(Dix heures trois minutes)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît!
Bonjour et bienvenue. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission
des institutions ouverte. Je vous souhaite, encore une fois, la bienvenue. Je
vous demande, comme vous le savez très bien, d'éteindre la sonnerie de vos
appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 21, Loi sur la laïcité de l'État.
Avant de débuter, y a-t-il des remplacements, Mme
la secrétaire?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Lafrenière (Vachon) est remplacé par M. Campeau
(Bourget); M. Martel (Nicolet-Bécancour) est remplacé par Mme Grondin (Argenteuil);
Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne) est remplacée par Mme David
(Marguerite-Bourgeoys); M. Fontecilla (Laurier-Dorion) est remplacé par M. Zanetti
(Jean-Lesage); et M. LeBel (Rimouski) est remplacé par M. Bérubé
(Matane-Matapédia).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Ce matin, nous entendrons la Ligue d'action
nationale du Québec de même
que M. Guy Rocher.
Cela dit, je
souhaite donc la bienvenue aux représentants de la Ligue d'action nationale. Je
vous rappelle que vous disposez de 10
minutes pour votre exposé, puis après nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, encore une fois,
bienvenue, et je vous cède la parole.
Ligue d'action nationale
M.
Laplante (Robert) : Bonjour,
tout le monde. Merci beaucoup de nous donner l'occasion de faire valoir notre
point de vue sur ce projet de loi. C'est la deuxième fois que nous avons l'occasion
de rencontrer les parlementaires sur le même sujet et nous espérons que, cette fois-ci, ce sera la bonne. Et
nous tenons à souligner que nous voulons appuyer fermement la volonté du
gouvernement et que nous endossons le projet de loi.
Il est important
au bout de 10 ans de tergiversations de doter le Québec d'une base
véritablement solide pour aborder son
avenir et l'aborder dans des conditions qui vont permettre la véritable
expression de la souveraineté populaire. Et c'est dans ce cadre et pour cette raison que nous soutenons
fermement la volonté du gouvernement de procéder en recourant à la clause dérogatoire prévue à la Constitution du
Canada, Constitution que nous n'avons pas signée, qui nous a été imposée
et que, pour notre part, nous ne
reconnaissons toujours pas, même si nous concédons que le gouvernement du Québec a choisi de
la respecter, même s'il s'agit clairement d'une mise en tutelle de la
souveraineté du peuple.
Et, à cet égard, nous pensons qu'il est du
devoir des représentants élus du peuple québécois de faire valoir la souveraineté de l'Assemblée nationale et de
placer la délibération dans l'enceinte de cette Assemblée et nulle part
ailleurs. Nous considérons qu'il est absolument
superflu, et, jusqu'à un certain point, illégitime, de concéder à un tribunal une
autorité sur la volonté du peuple, un
tribunal qui interprète une constitution que nous n'avons pas reconnue et qui
va le faire en référence à des critères qui ne sont pas ceux sur
lesquels est construite la volonté populaire québécoise.
Ce recours à la clause dérogatoire, il est également
justifié de l'accompagner de l'enrichissement de la charte québécoise des droits et libertés de la personne.
Introduire, dans cette charte, une déclaration de principes que la laïcité est
au fondement des droits et de la configuration des institutions qui font la
souveraineté du peuple du Québec est un jugement essentiel, c'est un
enrichissement de la charte que nous considérons comme bienvenu.
Cet enrichissement, il est aussi, on le sait,
justifiable également pour la mettre à l'abri des éventuelles manoeuvres
que le gouvernement canadien et que des groupes, s'en réclamant ou bénéficiant
de son soutien, vont nécessairement déclencher contre la charte et contre le
projet de loi.
Le soutenant,
donc, ce principe de la laïcité dans la charte québécoise, nous allons gagner
du temps. Je dis bien gagner du temps puisque nous savons que ce projet
de loi, même adopté avec l'appui de l'Assemblée nationale, sera contesté. Il sera contesté pourquoi? Parce que,
dans ses principes mêmes, il va à l'encontre de la doctrine d'État canadienne,
doctrine qui a fait du multiculturalisme une composante essentielle de
l'intégration de ses citoyens.
Et cette
matrice d'intégration par le multiculturalisme, c'est essentiellement la
négation du statut national du Québec, et
c'est également, bien entendu, un élément central de la doctrine canadienne,
qui, même si le Canada se targue de ne pas avoir de culture de convergence, et c'est son paradoxe, se fait tout de
même le tenant d'une doctrine qui est associée à son identité profonde.
À cet égard,
c'est important de rappeler, c'est le Canada qui fait du combat de la laïcité
un débat identitaire. Pour notre part, nous en faisons un conflit de
légitimité. C'est la volonté du peuple du Québec qui est mise au défi par les
institutions fédérales et c'est la raison pour laquelle il faut tenir fermement
à la clause dérogatoire.
Il
faut le tenir également parce que le principe de la laïcité renvoie nos
institutions à un esprit séculaire, celui de la philosophie des lumières qui a inspiré la pensée républicaine. Nous ne
rejetons pas seulement la Constitution du Canada, nous en rejetons le régime et les catégories
intellectuelles et philosophiques de ce régime. Il faut faire valoir le primat
des hommes sur les préceptes religieux, ce
qui ne se fait pas dans la monarchie constitutionnelle canadienne et dans la
Constitution, que nous n'avons pas signée.
Et, à cet
égard, nous saluons la volonté du gouvernement de placer ailleurs que dans
l'enceinte de délibération le crucifix.
Nous aimerions également qu'il en fasse autant pour les symboles de la religion
anglicane. Je vous rappelle que la reine
d'Angleterre et du Canada est aussi un chef religieux, et, de ce point de vue,
il faudrait traiter la religion anglicane comme toutes les autres et la
sortir de l'enceinte.
• (10 h 10) •
La laïcité
est absolument consubstantielle à la pensée républicaine, c'est par elle que
les citoyens sont tous égaux devant
les lois, c'est par elle que la délibération peut se faire sans que personne ne
puisse faire prévaloir autre chose que la volonté du peuple. Le communautarisme soutenu par le multiculturalisme
ne fait que donner une apparence de tolérance
à un régime qui, par définition, place en
concurrence les croyances et déplace, dans une éternelle mouvance, les
principes qui devraient inspirer la délibération du peuple.
Il faut donc,
à cet égard, réaffirmer que le lien social qui est défini par nos institutions se situe dans ce monde et non pas
hors du monde, et qu'il tient de la volonté des citoyens et non pas de la
puissance concurrentielle des communautés de croyances auxquelles ils pourraient
être tentés de se référer.
Il y a
donc essentiellement nécessité d'établir un espace neutre. Cet espace, nous le
croyons aussi, doit être celui des institutions, et, en particulier, celui de l'institution par excellence de la reproduction sociale,
l'école. Et, de ce point de vue,
il nous semble essentiel que tous les acteurs en présence des enfants affichent
la plus parfaite neutralité. De ce point
de vue, les professeurs ne sont pas
les seuls qui devraient être soumis à la règle d'exemption des signes
ostentatoires, mais bien tous les
personnels d'une école, tous ceux et celles qui interviennent auprès de nos
enfants, qui doivent être absolument exempts de toute référence à des principes et à
des croyances qui viendraient en concurrence avec l'affirmation solennelle : l'école est laïque, et ceux qui
la construisent sont tenus à respecter le principe de la laïcité
et à tenir un devoir de réserve quant à l'expression, pendant les heures
de travail, de leurs croyances et de leurs opinions. Il n'y a pas de différence
fondamentale à cet égard, aucune croyance ne peut se substituer au principe de
la laïcité.
Le Président (M.
Bachand) : Il vous reste deux minutes pour l'exposé, désolé.
M. Monière
(Denis) : Merci, M. le Président, de me donner ces quelques minutes pour intervenir plus directement dans le contenu du projet de
loi. Auparavant, je dois rappeler
que nous sommes la plus vieille revue du Canada et nous sommes la troisième plus vieille revue de langue française
au monde. Ceci nous amène donc à introduire un argument historique dans
ce débat, à savoir que la question de la laïcité se pose au Québec dans un
contexte de domination coloniale, et ce
débat existe depuis deux siècles, depuis la querelle entre les écoles de
fabrique et les écoles de syndics. Ce débat perdure. Une société ne peut
pas évoluer en étant empêchée d'avancer par un autre régime politique.
Ceci dit,
nous sommes très heureux de voir que le gouvernement du Québec,
avec ce projet de loi, s'inscrit dans la continuité historique des revendications des Patriotes, qui avaient
inscrit, dans leur déclaration d'indépendance en 1838, le principe de la séparation de l'Église et de l'État.
Ce projet de loi est un bon pas dans la bonne direction, mais il
est nécessairement insuffisant.
Il est trop limité dans ses objectifs.
Nous
aimerions attirer l'attention des membres de cette commission
sur ce que devrait être un État
laïque. Un État laïque ne s'impose
pas simplement par des considérations sur le port de signes ostentatoires. Un
État laïque devrait s'attaquer au
financement des écoles confessionnelles. Un État laïque devrait aussi établir
une justice fiscale, car il est inadmissible que des non-croyants, par leurs impôts, contribuent au financement de la
propagation de la foi. Nous sommes en faveur de l'égalité de tous les
citoyens, pas seulement les citoyens croyants, mais aussi l'égalité des
citoyens non croyants.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Nous allons passer à la période d'échange. M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le
Président. Salutations à vous, aux membres de la commission. M. Laplante, M.
Monière, bonjour. Merci de participer aux travaux de la commission aujourd'hui.
Écoutez,
lorsque j'ai pris connaissance de votre mémoire, notamment, vous dites dans le
cadre de celui-ci qu'on devrait
s'inspirer du gouvernement de René Lévesque et enchâsser des dispositions de
dérogation sur l'ensemble des lois du Québec. Alors, je crois dénoter
par ce propos que vous êtes en accord avec le fait qu'on utilise les dispositions
de dérogation prévues à la charte québécoise
et à la Charte canadienne, mais aussi
vous voudriez qu'on aille beaucoup plus loin
et que toutes les lois adoptées par l'Assemblée
nationale soient... on utilise les dispositions de dérogation des deux chartes.
C'est bien ça?
M.
Laplante (Robert) : C'est tout à fait exact, il ne doit y avoir nulle autorité au-dessus de l'Assemblée nationale du Québec, qui est le
lieu et la voie d'expression de la souveraineté du peuple du Québec.
M.
Jolin-Barrette : Et donc,
pour vous, l'idée, c'est de soustraire toutes les lois au fait qu'il y a
un contrôle des tribunaux en lien
avec, supposons, pour les articles... la charte des droits et libertés, donc
pour la Charte canadienne, les articles 2, 7 à 15 ne s'appliquent jamais
et que ce soit uniquement le Parlement du Québec qui légifère sur ce dossier.
M. Laplante (Robert) : C'est fondamental, c'est fondamental. Cette Constitution est illégitime, c'est même la
Cour suprême du Canada qui
a trouvé son rapatriement plutôt mal venu, et il n'y a aucune raison que le Québec y
souscrive. Et, tant et aussi longtemps
que le Québec n'aura pas sa propre constitution et son
indépendance pleine et entière, il faut profiter de toutes les occasions pour affirmer notre volonté, affirmer
la souveraineté de l'Assemblée
nationale et élargir l'espace de liberté. Il ne faut pas que les
représentants élus du peuple québécois soient mis en échec par des juges nommés
par un gouvernement étranger.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais, dans le cadre qui nous occupe, là, sur la
question de l'utilisation de la disposition
de dérogation pour le projet de loi n° 21, là, vous êtes d'accord avec le fait que le
débat soit tranché par les parlementaires québécois et non pas que la définition
des rapports entre l'État et les religions se fasse devant les tribunaux. Vous
trouvez ça légitime que ce soit ici, à l'Assemblée nationale, qu'on détermine
c'est quoi, ces rapports-là?
M. Monière
(Denis) : Exact. C'est exactement le contenu de notre pensée. Vous
savez que tous les partis à l'Assemblée
nationale qui ont été au gouvernement ont appliqué la clause dérogatoire, vous ne serez pas le premier à le
faire. Ce n'est pas une clause qui a été demandée par le Québec,
c'est une clause qui a été demandée par les provinces de l'Ouest pour
signer la Constitution. Donc, cette clause dérogatoire, elle est totalement
acceptable dans le cadre constitutionnel canadien.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur l'aspect de la charte québécoise,
dans le cadre du projet de loi, on vient modifier la Charte des droits et libertés de la personne,
appelée la charte québécoise, pour y inclure, dans le préambule, la laïcité
de l'État et même chose à l'article 9.1, ajouter également la laïcité de
l'État pour que les droits et libertés fondamentaux s'interprètent à la lumière de la laïcité de l'État. Souvent, il y a plusieurs
personnes qui vont dire : La charte québécoise, c'est lié à l'identité québécoise.
Est-ce que, pour vous, le fait de modifier la charte, ça amène une tension avec
l'identité québécoise ou la laïcité, ça devrait faire partie
intrinsèquement de la Charte des droits et libertés de la personne?
M. Monière (Denis) : La laïcité devrait faire partie de la charte comme principe
d'interprétation des lois votées par
le Parlement. Cette charte, comme n'importe quelle charte, va évoluer dans le
temps. Il n'y a pas de coulage dans le béton, de principe qui guide l'interprétation des
lois; ceci est un processus évolutif. Donc, c'est tout à fait acceptable et même positif pour un État laïque de se référer à ce
principe de la séparation entre les religions et l'État. C'est très important que
ce principe... parce qu'il fonde, et on rappelle ici, il fonde l'égalité et la
liberté des citoyens. Et, à mon avis, ça ne fait pas partie de l'identité québécoise, ça peut vous surprendre que je dise
ça, parce que la laïcité n'est pas québécoise, la laïcité est un
principe universel qui, depuis le siècle des Lumières, s'établit dans les
nations modernes pour gérer les conflits
entre croyances. Et donc le Québec a évolué lentement vers la modernité, mais
vous allez nous faire faire un pas supplémentaire.
• (10 h 20) •
M. Jolin-Barrette : Espérons que, tous ensemble, nous allons faire faire un pas vers la
modernité, comme vous le dites.
Vous
avez abordé beaucoup la question
de l'univers juridique et intellectuel du monarchisme anglo-saxon dans le cadre de votre mémoire. Vous dites... écoutez,
je crois dénoter de vos propos que, pour vous, le Québec
est une société distincte qui a des spécificités propres, mais vous nous dites aussi, dans le mémoire :
On devrait aller beaucoup plus loin. Alors, pour vous, est-ce que le
projet de loi, il est modéré ou il est radical?
M. Monière (Denis) : De toute évidence, très modéré, parce qu'il n'attaque pas les aspects
importants de la laïcité de l'État.
On les laisse de côté, et je peux comprendre que, stratégiquement, ce soit
nécessaire de le faire, mais il faudra revenir
à charge. Ce n'est pas une question qui sera réglée après la loi n° 21, il y a d'autres dimensions majeures pour établir une véritable laïcité au Québec, et j'ai
parlé tout à l'heure de la justice fiscale. Il est tout à fait inadmissible que
des religions, des institutions religieuses profitent d'avantages fiscaux
auxquels les simples citoyens n'ont pas droit.
M. Jolin-Barrette : O.K. Et, au niveau de l'histoire du Québec, dans le cadre du projet de
loi, à l'article 16, on prévoit une
protection pour l'aspect patrimonial. Il y a un groupe qui est venu nous
dire : Écoutez, vous devriez peut-être faire référence au patrimoine multiconfessionnel du Québec. Donc, de
faire référence, bon, à tout ce qui est de la chrétienté, catholicisme, anglicanisme, le judaïsme, l'islam.
Donc, comment vous accueillez ça si on changeait, dans le cadre du projet
de loi, la référence au patrimoine multiconfessionnel plutôt qu'au patrimoine
confessionnel?
M. Laplante (Robert) : Un principe d'application universel s'applique à
toutes les confessions. Et, évidemment,
puisqu'on parle de protection du patrimoine
religieux, bien, bien sûr, les édifices et les monuments qui mériteraient
une protection doivent être avérés d'intérêt patrimonial. Mais je vois très
bien la protection des synagogues. Écoutez, le Québec a été à l'avant-garde
de l'Occident en ce qui concerne les droits des Israélites, je ne vois pas
pourquoi nous ferions preuve d'étroitesse d'esprit et de singulière
pensée rétrograde en niant les présences matérielles de ce gain que la société québécoise
a réalisé. Donc, la protection du patrimoine est d'un intérêt
national, et cet intérêt-là, il est évidemment défini dans les caractéristiques pluralistes de notre société. Le Québec n'a jamais été une société entièrement catholique, et, à cet égard, il ne le sera pas
davantage au lendemain de l'adoption du projet de loi n° 21, si j'ai bien lu.
M. Monière
(Denis) : J'aimerais ajouter
un point supplémentaire. Il faut parler de patrimoine, mais de patrimoine
immatériel aussi. Parce que vous avez
évacué, dans votre question, la part que les autochtones ont jouée, et donc
il est évident
que le patrimoine religieux autochtone
devrait aussi être pris en considération. Mais ça me semble difficile dans
la mesure où ce patrimoine est de nature
plutôt immatérielle. Mais, avec l'UNESCO, on sait très bien que le concept de
patrimoine immatériel, maintenant, est
reconnu, et donc je pense que, si jamais vous alliez dans cette direction, sans
trop être détaillé, il faut aussi
inclure le patrimoine religieux autochtone animiste, hein, qui est une très
grande différence par rapport à notre patrimoine religieux fondé sur la
vérité révélée par le livre.
M.
Jolin-Barrette : M. le
Président, je vous remercie. Je sais que j'ai des collègues qui veulent poser
des questions, mais je vous remercie de votre présence en commission
parlementaire.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Bourget.
M.
Campeau : Merci, M. le Président. M. Monière, M. Laplante, bonjour.
Moi, j'ai toujours vu que la position du
gouvernement, c'était de vouloir régler un problème relié à la laïcité. J'en
entends parler partout, j'en entends parler dans mon comté : On va-tu finir d'entendre parler de ça? Alors,
moi, ça date de plus de 10 ans, et c'est tout, si on peut cerner ce
problème-là, l'entourer le mieux possible, ce ne sera jamais parfait, ça va
être bien.
Ce qui
m'inquiète dans votre position, c'est que j'ai peur que vous fassiez dévier le
débat en parlant de république... Moi,
je vais juste parler de laïcité, juste ça, là, seulement. J'ai peur que vous
mettiez de l'huile sur le feu.
N'avez-vous pas une crainte vous-même de faire dévier le débat et de
mettre de l'huile sur le feu au lieu de régler un problème?
M. Monière
(Denis) : Écoutez, nous,
nous ne sommes pas des sapeurs-pompiers. Vous savez, comme moi, ou vous l'avez peut-être appris, que gouverner, c'est prévoir, et donc on doit, je
pense, quand on est un législateur, envisager toutes les dimensions d'un problème et pas seulement un aspect
particulier. Et donc notre but n'est pas de faire peur, notre but est de dire les choses comme nous les pensons.
Nous sommes aussi des citoyens, nous avons des opinions et nous croyons
que le Québec y gagnerait, à avoir un véritable État laïque, comme l'espéraient
les patriotes en 1837. Ceci fera-t-il peur à
des gens? Non. Ceci les amènera à réfléchir aux diverses considérations qui
sont sous-jacentes au problème de la
laïcité. La laïcité, ça ne se limite pas à gérer les habits des gens qui
travaillent pour l'État, et il faut que les gens le sachent.
Le Président
(M. Bachand) : Ça va? M. le député de...
Une voix : Je pense qu'il y
en a d'autres personnes, qui veulent intervenir, n'est-ce pas?
Le Président (M. Bachand) :
Merci. M. le député de Chapleau, s'il vous plaît.
M. Lévesque
(Chapleau) : Oui, merci beaucoup. Merci, M. Laplante et
M. Monière, chers collègues, bonjour, tout le monde.
À la lumière de votre mémoire, vous dites que
«tout citoyen a le droit de recevoir des services publics dans la sérénité sans être obligé de s'exposer à des
croyances qu'il ne partage pas». Ça, c'est une de vos lignes... de votre
mémoire. Vous avez raison, c'est une
des bases du projet de loi, mais cette base est quand même implicite.
Pensez-vous que ça devrait devenir de façon explicite dans le projet de
loi, donc que ça soit clairement écrit ou dit?
M. Laplante (Robert) :
Absolument.
M. Monière (Denis) : Nous avons
prévu — on
n'a pas eu le temps de le dire, mais vous l'avez dans notre mémoire — qu'il devrait y avoir un considérant
supplémentaire au départ, celui-ci étant : que l'État du Québec
entend reconnaître la laïcité comme
caractéristique fondamentale du régime politique fondé sur l'autorité du
peuple, ce qui cadre très bien cet aspect de la question. Mais ça, ça
suppose un considérant que vous devriez ajouter comme législateurs.
M. Lévesque
(Chapleau) : Merci. Il y en a qui prétendent qu'il n'y a pas vraiment
d'analogie à faire entre le projet de
loi n° 21 sur la laïcité et la loi 101 à l'époque. Vous qui êtes un
groupe ayant un intérêt, une expertise également en matière linguistique, pouvez-vous nous en dire
plus, dans le fond, sur ce que vous pensez de l'analogie entre la loi 101
puis le projet de loi à l'étude?
M. Laplante (Robert) : Alors,
pour bien comprendre ce lien, il faut réfléchir aux positions et aux postures sous-jacentes. La Constitution du Canada a été
rapatriée, on y a enchâssé la charte canadienne pour empêcher la constitution
du Québec français. C'était la loi 101
à ce moment-là. Plus tard, ce sera la loi n° 99,
et, peut-être, éventuellement, le projet de loi n° 21 subira-t-il
le même sort. Ce qui est en cause dans chacun de ces cas, c'est l'affirmation
que l'Assemblée nationale du Québec est
l'expression suprême de la volonté du peuple du Québec, ce qu'évidemment le
régime canadien nie. Le Québec est une nation, mais c'est une nation empêchée
par un régime dont l'architecture a été conçue pour en contenir
l'expression et l'épanouissement.
Le Président
(M. Bachand) : ...s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Bonjour, messieurs. Vous dites, en lien avec
l'obligation de recevoir des services à visage découvert, que ce qu'on
prévoit dans le cadre du projet de loi, que, pour des motifs d'identification
et de sécurité, on doit
se découvrir, vous dites : Écoutez, on devrait aller plus loin que ça, on
devrait l'exiger en tout temps. Je voudrais vous entendre là-dessus. Pourquoi, et pourquoi vous ne trouvez pas que la
position que le gouvernement a prise relativement à la réception des services à
visage découvert pour des motifs de sécurité et d'identification, ce n'est pas
la bonne approche, selon vous?
M. Laplante
(Robert) : Essentiellement,
nous avons fait un ajout parce que le texte dit : «lorsque nécessaire».
Dans notre compréhension de ce qu'est un
État laïque, la prestation des services doit être faite à visage découvert en
tout temps dans le contexte de la
prestation de services. Si les gens veulent se couvrir le visage en allant au
parc, en allant faire leurs emplettes au centre commercial, libre à eux.
Mais l'État ne doit pas consacrer, dans sa prestation de services, la
reconnaissance d'une ségrégation importée dans l'organisation des services
publics.
• (10 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Je reviens
là-dessus, mais toute la question, dans le fond, des... dans le cadre du projet
de loi n° 62, il y a eu un important et
un fort long débat par la précédente ministre de la Justice, qui avait présenté
le projet de loi, en lien, notamment, avec le fait que la prestation de
services, c'était pour l'interaction et la communication, notamment,
durant toute la prestation de service. Et on avait vu plusieurs
cas notamment d'application de la loi, notamment l'exemple de
l'autobus. Est-ce que la personne qui rentre dans l'autobus doit
conserver son visage à découvert durant toute la prestation du service? Je voudrais vous entendre là-dessus,
au niveau de l'applicabilité,
parce que je comprends que vous m'invitez à élargir la portée de l'article que
j'ai introduit. Je voudrais savoir comment vous voyez ça, au niveau de
l'applicabilité, au niveau, supposons, du critère de communication et
d'interaction.
M. Monière
(Denis) : Si je saisis bien
question, votre intérêt, c'est de savoir jusqu'à quel point les employés de
l'État pourraient travailler à visage couvert. C'est bien ça, votre...
M. Jolin-Barrette : Non, non, pas
les employés. Les employés, c'est très clair dans le projet de loi, tous les
employés de l'État travaillent à visage découvert. C'est au niveau...
M. Monière (Denis) : ...question des
usagers.
M. Jolin-Barrette : Les usagers.
M. Monière
(Denis) : Bien, dans les
questions d'autobus, par exemple, s'il n'y a pas de problème particulier,
une personne s'habille comme elle veut.
Évidemment, on ne peut pas prévoir toutes les situations dans un projet de loi,
mais il n'y a rien qui doit entraver la
façon de s'habiller des gens qui sont sur la rue, au parc, à la maison, au
théâtre, au cinéma. Les gens font ce qu'ils veulent, mais pas comme
employés de l'État. C'est ça.
Le Président (M.
Bachand) : En terminant, M. le ministre, oui?
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, ça, c'est très clair, là : dans
le cadre du projet de loi, tous les employés de l'État, dans le cadre de leurs fonctions, ont le visage à
découvert. C'est relativement aux usagers que l'identification est nécessaire
pour des motifs de sécurité ou d'identification. Alors, là-dessus, vous êtes
d'accord avec ça?
Des voix : Bien sûr.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme
David : Bonjour, messieurs, chers collègues. M. Monière, bonjour.
Écoutez, vous avez un mémoire qui traduit
réellement le fond de votre pensée, on peut saluer ça. Comme on pourrait dire
en bon québécois : Il n'y va pas avec le dos de la cuillère. Il est exactement là où vous êtes dans beaucoup
de positions que vous avez prises, non seulement pour aujourd'hui, mais pour bien d'autres dossiers, je pense qu'on
pourrait dire clairement, clairement indépendantiste. Je ne pense pas me
tromper.
Ce qui
m'embête un petit peu, c'est que vous êtes devant un gouvernement qui se dit
fédéraliste; ça, vous êtes conscients de ça. Et il n'y aura pas de
référendum et il y aura... et mon collègue me dit : Nationalisme. Encore
là, on va prendre facilement 12 minutes pour
faire la différence. Il y a eu des gens qui sont très nationalistes qui peuvent
être fédéralistes aussi, mais on est
dans un gouvernement fédéraliste. Et il doit être un peu déprimé en vous
lisant, quand même, parce que, clairement, clairement, vous ne serez pas
et vous n'êtes pas satisfaits de... à part le recours à la clause de dérogation
pour ce projet de loi ci, vous iriez immensément plus loin.
Puis, quand
je lisais votre mémoire, je disais : Mon Dieu! Que dites-vous à notre
gouvernement actuel? Parce que... «Nous
savons que, sans l'indépendance, jamais le Québec ne pourra se mettre à l'abri
du multiculturalisme, que jamais il ne pourra décider de lui-même sans avoir à
subir le juridisme de l'illégitime charte canadienne.» On appuie «le
projet de loi 21 parce qu'il permettra de préciser l'État que nous voulons tout
en faisant apparaître les limites [qu'impose] une constitution qui nous reste étrangère», etc. Donc, je me dis, vous êtes
déçus. Ils doivent être déçus peut-être de ne pas être aussi loin qu'ils
voudraient, mais ils sont fédéralistes/nationalistes.
Donc, comment
vous voyez que le gouvernement peut se gouverner en fonction de ce qu'ils ont
dans leur identité de parti? Et vos
représentations et votre vision à vous, vous qui êtes quand même, vous l'avez
dit, une très vieille, mais dans le bon sens, organisation qui milite pour
l'indépendance ou, à l'époque, très grand nationalisme canadien-français,
comme on disait.
M.
Laplante (Robert) : Bien, on
va laisser le gouvernement avec ses états d'âme, le ministre répondra. Nous
avons tenu à établir clairement que, dans le
contexte politique actuel, l'art du possible, c'est d'aller chercher un petit
gain, qui est celui que nous
permettra de faire le projet de loi n° 21. Nous savons que l'indépendance
n'est pas un événement, c'est un long
combat qui se gagnera pouce par pouce
et essentiellement par l'adjonction d'espaces de liberté. Alors, à cet égard, bien entendu, nous ne serons satisfaits que lorsque l'indépendance sera réalisée. Mais, entre-temps, nous savons aussi que le
réalisme politique nous dicte des choix. Et ces choix, c'est d'abord celui
d'affirmer qu'il n'y a personne au-dessus de l'Assemblée nationale du Québec,
que le régime canadien n'a pas à interférer. Première chose.
Deuxième
chose, une fois que cette affirmation est faite, quelles sont les possibilités d'élargir notre espace de liberté, étant donné ces contraintes,
dans lesquelles le gouvernement du Québec, comme ses prédécesseurs, a accepté
de fonctionner? Et nous respectons la
volonté populaire. Ce n'est pas parce
que nous la respectons que nous
allons renoncer à ce qui nous
apparaît comme essentiel. Et nous allons, sans relâche, expliquer à nos concitoyens
comme à vous tous ici qu'il n'y a pas d'espace stable dans le Canada
pour la liberté d'expression de la nation québécoise.
Aucun des
gains réalisés par le Québec n'a réussi à résister au travail de sape de ce
régime. On a charcuté la loi 101 à des centaines de reprises. Au moment
où nous nous parlons, il y a contestation de la loi n° 99.
Toutes les fois que s'affirme la volonté de l'Assemblée nationale comme expression populaire, il y a
contestation, parce que c'est un régime qui ne tolère pas notre existence nationale, qui a une architecture qui
nous réduit à être une communauté ethnique parmi les autres, ce que nous
refusons farouchement, parce que c'est contraire à ce que nous sommes et à
l'histoire.
Le Président (M.
Bachand) : ...Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme
David : D'ailleurs,
pour aller dans la suite de vos propos, vous commencez, on pourrait dire, en
lion, comme on dit. Quand vous
dites : «Voilà plus de 10 ans que les débats autour de la laïcité
de l'État du Québec s'enlisent dans des arguties innombrables ou les sophismes
s'ajoutent...» — ou...
ah! bien, ou devrait avoir un accent grave... «où les sophismes
s'ajoutent [aux parjures,] aux injures pour empoisonner la vie de la nation et
brouiller les esprits.»
Et ça
continue : «Dans une constitution
qu'il n'a pas choisie», bon. Alors, évidemment, pour les fédéralistes que
certains peuvent être et sont au Québec, disons que c'est... on lit ça avec un
petit peu de réactions, en disant : Est-ce qu'on injurie? Est-ce qu'on empoisonne la vie de la nation? Alors,
disons que c'est un petit peu... C'est sûr que c'est fait pour, un peu, nous faire réagir aussi. Ça polarise
un petit peu, peut-être, dans le sens de la question du député de Bourget.
Puis ça
continue, mais c'est correct, clairement, vous êtes... La Constitution qu'il n'a pas choisie, etc. On veut «mettre à l'abri [le projet de loi n° 21] des
manoeuvres de déconstruction [qui permettront] de mieux circonscrire...» La
légitimité vient du peuple, etc., souveraineté... Ça revient beaucoup.
Et là ça m'a
vraiment fait dire : Oui, mais il y a quand même un fondement de toute
société démocratique, qui est le
fondement juridique. Et le ministre va encore être déprimé d'une deuxième...
Non seulement ils ne sont pas souverainistes, mais, en plus, vous leur annoncez... Des fédéralistes l'ont annoncé,
mais vous, vous leur annoncez que le projet de loi va être contesté,
c'est certain.
Alors, bien,
aidez-nous à voir comment il va être contesté, parce que peut-être que le
ministre, il fait tout ça pour éviter
la contestation. C'est clair que le recours à la clause de dérogation, c'est
pour ça, c'est évident. Alors, expliquez-nous en quoi vous êtes certain,
certain que ce projet de loi va être contesté.
M. Monière (Denis) : Bien. C'est le
principe même de la délibération publique. Un projet de loi ne fait pas l'unanimité,
c'est très, très rare, et forcément il y a des divergences qui s'expriment, et,
dans la société, il y aura des contestations
qui prendront toutes sortes de formes. Et probablement aussi des formes
juridiques. Il n'y a pas de mystère là-dedans.
Je ne vois pas de problème. C'est la vie démocratique qui veut que, lorsqu'on
arrive à faire un choix valable pour l'ensemble de la collectivité, il y
en a qui ne sont pas d'accord, et donc ils vont continuer à contester.
Et ce
problème est encore plus grave au Québec, parce que ces gens vont contester en
s'appuyant sur la légitimité d'un
autre État, et c'est ça, le vice du fédéralisme canadien. Le Canada vient
contrer la volonté populaire du peuple et de ses élus parce qu'il a toutes sortes de moyens d'influence, dont la Cour
suprême, le système juridique, la
nomination des juges qui est faite par notre cher premier ministre.
Alors, vous
trouvez que c'est un système démocratique qui permettra au peuple québécois
d'exprimer librement ses aspirations? Nous disons non.
• (10 h 40) •
Mme
David : Et donc, par la même
occasion, vous dites au ministre qu'il erre grandement un utilisant la clause de
dérogation puisqu'elle ne donnera rien, parce que, selon le ministre,
c'est absolument ça, son outil pour éviter toute constestation
judiciaire.
M.
Laplante (Robert) : Le ministre
ne se trompe pas, il achète du temps. Nous savons que le régime canadien
fera essentiellement son oeuvre,
comme il l'a fait pour la fois où Robert
Bourassa a décidé de se prévaloir de
la clause. Il n'y a pas de gouvernement
du Québec à l'abri de ce déploiement
du régime fédéral, qui nie l'existence nationale du Québec.
Alors,
évidemment, il vaut mieux gagner quelques années, le temps que nous puissions
convaincre nos concitoyens que rien
n'est acquis de ce que notre Assemblée
nationale décide dans un régime qui a
pour fonction de la réduire à une grosse agence de services.
Mme
David : Alors, je voulais quand même
vous entendre un peu sur le rôle des juges, parce que, oui, vous dites
à la page 2 : «...la charte canadienne
est un instrument conçu pour confisquer leur travail de représentants du
peuple, pour réduire les pouvoirs de l'Assemblée nationale.»
Alors, je me
suis dit oui, mais on a quand même adopté à l'unanimité, en 1975, une charte québécoise
des droits et libertés, mais nulle
part, nulle part vous en faites mention, de cette charte québécoise,
comme s'il y avait un système au Québec avec des juges nommés, bon, par le Québec,
on a une charte québécoise, etc., et ça, vous êtes faites complètement fi.
M.
Laplante (Robert) : Au
contraire, c'est un acquis précieux, la charte québécoise, mais nous n'avons
pas de constitution ni de Cour suprême pour l'évaluer et en juger
l'évolution. Nous dépendons d'un tribunal étranger.
Mme
David : Est-ce que
j'ai raison de vous dire que la charte québécoise protège les droits, la liberté de religion,
la charte québécoise?
M. Laplante (Robert) : Absolument.
Mme
David : Et que c'est elle
qui a inspiré la charte canadienne, parce
qu'elle est arrivée avant. Alors,
qu'est-ce que vous faites de la liberté de religion dans la charte québécoise?
M.
Laplante (Robert) : La
liberté de religion, elle n'est pas, ici, remise en cause. Le projet de loi ne remet pas en cause la
liberté de religion, il définit de façon un peu plus précise les modalités du
devoir de réserve dans la prestation des
services — c'est
le cas en particulier des clauses qui touchent les codes vestimentaires — mais
il établit surtout que l'ensemble des
institutions de l'État ne forment pas un lieu d'expression
pour les croyances, quelles qu'elles soient, et pour toutes les croyances. Et, à cet égard, l'exigence de la neutralité
est une garantie précisément que toutes les croyances peuvent s'exprimer, que toutes les croyances
peuvent être acceptables dans les limites de la vie sociale, mais que, dans
l'État, elles sont placées sur le même pied d'égalité, même si, dans la
société, elles peuvent se concurrencer...
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député de Jean-Lesage.
M. Laplante (Robert) : ...et c'est
particulièrement le cas pour les non-croyants.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M. Zanetti : Merci, M. le Président.
Merci, M. Laplante, M. Monière.
Je partage
votre analyse sur la question de l'illégitimité du régime canadien. Québec solidaire considère que la Constitution,
les lois constitutionnelles canadiennes sont illégitimes, que la disposition de
dérogation par rapport à la charte canadienne a sa légitimité. Ici, par contre, ce qui m'étonne,
je reprends un peu ce qui vient d'être soulevé à peine, c'est que la question de la charte québécoise
des droits et libertés, bien, elle aussi, on décide d'y déroger. Est-ce que
vous la trouvez, elle, légitime?
M. Monière
(Denis) : On ne décide pas
de déroger, on décide de la compléter, de la développer, et ce n'est pas
du tout illégitime.
D'autre part,
il ne faut pas non plus s'imaginer que la charte québécoise a une valeur
constitutionnelle puisque c'est un
autre État qui décide de l'application des principes. Donc, non, la charte québécoise, elle est très bien, mais elle n'a aucune valeur constitutionnelle puisqu'il n'y a pas un tribunal québécois
qui l'interprète. C'est un tribunal canadien qui l'interprète. Voilà le
problème de légitimité qui est posé et il faut que les Québécois se rendent
compte de ces choses, parce que peu
de gens, peu de groupes informent la population des rapports de pouvoir qui
existent dans un régime fédéral.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M.
Zanetti : Merci. Donc, je comprends votre argument. Évidemment, moi, je veux que
le Québec soit un pays et puis qu'on ait une charte qui soit constitutionnalisée, et tout ça. Toutefois, il y a, dans le projet de
loi, une disposition de dérogation à
la charte québécoise des droits et libertés. Est-ce que vous le trouvez
légitime, qu'on déroge à une charte qui a été adoptée à l'unanimité, de
façon souveraine par cette même Assemblée nationale?
M. Monière (Denis) : ...cette
dérogation?
M.
Zanetti : Bien, c'est pour éviter les... Je n'ai pas assez de temps
pour aller refouiller et vous donner le numéro, là, mais... parce qu'il
me reste 50 secondes. Mais, en tout cas, j'aurais voulu avoir cette réponse-là.
Sinon, je
voulais savoir... bon, juste parce que j'aime ça qu'on aborde le sujet de
l'indépendance du Québec. Dans un
pays indépendant, est-ce que vous souhaitez qu'on ait une charte des droits et
libertés de la personne et des tribunaux qui nous soient propres, qui aient été choisis légitimement et qui
puissent, bien, protéger la liberté de religion, par ailleurs?
M. Monière
(Denis) : Bien, évidemment
qu'on veut protéger toutes les libertés de croyance, les religions n'étant
qu'une des croyances qui existent. Ce qu'on
veut éviter, c'est que la religion soit considérée comme une valeur supérieure aux autres valeurs
républicaines. Ça, c'est notre objectif et c'est pour ça qu'on va se battre,
dans une future constitution du Québec indépendant, pour que la religion
ou Dieu ne soit pas considéré comme au-dessus du citoyen.
M. Zanetti :
Et vous considérez que c'est le cas aujourd'hui au Québec?
M. Monière
(Denis) : Au Québec, c'est le cas parce que la Constitution canadienne
le prévoit.
M. Zanetti :
Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
Matane-Matapédia, s'il vous plaît.
M.
Bérubé : Merci, M. le Président. M. Laplante, M. Monière, je
cite votre mémoire : «Nous savons que, sans l'indépendance, jamais le Québec ne pourra se mettre à l'abri du multiculturalisme,
que jamais il ne pourra décider de lui-même
sans avoir à subir le juridisme de l'illégitime charte canadienne. Nous
appuyons le projet de loi 21 parce qu'il permettra de préciser l'État que nous voulons tout en faisant apparaître
les limites que nous impose une constitution qui nous reste étrangère. L'esprit républicain au fondement de la conception
québécoise de la laïcité est incompatible avec le régime monarchiste et
la sacralisation du multiculturalisme comme doctrines [d']État.»
Pour
nous, au Parti québécois, indépendantistes, nous sommes totalement d'accord
avec vous. Il n'y a pas d'ambiguïté. Puis il y a un double message que
vous envoyez, d'abord, à toutes les personnes au Québec qui souhaitent que
l'État québécois soit laïque ou pleinement
laïque, les limites de la Constitution canadienne. Alors, je les invite à faire
une réflexion très sérieuse sur les
objectifs qu'ils poursuivent et les limites qu'ils atteindront très rapidement.
Vous l'avez indiqué : clause dérogatoire,
on gagne du temps. Tôt ou tard, il faudra se rendre à l'évidence que la volonté
populaire exprimée par les parlementaires québécois et par grand nombre
de citoyens québécois est incompatible avec le régime constitutionnel actuel.
L'autre
message, il s'adresse à l'ensemble des indépendantistes. Les indépendantistes
auraient intérêt à s'unir en bloc
derrière le projet de laïcité, ce qui n'est pas le cas. Vous venez d'en avoir
une belle démonstration juste avant moi. Alors, aux deux groupes, ceux qui veulent la laïcité sans l'indépendance,
c'est une laïcité qui est partielle, qui est compromise, qui est temporaire, intermittente. Et, pour les
indépendantistes, il y a là une volonté d'exprimer un message fort au
nom du peuple québécois.
