(Neuf heures trente-quatre minutes)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des institutions est réunie ce matin afin de poursuivre l'étude des crédits budgétaires du ministère du Conseil exécutif. Il s'agit précisément des programmes 1 et 2 pour l'année financière 2002-2003. Selon l'entente intervenue entre les leaders, en vertu de l'article 285 du règlement, une enveloppe de trois heures a été allouée pour l'étude de ces programmes.
Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Leduc (Mille-Îles) est remplacée par M. Morin (Nicolet-Yamaska); M. Paquin (Saint-Jean) par Mme Robert (Deux-Montagnes); et Mme Lamquin-Éthier (Bourassa) par M. Charest (Sherbrooke).
Le Président (M. Lachance): Merci. Avant de débuter nos travaux, j'indique à toutes les personnes qui ont un téléphone cellulaire d'ouvert ou un téléavertisseur de bien vouloir fermer ces appareils pendant la séance, s'il vous plaît.
Organisation des travaux
Alors, nous en sommes maintenant... Je crois comprendre qu'il y a entente pour que ce soit une discussion... Parce qu'il y a toutes sortes de façons de procéder: c'est programme par programme ou de faire des échanges d'ordre général. Est-ce que je peux avoir une indication là-dessus de la part des parlementaires?
M. Landry: Nous, on veut faciliter les choses à l'opposition, parce que ces séances-là sont surtout celles de l'opposition. Alors, quelle méthode qui vous plaît le plus?
Le Président (M. Lachance): M. le chef de l'opposition officielle.
M. Charest: M. le Président, la façon dont on procédait habituellement, si ma mémoire est fidèle, l'an dernier, c'est une vingtaine de minutes de présentation, de discours d'introduction par le premier ministre, une vingtaine de minutes de ma part pour l'opposition officielle. Je ne sais pas combien de minutes vous allouez à M. Dumont, de l'ADQ. Ça, c'est là où vous tombez dans le sens du règlement. Puis, après ça, bien, des échanges à peu près en temps égal, hein, puis on se fie évidemment à la présidence pour s'assurer que mes réponses ne soient pas trop longues et mes questions ne soient pas trop longues. Je parlais de moi pour éviter de pointer quelqu'un d'autre, mais je dis ça en souriant, juste pour vous faire confiance et vous demander, à vous, de vous assurer que, dans les temps d'échange, chacun ne soit pas trop distrait et qu'on puisse respecter un équilibre.
Le Président (M. Lachance): Très bien. Alors, pour répondre à votre question concernant le temps du député de Rivière-du-Loup, comme il est membre de la commission, il a droit à 20 minutes pour la déclaration d'ouverture, comme les autres membres aussi, mais je crois comprendre que ça ne sera pas le cas.
Déclarations d'ouverture
Alors, sans plus tarder, M. le premier ministre, pour votre déclaration d'ouverture, vous avez une période de 20 minutes.
M. Bernard Landry
M. Landry: D'accord, M. le Président. Je vous remercie. Nous sommes ici pour approuver les crédits du ministère du Conseil exécutif. Alors, il faut savoir de quoi on parle dès le début. Ces crédits sont prévus à hauteur de 178,4 millions de dollars. C'est une hausse spectaculaire par rapport à l'an dernier, mais pour une seule raison, et une très bonne. La hausse de 31,1 millions de dollars par rapport à 2002 est due essentiellement aux 28,4 millions de dollars aux crédits qui vont donner suite à l'entente que nous avons signée avec le peuple cri, un événement extrêmement important et dont le gouvernement est fier et, d'après toutes les études que nous avons, dont le peuple québécois est très fier aussi, non pas uniquement pour des raisons matérialistes ? et il y en a ? mais pour des raisons plus fondamentales de respect des peuples, de coopération entre les peuples, de développement, en faveur des jeunes en particulier.
Dans le cas des Cris ? et cela s'applique largement aussi aux Inuits avec lesquels nous avons signé une entente de même type ? avec les Cris, c'est un demi-siècle; avec les Inuits, c'est un quart de siècle. Je signale que, en termes de population, les Cris, s'ajoutant à la population de l'extrême Nord, forment à peu près le tiers de tous les aborigènes du Québec. Ça veut dire que nous avons une entente de 25 ou 50 ans avec le tiers des aborigènes du Québec et, en termes de territoire, bien là, tout ce qui n'est pas cri ou inuit est une fraction évidemment de ces vastes territoires du Nord. Dans le cas des Cris, ça met fin à une querelle d'un quart de siècle. Et, dans le cas des Inuits, bien, c'est le couronnement de relations plutôt fructueuses. D'ailleurs, il a été bizarre qu'après la signature avec les Cris les Inuits nous ont dit gentiment: On se sent un peu trahi parce que, nous, tout va bien avec vous, et vous signez la «paix des braves» avec les Cris. C'est une façon plaisante de présenter les choses, mais ce qu'il fallait, c'est signer avec les deux.
Je reviens aux raisons immatérielles. Ces deux nations, qui ont été reconnues comme nations par notre Assemblée nationale en 1985, contrairement à la nation québécoise, sont en expansion démographique, c'est-à-dire que la fraction de la population jeune est à couper le souffle, et ça se voit à l'oeil nu. Quand on circule dans les villages cris ou inuits, il y a des enfants partout, il y a une grosse demande pour les écoles, pour tous les services à la jeunesse.
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(9 h 40)
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Or, cette jeunesse risque d'être désespérée si elle ne peut pas s'employer à des tâches plus contemporaines que les très respectables tâches traditionnelles de chasser et de piéger. C'est évidemment des activités très nobles et passionnantes, mais, surtout, avec les télécoms, quand on est à l'Internet et puis qu'on regarde la télévision occidentale plusieurs heures par jour, il peut venir d'autres idées que celles du piégeage, et de la chasse, et de la pêche. Donc, ces jeunes pourraient se retrouver dans une situation désespérée si des emplois, et des emplois à la mesure de leurs ambitions et de leur talent, n'étaient pas disponibles. C'est ça, le fond humain de l'entente avec les Cris et avec les Inuits.
Il y a également, toujours sur le plan humain, avant de passer aux choses matérielles, un grand intérêt pour les Québécois et les Québécoises dans ces ententes. Vous savez que le Québec a toujours été très porté sur la coopération internationale avec des pays lointains; on a toujours eu des missionnaires en Amérique latine, on en a eu au Japon, on en a eu en Afrique ? moi-même, j'ai été professeur en Afrique avec grand plaisir, une époque passionnante de ma vie ? sauf que nous avons, immédiatement au nord, ici, des peuples dont le développement doit être assuré. Et notre premier devoir, sans négliger les autres, est de s'assurer que ce qui se passe immédiatement au nord, chez des gens qui partagent avec nous le territoire québécois, soit aussi positif que ce qui se passe ailleurs.
Et on peut dire ? quand je dis «on», ça exclut traditionnellement, comme on dit, la personne qui parle, parce que c'est les Cris qui le disent maintenant, et c'est des experts internationaux qui le disent maintenant, et c'est des Inuits qui le disent maintenant: Le Québec est une terre exemplaire dans le monde, dans ses relations avec les aborigènes. Il y a eu encore des enquêtes récentes qui ont été publiées et qui vont dans ce sens. Et, de toute façon, ceux qui connaissent un peu la situation des aborigènes au Canada, à l'extérieur du Québec, ou dans d'autres pays d'Amérique latine voient bien que les rapprochements de niveau de vie sont incomparables. Le mot «réserve» n'est pas un beau mot, puis c'est une réalité historique, mais, dans certaines réserves, le taux de chômage est plus bas que dans le milieu blanc avoisinant. Alors, ça, c'est à l'honneur du Québec.
Ceux et celles qui connaissent la question dans le reste du Canada ? et j'ai l'occasion, dans les conférences, depuis longtemps, d'en parler avec des collègues ? savent qu'il y a des problèmes extrêmement graves liés à la condition aborigène, mais, au Québec, on les a donc abordés de façon plus que convenable. C'est donc pour ça qu'il y a 30 millions de plus de dollars dans les crédits, les crédits qui, étant ceux du Conseil exécutif, sont forcément d'intérêt général. Le Conseil exécutif n'a pas une mission particulière. Il a une mission horizontale, comme on dit, et c'est la raison pour laquelle je vais me concentrer sur cette mission horizontale.
Et, pour terminer avec les rapports avec les Indiens, je veux rapprocher ce 30 millions de dollars de hausse de crédits avec les aspects matériels des deux traités. Dans le traité avec les Inuits, on estime à 50 000 emplois le résultat en termes de hausse de demandes de travail, 50 000 emplois. Comme il y a 11 000 Cris et qu'ils ne sont pas tous de la population active, ça tombe sous le sens que l'économie du Québec... et des jeunes Québécois et des jeunes Québécoises vont avoir des emplois, et en grand nombre, à cause de ce traité. Pourquoi est-ce que ça peut monter à 50 000 emplois? Bien, tout simplement, parce qu'il y a 9 000 MW d'impliqués. Il y a Eastmain, d'une part, et, autant que je sache, là, les premiers travaux commencent. Actuellement, il doit y avoir des gens qui travaillent à Eastmain et, dans ces gens-là, il y a des entrepreneurs cris. Il y a des jeunes Cris qui ont déjà un emploi à cause des accords. Alors, 9 000 MW, c'est 25 % de la production actuelle d'Hydro-Québec. Alors, c'est sûr qu'augmenter de 25 %, ça va avoir des effets économiques très considérables.
Ce qui m'amène à justement parler un peu de l'économie du Québec aujourd'hui et de la situer dans le temps et dans le contexte québécois. Vous savez qu'après le 11 septembre plusieurs ont craint, et à bon droit, que le ralentissement déjà amorcé de l'économie continentale ne vire à la catastrophe. Et, à New York, en particulier, les plaies sont loin d'être fermées. Il y a encore des centaines de milliers de personnes qui sont privées de leur emploi ou qui sont dans des emplois précaires à cause de ce qui est arrivé le 11 septembre. Mais le reste du continent s'est redressé beaucoup plus vite qu'on ne le croyait. Et, comme, par un budget extrêmement sage et habile, le gouvernement du Québec avait décidé par prudence de faire comme si c'était pour aller très mal, bien, le résultat additionné, c'est que ça ne va pas mal du tout. Ça ne va tellement pas mal qu'il y a plus de Québécois et de Québécoises au travail aujourd'hui, au travail salarié aujourd'hui par rapport à la population totale qu'il n'y en a jamais eu dans l'histoire du Québec. Pour quelqu'un qui suit ? quelle que soit son orientation politique, d'ailleurs ? qui suit l'économie du Québec, qui aime l'économie du Québec, c'est des chiffres extrêmement réconfortants. J'ai entendu le président de la Banque Nationale, il y a deux jours, faire un discours, j'ai pensé qu'il l'avait pris dans mes classeurs, parce qu'il a décrit la situation du Québec telle qu'elle est et d'une façon extrêmement positive. Parce qu'il ne s'agit pas que de création d'emplois, il s'agit aussi de qualité de ces emplois, il s'agit de répartition régionale de ces emplois, il s'agit de contenu technologique de ces emplois.
Aujourd'hui, lorsque le Canada exporte 1 $ de produits de valeur ajoutée de haute technologie, la moitié vient du Québec, et l'économie du Québec, c'est le quart de l'économie canadienne. C'est facile à comprendre, puisque nos forces sont dans l'aérospatiale, dans les télécoms ? malgré des petits accidents de parcours ? pharmacie, biotechnologies, génie-conseil avancé, ce qui ne veut pas dire que les richesses naturelles ne sont pas, pour les régions-ressources en particulier, toujours très importantes, mais les richesses naturelles non transformées, ça fait 3 % de notre produit national brut, un peu moins. Je pense qu'on a été obligé de corriger cette année, je pense qu'on est entre deux et trois. Donc, ça veut dire que... pas que les richesses naturelles s'effondrent, ça veut dire que l'économie croît, et la haute technologie prend la plus haute part.
Cette prospérité aussi extraordinaire se fait avec une assez bonne répartition régionale. J'ai de très fortes réserves, puis l'opposition aussi, puis on en parlera, mais Montréal, c'est vrai, est très prospère, plus que jamais. L'écart de taux de chômage entre Montréal et Toronto était probablement à son plus bas niveau historique, et tout ça en quelques brèves années. Il y a cinq ans, plus ou moins, l'image internationale de Montréal, c'était, je pourrais dire, une montagne de poussière grise, puis la Gazette en remettait un peu chaque matin. Ce n'est plus ce que décrit le président de la Banque Nationale dans son discours d'avant-hier. Aujourd'hui, Montréal est une technopole resplendissante, la cinquième de notre continent, la cinquième d'Amérique et qui ne s'est pas créée exactement comme les autres dans un contexte totalement libéral. Oui, l'économie de marché, l'entrepreneurship, le talent sont les facteurs fondamentaux, les ressources humaines, en particulier. Mais le gouvernement du Québec a été ? et certains le critiquent, ne sont pas d'accord avec ça, mais nous en sommes fiers ? interventionniste. C'est-à-dire que, dans le cas, disons, de la Cité du multimédia, nous avons, pour la création d'emplois, établi des stimulants très, très puissants qui ont poussé de très petites entreprises à devenir rapidement des moyennes, devenir des grandes puis des grandes devenir plus grandes, à telle enseigne que, dans cet espace physique ? et ça vaut la peine d'aller le voir ? où on retrouvait les vestiges de la révolution industrielle qui étaient en train de rouiller sous la pluie et les intempéries, c'est-à-dire le symbole du déclin, on retrouve aujourd'hui le symbole du progrès, de la renaissance. On doit être rendu à 6 000 ou 7 000 emplois dans la Cité du multimédia, et l'objectif était de 10 000 en 10 ans. Donc, on est en avance sur l'horaire. Cité du commerce électronique, même effervescence, même effervescence. C'est moins avancé, les constructions sont en cours. C'est le Mouvement Desjardins qui est le promoteur principal et qui a déjà des locations de faites et qui en a d'autres qui s'en viennent, etc. Donc, renaissance montréalaise absolument spectaculaire, indiscutable.
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(9 h 50)
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Mais ce n'est pas ce dont nous sommes le plus fiers. Ce dont nous sommes le plus fiers, c'est que ce n'est pas à Montréal où le taux de chômage est le plus bas au Québec. Il a beaucoup baissé, mais il y a eu une progression spectaculaire de l'économie de toutes les régions, avec une diversification aussi extrêmement positive. La ville de Rivière-du-Loup est une des plus prospères au Québec. Et ce n'est pas à cause de son député, parce qu'il n'a aucune espèce de décision à prendre dans l'action gouvernementale, il ne peut que la critiquer. D'ailleurs, c'est son devoir, puis je ne dis pas s'il le fait bien ou pas bien pour ne pas faire de jaloux autour de cette table. Mais la réalité, c'est que, dans la région également du chef de l'opposition officielle, Sherbrooke, se passent des choses extraordinaires ? du chef de l'opposition et de la députée qui l'accompagne, puisque leurs comtés sont voisins. Sherbrooke, ce n'est pas rien en termes de renaissance économique après avoir passé par des périodes difficiles aussi, une industrie désuète qui a dû être remplacée de A à Z et qui l'a été par la technologie. Mais, là aussi, il y a eu de l'interventionnisme. Les avantages dont on parle dans la Cité du multimédia à Montréal, ils se retrouvent partout au Québec dans les CDTI ? il y en a un à Sherbrooke ? dans les carrefours de la nouvelle économie ? il y en a 50 sur le territoire québécois. J'ai eu l'émotion d'aller à Rimouski une fois pour inaugurer un CNE avec 500 emplois, et là, ce qu'on me dit, c'est que j'aurai le plaisir de retourner à Rimouski bientôt pour 300 autres à Rimouski. On n'est pas dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, là, ni à Laval, qui sont quand même des endroits extraordinairement prospères, mais c'est Rimouski.
