(Neuf
heures trois minutes)
Le Président (M.
Ferland) : Alors, bon matin, tout le
monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des
institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs cellulaires.
Affaires
bilatérales et commerce extérieur
La commission est réunie afin de procéder à l'étude du
volet Affaires bilatérales et commerce extérieur des crédits budgétaires relevant du portefeuille Relations
internationales, Francophonie et Commerce extérieur pour l'exercice financier
2013-2014.
Mme la secrétaire,
est-ce qu'il y a des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M.
Pelletier (Rimouski) remplace M. Cardin (Sherbrooke); M. Breton (Sainte-Marie — Saint-Jacques) remplace
M. Leclair (Beauharnois); M. Arcand (Mont-Royal) remplace Mme St- Pierre (Acadie); et M. Le Bouyonnec (La Prairie)
remplace M. Duchesneau (Saint ‑ Jérôme).
Le
Président (M. Ferland) : Merci. Alors, nous allons débuter pour les remarques préliminaires,
puis nous allons procéder à une discussion d'ordre
général par blocs d'environ 20 minutes, incluant les questions et les
réponses, en alternance avec le gouvernement et les députés de l'opposition.
Puisque nous avons débuté nos travaux à 9 h 3
et qu'une période de quatre heures doit être consacrée à l'étude de ce volet ce
matin, y a-t-il consentement pour poursuivre nos travaux au-delà de l'heure
prévue, jusqu'à 13 h 3? Je constate qu'il y a... Il est tôt,
hein, vous avez le droit de dire : Il y a consentement. Alors, merci
beaucoup.
En terminant, je vous invite, aux fins de l'exercice de l'étude
des crédits, à poser de courtes questions et incidemme nt à fournir des réponses tout aussi brèves, de façon à
favoriser le plus grand nombre d'échanges possible.
Remarques
préliminaires
Alors, M. le ministre,
il y a des remarques préliminaires... Oh! c'est vrai, nous débutons sans plus
tarder avec des remarques préliminaires. Alors, M. le ministre des Relations
internationales, de la Francophonie et du Commerce extérieur, vous disposez de
10 minutes pour vos remarques préliminaires. M. le ministre.
M.
Jean-François Lisée
M.
Lisée : Merci
beaucoup, M. le Président. M. le vice-président, M. le porte-parole du... Ah!
je ne vois pas le porte-parole du deuxième groupe d'opposition; il n'est pas là, alors on
le saluera lorsqu'il arrivera. Mmes, MM. les députés, mesdames messieurs, il me fait plaisir de
rencontrer pour la première fois les membres de la Commission des institutions.
Vous me permettrez d'abord
de souligner la présence de mes collaboratrices et collaborateurs : le
directeur de cabinet, M. François Ferland; le sous-ministre,
M. Michel Audet; le sous-ministre adjoint aux Affaires bilatérales, M. Jean-Stéphane Bernard; le sous-ministre
adjoint aux Politiques et aux affaires francophones et multilatérales, M.
Éric Théroux; le sous-ministre adjoint au
Commerce extérieur, M. Jean Séguin; la sous-ministre adjointe et chef du
protocole, Mme Juliette Champagne; le directeur général de l'administration,
M. Bernard Dubois; ainsi que certains de leurs collaborateurs.
Je
tiens à saluer leur travail colossal de même que celui de leurs collaborateurs
ci-présents et de l'ensemble des employés du ministère, qui offrent un rendement
tout à fait remarquable ces dernières années et encore aujourd'hui dans
l'organisation de la politique internationale du Québec et dans cet énorme
travail qu'est la préparation des crédits.
C'est
un peu particulier cette année parce que les crédits qu'on nous demande de
présenter couvrent une période antérieure à
celle de l'élection du gouvernement que je représente, donc antérieure au
4 septembre, ce qui nous a conduits
évidemment à nous intéresser à des dépenses qui ont eu lieu sous le
gouvernement libéral précédent. Et, à mesure que nous faisions ces vérifications, nous avons découvert qu'il y a eu,
au cours des trois dernières années, à partir de 2009, un changement
dans la façon de comptabiliser et de présenter aux membres de cette Assemblée,
dans les crédits, aux journalistes et au public le coût réel des missions à l'étranger
du premier ministre et des ministres du gouvernement libéral antérieur.
C'est
une décision politique qui a été prise en 2009 à la demande expresse … u ne décision politique, donc, prise en 2009 à la demande expresse du chef de cabinet du ministre des
Affaires internationales de l'époque, M. François Émond, qui a déclaré
que, dorénavant, il ne fallait plus comptabiliser dans les crédits ou présenter
sous la rubrique des missions, dans les crédits du ministère, l'ensemble des
dépenses qui étaient liées aux missions particulières et qu'il fallait
plutôt détourner ces dépenses et les mettre
ailleurs dans les crédits du ministère, de façon à ce que, lorsque les membres
de cette Assemblée viennent aux
crédits et posent des questions, ou lorsque les journalistes posent des
questions, ou lorsque des demandes d'accès
à l'information sont faites, on donne au public et aux membres de cette
Assemblée une information tronquée, une information qui minimise le coût
réel des missions à l'étranger.
Nous n'avons pas trouvé, dans cette recherche, de fraude,
de volonté de ne pas payer les coûts réels, de
volonté de cacher complètement certains
coûts. Ce que nous avons trouvé, c'est une volonté politique de tronquer le
message qui est donné au sujet des coûts des missions. Ça a commencé en
2009, avec une somme relativement faible, 50 000 $, 50 000 $ qui est le coût d'admission au
forum de Davos, donc le cabinet du ministre a décidé que ce coût-là ne
devait pas apparaître au coût de la mission
du premier ministre, mais ça s'est déployé en 2009-2010 sur 51 missions.
51 missions. M. Charest, par
exemple, est allé à Atlanta, le coût réel était de 14 400 $, le coût
déclaré a été de 4 900 $. M. Bachand est allé à Atlanta, le coût réel était de
16 000 $, le coût déclaré a été de 4 000 $. M. Arcand
est allé à Washington, le coût réel était
de 12 800 $, le coût déclaré a été de moins de 3 000 $. En
2010-2011, encore là, 40 missions dont la comptabilité a été
tronquée. M. Hamad est allé à Paris et à Londres, le coût réel était de
14 400 $...
Le Président (M.
Ferland) : Je vous demanderais d'être
prudent pour ne pas nommer les noms, mais par leurs titres...
M. Lisée : Par leurs titres?
Le Président (M.
Ferland) : ...les ministres et les
députés.
M. Lisée : D'accord. Et les anciens ministres?
Le Président (M.
Ferland) : Les anciens ministres, ça
va.
• (9 h 10) •
M. Lisée : Les anciens, ça va? Très bien. Les futurs anciens
ministres?
Alors,
dans le cas du député, alors le coût réel était de 14 000 $ et le
coût déclaré, le coût libéral déclaré, de
4 000 $. 2011-2012,
56 missions. Missions de M. Charest en Europe, le coût réel,
34 500 $, le coût déclaré, moins de 10 000 $. Et ça continue comme ça. M. Charest en Chine, le coût
réel, 110 000 $, le coût déclaré, 16 000 $. Cumulativement,
nous arrivons à un écart, sur trois ans, de 1,5 million de dollars qui ont
été cachés, camouflés au public québécois…
Le
Président (M. Ferland) : ...M. le ministre, également aux termes, c'est comme au salon bleu, « caché » , « troqué » . Juste
être prudent pour les termes.
M. Lisée : …une double comptabilité visant à tromper le public
québécois, à hauteur de 1 474 000 $.
Alors,
il est évident que le gouvernement du Parti québécois a mis un terme absolu à
cette double comptabilité, à cette volonté de minimiser les coûts des missions
et qu'à partir de maintenant nous revenons à la pratique antérieure,
donc la pratique du gouvernement du Parti
québécois précédent, de dire la vérité aux Québécois sur le coût des missions,
coût des missions qui est généralement... Et, encore là, je ne me prononce pas
sur le fait qu'il y avait trop de coûts pour chaque
mission, peut-être que c'est le cas, peut-être que ce n'est pas le cas, mais
sur le fait que l'activité internationale du Québec est une activité essentielle pour notre commerce international,
nos réseaux internationaux, la culture, la science, et qu'il faut avoir le courage d'assumer le coût que
ça représente, d'expliquer pourquoi c'est un bon investissement et de
dire la vérité à l'Assemblée nationale et aux Québécois et Québécoises. Merci,
M. le Président.
Le
Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. Alors, vous n'avez... Il restait du temps, à peu
près 3 min 20 s. Ce sera ajouté
sur la partie ministérielle.
Alors,
maintenant, pour les remarques préliminaires, j'invite maintenant le
porte-parole de l'opposition officielle pour
le commerce extérieur et député de Mont-Royal à faire ses remarques préliminaires,
pour un maximum de 10 minutes. M. le député.
M.
Pierre Arcand
M. Arcand : Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais profiter de l'occasion
pour saluer, évidemment, les collègues
parlementaires qui sont ici présents également, que ce soient ceux du Parti
québécois ou ceux de l'opposition, saluer
M. le ministre, saluer également certains visages connus, au niveau des
relations internationales, que j'ai eu l'occasion de côtoyer pendant
quelques années et qui me rappellent d'ailleurs d'excellents souvenirs. Alors,
je peux simplement souligner, d'une part, leur présence aujourd'hui.
Je
pense que plus que jamais le commerce extérieur est quelque chose de très
important. Je pense que ça fait partie de l'avenir.
Lorsque je voyais certains chiffres, par exemple, qui démontraient jusqu'à quel
point le Québec était un État qui avait...
qui vivait par son commerce extérieur, par ses exportations, je pense que c'est
un volet qui devient de plus en plus important pour l'avenir.
Maintenant, je souhaite évidemment, au cours
de cette discussion, qu'on puisse regarder de façon assez précise certaines des orientations du ministère du
Commerce extérieur. Je sais que le ministre nous a habitués, et je dois lui rendre hommage aujourd'hui,
nous a habitués à être quand même très différent de certains autres. Le
ministre, n'est-ce pas, a l'habitude de ne pas nécessairement, je
dirais, faire de la poudre aux yeux, de jeter de la poudre aux yeux. Il a l'habitude de faire en sorte que le crédit doit
revenir… il l'a fait à de nombreuses reprises auprès de M. Charest, sur
le plan de la politique internationale, il a
dit que le travail qui avait été fait était un excellent travail. Je sais
également que, lorsqu'il a été nommé
ministre au niveau du ministère des Relations internationales, il a bien sûr
fait... je ne sais pas si c'était par vidéoconférence ou autre, mais il
a eu l'occasion de dire : Écoutez, vous continuez dans la même direction,
sur le travail qui avait été fait par notre
gouvernement. Alors, le ministre a toujours fait ça. Et, quand on regarde la
période de questions, on voit qu'il y a peu d'endroits où, évidemment...
peu de ministères où il y a une telle candeur.
Alors, j'espère que le ministre va
continuer à aller dans cette direction-là, surtout qu'il a la lourde tâche de rétablir un peu une
crédibilité à l'étranger. Parce qu'évidemment il y a eu un peu d'incertitude, c'est
le moins qu'on puisse dire, aux premières
décisions du Parti québécois, à l'arrivée au pouvoir, que ce soit la question
du gaz de schiste, que ce soit le plan des
redevances minières, que ce soit la loi sur la gestion des mines et des
hydrocarbures qui tarde à arriver, que ce soit également l'incertitude créée par l'éclatement du ministère du
Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, qui a été éclaté supposément pour simplifier la vie des
entrepreneurs. On pourra voir, au cours des discussions que nous aurons
aujourd'hui, en quoi ça simplifie la vie comme telle des entrepreneurs.
Et j'ai hâte d'entendre également le
ministre sur sa vision du commerce extérieur. Alors, je pense que c'est... Et je souhaite que le
ministre, donc, ait la même candeur qu'il a depuis qu'il est ministre, qu'il
dise les choses... Il y a toujours
une espèce de tradition ici; lorsque votre prédécesseur, le député de Rosemont,
avec qui j'ai eu l'occasion de discuter
lors de crédits... ça a toujours été un élément où on allait à un niveau un peu
plus supérieur, je dirais, de débats et de discussions. Je souhaite donc que cela continue au cours de la
discussion que nous aurons au cours des quatre prochaines heures et je
pense que c'est quelque chose qui sera intéressant pour les Québécois, parce qu'on
va pouvoir vraiment entendre, véritablement,
votre vision d'avenir et on pourra ensemble discuter des gestes qui ont été
posés jusqu'ici par le gouvernement, et aussi votre vision d'avenir, qui
m'apparaît très importante.
Alors, en ce sens-là, ce sont mes
premiers commentaires, et on aura l'occasion de revenir sur un ensemble de sujets.
Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le député. La même chose
pour votre parti, il reste à peu près cinq
quelques minutes, alors ce sera ajouté sur votre bloc de temps, dont vous
disposez bien sûr. Alors, merci.
Je cède la parole... du deuxième groupe d'opposition
officielle en matière de relations internationales, de francophonie et de commerce extérieur et député de La Prairie, à
faire ses remarques préliminaires. Et vous disposez d'un bloc de cinq
minutes. M. le député.
M.
Stéphane Le Bouyonnec
M. Le Bouyonnec : Merci, M. le Président. Bonjour, M.
le ministre, collègues de Sainte-Marie — Saint- Jacques,
Rimouski et Mont-Royal.
Alors, au niveau de mes remarques
préliminaires, évidemment, le commerce extérieur, plusieurs l'ont mentionné, est extrêmement
important. Je crains cependant qu'il ait été un peu délaissé sous le régime
libéral et je crains aussi, en même temps, que le nouveau gouvernement n'y
porte pas assez attention. Et je m'explique.
Au niveau des 10 dernières années,
nous avons eu un retournement, au niveau de la balance commerciale, de l'ordre de
26 milliards, c'est-à-dire, au début des années 2000, nous étions
positifs de presque 7 milliards, pour nous retrouver en terrain négatif de l'ordre de 20 milliards. C'est
énorme, parce que ça représente à peu près 8 %, là, du PIB du
Québec. Et, même si, par exemple, nous
découvrions, à Gaspé, du pétrole, suffisamment pour nous rendre autosuffisants,
ça ne serait même pas encore suffisant pour compenser, au niveau de la
balance commerciale, nos importations de pétrole. Alors, évidemment, on se
dit : À partir d'un constat comme ça, il y a un redressement, il y a un
coup de barre à donner.
Je suppute que les investissements du
précédent gouvernement dans les infrastructures, entre autres, ont fait en sorte qu'il n'a pas
été possible de véritablement soutenir nos entreprises et d'avoir de véritables
stratégies nous permettant d'exporter davantage. Maintenant, nouveau
gouvernement, je vois que notre ministre prend la chose au sérieux. On a eu l'occasion — et je le remercie — d'avoir des discussions, d'ailleurs, sur les stratégies
futures, entre autres autour de l'Afrique. Et, en réfléchissant à cette question,
sachant que l'Afrique représente 3 % du PIB mondial, grosso modo,
sachant aussi que la Chine et l'Inde sont
extrêmement présents, je me suis dit : Bien, peut-être que l'Afrique, oui,
ça serait intéressant, puis, oui, à long terme, nous devrions y porter
attention, mais, à court terme, nous devrions surtout porter attention à l'accord de libre-échange en
négociation avec l'Europe. On sait aujourd'hui que, probablement, le
précédent gouvernement, l'ancien premier
ministre avait déjà compris que nous étions en difficulté au niveau des
exportations et du commerce extérieur, a voulu ouvrir un nouveau front,
et, en ça, on peut dire qu'on peut lui lever notre chapeau. Mais cependant il
appartient au nouveau gouvernement de s'assurer que cet accord-là puisse voir
le jour.
• (9
h 20) •
Cet accord-là est important parce qu'il représente quand
même une augmentation de l'ordre de 20 % de nos échanges avec l'Europe. On parle, au niveau du Canada, d'environ
12 milliards de dollars d'activité économique additionnelle, 80 000 jobs, environ 1 000 $
de plus par famille québécoise en termes de revenus additionnels, si ça devait
voir le jour.
Je suis inquiet en ce moment, quand je vois
les positions très fermes des négociateurs sur certains aspects, sachant que nous
négocions avec un bloc de 500 millions d'habitants et sachant qu'ils vont
bientôt ouvrir aussi des discussions avec les États-Unis. Et j'ose espérer que la négociation fera en sorte que
nous trouverons des solutions, de telle sorte que cet accord puisse être signé, quitte à ce que nous
fassions certains compromis. Aucun échange… aucune entente d'échange n'est parfaite. Et évidemment c'est délicat pour
les politiciens, mais j'espère que vous entreprendrez ça, M. le
ministre, avec le courage qui, je sais, est le vôtre.
Aussi, au niveau du commerce extérieur, on peut
aussi s'interroger sur le fait que, souvent, on a l'impression, à tort ou à raison, que le commerce extérieur ou
les relations internationales servent à davantage entretenir, si vous
voulez, des cocktails diplomatiques à l'étranger
que davantage de faire en sorte que nous ayons de véritables pénétrations
pour certaines de nos industries. Ces industries, on les connaît : il y a
l'aéronautique, évidemment, connue; il y a eu les pharmaceutiques, c'est un peu moins vrai maintenant; les technologies de
l'information. Mais on sait aussi qu'il y a de nouvelles entreprises de la nouvelle économie, au Québec, qui méritent
aussi d'avoir tout le support du gouvernement, même si ces entreprises sont pour l'instant modestes. Avec l'Europe, on
sait que... on connaît leurs difficultés économiques à l'heure actuelle.
Cependant, on peut raisonnablement penser qu'ils vont se relever. On peut
raisonnablement penser qu'avec l'écart de taux de change en ce moment, c'est un
bon vecteur de pénétration pour nous...
Le
Président (M. Ferland) : ...M. le
député, à peu près, qu'il vous reste.
M.
Le Bouyonnec : Oui, merci . E t j'aimerais vraiment
entendre, ce matin, en fait, la vision du ministre. En présumant que l'accord de libre-échange soit véritablement signé,
quelles sont les stratégies immédiates pour que nous soyons, à travers le Canada, les premiers à sortir
des blocs? Parce que c'est un peu comme une course, lorsqu'on abat des barrières tarifaires ou non tarifaires, c'est la
course de chevaux. Où on attaque d'abord? Qu'est-ce qu'on privilégie?
Quel rythme on veut donner à nos nouveaux échanges avec l'Europe? Et je plaide
en faveur d'une grande intensité, à la fois politique, diplomatique, au niveau
de la réflexion...
Le
Président (M. Ferland) : Alors,
merci. Merci, M. le député de La Prairie. Le cinq minutes étant écoulé...
M.
Le Bouyonnec : ...secondes de plus à
mon prochain bloc, M. le Président.
Le
Président (M. Ferland) : Ça sera
enlevé sur votre temps de toute façon. Mais, pour les préliminaires, je préfère
qu'on s'en tienne au temps alloué.
M.
Le Bouyonnec : Très bien. Alors, j'étais
arrivé à la conclusion, mais je la garderai pour plus tard. Je vous remercie.
Le Président (M. Ferland) : Vous aurez l'occasion de conclure
dans votre prochain bloc. Alors, je vous
remercie pour ces remarques préliminaires.
Je suis maintenant prêt à reconnaître
une première intervention de l'opposition officielle pour un premier bloc d'échange, d'environ
20 minutes, je crois? C'est ça? 20 minutes. Alors, M. le député de Mont-Royal,
la parole est à vous.
Discussion
générale
M. Arcand : Merci beaucoup, M. le Président. Nous
allons commencer ce premier bloc évidemment en
tentant une autre fois de clarifier les
propos que vous avez eus au sujet bien sûr de la question du libre-échange
Canada-Europe. Je pense que c'est un
élément qui est très important. Et moi, je ne mets pas en doute votre parole,
je pense que c'est clair, vous avez dit effectivement que la question de
la gestion de l'offre, c'était quelque chose auquel vous teniez.
Là où on commence à se poser un
certain nombre de questions, et j'aimerais avoir certaines des réponses là- dessus, c'est que… Le problème que j'ai toujours avec le
Parti québécois, c'est que, lorsqu'on parle de commerce extérieur, sous‑jacent à vos positions, il y a toujours une
espèce de dominante politique qui est très, très, très présente dans
chacune de vos interventions, vous... et on
ne sait jamais le degré de sincérité que vous avez sur la question du
libre-échange Canada-Europe, par exemple.
Évidemment, notre formation politique, je
pense que c'est la même chose du côté de la CAQ et du côté du Parti québécois, on est
tous d'accord avec le principe du libre-échange avec l'Europe. Mais, là où ça
me semble être un peu plus problématique, c'est lorsque... L'attitude
que vous avez eue, c'est un peu de dire : Bien, j'entreprends ces négociations-là de bonne foi, mais je veux avoir
également le beurre et l'argent du beurre. En d'autres termes, bien :
Je négocie de la meilleure façon possible,
mais, s'il y a quelque chose qui ne fait pas mon affaire, je vais faire en
sorte qu'ou bien on va adopter des lois qui feront en sorte, par exemple
dans le cas du fromage, que ça ne passera pas, dans le cas du médicament, on va
exiger des compensations à Ottawa, etc.
Alors, moi, je veux essayer de
comprendre un peu votre raisonnement à travers ça. Est-ce qu'à quelque part vous êtes prêt à
sacrifier des choses? Qu'est-ce que le Québec est prêt à sacrifier dans une
négociation? Comme vous le savez, ce que je comprends de la situation, c'est
que, par exemple, dans la question du 100 millions de litres de lait, là,
qui est en jeu, à peu près, là, sur la question du fromage, ce que
les Européens veulent, c'est évidemment avoir plus de fromages européens au Québec et au Canada, et, en échange,
probablement que les producteurs de porc vont avoir un accès encore beaucoup plus facile à ce marché de 500 millions
qui fait notre affaire. Alors, ça, c'est très clair de ce côté-là. Mais est-ce
que pour vous il y a des... Est-ce qu'il faut avoir le beurre et l'argent du
beurre ou s'il y a des choses que vous êtes prêt à sacrifier?
Le
Président (M. Ferland) : M. le
ministre.
M.
Lisée : Ce qui est certain, c'est qu'on
ne veut pas sacrifier le beurre, on ne veut pas sacrifier le lait, on ne veut
pas sacrifier nos producteurs de lait et on ne veut pas sacrifier l'emploi dans
les régions du Québec qui sont liées à l'industrie laitière.
Maintenant, je vous remercie, M. le député de
Mont-Royal, de votre question. Vous dites : On a l'impression qu'il y a un cadre politique lorsque le Parti
québécois discute de la question du libre-échange. Bien oui,
heureusement, parce que nous, on est pour l'emploi, mais on est contre la
dictature du marché. On pense qu'il est essentiel, dans nos accords de libre-échange, de ne pas sacrifier la
capacité politique qu'a la démocratie québécoise de faire ses choix. Et
on pense aussi qu'il est essentiel d'associer
les Québécois de façon transparente à la négociation de l'accord de libre-échange.
Alors, on était très inquiets, lorsqu'on
était dans l'opposition, de l'opacité avec laquelle le gouvernement libéral précédent et le
gouvernement canadien menaient ces négociations. Et c'est pourquoi mon collègue
Nicolas Marceau et moi-même, nous avons innové en arrivant, en
disant : C'est un accord qui aura un impact important sur le reste... sur
l'économie québécoise, sur plusieurs secteurs d'activité, et donc il faut faire
ça de façon transparente.
Nous avons organisé, en octobre, un
premier colloque, en fait une séance d'information et de commentaires avec une cinquantaine de
membres de la société civile, des gens du patronat, des gens des syndicats, des
organisations communautaires,
culturelles. Nous avons refait la chose en janvier avec une conférence
téléphonique assez longue, avec les
mêmes. Nous avons demandé à notre négociateur de rencontrer — M. Pierre Marc Johnson — des acteurs, de
rencontrer l'opposition. Encore en décembre, je pense que vous avez eu l'occasion
de les rencontrer et de discuter avec eux. Et, pour nous, ce n'est pas quelque
chose qui doit se faire en secret. Ça, c'est la première chose.
La deuxième chose, c'est qu'il est évident
que, lorsqu'on a pris le pouvoir, on a voulu s'assurer que la démocratie québécoise
et la capacité des Québécois de décider de leurs politiques environnementales,
sociales n'allaient pas être, d'aucune
façon, amenuisées par cet accord. Alors, on a fait en sorte que l'éducation, la
santé, l'eau, la gestion de l'offre ne
seraient pas négociables, et d'ailleurs ce n'est pas négocié. Rien dans l'accord
n'incite nos gouvernements ou nos villes à privatiser quelque service que ce soit, rien n'entame notre capacité de
favoriser des choix sociaux ou environnementaux. Il s'agit tout au plus d'élargir le nombre de contrats auxquels les
entreprises européennes peuvent avoir accès par le mode de la
compétition, de l'appel d'offres. Mais, dans le cadre légal québécois actuel et
à venir, rien ne nous empêche de continuer à modifier notre encadrement
législatif, environnemental ou autres.
• (9
h 30) •
Et
nous avons aussi beaucoup insisté pour un balisage très sévère de ce qui
préexistait au début de l'ALENA, c'est-à-dire
la capacité des investisseurs de poursuivre un gouvernement parce qu'il aurait
modifié une législation de façon à réduire
ses profits. On a toujours été contre cette disposition. Et effectivement, dans
les années qui ont suivi l'ALENA, grâce
à la pression populaire, syndicale, politique, un balisage important a été fait
pour qu'une entreprise ne puisse plus forcer
un gouvernement à modifier une législation ou un règlement, ne puisse plus
avoir de décision punitive, et que ce soit
limité à lorsqu'un investisseur considère qu'une règle vexatoire ou
discriminatoire le concernant particulièrement... dans ce cas-là, il peut se plaindre. Et également
nous avons fait en sorte que… Sur la question culturelle, nous voulions
nous assurer absolument que la protection de
la capacité de l'État québécois à faire la promotion et d'appuyer ses industries
culturelles soit parfaitement protégée dans ce nouvel accord, et donc nous
avons fait en sorte que les libellés qui ont été
discutés, qui sont parfois divers, reçoivent l'aval des experts de la Coalition
de la diversité culturelle et de nos propres experts. Donc, là-dessus, oui, on est très, très, très politiques. Nous
voulons absolument que ce ne soit pas le marché et les investisseurs qui
décident des orientations politiques du peuple québécois, ça, c'est certain.
Maintenant, vous posez la question : Qu'est-ce
qu'on leur offre en échange? Bien, ce qu'on leur offre en échange, c'est ce qu'ils
ont demandé. Quelle est la principale demande des Européens? C'est l'accès au
marché public de l'État québécois et
des municipalités, et c'est ce qui est nouveau. C'est ce qu'on apporte à la
table, la capacité pour leurs entreprises de faire des soumissions dans
le cadre de notre cadre légal, et c'est le grand gain.
Ensuite, ils demandent autre chose.
Bien, nous aussi, on peut demander autre chose, mais il y a des choses sur lesquelles on est
très fermes puis il y a des choses sur lesquelles on est plus parlables. La
culture, le recours des investisseurs,
la gestion de l'offre, les quotas de fromage, on est très fermes. Et on leur
dit : Si vous voulez autre chose, on est plus parlables sur autre chose. Alors, bien sûr, une négociation, c'est
donnant, donnant. Mais je ne veux pas interpréter de vos propos que vous
pensez qu'il faut donner sur les quotas de lait; corrigez-moi.
Le
Président (M. Ferland) : Merci, M. le
ministre. M. le député.
M. Arcand : Je pense que vous avez vu la question
qui a été posée hier, à l'Assemblée nationale, par mon collègue du comté de Huntingdon, je pense que c'est assez
clair, notre position, à cet effet-là.
Alors, ma question, puisqu'on parle de
ça... Puis, quand je parlais de politique d'abord et avant tout, évidemment il y a toujours l'ombre de la souveraineté qui
est toujours présente, c'est surtout ça, ce dont je parlais. Vous voulez faire la promotion de la souveraineté, et une des
façons, pour vous, de faire la promotion de la souveraineté, c'est
prouver que ça fonctionne mal au Canada, qu'il
y a des différences, etc. Donc, pour vous, c'est très important d'en arriver là
et c'est en ce sens-là. Chaque geste qui est fait n'est pas
nécessairement fait pour que ça fonctionne bien sur le plan économique.
Plusieurs des gestes sont faits pour que ça fonctionne de façon à favoriser la
souveraineté.
Ma question, donc, par rapport à cette
question de quotas de fromage : Si demain matin... Parce que vous l'avez dit en entrevue,
je crois, à Gérard Filion, vous l'avez dit de façon très claire, vous avez
dit : Écoutez, ça, ce n'est pas... c'est du ressort fédéral, c'est eux à signer l'entente, etc. La première ministre
a dit : Si l'entente ne fait pas l'affaire du Québec, il n'est pas possible qu'on puisse se retirer, on s'est
donné l'obligation d'entériner les accords par un vote à l'Assemblée
nationale. Dans les faits, cet accord s'appliquera, puisque c'est le Canada qui
a la responsabilité des ententes commerciales avec le reste du monde. Alors, si
demain matin les quotas de fromage sont augmentés, est-ce qu'à ce moment-ci
vous... qu'est-ce que vous allez faire?
Le Président (M.
Ferland) : M. le ministre.
M. Lisée : Bien, M. le député, je ne veux pas
déduire de votre intervention que le parti que vous représentez serait prêt à entériner
une entente négociée par le Canada quelle qu'elle soit. Je ne peux pas croire
que vous êtes en train de nous dire
que, puisque vous, vous n'êtes pas pour la souveraineté, si le Canada signe une
entente, vous allez dire oui même si elle
n'est pas dans l'intérêt du Québec. Je pense que vous avez à coeur les intérêts
du Québec, quand même, et qu'il arrive que le Canada fasse des choses
qui ne soient pas dans l'intérêt du Québec.
Alors,
nous, nous avons beaucoup insisté pour être très actifs dans les négociations.
Et d'ailleurs... et ça, je vais reconnaître la contribution du gouvernement
antérieur pour faire en sorte que, jamais auparavant, le Québec n'a été
aussi impliqué dans une négociation
internationale, et nous espérons que ce sera le cas pour les négociations
suivantes avec l'Inde, avec le Japon et dans l'accord transpacifique. C'est
la demande que nous formulons. Et, puisque, dans nos discussions avec le ministre fédéral du Commerce extérieur, M. Fast, il
nous dit qu'il est très, très heureux de la façon dont ça fonctionne, on
dit : Bien, pourquoi ça ne fonctionnerait pas encore comme ça pour la
suite?
Nous avons... Nous
pensons que c'est dans l'intérêt du Québec que cette entente soit conclue. Nous
pensons, comme le député de La Prairie
l'a dit tout à l'heure, que c'est un extraordinaire potentiel de croissance
pour l'économie québécoise, que les tarifs douaniers qui frappent un
certain nombre de nos produits à hauteur de 6 % à 14 %, ils
disparaissent va nous permettre de prendre des parts de marché importantes dans
un marché de un demi-milliard de personnes.