Alors,
là-dessus, j'aimerais ça vous accorder un moment à nouveau pour nous indiquer
en quoi la seule voie possible pour atteindre cet objectif, c'est
l'indépendance du Québec.
M. Monière
(Denis) : Dans tout mouvement indépendantiste, évidemment, il y a des
orientations diverses, et certains adoptent
une position au temps x, ils n'adoptent plus cette position au temps y, ce qui
met en cause évidemment la
crédibilité de leur discours. Parce que, s'ils se sont dit que la laïcité est
une grande vertu au temps x et, au temps y, ils disent que ce n'est pas important, bien, à ce moment-là, on peut aussi
mettre en cause leur discours sur l'indépendance puisqu'ils nous ont dit
dans le passé que l'indépendance, c'était une chose essentielle, alors, demain,
peut-être nous diront-ils autre chose.
Voilà. Ça, c'est les incohérences de certains politiciens. Ce n'est pas une
chose nouvelle non plus en politique, hein?
Le
Président (M. Bachand) : En terminant, oui.
M.
Bérubé : Sur la laïcité, à toutes ces personnes qui font la
réflexion que l'État québécois doit être laïque, puis, au-delà de ce qui est proposé, parce que vous
proposez une réflexion sur la financement des écoles confessionnelles, par
exemple, sur la fiscalité religieuse, il
m'apparaît que cette réflexion-là devrait s'accompagner de la seule clé pour
atteindre la laïcité qu'est
l'indépendance du Québec. On pourrait aller beaucoup plus loin sans avoir
constamment la peur que le gouvernement fédéral ou les tribunaux
puissent contester la volonté populaire du Québec.
Le Président (M. Bachand) : Merci. Malheureusement, désolé, malheureusement,
c'est tout le temps qu'on a. Mais je vous remercie infiniment pour votre
contribution, messieurs.
Je
vais suspendre les travaux pour quelques instants afin d'accueillir notre
prochain invité, M. Guy Rocher. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
10 h 50)
(Reprise à 10 h 53)
Le Président (M. Bachand) : À
l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux. Alors, au nom de la commission, je souhaite la
bienvenue à M. Guy Rocher. Et j'invite M. Rocher à débuter sa
présentation...
S'il vous plaît, à
l'ordre, merci! M. le député, s'il vous plaît!
Alors,
M. Rocher, vous avez la parole pour 10 minutes. Après ça, nous avons
un échange avec les membres de la commission. Alors, bienvenue, vous
avez la parole.
M.
Guy Rocher
M. Rocher
(Guy) : Merci, M. le Président, M. le
ministre, mesdames messieurs. Je vous
remercie de m'avoir invité, je vous
remercie de m'écouter, je vous remercie de tout le travail que vous faites dans
le but d'améliorer ce projet
de loi.
J'ai voulu
vous présenter un mémoire et venir vous le présenter avec l'objectif
de partager avec vous les raisons pour
lesquelles, depuis plus de 50 ans, j'ai appuyé la laïcité,
la déconfessionnalisation de nos institutions publiques. Et, dans mon mémoire — comme vous l'avez vu, qui est très court, pour
vous éviter trop de lecture — j'ai
proposé de regarder ce projet de loi à la fois dans une perspective historique, parce qu'il a une histoire, ce projet de loi, et
dans une perspective d'avenir, parce qu'un projet de loi de cette nature
est fait pour l'avenir.
Si l'on se
tourne vers le passé, il y a deux grandes transformations, deux grands
changements qui ont marqué le Québec
de manière très profonde. C'est d'abord, évidemment, la démocratisation du
système d'éducation, qui a fait que, depuis
50 ans, les Québécoises et les Québécois ont pu accéder à l'enseignement,
en grande partie gratuit, à l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur, sans discrimination, et, sur la
plus grande partie, et sur tout le territoire du Québec.
Et le deuxième grand changement, c'est la
déconfessionnalisation, qui a été un changement majeur, hein? Qui, la déconfessionnalisation, a été absolument
nécessaire à la démocratisation.
Il est apparu, très clairement, au début des années 60, au début de
la Révolution tranquille, que l'on ne pouvait pas démocratiser notre système
d'éducation en maintenant les structures
confessionnelles que nous avions à l'époque, parce que, ces structures
confessionnelles, elles étaient
nécessairement, de soi, discriminatoires, et elles ne pouvaient pas favoriser
l'ensemble des étudiants et des familles de toute la population
québécoise.
Je dirais que
ce qui a lancé la déconfessionnalisation, ce sont les années 1967, 1968,
1969. Ces trois années, elles sont
charnières dans l'histoire du Québec, parce que c'est dans ces trois années
qu'ont été créés les 30 premiers cégeps. C'est dans ces trois années qu'a été créé le réseau des Universités du
Québec. Si bien que, dans ces trois années, 1967, 1968, 1969, nous avons établi, au Québec, notre
système d'enseignement supérieur collégial et universitaire. Ces trois années
sont magiques en quelque sorte dans notre
histoire. Et, en même temps qu'elles sont magiques, ce sont les années où l'on
a, pour la première fois, institué
des institutions neutres, laïques, parce que, quand on a créé les cégeps, on
les a créés comme institutions laïques. Quand on a créé l'Université du
Québec, on l'a créée comme laïque. Et l'Université Laval et l'Université de
Montréal, à leur tour, se sont laïcisées. Ça a été le premier mouvement de
déconfessionnalisation.
La suite, évidemment, comme on le sait, a été
plus lente. La déconfessionnalisation des écoles primaires et secondaires a été
beaucoup plus lente. Elle a pris quelque chose comme 35 ans à se faire, à
cause, en particulier, de l'opposition des
protestants, qui ne voulaient pas perdre l'autonomie de leurs commissions
scolaires protestantes, à cause aussi
en partie des catholiques, qui voulaient maintenir ce qu'ils appelaient des
écoles à statut catholique. Mais, au primaire et au secondaire, pendant 35 ans, nous avons vécu dans un système
très particulier, parce que les structures étaient confessionnelles, les commissions scolaires
étaient confessionnelles, les écoles avaient pris un caractère confessionnel
ou gardé un caractère confessionnel, mais,
dans la réalité, l'enseignement n'était plus confessionnel. Pour une raison
bien simple. C'est qu'en particulier,
au secondaire, quand on a créé les polyvalentes, on est allé chercher des
enseignants qui étaient tous des
laïcs, et non seulement qui étaient tous des laïcs, mais des enseignants qui
avaient, à l'époque, des convictions religieuses
très variées. On avait, dans les premières polyvalentes, des nouveaux
professeurs qui, tout à coup, étaient athées, on n'avait jamais vu cela,
on avait des professeurs qui étaient maoïstes, il y en avait d'autres qui
étaient trotskistes, il y en avait d'autres
qui étaient très catholiques. Il y avait donc une variété de convictions
religieuses chez les professeurs.
Je dirais que
la déconfessionnalisation a d'abord respecté la diversité des convictions
religieuses de l'enseignant, mais
surtout aussi les convictions religieuses des étudiants. Et cela, c'était le
départ de la déconfessionnalisation. C'est vraiment ce principe, et c'est ce que j'appelle, pour moi, le principe
fondateur de la déconfessionnalisation, c'est le respect des convictions
religieuses des élèves, des étudiants, des parents lorsqu'il s'agit des écoles
primaires et secondaires et, j'ajoute, des
collègues. Et c'est de principe qui, à mon avis, a fait que, depuis
50 ans, nous avons assisté à une déconfessionnalisation
qui s'est faite non sans difficulté, non sans opposition, mais sans crise
grave. C'est ce principe qui, à mon avis, est le principe fondateur de
notre système démocratique, de notre démocratie scolaire.
Ce qui me
frappe depuis quelques années, c'est que ce principe est remis en question et
que, maintenant, on veut accorder
priorité aux convictions religieuses des enseignants. Je suis absolument opposé
à ce virage de 480 degrés, qui, pour moi, est très grave. J'y suis
opposé pour au moins trois ou quatre raisons.
• (11 heures) •
La première,
c'est que, bien sûr, ce qui va dans le sens de ce qui s'est passé depuis
50 ans au Québec, c'est plutôt la laïcisation, la neutralité
complète des institutions publiques, scolaires en particulier. C'est la trame.
Ce n'est pas le principe du respect de
l'instituteur ou de l'institutrice, c'est le principe du respect des élèves,
des étudiants, des professeurs et des
collègues. C'est ce grand principe, et je trouve qu'en ce moment on est en
train de renier ce principe, en quelque sorte, ou on propose de le renier, mais, pour ma part, je pense que
c'est aller à contre-courant de ce qu'a été et de ce qu'a voulu la
société québécoise, et en particulier le milieu scolaire depuis 50 ans.
Deuxièmement,
dans les années 60, 70, 80, on a laïcisé et déconfessionnalisé notre système
d'éducation. Ça s'est terminé vers l'an 2000, à peu près, 1997‑2000. On
l'a démocratisé parce qu'on s'était rendu compte que la société québécoise, la population québécoise était pluraliste
dans ses convictions religieuses. Eh bien, si, en 1970, il fallait respecter
le pluralisme, a fortiori aujourd'hui parce
que le pluralisme religieux d'aujourd'hui, il est sans commune mesure avec
le pluralisme que l'on observait dans les
années 60‑70... Dans les années 70, on était étonnés tout à coup au Québec de
constater que, chez les Canadiens français,
nous n'étions plus unanimement catholiques. Je me souviens du choc qu'a produit en 1960 la création du Mouvement laïque de
langue française. Je me souviens d'un article fameux de Gérard Pelletier,
qui, à l'époque, était
journaliste au Devoir et qui était directeur de la nouvelle revue qui
s'appelait Cité libre, un article qu'il avait intitulé Feu l'unanimité. Et Pelletier s'étonnait
que, tout à coup, au Québec, des Canadiens français se présentaient
comme athées ou encore des familles canadiennes-françaises catholiques
refusaient d'envoyer leurs enfants à l'école catholique
parce qu'elle était trop catholique. Eh bien, le pluralisme, aujourd'hui, il est
tellement sans commune mesure avec ce pluralisme des années 70.
Troisièmement,
je considère qu'on ne peut pas, dans l'état actuel de fragmentation religieuse
que nous connaissons maintenant... car c'est le paysage religieux dans
lequel nous sommes maintenant, les grandes religions catholique et protestante
ne sont plus sur la place publique ni dans le pouvoir public comme elles
étaient. Le paysage religieux d'aujourd'hui, c'est celui d'une fragmentation, et d'une fragmentation qui s'en va de
plus en plus vers l'avenir dans ce sens-là.
Et, dans ce paysage de fragmentation, je considère que le respect des minorités
religieuses, parce que c'est elles maintenant qui sont sur la place, le respect des minorités
religieuses exige l'égalité entre les minorités religieuses. Si l'on accepte, si l'on accepte qu'une religion, à
l'école, soit plus présente, soit plus visible qu'une autre, je crois qu'on
manque de respect à l'endroit des
minorités religieuses parce que la neutralité de l'État, la neutralité
religieuse veut dire que l'on ne favorise
aucune religion. Or, si l'on accepte que des enseignants ou des directeurs
d'école portent des insignes religieux, on favorise, on offre l'occasion
à une religion, entre autres, peut-être d'autres aussi, d'être plus présente.
Or, ce qui
est remarquable, c'est que, sociologiquement parlant, les religions ne sont pas
égales entre elles. Il y a des religions plus riches que d'autres. Il y a
des religions qui ont plus de pouvoir politique que d'autres. Il y a
des religions qui ont plus
d'adhérents que d'autres. Il y a des religions qui sont plus visibles que
d'autres. Le catholicisme a été une religion
beaucoup plus visible que le protestantisme, qui était une
religion très discrète. Aujourd'hui, c'est l'islam qui est la religion
visible, qui veut être visible. Et c'est la situation dans laquelle nous
sommes. Et, à mon avis, il faut éviter, bien
sûr, que ce projet de loi apparaisse et soit anti-islamique, parce que c'est très important
qu'il ne le soit pas. Il se trouve que la conjoncture religieuse
actuelle accorde à l'islam une visibilité que les autres religions n'ont pas.
À mon sens, la neutralité des institutions
publiques et des écoles publiques de tout le système d'éducation publique, la neutralité que nous avons établie
depuis 50 ans exige que l'on tienne compte de ces inégalités et que l'institution établisse une égalité entre toutes les religions dans l'instruction
publique, qu'elle ne favorise aucune des institutions, aucune
des religions. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. Rocher. M.
le ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. M. Rocher, merci d'être présent aux travaux de la commission.
Votre présence est grandement
appréciée, que vous puissiez nous faire bénéficier de vos commentaires, de votre expérience et de
vos observations en lien avec le projet de loi, et c'est un
honneur pour les membres de la
commission de vous recevoir ici.
D'entrée de jeu, vous avez dit : On a débuté dans les années 60, au niveau
de la déconfessionnalisation des écoles, particulièrement avec les
cégeps, avec les universités. Est-ce que vous diriez que le début de la
sécularisation de la société québécoise débute avec le système scolaire?
M. Rocher (Guy) : ...
M.
Jolin-Barrette : Est-ce que
vous diriez que le début de la déconfessionnalisation de la société québécoise
a commencé avec le système scolaire?
M. Rocher
(Guy) : Oui, je le crois, vraiment.
Je pense que c'est dans le système scolaire qu'on a compris le plus rapidement,
à cette époque, que l'avenir économique du Québec exigeait un système d'éducation
démocratique et, pour cela, un système d'éducation non
confessionnel. C'était très clair.
Et je me
souviens qu'un jour on demandait à Jacques Parizeau : Qu'est-ce qui a le
plus contribué à transformer le Québec? Et Jacques Parizeau a dit :
Mais c'est la démocratisation du système d'éducation. Si on n'avait pas fait
cette démocratisation du système d'éducation,
on serait très loin en arrière, on n'aurait pas le Québec d'aujourd'hui, bien
sûr, ni sa prospérité ni sa culture.
Et, en même temps, il fallait vraiment que... si on voulait démocratiser, il
fallait déconfessionnaliser. Et cela,
je tiens à le dire, s'est fait évidemment... ne s'est pas fait si facilement
que cela, hein, il y avait des
oppositions. Les catholiques avaient leur opposition, et, comme je l'ai dit
tout à l'heure, les protestants aussi, et d'autres. Mais ce qui est
remarquable, c'est qu'il n'y a pas eu de grave crise.
Nous
connaissons, en ce moment, une crise beaucoup plus importante que ce que nous
avons connu en 1960, 1970. Et je
crois que la raison pour laquelle nous n'avons pas connu de crise à l'époque,
c'est parce que la notion de démocratie était beaucoup plus présente dans la population québécoise, dans
l'idéologie québécoise, qu'aujourd'hui. Aujourd'hui, la démocratie est
un peu prise comme un acquis, comme une institution qui est là, alors que, dans
les années 60, 70, la démocratie était prise
comme un projet, un projet d'égalité, un projet de solidarité. Et donc j'ai
entendu beaucoup d'enseignants
religieux et de religieuses me dire : Nous acceptons la grande
transformation que vous nous imposez pour la démocratie, pour la démocratisation.
C'était, je dirais, le mot de passe, en quelque sorte.
Et c'est en
ce sens que l'opposition, finalement, s'est de plus en plus réduite, c'est que,
au cours des 50 années qui sont
passées, on s'est rendu compte que la démocratisation, de plus en plus, se
faisait en déconfessionnalisant toutes les
institutions... bien sûr, les commissions scolaires confessionnelles, hein,
bien sûr, pour des raisons constitutionnelles, pour la protection des
protestants.
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Oui. La semaine dernière, M. Gérard Bouchard est venu
en commission parlementaire nous dire qu'il ne demandait qu'à être convaincu
que les enseignants ne devraient pas porter de signe religieux. Il nous
disait : Écoutez, si j'ai des données empiriques, je suis ouvert à ce
qu'il y ait une interdiction au niveau du port de signe religieux pour les
enseignants. Qu'est-ce que vous diriez à M. Bouchard en lien avec la nécessité,
pour lui, d'avoir ces données empiriques là avant d'interdire le port de signes
religieux pour les enseignants?
• (11 h 10) •
M. Rocher
(Guy) : Pour les enseignants? Parce que, tout d'abord, je dois dire
que M. Bouchard demande des preuves scientifiques d'une l'influence possible.
À ce sujet, comme chercheur, je vais vous dire, c'est que, si ces preuves
n'existent pas, c'est parce qu'il n'est scientifiquement pas possible de les
faire. Je crois que — et
là je parle en tant que chercheur qui a travaillé beaucoup dans le milieu
scolaire, primaire, secondaire, cégep — je crois que la recherche que
demande M. Bouchard, elle est méthodologiquement à peu près impossible à
faire pour qu'elle soit scientifiquement valable et pour qu'on arrive à des
conclusions que l'on peut appeler probantes. Et, même si... parce qu'une telle
recherche, ça ne pourrait pas se faire tout simplement en distribuant des
questionnaires aux garçons et aux filles des écoles, hein? Il faudrait que
cette recherche, elle implique les parents, elle implique les enseignants. Il
faudrait surtout qu'elle soit longitudinale, c'est-à-dire qu'on puisse suivre
une génération pendant plusieurs années pour savoir combien de temps, sur
quelle période de temps, dure cette influence ou ne dure pas cette influence,
hein? Or, au bout de la ligne, ce qu'on pourrait dire à ceux qui ont fait la
recherche, c'est que vous avez fait une recherche sur une génération, mais maintenant
voilà que nous avons affaire à une autre génération. Votre recherche n'est plus
valide pour la génération actuelle. Donc, moi, je dis : Non, ce n'est pas
possible de faire une recherche scientifique, donc, ne demandons pas cela.
Moi,
ma réponse à M. Bouchard, ce serait la suivante : je crois qu'en
l'occurrence il faut recourir à ce que l'on appelle le principe de
précaution dans les recherches sur l'environnement et la santé. Le principe de
précaution, il est le suivant. C'est qu'on dit : Dans l'état
d'incertitude, il faut protéger contre les risques possibles. Et je crois que
cela s'applique en ce qui concerne l'école,
en ce qui concerne les signes religieux. Dans l'incertitude, il faut protéger
les élèves et les autres collègues
aussi, et les parents, contre l'effet possible, l'effet possible. C'est le
principe de précaution qui est utilisé
dans le monde de la santé, dans le monde de l'environnement, et,
scientifiquement parlant, c'est un principe très important, à la fois de
politique scientifique et de science.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Je sais que j'ai des collègues qui veulent
poser des questions. Je reviendrai, M.
le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Alors, Mme la députée de Bellechasse, s'il
vous plaît.
Mme
Lachance : Merci, M. le Président. D'abord, permettez-moi de vous remercier,
M. Rocher, d'être là parmi nous aujourd'hui. C'est fort
intéressant.
J'ai
bien lu votre mémoire, et c'était très intéressant aussi. J'ai constaté que
vous aviez une solide expérience. Vous avez
fait beaucoup de recherches et vous avez partagé. Vous vous
êtes questionné, et vous avez partagé vos connaissances sur des sujets qui, sans être pareils, avaient des
grandes similarités. J'ai constaté, à la page 4 de votre mémoire, où vous
vous exprimez sur le respect des convictions
religieuses, qui est un gage de justice et d'équité pour toutes les religions.
Ainsi, vous soutenez que, dans une école,
aucune religion ne devrait avoir plus de visibilité qu'une autre, et puis que
cette conception fait référence, dans le fond, à l'institution, à
l'école.
Ce
que j'aimerais savoir, maintenant, c'est... j'aimerais vous entendre au sujet des
enfants et des enseignants. En fait,
ce que je veux savoir, c'est que, de votre point de vue de sociologue,
qu'est-ce qui, dans le rôle des enseignants et dans leur relation avec les enfants, fait en sorte qu'on devrait
systématiquement s'abstenir de signes religieux dans nos institutions?
M. Rocher (Guy) : Moi, j'ai enseigné pendant 60 ans. J'ai toujours cru que j'avais
de l'influence sur les étudiants à qui
j'ai enseigné — et
je pense qu'on m'a fait la preuve presque chaque jour, quand je rencontre de
mes anciens étudiants — une
influence intellectuelle, mais une influence aussi d'exemplarité, une... bon.
Donc, j'ai beaucoup de difficultés à croire que des signes religieux, qui sont portés par le personnel
enseignant ou par la direction de l'école, n'ont aucune influence sur les enfants, sur les adolescents, à
un âge où l'on est influençable, beaucoup plus que les étudiants que j'avais à
l'université.
Donc,
oui, je... bon, nous... bien sûr, c'est très difficile à faire la preuve de l'un, d'un côté, ou de l'autre. C'est
ce que je viens de dire. À mon sens, c'est
inutile de faire appel à des preuves scientifiques, elles sont impossibles d'un
côté comme de l'autre. Et, si elles
existaient, d'ailleurs, ces preuves, je pense que les recherches auraient été
faites, mais... ce qui montre bien qu'elles sont très peu probables,
scientifiquement peu probables... bien, c'est qu'elles ne sont pas...
les recherches n'ont pas été faites. Et je
ne suis pas certain qu'un organisme subventionnaire serait prêt à subventionner
un tel projet de recherche, ce qui
pourrait durer longtemps, plusieurs années, et qui ne serait peut-être pas plus
valable au bout du compte. Voilà ma position sur ça.
Et
j'ai fait, je le disais, j'ai fait beaucoup de recherches sur le terrain, dans
des écoles primaires et secondaires, et des cégeps. Une école, un cégep, c'est une institution qui vit d'une
manière très dynamique, hein? Chaque école a sa culture, chaque cégep a sa culture. Quand j'entre dans un
cégep pour aller donner une conférence, je touche une nouvelle culture. Et les enseignants, entre eux, ont une dynamique.
Et je dirais que cette dynamique, elle est fondée sur le respect les uns
des autres.
Et, ce respect des uns des autres, je
crois qu'il exige le respect des convictions religieuses de chacun, parce qu'il
est bien évident que, dans une école
secondaire, aujourd'hui, nous avons affaire à des enseignants qui ont une
pluralité de convictions religieuses.
Et, dans les écoles primaires et secondaires, quand un enseignant est devant sa
classe, il a, devant lui ou elle, des
enfants qui ont des convictions religieuses différentes, mais surtout dont les
parents ont des convictions religieuses différentes.
Et,
aujourd'hui, en 2019, des parents qui envoient leurs enfants à une école
publique neutre ont le droit de s'attendre à ce que leurs convictions religieuses soient respectées. Et il y a des
parents qui ont des convictions religieuses très fortes. Il y a des parents qui sont athées, ils en sont
très convaincus, de leur athéisme, puis il y a des parents qui sont témoins
de Jéhovah, il y a des parents qui sont
mormons, il y a des parents qui sont bien catholiques. Je pense que la
diversité et le pluralisme des
convictions religieuses des parents et des enseignants exigent le respect de
tous par l'égalité du traitement.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
Chapleau, s'il vous plaît.
M. Lévesque
(Chapleau) : ...Président. Merci, M. Rocher. Dans une entrevue
que vous avez accordée au journal Le Devoir, vous rappeliez,
c'est-à-dire, que, lors l'adoption de la Charte de la langue française, en
1977, les débats étaient assez
vigoureux, vous vous en rappelez. Mais, on le sait, aujourd'hui, la charte fait
quand même consensus et est quand même
célébrée. Quels parallèles pouvez-vous tirer avec les débats actuels qui ont
cours, entourant le projet de loi n° 21, et ceux de l'époque, puis
quelles leçons vous tirez, à ce moment-là?
M. Rocher
(Guy) : ...
M. Lévesque
(Chapleau) : Désolé. Donc, quels parallèles pouvez-vous faire avec les
débats actuels qui ont cours entourant
le projet de loi n° 21, et les débats de l'époque entourant la
loi 101? Et quels, dans le fond, enseignements vous tirez de cela?
M. Rocher (Guy) : Oui, bien sûr, la loi 101 n'était pas de tout repos, évidemment,
hein? Et le gouvernement du Québec de
l'époque était accusé de nier les droits pas tellement des anglophones, mais
surtout des immigrants, hein? Et le projet
de loi n° 101, évidemment, a suscité beaucoup d'émois, parce
que, il faut dire qu'en 1977, quand il a été présenté, nous venions de
vivre 10 années d'une grande crise linguistique, une crise linguistique
qui s'est déclarée en 1967.
Lorsque la commission
scolaire de Saint-Léonard a voulu que tous les enfants des familles italiennes
aillent à l'école française, c'était le
point de départ de la grande crise linguistique, qui a duré jusqu'en 1977, si
bien que nous avions un climat, un
climat, depuis 10 ans, de crise qui
était très important et qui a, en
quelque sorte, éclaté autour de la
loi 101. Parce que
la loi 101, bien sûr, était celle qui allait le plus loin que tout ce
qu'on avait fait jusqu'à présent pour la francisation du Québec, et, en ce
sens, c'était une loi profondément sociale.
• (11 h 20) •
Le Président (M. Bachand) : Merci
beaucoup. Avant de passer la parole à la députée de Marguerite-Bourgeoys,
j'aurais besoin d'un consentement pour allonger sept minutes à la séance.
Des voix :
Consentement.
Le Président (M. Bachand) : Consentement. Merci beaucoup. Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme David :
Merci, M. le Président. Merci, M. Rocher, d'être ici. C'est un grand honneur
pour l'Assemblée nationale de vous recevoir,
dans la commission aussi. Vous êtes un des grands citoyens de la nation
québécoise, et vous avez travaillé
depuis très, très, très longtemps. On ne dira pas nécessairement en quelle
année vous êtes né, mais il y a beaucoup de gens...
M. Rocher
(Guy) : 1924.
Mme David :
1924. Et vous êtes...
M. Rocher
(Guy) : J'ai 95 ans et 24 jours.
Mme
David : Exactement, et c'est vous qui le dites. Alors, écoutez, je
pense qu'on peut tous être très, très fiers de votre contribution à la pensée et d'avoir quelqu'un d'aussi engagé. À
l'âge, pourrait-on dire, vénérable de 95 ans, bien, il y a de quoi faire
des biographies, et je sais que votre biographe est ici, et, bon, c'est très,
très important.
Ceci
dit, on peut avoir des questions, des points de vue, et, tout à l'heure, le
ministre m'a presque volé une de mes questions,
qui était d'aller vers votre grand ami, intellectuel aussi, qui est venu,
Gérard Bouchard, et qui, lui, qualifie le projet de radical, et il dit que, bon, effectivement, là, entre
chercheurs universitaires, on peut discuter longtemps de ce qui est prouvable,
non prouvable, etc. Et vous dites que le principe de précaution devrait
prévaloir, parce que c'est à peu près impossible
de construire un modèle de recherche qui pourrait, d'avance, dire : Voilà,
l'hypothèse, c'est que l'enseignante au hidjab en quatrième année va
influencer, à long terme, l'étudiant X ou Y.
Ceci dit, vous savez encore bien mieux que moi
le nombre de combats qu'ont fait des minorités au cours des décennies, et ce n'est pas pour rien qu'en 1975 la
charte québécoise, québécoise des droits et libertés, qui a précédé la charte canadienne, est arrivée. Et il y a eu des combats
énormes, entre autres, entre autres... Je ne vais donner qu'un seul exemple, et je veux vous entendre là-dessus,
parce qu'il y a plusieurs droits et libertés qui sont protégés dans la charte.
Ce n'est pas seulement les droits et
libertés de la religion, mais il y a aussi l'orientation sexuelle et l'identité
de genre, qui a fait énormément,
évidemment, de... Les gens ont dû faire de très grands combats, et maintenant
c'est acquis qu'il ne peut plus y
avoir de discrimination sur la base de l'orientation sexuelle ou de l'identité
de genre. Mais, quand vous parlez de
respect et que la visibilité peut inclure un manque de respect, bien, qu'en
est-il du parallèle qu'on pourrait faire avec l'identité de genre, qui peut s'afficher très, très bien chez un
enseignant, une enseignante? Et auquel cas, comment procéderiez-vous pour être équivalent, et juste,
et équitable entre le respect et l'égalité de l'identité de genre, le respect
et l'égalité de l'identité de religion?
Parce qu'on va... Est-ce qu'on va dire à tout le monde de s'habiller pareil et
de ne pas avoir l'air plus d'une
identité de genre que d'une autre? La même neutralité ne devrait-elle pas
s'appliquer à la religion et à l'identité de genre à ce moment-là?
M. Rocher
(Guy) : Parce que, à mon
avis, il y a quand même une importante différence, c'est que nous sommes
dans la neutralité religieuse de
l'institution publique. Bon. Le genre, c'est autre chose, je pense, bien sûr.
Mais là ce qui est en jeu depuis 50 ans,
c'est principalement les convictions religieuses, et les convictions
religieuses ne sont pas banales, je
dirais. Bon. Pour ma part, en tout cas, je ne dirais pas que la religion est
supérieure à toute autre chose, à toute autre valeur. Je crois qu'il y a
des gens pour qui la politique est plus importante que la religion, il y a des
gens pour qui l'environnement est plus
important que la religion, il y a des gens pour qui le genre est plus important
que la religion, je le concède.
Mais, mais,
depuis quelques années, bien
sûr, ce à quoi nous avons assisté,
c'est une fragmentation de la société
à la fois religieuse et, comme vous le
dites, civile aussi, où les minorités se sont multipliées. Et la situation
dans laquelle, à mon avis, pour
l'avenir, parce que c'est l'avenir qu'il faut envisager, la situation
à laquelle nous sommes engagés, c'est que nous avons à bien aménager nos
rapports entre la majorité et les minorités.
Et c'est le
grand problème devant lequel nous sommes, à la fois en ce qui
concerne la religion, mais aussi plusieurs
autres choses. Et, en ce qui concerne la
religion, on peut dire que, par
exemple, en ce moment, la majorité des Québécois
n'appartient pas à une minorité religieuse. Ils sont plus ou moins catholiques,
plus ou moins protestants, ou très catholiques,
ou très protestants, mais la majorité n'appartient pas aux minorités religieuses. Il
est donc très important pour l'avenir de s'assurer que les
relations entre la majorité et les minorités religieuses sont équitables et
paisibles.
Or, à mon
avis, la manière de réussir cet avenir, c'est d'établir une neutralité totale
dans l'école en particulier, entre
autres, pour qu'une religion ne soit
pas plus favorisée qu'une autre, que ce soit par sa visibilité, par sa
présence, par toute autre chose. Or,
c'est vers ça qu'on s'en va si on n'adopte pas ce projet de loi, et c'est ce qui m'inquiète. Moi, je serais bien inquiet si ce projet de loi n'était pas adopté. Je serais inquiet pour l'avenir parce que
je serais inquiet pour le rapport entre la majorité au Québec et les minorités, et je dirais même
pour le rapport entre les minorités entre elles parce que qu'une
minorité soit favorisée, c'est aux dépens des autres. Et donc moi, je dis :
Le respect de toutes les minorités suppose une égalité de traitement de
toutes les minorités.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la
députée, s'il vous plaît. Mme la députée, s'il
vous plaît.
Mme
David : J'écoutais avec
attention votre réponse, et j'avais toujours ma question en tête, et à peu près tout ce que vous avez dit s'applique à ma comparaison parce qu'on ne pourra jamais, il n'y a personne
ici, dans cette enceinte et dans la
société, qui ne dira pas qu'il y a eu de très, très grandes batailles menées
pour la question de la non-discrimination eu égard à l'orientation sexuelle, et que, si on parle d'un mot que
certains ont prononcé, vous ne le prononcez pas, mais je vais le prononcer, moi, le principe de précaution
contre quoi? Contre une sorte de prosélytisme que pourrait avoir le fait
d'une enseignante qui porte un signe religieux.
Bien, je vous
dirais qu'il y a beaucoup, beaucoup de parents qui auraient pu s'inquiéter,
peut-être moins maintenant, mais
peut-être pas, d'un prosélytisme lié à l'orientation sexuelle. Il va ou elle va
influencer mon enfant. Et donc vous êtes sociologue, vous savez la question de ce qui est... vous le dites très
bien d'ailleurs qu'il y a des religions plus visibles que d'autres, il y a peut-être des identités de genre
plus visibles que d'autres aussi, et j'essaie encore de comprendre la
différence et pourquoi alors il ne
faut pas homogénéiser autant dans un droit et liberté que dans l'autre.
Pourquoi c'est si important de ne pas exposer à une liberté de religion,
mais que ce n'est pas grave d'exposer à une autre liberté?
• (11 h 30) •
M. Rocher
(Guy) : Je ne mesure pas, si
vous voulez, le degré d'égalité ou le degré de risque des deux côtés. Vous
avez raison de poser la question, je pense
que, dans un autre contexte, on pourra reparler des problèmes de respect des
genres, c'est en effet un nouveau problème social, bien sûr, tout à fait. Mais,
à mon sens, ça n'atteint peut-être pas les convictions
profondes des parents autant que la religion. C'est le sentiment que j'ai, en
tout cas. La religion atteint des sensibilités,
touche des sensibilités, à mon sens, beaucoup plus fortes que l'attitude à
l'endroit du genre. Je pense que,
dans le contexte actuel, précisément, où, on
ne peut pas le nier, il y a un retour religieux qui est important, en ce
moment... il y a un retour du religieux et il y a
une possibilité de reconfessionnalisation des écoles primaires et
secondaires. C'est vers ça qu'on pourrait aller et... Bon.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme
Robitaille : ...grand merci
d'être là, M. Rocher. Moi, mon comté, c'est Bourassa-Sauvé, Montréal-Nord,
donc j'ai vraiment une panoplie de
diversités de toutes sortes. Et là la commission
scolaire me dit qu'il n'y en a pas... il y a quand même quelques femmes qui portent le voile et qui
enseignent, mais il n'y en a pas, de problème, il n'y a pas d'inquiétude des
parents et il y a justement ce que vous dites, un respect des convictions de
chacun, des convictions religieuses de
chacun. Qu'est-ce que vous répondez à cette commission scolaire qui dit : Il y a des femmes voilées, mais, chez nous, il
n'y en a pas, de problème?
M. Rocher
(Guy) : Je dirais que c'est peut-être
vrai pour le présent, mais un projet
de loi comme celui-ci est pour
l'avenir. Et moi, je considère que l'incertitude est du côté du laisser-faire,
à mon sens, hein, beaucoup plus. C'est-à-dire
que l'incertitude est du côté de ceux qui acceptent que la religion entre dans
l'école par des signes ostentatoires.
Et, dans
cette perspective-là, je dirais aussi que la commission scolaire de Montréal,
elle devrait se réjouir de ce projet de loi parce que c'est elle qui a
le plus gagné de la déconfessionnalisation. C'est elle qui a hérité de
l'ancienne commission scolaire catholique et c'est elle qui maintenant
a l'ensemble d'une partie de la ville de Montréal sous son
autorité. S'il y a une commission scolaire au Québec qui a profité de la déconfessionnalisation, c'est
bien la commission scolaire de
Montréal.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Désolé, le temps file très
rapidement. M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M.
Zanetti : Merci, M. le Président. Merci beaucoup, M. Rocher, pour
votre présence. L'effet que vous pensez qu'aura, sur les élèves, le port d'un hidjab, par exemple, par leur
enseignante, concrètement, ce serait quoi? Quel est l'effet concret que
vous pensez que le port du hidjab va avoir sur des élèves?
M. Rocher
(Guy) : Le premier effet, me
semble-t-il, c'est que la personne qui porte cet insigne religieux a une foi religieuse. Cela est quand même
bien important. Cela veut dire que, parmi les autres enseignants, il y a
cette personne qui a une foi religieuse très particulière.
Quand j'étais au collège, et que tous mes
professeurs portaient des soutanes, et que parfois je me demandais si Dieu existait ou que l'enfer existait, je
pensais à ces hommes qui manifestent leur foi en Dieu et en enfer par tous les
signes qu'ils... Donc, c'est un signe de
foi. Cela veut dire quelque chose pour des jeunes, surtout des adolescents. Ce
n'est donc pas insignifiant. Il y a une signification.
Et, en tant
que sociologue, on a quand même des études qui montrent que le vêtement parle, le
vêtement a une signification, et les signes que l'on porte sur un vêtement ont
une signification, et une signification qui ne doit pas être prise à la
légère, surtout quand c'est une signification religieuse.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député, s'il vous plaît.
M.
Zanetti : Est-ce qu'il serait conforme à votre pensée de dire que ce signe-là pourrait rendre
les enfants plus religieux ou plus croyants? Est-ce que c'est ce que
vous dites?
M. Rocher (Guy) : Je m'excuse...
M. Zanetti : Est-ce que vous dites,
au fond, que ça pourrait rendre les enfants plus croyants?
M. Rocher
(Guy) : Bien, c'est-à-dire aux dépens d'autres religions. Parce
que, si une religion s'affiche, c'est
aux dépens d'autres religions. Ça peut être aux dépens de la religion des
parents. Parce que vous avez des enfants, dans une classe, dont les parents sont Témoins de
Jéhovah, vous avez des parents dont les parents sont mormons, des parents
sont catholiques, et l'enfant est devant un enseignant
qui manifeste sa foi en Islam. Bien, il y a un écartèlement pour l'enfant
entre les croyances de sa famille et ce que
l'école publique, en principe neutre, vient lui offrir comme témoignage. Et
c'est là que je trouve qu'il y a une
contradiction grave en ce qui concerne la neutralité de l'État et la neutralité
des institutions religieuses... des institutions publiques.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Matane-Matapédia, s'il
vous plaît.
M.
Bérubé : Merci, M. le Président. C'est un immense privilège, pour moi, comme parlementaire, de
m'adresser à vous et d'échanger dans le cadre de ce projet de loi. Vous êtes un des plus grands intellectuels du Québec
moderne, vous avez collaboré, amené
vos lumières sur le rapport Parent, sur la loi 101 également,
dont vous êtes le corédacteur.
Sachez que la
Charte de la langue française, ce n'était pas unanime à l'Assemblée nationale, vous vous en souvenez certainement.
Je vous annonce, sans être un devin, que ce sera encore le cas pour ce projet
de loi. Les gens qui s'opposaient à la
loi 101, dans bien des cas, sont les mêmes, des années plus tard, avec des
arguments un peu différents... qui s'opposeront à ce projet de loi.
Et je veux
saluer deux éléments que vous amenez dans votre mémoire qui font de vous un
acteur toujours très actuel de notre
vie politique. D'abord, pour les parlementaires, vous nous donnez une
indication importante : Il faut légiférer pour l'avenir. De quoi sera fait le Québec dans l'avenir? De davantage
de diversité. Et souvent on se fait dire : Bien, quels sont les cas
qui existent présentement? C'est une question légitime. Mais quelle sera
l'évolution du Québec? Et là un sociologue
peut nous amener cet éclairage. Alors, j'apprécie cette indication de légiférer
pour l'avenir, d'être capable de prévoir ce que sera le Québec.
Et l'autre, importante, c'est que les
religions ne sont pas toutes égales dans le sens que certaines ont des signes
ostentatoires visibles, d'autres non. Et, en
ce sens, celles qui sont visibles occupent davantage d'espace, l'imaginaire des
jeunes. Et on ne parle pas assez souvent de la liberté de conscience des
enfants et des parents.
Alors,
en ce sens, pouvez-vous m'indiquer comment vous voyez, vous qui avez prédit et
analysé le Québec depuis des années,
ce que vous voyez, ce que le Québec sera au cours des prochaines années, et
pourquoi c'est important de prévoir, dès maintenant, un certain nombre de mesures
pour assurer la cohésion sociale au Québec, notamment dans les écoles?
M. Rocher (Guy) : Bien, ce qui m'apparaît pour l'avenir, c'est que la grande tendance
dans laquelle nous sommes engagés,
c'est celle de la fragmentation religieuse en particulier, en ce qui concerne
les religions. Il est bien clair que l'avenir n'est pas à l'unité religieuse. Le consensus fidelium, c'est fini. Ce
vers quoi nous allons, c'est des religions minoritaires maintenant,
c'est la place des religions minoritaires et qui sont plus particulièrement
marquantes. Et c'est dans cette perspective-là
qu'il faut envisager l'avenir, à mon avis, c'est les rapports entre ces
religions minoritaires et la majorité qui ne participe pas à ces religions minoritaires et l'égalité de traitement
entre ces religions minoritaires. Et, sociologiquement parlant, je
continue à le dire, les religions ne sont pas égales. Elles sont inégales à
différents points de vue, elles sont inégales en termes de visibilité, et, pour
l'avenir, je crois que c'est très important pour la paix sociale.
Le
Président (M. Bachand) : M. Rocher, au nom de la
commission, merci beaucoup de votre contribution.
Cela dit, la
commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes. Merci
infiniment.