Alors, est-ce qu'il y a une ombre au tableau? Oui, il y en a une et puis une très grave, c'est celle des régions-ressources, victimes de forces très puissantes qui jouent contre elles depuis des années et des années. En 1989 déjà, un document qui s'appelait Deux Québec dans un avait mis en évidence les problèmes de ces régions, dont le principal, qui en reflète plusieurs autres, un déclin relatif de la population. Et ça, ce n'est pas l'Abitibi, la Gaspésie ou le Saguenay?Lac-Saint-Jean qui ont le monopole de ce phénomène, c'est un phénomène mondial, même dans le Tiers-Monde, puis, des fois, c'est difficile à comprendre. Les grandes villes, les grands centres attirent les hommes et les femmes. Ça a toujours été comme ça. Ah oui? Alors, pourquoi est-ce qu'il y a des problèmes dans les régions puis il n'y en avait pas il y a 50 ans? Parce que la natalité dans les régions était galopante. Il y avait des familles de 10, 12, 15 enfants, et un grand nombre s'en allaient à Montréal, ou s'en allaient à Québec, ou s'en allaient dans les grands centres, puis la région continuait sa croissance démographique. Les... pas les démagogues, mais les démographes, les gens qui s'occupent de la démographie disent que les villes sont mangeuses d'hommes, c'est-à-dire que la population se régénère en périphérie et elle diminue au centre. Mais là elle ne se régénère plus en périphérie. Alors, ça sème l'angoisse dans les régions à des degrés divers: la Gaspésie, c'est 20 % de chômage ? qui a baissé comme partout ailleurs, mais qui est encore à 20; le Saguenay?Lac-Saint-Jean, ça doit être 11, qui a baissé comme partout ailleurs mais qui reste à un niveau inacceptable.
C'est la raison pour laquelle nous avons mis à la disposition des régions des instruments sans précédent pour leur développement. J'ai mentionné les carrefours de la nouvelle économie, je dois mentionner les CLD aussi qui sont plus institutionnels, je dois mentionner les CLE, les centres locaux d'emploi, mais je dois mentionner aussi ce qui a été fait directement pour aider les entreprises comme les exemptions de taxes en régions-ressources, de 10 ans, de toutes les taxes québécoises, tous les impôts et taxes du Québec, plus les crédits d'impôt particuliers à certaines régions, Gaspésie, par exemple, deuxième et troisième transformations dans un certain nombre de secteurs, produits de la mer évidemment mais également mariculture, aquaculture, éoliennes.
Alors, le message aux régions, et la plupart... Il y avait une mission, là, cette semaine, là, du Saguenay? Lac-Saint-Jean avec la Société générale de financement en Allemagne. C'étaient des gens essentiellement de la Vallée de l'aluminium qui est une autre initiative régionale sans précédent, hein! Si la Vallée de l'aluminium avait été créée il y a 20 ans, on n'en serait pas à avoir à peu près 5 000 emplois primaires au Québec et puis avoir le même nombre à peu près dans le secondaire, hein! Normalement, on devrait avoir 35 000, 40 000 emplois dans le secondaire et normalement l'Alcan, qui a décidé de le faire aujourd'hui... On a une espèce de pacte moral avec l'Alcan maintenant ? qui a été rénové et réitéré en Allemagne, là; j'ai vu les déclarations de M. McAusland: le Saguenay?Lac-Saint-Jean doit être prospère pour diverses raisons mais à cause de l'Alcan qui assume ses responsabilités économiques, sociales, je dirais même morales. Bien, la Vallée de l'aluminium, les centres de recherche, les divers crédits d'impôt applicables vont servir à cela.
Le Président (M. Lachance): ...M. le premier ministre. Vingt minutes, ça passe vite.
M. Landry: J'aime tellement ces questions que c'est presque cruel de votre part de m'arrêter, mais ça peut être un soulagement pour le chef de l'opposition officielle, par ailleurs. Alors, disons qu'on va faire un compromis, puis je vais faire ce que vous dites puis je vais m'arrêter.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le premier ministre. Alors, j'invite maintenant le chef de l'opposition officielle pour sa déclaration d'ouverture.
M. Jean J. Charest
M. Charest: Merci, M. le Président. Et je veux dire au premier ministre que je suis heureux de le retrouver ce matin. C'est la deuxième occasion, je pense, qu'on a d'échanger en crédits. J'espère que ce sera l'occasion pour nous de surtout échanger et partager de l'information avec les citoyens du Québec et des collègues de l'Assemblée nationale sur plusieurs dossiers importants. Et je promets de ne pas être trop dur et de faire ça sur un ton très convivial.
D'abord, j'aimerais rappeler au premier ministre que, lorsqu'il a accédé au poste de président du Parti québécois et donc de premier ministre du Québec, suite à la démission de son prédécesseur, Lucien Bouchard, l'opposition officielle avait à ce moment-là pris la position que le nouveau premier ministre, même si c'est un premier ministre désigné, devait avoir la chance au coureur. Et ça fait plus d'un an maintenant que le premier ministre actuel occupe son poste; on a voulu lui donner évidemment l'occasion d'établir un nouvel agenda, de faire sa marque en quelque sorte sur les affaires du gouvernement, reconnaissant maintenant que nous sommes entrés dans la quatrième année du mandat du gouvernement actuel et que, normalement, le gouvernement devrait déclencher des élections générales.
Depuis que le premier ministre actuel a accédé au poste de premier ministre, il y a eu huit élections partielles à travers le Québec; la première, c'était le 9 avril 2001 dans le comté de Mercier, le 1er octobre il y en a eu quatre, il y en a eu trois autres le 15 avril dernier. Dans les huit élections partielles, même si je suis tout à fait de l'avis de ceux qui pensent qu'une élection partielle, ce n'est pas un absolu, hein, et ce n'est pas d'hier d'ailleurs que nous le reconnaissons ? il faut faire attention ? il y a quand même une tendance ou quelques tendances qui se dégagent des élections partielles. Et, si on lit correctement les résultats, ce que nous relevons, c'est un jugement sévère de la population du Québec à l'endroit du gouvernement actuel, hein! C'est assez difficile de lier autre chose que cela.
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(10 heures)
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D'autant plus que, sur le plan géographique, ces élections ont eu lieu dans différentes régions du Québec: l'île de Montréal, évidemment, le comté de Mercier, le comté d'Anjou, le comté de Viger mais aussi dans le Saguenay?Lac-Saint-Jean ? Mme la députée de Jonquière est avec nous aujourd'hui et elle a succédé à M. Bouchard comme députée du comté de Jonquière ? dans la région de la Mauricie où Mme Boulet s'est fait élire dans le comté de Laviolette. C'est également un autre comté où on a eu des réussites. Il y a eu les élections du 15 avril, dans le comté d'Anjou, où le Parti libéral du Québec avait gagné, en 1998, par 143 voix, dans les circonstances que vous connaissez, et le député libéral Jean-Sébastien Lamoureux avait remis sa démission, mais on a gagné avec 54 % des voix, une majorité substantielle, 3 500. Alors, c'est assez décisif, là, comme jugement de la part de la population du Québec. Et puis, évidemment la Côte-Nord, 15 avril dernier, où M. Corriveau s'est fait élire. Et tout ça nous amène à une conclusion assez claire, assez limpide sur le gouvernement actuel.
D'ailleurs, une des questions que je veux poser au premier ministre aujourd'hui, parce qu'on va parler de différentes propositions que son gouvernement a évoquées... Une des questions sur le plan de la pratique de la démocratie, c'est l'élection de M. Levine, le test électoral que doit subir M. Levine prochainement, et je m'attends à ce que le premier ministre nous affirme, nous confirme aujourd'hui que M. Levine va subir le test électoral avant la fin du mois de juin, et par respect envers l'Assemblée nationale, envers ses collègues aussi députés, là, parce qu'il y a devant nous aujourd'hui des collègues autour de la table qui se sont tous fait élire. C'est la règle de base dans notre démocratie pour assumer les importantes responsabilités qui lui ont été confiées.
M. le Président, le premier ministre a parlé avec beaucoup d'enthousiasme de l'économie du Québec. Je veux, d'emblée, lui dire qu'on ne souhaite que de bonnes choses à l'économie du Québec. Et, quand ça va bien, on est comme lui, on est content de pouvoir le relever, d'autant plus que le premier ministre sait aussi qu'on vient de vivre une des périodes de prospérité économique les plus extraordinaires dont on aura été témoin en Amérique du Nord. Dix années continues, sans interruption, de croissance économique, ça ne s'était pas vu dans le siècle. Ça a eu des retombées fantastiques en Amérique du Nord, partout, puis, quand on juge la performance de l'économie québécoise, il faut juger ça dans ce contexte-là, comme on doit juger la performance de l'économie dans un contexte de récession.
Et la question devient la suivante: Comment avons-nous tiré notre épingle du jeu? Est-ce qu'on a pu justement profiter pleinement de cette période de croissance extraordinaire ou est-ce que l'économie québécoise a, au contraire, connu des reculs ou peut-être des ratés? Et c'est là où, malheureusement, je dois corriger le premier ministre ? je le fais respectueusement ? sur la performance de l'économie québécoise. Je viens de l'entendre dire, là, que ça va très bien, il en est très fier, sauf que... Et je prends à témoin les élections partielles ? on en a eu huit ? qui me semblent porter un jugement différent. Mais je prends à témoin, en plus, la performance des économies des régions du Québec, qui ont connu un recul depuis 1994, là. Il ne faut pas se raconter des histoires. Il ne faudrait surtout pas se mettre la tête dans le sable, il y a des problèmes très sérieux, très, très sérieux, puis ça commence par se manifester sur le plan démographique.
Et le premier ministre évoque le fait que, sur le plan démographique, on fait moins d'enfants, dans l'ensemble, que le taux de fécondité au Québec n'est peut-être pas très élevé, n'est pas élevé dans les régions du Québec. Ça, c'est une chose, mais, quand les gens qui sont là quittent leur région parce qu'il y a des raisons pour eux de quitter, ça, c'est une autre histoire. Et, dans les régions du Québec, le premier ministre a sans doute pris connaissance de l'étude démographique qui a été faite entre 1996 et 2001 par Statistique Canada, rapportée par l'Institut de la statistique du Québec, et qui nous fait un rapport assez inquiétant de la situation des régions.
Puis je vais lui lire, là, un relevé de bulletin sur le solde migratoire interrégional, une comparaison entre 1991-1996, 1996-2001, et ça dit ceci: «Entre 1996 et 2001, sept des 17 régions administratives ont enregistré des gains dans leurs échanges avec les autres régions du Québec, comme c'était déjà le cas entre 1991 et 1996. Ce sont les régions de la couronne montréalaise qui récoltent la part du lion, notamment la région des Laurentides qui se classe loin devant au premier rang. Les régions de Laval, de la Montérégie ont vu leurs gains augmenter, alors que le solde de Lanaudière a été coupé de moitié. Les autres régions gagnantes sont la Capitale-Nationale, l'Estrie, l'Outaouais. Montréal demeure perdante dans ses échanges avec les autres régions, mais ses pertes sont beaucoup moins importantes entre 1996 et 2001 qu'elles l'étaient entre 1991 et 1996. Toutes les autres régions du Québec enregistrent des pertes entre 1996 et 2001 et toutes ont vu leur bilan migratoire se détériorer, souvent de manière importante. Les régions qui ont enregistré les pertes les plus grandes au cours des cinq dernières années sont le Saguenay? Lac-Saint-Jean, l'Abitibi-Témiscamingue, la Gaspésie, les Îles-de-la-Madeleine, la Côte-Nord et le Bas-Saint-Laurent.» Et là il y a des comparaisons, là, qui sont drôlement, drôlement inquiétantes. Prenons la région du Bas-Saint-Laurent: entre 1991 et 1996, là, la perte fut de 2 558 personnes; entre 1996 et 2001, 7 047 personnes. Saguenay?Lac-Saint-Jean: 6 980 entre 1991 et 1996; entre 1996 et 2001, 10 858. C'est du monde. Pour vous l'illustrer, M. le Président, j'étais justement la semaine dernière à Alma et dans ville Saguenay et j'ai rencontré plusieurs intervenants. Là-bas, c'était frappant à quel point les gens ? on ne s'était pas parlé avant ? dans des contextes très différents, nous répétaient la même chose, que, dans la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean, ils perdent en moyenne un autobus rempli de jeunes par semaine qui quittent et qui s'en vont. Puis, évidemment, vous connaissez la suite des choses, c'est les parents, trop souvent qu'autrement, qui suivent pour aller rejoindre leurs enfants, leurs petits-enfants dans certains cas. L'Abitibi-Témiscamingue, où j'étais dernièrement aussi, où ils ressentent avec beaucoup... Pour eux, là, c'est très dur, là, mais ils ressentent avec beaucoup d'amertume ce changement-là. Entre 1991 et 1996, c'est 2 484 personnes; entre 1996 et 2001, presque 10 000 personnes, 9 587. Côte-Nord, 3 513 entre 1991 et 1996, et là c'est 7 284 entre 1996 et 2001. C'est du monde.
Il y a un problème, M. le Président, dans les régions du Québec, un problème très sérieux. Et c'est beau de dire que le taux de chômage a baissé dans certaines régions du Québec, mais, quand le taux de chômage baisse parce que les gens ont quitté, ce n'est peut-être pas le meilleur des scénarios, ce n'est peut-être pas ce qu'on souhaite comme solution pour pouvoir faire justement baisser le taux de chômage. Puis, en ce sens-là, je veux rappeler au premier ministre, lorsqu'on parle de chiffres de chômage, que, là aussi, il faut regarder tout le portrait, pas juste une partie, hein? Il y a une expression en anglais, qui est formidable, qui dit: «There are lies, there are damned lies, and there are statistics.» C'est un cliché qui est plein de vérité. Et, quand on fait un peu le portrait justement des statistiques puis des chiffres pour les régions du Québec puis on fait une comparaison de mars 1996 à mars 2002, les chiffres les plus récents, on se rend compte que le taux, c'est-à-dire le ratio, l'écart du chômage dans les régions du Québec par rapport à la moyenne québécoise s'est agrandi dans plusieurs régions du Québec. Et c'est dans 12 régions sur 17 où l'écart s'est agrandi.
