(Quinze heures six minutes)
Le Président (M. Ouellette) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à
toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie
de leurs appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de procéder à l'étude du volet Justice des crédits
budgétaires du portefeuille
Justice pour l'exercice financier 2017‑2018.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M.
le Président. M. Rousselle (Vimont)
est remplacé par Mme Nichols (Vaudreuil); M.
St-Denis (Argenteuil), par M. Tanguay (LaFontaine); et M.
Jolin-Barrette (Borduas), par Mme Lavallée (Repentigny).
Justice
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci. Bienvenue à tout le monde. Très heureux de vous retrouver. Et nous
allons débuter immédiatement, puisque nous allons continuer nos travaux jusqu'à
18 heures. Et nous allons débuter par les remarques préliminaires. Par la suite, nous aurons une discussion d'ordre général par blocs d'environ
20 minutes, incluant les
questions et les réponses, et je compte bien, autant la longueur des questions,
regarder la longueur des réponses aussi pour qu'on puisse, dans le même bloc, être capables de couvrir le plus
de sujets possible. La mise aux voix des crédits sera effectuée à la fin de
l'étude de ce volet, soit lundi — on va changer de mois — le
1er mai.
Remarques préliminaires
Donc, Mme la ministre, pour vos remarques
préliminaires.
Mme Stéphanie Vallée
Mme Vallée : Merci, M. le
Président. Alors, je suis bien heureuse d'être ici cet après-midi pour l'étude
des crédits du ministère de la Justice et
des organismes qui sont dédiés à la justice et qui sont sous ma responsabilité.
Je tiens à saluer d'entrée de jeu ma
collègue la députée de Joliette, la députée de Repentigny, remercier mes
complices collègues de Crémazie, de
La Prairie, de Vaudreuil et d'Ungava qui se joignent à nous, des fidèles
collaborateurs de la Commission des institutions.
Alors, vous savez, M. le Président, au-delà de
l'actualité, l'étude des crédits, c'est aussi une belle opportunité pour revenir faire le point sur les réalisations
de l'année 2016‑2017, sur les actions que nous avons posées pour les
citoyens et pour tous ceux et celles qui oeuvrent dans notre système de
justice.
Alors, je
vais prendre quelques instants pour présenter et remercier à l'avance les
personnes qui m'accompagnent aujourd'hui :
d'abord, de l'équipe du cabinet, ma chef de cabinet, Me Nathalie Roberge,
mon attachée de presse, Isabelle Marier St-Onge, Me Tamara Davis, Me
Michel Jobin et Yannick Ouellette.
Je suis
également accompagnée de la sous-ministre de la Justice, Me France Lynch,
de l'équipe des sous-ministres associés,
composée, entre autres, de Me Routhier, de Me Madore, de Me Couturier, et tous
les sous-ministres associés, directeurs généraux qui sont derrière nous,
qui travaillent comme des abeilles, de façon infatigable depuis plusieurs
semaines pour préparer cet exercice, et je tiens à les remercier tout
spécialement pour la production du matériel qui est lié aux crédits, qui est,
comme toujours, d'une grande rigueur.
Je vous
présente également Me Annick Murphy, Directrice des poursuites criminelles et
pénales, et l'équipe qui l'accompagne,
Me Martinbeault, M. Germain, Me Joanne Marceau, Mme Élizabeth
O'Neill et Mme Valérie Savard.
Vous savez, M. le Président, le Directeur des poursuites
criminelles et pénales a été créé il y a
10 ans. La Loi sur le Directeur des poursuites criminelles et
pénales a été adoptée en cette Assemblée afin de protéger l'institution contre l'ingérence politique dans ses dossiers,
et le tout dans le respect de l'intérêt public et de l'intérêt légitime des
victimes. Et je sais qu'il y aura des échanges entre nos collègues parlementaires
et Me Murphy au cours des prochaines minutes.
Avant d'entrer dans le vif du sujet de la
journée, j'aimerais un peu faire le tour du budget des dépenses du ministère de la Justice. Donc, pour l'année 2017‑2018,
le budget de dépenses s'établit à 933,6 millions
de dollars. C'est une augmentation de 44,5 millions par
rapport aux dépenses probables qui
avaient été estimées pour l'exercice 2016‑2017. Je mentionne «probables»
parce qu'on est à peaufiner les résultats finaux pour 2016‑2017, et ils ne sont
pas tout à fait terminés. Mais c'est quand même
une augmentation de 4,1 %.
C'est une augmentation qui s'explique par les mesures prises et mises en
place pour contribuer à la réduction des délais en matière de justice
criminelle et pénale.
• (15 h 10) •
Ce budget, M.
le Président, il est divisé entre sept programmes inclus dans le portefeuille
Justice, donc au sein de l'activité
judiciaire, qui permet aux tribunaux et aux diverses juridictions d'exercer le pouvoir judiciaire et les
fonctions qui y sont rattachées, permet de rendre le
jugement, de favoriser le règlement de litiges au moyen de conciliations
judiciaires. Les sommes qui y sont allouées sont de 126,4 millions en 2017‑2018,
une hausse de 2,6 millions.
Le programme
2, Administration de la justice, assure le soutien administratif nécessaire
au fonctionnement des cours de
justice et à la publicité des droits. Il fournit un soutien d'ordre juridique, législatif
et réglementaire à toutes les activités gouvernementales. C'est un programme qui représente 317 millions en 2017‑2018, en hausse de 21,6 millions par rapport
à la dépense probable 2016‑2017. Une augmentation qui est marquée, mais qui est
due aussi à plusieurs
facteurs, d'abord la mise en oeuvre de la stratégie d'action visant à
contribuer à la réduction des délais de justice en matière criminelle et
pénale, la mise en place d'un programme de mesures de rechange afin de
déjudiciariser le traitement de certaines
infractions — c'est
une mesure qui est préconisée par la Table Justice-Québec — le rehaussement du financement des ressources informationnelles, essentiel dans
le cadre de la modernisation de la justice, et finalement le financement
associé à la stratégie gouvernementale pour prévenir et contrer les violences
sexuelles.
Le programme
3, Justice administrative, assure l'apport du ministère au financement,
notamment, du Tribunal administratif du Québec et du Conseil de la
justice administrative. Les sommes affectées à ce programme sont de
14,3 millions de dollars.
Quant au programme 4, Accessibilité à la
justice, il vise à offrir des services d'aide juridique aux personnes financièrement défavorisées, ainsi qu'aux enfants
et aux familles aux prises avec certains problèmes sociaux en lien avec
la justice. On prévoit pour ce programme un budget de 177,3 millions en
2017‑2018.
Le programme 5, Autres organismes relevant de la
ministre, inclut les budgets de l'Office de la protection du consommateur et de
la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. Ce sont
23,3 millions de dollars qui sont prévus en 2017‑2018, encore un niveau
comparable à la dépense probable de 2016‑2017.
Le programme
6, Poursuites criminelles et pénales, assure le financement des activités du
Directeur des poursuites criminelles et pénales dont la mission, comme
le nom l'indique, est de diriger pour l'État les poursuites criminelles et pénales au Québec. Ce programme inclut
également le financement du comité de la rémunération des procureurs aux
poursuites criminelles et pénales. Des crédits
de 144,3 millions en 2017‑2018, soit une hausse de 13,7 millions par
rapport à la dépense probable 2016‑2017, sont prévus. C'est un budget qui prend
en considération l'ajout de financement pour accélérer
les processus judiciaires afin de respecter les nouveaux paramètres imposés par
la Cour suprême le 8 juillet 2016, donc
un ajout de ressources. De même, on y inclut les coûts liés à la rémunération
et à la mise en oeuvre de la Stratégie gouvernementale pour prévenir et
contrer les violences sexuelles 2016‑2021 annoncée l'automne dernier par notre
collègue la ministre de la Condition féminine.
Enfin, le
programme 7, Indemnisation et reconnaissance, assure une compensation
financière aux personnes qui ont été
blessées en accomplissant un acte de civisme ainsi qu'aux victimes d'actes
criminels. Il vise également à reconnaître les personnes qui ont accompli un acte de civisme. C'est un programme qui
peut compter sur un budget de 130,9 millions de dollars en 2017‑2018, donc une augmentation qui
est attribuable au financement de la hausse du coût de l'indemnisation
des victimes d'actes criminels.
Alors, les
choix budgétaires qui ont été faits cette année, M. le Président, vont
permettre de maintenir les activités qui
entrent dans la mission du ministère. Ils tiennent compte de nos orientations
stratégiques qui guident l'ensemble de nos
actions, à savoir : promouvoir, favoriser l'accessibilité à la justice et
aux droits pour le citoyen; améliorer le fonctionnement du système judiciaire; promouvoir une société juste pour
tous, quelle que soit son orientation sexuelle ou l'identité de genre; et faire émerger une nouvelle
culture organisationnelle qui favorise l'innovation, la mobilisation du
personnel et l'application des principes de l'intelligence collective.
Pour
atteindre ces objectifs, les équipes du ministre de la Justice et des autres
organismes ont réalisé plusieurs chantiers majeurs au cours de la
dernière année. J'aimerais prendre le temps de vous les présenter.
D'abord, en
ce qui a trait à la réduction des délais judiciaires, vous savez, la population
du Québec est en droit de s'attendre
que justice soit rendue en temps utile. Tout au long de l'année, nous avons
pris ce dossier de front. Nous avons identifié et mis en place des
solutions concrètes, pérennes, qui contribuent à réduire les délais en matière
de justice criminelle et pénale. Notre gouvernement a agi avec célérité depuis
plus d'un an en collaboration étroite avec ses partenaires. Dès la fin de 2015, nous avions retenu les services de
Me Bouchard, en collaboration avec le Directeur des poursuites criminelles et pénales, afin qu'il se
penche sur la problématique des mégaprocès suite aux événements survenus
dans l'affaire SharQc. Son rapport a été remis en novembre 2016, et nous
travaillons actuellement à la mise
en place de ses recommandations.
En mars 2016
se tenait la première rencontre de la Table justice, initiative
unique que j'ai mise sur pied permettant de regrouper autour d'une même
table tous les principaux intervenants du milieu afin qu'ensemble de trouver
des solutions durables à la fin des cultures
des délais et aux enjeux de la modernisation du système de justice. Nous
passerons d'une culture des délais à une culture d'efficience. Nous avons
présenté le fruit de notre travail dans un plan d'action le 3 octobre
dernier et, actuellement, nous avons réalisé plus de 25 % des mesures
inscrites dans ce plan.
Depuis
l'arrêt Jordan, M. le Président, les équipes ont décuplé les efforts afin de
répondre aux nouveaux paramètres établis
par la Cour suprême. C'est ainsi qu'à la fin octobre avaient été identifiés les
divers besoins de la magistrature à la Cour
du Québec, à la Cour supérieure, à la Cour d'appel, les
besoins du Directeur des poursuites
criminelles et pénales, les besoins
du ministère de la Justice en matière de ressources
humaines et de ressources matérielles qui étaient nécessaires pour
répondre aux nouveaux paramètres.
Le
7 décembre, j'ai présenté la stratégie d'action gouvernementale devant contribuer à réduire les délais en
matière criminelle et pénale en annonçant un investissement historique de 175,2 millions
de dollars pour permettre d'ajouter 573 ressources additionnelles et
ouvrir sept nouvelles salles d'audience d'ici septembre 2017. Nous avons atteint
nos objectifs, et, à ce jour, 16 juges ont été nommés à la Cour du Québec,
52 procureurs supplémentaires ont été embauchés par le Directeur
des poursuites criminelles et pénales,
267 effectifs de soutien à la justice et à la sécurité publique ont déjà été embauchés et
trois nouvelles salles d'audience sont ouvertes, dont une à Montréal
et deux à Laval. Nous avons saisi l'urgence
d'agir et avons mis en place un processus accéléré pour répondre aux besoins, ce qui nous a
permis de donner un souffle nouveau aux différentes équipes et aux intervenants
sur le terrain.
Et ce n'est pas
terminé, M. le Président, nous prévoyons engager près de 90 autres ressources
pour différents besoins. Nous poursuivons
nos discussions avec le gouvernement
fédéral afin de combler le plus rapidement
possible les deux postes vacants de
juges à la Cour d'appel du Québec ainsi que les 14 postes — et je souligne, 14 postes — vacants
à la Cour supérieure. À cet effet, tel que
je me suis engagée le 29 mars dernier lors de l'étude des crédits
provisoires, il me fait plaisir de
déposer les lettres officielles que j'ai, entre autres, envoyées à mon
homologue fédéral de la Justice, Mme Jody Wilson-Raybould, depuis juillet 2016. Alors, M. le Président, nous vous
déposerons les correspondances. Et cet enjeu fait partie des points qui seront discutés lors de la
rencontre fédérale-provinciale-territoriale des ministres de la Justice
qui se tiendra demain à Gatineau. Ces
ressources additionnelles auront un impact direct sur la capacité du système de
justice à traiter les dossiers dans les délais impartis par la Cour suprême. Il
ne s'agit pas de caprice, M. le Président, mais des besoins identifiés par nos
partenaires.
Dans la foulée des
interventions du Québec et pour améliorer notre système de justice criminelle
et pénale, parallèlement avec d'autres
provinces, nous sommes intervenus dans l'affaire Reine contre Cody, un dossier
en provenance de Terre-Neuve. La Cour
suprême a entendu cette affaire le 25 avril et a pris le tout en délibéré.
En bref, l'objectif était de prévoir...
Pour les dossiers introduits avant le prononcé de la décision de la Cour
suprême dans l'arrêt Jordan, une mesure transitoire pour éviter l'arrêt
de procédures — si
les parties se sont raisonnablement conformées au droit antérieur ou lorsque le tribunal saisi de la cause, qui est
moyennement complexe, est dans un district aux prises avec des problèmes
de délais institutionnels importants — a été établie par la Cour suprême.
Essentiellement, ce sont les paramètres applicables à cette mesure transitoire qui devraient être
précisés dans l'affaire Cody. Nous avons fait valoir que les tribunaux
doivent appliquer cette mesure transitoire
avec souplesse, en tenant compte du temps nécessaire pour que les changements
mis en place par les autorités depuis l'affaire Jordan produisent leur effet.
Le ministère de la
Justice s'emploie également à utiliser à leur plein potentiel les nouvelles
technologies pour innover et moderniser nos
façons de faire. Ainsi, nous avons récemment mis en place un système de
visiocomparution entre le palais de justice
et l'établissement de détention de Montréal, équipé les 56 palais de
justice d'un réseau Internet sans fil dans
les salles d'audience et les aires publiques attenantes, créé un nouveau formulaire
électronique pour que les citoyens puissent
déposer en ligne une poursuite à la division des petites créances et payer les
frais associés directement sur le site Web
du ministère de la Justice. Nous poursuivons nos actions vers cette
transformation numérique et vers un meilleur accès à la justice pour
tous.
• (15 h 20) •
Dans
la même lignée, nous contribuons à de nombreux projets issus de la communauté
qui ont un effet positif sur l'accès
à la justice. Le Fonds Accès Justice
vise, justement, à améliorer
la connaissance et l'utilisation du système de justice québécois auprès
de nos citoyens. Pour l'année 2016‑2017, une somme de 1 million de
dollars a été versée pour la réalisation de
34 projets favorisant l'accès aux services juridiques et à la promotion
des modes de prévention et règlement des différends, telle la médiation.
Nous
avons également attribué un montant de 1,5 million de dollars pour
soutenir 32 projets dans le cadre d'un appel de projets du programme de subventions pour favoriser la recherche,
l'information, la sensibilisation et la formation en matière d'aide aux victimes d'actes criminels.
Et nous avons versé une aide financière de 550 000 $ à
30 organismes de lutte contre
l'homophobie pour favoriser la pleine reconnaissance des personnes des
minorités sexuelles et prévenir ou combattre les préjugés et la
discrimination fondés sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre.
À
ce chapitre, je prendrais quelques instants, M. le Président, pour réitérer le projet de loi que nous avons adopté ici, à cette Assemblée, l'an dernier, la Loi visant à renforcer la lutte
contre la transphobie et améliorer notamment la situation des mineurs transgenres. Derrière les dispositions
de cette loi se dessinent les visages de tous ces jeunes pour qui le
fait d'être appelés correctement à l'école
ou d'obtenir un passeport reflétant leur réelle identité de genre relevait de
l'impossible. Parmi tous ces visages se trouve évidemment celui d'Olie, cette
jeune fille qui a eu le courage de s'adresser à la Commission des institutions le 16 avril 2015 et dont le
témoignage inspirant a tant touché le coeur et l'esprit de tous les parlementaires qui l'ont entendue. C'est pour
elle, pour tous les jeunes et leurs familles vivant les mêmes réalités que
nous sommes fiers d'avoir fait avancer le
droit québécois. Ainsi, ces enfants mineurs trans peuvent dorénavant faire
changer l'identité de genre à leur
certificat de naissance, et nous avons aussi cueilli l'occasion de modifier la
charte québécoise afin d'inclure le motif de discrimination basée sur le
genre.
M. le Président, tout
ça pour vous dire que le ministère de la Justice, c'est vaste. Je pourrais vous
en parler encore pendant des heures. J'aurai
la chance de vous en parler pendant des heures, mais les actions de la dernière
année ont été diversifiées. Elles n'ont pas
cessé, elles nous ont permis de belles réalisations et elles nous permettront
au cours des prochains mois d'autres
belles réalisations. Et tout ça, bien, c'est grâce aux parlementaires, mais
c'est aussi grâce à l'équipe qui est derrière moi qui croit dans la
mission du ministère de la Justice et qui s'y investit au quotidien. Alors, je
vous remercie.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Mme la ministre. Maintenant, je vais à Mme la députée de Joliette,
porte-parole de l'opposition officielle, en vous rappelant que, si vous
n'utilisez pas tout votre temps, votre temps vous sera comptabilisé sur une
période de questions. Je pense que je fais le même message à Mme la députée de
Repentigny. Mme la députée de Joliette.
Mme
Véronique Hivon
Mme Hivon : Merci
beaucoup, M. le Président. Je serai brève pour mes
remarques préliminaires. Simplement saluer
à mon tour la ministre, évidemment sa sous-ministre, Me Murphy, tous les
dirigeants d'organismes et d'organisations qui sont sous la responsabilité de la ministre, les sous-ministres
associés et, bien sûr, son personnel de cabinet, sa directrice de cabinet, son attaché de presse, et toute
l'équipe du ministère de la Justice
qui — moi
non plus, je n'en doute pas un instant — a travaillé très fort pour
nous produire les documents que nous avons reçus.
Je veux saluer les collègues,
ma députée... ma députée... ma collègue — ce n'est pas encore, on n'est
pas rendus là — de Repentigny, qui me trouble parce que ce n'est pas elle
qu'on attendait aujourd'hui. Donc, je la salue pour prendre le relais à pied levé et, donc, mes collègues de la partie ministérielle, bien sûr mon recherchiste, Martin Blanchette, et vous, M. le Président, qui allez
présider nos travaux aujourd'hui.
Je
veux simplement dire que l'année a été très difficile pour la justice, je
dirais pour la confiance de la population à l'égard de son système de justice avec, bien sûr, toutes les
répercussions, toutes les conséquences de l'arrêt Jordan, avec ces arrêts de procédures pour délai déraisonnable qui
se multiplient, avec la multiplication des requêtes auxquelles on fait face. Cette semaine, bien sûr, les fuites qui
concernent l'opération Mâchurer, qui minent beaucoup cette confiance-là,
qui font en sorte que les citoyens se posent
énormément de questions par rapport à leurs institutions judiciaires, et
aujourd'hui, bien évidemment, les déclarations, les propos de Me Francoeur
sont autant d'éléments qui viennent perturber cette confiance-là, et je pense que c'est
important, comme parlementaires, de poser toutes les questions qui s'imposent
pour faire en sorte qu'on puisse avoir un maximum de transparence.
