mis en cause au niveau de leur
représentativité. On prenait des types de position et le leader
se voyait tout à coup remis en cause dans sa
représentativité au niveau, par exemple, d'une association
provinciale où on disait: Si vous continuez à agir dans ce sens,
on va être obligé de reconnaître quelqu'un d'autre à
côté. Là, on créait un peu une situation de diviser
pour mieux régner.
J'ai dû me battre, j'ai dû organiser des regroupements pour
démontrer qu'on était bel et bien représentatifs de nos
communautés. Vous savez, quand on dépense des énergies
pour organiser des colloques de centaines et de centaines de personnes pour
démontrer notre simple représentativité, on n'avance pas
vite du côté éducatif, du côté des choses qui
nous concernent et qui touchent la vie très concrète de nos
enfants et de la communauté francophone. C'est de cela que je parle.
M. de Bellefeuille: C'est dans ce contexte que vous parlez,
à la page 10, d'un chantage éhonté.
M. Gauthier: Absolument. Quand vous constatez, par exemple, que
les associations francophones, actuellement, semblent drôlement
discordantes, je pense que, sous cette apparente division, il y a tout ce
conditionnement qui est un conditionnement au niveau des subventions:
Dites de bonnes choses, vous aurez des subventions et vous vivrez longtemps. Il
y a un autre conditionnement qu'il faut aussi comprendre, c'est celui des mass
media qui entrent dans la tête des minorités chez nous, dans la
tête de ma mère qui doute, elle qui est francophone et qui a de la
misère à parler anglais encore aujourd'hui au Manitoba, à
Saint-Boniface, qui se dit: Peut-être que ce n'est pas correct ce qu'on
fait en termes de développement. Parce qu'il y a tellement de
publicité qui va à l'encontre de cela qu'à un moment
donné, le francophone moyen se dit: C'est peut-être moi qui ne
suis pas correct. (20 h 45)
M. de Bellefeuille: M. Gauthier, durant les travaux de cette
commission, cette semaine, nous avons entendu le chef de l'Opposition
officielle, le député d'Argenteuil, nous dire qu'il était
trop souvent question de l'asymétrie entre les groupes minoritaires
francophones dans les autres provinces et les anglophones minoritaires au
Québec. Selon le chef de l'Opposition officielle, il faudrait
plutôt essayer de voir dans quelle mesure c'est symétrique. Je
voudrais vous signaler -M. le député d'Argenteuil pourra le
relever, si ça l'intéresse, dans le journal des Débats
-une autre asymétrie. Le gouvernement du Québec, depuis des
années, apporte une aide aux francophones hors Québec, y compris
les francophones des provinces de l'Ouest. L'asymétrie réside en
ceci que je ne sache pas que les anglophones du Québec, par exemple,
l'Association des anglophones de l'Estrie qui s'est présentée
devant nous aujourd'hui, aient jamais bénéficié du
"heritage fund" de l'Alberta ou des générosités de M.
Davis en Ontario et il paraîtrait assez incongru pour ces anglophones de
s'adresser au gouvernement de l'Ontario ou au gouvernement d'une autre province
pour demander de l'aide. Il y a donc, là encore, une
asymétrie.
Mais à propos de l'aide que le Québec apporte aux groupes
francophones des autres provinces, en particulier dans l'Ouest, je crois que
vous la considérez indispensable. Est-ce qu'il y a des modifications
à apporter? Comment voyez-vous le rôle de cette aide à
partir de maintenant et dans l'avenir?
M. Gauthier: À mon sens, il y a eu différents types
d'aide au cours des années qui a été apportée aux
francophones hors Québec par le Québec. Il y a eu le type d'aide
classique qui était des subventions.
M. de Bellefeuille: Mme la Présidente, voulez-vous, s'il
vous plaît - je m'excuse, M. Gauthier - demander au député
de Notre-Dame-de-Grâce de cesser son monologue qui m'empêche
d'entendre M. Gauthier?
M. Scowen: Je m'excuse, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît!
M. O'Neill: Si vous ne voulez pas entendre M. Gauthier...
M. Scowen: Une question de règlement, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît!
M. de Bellefeuille: Le député de
Notre-Dame-de-Grâce grommelle sans cesse.
La Présidente (Mme Cuerrier): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. O'Neill: Un peu de politesse.
M. Scowen: Mme la Présidente, question de
règlement.
La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît!
M. Scowen: Question de règlement, Mme la
Présidente.
Mme LeBlanc-Bantey: C'est un beau mot, grommeler.
La Présidente (Mme Cuerrier): Sur la question de
rèqlement, M. le député.
M. Scowen: Je veux simplement souligner le fait qu'il n'est pas
nécessaire pour chaque député de souligner le fait qu'un
député parle à une autre personne à cette
commission parlementaire. Si je commence à soulever des questions de
règlement chaque fois que M. de Bellefeuille commence à parler
avec M. Morin, je pense qu'on va arrêter pas mal souvent les travaux de
la commission.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: C'est ridicule, cette affaire.
La Présidente (Mme Cuerrier): Je vous concéderai
que vous me souleviez la question de rèqlement en aparté, alors
que vous auriez peut-être pu le faire tout haut ou le rappeler à
ce moment-là.
M. Scowen: M. de Bellefeuille a paniqué.
La Présidente (Mme Cuerrier): De toute façon, je
tentais de vous écouter et je pense
que j'ai participé à cette chose-là.
M. Scowen: II ne doit pas prendre la panique.
La Présidente (Mme Cuerrier): Je m'en excuse auprès
de la commission.
M. de Bellefeuille: Et vous, M. le député, vous
avez très bien dîné ce soir, à ce que je vois.
La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît:
M. de Bellefeuille: M. Gauthier...
La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît!
M. de Bellefeuille: ...je suis curieux d'entendre votre
réponse à la question au sujet des modalités que devrait
prendre l'aide du Québec aux groupes minoritaires dans les provinces de
l'Ouest.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Gauthier, vous avez la
parole.
M. Gauthier: Merci, Mme la Présidente. Le type d'aide qui
m'apparaît le plus productif, le plus significatif, diffère
beaucoup de l'approche qu'utilise le gouvernement fédéral. Je
dois vous dire, Mme la Présidente, que je suis fier d'avoir
participé activement, quand j'étais directeur
générai de la FFHQ, à élaborer un programme
d'échanges, de complémentarité, d'aide entre les
francophones hors Québec et le gouvernement du Québec.
C'était un programme basé sur les besoins spécifiques des
francophones hors Québec non pas au niveau financier - parce que
l'argent, il semblerait que le gouvernement fédéral a
décidé de noyer les francophones hors Québec dedans - mais
visant plutôt à fournir une aide au niveau technique, au niveau de
la réflexion. Il me semble que c'est là que doit se situer
l'apport du Québec. Le Québec, à mon sens, doit être
un carrefour, un forum, un lieu de réflexion qui s'élargit et qui
peut venir jusque chez nous, que ce soit fait par le biais, comme ce l'est
actuellement, de coopérants qui viennent prêter main forte
à de la planification de toutes sortes de types chez nous, parce qu'il
manque effectivement de ressources humaines à l'extérieur du
Québec. Je crois que c'est le type d'aide qui est le plus concret et qui
peut le plus assister les francophones hors Québec.
Je pense également que, quand on parle de lieu de
réflexion, de forum, il y aurait lieu d'aller encore plus loin dans les
échanges qui peuvent s'effectuer entre les Québécois, les
institutions québécoises, les francophones hors Québec et
leurs institutions, quand elles existent.
Pourquoi, par exemple, ne pas instituer un conseil de la francophonie
hors Québec, pour consacrer véritablement les liens qui doivent
exister, pour éviter, peut-être pour le dire positivement, pour
encourager l'unité à se faire entre les francophones du
Québec et les francophones à l'extérieur du Québec?
Il me semble que c'est indispensable et que le rôle du Québec doit
être joué à ce niveau.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la députée
de Prévost.
M. de Bellefeuille: Je n'avais pas terminé, Mme la
Présidente, je voudrais finalement...
La Présidente (Mme Cuerrier): II faudrait
accélérer, j'ai une longue liste de membres, M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Oui, mais je voudrais poser une
dernière question à M. Gauthier.
La Présidente (Mme Cuerrier): Alors, rapidement, s'il vous
plaît:
M. de Bellefeuille: Je voudrais lui demander ce qu'il pense du
caractère unilatéral de la manoeuvre constitutionnelle des
libéraux d'Ottawa.
M. Gauthier: J'ai dit dans mon texte que je croyais qu'il fallait
que le peuple québécois et les francophones hors Québec
puissent participer activement. Je dois m'inscrire en faux contre cette
démarche unilatérale.
M. de Bellefeuille: Merci, M. Gauthier, et soyez assuré
que nous avons pris bonne note non seulement de votre mémoire, mais de
la suggestion très concrète que vous venez de faire à
propos de la mise sur pied d'un conseil.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la
députée.
Mme Chaput-Rolland: M. Gauthier, je ne vous parle pas du tout
comme une libérale, comme un expert. Vous avez dit dans votre
mémoire: Y a-t-il des experts constitutionnels qui se sont
penchés sur les problèmes auxquels les francophones hors
Québec ont affaire quotidiennement?
Ce serait complètement farfelu de ma part de vous dire que j'ai
été ça, mais j'ai quand même, depuis les
dernières 20 années je pense, été dans toutes les
provinces et rencontré - et je vous ai rencontré aussi -des gens
pour parler de ces problèmes depuis
très longtemps.
Je ne vous poserai pas de question, monsieur, parce que votre
mémoire est franc, il est honnête. Je vous ai entendu parler
très souvent et je ne pense pas que j'aie de question à vous
poser. Mais peut-être me laisserez-vous, Mme la Présidente, faire
quelques commentaires et, quand vous aurez jugé que j'en aurai assez
dit, vous me le direz.
J'ai commencé à aller me promener dans le Canada
français, à l'extérieur du Québec, il y a 20 ans.
Il y a une chose que j'ai remarquée avec tous ses défauts. J'ai
suivi la commission BB, dont le professeur Dion a fait état hier. Les
revendications des francophones, à ce moment, étaient fort
timides, presque un peu trop timides - vous êtes trop jeune pour vous en
souvenir; hélas, moi pas! - mais il reste qu'on disait parfois: On
voudrait donc qu'il y ait plus de muscle dans ce que vous disiez.
Je souligne tous les défauts du rapatriement unilatéral,
nous sommes ici pour cela. Je note également, malgré tous les
défauts de la Loi sur les langues officielles, qu'elle aura permis aux
francophones du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta de se
présenter devant la commission Pépin-Robarts avec beaucoup plus
de force; avec une telle force que cela nous a, nous, forcé de prendre
en considération, beaucoup plus que par le passé, ce que vous
nous aviez dit. Je pense que les revendications de notre commission en
faisaient part.
Donc, un premier point que je voudrais dire est: Est-ce que vous notez
avec moi que, malgré ses défauts, la Loi sur les langues
officielles, du gouvernement fédéral, avec toutes ses faiblesses,
aura donné aux minorités francophones hors du Québec au
moins le droit de revendiquer à claire voix sur les places publiques ce
qu'autrefois on disait presque sous la table? C'est une première...
M. de Bellefeuille, vous avez, tout à l'heure, passé
beaucoup de réflexions et je n'ai pas beaucoup parlé dans cette
commission; je vous demanderais de me donner la même courtoisie que celle
que vous avez réclamée pour les autres.