Alors, encore là, il faut juger la performance économique des régions dans le contexte de 2002. C'est-à-dire, on vient de vivre, là, ces 10 années de prospérité continue, sans interruption, puis, dans les régions du Québec, la situation, elle est pire, dans 12 régions sur 17 sur le plan de l'emploi, sur le taux de chômage, qu'elle l'était en 1996. Il y a un malaise, puis les députés le savent, la population l'a exprimé au moins à huit reprises lors d'élections partielles dans la dernière année, et on s'interroge toujours si le gouvernement actuel et son premier ministre ont reçu le message. Parce que, lorsque le premier ministre nous fait la déclaration qu'il nous fait ce matin puis qu'il nous parle de l'économie, de succès, bien, on veut bien l'applaudir, mais on aimerait bien aussi savoir si le premier ministre sait, si lui a entendu ce que, nous, on a entendu lors de ces élections partielles. Et, si oui, on aimerait savoir de la part du premier ministre ce que son gouvernement a l'intention de faire pour freiner l'exode des jeunes dans les régions du Québec, ce qu'ils ont l'intention de faire pour retenir les jeunes dans les régions.
n(10 h 10)n Il y a des réponses qui paraissent évidentes, là. Évidemment, on va créer de l'emploi. Oui, ça tombe sous le sens. Mais il y a d'autres enjeux où son gouvernement peut agir avec beaucoup plus, je pense, d'agressivité. Son ministre de l'Éducation annonçait récemment un montant, je pense, de plus d'une dizaine de millions de dollars pour soutenir le financement des cégeps dans les régions, ce qui nous paraît prioritaire et très important. Et, moi, j'ai entre les mains ici une liste, là, des autorisations en difficulté, pour l'année 2001-2002, de programmes dans les cégeps du Québec. J'en retrouve en Abitibi-Témiscamingue, programme de minéralurgie qui est en difficulté dans une région où on veut favoriser le développement et l'exploitation des ressources minières; à La Pocatière, la technologie de génie industriel qui est en difficulté; sur la Côte-Nord, à Baie-Comeau, technologie forestière qui est en difficulté; Gaspésie, les Îles-de-la-Madeleine, exploitation et production des ressources marines est sur la liste des programmes en difficulté dans les régions du Québec. Alors, ça tombe sous le sens qu'on devrait porter une attention particulière à ces programmes-là pour venir en aide à ces régions parce que, de notre point de vue à nous, M. le Président, si on veut retenir les gens dans les régions, il faut mettre en place des ressources, de la formation qui va leur permettre de justement occuper de l'emploi dans ces domaines d'activité là. Alors, j'espère... ou je m'attends à ce que le premier ministre nous dise aujourd'hui que son gouvernement va tenir compte, qu'il va reconnaître ce qui se passe dans les régions du Québec.
Mais il y a aussi, des fois, des tendances qui sont lourdes à travers le Québec, qui nous inquiètent un peu plus aussi. Je vais lui donner un exemple, parce qu'il s'intéresse à ces questions-là d'exportations. On apprenait récemment que le Québec perd des parts de marché dans l'exportation. Et je réfère à un article du journal Les Affaires du samedi 27 avril 2002, là, où on dit ceci: «Le Québec exportateur a perdu des parts de ses principaux marchés extérieurs. Sa part dans les importations américaines, qui s'établissait à 3,7 % en 1995, était retombée à 3,3 % en 2000, au même niveau qu'en 1990. S'il avait pu maintenir sa part sur ce marché à 3,7 %, il aurait vendu en 2000 pour 6 milliards de plus.
«Au Canada, la part québécoise des achats des autres provinces a chuté de moitié, passant de 18 % à 9 % de 1990 à 2000.
«"La performance ? et là, c'est une citation intéressante, parce que c'est quelqu'un qui travaille pour lui, dans son gouvernement, qui dit ceci, et je cite ? est un peu timide. Le Québec peut faire mieux", en conclut Marc-André Turcotte, conseiller en affaires internationales au ministère de l'Industrie et du Commerce, qui faisait un portrait de l'exportation québécoise au colloque organisé par le journal Les Affaires et la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.» Alors, c'est dire qu'il y a du travail à faire de ce côté-là.
Dans les régions, donc, il y a un problème d'exode, il y a un problème au niveau de ce que je définirais comme étant les infrastructures dans le domaine de l'éducation, mais également les infrastructures de transport où il y a des enjeux très importants. Là-dessus, je serais intéressé de savoir si le gouvernement est intéressé à faire les choses différemment, explorer, par exemple, la possibilité de partenariats public-privé dans les façons de faire du gouvernement.
Les services gouvernementaux dans le domaine de la santé, on pourrait en parler pendant des heures, il y a un problème très, très sérieux. Vous savez, il y a un titre aujourd'hui dans un journal qui dit qu'il y a un miracle en Gaspésie parce qu'il y a un orthopédiste qui va s'installer là. C'est frappant, quand même, le choix du mot dans le titre. Quand on décrit ça comme étant un miracle parce qu'un médecin-orthopédiste s'installe dans une région du Québec, c'est parce qu'il y a un malaise, hein? Puis dans le domaine de la santé... Et vous avez malheureusement, votre gouvernement, contribué avec le Programme de départs volontaires à amplifier un problème important. À cela s'ajoutait un resserrement, en même temps, des admissions dans les facultés de médecine puis en sciences infirmières. Reconnaissez aujourd'hui, M. le premier ministre, que ces politiques-là ont été des erreurs et que ça fait appel à une action vigoureuse de la part du gouvernement pour corriger le tir afin qu'on puisse redonner des services, entre autres dans les régions du Québec, à des gens qui ont payé pour ces services-là, qui ont le droit de les recevoir et pour qui c'est un élément extrêmement important dans le développement de leur région.
On s'interroge aussi sur les priorités du gouvernement. Vous avez choisi, dans la dernière année et lors de votre premier discours inaugural, de financer de nouvelles études sur la souveraineté. Vous avez centralisé justement au Conseil exécutif ? et j'aimerais vous entendre là-dessus ? tous les programmes de communication. J'aimerais savoir pourquoi vous avez fait ça. C'est 38 millions de dollars, au bas mot, là, qui est concentré, là, là-dedans, dans des programmes de pub, là, sur lesquels on s'interroge beaucoup. J'en ai un exemple ici, là, une pleine page de publicité, que vous avez achetée avec des fonds publics, dans les journaux. Et ça coûte des milliers puis des milliers de dollars, ça, alors que vous plaidez qu'il n'y a pas d'argent pour le réseau de la santé. D'ailleurs, les gens ont de la difficulté à comprendre le sens de cette publicité-là, mais enfin, c'est votre choix. Puis c'est à tous les jours, sur tous les sujets. Alors, difficile d'expliquer à un contribuable qui est déjà le plus taxé en Amérique du Nord pourquoi il n'y a pas d'argent pour la santé, là. J'imagine, pour les députés, ce n'est pas très confortable, puis se faire dire... alors que les mêmes personnes ouvrent leur journal le matin puis ils ont ça en pleine figure, là. C'est frappant un petit peu, là, hein? Puis sur les autoroutes. Alors, il y a de l'argent. Alors, M. le Président, c'est une des questions qu'on pose au premier ministre.
Mais j'aimerais rapidement, parce que le temps file, il reste quelques minutes seulement, lui poser des questions sur des enjeux et des sujets qu'on a déjà évoqués. Il y aura un budget, on présume, présenté par ce gouvernement-là, ou peut-être un autre budget s'il ne va pas en élection générale. On aimerait savoir s'ils vont effectivement et si le premier ministre va mettre en vigueur des suggestions que l'opposition officielle lui avait faites sur la transparence, sur un engagement que la ministre des Finances se présente à l'automne prochain devant la commission parlementaire des finances pour consulter et pour parler du budget qu'elle prépare, qu'elle devrait normalement être en train de préparer, si elle s'engage, s'engage à consulter formellement différents acteurs de la société québécoise, s'ils s'engagent à rendre public de façon claire et limpide le coût des crédits d'impôt.
Le premier ministre développe des crédits d'impôt pour la Cité du multimédia puis la Cité du commerce électronique, il serait intéressant qu'il puisse nous dire combien de nouveaux emplois ont été créés.
M. Landry: ...
M. Charest: Il dit 7 000 à voix haute, les gens ne l'ont peut-être pas entendu. Est-ce que ces emplois-là auraient été créés de toute façon?
M. Landry: Je ne pense pas.
M. Charest: Vous dites: Je ne pense pas, mais vous ne pouvez pas l'affirmer. Le mieux que vous pouvez nous dire aujourd'hui, c'est: Je ne pense pas.
M. Landry: Bien, l'économie, ce n'est pas comme la physique nucléaire.
M. Charest: Sauf que la Cité du commerce électronique, c'est 1,2 milliard de dollars pour financer des emplois qui existent déjà. Ça, là-dessus...
M. Landry: ...fantastique. Les gens viennent du monde entier pour voir ça.
M. Charest: Je n'ai pas interrompu...
Le Président (M. Lachance): Alors, s'il vous plaît!
M. Landry: ...le Québec dans ses...
Le Président (M. Lachance): Là, je vois que vous brûlez d'impatience d'échanger. Alors, nous en sommes encore à l'étape des déclarations d'ouverture, et, M. le chef de l'opposition, ça se termine dans les secondes qui suivent.
M. Charest: Merci, M. le Président. Je présume que le temps que m'a enlevé le premier ministre en m'interrompant ne me sera pas enlevé.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Charest: Je promets de ne pas l'interrompre. La question, c'est: Est-ce qu'on n'est pas en train de financer à coups de millions de dollars des compagnies qui font des millions de dollars de profits pour financer des emplois qui existent déjà? La réponse est oui. Il dit non, la réponse est oui.
Alors, M. le Président, j'espère avoir l'occasion d'échanger sur plusieurs autres sujets avec le premier ministre. Je conclus en vous signalant qu'on aimerait bien savoir aussi, sur sa réforme électorale, ses projets maintenant de changer la Loi sur les consultations populaires, les échéanciers, les raisons qui l'amènent à vouloir le faire et ce qu'il nous réserve. Et j'espère avoir l'occasion d'échanger de façon conviviale, productive sur ces questions-là. Merci.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le chef de l'opposition officielle. Et je cède maintenant la parole au député de Rivière-du-Loup pour sa déclaration d'ouverture.
M. Mario Dumont
M. Dumont: Alors, merci, M. le Président. Je veux, aujourd'hui, parler, échanger avec le premier ministre. Il a, hier ? je peux l'en remercier d'une certaine façon ? lancé un débat sur des idées que notre parti met de l'avant. C'est certainement un débat qui peut être intéressant, qui doit se faire et sur lequel... Il serait intéressant que, de son côté, on ait une vision plus claire des actions du gouvernement parce que, en attendant, en tant que premier ministre, il se fait plus fort pour critiquer le programme des autres que pour nous donner lui-même une orientation claire, un plan d'action clair, un menu législatif étoffé, structuré concernant une action gouvernementale qui, pourtant, est réclamée d'une façon insistante par les citoyens.
Le premier ministre a notamment souligné hier: L'ADQ veut réduire la taille de l'État. Il a raison. Il en fait la promotion, je l'en remercie. C'est tout à fait juste et vrai, l'ADQ pense que le gouvernement du Québec est trop gros, trop lourd, qu'il y a trop de... Entre le fonctionnaire à la base et le sous-ministre à la tête, il y a trop d'étages, il y a trop de couches, et ça fait partie des choses qu'on veut améliorer pour les citoyens du Québec pour permettre de baisser les taxes et les impôts de la classe moyenne qui supporte tout ça.
n(10 h 20)n Le premier ministre a rappelé que l'ADQ veut une véritable politique familiale et non pas un monopole d'État des garderies à 5 $ où c'est le gouvernement qui décide à la place des parents ce qui est bon pour eux. Il a raison, on n'est pas contre l'existence d'un réseau public à 5 $, mais, nous, on veut un bon de garde dans les poches des parents, de donner un vrai libre choix aux parents. Là-dessus aussi, je le remercie d'en faire la promotion.
Mais les questions que j'ai pour le premier ministre sont beaucoup sur deux choses. Deux choses, la première, c'est... En attendant, c'est lui qui est au pouvoir, et c'est très précieux, le pouvoir. Disons, le privilège d'être premier ministre, de gouverner, c'est un privilège qui est accordé par la population, par la confiance électorale qui est exprimée, même si elle n'a pas été souvent répétée dans les récentes élections partielles. Mais son gouvernement a toujours la majorité en Chambre ou la majorité de ceux qui ont obtenu la confiance des citoyens du Québec, et c'est trop précieux pour être gaspillé. C'est trop précieux, le pouvoir, pour tenir le temps, pour récompenser les amis qu'il y a autour, puis tenir le temps. C'est beaucoup trop précieux pour ça, ça doit être utilisé pour faire des choses. Le pouvoir, ça doit être utilisé pour améliorer le sort d'une population, et, là-dessus, le plan d'action de son gouvernement, il est extrêmement mince. Le menu d'actions des prochains mois est extrêmement mince. Sa présentation de ce matin en fait foi. Je veux dire, il rappelle des statistiques, là, certaines véritables qui reflètent la croissance nord-américaine, d'autres statistiques trompeuses qui reflètent simplement que, dans certaines régions, le départ des plus jeunes fait que le chômage, nécessairement, baisse. Ceux qui n'ont pas d'emploi s'en vont. Ça fait que ça fait des chômeurs de moins dans la région, ils ne sont plus là.
Donc, je pense que le premier ministre a un devoir de nous dire où il s'en va, de nous dire qu'est-ce... Il est au pouvoir à l'heure actuelle, il a les leviers entre les mains, il a les budgets du Québec et les pouvoirs législatifs entre les mains. Quel est son plan d'action? Qu'est-ce qu'il fait pour améliorer le sort des gens? Et ça, les gens se le demandent, parce que ce que les gens ont vu... Depuis le jour de l'An, là, ceux qui suivent un peu l'actualité, ce qu'ils ont vu, c'est un premier ministre préoccupé de nommer plus de ministres, plus de monde pour faire campagne en limousine, c'est un premier ministre qui a été pris dans des histoires de lobbying, qui maintenant prépare une mauvaise loi pour supposément y répondre ? on y reviendra ? mais bien peu de choses, bien peu de choses dans le plan d'action qui touchent la vie des citoyens et l'amélioration de leurs conditions de vie dans l'ensemble des régions du Québec.
L'autre question que je dis au premier ministre, c'est sur les prétentions sociales ou sociales-démocrates ? il peut prendre le vocabulaire qu'il veut ? mais sur l'absolutisme de la générosité sociale dont il affuble son propre parti. Je regarde les mesures de son parti, il dit: L'ADQ veut réduire, veut dégraisser l'État, il a raison. La seule place où son gouvernement, le Parti québécois, a réduit la taille du secteur public, c'est exactement où il ne fallait pas, juste à côté des malades, là. Les infirmières, juste à côté des malades, ceux et celles qui passaient dans les chambres. Là-dessus, on a coupé. Là-dessus, là, le gouvernement du Parti québécois a coupé, pas dégraissé la machine, pas fait le ménage où il fallait le faire. Alors, je veux savoir en quoi ça, ça lui permet de, lui, parler de générosité sociale.
L'assurance médicaments, ils ont voté ça en appelant ça un programme social. Le pauvre monde, les travailleurs autonomes, les gens qui s'arrachent la vie à petits revenus qui vont bientôt, si son gouvernement ne se réveille pas, qui vont bientôt payer pas loin de 500 $ par année pour ce programme-là, beaucoup plus que les quelques cennes de baisse d'impôts qu'ils ont à toutes les deux semaines, pour ceux qui sont salariés. Je pense que le premier ministre a un devoir de non pas se prendre le monopole de la générosité sociale, mais d'expliquer les politiques de son gouvernement et d'expliquer aux gens qui sont touchés par ça, à ceux qui le font, le chèque, qui le sortent de leur compte de banque, le chèque avec l'argent qu'ils ont durement gagné... de leur expliquer en quoi ça, c'est de la générosité sociale.
Puis même chose aux gens de la classe moyenne qui, au cours des dernières années, hein... Ce qu'ils ont vu, les gens de la classe moyenne, c'est que ce n'est jamais leur tour, hein? Ce n'est jamais leur tour. Il fallait qu'ils paient pour le déficit zéro puis il fallait qu'ils paient pour le 11 septembre. Puis ils sont toujours supposés avoir un baisse d'impôts, puis, quand ils ont une baisse d'impôts, c'est une couple de piastres, mais, finalement, avec les augmentations qui sont nécessaires, là, à la Régie des rentes, avec le transfert, le pelletage dans la cour des municipalités puis avec l'assurance médicaments, leur pouvoir d'achat réel, il n'augmente pas, il baisse. En quoi, ça, que la classe moyenne, la vache à lait du système, les travailleurs ordinaires de la classe moyenne... en quoi de les écraser, de les étrangler, comme son gouvernement l'a fait, a continué à le faire année après année... en quoi, ça, ça a un caractère social?