Je veux simplement
dire, en terminant ces remarques, que nous avons demandé à plusieurs reprises
des mandats d'initiative, que ce soit de ma
part, que ça soit de la part du collègue de Borduas, pour entendre la Directrice des poursuites criminelles et pénales parce que ça a été une année où les dossiers qui relèvent,
donc, de sa compétence, où toutes les
questions, notamment avec Jordan, mais beaucoup d'autres enjeux ont
fait la manchette, et ça nous a été refusé à chaque fois. Et, malheureusement, ce que ça fait, c'est que la période des crédits
va, évidemment, être, en grande partie, consacrée à toutes
ces questions qu'on a depuis maintenant des mois pour Me Murphy et son
équipe, et ça fait en sorte qu'il y a beaucoup d'autres sujets qu'on voudrait
pouvoir aborder, mais qu'on ne pourra pas nécessairement faire pendant la
période de l'étude des crédits
Et
moi, je veux simplement souligner que je ne pense pas que c'est la meilleure
manière de faire quand il y a
des enjeux aussi urgents, aussi pressants que ceux qu'on a vécus cette année,
en justice, de simplement nous répondre, à chaque
fois qu'on demande un mandat
d'initiative, qu'on va pouvoir en
discuter aux crédits. Bien sûr, aujourd'hui, ça tombe à point nommé qu'on puisse avoir Me Murphy parmi nous, comme
c'est la tradition à l'étude des
crédits, mais, évidemment, il y a énormément de choses en justice, et forcés d'admettre qu'on
va devoir, bien sûr, passer énormément de temps pour poser toutes ces questions
qui se sont accumulées au fil des derniers mois. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Mme la députée Joliette.
Mme la députée de Repentigny, pour vos remarques préliminaires.
Mme
Lavallée : Merci beaucoup. Merci à tout le monde d'accepter
ma présence. Je dois remplacer à pied levé le collègue de Borduas, qui a dû quitter précipitamment Québec, un petit
bébé s'annonçant, étant probablement arrivé ou sur le point d'arriver.
Donc, je le remplace à pied levé. Donc, je vais garder le temps pour les
questions.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci. Effectivement, le temps vous sera remis. Je pense,
c'est une très bonne nouvelle. Bon, on note
l'absence du député de Borduas, mais je pense que c'est pour des très, très
bonnes raisons, c'est une très bonne nouvelle. On lui souhaite tout le
bonheur du monde, et en espérant que tout se déroule très bien pour
l'accouchement de sa conjointe.
Documents déposés
Mme
la ministre, avant qu'on aille dans les échanges avec les différents députés,
j'aimerais... Vous nous avez parlé
que vous vouliez déposer quatre lettres, j'aimerais que vous nous détailliez un
peu les dates des lettres que vous nous déposez et ce que vous nous déposez avant qu'on puisse, un, les rendre
publiques et les remettre à tous les membres de la commission juste pour
permettre à tous les gens qui nous suivent de pouvoir... qu'on soit tous sur la
même ligne de pensée. Mme la ministre.
Mme
Vallée : Oui. Alors, M. le Président, c'est suite aux crédits
provisoires qui ont eu lieu, il y a près d'un mois. Alors, une lettre du
18 juillet 2016 adressée à la ministre de la Justice et procureure
générale du Canada, une lettre du 11 octobre 2016
également adressée à la ministre de la Justice et procureure générale du
Canada, une lettre du 8 décembre 2016 qui est adressée à la
ministre de la Justice et une lettre du 1er mars 2017 qui est
adressée conjointement à la ministre de la
Justice et procureure générale et au ministre des Finances. Parce que l'on nous
mentionnait qu'il y avait des enjeux
financiers derrière tout ça, alors on voulait s'assurer que le message passe
bien. Donc, ce sont les correspondances.
Et
également, M. le Président, vous vous souviendrez, dans la foulée des
allégations, là, concernant — et je mets entre guillemets et en très gros guillemets — l'immunité accordée à certains
parlementaires, on a fait référence à un certain nombre de directives qui ne datent pas des 10 dernières années,
mais bien qui remontent... la première directive remonte au
28 juillet 1974. Alors, j'ai en liasse l'ensemble de ces directives
parce que je m'étais engagée suite à une question de la députée de Joliette...
Alors,
il y a une directive du 28 juillet 1974 signée par le ministre
Jérôme Choquette, une directive datant de 1976 portant la signature de Fernand Lalonde, des
directives d'avril 1977, janvier 1978 et avril 1982, toutes les
trois signées par Me Marc-André Bédard,
une directive de juillet 1984 signée par le premier ministre
Pierre Marc Johnson, une directive de 1993 signée par Me Gil Rémillard, une directive du
13 juin 1995 signée par Me Paul Bégin, une directive du
9 septembre 1997 signée par
Me Serge Ménard, une directive du 8 février 1999 signée par Me Linda Goupil, une directive du
24 mai 2001 signée par Paul Bégin, une directive du 9 novembre 2005
signée par Me Yvon Marcoux, une directive du 12 décembre
2007 signée par Me Jacques Dupuis, une directive du 30 mars 2011 signée
par Me Jean-Marc Fournier, une directive
du 27 décembre 2013 signée par le juge Bertrand St-Arnaud et deux
directives, une de janvier 2015 signée par votre humble serviteur et la plus récente directive faisant suite à la question
de la protection des sources journalistiques en date du 8 novembre 2016. Alors, je les ai en liasse et je les
dépose. Et je remercie les équipes du ministère pour leur travail de recherche dans les
archives.
• (15 h 30) •
Le
Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la ministre. Vous comprenez l'importance de tous ces
détails. Ce que vous venez de déposer
sera remis à chacun des parlementaires immédiatement, sera déposé sur le site de la
commission et rendu public pour l'information des nombreuses personnes qui nous
écoutent cet après-midi.
Discussion générale
Nous allons
débuter les échanges avec la partie gouvernementale, et je m'en vais tout près, au député de La Prairie.
Une voix : ...
Le
Président (M. Ouellette) : Ah oui! On s'en va à l'opposition? Ah bon! O.K. Bien, moi, ça ne me fait rien, on peut
bien aller à l'opposition. Excusez, Mme la députée de Joliette.
Une voix : ...
Le
Président (M. Ouellette) : Oui, oui, je comprends. Mais c'est beau, vous commencerez, puis on
finira par le député de La Prairie. Excusez, Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon :
Merci, M. le Président. Alors, bien sûr, avec l'actualité du jour, on va
débuter en abordant les déclarations de Me Francoeur ce matin, donc, en entrevue avec
Paul Arcand. Je pense que c'est important de rappeler ce que le président de la Fraternité des policiers a déclaré parce que
c'est excessivement grave, et, bien sûr, ça fait planer énormément de doutes et de
questionnements de la part de la population à l'égard de son système de
justice.
Alors, je
veux simplement rappeler ce qu'il a déclaré : «Je vais vous donner
l'exemple très concret d'une enquête qui
implique deux élus libéraux dont l'un est encore membre du caucus libéral.
C'était en 2012, et ça implique une firme immobilière. On a de la
filature, on a de l'écoute électronique, il y a tout au dossier pour
procéder. À ce moment-là, il y a même quelqu'un
qui intervient auprès de moi, pas du milieu policier, mais plutôt du système
judiciaire, qui me demande de faire quelque
chose. On me dit que, s'il ne s'agissait pas de deux élus libéraux, les
accusations seraient déjà déposées à la cour.
«Un peu plus loin, M. Arcand lui dit :
La nature de l'enquête, c'est quoi, de la fraude?
«M. Francoeur :
De la fraude, du trafic d'influence, des modifications législatives en retour
de contributions au Parti libéral.
«Arcand : En retour de contributions au
Parti libéral?
«Francoeur : Oui.
«Arcand :
L'enquête est terminée. Donc, M. Arcand : Si c'était vous ou moi, des
accusations auraient été déposées, c'est ça?
«M. Francoeur : Ça serait fait depuis
longtemps.
«Et là ça
nous concerne directement, M. Arcand demande où ça bloque, et
M. Francoeur dit : C'est une très bonne question et c'est
pourquoi je fais le lien avec le coulage d'information à l'UPAC.
«Me semble
que, quand un policier termine une enquête, il l'envoie au DPCP, et c'est lui
qui décide s'il y aura des accusations ou non. Pas vrai?, demande
M. Arcand.
«Oui.
«Alors, c'est là que ça bloque, dit
M. Arcand.
«Alors,
M. Francoeur nous dit : Un coup que l'enquête est faite et que le
procureur de la couronne remonte plus haut,
malheureusement on ne comprend pas ce qui se passe. Ça ne débouche pas sur des
accusations, alors que des gens disent que, si ça avait été n'importe
qui d'autre qui avait été impliqué, il y en aurait eu, des accusations.
«M. Arcand :
Alors là, ce que vous me dites, c'est qu'un procureur est prêt à autoriser les
chefs d'accusation, et donc les
arrestations de ces deux parlementaires, et que ça bloque plus haut dans la
machine, que l'on empêche de signer ça?
«Et là
M. Francoeur dit : Oui, exactement. Je vous dis que ces gens-là sont
intervenus par personne interposée auprès
de moi pour me demander si je pouvais faire quelque chose parce que ça n'avait
pas d'allure. Là, on a de nouvelles informations
qui sortent de l'UPAC. La raison pour laquelle ça sort, c'est parce qu'il y a
un malaise, il y a de l'obstruction et de l'interférence. Plein de gens
sont bien intentionnés, et pas juste des policiers. Ils se demandent ce qui se
passe et pourquoi ça ne débouche pas.»
Alors, je
pense qu'on va tous convenir que ce sont des propos absolument explosifs et
excessivement graves dans une démocratie comme la nôtre. Donc, ça laisse
entendre très clairement qu'il y a un blocage dans le système. Ça pointe au niveau de la Direction des poursuites criminelles
et pénales. Moi, je veux savoir, depuis que, ce matin, la ministre
a appris, donc, ces informations-là, qu'elle a entendu ces propos — je
lui ai demandé en Chambre, elle n'a pas répondu directement — quelles
vérifications, quels gestes elle a posés comme ministre de la Justice, première responsable de la justice au Québec
et Procureur général du Québec qui doit s'assurer que justice est rendue.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
la ministre.
Mme Vallée : M. le
Président, vous savez, notre collègue
a fait d'entrée de jeu une déclaration très solennelle, disant que la confiance des citoyens dans le système de justice avait été ébranlée au cours de la
dernière année. Je vais revenir sur
les événements d'aujourd'hui, mais je veux simplement rappeler, les collègues
parlementaires, que nous avons aussi un rôle à jouer
dans ce lien de confiance qui existe entre les citoyens et le système de
justice. Et ce lien de confiance, il tient
aussi à cette séparation des pouvoirs, qui est nécessaire. La collègue
mentionnait les multiples demandes en lien avec des mandats
d'initiatives par lesquels on requérait la présence du Directeur des poursuites
criminelles et pénales. Requérir la présence du... poursuites criminelles et
pénales à l'intérieur de mandats d'initiative qui sont éminemment politiques
politise, d'une certaine façon, le travail d'une entité indépendante.
Et on doit
faire attention aussi dans la façon dont on aborde ces questions-là. Oui, les
révélations de ce matin sont troublantes, sont préoccupantes si elles
s'avèrent fondées. Les contacts avec la Direction des poursuites criminelles et
pénales m'indiquent que les faits transmis par Me Francoeur lors de l'échange
sont des faits qui n'étaient pas de connaissance de la directrice. Je la
laisserai vous parler plus en profondeur.
Ce qui
m'amène à dire : Plutôt que d'utiliser un véhicule médiatique, est-ce
qu'il n'aurait pas été opportun pour Me
Francoeur de saisir directement l'équipe et la direction du DPCP de ces faits?
Plutôt que d'alléguer les blocages, plutôt que de prétendre qu'il existe de l'interférence dans le processus,
n'eut-il pas été opportun pour M. Francoeur, pour ceux et celles
qui prétendent être lésés ou qui prétendent avoir travaillé et ne pas avoir de
suite, de s'adresser à la principale responsable de l'institution et de
transmettre leurs doléances, de leur transmettre leurs préoccupations?
Ceci étant
dit, M. le Président, et je sais que, suite à l'intervention de M. Francoeur,
le Directeur des poursuites criminelles
et pénales a appelé justement cette collaboration, je vais laisser Me Murphy
poursuivre parce que je ne voudrais pas,
en son nom, faire état d'un dossier qui, éminemment, interpelle le DPCP. Alors,
M. le Président, avec votre permission, je laisserais Me Murphy
transmettre et indiquer à cette commission les vérifications et les suivis
effectués au cours de la matinée.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, Mme la ministre. Juste pour respecter les informations que je vous ai mentionnées tantôt, pour respecter les questions
de temps de parole, de questions et réponses, Mme la ministre a répondu
dans votre temps imparti. Je ne sais pas si vous avez des questions précises
relativement à ce sujet-là. Et, si vous êtes d'accord,
Mme la ministre, Me Murphy pourra répondre à cette question-là à une prochaine
question de Mme la députée de Joliette. Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon :
Oui. Alors, effectivement, je vais m'adresser à Me Murphy. Est-ce qu'elle peut
nous dire s'il y a un dossier ou des
dossiers en ce moment qui concernent un ou des élus libéraux qui sont pour
analyse au bureau, donc, du DPCP à la suite d'une enquête policière?
Le
Président (M. Ouellette) : Me Murphy, je vais vous demander de vous identifier dans un premier
temps pour les besoins de l'audio-vidéo et, par la suite, répondre à la
question de Mme la députée de Joliette.
• (15 h 40) •
Mme Murphy
(Annick) : D'accord. Alors, Annick Murphy, Directrice des poursuites
criminelles et pénales. Alors, M. le
Président, ce matin, j'ai entendu, comme plusieurs d'entre vous,
M. Francoeur, président de la Fraternité des policiers du SPVM,
dire et répondre à des questions que lui posait M. Arcand... J'ai
également pris connaissance du verbatim
parce que, pour moi, c'était important, parce que je suis extrêmement
préoccupée par les affirmations qui ont été faites aujourd'hui.
D'entrée de
jeu, je dirais que, selon les informations que j'ai en main présentement, nous
n'avons pas le dossier dont
M. Francoeur aurait fait état ce matin. Ce que je trouve d'extrêmement
préoccupant dans cette déclaration, c'est que M. Francoeur, si les informations qu'il a données ce matin sont vraies,
est un policier à qui, en 2012, on aurait demandé... on lui aurait demandé de faire quelque chose parce
que — je vais
aller vite aux conclusions — un supérieur d'un procureur de la
couronne, probablement d'une équipe de procureurs qui sont maintenant à la
grande criminalité et qui étaient anciennement
au bureau de lutte à la corruption, aurait voulu déposer une accusation
concernant deux députés libéraux et qu'un supérieur aurait, par une
action, refusé de porter ces accusations-là. C'est ce que je comprends des
questions de M. Arcand et des réponses
de M. Francoeur, et je répète que ça me préoccupe énormément qu'un
policier d'expérience comme
M. Francoeur, à qui on aurait révélé des informations aussi graves que
celles-là, n'ait pas demandé une enquête en 2012 sur des allégations aussi graves que celles-là. On parle
peut-être ici d'entrave à la justice, d'abus de pouvoir, de
malversation. Il me semble que M. Francoeur aurait dû agir à ce moment-là.
Alors, présentement, je demande à
M. Francoeur, comme je l'ai fait ce matin, qu'il me transmette toutes les
informations concernant ce supposé dossier dont il aurait entendu parler. Parce
que, quand je lis ce qu'il dit, c'est que finalement...
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, Me Murphy. Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon :
Oui. Alors, Me Murphy, c'est sûr que je vais essayer qu'on ait un échange, je
dirais, le plus proportionnel possible en
temps. Si vous avez des messages à passer à M. Francoeur, je vous invite à
les adresser. Mais, en ce moment, je pose des questions, donc j'aimerais
avoir des réponses aux questions que
je pose. Je sais que tantôt vous n'avez pas voulu faire de déclaration
aux journalistes. Donc là, pour l'instant, si c'est possible de ne pas
s'adresser à M. Francoeur, mais plutôt aux députés de l'opposition.
Ma
question était de savoir si, en ce moment, il y a un dossier ou des dossiers
qui impliquent un ou des élus libéraux chez
vous, au DPCP, qui vous sont soumis pour analyse, pour dépôt d'accusation à la
suite, donc, d'enquêtes policières.
Mme Murphy
(Annick) : Il ne m'est pas possible...
Le Président
(M. Ouellette) : Me Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Woups! Pardon, M. le Président. Il ne m'est pas possible de répondre à cette question directement,
il s'agit d'informations strictement confidentielles au moment où on se parle.
Le Président
(M. Ouellette) : Merci. Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon : Je me doutais que vous alliez me répondre ça et
puis je dois vous faire part d'un questionnement que j'ai. Quand, par
exemple, notre collègue ici, le député de Laurier-Dorion, a fait l'objet, donc,
de propos sur la place publique, la police a
dit qu'elle menait une enquête, elle a dit par la suite qu'elle transmettait le
dossier au DPCP. C'est des choses
qu'on voit souvent, les policiers indiquent, dans des cas très précis, des cas
de policiers par exemple, que les dossiers sont transmis au DPCP. Quand on pose des questions qui concernent des
causes, des enquêtes qui relèvent du politique ou d'élus, donc, libéraux, on nous répond qu'on ne
peut pas donner cette information-là. Pourquoi ce deux poids, deux mesures?
Mme Murphy
(Annick) : En fait...
Le Président
(M. Ouellette) : Me Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Excusez, M. le Président...
Le Président
(M. Ouellette) : Non, non, mais ce n'est pas grave.
Mme Murphy
(Annick) : En fait, ce n'est
pas deux poids, deux mesures. C'est qu'en général, lorsque les policiers
annoncent publiquement qu'ils nous ont
transmis le dossier, l'information est sur la place publique, et ça nous
permet de le confirmer ou de l'infirmer. Lorsque l'information n'est pas du
domaine public, nous, pour toutes sortes de raisons de confidentialité, nous ne
confirmons pas ces informations-là.
Le
dossier, vous le savez... Je ne sais
pas si vous faites référence au
dossier concernant les déclarations... Pas
celui de M. Francoeur, mais celui de l'UPAC dont nous avons entendu parler
cette semaine, vous avez lu le communiqué de
M. Lafrenière disant qu'ils sont encore à faire une enquête, donc
l'enquête est en cours présentement.
Il a mentionné que, lorsque l'enquête serait terminée, il nous
transférerait le dossier. Alors, c'est ce que je peux vous dire.
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon :
Je comprends que vous refusez de nous dire s'il y a présentement des enquêtes
qui sont sur le bureau de la Direction des poursuites criminelles et
pénales en lien avec des élus, donc, libéraux et vous refusez de nous dire
qu'il n'y en a pas aussi. Donc, vous ne nous donnez aucune information.
Mme Murphy
(Annick) : ...
Mme Hivon :
Votre réponse... qu'elle soit enregistrée.
Le Président (M. Ouellette) : Me Murphy, avez-vous une réponse à l'affirmation
de Mme la députée de Joliette?
Mme Murphy (Annick) :
Oui, j'ai dit que c'était exact.
Le Président
(M. Ouellette) : Merci. Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon :
Merci. En ce qui concerne, donc, les propos de M. Francoeur — je pense que je l'ai appelé Me
Francoeur tantôt, je ne voudrais pas lui accorder ce défaut-là — ...
Le Président
(M. Ouellette) : Oui, il n'est pas...
Mme Hivon :
...donc, M. Francoeur, ce matin, vous nous dites qu'il n'y a pas chez vous
d'enquête qui concerne un dossier de fraude
qui vous a été remis par, donc, le corps policier concerné touchant... donc, de
fraude ou d'autres types d'accusations touchant deux élus libéraux
actuels ou passés?
Le Président
(M. Ouellette) : Me Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Oui, M. le Président. Ce que je vous ai dit, c'est que je
n'avais pas ce dossier-là et que j'invitais M. Francoeur à me le
transmettre, s'il existait.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon :
Est-ce que vous pouvez nous dire quel processus particulier est mis en place au
DPCP lorsqu'une enquête policière est
acheminée, vous est acheminée afin que des accusations soient déposées à
l'égard d'un élu ou d'une élue de l'Assemblée nationale, par exemple?
Quel processus particulier est suivi?
Le Président (M. Ouellette) :
Ou plutôt directive, Mme la députée de Joliette?
Mme Hivon : Un
processus, une directive particulière, des instructions particulières.
Le
Président (M. Ouellette) : Oui,
qui touchent à un député de l'Assemblée nationale, on en a parlé
beaucoup dans le camp des journalistes, Me Murphy.
Mme Hivon : Oui.
Ça, je vais y revenir. Mais là je suis plus pour ce qui est de l'examen, donc,
pour déposer des accusations.