C'est une des premières réflexions, elle n'est pas
très importante, mais elle montre que le progrès, dans ce grand
pays qui est difficile - et vous le savez mieux que moi -il existe quand
même avec la Loi sur les langues officielles. Au point de vue de la femme
que je suis, de la Québécoise que je suis, bien sûr, qui
n'a pas toutes les qualités de ces messieurs, on me le dit assez
souvent, mais qui s'est mêlée depuis beaucoup plus longtemps que
ces messieurs de la survivance de la langue française en dehors du
Québec, il me semble que j'ai le droit de dire que j'ai l'impression
qu'il y a un immense progrès de fait. Dans la vie quotidienne, je sais
très bien que ça doit être très difficile. Dans la
réalité des choses, il y a quand même une force d'un
million de personnes dont ce parti à côté de moi ne
s'occupait jamais avant le référendum et dont on parle beaucoup
après le référendum. J'en suis un peu marrie à
cause des réflexions qu'on a faites, nous, avant. J'avais
décidé de ne pas vous poser de question. Je vais vous en poser
une et une seule.
Avec tous les défauts que peut avoir tant le Québec qui
vous a laissé tomber très longtemps, tant le gouvernement
fédéral qui s'est soucié de vous très souvent quand
il était question de vote et qui, également, lorsqu'il avait
annoncé qu'il y avait une loi qui s'occuperait de la biculture et du
bilinguisme a fait de la biculture, si on peut dire, de la multiculture... et
le juge Monnet que vous connaissez très bien m'a dit ouvertement que si
ce n'était du multiculturalisme, le bilinguisme et le biculturalisme se
porteraient mieux. C'est un commentaire qu'on m'a fait et que je vous repasse.
Mais aujourd'hui, nous parlons de rapatriement de la constitution et nous
sommes autant conscients, de ce côté-ci de Mme la
Présidente que de l'autre, des erreurs fondamentales qui sous-tendent ce
rapatriement de la constitution. Mais il reste que la raison pour laquelle
cette femme que je suis, avec bien sûr tous les défauts de ma
constitution, paraît-il, n'est pas indépendantiste, n'est pas
séparatiste à cause de vous.
Je n'ai pas commencé cela ce matin ou avant-hier, mais il y a 20
ans. M. le premier ministre du Québec, il y a quelques années,
à Winnipeg, j'y étais, a dit: Les francophones hors du
Québec "are dead ducks". Je me souviens qu'à ce moment, je
m'étais élevée sur les ondes de la radio et de la
télévision contre une telle affirmation. Mme la
Présidente, je n'ai qu'une question à poser et je vous la pose
très humblement. Est-ce que vous pensez que le statut, que l'avancement,
que l'épanouissement, que la reconnaissance des droits des Canadiens
français hors Québec, qui est essentielle à la
démocratie au Canada, serait mieux préservée dans un
Québec indépendant dont on nous parle beaucoup que dans un
Québec qui, à longue haleine et avec difficulté, je le
reconnais, trouvera sa place juste dans une fédération
renouvelée? Car c'est cela dont il s'agit et c'est la dernière
question, c'est la seule que je me permets de vous poser.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Hubert Gauthier.
M. Gauthier: Vous me permettrez, Mme la Présidente, avant
de répondre à la question directement de réagir à
deux aspects que vous avez soulignés dans vos
commentaires avant la question. Le progrès. Nous avons cru dans
la Loi sur les langues officielles, nous avons espéré beaucoup,
mais nous avons dû constater les résultats qui ont fait du groupe
franco-manitobain - je vais prendre celui-là comme exemple - un groupe
qui est passé de quelque 100,000 Franco-Manitobains à 80,000,
à 60,000 et aujourd'hui à 40,000 parlant le français, qui
utilisent encore la langue française comme langue d'usage. Oui, nous
avons espéré, nous avons cru, mais nous avons vu aussi l'illusion
qui était là pour nous. Nous nous sommes mis à
désespérer, premier point. Deuxième point, concernant
l'aide québécoise. Je dois vous avouer qu'entre le temps
où M. Johnson était au pouvoir au Québec, avec l'Union
Nationale, et le temps où le Parti québécois a pris le
pouvoir en 1976, il y a eu un trou assez important au niveau des relations
entre les francophones du Québec et les francophones hors Québec,
j'étais témoin de cela. J'ai eu à travailler avec des
gens, au niveau des différents gouvernements, entre cette
période-là pour recevoir très souvent des fins de
non-recevoir. Ce sont des faits. C'est mon expérience. C'est tout ce que
je peux vous apporter là-dessus. (21 heures)
Mon expérience fait aussi que je peux dire qu'on a, comme
francophones hors Québec - c'est peut-être un concours de
circonstances - décidé d'amorcer une discussion sérieuse
pour arriver à des ententes avec le gouvernement du Québec, en
1977, pour que des choses se réalisent concrètement. Ces choses,
je les ai vues du temps où j'étais à la FFHQ et je les
vois toujours, parce qu'il y a de mes amis qui travaillent avec des
Québécois de mon village, Charny, de l'autre côté du
fleuve ici.
Pour ce qui est de la reconnaissance, vous savez, la reconnaissance
officielle, compte tenu de l'état de vie actuel, je pense à mon
frère, Claude, je pense à mon père, Maurice, je pense aux
enfants de mon frère et à ceux de ma soeur et je me dis qu'eux,
une reconnaissance officielle ne les aidera pas, dans l'approche faite
actuellement, à empêcher leurs enfants de s'assimiler, parce que
les moyens ne sont pas là. Il faut trouver une approche, comme je le
disais tantôt, il faut réussir à trouver des moyens pour
faire en sorte qu'on ait une approche de véritable peuple
vis-à-vis de ces gens-là et pour qu'ils ne soient pas des gens
qu'on va laisser s'éparpiller sur tout un territoire que vous connaissez
très bien, pour qu'ils se battent pour accéder à des
droits individuels. Je pense que la question est vraiment là. C'est
à ce niveau-là qu'on doit réfléchir et qu'on doit
reprendre la réflexion. Je ne veux pas commencer à dire: II
faudrait amender. C'est bon de reconnaître. Mais je pense qu'il faut
aussi être conscient - c'est cela, je fais appel à cette
notion-là - il faut vraiment comprendre qu'on n'aura
véritablement rien réglé. Au contraire, on risque de
s'être donné bonne conscience, au niveau des francophones hors
Québec, sans avoir réussi à véritablement donner le
coup de barre magistral qu'il faut pour qu'il y ait un petit bout de vie
française chez nous. C'est à cela que je fais appel, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): Oui, madame.
Mme Chaput-Rolland: J'avais posé la question essentielle
à mon niveau qui était: Croyez-vous que les droits des Canadiens
français hors Québec seraient davantage assurés,
protégés, respectés avec un Québec
indépendant, d'une part, ou dans un Québec dans une
fédération renouvelée? Quel que soit le débat, on
arrive à cette question fondamentale et vous ne m'avez pas
répondu. Je ne voudrais pas prendre trop de temps, Mme la
Présidente; vous disputerez avec raison, mais cette réponse est
essentielle.
M. Gauthier: Je vais répondre très clairement.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Gauthier.
M. Gauthier: Pour que les francophones hors Québec
puissent espérer se développer, le Québec doit trouver
tous les moyens pour être plus fort. Je ne veux pas entrer dans un
débat qui vous appartient et qui appartient aux membres de la
commission, dans un débat idéologique. Je considère qu'il
est important qu'on ait un Québec avec des moyens, un Québec
extrêment fort, sans cela les francophones hors Québec, on va les
oublier et le Québec va se faire ronger tranquillement, comme
déjà je le perçois. Je suis peut-être trop sensible
à ce genre de chose-là, mais quand je vais à
Montréal, cela me fait mal au coeur, quand je vais dans l'Outaouais,
cela me fait mal au coeur, parce que je vois la même assimilation que je
vois chez nous à Saint-Boniface, à Sainte-Agathe et à La
Broquerie.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Chauveau.
M. O'Neill: Mme la Présidente, tout comme mon
collègue, le député de Deux-Montagnes, j'ai
été à la fois fortement touché et
intéressé par ce document, et en en écoutant la lecture,
j'ai, d'autre part, remémoré des souvenirs. Quel contraste entre
cette image du Canada qui nous a été servie ce soir et celle qui
nous a été servie pendant le débat sur la question
référendaire! Vous vous rappelez cette image sur les belles
montagnes Rocheuses, la truite du Pacifique, les chèvres des montagnes
Rocheuses. Nous
étions propriétaires de tout cela, pétrole inclus,
c'est-à-dire qu'à ce moment-Ià nous étions
propriétaires du pétrole. Ce soir, c'est évidemment une
autre image.
Je voudrais simplement souligner à M. Gauthier ici que nous
autres, sans être allés brailler d'un océan à
l'autre, nous avons quand même aussi appris des choses sur les gens des
autres provinces, sur nos frères francophones. Il y aurait tout un volet
que vous n'avez pas développé et que je connais d'assez
près; c'est le volet de l'assimilation en utilisant des convictions
religieuses. C'est, par exemple, imposer à des enfants d'apprendre les
prières en anglais, sinon ils ne sont pas reçus à la
communion, etc. On pourrait tracer ici un tableau. Cela s'appelle un
génocide poli, mais cela a été fait avec toutes sortes de
moyens.
Cette image du Canada, encore une fois, contraste
énormément avec celle qui nous a été servie pendant
la campagne référendaire dont vous avez d'ailleurs eu un
échantillon ce soir par le discours lyrique et dithyrambique- de la
députée de Prévost. Je voudrais d'autre part poser des
questions...
Mme Chaput-Rolland: Mme la Présidente, dois-je supporter
cela?
M. O'Neill: Elle pourra faire appel à l'article 96.
La Présidente (Mme Cuerrier): Vous pouvez soulever une
question de règlement, Mme la députée.
Mme Chaput-Rolland: M. le député, je regrette
beaucoup, mais je pense que j'ai parlé très posément.
M. O'Neill: Mme la Présidente, c'est moi qui ai la parole.
Bon! Elle pourra brailler après si elle veut.
M. Rivest: Elle a soulevé une question de
règlement!
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Chauveau, s'il vous plaît! Mme la députée de
Prévost soulevait une question de règlement.
M. O'Neill: Alors, allez! Je n'ai pas compris. Alors, qu'elle
aille.
La Présidente (Mme Cuerrier): Voulez-vous
répéter, Mme la députée?
Mme Chaput-Rolland: J'ai tout simplement dit, M. le
député, que je ne vois pas pourquoi, quand quelqu'un de nous
prend une position qui n'est pas la vôtre, vous nous ridiculisez
constamment. Je n'ai pas braillé, je n'ai pas fait un discours lyrique.
J'ai posé à M. Gauthier des questions que j'ai autant le droit de
lui poser que vous, sur le même ton et avec plus de politesse que vous
n'en avez pour moi.
M. O'Neill: Mme la Présidente, je ne retirerai rien parce
que je crois que sa position était ridicule. J'ai une question à
poser maintenant...
M. Rivest: Mme la Présidente, question de
règlement!
La Présidente (Mme Cuerrier): Sur la question de
règlement, M. le député de Jean-Talon.
M. O'Neill: Je n'ai rien à retirer. Je ne retire rien.
M. Rivest: II me semble, Mme la Présidente, que notre
invité qui est là... Le député de Chauveau, il me
semble, devrait avoir un minimum de politesse pour les membres de la
commission.
M. O'Neill: Comme le député de Saint-Laurent, je
suppose, n'est-ce pas?