En quoi sa politique familiale... Les gens qui travaillent à temps partiel, ceux qui travaillent de nuit, ceux dont les deux conjoints n'ont pas le bel horaire de travail que le gouvernement a prévu, là, du matin au soir, là, de vers 9 heures... huit heures et demie, 9 heures, le matin, jusqu'à quatre heures et demie, 5 heures, le soir, ceux qui ne rentrent pas dans le moule de son gouvernement puis qui se sont fait enlever les allocations familiales, puis qui se sont fait lessiver par son gouvernement, avec comme résultat une baisse de la natalité, d'ailleurs, comment ces gens-là doivent lire dans les politiques de son gouvernement, un gouvernement qui se déclare le monopole de la générosité sociale? Moi, je veux mieux comprendre ça, parce que, effectivement, on a un modèle de gouvernement à l'esprit qui est différent de celui que le premier ministre propose. Mais je suis fort intéressé à débattre en quoi, pour la vie du monde, là, les gens qui les vivent, les politiques... en quoi il peut se déclarer ou se prétendre du monopole de la générosité sociale.
Je disais tout à l'heure: Son action est bien mince. Son plan d'action pour les PME du Québec, là, celles qui créent l'emploi, on attend toujours. On a eu des discours à gauche et à droite sur l'allégement de la réglementation. Pourtant, les politiques du gouvernement avancent vers des nouvelles réglementations, exactement le contraire. Pour les régions, on est en attente d'actions concrètes. On est toujours à vivre sur les petits bonbons de veille d'élection. Les gens attendent et...
Je vais commenter finalement ce qui est une des seules actions, une des seules pièces législatives que son gouvernement a mises de l'avant, qui est la loi sur le lobbying, une très mauvaise loi, une grande erreur du gouvernement, provoquée par lui-même, hein, qui n'est pas issue d'un débat public qui se serait tenu d'une façon saine et intelligente, qui est issue d'une panique, là, qui a commencé dans un conseil national de son gouvernement... de son parti, pardon, qui s'est propagée dans son gouvernement et dont maintenant on veut sauver la face en déposant une loi dont l'effet va être l'augmentation du lobbying.
Parce que, quand on lit la loi, on s'aperçoit qu'il y a une foule de gens qui, dans leur profession... Il y a là des fiscalistes, des avocats, des notaires ? j'en oublie probablement une foule ? des gens qui, dans leur profession, au quotidien, avaient, d'une façon tout à fait saine et normale, à échanger, transiger, questionner avec des gens qui sont au sein de l'État québécois et qui ne pourront plus le faire, à moins de s'inscrire comme lobbyistes, et qui ne le feront plus. Donc, ils vont dire à leurs clients: Bien là, pour le téléphone qu'il y a à faire à un fonctionnaire, là, va falloir que tu te prennes une firme de lobbying. Donc, un gouvernement qui fait une loi sur le lobbying qui va augmenter le volume d'affaire du lobbying.
Et comment ne pas s'inquiéter de l'augmentation du volume d'affaire dans ce secteur-là quand on lit La Presse de ce matin puis qu'on s'aperçoit que... Bon, on connaît les problèmes qu'a eus le premier ministre, ses relations, le Parti québécois, avec ce genre de pratiques là qui débordent largement le lobbying, là, qui sont des pratiques pas mal plus questionnables que le lobbying dans le sens professionnel du terme. Puis là on s'aperçoit que c'est rendu une coche plus loin: «Sentant venir la victoire, les lobbyistes libéraux se préparent.» Même la vice... Je crois comprendre que la vice-présidente de la Commission politique du PLQ est elle-même dans le lobbying. On est sur le point de sentir que le programme... Parce qu'on dit, là: Le Parti libéral est à préparer son programme, je veux dire, le programme libéral est en vente aux enchères, là, dans le monde des lobbyings, là. On dit aux gens finalement: Aïe! là, là, regardez les sondages, pour l'instant, le Parti libéral semble être en avance, ça fait que vous êtes mieux de commencer à vous coller sur eux autres.
Quand une firme de lobbying dit, là... On n'est pas innocents, là, quand un firme de lobbying dit: «GPC croit qu'une entreprise aussi importante que la vôtre doit profiter des prochains mois pour tisser des liens plus étroits et solides avec les libéraux, qui sont à élaborer leurs différentes politiques gouvernementales», ça, ce que ça veut dire, là, c'est: Crachez l'argent à la campagne de financement des rouges au plus vite si vous voulez avoir vos bonbons. C'est ça qu'ils disent.
n(10 h 30)n Et le premier ministre, lui, il dépose une loi dans laquelle il va augmenter la place du lobbying au sein de la société québécoise. J'espère qu'on va étudier ça un peu plus sérieusement. J'espère que son gouvernement ne se lancera pas dans un geste, pour sauver la face, qui aurait des conséquences, à mon avis, extrêmement questionnables, extrêmement inquiétantes sur l'avenir, et ceci dit en tout respect pour cette profession. Parce que je pense que ça peut exister que des gens qui sont, exemple, des étrangers, qui viennent d'un autre pays ne connaissent pas le fonctionnement du gouvernement du Québec, ne connaissent pas les organismes, ils ne savent pas comment ça marche, qui vont faire affaire avec... Nonobstant la couleur politique de ceux qui sont au pouvoir, ils s'en foutent éperdument, ils veulent que des gens professionnels, connaissant les structures politiques du Québec, vont les démêler là-dedans, vont les amener aux bonnes portes pour obtenir un permis ou pour obtenir les droits d'usage, etc. Ça, tout le monde comprend ça. Mais là on déborde largement de ça, et je pense que le projet de loi du gouvernement n'en est pas un qui est sain, n'en est pas un qui est sur des bonnes bases.
Et on va en parler un peu, de ça, de lobbying, parce qu'il y a bien de l'hypocrisie derrière ça. Le gouvernement lui-même dépose un rapport sur la simplification des formalités administratives, la simplification de la réglementation. Le logo que le gouvernement met, c'est un labyrinthe. On peut dire: C'est quand même un bel exercice de prise de conscience. Le gouvernement dépose un rapport sur son fonctionnement puis sur les règles administratives que les PME puis les entreprises ont à rencontrer puis il met comme logo, sur la page couverture, un labyrinthe.
Bien peut-être que, s'il y a un paquet d'entreprises, d'organismes qui sont obligés justement de faire affaire avec des firmes spécialisées puis de plus en plus qui ont à faire affaire avec des firmes spécialisées parce que semble-t-il que ça raccourcit les délais puis ça leur permet de sauter par-dessus des procédures, peut-être que ça veut dire que la machine, elle ne répond plus aux besoins. Peut-être que c'est la machine qui a un problème.
Si les simples citoyens, des dirigeants de PME, du monde intelligent, parce qu'ils se sont débrouillés dans pas mal d'affaires dans la vie puis ils ont monté des beaux projets, quand ils arrivent avec le gouvernement du Québec, là, non, ils ont rencontré bien des difficultés, mais ça, c'est au-dessus de leurs capacités, puis il faut, entre autres, qu'ils fassent affaire avec une firme de lobbying pour les démêler là-dedans, peut-être qu'on serait dû pour la simplifier, la machine, peut-être qu'il faudrait s'attaquer à la racine du problème, faire un certain ménage dans les structures, dans l'efficacité de la machine, dans les délais de réponse qui sont normaux pour des gens qui attendent des réponses pour faire des projets. Qu'on s'attaque à la racine du problème, ça irait déjà mieux.
Et, deuxièmement, peut-être que le problème est encore plus fondamental et peut-être que ce qu'on est en train de s'apercevoir tristement ? puis tant mieux si on s'en aperçoit, puis ça amène une prise de conscience dans notre population ? c'est que, si les programmes politiques se font dans les firmes de lobbying, si les vraies relations au gouvernement se font à travers les firmes de lobbying, c'est parce que le poids des citoyens, avec les dernières années de recul démocratique que le Québec a vécues, le poids des citoyens est en baisse puis le poids de l'argent est en hausse. C'est peut-être ça qui est en train de se produire. Si c'est ça, qu'on en fasse une prise de conscience, qu'on prenne les gestes appropriés, mais pas une pseudo-loi sur le lobbying qui, dans le fond, va faire qu'il va y en avoir plus plutôt que d'avoir un meilleur encadrement. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Rivière-du-Loup. Est-ce qu'il y a d'autres interventions à l'étape des déclarations d'ouverture? Ça va?
Discussion générale
Alors, nous allons maintenant amorcer les échanges. Nous amorçons cette étape où, par blocs de 20 minutes, encore une fois, pour permettre davantage d'échanges... Et je cède la parole immédiatement au chef de l'opposition officielle.
Projet de loi sur la consultation populaire
M. Charest: J'ai soulevé, M. le Président, quelques questions avec le premier ministre. Peut-être lui en donner quelques-unes.
D'abord, son gouvernement ? on a appris ça par les médias ? se propose de déposer une loi sur les consultations populaires. D'ailleurs, on croit comprendre qu'il a emprunté directement du programme de l'ADQ cette nouvelle proposition. Le PQ, aux dernières partielles sur la Côte-Nord, le candidat était souverainiste. En tout cas, il a plaidé sur la souveraineté. Il semble l'avoir perdue en route vers l'Assemblée nationale du Québec. Il a dû l'échapper dans le comté de Charlevoix à quelque part, sa souveraineté.
Alors, si j'ai bien compris, l'ADQ est en train de se «péquiciser» puis le PQ est en train de s'«adéquiser» et, de tout ça, peut-être que le premier ministre peut nous faire la lumière et nous dire ses intentions sur le dépôt de ce projet de loi.
Candidature de M. David Levine
aux élections partielles
Mais, en même temps, comme il s'agit d'une question qui touche la pratique démocratique au Québec, est-ce que le premier ministre peut très rapidement nous confirmer que son ministre nommé, M. Levine, va subir un test électoral avant la fin du mois de juin, comme il a l'obligation morale de le faire?
Le Président (M. Lachance): M. le premier ministre.
Projet de loi sur la consultation
populaire (suite)
M. Landry: D'abord, moi aussi, je sais que le trajet Québec?Baie-Comeau est long, mais, qu'il produise de telles perturbations idéologiques, ça, je ne le savais pas.
Le candidat de l'ADQ, durant la campagne électorale, a dit qu'il était souverainiste et, dès qu'il a été rendu dans cette Assemblée nationale, il ne l'était plus. Alors, ça témoigne au moins de la faiblesse de ses convictions et de ses fidélités successives sur un sujet qui n'est pas mineur, là, c'est le destin du peuple québécois. Il est souverainiste durant la campagne électorale, il ne l'est plus après avoir été assermenté comme député dans notre Assemblée nationale.
Alors, avant, les gens regardaient moins les gestes de l'ADQ, la craignant... la croyant vouée pour toujours à la marginalité, ce qui sera probablement le cas aussi. Mais le phénomène va s'accentuer parce que, maintenant, on va demander des comptes à l'ADQ, on va regarder son programme et on va voir que c'est le contraire d'un programme progressiste, ce qui me fait répondre aussi à la deuxième question du chef de l'opposition. M. André Larocque était un conseiller de René Lévesque, et l'idée des référendums, consultations populaires, initiatives est une idée «lévesquiste». Il a été provisoirement à l'Action démocratique, M. Larocque. Il est resté quelque temps, il a vu la vacuité totale de ce parti en termes d'idées, il l'a quitté et il est revenu, mais l'idée de Lévesque dure.
Et, effectivement, le ministre responsable de la Réforme des institutions a déjà commencé à susciter un débat important dans notre société sur diverses adaptations de notre système démocratique pour donner plus de pouvoirs aux citoyens, mais ce serait paradoxal si, en faisant ça, on ne consultait pas les citoyens. Alors, les mois qui viennent vont être surtout des étapes de réflexion et de consultation quant à cette réforme et d'autres. On sait que plusieurs États dans le monde, très avancés, font de ces consultations à initiative populaire et que le Québec considère le faire pour rapprocher le pouvoir du peuple. Ce n'est pas une mauvaise chose, mais ça ne se fera pas évidemment sans une discussion et une amorce de consensus populaire.
Candidature de M. David Levine
aux élections partielles (suite)
Quant à M. David Levine, un des meilleurs experts en santé d'Amérique, qui fait du très bon travail d'ailleurs comme ministre non élu, suivant la virtualité donnée par nos conventions constitutionnelles, il affrontera l'électorat en temps et lieu. La coutume n'est pas qu'on révèle à l'étude des crédits les dates des élections. Mais le chef de l'opposition peut avoir évidemment notre parole ? et il n'en avait pas besoin, il le savait d'avance ? que M. Levine, dans les délais historiques de ce genre de situation, affrontera l'électorat.
Le Président (M. Lachance): M. le chef de l'opposition...
M. Landry: ...des échanges, c'est pour ça que je ne veux pas parler trop longtemps.
M. Charest: Oui. Oui, bien, c'est juste pour conclure sur le cas de M. Levine ? et je ne veux pas prolonger le débat ? vous réitérer qu'on s'attend à ce que M. Levine fasse son test électoral d'ici la fin du mois de juin, et vous conviendrez, M. le premier ministre, que la convention veut qu'un ministre nommé subisse ce test-là à la première occasion. C'est ça, la convention. Il y a déjà un accroc parce qu'il y a eu une ronde de partielles où il n'a pas été candidat. Il y aura une deuxième ronde de partielles qui... Selon l'information qu'on a, la meilleure information, c'est qu'elles auront lieu avant la fin du mois de juin. S'il devait ne pas participer, là, je pense qu'on aura dépassé la limite acceptable. Je vous le dis respectueusement, vous aurez l'occasion sans doute de nous confirmer qu'il sera candidat.
Projet de loi sur la consultation
populaire (suite)
Sur la loi, si j'ai bien compris, le gouvernement n'a pas fixé de position à ce moment-ci parce que vous allez consulter. Bon. Alors...
M. Landry: Notre méthode, c'est de susciter un débat, qui était déjà commencé dans la société civile, sur la proportionnelle, sur la constitution. Il y a divers groupes non partisans, d'ailleurs M. Ryan en fait partie, et des gens qui ont été liés à notre formation politique depuis toujours qui en font partie également. On veut qu'il y ait un débat de société idéalement non partisan. On veut voir ce débat s'épanouir un peu puis, ensuite, prendre les décisions qui s'imposeront.
Retombées économiques de la création
de la Cité du multimédia et de la Cité
du commerce électronique
M. Charest: Je veux revenir à une question qui a provoqué chez vous une réaction pendant ma présentation, la question des emplois dans la Cité du multimédia et la Cité du commerce électronique. La question que je posais est la suivante: Est-ce que vous pouvez démontrer, en toute certitude, que ces emplois n'auraient pas été créés de toute façon?
n(10 h 40)nM. Landry: Oui, je...
M. Charest: Vous semblez vouloir l'affirmer. Si vous me permettez, c'est parce que je veux vous citer une étude qui a été rendue publique en février 2002. Le titre, c'est: La Cité, une politique efficace pour la nouvelle économie? C'est par Pierre Desrochers.