(Suspension de la séance à
11 h 39)
(Reprise à 15 h 46)
Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bienvenue à tous et à
toutes. La Commission des institutions
reprend ses travaux. Je demande, bien sûr, à toutes les personnes présentes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
Nous
poursuivons donc les consultations particulières et auditions publiques sur le
projet de loi n° 21, Loi sur la laïcité de l'État. Cet après-midi,
nous allons entendre, entre autres, la ville de Montréal, la Fédération
québécoise des municipalités et le Syndicat des agents de protection de la
faune du Québec.
Je
souhaite, bien sûr, la bienvenue à Mme la mairesse de Montréal et à la personne
qui l'accompagne. Je vous invite à prendre la parole pour une période de
10 minutes. Après ça, nous aurons un échange avec les membres de la
commission. Bienvenue.
Ville
de Montréal
Mme Plante
(Valérie) : Merci beaucoup, M. le Président. Je tiens également à
saluer Mme la vice-présidente ainsi
que M. le ministre. Écoutez, chers députés, Mmes et MM. les députés, merci
infiniment de nous accueillir aujourd'hui.
D'entrée
de jeu, permettez-moi de souligner que j'endosse entièrement la volonté du
gouvernement d'enchâsser la laïcité
du Québec dans un projet de loi. C'est donc en souhaitant contribuer de manière
positive au débat que je m'adresse à vous cet après-midi.
Soyons
clairs, je ne suis pas là pour demander une clause spéciale pour Montréal, mais
bien pour amener les réalités montréalaises
dans un projet de loi du gouvernement provincial. Cette loi aura un impact
important partout au Québec, mais
tout particulièrement à Montréal, où plus de 70 % de l'immigration internationale reçue par le Québec choisit de
s'établir.
Je tiens aussi à
rappeler que, depuis sa fondation, Montréal s'est bâtie grâce à celles et ceux
qui l'ont choisie comme terre d'accueil, et
c'est aujourd'hui ce qui en fait la ville diversifiée, dynamique, innovante et
prospère que nous connaissons et dont
nous sommes si fiers. C'est donc pourquoi je suis préoccupée par l'impact de
cette loi sur tous les Montréalais et toutes les Montréalaises qui
affichent un signe religieux, en particulier les minorités. Ces minorités fondent notre diversité et doivent avoir la
possibilité d'accéder aux emplois et aux services sans égard au fait qu'ils ou
elles portent ou non un signe religieux.
Bien
entendu, je suis totalement consciente que les Montréalais et les Montréalaises
ne sont pas unanimes dans leurs positions vis-à-vis de cette loi, tout
comme différentes opinions ont cours ailleurs au Québec, mais je considère qu'il est de mon devoir comme mairesse de Montréal
de parler au nom de celles et ceux qui seront touchés par ce projet de loi. Après les 10 dernières années de
débats parfois déchirants, parfois divisifs, je souhaite insister sur
l'importance d'unir nos forces pour
que les 10 prochaines années voient l'émergence d'un discours positif et
rassembleur sur la mixité, l'inclusion
et l'intégration des personnes immigrantes. À Montréal, notre quotidien se vit
dans la diversité et c'est ce qui fait notre force.
Montréal est la
métropole d'un Québec laïque, une ville dont l'action est fondée sur le respect
des droits de la personne. La neutralité de
l'État doit favoriser l'inclusion et la manifestation harmonieuses des
croyances de ses citoyennes et de ses
citoyens. Nous ne croyons pas que l'objectif de la laïcité de l'État doive
aller à l'encontre de la liberté de conscience et de religion individuelle. La ville de Montréal considère que toute
restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur un objectif
législatif important et justifié dans le cadre d'une société libre et
démocratique.
Présentement,
la nécessité des modifications importantes prévues à la charte par le biais des
articles 29 et 30 du projet de
loi n'est pas justifiée par des données probantes. De plus, aucune analyse
différenciée selon les sexes n'a été effectuée
pour évaluer l'impact de ce projet de loi. Une telle analyse permettrait de
mieux soulever les enjeux relatifs aux différents groupes, mais déjà nous savons que le
taux d'emploi des femmes immigrantes, toutes catégories confondues, est beaucoup plus faible que celui de leurs
homologues nées au Canada, soit 72 % contre 82 %. Il faut donc éviter
que les immigrants soient perçus comme des groupes homogènes vivant une
seule et même réalité.
• (15 h 50) •
En
ce sens, je me dois de mentionner que le gouvernement crée un précédent en
ayant recours à la clause dérogatoire.
Ce faisant, il contourne certains principes fondamentaux de la charte
québécoise et de la Charte canadienne des
droits et libertés. Parce que, lorsqu'il est question du respect de ses droits
fondamentaux, de son emploi ou de sa place dans la société montréalaise, aucun citoyen ne devrait vivre dans la
peur ou l'incertitude en raison de ses croyances. Donc, je me questionne : Dans la mesure où le
projet de loi a pour objectif d'établir la laïcité de l'État et qu'il vise à
établir un consensus social autour du
vivre-ensemble, l'utilisation de clause dérogatoire ne vient-elle pas
court-circuiter ce processus et
envoyer un message contraire? L'utilisation préventive de la clause dérogatoire
ne vient-elle pas saper, dans les faits, toute possibilité de convaincre
de la raisonnabilité de ce projet de loi?
Maintenant,
la laïcité de l'État et la question des signes religieux sont une préoccupation
pour un grand nombre de Québécois et
de Québécoises, et il s'inscrit dans un contexte sociohistorique propre au
Québec. Présentement, un tronc commun
se dégage de la réflexion de l'ensemble de la population, soit l'importance
accordée à la laïcité de l'État et la nécessité
de favoriser la mise en place de mesures qui visent une meilleure cohésion
sociale. Mais ce sont les moyens proposés
dans ce projet de loi, les moyens pour mettre en oeuvre cette laïcité qui nous
divisent. Si notre objectif est de favoriser
l'adhésion aux valeurs commune dans notre société québécoise, agissons en ce
sens et assurons-nous d'avoir les ressources nécessaires pour assurer
l'intégration et l'inclusion de tous et de toutes.
Les
investissements consentis par le gouvernement au dernier budget vont d'ailleurs
en ce sens, notamment avec les
montants additionnels accordés aux programmes Réussir l'intégration, Soutien à
la mission et Mobilisation-Diversité. Aussi,
Montréal est préoccupée à l'effet de l'applicabilité du projet de loi qui
semble difficile, voire impossible, notamment lorsqu'il est question de l'article 6, qui vise l'interdiction du port
de signes religieux. D'abord, plusieurs intervenants l'ont souligné, dont M. Louis-Philippe Lampron : le
concept même de signes religieux n'est pas clairement défini. Quand on sait qu'en 2011 on recensait plus de 108 religions
au Canada et que chacun est susceptible d'avoir un ou plusieurs signes
religieux lui étant propres, l'identification même d'un signe religieux peut
s'avérer une tâche fort complexe.
Dans
un deuxième temps, tous les signes religieux, visibles ou non, sont visés dans
le projet de loi. Or, comment assurer la mise en oeuvre d'une telle
disposition au quotidien? Est-il réaliste, voire souhaité, d'instaurer un
processus d'inspection, d'inspection
vestimentaire? Également, bien qu'un droit acquis soit prévu dans le projet de
loi, celui-ci est difficilement applicable particulièrement dans la
mesure où, de l'aveu même du gouvernement, aucun recensement exhaustif de personnes portant des signes
religieux n'est disponible pour les professions visées. Enfin, nous sommes
d'avis que la laïcité de l'État de
même que la qualité et l'objectivité des services rendus à la population ne
sont pas tributaires du port ou non d'un signe religieux.
Je
vais maintenant céder la parole à mon collègue M. Robert Beaudry pour qu'il
vous entretienne sur le défi de l'intégration économique.
M.
Beaudry (Robert) : Merci, Mme la mairesse. Bonjour, mesdames et
messieurs, MM. les députés, Mmes les députées.
L'immigration
est un levier important pour le développement économique de la région
métropolitaine de Montréal et du
Québec. Depuis quelques années, la tendance est claire : le nombre de
postes vacants s'accroît et la métropole est confrontée à une pénurie de
main-d'oeuvre dans plusieurs secteurs et catégories d'emploi. En 2018
seulement, c'est 73 405 postes vacants
qui ont été répertoriés dans la région métropolitaine de Montréal.
Parallèlement, le Québec est marqué par
le vieillissement de la population et un faible taux de natalité. Dans ce
contexte, l'intégration des personnes immigrantes au marché du travail contribue indéniablement à la
prospérité de Montréal et de la province ainsi qu'à la pérennisation des
emplois de qualité dans la métropole. Montréal privilégie une approche
inclusive pour faciliter l'intégration, une approche qui favorise l'égalité et
l'accès à l'emploi pour tous, sans égard pour le port d'un signe religieux.
Le
projet de loi n° 21 défavorise également des groupes déjà marginalisés,
notamment les femmes immigrantes. Comme
le disait la mairesse un peu plus tôt, le taux d'emploi des femmes immigrantes
est beaucoup plus faible que celui de
leurs homologues nés au Canada, et le taux de chômage, presque le double, soit
7,2 % contre 4,3 %. Ces statistiques illustrent clairement que
les femmes immigrantes sont plus susceptibles de faire face à des obstacles
persistants sur le marché du travail.
Montréal appréhende que l'article 6 du projet de loi restreigne encore
davantage l'accès de ces femmes au marché de l'emploi.
La ville de Montréal
est également le plus important employeur de la région métropolitaine, avec
près de 28 000 employés. L'article 6 du
projet de loi fait fi de l'autonomie de la ville en lui imposant des contraintes
sur le recrutement et la gestion de son personnel.
Mme
Plante (Valérie) : Merci, M. Beaudry. Ainsi, dans sa forme actuelle,
le projet de loi n° 21 risque d'avoir des impacts significatifs dans les collectivités montréalaises et de
stigmatiser certains groupes déjà vulnérables. Au-delà de la polarisation actuelle, prenons un pas de
recul pour se rappeler qu'il est, d'abord et avant tout, question d'humains.
Ce qui est débattu et véhiculé a des impacts
dans les quartiers, en contribuant à
exacerber le profilage et la discrimination; dans les milieux de travail, en créant des situations d'inéquité entre
travailleurs et en limitant l'accès et les possibilités de mobilité professionnelle; et aussi auprès de
groupes déjà vulnérables, tels que les nouveaux arrivants, les
femmes ainsi que tout Québécois ou toute Québécoise qui verront réduites
leurs chances de contribuer à la société québécoise s'ils affichent un signe
religieux.
C'est
pourquoi je souhaite si ardemment que leur réalité soit reflétée dans ce projet de loi. Mon souhait, pour la suite des choses, est que nous arrivions à tourner
la page sur des débats houleux et que nous travaillions pour que l'intégration des personnes immigrantes de toutes
générations soit vue comme une richesse. Je souhaite que nous prenions conscience de la force que représente, pour l'État
québécois, une diversité qui prend part à la vie active.
Pour relever ce défi, je nous propose d'unir nos forces et d'utiliser
nos tribunes pour faire valoir l'apport de la diversité dans notre société.
Je vous remercie beaucoup de votre attention.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci infiniment. Nous allons procéder à la période d'échange. M. le ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mme la mairesse, M. Beaudry, bonjour. Merci de
votre présence en commission parlementaire pour présenter la position de
la ville de Montréal en lien avec le projet de loi n° 21.
D'entrée de
jeu, dans le cadre de votre allocution et dans le cadre du mémoire, vous faites
beaucoup référence à l'immigration. Je voudrais vous dire que, bien que je sois le ministre de l'Immigration aussi, je porte ce dossier-là en tant que leader
du gouvernement parce que c'est un dossier que le premier ministre m'a confié.
Bien entendu, à Montréal, principalement,
c'est l'endroit où les nouveaux arrivants s'établissent dans une proportion de
70 %, 80 %. Par contre, le projet
de loi sur la laïcité
de l'État ne vise pas les personnes immigrantes. Ça vise tous les Québécois
de toutes les origines et de toutes les confessions.
Alors,
l'objectif du projet de loi, c'est vraiment de faire une séparation entre
l'État et les religions et, justement, c'est
d'inscrire la laïcité de l'État pour une première fois dans nos lois et
dans la Charte des droits et libertés
de la personne, parce que
le Québec est une société qui est distincte, qui a ses
particularités. Et on veut clairement indiquer que la laïcité,
c'est une valeur fondamentale de la société québécoise.
Mais j'arrive
à ma question. Je lisais, ce matin, la lettre d'opinion qui a paru dans La Presse, et vous disiez que le Québec était laïque, également la ville
de Montréal était laïque. Cela étant dit, je n'ai pas recensé, moi, dans les
lois québécoises ou dans les lois canadiennes, même dans la réglementation de
la ville de Montréal, une référence à la laïcité et cette définition-là. Souvent, on réfère au
concept de neutralité religieuse de l'État, soit le fait que l'État doit traiter sur le même plan tous les citoyens. D'ailleurs, c'est une des parties...
un des principes qu'on met dans la définition de la laïcité de l'État. Mais, concrètement, je n'ai pas
constaté que la laïcité était inscrite soit dans nos lois au Québec ou dans
la réglementation de la ville de Montréal.
Mme Plante (Valérie) : Donc, votre
question...
M.
Jolin-Barrette : Bien, c'est
parce que vous disiez ce matin, dans la lettre ouverte : Montréal est une
ville laïque, le Québec est un État
laïque aussi. Mais, pratico-pratique, dans les faits, juridiquement, ce n'est
pas le cas, puis c'est une des raisons pourquoi est-ce que je l'inscris
dans le projet de loi n° 21.
Est-ce que
vous êtes d'accord avec moi pour que je dise que le Québec, incluant Montréal,
ce sont des entités qui doivent être laïques?
Mme Plante
(Valérie) : Alors, comme vous faites référence à la lettre que j'ai
publiée ce matin, en fait, d'entrée de
jeu, ça disait spécifiquement qu'en fait que je salue, que la ville de
Montréal salue la volonté du gouvernement du Québec d'inscrire, d'enchâsser, dans une loi, la laïcité
de la province du Québec. Et donc, si, par la suite, on ressentait le besoin
de l'inscrire dans la charte montréalaise,
je serais tout à fait d'accord, parce que, pour moi, et ça, je l'ai dit
également, nos lois et nos
institutions sont laïques au Québec. Mais cette volonté de l'enchâsser dans une
loi, pour nous, prend tout son sens.
Après ça, dans l'application, bien là, on pourrait en débattre. Mais, sinon, ça
ne nous pose aucun problème. Au contraire, c'est une valeur, la neutralité,
que nous partageons tous et toutes.
M.
Jolin-Barrette : Dans le
fond, sur la définition que le gouvernement donne à la laïcité de l'État, moi,
je vous dirais, je me suis inspiré
notamment du rapport Bouchard-Taylor et des recommandations qu'il faisait en
lien avec cette même définition de la
laïcité, donc la séparation de l'État et des religions, la neutralité
religieuse de l'État, l'égalité de tous les citoyens et citoyennes et la
liberté de conscience et la liberté de religion.
Est-ce que la ville de Montréal est d'accord
avec cette définition-là de la laïcité de l'État?
Mme Plante (Valérie) : Avec la
définition, oui, absolument.
• (16 heures) •
M.
Jolin-Barrette : Donc, la
problématique pour la ville de Montréal, c'est au niveau de l'application, dans
le sens où, au niveau de
l'interdiction, supposons, du port de signes religieux pour certaines personnes
en situation d'autorité.
Mme Plante (Valérie) : En fait, il y
a plusieurs problématiques pour la ville de Montréal. Vous venez de la nommer, cette application, comment est-ce que ça
va se matérialiser, comment est-ce que ça va passer le test de la réalité. Parce que, comme vous le
savez, les projets de loi sont réfléchis, sont pensés, mais, après ça,
elles doivent être appliquées. Et
c'est souvent, bien honnêtement, dans les municipalités que ça se passe,
au quotidien, avec les gens qu'on rencontre, les gens qui travaillent
avec nous ou pour nous.
Mais il y a, bien sûr, d'autres problématiques.
J'aimerais attirer votre attention sur, selon nous, le manque de réflexion. On
trouve qu'il serait pertinent d'avoir vraiment une analyse différenciée selon
les genres parce que, selon nous, ce projet de loi là n'a pas le même impact sur les hommes et sur les femmes. Et je pense
que c'est important d'avoir cette réflexion-là
critique.
Et,
finalement, le premier argument, notre première recommandation est vraiment au
niveau de l'utilisation de la
clause dérogatoire, comme quoi, selon nous, ce projet de loi là doit passer les
tests des tribunaux ou, du moins, il faut laisser...
Il faut absolument permettre à la population de pouvoir... de
sentir que les mécanismes en place dans une démocratie sont disponibles.
Et, présentement, ce qu'on entend beaucoup, c'est un certain
sentiment d'impuissance face au projet
de loi. Bien, le projet de loi, comme je disais, c'est la prérogative du gouvernement, bien sûr, mais les mécanismes... Et d'utiliser la
clause en amont, on sent un certain malaise. Et, pour nous, c'est un malaise.
Oui, c'est un problème.
M. Jolin-Barrette : Je comprends. Cependant, je ne le partage
pas parce que moi, je crois que c'est aux élus de la nation québécoise
de pouvoir prendre cette décision-là et de déterminer de quelle façon vont
s'organiser les rapports entre l'État et les religions.
Sur
la question du visage à découvert, est-ce que
vous êtes en accord avec le fait que les employés de la fonction publique
doivent travailler à visage découvert et que les citoyens qui font appel à des
services publics, lorsqu'il y a nécessité d'identification ou pour des
motifs de sécurité, ils doivent se découvrir le visage?
Mme Plante
(Valérie) : Alors, c'est un des aspects. Lorsqu'on a reçu, tout
d'abord, le projet de loi, dans les aspects que nous avons relevés qui, selon nous, étaient une amélioration, même,
je vous dirais, par rapport au projet de loi précédent, c'était justement cette possibilité de pouvoir recevoir
des services peu importe qui on est, peu importe... Pour moi, c'est très important : comme mairesse de Montréal,
je veux que tous les Montréalais et Montréalaises, peu importe qui ils sont et ce qu'ils portent, puissent recevoir des
services. Pour des fins d'identification ou de sécurité? Je ne vous cacherai
pas qu'il y a quand même des défis au
niveau de l'application, mais on est capables de trouver un compromis. Pour ce
qui est de donner des visages à des...
Des visages? Pardon. Donner des services à visage à découvert, ça a toujours
été le cas de notre côté. On n'a
jamais remis en question ce concept. À tout le moins, on comprend très bien,
puis on est d'accord avec le fait de devoir... de donner des services à
visage à découvert.
M. Jolin-Barrette : Mais, pour faire ça, je dois notamment avoir
recours à la disposition de dérogation. Parce que, dans le cadre du projet de loi n° 62 que Mme Vallée avait
déposé en tant que précédente ministre de la Justice, bien, l'article 10 et 11 ont été suspendus par les
tribunaux. Et, justement, la ville est en accord, le gouvernement du Québec
est en accord et, je vous dirais, pas mal
l'ensemble de la population est accord avec le fait que les services publics
doivent être donnés à visage
découvert et reçus. Et là on reçoit votre appui pour les questions de sécurité
et identification. Mais ce qu'on
fait, dans le projet de loi n° 21, notamment, c'est, en utilisant la
disposition de dérogation, c'est de dire : Bien, écoutez, au Québec, le fait de donner des services à visage
découvert et de les recevoir à visage découvert, c'est le minimum. C'est de
cette façon-là que les rapports entre l'État et les services publics vont être
donnés. Et on fait le choix, ici, à l'Assemblée nationale, de
dire : Lorsque vous demandez un service, vous devez montrer votre visage
pour les deux motifs. Alors, si je n'avais pas recours à la disposition de
dérogation, bien, ça ne serait pas applicable encore aujourd'hui.
Mme Plante
(Valérie) : Écoutez, M. le ministre, avec tout mon respect, c'est
votre projet de loi. Donc, ce serait à vous
d'utiliser les mécanismes disponibles pour pouvoir trouver une façon de pouvoir
appliquer cette règle avec laquelle nous
nous entendons tous, du visage à découvert, sans utiliser la clause dérogatoire
mur à mur. Alors, pour moi, ça... Je ne suis pas prête à dire... Je ne peux pas aller dans votre sens. Comme je
disais, c'est vous qui connaissez les tenants et tous les aboutissants. Mais j'aime penser qu'il y a
moyen d'améliorer ce projet de loi là sans nécessairement utiliser
systématiquement ou d'emblée et tout d'un coup la clause dérogatoire.
M. Jolin-Barrette : J'entends ce que vous me dites. Cela étant dit,
dans la réalité des choses, pour s'assurer que les services soient donnés et reçus à visage découvert, il est
nécessaire d'utiliser la disposition de dérogation pour que ça soit un
choix de l'Assemblée par le biais du législateur.
Et
revenons sur la question de la clause. Le recours à la disposition de
dérogation a été utilisé à plus d'une centaine de reprises de façon préventive telle que nous le faisons. Alors, de
dire qu'il s'agit d'un précédent, je vous dirais, tous les gouvernements
successifs l'ont utilisée, que ça soit à la fois le Parti libéral ou le Parti
québécois. Alors, le recours à cette
disposition-là a déjà été fait. Souvent, on entend l'arrêt Ford, en 1988, en
lien avec la loi 101. Cela étant dit, elle a été utilisée après. Mais, encore aujourd'hui, on avait un échange
l'autre jour avec certains groupes qu'il y a des dispositions qui
doivent être renouvelées, qui ont été renouvelées sous la gouverne du Parti
libéral.
Alors,
c'est un outil législatif qui est à la portée... Je comprends qu'il y a un
malaise du côté de la ville de Montréal à l'utiliser. Cela étant dit, on
intervient quand même, et l'objectif est de s'assurer que le débat se fasse
ici.
Sur
la question de la neutralité, là, de l'État, la ville est d'accord avec le
gouvernement à l'effet que la neutralité religieuse de l'État doit
s'appliquer dans toutes les circonstances.
Mme Plante
(Valérie) : Oui, évidemment.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Et qu'il ne doit pas y avoir d'accommodement
religieux en lien avec le fait pour un fonctionnaire de traiter de façon neutre
les citoyens qui se présentent à la ville, supposons, pour recevoir un service.
Mme Plante (Valérie) : Il existe la
Charte des droits et libertés justement pour venir baliser notre façon de vivre ensemble. Alors, pour moi, ces règles-là et
ces chartes-là sont exactement là pour ces raisons, pour venir baliser.
M.
Jolin-Barrette : Mais je me
place du point de vue du citoyen, là, qui se présente à la ville de Montréal
pour recevoir un service, et le fonctionnaire qui
le reçoit décide de ne pas agir d'une façon neutre, O.K., et il invoque un accommodement pour dire : Écoutez, moi, je
refuse de le traiter de façon neutre, le citoyen, parce que c'est contraire à
mes convictions personnelles. Êtes-vous d'accord avec ça ou non?
Mme Plante
(Valérie) : Je pense qu'à ce moment-ci on devrait se positionner sur
la notion des comportements ou les
agissements d'une personne. Mais, pour moi, ça n'a absolument rien à voir avec
le port de signes religieux. Je trouve qu'on doit... Il ne faut pas
mélanger les pommes et les oranges non plus.
M. Jolin-Barrette : Bien, je vous
dirais que c'est des pommes ou c'est des oranges parce que justement la neutralité de l'État, ça va faire partie
intégrante de la laïcité de l'État. Et, dans le cadre de la laïcité de l'État,
on ne permettra pas d'avoir, pour les
fonctionnaires, des accommodements au niveau de leurs agissements d'une façon
neutre politiquement. On dit :
Écoutez, lorsque vous êtes un fonctionnaire de l'État... que ce soit provincial
ou fédéral, là, on ne parle pas des signes religieux, on parle vraiment de l'action au niveau des gestes qui sont
posés... mais, écoutez, vous ne pourrez pas demander une demande d'accommodement si vous êtes un
fonctionnaire et que vous avez un citoyen de confession catholique, juive ou
protestante et que vous ne voulez pas le servir pour ces raisons-là. Donc,
c'est ce que ça fait, entre autres, le projet de loi n° 21.
Sur la question
du port de signes religieux, revenons-y. La Fraternité des policiers et des
policières de Montréal, eux,
disent : Écoutez, nous, on est en faveur du fait qu'il n'y ait pas...
bien, en fait, il y ait une interdiction. Ils disent, dans une lettre envoyée à la ministre de la Sécurité
publique : «En effet, dans leur travail quotidien, les policiers et
policières de Montréal entrent en
contact avec des personnes de toutes confessions religieuses. Nous estimons
donc que l'apparence de neutralité
religieuse représente un atout dans l'exercice de la fonction, évitant que des
symboles religieux n'influencent la perception des justiciables quant à
l'impartialité des agents de l'État.»
Alors, je comprends que vous n'êtes pas d'accord
avec la fraternité des policiers de la ville de Montréal.
Mme Plante (Valérie) : Moi, je
respecte absolument l'opinion de la fraternité. D'ailleurs, je dois également mentionner que le Service de police de la ville de
Montréal a choisi de ne pas venir se présenter en commission, mais a quand
même émis la volonté de respecter le projet
de loi ou, du moins, la loi telle qu'elle sera adoptée, comme je l'ai fait,
d'ailleurs.
M. Jolin-Barrette : Mais le Service
de police de la ville de Montréal relève quand même de l'administration municipale. Et donc ce que je veux dire, c'est le
message de la ville de Montréal aussi qui est entendu. Le service de police, il
a une certaine indépendance de la part du...
comment je pourrais dire, de la ville de Montréal, mais ça constitue quand
même un service qui se rapporte au sein de
la ville. La fraternité des policiers a décidé de ne pas venir en commission,
mais a quand même fait parvenir une lettre
qui nous dit : Écoutez... Puis, globalement, c'est le nombre d'employés
que vous avez le plus à la ville de
Montréal qui vont être visés par le projet de loi, donc les policiers. Vous
avez également les procureurs de la
cour municipale également, les greffiers aussi. Donc, c'est un nombre limité
d'employés également qui vont disposer d'une clause de droits acquis
aussi.
• (16 h 10) •
Mme Plante
(Valérie) : Bien, écoutez, je pense qu'au final, comme je viens de le
mentionner, la fraternité a décidé de
se prononcer. Le Service de police de la ville de Montréal ne l'a pas fait. Ils ont dit qu'ils allaient respecter la loi, et,
je tiens à le répéter, le réitérer, moi aussi.
Et je pense
que, dans ce débat-là... Et vous avez bien raison de parler des différents
corps de métier qui sont touchés, mais
n'oublions pas non plus les citoyens et les citoyennes, j'aimerais quand même pouvoir ramener ça
aussi à celles et ceux qui, directement ou indirectement, vont être touchés par le projet de loi. Alors, pour moi, ici, mon rôle n'est pas de me mettre en opposition avec le corps policier, absolument
pas, moi, ma voix, ici, c'est de pouvoir apporter... encore une fois, de participer de façon et positive et constructive, pour, je
l'espère, améliorer le projet de loi.
M.
Jolin-Barrette : Mais ceux
qui vont être touchés par le projet de loi — c'est ma dernière question, ensuite, je
sais que j'ai des collègues qui veulent
poser une question — ceux qui
vont être touchés principalement par le projet de loi pour la ville de Montréal, ce seront les employés.
Les gens qui sont visés par l'interdiction de porter des signes religieux,
ce n'est pas les citoyens de la ville de
Montréal, ce sont les employés de la ville, donc les procureurs, les greffiers
ainsi que les policiers. Ça ne touche
pas les citoyens de la ville de Montréal, à l'exception du visage à découvert.
Donc, ça, je pense que c'est
important de le mentionner, la distinction entre les deux. Ceux qui sont
vraiment visés, ce sont les employés qui relèvent de votre
administration municipale.
Mme Plante
(Valérie) : Bien oui, mais vous avez... N'oublions pas non plus que ce
sont des citoyens et citoyennes qui
peut-être soit sont déjà dans un parcours de pouvoir soit travailler à la ville
de Montréal, de se joindre au SPVM, ou de
vouloir se joindre à devenir... dans le système... voyons, excusez-moi... le
système juridique, devenir enseignant. Donc, ça aussi, il faut les
nommer, on parle du maintenant, mais on parle du futur aussi, de là mon point.
M. Jolin-Barrette : Je comprends. Donc, M. le Président, je vous
remercie d'être venus en commission parlementaire.
Mme Plante (Valérie) : Merci. Merci
beaucoup.
M. Jolin-Barrette : Je sais que j'ai
des collègues qui veulent poser des questions.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci. Très rapidement, parce qu'il reste 1 min 30 s. Mme la
députée de Les Plaines, s'il vous plaît.
Mme Lecours (Les Plaines) : Alors,
rapidement, 30 secondes, écoutez... Bonjour, bonjour, merci d'être ici aujourd'hui. Toujours dans la même lettre ouverte,
vous avez laissé entendre que vous veniez ici aujourd'hui avec, en tête,
deux groupes, c'est-à-dire les opposants et
les gens qui sont pour. Mais il y a un troisième groupe que vous avez peut-être
oublié, c'est ceux qui trouvent qu'on ne va
pas encore assez loin. Et on a entendu quand même un certain nombre de groupes
qui sont venus dire qu'avec le projet de loi
n° 21, on ne va pas encore assez loin. Alors, ma
question est bien, bien simple. Justement,
M. le ministre vient de vous le mentionner, le projet de loi s'adresse à des
gens vraiment qui sont en situation d'autorité.
Vous disiez que ça affectait le monde municipal, mais il me semble — et c'est ma question — qu'on va beaucoup moins loin que la
charte des valeurs aurait été si elle avait été adoptée, pour le monde
municipal, j'entends.
Mme Plante (Valérie) : Vous
souhaitez que je me prononce sur la charte des valeurs, précédemment?
Mme
Lecours (Les Plaines) : Non, ce que je vous dis, c'est que le projet
de loi va beaucoup moins loin, donc affecte beaucoup moins le monde
municipal.
Mme Plante
(Valérie) : Bien, écoutez, moi, en ce moment, je veux dire que je suis
ici pour me prononcer non pas sur les lois du passé ni sur le compromis
Bouchard-Taylor, mais vraiment sur le projet de loi que vous proposez.
Mme Lecours (Les Plaines) :
...beaucoup moins loin.
Mme Plante
(Valérie) : Honnêtement, moi, j'aimerais ça m'en remettre au fondement
même, à savoir, et je vais le
répéter, parce que, moi, c'est fondamental, et c'est de se rappeler que le
Québec et Montréal, et, enfin, toutes... nous sommes une province avec des lois et des institutions fondamentalement
laïques, alors, pour moi, c'est le fondement de toute démarche, c'est comme ça que je suis dans cette approche-là, que
je suis ici. Alors, je respecte ceux qui considèrent que ça ne va pas
assez loin. Clairement, je ne suis pas de celles-là, de ces personnes-là, mais
je les respecte.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Je me tourne maintenant vers la députée de
Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme
David : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Plante. Bonjour, M.
Beaudry. Très contente de vous voir ici
participer à ce grand débat démocratique dont vous dites vous-mêmes qu'il peut
être houleux. Mais, je vous rassure, ça se passe bien ici, dans cette
enceinte, et nous sommes très respectueux de tous les intervenants qui
viennent.
On en parlait
justement, qu'est-ce que vous pensez... Vous avez beaucoup parlé de la clause
dérogatoire, de dérogation, en disant que... enfin, vous n'êtes pas tellement
d'accord avec ça. Mais est-ce que je dois comprendre pour ça que, pour
vous, le test des tribunaux, ça veut dire quelque chose pour notre vie
démocratique?
Mme Plante
(Valérie) : Évidemment. Je pense que la clause dérogatoire, encore une
fois, met fin au débat de façon
vraiment prématurée. Je pense que c'est là le plus grand malaise. M. le
ministre, tout à l'heure, vous nous disiez qu'il y avait plusieurs... ça avait été utilisé à de multiples reprises.
Mais j'aimerais quand même rappeler que, lorsque ça a été utilisé, c'était pour
vraiment bonifier la protection ou par nécessité de protéger d'autres droits ou
libertés reconnus, et, dans ce
cas-ci, j'ai l'impression qu'on est plutôt en train de diminuer la portée de la
protection ou de suspendre des droits, comme
le propose le projet de loi. C'est ça, la petite twist, là, qui est très
différente pour moi dans le cas actuel. Alors, je souhaite qu'on
puisse suivre... C'est un débat tellement fondamental, tellement important,
qui va marquer notre ville, notre métropole,
notre province pour les siècles... ou enfin pour des générations, en tout cas. Je souhaite vraiment qu'on donne la chance à nos institutions démocratiques
et, entre autres, aux chartes des droits et libertés de s'appliquer ou non, si
c'est le cas.
Mme David : Oui, bien, écoutez, vous
m'enlevez les mots de la bouche justement en parlant de cette clause dérogatoire qui va plutôt enlever des droits
qu'en ajouter, comme il a été habituellement fait pour la charte des droits et libertés. Donc, enlever un droit, d'habitude, ça prend une
urgence, ça prend un motif supérieur. Et donc on peut être
pour ou être contre. Mais c'est habituellement ce qui est dit.
Le ministre,
justement, parle d'un projet de loi qui vise toutes
les religions et pas les immigrants. Il a
commencé en disant ça : Ça vise toutes les religions et pas les
immigrants. On avait M. Guy Rocher, juste avant vous, et qui disait justement qu'en visant toutes les religions il y
a, par ailleurs, des religions beaucoup plus visibles que d'autres, avec des
signes religieux beaucoup plus ostentatoires que d'autres, et que, bon, c'est
comme ça.
La religion
catholique, comme par hasard, dont nous sommes pas mal issus, dans les
Québécois francophones, ce sont des signes beaucoup moins visibles. Et
donc vous avez fait référence justement à cette question d'inspection vestimentaire. Alors, le ministre a eu l'occasion
de parler de fouille à nu, en disant qu'il n'y en aurait pas. Mais il va
falloir toujours bien appliquer une
loi. Et on parle... J'aime bien votre expression, «inspection vestimentaire»,
donc, pour les signes invisibles,
qu'ils soient catholiques, où qu'ils soient... L'inspection vestimentaire
évidemment pour... Les signes de
d'autres religions peuvent être plus ostentatoires, donc très, très faciles à
voir et à repérer. Donc, je ne sais pas comment vous
allez vous comporter et comment vous vivez avec cette question de l'inspection
vestimentaire.
Mme Plante
(Valérie) : Bien, écoutez, je pense que le problème... l'application,
pour moi, est fondamentale. Je me suis retrouvée dans une commission comme
celle-ci pour parler, entre autres, du projet de loi sur le cannabis, et, pour
nous, l'important, c'est de dire : Au-delà
du principe, comment est-ce que ça s'applique, qu'est-ce qu'on demande aux
employés ou aux gens qui viennent recevoir un service de s'identifier ou non,
comment est-ce qu'on va organiser ça?
Et c'est
fondamental parce que ce qu'on veut éviter dans la notion
d'application, c'est, par exemple, que les gens se fassent justice eux-mêmes.
Moi, je n'ai pas envie qu'il y ait des personnes... que ce soit une femme
musulmane ou quelqu'un avec une croix, peu importe, qu'il se fasse
dire, dans l'autobus : Aïe! Enlève ton foulard, ou... Je veux éviter
ça. Je veux m'assurer que, dans mes cours
d'école, les enfants se sentent bien puis qu'ils savent que leurs parents, peu importe qui ils sont ou ce qu'ils
portent, sont des citoyens à part entière.
C'est vraiment...
Vous savez, à Montréal, on a une réalité qui parfois peut être
assez différente de d'autres villes au Québec. Et ce n'est pas pour nous mettre en opposition,
au contraire, c'est une richesse. Et, partout au Québec, on est un peuple tellement
accueillant et tellement ouvert, mais il n'en demeure pas moins qu'à Montréal
ces cultures qui se mélangent et ces
minorités qui sont les unes à côté des autres, on le vit au quotidien. Et je
veux m'assurer que la cohésion sociale n'est pas remise en question.
Et, présentement, il y a beaucoup de tension, je
ne vous le cacherai pas. On le sent. On le sent beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée.
Mme
David : Justement,
vous venez d'employer un mot... J'ai une déformation professionnelle,
mais qui répond au ministre indirectement. Vous avez dit : Dans mes
cours d'école. Alors que le ministre, tout à
l'heure, vous a un peu...
a essayé de vous faire dire que vous
êtes la mairesse d'un certain nombre d'employés. En tout respect, je dirais,
vous êtes la mairesse de Montréal
et des citoyens et citoyennes de Montréal. Vous avez dit : Mes cours d'école,
autrement dit, mes citoyens montréalais. Et donc vous êtes préoccupée.
Dans une lettre assez, je dirais même, très
humaniste, ce matin, j'oserais la qualifier comme ça, et je vous en félicite, une lettre qui parle justement
d'enjeux humains, d'enjeux sociaux, d'enjeux de vivre-ensemble et d'inclusion,
et donc, oui, vous parlez d'immigration, c'est vrai, même si le ministre va dire que ça ne s'adresse pas qu'aux immigrants.
Mais y aurait-il eu une loi si ça
n'avait été que pour des croix catholiques cachées en dessous de la chemise? On
peut se poser la question.
Alors, vous
dites justement que vous voulez regarder le côté du consensus
social et du climat social, et vous êtes la première, à ma connaissance, à mentionner l'ADS, chose qui vraiment n'est pas très souvent regardée, donc l'analyse
différenciée selon les sexes — auxquels
on peut ajouter le petit plus à la fin. Et vous regardez ça, et vous
dites : Non, ça ne franchit pas la barre de l'ADS. Expliquez peut-être,
pour ceux qui ne sont pas habitués, la réponse est assez limpide, mais
j'aimerais ça vous entendre là-dessus.
• (16 h 20) •
Mme Plante
(Valérie) : Merci beaucoup. Bien, écoutez, c'est la... cette analyse, selon les genres, on
l'a fait à la ville de Montréal, c'est toujours de réfléchir, dans un programme
ou même dans la réfection d'un parc,
ça peut être aussi simple que ça,
comment est-ce qu'on s'assure que certains critères sont remplis, mais dont un,
qui est important, d'une analyse, à
savoir est-ce que ça profite de la même façon aux hommes et aux femmes? Est-ce
que ça va avoir un impact différencié
selon qu'on est un homme ou une femme? Et, clairement, dans les statistiques
que mon collègue et moi, on vous a
montrées, quand on sait que le taux de chômage est deux fois plus élevé chez
les femmes issues de l'immigration versus les femmes natives d'ici, ou celles qui sont arrivées dans les cinq
dernières années, c'est majeur. Et même on voit une différence entre les
hommes qui sont arrivés dans les cinq dernières années et les femmes arrivées,
il y a cinq... cinq dernières années. C'est complètement différent. Il y a une
plus grande intégration de la part des hommes sur le marché du travail. Alors, évidemment, on doit se poser ces questions-là.
Moi, je m'attends à ce qu'une société qui, justement, fait valoir l'égalité entre les hommes et les
femmes se pose la question : Est-ce que cette loi, elle est égale pour les
hommes et pour les femmes? Je pense qu'on doit se poser cette
question-là, c'est important.
Mme David : Et votre réponse?
Mme Plante
(Valérie) : Bien, clairement, avec les chiffres qu'on a, ça serait, de
prime abord... Mais, en même temps,
je n'ai pas tous les éléments, et c'est pour ça que j'invite le gouvernement à
faire cette analyse, à peaufiner l'analyse pour qu'on puisse en arriver avec des réponses claires. De prime abord,
je vous dirais que non, mais, bien sûr, il faudrait approfondir le tout.
Mme David :
Bien, c'est très intéressant. Je voudrais, justement... De toute évidence, vous
avez une vision du vivre-ensemble et vous la pratiquez à tous les jours
dans une grande ville, à la si grande diversité culturelle. Alors, le consensus social, le vivre-ensemble, selon vous,
n'est pas atteint ou ne sera pas amélioré avec ce projet de loi, et vous
vous dites même inquiète de l'actuel... et de la suite des choses. Pouvez-vous
m'en parler un petit peu?
Mme Plante
(Valérie) : C'est évident que, présentement, je pense qu'on a tous...
on lit les journaux, on regarde les médias sociaux, je veux dire, c'est
très, très, très polarisé et polarisant. Et je ne peux pas m'empêcher de
réfléchir à celles et ceux qui sont
directement visés par certains propos, certaines attaques, ça m'interpelle
énormément. Et c'est là que je souhaite qu'on soit... Je pense qu'il y a quelque
chose qui ressort de très fort, c'est qu'on a... il y a un consensus, il y a un tronc commun de valeurs qui sont
importantes pour nous, oui, la laïcité, oui, l'égalité entre les hommes et les
femmes, mais ça, c'est... entre autres
choses, mais ce sont des choses sur lesquelles on peut travailler de façon très
constructive. Et c'est pour ça que je
tenais à saluer le gouvernement du Québec, qui investit énormément d'argent
dans des programmes de maillage,
d'intégration à l'emploi, des programmes sociaux qui visent à, justement,
favoriser le vivre-ensemble. Donc, je
ne veux pas réduire... je ne veux pas quelque chose de... je souhaiterais
quelque chose qui n'est pas restrictif, mais plutôt expansif, quelque chose qui vise le
vivre-ensemble, mais dans le positif, dans le constructif, plutôt que d'aller
dans l'autre direction.