Le Président (M. Ouellette) :
Me Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Il n'y a pas de processus particulier. Le processus qui est
suivi par le procureur est le même pour l'ensemble des dossiers. C'est
qu'après réception du dossier il fera l'analyse de la preuve qu'on lui aura présentée, il demandera des compléments d'enquête
si nécessaire. Le processus est le même. Il n'y a pas de processus
particulier pour des parlementaires, pour des juges, pour qui que ce soit.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon :
Merci. Dans le cas, par exemple, du processus qui a mené à l'arrestation et aux
accusations de Mme Nathalie Normandeau,
est-ce que, Me Murphy, vous pouvez nous dire si vous avez été informée, donc,
et que vous avez, donc, directement autorisé et contribué, donc, à cette
décision de porter des accusations?
Le
Président (M. Ouellette) : Je vous rappelle, Me Murphy, qu'on est devant la cour, donc la prudence
dans vos réponses. Me Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Oui, M. le Président. Alors, le dossier a été autorisé par
des procureurs et n'a pas été autorisé par la Directrice des poursuites
criminelles et pénales.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon : Avant
qu'il soit autorisé, est-ce que vous avez été consultée?
Le Président (M. Ouellette) :
Me Murphy.
Mme Murphy (Annick) : Je n'ai
pas été consultée.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon :
Est-ce que des procureurs-chefs ont été consultés?
Le Président (M. Ouellette) :
Me Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Oui, M. le Président. Le procureur-chef du bureau a
certainement été consulté. Des procureurs travaillent en équipe. Ils
travaillent avec un procureur-chef adjoint et avec un procureur en chef. Donc,
il y a certainement eu des discussions tout
au long de l'étude de ce dossier-là, c'est tout à fait nécessaire. Alors, je
n'ai pas assisté à ces discussions, mais il y en a eu très certainement.
Le Président (M. Ouellette) :
Mais il n'y a pas de directive à cet effet-là, Me Murphy?
Mme Murphy (Annick) : Il n'y a
pas de directive à cet effet-là.
Le Président (M. Ouellette) :
De consultation obligatoire.
Mme Murphy
(Annick) : Si vous me le permettez, je ne sais pas si on fait
référence à l'acte d'accusation direct qui a été porté dans le dossier de Mme Normandeau. L'acte d'accusation direct, c'est la directrice qui le
signe, mais ce n'est pas une consultation au sens de la question qu'on
m'a posée.
• (15 h 50) •
Le
Président (M. Ouellette) : Mais c'est votre lecture de la situation — c'est
sur mon temps, Mme la députée
de Joliette — que
le procureur-chef ou le procureur adjoint aurait pu être consulté, mais ce
n'est pas nécessairement... vous n'avez pas vérifié ces faits-là.
Mme Murphy (Annick) : Pardon?
Le
Président (M. Ouellette) : Vous n'avez pas vérifié ce fait-là, que le procureur-chef ou le
procureur adjoint ait été consulté dans ce cas spécifique là.
Mme Murphy (Annick) : Je n'ai
pas vérifié ce fait-là.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci. Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon : Donc,
ce que vous nous dites, par exemple, c'est que vous n'avez pas été consultée,
mais que vous avez autorisé l'acte
d'accusation direct, comme il se doit, parce que ça doit passer entre vos
mains. Donc, c'est vous qui avez autorisé le fait qu'il n'y ait pas
d'enquête préliminaire.
Mme Murphy (Annick) :
Absolument.
Le Président (M. Ouellette) :
Me Murphy, votre réponse, c'est «absolument»?
Mme Murphy (Annick) : M. le
Président, oui, c'est exact.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon : Est-ce que Me
Murphy peut nous dire si, comme le collègue, donc, le député de Marguerite-Bourgeoys,
elle estime que M. Francoeur est quelqu'un de crédible?
Le
Président (M. Ouellette) : Me Murphy, vous pouvez répondre à cette question-là, mais c'est une
question d'interprétation, les propos de M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
Mme Murphy (Annick) : Je ne
connais pas M. Francoeur, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon :
Vous pensez qu'il fait ces déclarations-là dans quel objectif? Parce que je
pense que personne ici ne doit être
dupe, c'est-à-dire qu'on a vécu en début de semaine des fuites importantes,
sans précédent, concernant, donc, un ancien premier ministre, et,
évidemment, l'hypothèse la plus courante et la plus connue quand de telles
situations se présentent, c'est parce qu'il
y a des blocages, donc, qui se présentent à certains endroits. Et, aujourd'hui,
on n'est plus dans des fuites, mais on est dans des affirmations, des
propos tenus par quelqu'un qui est président de la Fraternité des policiers.
Donc, j'aimerais que vous me disiez pourquoi vous pensez que ces événements se
produisent.
Le Président (M. Ouellette) :
Me Murphy, si vous vous avez une opinion.
Mme Murphy
(Annick) : M. le Président, si vous me permettez, j'aimerais répondre
à cette question de la manière suivante.
Je déplore les propos qui sont rapportés par les médias, dans les médias, par
certaines personnes, par certains parlementaires
qui insinuent que l'analyse et l'orientation des dossiers par des procureurs
soient influencées ou dictées par des
considérations de politique partisane ou des interventions inappropriées. Je
m'inquiète de l'impact de ces allégations sur la confiance de la population non seulement envers l'institution
représentée par le DPCP, mais par tout le système judiciaire en général
et, en bout de ligne, envers toutes les institutions, y compris, à mon avis,
l'Assemblée nationale.
Les
institutions existent, et nous existons, et nous accomplissons pleinement notre
mission lorsque les citoyens nous accordent
leur confiance. Cette confiance-là, elle est extrêmement fragile. Parce que les
insinuations ont des conséquences beaucoup
plus graves que celles que peut imaginer la personne qui les fait, puisqu'elles
attaquent le fondement même des institutions en effritant cette confiance
que les citoyens leur portent.
J'ai été
nommée procureure en 1981 et je connais très bien cette organisation. Je
connais et comprends la valeur de la
signification du serment exigé de tous les procureurs aux poursuites
criminelles et pénales. Sachez que tous ont prêté le serment d'exercer leur fonction avec honnêteté,
objectivité, justice et qu'ils ont aussi prêté le serment de ne pas
accepter d'avantages pour ce qui est accompli dans l'exercice de leur fonction.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, Me Murphy.
Une voix :
...
Le Président (M. Ouellette) :
Oui, mais vous avez terminé, Me Murphy?
Une voix : ...
Mme Murphy (Annick) : Non, je
n'avais pas terminé, M. le Président.
M. Tanguay : Complétez
sur notre temps, Mme Murphy. Complétez sur notre temps.
Le
Président (M. Ouellette) : Non, non. Non, non, vous avez terminé, vous pourrez le compléter, Me
Murphy...
M. Tanguay : D'accord...
Le Président (M. Ouellette) : ...en
répondant aux questions...
M. Tanguay : Non, non.
Le temps...
Le Président (M. Ouellette) : ...de
M. le député de La Prairie.
M. Tanguay : Non, non,
M. le...
Le Président (M. Ouellette) :
M. le député de La Prairie.
M. Merlini :
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Me Murphy, j'aimerais que vous
poursuiviez votre réponse à la question qui a été posée par la députée
de Joliette. Alors, si vous voulez bien continuer, je l'apprécierai.
Le Président (M. Ouellette) :
Me Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Merci. Alors, lorsque des insinuations sans fondement
laissent entendre que ce serment aurait
été violé, je trouve ça inacceptable. Les procureurs et moi sommes gardiens de l'institution du DPCP et du
devoir d'intégrité et de justice qui lui
incombe. Jamais aucun procureur n'accepterait de prendre une
décision par complaisance, par
servilité. Les garanties d'indépendance attachées à la fonction de poursuivant
public du DPCP assurent que ses pouvoirs en matière de poursuite sont
exercés à l'abri de toute pression politique, médiatique ou policière. Compte
tenu du principe constitutionnel de l'indépendance du poursuivant public, le
DPCP ne peut se laisser influencer par d'autres considérations, notamment des
considérations de politique partisane, ni par le statut ou les relations
personnelles de la personne accusée.
Une des réalisations importantes de la common law est que toute personne est
soumise au droit commun du pays indépendamment
de sa position publique ou de son statut au sein du gouvernement. La Loi sur le Directeur des
poursuites criminelles et pénales protège le DPCP contre l'ingérence politique
dans ses dossiers. C'est d'ailleurs en raison de l'importance du respect de son
indépendance que le DPCP n'hésiterait pas à dénoncer, même publiquement, toute forme d'ingérence politique dans la conduite
d'un dossier sous sa responsabilité. Dans toute décision qu'il prend dans l'exercice de ses pouvoirs discrétionnaires en
matière de poursuites, notamment celle de déposer un acte d'accusation
direct ou d'arrêter les procédures, le DPCP
n'est guidé que par l'application de la règle de droit et des circonstances de
chaque dossier.
Je m'inquiète
donc de l'impact de ce type d'allégations sur la confiance de la population
tant envers l'institution de poursuivant public que représente le DPCP
qu'envers le système judiciaire et l'administration de la justice dans son
ensemble parce que, dans cette circonstance, le citoyen, quelle que soit la
décision prise, celle de porter ou non des accusations, pourra douter de son
objectivité ou de son impartialité, ce qui participe, à mon avis, au cynisme
général à l'endroit des institutions.
J'estime
être, ainsi que mes procureurs, en droit de ne pas voir mon intégrité et ma crédibilité
mises à mal par des allégations sans
fondement et de nature partisane. J'invite tout le monde, les élus également, à
faire preuve de prudence dans leurs
commentaires, puisqu'il faut préserver la confiance du public dans ces
institutions que sont le DPCP et le système de justice. Le plus
important pour moi reste que la population puisse compter sur un service de
poursuite impartial, objectif et dont l'intégrité ne peut être remise en cause,
en doute à des fins politiques.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, Me Murphy. M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay :
Merci beaucoup, M. le Président, de m'accorder la parole. Me Murphy, vous êtes
Directrice des poursuites criminelles
et pénales. J'ai une question toute simple pour vous : Existe-t-il, oui ou
non, un processus distinct pour les élus de l'Assemblée nationale par
opposition, par exemple, à tout autre citoyen dans votre analyse?
Mme Murphy
(Annick) : Il n'y a aucun processus distinct, M. le Président. Il n'y
a aucun processus distinct, il n'y a
pas d'immunité. Si la question, c'est celle-là : Y a-t-il une immunité
pour des parlementaires?, ça n'existe pas, il n'y a pas d'immunité. La réponse, elle est simple, le
processus est le même. Le processus d'évaluation des dossiers est le même.
Un procureur doit analyser objectivement, de
façon impartiale, et son appréciation doit être dénuée de toute passion
lorsqu'il autorise un dossier. Il doit ne pas se préoccuper, justement, de la
personne, il doit analyser les faits et autoriser en fonction des faits qu'il a
devant lui.
Le Président
(M. Ouellette) : M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay :
Merci beaucoup. La collègue de Joliette a posé des questions sur l'existence de
dossiers ou de potentiels dossiers, notamment sur des élus d'une certaine
formation politique, à savoir le Parti libéral du Québec. Aujourd'hui, dans votre position, vous est-il
possible de commenter ou de confirmer s'il y a de tels dossiers quant à
d'autres élus ou ex-élus d'autres formations politiques?
Le Président
(M. Ouellette) : Me Murphy.
• (16 heures) •
Mme Murphy
(Annick) : Écoutez, ma réponse, M. le Président, sera la même que
celle que j'ai dite tantôt, ce n'est pas
possible pour moi. Nous pouvons
confirmer lorsque les dossiers sont autorisés, mais d'ici là ce ne
sera pas possible.
Le Président
(M. Ouellette) : M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay :
J'aimerais, Me Murphy, Directrice des poursuites criminelles et pénales,
directrice, donc, au DPCP, que vous nous
expliquiez pourquoi il vous est impossible, donc, de commenter.
J'imagine — puis
corrigez-moi si j'ai tort — que
c'est parce que ça participe notamment du secret professionnel.
Et, en ce sens-là, j'aimerais que vous étayiez un peu quant à votre
indépendance de toute influence.
Le Président
(M. Ouellette) : Me Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Oui, M. le Président. Un des principes fondamentaux de l'institution du DPCP, c'est justement son indépendance.
L'indépendance de la fonction du DPCP ne provient pas simplement
de sa loi, mais aussi d'un principe constitutionnel qui a été reconnu
par la Cour suprême du Canada. La Cour suprême a également consacré comme
principe constitutionnel que le DPCP doit être indépendant et protégé contre
l'influence de considérations politiques inappropriées.
Dans
un jugement tout à fait récent, 2016, Cawthorne, l'indépendance de
l'institution du DPCP est un gage de son impartialité. En 2007, lors de l'adoption de la Loi sur le Directeur des
poursuites criminelles et pénales, trois principes de base constituèrent l'assise de notre organisation.
Et ces trois assises ont toutes un point en commun, assurer
l'impartialité du DPCP. Elles sont les
suivantes : la loi sur le DPCP garantit l'autonomie fonctionnelle et
institutionnelle; la loi vise à assurer la transparence du processus de poursuite, notamment en distinguant les
orientations générales de politiques publiques qui sont du ressort de la Procureur général, des
décisions quotidiennes que nous prenons dans les poursuites qui relèvent
de nous; et, finalement, l'imputabilité du Procureur général à titre d'élu est
maintenue par la Loi sur le Directeur des poursuites
criminelles et pénales. En d'autres mots, la loi vise à garantir que le DPCP
puisse accomplir les fonctions de poursuivant public de façon
indépendante, je le répète, à l'écart de toute influence étrangère aux concepts
de justice et d'intérêt public.
L'indépendance
institutionnelle est consacrée dans l'article 1 de la loi par le fait que
le DPCP est chargé de diriger pour l'État les poursuites criminelles et
pénales. Cette indépendance se retrouve aussi dans le processus de nomination du DPCP, de la directrice.
L'indépendance de la directrice est garantie par l'inamovibilité de sa charge
durant un mandat de sept ans. Sa destitution
ou sa suspension ne peut être que pour cause après le dépôt d'un rapport,
l'obligation pour la directrice d'exercer
ses fonctions à temps plein, de se livrer à une activité politique de nature
partisane. Et, plus important encore,
soulignons que, si le Procureur général désire prendre en charge ou donner des
instructions dans une affaire
particulière, il doit d'abord consulter le directeur, la directrice à ce sujet
et il doit fournir un avis de son intention de prendre en charge le
dossier, et cet avis-là doit être publié à la Gazette officielle du Québec.
Alors, je
rajouterais que je prête serment également, j'ai prêté serment devant la juge
en chef de la Cour du Québec. Tous les procureurs prêtent serment lors
de leur entrée en fonction.
Le Président
(M. Ouellette) : M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay :
Oui, M. le Président. Juste avant de céder la parole — vous
allez céder la parole au collègue de
La Prairie — j'aurais donc, en somme, une question, une
dernière, à poser à Me Murphy, Directrice des poursuites criminelles et pénales. Aujourd'hui, devant les
125 élus de l'Assemblée nationale, devant la population qui vous
regarde, avez-vous — vous,
la directrice, le DPCP, vous représentez l'institution — toutes
les garanties de l'indépendance de l'institution que vous représentez?
Mme Murphy
(Annick) : Écoutez, moi, j'estime...
Le Président (M. Ouellette) :
Me Murphy, ne bougez pas.
Mme Murphy (Annick) : Excusez,
M. le Président.
Le Président
(M. Ouellette) : Oui, go.
Mme Murphy
(Annick) : Sans reprendre tout ce que je vous ai mentionné, j'estime
avoir toute l'indépendance voulue pour
prendre les décisions que mon organisation doit prendre dans l'exercice de
toutes ses fonctions. Et, comme je le mentionnais
il y a quelques instants, si ce n'était pas le cas, je le dénoncerais. Et ce
n'est pas la première fois que je le dis, j'ai déjà mentionné dans cette
enceinte, peut-être dans une autre salle, que c'est ce que je ferais. Et, je le
répète, je ne dénoncerais pas simplement
l'acte, je dénoncerais publiquement cette situation. C'est la garantie que nous
avons, et nous en sommes fiers, vous
savez. C'est ce qui fait un
procureur de la couronne, son intégrité, son objectivité. Nous sommes
jaloux de ce devoir-là et nous voulons le
protéger à tout prix. Et nous sommes, quand nous entendons tout ce que nous
entendons, désolés d'entendre ça et de penser que les gens peuvent imaginer une
telle chose.
Vous savez, une anecdote, une seconde, j'ai eu à
discuter avec la procureure en chef du Bureau de la grande criminalité, évidemment,
ces derniers jours et aujourd'hui, compte tenu de la situation, et je lui ai
dit de dire à ses procureurs qu'ils devaient
travailler comme dans un sous-marin présentement, d'imaginer qu'ils travaillent dans un
sous-marin, à l'abri du brouhaha, à l'abri
de la tempête, pour qu'ils puissent arriver à prendre toutes les décisions
possibles en leur âme et conscience. C'est
ce que j'ai dit à la procureure-chef
aujourd'hui et c'est ce qu'elle va répéter à ses procureurs, qu'elle
rencontrait à 3 heures, aujourd'hui.
Pour moi, c'est fondamental. C'est la raison de
ma présence à ce poste et c'est partagé par l'ensemble de mes procureurs. Lorsqu'il y a ce genre de situation,
ça crée énormément de pression chez les procureurs. Et eux, qui sont au travail, on doit les rassurer, on doit leur
dire : Continuez. On doit leur dire : N'écoutez pas ce qui se passe.
On doit leur dire : Travaillez dans un sous-marin. Et c'est ce que
je leur ai dit aujourd'hui.
Le
Président (M. Ouellette) : Oui, Me Murphy, vous nous aviez, effectivement, partagé les mêmes
préoccupations lors de votre passage devant cette commission le
12 novembre 2015. M. le député de La Prairie.
M. Merlini : Merci, M. le
Président. Pouvez-vous m'indiquer le temps qu'il me reste dans ce bloc?
Le Président (M. Ouellette) : Pas
grand-chose.
M. Merlini : Pas grand-chose.
Est-ce qu'on pourrait le reporter au bloc suivant?
Le Président (M. Ouellette) :
Quatre minutes.
M. Merlini :
Quatre minutes? O.K. Je vais commencer, je terminerai au prochain bloc.
J'aimerais aborder avec la ministre
et aussi avec la DPCP, parce qu'elle travaille sur le sujet que je veux
aborder, c'est-à-dire les délais en matière criminelle et pénale.
On le sait que, depuis février 2015, il y a des
articles qui rapportent les problématiques des délais en matière criminelle. Ces délais sont problématiques parce
que non seulement ils contribuent de façon inhérente à ce que
Me Murphy disait, une perte de
confiance du public, mais aussi des victimes envers le système de justice. Mais
ils ouvrent la porte à des requêtes
pour des arrêts de procédures. La ministre, dans ses remarques d'ouverture, a
fait référence à l'arrêt de la Cour suprême,
l'arrêt Jordan du 8 juillet 2016, pour lequel il y a eu un jugement donné
pour le délai entre le dépôt des accusations et la conclusion réelle ou
anticipée du procès et présumé déraisonnable, à moins de circonstances
exceptionnelles qui le justifient.
Maintenant, ce plafond, par cet arrêt, est fixé à 18 mois pour les
affaires instruites devant une cour provinciale et à 30 mois pour celles instruites devant une cour supérieure et
celles instruites devant une cour provinciale à l'issue d'une enquête
préliminaire.
Maintenant,
ce qu'il est important de noter, M. le Président, c'est que la ministre de la
Justice, qui est également Procureur
général ici, au Québec, n'a pas attendu cette décision pour agir dans le cas
des délais en matière criminelle et pénale.
Le 21 mars 2016, la ministre de la Justice a convoqué une rencontre de la
Table Justice-Québec. Alors, pour les gens qui nous écoutent, la Table
Justice-Québec, ça comprend les acteurs du système de justice, dont la
magistrature, le DPCP, le Barreau, les avocats de la défense et la Commission
des services juridiques.