Et donc, oui, nous, comme nous le voulions pour l'ALE et l'ALENA
précédemment... Et d'ailleurs je voudrais rappeler que M. Parizeau était favorable à la négociation avec les
États-Unis, alors que M. Bourassa était contre, donc nous avons été des précurseurs là-dedans, M.
Lévesque aussi était pour, alors que les libéraux étaient contre. Alors,
on vous a finalement convaincus que c'était
une bonne chose et on en est contents, on vous en remercie. Mais c'est sûr
qu'on veut que ça marche, mais on ne veut
pas que ça marche à n'importe quel prix. Et donc, tant que la négociation n'est
pas terminée, comme tout bon négociateur, nous disons : On verra au
mérite.
Le Président (M.
Ferland) : Merci, M. le ministre. M.
le député.
M. Arcand : Alors, vous savez des choses, vous êtes au courant des
négociations, vous savez probablement beaucoup
plus de choses que nous savons au moment où on se parle. Et donc est-ce que
vous croyez, à ce stade-ci, ou il est trop tôt pour le faire, quoiqu'on
dit que, d'ici quelques semaines, ce sera déterminant, est-ce que vous croyez
que nous serons appelés à rejeter certains éléments de l'accord, au moment où
on se parle, ou vous ne le savez pas?
Le Président (M.
Ferland) : M. le ministre.
M.
Lisée : Bien, c'est-à-dire,
ce n'est pas comme ça que ça va se passer. Alors, il y a un moment... Et d'ailleurs c'est
pourquoi le rapport de force du Québec est très important dans cet accord,
notamment parce que la Belgique... À Bruxelles
on a insisté pour la présence des provinces, puisque le gain que les Européens
veulent faire dépend de la volonté des
provinces de leur laisser faire ce gain, hein? Ce n'est pas seulement le
Québec, c'est toutes les provinces. Si l'Ontario était très en désaccord avec l'accord, il pourrait décider de ne pas
voter les lois habilitantes, donc d'ouvrir ses marchés publics, et là le
fédéral serait obligé de payer des compensations. C'est comme ça que ça
fonctionne.
Alors,
lorsque l'accord sera complété, nous, nous n'aurons la capacité que de dire oui
ou non, dire oui ou non. Nous ne pourrons pas dire : On dit oui à tout sauf
aux quotas de lait. Ça ne se présente pas comme ça. Et c'est pourquoi
notre participation avant la conclusion de l'entente de principe est si
importante, parce qu'on veut être en position, lorsque l'entente de principe sera faite, de pouvoir dire oui à l'accord. Notre
objectif, c'est un oui. On aime ça, les oui, nous. On veut dire oui,
hein? On veut que la majorité de l'Assemblée dise oui. Mais, pour se rendre à un
oui, il faut être satisfait de ce qu'il y a à l'intérieur.
Le Président (M.
Ferland) : Merci, M. le ministre. M.
le député.
M. Arcand : Est-ce que la volonté exprimée par le président américain,
là, de vraiment entreprendre des négociations
ne place pas le Canada dans une position un peu plus difficile actuellement?
Parce qu'une des choses qui étaient vendues, entre autres, aux
Européens, c'était de dire : Bien, écoutez, avant de faire une négociation
avec les États-Unis, c'est plus facile de le
faire avec le Canada, donc il faudrait que vous entreprendriez des négociations
avec le Canada. Est-ce qu'il n'y a donc pas urgence de régler ça relativement
rapidement?
M.
Lisée : En fait,
le président américain nous aide, parce que, s'il n'avait pas repris à son
compte cette volonté américaine d'entamer des négociations avec l'Europe, les Européens
auraient eu plus de temps, mais là ils ont moins de temps parce qu'ils sont pressés de passer à cette
seconde étape. Et c'est très important pour eux de régler avec le Canada
et avec le Québec pour pouvoir avoir des précédents dans cet accord
transatlantique qu'ils vont vouloir faire valoir dans la négociation qui va s'ouvrir avec les Américains. Alors, non, ce n'est
pas... ça ne nous gêne pas, au contraire, je pense que ça donne encore... ça donne un sentiment d'urgence
plus important aux Européens. Mais, de toute façon, on est dans la phase
finale, quoi qu'il en soit.
Maintenant,
pour les Américains, ils sont au début d'un processus qui va être assez long.
Je veux dire, nous, ça nous a pris trois ans. Bon, évidemment, ils vont profiter un petit peu
des précédents que nous avons posés, et c'est pourquoi, par exemple sur la culture ou sur les
investisseurs, il est si important pour nous de mettre nos lignes rouges dans
l'accord avec l'Europe, parce que, lorsque l'Europe
se retournera vers les États-Unis, ces lignes rouges seront présentes, et
donc on pourra les exporter aux États-Unis,
en un certain sens, et ne pas les affaiblir. Comme, dans le cas des
investisseurs, les Américains
ont finalement été d'accord avec nous, s'il fallait que ce soit plus faible
avec l'Europe, ça pourrait affaiblir notre position. Donc, c'est une des
raisons pour lesquelles on est si fermes.
Mais évidemment l'avantage comparatif que
nous allons avoir en Europe, c'est qu'on sera... nos entreprises, nos produits seront sur
le marché européen, avec un avantage comparatif de 6 % à 14 %,
pendant tout le temps que prendra la négociation
avec les États-Unis. Ça peut prendre deux ans, trois ans, quatre ans, c'est
suffisant pour bien s'installer sur le marché.
Et il n'est pas dit que l'accord avec les États-Unis va se conclure, parce que
nous, on n'a pas le « Buy Québécois Act » dans nos marchés publics. Eux, ils
ont le Buy America Act, et ça va être très, très, très difficile pour les Américains de convaincre les États de surseoir à un
certain nombre de ces mesures-là, ce que nous, on a accepté de faire.
• (9
h 40) •
Le
Président (M. Ferland) : Merci, M. le
ministre. M. le député.
M. Arcand : Alors, si on revient sur la question
des quotas de fromage, si vous n'êtes pas satisfait de ce qui est négocié, qu'est-ce que vous faites?
M.
Lisée : Nous, notre stratégie, c'est
de tout faire en sorte pour être satisfaits de ce qui sera négocié.
Le
Président (M. Ferland) : M. le
député.
M. Arcand : En fait, c'est parce que le problème
que j'ai, c'est que vous avez quand même laissé un peu sous- entendre qu'à un
moment donné, dans une négociation, on gagne, on perd, etc. S'il y a des
éléments sur lesquels on perd, vous
laissez sous-entendre que, bon, bien, on ne l'appliquera pas, cet élément-là en
particulier. Est-ce que c'est toujours votre volonté d'agir en ce
sens-là, et concrètement comment vous allez faire?
Le
Président (M. Ferland) : M. le
ministre.
M. Lisée : La négociation est en cours. Nos
positions sont claires. Laissons travailler les négociateurs, et vous et moi et les autres membres de l'Assemblée, nous
jugerons du résultat.
Le
Président (M. Ferland) : M. le
député.
M. Arcand : Et, sur la question des médicaments,
sur la question des brevets, vous avez dit... Si demain matin ces éléments-là
entrent en ligne de compte, vous allez faire une bataille avec Ottawa, mais
vous allez respecter l'entente, de façon générale, que le Canada aura
conclue, s'il conclut l'entente au niveau des brevets.
M. Lisée : Bon, ça, c'est une discussion qui a
cours à l'intérieur de la délégation canadienne, donc, des provinces, et c'est
évident que toutes les provinces disent au Canada que, s'il veut accepter la
demande des Européens de la règle des 15 ans sur les médicaments, ça
veut dire que ce sont les provinces qui vont payer ce surcoût et que cette...
Le
Président (M. Ferland) : ...M. le
ministre, à peu près, pour conclure.
M.
Lisée : Pardon?
Le
Président (M. Ferland) : Une minute
environ.
M. Lisée : Très bien. Et que, donc, ce serait
une concession canadienne que nous ne souhaitons pas, mais, s'il souhaite la faire,
il devra compenser toutes les provinces. Alors, c'est une question que nous
posons au fédéral a priori. Nous ne
voulons pas faire cette bataille a posteriori. Nous voulons lui dire : Si
vous voulez faire ça, voici ce que ça signifie.
Le
Président (M. Ferland) :
30 secondes.
M. Arcand : Est-ce que vous avez une idée de la
compensation que vous pourriez exiger du fédéral si demain matin ils acceptaient cette notion de brevet?
M. Lisée : Ça dépendrait du libellé, de la
nature exacte du type de règle de la couverture. C'est trop tôt pour le dire. On travaille sur le principe.
M.
Arcand : D'accord.
Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. Alors, c'est...
Je veux juste vous informer que, si vous avez une question, il reste 30 secondes. Le
ministre peut toujours répondre à la question si vous le désirez, mais le temps
qui va dépasser sera enlevé de votre bloc à ce moment-là, mais c'est votre...
Une
voix : ...
Le
Président (M. Ferland) : Et voilà,
aucun problème. Alors, merci.
Alors,
maintenant, nous allons aller du côté de la partie ministérielle, et je
reconnais le député de Sanguinet pour un bloc de 20 minutes.
M.
Therrien :
Merci, M. le Président. Je voudrais saluer les membres de la commission, les
amis de l'opposition, le président, le
ministre et son équipe.
Écoutez, j'écoutais le
député de Mont-Royal, là, c'est bien difficile de négocier quelque chose dans
un cadre fédératif canadien, vous ne trouvez
pas, M. le ministre, que... je ne voulais pas parler de ça, là, mais d'essayer
d'influencer le gouvernement fédéral qui,
lui, prend la décision pour nous, puis de dire : Bien, si lui, il accepte,
qu'est-ce qu'on peut faire? Je pense
que ce serait plus simple si on était souverains, n'est-ce pas, M. le ministre?
Je ne veux pas partir un débat là-dessus, mais, les gens qui nous
écoutent, je pense qu'il n'y a pas de meilleur argument pour la souveraineté
que les dernières 10 minutes du député
de Mont-Royal qui se casse la tête à essayer de trouver une façon de
représenter le Québec à travers quelqu'un qui ne représente pas le
Québec, qui représente l'ensemble du Canada.
Puis
j'avais déjà discuté avec son collègue de Huntingdon, qui représente les
agriculteurs puis qui était bien inquiet de la gestion de l'offre, alors qu'on sait très
bien que, si nous, on parlait en notre nom, la gestion de l'offre, ce ne
serait même pas sur le tapis, on n'aurait
même pas mis ça sur la table. Mais, bon, c'est comme ça. On est dans des
aberrations, souvent, en politique, bien, c'en
est une, aberration. Puis j'ai hâte, à un moment donné, qu'on arrête de parler
de ça puis qu'on puisse avoir tous
nos leviers pour parler en notre nom dans le concert des nations. Mais en tout
cas ça dépasse le mot « pays » ou « province » , ça va compliquer toutes les
relations qu'on a avec l'étranger. Je ne voulais pas parler de ça, mais je voulais juste glisser un mot, parce qu'on est
devant une aberration, c'est tout.
Par
rapport à ce que le député de Mont-Royal disait, que, quand les Québécois
allaient à l'étranger, on faisait des efforts,
surtout les souverainistes, pour montrer qu'on était différents, mais on n'a
pas besoin de faire des efforts, ils voient bien qu'on est différents, ils ne
sont pas caves, là — moi, je suis à la
limite, là, hein? O.K.
Le
Président (M. Ferland) : Moi, je n'ai pas dit un mot, mais effectivement il y a une ligne à ne
pas franchir...
M. Therrien : Non, bien, à un moment donné, je suis allé en voyage...
Le Président (M.
Ferland) : ...et vous êtes rendu à la
rivière, là.
M. Therrien : O.K.
Le Président (M.
Ferland) : Ne traversez pas le pont.
Alors, allez-y, M. le député.
M. Therrien : Je suis allé… À un moment donné, avec le député de Marquette,
on est allés représenter le Parlement
québécois à Austin, au Texas, puis c'étaient des parlementaires des différents
États américains et les provinces canadiennes. Et combien m'ont dit qu'il
n'y avait pas de commune mesure entre l'approche du gouvernement québécois... puis là j'incluais mon collègue qui
est du Parti libéral là-dedans, parce que lui aussi, il était très société
distincte dans sa façon de présenter les
dossiers. Ils disaient : Vous êtes plus énergiques, vous avez plus ça à
coeur, vous intervenez plus; je veux dire, il n'y a pas de commune
mesure avec les autres provinces canadiennes.
Alors,
on n'a pas besoin de commencer à dire : On est Québécois, on est
différents, raconter 200 ans d'histoire. Ce n'est pas à eux qu'on devrait raconter ça, c'est
aux députés qui n'ont pas encore compris l'histoire du Canada. Alors
donc, je pense qu'on n'a pas nécessairement
besoin, là, de commencer à avoir un tee-shirt avec la fleur de lis, je pense
qu'ils l'ont compris.
Autre chose que je
voudrais discuter avec le ministre, puis là je vais vous laisser parler, M. le
ministre, cette fois-ci : Un des
premiers gestes... vous avez posé plusieurs gestes, mais un des premiers
gestes, puis vous en avez parlé tantôt,
c'était d'organiser un colloque avec la société civile — moi,
j'étais là, on était une cinquantaine — pour justement faire le point sur les négociations avec l'Europe,
et M. Johnson était là, et ça a été...
Moi, je ne sais pas si ça a été à vos oreilles, mais les
gens de la société civile sont venus me voir, parce que, bon, ils ont vu que j'étais
député du Parti québécois, et ils étaient enchantés, ils disaient : Mais c'est
merveilleux, enfin on peut discuter, enfin on peut poser des questions,
parce qu'il y a eu beaucoup de questions qui se sont posées. Ça fait dont
changement d'avec l'opacité qu'on avait avant, qu'on ne savait pas trop où ce
qu'on s'en allait, que tout était en danger, selon nous.
Et
là il y a plusieurs intervenants qui sont allés au micro pour justement poser
des questions à M. Johnson puis à notre ministre, puis, écoutez, ça a été un succès,
et ça marquait une brisure dans le comportement du gouvernement du Québec, et ça a été salué. Je ne sais pas, est-ce
que vous avez eu des échos, à part... parce que moi, j'étais à ce
moment-là avec la société civile, mais avez-vous eu des échos de ça, de ce que
je vous dis?
Le Président (M.
Ferland) : Merci, M. le député. M. le
ministre.
M. Lisée : Oui, bien, merci de le rappeler. D'ailleurs, le député de
Mont-Royal était présent. Le député de La Prairie, est-ce que vous étiez
présent à...
Une voix : Non.
M. Lisée : Non. Mais nous avons organisé des
briefings pour les membres de l'opposition. Le député de Mercier était présent aussi. Et même on avait invité des
journalistes spécialisés. Pour les portions de présentation, on leur a demandé de se retirer pour laisser les membres de
la société civile poser toutes les questions sans se demander si, oui on
non, ça allait être dans les médias, mais ensuite ils pouvaient leur parler,
bien sûr, ce qu'ils ont fait.
Non,
on a eu beaucoup de... Ensuite, on a eu des sous-questions, tu sais, on a
dit : Envoyez-nous des commentaires, des propositions, des questions, donc on en a eu.
On a eu aussi... Bon, moi, j'ai fait analyser tout ce qui nous a été
envoyé de différents groupes, à
savoir : Est-ce que là il y a un argument qu'on n'a pas vu? Est-ce que...
Et puis ça a alimenté nos conversations,
de moi et de Nicolas Marceau, avec Pierre Marc Johnson. Et c'est important pour
nous d'avoir... Parce que, vous
savez, même les meilleurs négociateurs, on a tous confiance en M. Johnson et
son équipe, bien, ils sont quand même dans
cette bulle de négociations et puis ils cherchent le compromis, ils
cherchent... bon. Puis il y a des moments où tout se tient, mais c'est la responsabilité du politique
de prendre un pas en arrière puis dire : Bon, bien là, est-ce qu'on est en
train de se mettre le doigt dans un
engrenage, ou ça a une logique interne dans la négociation commerciale, mais on
est trop loin de la volonté politique démocratique?
• (9 h 50) •
Alors, ça a permis...
Moi, ça m'a beaucoup rassuré parce que j'ai pu confronter les points de vue
puis même, parfois, des libellés qui m'étaient envoyés de différents groupes,
disant... bon. Et ça a approfondi ma connaissance et celle de mes collaborateurs et de Nicolas Marceau, des arguments et des
contre-arguments. Et on a pu voir aussi qu'il y a des contre-arguments qui, à cause de l'opacité
antérieure, ont comme pris racine et qu'il faut déraciner. Bon, par
exemple, il y a énormément de craintes sur la privatisation de l'eau, la
privatisation des services municipaux de l'eau. Ils disent : Ah oui! si des grandes entreprises européennes
françaises dans l'eau viennent, ça va être privatisé. Bien non! Il n'y a
rien dans l'accord qui parle de
privatisation, rien n'incite à la privatisation. Et, si une municipalité décide
de donner un contrat, bien, elle
donne un contrat et, à la fin du contrat, elle peut arrêter le contrat et
reprendre à sa charge, donc au service public, la gestion de l'eau ou une usine d'eau, etc. Donc, il y a un certain
nombre de mécanismes qu'on a expliqués en disant : Écoutez, il faudrait vraiment qu'une
municipalité... la démocratie municipale décide de se départir complètement
d'un secteur sans garder de lien pour que ça
soit une privatisation. Mais ce sera la municipalité qui le décidera, et tout
le monde sera là pour dire que ce n'est pas une bonne idée. On peut
faire en sorte que le privé participe à certains services sans se départir de cette capacité. Alors, il y a des
contrats, il y a des licences, il y a des sous-contrats qui peuvent... Et
puis moi, je le dis — c'est
ma position — j'invite les municipalités qui veulent faire affaire avec des
entreprises privées extérieures de toujours
garder la capacité de reprendre les choses à leur compte, si elles le décident,
et de ne rien laisser partir.
Alors,
même chose pour la santé, pour l'éducation. Dans le portrait, parce que c'est
opaque, les gens s'attendent au pire. Et puis
on a pu dire : Non, non, c'est dans la liste d'exceptions, c'est
complètement blindé. Les Européens ne le demandent
même pas. Des gens craignaient qu'on donne ce que les Européens ne demandaient
pas. Alors, c'est pour ça que... Et la
lumière, c'est... le meilleur désinfectant et le meilleur pédagogue, c'est la
lumière. Alors, on va continuer. Mais, même
s'il y a beaucoup de lumière, il y a des gens qui continuent à être contre en
principe, et ça, je respecte ça. Il y a des gens qui pensent qu'il ne faudrait pas faire d'accord de libre-échange.
Moi, je considère que, si on est très fermes sur la prérogative de la
démocratie et qu'on ne se laisse pas dicter nos politiques, bien là, c'est un
accompagnement de nos entreprises et de la création d'emplois, qui peut être
significative, et, ça, c'est bon pour nous.
Et
puis, je vais vous dire, dans les... Le député de Mont-Royal parlait de la
mauvaise réputation du Québec. Tout est
relatif, mais effectivement la corruption qu'on a vue dans l'attribution des
travaux publics au cours des dernières années et le retard qui a été pris par
le gouvernement précédent à créer cette commission d'enquête ont pu entacher, effectivement, un peu, la réputation du Québec, et
nous sommes ici pour réparer le tort causé par le gouvernement précédent. Et probablement que d'avoir un peu plus
de compétition dans les travaux publics avec des entreprises
européennes, ça pourra aider à faire baisser les prix... à faire baisser les
prix.
Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. M. le député.
M.
Therrien : Oui.
Merci. Oui, j'oubliais de dire que le ministre des Finances aussi était à cette
journée. Et c'est vrai, ce que vous dites, M. Johnson l'avait bien spécifié, par rapport à
l'ouverture des marchés publics, là, que ça permettait, là, comme vous
dites, là, peut-être d'éliminer d'une certaine façon la corruption.
Tantôt,
j'ai fait une erreur. Je parlais de la souveraineté du Québec, j'ai oublié de
mentionner que notre collègue de la CAQ, le
député de La Prairie, a dit que, lors du grand jour du référendum, il
serait à nos côtés, du côté du oui. Je le salue, d'ailleurs.
Je
voudrais aussi parler un peu de l'entente avec l'Europe, très rapidement, parce
qu'on a l'expérience avec les États-Unis en... bon, dans les années 80, ça
a été signé en 1988, appliqué en 1989, mais, quand on étudie l'économie
puis qu'on étudie les relations économiques
internationales, on a toujours comme conclusion d'entente commerciale qu'il
y a certains nivellements soit des niveaux de vie, soit des prix, ou de
plusieurs choses, et c'est comme si on ne pouvait pas y échapper. Avec les États-Unis, on voit qu'il y a quand même une
grande disparité au niveau des salaires, au niveau des protections
sociales et tout ça, et on avait beaucoup à craindre, dans les années 80,
à cause de ça. Bien, en tout cas, il y a des
gens qui pensaient que ça changerait beaucoup notre niveau de vie. Mais on ne
remarque pas ça avec l'Europe, cet écart-là
de niveau de vie, de la taxation, ainsi de suite. Est-ce que, pour vous, c'est
plus rassurant de négocier une entente avec
quelqu'un qui nous ressemble peut-être plus que d'avoir négocié avec les
Américains, puis ça prouve à quelque part qu'on ne peut qu'avoir des
bonnes nouvelles de négociations comme ça?
Le Président (M.
Ferland) : M. le ministre.
M. Lisée : Moi, je pense que c'est bien qu'au
cours des... Depuis l'Accord de libre-échange, en 1984, avec les États-Unis, puis
ensuite, avec l'ALENA, avec le Mexique, les Québécois ont développé un sain
scepticisme envers les accords de libre-échange. Et c'est bien d'avoir
développé ce sain scepticisme là.
Au moment de l'accord avec les États-Unis, il
y avait beaucoup, au Canada anglais, un peu chez nous aussi, cette crainte qu'on
soit nivelés vers le bas sur la protection sociale. On disait : Bien, les
entreprises, elles vont dire : Puisque j'ai le choix, davantage qu'avant, d'aller au Canada ou aux États-Unis, je
vais aller aux États-Unis, où le filet social est moins lourd. Ça ne s'est
pas produit. Et ça ne s'est pas produit, entre autres, parce que l'assurance
maladie québécoise et canadienne libère les entreprises d'un coût très
important qu'ils doivent assumer aux États-Unis, de façon... C'est ce qui a presque conduit GM à la faillite, c'est que
les coûts d'assurance maladie qu'il devait assumer pour l'ensemble de
ses retraités étaient quasi insupportables. Alors, en fait, on s'est rendu
compte que la couverture sociale peut être plus... supérieure, au Canada et au
Québec, peut être un facteur d'attractivité. Ce n'est pas vrai dans tous les
cas, mais c'est vrai dans certains cas.
On
a vu aussi que, finalement, ce qui s'est produit aux États-Unis par rapport au
Québec… Pour prendre cet exemple, au cours
des années de libre-échange, c'est que nous, on a augmenté la générosité de
notre assurance médicaments. Le Parti
québécois a créé l'assurance médicaments; les Américains en ont créé une. Les
Québécois ont donné un régime d'assurance parentale plus généreux; pour
la première fois, sous Clinton, les États-Unis ont adopté le droit — le droit — pour les salariés, de prendre des
congés de maternité non rémunérés. Ils partaient de loin, là. Donc, ils se sont
légèrement approchés de nous. Et puis finalement, avec l'administration Obama,
enfin, les Américains se sont dotés d'une assurance maladie universelle
de type privé, pas de type public.
Mais donc c'est le contraire qui s'est
produit. Et je ne pense pas que c'est parce que le Québec et le Canada avaient une couverture
sociale plus large, mais en tout cas, ceux qui disaient que ça conduirait à l'affaiblissement
du filet social québécois, bien, c'est le contraire, hein, on a amélioré
le nôtre, et les Américains ont légèrement amélioré le leur.
Alors, pour l'Europe, évidemment ça ne se
pose pas ou ça se pose à l'envers, parce qu'eux, ils ont une couverture sociale
qui est généralement plus généreuse que la nôtre. Alors, la question du
nivellement… Moi, je pense que ce que
le libre-échange a démontré, c'est que, malgré le libre-échange, la capacité
des États, qui en ont la volonté politique, de gérer leurs affaires comme ils le veulent, elle est inchangée. Elle
est inchangée et elle doit rester inchangée. Alors, ça, c'est une grande
découverte.
Et évidemment il faut rester vigilants, et c'est pourquoi
nous sommes si fermes sur toutes ces questions de politiques publiques, privatisation, eau, santé, etc., pour que ça ne
soit absolument pas dans le champ. Et parfois il faut résister fermement; dans le champ de la culture,
il faut résister fermement. Les Américains voudraient que le champ
culturel soit complètement ouvert pour qu'ils
augmentent leur part de marché en musique, faire sauter les quotas dans les
radios, etc. Donc, il faut se défendre, mais une fois... quand on se défend, la
tendance générale n'est pas au nivellement.
Le
Président (M. Ferland) : Merci, M. le
ministre. M. le député, environ 5 min 30 s.
M. Therrien : Merci. Oui, vous avez raison par
rapport à ce qui s'est passé aux États-Unis, le nivellement est venu un peu plus de l'autre côté.
J'aurais une question, mais je ne sais pas à
quel point... C'est vraiment une question que je me pose, puis j'aimerais ça avoir vos
lumières là-dessus. Quand on parle de gestion de l'offre au Québec, des dangers
liés à la gestion de l'offre, on parlait
de négociations, le député mentionnait bien tantôt, là, qu'à un moment donné tu
mets sur la table puis tu espères, hein,
de protéger tes acquis en laissant du lest ailleurs. Mais moi, j'aurais une
question par rapport à la PAC. Parce qu'en Europe ils ont des
subventions liées à l'agriculture, puis surtout la France, c'est à peu près la
moitié de toutes les subventions de l'Europe,
et je ne sais pas à quel point que les Européens, s'ils subventionnent comme ça
l'agriculture… s'ils peuvent être exigeants
puis cassants au niveau de la gestion de l'offre. Ça, ça m'échappe. Avez-vous
une idée ou... Est-ce que ça se
discute? Est-ce qu'on peut menacer avec les subventions liées à la PAC? Est-ce
que c'est sur le tapis? Est-ce qu'ils n'en parlent pas du tout? Je ne
sais pas.
•
(10 heures) •
M. Lisée : D'abord, la PAC, c'est la Politique
agricole commune de l'Europe, où les pays du Nord financent les pays du Sud, y
compris la France, sur la production agricole, et qui protège le marché
européen, avec des tarifs importants, des importations agricoles du
reste du monde. D'ailleurs, on a souvent dit : Si on voulait aider
durablement les pays du Sud, il faudrait
abolir les subventions à l'agriculture à la fois en Europe et aux États-Unis,
qui sont très, très importantes. Et,
comme on sait qu'il y a le tiers de l'humanité qui vit avec moins de 1 $
par jour, bien, la vache européenne moyenne, elle, elle a 2 $ de
subvention par jour. Alors, ça vous donne une idée, là, de l'importance de ces
subventions.
Alors, non, la Politique agricole commune et
la gestion de l'offre ne sont pas à la table de la négociation, parce qu'effectivement, je veux dire, ça serait comme
impossible, les... Ça leur a pris un an à renégocier, là, récemment, le plan
budgétaire quinquennal européen avec cette idée de la PAC, donc le
renouvellement de la PAC. Et ce sont des éléments
qui sont en négociation ou en tout cas qui sont sur la table pour la ronde de
Doha, c'est-à-dire la ronde de négociations commerciales internationales
qui ne va nulle part, et qui ne va nulle part parce qu'on ne s'entend pas sur
la réforme de la PAC et des subventions américaines à l'agriculture.
Donc, effectivement, c'est... la discussion
se fait sur les quotas, boeuf, lait... boeuf, fromage et porc, qui sont des exceptions à la règle, des exceptions préexistantes,
et savoir si ces exceptions vont rester à leur niveau actuel ou vont être modifiées. Mais c'est intéressant parce qu'hier
après-midi je rencontrais le ministre délégué aux Affaires étrangères d'Allemagne et puis je lui disais, comme à vous,
qu'on était très fermes sur les quotas de fromage, et il disait : Ah
oui! on connaît ça, parce qu'on négocie à la PAC. Alors donc, ce n'est pas... c'est
dans leur univers mental, là. Je veux dire, pour eux, ce n'est pas dramatique,
notre position, ils la comprennent, ils sont là-dedans tout le temps. Bon.
Et effectivement, comme vous disiez tout à l'heure, il y a
un bout qui nous échappe, là, en ce sens que l'agriculture
est une compétence partagée dans la
fédération, mais cette question de quotas est vraiment sous l'égide fédérale.
Et, si nous étions souverains, nous
pourrions avoir un degré de certitude beaucoup plus grand. Ça, c'est le cas. On
est souvent...
Dans
cette négociation, les relations sont très bonnes avec le Canada. Dans d'autres
négociations précédentes, surtout quand les
libéraux étaient au pouvoir, c'était exécrable. Mais on est toujours en
position de demander des permissions, hein, on est...C'est ça, la difficulté.
Le Président (M.
Ferland) : M. le député,
1 min 15 s.
M.
Therrien : Bien,
juste en terminant, vous avez raison par rapport au cycle de Doha : ils
ont essayé de limiter les subventions des pays riches, puis ça ne fonctionne
pas du tout. C'était une façon de stimuler l'économie des pays en voie
de développement. Ça ne fonctionne pas. Puis
l'ancêtre du cycle de Doha, l'Uruguay Round, bien, il y a... à un moment
donné, ils avaient mis en doute la PAC, et
puis ce qu'on avait vu, c'est les Français... on avait vu des moissonneuses-batteuses
sur les Champs ‑ Élysées,
ainsi de suite.
Alors,
c'est pour ça que, dans toute cette histoire-là, là, des quotas, là, je pense
toujours à la PAC, je me dis : Je pense qu'ils ne sont pas nécessairement en
position d'être très fermes dans leurs exigences, parce qu'ils voient la
brindille dans notre oeil, mais ils ne
voient pas la poutre dans le leur. Alors donc, moi, je vais m'arrêter ici,
parce que je n'ai plus grand temps, je... tant qu'à poser une
question...
M. Lisée : Avec votre permission, quelques secondes?
M. Therrien : Allez-y.
Le Président (M.
Ferland) : Oui, allez-y. Il reste
30 secondes, M. le ministre.
M.
Lisée : Juste
pour dire à ceux qui nous écoutent, là, que, lorsqu'on parle de quotas d'importation
de fromages européens,
on ne parle pas de camembert puis on ne parle pas de parmesan, là. Ce n'est
pas... ça ne serait pas... ça ne ferait pas en sorte que les fromages fins français coûteraient moins cher, ce
qu'on aimerait bien. C'est du fromage industriel qui va dans la
confection de plats préparés ou... Ce n'est pas du camembert.