M. Landry: Par qui?
M. Charest: Pierre Desrochers, directeur de la recherche de l'Institut économique de Montréal. Alors, dans le résumé, d'abord, on relève que le gouvernement québécois encourage, depuis la fin des années quatre-vingt-dix, les entreprises oeuvrant dans un même domaine à déménager à l'intérieur des zones désignées au moyen d'exemptions fiscales qui coûteront plus de 2 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie, et il dit: «Cette politique des cités industrielles ne repose toutefois sur aucune analyse détaillée.» S'il y a des analyses détaillées, je présume qu'elles ont dû être faites avant pour qu'on puisse en mesurer l'impact. Entre autres, juste pour parler d'une dimension, les projets de cités, ça a eu un impact sur le développement immobilier de la ville de Montréal, sur les choix que font... et sur l'économie de la région de Montréal, évidemment, mais sur le développement immobilier. Est-ce que le gouvernement a fait des études pour mesurer l'impact que cela aurait sur le développement immobilier de la ville de Montréal avant de mettre en place ces politiques-là?
Il dit entre autres: «Il n'y a aucune raison de croire qu'ajouter une dimension géographique à ces avantages fiscaux soit bénéfique.» Et là, plus spécifiquement, il dit: «Il est inutile de fournir des exemptions fiscales aux entreprises pour qu'elles se regroupent à l'intérieur d'un espace géographique, car elles le font spontanément.» Dans ses conclusions, il dit: «Les concepteurs de cités industrielles disent qu'elles vont encourager la formation de synergies novatrices. On constate cependant partout à travers le monde que la plupart des entreprises localisées dans des districts spécialisés ont moins de contacts avec leurs voisins immédiats qu'avec des entreprises établies dans d'autres régions. Leur localisation à l'intérieur d'un district industriel ou d'un parc scientifique n'est pas une condition nécessaire à la réussite, car plusieurs entreprises de pointe sont prospères malgré un certain isolement. Une localisation à plus de 1 000 km de la Silicon Valley n'a pas nui à la croissance de l'extraordinaire Microsoft.» Il ne peut pas y avoir un exemple plus probant que ça.
«La politique des cités industrielles prône la superspécialisation des entreprises selon le secteur d'activité. Cette approche va à l'encontre de plusieurs analyses selon lesquelles les villes les plus diversifiées sont celles qui créent le plus d'emplois, notamment parce qu'elles multiplient les possibilités de contacts entre individus ayant des expertises variées. La politique des cités industrielles soutient financièrement le déménagement d'entreprises d'un quartier à un autre.» Et là, ironiquement, M. Desrochers continue en disant que ça nuit même à la Caisse de dépôt et de placement du Québec, qui est propriétaire de plusieurs édifices qui sont, eux, influencés ou en tout cas victimes de ce type de décisions. «La création de sites désignés a entraîné le report de plusieurs projets de construction d'immeubles à bureaux dans d'autres secteurs qui ne peuvent rivaliser avec les loyers subventionnés.» Ça, je pense que le premier ministre est sensible à cela.
Mais je vais juste conclure, M. le Président, en rappelant au premier ministre que, selon vos dépenses fiscales, en 1996, c'est environ 800 millions de dollars qu'on payait pour des crédits d'impôt et qu'en 2001 on est rendu à 1,8 milliard de dollars.
M. Landry: Quelle année?
M. Charest: 2001. 1996, 800 millions; 2001, 1,8 milliard. Ça, c'est 1 milliard de plus dans l'espace de cinq ans. Puis qu'en même temps la part des investissements privés au Québec continue de diminuer; on est rendu à 17 % de l'ensemble canadien. Alors, est-ce qu'il n'y a pas là matière à s'interroger?
Et je reviens à la question de base que je vous posais il y a une minute ? là, je pense à la Cité du commerce électronique, entre autres: Êtes-vous capable de nous affirmer aujourd'hui que vous n'êtes pas en train de subventionner des emplois qui existent déjà et qui sont simplement déménagés d'un édifice à l'autre?
Le Président (M. Lachance): M. le premier ministre.
M. Landry: Oui. D'abord, je respecte beaucoup M. Desrochers et son Institut. C'est la voix de la droite conventionnelle et traditionnelle, c'est comme les Chicago Boys. C'est tout à fait respectable, il faut de la droite dans un pays, ne serait-ce que pour bien faire ressortir les mérites des politiques interventionnistes de répartition, de justice et les politiques sociales-démocrates. Alors, il y a des conservateurs en Grande-Bretagne et puis il y a même parfois, hélas, de l'extrême-droite qui réussit à performer dans certains pays. Donc, les idées conventionnelles en matière d'économie qu'expriment ces intellectuels peuvent avoir un intérêt théorique. Moi, j'aime encore ça lire ces choses-là. C'est pour ça que, quand j'entendais le chef de l'opposition me les lire, c'était une redite, pour moi. Je l'avais lu, son papier. Mais la réalité souvent dément les intellectuels. La réalité, c'est têtu, c'est plus têtu que les intellectuels, et puis les chiffres, surtout quand ces chiffres visent des jeunes gens qui travaillent, nous sortent complètement de la théorie. Là, ça devient la pratique de la vie de tous les jours. Et, hors de tout doute, les programmes visant la répartition géographique de la haute technologie au Québec ont joué un rôle déterminant, et pas rien que dans la Cité du multimédia, mais également dans tous les autres points du territoire, incluant les carrefours de la nouvelle économie.
Alors, je vais lui donner des chiffres qui sont probants. Dans les carrefours de la nouvelle économie, il y a actuellement 1 900 emplois. Là, j'ai dit que j'irais bientôt à Rimouski participer à la création de 300 autres. Comment se fait-il que ça n'arrivait pas avant? Comment se fait-il que, dans tous les points du territoire, avant ces politiques audacieuses, ni Montréal ni le Québec n'étaient réputés dans le monde pour la haute technologie? M. Desrochers pourrait nous répondre à ça. La Cité du multimédia elle-même, aujourd'hui, au moment où on parle, c'est 5 840 emplois. C'est sûr, je l'ai dit, on est parti de bases d'entreprises existantes. Il y en avait qui avaient trois emplois avant, puis là ils en ont 300. Il tombe sous le sens, à moins d'être perdu dans des théories fumeuses, que, quand on a un crédit d'impôt remboursable, par emploi créé, de l'ordre de celui qu'on donne dans la Cité du multimédia, le chef d'entreprise crée ses emplois plus vite qu'autrement. Non seulement il les crée plus vite, mais des fois il les crée, alors qu'il ne les aurait jamais créés. Alors, l'économie, ce n'est pas comme la physique nucléaire, ce n'est pas une science exacte, mais c'est quand même basé sur le bon sens et le raisonnement. Et le bon sens et le raisonnement, il est là. À Québec, 2 548 emplois dans des carrefours de la nouvelle technologie. Allez voir dans le quartier Saint-Roch, ici. C'était le symbole de la misère et du misérabilisme naguère, et là le CDTI et les autres interventions massives à coups de crédits d'impôt font que ce quartier resplendit, il se repeuple de jeunes. Les gens vont y travailler. Ça a bouleversé complètement le paysage urbain de cette partie de notre capitale nationale. Au total, il y en a, de ces emplois créés, 11 997. Aujourd'hui, là, des jeunes gens et des jeunes filles sont rentrés au travail à cause de ces politiques qui sont reconnues dans le monde entier.
Quant à l'impact immobilier, c'est vraiment très surprenant. Et ça aussi, ça démontre que les intellectuels des fois sont dans la théorie pure, puis ils écrivent leurs articles comme s'il ne se passait rien dans la rue ou ils écrivent leurs articles avant que ce soit visible dans la rue, ce qui finit par démentir leurs articles. Tout le monde sait que Montréal est dans une explosion immobilière dans les plus importantes de son histoire, en tout cas depuis qu'on a des statistiques. La ville de Montréal...
Des voix: ...
M. Landry: Je pense que je vais arrêter, parce que c'est tellement diamétralement opposé à ce que dit le chef de l'opposition que j'aimerais qu'il m'entende.
J'étais sûr que vous seriez passionné par ce que j'allais dire. Malgré vos talents, on ne peut pas écouter deux personnes à la fois. Alors, j'ai arrêté.
M. Charest: Vous seriez surpris.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Landry: Bien, non, je ne serais peut-être pas surpris. Si vous en écoutez deux à la fois, vous pouvez n'en comprendre aucune, alors attention.
n(10 h 50)n Mais, moi, je vais vous parler d'économie. Vous avez parlé, tombant dans le piège théorique du professeur que vous avez cité, de problème immobilier à Montréal. Le récent boom immobilier ? le récent boom immobilier ? a incité la revue Building à choisir Montréal comme promoteur de l'année, en immobilier. Habituellement, cette revue choisit un promoteur, mais là, à Montréal, c'était tellement fort et tellement puissant qu'ils ont choisi Montréal. Alors, ce magazine spécialisé est quand même distribué à 40 000 exemplaires. Ça fait un gros magazine spécialisé, à Toronto. «Ce qui se passe à Montréal est très intéressant, dit le magazine. Il s'agit de la ville qui accomplit les projets les plus créatifs au Canada», explique Sheri Craig qui a écrit l'article. L'effervescence de la construction dans le centre-ville de Montréal, rue Sainte-Catherine en particulier, les a convaincus. Le magazine souligne également la renaissance industrielle de la métropole. Là, ce n'est pas un professeur, de droite, de Montréal qui écrit, là, c'est un magazine torontois qui parle avec envie. Et je recite: «Le magazine souligne également la "renaissance industrielle" de la métropole avec la Cité du multimédia ? dans l'immobilier ? la Cité du commerce électronique [...] le Technoparc situé dans l'arrondissement de Saint-Laurent» ? dans l'arrondissement, vous avez bien entendu; il faut que ça reste un arrondissement de cette magnifique grande ville qui s'appelle aujourd'hui Montréal. L'idée de rénover les terrains de Benny Farm par le Fonds foncier communautaire Benny Farm et l'arrivée du Club Med au centre-ville de Montréal ont également aidé à cette cause.» Alors, je supplie pratiquement le chef de l'opposition de ne pas ternir par ses propos une des plus belles périodes de l'histoire immobilière de la métropole du Québec. Si c'est constaté à Toronto avec enthousiasme au point de les choisir promoteurs de l'année, est-ce que l'opposition officielle ne pourrait pas faire un petit effort et être un peu moins partisane et dire: Oui, c'est vrai, on le confesse, jamais l'immobilier à Montréal ne s'est aussi bien porté, alors que le chef de l'opposition, hélas, a dit le contraire.
La revue Commerce maintenant. Ian Barcelo, dans la revue Commerce, affirme, et je vais le citer au texte parce que son langage est très imagé: «La Cité du multimédia est pétante de santé, dit-il.» Et puis: «Les entreprises québécoises de multimédia ont bien traversé la tempête qui a secoué l'univers des hautes technologies, ce qui n'a pas été le cas pour plusieurs sociétés établies ailleurs au Canada, particulièrement en Ontario. Cela s'explique pour deux raisons: la présence des programmes gouvernementaux, aide fiscale applicable tant à la création d'emplois qu'à la conduite de la R & D, et les crédits d'impôt ont permis une croissance accélérée des entreprises et leur positionnement rapide sur les marchés internationaux.» Ça, c'est la méthode comparative. À Toronto, il n'y en a pas, de ça, parce que... c'est un gouvernement estimable, j'ai beaucoup d'admiration pour M. Mike Harris et son successeur que j'ai bien connu quand il était ministre des Finances, mais c'est des gens de droite. Alors, ils n'ont pas ça.
Alors, ce que je présume, c'est que le Parti libéral va continuer à s'inspirer de la droite telle que représentée par l'Institut qu'il a cité. C'est normal: vous êtes des libéraux, des néolibéraux et des libéraux. Mais, nous, on va continuer à s'inspirer de l'interventionnisme qui a littéralement transformé le Québec et la ville de Montréal.
Je vais vous donner encore d'autres témoignages étrangers parce que c'est plus objectif et puis... trois autres, ensuite je joue le jeu des échanges, je ne veux pas parler trop longtemps. L'étude de PricewaterhouseCoopers, en octobre 2000 ? c'est une étude internationale, ça, mondiale ? classe Montréal au quatrième rang en Amérique du Nord pour le nombre d'emplois per capita dans les secteurs de la haute technologie, alors qu'il y a cinq ans, je le redis, l'image de Montréal, c'était une montagne de poussière grise, et la Gazette en rajoutait un peu à tous les jours. Alors, ça, c'est PricewaterhouseCoopers.
La revue américaine Wired, elle, classe Montréal au cinquième rang mondial, cette fois-là, des plaques tournantes de la nouvelle technologie, à égalité avec New York, Seattle, Los Angeles, Paris et Tokyo. Alors, ça, ça me fait dire que, puisque ce n'était pas là avant la Cité du multimédia, avant la Cité du commerce électronique, avant les crédits d'impôt, puisque, à Toronto, le même phénomène ne s'est pas produit et qu'ils se sont effondrés plus vite quand le tremblement de terre est arrivé, que les crédits d'impôt, la Cité du multimédia, les CDTI, les CNE dans l'ensemble du Québec, y compris à Rimouski, ont eu un rôle déterminant dans la renaissance technologique du Québec, et nous sommes fiers d'avoir fait cela, et il eût été catastrophique que le Parti libéral non interventionniste ait été au pouvoir durant la même période, et ce serait catastrophique s'il venait au pouvoir pour redéfaire ça.
Le Président (M. Lachance): M. le chef de l'opposition.
M. Charest: M. le Président, on a pris bonne note du fait que le premier ministre déclare avec beaucoup de fierté, haut et fort, qu'il est interventionniste, qu'il a l'intention de continuer à intervenir, et les gens qui le savent le mieux, qu'il est interventionniste, et connaissent bien ses convictions profondes à ce niveau-là, c'est tous les citoyens du Québec, qui viennent justement de compléter leur rapport d'impôts et qui en paient le prix, parce que le prix qu'on en paie, c'est d'être les contribuables les plus taxés, aussi, en Amérique du Nord. Là-dessus, on connaît les conséquences de toutes les interventions du premier ministre.
Mais je prends en note aussi qu'il ne m'a pas cité, à moi, d'étude qui nous dit qu'il y a un impact ou que son gouvernement a fait ce qu'il aurait dû faire, avant de mettre en place ces programmes-là, pour évaluer l'impact que ça aurait sur le marché de l'immobilier à Montréal.
Je vais lui donner un exemple, là, des exemples de ce qui arrive quand on met en place ces politiques-là. Il y a une compagnie, qui s'appelle Wanted Technologies, qui était sur la Grande-Allée, ici, à Québec, qui est maintenant rendue, effectivement, dans le quartier Saint-Roch. Bien, c'est quoi, ça, si ce n'est pas un déménagement puis un déplacement d'un site à un autre? Mais, sur le plan de l'emploi, est-ce que ça a créé plus d'emplois? Bonne question. Et, là-dessus, le premier ministre n'est pas capable de nous affirmer, au contraire, que ses politiques ont créé de nouveaux emplois. Des déménagements, oui. Ah! Des nouveaux emplois, sans doute, dans le domaine du déménagement. Pour les déménageurs, ça a été une politique qui a eu des effets. Mais dans ce secteur-là? Loin d'être sûr. Et, je le dis respectueusement, quand on donne des crédits d'impôt à des compagnies qui font déjà des millions de dollars de profits, bien là il faut s'interroger là-dessus.