Mme David :
Vous avez déjà, vous-même, fait un appel au calme par rapport aux réseaux
sociaux vous concernant. C'est dire
la situation que ça peut créer par rapport à un certain nombre de réactions de
gens, dans un sens ou dans l'autre, d'ailleurs.
Mme Plante
(Valérie) : Vous avez raison. Ceci étant dit, je ne suis pas visée, je
ne suis pas une femme racisée, je ne suis pas une femme qui porte ni une croix,
ou qui porte le voile, ou qui est une... Je n'ai pas ces signes-là. Alors,
même si je suis visée, je ne le vis pas à
l'intérieur, je ne me sens pas jugée personnellement. Ça me fait mal, je trouve
ça difficile, ça, c'est clair, puis
ça me fait peur, parce que ça... il faut faire un appel au calme. Mais, dans
ces moments-là, je pense à celles et
à ceux qui, dans la rue, se sentent directement visés ou qui se sentent
insécures. Et je pense que, dans nos
rôles d'élus, ce qu'on veut, c'est une société où chacun et chacune, peu importe,
encore une fois, quel est son parcours, se sent en sécurité — je pense que c'est la base — et sent qu'on lui donne les moyens pour
pleinement participer à la vie en
société. C'est ça, la cohésion sociale, c'est ça, pour moi, le vivre-ensemble,
c'est de se donner les moyens collectifs pour favoriser la pleine
participation à la vie citoyenne. Et ça, ça passe par des emplois, entre autres
choses.
Mme David :
Et vous avez parlé du lourd fardeau que vous donne, dans le fond, le fait de
déléguer, à la plus haute autorité administrative, l'application de la
loi et de vérifier, comme vous dites, l'inspection vestimentaire.
Mme Plante
(Valérie) : ...encore, en fait, parce que... on ne sait pas quel est
le cadre d'application et si... Pour nous,
c'est un des problèmes, c'est qu'on a un projet de loi, mais on ne sait
absolument pas comment ça va s'appliquer réalistement. Quelqu'un ne respecte pas la loi, on appelle qui, on fait
quoi? On arrive au bureau... Mais c'est des choses que je ne sais pas, M. Jolin-Barrette, je
vous le dis en toute honnêteté. Alors, si vous avez les réponses, je vais les
prendre, mais c'est vrai que, pour
nous, on est préoccupés par ça, surtout qu'on ne sait... c'est très difficile, pour nous, même,
d'évaluer qu'est-ce qu'un signe
religieux. Un intervenant était venu en parler, j'en ai parlé dans mon mémoire.
Mais de quoi on parle, à ce moment-ci, en termes de signes religieux?
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Je cède la parole au député de Jean-Lesage,
s'il vous plaît.
M.
Zanetti : Merci, M. le Président. Merci beaucoup, Mme Plante. Quelles
seront, selon vous, les conséquences du p.l. n° 21
sur le sentiment d'appartenance à la société québécoise chez les personnes
touchées?
Mme Plante
(Valérie) : Écoutez, les Québécois et les Québécoises, on est des
gens... il y a tellement de diversité, on
est tellement pluriels, donc je ne peux pas me prononcer sur... c'est difficile
pour moi de répondre à une question où on... je disais justement... mémoire, il ne faut pas voir les gens comme
quelque chose de monolithique. Alors, je veux faire attention, je ne veux absolument pas généraliser.
Ce que je sais, c'est que les Québécois et les Québécoises, peu importe où ils sont, qu'ils soient à Montréal ou à travers
le Québec, on est des gens justement accueillants, curieux, qui ont envie
de bâtir le Québec de demain, au final.
Mais c'est évident qu'en ce moment le projet de
loi tel que présenté... et, comme je disais, je pense que le fait d'utiliser la clause dérogatoire d'emblée a créé
beaucoup d'inquiétude et de suspicion par rapport au projet de loi, où certains
ont vraiment senti que ce n'est pas possible
de le remettre en question ou de le... de le remettre en question ou de le
questionner. Alors, c'est sûr que,
pour certaines personnes qui vont être directement visées, encore une fois, ce
n'est pas moi, ça, c'est clair, mais... ces gens-là se sentent plus
insécures ou se demandent parfois quelle est leur place dans notre société.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député, s'il vous plaît.
M. Zanetti : Merci. Vous parliez de
tensions tout à l'heure à Montréal qui sont soulevées par le débat sur le p.l. n° 21. Est-ce que vous
pensez que l'adoption du p.l. n° 21 tel qu'il est aujourd'hui va apaiser les tensions
ou est-ce qu'il va les exacerber?
Mme Plante
(Valérie) : En étant ici, dans cette commission, notre souhait, je le
disais, c'est d'y participer de façon constructive.
Et, quand je vous parle de cette analyse différenciée selon les sexes, c'est vraiment
important. Moi, je veux qu'on puisse
l'avoir justement pour répondre à des préoccupations qu'on entend, que les gens
nous partagent sur le terrain.
Encore une
fois, la question de la clause dérogatoire, selon moi, viendrait apaiser,
viendrait justifier, ou, du moins, permettrait à beaucoup de gens de
dire : O.K. Le processus suit son cours en bonne et due forme. Je pense
que c'est important de... je sais qu'il y a
une volonté, d'une certaine façon, de passer à autre chose, c'est quelque chose
que j'entends aussi, hein, on veut
passer à autre chose. Mais, passer à autre chose, ça ne veut pas dire sauter
les étapes. Et, moi, c'est ce que je
souhaite en ce moment pour m'assurer que, bien sûr, mes citoyens et citoyennes
à Montréal se sentent partie prenante de ce projet
de loi.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
Matane-Matapédia, s'il vous plaît.
M. Bérubé :
Merci, M. le Président. Salutations à la mairesse de Montréal, à M. Beaudry.
D'entrée
de jeu, soyons de bon compte. Contrairement à la croyance populaire, la ville
de Montréal n'a jamais demandé de
statut particulier, il faut le préciser. Je l'avais indiqué à la mairesse, on
s'est vus jeudi dernier à l'UMQ. Et je
veux saluer la contribution de la ville de Montréal. C'est toujours apprécié
qu'il y ait des mémoires de déposés et qu'on puisse avoir un échange, d'avoir un réflexe Montréal en toutes
circonstances lorsque la ville de Montréal a des besoins. Je pense que ça devrait animer l'ensemble de la
classe politique. Quand la ville de Montréal fait des demandes, je pense
qu'il n'y a jamais trop d'alliés pour la
ville. Je me permets ce commentaire éditorial dans le cadre des demandes de la
ville de Montréal.
En
matière de laïcité, j'entends les arguments, j'entends, par exemple, la clause
dérogatoire, c'est une première, pas
nécessairement une première. Puis pourquoi on choisit ce mode de protection,
c'est parce qu'on est dans un régime qui
fait en sorte que ça peut constamment être contesté par le gouvernement
fédéral, par les tribunaux. L'État québécois n'est pas souverain, alors il est assujetti à une autre nation. Alors,
c'est normal, on gagne du temps, on essaie d'avoir une protection, mais
on n'a pas tous les pouvoirs nécessaires.
En
fait, ce qui est au centre de votre réflexion puis de votre propos,
c'est : Pourquoi ne pas laisser aller les choses? La bonne entente, l'intégration, et tout ça. Ce
n'est pas si simple que ça. Si on n'avait pas passé la loi 101 en 1977, vous
seriez à la tête d'une grande ville
diversifiée, mais anglophone. C'est ça, la vérité. Alors, pourquoi on décide de
légiférer en matière de laïcité? Pour
prévoir l'avenir. Et l'avenir, c'est que tout le monde puisse vivre ensemble,
oui, mais, dans les lieux publics, que tout le monde doit égal.
Je
vous pose la question suivante : N'êtes-vous pas d'accord que là où
devrait s'exercer le culte ou devrait se porter les vêtements de culte ou associés à une religion, c'est dans les lieux
de culte, dans la famille et dans le privé? Pourquoi ça serait un droit de s'afficher de façon
religieuse lorsqu'on a un emploi dans la fonction publique? Il me semble que
c'est un lieu qui devrait être totalement neutre. Il ne suffit pas de
dire que l'État est neutre ou laïque, les individus doivent l'incarner aussi. Alors, d'où vient cette volonté que les religions apparaissent également
dans le cadre des heures de travail lorsqu'on travaille
pour l'État? Il me semble que ce n'est pas un droit, ça.
• (16 h 30) •
Mme
Plante (Valérie) : Tout d'abord, j'aimerais rectifier que je n'ai jamais dit que nous aurions
laissé aller les choses. Ce n'est absolument pas ce que j'ai dit. Ce que je dis, c'est qu'on
doit mieux connaître les impacts. Ça, c'est très différent. Également, j'aimerais, quand vous dites : Pourquoi
on devrait accepter les religions ou les signes religieux?, j'aimerais rappeler que les données que nous avons
à la base pour plusieurs personnes, pour plusieurs minorités, que ce soient
des personnes racisées, des personnes qui sont arrivées... les personnes
immigrantes, il y a des personnes qui sont ici depuis longtemps, il y a des barrières systémiques à la vie en société,
dont l'accès à des emplois. Alors, selon moi, de rajouter une barrière supplémentaire qui est celle de ne
pas pouvoir afficher une conviction religieuse, c'est une barrière de plus.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la mairesse, M. Beaudry, merci
beaucoup de votre contribution.
Mme Plante
(Valérie) : Merci infiniment.
Le
Président (M. Bachand) : Je suspends les travaux quelques
instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
16 h 31)
(Reprise à 16 h 34)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Je souhaite la bienvenue à la Fédération québécoise des municipalités et vous invite
immédiatement à débuter votre exposé pour une période de 10 minutes.
Merci beaucoup et bienvenue.
Fédération
québécoise des municipalités (FQM)
Mme Lamarche
(Chantal) : Merci. Bonjour, tout le monde. M. le Président, M. le
ministre, Mmes, MM. les députés, bonjour.
Je
me présente, Chantal Lamarche, je suis préfète à la MRC Vallée-de-la-Gatineau,
élue au suffrage universel en Outaouais, administratif et comité
exécutif à la Fédération québécoise des municipalités. Permettez-moi de vous présenter les personnes qui m'accompagnent :
M. Châteauvert, directeur des Politiques, Mme Maryse Drolet, conseillère
politique. Merci d'accueillir la Fédération
québécoise des municipalités dans le cadre de cette commission parlementaire
sur le projet de loi n° 21.
J'aimerais d'abord dire quelques mots sur la
Fédération québécoise des municipalités. Fondée en 1944, nous célébrons cette année nos 75 ans d'existence. La
fédération est la porte-parole des régions en regroupant près de 1 000 municipalités locales et régionales au
Québec. Ce sont quatre municipalités sur cinq et la totalité des MRC qui, sur
une base volontaire, forment nos rangs.
Notre rôle est de faire entendre la voix des régions, de porter les ambitions
locales et
régionales et de défendre les intérêts des gouvernements de proximité. La FQM
constitue le plus grand rassemblement du monde municipal du Québec.
Lors
de sa dernière rencontre, le conseil d'administration de la Fédération
québécoise des municipalités a analysé le projet de loi n° 21,
Loi sur la laïcité de l'État. À l'instar de la société québécoise, le débat sur
le sujet a été intense. Au-delà des
opinions, force est de constater que l'incapacité observée ces dernières années
des autorités des gouvernementales et de l'Assemblée nationale d'établir
clairement les bases de laïcité de l'État a créé un problème. À titre d'élus,
nous connaissons le coût des débats occultés
et, surtout, la nécessité du courage politique pour faire avancer les choses.
Les commentaires et recommandations de la FQM porteront spécifiquement
sur les articles touchant le milieu municipal.
Par
ailleurs, pour répondre à la question si des difficultés quant au respect de la
laïcité de nos institutions ont déjà été observées chez nos membres, l'évidence
est là. Ces situations ne constituent pas une problématique chez les membres
de la FQM. Toutefois, cela ne diminue en
rien l'importance d'appliquer un cadre clair de fonctionnement tel que proposé
pour éviter d'éventuellement problèmes.
En
tout premier commentaire, la FQM appuie sans réserve les quatre principes
fondamentaux énoncés au projet de loi
appuyant la laïcité de l'État, soit la séparation de l'État et des religions,
la neutralité religieuse et l'État... l'égalité de tous les citoyens et citoyennes ainsi que la
liberté des consciences, de la liberté de la religion. Ces principes
correspondent aux valeurs de la fédération que sont la neutralité, l'égalité,
l'ouverture et l'inclusion. Pour cette raison et en fonction des propos tenus en introduction, la FQM appuie la
démarche initiée par le gouvernement. Le projet de loi prévoit que toutes
les institutions parlementaires,
gouvernementales et judiciaires sont tenues de respecter les principes fondamentaux
énoncés au chapitre I.
La
séparation de l'État et des religions, la neutralité religieuse de l'État ainsi
que la liberté de conscience et la liberté de religion sont des principes acquis depuis plusieurs décennies au
Québec, bien décrits dans le premier considérant du projet de loi. Ainsi, la
FQM est tout à fait d'accord avec le principe de laïcité de l'État. En tant que
gouvernements de proximité reconnus à
l'Assemblée nationale du Québec, le principe de laïcité doit s'appliquer
également aux municipalités et aux municipalités régionales de comté,
MRC.
L'annexe
II du projet de loi vient préciser les personnes touchées par l'interdiction du
port de signes religieux dans l'exercice de leurs fonctions concernant
le monde municipal. Les personnes touchées : les agents de la paix, les greffiers et les greffières adjoints des cours
municipales. La fédération est à l'aise avec cette interdiction. Pour la FQM,
la nature de ces fonctions oblige une
image de neutralité afin de transmettre un message d'ouverture à tous les
citoyens et citoyennes qui doivent desservir la municipalité,
spécifiquement en contexte d'autorité.
Le
projet de loi aborde la question des services à visage découvert. L'article 8
indique qu'un membre du personnel d'un organisme, dont les municipalités, doit
exercer ses fonctions à visage découvert, cette proposition du projet de loi
s'inscrivant dans la foulée de l'obligation faite aux personnes de s'identifier
lorsqu'elles reçoivent un service ou qu'elles s'apprêtent à voter. Il est donc
tout à fait normal d'exiger que l'employé qui donne les services se conforme à
la même règle. La fédération est donc en accord avec cette obligation d'imposer
aux employés des municipalités et des MRC qui donnent des services aux
citoyens.
Dans
la foulée de ce qui précède, le projet de loi prévoit que toute personne qui
désire recevoir un service par un membre du personnel de la municipalité devra
être le visage découvert. La fédération est également en accord avec cette
disposition du projet de loi, notamment pour permettre à la vérification de
l'identité ou pour des motifs de sécurité. À ce
chapitre, il est justifié de prévoir des exceptions pour les personnes dont le
visage est couvert en raison d'un motif de santé, d'un handicap ou des
exigences propres à des fonctions ou à l'exécution de certaines tâches.
• (16 h 40) •
L'article
12 du projet de loi indique qu'il appartient à la personne qui exerce la plus
haute autorité administrative de
prendre les moyens nécessaires pour assurer le respect de ces mesures prévues. Cette approche respecte le fonctionnement interne de nos municipalités et MRC. En outre, la
FQM étudiera avec intérêt l'approche choisie par les responsables de la fonction publique pour appliquer les nouvelles
règles qui découleront la loi, advenant son adoption à l'Assemblée nationale
et en son entrée en vigueur.
L'indépendance des
cours municipales est une condition essentielle à notre système. Aussi, la FQM
accueillit favorablement la mesure qui confie au Conseil de la magistrature la
responsabilité d'établir des règles traduisant les exigences de laïcité de
l'État et d'assurer leur mise en oeuvre pour ce qui est des cours municipales.
Le
8 mars 2019, la Fédération québécoise des municipalités rendait publique sa
toute première politique d'égalité et
de parité entre les femmes et les hommes. Par ce geste, la fédération affirmait
ainsi haut et fort ses valeurs d'égalité entre les femmes et les hommes
qu'elle porte et a toujours défendues.
Dans
la déclaration de principe de sa politique, la FQM affirme que l'égalité est un
droit fondamental et constitue une
valeur essentielle de la démocratie québécoise. Malgré tous les acquis des
dernières décennies et l'adoption de lois qui garantissent l'égalité de droit,
les inégalités existent au plan social, économique et politique. C'est dans une
de ces optiques que l'adoption d'une politique d'égalité et de parité
entre les femmes et les hommes vise à établir les balises concrètes qui permettront de préserver les acquis
et de progresser vers l'égalité. C'est une façon de reconnaître qu'il faut
amorcer le changement et de témoigner de notre volonté d'y parvenir.
Ainsi, la FQM appuie
sans réserve le quatrième principe de ce projet de loi qui reconnaît l'égalité
de tous les citoyens et citoyennes.
D'ailleurs, le premier principe directeur de la politique d'égalité et de
parité de la FQM est celui de l'égalité.
Ainsi, la FQM affirme dans sa politique que l'égalité entre les femmes et les
hommes est un thème transversal qui
doit être considéré comme faisant partie intégrante de toutes les politiques,
stratégies, programmes et projets de la Fédération québécoise des
municipalités.
Incidemment et en
concordance avec ses valeurs et sa politique d'égalité et de parité entre les
femmes et les hommes, la fédération
défendra, dans toutes ses positions, l'égalité entre tous les citoyens et
citoyennes. Le projet de loi prévoit enfin que la loi ne peut être interprétée
comme ayant un effet sur des éléments emblématiques ou toponymiques du patrimoine culturel du Québec, notamment du
patrimoine religieux. La FQM est en accord avec cette disposition qui reconnaît ainsi l'histoire du Québec dans ce
patrimoine toponymique, historique et culturel qui n'est plus porteur de sens
religieux.
La
Fédération québécoise des municipalités remercie les membres de la commission
de lui avoir permis d'exprimer sa
position sur le projet de loi sur la laïcité de l'État et souhaite que le
présent débat soit une occasion de mettre davantage en valeur les spécificités de la société québécoise,
qui prend appui sur l'égalité entre tous les citoyens et citoyennes ainsi
que la neutralité de l'État québécois et de ses institutions.
La
FQM croit que le projet de loi correspond aux valeurs promues dans la
fédération et considère que celles-ci permettraient le mieux-vivre dans
la neutralité et l'ouverture. Merci de votre attention.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup,
Mme la préfète. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Merci,
M. le Président. Mme Lamarche, Mme
Drolet, M. Châteauvert, bonjour. Bienvenue. Merci, dans un premier
temps, d'être à l'Assemblée nationale. Bienvenue également d'être ici.
Écoutez,
je vous remercie pour la présentation de votre mémoire. À la lecture de
celui-ci, je constate que vous souhaiteriez qu'on applique le projet de
loi n° 21 autant aux municipalités locales qu'aux MRC.
Mme Lamarche
(Chantal) : C'est exact.
M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, actuellement, on ne l'avait pas construit
de cette façon-là, le projet de loi, mais pourquoi vous souhaiteriez qu'on
l'étende aux municipalités régionales de comté?
Mme
Lamarche (Chantal) : Parce qu'on est service aux... comme les municipalités font, c'est... une MRC, c'est les municipalités,
dans le fond, là. C'est un comté des municipalités.
M. Jolin-Barrette : O.K. Nous, à la lecture... bien, en fait, quand on
l'avait construit, c'était implicite que les MRC étaient visées, mais,
si on indiquait expressément les MRC, vous seriez en accord avec cette
modification-là.
Mme Lamarche
(Chantal) : Oui.
M. Châteauvert (Pierre) : M.
le ministre, c'est simplement, dans
le langage, effectivement, supposons, c'est au Code municipal, lorsqu'on parle d'une municipalité, ça s'applique
également aux MRC. Nous, on l'a compris de cette façon-là. Mais, effectivement, dans nos mémoires et partout, on indique toujours
de façon très claire la municipalité et la MRC en tant que regroupement et
aussi qui dessert la population par territoires.
M. Jolin-Barrette : O.K. Bien, en fait, ce qu'on va faire, on va faire les
vérifications avec les légistes, tout ça, mais, s'il y a lieu d'apporter
un amendement là-dessus, on apportera un amendement pour clarifier la situation.
Il y a beaucoup
de gens qui sont venus critiquer le recours à l'utilisation de la disposition de dérogation. Ça fait 10 ans
qu'on parle du dossier. Est-ce que vous avez une opinion sur le fait que ça soit les
élus des l'Assemblée nationale
qui viennent déterminer de quelle façon vont
s'organiser les rapports entre l'État et les religions et que, notamment,
on utilise la disposition de dérogation pour ça?
M.
Châteauvert (Pierre) : Non. En fait, la discussion qui a eu
lieu au conseil d'administration par rapport à l'ensemble de ce projet de loi là, les membres en ont intensément discuté, effectivement, ils ont regardé les dispositions et se
sont dit que ça prenait... pour ce
qui est du monde municipal, le législateur évaluait l'importance de faire appel
à cet outil, qui est un outil législatif. Donc, la responsabilité de la
définition du vivre-ensemble revient aux élus de l'Assemblée nationale.
Vous avez été élus le 1er octobre dernier, donc, là-dessus, ça allait de soi,
pour les membres du conseil d'administration, de procéder de cette façon-là.
Mais il n'y avait pas... à ce niveau-là.
M. Jolin-Barrette : Le monde municipal est particulièrement visé dans le cadre du projet de
loi n° 21. Notamment, vous avez, dans le fond, les policiers des sûretés municipales ou de la
Sûreté du Québec. Je sais qu'il y a certains membres chez vous qui sont membres
à la FQM, que c'est la SQ, exemple, dans mon comté aussi, j'ai des
municipalités qui sont desservies par
la SQ. Vous avez également les cours municipales, les greffiers qui sont à la
cour municipale, les procureurs également
qui exercent en matière pénale dans les cours municipales. Au niveau de
l'application de la loi, est-ce que, pour vous, c'est un enjeu que ce
soit la plus haute autorité administrative qui soit chargée de l'application de
la loi?
Mme
Lamarche (Chantal) : Non, c'est qu'est-ce qu'il est écrit dans le...
puis qu'est-ce que j'ai dit tantôt, non.
M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, vous êtes habitués à l'effet que, dans les municipalités ou
dans les MRC, ça soit, j'imagine, le D.G. qui soit la personne qui
applique les lois d'ordre public à travers les municipalités.
Mme Lamarche (Chantal) : Oui, vas-y.
M. Châteauvert (Pierre) :
Si vous permettez, effectivement, il y a des procédures à l'intérieur, il y a
des conventions, et tout ça. Nous, on fait
appel au service de la Sûreté du Québec puis aussi on a des municipalités et
des MRC qui ont
des corps, leur propre corps de police. Il y a des règles à l'intérieur de ça.
Mais il est certain qu'on va observer avec
intérêt la façon que l'État, que le gouvernement du Québec va appliquer la
règle pour voir s'il n'y a pas des idées, la façon. Donc, on va beaucoup
s'inspirer de la façon que vous allez... que l'État va appliquer la loi.
Mais, à première vue, lors de la discussion lors
du conseil d'administration, ça n'a pas posé problème. C'était comme... On
respectait la hiérarchie et la façon de faire. Donc, ça ne causait pas
nécessairement de problème.
Mme Lamarche (Chantal) : Exactement.
M. Jolin-Barrette : Donc, déjà, actuellement, pour tous les maires et
les mairesses du Québec, lorsqu'il y a lieu d'appliquer des règles avec les employés, c'est déjà le directeur
général qui fait appliquer les lois et les règlements qui s'appliquent à
l'intérieur de la municipalité dans les contrats de travail.
Mme
Lamarche (Chantal) : Exactement. C'est le directeur général. Des fois,
il y a des directeurs de service, ça peut devenir le directeur général
ou le directeur des services en voirie, peu importe, mais oui.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Donc,
parfois, le directeur général délègue sa responsabilité au supérieur immédiat
qui est chargé de l'application de la règle. C'est ça?
Mme Lamarche (Chantal) : Exactement.
M. Jolin-Barrette : O.K. Puis ça
s'applique, ça, autant au niveau des MRC que des municipalités?
Mme Lamarche (Chantal) : Exactement.
La même chose.
M.
Châteauvert (Pierre) : Ça,
ça va avec la grosseur de la municipalité. Effectivement, une petite
municipalité n'a pas nécessairement
de direction de ressources humaines. Mais il y a des MRC maintenant qui ont
150, 200 employés; vous comprendrez
qu'ils ont des organisations assez bien structurées pour gérer les ressources
humaines, et tout ça. Et il y a des
délégations à l'intérieur de la structure, mais tout ça relève du directeur
général qui fait rapport au conseil des maires.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Au
niveau des services... Bien, en fait, premièrement, les employés municipaux qui
donnent les services à visage découvert, ça, il n'y a pas d'enjeu pour vous?
Mme
Lamarche (Chantal) : Pas d'enjeu, comme que j'ai lu puis comme qui est
dans notre mémoire non plus.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Même
chose pour les citoyens qui doivent recevoir des services publics à visage
découvert pour les motifs d'identification et de sécurité, ça aussi, ça
va?
Mme Lamarche (Chantal) : La même
chose, ça va.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Est-ce
que, pour vous, c'est préférable, l'approche qu'on a prise dans le cadre du
projet de loi n° 21, le fait que ça soit pour des questions de
sécurité et d'identification, ou vous auriez préféré qu'on mette également,
comme c'était le cas dans le projet de loi n° 62, l'identification et la
communication?
Mme
Lamarche (Chantal) : Nous, c'est comme qui est dans le projet de loi
n° 21. Comme que j'ai dit tantôt, question de sécurité,
d'identifier, on est d'accord avec ça. La FQM est d'accord avec ça.
• (16 h 50) •
M.
Jolin-Barrette : O.K. Et
vous faites référence beaucoup au conseil d'administration pour la prise de
position du mémoire de la Fédération
québécoise des municipalités. Au conseil d'administration, il y a combien de
membres dans la FQM?
Mme Lamarche (Chantal) : On est 43
membres au conseil d'administration de la FQM, donc, des membres partout dans le Québec, puis ces membres-là sont
élus quand qu'il y a eu des élections en novembre 2017... sont élus par leurs pairs chez eux pour représenter leur région.
Comme moi, en Outaouais, on est deux pour représenter l'Outaouais. Ça fait que c'est comme ça
dans chaque région, on est 43 au total à la FQM.
M. Jolin-Barrette : O.K. 43 des
17 régions administratives du Québec?
Mme Lamarche (Chantal) :
Exactement.
M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, vous êtes élus directement par les
maires et les mairesses de chacune des MRC, de chacune des régions.
Mme Lamarche (Chantal) :
Exactement.
M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, vous portez véritablement la voix de
l'ensemble du Québec à l'échelle provinciale.
Mme Lamarche (Chantal) :
Oui. Puis on a consulté le conseil d'administration avec... long en large, ça a
été très étudié, analysé. Et, moi, chez nous, en Outaouais, j'ai
consulté aussi les élus.
M. Jolin-Barrette : O.K., parfait. Écoutez, je vous remercie. Je sais
que j'ai des collègues qui veulent poser des questions. Je crois que le
député de Chapleau veut poser des questions. Je reviendrai par la suite.
Le Président (M. Bachand) : Sûrement un député que vous connaissez bien. M.
le député de Chapleau, s'il vous plaît.
M. Lévesque
(Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour,
Mme Lamarche. C'est un plaisir de vous voir ici, là, en commission,
également M. Châteauvert et Mme Drolet.
Peut-être
une petite question. Dans votre mémoire, vous écrivez, donc, je vais
citer : «L'article 12 du projet de loi indique qu'il appartient à la personne qui exerce la plus haute autorité
administrative de prendre les moyens nécessaires pour assurer le respect des mesures prévues. Le projet de loi ne prévoit
aucune autre modalité en la matière. Cette approche respecte le
fonctionnement interne de nos municipalités et MRC.»
Est-ce
que nous devons comprendre que, selon vous, si le projet de loi prévoyait des
moyens d'application et un processus plus précis à suivre, il pourrait
porter atteinte à l'autonomie municipale?
Mme Lamarche
(Chantal) : Bien, on va s'inspirer du gouvernement, là, qu'est-ce
qu'il va apporter comme application.
Là, présentement, ce qui est dans le document, c'est les personnes en... les
directeurs généraux, puis ça dépend de la
grosseur de la municipalité ou de la MRC, là. Des fois... un directeur, puis il
y en a qui ont des directeurs de
ressources humaines, voirie, peu importe. Mais on va s'inspirer du
gouvernement, selon l'application. Mais présentement on appuie qu'est-ce qui est dans le document,
directeur général, ceux qui ont la plus haute autorité au niveau municipal.
M. Lévesque
(Chapleau) : Parfait. Merci beaucoup. Je pense que mon collègue de
Saint-Jean aurait une question également.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Saint-Jean, s'il
vous plaît.
M. Lemieux :
Merci, M. le Président. Mme Lamarche, j'ai vérifié avec le député de
Chapleau juste avant de poser la question parce que... vous êtes une des
rares préfètes au Québec qui est élue au suffrage universel, n'est-ce pas?
Mme Lamarche
(Chantal) : Exactement, oui.
M. Lemieux :
Ce que j'ai toujours trouvé remarquable.
Mme Lamarche
(Chantal) : Sans faire d'erreur, on est 17 MRC élues au suffrage
universel au Québec sur 87. Donc, moi, c'est en Outaouais.
M. Lemieux :
Ce sera pour une autre conversation, mais ça colore quand même votre témoignage
dans la mesure où il y a une
imputabilité et une légitimité particulières quand on est élu au suffrage
universel. Vous n'êtes pas juste désignée par vos pairs...
Mme Lamarche
(Chantal) : Les maires. La population qui vote pour moi. Oui,
exactement.
M. Lemieux :
C'est là où je voulais en venir. Et, de là, j'allais vous demander... Il y a
eu, dans l'actualité... puis il y a des gens qui vont venir ici qui disent,
d'ores et déjà — je parle
de commissions scolaires, municipalités, on verra — qu'ils n'appliqueraient pas nécessairement
la loi si le projet de loi n° 21 devient la loi. Pensez-vous que les
municipalités, MRC, commissions scolaires peuvent choisir de ne pas
respecter les lois qui s'appliquent à elles?
Mme Lamarche
(Chantal) : Bien, pour les commissions scolaires, je ne répondrais pas
parce que moi, je suis vraiment volet municipal. Au niveau
municipalités, je...
Une
voix : On l'applique.
Mme Lamarche
(Chantal) : On l'applique. Il va falloir l'appliquer. Il faut faire
suivre la loi.
M. Lemieux :
Mais parce que c'est la loi ou... même... C'est parce qu'il y a des questions
sur l'applicabilité. À partir du
moment où le projet de loi n° 21 devient la loi, vous n'avez pas de misère
à trouver la façon de l'appliquer telle que vous la comprendrez?
Mme Lamarche
(Chantal) : Non. Comme j'ai dit à M. Lévesque tantôt, on va
s'inspirer de vous, au gouvernement, pour
l'application, si vous faites des changements. Présentement, c'est la plus
haute autorité municipale. On va s'inspirer de vous. Mais, non, on est
d'accord avec ça. Mais, au niveau scolaire, je ne peux pas parler, là, c'est...
M. Châteauvert
(Pierre) : Si vous permettez...
Mme Lamarche
(Chantal) : Oui, allez-y.
M. Châteauvert
(Pierre) : Je vais vous
faire un parallèle. À l'automne dernier, il y a eu un mouvement sur le registre des armes à feu, où est-ce qu'il y a
beaucoup de groupes qui débarquaient dans les conseils municipaux puis qui
demandaient, justement, d'une remise en question. Or, le conseil exécutif de la
FQM en a discuté et a envoyé un message, différents éléments, à l'ensemble des membres, et le premier élément,
c'est : La loi s'applique, nous sommes des élus, et on doit la suivre, et on est là pour appliquer la
loi et les règlements. Donc, c'était très clair, à ce moment, ça, c'est un
principe inébranlable au niveau de la
FQM. Des fois, on ne partage pas toujours les éléments, mais c'est fondamental
dans notre système.
Mme Lamarche (Chantal) : Très
bon exemple.
Le Président
(M. Bachand) : Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, écoutez, M. Châteauvert, je pense
que vos propos sont empreints de sagesse parce que c'est vrai que, lorsqu'on est à la tête d'une organisation municipale
ou quelconque organisation québécoise, on se doit de respecter la loi. Et j'invite, dans le fond, tous les
partenaires, qu'ils soient du milieu municipal, scolaire ou organisationnel autre, qui sont visés par le
projet de loi, à s'assurer d'appliquer la loi. Parce que, vous savez, dans
notre démocratie, ça fonctionne comme ça. Et c'est vrai également pour
les règlements municipaux. Un conseil municipal, ça parle par résolution, donc, à partir du moment où le conseil prend une
résolution, adopte un règlement, c'est la loi de la municipalité, c'est la réglementation municipale,
et, en ce sens-là, on ne voudrait pas que des citoyens ne respectent pas la
loi. C'est la même chose au niveau des lois provinciales et au niveau des lois
fédérales.
Vous indiquez,
dans votre mémoire, que... en lien avec l'interdiction concernant les agents de
la paix, les greffiers, les greffiers
adjoints des cours municipales, que «la nature [des] fonctions oblige une image
de neutralité afin de transmettre un
message d'ouverture à tous les citoyens et citoyennes que doit desservir la
municipalité et spécifiquement en contexte d'autorité». Alors, pour la FQM, le fait que ces personnes-là ne
puissent pas porter de signe religieux, c'est un message de neutralité.
C'est ce que je comprends.
Mme Lamarche (Chantal) : Exactement.
M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, ça
veut dire...
Mme Lamarche (Chantal) : D'ouverture
aussi.
M. Jolin-Barrette : D'ouverture
aussi.
Mme Lamarche (Chantal) : Exactement.
M. Jolin-Barrette : Du fait que tous
les citoyens vont être traités équitablement, de la même façon.
Mme Lamarche (Chantal) : Exact.
C'est ça. Très important.
M. Jolin-Barrette : Donc... oui.
Mme Lamarche (Chantal) : La
neutralité.
M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, il n'y a pas d'apparence non plus de
partialité dans le traitement. Ce que vous dites, c'est que l'image est
aussi importante que le fond aussi du traitement.
Mme Lamarche (Chantal) : Oui.
M.
Jolin-Barrette : O.K. En
lien avec les valeurs de la FQM au niveau de la parité, au niveau de l'égalité
entre les femmes et les hommes, vous
faites un lien entre la laïcité et l'égalité entre les femmes et les hommes
dans votre mémoire aussi.
Mme Lamarche (Chantal) : Oui, c'est
ça qui... comme que j'ai dit tantôt, exactement.
M.
Jolin-Barrette : O.K.,
pourquoi vous faites ce lien-là? Comment vous le rattachez entre... l'égalité
entre les hommes et les femmes et la question de laïcité?
M. Châteauvert (Pierre) : La démarche de la FQM, lors de la discussion, ce qui est sorti clairement, lors du conseil d'administration, c'est que ça fait très longtemps que tout ça traîne, c'est dans le mémoire, c'est
assez clair, c'est que ça prend un
cadre clair pour avancer. Donc, la FQM a été la première organisation municipale à adopter ce genre
de politique là, et, lors du débat,
il était clair que — en fait,
clair, effectivement, le mot revient souvent — le contexte dans lequel tout ça doit s'appliquer, la clarté des conditions
d'application à tous les niveaux devenait un élément pour réaliser...
pour permettre la réalisation des objectifs qu'on a mis dans la politique de
parité et d'égalité.
Ce
que les membres du conseil ont dit par rapport au fonctionnement des municipalités,
ce qui était apprécié, c'était que,
pour une fois, on va avoir un contexte clair dans lequel on va pouvoir
fonctionner et qui... Bon, c'est évident qu'il n'y a pas nécessairement de problématique intense dans nos milieux, là,
les municipalités qu'on représente, en très grande majorité, mais que, quand même, pour éviter des
problèmes éventuels, l'application de cette loi-là allait fournir un cadre
de fonctionnement suffisamment clair pour nous permettre d'avancer dans ces
politiques-là.
M. Jolin-Barrette : Est-ce que vous avez des enjeux, parfois, au niveau des accommodements
raisonnables, au niveau de la clarté?
Parce que je vous donne l'exemple, dans le cadre du projet de loi, pour le
visage à découvert, les services publics
à visage découvert et la réception de services, maintenant, ce ne sera plus
possible de faire des accommodements religieux.
Dans le fond, la personne devra se découvrir le visage pour des motifs de
sécurité ou d'identification, il n'y a pas
de possibilité d'accommodement. Même chose pour le fonctionnaire ou l'agent de
la municipalité qui donne un service, bien,
il devra respecter le principe de laïcité de l'État, il ne pourra pas ne pas
agir, supposons, d'une façon neutre avec un citoyen qui viendrait.
Exemple, supposons, moi, j'avais ma croix catholique, et quelqu'un refuserait
de me servir, un employé municipal
refuserait de me servir, bien, ça ne sera pas possible, il ne pourra pas
dire : Je ne veux pas servir Simon parce que... il a un signe religieux, donc je ne le traite pas d'une
façon neutre sur le plan religieux. Est-ce que vous êtes d'accord avec
ça, le fait qu'on ne permette plus d'accommodement religieux sur le visage à
découvert?
Mme Lamarche
(Chantal) : Oui.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Et est-ce que ça entraîne parfois des
difficultés d'application, les accommodements religieux, pour vos
municipalités?
Mme Lamarche
(Chantal) : Non.
• (17 heures) •
M. Châteauvert (Pierre) : Actuellement, dans nos communautés, il n'y a pas véritablement de problématique à laquelle on assiste. Pourquoi les gens du conseil tenaient à appuyer cet
élément-là aussi, c'est parce que c'est le climat, le climat qui, après 10, 12, 15 ans de
tergiversations, ça a créé qu'à un moment donné il fallait fournir une réponse
parce que ce climat-là, il faut
répondre à ces craintes-là. C'est certain que l'ensemble de nos municipalités
ont un besoin immense d'accueillir
des citoyens, d'attirer des gens extrêmement accueillants, ils font tout pour accueillir tout le monde sur les problématiques.
Et
c'est vrai que la dynamique qu'on a actuellement
dans nos communautés, là, on ne voit pas cette problématique-là, mais on pense que c'est clair, il y a un choix qui
a été fait de mettre fin... en fait, on a établi un système laïque suite à ce que le Québec était, donc il faut le conserver.
Ça, c'était une condition essentielle que, pour l'ensemble des citoyens, quels
qu'ils soient, quelle que soit sa religion,
que les choses soient claires que ça doit être la laïcité, puis que les éléments
qui sont inscrits au projet de loi
doivent s'appliquer pour avoir un cadre clair et un contexte clair de relations
entre les personnes en autorité et les citoyens dans nos municipalités.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme
David : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Bonjour, mesdames. Merci
d'être ici pour représenter, comme
vous dites, la force des régions. Écoutez, vous avez fait des représentations par rapport à ce projet de loi là, bon, en même temps, en disant : Écoutez, ça ne nous
touche pas à tous les jours vraiment dans notre réalité. Mais j'aimerais ça
que vous nous parliez un peu de votre
réalité. Est-ce que vous avez déjà eu ne serait-ce qu'un cas où vous avez eu à
gérer quelque chose lié à l'accommodement religieux ou à...
Mme Lamarche
(Chantal) : Écoutez, c'est difficile à répondre pour toutes les
régions du Québec, là, parce qu'il y en a
beaucoup, mais, à ma connaissance à moi, présentement, non, pas présentement.
On le voit moins dans les régions,
mais, pour le futur, ça va être un encadrement de neutralité nécessaire. Mais,
tu sais, il y a beaucoup de régions au Québec, peut-être qu'il y a un
cas qui s'est vécu spécifique à quelque part. À ma connaissance à moi, non.
Mme David :
Puis vous n'avez jamais eu de plainte.
Mme
Lamarche (Chantal) : Pas moi, mais, tu sais, je ne peux pas... il y a
peut-être eu des cas isolés, là, mais, en tout cas, au niveau de la
fédération, on n'a pas eu de plainte qui est arrivée à la table au conseil
d'administration, là, personne n'a rapporté ça.
Mme David : O.K. Alors, quand on vous pose des questions sur : Que pensez-vous
de la clause de dérogation, sur
l'applicabilité, ce n'est pas quelque chose... ou des choses auxquelles vous
avez à réfléchir à tous les matins, en vous levant, là.
Mme Lamarche
(Chantal) : Non. Non, mais c'est bon que ce soit là pour plus tard, si
éventuellement...
Mme David : Et le plus tard étant,
au cas où, quoi, quoi arrive?