Et leur
travail a amené à cerner les principales causes des longs délais en matière
criminelle, et j'en fais la liste parce qu'elles sont importantes pour
les gens qui nous écoutent pour bien comprendre la nature de ces problèmes :
la complexification des dossiers et de la communication de la preuve; la
gestion d'instances plus complète; les requêtes préliminaires en hausse; la gestion des mégaprocès; l'augmentation
importante du nombre de personnes se représentant seules ou présentant
des besoins particuliers; les enjeux liés à la communication entre les
intervenants du système judiciaire; la
culture des délais et des remises; les ressources insuffisantes, en particulier
les salles de cour, les procureurs et les
juges; le nombre important d'infractions en matière de conduite avec les
facultés affaiblies et contre l'administration de la justice; et la
technologie désuète.
• (16 h 10) •
Alors, suite
à cette rencontre-là, il y a eu un plan
d'action qui a été déposé le
30 septembre 2016 sur ces délais en matière criminelle et pénale et qui contenait 22 mesures issues de
cette concertation avec les acteurs de la table. Trois mois plus tard,
déjà la table se réunissait encore pour assurer un suivi de la mise en oeuvre
des mesures du plan d'action qui avait été déposé.
Et il y avait
déjà, à ce moment-là, six mesures du plan qui avaient été déjà réalisées, et je
les énumère pour la bonne compréhension
des gens qui nous écoutent aujourd'hui : lors des séances de gestion,
c'est d'encourager les admissions et la renonciation à la présentation de demandes
futiles ou dilatoires; la recherche de la production d'une expertise
commune lorsque cela est possible; favoriser
une plus grande mobilité des juges entre les différentes chambres et divisions
pour répondre aux plus grands besoins;
mettre en place un système de comparution par visioconférence entre
l'Établissement de détention de Montréal, qui est Bordeaux, et le palais de
justice de Montréal — la
ministre en a fait allusion dans ses remarques
d'ouverture; mettre en place un processus visant à mieux prévoir les besoins en
matière de sécurité pour les salles
d'audience au palais de justice de Montréal; évaluer les modes de négociation
en vue du règlement des accusations ou de débats juridiques devant les
juges à la retraite.
Alors, il y a
aussi eu un rapport d'un comité d'examen sur la gestion des mégaprocès. C'est
le DPCP qui a mis ce comité d'examen là en place, et, le même jour, la
ministre de la Justice a annoncé qu'elle avait demandé que le comité d'examen
formule également des recommandations sur la planification des ressources
judiciaires pour assurer la tenue des mégaprocès dans les délais raisonnables.
Et, comme mon délai est expiré...
Le
Président (M. Ouellette) : Nous aurons une question lors de votre prochain bloc, M. le député de
La Prairie. Merci de votre intervention. Mme la députée de Repentigny.
Mme Lavallée :
Merci beaucoup. Merci, Me Murphy. J'ai entendu votre déclaration à l'effet que
vous étiez à l'abri de toute
ingérence politique, et ça doit être votre travail et le travail de l'ensemble
des procureurs, on ne le met pas en doute.
Puis je pense que, dans ce qui se passe depuis plusieurs semaines, parce que ce
n'est pas seulement ce qui s'est passé ce
matin, cette crise-là affecte... On parle de partisanerie, mais je dirais que
cette crise-là majeure, de confiance affecte toute la classe politique, les gens qui travaillent au DPCP et tous les
enquêteurs et policiers qui travaillent avec sérieux dans leurs
dossiers.
Donc, il y a
des gens qui ont décidé d'apporter ces dossiers-là dans le débat public en
coulant des informations, et M. Francoeur,
ce matin, a fait la même chose parce que, de toute évidence, il n'a aucune
confiance en l'institution et au travail de certains, peut-être,
enquêteurs ou policiers. Donc, c'est l'instrument qu'il a utilisé actuellement.
Et ça, c'est inquiétant, puis je pense qu'on
doit se questionner, puis je suis certaine que vous devez vous questionner.
Malgré toutes les promesses que vous
avez faites au niveau de votre travail, on ne peut pas ne pas prendre en
considération le coulage qui se passe actuellement depuis plusieurs
semaines et depuis plusieurs mois.
Étant donné
qu'on amène ça dans le débat public et que les gens entendent... Ils nous
entendent, puis on est tous classés
de la même façon. Qu'est-ce que vous, vous êtes prête à faire? Qu'allez-vous
faire pour réinstaurer la confiance en l'institution? Parce qu'il y a
une crise de confiance actuellement, puis on ne peut pas la nier.
Mme Murphy (Annick) :
Écoutez...
Le Président (M. Ouellette) :
Me Murphy.
Mme Murphy (Annick) : Excusez,
M. le Président. Je répondrais spontanément que, pour la population, probablement que nos communications publiques
pourraient permettre, effectivement, de faire en sorte que la population
connaisse mieux notre travail. Si la
population connaît mieux notre travail... puis, si vous me permettez de le dire
gentiment, pas juste la population, les élus
également, s'ils connaissaient mieux notre travail et la façon dont nous
abordons les dossiers, la façon dont
nous rencontrons les victimes, comment nous faisons les analyses de dossiers,
probablement qu'il y aurait dans l'espace public peut-être moins de
questionnements.
Et vous m'amenez
à dire que toute notre réflexion, ma réflexion et celle de mes collègues qui
travaillent avec moi, en matière de communications publiques, nous
avons... en fait, nous élaborons présentement une communication particulière, qui serait différente de celle de
répondre simplement aux médias ou d'aller dans des entrevues, qui
serait, en fait, une invitation. Vous me permettez de le dire, nous pensons à
des tables, donc des cercles ou des portes ouvertes au DPCP, et il me ferait extrêmement plaisir de faire des invitations
aux parlementaires si les parlementaires désirent venir nous rencontrer dans un contexte qui nous
permettrait d'expliquer notre travail dans tous les domaines d'activité. Et
je pensais, entre autres, aux agressions
sexuelles, par exemple. Il y a eu énormément d'articles dans les médias, dans
les récents mois, récentes semaines, et notre conclusion à nous, c'est
qu'il y a une méconnaissance du travail qu'on fait et une méconnaissance de la
façon dont nous travaillons, et moi, je pense que ça passerait par là.
Si vous me
permettez, je voudrais dire une chose que je n'ai peut-être pas dite tantôt
relativement au dossier, il y a une
différence entre le dossier — appelons-le le dossier de l'UPAC, là — qui a coulé dans les médias il y a quelques
jours et le dossier dont M. Francoeur
discutait ce matin. Dans le cas de l'UPAC, tout le monde a été à même de
constater qu'il y a effectivement une enquête, puis ça m'amène à dire
que M. Boisvert, quant à moi, Yves Boisvert, de La Presse,
a très bien résumé la situation. Il est
difficile de dire qu'on ne travaille pas de façon indépendante quand il y a
effectivement des enquêtes qui se passent.
Ce n'est pas parce que les parlementaires ne le savaient pas qu'il y a un
drame, c'est que l'enquête se faisait. Ceci étant dit, le jour où on
aura cette enquête à étudier ou ce dossier, nous allons l'étudier comme tout
autre dossier.
Et c'est toujours difficile de rappeler ce genre
de chose pour affirmer notre crédibilité, mais nous avons, tout de même, porté
des accusations contre Mme Normandeau, contre M. Marc-Yvan Côté et
d'autres. Et je n'aime pas faire ça parce
que je pense que la crédibilité du DPCP ne passe pas par les accusations qu'il
porte, mais par le travail qu'ils font. Mais je dois, tout de même, dire
qu'il est difficile pour nous de voir et de s'entendre dire ce que nous nous
entendons dire présentement.
Ceci étant dit, c'est le
dossier de l'UPAC. Mais M. Francoeur, c'est autre chose. Parce que la
couleur de ce dossier-là, je ne l'ai pas vue, et c'est la raison pour laquelle
je l'invitais tantôt... mais je vais le faire par écrit, je vais l'inviter à me
soumettre ce dossier-là. Et, vous savez, les dossiers... si ce dossier-là...
par hypothèse, si nous avons eu ce
dossier-là, que nous l'avons analysé et refusé, M. Francoeur sait très
bien, à titre de policier, que les dossiers d'enquête ne sont jamais fermés à vie. N'importe quel dossier
d'enquête peut être réouvert, réévalué et réétudié. Et ça,
M. Francoeur le sait, et d'où mon étonnement supplémentaire par les propos
que nous avons entendus ce matin.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci. Mme la députée de Repentigny.
Mme Lavallée :
Oui. Je comprends ce que vous dites. Puis, au-delà d'expliquer votre travail,
actuellement c'est vraiment une crise
de confiance qui est majeure. M. Francoeur, il allègue des choses, puis il
a fait le choix ce matin de ne pas aller
au DPCP, mais d'aller dans l'espace public. Donc, il y a une crise de
confiance. C'est que, pour lui, s'il a fait ce choix-là, c'est qu'il n'a pas confiance qu'il va être
écouté, puis il a l'impression qu'il y a des blocages actuellement. Donc,
c'est sûr qu'à mon avis, si vous l'invitez... Comme le député de
Marguerite-Bourgeoys dit, qu'il devrait aller à l'UPAC, il n'ira pas, à mon avis,
parce qu'il n'a pas fait ce choix-là.
Mais la
population qui regarde ça, elle, elle se questionne, dire : Comment je
peux faire confiance? Parce qu'il faut faire
confiance en notre institution, là, sinon on ne tient plus. Comment, comme
organisation, vous pouvez ramener cette confiance-là puis dire que, ces allégations-là, il faut... Parce que ou
c'est vrai ou ce n'est pas vrai. Si c'est vrai, il faut agir. Si ce
n'est pas vrai, bien là il faut le dire, mais il faut le dire dans l'espace
public. Comment on fait pour rétablir cette confiance-là puis intervenir dans
ces dossiers-là, dire : Il a raison ou il n'a pas raison, puis agir? Mais
il n'a pas fait le choix d'aller vous parler, ça, c'est sûr.
• (16 h 20) •
Mme Murphy
(Annick) : Écoutez, le DPCP ne répond pas à des rumeurs ou n'analyse
pas des rumeurs. Le DPCP analyse des
dossiers, des dossiers qu'on lui présente.
M. Francoeur n'a pas parlé ce matin de dossier, il a invoqué, il a énuméré des faits, il a énuméré des circonstances,
une situation dont je n'ai pas connaissance, dont ma procureure
en chef n'a pas connaissance. Alors,
lorsque nous aurons le dossier... Et, encore une fois, j'invite toute personne
qui aurait pu parler par personne interposée, comme dit
M. Francoeur dans ses propos... j'invite toutes ces personnes-là à ou
repasser par M. Francoeur ou
m'interpeler directement. Nous allons agir, et c'est ce que nous faisons.
C'est la fonction du Directeur des poursuites criminelles et pénales, et
nous sommes fiers de cette fonction-là.
Alors, nous
analysons des dossiers qu'on nous présente. Nous ne créons pas de dossiers
d'enquête, nous recevons les dossiers
que les policiers nous présentent. Et, si ce dossier existe, encore une fois, et comme je le disais, si jamais
il est vrai que ce dossier, nous l'avons déjà
analysé, ce que je ne sais pas au
moment où on se parle, bien, nous
allons le regarder de nouveau, et il
me fera plaisir de mettre mes procureurs expérimentés dans l'analyse de ces
dossiers-là. Mais, encore une fois, il faut en voir la couleur. Et je
répète que je m'étonne que M. Francoeur soulève ce truc-là cinq ans plus
tard. Pendant cinq ans, nous n'avons pas entendu parler de cette chose-là.
Alors, je le répète, nous allons étudier le dossier s'il nous est présenté.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
la ministre, en complémentaire.
Mme Vallée : M. le
Président, suite à...
Le Président (M. Ouellette) :
Juste avant, Mme la députée, ce sera sur mon temps, là.
Mme Vallée : C'est parce
que ce que la députée de Repentigny a allégué, c'est important et ce n'est pas
sans conséquence. Elle laisse sous-entendre
une crise de confiance à l'égard du DPCP et de l'UPAC. Pour que justice soit
rendue au Québec, il faut s'adresser aux
institutions. Le tribunal populaire, ce n'est pas la base de
notre démocratie. Alors, si
les faits allégués sont fondés, on invite
fortement celui qui a utilisé les médias pour véhiculer un message à utiliser
la voie de nos institutions, qui sont là justement pour faire la lumière
sur de telles allégations.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci. Mme la députée de Repentigny.
Mme Lavallée : Je veux juste
revenir, je n'ai pas mis en doute... La crise de confiance est envers la classe
politique, on est tous affectés. C'est ce
que j'ai dit tout à l'heure. Tout le monde est affecté par la crise de
confiance, la classe politique, le
DPCP, le travail des policiers et des enquêteurs. C'est tout le monde. Je n'ai
pas attaqué personne. Ce que je dis, c'est
qu'à partir du moment où c'est dans l'espace public il faut être capable de
répondre dans l'espace public parce qu'il y a des gens qui coulent
l'information puis qui ont décidé qu'ils régleraient ça dans l'espace public.
Comment on fait pour rétablir cette confiance-là? C'est ce que je dis.
Maintenant, si M. Francoeur vous parle et
vous explique qu'est-ce qui en est de ce dossier-là, est-ce que vous promettez de faire un compte rendu public de cette
conversation-là pour rétablir la confiance au niveau du public, de ceux
qui nous écoutent actuellement?
Le Président (M. Ouellette) :
Pas besoin de le promettre, Mme la députée de Repentigny, c'est la façon de procéder du DPCP. Depuis qu'on l'a reçu le
12 novembre 2015, il y a une nouvelle façon de procéder qui a été
instaurée d'avoir des communications publiques sur tous les dossiers qui sont
transmis au DPCP.
Mme Lavallée :
Oui, oui, mais je veux qu'elle le dise, c'est tout.
Le Président (M. Ouellette) :
Me Murphy.
Mme Murphy (Annick) : Oui. En
fait, je promets même d'informer le public si M. Francoeur me contacte. Ensuite, on fera notre travail et, ensuite, on
informera la population. Et faire notre travail... Je le dis tout de suite, là,
il y a des dossiers qui prennent du temps.
C'est pour ça que je disais tantôt qu'il faudrait que les gens connaissent le
travail, ce que ça implique d'étudier un
dossier quand on est un procureur. Ce n'est pas parce que M. Francoeur
émet ces propos qu'on peut autoriser
demain matin, vous savez. Alors, que M. Francoeur nous apporte le dossier,
je vous promets solennellement que je vais le dire publiquement, et
ensuite on en fera l'analyse, et ensuite on publiera notre communiqué, une communication publique. On a plusieurs façons
maintenant de communiquer publiquement et on va le faire de
plus en plus. C'est notre intention
et c'est toujours dans le but que les gens comprennent de mieux en mieux et de plus en plus le
travail que nous faisons parce que, parfois, c'est quand on ne sait pas que des
allégations comme celles-là peuvent se faire.
Je voudrais juste dire une chose aussi. Je l'ai
déjà dite, cette chose-là, la norme — et parfois ça impatiente les
policiers, vous le savez probablement, M. le Président, mieux que moi — pour
un policier, c'est d'avoir des motifs raisonnables
et probables. Pour un procureur, ce n'est vraiment pas assez. Vous savez, un
procureur doit être convaincu, raisonnablement convaincu qu'il pourra en
faire la preuve hors de tout doute raisonnable. Et ça crée énormément de frustrations chez les policiers, j'en conviens,
mais c'est la norme, parce qu'on a tous choisi ici de vivre dans une
société où on ne veut pas trouver coupable
un innocent. Et, pour ça, ça prend des règles, ça prend des normes, ça prend de
la rigueur. Et c'est ce que nous
avons au DPCP, et c'est ce que nous voulons. Et, en fait, nous insistons sur ça
parce que c'est le gage de la justice, en fait, au bout du compte.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, Me Murphy. Mme la députée de Repentigny.
Mme Lavallée : Beaucoup de
temps?
Le Président (M. Ouellette) :
Il vous reste cinq minutes.
Mme Lavallée :
Cinq minutes. Pour revenir, justement, aux dossiers qui semblent être à la
traîne un petit peu, là, le 13 novembre
2015, dans les médias, on relevait qu'une demi-douzaine de dossiers d'enquêtes
terminées depuis plusieurs mois par
les enquêteurs de l'UPAC dormaient au bureau du DPCP sans qu'une décision n'ait
été prise de déposer ou non des accusations. Dans ces dossiers, deux
touchaient le financement du Parti libéral. Donc, vous voyez qu'on parle de 2015, ça revient, c'est toujours là. C'est comme
si on pellette en avant, puis il n'y a comme jamais rien de clair, il
n'y a jamais rien de réglé. Et c'est pour ça
qu'on revient toujours là-dessus, puis il faut que, pour la population qui nous
écoute, il n'y ait pas l'impression qu'on
leur cache quelque chose. Puis, en 2015, c'était déjà là, puis vous aviez
mentionné que tout le monde
travaillait de façon pressante, mais c'est encore des dossiers qui étaient...
Bon, on parlait du financement du Parti libéral. Cette semaine, on parle
de l'ex-premier ministre avec M. Bibeau. Ce matin, M. Francoeur.
C'est toujours latent, puis c'est ce qui contamine l'atmosphère, puis c'est ce
qui contamine cette confiance-là qu'on peut avoir.
Le
Président (M. Ouellette) : Vous faites référence à quoi, Mme
la députée de Repentigny, dans ce que vous venez
de nous lire?
Mme Lavallée : C'est un article
de Denis Lessard dans La Presse, le 13 novembre 2015.
Le Président (M. Ouellette) :
Le lendemain de votre comparution, Me Murphy, devant la Commission des
institutions.
Mme Murphy
(Annick) : Oui. Oui, M. le Président, il s'agit du dossier que nous
avons finalement autorisé, qui est l'enquête
qui concerne Mme Normandeau. Et je me rappelle très bien d'avoir dit dans
cette enceinte — et ça,
je pense que c'est important — l'étude d'un dossier prend énormément de
temps, c'est-à-dire quand on parle de dossiers de cette nature-là.
Alors, je me rappelle avoir dit qu'il n'y avait pas de dossiers qui dormaient
sur le bureau des procureurs parce que ça
n'avait été relaté que de cette manière-là dans les médias. C'est encore la
même chose aujourd'hui, il n'y a pas de
dossiers qui traînent sur les bureaux des procureurs, il y a des procureurs qui
sont au travail dans les différents dossiers, et vous en avez vu
énormément.
On parle
toujours de certains dossiers, mais on ne parle jamais des dossiers qui
réussissent. Et, encore une fois, je ne suis jamais à l'aise de faire ma
crédibilité ou la crédibilité du DPCP sur les dossiers que nous avons, mais je
vous rappellerais le dossier de
M. Vaillancourt, le dossier de M. Applebaum, le dossier de... Tous
les dossiers que vous avez vus dans les médias, dans les derniers mois,
bien, c'est le Directeur des poursuites criminelles et pénales qui étudie les
dossiers et qui prend des poursuites. Et je vous rappellerais également que
nous autorisons, bon an, mal an, 100 000 dossiers
par année. 100 000 dossiers par année à plus ou moins
500 procureurs demandent énormément de travail pour chacun des procureurs. Alors, il faut avoir
ça à l'esprit. Il faut avoir à l'esprit que les procureurs étudient les
dossiers qui leur sont présentés par les policiers et que des dossiers
d'envergure comme ceux dont vous parlez prennent du temps d'analyse.
• (16 h 30) •
Vous
savez, on parle de téraoctets de preuve, hein? Vous savez qu'on parle de
dossiers qui, si toute la preuve était dans
des boîtes, il n'y aurait pas suffisamment de place dans cette salle. Alors, ça
ne s'étudie pas en claquant du doigt. Et, non, il n'y a pas d'intervention politique dans les dossiers. Non, il
n'y a pas d'intervention politique dans les dossiers.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Me Murphy. Mme la députée de Repentigny.
Mme Lavallée : Il me reste combien
de temps?
Le Président (M. Ouellette) : Il
vous reste 30 secondes pour un dernier commentaire.
Mme Lavallée : On va le rajouter.
Le
Président (M. Ouellette) :
On va le reporter sur votre prochain bloc. Avant de retourner à Mme la députée de Vaudreuil, on s'en va à... Ah! non, non, non, M. le député de La Prairie, vous en étiez à votre commentaire, et je
pense que votre commentaire va déboucher sur une question. M. le député de La Prairie.
M.