Le
Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. Alors, maintenant, je vais aller du côté du
deuxième groupe d'opposition officielle et je
reconnais le député de La Prairie pour un bloc de 21 minutes. M. le
député.
M.
Le Bouyonnec :
Oui. Merci, M. le Président. Je vais me permettre un peu, là, en saluant mon
voisin, le comté voisin, le député de
Sanguinet, de revenir sur la question de la souveraineté, puisque ça a un petit
peu alimenté la session d'aujourd'hui.
Sur
cette question de la souveraineté, d'abord je douterais que le Québec seul,
dans le cas où le Québec eût été souverain, puisse à lui seul engager une
discussion bilatérale avec l'Europe. Donc, en ce sens-là, je pense que le fait
que nous soyons dans le Canada nous sert,
comme ça nous a servi aussi, probablement, dans l'Accord de libre-échange,
et comme ça nous sert en ce moment, compte tenu de notre dette importante,
comme ça nous sert d'avoir une espèce de bouclier économique canadien pour
préserver, finalement, nos capacités d'emprunt.
Ceci
dit, je reconnais aussi que, dans... Et c'est un peu les Européens, aussi, qui
ont voulu aussi que les provinces soient très
impliquées. Je réalise que le Québec est relativement autonome, puisque, même
dans des négociations internationales, nous
sommes effectivement à la table, invités, et, en ce sens, ça me rassure sur la
capacité du gouvernement québécois, de
l'Assemblée nationale de pouvoir performer aussi sur la scène internationale, à
l'intérieur de notre cadre fédératif.
Je
rajouterais à ça, concernant la question de la souveraineté : Oui, on veut
éventuellement exporter davantage. On en a parlé, c'est important pour nous. Mais j'aimerais
aussi qu'on exporte davantage à l'intérieur du Canada, parce qu'en réalité on voit que la part des exportations
interprovinciales du Québec n'a jamais cessé de diminuer. Donc, nous importons davantage des autres provinces que nous
exportons, et ce n'est pas à cause du pétrole albertain, parce qu'il n'est
même pas encore dans l'équation, d'une part.
D'autre part, même au niveau des exportations internationales, par
rapport à notre part... la part canadienne, nous sommes aussi en descente.
Pourquoi j'aime l'accord
du commerce extérieur avec l'Europe? Parce que justement, au niveau des
barrières interprovinciales, cet accord-là,
qui est l'accord le plus ambitieux que la terre n'ait jamais vu, en termes de
libéralisation d'échanges, ferait en sorte aussi qu'il y aurait une
libéralisation par effet sur les relations interprovinciales.
M.
le ministre, une question... Puis moi, j'ai trouvé que la question, au salon
bleu hier, de la part de l'opposition officielle était… Bon, c'est la période des
questions, c'est normal, c'était... la démagogie a sa place dans la période
des questions. Mais, la réalité, comme vous
l'avez mentionné, effectivement, ce n'est jamais la gestion de l'offre qui a
été remise en question. Ça n'a jamais été
ça, ça a vraiment été la question de ce qu'on appelle les quotas à tarif nul.
Et les quotas à tarif nul bougent un
peu. On a 10 000 tonnes au niveau des fromages, les Européens en demandent
le double. Peut-être qu'éventuellement
il y a une question de négociation. Est-ce que c'est 1 000 tonnes de plus,
2 000 tonnes de plus ou... bon. Et je pense que là les
négociateurs doivent avoir une certaine flexibilité.
Sur la question des brevets pharmaceutiques,
et c'est ma question, il faut comprendre que, pendant longtemps… et j'avais cette discussion-là avec votre
collègue, là, de la politique industrielle aussi; moi, je pense que les
libéraux ont laissé tomber l'industrie pharmaceutique au
Québec pendant les 10 dernières années. Nous avions une industrie florissante, et c'est pour ça que nous avions la
règle des 15 ans, qui d'ailleurs, cette règle-là, est une règle
comparable à la règle des Américains. La
règle des 15 ans, qu'est-ce que c'est? C'est qu'à partir du moment où le
brevet est « filé » il n'est
pas mis en marché; il est en marché environ 10 ans
après. Le Québec rajoutait 15 ans, ce qui donnait 15 ans à l'entreprise
pour faire un peu de profit pour recouvrer
ses investissements. Les Européens ont une formule un peu différente :
c'est le fameux 20 ans que nous avons tous, mais ils ajoutent un cinq ans,
qui donne de facto à peu près le même 15 ans.
Je sais qu'il est peut-être trop tard et je
sais que notre formation a aussi appuyé le gouvernement dans sa volonté de réduire les
dépenses publiques et puis d'abandonner la règle des 15 ans, mais, lorsque
je regarde ce qu'il y a sur la table puis lorsque je regarde ce qu'a
déjà été l'industrie pharmaceutique au Québec, je me demande s'il n'y a pas
lieu là de revoir ce que pourrait faire le
Québec pour redynamiser son industrie pharmaceutique et biotechnologique, à
l'intérieur ou dans l'avancée de ces négociations-là.
Donc, éventuellement, je pense que ce front-là pourrait
être un front qui pourrait être quelque chose que le gouvernement du Québec pourrait reconsidérer à l'intérieur... avec ou
sans compensation du fédéral d'ailleurs, de ce point de vue, reconsidérer dans ses négociations
éventuelles. Et, particulièrement sur ça, lorsque nous regardons la
situation économique du Québec en général, ne croyez-vous pas qu'il y a donc
une opportunité, au niveau de l'industrie pharmaceutique,
dans le cadre de ces échanges avec l'Europe, de trouver une solution qui puisse
plaire aux deux parties et nous permettre de relancer notre industrie
pharmaceutique?
Le
Président (M. Ferland) : M. le
ministre.
M. Lisée : Merci beaucoup, M. le député de
La Prairie. C'est sûr qu'on a vécu une dégradation de la présence pharmaceutique,
surtout dans la métropole, ces dernières années, malgré l'application de la
règle des 15 ans, et c'est clair que, donc, le rendement qui avait
été espéré lorsque ça avait été établi diminuait considérablement. Donc, on a
dit : On fait la règle des 15 ans, mais, en échange, les
pharmaceutiques ont de l'emploi, de la recherche, des centres de recherche à
Montréal.
Le
fait est que les pharmaceutiques ont modifié leur modèle d'affaires au cours
des dernières années, ce qui a réduit l'emploi ici, mais ailleurs aussi. Je
veux dire, nous ne sommes pas... le Québec ne s'est pas singularisé dans la
réduction de l'emploi dans le pharmaceutique. Comme on concentrait au Canada
beaucoup de pharmaceutiques, ça a été pire
ici, mais, en proportion, le modèle d'affaires a été modifié. Alors, avec mon
collègue de l'Économie et des Finances, Nicolas Marceau...Je ne peux pas le nommer. Je retire les mots « Nicolas Marceau » . Je ne dirai plus « Nicolas
Marceau » .
Le
Président (M. Ferland) : Vous
approchiez la porte. Allez, M. le ministre.
•
(10 h 10) •
M. Lisée : Donc, le ministre de l'Économie et
des Finances, M. le Président, propose plutôt un nouveau modèle d'affaires. Je
crois qu'il faut relancer l'industrie pharmaceutique au Québec. On le fait avec
un crédit d'impôt bonifié, pour la
recherche. On le fait avec une première initiative qui s'appelle Neomed — c'est ça? — Neomed, qui
a été lancée récemment,
avec un genre de collaboration entre plusieurs pharmaceutiques, avec des
molécules qui vont être développées. Il
y a plusieurs projets qui sont en ce moment dans le pipeline, aux Finances et à
l'Industrie, de collaboration de ce nouveau modèle d'affaires, et je pense qu'on est en train de reconstruire petit à
petit la présence pharmaceutique dans la région de la métropole.
Sur le 15 ans, nous, on pense que ce n'est
pas ça, le levier, maintenant. Ça l'a déjà été mais ce n'est plus le bon levier. Alors, c'est
pourquoi on dit : Écoutez, nous, notre décision démocratique et de
stratégie industrielle, c'est que ce n'est pas le levier. Si le fédéral
veut nous imposer ce levier, il génère des coûts importants d'achat des médicaments.
Donc, évidemment — pour expliquer — comme le
médicament breveté ne devient pas générique plus tôt, le générique est moins
cher, nos hôpitaux achètent du générique, nos patients achètent du générique,
on rembourse. Si on n'a pas cette capacité-là, il y a évidemment des
coûts importants qui sont liés à ça.
Dans sa stratégie de négociation, si
les fédéraux veulent donner ça, ils doivent nous compenser. C'est aussi simple que ça. Parce que ce n'est pas eux qui vont assumer
les coûts, ce sont les provinces qui assument les coûts de cette décision-là.
Alors, c'était une question tout à fait de logique interne, il me semble.
Le
Président (M. Ferland) : M. le
député.
M.
Le Bouyonnec : Est-ce qu'on réalise,
dans cette discussion bilatérale… Puis je reviens sur les accords de Doha, où
justement les négociations multilatérales ont capoté, finalement, donc maintenant certains pays
ou certains grands blocs se sont retournés vers des négociations bilatérales
comme celles que nous voyons. Et d'ailleurs je ferais remarquer que, O.K., on veut dire : Le Québec n'est pas seul à la
table, parce qu'il n'est, par exemple, pas souverain, mais, de ce point de vue là, même l'Allemagne n'est pas
seule à la table. L'Allemagne se met derrière l'Europe et puis pourtant
elle a un point économique beaucoup plus important.
Mais, à l'intérieur de cette négociation-là,
compte tenu de la complexité, M. le ministre, est-ce que vous croyez qu'aujourd'hui
le Québec est en situation… Compte tenu de ces exigences, compte tenu aussi que
certaines provinces canadiennes ne sont tout simplement pas
représentées, parce qu'elles n'ont pas la capacité puis la fonction publique suffisamment sophistiquée et importante pour
suivre ces négociations, est-ce que vous pensez que le Québec est en
situation, de par ses demandes, de faire capoter cet accord-là? Incroyable! j'ai
une réponse...
Des voix : Ha,
ha, ha!
M. Lisée : Non, mais, écoutez, les demandes...
Il y a d'autres provinces lourdes, comme l'Ontario, la Colombie- Britannique et
l'Alberta, qui sont présentes, qui sont actives, qui ont leurs propres
intérêts. Et, moi, tout ce que je comprends de la discussion, c'est qu'il y a une discussion parfois vive, mais qui
fait partie de la négociation normale. Le Canada doit composer avec les
uns et les autres, a ses propres objectifs de négociation. On comprend les
objectifs de négociation européens, mais je ne pense pas que...
C'est vrai que nous sommes particulièrement
insistants sur la gestion de l'offre et la culture. Ça, c'est clair que, si on n'y était
pas, le niveau de demandes serait moindre. Ça fait partie un peu de notre
mission en politique internationale en général. Mais moi, je ne vois pas
qu'on pose un problème particulier. Je pense qu'on fait tout simplement partie
de la négociation.
Le
Président (M. Ferland) : Merci, M. le
ministre. Alors, M. le député.
M. Le Bouyonnec : Oui. Sur la question que vous avez
abordée un petit peu tout à l'heure, la question des contrats publics,
effectivement c'est la grande ouverture que souhaitaient les Européens. Et
puis, pour nous, ce que ça signifie, ça signifie que, lors d'appel d'offres, des conditions de contenu local,
contenu québécois, contenu canadien deviennent des conditions qui deviennent inacceptables à l'intérieur
de ça. Donc, on sait à ce moment-là qu'on va toucher, surtout dans les grands travaux de transport en commun...
Contrairement à l'Europe, nous sommes un peu en retard dans le
déploiement de nos infrastructures de
transport en commun. Donc, on sait que, de ce point de vue là, il y a plus de
chances qu'il y ait plus de contrats
à venir, hein, toutes proportions gardées, à Montréal puis au Québec, qu'il
pourrait y en avoir dans les pays européens qui sont plus développés,
comme la France par exemple, à cet effet.
Ça pose la question de dire, par rapport à
certaines de nos industries clés, comme Bombardier, Nova Bus, que l'espèce de petite
protection que nous avions déjà, eh bien nous la mettons à risque à l'intérieur
de ces négociations-là si ça devait
voir le jour. Et en plus on comprend aussi que les contrats, ce ne sont pas que
les gros contrats, ce ne sont pas que les contrats des municipalités,
mais c'est aussi des contrats au niveau des écoles, des hôpitaux, donc des
contrats avec une plus basse granularité.
Avec mon collègue le député de
Saint-Jérôme, grand soldat de la lutte anticorruption, anticollusion, nous avons eu, à l'intérieur
de notre caucus, sur cet aspect, des discussions, là... la relation entre les
mécanismes que le gouvernement met en
place pour surveiller, en fait, les entreprises, octroyer le certificat, là, de
probité, par l'AMF, pour les entreprises qui soumissionnent sur des contrats publics. Et la question qu'on se
posait au moment où nous contribuions à améliorer la loi, c'est : Comment allons-nous
éventuellement gérer ça dans le cadre... s'il devait y avoir un accord de
libre-échange, le CETA, et comment
pourrions-nous étendre, autrement dit, les prérogatives de l'AMF à des sociétés
externes? Alors, bon, elles
remplissent une demande, etc. Comment... Quels mécanismes de vérification
allions-nous avoir? Quel impact ça allait
avoir sur le nombre d'enquêteurs, sur le côté équitable de l'évaluation? Parce
qu'évidemment les sociétés québécoises seraient davantage contrôlées,
ayant accès à davantage d'information, versus, par exemple, une société
italienne qui viendrait de Naples puis qui soumissionnerait sur l'entente.
À l'intérieur de nos discussions, si je vous
pose la question, M. le ministre, c'est que nous n'avons pas résolu le problème. On a
trouvé que c'était un problème réel, que c'était un problème sérieux qui
méritait davantage de réflexion. On s'est
dit : Probablement que le gouvernement y a aussi songé, pour faire en
sorte que nos entreprises ne soient pas, de ce point de vue là, désavantagées par rapport à ces entreprises
extérieures. J'aurais aimé vous entendre, là, sur ces...
Le
Président (M. Ferland) : M. le
ministre.
M.
Lisée : Merci. Je vais laisser le
président du Conseil du trésor revenir avec ça. Mais, oui, nous avons ces discussions, comme vous, dans l'élaboration du
projet de loi n ° 1,
et donc le principe général, c'est que toutes les entreprises qui veulent avoir des
contrats publics doivent avoir leur certificat d'intégrité de l'AMF, y compris
les entreprises étrangères. Alors, un certain nombre... Bon, il y a 600
entreprises européennes sur le marché québécois en ce moment, qui sont installées, il y a 600 entreprises américaines, et
elles doivent répondre au cadre légal québécois, elles savent comment et
elles vont s'adapter.
La question qui est posée, c'est :
Si on a un appel d'offres pour une infrastructure majeure et qu'il y a une entreprise espagnole... Par exemple, pour le PPP sur l'autoroute 30,
c'est une entreprise espagnole qui s'est conformée aux lois québécoises pour le faire et qui, si je me
souviens bien, n'avait pas pignon sur rue. Bien, ça va être la même chose.
Alors, ils vont venir à l'AMF, ils vont
devoir remplir... Il y a des modalités qui peuvent être... d'abord qui sont...
qui peuvent être à la charge de l'entreprise.
L'entreprise doit démontrer qu'elle a utilisé un tiers accrédité pour faire sa
démonstration qui a satisfait aux
conditions de l'AMF ou autrement. Ça, ce sont des dispositions qui sont en voie
de discussion, et effectivement notre
objectif, c'est de faire en sorte qu'il n'y ait pas de... que tout le monde
soit sur un pied d'égalité en matière d'intégrité.
Et ça va donner quelques beaux cas, c'est sûr que ça... on
sait déjà que ça va donner quelques beaux cas. Et il y a peut-être des entreprises européennes, là — il
y en a des milliers et des milliers, hein — peut-être quelques-unes, qui savent que ça ne
vaut même pas la peine de demander, parce qu'elles ont à leur actif ou à leur
passif une condamnation pour fraude
en Italie, ou en Allemagne, ou ailleurs, qui fait en sorte qu'elles ne seraient
pas éligibles. Donc, ça, il n'y a aucun doute là-dessus.
Sur
le matériel roulant, cependant, il y a une exception. Alors, vous parlez de
Nova Bus ou de Bombardier. La position de
négociation, c'est que nous exigeons toujours 65 % de contenu canadien
pour le matériel roulant, ce qui signifie
que, si une entreprise étrangère veut soumissionner, elle devra produire
localement. De la même façon, pour tout ce qui est infrastructures routières, les gens
disent : Oui, mais ça va être à l'étranger. Bien non! Alors, cette
entreprise espagnole qui a fait la 30
est arrivée ici, a embauché des salariés québécois, a pris... a loué du
matériel ou acheté du matériel au Québec, et l'essentiel du contrat qu'elle
a eu a été retourné dans l'économie québécoise
Alors, c'est pourquoi, là, on n'est
pas en situation de délocalisation, on est en situation de localisation, en fait. On entraîne des capitaux étrangers qui vont
soumissionner et qui vont faire travailler des Québécois.
Le
Président (M. Ferland) : M. le
député.
M.
Le Bouyonnec : M. le Président,
combien me reste-t-il...
Le
Président (M. Ferland) : Il vous
reste un gros 5 min 38 s.
M.
Le Bouyonnec : Alors, je vais
réserver une bonne question pour M. le ministre, là. Alors, je peux même
prendre plusieurs secondes pour y réfléchir, éventuellement, pour...
Le
Président (M. Ferland) : Ils vous
appartiennent, M. le député.
M. Le Bouyonnec : ...puis avoir une réponse aussi
claire que celle qu'il a donnée à l'autre question tout à l'heure.
M.
Lisée : Pensez-y.
•
(10 h 20) •
M. Le Bouyonnec : Et là je vais abuser du fait que je
suis critique aussi pour la métropole et puis que vous l'êtes. Il est venu à
ma connaissance que — et c'est une question de
commerce extérieur — il est venu à ma connaissance que
l'AMT, finalement, avait lancé un appel d'offres
pour la rénovation d'un certain nombre de locomotives, lequel appel d'offres
suit son cours, et éventuellement il y aura des résultats. Seules deux
entreprises, en fait, sont capables, entre guillemets,
de répondre à ça : une entreprise canadienne basée à Montréal et une
entreprise américaine. Il n'est pas clair que l'entreprise, à ce stade-ci, canadienne — même
si on a des jobs en jeu dans la région de Montréal — va l'emporter. Puis, de
toute façon, les appels d'offres, pour l'instant, sont privés, donc je n'en
connais pas la teneur, vous n'en connaissez pas la teneur.
Mais, en regardant cette situation-là, je me
suis rappelé, comme vous l'avez souligné, que nous avons le « Buy America
Act » . Nous savons aujourd'hui qu'une
entreprise canadienne ou québécoise qui voudrait la même chose ne pourrait pas
le faire dans le cadre de la situation américaine, et nous permettons à une
société américaine de venir, avec d'autres règles, soumissionner sur nos
contrats.
Comme ministre du Commerce extérieur, porte-parole
de la métropole, j'aurais aimé avoir de vous une
réponse à cet effet-là pour, dans un beau nationalisme économique d'à-propos,
faire en sorte de pouvoir… faire en sorte... je ne sais pas comment, intervenir pour que ce qui m'apparaît, moi, comme
étant inéquitable pour nos travailleurs et puis notre économie puisse
être, dans ce cas-là particulier, adressé par le gouvernement du Québec.
Le
Président (M. Ferland) : M. le
ministre.
M.
Lisée : Bien, je vais prendre votre
question sous considération, parce que je n'ai pas une réponse spécifique. Cependant, sur le « Buy America Act » , il faut savoir qu'on a négocié avec
les Américains des exemptions dans, si je me
souviens bien, 23 États — Jean, combien d'États
pour le « Buy America Act » , nos exemptions?
Une
voix : ...
M. Lisée : 27, oui. Il me semble que, donc, c'est
ça, 27 sur 50 États ont accepté de donner une exemption aux Canadiens et aux
Québécois — alors, je ne sais pas où est cette
entreprise, évidemment. Donc, on a réussi, et ça, ça a été dans les négociations post-11 septembre et « PATRIOT Act » , de
faire en sorte, pour la première fois dans l'histoire commerciale américaine,
qu'on avait un accès privilégié.
Ce qui ne veut pas dire que c'est
toujours appliqué à la lettre, mais en tout cas c'est le cas. Et, lorsque je
suis allé à Washington en décembre, j'ai
rencontré les gens du commerce et, comme il y a de nouveaux projets de loi de
relance économique partielle, et souvent les
représentants américains essaient d'attacher des clauses « Buy America » à
chaque projet de relance, j'étais content de
voir que les représentants du commerce, donc, à des niveaux assez élevés,
avaient une veille là-dessus et pouvaient
nous dire que, pour l'instant, ils n'en voyaient pas, mais, à chaque fois qu'ils
en voyaient, ils intervenaient auprès des représentants pour leur
demander de le retirer, parce que souvent, bon, les représentants font ça pour
des raisons politiques ou ne savent pas qu'il y a un accord Canada — États-Unis sur les exemptions. Donc, on a un accès
privilégié.
Sur
la suite, bien, je serais curieux aussi de voir quelle est la proportion,
puisque c'est du matériel roulant, de contenu
canadien, québécois qui doit être respectée par cette entreprise américaine qui
fait la soumission, et que, donc, il devrait y avoir de la production
locale.
Le
Président (M. Ferland) : M. le
député, 40 secondes environ.
M. Le Bouyonnec : Oui. Dans ce cas-là, il semblerait
que les locomotives soient envoyées — j'oublie l'État, là, j'aurais pu l'avoir
par cœur, mais je l'ai oublié — carrément aux États-Unis pour
être refaites et ramenées à Montréal par la
suite.
M. Lisée : Ah! Je vois. On va se renseigner.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, merci, M. le
député. Merci...
M.
Le Bouyonnec :
Merci, M. le Président. Merci, M. le ministre. C'était ma dernière
intervention. On n'a pas beaucoup de temps,
vous savez...
M. Lisée : Pour la journée?
M. Le
Bouyonnec : Pour les gens qui nous
écoutent, nous n'avons pas beaucoup de temps, la deuxième opposition.
Le Président (M.
Ferland) : Non, mais les échanges ont
été très intéressants et...
M. Lisée : On ira prendre un café.
Le
Président (M. Ferland) : Je ne peux juger de la qualité ni des questions et des réponses, mais
je peux vous dire que c'est très bien à date.
Alors, maintenant, je vais aller du côté de la partie
ministérielle avec... Je reconnais le député de Rimouski, je crois, avec un temps de 20 minutes. M. le député.
M.
Pelletier (Rimouski) : Merci, M. le Président. D'abord, il me fait plaisir de saluer M. le
ministre et les gens qui l'accompagnent, saluer mes collègues d'en face : MM. le député
de Mont-Royal, le député de La Prairie, mes collègues aussi du côté
ministériel. Et, vous aussi, quand même, M. le Président, je vous salue.
Une voix : Quand même, quand même.
M. Pelletier
(Rimouski) : Je voudrais, avant de...
Avant de m'adresser au ministre, je vais peut-être faire quelques remarques sur
ce que j'ai entendu à date.
D'abord,
lorsque mon collègue de Sanguinet disait que, quand il dit qu'il n'était pas
cave, il se demandait s'il avait atteint une certaine limite, c'est vrai que,
dans des débats entre collègues, on se respecte puis c'est facile, on se
respecte facilement. Mais je veux dire à mon collègue de Sanguinet que, lorsqu'on
parle de soi, le président peut être très tolérant.
Le Président (M.
Ferland) : Vous voulez que je réponde
absolument à votre...
M. Pelletier
(Rimouski) : Ensuite, on a parlé ce
matin, et c'est inévitable… Lorsqu'on parle de commerce extérieur, c'est inévitable que des termes comme la « souveraineté » et le « fédéralisme » viennent sur la table. Et ce que j'ai apprécié ce matin… Et le premier qui a parlé de
souveraineté, c'est le député de Mont-Royal, le député de Mont-Royal qui… à mon avis, c'est un grand fédéraliste puis c'est
un grand nationaliste aussi. Et puis le fédéralisme, c'est une option que l'on respecte. Par contre, la souveraineté, du
côté de certaines personnes du Parti libéral, c'est un peu la paranoïa,
là. On a peur de la souveraineté. À chaque
fois qu'on fait un geste, on a peur que ça soit pour faire la souveraineté.
Parce que la souveraineté, ça semble être
pour eux un drame terrible qui va nous tomber sur la tête si jamais ça arrive.
Mais ce n'est pas ça. Ce n'est pas
ça. Je pense que la souveraineté, c'est... 40 % des Québécois la
souhaitent. Alors, il faut respecter ça, puis il faut l'aborder avec
sérénité. Vous savez, ça ne fera pas mal à personne.
Et puis je pense que le Québec, qui est une nation
distincte, qui est un peuple… je ne pense pas que c'est un peuple hégémonique, puis je ne pense pas qu'il va l'être
demain non plus. Alors, il ne faut pas paniquer avec ces grands concepts. Contrairement à mon collègue de
La Prairie, moi, vous savez, M. le ministre, je n'ai pas baissé les bras
devant la capacité des Québécois et des
Québécoises à s'affirmer sur la scène internationale et à négocier ses propres
affaires. Je pense qu'on est un peuple, qu'on est capables de s'occuper
de nos affaires puis je pense qu'on l'a prouvé dans le passé.
M. le ministre, dans ce bloc-ci, je voudrais aborder
peut-être avec vous trois sujets. Je voudrais parler peut- être de la balance commerciale
actuelle. Je voudrais peut-être qu'on revienne aussi sur la gestion de l'offre
sous un autre angle. Peut-être, ce qu'on
a parlé jusqu'à date, c'est... Jusqu'à date, la gestion de l'offre, on en a
parlé comme si elle était en péril. Mais
moi, je voudrais qu'on en parle... dire pourquoi qu'elle n'est pas en péril,
parce que... la nécessité de cette mesure-là pour notre agriculture au
Québec.
Et,
troisièmement, le troisième sujet que j'aimerais parler avec vous, c'est les
mesures de soutien à nos fabricants et
exportateurs québécois, nos PME, nos petites entreprises, moyennes entreprises
qui exportent à l'extérieur; puis il y a un
programme, je pense que c'est le programme PEX, puis il pouvait... qui était
géré par le MDEIE, l'ancien MDEIE, maintenant avec le Commerce
extérieur, est transféré sous votre ministère. J'aimerais qu'on parle aussi des
mesures qui sont en place dans votre ministère pour continuer à soutenir ces
entreprises-là, dont certaines, je vous avouerais, là… et je vous amènerai des cas que, dans ma
région, certaines sont un petit peu inquiètes actuellement et ont besoin
d'être rassurées, d'être informées sur les nouveaux programmes qui sont mis en
place et les nouvelles visions aussi, qui viendront dans le futur.
Et,
au niveau de la balance des paiements... Je vous parle de la balance des
paiements, je ne vous parle pas de déficit
commercial parce que... Je vous parle de balance commerciale et non pas de
déficit commercial parce qu'au Québec, depuis quelques années, lorsqu'on
parle de ce concept-là, on est rendus qu'on parle de déficit commercial. On
parle toujours de déficit commercial.
Pourtant, est-ce qu'au Québec on est condamnés à vivre éternellement avec un
déficit commercial? Est-ce qu'un surplus
commercial, ça peut exister pour nous aussi? Moi, je pense que oui. Alors, c'est
pour ça que je vous parle de balance commerciale.
Et puis d'ailleurs le député de
La Prairie, dans ses remarques préliminaires, a justement abordé la
question, disant que, 2000-2001, je pense, on était en surplus puis que maintenant on est
dramatiquement en déficit. Alors, c'est pour ça que je voudrais revenir
là-dessus.
Vous savez, au Québec, c'est une pépinière de
PME, hein? Puis l'agriculture, la forêt, c'est extrêmement important au Québec. Et puis moi, je place les activités
commerciales, économiques, au Québec, sous trois niveaux. Le premier niveau, puis j'irai par exemple, je pense, pour
être bien compris… Parce qu'il faut penser que ce matin aussi il y a à
peu près... entre 2 et 3 millions de Québécois
et Québécoises qui nous écoutent par le truchement de la télévision. Alors,
si on veut bien se faire comprendre de tout
le monde, je pense qu'on peut prendre des exemples concrets. Alors, je suis
issu de l'enseignement, aussi, puis je suis
habitué à prendre des messages concrets. Parce que, vous savez, dans l'enseignement,
le but, ce n'est pas tellement de livrer la marchandise, c'est de s'assurer qu'elle
a été comprise.
•
(10 h 30) •
Alors, dans... Je vous donnerais comme
exemple… Ici, au Québec, par exemple, nous avons des producteurs de produits... Prenons un producteur de pommes de terre.
Un producteur de pommes de terre dans une région X fait ses récoltes, vend ses pommes de terre. Supposons qu'il
les vend à l'intérieur du Québec, restons à l'intérieur du Québec. Alors, dans sa région, il produit ses pommes de
terre et il les vend partout au Québec. Alors, c'est sûr que sa région
profite, justement, de cette augmentation de
PIB dans sa région. Dans les autres régions du Québec, bien là, eux achètent la
pomme de terre. Alors, ce n'est pas,
certainement, ces régions-là qui en profitent, de l'activité économique. Par
contre, dans d'autres régions, il se fait d'autre chose qui revient dans
la première région de production de pommes de terre.
Mais, lorsqu'on produit des pommes de
terre et d'autres produits semblables, on fait la semence au printemps, on fait la
récolte à l'automne, puis on fait la consommation durant l'hiver, de sorte qu'au
printemps suivant il ne reste plus rien de ça. Il ne reste plus rien de
ça, sauf les avantages économiques dans la région productrice. Mais, au niveau
du Québec, l'argent a tourné à l'intérieur
du Québec, elle est restée dans les murs du Québec. Puis je ne vous dis pas
que ce n'est pas une activité économiquement intéressante, bien oui, mais, dans
les barèmes, là, qu'on s'entend, c'est resté à l'intérieur du Québec.
Une deuxième forme de production, si on
parle, par exemple, de la fabrication, construction d'infrastructures , comme des routes, des hôpitaux, des palais de justice , c'est la même chose, en
supposant que tous les contracteurs, le personnel
qui a travaillé... qui ont oeuvré à ces travaux-là, ce sont des gens du Québec
et ça sert les gens du Québec. Ici, on
a une valeur ajoutée, parce qu'il va rester quelque chose. Tout à l'heure, les
pommes de terre étaient disparues l'année suivante, mais ici il va rester quelque chose. Je prends l'autoroute 30,
par exemple, la construction de l'autoroute 30, c'est sûr que ça crée des emplois, ça donne du travail à
des contracteurs locaux et donc ça crée une forme d'économie, encore là, régionale, mais peut-être régionale un peu
plus étendue, et puis... mais ici on vient de créer une infrastructure qui
va durer 30, 40, 50 et plus et qui a une
valeur économique ajoutée au patrimoine québécois... aux infrastructures
québécoises. Et, troisièmement, ça va aussi
servir, dans les années futures, à des activités économiques. Mais, encore là,
c'est de l'argent qui est retourné au Québec puis qui reste à l'intérieur
du Québec. Puis c'est loin d'être mauvais, là, parce qu'on vient d'augmenter la
valeur des infrastructures québécoises; puis les municipalités sont bien
contentes de ça aussi.