Mme
Lamarche (Chantal) : Bien, c'est la neutralité, c'est important, le
projet de loi n° 21, pour être neutre pour tout le monde, c'est ça qui est important. Ça fait que, peu importe qui arrive chez nous, dans
les régions, peu importe qui, parce
que c'est ça qu'on veut, attirer les gens, les Québécois, les Québécoises
dans les régions le plus possible, pour la main-d'oeuvre, fait que ça va être là, ça fait que ça va être déjà
appliqué, en tout cas, on va voir, là, mais... Ça fait que, donc, on va
déjà avoir des outils pour travailler avec ça.
Le Président (M.
Bachand) : ...qui voulait intervenir?
Mme Lamarche (Chantal) : Oup!
Allez-y.
Mme Drolet (Maryse) : Peut-être en complément... au niveau de la fédération, au
niveau de la permanence, d'enjeux comme ça
qui nous ont été apportés ou que des municipalités nous auraient signalés, il faudrait qu'on
travaille sur cet enjeu-là. Je vous
dirais, depuis plusieurs années, on ne nous a pas alertés là-dessus.
Alors, c'est un peu un signe que,
non, probablement que l'intégration se vit très bien
en région, c'est plutôt ça qu'on entend. Il y a beaucoup,
beaucoup de milieux qui font énormément d'initiatives, de
stratégies de séduction pour attirer les communautés de l'extérieur à venir
s'établir dans les différentes régions du Québec.
Alors, au contraire, justement, c'est ça, alors,
on trouvait que, justement, le projet de loi, avec le message d'ouverture et d'accueil, parce que ça va
s'appliquer à l'ensemble du Québec, ça devient un message à... lequel, vraiment, on n'a pas de difficulté à
adhérer.
Mme
David : Merci. Vous parlez
de message d'ouverture et d'accueil, alors que d'autres qui sont venus
témoigner parlaient plutôt
que c'était un message de fermeture et d'exclusion, c'est-à-dire qu'on empêche des femmes de travailler
ou d'occuper certains postes. Alors, je suis très, très heureuse, et je pense
que vous avez tout à fait raison que les Québécois, qui ne sont pas nécessairement de souche ou qui sont des
nouveaux arrivants, sont très bien accueillis en région, ils
s'intègrent, que les régions font d'immenses efforts et, avec le besoin de
main-d'oeuvre, c'est encore plus présent.
Alors, on
entend des très belles histoires, mais on entend aussi, et particulièrement
dans les grands centres, que ce projet de loi là va, au contraire,
atteindre à quelque chose qui vous semble très cher.
Et, je vous
félicite, vous avez adopté une politique d'égalité le 8 mars 2019, donc tout, tout, tout récemment.
Et on avait la mairesse de Montréal,
juste avant vous, et vous avez peut-être entendu ses commentaires sur le fait que,
justement, ça allait atteindre, au
contraire, l'égalité hommes-femmes, puisque les femmes sont beaucoup
plus touchées que les hommes, ce sont
les femmes qui n'auront plus accès à un certain nombre d'emplois, dont
l'enseignement. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme
Lamarche (Chantal) : Bien,
c'est sûr que moi, je ne peux pas vous parler pour la mairesse de Montréal qui
est venue parler, elle, tantôt. Je ne me prononcerai pas sur Montréal.
Mais je vous ai entendu dire tantôt que ça empêche les gens de travailler. Ça
n'empêche pas, pour nous, personne de travailler. Aucunement. Tout le monde peut travailler...
Mme David : Parce que vous n'avez
pas de...
Mme
Lamarche (Chantal) : Si le projet de loi a lieu en juin, c'est l'application, puis tout
le monde peut travailler dans
un État neutre.
Mme
David : J'aimerais ça vous
poser une question sur l'application. Parce
que vous avez parlé... je pense que
c'est M. Châteauvert qui a parlé de la
clarté des conditions d'application. Comment, par exemple, vous allez
appliquer la condition de signe
religieux invisible? Vous êtes en région, ça se peut qu'il y ait
des gens qui portent une croix catholique.
Mme Lamarche (Chantal) : Mais on
parle toujours, là, en position d'autorité là.
Mme David : Oui.
Mme
Lamarche (Chantal) : S'il y a
quelqu'un qui va dans une municipalité ou peu importe
puis il marche sur un trottoir ou
s'en vient pour quelque chose, il n'y
a pas personne qui va être empêché.
On parle de position d'autorité, là. C'est important de maintenir le cap
là-dessus, là.
Mme
David : Oui. Ah! je suis d'accord
avec vous. Mais, justement, monsieur, disons qu'il est D.G., il est en position
d'autorité puis qu'il porte une croix
religieuse, comment vous allez organiser ou comment vous voyez ça, l'applicabilité de cette future...
Mme
Lamarche (Chantal) : Bien,
comme on a dit tantôt, on va regarder le gouvernement, là, on va
s'inspirer d'eux autres, la façon qu'ils vont nous diriger pour l'application. Présentement, c'est le directeur général. La façon, votre question, on va voir, on va s'inspirer du gouvernement, comment qu'ils vont nous apporter cette façon-là. Mais présentement, c'est la direction générale. Mais, déjà, dans les municipalités, peu importe, on
applique plein de lois, plein de règlements,
là, puis, des fois, les inspecteurs municipaux sont... Et là on ne parle pas de
laïcité. Peu importe, là, c'est des gens qui ne sont pas toujours
bien accueillis parce qu'ils doivent appliquer des règles. Bien, ça, ça va
être une règle qu'on va appliquer, puis on va s'inspirer du gouvernement,
qu'est-ce qu'ils vont nous emporter pour...
Là,
présentement, dans le projet, c'est les hautes autorités, les directeurs généraux, en gros. On va voir, là, puis on va s'inspirer au fur et à
mesure que ça va avancer.
Mme
David : ...disons qu'il y a
un greffier — parce que
ça va vous toucher, ça, les greffiers — qui
porte une croix catholique en dessous de sa chemise. Comment vous voyez
ça, vous, l'applicabilité de ça?
M. Châteauvert (Pierre) : Bien, ce que je comprends, c'est que, si elle est
en dessous de sa chemise, elle ne sera pas
visible, puis on ne saura pas nécessairement si effectivement la croix est là. Et ce n'est pas une question
d'enquête. La façon, c'est toujours
avec discernement que tout ça... Quand on gère une équipe, et tout ça, on y va
avec discernement. Les directeurs généraux appliquent déjà des conventions, des règlements,
des règles de gestion, et tout ça, et ça se fait avec discernement. Et
on ne voit pas nécessairement, en fonction de ce qu'on connaît, nous, de problématique.
Puis
ce qu'on sait en plus, c'est que, chez nos employés, parce que ça a été
discuté, ça ne cause pas de problème. Et,
tu sais, on est une communauté, ça, c'est des communautés qui vivent ensemble,
ça va bien, nous, communauté ouverte. Ces
choses-là ne causent pas... C'est plus nous. Le cadre clair est synonyme
d'ouverture et de vivre-ensemble avec des règles communes. Donc, ça ne nous cause pas nécessairement de problème.
On comprend que, peut-être, ailleurs, il y a d'autres opinions. Puis,
ça, on est ouverts à toutes les opinions puis on les comprend. Mais, là-dessus,
il n'y a pas de problématique. Mais, comme
Mme Lamarche le disait, on va observer avec intérêt le gouvernement sur la
façon qu'ils vont appliquer la règle.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de
Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme
Robitaille : Bonjour. Merci d'être là. Oui, c'est vrai, dans les
municipalités du Québec, on est accueillants puis on veut aider. Ça, c'est sûr. J'essaie juste d'imaginer. Il y a un
poste de greffière adjointe qui est ouvert, et là il y a une petite
madame, une immigrante, qui est la seule dans la municipalité, et elle porte un
voile, et puis elle a tout ce qu'il faut pour être greffière adjointe, et puis
elle répond à toutes les conditions, puis elle est là, là, elle est là pour
vous. Qu'est-ce que vous allez faire?
Mme Lamarche
(Chantal) : Il faut appliquer la loi. Le gouvernement, si la loi, en
juin, le projet de loi...
Une voix :
L'Assemblée nationale.
Mme Lamarche
(Chantal) : ...l'Assemblée nationale, il va falloir l'appliquer, comme
tout autre règlement.
Mme
Robitaille : Alors, vous allez faire quoi? Vous allez lui demander de
retirer son voile, c'est ça?
• (17 h 10) •
Mme
Lamarche (Chantal) : Bien, la personne en autorité puis selon les
règles d'application, là, qu'on va s'inspirer du gouvernement, on va y aller de
façon... Oui. Puis, quand qu'on parle d'immigrants, ce n'est pas... La religion
n'est pas associée à immigrants, là, tu
sais. Tu peux être né au Québec puis avoir une religion... peu importe, là.
C'est pour tout le monde, la neutralité. Tu sais, il ne faut pas
mélanger...
Mme
Robitaille : Mais M. le ministre en parlait tout à l'heure, il parlait
de la clause dérogatoire. La liberté de religion, on s'entend, hein, c'est un droit fondamental, et, pour
suspendre un droit fondamental... on l'a écouté ici souvent, on nous l'a expliqué, pour suspendre un droit
fondamental, bien, il faut une urgence. Il faut une raison sérieuse, une
urgence. Là, je vous écoute, en fait,
il n'y en a pas, d'urgence, si je comprends bien, dans les municipalités du
Québec, là, pour appliquer une loi comme ça, pour interdire des signes
religieux.
Mme Lamarche
(Chantal) : Mais, comme je vous... Bien, je ne sais pas à qui répondu
tantôt...
Mme
Robitaille : Bien non... Bien, vous me répondez. Mais il n'y a pas d'urgence,
si je comprends bien.
Mme
Lamarche (Chantal) : Mais,
comme c'est là, il y a des... Il
y a peut-être des situations
qui ont eu lieu, mais, comme c'est là, présentement, les gens qui
arrivent en région, peu importe, Québécois, Québécoises, immigrants, s'adaptent
aux règles en région comme présentement, là.
Mme
Robitaille : Mais là il n'y en a pas, d'urgence, on s'entend?
Mme Lamarche
(Chantal) : Non.
M.
Châteauvert (Pierre) : Si vous permettez un complément?
Mme Robitaille : Oui?
M.
Châteauvert (Pierre) : Nous,
on pense que... ce qui a été discuté au conseil d'administration, c'est qu'on
pense que le contexte, l'absence de
décision cette dernière décennie, bon, 12, 15 ans, là, grosso modo, là, du
dossier, crée un problème,
a créé un problème, et que ça, il est important de le régler, de mettre, en
fait, un point, qui ne sera peut-être jamais un point final, ce genre de
question là, mais, quand même, de franchir une étape pour avancer, comme on
fait référence à d'autres expériences, et
que l'Assemblée nationale, dont vous êtes les élus, vous êtes les personnes que
les citoyens ont choisies pour
définir ces règles-là, pour appliquer cette étape-là, pour nous permettre, au
Québec, de franchir cette étape-là,
demande l'utilisation de cet outil-là. Nous, ce qu'on vous dit, c'est qu'on n'a
pas de problème — on ne
fait pas référence au caractère
d'urgence — on n'a
pas de problème avec l'utilisation de cet outil-là pour permettre au
Québec de franchir cette étape. C'est en ce sens-là que nous, on n'a pas de
problème avec l'utilisation de la clause dérogatoire
sur ce cas-là, et, comme on a dit, qui a déjà été utilisée dans d'autres lois,
d'autres cas, puis par à peu près tous les gouvernements depuis que les
clauses dérogatoires existent.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée, oui.
Mme
Robitaille : ...pourquoi il faut aller de l'avant avec une
interdiction des signes religieux. C'est la question que je me pose.
M.
Châteauvert (Pierre) : Mais
ça s'applique à toutes les religions, comme Mme Lamarche le disait, catholiques,
mormons, et tout ça, et ça ne fait pas
référence à une religion en particulier, ça s'applique à tout le monde, et
c'est la même chose pour tout le monde. Donc, en ce sens-là, c'est égal.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Jean-Lesage, s'il
vous plaît.
M. Zanetti : Merci, M. le Président.
Merci beaucoup pour votre contribution. C'est très apprécié.
Mme Lamarche (Chantal) : Bonjour.
M.
Zanetti : Comment formuler ça? Depuis le début de la commission,
souvent, on soulève un enjeu qui est celui
justement du motif pour lequel on veut réduire les droits et libertés dans le
cadre du projet de loi n° 21. Alors, si on interdit les signes religieux, on réduit des droits et libertés. C'est
pour ça qu'il y a une disposition à la charte, parce que ça ne passerait
probablement pas le test de la charte, les droits et libertés de la personne du
Québec. Et là je cherche le pourquoi, la
raison pour laquelle on fait ça. Alors, je veux savoir un peu qu'est-ce qui va
arriver au Québec si on n'interdit pas les signes religieux, selon vous,
dans votre réalité, là.
Mme
Lamarche (Chantal) : Bonne question.
Bien, ça va faire comme depuis voilà 10, 15 ans où on en
parlait, ça va susciter plein de motifs, plein de chicanes,
plein d'éléments, plein de problèmes que ça fait de 10 à 15 ans que tout le monde en parle partout au Québec.
Donc là ça va régler une situation, puis on va passer à autre chose.
M.
Zanetti : Bien, moi,
j'aimerais penser que ça va faire ça aussi. Parce que moi aussi, je suis
tanné de la chicane. Tout le monde est tanné de la chicane. On veut juste passer à
autre chose. Mais tous les groupes qui sont venus ici, là, la plupart de ceux qui disent qu'ils sont pour le projet de loi, la plupart, là, qui disent qu'ils veulent aller plus loin, bien, ils
disent : Ça ne sera pas fini, c'est une
bonne première étape, on va aller plus loin, etc. Et ça va
être dans les tribunaux, puis tout ça. J'ai l'impression que ça ne
mettra pas du tout le couvercle. Alors, je me demande : Tant qu'à ne pas
mettre le couvercle dessus de toute façon quoi qu'il arrive... Qu'est-ce
qui va arriver si on ne le faisait pas? Tu sais, si on faisait juste le statu quo, là, c'est-à-dire, en ce
moment, là, c'est quoi, le danger à laisser aller, entre guillemets, la
situation actuelle sur l'enjeu des
signes religieux, pas des affaires dans d'autres pays, là, les signes
religieux? Parce que vous, vous ne l'avez pas évoqué, mais d'autres ont parlé d'autres pays, puis je ne trouvais
pas ça pertinent. Qu'est-ce qui va arriver si on n'interdit pas les
signes religieux?
Mme
Lamarche (Chantal) : Bien,
moi, je vais répondre, et M. Châteauvert peut répondre. Moi, je pense
que, pour ceux qui me connaissent
comme politicienne, de la chicane comme on a dit tantôt, ça va
continuer, ça va empirer. Puis
moi, je suis quelqu'un qui est juste et équitable pour tout le monde, ça fait
que faire une loi, c'est pour tout le monde, puis on l'applique pour
tout le monde pareil.
Là, c'est
difficile. Et on l'écoute, on l'entend, ça fait des années, ça fait que moi, je
pense que les problèmes vont s'empirer,
les chicanes, les guerres vont s'empirer, les manifestations, peu importe
qu'ils sont ou pas... Puis je crois, comme politicienne, le meilleur intérêt de la majeure collectivité, il faut
être juste et équitable pour tout le monde, puis on a besoin d'un projet
de loi comme celui-là.
M.
Châteauvert (Pierre) : Et,
si vous permettez d'ajouter que ce genre de débat là ne s'est... C'est une
simple réalité, c'est un simple fait que ce genre de débats sociaux là ne
s'arrête jamais. La langue, au Québec, c'est un exemple. Et les élus, lors du conseil d'administration, ils
ont dit que... puis on l'a cité... une citation, c'est : «À titre
d'élus-es, nous connaissons le coût des débats occultés et surtout la
nécessité du courage politique pour faire avancer les choses.» Donc, là-dessus... Et c'est pour ça qu'on pense
qu'à un moment donné, effectivement, il faut franchir une étape, et de là,
la marche...
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M.
le député de Matane-Matapédia, s'il vous plaît.
M.
Bérubé : Merci, M.
le Président. Bienvenue. Tout à l'heure, Mme la préfet, vous avez indiqué... vous avez même corrigé la représentante
du Parti libéral en disant : Il n'y a personne qui va perdre son emploi, à
moins de le vouloir. L'avantage, avec une
loi, c'est que les règles sont connues. Si quelqu'un décide que sa
religion doit primer sur son emploi,
bien, il y a une conclusion à avoir, et ça touche seulement
les personnes en autorité — vous l'avez indiqué tout à l'heure, c'est limité — et les enseignants.
Alors,
parfois, j'entends ici et ailleurs que les gens vont perdre leur emploi ou vont être
empêchés d'aller en emploi. Bien, seulement
les personnes qui vont prioriser leur religion face à leur
emploi pour vivre. Ça, c'est la réalité. Je voulais le corriger parce
que j'entends toutes sortes de choses là-dessus.
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municipalités, dans mon comté, alors la FQM, je la connais à
travers les maires, les mairesses. Et on a aussi une préfet élue au
suffrage universel, Mme Chantale Lavoie, que vous connaissez, de la Matapédia.
Et vous êtes des pragmatiques, à la FQM, puis vous appliquez les lois, puis
vous appliquez les règlements.
Et
j'en arrive à ça : Vous avez indiqué plusieurs fois que vous allez
attendre de voir comment le gouvernement
va appliquer la loi puis les règles. Nous, on ne le sait pas. Nulle part on n'a
ça, c'est quoi, les sanctions, comment ça va s'appliquer. J'ai entendu ce matin que le ministre se référait aux lois
du travail. Aimeriez-vous avoir plus d'indications sur qu'est-ce qu'il
va arriver si quelqu'un qui est à votre charge décide de ne pas respecter la
loi?
Parce
que, tout à l'heure, le gouvernement va demander à la commission
scolaire : Appliquez la loi. Mais moi, j'aimerais ça savoir
qu'est-ce qu'il va arriver si on n'applique pas la loi.
Mme
Lamarche (Chantal) : O.K. Deux choses. Première chose, dans le
document, c'est écrit qu'on va se fier aux
autorités, les directeurs généraux. Après ça, on va attendre, parce qu'on a élu
les personnes, les politiciens qui sont là, on a élu, bien, en tout
cas... Et il faut avoir confiance en qu'est-ce qu'ils vont nous apporter pour
appliquer la loi.
M.
Bérubé :
Mais vous n'aimeriez pas qu'on le sache tout de suite, comment ça va
fonctionner?
Mme Lamarche
(Chantal) : Bien, il faut... On va le savoir bientôt, probablement,
là.
M.
Bérubé :
...pas sûr.
Mme
Lamarche (Chantal) : C'est un peu comme moi, élue au suffrage
universel, j'ai 17 maires à mon conseil des maires, ils ont confiance en moi, on travaille en équipe. Ça fait
que je vais croire que vous allez travailler en équipe pour une belle
application de la loi.
M.
Bérubé : Mais, Mme la préfet, vous avez une grande
confiance, parce qu'on est dans un moment où on doit légiférer, on doit étudier un projet de loi puis
on ne connaît pas les règles. Alors, je note votre confiance, mais j'aimerais
mieux avoir confiance une fois après avoir
vu les règles. Et on ne les a toujours pas. Il ne m'apparaît pas prématuré de
les avoir non plus.
M. Châteauvert (Pierre) : ...à la base, en regardant ça, s'il n'y a pas
nécessairement de problématique, donc, actuellement,
là, sur la façon qu'on procède, et tout. Mais effectivement le message qu'on
lance, c'est que, s'il y a de très bonnes idées qui sortent de la gestion
de l'État, bien, on va s'en inspirer aussi...
M.
Bérubé :
J'en ai une à vous suggérer...
M.
Châteauvert (Pierre) : ...on verra.
M.
Bérubé : ...une bonne idée : Le gouvernement va
appliquer une loi, qu'il nous dise c'est quoi, les sanctions, si on ne
la respecte pas. Ça, c'est l'idée que j'amène au débat. Qu'est-ce que vous en
pensez?
M.
Châteauvert (Pierre) : Il faut regarder. On attendra...
M.
Bérubé : Vous avez confiance? Moi, je demeure toujours
prudent là-dessus. L'intention du législateur, on la questionne, mais, en même temps, sur le
pragmatique, sur ce que je peux lire sur l'application d'une loi, c'est
important. Ça fait 12 ans que je suis
législateur, je peux vous le dire, ce serait important pour un projet de loi de
cette nature-là. On demande de
l'appliquer, de savoir qu'est-ce qui arrive si ce n'est appliqué. Pour tout le
monde, là, ça m'apparaît important.
M. Châteauvert (Pierre) : M. le député, vous avez fait référence à la
sagesse des élus... le pragmatisme des élus de la FQM.
M.
Bérubé :
On en est.
M.
Châteauvert (Pierre) : Nous, on fait confiance à la sagesse des
125 membres de l'Assemblée nationale.
Le
Président (M. Bachand) : Merci.
M.
Bérubé : Gardez-vous une retenue.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Sur ces bons mots, merci
infiniment de votre participation aux travaux de la commission.
Je vais suspendre
quelques instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
17 h 20)
(Reprise à 17 h 22)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci.
Veuillez prendre siège. S'il vous plaît!
Alors,
je souhaite la bienvenue au Syndicat des agents de protection de la faune. Je
vous rappelle que vous avez 10 minutes
de présentation et, par après, nous allons passer à la période d'échange.
Alors, merci beaucoup d'être ici, et la parole est à vous. Merci
infiniment.
Syndicat
des agents de protection de la faune du Québec (SAPFQ)
M.
Perreault (Martin) : Merci beaucoup. Je vais commencer par faire
mon cursus professionnel. Mon nom est Martin
Perreault, président du Syndicat des agents de la faune du Québec et agent de
protection de la faune. J'ai débuté mes fonctions d'agent de protection
de la faune en 2008 et j'ai oeuvré au bureau de la protection de la faune de Salaberry-de Valleyfield jusqu'en 2017. J'ai
obtenu un transfert au bureau de la protection de la faune de Thetford Mines
en décembre 2017, où je suis toujours attitré.
Mon
parcours syndical a débuté en 2009 dans la région Estrie-Montréal-Montérégie et
se poursuit toujours dans la région
Capitale-Nationale—Chaudière-Appalaches.
En 2014, je suis élu premier vice-président au sein du syndicat avant
d'être élu directeur aux griefs en janvier 2015. En octobre 2018, je suis élu
président provincial du syndicat, où j'occupe toujours les mêmes fonctions
aujourd'hui.
Le
syndicat des agents de la faune... La profession d'agent de la faune existe
depuis 1867, mais le syndicat des agents
de conservation de la faune a vu le jour en 1982, suite à la dissolution du
Syndicat des agents de la paix du Québec. En janvier 2013, le syndicat obtient l'autorisation des autorités
compétentes afin de changer son appellation. Dorénavant, le syndicat
s'appellera le Syndicat des agents de protection de la faune du Québec. Une
fois les autorisations légales obtenues, le
syndicat en profitera pour moderniser et revamper son logo. Depuis ce temps, le
syndicat oeuvre indépendamment dans
toutes les sphères syndicales qui lui sont permises de veiller et veille au
respect des droits conventionnés de ses membres.
En
date d'aujourd'hui, le syndicat compte environ 380 membres répartis partout sur
le territoire québécois et le ratio hommes-femmes se situe à environ
15 %, 57 agentes de protection de la faune au Québec. Leur travail
consiste à protéger, éduquer et prévenir la
population qui pratique des activités de chasse, de pêche, de piégeage ou toute
autre activité réglementée par l'État où nous avons juridiction.
Pour
le résumé, les agents de protection de la faune du Québec sont appelés à être
en contact avec toute personne présente
sur le territoire québécois. De par leurs fonctions, ceux-ci doivent intervenir
auprès des personnes qui pratiquent une activité réglementée par l'État,
donc ils doivent suivre et obéir aux règles qui sont établies par celle-ci. Le
projet de loi n° 21
assujettit les agents de protection de la faune, les agents de la paix, à ne
pas porter de signes religieux dans l'exercice de leurs fonctions. La
population devra également se conformer à certaines règles de ce projet de loi
afin d'obtenir le service auquel ils ont droit.
Par
ce mémoire, je veux vous faire part de mes explications face à la notion du
port d'uniforme, la notion d'identification
d'un individu interpelé, l'importance de la clarté du projet de loi déposé par le gouvernement et l'impact sur les membres que je représente.
L'uniforme de
travail. Dans le cadre de leur travail, les agents de protection de la faune du
Québec portent un uniforme et le décorum de celui-ci est important et bien
défini par le gouvernement. Que ce soit lors d'une patrouille régulière, lors d'une comparution à la cour ou
tout simplement en lien avec les saisons, l'uniforme doit être porté tel qu'il est décrit et demandé, et ce, sans ajouter aucune
autre pièce d'équipement. Le fait d'y ajouter une autre pièce d'équipement
ou un signe religieux viendrait en contravention avec ce qui nous est demandé
en lien avec l'uniforme.
L'identification d'un
individu. Une partie du travail des agents de protection de la faune du Québec
consiste à vérifier et identifier des
personnes en activité de chasse, de pêche, de piégeage ou toute autre activité
réglementée par l'État où nous avons juridiction. Certaines lois que
nous faisons appliquer nous amènent à intervenir directement à la résidence ou sur les terrains des personnes. Dans
les cas précédemment mentionnés, et plus particulièrement lorsqu'il s'agit
d'identifier une personne, nous devons
s'assurer que celle qui se trouve en face de nous est bel et bien la personne
qui est observée lors des faits reprochés. Dans le cas où la personne à
identifier n'ait pas le visage découvert et que, par la nature de notre intervention, nous soyons en
mesure d'exiger une identification positive de cette personne, nous pourrions
nous retrouver dans une situation
désagréable pour les parties en cas de refus. Je crois que les balises du
projet de loi feront en sorte de
simplifier le volet d'identification dans le travail des agents de protection
de la faune du Québec et mettront les règles claires aux citoyens avec
qui nous devrons traiter.
La clarté du projet de loi. Comme dans toutes
les lois que nous devons faire appliquer, le présent projet de loi devra être clair afin que les membres que je
représente ainsi que la population avec qui nous devrons traiter comprennent
ce qui est établi et qu'il n'y a pas place à interprétation
de part et d'autre.
L'impact de
la loi. Pour le moment, les conditions du projet de loi n° 21
n'ont pas d'incidence au sein des agents de protection de la faune du
Québec. Avant de prendre connaissance dudit projet de loi, je me suis interrogé
sur les tatouages à connotation religieuse,
mais je comprends qu'il ne s'agit pas d'un signe religieux. De plus, les règles
établies devront être précises et
claires pour tous et ne certainement pas y aller du cas par cas. Dans notre
travail, nous faisons appliquer des
lois, et, lorsque nous interpelons un individu, tant l'application de ces lois
ou de nos pouvoirs et devoirs sont
pareils pour toute la population. Ce projet de loi devra être uniforme pour
tous comme il est bien décrit à l'annexe II, le point 9 du
projet de loi. On assujettit tous les agents de la paix exerçant leurs
fonctions principalement au Québec.
En
conclusion, suite à mes commentaires sur le projet de loi n° 21,
je crois que le gouvernement du Québec vient bien établir... bien encadrer sa volonté de rendre l'État laïc. Malgré
le fait que les agents de protection de la faune du Québec ne soient pas réellement touchés par cette
modification, ils devront tous respecter ce qui est établi par le gouvernement.
Comme dans chaque modification d'envergure,
la clarté du message et l'absence de zones grises devront être analysées
et corrigées s'il y a lieu afin que les
employés de l'État et la population soient bien informés... bien au fait de ce
qui a été décidé.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, M. Perreault. Avant d'aller plus loin, nous devions
terminer à 17 h 45.
J'aurais besoin d'un consentement pour ajouter à peu près 22 minutes au débat. Est-ce qu'il y a consentement?
Des voix : ...
Le Président (M.
Bachand) : Consentement. Merci beaucoup. M. le ministre, s'il
vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Oui.
M. Perreault, bonjour. Bonjour également à la personne qui vous accompagne. Écoutez,
merci beaucoup de venir en commission parlementaire pour venir dire le point de vue du Syndicat des
agents de protection de la faune du Québec, c'est apprécié.
Je voudrais
qu'on revienne sur les fonctions d'agents de la faune. Tout à l'heure, vous avez dit : Bon, on est en action directement sur les lieux mais, aussi, on va à la cour,
aussi. Pouvez-vous me définir, là, les grandes fonctions que vous
exercez en tant qu'agents de protection de la faune?
M.
Perreault (Martin) : Quand
qu'on est appelés à aller à la cour, c'est généralement parce qu'on a émis
un constat d'infraction à une
personne, on l'a soit prise à la chasse, la pêche ou différentes lois qu'on
fait appliquer. On émet une infraction,
la personne a le choix de plaider coupable ou non coupable, puis c'est là qu'on
peut être appelés à aller témoigner devant le tribunal ou sur une
infraction qu'on a émise.
M.
Jolin-Barrette : O.K.
Est-ce que, généralement, quand les agents vont témoigner, ils portent leur
uniforme ou ils sont en civil?
M.
Perreault (Martin) : Oui,
on porte notre uniforme. C'est bien précisé dans les directives qu'une fois
qu'on est à la cour on est habillés de telle manière. Si on est sur le
terrain, c'est une autre manière. Mais, oui, on porte notre uniforme quand on
va à la cour.
M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, toujours
dans le cadre de l'exercice de vos fonctions, vous portez toujours l'uniforme et vous représentez, dans le fond,
l'État parce que vous êtes investi d'un pouvoir particulier. Vous, vous pouvez, en
vertu... vous êtes un agent de la paix, c'est bien ça, donc vous avez un
pouvoir d'intercepter les gens pour vérifier la conformité.
• (17 h 30) •
M.
Perreault (Martin) : Dépendamment des lois. Si on fait appliquer les
lois fédérales, il faut être sûr de l'infraction pour pouvoir
intercepter; lois provinciales, on peut intercepter si on a un motif
d'intercepter, si on veut.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Quand
vous dites «loi fédérale», ça veut dire, vous avez constaté une violation d'une
disposition d'une loi fédérale.
M.
Perreault (Martin) : Une infraction à la Loi sur les pêches, par
exemple, là on peut procéder à l'interception.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Puis
là, quand arrive l'interception, comment ça se passe? Dans le fond, que ce soit
une loi fédérale ou provinciale, là,
vous interpelez le citoyen et là vous lui demandez de s'identifier? Comment ça
se passe?
M.
Perreault (Martin) : Bien, nous, on lui explique pourquoi
qu'on... Tu sais, on parle d'interception. Ça, c'est si quelqu'un est en véhicule. Mais, si on va
procéder à la vérification de quelqu'un sur le bord de l'eau, exemple, qui est
à la pêche, on s'identifie, c'est certain.
Je veux
peut-être faire une petite parenthèse. On peut être appelés aussi à travailler
en civil. On est habillés comme on
est habillés à tous les jours, et, à ce moment-là, on va s'identifier avec
notre insigne de travail, là, c'est certain. Mais on va arriver sur la
personne, on s'identifie, on lui explique pourquoi qu'on est là, qu'est-ce
qu'on s'en vient faire, qu'est-ce qu'on a constaté, ou ça peut être juste une
vérification d'usage qu'on va aller faire.
M. Jolin-Barrette : À savoir,
supposons, si la personne a les permis requis pour chasser ou pêcher.
M. Perreault (Martin) : Oui.
M. Jolin-Barrette : O.K. Dans le
cadre de leurs fonctions, les agents de la faune, est-ce qu'ils sont armés?
M. Perreault (Martin) : Oui, on
est tout le temps armés.
M. Jolin-Barrette : O.K., en tout
temps. Au palais aussi?
M. Perreault (Martin) : Oui.
M. Jolin-Barrette : O.K., au palais
aussi. Donc, vous avez un pouvoir de coercition sur les citoyens, dans le fond, vous... Quand, supposons, vous constatez une
situation d'illégalité à la loi, l'étendue de vos pouvoirs va jusqu'où?
Vous donnez des constats d'infraction? Est-ce que vous pouvez arrêter la
personne? Comment ça fonctionne?
M.
Perreault (Martin) : Notre pouvoir d'arrestation est assez
limité. Mais, si on prend l'exemple de l'identification, une personne qui refuserait de s'identifier, on
pourrait la mettre en état d'arrestation pour ensuite l'amener aux corps
policiers puis là procéder officiellement.
M. Jolin-Barrette : O.K. Ça fait que
vous détenez le pouvoir d'arrestation dans certaines situations...
M. Perreault (Martin) : Dans
certaines situations limitées, oui.
M.
Jolin-Barrette : O.K.,
particulières. Est-ce que, pour le Syndicat des agents de la protection de
la faune, le fait d'avoir un uniforme et le fait de ne pas porter de
signe religieux, ça assure une neutralité?
M.
Perreault (Martin) : Oui.
C'est certain que l'uniforme, ça, ça le dit, il faut que tout le monde soit uniforme, on ne... C'est
même... Comme je disais tantôt dans le mémoire, c'est défini que, dans telle situation,
uniforme, c'est, bien, les pantalons de ville, la chemise de ville, la
cravate, les insignes... comment on porte nos insignes par rapport à nos qualifications. Tu sais, notre nom... tout est
déjà défini où ça va, puis on nous dit comment nous habiller, puis on y va,
puis c'est comme ça que c'est établi.
M.
Jolin-Barrette : O.K.
Donc, implicitement, c'est comme si c'était déjà interdit, le port de signe
religieux, dans l'uniforme.
M.
Perreault (Martin) : Bien,
ça, il y a des directives qui encadrent notre travail. Il y a
des directives par rapport aux bijoux. Je ne la connais pas par coeur, là, par rapport aux bijoux, jusqu'à quel niveau elle pourrait venir dire : Bien,
tel bijou est autorisé ou pas. Je sais qu'il y a
des choses en lien avec les boucles d'oreille, mais c'est plus par motif de
sécurité. Si on a une altercation puis on a
des boucles d'oreille, ça ne fonctionnera pas, là, on pourrait se les faire
arracher.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Tout à l'heure, avec la mairesse de Montréal, je faisais référence à une lettre qui a été
envoyée à la ministre de la Sécurité publique
par la Fraternité des policiers de la ville
de Montréal, puis ils disaient, la
fraternité, ils disaient : «Nous
estimons donc que l'apparence de neutralité religieuse représente un atout dans
l'exercice de la fonction, évitant
que des symboles religieux n'influencent la perception des justiciables quant à
l'impartialité des agents de l'État.» Est-ce que vous êtes d'accord
avec la Fraternité des policiers, qui dit que, pour eux, l'apparence aussi,
c'est important, le fait de ne pas porter de signe religieux, pour les
justiciables?
M.
Perreault (Martin) : Oui. Étant donné aussi qu'on a un certain...
une partie de notre travail qui est répressive, bien, on arrive devant quelqu'un, on est neutres, on est en uniforme :
moi, je suis en uniforme, mon partenaire est en uniforme. La personne qu'on va aller vérifier, la loi est là
pour cette personne-là comme pour n'importe qui au Québec. Donc, on ne
fait pas de différence avec ça. Oui.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Dans
votre mémoire, vous dites : Il faut faire preuve de clarté. Selon vous,
est-ce que la loi, elle est claire relativement à l'interdiction du port
de signes religieux pour les agents de la paix?
M.
Perreault (Martin) : Bien, pour nous, c'est une interdiction
d'avoir un signe religieux. Donc, c'est assez clair si on nous dit : Tu n'as pas le droit d'avoir
de signe religieux. Nous, dans notre travail, on n'est pas là pour juger ce que
le législateur a écrit; nous autres, on fait
appliquer la loi. Ça fait que, si on nous dit, dans la directive, bien :
Pas de port de signe religieux,
«that's it», il n'y en a pas, là, les agents... D'abord, s'il y en a qui en
ont, une croix sur une chaîne, ils devront l'enlever.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Ça
fait que, donc, dans le fond, tel que formulé dans le projet de loi, vous
trouvez ça clair, dans le fond. Tu sais, dans le fond, c'est...
M. Perreault (Martin) : À notre
niveau à nous, oui.
M.
Jolin-Barrette : O.K.
Parfait. Je sais que j'ai des collègues qui veulent poser des questions, M. le Président. Je pense que le député d'Ungava voulait poser des questions.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député d'Ungava.
M.
Lamothe : ...M. le Président. M. Perreault, j'ai aimé tantôt quand vous avez dit que l'ajout
d'un signe religieux contreviendrait
au port de l'uniforme. L'uniforme, je l'ai porté, l'uniforme, antérieurement,
dans un autre métier ...sauf, ce que
je veux dire, c'est que, quand on dit uniforme, moi, je vous rejoins, dans le
sens... il y a le mot, c'est : uniforme, tu sais?
Ma question,
c'est de savoir... vous représentez les agents de la faune au Québec, est-ce qu'ils ont la même vision
que vous, face aux signes religieux, pour le port de l'uniforme?
M.
Perreault (Martin) : Je ne parlerais pas pour les agents de chez
nous. Je n'ai pas questionné les agents. Nous, je sais que, dans notre travail, c'est établi comment que notre uniforme
doit être porté. Que la personne pense x, y, z sur les religions, ou différentes religions, quand on
entre en service, ce qu'on pense, ou nos croyances, ou quoi que ce soit sont mis à côté puis on a un travail à faire,
d'intervenir auprès de la personne. La loi est comme ça pour tout le monde,
puis on nous demande de faire appliquer la
loi. Donc, qu'est-ce que les agents pensent... je n'ai même pas à questionner
qu'est-ce qu'ils pensent parce que, dans
notre travail, on fait appliquer les lois, puis que ça soit une religion ou une
autre, là, c'est la même chose.
M.
Lamothe : Mais leur perception face à un ajout de signes religieux...
Moi, je respecte ce que vous avez dit tantôt,
mais vous êtes président du syndicat, vous devez sûrement avoir... vous devez
avoir eu le pouls, là, je veux dire, de vos membres?
M.
Perreault (Martin) : On n'en a pas eu. Honnêtement, on n'a pas eu
de commentaires ou de dire : Aïe! Non, moi, je pense que ci ou je pense que ça, ou ça n'a pas de sens, ou quoi
que ce soit. Ils savent que, comme je dis, là on parle de l'uniforme, on parle
de ce projet de loi là, mais, par rapport à telle intervention, bien, il y a
une procédure, par rapport aux
véhicules, il y a une procédure, ça fait que, tu sais, c'est déjà tout encadré
comment qu'il faut qu'on travaille, donc, une chose de plus ou une de
moins, nous, on nous demande de travailler comme ça, de cette manière-là, puis
de faire appliquer telle et telle loi.
M.
Lamothe : Non, mais je comprends ce que vous dites. Moi, ma question,
peut-être, je me suis mal exprimé, c'est
de savoir : Pensez-vous que les agents, suite à l'ajout d'un port d'un
signe religieux à l'uniforme, ça les dérangerait? Avez-vous eu une
opinion de vos agents?
M.
Perreault (Martin) : Non, là-dessus, honnêtement, je n'ai pas
d'opinion, puis je n'ai pas eu d'agent qui m'a dit : Ah! j'aimerais
ça, oui ou non, ou quoi que ce soit.
M.
Lamothe : Ça fait que l'opinion que vous m'avez dit tantôt, c'est
votre opinion à vous. Ce n'est pas nécessairement...
M.
Perreault (Martin) : Non, non, c'est... Moi, je représente les
agents. Mais de dire qu'un agent dit : Aïe! Ça n'a pas de sens, cette chose-là, ou quoi que ce
soit, je n'ai pas eu de commentaire, je n'ai pas eu de «comeback» là-dessus,
là.
M. Lamothe : O.K.,
merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Je
veux qu'on revienne sur la question du visage à découvert. Pour vos membres,
là, le fait qu'ils doivent servir avec le visage à découvert, ça, vous
êtes en accord avec ça? O.K.
Pour le
public, dans le fond, les gens que vous interpelez, le fait d'offrir des
services publics, que, pour bénéficier d'un
service public, il faut avoir le visage découvert pour des questions
d'identification et de sécurité, est-ce que vous considérez ça comme une
bonne chose, qu'on inscrive ça dans la loi?
M.
Perreault (Martin) : L'identification de sécurité, oui. La seule
chose qu'on pourrait peut-être se poser comme question, c'est : La personne qui refuse d'obtempérer, qu'est-ce
qu'on fait avec? La personne qui demande une question réglementaire, a utilisé tous les moyens pour se
renseigner puis se conformer à la loi, je donne un exemple, sur la chasse
ou la pêche, refuse de retirer son signe religieux, je ne lui réponds pas, mon
collègue du bureau voisin le prend en infraction,
il dit : Oui, mais je te l'ai demandée, la question, mais il n'a pas voulu
me répondre parce que j'avais ma chaîne ou ma croix. Ça fait que c'est là que peut-être... il y a peut-être
quelque chose à voir sur le service que la personne va refuser ou
accepter de donner.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Mais,
juste pour spécifier, là, dans le fonds, le citoyen peut porter des signes
religieux. Dans le fond, ce n'est pas
interdit de porter des signes religieux pour le citoyen qui demande un service
ou qui est en interaction
avec un agent de la faune. C'est le fait que, lorsqu'il demande un service
public, la personne doit avoir le visage à découvert. Je donne l'exemple : des fois, quand on va à la chasse,
ça peut arriver qu'on se camoufle, tout ça, mais, dans le fond, maintenant, on aurait une exigence que, lorsqu'on
demande un service public, pour identifier ou une question de sécurité,
là, la personne, il faut qu'elle se découvre le visage.