M. Rivest: On peut différer d'opinion et cela, on l'a fait
depuis fort longtemps, mais il me semble que, sur le plan du parlementarisme et
sur le plan de la conduite même de nos travaux - et Mme la
Présidente, je sais que vous faites de votre mieux afin d'éviter
ces scènes - cela n'apporte absolument rien, ce genre d'incartades et de
choses qu'on lance en l'air qui tentent de détruire la position... Les
positions sur la question constitutionnelle existent. Elles sont pluralistes et
diversifiées. Qu'on apprenne donc à respecter les opinions des
autres au lieu de qualifier les uns et les autres de tous les
péchés, de tous les noms.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Jean-Talon.
M. O'Neill: Sur la question de règlement, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): Sur la question de
règlement...
M. O'Neill: Oui, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): ...M. le
député de Chauveau.
M. O'Neill: ...sur la question de règlement. Mme la
Présidente, je pense que cela fait exactement partie d'un débat,
à un moment donné, de donner son appréciation sur ce que
les autres disent. Comparé à des choses que j'ai entendues
aujourd'hui, je suis sûr que mon intervention est grandement à
l'intérieur des limites de la politesse parce
que, s'il fallait appliquer la règle que le député
vient de mentionner ici, on aurait eu de votre part cet après-midi des
interventions passablement sévères. Diverger d'opinion implique
justement que, tout à coup, on se déclare d'une autre opinion,
tout simplement. C'est ce que je vous signale, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Chauveau, je suis tout à fait d'accord avec vous. Je pense qu'on peut
fort bien différer d'opinion, comme vous le dites, mais
j'apprécierais tout de même qu'on ne qualifie pas les
opinions.
M. Rivest: Les personnes.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Chauveau, vous avez la parole.
M. O'Neill: Mme la Présidente, une information. Le mot
"ridicule" est-il contre le règlement? Je ne sais pas.
M. Rivest: Ce n'est peut-être pas...
M. O'Neill: J'ai employé le mot "ridicule".
La Présidente (Mme Cuerrier): Si, à votre
avis...
M. O'Neill: D'après vous?
La Présidente (Mme Cuerrier): ...les commentaires sont
ridicules, je ne vois pas pourquoi vous ne le diriez pas, mais j'ai un peu
l'impression que... En tout casl J'ai peut-être compris qu'on avait
généralisé. J'ai peut-être mal compris ou vous vous
êtes mal exprimé. M. le député de Chauveau, vous
avez la parole et vous pouvez poser vos questions à M. Gauthier.
M. O'Neill: J'aurais d'autres commentaires à faire sur
l'intervention de la députée de Prévost, mais étant
donné sa susceptibilité je vais m'en passer.
Je voudrais poser la question suivante à M. Gauthier. Aux pages
12 et 13 de votre mémoire, on lit ceci. À 12, vous nous parlez
ici des Québécois qui doivent réclamer, coûte que
coûte, le contrôle des moyens de leur épanouissement
collectif. À 13, vous parlez de faire du Québec un château
fort, un bastion, un pôle de rayonnement de la francophonie. Ici, je
pense que je vais reprendre la même question qui vous a été
posée par la députée de Prévost parce que je crois
que vous êtes un peu dans une situation difficile; d'une part, vous vous
êtes déclaré citoyen du Québec, d'autre part, vous
dites que vous ne voulez pas vous mêler de nos chicanes, si j'ai bien
compris. Cela m'apparaît être une position un peu difficile.
J'aimerais savoir simplement ceci. Qu'est-ce que cela veut dire pour
vous, ces choses? J'ai entendu le même genre d'expression dans des
mémoires auparavant et je crois que le temps est venu, pour beaucoup de
gens au Québec, de dire exactement ce qu'ils veulent. Par exemple, pour
vous, est-ce que le Québec, château fort, bastion, pôle de
rayonnement de la francophonie, est-ce qu'il est possible, dans le
régime actuel, que le Québec soit celui qui pourrait aider le
plus les francophones hors Québec? Est-ce que c'est un Québec
souverain, d'autre part, qui pourrait aider le plus les francophones hors
Québec? Sinon, c'est quoi?
M. Gauthier: Vous savez, à chaque fois qu'au
Québec, il y a eu des gouvernements qui se sont manifestés comme
étant, ce qu'on appelait chez nous, dans nos groupes, des revendicateurs
solides, cela nous a toujours fait du bien. - Je pourrais parler du temps du
gouvernement de M. Lesage qui symbolisait un changement, une réforme, de
la vigueur, de la vivacité. Je pourrais parler également de M.
Johnson, de la même façon. Je pourrais parler de votre parti, de
la même façon. Je pense que c'est le genre d'énergie, le
genre de moyen, le genre d'imagination, le genre de projet qui est mis de
l'avant, de la façon que c'est fait, qui peut le plus inspirer les
francophones qui vivent à l'extérieur du Québec.
M. O'Neill: Mme la Présidente, est-ce que vous me
permettez un commentaire, le même que celui de Mme la
députée de Prévost? Je suis un peu désolé
que vous n'ayez pas répondu à la question.
La Présidente (Mme Cuerrier): Le prochain intervenant, M.
le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Merci, Mme la Présidente.
M. Gauthier, je veux, en préambule, vous dire que j'ai
vécu trois jours avec ma collègue, la députée de
Prévost, à Winnipeg, pendant la vie de la commission
Pépin-Robarts. Si vous avez vécu des semaines et des
années aussi dures que les trois jours qu'on a vécu au Manitoba,
j'ai beaucoup de sympathie pour vous.
Dans le contexte de cette difficulté, que je constate et que je
comprends un peu, je pense, je vais vous poser des questions sur l'utopie,
l'idéal, le modèle. Comme vous le savez, ici au Québec, on
a posé, l'année passée, la question aux
Québécois, c'est-à-dire s'ils voulaient rester une
province dans un pays canadien ou s'ils voulaient devenir un pays
indépendant. Vous connaissez la réponse.
Nous serons pour l'avenir, et nous en sommes heureux, un gouvernement
provincial
- le mot n'a rien de péjoratif, c'est un mot qui veut simplement
indiquer la réalité -comme le gouvernement du Manitoba. Je veux
vous poser une question sur votre conception de l'idéal. Il y a dans mon
esprit deux possibilités, deux modèles, si vous voulez. Un
modèle de gouvernement, il faut rappeler quand même que le
gouvernement ne peut pas tout faire pour garantir l'existence d'une
minorité. C'est, d'une certaine façon, dans les mains mêmes
des personnes. Mais quand même, il y a des choses que le gouvernement
peut faire pour diriger, pour mener les gens dans une direction ou dans
l'autre.
Je vais vous proposer la possibilité de deux modèles et je
voudrais que vous me disiez lequel des deux vous préférez.
Le premier modèle, c'est quand le gouvernement dit: En effet, on
veut que vous respectiez la collectivité qui est la majorité, que
vous acceptiez de ne pas vivre en ghetto, de respecter la langue de la
majorité, les moeurs de la majorité, que vous acceptiez une
intégration loyale, que vous ayez droit à votre culture, chez
vous à la maison, mais que, finalement, pour le bénéfice
de toute la collectivité de notre province, vous respectiez la
collectivité et que, dans vos écoles, dans votre travail, dans
votre attitude même, vous deveniez un représentant loyal de ce que
nous avons défini comme la culture et la langue de la majorité.
C'est une attitude, un modèle qu'on peut qualifier, si vous voulez,
d'homogène.
Il y a un autre modèle possible pour les législateurs, les
politiciens qui, quand même - je constate nos défauts, on a pas
mal de défauts, on est des humains, après tout -recherchent
l'idéal un autre idéal qui est, en effet, l'idéal
hétérogène. L'idéal hétérogène
dit que le gouvernement est au service des individus. Si un groupe d'individus
veut s'épanouir selon sa propre façon de vivre, dans sa langue,
avec ses propres institutions, ne veut pas être assimilé, veut
rester homogène dans son petit milieu, son ghetto, comme francophone,
anglophone ou italien, avoir ses propres institutions et ne pas rejoindre la
collectivité, mais rester à part et que le gouvernement dit: On
veut respecter le désir de ces individus de se regrouper de n'importe
quelle façon et respecter même la possibilité que cette
minorité réussisse sur le plan économique ou social d'une
façon importante, peut-être même la possibilité de
voir le moment où cette minorité va dépasser la
majorité, à un moment donné, dans un secteur ou dans
l'autre, mais accepter que c'est grâce à la force, au dynamisme et
à l'énergie de cette minorité, et respecter le fait qu'il
existe cette hétérogénéité, c'est un autre
modèle, n'est-ce pas.
Je me demande et je vous demande, si vous étiez un
législateur provincial comme les gens d'en face, comme moi-même,
comme les gens de la Législature du Manitoba, lequel des deux
modèles préféreriez-vous, celui de
l'homogénéité, du respect de la majorité, de
l'intégration ou, de l'autre côté, celui du respect des
droits des minorités de ne pas s'assimiler, de rester à part dans
leur petit groupement, de s'épanouir d'après leurs propres
moyens, leurs propres désirs, selon leur propre gré? Ces deux
modèles, je pense que je les ai expliqués du mieux possible, ce
soir. Lequel préférez-vous?
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Gauthier.
M. Gauthier: Votre premier modèle ressemble
étrangement à celui que nous avait proposé lord Durham. Il
a déjà été mis de l'avant, il a déjà
été tenté; nous y avons résisté. Quant
à votre deuxième modèle, je dois vous avouer que je sens
un certain jugement dans la manière dont vous l'avez
présenté en employant le mot "ghetto", parce que cela ressemble
étrangement aussi aux accusations que j'ai dû relever chez nous au
Manitoba, que Saint-Boniface par rapport à Winnipeg, c'était le
ghetto, le "frogtown", où les gens du "north end" venaient
dévaliser les "Frenchies" de l'autre bord.
Pour répondre à votre question, j'ai été
coauteur d'une petite plaquette qui parlait de cela, qui s'intitulait Pour ne
plus être sans pays, où on avait développé une
idée qui était celle de donner aux francophones hors
Québec une espèce de pouvoir d'initiative qui ferait en sorte
qu'ils se développeraient chez eux, selon leurs aspirations, en offrant
à la majorité qui les entoure toutes les qualités qu'ils
possèdent, tous les avantages qu'ils puissent avoir.
Je ne sais pas si c'est cela le modèle, votre no 2, mais je ne
suis pas sûr. Je pense qu'on doit donner pour que les francophones qui
veulent véritablement se développer autrement que
folkloriquement... Je pense que le modèle de la notion de pouvoir
d'initiative ne vaut peut-être pas pour tous les coins du pays. Et cela,
les francophones hors Québec l'admettraient aussi. Mais il y a de ces
coins où il serait plausible de penser - les législateurs
pourraient l'aborder dans ce sens-là - à faire un
véritable développement de peuple et pas un ghetto. Ce n'est pas
un ghetto cela.
M. Scowen: M. Gauthier, le mot "ghetto", le mot
"intégration" et le mot "assimilation" sont des mots assez
chargés d'émotivité, n'est-ce pas?