Troisième forme d'activité économique, c'est
nos entreprises qui fabriquent, qui, en fabriquant, produisent de l'emploi au Québec, font travailler aussi des
entreprises, d'autres entreprises au Québec et puis... mais qui exportent à l'extérieur du Québec. En exportant à l'extérieur
du Québec, là on a une entrée; l'argent qui rentre dans la région, là, elle ne vient pas d'une autre région du Québec,
là, elle vient de l'extérieur du Québec. Alors là, on a un troisième
niveau d'intéressement économique, c'est d'augmenter...
d'améliorer la balance commerciale des Québécois et des Québécoises. Et,
en bout de ligne, l'enrichissement réel, global et d'avenir, c'est évidemment
les fonds, les argents qui viennent de l'extérieur.
Alors, je pense que c'est... On comprend pourquoi que le ministère — votre ministère, en fait — était très intéressé à mettre l'emphase, justement, sur les
relations avec l'extérieur pour favoriser, justement, le commerce
extérieur, pour améliorer notre balance commerciale.
Alors, ma question, justement, sur la balance
commerciale : J'aimerais que vous nous traciez un portrait, M. le ministre, de l'évolution
de la balance commerciale, peut-être pas aller aussi loin que mon collègue de
La Prairie, puis on le
mentionnait, là, tout à l'heure, là, 2000-2001, mais en supposant... Partons du
fait qu'en 2000-2001 on était positifs. Où on en est rendus aujourd'hui? Par quels chemins a-t-on passé? Je
comprends que le pétrole y est pour beaucoup, là, dans notre déficit
commercial, mais l'achat de pétrole à l'extérieur; si on parle de 16,
17 milliards puis si notre balance est déficitaire
de 26, 27, il y a d'autres choses, là, il n'y a pas juste du pétrole. Alors, j'aimerais
que vous nous traciez un tableau de
la balance commerciale : où elle en... comment elle était, comment elle a
traversé à travers les ans, comment elle est aujourd'hui et quelles sont
les perspectives d'avenir sur ce sujet-là.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, M. le
ministre.
M. Lisée : Merci. Juste un petit point d'information,
là, sur le « Buy America Act » . Donc, c'est 37 États qui ont ouvert leurs
marchés publics avec cet accord canado-américain, en échange de l'ouverture des
nôtres. C'est ça qui s'est produit, et on continue à travailler sur les
13 récalcitrants.
Oui,
bien, l'évolution du déficit commercial, donc, justement j'ai une petite diapo
que je peux vous montrer pour illustrer la chose. Donc, effectivement, en 2002,
on avait un surplus commercial de 4,2 milliards de dollars. Et, si on
avait le graphique précédent... Je veux
dire, le fait que le Québec a profité de façon massive de l'ALE et de l'ALENA,
c'est intéressant parce qu'au départ la... On a combien de temps, M. le
Président?
Le Président (M.
Ferland) : Ah! il vous reste environ
8 min 30 s.
M.
Lisée : O.K. Au départ, il y avait des études pancanadiennes sur la
projection des économies des provinces à l'étranger qui montraient que le Québec était,
malgré la forêt et le minerai, la province qui avait le moins d'exposition
à l'étranger et qui était la plus dépendante
du marché canadien, alors que d'autres provinces avaient une exposition
beaucoup plus forte à l'étranger. Il y avait
déjà du pétrole, mais, plus généralement parlant, évidemment, l'Ontario avait
l'automobile.
Et
donc il y a cet économiste, John Helliwell, que le député de La Prairie
connaît peut-être de nom, qui disait : Voilà pourquoi le Québec n'a pas intérêt à un
libre-échange, parce que son infrastructure, ses entreprises ne sont pas
bien prédisposées à s'ouvrir. Et pourtant, dans le débat sur le libre-échange
dans les années 80, ça a été les entreprises québécoises… et l'élite politique québécoise qui a été la plus
favorable. Et le fait est que, dans les années qui ont suivi, le Québec est passé de la queue de peloton de l'ouverture
économique au sommet du peloton dans les provinces canadiennes.
Donc,
on a démontré , nos entreprises ont démontré … L'accompagnement que le ministère du Commerce extérieur et d'autres
ont fait a démontré qu'on avait une capacité de
se projeter, d'ouvrir des marchés, de vendre nos produits qui a été vraiment remarquable. Ce qui a fait qu'au début,
avant le libre-échange nord-américain, 66 % de nos exportations allaient dans le reste du Canada, 33 % dans
le reste du monde, et, à la fin, c'était 33 % dans le reste du Canada,
66 % dans le reste du monde.
Donc, on a complètement modifié, on a décanadianisé, en un sens, l'économie
québécoise et on l'a mondialisée, ce
qui est très bon pour la résilience de l'économie québécoise, donc la
diversification de nos consommateurs.
Mais
évidemment... On est devenus une des cinq nations à l'économie… les plus
ouvertes au monde, ce qui fait que, quand il y a un ralentissement mondial, bien,
il y a un ralentissement des achats mondiaux, donc il y a un ralentissement de nos ventes, et donc ce sont des
conditions qui créent une faiblesse qui est plus grave pour nous. Une nation
qui est plus autarcique va être moins frappée par un ralentissement
mondial qu'une nation qui est plus ouverte comme la nôtre.
Donc,
on a un déficit qui était déjà de 10 milliards avant la crise de 2008
et que... moins 25 milliards après la
crise de 2008, en 2010, et ça commence à se
résorber un peu : moins 23 en 2011. Puis vous avez tout à fait raison de
noter que ce n'est pas que le
pétrole, parce que c'est vrai que les prix du pétrole ont augmenté, ce qui a
creusé notre déficit commercial, mais on importait du pétrole lorsqu'on
était en surplus, hein?
Alors, que faire?
Bien, effectivement, il y a deux choses à faire. À l'interne, c'est réduire nos
importations de pétrole ; ce qu'on devrait faire même si on était en surplus.
Alors, comment le faire? On en a de deux façons : d'abord, en réduisant la consommation de pétrole dans le
transport, qui est le principal poste de consommation. Alors, c'est pourquoi nous avons des cibles très
ambitieuses : on veut que d'ici 2020 le quart des voitures québécoises
soient électriques et d'ici 2030 75 % des transports publics soient
électriques. Je ne me trompe pas, là, M. le député de Sainte-Marie — Saint-Jacques, c'est ça, ce n'est pas loin? Alors donc, c'est
majeur. Donc, réduire nos importations de pétrole. Et, deuxièmement,
effectivement, si on peut utiliser notre propre pétrole pour remplacer le
pétrole étranger, ça va nous donner un avantage considérable, à l'économie
québécoise.
• (10 h 40) •
Maintenant,
regardons ce qui s'est passé, donc, depuis la crise, nos exportations chez
notre principal client, les États-Unis, de 40 milliards en 2009 à
43 milliards en 2012. Alors, ça, c'est la prévision sur les
11 premiers mois. Donc, on voit qu'on
a légèrement rétabli nos exportations aux États-Unis, alors que l'économie est
très, très lente. Alors, pourquoi? C'est essentiellement parce qu'on a bien ciblé... Bon, l'État de New York qui
continue... mais qui est un point d'entrée pour l'ensemble de l'économie américaine, donc on a passé de 4,6 à 5,9. Mais,
par exemple, le Texas, où on a augmenté de 2,5 à 3, on voit qu'il y a un
potentiel de croissance important. Donc, dans notre politique commerciale,
notre objectif, c'est de bien cibler les
zones en croissance. Ça peut être des zones dans des marchés matures, comme le
marché américain. Il y a des zones
qui sont en croissance, comme le Texas. Et on voit ici, donc, depuis 2002 à
2011, la progression du PIB texan par
rapport à la production du PIB américain. On voit bien que là, si on a du
potentiel de croissance des exportations, c'est dans la partie des États-Unis qui est en forte croissance. Donc,
il y a une partie ciblage qui est importante pour nous.
Maintenant,
si on regarde nos exportations en Europe, on voit que ça s'est dégradé avec le
marché européen. Donc, on exportait 8,5 milliards en 2009 et maintenant
7,6 milliards, donc on a perdu 1 milliard. Le marché européen ne
sera pas en croissance pendant des années,
hein, on est pour des années de croissance molle. Et donc, effectivement, notre
potentiel de croissance — c'est celui qu'indiquait le député de La Prairie
tout à l'heure — c'est de prendre pleinement la... entrer dans la porte
que va nous ouvrir l'accord de libre-échange et de faire en sorte, oui, d'avoir
une stratégie très forte, dès que les tarifs
vont tomber, de 6 % à 14 % , à 0 % , de faire en sorte d'accompagner nos
entreprises dans l'occupation du terrain pour gagner des parts de marché, pour faire en sorte de
revenir à notre position antérieure ou de la dépasser, en sachant qu'on va prendre des parts de marché existantes, mais on
ne sera pas portés par une augmentation du marché européen pendant les
années qui viennent.
Mais
j'entendais tout à l'heure dire : Oui, l'Afrique, c'est intéressant, mais
c'est une petite partie du marché mondial. C'est
vrai, sauf qu'on se rend compte que même, pour nous antérieurement, le Brésil,
la Russie, l'Inde et la Chine ne constituaient que 7 % de notre
marché d'exportation. On a dit : Bien, pourquoi mettre des efforts dans ce
qui n'est que 7 %? Bien, c'est parce que le
potentiel de croissance est très grand. Alors, quand on regarde la croissance
de nos exportations depuis 2009 sur notre marché principal, on a crû de
3,4 milliards de dollars, donc 3,4 sur notre marché principal, mais, sur
ce petit marché qui n'est que de 7 % de nos exportations, on a augmenté de
2,3 milliards nos exportations, hein?
Donc, s'occuper d'un marché où on n'est pas nous a donné presque autant d'exportations
supplémentaires que s'occuper d'un marché où on est très présents.
Alors, c'est pourquoi la diversification, c'est vraiment la
clé du rétablissement de nos exportations et de leur croissance. Et c'est dans
la stratégie commerciale que nous sommes en train de développer. On essaie de
bien cibler nos forces intérieures, quels
sont les secteurs d'emploi qui sont présents à l'étranger et qui veulent s'étendre
ou ceux qui ont la capacité de croître, et donc les accompagner
là-dedans, mais aussi bien cibler à l'étranger, géographiquement et par
secteurs, là où le potentiel de croissance est le plus grand.
C'est sûr que, si on va travailler à
peu près n'importe où avec une délégation commerciale, on va finir par trouver des contrats,
hein? Et c'est très, très rare, une délégation commerciale qui ne revient pas
avec un maillage, avec un contrat. Mais, comme nos moyens sont limités,
hein, nous, ce qu'on veut faire, c'est faire en sorte de faire la délégation commerciale ou l'accompagnement dans le lieu où le
potentiel de croissance est le plus grand. Il faut que chaque dollar qu'on
investit donne le plus grand...
Le
Président (M. Ferland) : ...M. le
ministre, pour...
M.
Lisée : Pardon?
Le
Président (M. Ferland) :
...30 secondes environ.
M.
Lisée : 30 secondes.
Le
Président (M. Ferland) : Mais vous
pouvez déborder sans problème, ça sera enlevé...
M.
Lisée : O.K. Mais essentiellement c'est
ça. Donc, pour montrer notre grande... Le mot clé, c'est la diversification. Dans le BRIC, on continue; en
Afrique, on veut accompagner le décollage africain et on pense qu'il y a
des potentiels de croissance qui sont très grands dans ces endroits-là.
Le Président (M. Ferland) : Merci. Merci, M. le ministre.
Maintenant, nous allons aller du côté de l'opposition
officielle, et je reconnais le député de La Prairie pour un bloc de
20 minutes. M. le député...
Une
voix : ...
Le
Président (M. Ferland) : Mont-Royal,
excusez. Mont-Royal.
M. Arcand : Merci beaucoup, M. le Président. M.
le ministre, j'aimerais aborder un certain nombre de questions, peut-être
répondre rapidement au député qui parlait de souveraineté. Et je pense que le
ministre sera d'accord avec moi que souvent,
en matière de relations internationales, c'est souvent une affaire de gros
joueurs. Et donc je ne suis pas convaincu, effectivement, que, dans un Québec souverain, l'Europe aurait répondu
aussi rapidement à une demande de négociation de cette sorte. Alors, ça,
je pense que c'est un point extrêmement important.
Deuxièmement,
je peux simplement vous dire que le Québec a beaucoup profité du Canada,
surtout dans les périodes où j'étais là. Il
y avait des raisons, je dirais, idéologiques du gouvernement canadien. Entre
autres, le gouvernement Harper ne s'intéressait
pas à l'Europe à ce moment-là, beaucoup, il ne s'intéressait pas beaucoup à l'Asie,
c'était surtout... Ils voulaient
avoir leur siège sur le Conseil de sécurité des Nations unies. Donc, leur politique,
elle était très centrée vers les États-Unis.
Ça a permis au Québec de vraiment bénéficier d'une foule de services du
gouvernement canadien à ce moment-là. Et nous étions reçus par les
ambassadeurs canadiens, ils nous ont ouvert beaucoup de portes; il aurait été
plus difficile de le faire autrement. Alors,
ça, ça fait partie parfois des avantages qu'on peut trouver à l'intérieur du
fédéralisme.
Maintenant,
je voulais poser la question au ministre sur un peu de structure, si vous me
permettez, durant ces échanges que l'on va
faire. Moi, à l'époque où j'étais ministre des Relations internationales, M. le
ministre, j'étais ministre des
Relations internationales et responsable de la Francophonie. Pour moi, je
dirais, 75 % de mon temps était consacré, si on veut, à accompagner les entreprises sur le plan
international. Je n'avais pas le commerce extérieur, mais quand même le
rôle de facto était d'accompagner, d'ouvrir
ces marchés-là aux entreprises. C'était une grande partie de mon temps,
c'était 75 %. Le 25 %, c'était de
m'occuper de la Francophonie, des relations avec la France, des relations avec,
entre autres, Haïti, qui est un joueur évidemment, pour nous, qui est
important, et également de s'occuper, évidemment, de l'organisation de la
Francophonie avec M. Diouf, avec Clément Duhaime, et compagnie. Donc, c'était
un peu la définition de tâches qui m'était... qui m'incombait à ce moment-là.
Ma question à vous… Parce que vous êtes
ministre des Relations internationales, Commerce extérieur, vous vous occupez encore de la Francophonie, vous êtes ministre
responsable de Montréal, vous vous occupez en plus des anglophones
spécifiquement à Montréal, et en plus vous trouvez le temps d'aller sur Twitter,
des blogues, etc. Donc, vous êtes quelqu'un
d'extrêmement occupé. Alors, dans ces proportions-là, j'aimerais que vous m'expliquiez
quel est le pourcentage que vous attribuez à ces différentes fonctions?
Le Président (M.
Ferland) : M. le ministre.
M. Lisée : Alors, c'est 100 % à chacune.
Je reviens à la question qui a été posée, et qui est une
vraie question : Est-ce que le Québec aurait pu seul négocier une entente de libre-échange avec l'Union
européenne? C'est une bonne question. On n'a pas la réponse à ça, mais la réponse... on n'a pas la réponse non plus,
parce qu'Israël, 7 millions d'habitants, a négocié un accord de
libre- échange avec l'Union européenne; la
Norvège, moins de 5 millions d'habitants, a négocié un accord de libre-échange
avec l'Union européenne; le Maroc, qui a le
tiers du PIB du Québec, l'a fait aussi; l'Égypte, qui a les deux tiers du
PIB du Québec, l'a fait aussi; et le Pérou,
qui a 60 % du PIB du Québec, l'a fait aussi. Si l'Europe voulait faire un
projet pilote sur l'Amérique du Nord,
ils n'étaient pas dans la situation stratégique où le Québec est. Mais le
Québec a voulu un accord de
libre-échange avec l'Union européenne et, contrairement à Israël, la Norvège,
le Maroc, l'Égypte et le Pérou, il a été obligé de demander la permission, il a été obligé de faire le tour — M.
Charest l'a fait, et je salue sa persévérance — il a été obligé d'aller
convaincre les premiers ministres un par un que c'était important.
Et,
comme vous l'avez dit tout à l'heure, le gouvernement Harper, ça ne les
intéressait pas, l'Europe. Tout ce qu'ils voulaient, c'était leur poste au
Conseil de sécurité. Ils ne l'ont même pas eu. Alors donc, il a fallu demander
à 10 autres personnes plus Harper, que
ça n'intéressait pas : S'il vous plaît, nous, on pense que c'est dans l'intérêt
du Québec, est-ce qu'on ne devrait
pas commencer cette négociation-là? Alors, je peux vous dire que, si Québec
avait été souverain, on aurait pu
aller directement à Bruxelles puis dire, comme nos amis Israël, Norvège, Maroc,
Égypte, Pérou : Nous aussi, on
voudrait un accord de libre-échange, et ce serait tellement extraordinaire pour
vous, parce que ça vous permettrait d'avoir un canevas à partir duquel, ensuite, demander l'équivalent au Canada,
nos bons voisins, le pays souverain, le Canada qui serait notre voisin
et ami, et ensuite, peut-être, aux États-Unis. Alors, lorsqu'on fait des
scénarios, tous les scénarios sont possibles.
•
(10 h 50) •
M. Arcand : C'est parce que... M. le Président,
est-ce que je pourrais... Je comprends, là, que le ministre ne veut pas répondre à la première question, mais je pense
que c'est une question qui est très importante et je voudrais juste qu'il
réponde à la question, si c'était possible.
Le
Président (M. Ferland) : Non, mais
je... Oui. Là, il n'y a pas de problème, je pense qu'il y venait.
M.
Lisée : Oui. Ah oui, tout à fait.
Le
Président (M. Ferland) : Moi, je
surveille le temps...
M. Lisée : Mais c'est parce que vous avez
soulevé ça. C'est la première chose que vous avez dite, donc c'est la première chose à laquelle je réplique.
Le
Président (M. Ferland) : Allez-y, M.
le ministre.
M.
Lisée : Et, deuxièmement, vous... Donc,
la question, c'est comment je répartis mon temps? C'est ça?
Une
voix : Oui.
M. Lisée : Oui. Bien, je pense que j'ai donné
aussi cette réponse. Le fait de... C'est intéressant, vous avez dit que vous, vous n'aviez
pas la responsabilité du commerce extérieur mais de facto vous accompagniez les
entreprises, mais vous n'aviez pas la
capacité de modifier les politiques, avoir... vous n'aviez pas le pouvoir de
signature sur le commerce extérieur.
Donc, vous étiez un peu délégué du ministre des Finances et de l'Économie ou du
Développement économique pour faire
ça. Donc, moi, je fais ce que vous faites mais en ayant... La première ministre
a décidé de me donner la responsabilité
du développement des politiques, de la fusion des deux ministères, de leur
adéquation, d'augmenter leurs politiques. Donc, j'accorde probablement
le temps que vous accordiez.
Je me suis rendu compte, pour la
métropole, que l'adéquation entre la métropole et les Affaires internationales et le
commerce était très, très grande. Et ça me permet de... Lorsque je rencontre
des gens qui sont actifs dans les grappes industrielles ou autres choses, on parle du développement de la
métropole et de leurs exportations, et le fait... et je les revois dans les tables d'exportateurs et je les revois
dans les tables des grappes. Alors, pour moi, je trouve que c'est un
avantage, c'est un avantage.
Et puis, quant aux blogues, bien, ça fait
30 ans que j'écris, alors... C'est un muscle. Et c'est vrai que j'écris plus rapidement que d'autres.
Mais, pour l'instant, je pense que mon activité ministérielle est très grande,
est très active et... C'est ce que je fais lorsque j'ai fait tout le
reste.
Le
Président (M. Ferland) : Merci, M. le
ministre. M. le député.
M.
Arcand : Bien, M. le ministre,
premièrement, je veux juste démystifier. Tout le monde parle des relations avec le Canada comme étant toujours très
complexes. Évidemment, il y a des dossiers complexes, mais je peux
simplement vous dire, pour y avoir été
impliqué : Quand M. Charest a discuté, au sein du Conseil de la
fédération, avec les principaux premiers ministres des principales
provinces, je peux vous dire que ça s'est réglé très rapidement, tout le monde
a été d'accord avec ça. Il a discuté par la suite avec M. Harper. Alors, ce n'était
pas tellement compliqué.
La
question à laquelle vous ne semblez pas très intéressé de répondre, c'est la
question sur la répartition de votre temps.
Parce que vous êtes un être humain, je sais que vous êtes certainement très
compétent, mais vous êtes humain, le temps est compté dans la vie. Et moi, je considère, sur le plan
strictement de la structure, que vous avez beaucoup de fonctions, fonctions qui sont importantes. Vous
êtes en plus un député, là. Je n'ai pas ajouté le fait que vous exercez,
dans votre comté de Rosemont, la fonction de député. Alors que le Québec vit d'exportations,
alors qu'il est fondamental pour le Québec...
D'ailleurs,
j'avais des chiffres, à un moment donné, qui montraient que, toutes proportions
gardées, par rapport à son PIB... Je pense que le Québec exporte presque autant, évidemment
toutes proportions gardées, que les deux principaux pays exportateurs au
monde, soit la Chine et l'Allemagne, là. Toutes proportions gardées, le Québec
exporte à un pourcentage très important. Et donc c'est fondamental qu'on ait un
ministre du Commerce extérieur à temps plein.
Alors,
c'est pour ça que je pose la question, qui m'apparaît assez importante, parce
que vous avez quand même beaucoup de chapeaux, et ce sont des éléments qui
m'apparaissent très importants. Et donc : Est-ce que vous ne sentez
pas une certaine difficulté à exercer toutes
ces fonctions-là de façon... Il y a 24 heures dans une journée, alors il y a
une... Je pense que c'est une question qui est légitime.
Le Président (M.
Ferland) : M. le ministre.
M.
Lisée : Oui. Et
la réponse, c'est non. Alors, évidemment, il y a eu des cas où le ministre des
Finances, et de l'Économie, et du Commerce
extérieur, et des Institutions financières, et du Conseil du trésor, hein,
accumulait ces fonctions. Donc, en fait, je
cumule moins de fonctions que plusieurs de mes prédécesseurs l'ont fait. Et il
est essentiel de bien s'entourer.
Alors, l'équipe du Commerce extérieur qui travaille avec moi, mon cabinet, les
sous-ministres et parfois... C'est un
travail d'équipe, le gouvernement. Comme vous le savez, vous n'avez pas fait
toutes les missions commerciales, parfois
vous avez demandé à d'autres membres du cabinet ministériel de les faire.
Alors, par exemple, François Gendron, comme il y avait un volet agricole
important à la mission en Chine à l'automne dernier, donc c'est le vice-premier
ministre… et, pour les Chinois, c'était
important, c'était le vice-premier ministre qui est allé faire la mission en
Chine. Dans d'autres cas, ça va être Mme Zakaïb qui va faire une mission
pour...
Le Président (M.
Ferland) : ...interdit de nommer les
personnes par leurs titres. Je vous demande juste de… J'étais convaincu que
ça...
M.
Lisée : Ah oui!
Excusez-moi. La ministre, la ministre de l'Industrie va pouvoir faire une
mission, le ministre de l'Économie et des
Finances va faire une mission. Le gouvernement parle d'une seule voix et peut
être représenté par plusieurs d'entre nous. Donc, ça n'a pas été une difficulté — m a réponse à cette question.
Mais
je reviens aussi, puisque vous l'avez évoquée, sur la question du Canada. Vous
dites : Ça a été relativement simple. Peut-être que ça a été simple. Bien, je me
souviens que ça a pris un certain temps, et puis il fallait convaincre
le gouvernement canadien de l'importance...
Et, même si tout le monde est d'accord, une fois que tout le monde est d'accord,
il faut mettre ça en quelque part dans la
liste des priorités, il faut que ça devienne une priorité. Et on sait bien que,
donc, la volonté politique était à Québec,
et il a fallu que Québec convainque Ottawa d'avoir la volonté politique de le
faire. Ça a été fait, bravo!, mais c'est une étape supplémentaire qu'il
faut faire, puisque nous ne sommes pas souverains, que nous n'aurions pas à
faire.
Moi, je vois aussi qu'en plusieurs cas... Je vois les
ambassadeurs canadiens, les hauts-commissaires, les consuls généraux, et on
a de très bons rapports avec eux, ça se passe très bien dans la plupart des
cas, mais... Je vais vous donner l'exemple de l'Inde, puisqu'on en
revient.
Vous
dites : Est-ce que le Québec a le poids? J'ai été agréablement surpris de
voir que le Québec, comme gouvernement, était plus présent dans l'État du
Maharashtra, l'État de Mumbai, où vous êtes allé, qui est la métropole,
le Toronto, le New-York de l'Inde, plus
présent que n'importe quelle province canadienne, plus présent que n'importe
quel État américain et que sa présence de
délégations de toutes sortes était plus forte que celle du Canada — du Canada — alors qu'on a moins de
moyens et qu'on paie 20 % des frais de la diplomatie canadienne. Alors, c'est
bien la moindre des choses qu'ils nous offrent des services puisqu'on
paie pour 20 %.
Mais ce que ça m'a dit, c'est que, écoutez, avec les
moyens que nous n'avons pas, nous faisons en sorte que ce joueur qu'est le Québec a une présence réelle plus
grande que beaucoup d'autres. Alors, imaginez ce qu'on pourrait faire si on avait ce 20 % qui va à la
diplomatie canadienne, si on l'avait, nous, ce serait encore mieux. Alors, l'idée
que le Québec est petit et ne fait pas le poids, bien, on est tellement actifs
qu'on fait le poids, on fait le poids.
Mais,
pour cette visite, qui s'est très bien déroulée, il a fallu demander la
permission pour voir même des gouverneurs d'État.
Des fois, ils disaient : Êtes-vous certains que le Canada est d'accord?
Êtes-vous certains? Alors, ça crée même,
chez nos interlocuteurs, une incertitude, il faut qu'ils vérifient deux fois,
ça ajoute des délais. Est-ce qu'on peut vraiment signer un accord sur la sécurité sociale entre l'Inde et le
Québec alors que le Québec n'est pas souverain? Il faut demander la
permission, il faut qu'Ottawa dise oui, il y a des délais. Alors, tout ça,
quand ça va bien, il y a des délais qui grèvent notre efficacité.
Et parfois ça va très mal. Parce que moi, j'ai vécu,
lorsque j'étais conseiller de M. Bouchard et de M. Parizeau, mais surtout
à M. Bouchard, qui avait une grande activité internationale, que le
gouvernement libéral de Jean Chrétien avait décidé de ne nous mettre que
des bâtons dans les roues et, en certains cas, de refuser de transmettre nos
demandes de rencontre avec des personnalités politiques étrangères. Et là c'est
de la volonté de nuire. Alors, en tant que province du Canada, nous sommes à la
merci de la bonne ou de la mauvaise volonté d'un autre.
Le Président (M.
Ferland) : M. le député.
M. Arcand : C'est sûr que, quand on a un
gouvernement qui veut la souveraineté, c'est peut-être plus difficile, effectivement, de négocier avec le gouvernement
canadien, ce qui est normal. L'expérience que j'ai eue en politique, ça a
toujours été, évidemment, le contraire, jusqu'ici. Ce qui ne veut pas dire qu'on
n'a pas eu des différends quand même avec Ottawa.
Je reviens, M. le ministre, à une question
qui... Et je vous sais d'ailleurs particulièrement assez intelligent pour ne pas répondre ce
que vos autres collègues ont répondu par le passé quand on parle de coupures.
Quand je regarde dans les crédits aux
Affaires internationales, on s'aperçoit que les crédits 2012-2013, c'était
30 millions pour le commerce extérieur. On est rendus à 22 millions, soit une réduction de
7,5 millions de soutien au commerce extérieur. Je sais que, quand
on pose des questions sur les coupures à vos
autres collègues, ils nous disent toujours que c'est des réinvestissements.
On joue avec les chiffres, et là, soudainement, ce n'est pas des véritables
coupures.
Alors,
ma question, elle est bien simple : Qu'est-ce que vous allez couper dans
ce 7,5 millions là? Qu'est-ce que ça représente?
•
(11 heures) •
Le
Président (M. Ferland) : M. le
ministre.
M. Lisée : Oui. Bien, je suis très content que
vous me posiez cette question, parce que je ne suis pas de bonne humeur, pas de
bonne humeur avec ça du tout. Parce qu'on a... on doit accompagner nos
entreprises dans le commerce extérieur, on doit reprendre des parts de
marché et on doit pouvoir déployer autant de fonds que possible.
Et il y a un programme qui a été créé
sous l'administration précédente, qui s'appelle le Programme d'exportation, dans
lequel on dit aux entreprises : Nous allons vous aider à organiser vos missions
à l'étranger. Vous pouvez nous déposer des projets, 100 000 $
par projet, par année financière, maximum de 40 % des dépenses
admissibles, 50 % de l'aide financière
est remboursable. Il y a des seuils d'admissibilité. C'est bien fait. C'est
selon le chiffre d'affaires, donc ça coûte moins cher pour une PME que pour une grande entreprise. On a des
territoires de destination. Les forfaits de déplacement sont ajustés
selon la destination, une allocation journalière qui est raisonnable,
75 $, 100 $, 125 $. Et les entreprises ont dit : C'est
très, très bon.
Et les entreprises, j'ai pu le voir... Je l'avais
vu sous le gouvernement Bouchard quand on faisait des maillages d'entreprises.
Et même, quand on allait dans Team Canada, parfois les entreprises ontariennes
voulaient venir dans les séances de
maillage québécoises parce que c'était mieux organisé que celles du reste du
Canada. Alors, vraiment, nos entreprises savent que nos services d'accompagnement
commerciaux sont excellents.
Et donc ils se sont rués sur ce
programme, parce que le gouvernement libéral avait annoncé 79 millions de dollars : 79 millions de dollars vont être
disponibles pour l'accompagnement au commerce extérieur. Et ensuite on a
dit : Ah, bien non, ce n'est pas 79, en
fait, parce qu'on va recycler 20 millions qui étaient déjà dans un
programme précédent, alors en fait on
passe de 79 à 59. Et puis ensuite le gouvernement a dit : Ah, bien
non, mais ce n'est pas 59, finalement, parce qu'on a besoin de
faire des compressions, alors ça va être moins. Mais ne vous inquiétez pas, a
dit le ministre, même si c'est moins que prévu, on va trouver l'argent.
Alors, ce qui fait que l'administration
publique, en toute bonne foi, a accepté un grand nombre de demandes des entreprises et a
surengagé le programme. Il l'a surengagé de façon très significative. Et,
lorsqu'on est arrivés, on s'est rendu compte
qu'il avait surengagé au-delà de ce que le gouvernement précédent avait
budgété. Alors, maintenant, nous sommes en situation de devoir gérer à
la fois le succès du programme et à la fois le défaut de paiement dans les
crédits du gouvernement précédent, parce que les promesses n'ont pas été
tenues.