M.
Perreault (Martin) : L'identification, c'est surtout ça qui peut
amener quelque chose. Tu sais, on parle de signes religieux, oui, puis, comme vous mentionnez, il y avait le
camouflage. Ça arrive qu'on arrive sur du monde qui ont juste une cagoule, puis : Non, enlève-la, là,
tu sais, il faut identifier la personne. Si on la prend surtout en infraction,
il faut avoir une identification positive de cette personne-là.
• (17 h 40) •
M. Jolin-Barrette : O.K. Puis, dans
le fond, ce qu'on fait dans le projet de loi aussi, c'est qu'on fait en sorte qu'il n'y a pas d'accommodement là-dessus. Ce
qu'on dit, c'est : Vous devez absolument, pour une question
d'identification, de sécurité, vous
découvrir le visage. On doit pouvoir vous identifier, ou pour la question de
sécurité. Donc, il n'y a pas d'accommodement possible là-dessus. Ça
aussi, vous êtes d'accord avec ça?
M. Perreault (Martin) : Oui.
M. Jolin-Barrette : O.K. Parfait.
Là, vous,
vous êtes répartis sur l'ensemble du
territoire québécois, 380 agents de la faune. Est-ce qu'il y a des régions où il y a plus d'agents de déployés ou c'est pas
mal...
M. Perreault (Martin) : C'est
sûr qu'il y a plus d'agents de déployés à certaines régions, mais le territoire
québécois en entier est couvert par les agents de la faune, que ça soit l'île d'Anticosti, Îles-de-la-Madeleine, Kuujjuaq,
ils sont répartis partout. Il y a
des bureaux qui sont plus gros, il y
a plus d'agents. Les bureaux les plus
gros ont peut-être une
dizaine, 10, 11 agents, gros maximum.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Je
vous remercie grandement d'être venu témoigner en commission parlementaire. C'est grandement apprécié de recevoir vos
commentaires sur le projet de loi n° 21.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée
de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme
David : Oui, bonjour. Merci beaucoup, messieurs, de vous prêter à l'exercice. Écoutez, vous êtes considérés
comme des agents de la paix. Donc, vous avez une autorisation de port d'arme,
si je comprends bien.
Est-ce que, vous, vous vous considérez comme
étant dans la catégorie que le ministre appelle de l'autorité coercitive?
M.
Perreault (Martin) : Oui.
On est appelés à intervenir sur des personnes par rapport à différentes
lois. On peut mettre des personnes en
état d'arrestation, comme j'ai dit tantôt, là, pour certaines choses bien
précises. On donne des infractions...
Mme David : ...curieuse sur le port
d'arme. C'est en prévision de quoi?
M.
Perreault (Martin) : Bien,
nous, à la base, quand on va voir un pêcheur, un couteau, 99 % du temps...
un chasseur est armé systématiquement.
Mme
David : Donc, c'est parce que
votre clientèle est armée que vous êtes armé au cas où. Est-ce qu'on peut dire ça comme ça ou...
M.
Perreault (Martin) : Bien,
c'est au cas où. Il faut tout le
temps l'avoir, là. La journée que je
vais aller vérifier une gang de
chasseurs, il faut que je sois capable... Ça n'arrive pas, puis on ne veut pas
que ça arrive, des situations comme ça,
mais, si la journée, on a à se pointer avec des armes à feu, si je sors rien
que mes mains, là, ça ne fonctionnera pas. Ça fait qu'on est armés parce
qu'on fait affaire avec des personnes
armées. Dans 99,9 %... bien, 100 % pratiquement, on va
utiliser notre arme sur un animal malade, blessé ou quoi que ce soit, là.
Mme
David : Oui. O.K.
Oui, eux, on n'a pas d'interdiction de port de signes religieux, sur la faune et
la flore. Mais donc vous avez beaucoup
insisté, puis ça, c'est une vraie question, là, vous avez beaucoup
insisté sur le fait que c'est très encadré, votre port de l'uniforme,
puis qu'il n'y a pas tellement de dérogation possible.
Alors, à quoi
vous pensez que ce projet de loi là va vous servir puisque vous avez déjà un
uniforme strict, précis prévu? En quoi ça va vous aider d'avoir un projet
de loi comme ça?
M.
Perreault (Martin) : Ce
n'est pas nécessairement de nous aider. Quand on fait des lois, les lois
sont là pour tout le monde. Donc, à notre niveau, nous, c'est encadré. On
n'a pas de problématique, comme je l'ai dit, au sein des troupes. Mais on ne peut pas dire : Bien, à nous
autres, ça ne s'appliquera pas parce
que ça ne touche pas ou, vu que c'est
bien encadré par rapport à l'uniforme, ça ne nous touchera pas. La loi, il faut qu'elle soit là
pour tout le monde, elle va être claire pour tout le monde. Puis les
citoyens qui vont faire affaire avec un agent de la paix... comme il est écrit
dans le projet de loi,
on ne sépare pas tel agent de la paix, oui, puis l'autre, non. C'est là pour tout le monde. Il ne faut pas faire du cas par cas.
Mme
David : O.K.,
mais il y avait d'autres... Le rapport Bouchard-Taylor, par exemple, n'allait pas jusqu'aux agents de la faune, si je ne m'abuse. Je
pense qu'il arrêtait aux policiers puis à certaines personnes qui, bon... dans
de l'autorité coercitive, mais pas nécessairement aller jusqu'à vos fonctions à vous. Mais ce que... Je vais poser ma
question autrement. Votre encadrement
et vos balises de port de l'uniforme pourraient vous donner suffisamment d'encadrement pour agir s'il y avait un port de signe religieux.
M. Perreault
(Martin) : Bien, nous, à
notre niveau, l'uniforme, comme je disais tantôt, est fait... tu portes l'uniforme de telle et telle manière, tel et tel
insigne de travail sur notre uniforme est précis, est là. Puis il y a
une directive sur les bijoux. Donc, mettons,
quelqu'un qui aurait une chaîne avec une croix, je ne l'ai pas par coeur, là, mais,
tu sais, avec les boucles d'oreilles, puis tout ça, c'est déjà tout encadré.
Donc, nos
directives vont-u être changées suite à ce projet de loi là? Je ne peux pas le
dire. Ça fait que ça va être de voir
comment que ça va être défini, mais, à notre niveau à nous autres, par rapport
au port de l'uniforme, bien, c'est l'uniforme,
c'est ça, puis «that's it». On n'est pas là pour juger de qu'est-ce que
l'employeur va nous demander de faire. On est là pour faire appliquer la
loi, puis, dans telle situation, la directive est claire, c'est comme ça.
Mme
David : Et vous dites, pour faire appliquer la loi, justement, que
c'est que vous allez faire si vous soupçonnez, parce qu'on parle de
signes autant invisibles que visibles... Alors, comment vous allez faire si
vous soupçonnez que quelqu'un a un port de signe religieux invisible ou que
vous n'êtes pas sûr si c'est un signe religieux ou pas?
M.
Perreault (Martin) : Bien là, à ce niveau-là, moi, je vais faire
appliquer mes lois sur la conservation,
mise en valeur de la faune, les lois
fédérales, puis tout ça. Mais c'est quoi, mon pouvoir d'aller jusque-là? Je
n'ai pas le pouvoir d'aller... je pense que peut-être cette personne-là a une chaîne avec une croix, par exemple. Je ne pousserai probablement pas ma réflexion jusque-là. Moi, je vais faire
appliquer mes lois que je fais appliquer généralement, mais c'est quoi,
mon motif de dire : Je pense que cette personne-là... C'est juste
en lui regardant la face? Tu sais, je ne peux pas faire ça.
Mme David : On se comprend bien, je
parle d'un de vos membres, là, d'un agent...
M. Perreault (Martin) : O.K.,
nos membres, nos membres, O.K.
Mme
David : ...qui pourrait
avoir un port de signe religieux. Mais votre collègue vous dit : Il
porte une petite croix, je le sais, il la porte depuis 30 ans, là,
qu'est-ce que vous faites?
M.
Perreault (Martin) : Bien
là, ça va être de voir, le gouvernement, au sein des troupes, comment ils vont
décider. La personne qui va
contrevenir ou qui refuse... qui cache, si on veut, sa chaîne, bien là, ça va
être l'employeur qui va décider s'il y a des sanctions à apporter ou
quoi que ce soit, là. Ça va être de voir...
Mme David : Alors, vous ne serez
pas, vous-même, l'autorité administrative...
M. Perreault (Martin) : Non.
Mme David : ...qui doit appliquer la
loi? Vous venez... mais vous protégez vos membres quand même si quelqu'un
refuse d'enlever...
M. Perreault (Martin) : Bien,
si la personne...
Mme
David : ...en disant : Ce n'est pas un signe religieux, c'est un
souvenir de ma grand-mère, puis c'est une main de Fatima, ce n'est pas
un vrai signe religieux.
M.
Perreault (Martin) : Mais,
à ce niveau-là, ça va être de... si la personne a un signe religieux sur elle, puis le gouvernement a dit : Bien, regarde, dans ta position d'autorité, si on veut, tu n'as pas droit d'avoir
de signe religieux, la personne
refuse de l'enlever, bien là, les sanctions, c'est-u des sanctions
administratives puis avoir... Ça, à notre niveau, je ne peux pas dire ce
que l'employeur va décider de faire avec ça.
Mme David : Mais est-ce que vous,
vous avez comme mission aussi de défendre vos membres?
M. Perreault (Martin) : Oui, on
va défendre nos membres, mais la personne qui va refuser d'adhérer à une directive, que ce soit à une directive ou à une
loi qu'on... pas qu'on fait appliquer, là, mais que le gouvernement a mis,
peut avoir des sanctions.
Mme
David : Mais est-ce que vous la trouvez claire, la loi, au niveau de
qu'est-ce que c'est, un signe religieux?
M. Perreault (Martin) : À
notre niveau, à nous autres, c'est assez clair, parce que, comme je dis, ça
s'en va tout le temps au principe de l'uniforme. L'uniforme, c'est ça.
Donc, tu ne peux pas rajouter rien.
Mme
David : Donc, ce n'est pas parce que c'est religieux ou pas religieux,
c'est n'importe quoi de plus qui n'est pas
cadré dans vos balises, c'est interdit. Alors, c'est dans ce sens-là que vous
me dites : Dans le fond, je n'ai pas besoin du projet de loi,
puisque tout est tellement balisé que le moindre signe qui ne fait pas partie
de l'uniforme, c'est out.
M.
Perreault (Martin) : Mais, comme je disais tantôt, on ne peut pas
aller faire du cas par cas. Bien, nous autres, vu que ça ne s'applique pas, puis que c'est vraiment balisé, bien, on ne
le fera pas à vous autres, on va le faire à d'autres, puis à d'autres. Puis à d'autres ça va être
différent. Ça fait que la population, il faut qu'elle soit au courant. Regarde,
c'est clair, un agent de la paix, on ne les sépare pas. C'est des agents
de la paix? Ça s'applique pour eux.
Mme
David : Mais, comme vous protégez vos membres, c'est normal, c'est une
organisation dite syndicale. Si le membre,
il dit : Ce n'en est pas un, signe religieux, j'ai ça en dessous, ça ne
fait pas partie de l'uniforme, puis ce n'est pas un signe religieux,
pour moi, c'est un souvenir de ma grand-mère, qu'est-ce que... Vous allez être
obligé de le défendre, non?
M.
Perreault (Martin) : Ça va peut-être être d'établir qu'est-ce qui
est un signe religieux. Ça va-tu être écrit : Telle chose, c'est un
signe religieux, telle chose, non? Ça, ça sera à vous à décider puis...
Le
Président (M. Bachand) : Merci, Mme la députée de
Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme
Robitaille : Bonjour, monsieur, bonjour, messieurs, merci d'être là
aujourd'hui. Écoutez, juste pour qu'on s'entende, là, vous, là, la
liberté de religion, c'est un droit fondamental, est-ce que c'est un droit
fondamental?
M.
Perreault (Martin) : Bien, pour l'instant, ça me semble que oui.
Il y a des modifications qui ont l'air de vouloir être demandées...
Mme
Robitaille : Non, mais... Oui, mais croire en Dieu ou avoir une
religion en particulier, vous pensez que c'est quand même...
M. Perreault
(Martin) : Bien, chaque personne peut croire en ce qu'il veut.
Mme
Robitaille : ...chaque personne a le droit. Oui, dans ce sens-là,
c'est un droit fondamental.
M. Perreault
(Martin) : Oui.
Mme
Robitaille : Les 380 membres, là, est-ce que... Évidemment,
personne ne porte de signe... Est-ce qu'il y a du monde, là-dedans, qui
porte des signes religieux?
M.
Perreault (Martin) : Visibles, je ne pourrais pas dire s'il y en
a qui n'ont pas une croix sur le... Je ne peux pas dire, je n'ai pas
fait le tour de chaque personne. On n'a pas de femme voilée au sein des
troupes, ça, c'est certain.
Mme
Robitaille : Des gars avec des turbans, des sikhs.
M. Perreault
(Martin) : Non plus, non plus, on n'en a pas, non.
Mme
Robitaille : Puis ça, ce n'est jamais... Donc, ce n'est pas un
problème maintenant, du tout, du tout?
M. Perreault
(Martin) : Non. Pour l'instant, je n'ai pas rien à signaler.
Mme
Robitaille : Comme j'expliquais à... Comme on disait, tout à l'heure,
avec la fédération des municipalités, et on l'a entendu beaucoup, là, la semaine dernière, il y a un principe en
droit qui dit qu'on peut suspendre un droit fondamental s'il y a une urgence. Tu sais, il faut une raison
sérieuse, il faut qu'il y ait une urgence, un danger. En ce moment, là, chez
vous, il n'y en a pas, de danger.
• (17 h 50) •
M.
Perreault (Martin) : Il n'y a pas d'urgence, il n'y a pas de
danger, mais ça revient à faire du cas par cas. Selon moi, quand on fait une
loi, elle doit s'appliquer à tout le
monde. Nous, quand on fait appliquer
la loi, Loi sur les pêches, Loi sur
conservation, mise en valeur de la faune, elle s'applique à tout le monde. Les règles sont là pour tout
le monde. Puis on ne sépare
pas personne.
Mme Robitaille : Je comprends. Vous savez, la GRC, il y a
le fameux cas du gars avec un turban, là, le sikh. Et je pense à ça. Je me dis... Et puis je me pose des questions.
Le garde-chasse qui porte un turban, un signe religieux, une kippa,
par exemple, est-ce que ça cause préjudice au droit du chasseur, par exemple? Est-ce que ça lui causerait
préjudice? Est-ce que ça entraverait l'exercice d'un de ses droits,
selon vous?
M. Perreault
(Martin) : Bien, on n'en a pas.
Mme Robitaille :
Oui, mais disons, là. Disons que, là, vous avez un garde-chasse qui a un
turban, ça ne l'empêchera pas de faire un bon travail, si je comprends
bien.
M. Perreault
(Martin) : Bien, c'est parce que, présentement, on n'en a pas. Tu
sais, on peut supposer plein de choses que, si, à un moment donné, il y
a ci ou ça, mais là, présentement, on n'en a pas au sein des troupes.
Mme Robitaille :
Mais, bon, disons que... Bien, pour faire un bon travail, on n'est pas obligé
de... Pour faire un bon travail, même
si on porte un turban ou quoi que ce soit, ou on porte un signe religieux, on
ne va pas nécessairement... Ça n'entrave pas le bon travail qu'on peut
faire, si je comprends bien.
M. Perreault
(Martin) : Ça n'entrave peut-être pas le bon travail, mais,
présentement, on n'en a pas. Il n'y a pas de problématique avec ça. Ça
fait que...
Mme Robitaille :
Alors, pourquoi, selon vous, c'est important, cette loi-là, cette
interdiction-là de signe religieux?
M. Perreault
(Martin) : Comme je dis, à notre niveau, nous, on fait appliquer
une loi. On nous demande d'être comme ça. Puis je reviens encore au cas
par cas, il faut que ça soit balisé pour tout le monde, pas juste pour...
Mme Robitaille :
Mais pour vous, là, pour vous...
M. Perreault
(Martin) : Bien, pour nous... Moi, je parle pour les agents de la
faune, là. Je ne parle pas personnellement, là. Nous, on est habitués de... On n'est pas là pour qu'est-ce qu'on pense
de ça ou c'est quoi, mes croyances religieuses. Quand on arrive au
travail, bien, on fait appliquer ça, puis on laisse ça de côté, puis...
Mme Robitaille :
Mais pourquoi votre organisme, votre association pense que ce projet de loi là,
l'interdiction, en particulier l'interdiction de porter un signe
religieux, c'est nécessaire, c'est important?
M. Perreault
(Martin) : Parce que, nous, quand on fait appliquer nos lois, on
doit être neutres envers n'importe qui.
N'importe quelle personne qu'on va rencontrer, que ça soit un homme, une femme,
la religion qu'il pratique, on fait appliquer
la loi. Donc, on doit être neutres dans notre travail puis dans ce qu'on pense
cette personne-là. Je la regarde, cette personne-là, je n'ai pas à donner mon opinion sur ce que je pense de
cette personne-là, ou sa religion, ou quoi que ce soit. Puis, en même
temps, de mon côté, je dois être neutre quand j'arrive face à quelqu'un.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M. Zanetti : Merci,
M. le Président. Merci beaucoup pour votre présentation. J'aimerais savoir juste comment vous
avez pris une position dans le syndicat sur le sujet du projet de loi n° 21.
M. Perreault
(Martin) : Comment qu'on a pris la position?
M. Zanetti : Est-ce
que vous avez fait, mettons, une assemblée
générale où vos membres ont été appelés à voter puis à échanger sur la proposition
que vous défendez aujourd'hui?
M. Perreault
(Martin) : Non. Nous, à
notre niveau, comment ça fonctionne, on est élus. L'exécutif du syndicat est
élu. Il y a deux délégués par région. On a neuf régions dans
le Québec... 10 régions. Ça fait qu'on est une vingtaine de personnes. Puis on est élus par ces délégués-là.
Donc, en exécutif provincial, on a parlé, voir c'était quoi, notre position
à ce niveau-là. Puis c'est comme ça qu'on...
M. Zanetti :
O.K. Et, si on n'interdisait pas les signes religieux, là, est-ce que ça
poserait un problème concret dans l'exercice de vos fonctions?
M.
Perreault (Martin) : Je ne pense pas qu'il y aurait un problème
nécessairement, mais on doit, nous, quand... Comme je viens de dire, on
doit intervenir face aux personnes en étant neutres. Que ça soit à tous les
niveaux. À mon opinion, que je n'aime pas
les personnes qui sont comme ça, ou j'aime une autre sorte de personnes ou la
religion, quoi que ce soit, ça n'a
pas... C'est mis de côté, c'est laissé dans le véhicule ou à la maison, les
perceptions où... Nous, on est là pour faire appliquer la loi, que ça
soit n'importe qui face à nous.
Une voix :
...
M. Perreault
(Martin) : Non, c'est ça. Que ça soit n'importe quel agent, que
ça soit un agent à Kuujjuaq, à Matane, à Valleyfield, à Thetford, c'est
la même chose pour tout le monde.
M. Zanetti :
Puis mettons que, si, un jour, il y en a un qui voulait mettre un turban,
mettons, là, qu'est-ce que ça ferait sur le service que vous donnez à la
population? Quelle influence ça aurait? Quel problème concret ça soulèverait?
M. Perreault (Martin) : Si j'en comprends bien, au mois de juin, ça ne
sera pas possible. Si les discussions vont dans le sens que le projet de
loi est adopté, ça ne sera pas possible à ce niveau-là.
M. Zanetti :
Mais ça ne ferait rien.
M. Perreault
(Martin) : Bien, pour l'instant, non. Mais, encore là, nous, on
est des employés du gouvernement. Donc,
dans les directives, s'ils viennent dire : Bien, regarde, l'uniforme, vous
devez le porter comme ça, puis aucun signe religieux...
M. Zanetti :
Donc, si je vous demande, mettons, de me pointer un problème concret, vous
dites : Je ne peux pas le pointer.
M. Perreault (Martin) : Je
ne peux pas le pointer?
M. Zanetti :
O.K.
M. Perreault
(Martin) : Bien, non, non, non. Bien, tu sais, je vous relance la
question. Vous dites que, si je dois
identifier qui ne fonctionne pas, je ne le pointerai pas? C'est ça que vous
m'avez posé comme question?
M. Zanetti :
Ha, ha, ha! Je pense que vous m'avez mêlé.
M. Perreault
(Martin) : Oui, hein?
M. Zanetti :
Mais, écoutez, ça me va et je n'ai pas d'autre question. Je vous remercie.
Le Président (M. Bachand) : Merci, M.
le député de Jean-Lesage. M. le député de Matane-Matapédia, s'il
vous plaît.
M.
Bérubé : Merci, M. le Président. Je veux vous saluer à mon tour et vous
témoigner, au nom de ma formation
politique, toute l'estime qu'on a à l'égard de votre profession. On vous
connaît bien, on vous a toujours accompagné dans votre travail, essentiel pour notre territoire, pour la faune. Et il n'y
a aucun doute dans ma tête que votre travail est un travail qui comporte
des risques. C'est pour ça que vous êtes armé, c'est pour ça que vous avez un
uniforme, pour bien être identifié. Et je trouve ça cohérent de la part du
gouvernement que vous soyez assujetti à la loi.
Ceci
étant dit, il a été beaucoup question de l'uniforme, qui est réglementé, comme
celui d'un policier, comme celui de d'autres fonctions. Toutefois, vous émettez
souvent le questionnement suivant : On va voir ce qu'il va arriver,
quels sont les risques, comment l'employeur
va appliquer. Alors, ma question, et je l'ai posée précédemment à d'autres
intervenants : Il me semble, en tout
cas, je ne sais pas si vous partagez ça avec moi, ça serait bien de savoir de
quoi on parle, des signes visibles, des signes invisibles. Outre le
terme, là, ça veut dire quoi, concrètement? Puis, aussi, bien, comment ça va
s'appliquer par l'employeur? L'employeur étant vos directeurs, par exemple, de
secteur ou de région.
Moi, je n'en sais pas
plus que vous. Comme parlementaire, là, on ne nous fournit pas ces
informations-là. Est-ce que ça pourrait vous
aider à apprécier comment ça va se passer dans le réel après la loi, si on
précisait davantage c'est quoi, un signe visible, c'est quoi, un signe
invisible, donner des exemples très concrets.
Juste
vous indiquer que moi, j'étais membre d'un gouvernement qui a proposé une
législation. On avait clairement identifié
par pictogramme et les sanctions aussi. Alors, est-ce que c'est des
informations qui vous apparaîtraient pertinentes pour apprécier en quoi
le projet de loi va changer le travail de vos membres?
M. Perreault
(Martin) : C'est sûr qu'au niveau de l'organisation syndicale,
quand qu'il va venir le temps de défendre un
membre qui ne respecterait pas ce qui est identifié comme un signe religieux,
le porterait, c'est certain que ça serait
une bonne idée de définir qu'est-ce... Ça, c'en est-u un? Je pense que c'est
madame, tantôt qui disait : C'est-u un souvenir ou c'est un signe
religieux? Il faudrait peut-être que ça soit défini.
M.
Bérubé : Vous êtes d'avis avec moi que ça serait une bonne
idée de, au moment où on étudie un projet de loi, dire de quoi on parle.
M.
Perreault (Martin) : De dire quels signes religieux, puis c'est
surtout peut-être le visible et le non visible. Comment qu'on va
venir... J'ai une chaîne, mais qui sait si j'ai quelque chose, une croix,
dessus?
M.
Bérubé :
On ne le sait pas non plus. Vous vous questionnez même sur les tatouages dans
votre mémoire.
M. Perreault (Martin) : Je me
suis questionné, oui.
M.
Bérubé : Vous vous
êtes questionné là-dessus?
M. Perreault (Martin) : Je
ne suis pas un expert là-dedans...
M.
Bérubé :
À défaut d'une définition claire du gouvernement, toutes les spéculations vont
bon train, de la chaîne qui
appartenait à la grand-mère évoquée par la députée de Marguerite-Bourgeoys
jusqu'à votre questionnement sur les tatouages, on se pose des questions
puis vos réflexions valent les miennes.
Alors, je
profite de cet échange pour indiquer au gouvernement qu'il ne serait pas
prématuré d'indiquer de quoi il
parle, pour le bénéfice des parlementaires, des gens qui prennent le temps de
faire des mémoires, de venir se présenter devant puis pour le public qui nous suit. C'est ce que je vous suggère,
que votre questionnement n'est pas seulement le vôtre, mais celui de
d'autres groupes également.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, M. le député. Malheureusement, c'est tout le temps qu'on a. Je
voulais vous remercier, encore une fois, de votre participation aux travaux de
la commission.
Je suspends les travaux jusqu'à
19 h 30. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
(Reprise à 19 h 34)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bonsoir et bienvenue. La Commission des institutions reprend ses travaux. Comme d'habitude, je vous
demande, s'il vous plaît, de bien éteindre la sonnerie de vos appareils
électroniques.
Nous
poursuivons donc les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 21, la Loi
sur la laïcité de l'État. Ce soir, nous allons entendre la Fédération autonome de l'enseignement et
l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec.
Alors, on
va débuter avec la Fédération autonome de l'enseignement. Bienvenue, et vous
avez maintenant 10 minutes
pour faire votre présentation. M. le président, s'il vous plaît.
Fédération autonome de
l'enseignement (FAE)
M.
Mallette (Sylvain) : M. le
Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, je suis un enseignant d'histoire au secondaire et président de la Fédération
autonome de l'enseignement. Participera à la présentation : M. Alain
Marois, enseignant en adaptation
scolaire au primaire et vice-président à la vie politique. Nous accompagnent : Me
Séverine Lamarche, conseillère au service des Relations de travail de
la FAE ainsi que Me Rémi Bourget, associé chez Mitchell Gattuso.
La FAE
représente près de 45 % des enseignantes et enseignants de commissions scolaires francophones, soit plus de 44 000 femmes et hommes qui travaillent
dans tous les secteurs d'enseignement. La FAE est présente en Outaouais,
Laval, Montréal et Québec,
dans lesquelles se trouvent les quatre plus grands pôles urbains du Québec,
ainsi que dans les Laurentides, l'Estrie et la Montérégie. La FAE,
comme organisation syndicale, a la responsabilité fondamentale de défendre le droit au travail des personnes qu'elle
représente. Il en va de son essence, de sa raison d'être. Agir autrement
serait contraire à ses obligations, notamment celles prescrites par le Code du
travail.
La FAE
reconnaît qu'il est légitime pour le gouvernement d'entreprendre un débat sur
la laïcité et sur la place qu'occupent les religions dans l'espace
public. On le constate, plusieurs expriment des points de vue divergents qui témoignent de convictions profondes. Le fait
qu'une citoyenne ou qu'un citoyen se questionne sur la place des religions
dans l'espace public ou sur la signification du port de signes religieux dans
notre société est tout à fait acceptable. S'interroger
sur les conséquences du projet de loi porté par le ministre de l'Immigration,
de la Diversité et de l'Inclusion, notamment dans un secteur d'emploi
qui compte plus de 75 % de femmes, est tout aussi légitime.
La FAE est
d'avis que de débattre contribue à la vitalité démocratique d'une société.
Cependant, le débat sur la laïcité ne
peut, en aucun cas et en aucun temps, justifier l'usage de propos sexistes,
racistes, islamophobes ou xénophobes. Il n'est pas plus tolérable de
voir certaines personnes chercher à faire croire que ce projet de loi serait le
fruit d'un gouvernement gagné par le
totalitarisme. Agir en ce sens relève soit de la malhonnêteté intellectuelle ou
témoigne d'une ignorance profonde de
ce qu'est le totalitarisme. Une femme, une philosophe, Hannah Arendt, a cherché
à comprendre les rouages de ce mal
absolu. Comme le souligne le philosophe Pierre Bouretz : «Pour Arendt, ce
qui [importe], c'est l'idéologie, la
logique d'une idée, une idée qui se détache de ce qu'est le fonctionnement des
idées et qui finit par adopter sa propre logique, qui devient folle au sens où elle ne reconnaît plus [des]
choses qui peuvent l'arrêter.Et, sur le plan
plus empirique, la terreur : de
la terreur quotidienne jusqu'au camp de concentration, l'endroit où le système
totalitaire vérifie l'hypothèse de l'idéologie
que l'homme est superflu...»
Quoiqu'en disent certains agitateurs, le projet de loi ne s'alimente pas à
cette source.
Cependant,
l'opération menée à l'automne 2018 et qui visait à connaître, au sein des
commissions scolaires, le nombre
d'enseignantes qui portent le hidjab contribue à alimenter la suspicion et la
méfiance à l'endroit du gouvernement. Selon
nous, le gouvernement est incapable de démontrer que le port de signes
religieux empêche une enseignante ou un enseignant d'effectuer, avec professionnalisme, son travail. D'aucune
façon le port de signe religieux n'influe sur la capacité stricte de transmettre des connaissances à un
élève. La situation selon laquelle l'une ou l'un de nos membres aurait fait
l'objet de mesures disciplinaires pour avoir
cherché à convertir ses élèves ou ses collègues n'a jamais été portée à notre
connaissance.
Le
gouvernement tente de prouver que le seul port de signe religieux par une
enseignante ou un enseignant peut influencer
implicitement et indûment l'élève. Aucune étude ne fait état du risque
d'influence religieuse que le port de signes religieux par une enseignante ou un enseignant pourrait représenter pour
un élève. Dans le cadre de l'exécution de son travail, l'enseignante et l'enseignant doivent, entre autres, respecter
le Programme de formation de l'école québécoise, mis en place en 2000 par François Legault, alors ministre de
l'Éducation. L'école y assume un rôle d'agent de cohésion qui doit aussi contribuer à l'apprentissage du
vivre-ensemble et au développement d'un sentiment d'appartenance à la collectivité. Comment le gouvernement actuel
peut-il penser concrétiser l'apprentissage du vivre-ensemble dans un contexte
qu'il souhaite à ce point aseptiser?
Le projet de
loi remet en question l'un des fondements du Programme de formation de l'école
québécoise. Aux prescriptions prévues
à ce dernier s'ajoutent celles de la Loi sur l'instruction publique, qui
prévoient notamment que le personnel
enseignant a le devoir, je cite, «de prendre les moyens appropriés pour aider à
développer chez ses élèves le respect
des droits de la personne; d'agir d'une manière juste et impartiale dans ses
relations avec ses élèves; [et] de respecter le projet éducatif de l'école», celui-ci devant, à son tour — je cite encore — «respecter la liberté de conscience et de
religion des élèves, des parents et des membres du personnel de
l'école».
Mmes, MM. les
députés, en d'autres termes, nul besoin de contraindre davantage les
enseignantes et enseignants par ce
projet de loi. Le seul fait de porter un signe religieux ne peut et ne doit
être considéré comme menaçant de porter atteinte à l'intégrité du
système scolaire québécois, et, par conséquent, à la laïcité ou à la neutralité
de l'État.
J'invite M. Marois à poursuivre.
• (19 h 40) •
M. Marois
(Alain) : Bonsoir. L'article
3 du projet de loi exige le respect en fait et en apparence de
principes fondamentaux. Un de ces
principes est la neutralité religieuse, pour laquelle la FAE est en accord.
Toutefois, que seuls les employés des
écoles publiques doivent assumer cette responsabilité est une incohérence,
voire même une injustice. Au Québec,
selon un rapport de recherche, les écoles se rattachant à une religion
accueillent 71 % des élèves du réseau privé, et, sur 252 établissements, 138 mettent en oeuvre des modes
d'expression religieuse. Le gouvernement, en maintenant le financement public de l'ensemble du réseau
privé, soustrait ce dernier à l'obligation de neutralité religieuse. À notre
avis, le financement public d'écoles qui
promeuvent une religion en particulier est, quant à lui, en totale
contradiction avec le principe de
laïcité et l'obligation de neutralité religieuse de l'État. Rien ne justifie le
statu quo, si ce n'est le manque de courage politique que manifeste une
grande partie de la classe politique québécoise.
L'article 6 vise l'interdiction de porter un
signe religieux dans l'exercice de leurs fonctions aux directeurs, directeurs
adjoints ainsi qu'aux enseignants dans un établissement d'enseignement d'une
commission scolaire. Pour la FAE, cette
suggestion restreinte est génératrice d'incohérences, car elle engendre, dans
un même lieu et avec la même présumée
intention législative de protection des élèves, une application différente
selon que l'on soit visé ou non par le projet
de loi. Bref, dans le contexte scolaire, l'élève que l'on prétend vouloir
protéger à tout prix pourrait quotidiennement être en contact avec d'autres personnels, qui, eux, ne seraient pas
soumis aux mêmes obligations que les enseignantes et enseignants. La différence de traitement crée un
désavantage certain pour celles et ceux portant un signe religieux, d'autant
plus que la Cour suprême du Canada nous
enseigne qu'en raison de l'obligation qu'il a de protéger la liberté de
conscience et de religion de chacun
l'État ne peut utiliser ses pouvoirs d'une manière qui favoriserait la
participation de certains croyants ou incroyants à la vie publique au
détriment des autres.
Quant à lui,
l'article 15 indique qu'«une disposition d'une convention collective, d'une
entente [...] ou de tout autre
contrat relatif à des conditions de travail qui est incompatible avec les
dispositions de la présente loi est nulle de nullité absolue». Ainsi, même la reconnaissance du caractère distinct et
particulier du droit du travail ne saurait préserver une clause qui aurait été négociée de bonne foi
par les parties. Dans les faits, notre contrat de travail serait modifié sans
notre accord par l'ajout d'une interdiction qui vise le port de signes
religieux qui consacrerait la violation d'un droit fondamental.
L'article 27
réfère à ce qui est communément appelé clause grand-père. Par son libellé, le
législateur choisit de soustraire de
l'application de la loi une personne qui autrement serait normalement visée en
raison de l'unique fait qu'à la date
de l'adoption du projet de loi celle-ci portait déjà un signe religieux. Ce
droit acquis serait tout de même restreint puisqu'il s'appliquerait seulement si l'enseignant continue d'exercer la
même fonction au sein de la même commission scolaire. La FAE a le devoir de protéger tant le droit au travail que
l'accès à ce dernier. Dans les faits, cette disposition aurait pour
effet de créer deux classes d'enseignants, ce qui, aux yeux de la FAE, est
inéquitable, donc inacceptable.
Les articles
29 et 30 marquent le recours aux dispositions de dérogation. Plus précisément,
on y prévoit que la loi s'appliquera
malgré des articles de la charte québécoise des droits et libertés et de la Loi
constitutionnelle de 1982. En recourant
aux dispositions dérogatoires, le gouvernement admet qu'il contrevient aux
chartes québécoise et canadienne. La
FAE reconnaît que les dispositions dérogatoires sont enchâssées dans lesdites
chartes, mais elle est d'avis qu'il est faux de croire que le recours à ce mécanisme favorisera une paix
sociale, comme semble l'imaginer l'actuel gouvernement. D'ailleurs, l'exercice devra, en ce qui concerne
la Charte canadienne, être répété à tous les cinq ans. L'action que mène le
gouvernement n'empêchera pas la
multiplication de recours juridiques, puisque l'objectif du projet de loi n° 21 est de suspendre les droits fondamentaux pourtant protégés par
les chartes.
Enfin,
concernant le principe souvent évoqué de l'égalité entre les femmes et les
hommes, la FAE tient à mettre en garde celles et ceux qui seraient
tentés de croire que ce projet de loi assurerait cette égalité. La laïcité a
pour seul objectif d'assurer que les
personnes qui croient ou pas en une religion ne soient pas discriminées par
l'État, et non de faire cesser la
discrimination dont sont encore victimes les femmes. Au surplus, une telle
législation pourrait même avoir l'effet pervers d'exclure certaines femmes de la profession enseignante et
d'encourager leur ghettoïsation. Ce projet de loi pourrait, à terme,
exacerber les inégalités en discriminant à l'embauche certaines personnes,
particulièrement des femmes.
Ainsi,
la FAE réclame du gouvernement québécois qu'il ne remette pas en question
l'accès et le droit au travail des enseignantes et enseignants ni celui
des autres personnels des établissements scolaires du simple fait de porter un vêtement ou un accessoire ayant une connotation
religieuse ou culturelle, à moins que celui-ci ne contrevienne aux règles
de base de sécurité et du professionnalisme
qui régissent déjà les différents métiers et professions. Dans cette optique,
nous réclamons que le personnel enseignant soit soustrait des dispositions de
ce projet de loi.
Le Président (M.
Bachand) : ...infiniment. Maintenant, je cède la parole à M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M.
le Président. Madame messieurs, bonjour. Merci d'être en commission
parlementaire pour partager votre point de vue sur le projet de loi n° 21, c'est apprécié.
D'entrée de jeu, je crois dénoter de votre mémoire que vous êtes en accord avec le fait
que les services publics doivent être donnés avec le visage découvert, notamment
en matière d'enseignement. C'est bien ça?
M. Mallette (Sylvain) : Tout à fait.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Que
les services publics aussi doivent être reçus à visage découvert dans le cadre
des questions d'identification et de sécurité, vous êtes à l'aise aussi
avec ça?
M. Marois
(Alain) : Tout à fait. Pour
des raisons de sécurité et de communication, surtout comme enseignant, c'est important de pouvoir voir ce que nos élèves ressentent et
ce que nous aussi, on a à faire comme enseignement, là, qu'ils puissent voir nos réactions.
M.
Jolin-Barrette : O.K.
Mais vous, vous diriez qu'il faut obliger les élèves à avoir le visage découvert durant la classe?
M. Marois (Alain) : Oui, tout à fait.
M. Jolin-Barrette : O.K. Parce qu'actuellement
le projet de loi ne prévoit pas ça, là, le projet de loi prévoit
l'identification et le motif de sécurité. Mais vous, ce que vous dites, c'est,
dans le domaine de l'éducation, là, vous, particulièrement, c'est primaire secondaire, mais, supposons...
parlons de l'ensemble de l'éducation, là, jusqu'à l'université, vous êtes d'avis que tous les élèves ou tous les
étudiants devraient avoir le visage découvert dans la classe.
M.
Mallette (Sylvain) : C'est
une position que nous avons adoptée lors de notre congrès en 2013, ça concerne
la communication qui doit se faire entre l'élève et son enseignant
et ça va dans les deux sens. Pour nous, c'est non discutable.
M.
Jolin-Barrette : O.K.
Est-ce que, dans le cadre de... Ça, c'est le critère de la communication, est-ce que le critère de l'interaction est un critère que la
FAE partage aussi au niveau du visage à découvert?
M. Marois (Alain) : Tout à fait.
M.
Jolin-Barrette : O.K.
Donc, si je résume, c'est : motif de sécurité, identification, communication, interaction.
M. Marois (Alain) : Oui.
M. Jolin-Barrette : O.K. Vous savez,
dans le cadre du projet de loi n° 62 qui a été
présenté par le précédent gouvernement, ces articles-là du projet de loi sont suspendus par les tribunaux. Une des façons de faire en sorte de
s'assurer qu'on puisse faire en sorte
que les enseignants, mais aussi les fonctionnaires,
dans le cadre de leurs fonctions, aient le visage à découvert, et que les utilisateurs, les usagers aient le visage
à découvert aussi, c'est l'utilisation de la disposition de dérogation. Et là, dans votre mémoire, vous
êtes contre l'utilisation de la disposition de dérogation. Comment est-ce
qu'on réconcilie tout ça?
M.
Mallette (Sylvain) : Bien,
si vous me permettez, puis je permettrais à Me Bourget de réagir aussi, c'est
en réaction au projet de loi tel
qu'il est libellé, pas en fonction d'un projet de loi qui a été adopté mais qui
a été contesté, ça, on est tout à
fait d'accord avec vous. Mais ce qu'on lit du projet de loi que vous soumettez,
c'est... vous n'abordez pas la
question du service à visage découvert, pour un élève, par exemple, de recevoir
à visage découvert le service. Et moi, je pense que, dans ce contexte-là, toute
la question que vous posez sur la clause dérogatoire, on la regarde en fonction
des effets qu'aurait le projet de loi que
vous présentez sur les membres que nous représentons. Et donc c'est dans ce
sens-là.
Mais là je
comprends que vous voulez que nous participions à un débat théorique sur des
dispositions d'une loi qui a été adoptée qui ont été contestées, mais je
vais céder la parole à Me Bourget si vous me le permettez.