M. Gauthier: Comment le sont-ils?
M. Scowen: Mais je parle comme membre d'une minorité au
Québec,
anglophone, à une personne qui est membre d'une minorité
manitobaine francophone. Je vous pose les mêmes questions quant aux
responsabilités des législateurs d'un gouvernement envers ses
minorités. Est-ce qu'on doit encourager - c'est ce qu'on appelle les
ghettos - les gens à se développer d'après leurs propres
désirs, dans leur propre langue, d'après leurs propres
priorités ou doit-on les encourager à s'intégrer ou
à s'assimiler à la majorité? C'est un problème pour
vous. C'est un problème pour moi. C'est un problème pour les
législateurs du Québec. C'est un problème pour les
législateurs du Manitoba. Je vais vous dire ce que je pense très
honnêtement pour le Québec, pour le Manitoba où, comme je
vous l'avais dit, j'ai déjà vécu trois jours très
difficiles avec M. Richardson et M. Schreyer et tout le monde qui est venu se
présenter devant la commission Pépin-Robarts. Après tout,
je suis persuadé que la meilleure chose, le meilleur chemin pour les
législateurs, c'est d'encourager les individus à
s'épanouir dans leur propre langue, d'après leurs propres
priorités, de ne pas les obliger à s'intégrer et à
s'assimiler, que les mots "assimilation", "intégration", "ghetto", etc.,
doivent être mis de côté et que, finalement, les
politiciens, les élus, les législateurs doivent, au fond,
respecter le désir des individus de s'épanouir à leur
propre façon.
En effet, pour terminer, je pense que le gouvernement doit être au
service des citoyens et pas le contraire. Je ne pense pas que les citoyens
doivent être au service d'une idée d'une collectivité
conçue par la majorité des politiciens. J'espère au moins
que vous êtes d'accord avec moi.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Gauthier, si vous voulez
attendre une seconde pour répondre. Je veux simplement faire remarquer
à la commission que nous avons déjà utilisé l'heure
qui est allouée à la commission, mais je pense que les membres,
ici, seront d'accord pour qu'au moins vous puissiez répondre, même
si j'ai encore M. le député de Châteauguay qui m'a
demandé la parole et un autre intervenant, qui n'est pas membre, mais
qui aurait demandé à la commission d'intervenir. Je vais vous
laisser répondre et nous devrons clore cette partie de nos travaux. M.
Gauthier.
M. Gauthier: Merci, Mme la Présidente. Je pense que les
gouvernements ont à répondre à leur façon et selon
les situations qui existent au niveau de chacune des provinces. Dans ce sens,
le Québec, le Manitoba, Terre-Neuve ne peuvent pas comme tels, à
mon sens, traiter uniformément leur minorité officielle, parce
que ces minorités officielles vivent des situations très
différentes et possèdent, les unes et les autres, des outils
aussi fort différents.
Alors, je ne crois pas qu'on doive faire une comparaison et dire: II y a
une minorité, tantôt il y en a une qui parle français,
tantôt il y en a une qui parle anglais, et qu'on doive normaliser le tout
et apporter une solution à ça.
À mon sens on ne doit pas, dans le processus constitutionnel
actuel, par exemple, faire ce qui est en train de se faire; surprotéger
ceux qui sont forts et finalement n'apporter aucun recours à ceux qui
sont faibles. Ce sont mes réactions, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): Je me ferai
l'interprète de la commission...
M. Dussault: Personnellement, je donnerais mon consentement
à M. le député pour qu'il puisse prendre quelques minutes,
et peut-être que la commission pourrait m'accorder une couple de minutes
pour faire une intervention.
Ce serait un témoignage, je pense, qui serait valable.
La Présidente (Mme Cuerrier); M. le député,
avant de demander l'avis de la commission, je veux quand même faire
remarquer que nous avons un autre groupe à recevoir ce soir; cela
pourrait risquer de décaler nos travaux et pourrait risquer aussi
peut-être de ne pas nous permettre, demain, de recevoir tous les autres
groupes à qui on avait dit qu'ils pouvaient se présenter.
La commission est maîtresse de ses travaux...
M. Marx: Je cède mon droit de parole au
député de Châteauguay.
M. Dussault: Cela voudrait peut-être dire, Mme la
Présidente, un consentement pour dépasser de quelques minutes
tout à l'heure, pour l'autre groupe, mais je pense que la commission
pourrait donner son consentement.
La Présidente (Mme Cuerrier): II n'y a personne qui s'y
oppose?
M. Dussault: II y a consentement, d'accord, je vous remercie, Mme
la Présidente et les membres de la commission.
M. Gauthier, vous êtes au Québec depuis combien de temps,
maintenant?
M. Gauthier: Un peu plus de deux ans.
M. Dussault: Un peu plus de deux ans. C'est que votre
présence ici a évoqué chez moi quelque chose. Je ne
voulais pas intervenir, mais j'ai pensé que peut-être mon
témoignage aurait un certain sens ici à la commission.
II y a entre douze et quinze ans, j'ai visité l'Ouest du Canada
et, en revenant de Vancouver, je me suis arrêté à Winnipeg.
J'ai été ébranlé par deux choses. D'abord, la
cathédrale de Saint-Boniface qui avait brûlé,
c'était assez fort comme paysage, et le fait suivant: dans un restaurant
où je suis allé manger, il y avait une jeune fille qui parlait le
français en le cassant. Après plusieurs questions, elle m'a
expliqué qu'elle travaillait durant l'été, qu'elle
était étudiante, qu'elle allait à l'école, qu'elle
étudiait en français, qu'elle parlait en anglais pendant les
récréations, qu'elle parlait en anglais avec ses parents et
qu'eux lui répondaient en français.
Je vous avoue que ça a été un choc assez terrible
et je me suis dit: Je ne peux pas en rester là, est-ce possible que ce
soit la réalité? C'était peut-être "Le Manitoba ne
répond plus", avant qu'on le dise très fortement comme ça
a été fait par la suite.
Je me suis rendu à Saint-Boniface, dans l'après-midi, et
je suis allé à l'Association des Franco-Manitobains. J'ai
rencontré une personne - c'était peut-être vous - qui avait
l'air d'avoir une responsabilité assez grande à l'association et
à qui j'ai demandé: Est-ce exact ce qu'on m'a dit? Et la personne
m'a répondu: C'est exact; après cette génération de
jeunes, si les choses continuent comme elles sont parties, il n'y a plus rien
de possible en français au Manitoba. C'est ce que la personne m'avait
répondu et elle avait ajouté: Je me donne cinq ans et je m'en
vais au Québec, si les choses restent comme ça, parce que
l'avenir du français au Canada, c'est au Québec que ça se
trouve. C'est le témoignage que la personne m'avait donné. (21 h
30)
Le soir même, je suis allé dans une soirée, encore
à Saint-Boniface, pour rencontrer des gens à qui j'ai posé
beaucoup de questions et qui me confirmaient tous cette réalité.
Je suis revenu au Québec en disant: II faut se mettre au travail, il
faut faire ce qu'il faut parce qu'il ne faut surtout pas qu'à nous ici
au Québec arrive ce qui arrive à ces gens. Dans mon travail de
tous les jours, j'ai essayé de faire prendre conscience de ces choses
aux gens qui m'entouraient. Entre autres, comme j'étais un enseignant
bibliothécaire dans la bibliothèque de l'école, quand j'ai
quitté la bibliothèque, il y avait 18,000 volumes que j'avais
réussi à mettre en place pour le service des étudiants, et
il y avait, parmi ces volumes, les volumes de Mme Chaput-Rolland.
Mme Chaput-Rolland: Je vous en demande pardon.
M. Dussault: Non, je ne dirai pas, madame, quelle horreur! Je les
avais effectivement mis dans la bibliothèque parce qu'il y avait
là un témoignage fort intéressant. Il y avait aussi, dans
un de ces volumes, une conclusion, et la conclusion était qu'il fallait
en arriver à l'indépendance du Québec. Ce
témoignage, je l'avais retenu comme précieux. Le jour où,
à l'Assemblée nationale, M. le député de Saguenay
avait dit à Mme Chaput-Rolland qu'elle avait été un peu un
guide, que ses livres avaient été un peu une feuille de route
pour les Québécois et qu'à la suite de son revirement, si
on peut dire, il était déçu, j'avais ressenti exactement
les mêmes choses que M. le député de Saguenay, à ce
moment. Je pense qu'aujourd'hui les Québécois ont pris en main
leur cheminement. Vous êtes là depuis deux ans, vous avez donc pu
constater ce qui s'est passé il y a de ça quelques mois, le 20
mai dernier. Le référendum, c'est tout un processus, c'est tout
un cheminement que les Québécois ont suivi, c'est tout à
fait conséquent de leur histoire, des expériences vécues,
même de celles que vous avez vécues dans l'Ouest du Canada. Il y a
eu un référendum pour trancher une question. Les
Québécois, à ce moment, ont dit non à 60%, 40%
ayant dit oui. D'après vous, M. Gauthier, est-ce que le résultat
du 20 mai a amélioré le sort des Franco-Manitobains?
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Gauthier.
M. Gauthier: Je dois être très honnête et dire
qu'évidemment pas. Évidemment pas. Il me semble, en tout cas, que
la personne que vous avez rencontrée, c'est quelqu'un que je peux
reconnaître, c'était peut-être moi, c'était
peut-être d'autres. C'était quelque chose qui nous touchait de
très près. La question québécoise nous était
toujours mise dans la face et les victoires québécoises qu'on
voyait de loin ou les défaites québécoises, y inclus
celles du Canadien de Montréal, nous touchaient de très
près. C'est dans cette optique que je vous réponds
qu'évidemment pas, cela ne peut pas nous avoir aidés parce
qu'où on est aujourd'hui, c'est un peu...
M. Dussault: Je vous remercie, M. Gauthier.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Gauthier, je vous
remercie au nom de la commission de la présidence du conseil et de la
constitution d'avoir participé à nos travaux. Merci bien.
M. Gauthier: Je vous remercie, Mme la Présidente.
Association du Labrador
québécois
La Présidente (Mme Cuerrier): J'appellerai maintenant
l'Association du
Labrador québécois, représenté par M. Paul
de Bané. M. de Bané, je vous demanderais de bien vouloir
présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît, de
façon que nous puissions les identifier d'abord au journal des
Débats, ensuite si elles voulaient s'exprimer au nom de
l'association.
M. de Bané (Paul): Je vous présente, à ma
gauche, M. Conrad Savard, de Saint-Alban. M. Savard est un ami de
l'association. Notre association est une association informelle. À ma
droite, c'est ma compagne, on s'est marié, mais j'ai
évolué. C'est ma compagne. C'est Marielle Laprise. Elle
préfère le nom de Bané, c'est son droit. C'est Marielle de
Bané. Mon nom est Paul de Bané. Je suis
Néo-Québécois. Chez nous, on parlait français, on
s'est très bien greffé à la collectivité
québécoise.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. de Bané, vous
connaissez les règles de la commission parlementaire. Vous savez,
n'est-ce pas, que vous disposez d'une vingtaine de minutes pour la
présentation de votre mémoire, qu'il arrive parfois que des gens
soient obligés de résumer et qu'ensuite, les membres et les
intervenants de la commission me demandent la parole que je puis leur accorder
pour vous poser des questions ou faire des commentaires. M. de Bané,
vous avez la parole.
M. de Bané: Merci, Mme la Présidente. Ce que je
vois devant moi, ce sont des représentants du peuple à
l'Assemblée nationale. Je ne vois aucun parti. S'il avait fallu que la
question territoriale soit entachée de partisanerie, personnellement, je
n'aurais pas eu le coeur de venir, j'aurais cependant admiré celui qui
aurait eu le coeur assez endurci politiquement de le faire.