Alors,
on a été obligés de dire aux entreprises, puis je sais que mon collègue doit
avoir des cas : Écoutez, n'appelez plus...
Le
Président (M. Ferland) : Une minute
pour conclure.
M. Lisée : O.K. N'appelez plus parce que là on
est en décaissement, c'est-à-dire qu'on décaisse cette année, on décaisse l'an prochain et l'année suivante pour des
engagements qui ont déjà été pris. Mais malheureusement le 79 millions qui avait été promis par les
gouvernements précédents n'a pas été au rendez-vous. Donc, voilà la
situation.
Le
Président (M. Ferland) : Merci, M. le
ministre. Il reste 30 secondes, si...
M. Arcand : Donc, c'est la faute des libéraux.
Ah, c'est absolument la faute des libéraux, encore une fois, s'il y a moins de 7 millions.
M.
Lisée : Oui.
M.
Arcand : Ah bon! C'est toujours la
faute des libéraux.
M.
Lisée : Non, pas toujours, non.
Pourquoi... mais...
M.
Arcand : C'est toujours la faute du
gouvernement libéral dans des choses comme ça. Moi, je...
Des
voix : ...
Le
Président (M. Ferland) : Je vous
demanderais juste de... Là, c'est... On assiste à un échange et non des
questions, là.
M. Lisée : Vous savez... Je vais prendre juste 30 secondes, avec
votre permission.
Le Président (M.
Ferland) : Oui, il reste à peu près
ça.
M.
Lisée : Comme
vous l'avez dit tout à l'heure, il m'arrive de dire que M. Charest a fait la
bonne chose ici, vous avez pris la bonne
décision là. Et, quand je dis que c'est votre faute, c'est vraiment votre
faute.
M. Arcand : Oui, mais...
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci, M. le ministre. Maintenant, je vais aller du côté de la
partie ministérielle. Je reconnais le député
de Sainte-Marie — Saint-Jacques pour un bloc de
20 minutes. M. le député.
M. Breton : Merci, M. le Président. Écoutez, à la lumière des
documents qu'on a reçus ce matin de la part du ministre, effectivement c'est de
la faute des libéraux. Je regarde les coûts de voyage, voyez-vous : voyage
du premier ministre à Atlanta, 2009-2010, ça
a coûté trois fois plus cher que ce que c'était écrit initialement; le voyage
du ministre des Finances, ça a coûté
cinq fois plus cher; le voyage du premier ministre, ensuite, à Los Angeles,
cinq fois plus cher; le voyage du
premier ministre à Washington, huit fois plus cher. Donc, avec des factures
comme ça, c'est sûr qu'on se retrouve dans des situations financières
compliquées. CQFD, comme on dit.
Je
voudrais revenir sur les remarques préliminaires du député de Mont-Royal, qui
parlait d'incertitude avec les compagnies, les multinationales, etc., sur les gaz
de schiste, sur les mines, sur les hydrocarbures. Écoutez, en fait, c'est
très simple, c'est que, quand on ne met pas
la charrue devant les boeufs, c'est-à-dire lorsqu'on décide de mettre en
place un cadre rigoureux d'exploitation, de
conservation pour faire en sorte que, quelle que soit la ressource, ça soit
fait de façon sérieuse, on ne se retrouve pas dans une situation d'incertitude.
On ne peut pas avoir meilleur exemple de mauvaise gestion
de ressources naturelles que celle des gaz de
schiste. Et je pense que monsieur, qui était
ministre de l'Environnement à l'époque, est en mesure de témoigner. Écoutez, on
a été face à une levée de boucliers historique à cause justement d'un problème
de gestion monumental.
Il
y a aussi, dans le dossier des ressources naturelles… Je voulais vous parler du
BRIC, ou du BRICA, depuis 2011 il y a l'Afrique
du Sud. Ça, ça correspond, selon les chiffres les plus récents, à environ
20 % du produit intérieur brut mondial,
40 % de la population mondiale, environ 3 milliards de personnes, et
on calcule qu'en 2025 on devrait se retrouver avec à peu près 40 %, aussi, du produit intérieur brut. Et, moi,
une chose qui m'intéresse particulièrement, M. le ministre, c'est
justement les relations avec les multinationales et les autres pays par rapport
à nos ressources.
Vous vous en doutez bien, ça fait des années que je parle
de ça, le fameux Maîtres chez nous phase II, je vais faire un petit retour
historique, chose que j'aime et que vous appréciez aussi. Lorsque... Et vous en
avez même parlé dans votre blogue,
que je trouve par ailleurs très intéressant, et continuez à le faire. En 1956,
pendant la campagne électorale, on avait Georges-Émile Lapalme, qui
était à l'époque chef de l'opposition, qui dénonçait le fait que Maurice
Duplessis et son gouvernement donnaient nos ressources pour des peanuts, on
disait : Une cenne la tonne. Et, à cette époque-là, le gouvernement... pas le gouvernement, mais le Parti
libéral s'était engagé à exiger qu'il y ait des efforts de transformation
de la part des compagnies qui venaient
prendre nos ressources. Et, comme j'avais dit lors de conférences où je me
promenais à travers le Québec, je
disais : Ça, on a dit ça en 1956 et, 56 ans plus tard, on avait le
ministre délégué aux Mines, un ministre qui était député de Dubuc, qui
avait dit que d'exiger de la transformation au Québec, ça appauvrirait, ça
créerait de la pauvreté. Je suis certain que vous vous rappelez de ça.
Et
là, quand je regarde la façon dont les ententes ont été faites, avec des
compagnies multinationales pour beaucoup, dans l'aluminium… Je ne sais pas si vous vous
rappelez la fameuse entente que M. Landry avait faite avec la compagnie
Alcan, exigeant qu'il y ait de la transformation faite au Québec; quand le
gouvernement libéral est arrivé au pouvoir, il y a eu l'entente Rio Tinto Alcan
où on a laissé tomber cette exigence de transformation.
Évidemment,
j'ai parlé des gaz de schiste, je pourrais parler aussi de la cession de nos
droits d'exploration sur à peu près tout le
territoire québécois sans jamais que ce gouvernement-là en ait obtenu le
mandat, sans jamais que ce gouvernement-là en ait même parlé aux Québécois.
Tout ça s'est fait en catimini. Ce qui est en totale contravention... en totale
contradiction, une trahison, ni plus ni moins, de l'héritage de Jean Lesage et
de René Lévesque, du fameux Maîtres chez nous.
Donc,
moi, ce que je vois là, c'est qu'on est en train de redonner le contrôle de
notre énergie, de nos ressources à des entreprises privées, pour la plupart
étrangères. Je n'ai pas de problème personnellement à ce qu'on fasse affaire
avec des compagnies privées, mais il faut qu'on
en ait le contrôle. Et on avait des exemples qui étaient éloquents, lorsqu'on a
parlé, entre autres, de Stornoway, la
compagnie minière où, pendant que ce gouvernement-là disait qu'il n'y avait pas
moyen d'exiger de la transformation, les représentants de la compagnie
disait : Nous, on n'a rien contre, mais personne au gouvernement ne nous l'a demandé. Moi, je n'en
revenais pas. Je me suis dit : Être maire de Matane, il me semble
que je serais allé faire un tour à Québec;
parce que, vous le savez, il y avait des infrastructures de transformation de
diamant qui avaient été installées là avec les deniers publics.
• (11 h 10) •
Il
y a évidemment l'éolien, qu'on a laissé aller. On disait : On n'est pas
capables de développer de l'éolien. Et on a laissé ça à des compagnies comme EDF et d'autres.
Mais un cas qui m'intéresse particulièrement, c'est que, dans le BRIC, si vous prenez la
Chine, par exemple, les Chinois savent la valeur des terres rares et ont fermé
la porte à l'accès aux terres rares à
tout pays étranger, à toute multinationale. Nous, non seulement on n'a pas
fermé la porte, mais on ne fait même pas d'exigence de transformation.
Quand je regarde tout ça, quand je regarde le fait que…
Je ne sais pas si vous le savez, mais notre premier produit d'exportation,
c'est des blocs, c'est des lingots d'aluminium, ça veut dire que c'est de l'aluminium
non transformé. Bien, l'avenir du Québec,
à mon avis, ça ne peut pas se faire comme ça se fait dans le reste du Canada,
je m'excuse. Je considère que la
vision économique du gouvernement de Stephen Harper est une vision économique
coloniale. Je veux dire, j'ai même
entendu le premier ministre aller dire en Corée du Sud, en 2009 : Vous
êtes les leaders mondiaux per capita dans le développement des nouvelles technologies de l'énergie verte et de l'électrification
des transports. Il dit : Je vous félicite. Nous, on va vous fournir
les matières premières. Pour moi, ça, c'est colonial.
Donc,
moi, j'aimerais beaucoup vous entendre là-dessus. J'aimerais beaucoup vous
entendre sur les relations avec l'international,
les multinationales et ces exigences-là qu'on doit avoir, de se tenir debout, d'exiger
comme des pays d'Afrique maintenant le font, comme des pays d'Amérique du Sud
le font , et
que nous, sous le gouvernement précédent, on n'a jamais osé exiger.
M. Lisée : Voilà. Une bien bonne question .
Le Président (M.
Ferland) : Merci, M. le député. M. le
ministre.
M.
Lisée : Vous
entrez beaucoup sur le terrain de notre collègue des Ressources naturelles,
mais je peux vous dire : Moi, j'ai accompagné la première ministre à Paris, à New
York — et moi-même, j'étais à Washington et à
New York dans
une visite séparée — et en Inde, et notre message aux
investisseurs étrangers, il est double. On dit d'abord : Vous êtes bienvenus, on
a un développement nordique majeur, on a énormément de ressources naturelles.
Et d'ailleurs nous avons fait, dans
un contexte budgétaire difficile, où on va atteindre l'équilibre budgétaire l'an
prochain… Puis ça, je peux vous dire que
ça arrête la conversation un peu partout dans le monde, en Europe et aux
États-Unis, quand on leur dit : On va atteindre l'équilibre budgétaire l'an prochain. Ils se
regardent entre eux, puis ils disent : Est-ce possible? Parce qu'eux sont
tellement loin de ça, tellement loin de ça. Et on leur dit : Malgré cet
effort budgétaire majeur, on a fait en sorte que les projets d'investissement de plus de 300 millions de
dollars vont avoir un congé fiscal de 10 ans. Ça aussi, ça arrête la
conversation. Alors, voilà combien on est intéressés à vos investissements.
Cela
dit, dans le développement nordique, il y a des infrastructures à construire,
et ces infrastructures-là, elles ne seront pas
à la charge du public québécois, elles seront partagées avec vous. Et, comme
dans le cas des monts Otish, Stornoway, d'avoir
réussi et de renégocier la route pour économiser l25 millions aux contribuables
québécois pour ouvrir cette route-là, c'est le genre de chose qui n'était
pas faite avant et qui est faite par nous.
Et on leur dit : On est intéressés à la
transformation des ressources ici. On sait que certains d'entre vous n'en faites pas, certaines
entreprises qui ne sont pas dans la transformation. Mais on sait que certaines
d'entre vous, ailleurs, êtes associées
à une autre entreprise pour la transformation, où certaines d'entre vous le
font. Alors, nous, nous allons faire en sorte, et on verra comment ça se fait dans la pratique, nous allons
faire en sorte de vous inciter fortement à transformer, pour que ça soit une bonne opération d'affaires pour
vous et pour nous. Et il n'y a aucune surprise autour de la table. Ils se
font dire ça par tout le monde. En fait, la
surprise, c'était qu'on ne le leur demande pas avant, hein? Je veux dire, il y
a eu un genre d'aveuglement, au
gouvernement libéral précédent, qui disait : Il faut être très, très, très
gentils. Mais non, il faut être d'affaires. Il faut être d'affaires, il
faut être clairs, il faut être intègres.
Moi,
je dirais que l'effort que le gouvernement précédent a fait sur la mise en
marché du Plan Nord est un effort positif, en ce sens que ça a vraiment attiré l'attention
sur le Nord québécois et sur le Québec. Et donc, encore une fois, un cas où je ne suis pas critique, je dis : Ça
fait partie de l'actif québécois qui a été développé ces dernières années
d'attirer l'attention sur le Nord québécois.
Maintenant,
nous étions très déçus, en arrivant au gouvernement, de voir qu'il y avait si
peu de projets dans le pipeline et que donc les règles étaient non seulement
pas claires, mais n'arrêtaient pas de changer, parce que la critique était
tellement forte que… Par exemple, un jour, M. Parizeau critique parce que c'est
le bar ouvert, on se fait dire par l'ancien
ministre des Finances que ça n'a pas de sens, et, dans le budget suivant, ah,
il y a une correction qui est faite, disons, la clause Parizeau
apparaît.
Alors, pour les minières, il dit... Mais là le
gouvernement dit qu'il ne pose pas de condition, mais, à mesure que le débat public se fait à l'extérieur de la zone
gouvernementale… Parce qu'il n'y a jamais eu de débat public sur ce que devraient être les paramètres du Plan Nord; le gouvernement
Charest était difficile à suivre. Bon, alors, nous, on veut avoir ce débat-là. Nous allons l'avoir avec les minières
et avec les autres, et on va définir un cadre clair, prévisible,
exigeant et rentable. On va l'avoir. Donc, c'est ça.
Et, la réputation du Québec à l'étranger, moi, je me
demandais si la corruption, les manifs étudiantes, etc... On n'entend pas ça, parce qu'il se passe des choses à l'étranger
aussi, ils ont des manifs, ils ont de la corruption, ils ont... Alors, tu sais, pour nous, c'est grave, on doit s'en
occuper, on doit s'en occuper correctement. Et d'ailleurs j'essaie de
commencer à dire : Écoutez, moi, je voudrais qu'un peu partout dans le
monde, que ce soit à Miami, ou à Milan, ou à Londres,
ou à Moscou, quand on lit dans le journal qu'il y a une énorme commission d'enquête
contre la corruption à Montréal, qu'il y a des lois innovantes pour
battre la corruption, la réputation que l'on gagne, c'est que le Québec est l'endroit où on se bat le mieux contre la
construction, le Québec… — contre la
construction : contre la corruption — que le Québec, oui, que le Québec est un endroit
exemplaire de lutte à la corruption au début du XXIe siècle et que donc
on peut venir y apprendre deux ou trois choses.
Parce qu'il faut se souvenir que, lorsque René Lévesque a
proposé, en 1976, la première loi sur le
financement public des partis politiques, c'était
la plus avancée en Occident. Éventuellement, les fraudeurs ont trouvé des
façons de la contourner, et c'est
pourquoi maintenant on agit. Mais, le Québec, lorsqu'il a voté cette loi-là, c'est
parce qu'on avait des problèmes de financement de partis politiques,
parce que ce n'était pas très beau, ce qui se passait avant. Mais on est devenus un modèle. Et, pendant plusieurs années,
on a cité le Québec en modèle de comment assurer l'intégrité dans le financement des partis politiques. Alors, c'est
ainsi que je pense qu'il faut faire du judo avec notre problème de
corruption ici, en disant : Qu'est-ce
qu'il y a d'exemplaire au Québec sur la corruption, bien, c'est sa volonté de s'y
attaquer, c'est sa volonté de rendre le Québec très inhospitalier aux
fraudeurs. Et, en ce sens-là, on va pouvoir progresser.
Le Président (M.
Ferland) : Merci, M. le ministre. M.
le député...
M. Breton : En combien de temps?
Le Président (M.
Ferland) : Il vous reste
6 min 30 s.
M.
Breton : O.K. En
fait, disons les choses franchement, des problèmes de corruption, si on parle
de l'Inde, de la Chine, de la Russie, si on suit les médias un peu, on sait qu'eux autres
aussi ont à faire face avec ce genre de problèmes là.
Il y a une chose, pendant qu'on est dans le BRIC, dont j'aimerais
vous parler, parce que je sais que vous avez
fait un voyage récemment en Inde, et il y a
un dossier qui m'a interpellé, pour lequel je suis intervenu sur la place
publique, et qui interpelle aussi le
député de Mont-Royal, c'était celui de l'amiante. Parce qu'à l'époque du
gouvernement de M. Charest on avait un gouvernement qui disait qu'il n'y
avait pas de problème, ça pouvait se faire de façon sécuritaire, et tout ça. Et l'Organisation mondiale de la santé, l'Institut
national de santé publique et Santé Canada disaient que l'amiante, que
ce soit l'amiante ou l'amiante chrysotile,
posait des problèmes de santé et que c'était cancérigène. Et moi, je vais vous
dire honnêtement, j'étais estomaqué, parce
qu'à l'international, s'il y avait une autre tache qui me semblait très claire,
c'était la réputation du Québec et le lien avec cette volonté-là que le
gouvernement avait de continuer à exploiter l'amiante.
Puis
rappelez-vous que, lorsqu'initialement le projet de la Mine Jeffrey avait été
appuyé, c'était une garantie de prêt. Mais, la garantie de prêt, ils n'ont pas pu
faire de ça une garantie de prêt puisqu'il n'y a pas personne qui
voulait leur prêter de l'argent. Donc, c'est
devenu un prêt, un prêt de nos deniers publics pour nuire à la réputation. Et, rappelez-vous,
quand le premier ministre libéral est allé
en Inde, c'est l'année passée, si je ne m'abuse, il s'est fait interpeller de
façon assez sérieuse justement sur ce
dossier-là. Et j'aimerais que vous me parliez justement de ça et de votre
visite en Inde, s'il vous plaît.
• (11 h 20) •
Le Président (M.
Ferland) : Merci, M. le député. M. le
ministre.
M.
Lisée : Ah!
écoutez, moi, j'ai visité le « slum » de Mumbai, où il se fait énormément
de récupération, un « slum » très industrieux, où il n'y a pas de mendiant, où les
gens travaillent, et puis donc il se fait de la récupération de papier, de plastique, de matériel. Et, les conditions
sanitaires, on n'en parle pas, là, tu sais, il n'y a pas de conditions sanitaires. Alors, d'avoir pensé et d'avoir
prétendu qu'on pouvait exporter de l'amiante en Inde et qu'elle serait
utilisée selon des conditions sanitaires que l'on connaît ici, c'était de l'aveuglement,
c'était de l'aveuglement.
Alors,
évidemment, on disait : Oui, mais il y en a d'autres qui en exportent.
Oui, mais, nous, là, il faut vivre avec ça.
Moi, je viens de l'amiante, moi, je viens de Thetford Mines, alors je connais
bien le dossier, j'ai travaillé dans des moulins
d'amiante lorsque j'étais étudiant. Et je sais les efforts qui ont été faits
pour rendre les moulins d'amiante... pour les monter à des niveaux sanitaires satisfaisants pour nos travailleurs à
nous, mais c'est un effort colossal, ça demande des investissements
majeurs, ça demande un traitement continu.
Et
j'ai pu voir, moi, du temps où j'étais, au siècle dernier, en 1974-1975… j'en
respirais, de la poussière d'amiante. J'étais... D'abord, les étudiants étaient chargés
de balayer la poussière d'amiante deux fois par année, c'était ça, notre
job, donc on baignait dedans. Et je suis
allé revisiter après puis j'ai dit : Wow! Maintenant, on dirait une usine
de yogourt, tu sais, je veux dire, c'est...
Bon. Mais de penser que les Indiens, avec leur niveau de développement
technologique et la précarité de leurs moyens, pouvaient l'utiliser d'une
façon comme celle-là, c'était refuser la réalité.
Alors, ce sont... l'Inde
continue à importer de l'amiante. L'Inde continue à... Et nous n'étions que
9 %, à peu près, de leurs importations
d'amiante. En un sens, nous ne faisons plus partie du problème, et on espère
que les Indiens vont régler leurs
problèmes de leur façon, à leur rythme, mais il est important que nous ne
fassions plus partie du problème.
Le Président (M.
Ferland) :
1 min 20 s... 10 s, à peu près.
M.
Breton : En
fait, moi, une chose dont je suis fier justement, c'est qu'un gouvernement
comme celui du Parti québécois, qui aspire à faire du Québec un pays, veut faire en sorte que
la réputation de ce pays-là soit à la hauteur de nos aspirations les plus élevées. Et, pour moi, le
dossier de l'amiante est un symbole de ce qu'il ne fallait pas faire si on
veut montrer qu'on est un pays digne de ce
nom. Et c'est pour ça que je suis très fier à la fois de la décision qu'on a
prise sur l'amiante et à la fois qu'on
sorte le Québec du nucléaire. Moi, je pense que c'est deux décisions qui font
de nous, au point de vue de la santé publique, au point de vue
environnemental, au point de vue de la responsabilité et du symbole
international, des leaders.
Le Président (M.
Ferland) : Il reste environ
une minute et...
M. Lisée : Bien, moi, je veux juste faire un peu
de pouce là-dessus. J'entendais notre collègue de Mont- Royal dire, en
début : Oui, la réputation du Québec avec les décisions sur le gaz de
schiste... Alors, prenons ça, le gaz de schiste. Il y a un moratoire en France, il y a un énorme débat dans l'État de New
York, où le gouverneur doit décider si, oui ou non, il va autoriser l'exploration et l'exploitation. Le Québec fait
partie de la conversation mondiale. Il ne faut pas penser que, parce qu'on a des préventions et qu'on pose
de très bonnes questions, ça fait de nous qu'on est hors norme. On est
hors norme sur plusieurs aspects, mais,
lorsqu'on débat de nos ressources naturelles, de la transformation, de l'opportunité
du gaz de schiste, les autres nous regardent en disant : Bien, vous avez
la même conversation moderne que nous, nous avons en ce moment, et il n'y a pas
de difficulté avec ça.
Ce qui aurait été un peu troublant
pour une partie de l'opinion, c'est la précipitation avec laquelle le gouvernement précédent
a dit : Oui, oui, oui, on va aller faire les gaz de schiste, il n'y a pas
de problème avec ça, résisté longtemps à la volonté populaire d'avoir un BAPE là-dessus, proposé qu'il y ait un BAPE
très court, le plus court possible sur le moins de questions possible,
et que le BAPE dise : Non, tout ce que les opposants ont dit vaut la peine
d'être étudié en long et en large, et donc nous allons le faire.
Le
Président (M. Ferland) : Alors,
merci, M. le ministre.
M.
Lisée : Alors, c'est cette
précipitation-là qu'il aura été plus difficile à expliquer.
Le Président (M. Ferland) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, je
vais aller du côté de l'opposition officielle
avec... je reconnais le député de Mont-Royal pour un bloc de 20 minutes.
M. Arcand : Merci, M. le Président. Peut-être une
petite question sur le gaz de schiste : étant donné que Gaz Métro a dit qu'il y
aurait du gaz de schiste américain qui entrerait au Québec, dans la
composition, n'est-ce pas, du gaz naturel, est-ce que le ministre du
Commerce extérieur va demander à Gaz Métro qu'il n'y ait pas de gaz de schiste
américain qui entre au Québec?
Le
Président (M. Ferland) : M. le
ministre.
M.
Lisée : Ce n'est pas sur ma liste.
M. Arcand : Donc, vous allez laisser le gaz de
schiste entrer alors qu'il y a actuellement un moratoire au Québec, le gaz de
schiste américain qui va être fait par Gaz Métro, que Gaz Métro va acheter aux
États-Unis. Donc, on va laisser rentrer
le gaz de schiste américain au Québec. Vous ne trouvez pas qu'il y a comme une
incohérence dans ça, entre un moratoire que l'on décrète et le gaz de
schiste américain qu'on laisse entrer au Québec?
M. Lisée : Il y a quelque chose de bien qui s'appelle
la souveraineté nationale, c'est-à-dire que chaque démocratie est libre de décider comment elle va exploiter ses ressources
naturelles. C'est la démocratie. Nous, notre
démocratie a décidé que nous allions
avoir un moratoire sur l'exploration et l'exploitation de nos gaz de schiste. C'est
ça, le moratoire.
Alors, sur les flux de gaz naturel qui vont
ou qui viennent, je vais prendre votre question en délibéré, je vais voir ce qui en est.
Mais le moratoire dont on parle, c'est un moratoire qui protège nos citoyens,
nos propriétaires dans la vallée du Saint-Laurent contre un
développement non ordonné ou dangereux, et c'est strictement là-dessus que ça
porte.
M. Arcand : Non, c'est juste que, quand on veut
être souverains, il faut aussi être cohérents dans son approche aussi. Il faut
essayer de voir que, si le gaz de schiste, c'est mauvais, c'est mauvais au
Québec, c'est mauvais quand ça vient des États-Unis également.
M.
Lisée : Bien, je pense que la
souveraineté, c'est être maîtres de nos affaires. Ce n'est pas toujours de se
mêler des affaires des autres.
M.
Arcand : Oui, mais « maîtres
de nos affaires » exige d'avoir une certaine cohérence. Là, on parle de Gaz
Métro qui achèterait du gaz de schiste américain.
M.
Lisée : Vous, vous êtes opposé à ça?
M.
Arcand : Je ne sais pas. Je n'ai
pas... C'est moi qui pose les questions.
M.
Lisée : Non, mais, on essaie de...
M.
Arcand : Alors, je voulais
simplement avoir votre opinion. Moi, j'attends le rapport de l'Évaluation
environnementale stratégique que j'avais commandé, alors je vais voir ce qu'ils
vont dire.
M.
Lisée : Oui, et je suis sûr...
M. Arcand : Mais, en attendant, vous, vous avez
décidé qu'il y aurait un moratoire, que c'était quelque chose qui de facto était dangereux. En principe, le gaz de
schiste américain, si c'est quelque chose de dangereux, ne devrait pas entrer
au Québec.
M.
Lisée : Bien,
dangereux pour quoi? On est très vigilants au fait que, si un jour il y avait
de l'exploitation du gaz de schiste au Québec, ce ne serait pas dangereux pour la nappe
phréatique. Alors, le fait qu'il y ait du gaz de schiste qui soit fait
en Pennsylvanie n'a pas d'impact sur nos nappes phréatiques.
M. Arcand : Bien, ça dépend. Tout d'un coup il y a une fuite?
M. Lisée : Je pense que vous êtes... Vous exagérez un peu, M. le
député. Il me semble...
M. Arcand : Bien, écoutez, j'essaie juste d'avoir un peu de cohérence
dans ce domaine-là, là.
M. Lisée : Bien, l'exploitation du gaz de schiste est une chose, le
commerce est une autre chose. Bon, par exemple,
il y a des cas où nous, on interdit l'utilisation de mercure ou de... — j'ai le mot anglais, « lead » — du plomb, évidemment, dans les jouets pour enfants, et donc
on va interdire qu'il y ait des jouets pour enfants qui soient importés
au Québec avec du plomb dedans. Alors, il
peut y avoir des cas où on fait la détermination qu'un produit est dangereux,
donc on ne veut pas l'importer.
Maintenant,
il y a du gaz naturel, d'après ce que vous me dites, qui va venir, du gaz
naturel qu'on utilise déjà, de différentes
formes, et donc une partie de la source serait celle-là. Je ne vois pas très
bien pourquoi ce gaz naturel là en soi serait dangereux, mais je vais soumettre
la question au ministre de l'Environnement, et on va vous revenir.
• (11 h 30) •
M. Arcand : Je voulais vous parler, M. le ministre, un peu de la
structure qui existe actuellement. Hier, mon collègue
de la région de Thetford — je pense que
c'est Thetford-Lotbinière maintenant, le nom du comté — a parlé de la banque de développement, de celle qu'on veut
créer. Et là il semble qu'il y a une confusion. Il y a des gens qui
viennent me voir et qui me disent :
Bien, moi, je ne sais plus où aller. Vous avez, depuis l'éclatement du
ministère du Développement économique...
Lorsque la première ministre en avait parlé durant la campagne
électorale : Je peux simplement vous dire que la création de cette nouvelle banque là, ça va
être plus efficace parce que l'entrepreneur n'aura pas à frapper à trois
ou quatre portes, ce que je peux vous dire
aujourd'hui, c'est qu'il a à frapper à plusieurs autres portes également. Et,
lorsqu'on va, par exemple, au niveau de...
on ne sait plus si c'est la Direction de la recherche, de l'innovation, de la
science, de la société, on ne...
Alors,
j'aimerais que vous m'expliquiez, pour des entreprises qui veulent exporter, à
quel endroit elles doivent aller actuellement, qu'est-ce qui se passe lorsqu'on va
au ministère des Relations internationales, qui s'occupe de commerce extérieur, et qu'on parle de commerce extérieur; à
ce moment-là, bien, on va sur le site Web, on les renvoie au ministère
des Finances et de l'Économie. Il semble y avoir, dans la structure
actuellement, une espèce de confusion. Et donc est-ce que le ministère des
Relations internationales est en pleine possession de ce dossier?
Le Président (M.
Ferland) : M. le ministre.
M. Lisée : Bien, le nombre de portes, en ce moment, c'est le nombre
de portes que vous nous avez laissé. Tant
que la banque n'est pas créée, la situation est telle qu'elle était auparavant.
Donc, en ce moment, les entreprises qui veulent exporter frappent
exactement aux mêmes portes qu'elles avaient précédemment.
Nous
avons fait... Le ministère du Commerce extérieur a fait des ententes régionales
avec ce qu'on appelle les ORPEX, dans toutes les régions, souvent avec des
chambres de commerce. Je visitais récemment la Chambre de commerce de l'est de Montréal, et ils ont présenté les
trois agents de commerce extérieur qui travaillent là, en lien avec le
commerce extérieur. Donc, les entreprises
connaissent ces voies d'entrée. Lorsque les projets sont de plus grande
envergure, bien, à ce moment-là, on va au bureau régional du commerce
extérieur. Lorsqu'il s'agit de financement majeur, bien là, on peut aller à
Investissement Québec.
Avec la banque de développement, ça va être encore plus
simple. Mais, vous verrez, je laisserai la ministre déposer son projet de loi et en donner l'exclusivité aux
membres de l'Assemblée, bien sûr, mais il n'y a pas de hiatus, il n'y a pas de
trou entre le régime actuel et le régime qui va être introduit. Pour l'exportation
en particulier, puisque c'est votre question, les entreprises continuent à
frapper aux mêmes portes.
Le Président (M.
Ferland) : M. le député.
M.
Arcand : Bien, c'est
parce qu'avant il y avait un ministère qui s'occupait de développement
économique. Là, aujourd'hui, il y en a plusieurs. On dit même, bon, que, pour les
entrepreneurs qui ont besoin de soutien à la recherche et à l'innovation,
il faut qu'ils aillent au ministère de l'Enseignement supérieur. Est-ce que je
dois comprendre ça?
M.
Lisée : Bien,
les entreprises ne sont jamais venues au ministère, elles sont allées aux
points d'entrée pour leurs services. Alors, les points d'entrée, ça peut être
les CLD. Les points d'entrée, ça peut être les ORPEX. Le point d'entrée,
ça peut être Investissement Québec. Alors, pour l'instant, c'est ça. Là, jamais
personne n'est allé frapper au ministère lui-même, ils sont allés dans les
services.