Merlini : Tout à fait. Tout à fait, M. le Président. J'ai écouté avec grande attention ce que Me
Murphy disait, et on voit l'importance qu'un dossier qui arrive au DPCP
soit complet, que ce n'est pas quelque chose comme un plat qu'on met au micro-ondes, et, deux minutes après,
c'est prêt, on peut faire des accusations, on peut porter ça comme ça.
D'ailleurs,
c'est le rapport de Me Michel Bouchard qui en faisait une recommandation en ce
sens-là, et j'aimerais savoir... Et
vous l'avez illustré d'une certaine façon, plus tôt, avant que mon collègue de
LaFontaine vous ait posé des questions, l'importance d'avoir ces
dossiers-là, mais qu'est-ce que ça signifie vraiment pour le DPCP de faire
cette chose-là? Vous avez fait l'allusion
tantôt à l'anecdote du sous-marin, et j'aimerais que vous élaboriez un peu plus là-dessus,
là, s'il
vous plaît, parce que
ça fait partie du sujet que je veux aborder. Et j'ai d'autres questions aussi
pour la ministre que vous pourriez également
ajouter en complémentaire à la réponse parce
qu'il y a des sujets qui sont quand même reliés, là, j'ai des questions
reliées aux délais en matière criminelle et pénale.
Le Président (M. Ouellette) : Me
Murphy.
Mme Murphy (Annick) : Si vous me
permettez, M. le Président, juste pour bien comprendre votre question, vous
voulez savoir comment, en fait, on reçoit un dossier policier puis quelles sont
les exigences que nous avons, par exemple, ou...
M. Merlini : Vraiment, vraiment de
saisir l'importance que le dossier soit complet.
Mme Murphy
(Annick) : Complet. Écoutez, cette importance-là est devenue encore
plus évidente depuis l'arrêt Jordan.
Et je vais revenir juste un petit peu en arrière — puis c'est des propos aussi que j'avais déjà
eus dans cette enceinte dans les
années passées — on nous
a beaucoup reproché, au Directeur des poursuites criminelles et pénales,
d'avoir de la difficulté dans ce
qu'on appelle la divulgation de la preuve. Alors, vous savez que nous avons
l'obligation constitutionnelle de
divulguer toute la preuve pertinente à la défense. Ce qui se passait
régulièrement, c'est que les dossiers, au moment où on les autorisait — je parle d'une époque révolue aujourd'hui — ne contenaient peut-être pas toute la
preuve, et ça faisait en sorte qu'au
courant du processus judiciaire il y avait des requêtes après requêtes pour
obtenir toutes sortes d'informations qui
n'avaient pas été remises. Ceci provoquait énormément de délais, beaucoup
d'insatisfaction, avec raison, de la part de nos collègues, de la part de la magistrature, etc. Alors, nous avons
décidé de prendre ce problème chez nous en charge et nous avons mis au travail nos experts en matière
de divulgation de la preuve, qui commencent une formation la semaine prochaine — et j'y serai — la semaine prochaine, une formation en
matière de divulgation de la preuve, une formation extrêmement pointue
qui va s'adresser à l'ensemble des procureurs qui oeuvrent au Québec.
Ceci,
maintenant, étant dit, depuis Jordan, vous savez que le délai commence à courir
à partir du moment où la dénonciation
est déposée, et que ce soit pour une période de 18 mois ou pour une période de
30 mois selon si le dossier
est à la Cour du Québec...
Une voix : ...
Mme Murphy
(Annick) : Selon la juridiction, merci. Alors, 18 mois ou 30 mois s'il
y a une enquête préliminaire. Donc, il n'est plus approprié, en fait,
d'avoir des dossiers, au moment de l'autorisation, qui ne sont plus complets.
Et ça aussi, c'est un peu une source
d'insatisfaction chez les policiers présentement, bien qu'on leur a expliqué,
bien que les procureurs-chefs ont rencontré les corps de police de leur
région. Nous avons rencontré la Sûreté du Québec, le SPVM pour expliquer que dorénavant, pour autoriser un dossier, celui-ci
devait contenir toute la preuve nécessaire. Alors, évidemment, il y a des ajustements qui doivent se
faire de la part des policiers, mais les dossiers doivent donc être
complets.
Ceci était également une demande qui avait été,
je pense, dans une des recommandations ou, en tout cas, au rapport de M.
Bouchard et au Bureau de la grande criminalité, depuis le jour 1 au Bureau de
la grande criminalité, c'est-à-dire en décembre, je pense, 2015, le jour 1 de
la grande criminalité. C'est la façon dont ils procèdent, donc, et M. Lafrenière, M. Prud'homme sont tous bien au
fait de ça. Donc, les dossiers, d'abord, pour qu'ils soient analysés,
doivent être complets et organisés.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de La Prairie.
M.
Merlini : Merci beaucoup, M. le Président. Encore
une fois, comme je disais au début de
mon intervention, la ministre, n'ayant pas attendu l'arrêt Jordan pour
agir, elle a annoncé en décembre dernier une stratégie d'action qui prévoit des investissements de plus de 175 millions
de dollars sur une période de quatre ans et des actions à court et à
moyen terme pour, justement, travailler sur les délais en matière de justice
criminelle et pénale et, en mars dernier, en mars 2017, avec le ministre de la
Sécurité publique, a fait un bilan de
ce que ces investissements ont déjà amené. C'est-à-dire elle a annoncé que 16 nouveaux juges à la Cour du Québec ont été nommés, 52 nouveaux procureurs aux poursuites criminelles
et pénales ont été embauchés et qu'il y
avait des nouvelles salles à Montréal et à Laval qui étaient maintenant
opérationnelles. Donc, ça a un effet concret sur le nombre de dossiers
qui seront traités.
Maintenant, il y a une autre chose qui a été
annoncée le 9 janvier dernier, c'est un bureau de coordination gouvernementale
pour assurer le suivi de la mise en oeuvre de cette stratégie d'action gouvernementale.
J'aimerais demander à la ministre exactement quel en est son rôle et qu'a-t-il
fait jusqu'à présent, ce bureau de coordination gouvernementale.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
• (16 h 40) •
Mme Vallée : Merci,
M. le Président. Je remercie le
collègue de sa question parce que ça aussi, ça semble avoir fait couler de l'encre et suscité certains
questionnements. Vous savez, s'attaquer de front à l'enjeu des délais dans
notre système de justice, ça nous
amène à travailler avec plusieurs intervenants, des intervenants qui ont, à
l'intérieur de leur état, une indépendance.
Me Murphy et l'équipe du Directeur
des poursuites criminelles et pénales
est l'un de ces intervenants. La magistrature
en est un autre. Nous avons le Barreau, nous avons les associations de procureurs. Le travail de coordination, il est important.
Considérant que nous avions ciblé cet enjeu-là
comme étant une priorité, on a mis en place ce bureau de coordination, qui est dirigé par Me Denis
Marsolais, ancien sous-ministre aux Transports, ancien sous-ministre à la Sécurité publique,
ancien sous-ministre à la Justice, bref quelqu'un d'une grande expérience de
l'appareil gouvernemental, qui dirige
les équipes pour, d'une part, mettre en oeuvre notre stratégie
d'action... Parce que ce qui a été annoncé en décembre, ça commandait quand
même des efforts substantiels de la part des équipes du ministère de la Justice,
de la part des équipes du ministre de la Sécurité publique, de la part de la magistrature, de la part du Directeur des poursuites criminelles et pénales. Parce qu'on l'oublie, là, mais il y a tout le vent médiatique, mais il
y a aussi... sur le terrain, il y a eu beaucoup de travail pour
recruter, pour aller rechercher les équipes de procureurs, le personnel supplémentaire
pour permettre de traiter les dossiers plus rapidement.
Alors, le
bureau de coordination a comme objectif vraiment de faire le suivi régulier de
la stratégie, la mise en oeuvre du rapport Bouchard et également d'en
arriver à une deuxième étape qui est celle de moderniser aussi notre système de
justice parce que l'utilisation de nos ressources technologiques,
informatiques, elle est nécessaire. Pour pouvoir mieux traiter nos dossiers,
être plus efficaces et efficients, nous avons besoin d'améliorer nos façons de
faire du côté technologique.
Alors, Me
Marsolais est arrivé en poste en début janvier. Il relève évidemment
du ministère du Conseil
exécutif, comme l'ensemble des sous-ministres par ailleurs, et voit à assurer
la coordination de ces actions-là, ce qui permet à Me Lynch, ma sous-ministre, de
plancher sur tous les autres dossiers aussi qui relèvent du ministère de la
Justice et de travailler en étroite collaboration avec Me Marsolais. Il
y a évidemment une équipe, petite équipe fort efficace, qui accompagne Me
Marsolais. Donc, on a des gens et on y retrouve des gens du ministère de la
Justice, du DPCP et du ministère de la Sécurité publique parce que le plan d'action,
il est transversal.
Il y a eu, le 22 mars, une consultation des partenaires, une consultation supplémentaire des partenaires mise en
place par le bureau de coordination pour
amener des solutions à la modernisation de la justice. Il y a
eu, le 28 mars, un forum sur la modernisation de la justice. Alors, les
principaux partenaires du système de justice, 34 représentants, ont échangé sur les enjeux qui sont rencontrés dans le cadre
du processus judiciaire. Et évidemment, suite au forum, il y aura aussi un plan
d'action qui va en découler sur des solutions pérennes de nature un peu plus
administrative. Et, évidemment, on travaille sur l'implantation de projets
technologiques qui sont nécessaires à la modernisation de la justice.
Donc, en
gros, ce sont les principaux champs d'intervention du bureau, et, évidemment, le travail qui est mené par Me
Marsolais et son équipe est fort utile, puisque le chantier, il est vaste. Je
le mentionnais, changer nos pratiques dans le milieu de la justice, ça commande une volonté soutenue. Il faut garder
le rythme, il ne faut pas baisser les bras. C'est trop facile, une fois que nous avons atteint certains
objectifs, de dire : Bien, les objectifs de recrutement, par exemple, sont atteints. Et non, il faut aller plus loin, et il faut éviter qu'on ne
revienne à des situations où les délais de traitement sont très
longs. C'est toute la confiance dans notre système de justice qui commande ces
interventions-là, qui commande ces investissements et qui commande qu'on suive
le dossier de très près.
Et, évidemment, à ça s'ajoute le travail qui est mené par les partenaires de la Table
Justice parce qu'on poursuit évidemment, de façon quand même régulière et assidue, le travail en collaboration avec la magistrature et les échanges, parce que la Table Justice est
un outil de mobilisation sans précédent. Je pense que rarement, au Québec,
on a vu le milieu judiciaire
s'engager ensemble de façon soutenue pour atteindre des objectifs et établir
des objectifs tout en respectant, évidemment, l'indépendance de chaque institution. Mais il y a vraiment eu un vent de changement qui a soufflé sur
le système de justice. Nonobstant ce qui peut être véhiculé ici, en cette
Assemblée, je le sens, je le vois. Et, oui, on aura toujours nos défis puis on
doit continuer de s'en occuper, mais il
y a quand même eu des actions sans
précédent qui ont été posées au cours de la dernière année.
Le
Président (M. Ouellette) : M. le député de La Prairie.
M. Merlini :
Merci beaucoup, M. le Président. Effectivement, il y a encore des défis qui
restent en matière criminelle et pénale,
c'est aussi le fait que nous attendons la nomination de juges à la Cour supérieure, il y a 14 postes qui sont présentement vacants.
Alors, pouvez-vous nous donner une mise à jour de la situation et qu'est-ce qui
retarde la nomination de ces 14 juges pour effectivement, encore une fois,
aider à diminuer et, voire, éliminer ces délais?
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
Vous savez, la nomination des 14 juges à la Cour supérieure relève du
gouvernement fédéral. Pour les gens qui sont plus ou moins familiers avec le
système de justice, c'est à la Cour supérieure que les dossiers criminels les plus importants sont traités. Les dossiers de meurtre, les gros
dossiers d'agression sexuelle, c'est à la Cour supérieure qu'ils sont
entendus, pour la plupart. Le gros volume à la Cour supérieure, il est dans
l'ouest du Québec, particulièrement dans le district de Montréal.
L'automne
passé, le juge Fournier nous sensibilisait — le juge
en chef de la Cour supérieure — aux défis auxquels il était confronté. Ce n'est pas d'hier qu'on
demande des ajouts de ressources. Notre collègue le leader
parlementaire, alors qu'il occupait les fonctions que j'occupe actuellement,
avait modifié la Loi sur les tribunaux judiciaires en 2011 pour ajouter des
postes de juges. De ces postes-là, trois n'ont jamais été comblés. Puis, vous
savez, petite statistique, si ces trois
postes-là avaient été comblés à l'époque, on a évalué à plus ou moins 100
dossiers devant jury qui auraient pu procéder entre 2012 et 2017,
environ. C'est estimé, une figure, 100 procès devant jury. C'est beaucoup.
C'est énorme.
Alors,
ce soir, après l'étude des crédits, je me sauve rapidement avec les équipes et
on se dirige vers Gatineau non pas
pour la fin de semaine, mais pour travailler dans le cadre de la rencontre
fédérale-provinciale-territoriale des ministres de la Justice qui aura lieu demain. Et je vais maintenir mes échanges
avec mon homologue parce que je coprésiderai la table.
Vous
savez, le ministère fédéral de la Justice a changé le processus de nomination
des juges. Il l'a fait au cours de la dernière
année, ça a ralenti beaucoup. Maintenant, si ma collègue est capable de
s'engager à court terme pour me donner un échéancier de nomination, ce sera important, mais je m'attends aussi
qu'elle reconnaisse nos 14 postes, pas seulement que six parce que nous
avons ici, en cette Assemblée, avec la collaboration de la Cour supérieure,
avec la collaboration des équipes du
ministère de la Justice, avec la collaboration du DPCP, établi nos besoins.
Parce qu'il relève de l'administration de la justice d'établir les
besoins en matière de justice, et ils ont été établis de façon objective, de
façon rigoureuse et sérieuse. Maintenant, je m'attends que, du côté du
gouvernement fédéral, on reconnaisse ces besoins et qu'on voie rapidement à les
combler.
Au-delà
de ça, aussi on attend et nous attendons que le ministère fédéral de la Justice
apporte des amendements au Code criminel parce qu'il y a des amendements
législatifs qui sont attendus. On y travaille, on en discute depuis déjà quelques années autour de la table FPT.
Maintenant, à court terme, il faudrait s'engager, se donner aussi un
échéancier pour permettre de donner de
l'oxygène au système. Le rapport Bouchard, on en parle beaucoup, fait aussi
état de modifications au Code criminel qui pourraient s'avérer fort
utiles, notamment pour la gestion d'instances. Merci.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon : Oui. Je voudrais simplement revenir sur la question
de respecter et protéger nos institutions. Parce que je pense qu'ici on croit tous profondément à nos institutions, mais,
quand il y a des faits aussi troublants que ceux de cette semaine — et ce n'est pas la première fois, je vais y
revenir, concernant d'autres instances, d'autres événements — notre responsabilité à nous, comme
élus, c'est d'aller au fond des choses, c'est de poser ces questions-là.
Et
ce serait très grave qu'on veuille laisser entendre — je ne dis pas que c'est votre intention, je
le dis de manière générale — que nous ne devrions pas poser de questions
quand il y a des choses aussi graves que ce qui est dénoncé ou affirmé
ce matin par quelqu'un comme M. Francoeur, quand il y a du coulage comme ce
qu'on a vu cette semaine concernant
l'opération Mâchurer. Ce n'est pas nous qui avons fait le coulage, ce n'est pas
nous qui avons tenu les propos ce matin.
Mais nous, on a une responsabilité de montrer que, comme démocratie puis comme
élus, on prend ça au sérieux. Je pense
que c'est important de le rappeler parce que c'est comme... la ministre, dans
ses propos, puis d'autres intervenants, c'est comme si on n'avait pas le
droit de poser des questions. Mais ça serait l'inverse de protéger et de
respecter nos institutions de se mettre la
tête dans le sable quand des choses comme ça arrivent, je pense que c'est
important de le rappeler.
J'aimerais donc
savoir, puisque Me Murphy, vous nous dites que votre organisation, le DPCP, n'a
rien à se reprocher, est-ce que vous
estimez... Parce qu'évidemment il y a un malaise qui semble présent quand on voit
à répétition des informations qui sont transmises comme ça sur la place
publique, est-ce que vous estimez que l'obstruction vient des corps policiers?
Le Président (M.
Ouellette) : Me Murphy.
• (16 h 50) •
Mme Murphy
(Annick) : Non, ce n'est pas ce que je dis ou ce que j'estime. Non, je
pense qu'il y a là une mauvaise
compréhension. Vous savez, je suis tout
à fait d'accord que les questions se
posent, mais j'aimerais beaucoup que les
réponses s'entendent. Le DPCP, dans le contexte du coulage de l'UPAC, même si
vous me posez la question, je ne suis pas
enquêteur, je ne suis pas l'UPAC. L'UPAC procède actuellement — et je peux en parler, ils l'ont
confirmé — à
l'étude, M. Lafrenière l'a fait, ils sont
actuellement en cours d'enquête. Donc, je comprends que les élus soient
préoccupés par cette
question-là, ceci est à votre niveau. À notre niveau, comme poursuivant, nous
attendons le dossier. Je ne peux rien dire d'autre. Je ne peux rien dire
d'autre. C'est pour le dossier de l'UPAC.
Je vais revenir quant à M. Francoeur et répéter
que nous n'avons pas et nous ne savons pas de quoi il parle.
Mme
Hivon : Ce n'est
pas ça, ma question.
Une voix : ...
Mme
Hivon :
C'est beau. Ma question, c'était de savoir si vous estimez que l'obstruction ou
ce qu'on voit comme malaise avec les
fuites, avec les propos qui sont tenus pour la place publique... Ce n'est pas
rien parce que c'est des gens qui
sont au sein d'organisations qui font ces déclarations-là ou qui font ce
coulage-là. Alors, je vous demandais simplement si vous estimiez que
c'était plus un problème qui relevait des corps policiers. Je comprends que
vous préférez ne pas répondre à cette question-là.
Mme Murphy (Annick) : Non. Si vous
me permettez, M. le Président...
Le Président (M. Ouellette) : Me
Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : ...j'estime que c'est un problème dans les propos de M.
Francoeur ce matin. J'estime qu'on ne
peut pas dire quelque chose comme ça sans sérieusement le démontrer. Des
insinuations, on peut en faire, on peut en imaginer, et je suis certaine que tous, vous en avez en tête ici.
Mais M. Francoeur, ce matin, pour moi, il insinué des choses, il a fait des allégations qu'il n'a pas
démontrées. Et ce que je vous dis aujourd'hui, c'est que M. Francoeur
doit nous transmettre... et c'est lui qui
doit démontrer pour moi qu'il y a effectivement un dossier. C'est ce que je dis
aujourd'hui. Alors, lorsque nous verrons ce
dossier, nous allons, comme je le disais tantôt, vous l'annoncer, nous allons
l'étudier et nous allons ensuite
communiquer publiquement le résultat de cette étude-là. Je ne sais pas ce que
le DPCP peut dire de plus.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Me Murphy. Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon :
Merci. Je ne vous demandais pas de répéter, je vous demandais votre perception
par rapport à ces événements qui se
multiplient et qui sont excessivement graves, et excessivement troublants, et
pour lesquels on se doit, nous, comme opposition, de poser des
questions.
Avant
d'aborder un autre élément qui nous amène à ça, je voulais juste clarifier
quelque chose. Tantôt vous avez dit que,
pour le dossier de Mme Normandeau, vous n'aviez été ni informée ni consultée.
Est-ce que je dois en déduire que vous avez appris l'arrestation de Mme
Normandeau comme nous tous le matin où elle a été arrêtée?
Le Président (M. Ouellette) : Du
budget. Madame...
Mme Murphy (Annick) : Si vous
permettez, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Me
Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Oui. Si vous me permettez, M. le Président, je suis
informée et je ne suis pas consultée. Il y a une différence entre les
deux. Bien entendu que je suis informée de ce que les procureurs font.
Peut-être pas les 100 000 dossiers, là, qu'on autorise par année, mais les
dossiers d'envergure, j'en suis certainement informée. Je suis informée de l'ensemble des dossiers qui sont
traités au Bureau de la grande criminalité. Est-ce que je suis consultée?