C'est la dernière heure. Le Christ a dit: Les derniers seront les
premiers. L'esprit que je voudrais que vous ayez dans cette dernière
heure, c'est simplement celui-ci: si c'est nécessaire, c'est une
question territoriale de la plus grande importance pour les
Québécois. C'est aux membres à juger ici d'une
façon formelle le présent mémoire et on pourra
peut-être continuer la discussion, d'une façon informelle, au
restaurant Parlementaire ou ailleurs.
Avant de commencer, je voudrais dire ceci: La question du Labrador est
avant tout une question de dignité. C'est une question de respect de
soi-même et de respect que les autres doivent avoir envers nous.
Naturellement, réciproquement, nous devons témoigner de respect
envers les autres, surtout dans un régime fédératif.
Nous tenons, en tout premier lieu, à témoigner notre
reconnaissance à notre gouvernement, le gouvernement du Québec,
de nous recevoir par l'entremise de votre commission. C'est d'ailleurs, quant
à nous, d'autant un acte de courage et de maturité politique qui
augure, qui assure très bien vers un processus prochain, nous le croyons
fermement, de régularisation de la question du Labrador.
Frédéric Dorion, à l'époque de
l'entrée de l'île de Terre-Neuve au Canada, avait environ 50 ans.
Aujourd'hui, il a 82 ans. Il devait être ce soir parmi nous. C'est
l'ex-juge en chef de la Cour supérieure du Québec, du
début des années soixante jusqu'au début des années
soixante-dix. Il m'avait donné sa parole d'honneur qu'il serait parmi
nous. J'ai été le voir aujourd'hui. Malheureusement, il est
physiquement impossible pour lui d'être avec nous, mais il m'a
assuré que tout est là et que les membres de la commission ont
tout ce qui est nécessaire pour bien comprendre. D'ailleurs, il est avec
nous et il suit le débat en direct à la
télévision.
Frédéric Dorion avait, le 6 février 1948, à
l'époque de la discussion au Parlement canadien du projet de loi
concenant l'entrée de l'île de Terre-Neuve au Canada, dans un
discours magistral, fouillé et très bien documenté,
actuellement aux archives mêmes du ministère de la Justice du
Canada, très bien présenté au niveau historique et de
droit la question du Labrador.
Ce discours est d'ailleurs inscrit intégralement dans notre
présent mémoire. Nous ne le relirons point, cependant. Nous
présumons à juste titre, en effet, que les membres de cette
commission qui sont aussi les représentants du peuple
québécois a l'Assemblée nationale savent lire et surtout
comprendre la pensée de Frédéric. Nous en commenterons
cependant de larges extraits.
En référant à M. Frédéric Dorion,
l'ex-juge en chef de la Cour supérieure du Québec, par
amitié et aussi à cause de la simplicité du texte pour vos
auditeurs, je m'en tiendrai généralement à l'expression
"Frédéric".
Disons, en tout premier lieu, que, dans le cadre fédératif
de notre régime canadien, rien n'a changé. Dans les faits, pas un
seul iota n'a changé en droit sur la position constitutionnelle du
Québec dans la question du Labrador et ce, depuis le discours de
Frédéric Dorion à la Chambre des communes à Ottawa,
de même que depuis l'entrée, le 31 mars 1949, de l'île de
Terre-Neuve au Canada.
Dans son projet d'entente Canada-Terre-Neuve, "le Canada se
considère toujours lié, dit-il, par l'opinion du comité
judiciaire du Conseil privé de Londres, exprimée en 1927".
Mais qu'était le Canada à cette époque, en 1947? Le
Canada, à cette époque de fin de régime de Mackenzie King,
qui avait
succédé à Laurier après sa mort en 1919,
était surtout, dans cette matière embarrassante, totalement et
complètement inféodé à Londres. Ce sont les faits.
Embarrassante en effet, car dans la carte électorale
fédérale du Québec de 1924, la soi-disant "côte du
Labrador" est déjà découpée exactement comme elle
le sera trois ans plus tard par le Conseil privé de Londres, en 1927. En
d'autres mots - et je donne ceci comme appui - vous avez ici... je demande
à Marielle de tenir, pour les fins de la télévision, la
carte électorale du district fédéral de 1924. Cela veut
dire trois ans avant l'instance. Le Labrador, sous la terminologie "côte
du Labrador", est découpé exactement comme trois ans après
le soi-disant jugement, ce qui est d'ailleurs extrêmement
irrégulier parce que le Canada, jusqu'en 1927, a toujours
affiché... Il a toujours affiché quoi? Le Québec, incluant
le Labrador, avec simplement une ligne côtière.
Plus loin dans son discours, Frédéric rappelle l'article
3, l'article pivot en matière frontalière de 1871 de la
constitution canadienne. Cet article stipule que toute augmentation ou
diminution d'un territoire quelconque d'une des provinces concernées
doit nécessairement et obligatoirement avoir le double assentiment de
l'autorité fédérale de même que de l'autorité
provinciale concernée. Cette démarche, stipulée par
l'article 3 ci-haut mentionnée, a été suivie
fidèlement et intégralement dans les agrandissements territoriaux
du Québec par les lois canado-québécoises de 1898 et de
1912. Ces lois - nous le reconnaissons -établissent une réserve
quant à une soi-disant juridiction territoriale terre-neuvienne au
Labrador. Dans les faits, cependant, cette ambiguïté a
été définitivement levée par le protocole conjoint
Canada-Terre-Neuve, à l'instance de 1926.
Terre-Neuve admet, dans ce protocole, que tous ses titres sur la
"côte du Labrador" découlant du traité de Paris de 1763.
Or, en 1763, l'Angleterre n'a donné à l'île de Terre-Neuve,
qui n'avait qu'un début de gouvernement, qu'un mandat de surveillance de
la côte, surtout dans le but de garder l'exclusivité de la traite
des fourrures et des pelleteries. L'Angleterre avait même pris le soin -
et ceci, très clairement - de se réserver la côte pour les
Esquimaux et l'intérieur de la côte pour les Indiens. Ces droits
de tutelle furent transmis par l'Angleterre au gouvernement
fédéral lors de l'Acte confédératif canadien de
1867.
À la fin de son discours, plus précisément à
la page 4 du discours ci-joint, Frédéric est on ne peut plus
catégorique et frappe en plein dans le mille au niveau de la
portée inconstitutionnelle du geste unilatéral et illégal
qu'Ottawa voulait poser et qu'effectivement, il a posé.
Frédéric dit ceci: "J'affirme que, pour ce motif, le
non-respect des lois de la constitution en matière frontalière,
l'offre du gouvernement canadien à celui de Terre-Neuve ne vaut pas le
papier sur lequel on l'a écrite et que, d'ailleurs, la province de
Québec - ce qu'elle a d'ailleurs fait - ne consentira jamais à un
tel accord. Aussi, le présent gouvernement devrait-il s'abstenir
d'offrir à Terre-Neuve un territoire sur lequel il n'a aucune
juridiction, afin de mettre fin a une regrettable mésentente qui
pourrait susciter un véritable conflit entre le gouvernement
fédéral et une province. (21 h 45)
J'ouvre une parenthèse: le Québec n'a jamais fait une
confrontation dans la question du Labrador. Uniquement pour une question de
noblesse, il a toujours fait passer les intérêts de la
fédération canadienne avant ses intérêts dans la
question du Labrador. Mais en droit rien ne change.
Toujours, à la fin de son discours, Frédéric nous
mentionne l'enjeu réel et la vraie portée de l'opinion du
comité judiciaire du Conseil privé de Londres 1927.
Frédéric reprend l'aveu même du lord chancelier du
comité judiciaire dans son rapport. Le lord chancelier dit ceci: "II ne
s'agit donc pas de déterminer si Terre-Neuve possède des
territoires dans la péninsule du Labrador -mais, bon Dieu, qu'est-ce que
le comité judiciaire devait statuer? - mais d'indiquer, selon le lord
chancelier, où se trouve, -selon une thèse quelconque - la
frontière intérieure de ce territoire".
Dans cet esprit de thèse, le porte-parole du comité
judiciaire du Conseil privé de Londres 1927 pouvait très bien
considérer que la soi-disant "côte du Labrador", bornée au
sud par le Saint-Laurent, pouvait se rendre jusqu'à la rivière
Ottawa; Ottawa aurait été alors plus proche des
Québécois, du moins physiquement parlant. Et même, quant
à y être, le comité judiciaire du Conseil privé de
Londres 1927 pouvait, dans ses élucubrations fantaisistes, stipuler que
la "côte du Labrador" s'étendait jusqu'à l'océan
Pacifique et, conséquemment, tout ce qui serait resté du Canada
aurait été le sud du Québec pour les francophones et
l'île Victoria, capitale de la Colombie-Britannique, pour les
anglophones. À juste titre, dans cette dernière extension,
plutôt élucubration, du mot "côte", les Canadiens anglais se
seraient sentis hautement discriminés au niveau territorial par
comparaison aux Canadiens français; mais laissons les
élucubrations territoriales du comité judiciaire du Conseil
privé de Londres 1927. D'ailleurs, c'était l'époque
où, en Amérique, Al Capone de Chicago était à son
apogée.
En toute fin de son discours, Frédéric nous rappelle que
l'opinion du comité judiciaire du Conseil privé de Londres 1927
n'a aucune caractère "obligatif". En effet, toute opinion territoriale
du comité judiciaire
du Conseil privé devait, pour être obligatoire, être
appuyée dans son temps par une loi impériale du Parlement
britannique, ce qui ne fut pas fait en regard de l'opinion de ce comité
dans la question du Labrador.
En relation avec ce comité judiciaire du Conseil privé de
Londres 1927, Roger-J. Bédard, de Montréal, dans son volume
L'Affaire du Labrador, Anatomie d'une fraude - ce volume-ci - .1968, nous
mentionne que cet organe politico-judiciaire anglais a eu, entre autres
anomalies et irrégularités dans la question du Labrador, deux sur
cinq de ses propres juges directement en conflit d'intérêts parce
qu'ils étaient hauts fonctionnaires de commissions de crédit du
gouvernement britannique, qui avaient avancé des sommes
considérables dans des aventures de banqueroute directement
reliées au Labrador.
Ceci étant dit et compte tenu de l'essence même de notre
régime fédératif canadien - vous le demanderez, quant
à vous, à M. Dorion - la position du Québec en ce qui
concerne la question du Labrador est assise sur le roc solide: les lois
canado-québécoises de 1898-1912. De plus, elle est sans faille
aucune, de par le caractère même de l'inviolabilité
sacrée des frontières dans notre régime
fédératif canadien. Nous devons le reconnaître.
Certes, force nous est de constater qu'il y a eu faux pas de notre
gouvernement dans la question du Labrador, mais faux pas ne signifie jamais, au
grand jamais, amputation territoriale dans un régime
fédératif tel que le nôtre, surtout pour un associé
majeur ayant une collectivité de 6,000,000 de Québécoises
et Québécois et, de surcroît cofondateur avec l'Ontario de
la Confédération canadienne de 1867.
Ce qui est important, ce n'est pas le faux pas. Je vous l'ai dit
tantôt: Le Québec a toujours fait passer, M. Duplessis en
tête, l'intérêt de la fédération canadienne
avant les propres intérêts du Québec. C'est toujours ce que
les parents font; ils font toujours passer les intérêts de
l'enfant avant leurs intérêts. L'enfant, c'était le
régime fédéral.
Ce qui est important, ce n'est pas le faux pas, c'est déjà
fait, c'est de se raviser simplement. Ici, se raviser signifie rapatriement
d'un cinquième de notre territoire juridictionnel sans compter la
côte attenante de 200 milles juridictionnels marins.