M. Jolin-Barrette : Non, mais juste
avant, là, sur cette assertion-là, là, c'est fort important, là, dans le projet
de loi n° 21,
là, c'est prévu, à l'article 7 et 8, que la prestation de services et la
réception de service est à visage découvert, donc on ne parle pas d'une autre loi, là, on parle vraiment dans le
cadre du projet de loi n° 21 et on utilise la disposition de dérogation notamment pour s'assurer que c'est
applicable, qu'au Québec, dans les enseignants, ils enseignent le visage
à découvert et que les
personnes qui reçoivent des services le fassent à visage découvert lorsque
c'est nécessaire pour des fins
d'identification et de sécurité. Donc, on va moins loin que ce que vous
souhaitez au niveau de l'identification et de la... excusez, au niveau de la communication et de
l'interaction, mais c'est dans le cadre du projet de loi n° 21,
là, qu'on fait ça.
M. Mallette (Sylvain) : Votre question... j'ai de la difficulté à saisir
votre question, M. le ministre, peut-être... Rémi.
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, ma question, là, pour faire clair, là : Si on n'utilise
pas la disposition de dérogation, là, bien, au Québec, là, on peut enseigner avec le visage couvert. C'est ça,
l'enjeu. Puis là vous dites, dans le cadre du projet de loi, on n'est
pas d'accord avec l'utilisation de la disposition de dérogation. J'essaie juste
de vous suivre.
• (19 h 50) •
M.
Bourget (Rémi) : Je crois que la... D'abord, une petite clarification
sur le recours qui a été entrepris sur la loi qu'on appelle la loi n° 62, le visage à découvert, sauf erreur, il n'y a toujours pas de jugement au
mérite qui a été rendu dans ce
dossier-là, puis je crois que vous êtes bien au courant de ça. C'est qu'il y a
un jugement qui est venu suspendre l'application de la loi pour différentes
raisons, entre autres, le fait qu'il n'y avait aucun accommodement possible,
que les accommodements n'avaient pas été
définis, et ce qui fait que cette loi-là n'a pas encore été analysée sur son
mérite. Et effectivement, une fois
qu'il y aura un jugement au mérite, après ça, qui vient dire si, oui ou non,
les droits sont violés, bien, après
ça, que ce soit la FAE, ou le gouvernement, ou tous les autres intervenants...
pourront agir en sachant quel était le verdict sur le fond.
Ce
qui s'est produit, c'est qu'avant même, à cause des délais judiciaires qui sont
très longs, on le sait, le juge n'a pas voulu qu'il y ait une situation
où il y avait une apparence de violation des droits qui perdure pendant tout le
débat judiciaire. Donc, on a suspendu
l'effet de la loi, mais on n'a pas encore jugé cette loi-là sur le fond, dans
un premier temps.
Et,
dans un deuxième temps, la FAE représente des enseignants. Ici, on a un débat
qui est différent et qui touche beaucoup
plus de personnes que les quelques cas anecdotiques, là, de burqa ou de niqab
qu'on a peut-être déjà aperçus à
Montréal dans un autobus, là. On parle des enseignantes qui portent des
symboles religieux et qui vont devoir choisir entre leur foi ou leur emploi, et c'est à ça qu'on s'oppose et c'est
là-dessus qu'on conteste l'utilisation d'une clause dérogatoire.
M. Jolin-Barrette : Deux choses l'une : ce que vous avez dit, ce n'est pas vrai, la
fin de ce que vous avez dit, ce n'est
pas vrai. Ce n'est pas vrai que les personnes qui sont en situation
d'enseignement doivent choisir entre leur foi et leur emploi. La vérité, c'est qu'il y a une disposition de maintien en
emploi. Alors, toutes les personnes qui portent actuellement un signe religieux actuellement en emploi qui
décident de le conserver conservent leur emploi, et ça, c'est important de
le répéter. Dans le cadre du projet de loi, on a prévu une clause grand-père ou
clause de maintien en emploi. Ça, c'est important de le mentionner.
Deuxièmement,
la loi n° 62, elle ne s'applique pas. Depuis que ça a été
contesté, elle ne s'applique pas. Il y a un sursis sur le visage à découvert.
L'état du droit au Québec, là, c'est à l'effet que, lorsqu'on va pour des
services publics, on pourrait faire
face à quelqu'un qui a le visage couvert. Vous êtes d'accord avec le fait que
la loi, elle ne s'applique pas
présentement, et que, lorsqu'on aura adopté le projet de loi n° 21, on va
s'assurer que les gens puissent donner des services à visage découvert et les recevoir aussi à visage découvert.
Ça, je pense que c'est la base de la société québécoise de dire qu'au Québec, quand on veut des services
publics, bien, ils sont donnés et reçus à visage découvert. Vous n'êtes
pas d'accord avec ça?
M. Mallette (Sylvain) : Si vous me permettez, M. le ministre, d'abord, se
rappeler que, lorsque nous nous sommes présentés
en commission parlementaire au moment où le projet de loi n° 62 était
débattu, la FAE a indiqué qu'elle était en accord avec l'interdiction du
visage couvert, là, pour donner ou recevoir des services.
Et
là moi, j'aimerais bien qu'on m'explique : Avez-vous déjà vu une
enseignante porter un... Parce qu'on semble revenir systématiquement à cette question-là. Bien là, le projet de loi
ne vise pas que le voile, il vise aussi les autres signes religieux. Et, quand vous dites, par exemple,
qu'un enseignant ne pourra plus porter, par exemple, la kippa, bien là, on
parle de... vous obligez l'enseignant ou
l'enseignante qui voudrait entrer dans la profession à faire un choix entre sa
foi et sa pratique enseignante. Donc, le gouvernement ne peut pas nier que son
projet de loi, s'il était appliqué tel quel, aurait des effets dans la
réalité.
Maintenant, il n'y a
pas un cas qui nous a été rapporté qu'un prof avait cherché à convertir ses
élèves ou ses collègues. C'est donc que le problème n'existe pas, M. le
ministre.
M.
Marois (Alain) : De plus, vous faites allusion à la clause de maintien
en emploi, et cette clause est restrictive. Aussitôt que l'enseignant va bouger, ça ne s'appliquera plus. Donc, il y
a des contraintes là aussi. Il devra, à ce moment-là, choisir entre
changer de milieu de travail ou perdre son emploi.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, encore une fois, il faut dire les choses telles qu'elles
sont. La clause prévoit du maintien en emploi pour la même fonction au
sein de la même organisation. Alors, quand vous dites que, s'il change d'emploi... il pourrait enseigner à la fois au
niveau primaire, au niveau secondaire pour la même commission scolaire, le droit au maintien en emploi demeure aussi, ça,
c'est important de le dire, à l'intérieur de la même commission scolaire.
Cela étant dit, M. le Président, je sais que
j'ai des collègues qui veulent poser des questions.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci, M. le ministre. Je regarde... Faites-moi signe, s'il vous plaît. Mme la
députée de Bellechasse. Merci, j'apprécie.
Mme
Lachance : Merci, M. le Président. Merci beaucoup. Merci, madame, merci, monsieur, d'être là...
messieurs, d'être là ce soir. J'ai
bien lu attentivement votre mémoire. Et, d'ailleurs, dans votre
mémoire, vous dites que le projet de
loi pourrait avoir des effets discriminatoires
envers les femmes, bien qu'un jugement d'un tribunal international nous confirme que ces
mesures-là ne sont pas discriminatoires ou que des mesures semblables ne sont
pas discriminatoires. Plus important
encore, à la page 9 de votre mémoire, et je
vous cite : «La laïcité a pour seul objectif d'assurer que les
personnes qui font le choix de croire — ou
pas — en
une religion ne soient pas discriminées par l'État, et non de faire cesser la
discrimination, tout à fait condamnable, dont sont encore victimes les
femmes.» Je dois avouer qu'à cette lecture-là j'ai été un peu estomaquée.
En fait, au
cours de la dernière semaine, la première semaine des auditions, on a eu Me
Julie Latour, ancienne présidente du Conseil du statut de la femme, qui est venue nous rencontrer, et Me Pelchat
aussi, et tous deux nous ont mentionné, sans équivoque, que, sous prétexte, si on veut,
parfois... des jugements ont été un peu discriminatoires envers les femmes... Elles ont expliqué clairement
que des règles de l'État favorisant l'égalité hommes-femmes sont parfois mises
de côté par les tribunaux au nom de la liberté de
religion, et qu'un renforcement de la laïcité aurait pour effet, sur le plan juridique, de contrer ce phénomène-là.
Or, selon vous, dans ce que je lis, la laïcité ne doit en rien faire pour contrer les discriminations privées dont sont victimes les
femmes. Ne pensez-vous pas que cela illustre bien la conception de la laïcité et que votre conception de la laïcité
est très faible?
Le
Président (M. Bachand) :
Attention aux mots, s'il te plaît, aux qualificatifs. M. Mallette, s'il vous plaît... Maître, oui, maître.
M. Bourget
(Rémi) : Oui, pardon,
excusez-moi. Je serais curieux de connaître les références, là, de jugement
où, par exemple, sous le couvert d'un droit à la liberté de religion, on est
venu violer des principes comme l'égalité hommes-femmes. Les droits fondamentaux, dans notre système, ne sont pas supposés être en
opposition, on n'est pas supposés en
avoir un qui est plus fort que l'autre. Si on regarde l'objectif de laïcité,
c'est la neutralité de l'État. Les droits fondamentaux, on veut protéger autant l'égalité, dans laquelle on trouve
l'égalité entre les sexes, et la liberté, dans laquelle on trouve la
liberté de religion. On n'a pas à faire le choix entre l'un ou l'autre, on
devrait protéger l'un et l'autre.
M.
Mallette (Sylvain) : Et, en
complément, très rapidement, parce que le concept de laïcité,
qui est malheureusement galvaudé... Prenons la France, hein, qu'on cite beaucoup
en exemple comme étant un modèle à suivre, la France, la loi de 1905 ne visait pas à assurer l'égalité entre
les hommes et les femmes, c'est tellement vrai que les femmes devront attendre la fin de la Deuxième Guerre mondiale pour
obtenir le droit de vote, d'abord, aux élections municipales. C'est tellement vrai
que les femmes françaises ne bénéficient pas d'une loi sur l'équité salariale et que les femmes, les politiciennes françaises sont encore
victimes de misogynie.
Donc, le
concept de laïcité n'a pas pour mission d'assurer l'égalité entre
les hommes et les femmes, et ce qu'on défend,
c'est le droit au travail, qui, lui, permet le droit à la dignité, parce que
c'est par le travail que les citoyennes
et les citoyens vont se réaliser.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Bellechasse, s'il vous
plaît.
Mme
Lachance : Oui. Bien, écoutez, ce que vous dites, dans le fond, c'est
que la laïcité ne doit pas faire cesser la discrimination, ça fait que,
finalement, la discrimination doit encore continuer puis les femmes en seront
victimes.
M.
Mallette (Sylvain) : Ce
qu'on dit, c'est que la laïcité n'a pas pour mission... la laïcité,
là, c'est d'assurer que l'État, dans ses
rapports avec les citoyens, ne privilégie ou n'agisse pas de façon
discriminatoire envers les gens qui croient puis envers les gens qui ne croient pas. C'est ça, le concept de laïcité.
Maintenant, aussi, comme société, on s'est donné
des règles, des lois.
Mais moi, je
vais vous poser une question, si vous me permettez : Comment se fait-il
qu'au Québec on accepte que, parce que le corps
enseignant est composé à plus de 75 % de femmes... comment se fait-il
qu'on les traite inéquitablement dans le
dossier des relativités salariales? On nous a dit, il y a quelques
années : Vous n'aurez pas droit à
ce que vous avez droit parce que vous êtes trop nombreuses. Ça, dans les faits,
là, on traite les enseignantes, au Québec, différemment parce qu'elles sont
plus nombreuses, alors que, dans d'autres corps d'emploi, ils ont obtenu des
règlements satisfaisants dans le dossier des relativités salariales.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.
• (20 heures) •
M. Jolin-Barrette : Alors, j'ai bien noté, il n'y a pas un droit
au-dessus de l'autre. Donc, vous allez être d'accord avec le fait qu'on incorpore, dans la Charte des
droits et libertés de la personne, le concept de laïcité, notamment à l'article
9.1, pour dire que les droits fondamentaux vont s'interpréter notamment
à la lumière de la laïcité. Et, je pense, ce qui est important aussi de réaliser, c'est que ce que vous citez relativement à
l'obligation de laïcité de l'État, vous faites référence à la neutralité de l'État. Or, ça, c'est le
concept déterminé par la jurisprudence jusqu'à ce jour. La laïcité, là, malgré... quoi qu'en disent plusieurs politiciens,
ce n'est pas incorporé dans nos lois, ce n'est pas incorporé non plus dans les
jugements de la Cour suprême. Quand vous lisez certains jugements de la Cour suprême, on mélange laïcité et neutralité. Or, ce qu'on fait, c'est : pour la première fois, on vient
définir qu'est-ce que la laïcité, donc, la séparation de l'État et des religions,
la neutralité religieuse de l'État,
l'égalité de tous les citoyens et citoyennes et la liberté de conscience et de
religion. Donc, c'est un concept qu'on vient
inscrire dans nos lois pour la toute première fois.
L'autre élément qui
est important aussi : c'est un modèle de laïcité québécoise qu'on fait.
Quand vous faites référence à la France, ça leur appartient. Chacun des États a
droit à son propre concept de laïcité. Mais, par contre, ça appartient quand même aux élus de l'Assemblée nationale à définir ça va être quoi, les rapports entre
l'État et les religions, donc, qu'est-ce que la laïcité.
Le
Président (M. Bachand) : M. Mallette.
M. Mallette (Sylvain) : À ce moment-là, pourquoi vous excluez du périmètre
d'application de la loi les écoles privées religieuses subventionnées? Pourquoi
les élèves des écoles publiques seraient plus, eux, vulnérables, que les écoles
privées subventionnées? Pourquoi? Probablement parce que près de 80 % de
ces écoles-là sont des écoles à vocation religieuse et que le gouvernement
refuse de faire ce choix-là.
Et,
d'autant plus, pourquoi... Un élève qui rentre dans une école, là, un élève qui
rentre dans une école publique au Québec voit un certain nombre d'adultes.
Pourquoi cibler systématiquement les profs, donc essentiellement,
majoritairement, très majoritairement des femmes, alors que d'autres corps
d'emploi, eux, ne seront pas visés?
C'est
le gouvernement qui est incohérent dans l'architecture de son projet de loi. Le
gouvernement est incohérent parce
qu'il maintient un statut particulier pour les écoles privées religieuses
subventionnées et il impose aux enseignantes, particulièrement aux enseignantes de l'école publique, le poids de la
laïcité ou de son modèle de neutralité religieuse. Dans les faits, ce
sont les profs qui vont porter le poids de ce modèle-là.
Le
Président (M. Bachand) : En terminant, M. le ministre. Il
ne reste plus beaucoup de temps.
M. Jolin-Barrette : Oui. Mais est-ce que vous nous invitez... parce
qu'on ne vise pas le privé, notamment parce que la fréquentation n'est pas
obligatoire au niveau du privé, là, mais ça, c'est un autre débat... mais
est-ce que vous nous invitez à ne pas
du tout légiférer parce qu'on ne vise pas le privé? Est-ce que vous
dites : Bien, écoutez, vu que vous ne visez pas le privé, on ne
visera pas le public, qui est obligatoire?
M. Mallette (Sylvain) : Nous, ce qu'on vous demande, c'est de retirer du
périmètre d'application les enseignantes et les enseignants des écoles
publiques.
M. Marois
(Alain) : Et, si vous voulez vraiment vous attaquer à la laïcité...
M. Jolin-Barrette :
Les enseignants soient... portent un signe...
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Je cède la parole à la députée de
Marguerite-Bourgeoys. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme David :
Oui. Je vous laisserais finir votre phrase parce que je m'en allais sur le même
sujet.
M. Marois
(Alain) : Donc, si on veut vraiment appliquer la laïcité, qu'on cesse
de financer des écoles religieuses qui
font du prosélytisme, alors que, dans nos écoles publiques québécoises, il n'y
en a pas, de prosélytisme, c'est des écoles laïques en ce moment. Il n'y a personne qui tente, entre guillemets, de
bourrer le crâne des enfants avec la religion, alors que des écoles
privées, que vous subventionnez comme État, sont religieuses pour la très
grande majorité.
Mme David :
Alors, j'irais justement sur cette question de prosélytisme parce que vous avez
des choses très intéressantes dans
votre mémoire, et je vais vous amener tout à l'heure à la page 7, 8, 9,
mais vous parlez justement de prosélytisme. Mais est-ce que vous lisez...
la lecture du projet de loi, c'est : On interdit les signes religieux,
particulièrement plus ostentatoires, les
moins ostentatoires sont mis dans ça pour donner l'impression que c'est tout le
monde, mais ils sont quand même moins
visibles, et que, donc, le signe religieux ostentatoire serait égal à
prosélytisme, attention! danger, il y a danger d'exposer à une religion
en particulier, donc les enfants vont en être trop influencés.
Le
Président (M. Bachand) : Oui, allez-y.
M. Marois
(Alain) : C'est ce que semble dire effectivement le projet de loi, on
tente de protéger les enfants d'un certain
danger. Donc, il y aurait un danger de voir un signe religieux ostentatoire, et...
par contre, on n'est pas capable d'en faire la démonstration, mais c'est
ce que le projet de loi nous amène à penser.
Mme
David : Et vous allez sur la notion fort intéressante, c'est... vous
êtes les seuls à aller là, alors moi, j'aime toujours des choses
nouvelles, c'est pour ça que c'est intéressant de rencontrer beaucoup de
groupes, la question des dissonances
cognitives, et là ça devient vraiment intéressant et intellectuellement un
challenge, j'ai l'impression, pour le ministre.
Vous parlez
de l'arrêt Chamberlain, où il était question de manuels scolaires illustrant
des familles monoparentales. Et j'ai
posé la question ce matin, justement, à Guy Rocher, sur la question d'un droit
versus un autre. Qu'en est-il, donc, de
cette question de droit à ne pas exposer les enfants aux signes religieux
versus le droit à ne surtout pas les exposer à un enseignant qui pourrait être d'une orientation
sexuelle qui dérangerait les parents ou qui ne serait pas en accord avec la
croyance des parents?
Et
là il n'y avait pas vraiment une réponse très, très
précise là-dessus, mais j'aimerais vous entendre, justement, sur cette question de dissonance cognitive, que
c'est peut-être intéressant, au contraire, d'exposer des enfants,
parce que la vie en société... puis là vous allez même sur
une citation de celui qui est maintenant premier
ministre dans ce sens-là.
Alors, je voudrais vous entendre là-dessus.
M. Mallette (Sylvain) : Bien, d'abord, il faut se rappeler, hein, je l'ai
dit d'entrée de jeu, le Programme de formation de l'école québécoise, qui a été mis en place au début de l'an 2000, on
lui a confié... on a confié à l'école publique une mission, là, au nom de la nouvelle réforme, là,
qu'on a imposée aux profs, là, mais on a confié à l'école publique la mission
d'assurer le vivre-ensemble. Bien, le
vivre-ensemble, ce que l'enfant voit à l'extérieur de l'école, il va nécessairement le voir à l'intérieur de l'école, d'autant plus que c'est en fréquentant
l'école publique, qui, elle, ne sélectionne pas comme l'école privée, il faut quand même
le rappeler, c'est en fréquentant l'école publique que l'enfant va être appelé
à côtoyer des réalités avec lesquelles lui-même n'est pas habitué, hein,
qu'il n'est pas habitué de côtoyer.
Donc,
c'est dans ce sens-là qu'on dit que, bien, c'est l'école publique qui assure la
mixité sociale. Et donc, à partir du moment où on lui a confié cette
mission-là, bien, comment se fait-il que dans certains cas, bien là, la mixité
sociale ne devrait pas jouer?
Et ce qui m'a étonné
de M. Rocher, pour qui j'ai le plus grand respect, c'est lorsqu'il a utilisé le
concept de prévention, hein? Il a utilisé ce
concept-là de prévention. C'est un concept qui est utilisé d'abord en sciences,
parce que, quand
on mène des expériences scientifiques, on doit, quand on pense que l'expérience
peut mal tourner, on doit appliquer un principe de précaution. Et, en
1992, avec le Sommet de la Terre, on va élargir ce concept-là à toute la
question environnementale, là, les dégâts environnementaux.
Et
je me suis posé la question : Est-ce
qu'on est après dire que, parce qu'un enfant voit un prof porter un signe
religieux, ça peut causer des dommages — c'est donc ça, parce que
c'est ça, le principe de précaution — alors qu'il n'y a
aucune étude? Il n'y a pas d'étude qui a été... Comment se fait-il que, depuis
50 ans, au Québec, il n'y a personne au ministère de l'Éducation qui a
pensé à ça? Puis ils sont capables de penser à beaucoup de choses au ministère
de l'Éducation. Comment se fait-il que personne
n'a réfléchi à ça? Et là, tout d'un coup, on veut nous faire croire que de
placer des enfants devant une réalité qui existe, ça peut être
dommageable pour lui.
Alors, ce n'est pas à
nous à faire la démonstration. C'est au gouvernement à faire cette démonstration-là.
Mme
David : Et vous citez le premier ministre, il y a 13 ans, en
disant : «De fait, il met l'accent sur l'exploration et l'approfondissement des dimensions de la vie
quotidienne, amenant les élèves à tisser des liens entre leurs apprentissages
et les situations de la vie courante.»
Si
je comprends bien, vous faites cette citation-là en disant : Les
situations de la vie courante, entre autres, c'est l'exposition à la
diversité culturelle. Est-ce que je me trompe?
M.
Mallette (Sylvain) : Tout à fait, et je tiens à préciser que
les enseignants doivent se comporter de façon professionnelle.
C'est prévu dans le contrat de travail, c'est prévu dans la Loi sur
l'instruction publique. Bien, le premier ministre... M. Legault, qui est aujourd'hui premier ministre, alors
qu'il était ministre de l'Éducation, nous disait qu'il fallait mettre en
place des conditions qui allaient permettre aux enfants de vivre ce genre
d'expérience là.
Mme
David : Et vous dites, et là je veux vous entendre un peu
là-dessus : Il y a des recours juridiques probables, qu'il va y
avoir des situations... J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Bourget (Rémi) : Bien, c'est-à-dire qu'on a vu qu'il n'y a aucune
démonstration qui a été faite à l'effet que porter un symbole religieux
équivalait à faire du prosélytisme, hein? Il n'y a aucune preuve.
Donc,
le seul raisonnement qui peut fonder cette interdiction-là, c'est celui de la
dissonance cognitive, comme vous le
souleviez. À au moins deux reprises, la Cour suprême a été saisie de cet
argument-là. Le premier, comme vous le faisiez
remarquer à juste titre, c'étaient des parents d'élèves en Ontario... pardon,
c'était une commission scolaire qui ne voulait pas utiliser le matériel
scolaire, parce qu'il y avait des illustrations de familles homoparentales. Les
parents disaient : Moi, ça me dérange
que mon enfant soit exposé à cette différence-là. Et, sur la base de ce
malaise-là, on tentait de l'interdire, hein?
On
a eu la même chose lorsque des gens ont pris un recours contre le cours
d'Éthique et culture religieuse en disant : Moi, par exemple, j'élève mon enfant dans telle foi, je ne veux pas
qu'il soit exposé aux autres fois. Cet argument-là a déjà été présenté à la Cour suprême, qui l'a rejeté à
deux reprises. Et je crois que les gens ici ont fait leurs devoirs et qu'ils
savent que ça ne peut pas justifier une atteinte aux droits, et c'est pour ça
qu'on utilise les clauses dérogatoires.
À
partir du moment où on utilise les clauses dérogatoires, on vient admettre, pas
implicitement, explicitement, qu'on
viole les droits. Et c'est certain que les gens dont les droits sont violés
vont vouloir saisir les tribunaux pour faire valoir leurs droits, que ce soit en droit interne ou en droit
international. Et rappelons-nous que la clause dérogatoire a une durée
maximale de cinq ans, ce qui veut dire qu'à chaque cinq ans ce débat-là va
devoir être repris.
• (20 h 10) •
Mme
David : ...vous faites un
lien, vous, assez direct, vous le mettez dans le mémoire, là, justement,
à cet arrêt de la Cour suprême concernant le malaise face à des images
de couples homophobes et le malaise que des parents pourraient ressentir ou des
enfants ou le prosélytisme peut-être pressenti d'une enseignante qui porte le
hidjab.
M.
Mallette (Sylvain) : Bien,
écoutez, sur ces questions-là, parce que... sensible, hein? Parce que c'est...
Puis ce qui est quand même aussi
fascinant, c'est qu'on dit... supposément que les enfants disposeraient, là, de
la liberté de conscience,
alors qu'il y a des enfants qui viennent au monde qui sont baptisés, moi, je ne
suis pas certain que l'enfant qui est baptisé a décidé par lui-même
d'être baptisé. C'est probablement ses parents qui ont décidé de le baptiser.
Et, sur la
question, là, tout le malaise que peut créer par exemple la réalité
homoparentale, vous savez, quand on est en présence de gens qui n'ont pas été eux-mêmes mis en présence de la
différence, bien, on voit, dans certains milieux, l'intolérance qui peut
conduire au refus de l'autre, hein, au refus de l'acceptation de l'autre.
Et donc moi,
je veux faire très attention, je ne veux pas lier le malaise que des gens
peuvent avoir exprimé puis qui va
conduire la Cour suprême à se prononcer, là, sur l'utilisation de matériel qui
présente la réalité homoparentale. Je veux faire très attention parce
que c'est très nuancé, c'est lié à l'être humain, ce qu'il ressent, comment il
comprend lui-même la réalité avec laquelle
il doit composer. Donc, si vous me permettez, là, je vais être très, très, très
prudent sur ces questions-là.
Mme
David : Juste une dernière question, l'article 15, vous êtes bien
inquiet avec l'article 15, parce qu'on dit : «...les dispositions de la présente loi est nulle
et de nullité absolue.» Alors, «dans les faits, notre contrat de travail serait
modifié, sans notre accord, par l'ajout
d'une interdiction qui vise le port de signes religieux et qui consacrerait la
violation d'un droit fondamental». Alors, ça, c'est à la page 6, où vous
commentez l'article 15. Donc là, on parle vraiment de convention
collective?
M. Marois
(Alain) : Bien, tout à fait, là. Cet élément-là, on l'a regardé en
tant que syndicat. Donc, on a un contrat de travail. Dans notre contrat de travail, on ne prévoit pas de clause
qui pourrait amener à de la discrimination. Mais, par le fait même, avec cet article-là, c'est
l'équivalent d'introduire, sans notre accord, sans une négociation, même, la
possibilité, là, dans le fond,
d'avoir un élément de discrimination à l'intérieur même de notre contrat de
travail. Alors, comme syndicat, ça, c'est inacceptable parce qu'on ouvre
unilatéralement notre contrat de travail.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille : Brièvement, une loi
comme celle-là, quel genre d'impact elle aurait dans vos écoles?
M.
Mallette (Sylvain) :
...c'est de créer un climat de suspicion, puis là... Parce qu'il faut quand
même aussi voir comment le
gouvernement veut outiller les milieux pour faire appliquer la loi. Il y a des
gens qui portent des croix qui ne sont
pas visibles. Et donc qu'est-ce qu'il va se passer? Est-ce que la direction
d'école... puis il y a du roulement, hein, ce qu'on appelle du roulement. Dans une école, là, ça bouge, hein? Ça
rentre, ça sort, particulièrement dans les écoles secondaires. Bien, comment ça va fonctionner? Qui va avoir la
responsabilité? C'est de ça dont on a besoin au Québec actuellement, là?
C'est de ça dont on a besoin, là? C'est de ça
dont ont besoin les enfants les plus vulnérables, là? Qu'ils prennent connaissance de situations conflictuelles dans des
écoles sur le simple fait qu'un individu fait le choix de porter un signe
religieux alors qu'il se comporte de façon professionnelle, qu'il accompagne
les élèves, qu'il n'a jamais eu un problème au niveau disciplinaire?
C'est ça qu'on veut au Québec, là, aujourd'hui? Se lancer là-dedans?
Le
Président (M. Bachand) : En
terminant, Mme la députée de Bourassa-Sauvé, vous avez du temps encore.
Mme Robitaille : Oui, donc, ça
complique les choses bien plus que ça les améliore.
M.
Mallette (Sylvain) : Bien,
en tout cas, ça ne change pas le quotidien des élèves qui se font refuser des
services, ça ne change pas le
quotidien des profs qui tombent au combat puis qui se font refuser des congés
sans traitement parce qu'il y a une
pénurie de personnel. Demain matin, ce projet de loi là, ça n'améliore pas le
quotidien des profs, puis encore moins celui des élèves.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Jean-Lesage, s'il
vous plaît.
M.
Zanetti : Merci. Je trouve ça vraiment important ce que vous dites. Y
a-tu quelque chose que vous n'avez pas dit puis que vous voudriez
avancer? Sinon, j'ai des questions aussi, mais vous êtes sur une bonne lancée.
M.
Mallette (Sylvain) : Bien
vous savez, nous, on s'est posé la question de... d'abord, on est une
organisation syndicale, puis nous, on
est très, très... la posture qui est la nôtre, c'est celle de défendre le droit
au travail. Pourquoi? Parce qu'on
pense que le droit au travail, c'est le droit à la dignité puis que c'est par
le travail que les gens vont se réaliser, qu'ils vont contribuer à la vie citoyenne, qu'ils vont pouvoir venir enrichir
l'expérience québécoise. Et donc qu'est-ce qui fait que le gouvernement... comment expliquer la fixation du gouvernement sur
les enseignantes et les enseignants des écoles publiques? Qu'est-ce qui
motive cette fixation-là? Elle doit pouvoir s'expliquer.
Le
gouvernement est incapable de nous dire qu'un prof a déjà été discipliné parce
qu'il a cherché à convertir ses élèves
ou ses collègues. Le gouvernement est incapable de faire la démonstration que
le fait de placer un enfant devant un individu
qui porte un signe religieux lui nuit, l'empêche de faire ses apprentissages.
Donc, qu'est-ce qui justifie cette fixation?
Puis on est dans un monde rationnel, on doit
nous-mêmes... parce que, quand on est avec des élèves, on doit expliquer les
choses à nos élèves. Il n'y a rien de pire pour un élève que, lorsqu'il est
devant nous, puis qu'il nous regarde, puis
qu'il pense qu'il y a quelque chose d'incohérent... Il n'est pas toujours
capable de l'expliquer clairement, mais il le sent, qu'il y a une
incohérence.
Donc, puis je le répète, je vais
prendre un exemple. Un élève rentre dans une école, il croise la secrétaire,
elle peut porter un signe religieux;
il croise le concierge, il peut porter un signe religieux. Oh! là il va
rencontrer peut-être l'orthophoniste,
quand il y en a, ah! porte un signe religieux. Il rentre dans la classe, plus
de signe religieux. Pour un enfant, tous
les adultes sont signifiants, tous les adultes doivent être des figures
d'autorité. Et donc pourquoi s'acharner sur les profs, alors que ce
n'est pas de ça dont on a besoin? Les profs ont besoin d'être reconnus.
Puis
je ne dis pas que le débat ne nous déchire pas, ne nous divise pas dans nos
milieux, là. Oui, c'est un débat, parce
que les profs sont aussi des citoyens, puis, oui, il y a des points de vue
divergents. Mais les profs, ce dont ils ont besoin, c'est d'être reconnus, d'être valorisés, pas de se lancer les
uns contre les autres puis dire à certains : Toi, tu as le droit
puis toi tu n'as pas le droit. Il y a quelque chose là qu'on ne réussit pas à
expliquer.
Puis,
à la limite, je pourrais vous dire que ce n'est pas à nous à l'expliquer, c'est
au gouvernement. Mais le gouvernement fait
des choix. Maintenant, c'est à lui de faire la démonstration du bien-fondé de
sa loi. En quoi cela va-t-il améliorer le quotidien des profs avec
lesquels on travaille?
M. Zanetti :
Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député Matane-Matapédia,
s'il vous plaît.
M.
Bérubé : Merci, M. le Président. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Pour le
Parti québécois, il y a un enjeu de
cohérence, puis vous l'avez évoqué un peu. Notre position ressemble à celle du gouvernement mais est différente aussi, et elle se rapproche de la vôtre mais
est différente. Je m'explique.
Nous,
on est en faveur de l'application pour les enseignants. C'est notre vraie position,
là, elle n'a pas changé, là, c'est
celle de notre caucus, 100 % des gens. Mais on est pour l'application dans le privé aussi, par souci de cohérence. S'il y a
une liberté de conscience qu'on doit accorder aux élèves du secteur public puis
à leurs parents, pourquoi on ne l'accorderait
pas dans le secteur privé, financé à 500 millions de dollars par le
public, 60 % pour chaque élève? Alors, c'est un beau cadeau qu'on
leur fait.
Moi,
je soupçonne le gouvernement de le faire par clientélisme. C'est moi qui dis
ça. Je dis ça, je ne dis rien en
même temps. Mais on est pour l'application au privé, on est pour l'application aux directions d'école, et le gouvernement
a retenu notre proposition, donc, d'autres
personnes significatives. Et ça pourrait être les psychologues, ça pourrait
être d'autres corps de métier.
Donc,
nous, on ne dit pas qu'il y a un acharnement. On dit que, par cohérence, on
devrait identifier, dans notre processus
législatif, toutes les personnes significatives, et vous allez vous sentir
moins seuls. Parce que moi, je l'appliquerais à toutes les personnes en autorité dans l'école,
toutes les personnes que vous avez croisées, je l'appliquerais à tout le monde. Donc, ça ne règle pas votre opposition avec le projet de loi, mais ça ne serait pas seulement les enseignants quant à nous.
Ma
question : À combien vous pouvez évaluer le taux d'appui de
vos membres à cette mesure-là pour les enseignants? La moitié? Les deux
tiers? Vous avez sondé, j'imagine?
M. Mallette (Sylvain) : Bien, je peux vous dire en toute transparence
que, lorsqu'on a fait le congrès, ça a été excessivement... un débat très,
très, très passionné, hein, comme les
congrès du Parti québécois savent l'être. Et il y a eu une décision
qui a été prise parce qu'on est en démocratie...
M. Bérubé :
Un pourcentage, un ordre de grandeur...
M. Mallette (Sylvain) : Ça a été à l'image de la société québécoise, ça s'est divisé comme à l'image de... Mais, vous savez, puis je vais me permettre... vous
savez, même si c'était minoritaire... Puis je l'ai dit, la posture qui est la
nôtre, c'est celle d'être une
organisation syndicale à la défense du droit au travail. Vous savez, le Parti québécois défend une idée actuellement qui...
M. Bérubé :
O.K. Je n'ai pas beaucoup de temps, M. le Président...
M.
Mallette (Sylvain) : ...recueille 30 % d'intention de
vote, puis ça ne vous empêche pas de la défendre.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Matane-Matapédia,
s'il vous plaît.
M.
Bérubé : Ce n'est pas votre
argument le plus convaincant. Je vous suggère que les deux coups de sonde les
plus importants suggèrent que de 60 % à
66 % sont en faveur de l'application pour les enseignants. Vous suggérez que ça
serait totalement différent pour vos membres?
M.
Mallette (Sylvain) : Ce n'est pas ça que je suggère...
M. Bérubé :
Merci. J'ai une autre question...
M.
Mallette (Sylvain) : ...je
suggère, c'est que la décision qui est la... la position qui est la nôtre, elle
est conforme aux règles démocratiques que nous nous sommes données.
M.
Bérubé : Très bien.
J'ai une autre question. Selon moi, les enseignants, c'est des personnes
en autorité. Il nous apparaît que la
place de la religion ou la place des vêtements religieux, c'est dans les lieux
de culte, dans la communauté, dans le privé. Pourquoi il faudrait que ça soit
normalisé à l'école? Pourquoi il faudrait que les enseignants puissent avoir
une totale liberté là-dessus?
Il m'apparaît que la liberté de conscience des élèves et de leurs parents doit
primer sur celle des enseignants. Et je comprends que vous êtes un syndicat. Vous défendez vos membres. Mais je vous
invite à poursuivre la réflexion. Et
ce que Guy Rocher nous a dit ce matin n'est pas banal, sur qu'est-ce qui devrait être primé dans le système
scolaire.
Le Président (M. Bachand) : Malheureusement, c'est tout le temps qu'on a. Je
voudrais vous remercier infiniment pour votre contribution aux travaux
de la commission.
Je vais suspendre
quelques instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
20 h 20)
(Reprise à 20 h 24)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission reprend ses travaux.
Alors, nous allons
continuer avec l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec.
Alors, bienvenue. Alors, vous connaissez les
règles. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Par après, nous
aurons une période d'échange avec les
membres de la commission. M. Lamoureux, merci beaucoup d'être ici, à
vous la parole.
Association
des commissions scolaires anglophones du Québec (ACSAQ)
M.
Lamoureux (Dan) : Merci. M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, nous vous remercions
de nous entendre à cette heure tardive sur le projet de loi n° 21, Loi sur
la laïcité de l'État.
I am Dan Lamoureux, president of the
Québec English School Boards Association. And I am accompanied this evening by our executive director,
Russell Copeman, by the president of the Association of Directors General of
English School Boards of Québec, Sylvain Racette, and
by Me Perri Ravon, of Power Law.
M. Copeman (Russell) :
Alors, l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec se réjouit
d'être l'un des organismes ayant l'occasion
de présenter son point de vue lors des audiences publiques en commission parlementaire sur le projet
de loi n° 21. Nous avons émis,
plus tôt, aujourd'hui, une position conjointe du réseau d'éducation anglophone que nous
vous avons remise avec le mémoire que vous avez en main.
Notre
association et les commissions
scolaires anglophones qu'elle
représente sont profondément déçues
que le projet de loi devant nous inscrive des enjeux aussi légitimes et
importants que constituent l'inclusion, l'identité, les droits individuels et la laïcité de l'État dans une perspective négative
qui, selon nous, sème inutilement la discorde. Cette perspective regrettable fait fi, ultimement, de la
générosité, de l'ouverture et du respect dont nous, comme peuple québécois,
avons constamment fait preuve à l'égard de ces questions fondamentales.
Les neuf commissions
scolaires membres de l'ACSAQ desservent quelque 100 000 élèves dans 340
écoles primaires et secondaires, centres de formation professionnelle et
centres de formation pour adultes partout au Québec et emploient plus de 20 000 personnes. Toutes offrent des services
d'enseignement public avec une sensibilité qui accorde une même importance à toutes les croyances,
religions ou cultures. Cette sensibilité est extrêmement pertinente au débat
sur le projet de loi n° 21, qui, à
notre avis, aura une influence néfaste sur la manière dont les Québécois et
Québécoises vivront ensemble à l'avenir.
Le
projet de loi n° 21 semble reposer sur la supposition qu'il existe un
affrontement majeur, au sein du Québec, opposant des valeurs religieuses et culturelles à la laïcité ou la
neutralité religieuse de l'État. L'ACSAQ n'a guère constaté de preuves à
l'appui de la nécessité de légiférer en matière de laïcité tel qu'il est
proposé dans le projet de loi n° 21.
M.
Racette (Sylvain) : La sécularisation progressive de l'enseignement
public au Québec, à laquelle nous souscrivons pleinement, est en cours depuis
des décennies. Le remplacement de l'enseignement confessionnel par un programme
Éthique et culture religieuse aide nos éleves à apprendre la leçon importante
que la diversité ethnique et religieuse enrichit le Québec et qu'elle complète
plutôt qu'elle ne menace un sens des valeurs québécois partagé.
L'inclusion, la pensée critique et l'équité sont des
principes fondamentaux qui guident l'enseignement dispensé
au sein des neuf commissions scolaires
anglophones au Québec et correspondent aux valeurs qui sont enseignées à nos
élèves. L'ACSAQ appuie la séparation de
l'État et des religions. Nos commissions scolaires et nos écoles assurent cette
séparation. Nous soutenons la capacité de
nos enseignants et administrateurs de transmettre ce respect au sein de toutes
nos institutions.
Nous
sommes d'avis que le projet de loi n° 21 est superflu et source inutile de
discorde. S'appuyant sur le professionnalisme
des administrateurs scolaires et enseignants de même que sur l'existence de
lignes directrices claires dans le
régime pédagogique, nous pouvons affirmer avec certitude que nos écoles sont
laïques. Le prosélytisme dans notre réseau n'est pas accepté. Ce message
a été reçu et compris il y a de cela plusieurs années déjà.
En
outre, les défenseurs et partisans du projet de loi n° 21 n'ont pas, à
notre connaissance, présenté une preuve convaincante selon laquelle le port d'un signe
religieux en soi a une influence sur la façon dont une personne enseigne,
ou encore qu'elle exerce une influence sur les élèves dans le système scolaire.
M.
Copeman (Russell) : Diverses mesures législatives fournissent déjà un
cadre solide, résilient et approprié du vivre-ensemble au Québec. La charte québécoise des
droits et libertés de la personne constitue un des piliers fondamentaux de notre société. Sa
modification ne devrait pas être entreprise à la légère et sans avoir fait
l'objet d'un vaste consensus au sein de la législature.