M. Arcand : Mais, M. le ministre, pourquoi, sur le site Web du MRI,
actuellement, lorsqu'on veut faire une demande, ça nous renvoie toujours au
ministère de l'Économie et des Finances?
M.
Lisée : Bien, parce que la banque n'a
pas été créée encore. Alors, lorsque la...
M. Arcand : Non, non, mais je parle juste... Sans
aller vers la banque comme telle, là, je parle simplement de crédits pour la recherche, pour l'innovation, pour le
soutien au commerce extérieur, etc., ça nous ramène toujours au ministère de l'Économie
et des Finances. Alors, est-ce que ça veut dire que ce que j'ai... ce qui était
l'embryon de l'ancien ministère du
Développement économique, ce n'est pas encore complété comme transformation,
que vous n'avez pas encore tout à
fait le plein contrôle du commerce extérieur, qu'il y a encore certaines
directions qui sont au ministère de l'Économie et des Finances, par
exemple?
M. Lisée : Ah, bien, c'est-à-dire que, oui, on a
le plein contrôle du commerce extérieur, donc de
l'exportation. L'accompagnement, on accompagne
aussi les questions de négociation avec le ministre de l'Économie et des
Finances, mais nous ne sommes pas chargés de
la totalité de l'accompagnement économique des entreprises. Nous, c'est
Commerce extérieur. Alors, pour le
développement de l'entreprise, pour le capital patient, pour ces crédits d'impôt...
Vous parlez de crédits, bien sûr, les
crédits, c'est toujours le ministre des Finances qui accorde les crédits et ces
services qui vont donner les formulaires qui donnent accès aux crédits d'impôt.
Alors, oui, cette distinction-là sera
toujours existante dans le ministère, mais notre objectif, c'est que ce ne soit pas une distinction importante pour l'entrepreneur. L'entrepreneur
va pouvoir frapper à une porte et dire : Moi, je veux exporter. Alors, O.K., on va te dire quel est ton
accompagnement pour aller exporter. Moi, je veux développer; moi, je veux démarrer; moi, je veux du financement; alors,
à cette porte-là, on va faire en sorte de l'accompagner pour sa demande,
et lui, il n'a pas besoin de savoir quel est l'organigramme du gouvernement
québécois, ce n'est pas ses affaires. Ses affaires, c'est les affaires.
M.
Arcand : ...M. le ministre, je veux
bien croire tout ce que vous me dites, mais, quand on parle à certains entrepreneurs, quand on parle à des chambres de
commerce, quand on parle à la fédération des entreprises indépendantes,
je pense qu'ils trouvent le système extrêmement complexe actuellement, et ce n'est
pas tellement bon, je pense, pour susciter
un engouement sur le plan du partenariat. Alors, je ne veux pas faire un grand
débat théorique avec vous là-dessus, mais
je suggère simplement... Vous savez, un des grands succès, souvent, c'est la
simplicité. Ça aide beaucoup à améliorer le succès, et je vous invite à
regarder ça de façon importante.
M. Lisée : Bien, j'accepte votre invitation avec
plaisir. Et je sais que, justement, la ministre de l'Industrie et de la Banque de
développement travaille là-dessus. Je suis au comité prospérité, on a vu... on
a travaillé là-dessus aussi, et cet objectif
de simplicité est au centre du projet de la banque. Et, encore une fois, l'Assemblée
nationale aura, comme il se doit, la première... sera la première
informée, et vous pourrez juger au mérite de la simplification qui sera introduite
par la création de cette banque.
M. Arcand : D'accord. J'avais maintenant une
question... parce que je sais que vous... J'avais lu certains de vos livres, évidemment,
et vous trouvez… Particulièrement durant la période 2003 à 2012, dans votre
livre, vous indiquez que le Québec s'en
est bien sorti, que le Québec est performant sur le plan économique, et on vit
actuellement des périodes qui sont, je dirais, un peu, sur le plan
mondial, d'instabilité, etc., et il va falloir, donc, continuer à améliorer
notre performance là-dessus. Et j'aimerais quand même vous poser certaines
questions relativement, entre autres, à ce que j'appelle le développement futur
du Québec.
Je
vous dirais même que j'avais été un peu surpris, lorsque vous avez fait votre
mission en Inde, entre autres, parce que,
pour moi, ça a toujours été particulièrement clair, ce que vous aviez... ce que
vous pensiez, etc. Et, quand vous avez
commencé votre mission, vous mettiez un peu en doute la nécessité du Québec d'être
là, en Inde. Vous avez même dit dans
un blogue, et je cite, là : « J'aurais pensé que le commerce avec l'Inde ne serait qu'une infime
fraction du commerce Canada-Inde[...]. J'aurais
pensé que [notre] croissance [...] serait lente. [Elle a] doublé en six ans,
pour atteindre [...] 500 millions. » Bon. « Nos
comptes sont équilibrés » , avec l'Inde, etc.
Et donc je me posais la question…
Parce que, quand on regarde différents articles, c'est marqué de façon nette et claire depuis
au moins les cinq dernières années : la Chine et l'Inde, puissances
mondiales. On dit même que, d'ici 2040 ou
2050, ils auront 46 % de la puissance mondiale. Alors, c'est pour vous
dire jusqu'à quel point il est important d'aller là. Et moi, j'aimerais vous poser la question et
connaître votre opinion sur un potentiel accord de libre-échange Canada-Chine :
Est-ce que vous êtes favorable à ça et est-ce que vous comptez entamer des
démarches pour initier cette avenue?
Le
Président (M. Ferland) : M. le
ministre.
M. Lisée : Bien, écoutez, oui, alors, moi, c'est
évident que toute... sur ce que j'ai écrit, sur la bonne performance de l'économie
québécoise dans la dernière décennie, et malgré la crise, c'est un événement
essentiel de notre vie économique, c'est
que les Québécois, qui avaient, pour toutes sortes de raisons, un sentiment d'infériorité
économique face au reste du Canada ou de l'Amérique, se sont rendu
compte qu'après la crise de 2008 leur taux de chômage était inférieur à celui de l'Ontario — notre grand voisin riche — inférieur à celui des États-Unis — alors ça, personne ne se souvenait de ça — et inférieur à celui de l'Europe. Alors, on se
dit : Wow! il se passe quelque chose, là, il y a une force intrinsèque à
l'économie québécoise qui est au-delà de ce qu'on croyait.
Donc, l'estime de soi québécoise en
économie est quelque chose qui a émergé au cours des dernières années. Ce qui fait que nos
amis de L'idée fédérale — André Pratte — avaient posé une question de sondage en disant : Si
le Québec était
un pays indépendant, dans le contexte de la crise économique, est-ce qu'il
aurait fait mieux, aussi bien ou moins bien qu'une province du Canada? Et il y a eu 54 % des Québécois, là,
tous Québécois confondus, qui ont dit que le Québec aurait fait aussi
bien ou mieux, comme pays indépendant, dans la crise, que le Canada. C'est
extraordinaire. Jamais on n'aurait eu un chiffre comme celui-là en 1980 ou même
pas en 1995. Donc, il y a effectivement une maturation de l'économie
québécoise.
Et je
sais que votre collègue député d'Outremont — j'étais en débat avec lui — avait la liste de toutes mes citations; vous l'avez peut-être dans vos cartons. Mais j'ai dit oui.
Oui, oui. Oui, oui, ça aurait pu être mieux, ça aurait pu être mieux. Par exemple, on sait que vous avez
dépensé 12 milliards de dollars en infrastructures. Et maintenant on
sait que 2,5 % sont allés à la mafia,
3 % sont allés à un parti politique et que la collusion qui a résulté de
cette corruption a dû faire augmenter les coûts de 15 % à
30 %, 15 % à 30 % de 12 milliards par année.
• (11 h 40) •
M. Arcand : M. le Président...
Le Président (M.
Ferland) : Oui.
M. Arcand : C'est parce que j'ai posé une question sur la Chine, on
est rendus dans la mafia. Alors, il y a peut-être
de la mafia en Chine, là, sauf que moi, je voulais connaître votre opinion sur
un potentiel accord Canada-Chine.
M. Lisée : Je vais vous en parler...
M. Arcand : Êtes-vous en faveur de ça, oui ou non?
Le Président (M.
Ferland) : M. le député, je sens que
le ministre s'en venait justement à la...
M.
Lisée : J'essaie
de suivre la logique de votre intervention, parce qu'elle y est, vous êtes très
intelligent, très structuré. Vous avez commencé par le fait que j'avais dit du bien de l'économie
québécoise, je commence par ce que j'ai dit du bien de l'économie québécoise. Vous avez continué par l'Inde, je vais
parler de l'Inde. Vous avez fini par la Chine, je vais finir par la
Chine. Ça va?
Alors,
ce qui fait que ça aurait été quand même extraordinaire : si votre
gouvernement avait créé cette commission d'enquête contre la collusion bien avant, pour qu'on
économise 3 milliards par année — imaginez, sur le PIB du Québec, c'est quand
même significatif — et qu'on l'investisse de façon
productive plutôt que chez les corrupteurs. Donc, notre économie aurait été encore meilleure, voilà.
Pour
l'Inde, je n'ai jamais eu de doute sur le fait que le Québec devait exporter en
Inde. J'avais un doute sur notre succès relatif par rapport aux autres. Par
exemple, dans le reste du Canada, la diaspora indienne est tellement forte,
les liens historiques sont tellement forts
que je me serais dit : Bon, peut-être que notre commerce, ça doit être
5 % ou 6 % du commerce
canadien vers l'Inde. Non, c'est 20 %. C'est juste au-dessus de notre
poids économique. Alors, c'est quand même
intéressant. Je me serais dit : Avec la production de produits à bas prix
indiens, on doit être en déficit commercial. Non, on est équilibrés, et notre croissance est forte. Donc, ça va
au-delà de mes espérances. Il fallait y aller, et j'ai... Et donc un but de mon voyage, c'était de voir, puisque nos
moyens sont limités, est-ce qu'on doit continuer ou augmenter nos efforts. Alors, j'y vais, le ministre y va,
rencontre les gens, etc., et ma conclusion, c'est : Non seulement il faut
continuer, mais il faut amplifier nos efforts.
Bon,
sur la Chine, la négociation qui est en cours entre le Canada, les États-Unis
et les pays du Pacifique — c'est le transpacifique — n'inclut pas la Chine, n'inclut pas la Chine. Ce qui fait
que, pour l'instant, la stratégie est une
stratégie d'encerclement, si je puis dire.
Évidemment, la Chine est entrée à l'OMC. Ça a permis un certain nombre de
développements. Moi, je pense qu'il serait une bonne chose que, dans une étape
ultérieure, soit la Chine entre dans le transpacifique,
soit qu'il y a un accord bilatéral. Je n'ai pas de religion là-dessus, mais il
est évident que, dans la mesure, évidemment,
de toutes les lignes rouges que l'ont met en place, il y ait un développement.
Je n'ai pas de prévention à ce sujet. Mais je ne sache pas que ce soit
une priorité du gouvernement canadien en ce moment.
Le Président (M.
Ferland) : Merci, M. le ministre. En
à peu près 30 secondes, M. le député.
M.
Arcand : Oui,
bien, je le remercie de sa réponse, le fait qu'il ne semble pas y avoir d'obstacle
a priori à une future collaboration avec la
Chine.
Juste pour terminer, là, sur la question de la banque de
développement, en terminant, je n'ai pas de question précise, mais je
rappellerais simplement... et c'est pour ça que je dis toujours qu'avec le
Parti québécois il y a toujours une notion de politique partisane qui entre toujours en ligne de compte, lorsqu'on a
parlé de la banque de développement, je regarde l'article de
Jean-Philippe Décarie, de La Presse, du mois de septembre, où il a
dit : « Le but ultime de la Banque de développement économique du Québec [va être] de rapatrier les enveloppes
budgétaires [des] programmes fédéraux de développement économique
régional pour les gérer elle-même. » Alors, c'est ce qu'il a dit de
la banque.
Le
Président (M. Ferland) : M. le député, c'est tout le temps, donc... Le bloc de 20 minutes
étant terminé, je m'en vais du côté de la
partie ministérielle. Je reconnais le député de Sanguinet pour un bloc de
20 minutes.
M. Therrien : Merci, M. le Président. Je vais revenir un petit peu sur
ce que nos deux collègues d'en face ont
soulevé. D'abord, le député de La Prairie qui a un peu répondu à ce que j'avais
dit, et, dans sa réponse, on a entendu
le traditionnel : On est nés pour un petit pain, le petit Québec, on est
trop petits; on ne peut pas négocier, on est trop petits; les gens ne
voudront pas nous parler, on est trop petits. Le ministre a ensuite répondu,
là, qu'il y avait des ententes qui avaient
été signées entre l'Union européenne, puis c'est là-dessus que j'en serais venu
de toute façon, mais il avait dit...
il a dit qu'il y a des petits pays qui avaient négocié avec l'Union européenne,
ça se pouvait. Même si on est 7, 8 millions
d'individus, il y a des gens qui sont prêts à négocier avec nous, et c'est de
bon aloi puis ça se fait à travers la planète.
Et donc ça, il faudrait arrêter de dire qu'on est des petits puis de se
diminuer tout le temps, de dire qu'on n'est pas bons, qu'on n'est pas
capables, qu'on est nés pour un petit pain. Ça, c'est nos grands-parents qui
disaient ça. Il faut arrêter de se dire ça.
Par rapport à ce que le député de Mont-Royal
a dit tantôt, il a fait une petite erreur, mais ce n'est pas grave, c'est des choses qui
arrivent, là, je vais vous faire un peu d'histoire, là, pour venir... pour
appuyer mes propos, là. Avant, la richesse
économique... c'était la terre qui déterminait la richesse d'un pays. Plus il y
avait de terres, plus on disait qu'il était riche. Par la suite, on a
évolué, on a dit : Bien non, ce n'est pas nécessairement la terre, c'est
le marché. Donc, plus le marché est grand — puis le député de La Prairie va être d'accord
avec moi — plus le marché est grand,
plus tu peux te spécialiser, plus tu peux atteindre d'économies d'échelle. C'est
comme ça que tu t'enrichis.
Alors, pour une ou l'autre des raisons, qu'est-ce
qu'on a fait, on a décidé de coloniser. Il y a des gens qui se sont dit : Bien,
on va acquérir des terres, on va acquérir des marchés par la force des armes.
On va arriver dans des pays puis on va les
coloniser. À un moment donné, il y a un gars bien, bien brillant, Adam Smith,
en 1776, qui a dit : Vous n'avez pas besoin d'aller à l'étranger avec des fusils. Vous pouvez négocier avec eux
autres, puis faire des ententes, puis avoir accès à leurs marchés librement. Puis Ricardo, par la suite, va
renchérir. Bien, il était tellement brillant que les gens à l'époque n'ont
pas trop compris. Ils ont dit : Qu'est-ce
qu'il dit là, lui? Il dit : Oui, oui, tu peux aller à l'étranger puis
négocier, tu n'as pas besoin de les tuer ou de les torturer. Ils vont
négocier avec toi parce qu'ils vont avoir avantage à faire ça.
Mais ça a continué pareil, et donc on a
continué à aller chercher des marchés par la force des armes. Le 14 août 1941, il s'est passé quelque chose sur un bateau, le
USS Augusta, au large de Terre-Neuve...
Une
voix : ...
M.
Therrien : Pardon?
Une
voix : Continue.
Le
Président (M. Ferland) : ...M. le
député.
M. Therrien : Oui. Churchill et Roosevelt ont
négocié ce qu'on a appelé la Charte de l'Atlantique. Roosevelt disait :
Si jamais je vais aller à la guerre... nous allons aller à la guerre, il faut
changer les choses. Il ne faut pas aller juste battre le règne nazi, mais dire : Il faut que ça arrête, cette
histoire-là de toujours se piler sur les pieds. Et, dans la Charte de l'Atlantique, c'est écrit que tous les peuples ont
le droit à l'autodétermination, et il faut protéger ça. Il faut faire en
sorte que les petits peuples puissent
prospérer, puissent être libres et puissent être aussi riches que les pays qui
sont plus gros puis qui sont plus riches. Alors, ça, c'est la Charte de
l'Atlantique, puis ça a fait naître, entre autres, le GATT, en 1945, et ensuite l'Union européenne — au
départ, c'était la CEE, en 1957 — et c'est là
qu'on a connu une croissance vertigineuse du
commerce entre les pays.
Tout ça pour vous dire qu'on peut être
un petit pays mais prospérer grâce au commerce extérieur. Puis là j'arrive avec des
chiffres. Quand le député de Mont-Royal disait que la Chine et l'Allemagne
exportent le plus dans le monde au prorata
de... en toutes proportions, puis c'est correct, il faut l'évaluer comme ça,
puis on comparait le Québec... J'ai sorti le coefficient d'ouverture de quelques pays, puis, vous allez voir, ce ne
sera pas long, là, vous allez être capables de faire la corrélation, si vous êtes le moindrement bon dans
les chiffres, là : États-Unis, 14; Japon, 15; Chine, 31; Allemagne,
50; Belgique, 84; Islande, 59; Luxembourg, 176; Singapour, 209; Pays-Bas, 83 et
Québec, 62.
Quelle est la morale de l'histoire? Plus tu
es petit, plus tu as accès au commerce. Moins tu as de carcans politiques, plus tu es
libre de tes décisions, plus tes politiques économiques sont adaptées à tes
besoins, parce que tu es plus petit. Qu'est-ce
qui arrive en bout de ligne? Sur les 10 pays les plus riches par habitant, le
PIB par habitant, qui est la mesure de richesse
des individus, neuf sur 10 ont des populations de moins de 14 millions. Et
là-dessus cinq ont des populations inférieures
au Québec. Ça fait que je pense que là il faut arrêter de se dire qu'à cause qu'on
est petits on ne peut pas être souverains,
puis à cause qu'on est petits on ne peut pas être riches, puis à cause qu'on
est petits, puis tout le kit. Ça suffit! Arrêtez de vous diminuer!
Arrêtons de nous diminuer : c'est la leçon que j'aimerais que vous
reteniez, M. le député de La Prairie. C'est correct? Ça va?
•
(11 h 50) •
Le
Président (M. Ferland) : ...vous
adresser à...
M. Le Bouyonnec : M. le Président, je n'ai pas de
leçons à recevoir, là, d'un député du... gouvernemental, là.
Le
Président (M. Ferland) :
Effectivement, M. le député, vous avez raison. Je vous demanderais de vous
adresser à la présidence.
M. Therrien : Ah! Bien, d'abord, excusez-moi.
Le
Président (M. Ferland) : Et je vais
juger si le message mérite d'être transmis.
M. Therrien : J'espère que le député de La Prairie prend bonne note
de mes propos. C'est correct, ça?
Le Président (M.
Ferland) : À travers la présidence,
peut-être.
M. Therrien : À travers la présidence?
Le Président (M.
Ferland) : Alors, continuez, M. le
député de...
M.
Therrien : O.K.
Juste rapidement... Mais on est des voisins, on aura le temps de s'en reparler,
mais on n'a pas de mesquinerie entre nous,
vous le savez bien, collègues.
Une voix : …
M. Therrien : Bien, ça pourrait être intéressant. Je n'ai pas de
problème avec ça.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, ça va très bien, M. le député. C'est pour ça que je laisse quand
même une certaine souplesse.
M.
Therrien : Oui,
il n'y a pas de problème. Je vais juste poser ma question rapidement, parce que
mon collègue a aussi une question à poser. Il
trépigne d'impatience.
Alors, on a vu qu'historiquement — je ne referai pas encore l'histoire, je vais essayer de
couper un peu, là — l'Accord de libre-échange a été signé avec les
Américains en 1988, appliqué en 1989. Il y a des gens qui disaient... qui
applaudissaient parce que ça nous permettait d'avoir accès au plus gros marché
du monde ou à peu près, parce que ça nous permettait d'éviter le protectionnisme
américain, ça donnait un cadre juridique qui nous protégeait.
Les conservateurs étaient d'ailleurs très, très pour ça,
au niveau fédéral, mais les libéraux disaient : Bien non, c'est dangereux, parce que, si on met tous nos oeufs dans
le même panier, on va arriver à une situation où on va être trop dépendants d'eux autres, puis ce qui va arriver, c'est
qu'on ne sera pas capables de résister à une récession forte si notre partenaire s'effondre. Et donc ils proposaient
plus de faire affaire à travers le GATT, ce qui n'est pas mauvais en soi,
là.
Et donc, ce qui est arrivé, bien, dans les années 90,
80 % de nos exportations étaient vers les États-Unis, c'était notre principal
exportateur... pardon, client. Même, on vendait plus aux États-Unis que dans le
reste du Canada. Mais, avec ce qui
est arrivé, l'augmentation du taux de change, avec la récession américaine puis
la difficile reprise, avec aussi le
protectionnisme, le « Buy
American Act » entre autres, ça
a comme coupé les ailes de cette entente-là ou de cette relation avec les États-Unis.
Rapidement,
vous en avez parlé tantôt, mais juste revenir rapidement sur votre stratégie
par rapport, maintenant, au fait que notre principal client, là, nous a un
peu laissé tomber, vous avez parlé de l'Afrique, entre autres, mais j'aimerais
ça que vous fassiez un petit topo, là, sur
la stratégie de commerce, là, que vous entamez ou que vous avez idée d'entamer.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, M. le ministre, on
vous écoute.
M. Lisée : Tout à fait . M. le député de Sanguinet a tout à fait raison, la
diversification de nos exportations est essentielle
à la résilience de l'économie québécoise. Alors, je vous montre ici : en
2002, 85 % de nos exportations étaient aux États-Unis; en 2011, c'est 67 %. Donc, c'est toujours notre
principal client, mais on est moins dépendants du marché américain qu'on ne l'était, et ça, c'est la
direction dans laquelle il faut se prolonger. En Europe, en 2002, on avait
9 % des exportations, maintenant
14 %; en Afrique, 1,2 %... Afrique et Moyen-Orient, 1,2 %,
maintenant 3,8 %; Amérique latine et
Antilles, c'était 1,5 %, maintenant c'est 4,7 %; et Asie, Océanie,
donc essentiellement la Chine et l'Inde, c'était 4,4 % et ça a
monté à 9,3 %. Alors, c'est la tendance dans laquelle il faut s'inscrire
pour la suite.
Et
je vous montre aussi que nos importations sont très diversifiées. Vous voyez,
au Canada, 54 % des exportations viennent des États-Unis. Au Québec, c'est
30 %, hein? Donc, l'Europe, c'est massif, là, 11 % au Canada,
30 % au Québec; Asie, c'est à
peu près la même chose; l'Amérique latine aussi. Mais, nous, c'est vraiment...
le différentiel... Afrique aussi, on
a le double du Canada. Mais c'est l'Europe. Vraiment, on est le partenaire
européen au Canada. Et ça, c'est important, parce que ça veut dire à la fois une diversification non seulement des
produits commerciaux qu'on achète au supermarché ou dans les grands
magasins, mais aussi des intrants, c'est-à-dire que les intrants dans nos industries au Québec sont diversifiés, et ça donne donc un transfert
technologique plus diversifié aussi, qui permet à nos entreprises, dans les
grappes...
Ce qui
est intéressant dans les grappes québécoises, c'est la présence d'entreprises
européennes, d'entreprises américaines qui
travaillent ensemble. On sait qu'il y a du transfert de technologies qui se
fait parce que les ingénieurs, les techniciens
passent d'une entreprise à l'autre ou créent leur propre entreprise. Alors, ça,
c'est vraiment... on a un creuset à cause
de la diversification des importations d'entreprises et des importations qui
créent de la résilience dans notre économie, et ça, c'est excellent, et
il faut continuer à le faire.
Alors donc, notre stratégie, comme on le sait, et c'est
quand même facile à dire, on va essayer d'être plus présents en Inde, plus présents en Chine, au Brésil, en
Russie, où on voit une progression de nos exportations qui est forte. Je vais
vous la montrer. Moi, j'aurais pensé que la difficulté de pénétration serait
plus grande. Alors, on est passés de 188 millions — là, on a des millions — en 2009 à 689 millions en 2012, et on sait que c'est
sous-estimé, parce qu'il y a une partie de nos exportations en Russie... En fait, on vend à des
importateurs russes qui prennent livraison de nos produits en Allemagne ou en Scandinavie, entre
autres en aérospatiale. Alors, en fait, dans notre commerce avec l'Allemagne, il y a une partie qui est du vrai
commerce avec la Russie. Mais quand même on voit qu'il y a une capacité
de croissance qui est forte.
Alors, un peu comme je le disais tout à l'heure, la
diversification étant notre principe général, nous allons cibler les zones d'intervention qui ont le plus fort
potentiel. Alors, ça peut vouloir dire, bon : pour l'Inde, donc, on est
bien établis au Maharashtra. On a fait, avec
la visite de la ministre de l'Industrie et de moi-même, un pas supplémentaire
en ouvrant une présence pour Madhya Pradesh,
qui est le lieu du corridor industriel qui va passer de Delhi à Mumbai
avec cinq nouvelles villes industrielles,
énormément de construction, des métros, etc. Donc, ça, on n'arrose pas l'Inde
en entier, on concentre sur...
Bon, en Chine, c'est la même chose, il y a quelques
régions chinoises dans lesquelles on concentre notre présence, notre
accompagnement, et, à l'intérieur de ces zones-là, des filières. Il y a des
filières où on sait que là on est très compétitifs ou on va le devenir, le potentiel de croissance
est le plus fort, on se concentre là-dessus. Encore une fois, libre à
toutes nos entreprises d'aller où elles veulent, comme elles veulent, etc.,
mais nous, notre accompagnement, on va le cibler... avec elles. D'ailleurs, on
fait ce... on est en train d'élaborer cette nouvelle politique commerciale en
consultation. Et d'ailleurs j'ai demandé que
notre collègue de la deuxième opposition, et de l'opposition officielle, soit
rencontré dans ce processus de consultation. Je le réitère, je veux qu'on
vous montre les brouillons et que vous puissiez collaborer à la conception de
cette politique commerciale.
Maintenant,
je voudrais revenir juste sur un point que mon collègue de Mont-Royal a indiqué
à la fin de sa dernière intervention, avec votre permission, M. le
Président. Il dit : Il y a un article de journal qui dit que, la banque de
développement, son but, c'est d'aller
chercher les fonds régionaux du gouvernement fédéral et que donc il y a
toujours un peu de souveraineté ou de
politique là-dedans. Bien, la revendication québécoise de pouvoir être maître d'oeuvre
de l'ensemble des sommes de
développement régional, c'est bipartisan, c'est peut-être même tripartisan. Les
gouvernements libéraux antérieurs ont souvent
demandé qu'il n'y ait pas duplication de l'intervention de développement
régional et ont demandé le rapatriement de ces sommes pendant plusieurs
années. Alors, j'espère que vous ne vouliez pas nous signaler ce matin, là, que
vous abandonnez cette revendication. Merci.
Le Président (M.
Ferland) : Merci, M. le ministre.
Alors, je reconnais le député de Rimouski.
M.
Pelletier (Rimouski) : Merci, M. le Président. M. le ministre, je vais vous ramener de la
Chine, de l'Inde, d'Afrique, je vais vous ramener au Québec, et plus précisément dans le
Bas-Saint-Laurent, vous allez voir, c'est le fun. Au Bas-Saint-Laurent, il y a... C'est parce qu'il
reste peu de temps, puis on a encore beaucoup de questions, ce qui ne semble pas le cas de notre collègue de Mont-Royal,
peut-être qu'il accepterait de nous donner un peu de son temps pour finir... M. le ministre, dans ma région, au
Bas-Saint-Laurent, il y a une centaine d'entreprises d'environ...
exportatrices qui, avec les années, avaient
l'habitude de travailler avec un organisme régional qui s'appelait la CORPEX,
qui était soutenu financièrement par
Investissement Québec, probablement dans le programme PEX, là, du MDEIE, et
puis Développement économique Canada,
qui est aussi un organisme régional pour des entrepreneurs régionaux. Alors, ça
complétait un budget, puis c'est ce qui faisait fonctionner la CORPEX,
qui donnait une assistance à ces entreprises-là.
La CORPEX a cessé ses opérations ça fait à peu près un an
et demi. Et puis pourquoi elle a cessé ses
opérations? Bien, ce qui est arrivé, à un
moment donné, c'est qu'Investissement Québec et développement... en tout cas
les partenaires financiers ont retiré
leur argent, et puis la CORPEX a fermé ses portes. Maintenant, aujourd'hui,
puis durant toute l'année, on pose la
question à 10 personnes différentes, on a 10 versions différentes. Est-ce que c'est
la CORPEX qui a fermé ses portes puis
que les fonds ont été retirés ou est-ce que c'est parce que les fonds ont été
retirés que la CORPEX a fermé ses portes? On ne le sait pas, puis c'est
très difficile de le savoir.
Mais ce n'est pas le sens de ma question. C'est qu'aujourd'hui
ces entreprises-là, elles sont un peu, semble-t- il,
orphelines. Puis cette version-là ne vient
pas des entreprises, là, parce que les entreprises qui sont déjà en opération
puis qui exportent, ils sont capables de...
C'est des adultes, et vaccinés, ils sont capables de... Ils connaissent leur
marché, puis ils opèrent, puis ça va bien. Mais on peut se poser une
question pour les nouvelles entreprises : Est-ce qu'ils vont avoir l'assistance
nécessaire pour démarrer des marchés exportateurs?
Ma
question — puis là, dans votre réponse, M. le ministre, j'aimerais que vous
vous adressiez à ces gens-là de ma région, puis en même temps, bien, je pense que
ce fait-là existe partout dans toutes les régions du Québec — c'est : Aujourd'hui, ces entreprises-là... Je sais qu'il y
a le programme Export Québec, il y a la démarche d'établir des bureaux d'Expansion Québec à l'étranger. Il y a tout ça.
Mais est-ce que vous voulez dire à nos entreprises québécoises exportatrices, pour maintenant et dans le futur,
comment elles pourront continuer à être supportées et à être animées par
le volet de financement qui est maintenant rendu dans votre ministère?
• (12 heures) •
Le Président (M.
Ferland) : M. le ministre.
M.
Lisée : Merci.
Alors, pour ce qui est de l'ORPEX du Bas-Saint-Laurent, effectivement c'est un
cas particulier, hein? Il y a des ORPEX dans toutes les régions du Québec, qui
fonctionnent bien. Celle du Bas-Saint-Laurent a terminé ses activités en
juin dernier, et on essaie de travailler avec le milieu pour rebâtir l'ORPEX,
parce que c'est important. En fait, c'est un
mécanisme qui permet d'arrimer l'aide administrative et les intervenants de
chambres de commerce, en particulier localement, alors c'est important.
On est à la merci de la vitalité du partenaire local aussi. Alors donc, on est
en train de revoir ça.
En attendant, il y a
toujours les directions régionales du développement économique. Donc, les
entreprises peuvent s'adresser directement aux directions régionales, ça, c'est certain. Et,
dans le développement de la banque de développement, on va pouvoir
clarifier également les portes... ou la porte d'entrée pour vos entreprises, à
vous et les autres.