Le comité mixte canadien sur la constitution s'est
disqualifié, quant à nous, en éludant la question du
Labrador. Si le fédéral ne corrige point cette disqualification,
alors - vous le demanderez vous-mêmes à M. Dorion - ce
régime fédéraliste se sabordera lui-même. Nous le
répétons, dans un type de régime fédératif
tel que le nôtre, les lois territoriales sont inviolables et
sacrées. Si jamais elles sont violées, le régime
saute.
Le gouvernement du Québec se doit -et c'est son devoir le plus
strict - de se raviser dans la question du Labrador, et ce sans délai.
Il doit exiger du fédéral le rapatriement du Labrador, et ce
avant tout processus de révision constitutionnelle de notre
régime fédératif canadien. Jamais un banquier ne
consentira un nouveau prêt sans tenir compte de l'ancien prêt.
À cet égard, nous croyons, compte tenu du passé de ce
gouvernement et des autres gouvernements québécois dans la
question du Labrador, qu'il doit, avant de déclencher des
élections, réunir la Chambre québécoise afin de
réaffirmer, et ce d'une façon claire et non équivoque, les
droits inaliénables du peuple québécois sur cette partie
de son territoire, tout le territoire du Labrador.
Aussitôt, par la suite, les ministères concernés,
principalement celui de l'Énergie et des Ressources, doivent passer aux
actes, c'est-à-dire poser les gestes d'occupation via, notamment,
l'octroi de permis de concessions. Litige il y aura sûrement et ce
serait, de l'avis de Frédéric, compte tenu des circonstances
actuelles - le comité mixte élude de nouveau la question - le
meilleur moyen de relancer la question du Labrador. Le problème sera
amené là où il doit être amené
présentement, c'est-à-dire devant les tribunaux. Sur ce terrain -
je vous le jure, ça fait treize ans que je me bats pour la question du
Labrador, je me rétracterai de chaque fausseté si j'en ai fait -
la position québécoise est assise sur le roc solide et elle est,
sans aucune exagération, sans aucune faille.
Compte tenu des faux pas in absentia de nos gouvernements
québécois, mais qui, de fait, ne changent en rien les droits du
Québec sur ce territoire, il est primordial et fondamental - et vous le
demanderez vous-même à M. Dorion dans une entrevue formelle ou
informelle où vous déléguerez certains d'entre vous ou
ensemble - que cette marche ou démarche en deux temps soit à tout
prix scrupuleusement respectée; pas de processus de révision
constitutionnelle avant le rapatriement du Labrador. Le même geste que le
banquier: Tu me dois $1,000,000 sur $5,000,000, un cinquième, je ne
l'oublie pas, sinon je tomberais en faillite, je le consolide, j'en tiens
compte; autrement... vous le demanderez à M. Dorion - le gouvernement
québécois, de même que son Assemblée nationale
trahiront systématiquement les intérêts primordiaux et
vitaux du Québec dans le cinquième de son territoire
juridictionnel, surtout à ce moment-ci; c'est le moment limite où
on doit poser la régularisation des irrégularités
territoriales.
Cette trahison - vous le demanderez à M. Dorion - disqualifierait
ce gouvernement, notre gouvernement, comme d'ailleurs cette
Assemblée nationale que vous représentez, notre
Assemblée nationale, devant le peuple québécois. À
cet égard, le gouvernement, notre gouvernement, l'Assemblée
nationale, notre Assemblée nationale, dans une élection qu'on dit
pour bientôt, demanderait au peuple de s'appuyer sur l'ombre de leur
béquille, la béquille étant la démocratie,
instrument nécessaire. C'est ridicule et intenable de demander au peuple
de s'appuyer sur l'ombre de la béquille démocratique et nous ne
le tolérerons jamais.
Les principes se tiennent. Et ceci en terminant, comment - M. Gauthier
était là, M. James Ross ce matin, parlant au nom des
minorités - la minorité anglophone québécoise de
chez nous peut-elle avoir des assurances du gouvernement
québécois en ce qui regarde ses intérêts les plus
légitimes que le gouvernement québécois peut
honnêtement lui accorder compte tenu de tous les facteurs? Comment les
francophones hors Québec, notamment ceux de l'Acadie, de l'Ontario et du
Manitoba, peuvent-ils avoir des assurances valables dans les accords futurs ou
actuels de réciprocité les concernant, si l'actuel gouvernement
québécois, dans le projet de révision constitutionnelle en
cours, est incapable de se tenir debout pour défendre ses propres
intérêts et ceux de sa collectivité dans le
cinquième de son territoire?
Jamais Taschereau, jamais Duplessis, jamais Sauvé n'auraient
envisagé le renouveau du fédéralisme canadien
présentement à bout de souffle sans le rapatriement au
Québec du territoire du Labrador. C'est impensable.
Jamais, nous le croyons sincèrement dorénavant. Vous le
demanderez vous-même à M. Dorion par votre
délégation, si vous le désirez. M. René
Lévesque, l'actuel premier ministre du Québec, M. Claude Ryan,
l'actuel chef de l'Opposition officielle, M. Roch LaSalle, l'actuel chef de
l'Union Nationale, de même que chacune et chacun des membres de
l'Assemblée nationale du Québec, représentantes et
représentants du peuple québécois, à notre point de
vue, ne pourront et n'envisageront le renouveau du fédéralisme
canadien projeté sans, au préalable, le rapatriement au
Québec du territoire du Labrador.
Au nom du collectif, je vous remercie.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre d'État
au Développement culturel et scientifique.
M. Morin (Sauvé): M. de Bané, nous vous avons
écouté avec beaucoup d'intérêt rappeler notamment
les dimensions historiques de ce vieux litige entre le Québec et le
Canada à propos du Labrador.
Parmi tous les faits que vous avez évoqués, j'en ai retenu
quelques-uns que j'aimerais rappeler pour voir quelles sont les conclusions
qu'il est possible d'en tirer.
Tout d'abord, vous avez fait observer, à moins que ce ne soit M.
Dorion, que la question posée au Comité judiciaire du Conseil
privé de Londres, en 1927 - du moins la question à laquelle il a
répondu en 1927 -avait été convenue seulement entre le
gouvernement fédéral et le gouvernement britannique qui, à
ce moment-là, était la métropole coloniale de Terre-Neuve.
Vous avez souligné que le Québec avait été
totalement laissé à l'écart de la définition de
cette question.
Le deuxième fait qui m'a frappé, c'est que le gouvernement
fédéral - je crois que c'était celui de M. Mackenzie King
à l'époque, le gouvernement libéral - s'était
considéré lié par le rapport du Comité judiciaire
du Conseil privé. Le gouvernement fédéral, lit-on dans le
compte rendu des pourparlers entre Terre-Neuve et Ottawa à
l'époque, présumait - c'est une citation ou presque - que la
partie du Labrador qui était rattachée à son territoire
serait comprise dans cette province au moment où elle deviendrait, bien
sûr, province canadienne.
Le troisième fait - j'essaie de suivre le mieux possible la
séquence historique - c'est la convention intervenue entre le Canada et
Terre-neuve, par laquelle Terre-Neuve entrait dans la fédération
canadienne, à la suite du plébiscite que vous savez. (22
heures)
L'article 2 de ce protocole ou de cette entente concédait le
Labrador et la côte du Labrador, tels que définis auparavant,
à Terre-Neuve.
Si je vous ai bien compris, M. de Bané, le gouvernement d'Ottawa
est responsable de la perte du Labrador par le Québec, au moins en
partie.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Paul de Bané.
M. de Bané: Je vous remercie beaucoup, M. Morin, vous
êtes le vice-premier ministre; je ne fais aucune partisanerie, je crois
que le gouvernement, en déléguant le vice-premier ministre,
indique... D'ailleurs, j'ai oublié, tantôt, de remercier chacun de
vous. Vous êtes venus en tant que représentants du peuple,
à une heure assez tardive, pour une question fondamentale; je voudrais
vous remercier au nom de toute la population du Québec.
Je voudrais simplement vous dire -c'est en relation avec un geste de M.
Krout-chev, qui a mis son soulier sur la table à L'ONU, ce fut
spectaculaire - moi, je poserai un geste. Frédéric a dit que
l'entente Canada-Terre-Neuve ne vaut pas le papier sur lequel c'est
signé; je m'excuse, ce n'est pas le papier sur lequel a
été signée
l'entente Canada-Terre-Neuve, mais elle ne vaut pas plus que
ça.
Je voudrais corriger M. Jacques-Yvan Morin, pour qui j'ai le plus grand
respect. Il ne peut pas y avoir de perte dans ce cas-là pour le
Québec, M. Morin. Le Québec a toujours fait passer les
intérêts de la fédération canadienne avant ses
propres intérêts. Il savait très bien... D'ailleurs, M.
Duplessis narguait tout le temps M. Smallwood et même, lorsqu'il fut
approché par Brinco, il leur a demandé simplement: -vous pouvez
le voir dans l'historique des cent ans d'électricité
d'Hydro-Québec, et les gens de Brinco ne sont plus jamais revenus le
voir - Est-ce que vous êtes sûr que c'est en territoire
terre-neuvien? Est-ce que vous ne vous posez pas la question que ces chutes
Hamilton ne sont pas en territoire québécois? Cela veut tout
dire.
Il y avait des raisons à cette époque -je ne peux pas les
détailler ici, ce serait trop long - pour lesquelles, à mon point
de vue, l'Angleterre, qui, il faut le reconnaître, est un grand pays,
avec une grande politique, qui a cependant fait des choses sales, comme la
déportation des Acadiens, le partage de la Palestine selon la
déclaration Balfour, mais qui a fait aussi de très belles choses,
voulait absolument remettre le Labrador au Québec. J'attirerai votre
attention sur un document, fondamental, du fonds Gardner de documentation de
l'intégrité du territoire du Québec. Cahier II à la
page 116, tout est là, mais je ne détaillerai pas plus. S'il y a
des membres qui veulent que je détaille, je détaillerai avec
plaisir; c'est que je crois que certaines choses ne doivent pas être
expliquées quant à être expliquées en peu de mots.
Dans le Evening Telegram, on apprend, par la personne autorisée du
gouvernement terre-neuvien, que, deux semaines avant le projet d'entente
Canada-Terre-Neuve du 29 octobre 1947, donc le 15 octobre 1947, dans une lettre
adressée à la personne autorisée au niveau des ressources
naturelles, une suggestion d'acheter le Labrador pour $150,000,000. Qu'est-ce
que Terre-Neuve a eu? Terre-Neuve a eu $150,000,000 en entrant dans le Canada.
Duplessis a dit à Saint-Laurent: Beaucoup trop d'argent. Saint-Laurent
lui a répondu: Peanuts, ce ne sont que des miettes. Terre-Neuve a eu
$80,000,000 grosso modo pour sa dette, et $70,000,000 d'ajustement sur
plusieurs années. Elle aurait pu avoir encore $150,000,000 pour le
Labrador. Pour moi, l'Angleterre, c'est un grand pays. Les Anglais savent
toujours respecter les gens avec qui ils font de bonnes affaires et qui les
aident. Le Québec était partie, faisait partie, fait encore
partie de la fédération canadienne. Il avait donné ses
enfants. Terre-Neuve l'avait fait aussi, mais au niveau du poids, Québec
avait fourni aux dettes de guerre du Canada qui se chiffraient à environ
$24,000,000,000, que l'Angleterre n'a pas payées. On ne le lui reproche
pas. La France a toujours payé jusqu'au dernier sou pour avoir la
tête haute. C'est son point de vue.