Je vais vous lire un extrait, justement, sur cette question-là, c'est un papier qui a été écrit dans le journal La Presse du 5 juin 2001: 150 nouveaux emplois subventionnés pour CGI. Et ce que ça dit, c'est ceci: «Au ministère des Finances, les subventions pour des emplois existants ne causent aucun problème. "La mesure s'applique pour la consolidation d'emplois [...] pour la création d'emplois", a précisé Nicole Bastien, la porte-parole de la ministre Pauline Marois.» Un autre papier ? parce qu'il aime bien, le premier ministre, nous lire des évaluations ? du 16 mai 2000 cette fois, du journal Le Devoir, Jean-Robert Sansfaçon, le titre de son éditorial: Une Cité pour qui?, où il dit ceci: «Le premier locataire de la Cité sera le groupe CGI, une filiale de BCE spécialisée dans le conseil informatique. Dans un premier temps, CGI ne créera aucun nouvel emploi, et pourtant, parce qu'elle déplacera 2 400 employés vers la Cité, elle recevra 200 millions. En fait, de 1,5 milliard prévu par le programme, CGI pourrait à elle seule toucher 20 % du magot si elle ajoute 2 000 autres emplois d'ici cinq ans.»M. Landry: ...
M. Charest: Non, j'aimerais finir, si vous me permettez.
M. Landry: ...
M. Charest: Si vous me permettez, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Allez-y, M. le chef de l'opposition.
M. Charest: Je vais essayer de retenir l'enthousiasme du premier ministre. Mais ce qu'on vient de vous citer contredit carrément ce que vous nous affirmez. Et vous comprenez, là, la raison pour laquelle on s'inquiète. Quand le contribuable le plus taxé en Amérique du Nord paie de sa poche pour subventionner des emplois qui existent déjà, est-ce qu'il ne faut pas s'interroger, à ce moment-là, sur le rôle que le premier ministre réserve à l'État, le bras interventionniste? Moi, je m'interroge là-dessus. Et, du côté libéral, je peux vous dire, on veut bien, nous, que le rôle de l'État soit un rôle utile, mais de là à poser un geste comme celui-là, effectivement, on remet en question une politique comme celle-là, où le gouvernement subventionne ces emplois-là.
Dans L'Actualité... dans Les Affaires du samedi 8 janvier 2000: Québec donne des millions pour créer des emplois... existants. Et je vous lis l'extrait: «À l'origine, toutefois, il était question de subventionner les salaires de nouveaux employés, jusqu'à concurrence de 25 000 $, durant cinq ans. L'aide gouvernementale était justifiée par le fait qu'au bout du compte de nouveaux employés seraient aussi formés dans un secteur de pointe. Or, aujourd'hui, le programme du gouvernement du Québec prend la forme d'un crédit d'impôt équivalant à 40 % du salaire de l'employé admissible, pour un maximum de 15 000 $ par année par employé, qu'il s'agisse d'un nouvel emploi ou non. Pour les emplois admis au programme avant le 15 juin 1999, l'aide atteint 60 % du salaire, pour un maximum de 25 000 $ par année; l'aide s'étend jusqu'en 2010.» La question demeure toujours la même: Est-ce qu'on n'est pas en train, de nos poches, de subventionner des emplois qui existent déjà?
M. Landry: ...question, et la réponse sera à la hauteur. Mais avant ça, des fois le chef de l'opposition officielle me fait rigoler ? et là ça doit être involontaire. Mais, à Lapierre, il y a une certaine Sophie Vallerand, reporter, qui a demandé au chef de l'opposition officielle son avis sur la taxe des joueurs de hockey, là, faire comme en Alberta, M. Klein qui taxe les joueurs de hockey pour les parties jouées en Alberta.
n(11 heures)n Alors, la ministre des Finances du Québec examinait l'idée. Alors, la reporter a demandé au chef de l'opposition ce qu'il en pense. Il répond: «La dernière chose, il me semble, dont on a besoin au Québec, c'est une autre taxe. On est les citoyens les plus taxés en Amérique du Nord. Alors, je vous avoue, moi, que repayer puis taxer, là, à un moment donné, il y a une limite à ce qu'on peut faire.» Son couplet est tellement ancré dans son esprit, il l'a ressorti alors que cette taxe de joueur de hockey, que pratique l'Alberta, c'est le gouvernement américain qui la paie parce que ce qu'ils paient en Alberta est déductible de leur cotisation aux États-Unis. Alors, je trouve l'idée intéressante. Alors, je pense que le chef de l'opposition officielle a dû être un peu distrait à ce moment-là; ça fait que vous pourriez en faire un grief profond, parce que, si c'est sa pensée profonde en matière de fiscalité, on n'est pas sorti du bois.
Je reviens aux questions d'emplois créés déjà existants par rapport à ceux créés et recevant des subventions. Cela est exact dans la première partie de la phrase et faux dans la deuxième et dans le temps. Et je m'explique. Il est vrai que, dans nos programmes, on peut dire à une entreprise, pour l'aider dans son expansion: On va calculer les emplois existants à une condition, c'est que vous vous engagiez à les doubler ? je veux que ça soit bien clair, là ? et, si vous ne les doublez pas, on vous reprend ce qu'on vous a donné. Ce n'est pas du tout le paysage que vient de décrire le chef de l'opposition.
Alors, disons, CGI ? je dis les chiffres à peu près, là ? a 2 000 emplois. Ces 2 000 emplois vont être admis à notre programme de crédits d'impôt remboursables à la condition qu'ils s'engagent à en créer 2 000 autres, c'est-à-dire un doublement: deux fois plus de monde dans des emplois de haute technologie, dans les cinq ans. Si CGI ne le fait pas, il est obligé de rembourser. CGI, d'ailleurs, c'est une belle entreprise qui est née au Saguenay?Lac-Saint-Jean, qui est présente au Saguenay?Lac-Saint-Jean. C'est une des multinationales de l'informatique, c'est un fleuron de l'économie québécoise. Et, par exemple... Et ils ont beaucoup d'emplois au Saguenay?Lac-Saint-Jean d'ailleurs et puis ils ont l'intention d'en avoir encore plus.
Alors, je voudrais que la députée de Jonquière, à l'instar de son chef qui vient de critiquer cette politique, s'engage auprès de CGI à couper tout crédit d'impôt remboursable pour création d'emplois si jamais, théoriquement, le Parti québécois n'était plus au pouvoir. On se comprend, là, il faut être logique. M. Serge Godin, fils illustre du Saguenay?Lac-Saint-Jean, dirigeant une multinationale québécoise créant des emplois au Saguenay?Lac-Saint-Jean, si le Parti libéral revient au pouvoir, n'aura plus d'aide du gouvernement du Québec sous forme de crédit d'impôt à la création d'emplois.
Il faut être logique, il faut être cohérent. Vous n'aimez pas ça, ce qu'on fait? Bien, alors, prenez l'engagement auprès de CGI de ne plus le faire. Vous serez cohérents, le Pr Lefebvre écrira un article élogieux pour dire que vous suivez les principes de Von Hayek, de la droite, et puis vous serez en paix avec votre conscience. Mais, nous autres, on est en paix avec la nôtre en attendant parce qu'on crée des emplois puis on aide les entreprises québécoises à créer des emplois.
Et, s'il y a une chose qui n'est pas controversée au Québec... je comprends que l'opposition doit s'opposer, puis, des fois, j'ai beaucoup d'admiration pour le travail ingrat qui est le leur, mais s'il y a une chose qui est claire au Québec, nous avons en quelques brèves années bouleversé l'économie québécoise, changé sa structure, changé son niveau de haute technologie. Pour 1 $ de produits de haute technologie exportée par le Canada, il y en a 0,50 $ qui vient du Québec, puis on est 25 % de la population.
Il m'arrive souvent de dire, et je le redis ce matin, même en matière d'économie, alors que 68 % de la population est satisfaite de l'économie du Québec... Vous avez vu le dernier Léger & Léger? D'ailleurs, vous avez demandé, par l'Accès à l'information, d'avoir les détails, les questions. Ça, on va vous envoyer ça dans les jours qui viennent.
Une voix: ...
M. Landry: À vous autres. C'est vous autres qui avez demandé ça. Ça vient de votre cabinet, Me Jean-Philippe Marois... non, le cabinet du whip en chef de l'opposition officielle.
Alors, le Léger & Léger avec toutes les questions, et tout ça, vous aurez ça. Et le Léger & Léger, ce qu'il dit ? c'est gênant pour l'opposition officielle d'avoir à critiquer l'économie du Québec ? il dit que «68 % des gens pensent que l'économie se porte bien». Ça ne veut pas dire que tout est parfait, puis ce n'est pas ma prétention de dire ça. Il m'arrive souvent de dire: Nous ne sommes pas satisfaits parce qu'être satisfaits ça veut dire arrêter et ne plus travailler, mais nous sommes contents de l'état actuel de l'économie du Québec et nous allons continuer, en intervenant, à la servir et à lui permettre de se développer.
Je vais vous résumer ce que ça donne, l'interventionnisme québécois, dans une phrase dont tous les mots ont été pesés et qui a été l'objet d'un débat public dans le journal La Presse et autres publications. Je vous la lis, la phrase ? je ne pensais jamais pouvoir lire une telle phrase dans ma vie: «L'économie québécoise croît plus vite que l'économie ontarienne. Les Québécois ont un niveau de vie supérieur, s'enrichissent davantage et leur richesse est mieux répartie qu'ailleurs en Amérique.» Voilà des constats essentiels au débat sur le modèle québécois.
Le Président (M. Lachance): Vous avez remarqué que le bloc de temps de 20 minutes est largement dépassé, mais, compte tenu qu'il n'y a pas eu de demande d'intervention du côté des députés ministériels, j'ai permis que ça puisse se poursuivre, et, dans quelques minutes, on pourra revenir parce que le député de Rivière-du-Loup m'a signalé son intention d'intervenir également. M. le chef de l'opposition.
Effets d'un crédit d'impôt au Groupe CGI
sur le développement d'emplois
M. Charest: Vous avez constaté, M. le Président, le désaccord, certainement, entre le premier ministre et moi-même sur l'efficacité de ce type de programme.
Je veux poser une question sur un autre sujet parce qu'il y a un autre sujet ? il y en a plusieurs, mais il y en a un que je veux aborder ? mais juste en terminant, je veux savoir, de la part du premier ministre, s'il peut nous confirmer que, dans son programme justement de crédits d'impôt, le contribuable québécois subventionne des emplois qui existent déjà mais qui font l'objet d'une impartition.
Je vais être précis avec lui: il y a 500 emplois qui ont été transférés de Desjardins à CGI suite à la mise en place d'un contrat d'impartition; 150 emplois, qui existaient déjà, transférés de la Banque Laurentienne à CGI. Est-ce que le premier ministre peut nous confirmer que ces 650 emplois sont subventionnés par le contribuable québécois? Ils sont définis en vertu de vos règles comme étant de nouveaux emplois. Est-ce que vous pouvez nous confirmer ça?
M. Landry: C'est le même raisonnement que celui que j'ai expliqué précédemment. Ces emplois dont vous venez de parler sont soumis à la règle du doublement. Alors, il y en a 500, disons; s'il n'y en a pas 1 000 dans cinq ans, on leur retire l'argent qu'on leur a donné sur le 500. Donc, il faut doubler ces emplois-là, ce n'est pas rien.
M. Charest: Oui. Alors, il y a 650 emplois, qui sont subventionnés par les contribuables québécois, qui existent déjà.
M. Landry: Pas sûr. Pas sûr. Pas sûr.
M. Charest: Non, non. Bien, écoutez.
M. Landry: Parce qu'il faut qu'il y en ait 1 200 dans cinq ans, sinon on reprend la subvention.
M. Charest: Vous avez à côté de vous quelqu'un qui peut sans doute vous donner la réponse; je veux juste avoir une réponse claire, là. Dites-nous pas «pas sûr».
M. Landry: C'est nous qui l'avons conçu ensemble quand j'étais aux Finances.
M. Charest: Bon. O.K. Alors, il n'y a pas de raison pour donner une réponse claire.
n(11 h 10)nM. Landry: Le contribuable québécois subventionne. Vous ne pouvez pas le savoir avant cinq ans. Parce que, si, dans cinq ans, les 600 ne sont pas devenus 1 200, il n'y aura pas une cenne de subvention. C'est ça, la réponse.
M. Charest: De toute façon, on est dans un secteur d'activité où il va y avoir de la création puis de la croissance de toute façon, vous le reconnaissez, peu importe qu'il y ait un programme? Ça va de soi? Il y a de la création, là; placez ça dans le contexte de l'Ontario puis de tous nos voisins, ils en créent, des emplois, CGI, au Nouveau-Brunswick aussi ou ailleurs, puis il y a une croissance d'emplois naturelle qui vient de la croissance de l'économie. Alors, quand vous faites un programme, vous me dites: Je vais vous subventionner, moi, 650 emplois à la condition qu'il y en a d'autres de créés. Il va y en avoir d'autres de créés, de toute façon; c'est ça, le noeud du problème. Mais vous nous confirmez aujourd'hui, parce qu'on a pas mal fait le tour de la question...
M. Landry: La CGI, que, si vous étiez au pouvoir, vous mettriez fin à ce programme...
M. Charest: Oui, mais là vous êtes...
M. Landry: ...au Saguenay?Lac-Saint-Jean et partout. Dites ça et puis on va s'entendre. Parce que, sur le reste, on ne s'entendra pas, c'est évident.
M. Charest: M. le Président, le premier ministre esquive. Il part sur un autre sujet alors que je vais conclure là-dessus. Il y a 650 emplois qui existent déjà, qui sont subventionnés par les contribuables québécois.
M. Landry: Je m'excuse, là, mais vous ne pouvez pas dire ça.
M. Charest: C'est ça, le problème. Alors, on s'entend sur le fait: lui, il les subventionnerait. Moi, je lui dis: Non. Moi, je ne les subventionnerais pas.
M. Landry: Ça ne veut pas dire qu'on va les subventionner parce que, s'ils ne sont pas doublés, ils n'auront pas de subvention.
M. Charest: M. le Président, vous avez signalé qu'on a eu un échange et que vous voulez peut-être passer à autre chose, c'est-à-dire permettre à d'autres collègues de participer.
Est-ce que je comprends que vous m'offrez l'occasion de relancer le premier ministre sur un sujet différent ou est-ce que vous...
Le Président (M. Lachance): Avant de passer à un sujet différent, j'ai observé le député de Rivière-du-Loup qui voulait intervenir à ce moment-ci. Ça va, M. le député de Rivière-du-Loup?
M. Dumont: Merci, M. le Président. Alors, je veux revenir sur un sujet qui semble intéresser le premier ministre, l'élection dans le comté de Saguenay, et lui dire que, malgré l'état pitoyable de la route 138, les convictions du député élu, celui qui a fait le trajet entre Baie-Comeau et Québec, n'ont pas changé.
Mais surtout parler des efforts de confusion qui sont ceux du premier ministre sur cette question-là et qui m'apparaissent fort inutiles. Tantôt, on l'entendait... Le lendemain en fait de l'élection partielle, pour minimiser la défaite de son parti, il disait: Bon, bien, le député qui vient d'être élu est soi-disant souverainiste.
Vous savez que, 48 heures avant, les gens du Parti québécois se promenaient dans les rues de Baie-Comeau et du comté de Saguenay puis distribuaient un petit dépliant. Ils disaient aux gens... Ils ne parlaient pas d'eux, ce qu'ils vont faire, ils ne parlaient pas du Parti québécois dans le petit dépliant, peu de chose à dire, semble-t-il, sur leur PQ, ils disaient: Voter ADQ, c'est élire Jean Charest. Ça, c'est samedi. Ça, c'était la position du Parti québécois, samedi. C'était que voter ADQ, ça, c'était voter fédéraliste. Puis, le mardi matin d'après, il avait été élu. Maintenant, c'était rendu un souverainiste à l'Assemblée.