Alors, nous, c'est certain que, comme le
commerce extérieur est une priorité du gouvernement, est une priorité de notre développement,
on est en train de préparer ce plan du développement du commerce extérieur.
Évidemment, c'est notre souhait que
le ministre des Finances, dans les années à venir, soit généreux avec cette
politique. Donc, on est plusieurs à frapper à sa porte pour le budget
2014-2015, c'est certain, il en est parfaitement conscient.
Mais les sommes, aussi, qui sont
présentes à Investissement Québec pour l'aide au développement international sont
toujours présentes, elles seront présentes dans la nouvelle banque, et
également l'accompagnement que le ministère du Commerce extérieur fait. L'an dernier, sans parler d'aucun programme d'aide,
il y a 3 000 entreprises qui ont été accompagnées individuellement par les services du Commerce extérieur,
les délégations à l'étranger, qui ont leur personnel économique aussi,
qui participent à organiser des rencontres, à organiser des programmes.
Et, comme vous l'avez dit… puis je
suis content que vous me donniez l'occasion de le souligner, ce nouvel outil qu'on introduit, qui s'appelle Expansion Québec , qui sert à la fois
au partenariat d'entreprises, l'implantation, et au commerce extérieur. Alors, on sait qu'il y a des entreprises québécoises
qui sont suffisamment développées pour penser à l'étranger, mais c'est
toujours un pas difficile à franchir : Je m'en vais dans un autre pays, je
ne connais pas les lois. Est-ce que je vais
me faire avoir? C'est cher? Est-ce que j'ai les reins assez solides? Par
exemple, si quelqu'un veut essayer de
démarcher à New York, ou à Mumbay, ou à Tokyo, bien, il faut qu'il se trouve un
bail de 12 mois. C'est cher. Il faut qu'il se trouve un consultant.
Est-ce qu'il le connaît? Est-ce qu'il est bon? Est-ce qu'il travaille vraiment
pour lui? Peut-être que oui, peut-être que non. Donc, c'est un gros effort.
Alors, nous, ce qu'on a décidé, c'est de
baisser le niveau de risque et de baisser le coût pour que plus d'entreprises puissent
faire ce pas-là. Et donc on leur propose, dans 40 pays, donc déjà dans 29,
et bientôt dans 42 pays, d'ici cinq ans, des bureaux qui s'appellent Expansion Québec. Évidemment, il y en a déjà
plus d'une vingtaine qui existent avec nos partenaires de Rhône Alpes international et qui nous donnent accès. Ils
ont dit : Bon. Vous pouvez venir pour trois mois. Si ça ne marche pas après trois mois, vous
repartez. Pas de problème. Le bureau existe, il n'y a pas besoin de le
trouver, pas besoin de le chercher. Il y a
un téléphone, il y a un secrétariat et il y a un chef de bureau, qui est un
consultant. C'est un Québécois ou une
Québécoise qui connaît les entreprises québécoises, et qui connaît le marché
local, et qui peut vous aider à faire
votre plan de pénétration du marché, peut vous aider à organiser vos
rendez-vous. Et, après 18 mois, on va vous aider à vous trouver un local
ailleurs si vous êtes en expansion.
Le
Président (M. Ferland) :
...30 secondes, M. le ministre, à peu près.
M. Lisée : Voilà. Et donc c'est un outil
extraordinaire pour permettre l'expansion, l'expansion internationale des entreprises québécoises.
Le Président (M. Ferland) : Vous pouvez continuer si vous voulez,
M. le ministre. Je vous mentionne toujours le
temps qu'il vous reste, mais, si vous voulez déborder, ça sera tout simplement
enlevé sur le dernier bloc ou...
M. Lisée : Alors donc, simplement pour dire qu'on
a annoncé le premier bureau québécois d'Expansion Québec à New York en décembre
dernier avec la première ministre. Il y a déjà plusieurs entreprises
québécoises qui y sont. On a eu quelques
dizaines d'entreprises qui se sont montrées intéressées à aller soit au bureau
de New York... Il y en a déjà qui sont à Shanghai, qui est un bureau
préexistant, donc, de Rhône Alpes international. On va bientôt en ouvrir, nous,
un autre au Brésil et en Californie.
Et donc on va créer cette habitude de faire le saut à l'étranger dans un
incubateur, finalement, d'entreprises.
Et ce qui est intéressant pour elles, ces
entreprises, c'est qu'elles sont aussi... dans ces bureaux, il y a plusieurs espaces de
bureaux, elles sont avec d'autres entreprises québécoises ou d'autres
entreprises françaises, donc on peut se parler entre francophones sur
les difficultés, les trucs, les contacts. Donc, il peut même y avoir un
maillage entre les entreprises à l'intérieur des bureaux. Moi, je suis très
enthousiaste face à cette formule.
On fait un investissement de départ pour l'installation,
mais ensuite, évidemment, c'est tarifé. Et donc c'est très concurrentiel, c'est tarifé, et donc le programme va
s'autofinancer pour la suite des choses.
Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. Alors,
maintenant, je vais aller du côté de l'opposition officielle et je reconnais le député de Mont-Royal, pour un bloc de 20
minutes.
M. Arcand : Merci beaucoup, M. le Président. Je m'en
voudrais évidemment de ne pas au moins consacrer
une bonne partie de ce bloc, évidemment, aux États-Unis, parce que c'est quand
même notre client le plus important.
Je vous dirais, M. le ministre, avant juste d'aller vers
ça, une question toute simple encore une fois, j'ai vu beaucoup de vos articles, j'ai vu beaucoup de vos déclarations depuis
les derniers mois. Et, je vous promets, il n'y a pas de piège là-dedans, là, alors ne vous en faites
pas, soyez bien à l'aise de répondre, mais c'est parce qu'on est toujours
là, aux relations internationales; on dit que la France, c'est très important,
on dit que les pays émergents, c'est important, les États-Unis, c'est important, la Chine, enfin tout ce que vous pouvez imaginer,
tout est important en matière de relations internationales et en matière de commerce extérieur. Chacun des pays est
très, très important. Si j'avais à vous demander vos trois priorités de
façon toute simple, quelles seraient-elles?
M.
Lisée : Bien, je vous dirais qu'elles
ne sont pas régionales. Je dirais que la priorité, le mot clé, comme je l'ai
dit tout à l'heure, c'est la diversification, y compris à l'intérieur de notre
principal partenaire commercial qu'est les États-Unis.
Comme vous savez — vous avez été ministre des
Relations internationales — c'est
le lieu de notre principale présence internationale. On a une délégation
majeure à New York, qui d'ailleurs a fêté un anniversaire, c'est... Depuis
combien de temps on est à New York?
Une voix : ...
M. Lisée : 75 ans? Bientôt 75 ans, alors, bon... On est à
Boston, on est à Chicago, on est à Atlanta, on est à Los Angeles. Qu'est-ce que
j'oublie?
Une voix : Boston.
M. Lisée : On est à Boston, oui. Donc, la...
Une voix : Washington.
M.
Lisée : Et
Washington. Donc, la présence est réelle, elle est importante, elle est
continue. Notre intérêt avec les Américains
est bien sûr commercial, mais pas seulement. Vous savez le nombre d'accords que
nous avons sur un grand nombre de sujets,
allant des contraventions, à la sécurité sociale, à... La sécurité est un
élément que nous avons avec les
États-Unis que nous n'avons pas avec les autres. La gestion de la frontière,
lorsque j'étais à Washington... Et d'ailleurs, vous voyez, en quatre mois, nous avons fait trois missions aux
États-Unis. Moi, j'en ai fait deux, et la première ministre en a fait une, alors ce qui montre notre intérêt pour
les États-Unis. On n'est allés dans aucun autre pays trois fois. C'est le
seul pays où on est allés trois fois.
Et
donc la sécurité est un élément important dans nos discussions avec les
autorités américaines, avec le bureau... Homeland Security — j'ai rencontré un cadre supérieur — où on discute du prédédouanement. Alors, on veut faire en sorte que...
Évidemment, les Américains ont augmenté les normes de sécurité à la frontière,
qui ont eu un effet dépressif sur le flot
commercial. C'est plus compliqué pour les entreprises d'exporter de part et d'autre.
Heureusement, on a eu beaucoup d'appuis
des États frontaliers américains, qui, eux aussi, ont considéré que c'était une
mauvaise chose pour eux, et donc qui ont
fait des pressions pour faire en sorte que la frontière soit la plus
sécuritaire possible mais aussi la plus fluide possible pour les
importateurs et les exportateurs.
Et
on travaille sur du prédédouanement. On va d'abord massivement au port de
Montréal. Alors, d'abord, il y a eu un projet pilote qui a été fait à Thunder Bay l'an
dernier et qui va s'étendre au port de Montréal et au port de Vancouver cette année. Ça, on appuie fortement ce projet-là.
Deuxièmement, on travaille sur le prédédouanement des passagers à la gare Centrale de Montréal, pour le train vers New
York. Ce prédédouanement-là réduirait de près de deux ou trois heures le temps... parce qu'ils doivent s'arrêter à la
frontière en ce moment pour faire la vérification de douanes. Et on a
introduit la question du prédédouanement à l'aéroport de Québec, Québec, comme
vous le savez, qui est un pôle de croissance économique
super au Québec, et même un des premiers, sinon le premier au Canada, on le
voyait encore cette semaine. Et donc
je pense que ça serait bon pour l'économie de la région de Québec, la
Capitale-Nationale, d'avoir ce prédédouanement.
Mais,
en réponse à votre question, la diversification. Alors, on regarde notre
principal partenaire commercial, qui est les États-Unis, et on se dit : Puisqu'on
va avoir une croissance molle pour plusieurs années, où est-ce que nous,
on pourrait avoir une croissance forte? Et
donc c'est pour ça qu'on parle du Texas . D onc,
on est très présents ces dernières années — avec votre prédécesseur, et nous, on va continuer ça — dans le sud-ouest, Texas, Arizona, Colorado, des États qui sont en
croissance, où on peut avoir une présence qui est plus forte. Mais on voit que,
dans l'État de New York aussi, le
potentiel de croissance reste réel. Donc, lorsqu'on pense au monde entier et à
notre premier partenaire commercial, on pense diversification.
• (12 h 10) •
Le Président (M. Ferland) : M. le député.
M.
Arcand : D'accord.
Et là je vais vous faire un clin d'œil, parce que vous avez oublié une priorité
majeure pour les
Québécois actuellement, priorité très importante dans leurs relations avec les
États-Unis, j'ai reçu des appels à mon bureau,
un peu partout c'est un peu la panique actuellement, c'est toute la question du
permis de conduire international en Floride.
Je sais que ça, peut-être, ne touche pas... Parce que je ne suis pas sûr que ça
touche les camionneurs, je pense que c'est
plus résidentiel. Mais l'État de la Floride a suspendu, je pense, ce qu'il
devait faire, c'est-à-dire annoncer, dès le mois de janvier, un permis
de conduire international. Et donc ça touche quand même pas mal de centaines de
milliers de Québécois qui se rendent là-bas et qui sont un peu paniqués à l'idée
de devoir faire ça.
Je
voudrais simplement, dans vos priorités américaines, que vous vous assuriez
justement que, pour les camionneurs… — je pense que ça ne touche pas nécessairement le commercial,
mais je n'en suis pas certain — alors que vous vous
assuriez justement qu'il y ait une discussion avec l'État de la Floride pour,
encore une fois, au maximum simplifier ce genre de chose là.
Une des choses
également qui m'apparaît importante, pendant des années, le Québec avait une
présence au Texas — quand
j'étais là, on en a parlé. À un moment donné, c'était le bureau de Los Angeles
qui s'occupait du Texas. Atlanta s'en est
occupée, je pense que Chicago aussi. Est-ce que c'est dans les plans du
gouvernement d'avoir un bureau au Texas?
Le Président (M.
Ferland) : M. le ministre.
M. Lisée : Oui. Alors donc, on m'informe que le
dossier de Floride, là, du permis de conduire international, c'est un dossier qui est actif au ministère des Transports
et à la SAAQ. Mais vous attirez mon attention, puis je vais me faire renseigner plus avant là-dessus; parce que
moi aussi, j'ai de la famille en Floride, et puis ça me surprend qu'ils
ne m'en aient pas parlé.
Écoutez, pour le
Texas, bon, il est certain qu'à mesure que notre activité économique croît la
question d'une présence au Texas va être
posée. Alors, de quelle façon cette présence doit-elle être déployée? Est-ce
que ce serait un bureau d'Expansion Québec? Est-ce que c'est un
représentant commercial? Est-ce que... C'est une question qui est posée et c'est
une bonne question. Pour l'instant, on y réfléchit.
Le Président (M.
Ferland) : M. le député.
M. Arcand : Je suis un petit peu inquiet des relations que l'on a
actuellement avec les États-Unis, non pas qu'il
y ait des problèmes particuliers, mais il ne semble pas y avoir une volonté
nécessairement d'aller très loin. Évidemment, les Américains ont, je dirais, une certaine retenue actuellement à cause
de leurs problèmes économiques, ils veulent... même s'ils ont... On a fait l'entente dont vous parliez, avec les
37 États, et… se soustraire au « Buy America Act » ,
il en reste
quand même qu'il y a certains mouvements actuellement, aux États-Unis, qui sont
réfractaires. Et même des gens, à un
moment donné, ont écrit, dans plusieurs journaux, que finalement peut-être que
l'ALENA avait ceci de mauvais, c'est qu'on
mettait le Canada dans le même sac que le Mexique, alors que les problèmes ne
sont pas nécessairement les mêmes, et qu'il y avait donc, de la part de
plusieurs sénateurs du Sud principalement, une espèce de retenue par rapport à
l'élargissement, si on veut, de nos relations.
Moi,
ce qui m'inquiète un peu, c'est qu'il y a eu la visite que vous avez faite à
New York avec la première ministre, et vous avez dit : Ça a bien fonctionné, ça a
été merveilleux, il y a eu une très belle réception, le Québec est bien
perçu, ça va bien. Moi, je me suis retrouvé, pendant le temps des fêtes ... E t je vous le dis sans
partisanerie, c'était vraiment une rencontre
que j'ai eue. Et, une semaine après votre visite, la cote de Standard &
Poor's pour la Banque Laurentienne, pour la Banque Nationale et pour le Mouvement Desjardins a été abaissée. Alors, je
me posais la question... Et la personne à qui je parlais, c'était quelqu'un qui travaillait pour une institution
financière et qui m'a dit : Écoutez, nos prêts n'ont jamais été d'aussi
bonne qualité, on n'a pas de problème, etc. Et donc il y avait vraiment là une
inquiétude.
On
voit aussi dans votre décision — pas la vôtre, mais celle de
votre collègue aux Ressources naturelles — de fermer un peu
les minicentrales d'électricité comme si on disait : Bon, bien, il y a des
surplus d'électricité, on ne sera pas capables
de les vendre, ces surplus-là. Il y a comme une attitude où on dirait que les
Américains, actuellement... parce qu'il y a beaucoup de gaz disponible
aux États-Unis; on a un peu baissé les bras au niveau de la vente d'électricité.
Je voudrais que vous me disiez, actuellement, si votre
niveau d'optimisme par rapport à ça... Je sais que vous êtes en général
optimiste, mais les résultats ne semblent pas suivre actuellement les
nombreuses démarches qui ont été faites tout au cours des dernières années par plusieurs gouvernements du Québec pour
justement vendre cette électricité, s'améliorer. Je sais qu'il y a le projet, là, de pipeline, enfin de tuyau qui passe
au lac Champlain, etc., mais il ne semble pas y avoir actuellement d'événement concret. On sait qu'au
New Hampshire aussi il y a eu des problèmes. Alors, je voudrais que vous
me fassiez le point là-dessus et me dire qu'est-ce qui bloque, d'après vous.
Le Président (M.
Ferland) : M. le ministre.
M.
Lisée : Bien, d'abord,
sur la crédibilité financière du Québec aux États-Unis, du Québec, elle est excellente, puisqu'alors
que plusieurs États peinent à financer leurs emprunts à des coûts abordables le
ministère des Finances du Québec a
réussi à faire la quasi-totalité de ses besoins d'emprunt pour l'année bien
avant la fin de l'année avec des coûts historiquement très bas, alors ce
qui fait que le signal que nous envoie Wall Street sur la crédibilité des
finances du gouvernement du Québec est un signal qui est très positif.
Sur
la question de l'exportation d'électricité, il est bien de vouloir exporter un
produit, mais une entreprise qui augmenterait
constamment sa capacité de production sans se rendre compte que, sur son
principal marché, il y a de moins en moins d'acheteurs,
ce n'est pas une entreprise qui aurait une très bonne réputation. Et le
président d'Hydro-Québec est venu
dire, peut-être même dans cette pièce, ces jours derniers que le gouvernement
précédent lui avait commandé une augmentation
de sa production sans égard à la capacité du marché de l'acheter. Alors, ça, ça
m'inquiète. Des décisions qui ont été prises, des commandes qui ont été
données à Hydro de façon inconsidérée, oui, ça, c'est inquiétant, et
heureusement qu'on est là pour redresser les choses.
Sur les petites
centrales, écoutez, c'est très clair que les communautés qui ont développé des
projets de petite centrale le faisaient non
pas pour générer de l'électricité, mais pour se générer un revenu pour financer
des projets locaux tout à fait
légitimes, louables, positifs, structurants. Mais donc on a calculé que, pour
1 million de revenus que ces petites centrales allaient générer
dans ces projets, il en coûterait 4 millions de dollars de pertes à
Hydro-Québec. Alors, il y a peut-être une
autre façon de financer ça que de faire ça à perte. Alors, encore une fois, je
ne pense pas que c'était un très bon modèle d'affaires, ce qui nous
était proposé jusqu'à ce qu'on arrive. Donc, pour ceux qui s'intéressent à l'intégrité
commerciale et aux bons modèles d'affaires,
je pense qu'ils doivent être rassurés par le fait qu'il y a un
gouvernement qui connaît les affaires qui est maintenant en train de prendre de
bonnes décisions.
• (12 h 20) •
Effectivement,
l'arrivée sur le marché américain de gaz de shale en quantité a baissé le coût
de la génération d'électricité dans une
partie des États-Unis, et donc rend plus difficile l'exportation à profit de l'électricité
québécoise. Le bon côté des choses, c'est que, comme le gaz naturel ainsi
généré coûte moins cher que le charbon, il y a une partie des génératrices à charbon qui sont mises de côté
pour des génératrices à gaz naturel, et donc les émissions de gaz à
effet de serre et de pluies acides sont
moins fortes qu'avant, et donc ça sera peut-être un bénéfice pour les lacs du
Québec et les forêts du Québec. Mais ça, c'est un déplacement de
génération d'électricité qu'on voit aux États-Unis.
Pour
nous, il y a effectivement deux projets. Il y a deux projets qui étaient sur la
table quand on est arrivés, seulement deux, O.K.?
Il y a le premier projet, celui du Northern Pass, qui passerait par le New
Hampshire, lequel suscite énormément d'opposition, à l'intérieur du New
Hampshire, de toutes sortes. Et j'en ai discuté avec le commissaire à l'énergie du New Hampshire l'automne dernier. Et,
bon, le processus suit son cours mais avec un niveau d'optimisme, disons, inférieur à ce que ça pourrait être. Mais
ça, c'est une discussion pour la souveraineté des Américains, ils
doivent décider s'ils veulent avoir le Northern Pass sur leur territoire.
L'autre projet — en
fait, on a eu une très bonne nouvelle lors de la visite à New York, c'est
que... — c'est ce projet de vente de
2 000 mégawatts jusqu'à vers la ville de New York, en passant, comme
vous l'avez dit, par le lac Champlain. Notre
compréhension, jusque-là, c'était que ce projet était conditionnel à la
fermeture de la centrale nucléaire d'Indian Point, qui génère 4 000 mégawatts, et dont la production serait remplacée pour moitié par d'autres
générations d'électricité locale et pour
moitié par nos exportations.
Mais il appert, parce qu'on a
rencontré des autorités importantes au gouvernement et dans l'industrie, que, non, fermeture d'Indian
Point ou non, la vente de ces 2 000 mégawatts fait partie du projet
des promoteurs de la ligne Champlain, et
ils ont la certitude de pouvoir l'écouler à un prix qui, pour nous, est
raisonnable. Alors, ça, c'est une bonne nouvelle. Donc, c'est une
discussion... Encore là, nous sommes tributaires du processus d'approbation
environnementale et économique de New York, mais c'est un projet qui nous
semble prometteur.
Le
Président (M. Ferland) : M. le
député.
M. Arcand : Lorsque vous allez à New York,
actuellement, vous allez vendre le Plan Nord, qu'on appelle maintenant le plan nord
pour tous. Et il y a toujours eu une espèce de tradition, encore une fois, qui
fait que, la partisanerie, dans le
domaine international, on essaie de la mettre de côté. Et ma question, c'est :
Il est clair, pour avoir eu l'occasion de
discuter avec certaines des entreprises... Ce qu'on a de la difficulté à
comprendre... Tout le monde sait que l'étude qui a été faite par Price Waterhouse démontre que les
redevances que le gouvernement du Québec applique sont des redevances qui étaient valables , c'est ça qu'il y a dans l'étude , et cette étude-là n'est pas rendue publique parce qu'elle
dirait que les redevances qui sont là sont de
bonnes redevances.
Est-ce que vous ne pensez pas que, si
demain matin cette étude-là était rendue publique, qu'elle confirmait que nous avons appliqué les bons taux de redevances, ça
enlèverait un peu d'insécurité? Parce qu'actuellement le Plan Nord, à toutes
fins pratiques, auprès de certains investisseurs mondiaux, je dirais, pas
seulement américains mais mondiaux, est actuellement bloqué, parce qu'ils ne
savent pas à quoi s'attendre.
Le
Président (M. Ferland) : M. le
ministre.
M. Lisée : Bien, d'abord, ce n'est pas le cas.
Je veux dire, les grands projets actuels en cours dans le Grand Nord continuent à opérer, et plusieurs des projets en
développement, à différents stades de développement, continuent à être développés, que ce soit avec Tata Steel ou
avec d'autres; la ministre des Ressources naturelles en faisait la liste
cette semaine à l'Assemblée nationale. Et,
sur des projets qui durent plusieurs années, de savoir que, d'ici quelques
semaines, nous aurons une discussion, une
concertation et ensuite une décision, ça ne rend personne nerveux parmi des
minières qui travaillent parfois dans des démocraties et parfois dans des lieux
où c'est plus compliqué.
Alors, vous demandez la publication de l'étude.
J'ai entendu le ministre de l'Économie et des Finances dire que cette étude, parmi
d'autres, sera rendue disponible pour la discussion éclairée que nous pourrons
avoir, dans les semaines qui viennent, autour de ce sujet-là. Donc, ne
vous inquiétez pas, donc, nous avons pris l'engagement de rendre cette étude
publique.
Ce n'est pas exactement de mon
ressort, et la remarque que je vais faire n'est pas exactement de votre ressort, mais nous pourrions faire les messages de part et
d'autre : Nous sommes toujours à la recherche des 10 études sur le fédéralisme qui ont été faites sous votre
gouvernement, payées par les fonds publics, et dont nous ne trouvons pas la
trace. S'il vous plaît, pouvez-vous demander
à vos anciens collègues qui ont ces études dans leurs filières, dans leurs
caves, dans leurs archives, ou au
Parti libéral du Québec, de, s'il vous plaît, remettre cette propriété
publique, des études que vous avez fait faire avec des deniers publics,
au gouvernement du Québec?
Le
Président (M. Ferland) : Une minute,
M. le député.
M. Arcand : Bien, vous savez, je pense que, quand
on fera la lecture des 30 dernières années de gouvernements libéral
et péquiste, je pense qu'au niveau de ces deniers-là… Je pense bien que je
serais prêt à vous mettre au défi, M. le ministre, de savoir qui a dépensé le plus des argents publics pour la
promotion de sa cause. Je pense que c'est très clair.
Maintenant, il y a une chose que,
cependant, j'aimerais vous dire, c'est que, les gens qui sont à New York puis les gens qui sont
à Davos, il y en a beaucoup c'est les mêmes, hein? On s'entend là-dessus. Et
les gens disent... Et ça, ça a été reconnu
par la première ministre à la fin janvier. Les investisseurs qui étaient
tellement heureux, qui trouvaient le Québec tellement fantastique à New
York au mois de décembre, bien, ces mêmes investisseurs, selon la première
ministre, étaient inquiets. « Nous avions — dit-elle — à l'égard de certaines entreprises des inquiétudes quant à
la fragilité de leurs investissements et
leur volonté de continuer à travailler avec le Québec… » Alors, je voulais juste savoir comment vous conciliez votre optimisme et son pessimisme.
Le
Président (M. Ferland) : Est-ce que
vous voulez la réponse? Parce que le temps est écoulé, là. Il peut revenir sur
la réponse...
M. Lisée : Ah! mais je vais répondre avec plaisir.
Le Président (M.
Ferland) : Allez-y, M. le ministre.
M.
Lisée : Je tiens
à apporter une correction, là, parce que je veux être très rigoureux. La ligne
Champlain- Hudson, j'ai dit que c'était 2 000 mégawatts, c'est
1 000 mégawatts, donc, en remplacement de la moitié de la production
d'Indian Point, et maintenant ce n'est plus en réduction de la moitié d'Indian
Point.
C'est
intéressant, la citation de la première ministre que vous avez lue, parce qu'elle
dit qu'elle avait des inquiétudes sur la
fragilité des investisseurs. Elle ne dit pas que les investisseurs avaient des
inquiétudes, elle dit qu'elle avait des inquiétudes — c'est la... vous venez de la lire, vous venez de lire la
citation — et qu'elle voulait s'assurer que ces inquiétudes n'existaient pas, et elle est satisfaite que
les inquiétudes n'existent pas.
Le Président (M.
Ferland) : Merci, M. le ministre. Le
temps est écoulé, malheureusement, M. le...
M. Arcand :
Les investisseurs sont inquiets — c'est le titre de l'article...
Le Président (M.
Ferland) : Il vous reste un dernier
bloc.
M. Arcand : ...alors — reconnaît la
première ministre .
Le Président (M.
Ferland) : Alors, merci, M. le
député. Alors, maintenant, pour... j'irais du côté de la partie ministérielle.
Je reconnais le député de Sainte-Marie — Saint-Jacques pour un temps de 14 minutes.
M.
Breton : Je
voudrais revenir brièvement sur le fait que M. le député de Mont-Royal a parlé
de gaz de schiste venant des États-Unis. Je vais être bref là-dessus, mais tout ce que je
peux dire, c'est que, M. le Président, si le gouvernement précédent avait mis sur pied une stratégie
énergétique qui allait dans le sens du monde, on n'en serait pas à essayer
de repatcher les choses à gauche et à droite
pour essayer de ramener dans le bon sens. Et c'est pour ça qu'on va avoir un
débat sur l'avenir de notre stratégie
énergétique cette année et que le gaz naturel... Et je suis certain que M. le
ministre et Mme la ministre des
Ressources naturelles vont en convenir, l'avenir va passer vers des sources d'énergie
plus vertes comme le biogaz. Donc, si
j'étais à la place du député de Mont-Royal, je ne me mettrais pas trop, trop
sur le dossier de l'énergie des ressources naturelles, parce que votre
bilan est pitoyable, et vous le savez.
• (12 h 30) •
J'aimerais
ça parler un peu — nous
p arlons de ressources
naturelles — de géopolitique internationale du pétrole. On est dans les relations internationales. Je ne
sais pas si vous êtes familier — en fait, il n'y pas
grand monde qui est familier avec ça, parce
que tout à l'heure, en fait, c'est mon collègue qui m'a allumé une cloche — avec le pacte de Quincy . C'est un pacte qui a
été signé en 1945 sur le croiseur Quincy entre le roi Saoud d'Arabie saoudite
et le président américain Roosevelt,
de retour de la conférence de Yalta, qui s'articulait sur les cinq points
suivants : stabilité de l'Arabie saoudite faisant partie des intérêts vitaux des États-Unis, qui assurent en
contrepartie la protection inconditionnelle de la famille Saoud et, accessoirement, celle du royaume d'Arabie
saoudite contre toute menace extérieure éventuelle. Par extension, la stabilité de la péninsule arabique et le
leadership régional de l'Arabie saoudite font partie des intérêts vitaux des
États-Unis. En contrepartie, le royaume d'Arabie
saoudite garantit l'essentiel de l'approvisionnement énergétique américain, la
dynastie saoudienne n'aliénant aucune parcelle de son territoire. Et les autres
points portent sur le partenariat économique, commercial
et financier. Cet accord-là a été renouvelé en 2005 sous le gouvernement de
George W. Bush.
Et ça, c'est une brève illustration de l'importance du
pétrole dans la géopolitique mondiale. Je suis certain que ceux qui
connaissent un peu cette géopolitique-là vont être conscients du fait que l'Iran
s'est retrouvé avec un gouvernement fantoche,
avec celui du schah d'Iran, justement à cause d'intérêts pétroliers. L'Irak a
vu se retrouver, de la même manière, avec
un gouvernement fantoche, pendant des années, pour des intérêts pétroliers. La
guerre du Koweït, pas de secret là, si on est allés défendre,
supposément, la démocratie et le Koweït, c'est pour des intérêts pétroliers.
Moi,
je me rappelle, quand j'étais jeune, fin des années 1960, début 1970,
le premier dossier dont j'ai entendu parler par rapport à la famine, quand j'étais
jeune — vous vous en souvenez peut-être — c'était le Biafra. Et j'ai appris, il y a quelques
années à peine, que la famine n'était pas due à des problèmes d'approvisionnement.
C'était dû à une guerre, une guerre entre des intérêts pétroliers
britanniques et français pour le contrôle du pétrole sur le territoire.
Vous
avez certainement entendu parler de l'Accord de libre-échange nord-américain
qui a fait en sorte qu'alors que les Mexicains ont inscrit dans leur constitution
que les hydrocarbures appartiennent au peuple mexicain le Canada, lui, a
dit : Non, nous, on n'a pas de
problème, on a signé la clause de proportionnalité qui fait qu'on doit s'assurer
de fournir en hydrocarbures les
Américains, toujours dans une proportion au moins croissante. C'est-à-dire que,
si 40 % de l'exploitation pétrolière
en hydrocarbures canadiens s'en va vers les États-Unis, ça ne peut pas
descendre en bas de 40 %, quitte à ce que le reste du Canada en
manque, ce qui est, somme toute... on ne peut pas avoir plus colonial que ça.
Dans
cette optique-là, quand je regarde les gestes qui ont été posés par le
gouvernement américain, entre autres sous le
gouvernement de George W. Bush, qui était un gouvernement qu'on dit
républicain, conservateur, de droite, ouvert au libre marché... Vous vous
souvenez certainement qu'ils ont opposé leur veto sur trois dossiers
importants : un
sur les ports de mer, qui auraient été vendus à des intérêts étrangers; un
autre sur la compagnie IBM, pour raison de sécurité nationale; le troisième, sur la compagnie Unocal, que les
Chinois voulaient acheter. Finalement, c'est Chevron qui a acheté ça.