Pour
des milliers de Québécois, le port d'un signe religieux comme une kippa, un
turban ou un hijab est un article de foi. Les restrictions prévues au projet de loi n° 21 empêcheront
ces personnes de devenir un enseignant dans une école publique. Comme l'ont indiqué nos collègues de
l'Association provinciale des enseignantes et enseignants du Québec, à un moment où il y a pénurie d'enseignants, le fait
de refuser une personne qui possède les qualifications, la passion et le
dévouement pour devenir un enseignant n'a
aucun sens. Nous avons besoin plus d'éducateurs et d'administrateurs issus
des communautés variées, pas moins.
M.
Racette (Sylvain) : Nous sommes de l'avis que le projet de loi
n° 21 est difficilement applicable. Les éducateurs du service de garde en milieu scolaire et les
surveillants, les professionnels et le personnel de soutien, et les enseignants
et direction déjà en poste peuvent continuer
à porter des signes religieux. Les nouveaux enseignants ainsi que les
directeurs embauchés en date du
28 mars 2019 ne pourraient pas faire de même. Établir une distinction
entre ces personnes, dans les
corridors, les salles de classe et les centres de formation, ne sera pas une
simple affaire et sera source de plus de tension, pas de moins.
Nos
collègues de l'Association des administrateurs des écoles anglaises du Québec
représentent quelque 400
administrateurs d'écoles et de centres au sein de l'ensemble des neuf
commissions scolaires anglophones. Ils ont indiqué qu'ils ne croient pas qu'ils devraient être
appelés à superviser cette loi. Demander aux policiers de faire respecter les
dispositions de l'article 21 a, fort heureusement, été écarté.
• (20 h 30) •
M. Copeman
(Russell) : Comme bien
d'autres organismes, nous sommes convaincus que le projet de loi empiète
sur un certain nombre de droits individuels
garantis par les chartes. En invoquant les clauses dérogatoires comprises dans les deux chartes, même le gouvernement semble concéder
que le projet de loi n° 21 ne pourrait pas survivre à une contestation devant les tribunaux.
Mais il y a
une autre question juridique importante qui semble avoir été négligée par le gouvernement du Québec sur laquelle nous désirons attirer l'attention des
membres de cette commission parlementaire. Nous sommes d'avis que non seulement certains aspects du projet de loi
portent atteinte à des droits individuels fondamentaux, mais que certains
articles constituent également un empiètement sur le droit constitutionnel de
la minorité linguistique anglophone de contrôler
et gérer ses établissements d'enseignement. La décision historique sur
l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, rendue par Cour suprême du Canada en 1990, dans
l'affaire Mahe contre Alberta, identifie, et je cite, «le recrutement et
l'affectation du personnel, notamment des professeurs» comme relevant, et je
cite de nouveau, du «pouvoir exclusif» des représentants de la minorité
linguistique.
Considérant qu'au Québec les représentants de la
minorité linguistique sont, dans les faits, le conseil des commissaires
démocratiquement élu des commissions scolaires anglophones, nous affirmons que
l'article 6 du projet de loi n° 21, qui interdit aux nouveaux directeurs et enseignants de porter un
signe religieux dans l'exercice de leurs fonctions, empiète sur le droit
constitutionnel de la communauté anglophone de recruter et d'affecter notre
personnel. Par conséquent, en vertu des droits constitutionnels de la
communauté anglophone québécoise, tels qu'interprétés par diverses décisions de la Cour suprême, et en
particulier Mahe contre Alberta, le Québec ne peut interdire les symboles
religieux portés par les enseignants et les directeurs dans le réseau des
écoles publiques anglophones.
Nous tenons
aussi à rappeler à tous que l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés n'est pas assujetti à la clause dérogatoire de la charte
canadienne.
M.
Lamoureux (Dan) : Les
objections que nous avons exprimées concernant le projet de loi n° 21 restent encore sans réponse... satisfait à ce jour. L'ACSAQ estime que les écoles
publiques anglophones du Québec, tout comme la plupart des établissements publics au Québec, trouvent
leurs propres réponses, des réponses qui sont à la fois équitables, inclusives
et tournées vers l'avenir, des réponses afin
de vivre et apprendre ensemble dans un esprit qui est respectueux de notre
histoire commune et en constante évolution ainsi que des valeurs qui
définissent le milieu dans lequel nous vivons.
For all these reasons, the Québec
English School Boards Association, and as demonstrated earlier today, all its partners believe that the National Assembly of Québec should not
adopt Bill 21. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Je cède
maintenant la parole à M. le ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Madame messieurs, bonsoir. Merci d'être présents
ici, ce soir, pour nous communiquer vos commentaires en lien avec le projet
de loi n° 21.
D'entrée de jeu, je voudrais vous demander, si l'Assemblée
nationale adoptait le projet de loi, est-ce que l'Association
des commissions scolaires anglophones et les commissions scolaires
anglophones vont appliquer le projet
de loi, vont faire respecter le projet de loi, la loi, en fait?
M. Copeman
(Russell) : Nous soutenons, M. le ministre, qu'en vertu des décisions de la Cour suprême du Canada, entre autres dans l'affaire Mahe contre Alberta,
que le gouvernement du Québec, l'Assemblée
nationale ne peut pas légiférer
ou réglementer concernant le port de
symboles religieux pour nos enseignants
et nos directeurs. La question serait tranchée par les commissions
scolaires individuellement et potentiellement par les cours.
M. Jolin-Barrette : Mais ce que je veux savoir... Ma question est quand même très claire.
Je comprends votre prétention. Mais,
à partir du moment où la loi va être sanctionnée, est-ce que, dans
l'éventualité où il n'y a pas de sursis, où il n'y a pas de contestation judiciaire...
Parce que vous avez été député pendant longtemps ici, à l'Assemblée nationale,
et vous savez que la loi est présumée valide. Donc, tant qu'un tribunal ne
ferait pas en sorte de donner une ordonnance de sauvegarde ou un sursis, elle serait applicable, la loi. Alors, ce que je
veux savoir, est-ce que les membres de votre association vont se
conformer à la loi qui va avoir été votée ici, à l'Assemblée nationale?
M.
Copeman (Russell) : Effectivement, M. le ministre, j'ai été député longtemps, et une des règles
qu'on m'a déjà communiquées, c'est de ne jamais répondre à des questions
hypothétiques.
Mais,
je répète, il serait la responsabilité de chaque commission scolaire de décider
comment ils vont agir à l'avenir si jamais le projet de loi est
sanctionné.
Mais
nous sommes ici pour plaider avec vous, avec le gouvernement et avec les
députés, de ne pas aller de l'avant avec le projet de loi n° 21
dans sa forme actuelle.
M. Jolin-Barrette : Ça, j'ai très bien compris. Mais ce que je souhaite quand même
savoir — puis
ce n'est pas une situation hypothétique — je souhaite savoir si vos membres ou si même l'association va recommander aux membres de ne pas appliquer la loi n° 21.
M.
Copeman (Russell) : Ça ne
revient pas à nous de recommander l'application ou pas des lois, M. le ministre, nous sommes une association de commissions scolaires. Le corps public responsable de ces choses-là est
la commission scolaire, les
neuf commissions scolaires. La décision reviendra à eux.
M. Jolin-Barrette : Mais ici, là, ce soir, là, vous êtes devant l'Assemblée nationale en commission parlementaire,
vous représentez ces neuf commissions scolaires là. Moi, ce que je souhaite savoir, là, comme élu
de l'Assemblée nationale, et pour le bénéfice de tout le monde ici, s'il y a une loi qui est votée ici, à l'Assemblée nationale... puis supposons, prenons le cas
du projet de loi n° 21, là, supposons qu'il n'y avait pas de modification, est-ce que les commissions
scolaires anglophones vont
appliquer le projet de loi n° 21?
M. Copeman
(Russell) : M. le ministre, vous avez posé la même question à peu près
trois fois, j'ai la même réponse. Il revient à chaque commission scolaire de se
comporter comme il décide approprié dans les circonstances.
M. Jolin-Barrette : M. le Président, je vous dirais que je suis très déçu. Je suis
très déçu, parce que, lorsque des lois sont votées à l'Assemblée
nationale, on a le devoir, à la fois comme élus, aux différents paliers,
municipaux, provinciaux ou même scolaires,
de soutenir l'autorité de la règle de droit, puis notre processus
démocratique fonctionne de cette façon-là.
Si jamais les commissions
scolaires souhaitent... ou l'Association des commissions scolaires anglophones
souhaite contester la loi en vertu de 23 de la charte canadienne, ils pourront
le faire, les tribunaux sont là pour... là.
Mais, à partir du
moment où, en commission parlementaire, on ne peut pas me dire que... on vient
faire des représentations ici, au salon rouge,
pour dire : Bien, écoutez, on ne le sait pas, s'ils vont l'appliquer ou
non, ça leur appartiendra. Il
m'apparaît qu'il y a, au niveau de la crédibilité du discours... il y a une
petite problématique à ce niveau-là. Mais
je comprends que c'est votre choix, puis vous dites : Bien, écoutez, ils
s'arrangeront eux-mêmes puis ils prendront leurs propres décisions.
J'aurais
aimé entendre... de dire, écoutez, à partir du moment où la loi est votée à
l'Assemblée nationale, bien, on va
s'assurer que nos membres la fassent respecter, l'appliquent aussi, parce que
c'est comme ça que ça fonctionne au Québec.
Un coup que la loi est adoptée par l'Assemblée nationale, on l'applique. Je
suis un peu déçu. Je suis un peu déçu.
M. Copeman
(Russell) : Il est intéressant, M. le Président, que le projet de loi
ne s'applique pas déjà ou ne s'appliquerait pas à des grands pans
d'établissements et d'institutions au Québec, hein? Ça ne s'appliquerait pas
aux écoles privées. Ça ne s'appliquerait pas à la commission scolaire Kativik.
Ça ne s'appliquerait pas à la commission scolaire
crie. Alors, ces territoires-là, là, c'est à peu près la moitié du Québec. Le
Nunavik, ça représente le tiers du Québec. Quand on ajoute le territoire de la première nation crie, on frôle à peu
près 50 % de le territoire du Québec, et votre projet de loi
exempte ces deux commissions scolaires là de son application.
M. Jolin-Barrette : Effectivement, et c'est un choix du gouvernement du Québec de viser les
écoles publiques, notamment. Vous
avez cité l'arrêt Mahe, hein, tout à l'heure, mais vous invoquez l'article 23
de la charte canadienne. Écoutez,
j'ai pris connaissance de la jurisprudence, je peux vous dire que je suis en
désaccord avec vous, et il y a une série de décisions, notamment dans Mahe, il y a certains passages qui nous
indiquent également que le gouvernement doit disposer de pouvoirs
discrétionnaires «le plus vastes possible dans le choix des moyens
institutionnels dont il usera pour remplir
ses obligations». Il y a également la décision Arsenault-Cameron contre
l'Île-du-Prince-Édouard, il y a la commission scolaire francophone du
Yukon en 2015 aussi et il y a une décision du conseil scolaire francophone
aussi contre la Colombie-Britannique.
Ma question
introductive visait justement l'application de la loi, parce que, si les
commissions scolaires anglophones veulent
contester la loi en vertu de 23, elles pourront le faire devant les tribunaux.
Mais, entre-temps, moi, je
souhaiterais que, dans le cadre d'un débat comme celui-ci, on puisse affirmer
concrètement qu'on respecte les lois qui sont votées à l'Assemblée
nationale.
Sur le
principe même des règles qui nous
gouvernent, c'est prévu dans la Constitution
canadienne qu'on peut avoir recours à
la disposition de dérogation. C'est ce que nous faisons parce qu'on considère
que ça appartient à l'Assemblée nationale, par le biais de ses élus, de faire le
choix de légiférer sur les rapports entre l'État et les religions. Justement,
c'est pour ça qu'on intègre le
principe de la laïcité. Manifestement, vous êtes en désaccord avec le fait
qu'on vienne inscrire la laïcité dans nos lois.
• (20 h 40) •
M. Copeman
(Russell) : Nous considérons, M. le ministre, que c'est déjà l'état de
la situation. Nos établissements sont laïques, nos institutions sont
laïques. Là où il n'y a manifestement pas de convergence d'opinion, c'est, oui,
les institutions de l'État doivent être laïques, mais est-ce que les personnes
qui travaillent dans ces établissements et ces institutions-là doivent, en apparence, éviter de porter des symboles
religieux? Et là c'est là où il y a divergence d'opinions. Intéressant, également, M. le ministre, que, pendant
vos remarques, vous avez noté l'utilisation de la clause «nonobstant».
Vous savez pertinemment bien que l'article 23 de la charte canadienne
n'est pas assujetti aux clauses «nonobstant».
M. Jolin-Barrette : Oui, tout à fait. Et c'est pour ça que je vous
dis que ça pourra fonder la base d'un recours si vous souhaitez agir en
ce sens-là.
Pour la
question du visage à découvert, là, est-ce que vous êtes en faveur du fait que
les services publics soient donnés à visage découvert et qu'ils soient reçus
également à visage découvert pour des motifs d'identification et de sécurité, notamment dans le domaine de
l'enseignement, du fait que les enseignants devraient enseigner avec le visage
découvert?
M. Racette
(Sylvain) : Bien, sur ce point-là, il faudrait qu'on ait... que je
comprenne d'où vient la préoccupation d'identification
et de sécurité. Bien sûr, identification et sécurité, si c'est la première fois
que l'élève vient pour faire un examen,
on veut s'en assurer, un exemple. Mais il faut vraiment se limiter à
identification et sécurité. La majorité du cas, puis là on s'entend que c'est... Encore une fois, je vais répéter ce qui
a été dit avant nous, ce qu'on a dans notre mémoire, puis c'est... On parle au
niveau des neuf commissions scolaires anglophones, ce n'est jamais venu à notre
oreille, aucune préoccupation à ce
niveau-là. Les commissions scolaires gèrent ces situations-là, le peu de cas
qu'il y a, à la pièce quand ça arrive. Puis on est très capables de le
faire avec tout le bon sens qui est requis dans ces cas-là, là.
M. Jolin-Barrette : Mais vous
êtes d'accord avec le fait qu'il soit requis pour les enseignants qu'ils
doivent enseigner avec le visage à découvert.
M. Racette
(Sylvain) : Je ne vois pas en
quoi c'est une préoccupation de sécurité ou d'identification. On reconnaît,
moi, une enseignante ou un enseignant. Bien,
dans ce cas-là, une enseignante qui ne serait pas à visage découvert, on la
reconnaît, là, on l'a entendue une fois, on
l'a vue une fois, on la reconnaît. Il
n'y a pas... On ne voit pas de danger
d'identification dans ce cas-là.
M. Jolin-Barrette : Donc, ce que vous nous dites, c'est que vous êtes
favorable au fait que les enseignants, au Québec, enseignent avec le
visage couvert.
M. Racette
(Sylvain) : Ce que je suis en train de dire, c'est que ce n'est pas une préoccupation. On n'a jamais entendu parler de ça, là, jamais.
M. Jolin-Barrette : On établit des règles, là. Puis, dans le cadre du
projet de loi n° 21, c'est notamment là. Je comprends
que vous dites : On n'a pas eu de cas d'application, là, mais, sur
le fond des choses, là, il faut se positionner. Il faut savoir, est-ce qu'au Québec c'est le minimum des minimums du fait de dire, quand
il y a un service public qui est donné par un employé de l'État, on doit
avoir le visage à découvert?
M. Racette (Sylvain) : Pour des
raisons de sécurité et identification, oui. Mais, en dehors de ça, non.
M. Jolin-Barrette : Pour des
raisons pédagogiques, on n'a pas besoin d'avoir le visage découvert?
M. Racette (Sylvain) : Je vous
ramène à votre projet de loi qui parle de sécurité et identification.
M. Jolin-Barrette : Non, non, non. Dans le projet de loi, ce qui est prévu, c'est que les employés de l'État,
tous les employés de l'État doivent exercer leurs fonctions à visage
découvert en tout temps. Ce sont les usagers qui, eux, auront le visage découvert pour des questions de sécurité ou
d'identification. Alors, je repose ma question. Est-ce
que vous êtes en faveur avec le fait qu'au Québec, pour enseigner, on
doive le faire à visage découvert?
M. Copeman
(Russell) : M. le ministre, l'ACSAQ n'a pas de position là-dessus. Nous sommes une association. Il faut consulter
nos membres. Mais je suggérerais que, si le gouvernement pense que c'est
essentiel qu'un enseignant agisse
dans l'exercice de ses fonctions avec... une enseignante avec le visage
découvert, que ça pourrait être plaidé comme une limite raisonnable aux droits fondamentaux des individus,
sans même avoir recourir aux clauses «nonobstant». C'est, il me semble,
une certaine logique dans cette approche, sans dire qu'il y a une valeur là-dedans
ou pas. Mais, si le gouvernement insiste, pour des raisons qui lui sont propres,
de légiférer que les enseignants doivent enseigner à visage découvert, que ça pourrait facilement être
interprété ou plaidé comme une limite raisonnable sur les droits individuels
fondamentaux sans avoir recours aux clauses «nonobstant».
M.
Jolin-Barrette : Mais, vous
savez, la réalité de la chose, c'est que, depuis plus d'un an, la loi n° 62, qui avait été adoptée par
la prédécesseure, la précédente ministre de la Justice, la députée de Gatineau,
mais elle est suspendue. Alors, la
loi, elle n'est pas applicable actuellement. Alors, nous, ce qu'on fait notamment,
c'est qu'on dit : Au Québec, les
services publics sont donnés et reçus à visage découvert, et donc, pour ce
faire, on utilise notamment la disposition de dérogation pour s'assurer qu'au Québec, dans les classes du Québec,
les enseignants aient le visage découvert. Et ça, honnêtement, je pense qu'au Québec ça fait pas mal consensus du fait que, lorsqu'on
enseigne, on doit avoir le visage découvert.
Je sais que j'ai des collègues qui veulent poser
des questions, M. le président.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député d'Ungava, s'il
vous plaît.
M.
Lamothe : M. le Président, bonsoir. Quand j'entends Inuit... ça vient me chercher, c'est mon
comté. Peut-être, juste à titre informel, le Kativik School Board,
les Inuits, le Cree School Board, les Cris, ont été créées suite à la
Convention de la Baie James, signée
en 1975, de là qu'ils ne sont pas assujettis à l'abolition des commissions scolaires. Juste comme information.
M. Copeman
(Russell) : Oui, nous sommes
au courant, M. le député. Je vous remercie pour ces informations-là. Mais, pour nous, ça
indique très clairement que, dans le cas d'une première nation et dans le cas
des Inuits, le gouvernement a décidé qu'ils ne devraient pas être assujettis
en fonction de la loi sur la Convention de la Baie James et le Nord-du-Québec.
Ce qu'on plaide, nous, également,
que, si déjà une nation autochtone et la nation inuite et les Inuits sont
exemptés, il y a un argument très
légitime en vertu de la Constitution canadienne afin de plaider que la loi ne
devrait pas s'appliquer en fonction
de nos droits de contrôle et gestion, et de gérer nos institutions... que l'Assemblée nationale n'a pas de compétence pour légiférer en matière du port des
symboles religieux.
M.
Lamothe : Je dirais peut-être
en conclusion, c'est que la Convention de la Baie James, c'est un traité signé.
Je doute fort qu'on puisse arriver puis non respecter un traité semblable.
M. Copeman
(Russell) : Oui, la
Constitution canadienne et la charte des droits et libertés canadienne
s'appliquent sur le territoire du Québec également.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Interventions du côté ministériel?
M. Jolin-Barrette : Oui.
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Alors,
au-delà du retrait, là, du projet de
loi, là, que vous souhaitez, au
niveau de la définition même de laïcité,
là, êtes-vous en accord avec le fait qu'on vienne définir clairement dans la
loi que l'État et les religions, c'est séparé, que l'État doit agir d'une façon
neutre, et qu'il y a une égalité de tous les citoyens, citoyennes devant la loi
et qu'on garantit la liberté de religion et de conscience? Êtes-vous d'accord
avec cette définition-là de la laïcité?
M. Copeman (Russell) : Oui.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais...
M. Copeman (Russell) : Je dis ça
sans mandat mais ça me semble assez clair...
M. Jolin-Barrette : Mais c'est
engageant, là, ça, par exemple.
M. Copeman (Russell) : Oui, je
m'avance.
M.
Jolin-Barrette : O.K. En
ce qui concerne l'application aux enseignants, on a fait en sorte, dans le cadre du projet de loi, de mettre une clause de droit acquis, une clause de maintien en emploi.
J'aimerais vous entendre sur... je comprends
que vous ne souhaitez pas que les enseignants soient visés, mais j'aimerais quand même vous
entendre sur cette disposition-là qui fait en sorte que les enseignants
peuvent demeurer en poste, pour ceux qui portent des signes religieux, mais à l'intérieur de la même commission scolaire. Ils peuvent bouger de niveau mais ils doivent rester pour la
même commission scolaire s'ils souhaitent conserver leurs droits acquis.
Qu'est-ce que vous pensez de cela?
M. Racette
(Sylvain) : Comme je
représente les administrateurs des
commissions scolaires, disons que, pour l'instant, à la lecture du projet de
loi, ça nous semble extrêmement difficile à appliquer. Honnêtement, les
directions d'école bougent, les
enseignants bougent. Qui va être visé par la clause grand-père, on connaît la
date, mais, exactement, qu'est-ce qui
est considéré être un signe religieux, jusqu'à quel point ça va... ça nous
semble très difficile à appliquer au niveau, là, des commissions
scolaires en ce moment.
M.
Jolin-Barrette : C'est difficile à cause de la date d'embauche?
M.
Racette (Sylvain) : Bien, qu'est-ce qui est un signe religieux
exactement? Qu'est-ce qu'on considère comme étant un signe religieux? À partir de quel moment on peut dire que la
personne... Je sais qu'on a entendu tous les extrêmes, là, dans les
considérations. On ne parle pas juste du voile. On parle de quoi? On parle des
bijoux. Ça va jusqu'à quel niveau?
Puis,
après ça, bien, comme je vous dis, une fois que la personne est embauchée, les
gens changent d'école, les directeurs changent d'école, il y a des très
grosses écoles secondaires, des fois, il y a du personnel qui se promène, professionnels qui se promènent dans plusieurs...
bien, professionnels, ça ne s'applique pas, mais des enseignants, des
fois, qui ont des tâches de contrat. C'est très difficile à appliquer au
niveau, là, concret.
• (20 h 50) •
Le
Président (M. Bachand) : En terminant, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. C'est difficile parce qu'il y a plusieurs écoles, mais ce que je
veux dire, c'est le même employeur,
c'est la même commission scolaire. Donc, au niveau de vos différents employés,
vous gérez les employés même s'ils changent de classe ou ils changent
d'école.
M.
Racette (Sylvain) : Oui. Mais là, la direction d'école qui doit...
Comment ça va fonctionner? On essaie de le visualiser, là. Les administrateurs,
l'association des directeurs d'école qui était avec nous cet après-midi, nous
disent : On fait quoi? On va
aller voir les enseignants pour avoir ce débat-là très sensible en avant des
élèves? Ça va nous tomber dessus. Le
directeur général peut bien faire une politique pour forcer cette
application-là, mais disons... Ça va tout à fait à l'encontre de ce qu'on apprend à tous nos élèves, qui est de
ne pas stigmatiser, d'enlever les barrières, d'éviter la discrimination.
On apprend ça en classe, puis, après ça, on va
voir devant le personnel faire des applications contraires à ce qu'on enseigne
à l'école. On trouve ça très difficile à comprendre.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Avant d'aller plus loin, j'aurais
besoin d'un consentement pour ajouter
huit minutes à la séance de travail de la commission. Consentement.
Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme
David : Oui, bonsoir. Merci beaucoup d'être là avec nous ce soir,
terminer la journée avec nous. Donc, vous faites référence à plusieurs
notions sur lesquelles d'autres sont revenus effectivement.
Je
vais vouloir vous entendre sur la spécificité effectivement dans vos
commissions scolaires. Mais je pense que ce qui sous-tend tous vos
points de désaccord, c'est le fait qu'il y a une différence entre, on pourrait
dire... la laïcité individuelle versus la
laïcité collective. Alors, vous dites dès le début que vous êtes tout à fait
d'accord pour... et que ça fait très
longtemps que les écoles sont laïques, et que l'État est séparé de la religion,
et les écoles sont séparées de la religion à titre collectif, on
pourrait dire.
Et
là où, je pense, vous rejoignez beaucoup de gens qui sont contre l'application
aux enseignants, c'est que c'est une chose de parler de laïcité de l'État, et
de neutralité, et de séparation entre l'État et les individus, et puis c'en est
une autre de dire : Chaque
individu représentant l'État, dans le cas qui nous occupe, les enseignants,
doit donc être soumis à ce principe
de neutralité totale par rapport à leurs... alors, je ne pense pas me tromper
en disant que vous faites une différence importante.
M.
Copeman (Russell) : Mme la députée, je veux vous donner un exemple. On
semble être fixé énormément sur les apparences. Hein? Qu'est-ce qu'un
enseignant porte. Si je mets ma kippa sur ma tête, je suis exactement la même personne qui vous adresse des paroles depuis à peu
près une demi-heure. J'ai les mêmes croyances, j'ai la même foi, j'ai les mêmes principes, j'agis de la même façon.
Alors, en quoi est-ce que ma kippa sur ma tête change la situation? En quoi
est-ce que ça rend, en quelque part, en
quelque sorte, menaçant d'avoir un enseignant qui porte une kippa dans une
école publique? Si je ne le porte
pas, je répète, j'ai les mêmes approches, je suis la même personne. On ne pense
pas que ça change quelque chose. On semble être fixé sur les apparences
inutilement avec un projet de loi qui est superflu.
Mme David :
Et donc vous faites une nette différence entre ce qui pourrait être justement l'apparence
et les convictions, qui, elles, des
convictions, qu'elles soient religieuses ou des convictions non visibles,
mais... ou des opinions sur quelque
état de situation que ce soit. Ça peut être de l'homophobie, ça peut être être
pro ou antiavortement, ça peut être
plein d'exemples comme ça. Ça, ce n'est pas visible, ce n'est pas ostentatoire,
mais c'est, comme on dit bêtement, entre
les deux oreilles plutôt que visible. Alors, vous dites : Pourquoi alors
s'attaquer ou vouloir faire cette apparence alors que l'apparence ne
dirait pas grand-chose de l'individu?
M.
Copeman (Russell) : L'apparence n'en est pas pour grand-chose selon
nous. Et là on a entendu même l'éminent sociologue M. Rocher, cet
après-midi, dire que... il admettait qu'il n'existe aucune preuve que les
signes religieux influencent ou peuvent
avoir un effet sur les enfants qui y sont exposés. Alors, pourquoi est-ce qu'on semble déterminés
à légiférer si c'est le cas?
Mme
David : C'est intéressant,
parce que la FAE, qui était avant vous, citait le premier ministre actuel, mais il y a à
peu près 20 ans, et vous, vous citez
l'ex-première ministre, Mme Marois, il y a aussi 24 ans, et en
disant : Elle était, elle aussi, décidément, ministre de l'Éducation, en 1998, et vous... bon, la citation est assez
longue, à la page 4, mais : «On admet ainsi que la diversité ethnoculturelle, linguistique et religieuse
imprègne la société québécoise et a droit d'expression. À cet égard, l'école permet de cultiver chez les
élèves l'estime de soi, le sentiment de leur identité et le sentiment
d'appartenance à la société
québécoise, au-delà des origines et des références identitaires.» Pouvez-vous
le commenter à la lumière du projet
de loi n° 21?
M.
Racette (Sylvain) : Oui. Je
pense que le... c'est très important, puis il faut vraiment revenir un peu là-dessus. Je faisais le commentaire un
peu plus tôt. On est absolument pour la reconnaissance de l'égalité des sexes,
on est absolument pour la neutralité
de l'État, on est absolument contre les propos homophobes. Si ça, ça arrive,
peu importe comment la personne est
habillée, on intervient. Les commissions scolaires et les écoles doivent préparer
les élèves pour la société dans laquelle ils vivent. On rejoint les
propos de Mme Marois. On ne comprend pas, devant l'absence de preuve de problème ou d'influence sur les élèves, soit que
ça les dérange d'apprendre par quelqu'un qui a des signes religieux ou soit
que ça change le type de pédagogie, on ne
comprend pas pourquoi on prive les élèves de cette opportunité d'apprendre là.
Il y a des discussions. Nous, dans nos
commissions scolaires, puis, vous n'êtes pas sans savoir, on dit tout le temps :
On a des très hauts taux de réussite.
Le vivre-ensemble est enseigné depuis longtemps. On a une belle cohabitation.
Nos élèves apprennent d'élèves d'autres cultures et d'autres religions.
On voit ça comme une force et une diversité.
Mme
David : Vous dites, justement, à la page 5, qu'il n'y a eu aucune
plainte dans les 20 dernières années. C'est quand même un long
échantillon. Dans les 20 dernières années, une seule plainte déposée par
un employé, et non résolue, concernant
une demande en vue de s'absenter du travail pour des motifs religieux. Alors,
selon vous, ça va beaucoup trop loin pour un problème qui serait
inexistant?
M. Racette
(Sylvain) : Le point est : «et non résolu». Est-ce qu'il y a des
difficultés de vivre ensemble? Peut-être.
Puis les difficultés de vivre ensemble peuvent venir de croyances religieuses,
peuvent venir de plusieurs motifs. C'est
géré dans les commissions scolaires de façon harmonieuse, sans problème. On
revient encore à notre point : Pourquoi passer le message à nos élèves... Nous élèves vous voient, puis le
commentaire a été fait plus tôt : Pourquoi passer le message aux
élèves : il y a quelque chose de pas correct avec ça? Ça va à l'encontre
de ce qu'on enseigne aux élèves.
Mme David :
...
M. Copeman (Russell) :
...Mme la députée, nous croyons que le projet de loi est une solution — projet
de loi n° 21 — est une solution à la
recherche d'un problème. Il n'y a pas de problème.
Mme
David : Et vous dites, à la page 5, le dernier paragraphe que là
on est dans l'application et dans l'applicabilité de, et vous dites que les
«400 administrateurs d'école et de centres de formation et
100 administrateurs des commissions scolaires — bon — [...]ont indiqué qu'ils ne croient pas
qu'ils devraient être appelés à superviser la loi, qualifiant son
application comme étant de "mauvais goût"».
Donc,
si on suit ce que le ministre dit, la plus haute autorité compétente, est-ce
que ça serait ces gens-là? Et, le cas échéant, comment vous vous
attendez qu'ils vont gérer ça ou qu'ils vont se...
M.
Copeman (Russell) : Bien, quand l'association des administrateurs des
écoles anglophones du Québec nous indique qu'ils voient mal comment ils
vont surveiller la loi, comment ils vont faire appliquer la loi, il nous
semble, la direction de l'école est le
premier... un des responsables, possiblement la commission scolaire également.
Mais, quand les administrateurs, les
directions d'école nous indiquent formellement qu'ils voient mal comment ils
vont appliquer la loi... et on prend ça à coeur.
Mme David :
O.K. Alors, on va laisser la parole au député de D'Arcy-McGee, si ça vous
convient.
Le
Président (M. Bachand) : Alors, avec le consentement des
membres, M. le député de D'Arcy-McGee. Consentement? M. le député, s'il vous
plaît.
• (21 heures) •
M.
Birnbaum : Merci, M. le Président. MM. Copeman et Lamoureux,
Racette, et Me Ravon, bienvenue à l'Assemblée nationale.
Écoutez,
moi, j'ai eu une visite, il y a à peu près un mois, d'un enseignant qui porte
la kippa dans une école française publique
sur l'île de Montréal. J'ai été attristé d'entendre qu'il ne voulait pas me
donner son nom. Il trouvait le climat
engendré par le débat actuel... ne le
rendait pas à l'aise à le faire. C'est son constat, pas nécessairement le mien.
Mais qu'on se rappelle qu'on parle de
nos enfants, et comment ils subiraient ce changement si c'était instauré. Et ce
monsieur m'a parlé, c'est un prof du
primaire, il m'a parlé de l'émerveillement de ses élèves. Ils lui posaient des
questions : Ça signifie quoi, le taleth? Ça signifie quoi dans
votre religion? Comment ça marche? Et, deux minutes après, il leur posait des questions sur la science parce que c'est un prof
hors pair en science, mais c'était son rôle. Il m'a parlé avec tristesse et
il avait l'air d'un prof formidable, donc,
probablement, le directeur général de la commission
scolaire va avoir son oeil là-dessus
pour songer à l'inviter à être directeur d'école un jour. Et ce monsieur a
constaté comme il faut que... ne se présenterait pas, advenant l'adoption de ce
projet de loi.
Écoutez,
moi, j'ai eu l'honneur d'occuper le poste actuel de M. Copeman pour 10 ans, en
étant directeur général de... ancien de l'Association des commissions
scolaires anglophones du Québec. Et, au fil de ces années, je n'ai jamais
entendu le moindre, le
moindre grief au sein des profs, au sein des directions d'école, au sein des
parents sur ce genre de question là, même les questions plus élargies
dont on ne parle pas assez, l'accommodement raisonnable, et le mot «raisonnable» s'impose. Des fois, il y a des
accommodations à faire. Mais jamais, mais jamais est-ce que je n'aurai entendu
la moindre difficulté. Et ce que j'ai
entendu souvent, c'était que le Programme de formation à l'école québécoise
nous exigeait de parler de notre
diversité au sein du Québec. Et ce programme, un des éléments qui était pris
et toujours pris à coeur par les
quelque 350 écoles anglaises du Québec, c'est leur responsabilité d'accompagner leurs
jeunes à maîtriser la langue commune
du Québec, le français. Alors, on parle des écoles qui sont
impliquées dans l'épanouissement collectif du Québec.
Alors,
je vous invite, dans le peu de temps qu'il reste, d'essayer de comprendre
pourquoi on est devant cette loi-là, ce
projet de loi là, et peut-être de répondre brièvement à la suggestion qu'il y a
une majorité de Québécoises et de Québécois qui sont à l'aise avec cette
loi-là. Est-ce qu'on a une justification là qui vous convient?
Le
Président (M. Bachand) : Très, très, très, rapidement, parce
que le temps est déjà dépassé.
M.
Copeman (Russell) : Oui. Bien, nous croyons que le projet de loi va à
l'encontre effectivement, là, du programme de formation des écoles
québécoises. Ça ne reflète pas les valeurs qu'on est demandés à enseigner.
Deuxièmement,
il me semble, M. le député, que légiférer pour suspendre des droits individuels
ne devrait pas se faire, selon des sondages.
Le
Président (M. Bachand) : O.K. Merci. M. le député de
Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M.
Zanetti : Je vous remercie, M. le Président. Merci beaucoup pour votre
présence ici. Je vous avoue, j'ai, bien, ressenti une certaine tristesse
aujourd'hui, pas par rapport à votre opposition au projet de loi n° 21,
que je partage évidemment, mais par rapport aux arguments invoqués pour s'y
soustraire. Et on en est rendus, avec ce projet de loi, à cause de ce projet de loi là, ici, à opposer la souveraineté du Québec
aux protections des droits de la personne, et c'est ça qui m'attriste. Oui, c'est ce qu'on remet en
cause, quand on dit que le Québec ne peut pas légiférer dans les commissions
anglophones, on est en train de dire que le
Canada ne permet pas ça, etc. On est en train de créer des conflits
constitutionnels autour d'un enjeu de
droits et libertés de la personne, et ça, ça me rend triste. Je voudrais, moi,
qu'on puisse concilier les deux, la souveraineté, pas juste de la province de
Québec, mais la souveraineté du pays du Québec, la souveraineté pleine et
entière, avec la protection des droits de la personne.
Mais,
en attendant — on n'est
pas rendus là — je
voudrais vous entendre sur une question importante : Quelle est, selon vous, là, la conséquence réelle que
vous constatez sur le terrain, pour un enfant, de voir des enseignants avec des
signes religieux? Vous en avez parlé un peu. Mais est-ce qu'il y a un risque de conversion ou est-ce
que c'est autre chose que vous voyez? Qu'est-ce que vous voyez avec
votre regard terrain sur les conséquences des signes religieux portés par
les corps enseignants?
M. Racette
(Sylvain) : Moi, je reviens au point que j'ai fait un peu plus tôt.
Nous, on voit une formidable opportunité
d'apprendre. Ça fait partie du programme d'école québécois,
c'est un bel exemple de diversité et ça donne une belle occasion d'en parler. Alors, un peu comme le député de
D'Arcy-McGee disait plus tôt, ça ouvre aussi la discussion.
Encore une fois, s'il y
a du prosélytisme, s'il y a
des propos déplacés, on intervient. Mais, dans la majorité des cas, dans
la totalité des cas — parce
que ça ne vient pas à mes oreilles, ça ne vient pas à nos oreilles — c'est
une opportunité d'apprendre. Alors, c'est comme ça en ce moment, c'est ce que c'est.
On
revient encore à la même question. Vous étiez attristé, là, du fait que la
souveraineté s'oppose un peu... puis vous
demandiez comment est-ce qu'on pourrait rallier... Je pense que ça prend un
projet mobilisateur. Vous entendez les représentants
des commissions scolaires venir vous dire, un après l'autre — j'ai vu, on a vu la FAE juste avant — venir vous dire : Vous faites
fausse route avec cet aspect-là du projet de loi, c'est un... Vous faites
fausse route.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de
Matane-Matapédia, s'il vous plaît.
M.
Bérubé : Merci, M. le Président. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Au
Parti québécois, on a des convictions, et
on les assume, puis on ne fait pas de distinction. Alors, les enseignants sont
des personnes en autorité. Quant à nous, la loi devrait s'appliquer au public comme au privé, chez les francophones
comme chez les anglophones. Ça, c'est un principe sacré. Vous habitez sur le territoire du Québec,
les lois s'appliquent à vous où que vous soyez. Alors, notre souhait... Je
suis heureux que le gouvernement ait
considéré les enseignants, c'est notre position également. Il a fait le choix
de ne pas considérer le privé, je
vous annonce que ça va être de plus en plus intenable pour lui, ça ne tient pas
la route. La liberté de conscience, c'est pour tout le monde.
Mais
j'ajoute que je suis également déçu comme le ministre de la réaction annoncée
de votre regroupement sur deux choses.
D'abord, la loi ne
s'appliquerait pas à vous. Bien, l'arrêt Mahe, la décision Mahe est davantage
sur les droits linguistiques que sur les signes religieux, quand on la relit
comme il faut. Vous pourrez le tester, mais il m'apparaît que les lois québécoises devraient s'appliquer
partout. D'ailleurs, si on s'était fiés à chaque fois qu'un groupe était venu
s'opposer sur les pièces législatives
importantes, il y a bien des lois qu'on n'aurait pas adoptées. La communauté
anglophone s'était opposée massivement à la loi 101, je pense qu'on a
bien fait de l'adopter pareil.
Ensuite, j'ai
quand même entendu quelque chose de grave, que la loi ne s'appliquerait pas. Et
là je suis totalement en accord avec le ministre là-dessus : à
partir du moment où la loi sera sanctionnée, elle doit s'appliquer.
Ma question à mon
tour : Allez-vous l'appliquer? Allez-vous encourager à l'appliquer? Parce
que, si c'est les commissions scolaires qui
prennent une décision, vous allez certainement en faire une recommandation.
Voici ma question.
M. Copeman
(Russell) : M. le député, moi, je me trouve difficilement recommander
à un corps public de ne pas respecter la loi. Mais ce n'est pas notre
rôle. Les commissions scolaires sont élues... sont gérées par des conseils de
commissaires dûment élus par la population. Cette question-là revient à eux.
M.
Bérubé :
D'accord. M. le Président, je ne suis pas membre de ce gouvernement. J'ai des
divergences importantes avec ce
gouvernement sur plein d'enjeux fondamentaux : sur l'avenir du Québec, sur
cette loi, sur plusieurs façons de
voir le Québec. Mais il y a quelque chose de fondamental, et vous avez été
parlementaire comme moi : lorsque la
loi sera votée, qu'importe ce qu'on aura voté, c'est important qu'elle puisse
s'appliquer, et nul ne saurait ignorer cette loi qui serait adoptée. Et je vous invite fortement à corriger cette
impression répandue chez les personnes qui suivent ce projet de loi à l'effet que vous pourriez, les
commissions scolaires — vous pourrez leur... Je suis convaincu qu'elles suivent ce débat-là. Alors, je m'adresse à elles à travers
vous, je les invite fortement à respecter la loi. Ce n'est que la normalité,
et je suis convaincu qu'elles sauront
l'entendre. Si ce n'était pas le cas, je pense qu'elles se placent dans une
position qui va être difficile. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. C'est tout le temps qu'on a. Je
voudrais juste...
M. Copeman (Russell) : ...ni la
dernière que je déçois...
Le Président (M. Bachand) :
Je veux juste... S'il vous plaît!
Une voix : ...
Le
Président (M. Bachand) :
Alors, on a... S'il vous plaît! C'est tout le temps qu'on a. Je vous remercie
beaucoup pour les travaux... votre contribution aux travaux.
Et nous allons ajourner les... la commission
ajourne ses travaux. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 21 h 10)