Des enfants québécois ont laissé leur vie.
L'Angleterre voulait, elle savait très bien tout ce que les
députés fédéraux et les sénateurs disaient
à Ottawa: En échange d'un effort de guerre, remettez-nous le
Labrador. C'était impossible. Je ne détaillerai point la
couverture. Je la détaillerai, s'il y a lieu, dans un volume. Je
voudrais m'arrêter là. Si quelqu'un veut pistonner la couverture,
je donnerai tout le temps nécessaire. Je m'excuse, M. Morin, si
quelquefois j'ai omis certaines choses, ne vous gênez pas, allez-y.
M. Morin (Sauvé): Écoutez, l'heure est tardive et
nous avons déjà abusé de votre patience. Je voudrais quand
même vous rappeler une ou deux attitudes du Québec dans ce dossier
puisque, vous le savez, la plupart des gouvernements, surtout depuis quelques
années, n'ont jamais accepté comme étant définitive
cette solution qui lui a été imposée par le rapport du
comité judiciaire du Conseil privé. Vous aurez peut-être
observé que, sur les cartes publiées par le Québec,
notamment, la frontière Québec-Labrador est indiquée par
un tracé qui est différent de celui qu'on voit entre l'Ontario et
le Québec, par exemple, sur d'autres cartes avec la mention expresse que
cette frontière n'est pas considérée comme étant
définitive par le Québec. C'est ce qu'on appelle le droit de
réserver ses droits et le Québec depuis toujours réserve
ses droits. D'ailleurs, lorsqu'à été créé le
ministère des Terres et Forêts par le Québec, c'est devenu
aujourd'hui le ministère de l'Énergie et des Ressources, eh bien,
on a créé un service de l'intégrité du territoire
lequel découlait d'ailleurs, vous vous en souviendrez, du rapport
Dorion, non pas Frédéric Dorion, mais la commission Dorion, qui a
été nommée il y a quelques années justement pour
faire des recommandations au Québec au sujet de ces frontières
et, en particulier, de la question du Labrador.
Enfin, je voudrais vous rappeler, en terminant, que, dans les
discussions préliminaires que nous avons eues, que le Québec a
eues avec Terre-Neuve au sujet de l'aménagement des cours d'eau sur la
Côte-Nord, nous prenons toujours soin de réserver les droits du
Québec en ce qui concerne la côte du Labrador et les
frontières qui sont indiquées sur les cartes
fédérales.
Je pense que ces précautions, qui sont celles de juristes
prudents, ont au moins pour effet de réserver l'avenir, de
protéger les droits du Québec dans l'avenir, mais enfin.
Étant donné la responsabilité que le gouvernement d'Ottawa
porte dans toute cette affaire, puisque c'est lui qui, en
somme, a négocié cette frontière, du moins
l'adhésion de Terre-Neuve à la fédération
canadienne avec le territoire du Labrador, tel qu'il avait été
défini par le comité judiciaire du Conseil privé, je pense
que le gouvernement d'Ottawa aura pas mal de difficultés à
revenir sur l'opinion qu'il a toujours exprimée dans le passé
à ce sujet, et tant que nous ferons partie du régime
fédéral, il faut bien le dire, on ne peut guère penser
modifier cette situation. C'est pourquoi le Québec d'ailleurs
réserve ses droits en pensant à l'avenir.
Enfin, nous avons pris bonne note de vos propos et de la réponse
que vous avez donnée tout à l'heure, M. de Bané, et nous
vous remercions.
M. de Bané: Puis-je...
La Présidente (Mme Cuerrier): Oui, bien sûr.
M. de Bané: Ce que vous avez dit était très
intéressant à suivre, M. Jacques-Yvan Morin. Vous avez, en
premier lieu, mentionné que l'heure est tardive. Pour ce qui concerne la
question du Labrador, eu égard aux faux pas - il faut le constater, il y
a eu de faux pas de tous les gouvernements du Québec -eu égard
aussi au muselage systématique des media, ce qui se passe aujourd'hui,
c'est un rafraîchissement, c'est un oasis. Mais eu égard à
tout cela - vous n'avez pas été formel pour ce qui concerne le
mémoire de M. Gauthier - je vous invite à agir. Vous ferez ce que
vous voulez. C'est comme pour M. Dorion. Je suis allé le voir. J'ai dit:
Frédéric, voici le texte, au cas il n'aurait pas
été d'accord, et ce, pour qu'il puisse se retirer à temps.
Je lui ai dit: Écoute, fais ce que tu veux, je te donne les
paramètres.
M. Jacques-Yvan Morin a parlé de la Commission Henri Dorion.
Je dois vous dire ceci: Cette commission a été
essentiellement une commission politique dans le sens le plus péjoratif
du terme. Le propre père d'Henri -j'ai posé la question à
Frédéric qui est conséquemment le frère de
Noël - était, à l'époque où Henri, à
l'âge de 31 ans, était président de la Commission Dorion,
l'avocat personnel de John Doyle, de la Canadian Javelin, ce qui était
gravement incorrect. Lorsque j'ai posé la question à
Frédéric, il n'a pas pris vingt minutes, il m'a dit tout de
suite: Ce n'est pas convenable. Vous pouvez vérifier.
Cette commission a systématiquement biaisé les conclusions
de ses trois principaux recherchistes dont, en première tête de
ligne, M. Jacques Rousseau. C'était un des plus beaux esprits du
Québec, un des plus beaux esprits au monde, Jacques Rousseau. Il est
malheureusement décédé un an exactement avant la parution
du rapport Dorion. D'ailleurs, du côté des libéraux,
c'était le frère du ministre Rousseau, du cabinet
libéral.
C'est un homme qui aurait pris la conclusion du rapport Dorion
d'août 1971 et qui aurait frappé dessus. C'était un homme
entier. Luce Patenaude. Qu'est-ce qu'avait dit Rousseau, en deux mots? Rousseau
a fait un travail fantastique. Il connaissait parfaitement le dossier. Il a
fait un travail avec l'historien ... anglais Crowhurst. 1763, c'était le
pivot. En 1763, mandat de surveillance.
Deuxième recherchiste, Luce Patenaude, actuel Protecteur du
citoyen du Québec. Luce avait dit ceci, elle avait cité Mackay,
juriste anglais, vous l'avez à la page 10 de la première tranche
du rapport préliminaire: "II ne fait aucun doute, il n'y a aucun
caractère obligatoire à l'opinion de 1927. Aucun. Terre-Neuve n'a
jamais eu aucun titre sur le Labrador, jamais." Je ne peux pas aller dans les
détails. Ils n'ont jamais eu aucun jugement. Ils ont fait croire qu'ils
avaient un jugement et présentement, ils disent: Québec a fait
des faux pas, d'accord. Cela ne marche pas ainsi dans une
fédération. Cela ne peut pas marcher ainsi. Cela deviendrait une
association de bandits. D'ailleurs, je vous cite ceci, M. Jacques-Yvan Morin.
Vous ne devez pas connaître ce détail. C'est un détail
d'importance pour tous les membres de la commission. Le même Mackay -
c'est un juriste anglais de renom -qui, en 1932, dit: II n'y a aucun doute,
c'est un rapport non obligatoire, en 1946, tout à fait par hasard, dans
un volume patronné par le ministère des Affaires
étrangères d'Angleterre, dit: Tout est scellé depuis 1927.
Cela vous donne un peu une idée de l'évolution de certaines
personnes.
Le troisième recherchiste, c'est M. Roger Bédard. Il a
fait trois volumes pour la commission. D'accord? Il a dit: "Miscarriage of
justice". Avortement de la justice. C'est le seul volume qui a
été frappé d'interdit de publication par le gouvernement
du Québec. Chacun de vous en a eu une copie. Mme Cuerrier me l'a dit. Il
a envoyé à chacun de vous une copie - c'est fantastique -
après l'élection de 1976. Des faux pas, il y en a eu. On est
entre Québécois. Des faux pas, j'en fais plusieurs fois par jour.
Cela va? Je ne reproche pas à quiconque de faire des faux pas.
M. Jacques-Yvan Morin, je vais vous poser une question. Si je laissais
parler mon coeur, je me tairais, mais j'ai toujours dit ceci:
L'intérêt du peuple passe avant tout intérêt,
même celui de Jacques-Yvan Morin. Je ne veux pas vous mettre sur le banc
des accusés, mais je voudrais seulement vous remémorer certains
faits. En 1976, au début d'avril, que s'est-il passé? M. Trudeau
est venu à Québec. Il est venu. Il a causé comme Yvon
Deschamps. C'était fantastique. Il voulait rapatrier la constitution.
J'ai jugé
bon d'envoyer à tout le monde, les premiers d'abord, les
députés du Québec, le discours de Frédéric.
(22 h 15)
Deux semaines après, Jean Cournoyer veut acheter de Terre-Neuve
7% du territoire; acheter une partie de territoire, la tête des
rivières de la Basse-Côte-nord, signifie officialiser à
tout jamais, au niveau de la Cour internationale, que l'autre possède le
territoire. C'est aussi simple que cela. N'importe quel gnochon, n'importe quel
cornichon est capable de comprendre cela. Qu'est-ce que vous avez fait, M.
Jacques-Yvan Morin? Votre chef de cabinet, Louis Bernard, m'a envoyé un
accusé de réception où le mot "Labrador" n'était
même pas mentionné. Du côté de Bourassa, je n'ai
même pas eu d'accusé de réception. Bon! Je ne veux en faire
une question partisane d'aucune façon.
Récemment, M. Morin dit ceci. Ce que je vais vous dire, c'est
qu'il n'y a aucun gouvernement du Québec qui ait jamais accepté
le rapport Dorion; mais dans les cartes, actuellement, qu'y a-t-il? Le Devoir,
récemment, les journaux l'ont repris, le Québec est à la
veille d'officialiser, pour un plat de lentilles hydrauliques, consistant dans
la tête des rivières de la Basse-Côte-Nord qui
représente 7% du territoire... C'est tout, c'est la position de Henri
Dorion. Pour moi, c'est le moment; veux ou veux pas, il faut poser la question.
Mme la Présidente me dit de faire attention un peu, je vais faire
très attention.
Clément Marchand, directeur du Bien Public de
Trois-Rivières et écrivain, un homme d'un certain âge, me
disait ceci: Paul, la question du Labrador, c'est la honte au front des
Québécois. La honte au front doit disparaître. Que ce soit
dans l'indépendance ou dans le fédéralisme
renouvelé, simplement. Jamais le Québec ne peut aller à La
Haye ou ailleurs - à La Haye, il faut que les deux parties soient
consentantes - s'il pose trop d'actes d'officialisation. C'est simple comme
bonjour.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: M. de Bané, je veux vous poser très
brièvement une question de priorité. J'avais le grand
privilège, il y a quelques années, de passer un an au London
School of Economies où il y avait 10% d'Anglais et 90% de gens d'autres
pays du monde. Je pense que je ne suis pas le seul dans cette salle qui ait
passé quelques mois à cette institution. On avait le
privilège de rencontrer des gens de partout dans le monde, de tous les
pays du monde. J'ai été frappé, à l'époque,
d'apprendre que le monde, la terre était divisée par les
politiciens complètement, à 100%, en pays. Il n'existe pas un
seul morceau de la terre ou même de la mer qui n'est pas
réclamé par l'un ou l'autre des politiciens de tel ou tel
pays.