Non. Je peux vous dire tout de suite
pourquoi, parce que je ne fais pas d'analyse de dossiers. Si je faisais une
analyse du dossier, je pourrais être
consultée. La Directrice des poursuites criminelles et pénales, vous
comprendrez, ne fait pas d'analyse de dossiers. Alors, je peux discuter
avec mes procureurs en chef, mais je ne fais pas d'analyse de dossiers.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Me Murphy. Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon :
Puis, juste pour notre compréhension, parce que vous avez dit à juste titre
qu'une compréhension mutuelle était
toujours à chercher, combien de temps avant vous pouvez être informée dans un
dossier d'envergure comme celui-là, par exemple?
Le Président (M. Ouellette) : Me
Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Je peux être informée très longtemps, très longtemps avant
le dépôt des accusations, certainement.
Et c'est également discuté, là, dans le rapport de M. Bouchard, c'est même
suggéré très fortement que les procureurs
soient appelés à donner du conseil en enquête dès le début de l'enquête. C'est
la recommandation de M. Bouchard, ça n'a pas toujours été le cas.
Parfois, les enquêtes roulent, se développent sans que des procureurs ne soient
appelés pour donner des avis ou des opinions. Mais une des recommandations de
M. Bouchard, c'est que les procureurs soient
appelés en tout début d'enquête pour conseiller les agents de la paix. C'est
d'ailleurs prévu dans notre loi, la Loi sur le DPCP, que nous pouvons faire
une telle chose.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, Me Murphy. Merci. Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon :
Bien, justement, si je prends l'exemple du dossier Mâchurer, dont on a entendu
un peu parler cette semaine, je
comprends que vous avez confirmé tout à l'heure que ce dossier-là était
toujours, donc, à l'UPAC et qu'il n'avait
pas été transmis au DPCP. Mais, puisque vous nous avez souvent expliqué qu'il y
avait, bien sûr, des procureurs qui étaient
impliqués dans ces dossiers-là, ce n'était pas comme si, du jour au lendemain,
c'était sur le bureau de la police et, du jour au lendemain, sur le
bureau des procureurs, est-ce que vous pouvez nous dire combien il y a de
procureurs du DPCP qui travaillent en étroite collaboration avec les enquêteurs
sur ce dossier-là?
Mme Murphy (Annick) : Nous faisons
du conseil en enquête présentement. Je peux vous dire qu'il y a un procureur et
une procureure-chef adjointe...
Mme
Hivon : Qui sont
sur ce dossier-là?
Mme Murphy (Annick) : ...qui sont
sur ce dossier-là. Mais je...
Mme
Hivon :
Est-ce que vous avez un horizon de temps où vous pensez que ce dossier-là va
être transféré au DPCP, où l'enquête va être terminée?
Mme Murphy
(Annick) : M. Lafrenière parlait d'avant Noël, si je ne m'abuse. Je
l'ai entendu dans les médias, je n'en sais pas plus. Tant de choses
peuvent survenir dans le cours d'une enquête, je ne peux pas en dire plus.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Joliette.
Mme
Hivon :
Merci. Suivant la logique de tout à l'heure, où vous nous avez dit que ce
n'était pas deux poids, deux mesures
de pouvoir savoir si certains dossiers étaient chez vous, mais que c'était plus
le fil des événements qui fait que, des fois, il y a des dossiers qui sont publicisés et que, donc, vous êtes
appelée à commenter ou la police va dire que le dossier rentre chez vous, est-ce que vous allez être en
mesure, pour le dossier Mâchurer, de dire publiquement quand le dossier
va être rendu pour analyse au DPCP?
Mme Murphy (Annick) : Oui, c'est ce
que je... Vous me parlez de Mâchurer?
Mme
Hivon : Oui,
Mâchurer.
Mme Murphy (Annick) : Ah oui! Cette
situation-là n'est pas un problème pour moi, là, ça a été annoncé publiquement. M. Lafrenière a émis un communiqué.
Il n'a pas nié qu'il était en processus d'enquête, alors, qu'il allait
nous transmettre le dossier lorsque
l'enquête serait terminée. Alors, absolument, ça correspond aux lignes
directrices que nous nous sommes
données en 2015, je pense, là, et évidemment lorsque la demande d'intenter des
procédures sera déposée, on se comprend, là.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Joliette.
Mme
Hivon :
Donc, je comprends que, quand le dossier va être formellement transféré chez
vous, vous allez le dire publiquement dans le cas de Mâchurer?
Mme Murphy (Annick) : Lorsque le
dossier sera déposé chez nous, je préférerais dire : Lorsque la demande d'intenter des procédures des policiers sera
déposée chez nous, oui, je n'ai pas d'objection à rendre public, là, le
transfert. Probablement que M. Lafrenière le fera aussi.
Mme
Hivon :
Mais vous comprenez que, d'un point de vue d'observateur, ça apparaît particulier.
Moi, je salue les efforts de
transparence, mais, à partir du moment où un dossier fait l'objet d'une fuite,
là on a l'heure juste, on sait quand il va être transmis au DPCP, quand le DPCP le reçoit pour analyse. Quand un
dossier ne fait pas l'objet de fuite, n'est pas discuté sur la place
publique, on vous pose des questions précises sur des faits, sur des enjeux, et
vous ne pouvez pas répondre. Donc, vous
comprenez qu'il y a comme une distorsion dans le système qui est loin d'aider à
réduire les fuites.
Le Président (M. Ouellette) : Me
Murphy.
• (17 heures) •
Mme Murphy
(Annick) : Oui, M. le Président. Les enquêtes sont, en principe,
confidentielles, vous savez, pour toutes sortes de bonnes raisons. Et,
comme je le disais tantôt, je comprends votre préoccupation comme citoyenne ou comme parlementaire. Je le comprends, mais, par
ailleurs, quand je disais que vous devez aussi comprendre et entendre ce
qu'on dit parfois, lorsque les enquêtes...
Vous savez, présentement, je ne veux pas parler pour M. Lafrenière, mais
c'est certain que ça a des effets dans l'enquête. Il est certain de ça, M.
Lafrenière aura la chance certainement de répondre.
Alors donc, je comprends, comme citoyen, mais,
quand il y a des enquêtes en cours avec des enjeux aussi importants ou des
enjeux moins importants, c'est la confidentialité. Il y a des privilèges reliés
aux enquêtes en cours. Et c'est un privilège, on ne
transmet pas cette information. Mais, maintenant que l'information était
publique, vous comprendrez avec moi qu'il
serait un peu particulier de ma part
de nier le fait qu'il y a certainement cette enquête et nier le fait qu'on va nous transmettre le dossier. Mais le
Directeur des poursuites criminelles et pénales n'annonce pas — parce
que ce n'est pas de son affaire — que les policiers sont au travail et font
des enquêtes. Il y a là une nette séparation entre le travail des policiers et
le travail des procureurs, ce n'est pas à nous de faire ça.
Le
Président (M. Ouellette) : Merci. Merci, Me Murphy. Mme
la députée de Joliette. Ce sera un autre débat, puis ça
pourrait être un autre cours de formation.
Mme Hivon : Oui.
Bien, en fait, moi, je comprends ce que vous nous dites. En même temps, je vous
invite à réfléchir là-dessus parce que je pense que ça fait partie du problème
qu'on vit en ce moment, cette espèce de deux poids,
deux mesures qui fait en sorte que soudainement, quand il y a
une fuite, là, on a toute l'information, puis la Directrice des poursuites criminelles et pénales va indiquer
quand le dossier est rendu chez elle, l'analyse a cours. Je pense que
c'est quand même un effet pas négligeable.
Je voulais
vous amener... Parce que, tantôt, c'est la ministre elle-même qui a fait
référence au fait que certains font l'hypothèse
d'une immunité, donc, qui serait accordée aux élus, aux élus libéraux, et un
des éléments qui a contribué à ça, c'est
le fait qu'il y a eu, donc, des enjeux en lien avec la protection des sources journalistiques
qui ont amené, donc, la divulgation
publique d'un affidavit d'un enquêteur, donc, de la Sûreté du Québec, M.
Patrick Duclos, dans lequel il y a des
affirmations, encore une fois, très troublantes. Et là ce n'est pas juste moi,
députée de l'opposition, qui veux poser des questions, le directeur du Devoir,
par exemple, avait mentionné qu'il y avait un malaise persistant en lien avec
cette question-là de savoir est-ce qu'il a
une forme d'immunité, donc, qui se pose. J'ai entendu vos réponses de tantôt,
mais, à la suite de la divulgation de cet affidavit-là, lui, il était allé
même... ce n'est pas un méchant député de l'opposition, avait dit que ça
méritait une commission parlementaire pour pouvoir aller au fond des choses.
Et donc je
veux prendre certains éléments de ça pour vous entendre là-dessus. Donc, on
avait vraiment parlé, donc, dans...
donc, toujours M. Duclos, dans cet affidavit-là, que les
conversations — on
parlait dans le dossier Diligence — de Michel Arsenault avec les élus avaient été restreintes sous le
principe de l'immunité diplomatique. Donc, des cartables avaient été faits, qu'il y avait vraiment un
travail différent qui était fait parce qu'on avait affaire avec des élus et
que, donc, il y avait une forme
d'immunité diplomatique. Je ne pense pas qu'il y ait une directive qui parle
d'immunité diplomatique, là, mais ce
que je veux dire, c'est qu'il faisait référence à une notion s'apparentant à
une immunité. Et, par la suite, on dit qu'il y a eu une réunion entre
enquêteurs et procureurs où c'était houleux. Et, par la suite, une procédure a
été écrite pour la salle d'écoute concernant les conversations sensibles.
Alors,
j'aimerais savoir : Est-ce que cette directive-là fait en sorte que la
Direction des poursuites criminelles et pénales, soit une personne ou
vous, est informée, donc, quand il y a de l'écoute électronique sensible? Et
quelle est la définition de l'écoute électronique sensible?
Mme Murphy
(Annick) : Pour répondre directement à votre question, M. le
Président, lorsqu'il y a une demande d'écoute
électronique qui concerne un membre de l'Assemblée
nationale ou un juge, les personnes
énumérées à la directive que vous
avez probablement en main présentement, évidemment, ça requiert des mandataires d'obtenir l'autorisation du directeur ou de la
directrice en matière d'écoute électronique. Dans le dossier dont vous parlez,
il ne s'agissait pas d'écoute électronique au sens de cette directive. Il
s'agissait plutôt, si je ne m'abuse, d'une autorisation judiciaire qui n'était
pas une écoute électronique, mais qui était pour obtenir autre chose.
Lorsque...
Mme Hivon : ...à
la suite de, donc, cette réunion entre enquêteurs et procureurs houleuse, une
procédure a été écrite.
Mme Murphy (Annick) : Oui.
Mme Hivon : Donc,
je veux comprendre quelle procédure a été écrite.
Mme Murphy
(Annick) : Il ne faut pas confondre la règle de confidentialité qui peut s'appliquer en raison des fonctions qu'exercent des personnes qui font l'objet d'enquêtes avec des
immunités à l'égard de poursuites criminelles. Il n'y a pas
d'immunité diplomatique, c'est un terme qu'on ne connaît pas. Il n'y a pas
d'immunité diplomatique qui se donne aux membres du gouvernement du Québec, ni
à des politiciens, ni à personne, en fait, au Québec.
En matière
d'écoute électronique, il y a une directive qui est faite au mandataire, que
vous avez entre les mains, qui demande
au mandataire de demander l'autorisation de la directrice lorsqu'il s'apprête à
obtenir une écoute électronique en ce
qui concerne toutes les personnes énumérées, un membre de l'Assemblée
nationale, un journaliste. C'est ce qui a été ajouté tout à fait
dernièrement, en 2016.
Mme
Hivon :
Dans l'affidavit, là, quand on fait référence à «une procédure a été écrite à
la suite de ça», donc là on ne parle
pas... cette directive-là, de ce que je comprends de ce que la ministre nous a
transmis, ça date de 1974. Donc, on doit parler de quelque chose
d'autre. Et ça, ce serait en lien avec ce qu'on qualifie dans l'affidavit
d'immunité diplomatique. Vous nous dites : Ce n'est pas une immunité
diplomatique, mais je vous dirais peut-être un traitement différencié, disons, lorsqu'on a trait à des élus.
Donc, à quoi on fait référence quand on parle qu'une nouvelle procédure
a été écrite?
Mme Murphy (Annick) : Je
pense qu'il y a plusieurs choses, là. Je vais commencer d'abord par la
directive au mandataire, par l'écoute
électronique. Par exemple, si on a l'intention d'écouter un élu, on doit
procéder en fonction de la directive
au mandataire que vous avez entre les mains, qui a été signée, pour la dernière
version, au 8 novembre 2016.
Par exemple, prenons
un journaliste. Lorsqu'une écoute électronique vise un journaliste, un
avocat... Prenons l'avocat, c'est peut-être
plus simple pour expliquer. Il y a des conversations entre différents clients
avec son avocat. Les conversations
doivent être protégées. Les conversations entre l'avocat et les clients qui ne
sont pas liées à l'enquête en cours doivent être protégées. Dans ce
contexte-là, il est nécessaire que des modalités soient incluses dans les
demandes d'autorisation afin que le juge
puisse les déterminer. Alors, il est absolument important que des personnes,
que ce soit des avocats, que ce soit
des notaires, que ce soit des députés, ne soient pas écoutées ou que leurs
conversations qui ne sont pas en lien
avec l'enquête puissent être écoutées. Dans ce sens-là, le juge doit, dans
l'autorisation qu'il va donner, prévoir des modalités...
Mme
Hivon :
...ma question, M. le Président, par exemple.
Mme Murphy
(Annick) : ...qui vont faire en sorte que les conversations vont être
mises de côté.
Le Président (M.
Ouellette) : Je pense qu'elle va préciser sa question. Mme la députée
de Joliette.
Mme
Hivon : Oui. En fait, ça, je comprends. Mais moi, je voulais
vraiment savoir si on faisait référence, donc, dans cet affidavit-là à une autre procédure. Parce qu'on parle qu'une
nouvelle procédure a été écrite à la suite de cette réunion-là entre enquêteurs et procureurs, et là vous, vous
me dites que, dans le fond, c'est la même procédure qui existait depuis
1974.
Mme
Murphy (Annick) : C'est la même procédure, il n'y a pas d'autre
procédure. Il n'y a pas d'autre procédure qui existe. Je dois dire que vous faites référence à des dossiers pour lesquels
tous les procureurs qui ont agi aux dossiers ne sont plus au Directeur des poursuites criminelles et pénales. Il est
difficile, donc, d'avoir de l'information plus particulière, et l'information que vous avez appartient
probablement un peu plus aux organisations policières. Mais, en ce qui
nous concerne, il n'y a pas de procédure
autre que celle que vous avez en main, qui est la directive au mandataire, qui
fait en sorte que des modalités doivent être instaurées dans les
ordonnances de la cour.
Le Président (M. Ouellette) : Merci, Me Murphy. Je pense que sur le temps du
gouvernement... Parce qu'on a terminé, Mme la députée de Joliette, sur
le temps du gouvernement, Mme la ministre, vous voulez compléter?
• (17 h 10) •
Mme Vallée :
...préciser, M. le Président, parce que c'est important. Je comprends le
questionnement de ma collègue sur quelle
directive nouvelle. C'est que vous... quand on prend le temps de passer à
travers chacune des directives, les
directives ont le même objectif, mais, au fil des ans, ont été modifiées afin
de venir répondre à des réalités d'actualité.
Par
exemple, la directive qui a été signée le 12 décembre
2007 par le Procureur général de l'époque, Me Jacques Dupuis,
vient préciser que, lorsqu'il est question d'un corps policier, ça s'applique
non seulement à la Sûreté
du Québec, mais aussi aux services de
police de la ville de Montréal, de la ville
de Québec, de la Gendarmerie royale,
ce qu'on ne retrouvait pas de façon aussi précise dans les directives
qui existaient auparavant.
On
a apporté des modifications au fil des années pour que... Au départ, en
1974, on parlait de l'interception des communications privées, mais maintenant,
vous verrez, dans la directive, on parle non seulement de l'interception des communications, mais aussi de la demande de
surveillance vidéo parce que la technologie a évolué. Donc, au fil des ans, au fil aussi des décisions... certaines
décisions des tribunaux, il y a eu des amendements d'apportés, et c'est pourquoi les directives
sont aussi nombreuses. Et donc elles tirent leur origine d'une orientation
initiale datant de 1974, l'objectif est toujours le même.
Les
personnes, les personnalités visées par les directives sont les mêmes en raison
de leurs fonctions, donc, ici, les membres
de l'Assemblée nationale, les membres de la Chambre des communes, le
Sénat, les juges de la Cour suprême, de la Cour d'appel du Québec — parce qu'au départ la directive ne visait
pas les juges de la Cour suprême, ne visait pas les juges de la Cour d'appel — les gens du Barreau, les membres du Barreau,
de la Chambre des notaires, les administrateurs d'État, parce qu'au
départ la directive ne prévoyait pas non plus les administrateurs d'État. Et
nous avons ajouté les journalistes en novembre dernier à la suite de certaines
révélations.
Donc,
tout ça pour dire que peut-être... Vous savez, M. le Président, je ne présume
de rien, mais parfois on peut assimiler
des directives à une procédure et de nouvelles directives à des modifications
de procédure. Mais, dans les années contemporaines auxquelles les
événements ont pu se produire, il y a eu des directives qui ont été amendées
pour venir préciser des cas qui, peut-être,
étaient litigieux. Alors, je tenais à préciser ça, je pense que c'est
important. Puis, pour les collègues,
bien, les directives, vous les avez, elles vous ont été remises tout à l'heure
puis elles seront aussi déposées, je présume, M. le Président, sur le
site. Alors, ceux et celles qui suivent nos travaux pourront s'y référer.
Le Président (M.
Ouellette) : Oui, elles seront sur le site ce soir.
Avant
d'aller à Mme la députée de Vaudreuil, juste pour être bien sûr qu'on a tous
compris la même chose, les directives
touchent l'écoute électronique, que le DPCP doit être saisi ou doit être au
courant avant d'autoriser de l'écoute pour les avocats, les notaires...
les avocats, les juges, les députés, etc.
Mme Vallée :
La directive se lit comme suit. C'est une demande d'autorisation d'interception
des communications privées ou une demande de mandat de surveillance
vidéo. Donc, écoute de communications privées, j'imagine... Et, M. le Président, votre
expérience dans le domaine est beaucoup plus vaste que la mienne et que celle
de bien des gens ici, les communications privées peuvent être
interceptées de différentes façons.
Le Président (M. Ouellette) : Donc,
pour que ça soit bien clair pour les gens qui nous écoutent...
Mme Vallée :
Donc, les différentes formes de communications privées sont visées par cette
directive pour assurer qu'il y aura une protection de certaines
immunités accordées à ceux et celles qui sont visés par la directive.
Le
Président (M. Ouellette) :
Donc, le DPCP serait normalement avisé pour une demande pour l'obtention
des registres d'appels téléphoniques.
Mme Vallée : Un membre du
Barreau est visé.
Le
Président (M. Ouellette) :
C'est bon. Merci. Ça a le mérite d'être clair. Si on ne s'y conforme pas, ça a
le mérite d'être clair. Mme la députée de Vaudreuil.
Mme
Nichols : Alors, merci, M. le Président. Pour rester dans le même
sujet sur lequel on jase depuis 2 h 15 min maintenant, il y a un élément en particulier,
entre autres, que les collègues de l'opposition ont abordé, l'élément des
fuites. Alors, moi, j'avais une question, je
me demandais : Ça peut être quoi, l'impact, quand il y a une fuite comme
ça dans l'arène publique? Ça peut
être quoi, l'impact sur l'enquête, soit au début, pendant le processus? Quelle
influence ça peut avoir ou quel impact ça peut avoir pendant le
processus?
Le Président (M. Ouellette) : Me
Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Oui, M. le Président. Alors, l'impact, des informations sur la preuve disponible, dans certains dossiers, peuvent se retrouver dans
l'espace public avant la tenue du procès. Notamment, à la suite de
perquisitions réalisées dans le cours des
enquêtes, des juges ont ordonné que le contenu des déclarations assermentées des policiers soit rendu accessible au public. D'après la jurisprudence, en principe, les
faits au soutien d'une perquisition sont accessibles au public, une fois la perquisition exécutée. C'est probablement la raison pour laquelle on voit énormément de preuve
qui est présentée dans les médias ou dans
les journaux avec des exemples de courriels, etc. Ça provient sans doute de ces
documents-là.