Et je trouve ça malheureux, parce que, moi, je respecte la position du premier ministre. J'ai compris, au fil des années, que, dans sa vision des choses, il n'y a qu'un enjeu pour l'avenir du Québec, et c'est la souveraineté du Québec, et il n'y a rien en dehors de ça. Il y a un certain nombre de personnes à travers le Québec qui pensent comme ça.
Nous, on fait partie d'une mouvance qui est autre. Et, quand François Corriveau a dit, en cours de campagne, qu'il avait voté oui au référendum de 1995, moi aussi. Puis il ne regrette pas puis je ne regrette pas, puis, je veux dire, c'est dans le contexte de ce moment-là. Il y avait un référendum où on avait discuté d'une question puis, je veux dire, on pensait que le meilleur intérêt du Québec pour provoquer un véritable changement à l'intérieur d'un système qu'on voyait... un système fédéral qu'on voyait paralysé, c'était de voter oui, puis c'est tout à fait correct.
Je pense que le premier ministre est le premier conscient que notre parti ? sans voir la souveraineté comme la solution avec un grand S, parce que, nous, on pense qu'il faut plus d'autonomie pour le Québec, ça fait qu'on va toujours avoir d'autres arrangements avec nos voisins, que ça s'appelle une véritable Confédération ou une fédération beaucoup plus décentralisée ou qu'on l'appelle comme on veut ? on est un parti qui va toujours avoir la fidélité première au Québec et que, sur des enjeux comme, par exemple, le déséquilibre fiscal où récemment le rapport Séguin est venu alimenter le débat, fournir des outils au Québec, notre parti est toujours dans la fidélité première au Québec, toujours prêt à prendre des positions à l'Assemblée nationale, les appuyer et se placer en position de défense des intérêts qui nous apparaissent être ceux des Québécois et des Québécoises.
Et François Corriveau a eu à peu près le même cheminement. Il était membre... On ne se connaissait pas à l'époque, mais il était membre de la Commission-Jeunesse au Parti libéral jusqu'à ce que le rapport Allaire soit mis au rancart. Il a été adéquiste depuis plusieurs années et maintenant notre deuxième élu; on en est bien fier. Mais je pense que cette confusion-là sur la personne, elle doit être de bonne guerre pour le premier ministre. Bon.
Le samedi avant le vote, l'ADQ, c'était un vote fédéraliste; le lendemain, c'est... Je pense que les citoyens du comté de Saguenay étaient tout à fait conscients de ce qu'ils faisaient. D'ailleurs, quand le premier ministre, à quelques jours du vote, a fait un soi-disant grand rassemblement souverainiste, les gens de la région, qui sont toujours fidèles au Québec, qui n'ont pas renoncé à une volonté d'autonomie puis qui n'ont pas renoncé à des convictions qui sont très profondes, des gens qui ont une fidélité clairement première au Québec, mais qui, voyant dans un contexte semblable le grand rassemblement souverainiste alors qu'ils savent bien qu'il n'y en aura pas, de référendum, dans les prochaines années puis que... mais ces gens-là n'ont pas vu la pertinence et ils ont voté ADQ tout en étant très confiants qu'ils votaient pour un parti qui était énergiquement voué à la défense d'un Québec plus fort, d'un Québec qui aura dans l'avenir plus de pouvoirs. C'est à ça qu'on va se battre.
Décentralisation du pouvoir
économique vers les régions
Ce que je veux dire cependant et ce que j'ai entendu en cours de campagne, et, là-dessus, j'invite le premier ministre à une réflexion, des gens qui ont cette volonté autonomiste pour le Québec et qui veulent que des pouvoirs d'Ottawa s'en viennent vers le Québec, que des budgets d'Ottawa s'en viennent vers le Québec ne comprennent plus que cette notion de décentralisation qui est si importante quand on parle d'Ottawa vers le Québec, que, quand les pouvoirs puis les budgets sont à Québec, ils ne sont pas capables de les avoir dans les régions, que la décentralisation n'est même plus à l'ordre du jour et que le gouvernement a même inventé un nouveau mot, un nouveau vocabulaire, les «régions-ressources», comme s'il y avait des régions où d'autres volets du développement économique étaient négligés. Les gens des régions-ressources, ce qu'ils en ont compris, là, au fil des mois puis en regardant les politiques du gouvernement, puis en regardant passer, dans le cas de la Côte-Nord, les vans qui s'en vont avec le bois, les lingots, qui vident la région, ils ont compris que, les régions-ressources, ça veut dire que c'est des régions dont on puise les ressources et auxquelles on retourne bien peu.
Alors, ma question au premier ministre, c'est vraiment sur la question de la cohérence. Plutôt que de se faire l'interprète ou l'exégète de ce que devraient être les convictions précises des autres, est-ce que, lui, il ne devrait pas avoir un devoir de cohérence et de dire: Oui, on est dans la famille de ceux qui pensent décentralisation, qu'il faut ramener des pouvoirs vers le gouvernement du Québec, ramener des instruments, des leviers économiques vers le gouvernement du Québec, que nos régions veulent avoir ce même sentiment que la décentralisation, le rapprochement des pouvoirs, le rapprochement des budgets de leurs besoins, est aussi une grande priorité et qu'en ce sens-là ils sentent ça bien, bien loin de l'agenda actuel du gouvernement?
Le Président (M. Lachance): M. le premier ministre.
M. Landry: D'abord, quand le chef de l'ADQ, comme il a dit tout à l'heure, parle de décroissance de la population du Québec qui continue ? il a bien dit ça, le taux de naissance est le plus bas ? bien, il s'est passé quelque chose la semaine dernière: pour la première fois en 10 ans, l'indice de fécondité s'est relevé au Québec, pour la première fois en 10 ans. Lui-même qui est un homme de famille ? moi aussi ? ça doit lui parler; moi, ça me parle profondément. Et les causes seront étudiées. Puis j'espère que l'an prochain ça va être la même chose puis ça va être la même chose à jamais.
Mais, depuis l'usage massif de la contraception, c'est le plus fort bond vers le haut de l'indice de fécondité. C'est majeur pour le Québec. C'est majeur pour les régions. Et je crois que c'est en partie dû ? c'est un phénomène complexe ? au fait qu'on a un régime de garderie fabuleux. Vous savez comment ça coûte, faire garder les enfants à Toronto chaque jour? Ça coûte 25 $: cinq fois plus qu'ici. J'ai dit ça dans une assemblée dernièrement; il y a un homme qui est venu me voir après, il dit: Non, vous avez peut-être raison dans certains cas, mais mon garçon est à Toronto, puis ça lui coûte 50 $.
Alors, cette politique, comme bien d'autres, démontre au chef de l'Action démocratique que ce n'est pas exact de dire que nous n'avons qu'un enjeu. Oui, nous sommes souverainistes. Nous avons fait progresser cette cause de la marginalité jusqu'à 50 % des voix en 1995, il nous en a manqué 30 000; puis, chez les francophones, on avait 60 % des voix. Mais dire que nous ne nous occupons que d'un seul enjeu, c'est nier totalement la réalité du gouvernement du Parti québécois. En cinq ans, on a bouleversé l'économie du Québec, c'est pas mêlant.
Alors, moi, personnellement, c'est vrai que j'ai un enjeu majeur dans ma vie qui est celui de faire que le Québec ne soit pas une simple province du Canada. Je trouve que ce n'est pas digne d'une nation d'avoir le statut d'une simple province. C'est un enjeu important qui est majeur. Mais, en même temps, ma formation politique et moi-même avons donné au Québec le meilleur gouvernement de gestion de l'économie de son histoire. Les finances publiques ont été assainies, déficit zéro, ce qui a redonné confiance à tous les agents économiques et sociaux, ce qui nous a permis de relancer des programmes sociaux. Des garderies à 5 $ avec un déficit de 6 milliards de dollars par année, oubliez ça; ça coûte plus de 1 milliard, ce seul programme.
n(11 h 20)n Alors, je pense que le chef de l'Action démocratique devrait réfléchir ? ce n'est peut-être pas dans mon intérêt de lui dire ça ? mais il devrait réfléchir à une cohérence élémentaire. Jouer avec une chose aussi importante que la souveraineté, en étant souverainiste pendant la campagne électorale puis en changeant d'idée dans le trajet entre Baie-Comeau et Québec, ce n'est pas correct. Et dire que les régions n'ont pas été l'objet d'une décentralisation sans précédent au cours de nos derniers mandats, c'est oublier que nous avons créé les CLD, les CLE, c'est oublier que, même en termes économiques, nous avons répandu 50 CNE à travers le territoire, un grand nombre de CDTI. C'est oublier aussi une réforme majeure dans laquelle l'opposition officielle ne s'est pas illustrée glorieusement. C'est la constitution de grandes entités municipales régionales, comme l'admirable entité de Gatineau, que les gens ont souhaitée et qu'ils gardent, comme l'admirable identité de Montréal et de notre capitale nationale, Québec.
À Montréal, le maire et le chef de l'opposition officielle construisent bravement et courageusement une nouvelle ville avec les nouvelles institutions, même si sur eux pèse la menace de défusion si le Parti libéral revenait au pouvoir. Et, comme c'est les gens qui vont payer les frais de la défusion ? j'ai bien compris ça, les gens de Westmount ont bien compris aussi ? les municipalités riches, comparées à certaines autres richissimes, pourraient défaire l'oeuvre de M. Tremblay et de M. Bourque, parce que le Parti libéral, de façon irresponsable, a été faire miroiter cette promesse.
Alors, oui, il s'en est passé, des choses, en région, et il s'en est passé aussi en termes financiers: création de 17 fonds régionaux de solidarité, en 1995 ? regardez la date; création des FIL et des SOLIDE, en 1996; création de Innovatech Régions ressources, en 1998; implantation des CLD dans plus de 110 MRC, 1998; mise en place des carrefours de la nouvelle économie, 1999; création de la Société de diversification économique, 2000; élaboration d'une stratégie de développement économique des régions-ressources, 2001; dépôt de la Politique nationale de la ruralité, 2001.
Alors, c'est vrai qu'il y a de la détresse dans les régions. Il y a de l'angoisse dans les régions. Mais c'est aussi vrai que jamais un gouvernement n'a mis autant d'instruments à la disposition des régions. Et ça commence à paraître, d'ailleurs. Toute angoisse n'est pas bannie des régions, et il ne faut pas non plus chanter victoire quand la victoire n'est pas là, sauf que je vais vous donner des statistiques, des chiffres de population active, entre 1994 et 2001, ce qui d'ailleurs dément une thèse du chef de l'opposition qui dit que le chômage baisse parce que les gens s'en vont. Ce n'est pas exact. C'est la population active qui augmente.
Alors, je vais donner un certain nombre de régions. Je vais toutes les donner parce qu'il y en a une où ça baisse et, partout, ça monte: Abitibi-Témiscamingue, en 1994, la population active était de 70,4 %, elle est aujourd'hui de 75,2; Bas-Saint-Laurent, 93,5, elle est aujourd'hui de 99,3; Côte-Nord, Nord-du-Québec, là où le bât blesse, elle était 62 % en 1994, elle est de 59 aujourd'hui; Gaspésie?Îles-de-la-Madeleine ? la tragédie gaspésienne ? la population active était de 40 % en 1994, elle est de 42 aujourd'hui. Même dans notre malheureuse Gaspésie, la population active augmente. Alors, je vous en passe, là, et des plus performantes, pour arriver au chiffre global: en 1994, au Québec, la population active était à l'indice 3 537,2, elle est aujourd'hui à l'indice 3 806,9. Ce qui confirme ce que le monde sait et ce que le monde dit: On a défendu, et on va le faire encore, la cause de la souveraineté nationale du Québec, mais, en même temps, on a construit une puissante économie nationale. Et on l'a construite contre vents et marées. Et, même quand ça allait moins bien, le Québec s'est débrouillé, il a continué sa progression.
Mais comme le chef de l'Action démocratique me donne aussi la chance de lui parler de certaines de ses mesures, car il faut maintenant qu'il s'explique sur ses mesures... Quand vous dites que vous allez abolir la sécurité d'emploi pour les fonctionnaires, dans votre programme, j'espère que vous allez faire connaître ça d'abord à tous les fonctionnaires qui sont ici, c'est déjà un début: Vous n'aurez plus de sécurité d'emploi, mesdames et messieurs ? et vous le direz aux dizaines et aux dizaines de milliers d'autres, dans l'ensemble du Québec.
Puis je vais vous rappeler... Je n'aime pas ça faire allusion aux âges, mais le temps s'écoule. Moi, j'étais un des fonctionnaires de la Révolution tranquille ? Jean Lesage, donc ? j'étais au cabinet de René Lévesque puis j'ai été ensuite fonctionnaire au ministère des Richesses naturelles. Vous savez pourquoi on l'a mise, cette sécurité d'emploi des fonctionnaires? On l'a mise d'abord pour que ces hommes et ces femmes jouissent d'une sécurité comparable à celle qu'on retrouve dans les grandes entreprises du secteur privé, mais on l'a mise aussi parce que c'était un patronage éhonté, les gens de mon âge s'en souviendront.
Aïe! Après l'élection de 1960... Moi, j'avais fait l'élection de 1960 comme maître de cérémonie du Parti libéral dans les régions, Lanaudière, dans ce coin-là. Après l'élection, il y a un gars qui vient me voir, il dit: Toi, tu t'es bien placé en maudit, tu étais le maître de cérémonie. Il dit: Je veux être sergent-détective dans la police provinciale. Vous voyez la mentalité? Vous rigolez, hein? Vous êtes jeune, vous aussi, mais c'est exactement ça qui s'est produit. Et c'était un patronage incroyable. C'était le «spoils system» aux États-Unis, mais en pire. Parce qu'aux États-Unis le «spoils system», c'est que le président, quand il arrive, je pense, il dit à 10 000 personnes: Merci de vos services, on vous a assez vus ? mais sur des millions de fonctionnaires. Donc, c'est marginal.
Mais là, absence de sécurité... Comment le député de Rivière-du-Loup va gérer la fonction publique? Il n'y a plus de sécurité, il n'y a plus de sécurité. Alors, un tel veut être sergent-détective dans la police provinciale, on va en mettre un autre dehors pour pouvoir le mettre là, je suppose. C'est absurde!
Je le dis aussi à l'intention des associations étudiantes; j'espère qu'il y en a qui nous écoutent, puis, sinon, on va s'en occuper. Nous avons gelé les frais de scolarité. C'est une revendication majeure des associations étudiantes. L'Action démocratique veut les dégeler. Alors, j'espère que la FEUQ est déjà au courant de ça puis toutes les autres fédérations.
Mais j'en dis juste un autre. Je pense que c'est assez, puis ensuite, le chef de l'Action démocratique ou d'autres pourront parler, je ne veux pas monopoliser le temps. Il propose le taux d'imposition unique. Alors, ça veut dire que Paul Desmarais et puis mon neveu qui travaille chez Bombardier vont payer la même chose, vont payer le même pourcentage. J'aime bien les deux, mais, en termes de répartition sociale, c'est mon neveu qui en a besoin pas mal plus que Paul Desmarais. Taux d'imposition unique! C'est ça, un parti qui, n'ayant pas mûri son idée, gobe les modes de droite qui passent. Ils lisent un article du professeur Lefebvre puis ils disent: C'est ça, ça doit être ça. Il faut faire la différence entre les élucubrations honorables d'intellectuels de droite et ce qui doit être pratiqué dans une société avancée.