Pendant
ce temps-là, on se retrouve au Canada et on a la compagnie Chinalco qui vient
investir des sommes importantes au Canada
pour exploiter du pétrole des sables bitumineux. Et que voit-on le lendemain
dans le journal? Un communiqué de
presse de la Maison-Blanche qui dit, et je cite : Nous sommes inquiets
pour la stratégie... pour la sécurité énergétique
des Canadiens. Je pense qu'il y avait un sous-texte qui voulait dire autre
chose, que je ne dirai pas ici, mais, là où je veux en venir, c'est que l'avenir de notre stratégie énergétique,
l'avenir géopolitique du Québec reposent en bonne partie, d'après ce que beaucoup de gens avec qui
je travaille et moi-même disons depuis des années, sur notre
indépendance énergétique : ça passe par la géopolitique du pétrole.
Donc, j'aimerais que cet avenir pétrolier ou cet avenir d'indépendance
au pétrole que le Québec va décider cette année ne se transforme pas en ce qui est qualifié,
dans beaucoup de pays, de la malédiction du pétrole. Il y a beaucoup de
pays où on appelle ça la malédiction du pétrole. C'est-à-dire: Il y a des pétrolières qui
débarquent chez vous, puis ils foutent le bordel. On a eu un aperçu de ça avec
la façon dont ont été gérés les hydrocarbures avec le gouvernement précédent. J'aimerais
ça que vous nous disiez un peu de la façon dont vous voyez, justement, en tant
que ministre des Relations internationales,
l'apport que le Québec peut avoir comme leader pour devenir à la fois
indépendant énergétiquement, pour montrer l'exemple par rapport à l'indépendance
des énergies fossiles et de dire qu'on peut devenir un modèle en Amérique du
Nord.
Le Président (M.
Ferland) : M. le ministre.
M. Lisée : J'ai combien de temps?
Le Président (M.
Ferland) : Alors, il vous reste sept
minutes, environ.
M.
Lisée : O.K.
Bien, écoutez, il est clair que plus le Québec sera indépendant en matière
énergétique, plus son économie sera résiliente. Ça, c'est la première chose. On le voit dans
les chiffres du commerce extérieur, il y a une partie importante qui est due à nos achats de pétrole. Si
on peut à la fois réduire notre empreinte pétrolière tout en produisant
notre propre pétrole… Et ça, effectivement,
c'est essayer de contourner la malédiction, c'est-à-dire qu'en parlant du
Canada il y a tellement du pétrole qu'il y a très peu de pression populaire, de
pression politique ou de volonté politique de réduire la consommation de
pétrole : Bien non, on est des producteurs de pétrole, on va le consommer.
Alors,
nous, notre défi, c'est de dire : Il est possible qu'on devienne des
producteurs de pétrole, mais en même temps on va essayer d'en consommer le moins
possible, le moins possible. Et la première ministre, lorsqu'elle était
chef de l'opposition, est allée en Norvège
pour voir comment les Norvégiens, eux, ont eu cette politique à la fois
environnementaliste, mais de
production pétrolière, et de rétention de la richesse créée par le pétrole pour
l'économie nationale, et même pour non seulement
l'équilibre budgétaire, mais le surplus budgétaire. Ils sont en surplus budgétaire,
hein, ils n'ont pas de dette. Ils n'ont pas de dette nette. Ils ont une
dette brute, mais ils n'ont pas de dette nette.
Et donc c'est un peu l'orientation générale qui a été
indiquée par la première ministre, c'est qu'on va suivre et articuler dans la
particularité québécoise. Et ensuite on pourra se demander : Bon, bien, si
on produit davantage que ce que l'on
consomme, est-ce qu'il faut exporter le reste ou est-ce qu'il faut réduire la
production pour la garder pour nous pour plus tard, etc.? Ça sera un très beau débat à avoir, un très, très beau
débat à avoir. Mais il est certain qu'on doit décarboniser au maximum le
marché québécois, et c'est une...
Nous sommes condamnés à l'exemplarité. Et c'est un peu ce
que j'ai dit en Inde, lors du sommet sur le développement durable à Delhi, que, bon, si on
pense que… Puisque Copenhague est un échec, puisque nous n'avons pas réussi à réduire suffisamment l'émission de gaz à
effet de serre pour éviter le deux degrés supplémentaire qu'on va connaître en
2050 — puis maintenant on pense que c'est trois, et beaucoup pensent que
c'est quatre, et, si c'est quatre, ça peut
être plus élevé d'ici la fin du siècle — qu'est-ce qu'il nous reste à faire?
Bien,
il nous reste à faire en sorte que ce soit le moins grave possible. Mais on
sait, l'écueil, qu'est-ce qu'il est. L'écueil, il est double. C'est le principal
producteur au monde, les États-Unis, et le second, la Chine, qui disent
chacun : Puisque l'autre ne fait rien, j'en fais le moins possible. En
politique intérieure, il y a beaucoup d'États, beaucoup de villes, y compris en Chine, qui font beaucoup de
choses. Mais donc ils refusent de prendre des engagements fermes de
réduction dans une... d'une ampleur nécessaire a éviter le réchauffement
planétaire.
Alors,
nous, et, encore là, je vais faire un coup de chapeau à nos prédécesseurs, on a
déjà réussi à faire un levier continental sur
un sujet important, lorsque la Californie et le Québec ont décidé d'appliquer
des mesures strictes de réduction des émissions de voitures. Évidemment, le
gouvernement d'Ottawa et Washington ont dit : Mais ça n'a pas de sens. Vous êtes aux deux bouts du continent,
vous allez avoir des règles d'émission, et puis le reste... Bon, en un
sens, ils avaient raison, ça n'avait pas de sens. Ça n'avait pas de sens parce
qu'eux refusaient de bouger, les républicains et les conservateurs.
Mais ensuite d'autres États américains, d'autres
provinces canadiennes se sont ajoutés à cette coalition, et il y a un moment où la
décision a été prise de s'aligner sur ce qu'on a fait. Donc, c'est à dire que,
même si on est une... on n'a pas de poids politique direct sur les
décisions américaines en matière de gaz à effet de serre, on a réussi, par des
coalitions, à faire bouger les deux gouvernements nord-américains, sans parler
du Mexique, de façon majeure.
Bien là, on est en train de le refaire avec le marché du
carbone. Vous savez très bien, cette année 2013 est l'année où la
Californie et le Québec vont mettre en place le premier marché nord-américain
du carbone. L'Australie est intéressée à faire le lien. On espère que l'Ontario, la
Colombie-Britannique, l'État de Washington vont se joindre à nous, et
ensuite peut-être quelques-uns, et là on va faire en sorte d'obliger, d'embarrasser
suffisamment les deux gouvernements nationaux
pour qu'ils se disent : Bon, bien, il faut mettre un peu d'ordre
là-dedans; et on va avoir un marché continental du carbone. Et là le gouvernement américain va se retourner vers les
Chinois puis dire : Bien, regardez ce qu'on vient de faire. À cause
de la Californie puis du Québec. Mais, je veux dire, ils vont en prendre le
crédit, puis c'est très bien.
Alors
donc, on peut être dans un État de levier pour avoir un impact assez grand sur
ces décisions-là. Évidemment, si on était tout seuls... La Californie a un grand
rôle à jouer, mais la Californie est contente d'avoir quelqu'un, à l'autre
bout du continent, qui appuie son
développement. Et, en ce sens-là, on est un peu précurseurs et donc on va de l'avant
avec ce projet-là. Mais il faut aussi
démontrer, et là c'est la politique industrielle qui va le faire… Puisque nous
avons des surplus d'électricité, puisque nous voulons réduire notre
empreinte énergétique, puisque nous voulons consommer moins de pétrole, puisque nous produisons des autobus, des
métros et du matériel roulant, faisons en sorte d'électrifier notre
transport public et d'augmenter l'apport du transport public dans nos
transports en créant de l'emploi chez nous, en créant de l'emploi, en
rétablissant notre balance commerciale. Et ainsi...
• (12 h 40) •
Le Président (M.
Ferland) : ...M. le ministre, pour
conclure.
M.
Lisée : … — je conclus — e t ainsi,
ailleurs en Amérique du Nord, des gens vont pouvoir dire : Ça a l'air de marcher, au Québec,
pour leur économie, l'énergie verte. Et leur chômage est toujours inférieur au
chômage américain, leur croissance
économique est bonne. En plus, ils réduisent leurs émissions de gaz à effet de
serre. Peut-être que ceux qui disent
que c'est mauvais pour l'économie, le virage environnemental, ils ont tort,
puisque, sur notre continent, une région industrielle, une région
avancée a réussi à relever ce pari-là. Et donc on a un devoir d'exemplarité.
Le
Président (M. Ferland) : Merci. Merci, M. le ministre. Alors, maintenant, pour le dernier bloc,
je vais aller du côté de l'opposition
officielle. Je reconnais le député de Mont-Royal avec un temps de
18 minutes.
M.
Arcand : Merci
beaucoup, M. le Président. J'ai connu le ministre à une certaine époque où il
était marxiste- léniniste, je pense, à cette époque-là. Il était bien jeune. Sa pensée a
évolué au fil du temps, et Dieu merci, d'ailleurs. Et je dois vous dire que je suis quand même parfois
inquiet de certaines de ses orientations, malgré tout. Et je voulais
profiter de l'occasion, dans ce dernier
bloc, d'aborder la question que le député de La Prairie a brièvement
abordée au sujet de certaines des orientations, et, entre autres, là,
vous semblez avoir un intérêt marqué pour l'Afrique.
Oui, c'est un fait que
l'Afrique va devenir ou a commencé, d'ailleurs, à être un pays en forte
croissance... qui commence à avoir une
certaine croissance, effectivement. Mais, encore une fois, quand on regarde l'évolution,
ça va se faire sur une période de
temps qui risque d'être quand même assez longue. Et, deuxièmement, dans le cas
de l'Afrique, on part de très loin.
Donc, c'est sûr qu'on voit des taux de croissance importants actuellement, mais
ce sont des taux de croissance, là, qui partent de très, très loin.
Dans les entrevues que
vous avez données, entre autres, je pense que c'est aux Affaires que j'ai
vu ça, vous avez dit : Écoutez, pour nous, il est très important... Vous
martelez — et vous l'avez dit dans
votre discours au CORIM — l'importance
de la solidarité comme étant un élément majeur sur lequel on ne peut pas être
en désaccord. Ce qui m'inquiète dans la stratégie africaine, c'est que les trois pays, en
Afrique, qui sont les plus importants, c'est l'Égypte, c'est le Nigéria, je pense, et l'Afrique du Sud,
sans trop me tromper, là, ou, en termes de PIB, là, je pense que ce sont
les trois plus importants. Les pays, entre
autres, qui sont parmi les pays qui ont la plus forte croissance de leur PIB,
au cours en tout cas de la dernière
année, là, je pense qu'il y a le Ghana, dans ça, il y a le Congo. Et vous, vous
dites : Nous, ce qu'on veut faire, c'est vraiment... Vous avez
mentionné, entre autres, le Sénégal et la Côte d'Ivoire, où vous vouliez
vraiment faire des efforts de solidarité particulière avec ces pays-là.
Alors,
c'est un cas, pour moi, où, actuellement, il me semble encore une fois y avoir
une confusion entre une espèce de politique économique qui est importante et tout
l'aspect, je dirais, francophonie, partisanerie, et ainsi de suite. Et
je voulais simplement vous entendre
là-dessus, parce qu'il me semble qu'à ce niveau-là, actuellement… À travers
toutes les priorités que nous pouvons avoir,
je voudrais m'assurer que le Québec se concentre véritablement là où ça va se
passer d'ici les trois ou quatre prochaines années. Non pas que... Je n'ai rien
contre le fait d'aller en Afrique, mais je pense que l'économie des trois, quatre prochaines années, il va y avoir des taux
de croissance encore importants, et, dans les pays, je dirais, de l'Orient, actuellement, ça devrait
demeurer, je pense, une très importante priorité. Alors, je voulais
simplement essayer de comprendre ce raisonnement-là que vous avez, et qui a été
abordé d'ailleurs par le député de La Prairie.
Je
terminerais aussi en vous parlant rapidement… Mais peut-être que je vais
attendre tout à l'heure, si votre réponse n'est
pas trop longue, on pourra parler d'autre chose également dans vos
orientations. Alors, je vous écoute.
Le Président (M.
Ferland) : M. le ministre.
M.
Lisée : Je suis
un peu inquiet parce que le député de Mont-Royal est très inquiet. Presque à
chacune de vos interventions, vous dites : Je m'inquiète de ceci, je m'inquiète de
cela, je m'inquiète de cela. Je vous trouve très inquiet. Soyez moins
inquiet, je dis, en général, soyez moins inquiet.
Et ensuite vous dites qu'il y a de la
confusion. Oui, je constate qu'il y a de la confusion dans votre compréhension de notre intérêt pour l'Afrique. Vous
dites : La solidarité. Alors, la solidarité, c'est une chose, et le
développement économique, c'est une autre
chose. Et on voit qu'il y a de la confusion au gouvernement fédéral en ce
moment, en disant que l'action de l'ACDI,
ça doit bénéficier aux entreprises canadiennes. Tu sais, ce n'est pas le but.
Le but de la solidarité internationale, c'est d'aider des pays tiers à se tirer d'un mauvais pas
ou de les mettre sur les rails d'un développement durable. C'est ça, la solidarité. S'il y a un
effet secondaire bénéfique pour une de nos entreprises, tant mieux, mais ça
ne doit jamais être le but.
De la même façon, lorsqu'on aborde l'Afrique
comme étant un continent qui est en instance de décollage... enfin qui a commencé
son décollage, notre but, c'est d'accompagner ce décollage-là, comme on a
accompagné le décollage en Inde et en
Chine. Dans les premières années, il y avait des sceptiques, il y avait des
gens qui étaient inquiets. Pourquoi est-ce
que vous investissez en Inde et en Chine, alors que c'est les États-Unis... Il
y a toujours eu ce discours-là. Et c'est les États-Unis, on est aux États-Unis, c'est là que ça devrait être. La
France, c'est pour les parfums puis les baguettes, hein? C'est notre troisième plus grand investisseur, la
France, tu sais. La diversification devait, doit et devra être le mot
clé.
Alors, vous avez mentionné qu'en Afrique il y
a plusieurs pays anglophones, où l'Égypte, qui est un pays qui n'a pas réussi encore
sa transition démocratique — on espère qu'ils vont réussir
dès que possible — qui ont le plus gros PIB. C'est vrai, mais ce n'est pas ceux dans lesquels
nous avons un avantage comparatif. Côte d'Ivoire, 7 %, 8 % d'augmentation
du PIB, ces dernières années, des prévisions à 10 %, peut-être 11 %
dans les années à venir, on a un avantage
comparatif non seulement parce qu'on parle la même langue, non seulement parce
qu'on est dans la francophonie avec
eux, donc on a des relations personnelles, mais aussi parce que plusieurs de
leurs dirigeants d'entreprises, de leurs ministres, de leurs conseillers, de leurs banquiers ont été formés chez
nous, dans nos universités, dans nos HEC, et donc nous connaissent, nous
estiment et nous font confiance.
Alors, comme vous le savez, quand on perce un
nouveau marché, établir la confiance, c'est quelque chose qui est intangible et incalculable, mais c'est énorme, ça
prend du temps. Il y a des différences culturelles. Est-ce qu'il faut se
regarder dans les yeux ou pas se regarder dans les yeux? Est-ce qu'il faut
parler tout de suite d'argent ou attendre le troisième jour, etc.? Bon. Alors
là, on a avec ces gens que nous avons formés un avantage comparatif
considérable.
Et moi, j'ai vu, lorsqu'on est allés à
Kinshasa avec la première ministre, et le nombre de
rencontres bilatérales qu'on a eues, pas seulement avec des ministres des Affaires étrangères,
mais beaucoup avec des ministres de l'Économie, la demande : ils
veulent qu'on vienne, ils veulent que nous soyons des partenaires, ils veulent
que nos entreprises soient présentes. Et des
fois ils le disent, des fois ils ne le disent pas, mais ils veulent que nous y
allions parce que nous ne sommes pas
des Français ou des Belges, donc on n'a pas de bagage colonial, nous ne sommes
pas des Américains et nous ne sommes pas des Chinois. Et donc ce que nous
ne sommes pas nous donne un avantage comparatif.
Je dois dire aussi qu'il est évident que,
lorsqu'on dit : On va essayer de cibler les endroits où la croissance va être la plus forte,
lorsqu'on regarde l'Afrique, on regarde ça aussi. Il y a des endroits en
Afrique où la production minière est en forte expansion, où nos minières québécoises veulent être présentes, et
les infrastructures, évidemment, qui est un des éléments où nous sommes dominants, en infrastructures, en ingénierie, il
y a des programmes de développement importants.
•
(12 h 50) •
Alors,
on est en train d'élaborer, donc, notre présence en Afrique. Nous n'allons pas
déshabiller Shanghai ou Beijing pour
habiller le Sénégal ou la Côte d'Ivoire. Non, on fait une expansion. Et on a
cet autre outil d'Expansion Québec qu'on
peut utiliser. On ne dit pas qu'on aura une présence politique à chacun des
endroits, on va faire ça progressivement, mais on veut envoyer un signal
clair.
Et, à la fois… Par exemple, pour le tourisme,
il y a maintenant une classe moyenne africaine qui se développe. On veut qu'ils
viennent à Québec. On veut qu'ils viennent à Montréal. On veut qu'ils viennent
dans Charlevoix. Puis, nos touristes
québécois qui sont toujours à la recherche de nouvelles plages, bien, il y en
a, des plages, maintenant, puis il y a du développement touristique dans
plusieurs de ces pays africains, et autres choses à voir. Donc, on veut aussi
faire ça.
Donc, ne soyez pas inquiet, nous avons
vraiment la volonté de faire des investissements qui vont nous être très rentables et qui vont être rentables pour nos
collègues africains.
Et c'est vrai que nous allons cibler
les endroits qui semblent donner le plus de garanties démocratiques d'État de droit , c 'est le cas du Sénégal, par exemple, et maintenant de la
Côte d'Ivoire , où le climat d'affaires est le mieux.
Et nous savons que nous allons aussi
accompagner les institutions, parce qu'il y a une demande de présence
économique et il y a une demande d'accompagnement institutionnel. Ce qu'on fait
en Haïti en ce moment, ça, vous le savez, d'aider la fonction publique
haïtienne à devenir plus professionnelle, on va le faire aussi avec certains
pays d'Afrique. Alors, il y a des cas où la solidarité va s'ajouter à notre
élément, mais nous voulons constamment faire en sorte qu'il y ait une
distinction entre ces deux éléments.
Le
Président (M. Ferland) : Merci, M. le
ministre. M. le député.
M. Arcand : Bien, c'est parce que moi, je ne veux
juste pas qu'on s'éparpille. Je pense que c'est très important, les ressources.
Vous avez eu des coupures, les ressources du Québec sont limitées, il ne faut
juste pas s'éparpiller. Je ne peux
pas être en désaccord avec l'orientation générale, mais, à un moment donné, il
faut aller où est-ce que ça compte, où est-ce
que se trouve principalement l'argent et là où on a des chances, pour le
Québec, de tirer, à court et à moyen terme, notre épingle du jeu. Je
pense que c'est ça qui est important.
J'étais aussi inquiet, M. le ministre, quand
je vois tout l'intérêt qui a été porté, non pas par vous cette fois-ci, mais par... je pense
que c'était votre collègue du Lac-Saint-Jean, qui a des liens avec le parti
écossais, et qui nous envoie faire une
mission, dit-il d'ailleurs, une mission économique — il
a dit ça, en Chambre cette semaine, que c'était une mission économique — dans une nation où ce n'est même pas 1 % des
exportations du Québec qui sont là. Alors, il s'en va là avec la première ministre; pas très bien reçus d'ailleurs, je ne veux
pas élaborer là-dessus. Il y avait même un article où on parlait que les Écossais ne voulaient pas
rencontrer des losers. J'ai vu ça dans la Gazette, je pense, un article
là-dessus.
Alors, ça me démontre
qu'on confond encore une fois le commerce extérieur avec certaines notions de politique partisane. Et, moi, si c'était quelque
chose à refaire, peut-être que vous auriez dû amener la première
ministre avec vous en
Inde. Et, s'il y avait une... et je le dis vraiment avec un clin d'oeil et en
souriant un peu, mais, si vous aviez voulu
faire un voyage économicopolitique partisan, bien, peut-être que vous auriez pu
aller au Cachemire, à ce moment-là, en
Inde. Au moins, vous... en Inde. Et puis il y aurait vraiment beaucoup plus d'argent,
beaucoup plus d'efforts, beaucoup plus
d'investissements, puis la première ministre aurait pu aller faire la promotion
de la souveraineté du Cachemire, ou je ne sais pas quoi. Je suis donc...
C'est que vous mêlez constamment l'économie avec l'aspect politique partisane.
Le Président (M.
Ferland) : M. le ministre.
M. Arcand : C'est ce qui me dérange actuellement dans ce que vous
faites.
M. Lisée : Donc, si je comprends bien, vous êtes inquiet?
M. Arcand : Je suis toujours inquiet, surtout face à vos orientations.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, M. le ministre.
M.
Lisée : O.K. Alors, je veux juste revenir un instant, parce que c'est
un peu la même chose avec l'Écosse, sur... Vous dites : il ne faut pas s'éparpiller, il
ne faut pas s'éparpiller. Vous savez, il y a cet exemple du vendeur de
chaussures français et du vendeur de chaussures américain qui arrivent au
Maghreb, et ils ont le mandat d'ouvrir le marché, et le Français rappelle la
maison mère et dit : Il n'y a rien à faire ici, ils sont tous nu-pieds, et
l'Américain dit : On va faire des
affaires d'enfer, ils sont tous nu-pieds. Vous voyez? Alors, vous nous
dites : En Afrique, en ce moment, c'est une petite part de nos exportations qui y vont. Oui, mais j'ai
remarqué que les Chinois viennent de doubler leurs crédits pour leur présence en Afrique et que le gouvernement
américain vient d'annoncer une initiative africaine. Alors, ils ont l'air à
penser que ça va augmenter et ils ont l'air à penser qu'ils devraient être là
au moment du décollage, parce que ça va monter vite. Et c'est ce qu'on pense
aussi.
Et
d'ailleurs la visite qu'a faite la première ministre en Écosse, ça ressemble un
peu aux premières visites qu'on a faites en Bavière. On n'était pas présents en
Bavière, il y avait peu de rapports commerciaux, ou politiques, ou quoi
que ce soit. Mais, cette année, l'Allemagne,
surtout à cause de nos relations en Bavière, est devenue notre premier client
en Europe, devant la France et devant l'Angleterre. Alors, ça veut dire
que les 30 ans qu'on a faits en disant : Ce n'est pas pour s'éparpiller, c'est pour ouvrir un marché où nous
ne sommes pas, et nous allons développer ce marché, ça a payé en
Bavière, ça a payé dans plusieurs autres
pays, ça paie en Inde, ça paie en Chine, ça va payer en Afrique et ça va payer
en Écosse. Alors, en Écosse, on a une entente économique, culturelle et
en énergie. Ça a été discuté entre les deux premières ministres… entre les deux
premiers ministres, et on a bien l'intention que ça se traduise par davantage
de commerce, davantage d'échanges, scientifiques et autres, et par de la
création d'emplois.
Alors,
c'est comme si vous me disiez : À chaque fois que vous allez quelque part
où on n'est pas, vous vous éparpillez. Non!
À chaque fois qu'on va quelque part où on n'est pas, c'est parce qu'on veut
étendre notre commerce, nos emplois.
Maintenant,
moi, j'ai eu un rapport de la rencontre qui a eu lieu entre le premier ministre
et la première ministre, la rencontre a été
très chaleureuse, très productive, la volonté de collaboration, elle est très
forte. Les journalistes ont été choqués de ne pas avoir de point de
presse — si j'avais été journaliste
avec eux, j'aurais été de mauvaise humeur aussi — mais
je pense que, lorsqu'on fera le bilan de l'accroissement du commerce
Écosse-Québec et des relations au cours des
prochaines années, le fait qu'il y ait eu ou non un point de presse sera oublié
dans les livres d'histoire, et l'important, ça va être la croissance de notre
coopération croisée.
Le Président (M.
Ferland) : Merci, M. le ministre. M.
le député.
M.
Arcand : Bien, c'est...
Je comprends tout ça. On ne peut pas être contre ça. La seule chose, et je ne
vous dis pas
qu'on est contre, je vous dis juste qu'actuellement il y a une... Lorsque vous
allez, par exemple, dans certains de ces pays... D'ailleurs, vous êtes allé en Inde, ce n'est pas pour rien, vous
êtes allé en Inde parce que vous estimiez ou, enfin, le ministère
estimait que là c'était très, très, très prioritaire. Il y a de nombreux
contrats qui se donnent, il y a beaucoup d'entreprises
québécoises qui sont là. Si on nous déposait une liste d'entreprises
québécoises, là, qui sont prêtes à investir demain matin au Sénégal ou qui ont des possibilités d'exportation
importante au Sénégal… déposez-la. Je veux juste être rassuré sur l'ordre de vos priorités, parce qu'encore
une fois, dans le domaine des relations internationales, on peut faire toutes les priorités : la France, c'est
important, les États-Unis, etc. Alors, moi, j'essaie juste de ramener ça à un
niveau où, là, vraiment, on cible là où on
peut avoir des dividendes à court terme, parce que ce dont le Québec a besoin,
je pense, ce sont des dividendes qui sont le plus possible à court
terme.
Le Président (M.
Ferland) : M. le ministre, environ
trois minutes.
M.
Lisée : Bien,
écoutez, le FMI nous dit que l'Afrique est aujourd'hui là où était la Chine il
y a 20 ans. Avant d'avoir des dividendes en
Chine, ça a pris plusieurs années, et vous savez qu'il y a des entreprises
québécoises qui se sont cassé les dents avant d'avoir les niveaux...
M. Arcand : ...avait compris ça assez rapidement.
M. Lisée : Oui, tout à fait. Et puis il y en a d'autres
aussi qui se sont cassé les dents, il y en a d'autres que ça a été long, très long.
Et nous n'avions pas en Chine l'avantage comparatif qu'on a en Afrique
francophone. Il y avait très peu de Chinois
qui avaient été formés chez nous, ils ne parlaient pas la même langue, n'avaient
pas le Code civil. En fait, même l'environnement juridique est similaire
au nôtre, donc on a beaucoup plus d'avantages lorsqu'on commence en Afrique qu'on
en avait lorsqu'on a commencé en Chine.
Alors,
si votre prédécesseur avait été là à l'époque où le gouvernement du Québec a
décidé de commencer à être présent en Chine, peut-être aurait-il dit :
Je suis bien inquiet parce qu'en ce moment c'est les États-Unis qui sont
nos... puis on ne connaît rien à la Chine,
puis on ne sait pas si ça va marcher, puis on va-tu avoir des dividendes dans
les deux ou trois prochaines années,
puis... Heureusement que vous avez eu des prédécesseurs visionnaires qui ont
dit : Écoutez, c'est un marché
émergent, on va être là au départ, on va finir par avoir des dividendes. Il
faut être patients, il faut être visionnaires, il ne faut pas être constamment inquiets qu'à chaque
pas qu'on va poser ça va être au détriment du Québec, au contraire.
Alors,
désinquiétez-vous. Nous avons des analyses par secteurs, par pays, par
entreprises, et encore une fois on va essayer de faire en sorte que chaque intervention
donne un maximum de rendement pour le Québec, rendement économique mais aussi rendement politique. Parce que, vous
savez, parfois on rencontre des gens qui n'auront pas un impact économique important mais qui vont nous aider
ensuite, lorsqu'on va vouloir, comme on l'a fait, voter une convention internationale qui protège la culture, qui va nous
aider lorsqu'on va vouloir défendre le multilinguisme, qui va nous aider
lorsqu'on va vouloir défendre la diversité culturelle.
Et ça aussi, ça fait partie de l'environnement
international du Québec et des intérêts premiers du Québec. L'intérêt premier du
Québec, c'est de développer des alliés dans le monde qui sont d'accord avec son
idée que le multilinguisme est important,
que la défense des cultures et des langues sont importantes. Puis il y a des
gens là-dedans qui n'ont pas des gros PIB mais qui ont cet
extraordinaire avantage que nous n'avons pas : ils ont droit de vote à l'ONU,
ils ont droit de vote à l'UNESCO.
• (13 heures) •
Le Président (M.
Ferland) : Merci, M. le ministre. M.
le député, environ une minute et des poussières.
M.
Arcand : Encore
une fois, on ne peut pas être contre la vertu. Je tiens simplement à rappeler
au ministre qu'il est important de cibler
vraiment ce qui est, à travers toutes nos priorités, le plus prioritaire.
J'aurai l'occasion de revoir le ministre, probablement,
je pense que c'est mardi, sur la question montréalaise, entre autres, sur ce
qui se passe au niveau de la métropole. Je dois vous dire que vous avez
répondu... Justement, parce que vous, vous répondez toujours : « Don't
worry » , hein? Dans une des questions, entre autres, on disait
que, dans le secteur des technologies, une
immigration principalement francophone fait en sorte qu'on se prive de cerveaux
en provenance de pays où la langue anglaise domine. Alors, la question
était : Que leur répondez-vous? Vous dites : Ce n'est pas grave, un chirurgien spécialiste du cerveau en provenance de
Shanghai, s'il n'a pas une bonne connaissance du français, il va venir
quand même, car on a besoin de lui. Et, pour développer des entreprises au
Québec et faire du commerce extérieur, on a besoin...
Le Président (M.
Ferland) : M. le député, je dois vous
arrêter parce que nous allons...
M. Arcand : …on a besoin... O.K.
Le Président (M.
Ferland) : ...manquer de temps. Nous
avons débordé le 13 h 3. Nous avions convenu de terminer les
travaux...
M. Lisée : ...d'accord avec moi, alors ça va bien.
Le Président (M.
Ferland) : ...à 13 heures. Mais
vous pourrez échanger vos inquiétudes après la période de questions, si vous
voulez, s'il en reste d'ailleurs, mais je pense qu'il y en a beaucoup qui ont
été dissipées.
Alors,
moi, en deux secondes, je voulais vous remercier pour les échanges très
intéressants, je suis convaincu, pour les gens
qui nous écoutent aussi. Ils ont appris beaucoup concernant les affaires
internationales, le commerce extérieur. Les échanges ont été de haut niveau. Je
vous remercie, tous les parlementaires d'ailleurs, merci beaucoup.
Alors,
la commission ajourne ses travaux au lundi 18 février 2013, à
14 heures, où elle entreprendra l'étude
du volet Relations internationales des
crédits du portefeuille Relations internationales, Francophonie et Commerce
extérieur. Sur ce, bon dîner et bonne fin de semaine.
(Fin de la séance à
13 h 3)