La publicité d'éléments de preuve avant la tenue
du procès ne compromet pas nécessairement les procédures. L'impact de la publicité d'un élément de preuve
avant le procès doit être apprécié, notamment parce qu'il se retrouve déjà dans l'espace public, comme je le mentionnais tantôt,
et du délai qui va s'écouler avant la tenue du procès. Même lorsque le
procès se tient devant jury, il faut tenir compte des mesures que le tribunal
pourrait prendre pour s'assurer de l'équité du
procès : les questions qui pourront être posées aux candidats jurés, par exemple, dans le cadre du processus de sélection pour s'assurer de leur impartialité; les ordonnances de non-publication
que le juge pourra rendre avant ou pendant le procès; les directives que le juge adresse au jury, notamment
de juger uniquement sur la preuve admissible qui leur sera présentée et
de s'abstenir de rechercher des informations concernant la cause sur Internet
ou dans les médias sociaux.
Évidemment,
vous savez, l'histoire judiciaire du Québec contient plusieurs exemples de procès qui ont été très médiatisés devant jury, qui ont dû être
recommencés suite à une ordonnance d'un nouveau procès prononcée par la
Cour d'appel en raison d'une erreur de droit
qui aurait été commise par le juge. Alors, même si toute la preuve de la
poursuite a été étalée publiquement au cours du premier procès, et, dans
certains cas, même si des éléments de preuve jugés inadmissibles avaient été légalement rendus publics après la fin du
premier procès, cela n'a pas empêché, évidemment, la tenue d'un nouveau procès en tout respect des
droits de l'accusé. Et là je ferais référence... Tout le monde connaît le
dossier de M. Turcotte. Alors, M. Turcotte,
le procès a recommencé. Peu de temps après, la preuve avait été étalée
publiquement. Bref, il a, tout de même, obtenu un procès équitable.
Nous restons,
évidemment, à l'affût pour intervenir en temps opportun si on
estime que la publication d'éléments de preuve est susceptible de
compromettre l'équité du procès. À titre d'exemple, nous avons suivi les
travaux de la commission Charbonneau pour requérir toutes les ordonnances de non-communication requises pour protéger l'intégrité des procès et des enquêtes en
cours.
Par ailleurs, même si l'information, les fuites ne compromettent pas l'équité des
procès, la publicité d'éléments de preuve avant le procès complexifie énormément
les procédures. Elle peut notamment complexifier le processus de constitution
d'un jury impartial et être utilisée pour mettre en doute la crédibilité des
témoins. Elle peut entraîner la présentation
de requêtes préliminaires susceptibles d'allonger les délais judiciaires, qui
sont vraiment une préoccupation présentement.
Par ailleurs, aussi, la confiance des témoins envers les autorités policières puis
envers la poursuite peut être affectée lorsque
la version des faits qu'ils acceptent de donner pour qu'elle soit utilisée dans
le cadre du processus judiciaire se retrouve exposée, interprétée et jugée sur la place publique avant même
que la personne ait pu en témoigner. Les conséquences des fuites créent
une pression épouvantable, importante chez les procureurs. Et, lorsqu'ils
subissent la tempête médiatique, comme je le disais un peu plus tôt, ils doivent
mettre beaucoup d'énergie à se remettre dans un état de neutralité qui leur
permet de prendre des décisions en leur âme et conscience.
• (17 h 20) •
Lorsque
le procès se déroule dans les médias sociaux ou sur la place publique, il peut
arriver que l'opinion publique se traduise par une perte de confiance
envers les institutions. Le procès du suspect se fait dans les médias sur la
base d'une preuve incriminante incomplète, ça cristallise
l'opinion publique en faveur de la culpabilité. Alors que nous, le DPCP, on doit apprécier l'ensemble de la preuve
admissible pour décider de porter ou non des accusations, le citoyen, lui, a une appréciation basée sur un ensemble de
faits, une partie des faits, et le procureur, lui, doit apprécier l'ensemble
des faits de manière objective. «Objective», qu'est-ce que ça veut
dire? Ça veut dire uniquement basée sur la règle de droit et qui doit
toujours se prendre dans une atmosphère dénuée de passion et sans propension à
un sentiment négatif ou positif à l'égard de l'accusé ou à l'égard du suspect.
Et,
puisque nous, le DPCP, sommes souvent limités dans l'explication publique de
nos décisions, compte tenu des règles de confidentialité, il devient
difficile de maintenir la confiance du public envers des décisions, notamment
lorsqu'elles paraissent impopulaires. Le procureur n'a pas à prendre une
décision parce qu'elle est réclamée, mais parce qu'elle se fonde sur la règle
de droit. Une fuite et tout le brouhaha qui s'ensuit font mal aux institutions,
on l'a mentionné plus tôt, et
particulièrement au DPCP, parce qu'ils en affectent l'apparence d'indépendance.
En cas d'accusation, la personne accusée pourra penser que la décision
du DPCP est influencée par la pression populaire provoquée par la dissémination partielle de la preuve. Puis, si le
DPCP arrive plutôt à la conclusion que la preuve, évaluée dans son
ensemble, ne permet pas d'avoir la
conviction raisonnable de pouvoir établir la culpabilité, on va spéculer sur
son objectivité et son indépendance, puisqu'il ne pourra, la plupart du
temps, pas exposer publiquement l'entièreté de son analyse.
Mme Nichols :
...
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Vaudreuil.
Mme
Nichols : Je m'excuse, M. le Président. Dans le fond, ce que je
comprends, c'est qu'à partir du moment où il y a des fuites il y a
vraiment une pression indue qui est appliquée directement sur vos
professionnels et que votre institution doit faire preuve d'imperméabilité, là,
si on veut, mais que cette pression-là est parfois difficile à gérer, puisqu'en arrière c'est quand même des humains,
hein, qui ont à gérer ces dossiers-là. Alors, je comprends la
complexité, puis ce qui est probablement difficile à vivre dans des dossiers
qui sont aussi médiatisés.
Maintenant,
j'aimerais entretenir peut-être sur des dossiers un peu plus légers. Il nous
reste quand même un peu de temps,
puis, puisqu'on est ici pour les crédits du ministère de la Justice, le
ministère de la Justice fait aussi d'autres choses. Alors, notre ministre travaille très fort sur
différents projets. Donc, moi, j'aimerais vous entretenir peut-être sur
d'autres sujets, et permettez-moi d'abord
d'introduire le Prix de la Justice. C'est peut-être, d'ailleurs, à propos de
parler du Prix de la Justice, puisqu'on parle de professionnels qui
travaillent justement, entre autres, au DPCP, mais on parle, en fait, de personnes qui travaillent fort et qui méritent
sûrement qu'on les récompense pour leur travail. Alors, on le sait, le
Prix de la Justice a été créé en juin 1990,
et c'est un prix, justement, comme je disais, là, pour rendre hommage à des
personnes dont l'action a assuré une
justice plus accessible et de qualité meilleure. Donc, évidemment, c'est dans
le monde du droit, et ce Prix de la Justice, c'est la plus haute
distinction qui est donnée. C'est remis dans le domaine juridique, et le Prix
de la Justice est décerné... a été décerné,
dans les 25 dernières années, à 11 femmes et 13 hommes. Donc,
cette année, c'est le 25e anniversaire, on a hâte de voir à qui
sera décerné le prix.
Et
j'en profite pour faire de la publicité, pour dire que les mises en candidature
sont ouvertes. Si je ne me trompe pas, c'est jusqu'à la mi-juin.
Peut-être que la...
Une voix :
...
Mme Nichols : Le 16 juin, que me souffle la ministre de la
Justice. Alors, il est possible de déposer sa candidature... ou, en fait, que quelqu'un d'autre dépose notre
candidature. Je suis avocate, là, mais... Merci, c'est gentil. J'ai des
collègues qui me font des clins d'oeil, non,
non, je fais des farces. Mais, en fait, voilà, jusqu'au 16 juin, c'est
possible de déposer une candidature.
Et j'ai vérifié sur le site Internet, c'est vraiment facile, là. D'ailleurs, tu
sais, des fois, on dit : Ah! déposer une mise en candidature, c'est vraiment compliqué, c'est complexe, c'est
long, ça prend un mémoire, ça prend une biographie. Non, j'ai vérifié sur le site, et, félicitations,
c'est vraiment très facile de le compléter, là, même les personnes qui
n'ont pas l'habitude de travailler avec ces
données-là ou avec l'ordinateur, c'est très accessible. Voilà, on dépose des
candidatures pour soumettre quelqu'un qui est émérite dans un domaine en
particulier.
Puis je me permets de souligner qu'en 2016, là, en
juin 2016, le prix avait été décerné à Mme Louise Otis, qui est pionnière en
matière de médiation judiciaire, qui
s'est distinguée par son engagement puis son dévouement indéfectibles et exceptionnels à la promotion du droit et de l'accessibilité à la justice ainsi qu'au rayonnement de la société québécoise à l'échelle internationale.
Mme Otis a vraiment une impressionnante carrière. Étant donné que j'ai beaucoup
pratiqué dans le milieu, c'est un nom qu'on
entend souvent, mais c'est rare qu'on voie des personnes aussi dévouées. Donc,
par les 29 années où elle a été dans la
magistrature, je pense que son dévouement a été souligné, entre autres, par la reconnaissance de ce prix, mais je pense qu'il faut aussi
souligner qu'elle a rendu plus que 3 000 jugements en matière de
droit administratif, de droit civil, criminel
et commercial. Mais surtout ce qui la rend très... Tu sais, dans le milieu,
quand on parle de la juge Otis,
on l'associe tout de suite à un genre de médiation. Elle a été très précurseure
avec la façon qu'elle a travaillé,
qu'elle nous a amenés à travailler les dossiers, autant par la conciliation, la
médiation. Maintenant, c'est beaucoup plus populaire, la médiation ou la
conciliation, les gens...
Le Président (M. Ouellette) : ...le prochain bloc, Mme la députée de Vaudreuil.
Vous allez nous terminer ça en beauté tantôt, je m'en vais à Mme la
députée de Repentigny pour ses dernières interventions.
Mme
Lavallée : Parfait, merci. Je reviendrais sur une affirmation qu'Yves
Francoeur a faite ce matin puis je voulais juste avoir une précision de
la part de Me Murphy. Il dit : À un moment donné, l'enquête policière
était terminée, des procureurs aux
poursuites criminelles et pénales comptaient déposer des accusations
criminelles mais n'ont pas eu le feu vert. Lorsqu'il parle de feu vert,
qui donne le feu vert pour que ça aille plus loin?
Le Président (M. Ouellette) :
Me Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Oui, M. le Président. Ce que je comprends, c'est que ce que
M. Francoeur dit, c'est qu'il y
aurait eu une intervention, que je suppose être un supérieur, entre guillemets.
Je dis, si tout ça existe, il y aurait eu, selon ce que M. Francoeur dit, l'intervention d'un supérieur, le
procureur en chef — je fais
de la spéculation — alors, et ce que je comprends, qui est pour moi encore des insinuations, qu'on aurait
donc, à ce moment-là, empêché que l'accusation soit déposée. Mais, comme je le disais tantôt, lorsque nous aurons le
dossier, bien, nous serons en mesure d'évaluer toute cette
circonstance-là.
Parce que,
vous savez, comme je le disais en tout début, si ce que M. Francoeur
prétend est vrai, c'est extrêmement préoccupant, et il est certain que
je dois agir dans les circonstances, il est certain que je devrai agir. Je le
répète, si ce que M. Francoeur prétend
est vrai, c'est-à-dire que nous avions de la preuve dans un dossier et que nous
n'avons pas porté les accusations
parce qu'un supérieur aurait empêché que ces accusations-là soient portées pour
des raisons, ce que je comprends,
partisanes ou politiques, c'est extrêmement préoccupant, et il est certain que
je dois agir. Et je dois savoir, et je dois
connaître... Si cette information existe, je dois l'avoir parce que moi,
j'aurai à agir. Je suis la Directrice des poursuites criminelles et pénales, et cette information me
préoccupe énormément. Encore une fois, si elle est vraie, il est certain
que ça ne peut pas être et que nous allons intervenir dans les circonstances.
Vous comprenez, c'est dans ce sens-là que je...
Et c'est ça qui me préoccupait parce que, pour moi, je parle d'entrave à la justice. Quelqu'un, à mon avis,
dans mon organisation, qui aurait le pouvoir de faire ça et le ferait, à
mon avis, entraverait la justice, et c'est
ça qui me préoccupe. Si cette situation-là existe, comment il se fait que cette
situation-là n'ait pas été dénoncée
en 2012, ou en 2013, ou en 2014, ou à la nouvelle Directrice des poursuites
criminelles et pénales? Comment il se
fait que M. Francoeur n'ait pas demandé une enquête? Il est policier, il
est président de la Fraternité des policiers, il peut demander qu'une
enquête soit faite sur cette question-là. Merci.
• (17 h 30) •
Le Président (M. Ouellette) : ...Mme Murphy.
Mme la députée de Repentigny.
Mme Lavallée : Mais ma question était plutôt technique. Dans le fond, c'est que, normalement, dans un dossier comme ça, quand on est rendu à l'étape des procureurs, là, puis qu'ils
sont prêts à déposer le dossier, qui, normalement, donne le feu vert?
Mme Murphy
(Annick) : Il n'y a
pas de feu vert qui se... (panne de
son) ...le procureur étudie le
dossier. C'est le procureur qui prend
la décision d'autoriser une poursuite ou non. Ces décisions-là, dans les
dossiers d'envergure, ne sont jamais prises seules, vous comprendrez. Et, d'ailleurs, M. Bouchard en parle dans son document, les gens doivent
s'assurer de leur réflexion. C'est comme une mesure de sécurité. Donc, les gens
travaillent en équipe et ils en arrivent à une décision de porter des accusations ou non. Et il n'y a
pas d'intervention d'un supérieur pour interdire qu'une poursuite soit déposée. Et, si tel était le cas dans un contexte
que vous m'exprimez ou que M. Francoeur a exprimé, bien, je le
répète, c'est extrêmement préoccupant, et je devrai agir dans les
circonstances. C'est la raison pour laquelle si M. Francoeur a des informations
qui nous permettraient... ou qu'il a un dossier en main, ou qu'il peut... bien,
qu'il me le transmette pour que je puisse agir.
Mme Lavallée : O.K. Merci beaucoup.
C'est beau.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Repentigny.
Mme Lavallée :
Je vous adresserais encore une question. Toujours dans cette fameuse crise de
confiance là, puis il faut redonner
confiance aux gens en nos institutions, on parle souvent de la nomination aux
deux tiers des membres de l'Assemblée nationale. Ce n'est pas une
exception, on le voit au niveau des membres de la Commission des droits de la personne, le Directeur général des élections,
les membres de la Commission d'accès à l'information, la nomination du Vérificateur général, Commissaire à l'éthique, le
Commissaire au lobbyisme. Vous, là, je m'adresse à la juriste en vous...
Puis je ne mets pas en doute votre
nomination du tout, mais, si c'était à refaire, pour les prochaines
nominations, est-ce que, pour vous, il serait peut-être plus prudent ou
plus... est-ce qu'on devrait faire cette nomination-là d'un poste aussi important, d'une institution qui est importante,
que ça soit l'ensemble de l'Assemblée nationale qui ait la possibilité
de choisir puis que ça soit nommé aux deux tiers, tout comme le représentant de
l'UPAC aussi? Là, c'est vraiment une opinion personnelle que je vous demande.
Le Président (M. Ouellette) :
Me Murphy.
Mme Murphy
(Annick) : Oui, M. le Président. Écoutez, je ne sais pas s'il me revient,
à moi, de me prononcer sur cette
question-là. Je laisserais plutôt aux membres de l'Assemblée, les
parlementaires, de répondre à cette question-là. Moi, ce que je peux vous dire par ailleurs, c'est que nous avons — et je pense en avoir parlé beaucoup il y a
quelques minutes — des garanties d'indépendance dans la loi.
Nous avons toutes les garanties d'indépendance, c'est la raison pour laquelle on a créé le Directeur des poursuites
criminelles et pénales. Et, dans la loi, il y a une énumération de garanties.
Alors, je
pourrais reprendre la réponse que je vous ai faite dans l'énumération que je
vous ai faite tantôt, mais je pense que ce n'est pas nécessaire. Pour la
question que vous me posez, je ne pense pas qu'il me revienne, à moi, de
déterminer comment devrait se faire la nomination du directeur ou de la
directrice.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Repentigny.
Mme Lavallée :
Je comprends que vous avez tout ce qu'il faut pour avoir la légitimité, puis
tout ça, ce n'est pas ça que je
remets en question, mais le Vérificateur général, c'est quand même quelqu'un
qui est nommé aux deux tiers, le Commissaire
à l'éthique, le Commissaire au lobbyisme, puis c'est quand même des fonctions
où les gens ont une neutralité. Et
c'est pourquoi je vous posais cette question-là, voir si vous, par votre
expérience, vous trouviez que c'est plus prudent et que ça donnerait peut-être plus le sentiment à la
population qui regarde ça d'une impression encore plus grande d'une
neutralité en faisant à l'avenir un choix aux deux tiers de l'Assemblée.
Mme Murphy
(Annick) : ...je répéterais ma réponse, je ne pense pas qu'il me
revienne de répondre à ça. Et, en ce qui
me concerne personnellement, avec l'expérience que j'ai dans l'exercice de mes
fonctions, je possède présentement toute l'indépendance voulue dans
l'exercice de mes fonctions.
Alors, je
reviens à ce que je disais en tout début, là, que j'ai le sentiment que la population
devrait peut-être mieux comprendre — et
là on a une responsabilité, le Directeur
des poursuites criminelles et pénales,
là-dessus — nos
fonctions et notre rôle et que, si la population
comprenait un peu mieux nos fonctions, et notre rôle, et l'exercice de cette
fonction-là dans les faits, il y aurait probablement moins de crainte, moins de
suspicion.
Et je le dis également
pour les membres de l'Assemblée, il me fera plaisir...Vous savez, moi, c'est
théorique, ce que je peux vous amener
comme information. Si vous me posez des questions,
je peux répondre, bien sûr, c'est théorique. Mais, si vous aviez la chance de rencontrer des
procureurs et si vous aviez la chance de leur poser toutes les questions
que vous voulez poser, évidemment
pas dans les dossiers comme tels, mais sur les rôles, sur les fonctions, sur le
travail, toutes les questions que vous m'avez posées aujourd'hui, vous pourriez les poser librement aux procureurs, que ce soit de
façon générale ou dans des dossiers
particuliers. C'est vers ça que nous allons, parce qu'on sent qu'on a
besoin, au Québec, de mieux
expliquer ce qu'est le Directeur des
poursuites criminelles et pénales,
quelle est sa fonction, comment s'exerce son indépendance, son impartialité, et je pense que nous aurions suffisamment d'information à transmettre à la population afin de lui
permettre de comprendre.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre, vous avez un petit commentaire à ajouter?
Mme Vallée : Oui, certainement.
Alors, M. le Président, peut-être, aussi, on doit considérer ce qui a été annoncé hier, la volonté du premier ministre de rendre l'ensemble des nominations, notamment les nominations à la
haute fonction publique, plus transparentes
puis assurer une meilleure accessibilité aux postes de la haute fonction publique. Il a fait cette déclaration
dans le cadre de ses crédits. Il a aussi noté que, les propositions formulées
par notre collègue de Borduas — que
je salue en passant, et je salue sa petite famille, j'espère que tout le monde se porte bien — qu'il
a pris acte des propositions. Alors, permettons-nous de laisser au premier
ministre le soin d'annoncer de façon plus officielle la démarche qui sera
faite.
Mais ceci
étant dit, le processus de nomination actuellement en place pour le procureur des poursuites criminelles et pénales, la procureure des
poursuites criminelles et pénales en l'instance, c'est quand même
un processus rigoureux qui est encadré par la loi et qui assure
l'indépendance de la fonction. Et un concours est lancé, et un comité
indépendant est mis en place pour évaluer les candidatures et pour émettre des recommandations,
un peu sur le même format que les recommandations qui sont faites dans le cadre de la nomination
des juges. Alors, les recommandations sont faites par le comité indépendant. Donc, hors de moi l'idée
d'intervenir dans ce processus-là. On en est tenu aux recommandations qui nous sont formulées, et,
à travers ces recommandations-là, évidemment, une certaine discrétion ministérielle permet
de faire une recommandation finale au Conseil des ministres pour considération.