Une autre chose que j'ai constatée, c'est que, dans la plupart de
ces pays, il existe des gens comme vous, très honnêtes, qui
travaillent très fort pour persuader leurs concitoyens qu'ils ont droit
à une partie d'une autre région. Finalement, je me suis
aperçu également que toutes les frontières du monde sont
très artificielles. La ligne qui divise le Canada des États-Unis
a été conçue par des politiciens je ne sais pas comment,
mais d'une façon irréaliste.
Une voix: Mais pas positive.
M. Scowen: La frontière ouest du Québec a aussi
été établie par des politiciens. Le nord du Québec
a été consacré au Québec par le gouvernement
fédéral, à un moment donné, par un traité,
une déclaration, une loi, je ne sais pas trop. Alors, nous vivons, les
humains de tous les pays du monde, dont le Québec, à
l'intérieur de frontières artificielles conçues par des
politiciens, basées sur quelques lignes de latitude, de longitude, une
rivière ici, une montagne là, c'est artificiel. En Afrique, en
Amérique du Sud, et surtout en Europe et dans l'Orient, au Liban, en
Égypte, en Israël, il y a des gens qui sont même prêts
à faire la guerre pour récupérer les terres qui sont,
d'après eux, leurs propres terres. C'est une industrie. En effet, vous
faites partie d'une industrie mondiale, une industrie sérieuse de
récupération des terres qui appartiennent à un pays, mais
qui sont maintenant la propriété d'un autre pays. C'est une
industrie honorable, je n'ai rien contre. Au London School of Economies, j'ai
eu l'occasion de rencontrer beaucoup de gens, de tous les pays du monde, qui
s'occupaient de cette industrie d'une façon très
sérieuse.
J'ai été très frappé par un livre
écrit par un homme, un Néo-Anglais qui s'appelle Elie Kedourie.
Je vous le recommande, il s'intitule "Nationalism". Ce livre a
été écrit en anglais même si Elie Kedourie
était Égyptien ou d'une autre nationalité, je ne me le
rappelle pas. J'ai été frappé par le fait que toutes les
frontières sont artificielles et basées sur les décisions
souvent malhonnêtes des politiciens. Alors, je n'ai pas
étudié avec vous et M. Dorion le bien-fondé de votre
argumentation sur ces frontières. C'est une, parmi les frontières
du monde, qui est probablement artificielle et mal conçue.
Mais la question que je veux vous poser, c'est la suivante. Je vois,
à la fin, que vous habitez Grondines, le troisième rang. Vous
avez une femme. Vous avez des préoccupations familiales, humaines. Vous
avez toutes sortes de préoccupations. Nous autres, ici, au gouvernement,
nous avons des malheurs. Nous avons des malheurs qui
touchent nos problèmes linguistiques; je pense que tout le monde
est d'accord. Nous avons les malheurs qui touchent le développement
économique. Nous avons les malheurs qui touchent les personnes
défavorisées au Québec. Nous avons les malheurs
fédéraux-provinciaux. Nous avons aussi, d'après vous -je
ne conteste pas le bien-fondé, je le répète, de votre
argumentation - un malheur qui touche la frontière entre le
Québec et Terre-Neuve qui, après tout, n'est pas une province
trop riche ou très douée, mais c'est une autre province. Je pense
que je peux comprendre votre préoccupation. Je comprends que, pour vous,
c'est une préoccupation importante.
D'après vous, pour le vice-premier ministre du Québec,
pour le premier ministre du Québec et pour nous tous, où ce
problème de la frontière Labrador-Terre-Neuve-Québec, si
vous voulez, dans l'ordre de priorités que nous avons ici, aujourd'hui,
où doit-on le situer? Est-ce qu'on doit se lancer en guerre, comme
plusieurs pays l'ont fait à cause de problèmes de
frontières? Est-ce qu'on doit le mettre dans un deuxième ou
troisième rang d'ordre de priorités? Je ne parle pas de
troisième rang au ... mais troisième rang dans nos
priorités.
Est-ce que, en effet, les 6,000,000 de Québécois ont
beaucoup à gagner? Est-ce que nous serons beaucoup plus heureux si,
demain, nous nous lançons en guerre contre Terre-Neuve, sur ce point?
Est-ce que nous risquons d'ouvrir d'autres questions quant aux
frontières officielles qui définissent le Québec? Est-ce
que vous recommandez au député des Iles-de-la-Madeleine, au
député de Deux-Montagnes et au député de
Notre-Dame-de-Grâce de laisser tomber les autres préoccupations et
de se lancer dans une guerre sur ces questions en priorité? Ou est-ce
qu'on doit s'occuper de ça après qu'on aura réglé
d'autres problèmes qui ont été soulevés
aujourd'hui?
La Présidente (Mme Cuerrier): M. de Bané.
M. de Bané: C'était merveilleux d'entendre
votre...
M. Scowen: Merveilleux?
M. de Bané: Merveilleux! Félicitations,
monsieur.
Je voudrais juste, pour faire le pendant - je vois M. Marx - à la
remarque que j'ai faite pour M. Morin, tantôt; j'ai remis à M.
Marx, en 1976, alors qu'il était professeur à l'Université
de Montréal, une copie du discours de Frédéric Dorion.
Je reviens un peu à ce que vous avez dit; moi, je crois ceci,
absolument comme vous, que les frontières sont artificielles. Et
même, dans le cas de la frontière sud du
Québec, le négociateur anglais était
complètement "chaud" lorsqu'il a fait l'accord avec le
négociateur américain, c'est pour cela que ça se
découpe aussi mal. Ce sont les faits.
Une des plus belles pensées que j'ai jamais entendues dans ma
vie, c'est celle de l'avocat de Montréal, du Parti libéral, qui a
participé au livre beige, c'est un type merveilleux, M. André
Tremblay, il a dit ceci...
Mme LeBlanc-Bantey: II l'était!
M. de Bané: II l'était, d'une façon ou d'une
autre. Il a dit ceci: Écoutez, un territoire, c'est important; pas de
territoire, pas de juridiction. Moi, je me suis intéressé
à la question du Labrador simplement pour ceci - je suis un peu un homme
de stratégie, du moins je le crois. - je me suis dit: Pour faire un
monde meilleur, le Québec avec le Labrador va être plus fort pour
aider d'autres personnes, ailleurs, sur la même longueur d'ondes, un
Québec sans Labrador va être drôlement handicapé. Je
l'ai vu dans ce sens. Conséquemment, on dit que Terre-Neuve est pauvre.
Ce n'est pas une raison, ça. Terre-Neuve est pauvre, on va faire des
souscriptions, on va aider les Terre-neuviens financièrement. Mais on ne
leur donnera pas un cinquième de notre territoire. On va leur donner
cinq cinquièmes s'ils s'annexent à nous. Ne pressons pas les
choses. Terre-Neuve tombe dans le qiron du Québec. Ce sont de complets
imbéciles. Je ne parle pas du peuple. Tous les peuples sont bons, sont
intelligents et ont un gros bon sens. Mais les artisans de la politique
terre-neuvienne se trompent de croire que Québec va les favoriser, s'ils
manquent de respect dans un contentieux aussi grave, cela n'a aucun sens. Il y
a une réciprocité. Ce sont nos premiers voisins, on a un premier
devoir envers nos frères terre-neuviens. Ce sont nos premiers voisins,
ce ne sont pas les États-Unis, ce ne sont pas les Maritimes, c'est le
Québec. Il y a un lien possible par le détroit de Belle-Isle. Ils
vont pouvoir atteindre le continent. Tout est possible pour les Terre-neuviens.
Pas parce qu'ils ont du pétrole. C'est parce que la nature nous a
placés côte à côte tout simplement.
Je vous dis ceci: Je n'ai jamais parlé des richesses du Labrador.
Je n'ai jamais parlé de propriétés. Jamais! Pour moi,
c'est une question de juridiction. Une juridiction profite aux membres de la
collectivité. Elle a un devoir envers les voisins. Elle a un devoir
envers tout le monde. J'irai plus loin. Si jamais on doit perdre le Labrador...
D'ailleurs, au printemps je ne m'en occuperai plus du Labrador; cela fait
treize ans que je m'en occupe; je ne m'en occuperai plus, parce que je suis
convaincu qu'il est dorénavant entre bonnes mains, entre les
vôtres. Je vais vous dire ceci... Il arrive des fois qu'on est
décourt-circuité. Je suis décourt-circuité, mais je
voudrais...
La Présidente (Mme Cuerrier): Je veux simplement vous dire
que nous filons vers la fin de l'heure qui nous est allouée et je vous
demanderais autant que possible de faire assez rapidement. Je n'accorderai plus
qu'une seule question après votre réponse.
M. de Bané: Pour répondre un peu à la
merveilleuse présentation du camarade député de
Montréal, je crois...
La Présidente (Mme Cuerrier): De
Notre-Dame-de-Grâce, M. de Bané.
M. de Bané: Je vous remercie. Je dirais que le
Québec doit absolument établir présentement, c'est
très important, une position claire et non équivoque. On ne
demande pas au Québec de faire une croisade. Ce n'est pas
nécessaire. Si, un jour, c'est nécessaire, le Québec
prendra les armes et récupérera ses territoires, à
l'extrême limite. Mais antérieurement, il faudra épuiser
toutes les ressources. C'est normal. Premièrement, jamais l'Ontario ne
se serait présentée à la conférence
constitutionnelle à Ottawa, si elle avait vécu quelque chose de
similaire, jamais. Cela a pris le Québec, avec tout son coeur, pour
faire passer l'intérêt de la fédération avant. (22 h
30)
Je voudrais seulement ouvrir une parenthèse. Cela semble
très délicat. M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce est sensible, mais je crois qu'à un moment
donné, on n'a pas de choix. C'est sûr que ce n'est pas une
priorité, mais si, un jour, c'est nécessaire, le Québec
devra le faire, recourir à la force et régler ce
problème-là. On n'a pas de choix. Sans cela, pourquoi ne
laisserait-on pas partir le territoire tout le long du Québec voisinant
l'Ontario? L'Ontario fait partie du Canada, bon Dieu!
En terminant, je vais vous dire ceci: Je suis d'accord que tout le monde
baisse ses culottes en même temps. Cela veut dire simplement ceci: Ne
laissons pas partir les frontières inutilement lorsque tout le monde
dira: Les frontières, c'est idiot, c'est artificiel. Je suis 100%
d'accord avec vous. J'espère qu'en l'an 2000, il n'y aura plus de
frontières. Mais au cas où les gens ne baisseraient pas leur
culotte à ce moment-là, on est mieux d'avoir le Labrador.
M. Scowen: Je remercie notre invité de son
intervention.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Chauveau, ce sera la dernière question.
M. O'Neill: Mme la Présidente, la question que je voulais
poser portait sur le rapport de la commission Dorion, mais on y a
déjà répondu.
La Présidente (Mme Cuerrier): II ne me reste plus
qu'à vous remercier, M. de Bané, M. Bédard et Mme
Laprise-de Bané...
M. Savard (Conrad): M. Savard.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Savard?
M. Savard: Oui.
La Présidente (Mme Cuerrier): Je vous remercie. Au nom de
la commission de la présidence du conseil et de la constitution, merci
beaucoup pour votre témoignage et pour votre participation aux travaux
de la commission.
M. de Bané: Si vous me permettez, je vous remercie. C'est
le plus beau geste démocratique que je viens de vivre dans ma vie et
cela augure très bien pour la santé de notre démocratie et
de notre régime. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Cuerrier): Sur ce, la commission
ajourne ses travaux à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 30)