Mais le processus en place, il est déjà très rigoureux
et il assure une analyse des candidatures à l'abri des pressions politiques.
Ça, je vous le dis. Et, puisque j'ai moi-même procédé à la nomination de Me Murphy, je peux vous assurer que
c'est un processus rigoureux et très serré qui a été suivi, et, pour
moi, c'est un gage, justement, de l'indépendance de l'institution.
Pour ce qui
est des recommandations qui avaient été formulées par notre collègue de Borduas,
moi, je prends acte des déclarations faites par notre premier
ministre à tous hier et je suis
persuadée que le processus qui est présenté permettra aussi, dans l'ensemble de la haute fonction publique, d'assurer une plus grande transparence lorsque des postes sont
à combler, mais aussi s'assurer aussi d'avoir les bonnes compétences.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Repentigny.
• (17 h 40) •
Mme Lavallée : Je salue l'ouverture
du premier ministre et votre ouverture. Mais, à partir du moment où on nomme un VG aux deux tiers de l'Assemblée nationale, le Commissaire à l'éthique — et
je ne doute pas que ces gens-là soient
aussi très à l'abri de toute intervention politique — Commissaire
au lobbyisme, je ne vois pas pourquoi
il n'y aurait pas une ouverture
à ce que la nomination autant du représentant de l'UPAC que du représentant ou de la
représentante du DPCP que ça soit la même chose. Ça démontrerait, encore là, énormément de transparence et ça permettrait à
tous les parlementaires d'être nettement impliqués
dans le processus de nomination. Donc, si c'est bon pour le VG, pour le Commissaire à l'éthique et le Commissaire au
lobbyisme, ça serait un petit pas de plus qui serait le bienvenu. Et je
pense qu'on donnerait l'image à la
population d'une nomination qui est vraiment étanche, puis je pense que c'est
ce que vous voulez aussi, ça rajouterait un petit peu plus de distance.
Mme Vallée : Il faut
s'assurer que le processus qui soit mis en place soit vraiment un processus qui
évite une politisation. D'expérience,
disons, je ne voudrais pas nommer la présidence de la CDPDJ, mais c'est un
petit peu ardu de procéder à sa
nomination, même si ça demandait la collaboration de tous les partis de
l'opposition parce que, parfois, on bloque
les... il y a de la politique qui se fait sur le dos de certaines nominations.
Alors, il est certain que le processus de nomination doit être à l'abri d'ingérence politique de toutes parts. Et
l'ingérence politique, elle se décline sous divers visages.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Repentigny.
Mme Lavallée : Pourquoi on n'a pas
cette même peur là d'ingérence politique avec le VG, le Commissaire à l'éthique
et le Commissaire au lobbyisme puis qu'on a peur à l'ingérence politique pour
ces deux nominations-là? Il m'apparaît que ces organismes-là sont très
importants, le Vérificateur général, c'est très important. Pourquoi on n'a pas ce souci-là d'être à l'abri d'ingérence
politique? Puis le Commissaire à l'éthique, c'est important, le
Commissaire au lobbyisme, c'est important.
Donc, pourquoi on n'a pas ce même souci là puis que, tout d'un coup, pour
l'UPAC et pour le DPCP, on ne peut
pas appliquer les mêmes règles? Moi, il m'apparaît que ça serait un pas de
plus, puis je pense que la classe
politique bénéficierait qu'on fonctionne de la même façon pour tous les postes
importants qui doivent avoir une neutralité.
C'est un petit effort de plus. Mais, si vous me dites que le premier ministre
pourrait avoir l'ouverture,
j'espère qu'il l'aurait pour ces nominations-là de cette façon-là.
Mme Vallée : À voir le traitement que le DPCP a eu au salon
bleu au cours des dernières années, je ne suis pas certaine que la proposition de notre collègue
serait vraiment la solution à privilégier. Je dis ça en toute
amitié, mais disons que nos institutions et leur indépendance ont été
malmenées par certains parlementaires. Je dirai simplement ça.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Repentigny, deux minutes.
Mme
Lavallée : Est-ce que
l'indépendance de la VG a été malmenée par la nomination aux
deux tiers des membres de l'Assemblée nationale? C'est
ça, je ne vois vraiment
pas le rapport parce que le Vérificateur
général, c'est un poste
hyperimportant, ses rapports sont toujours attendus. Pourquoi on n'a pas cette
même peur là vis-à-vis la nomination d'un
VG, qui est un poste névralgique, puis que, pour les deux autres postes, mais
ce n'est pas pareil? Je ne vois vraiment pas la nuance, honnêtement, quant
à moi, là, avec tout mon respect.
Mme Vallée : L'indépendance du Directeur
des poursuites criminelles et pénales
doit être totale, totale, à l'abri de toute
influence et elle ne doit pas... La nomination du dirigeant du Directeur des poursuites criminelles et pénales ne doit, d'aucune façon, être pressentie
comme ayant été faite de par l'intervention d'une formation politique ou d'une
autre. L'indépendance, c'est une indépendance — et
Me Murphy le mentionnait un peu plus tôt, lorsqu'elle a fait référence à des décisions de la Cour
suprême — qui
est reconnue... Vous savez, M. le Président, les procureurs qui agissent au
sein du DPCP ne peuvent être membres d'un parti politique, ne peuvent
participer activement à la vie politique à quelque niveau que ce soit. Ce n'est
quand même pas rien, lorsqu'on... Et pourquoi? Pourquoi cette exigence? C'est
pour assurer l'indépendance.
Le Président (M. Ouellette) : ...Mme
la ministre, il faudrait permettre à Mme la députée de Repentigny...
Mme Vallée : Oui. Je suis
désolée, c'est parce que la discussion, elle est importante, et elle est encore
plus importante en ces temps...
Le
Président (M. Ouellette) :
Oui, définitivement. Complétez votre réponse sur le temps... le dernier
moment. Mme la députée de Repentigny, 30 secondes.
Mme
Lavallée : C'est parce que ce que je comprends, c'est que
l'indépendance, pour le VG, n'est pas totale et à l'abri de toute
influence ni pour le Commissaire à l'éthique...
Mme Vallée : Ce n'est pas ce
que j'ai dit.
Mme
Lavallée : ...ni pour le Commissaire au lobbyisme. Quand vous
argumentez, c'est ce que j'entends, c'est que, pour le VG, Commissaire à
l'éthique, Commissaire au lobbyisme, l'indépendance n'est pas totale et à
l'abri de toute influence. En mon sens, ces postes-là, c'est toujours une
indépendance totale et à l'abri d'influence, tout comme le DPCP, tout comme le représentant de l'UPAC. Pour
moi, il n'y a aucune différence entre tous ces postes-là, ça devrait
être traité de la même façon.
Le Président (M. Ouellette) : Merci.
Mme
Vallée : Mais, M. le Président, la collègue me met des mots
dans la bouche...
Le Président (M.
Ouellette) : Bien, je vais vous laisser répondre sur le dernier bloc
du gouvernement.
Mme Vallée :
...ce n'est pas exact, ce n'est pas ça que j'ai dit.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre, vous aviez une réponse, non?
Mme Vallée :
Pardon?
Le Président (M.
Ouellette) : Vous aviez une réponse, ça va être sur le dernier bloc du
gouvernement.
Mme Vallée :
Oui. Merci, M. le Président. Je n'ai pas du tout remis en cause l'indépendance
du VG, de la Vérificatrice générale, je n'ai
pas remis en cause l'indépendance du Commissaire à l'éthique, loin de là. Ce
que j'explique, c'est la
particularité qui est propre aux fonctions du Directeur des poursuites
criminelles et pénales, et on doit s'assurer d'un processus qui est complètement indépendant. C'est
un processus qui, à mon avis, s'apparente davantage au processus de
nomination des juges qu'au processus d'un autre responsable d'un organisme.
L'indépendance judiciaire du DPCP est
beaucoup plus près de l'indépendance de la magistrature. C'est un monde. Je ne
remets pas en cause l'indépendance de la
Vérificatrice générale, mais ce n'est pas la même chose, on ne compare pas des
fonctions similaires avec des garanties constitutionnelles similaires.
Et c'est pour ça que tout à l'heure, lorsque j'ai mentionné, à la question de
notre collègue, le processus, j'ai fait
référence au processus de nomination qui a été mis en place, qui est encadré
par la loi au même titre que le processus
de nomination des juges est encadré par règlement. On doit s'assurer d'une
indépendance, on doit s'assurer que ceux et
celles qui siègent sur ces comités-là sont indépendants et que les
recommandations formulées seront considérées pour quoi? Pour les fins de
la fonction.
Donc,
M. le Président, il faut considérer ça. On ne peut pas faire abstraction de ça,
on ne peut pas faire abstraction des
garanties constitutionnelles et des décisions qui ont été rendues pas la Cour
suprême. Et ça, on n'a même pas besoin d'aller
aussi loin que la Cour suprême, reprenons les rapports du comité sur la
rémunération des procureurs aux poursuites criminelles et pénales, le rapport Bouchard en fait état, il y a quand
même un statut tout particulier pour les procureurs aux poursuites criminelles et pénales. Ce n'est pas
rien, ils ont le pouvoir entre les mains d'entreprendre et de citer à
procès des individus, de prendre des
poursuites criminelles. Ce n'est pas rien, ça a des conséquences. Alors, cette
décision-là doit être libre de toute influence, c'est encore plus
important dans le contexte d'aujourd'hui, M. le Président.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Vaudreuil, pour
le dernier bloc.
Mme
Nichols : Merci, M. le Président. J'avais, en fait, pas mal terminé
avec la promotion du Prix de la justice du Québec. Je ne sais pas si Mme
la ministre avait quelque chose à ajouter sur le sujet.
• (17 h 50) •
Mme Vallée :
Bien, simplement, je remercie ma collègue d'avoir abordé cette question-là.
Parce que, oui, le ministère a lancé l'appel de candidatures pour recruter des
gens, et, au fil des ans, il y a vraiment des personnalités extraordinaires qui ont été honorées, de grandes
dames et de grands hommes qui ont oeuvré dans le milieu de la justice
qui ont fait avancer sans nécessairement
être avocats, il y a des gens qui ont reçu cette reconnaissance-là pour leur
implication dans l'avancement des droits
individuels, des droits des personnes. Je pense, entre autres, à M. McCutcheon, il y a
quelques années, pour son implication dans
la cause LGBT, Mme la juge Otis, qui a une feuille de route incroyable, comme
notre collègue nous l'a mentionné, qui est
une grande dame du milieu de la justice et qui continue d'oeuvrer dans le
milieu, qui continue d'enseigner et qui est
une passionnée. Et, l'année précédente, c'était le juge à la retraite, le juge
Minc, qui était le juge en chef de la
Cour municipale de Montréal, qui, lui aussi, a mis en place des réformes fort importantes
au sein de la Cour municipale et qui
avait aussi à coeur l'intérêt des plus démunis qui se représentent devant les
tribunaux et qui font face à certains enjeux.
Bref,
le Prix de la justice permet vraiment de reconnaître des gens qui, souvent, travaillent
dans l'ombre ou qui travaillent pendant des années sans avoir cette
reconnaissance-là, et puis de leur dire merci pour leur implication, de
souligner tout ça, c'est important. Alors, moi, je pense que c'est toujours une
bonne chose. Puis inviter les collègues parlementaires aussi... Parfois, dans nos circonscriptions, il y a
des gens qui oeuvrent, il y a des gens qui sont actifs pour la défense
des droits des citoyens, alors voici le temps de reconnaître et de souligner le
travail de ces gens-là.
Mme
Nichols : Oui, en effet.
Merci, Mme la ministre. C'est vrai qu'il y a beaucoup de personnes qu'on...
des fois, on ne voit pas travailler, mais
qui font un travail exceptionnel puis qui font avancer plusieurs dossiers ou
plusieurs causes dans notre société.
Donc, c'est bien qu'on leur donne une reconnaissance puis qu'on permette de les
faire connaître au grand public, à la
population. Il y avait Mme Hélène Sioui aussi, pour les droits de la
personne, qui a reçu un prix, je pense, oui, avec la fondation, oui. Alors, super important. Enfin, félicitations pour la remise qui s'en vient! Puis ça nous fera plaisir d'être
parmi vous.
J'ai des collègues
aussi qui veulent parler. J'aurais aimé vous entretenir sur... permettez-moi
d'utiliser «des bons coups» qu'a fait le ministère
de la Justice, entre autres pour les citoyens cette année, entre autres au
RDPRM, au Registre des droits personnels réels mobiliers, entre autres
pour les liquidateurs de succession. Il y a eu un certain avancement pour faciliter la vie de nos citoyens.
J'aurais aimé ça en parler un peu plus, mais je pense qu'on est un peu
limité dans le temps.
Le
wifi dans les palais de justice, on n'en parle pas, mais je pense qu'on est en
2017, là. Quand on allait dans des palais de justice où il n'y avait pas
de wifi, c'était un peu...
Une voix : ...
Mme Nichols : Oui, c'est ça, ça
rendait difficile l'accessibilité à nos dossiers ou... Ça aussi, je pense que
ce déploiement qu'on a fait, si je ne me
trompe pas, c'est 120 heures publiques et 355 salles d'audience qui
sont nouvellement couvertes par le
réseau sans fil. Donc, j'aurais aimé les aborder un peu plus, mais je me
permets de les souligner et de vous féliciter pour cet avancement.
Je vais céder la parole à mon collègue, le
député d'Ungava, M. le Président, s'il vous plaît.
Le
Président (M. Ouellette) :
Eh bateau! M. le député d'Ungava, sur une question et réponse ou un
commentaire et réponse, en vous disant qu'il vous reste moins de six minutes.
M.
Boucher : Moins de six
minutes. On va essayer ça, mais j'espère... En tout cas, le sujet que je vais
aborder est tellement grave que, bon, j'espère que j'aurai l'occasion
de peut-être continuer la semaine prochaine, là. On sait que,
bon, Me Murphy, cet après-midi, là, a eu plusieurs questions puis elle a été
mise sur la sellette. Personnellement, je veux prendre 30 secondes pour tenir à la féliciter. Bien que j'aime bien son
analogie du sous-marin, mais je peux vous dire qu'elle est à la barre d'un gros paquebot qui n'est
sûrement pas toujours facile à manoeuvrer puis qui est affecté par des
vents contraires. Puis, malheureusement, les vents, ils viennent souvent du
salon bleu, ici, par l'entremise des médias, et puis j'entends des choses parfois à la période des questions où c'est à
la limite de l'abîme et du précipice dans lequel il ne faut pas tomber.
Mais, vous savez — comment
dire? — les
mauvaises opinions sont souvent entretenues sciemment.
Je vais vous amener sur un sujet tout autre, qui
est les femmes et les filles autochtones, un sujet qui me tient particulièrement à coeur parce que, premièrement,
là, dans mon comté, on retrouve grosso modo, environ,
30 000 autochtones, un
autochtone sur trois vivant au Québec. Au Québec, il y a à peu près
100 000 autochtones qui vivent sur le territoire de la
province de Québec, dont 30 000 dans Ungava. Un autochtone sur trois vit
dans mon comté. Ma femme est une autochtone
elle-même, donc une autre raison pour avoir ça à coeur. Et puis je peux vous
dire que, maintenant, mes amis, ma famille, mon monde, ma gang, comme on
dit en bon français, c'est les Cris, c'est les Inuits, peuples chaleureux et accueillants,
là, qui vous donneraient tout, même ce qu'ils ne possèdent pas, pour vous faire
plaisir. Donc, je tiens à les saluer en passant.
On sait que
les femmes et les filles autochtones au Canada, bon, sont touchées de manière disproportionnée, par rapport aux autres femmes, par toutes sortes de
formes de violence, hein? Au Canada, les femmes autochtones forment environ 4 % de la population féminine
canadienne, et pourtant elles représentent à peu près 16 % des femmes
assassinées au Canada. Là, je parle
seulement des assassinées. Pas les victimes de voies de fait, pas les victimes
d'agression sexuelle, on parle
uniquement de meurtre. C'est un multiplicateur de quatre, alors c'est vraiment
quelque chose de grave, quelque chose de dramatique.
Au Québec, bien, suite à un reportage que tout
le monde avait vu à la télé concernant, bon, des allégations à Val-d'Or, il y
avait eu des enquêtes. Je n'ai pas l'ombre d'un soupçon de début de
commencement de doute que cette enquête-là n'a pas pu être faite
convenablement, correctement, avec tous les outils nécessaires. Et puis, suite
à cette enquête-là, le DPCP a choisi de ne pas porter d'accusation. Et, encore
une fois, sauf dans des dossiers sur la Côte-Nord,
mais toujours concernant Val-d'Or... Puis, encore une fois, je n'ai pas l'ombre
du début d'un soupçon de doute, quant à
la décision, qu'il n'y a pas un avocat ou une avocate qui n'a pas pris dans son
bureau les dossiers, puis dire : En mon âme et conscience, je suis
convaincu qu'avec ce que j'ai dans les mains, j'ai des chances d'obtenir une
condamnation devant un tribunal. Donc, tout ça a été fait d'une façon
magistrale, j'en suis convaincu.
Mais, malgré tout ça, ceci étant dit, qu'est-ce
qui vient après, là? On sait que le fédéral, le 3 août 2016, bon, a annoncé la mise sur pied de l'Enquête nationale
sur les femmes autochtones disparues et assassinées, un mandat, bon, qui porte sur les causes systémiques de la violence à l'égard des femmes et
des filles autochtones, puis notamment les causes sociales, économiques, culturelles, institutionnelles, historiques
sous-jacentes qui peuvent contribuer à perpétuer cet état de choses là. Souvent, on entend des préjugés puis
qui sont... Vous savez, semer la rumeur, ça, c'est très facile. C'est
pas mal plus difficile, en tout cas, de répandre la vérité. Souvent, on entend des choses : Ah! ils
sont bien dans ce qu'on appelle les
réserves communément, bien qu'on parle plutôt de communautés. Bon, ils sont
bien dans les communautés, ils ne paient pas de taxes, ils font la grosse vie, ils ont des gros pick-up. J'invite
tous les gens, si c'est si beau que ça, à aller vivre là. Vous allez
voir qu'après pas grand temps vous allez souhaiter revenir à la maison, j'en
suis sûr.
Le premier ministre du Québec, bon, avait confirmé à son homologue fédéral son
plein soutien par rapport à ça, et puis,
en décembre 2016, le gouvernement
du Québec a aussi, de son côté... Là, je sens que ça bourdonne, là, parce que
le temps s'émiette, là, mais, en tout cas, j'espère être capable de revenir
avec ça lundi, une commission d'enquête, là, concernant
les relations entre les autochtones et certains services publics au Québec.
C'est de l'écoute, de la réconciliation puis du progrès. Cette commission sera menée par le commissaire Jacques
Viens, un juge à la retraite de la Cour supérieure qui, j'en suis sûr,
fera un excellent travail.
Le mandat principal de cette commission-là va
être d'enquêter puis de constater des faits, de procéder à des analyses et de
faire des recommandations quant aux actions concrètes, efficaces et durables à
mettre en place par le gouvernement du
Québec et par les autorités autochtones en vue de prévenir et, voire même,
d'éliminer, quelle que soit l'origine,
la cause, toute forme de violence, de pratiques discriminatoires, de traitement
différent dans la protection des services aux autochtones, soit, bon,
les services policiers, les services correctionnels, les services de justice...
Le Président (M.
Ouellette) : ...
M. Boucher : Une minute? Bien, mon
Dou...
Le Président (M. Ouellette) : Moins
qu'une minute, 30 secondes pour votre dernier commentaire.
M.
Boucher : 30 secondes? Alors, écoutez, je vais prendre mon
30 secondes pour vous souhaiter un bon voyage vers Gatineau, Mme la ministre. J'entends le vent
siffler. Donc, si vous êtes en avion, attendez-vous à ce que ce soit un
peu rocailleux. Et puis on se voit lundi. Merci beaucoup.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Mme la ministre. Merci, M. le député d'Ungava.
La commission
suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30, où elle procédera à l'étude du
volet Affaires autochtones des crédits budgétaires du portefeuille
Conseil exécutif.
L'étude du volet Justice se poursuivra lundi 1er
mai, à compter de 14 heures. Merci.
(Fin de la séance à 18 heures)