Le bon d'éducation: ils vont donner un bon d'éducation qui laissera aux parents le choix de leur école. Qu'est-ce qui va arriver? Il va arriver que les gens vont se regrouper maintenant par ethnies, par couleurs, par origines nationales ou vont décider de quitter la région pour aller dans tel autre collègue qui leur plaît dans telle autre région. Je sais que, quand vous avez fait ça, vous étiez sûr que vous ne prendriez jamais le pouvoir. Alors, disons n'importe quoi, la population ne risque rien et nous non plus.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Landry: C'est encore comme ça! Mais, puisque vous avez multiplié votre effectif par deux, on va vous poser au moins deux fois plus de questions sur toutes ces choses qui se trouvent dans votre programme et qui créeraient un Québec rétrograde et qui mettraient une croix sur les acquisitions les plus vitales de la Révolution tranquille.
Le Président (M. Lachance): M. le député de Rivière-du-Loup, une dernière intervention dans ce bloc.
M. Dumont: Oui, merci. Oui, dernière intervention dans ce bloc. En tout cas, je m'aperçois qu'on parle beaucoup de nous aujourd'hui, vous reconnaîtrez que, si d'autres intervenants plus tard m'interpellent à nouveau, vous aurez le devoir de me donner un droit de réplique, je vous fais confiance.
n(11 h 30)n Bien, sur quelques-unes des questions, le premier ministre est parfois mal informé. Dans le cas des frais de scolarité, le premier ministre a sûrement été mal informé. Mais, sur d'autres éléments, je suis très heureux qu'il fasse la promotion de certaines des choses qu'on met de l'avant, évidemment en les virant toutes à l'envers, mais c'est son devoir. Le libre choix dans les écoles, moi, je pense qu'il y a pas mal de parents... Lui, il a peur du libre choix, et il a tellement peur du libre choix qu'effectivement en matière de services de garde, c'est des efforts considérables que son parti a mis de l'avant pour enlever des choix aux parents, et c'est le choix philosophique du PQ, je veux dire: l'État, le gouvernement sait mieux ce qui est bon pour les enfants que les parents. Il n'est pas question de laisser l'argent dans les poches des parents puis de laisser le choix aux parents, il faut décider à leur place. Et, là-dessus, je pense que le premier ministre est tout à fait... Sa réaction à des suggestions qu'on met de l'avant est tout à fait normale, c'est-à-dire que, lui, il a peur de laisser du libre choix aux gens. Les citoyens du Québec ne savent pas ce qui est bon pour eux, il faut donc que l'État le décide à leur place. Nous, on ne partage pas cette philosophie-là, mais, de toute façon, ce sera aux citoyens à décider.
Pour ce qui est de l'imposition, d'abord on veut la baisser, l'imposition, pour la classe moyenne. Mais, quand il fait une déclaration avec Paul Desmarais ou avec n'importe quelle personne à hauts revenus, quel manque de transparence! S'il y en a un qui connaît la fiscalité et qui sait que les gens à très hauts revenus ont 1 000 abris fiscaux, font appel aux plus grandes firmes de fiscalistes spécialisées pour utiliser tous les abris fiscaux... Et c'est exactement ça. S'il veut être honnête avec l'ensemble de ce que préconise l'ADQ, c'est justement ça: d'abord un taux d'imposition beaucoup plus simple, beaucoup plus juste pour l'ensemble des gens et beaucoup moins d'abris fiscaux, justement. Puis, les gens de la classe moyenne le savent très bien, que ce n'est pas du tout le taux d'imposition qui fait que les gens à très hauts revenus ne s'en sortent pas si mal, c'est les nombreux abris fiscaux que, derrière un discours bien social, il est en train d'abrier puis qu'il fait semblant de ne pas comprendre. Alors, les gens de la classe moyenne que son gouvernement a égorgés au cours des dernières années auront l'occasion de faire leur choix en campagne électorale.
Projet de loi sur la transparence
et l'éthique en matière de lobbyisme
Et je veux le questionner sur deux sujets, en terminant. Tantôt, j'ai eu l'occasion de le questionner sur la loi sur le lobbying, je reviens avec cette question-là. Est-ce que ses analyses de la loi ne l'amènent pas à penser que plusieurs professionnels qui, traditionnellement, avaient des échanges normaux avec des employés de l'État, dorénavant, vont être obligés... ces gens-là ne voudront jamais s'inscrire dans une espèce de registre de lobbyistes et que ça va être une augmentation importante des activités de lobbying? Et je pense que la conséquence de la loi ? je ne sais pas si c'est volontaire ou accidentel ? mais que la conséquence de la loi risque d'être bien loin de ce qu'est l'objectif prétendu.
Projet d'entente avec les communautés
autochtones de la Côte-Nord
La deuxième question sur laquelle je veux le questionner, c'est parce qu'il en a parlé beaucoup. Je pense qu'il y a eu des ententes avec les communautés autochtones dans le Nord-du-Québec. Sur la Côte-Nord, les gens s'inquiètent. Il y a d'autres discussions qui sont en cours, et le premier ministre a été, jusqu'à date, très avare de commentaires. Et les gens sont furieux, principalement, de l'absence totale de transparence de son gouvernement, du fait que des élus locaux, des gens qui sont sur le terrain, des gens qui sont supposés gérer un territoire ne savent même pas qu'est-ce qu'il est en train de se discuter concernant ce qui se passe à quelques kilomètres de chez eux, à quelques centaines de mètres de chez eux. Et, là-dessus, je lui transmets un appel, je pense, qui est très pressant, un appel à la transparence, qu'il y ait des discussions avec des communautés... Parce qu'il n'y a personne qui remet ça en cause, mais c'est extrêmement frustrant pour des citoyens qui habitent un territoire, qui ont des élus municipaux, qui ont des structures locales puis qui ont payé leurs taxes localement sur place depuis, dans certains cas, des générations, de s'apercevoir que leur propre gouvernement leur cache ce qui se passe dans la cour d'à côté. Et, là-dessus, j'interpelle le premier ministre du côté de la transparence et essayer de donner des vraies réponses, pas essayer de créer des mirages, là, comme il essayait de le faire tout à l'heure avec la question de la sécurité d'emploi, comme si le fait qu'on remette en cause l'emploi à vie et qu'on redonne un niveau de sécurité d'emploi normal, lui-même le disait, comparable à ce qui existe dans la plupart des grandes entreprises du secteur privé... Comme si, ça, ça voulait dire un retour au patronage des années cinquante. Parce que le premier ministre, dans sa volonté d'attaquer le programme de l'ADQ, ferait mieux de mettre en évidence, mettre en valeur les bonnes choses qu'il a ou qu'il fait plutôt que d'essayer de faire voir aux gens des mirages, ou des monstres, ou des fantômes qui n'existent pas et que personne ne va croire de toute façon.
Le Président (M. Lachance): M. le premier ministre.
M. Landry: Bien, moi, je faisais juste des mises en garde à divers segments de notre population. J'ai lu votre programme, j'ai lu en toutes lettres que c'est fini, la sécurité d'emploi dans le secteur public puis, en plus, que vous alliez diminuer de 25 % le nombre des fonctionnaires. Alors, comptez-vous, là, ici, là, puis il y en a un sur quatre, là, qui... Surtout qu'il n'y aura plus de sécurité d'emploi, il y en a un sur quatre qui ira voir, je ne sais pas, la Banque Nationale ou je ne sais pas quoi... Je vois des économistes, là, on a toujours besoin de bons esprits. C'est ça, l'Action démocratique, là. Ça a l'air d'une blague au départ, là, mais c'est ça, leur programme, c'est leur réflexion. Ça fait longtemps que ce parti-là existe malgré tout.
Il me venait quelques remarques désagréables dont je vais les exempter pour dire au chef de l'Action démocratique que, effectivement, sur la Côte-Nord, il y a des ententes qui se préparent, elles ne sont pas signées. Il y a des ententes de principe pour essayer d'avoir aussi des relations harmonieuses et dignes avec les aborigènes de la Côte-Nord, comme celles qu'on a avec les Inuits et les Cris. Et, jusqu'à maintenant, une partie de l'information a été donnée. Elle ne peut pas être toute donnée, les ententes ne sont pas signées. Alors, c'est des accords de principe, et ce que nous avons fait jusqu'à maintenant, c'est de sensibiliser beaucoup plus les autorités locales que l'ensemble de la population, c'est vrai.
Il y a des gens sur la Côte-Nord, moi, qui m'ont posé des questions parce qu'ils étaient angoissés, puis c'est normal. Quand un changement se prépare, souvent on est angoissé. J'ai rencontré, par exemple, quelqu'un qui me dit: Moi, je suis trappeur-piégeur blanc. Quand on entend ces deux mots-là ensemble, d'habitude c'est «cri», «trappeur-piégeur cri». C'est un blanc, il gagne sa vie trappeur-piégeur. Qu'est-ce qu'il va m'arriver? Alors, je ne pouvais répondre à une question aussi pointue, mais j'ai été à l'information, puis la réponse, c'est: Rien. Il ne lui arrive rien, il va continuer à faire son métier comme avant. Mais, lui, il est angoissé. Comme les ententes ne sont pas signées de façon définitive, on n'a pas fait encore de vastes campagnes d'information avec la population. On va le faire, et là je pense qu'il y avait une remarque vraiment positive...
M. Dumont: Est-ce qu'on comprend que vous allez seulement informer les gens quand ça va être signé, les mettre devant le fait accompli, puis qu'ils ne seront jamais impliqués avant?
M. Landry: Non, non, ce n'est pas ça que j'ai dit.
M. Dumont: Bien, c'est ça que je viens d'entendre, là.
M. Landry: On les informera de ce qui sera plus définitif, plus avancé. On ne veut pas les inquiéter pour rien. Alors, quand ça sera mûr... Puis, ensuite, c'est plus compliqué que ça a l'air, là. Il n'y a pas juste un groupe, il y a l'est, il y a l'ouest, il y a Natashquan et puis il y a Betsiamites. Et puis la chose est complexe, mais ça vaut la peine de persévérer dans notre dialogue avec les Amérindiens et informer les populations locales comme elles doivent l'être, comme on a fait dans le Nord. Dans le Nord, par exemple, là, il y a quelqu'un au Saguenay?Lac-Saint-Jean que je respecte beaucoup, M. Bernard Généreux, qui dit que l'accord va faire perdre 1 000 emplois dans les scieries, l'accord avec les Cris. Bien, une fois qu'il fut informé, il a vu que ce n'était pas ça du tout et qu'il avait été malheureusement alarmiste sans le vouloir parce que quelqu'un lui avait dit ça. Sur la Côte-Nord, il y a ces cas-là aussi. Alors, il faut s'en occuper sérieusement. Là-dessus, le chef de l'Action démocratique a parfaitement raison.
Je voudrais revenir par ailleurs sur... Vous avez des congrès régulièrement, comme tous les partis démocratiques. Alors, je vous suggère, au prochain congrès, de sortir votre absurdité d'impôt unique, là. Ça n'a pas de bon sens. C'est vrai que certaines personnes se servent d'abris fiscaux, mais là ce que vous proposez, c'est de rendre la situation plus grave encore. Je le redis, là, Paul Desmarais, il aurait le même taux d'imposition que mon neveu qui travaille à Canadair, à Bombardier, puis ça n'a pas de bon sens. Mon neveu va être en maudit, en tout cas. Puis Paul Desmarais, ça ne le dérangera pas beaucoup, parce que ses affaires sont un peu partout. On parle des impôts personnels, là.
Mais voyez ce que ça peut faire au monde ordinaire, votre proposition absurde, là. On a baissé les impôts en 2002 suivant, évidemment, le revenu familial. Alors, une baisse cumulative... Pour un ménage qui gagne 75 000 $ et plus, la baisse qu'on lui donne, ça lui donne 2 800 $ de plus dans sa poche, 15 % de baisse. Mais la personne qui gagne moins de 25 000 $, ça lui donne 366 $, 34 % de baisse. Avec votre formule, les deux auraient eu le même pourcentage de baisse. En d'autres termes, confessez que vous préconisez l'injustice sociale, que vous proposez une mesure régressive et rétrograde, et je suggère à vos militants et militantes, à votre prochain congrès, de faire un vigoureux combat sur le plancher pour vous amener à la raison.
Le Président (M. Lachance): Alors, ceci met fin à ce bloc de temps, et je cède la parole au chef de l'opposition officielle. M. le chef de l'opposition.
M. Charest: Merci, M. le Président. M. le Président, je n'aime pas me mêler d'une chicane de famille...
n(11 h 40)nDes voix: Ha, ha, ha!
M. Charest: Oui, une vraie chicane de ménage. D'ailleurs, je constate, moi aussi, que le chef de l'ADQ est vraiment passé maître dans l'art des principes à géométrie variable, à laquelle il a innové en ajoutant des principes à géométrie variable sur le plan géographique, parce que les réponses qu'il donne aux questions varient beaucoup de l'endroit où il se trouve. On a déjà constaté que, de Baie-Comeau à l'Assemblée nationale du Québec, le nouveau député de Saguenay avait perdu la souveraineté pour retrouver une réponse beaucoup plus confuse. Et on sait que le chef de l'Action démocratique aussi pourrait très bien, pour imager un petit peu, participer au spectacle du Cirque du Soleil. Puis on pourrait toujours faire une petite séquence où quelqu'un sortirait pour lui poser la question: C'est quoi, votre position, vous, sur l'avenir du Québec? Et on pourrait le laisser répondre et être témoin d'un autre triple saut périlleux par en arrière sur l'avenir du Québec. Là-dessus, au moins, quand on pose la question au premier ministre, il vous répondra très franchement: Je suis souverainiste. Quand on me pose la question, à moi, je vous répondrai que je suis très fier d'être Québécois, je suis fédéraliste. Il est, le premier ministre, très fier d'être Québécois et souverainiste. Et enfin...
Mais là où, je pense, le chef de l'Action démocratique dérape un petit peu, c'est quand il fait la morale aux autres. Puis je l'entendais poser des questions sur le lobbying, il a la mémoire courte. A-t-il déjà oublié que l'ex-directeur général de l'ADQ avait plaidé coupable à des accusations du Directeur général des élections, qu'Éric Simoneau également avait plaidé coupable suite à un transfert d'argent de l'ordre de 10 000 $ suite à une entente avec le Parti québécois, à la veille du référendum de 1995, où il avait monté dans l'autobus du Oui, et que c'était fait via M. Rodrigue Biron, faits qu'il n'a jamais niés? En tout cas, tout ça est amplement décrit dans un livre signé par son ancien chef de cabinet, André Néron, Le temps des hypocrites, le titre. Je l'invite à lire la page 103 où on décrit en détail la façon dont la transaction s'est faite. Alors, avant de faire la morale...
M. Landry: J'aime ça lire, puis je n'ai pas compris le titre.
M. Charest:Le temps des hypocrites.
M. Landry: Ah!
M. Charest: Votre photo n'est pas sur la page couverture.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Landry: Et qui a écrit ça?
M. Charest: André Néron, ancien chef de cabinet de Mario Dumont.
M. Landry: Maison d'édition?
M. Charest: C'est Victor-Lévy Beaulieu, éditeur.
M. Landry: C'est comme si c'était commandé.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Charest: Tout comme.
Le Président (M. Lachance): ...réimpression, j'imagine.
Des voix: Ha, ha, ha!
Intégration des jeunes
à la fonction publique
M. Charest: Oui, parce que l'ADQ aime bien les impressions, et réimpressions, et réimpressions. Alors, M. le Président, tout ça pour vous dire qu'il a beau y avoir une chicane de famille, entre-temps, sur une question importante, je veux interpeller le premier ministre, c'est la question du renouvellement de la fonction publique québécoise. Je veux prendre une seconde pour le situer et lui rappeler qu'il y a un rapport ? peut-être que les gens qui l'accompagnent ont le rapport entre les mains ? qui a été publié par l'Association des jeunes de la fonction publique québécoise. D'ailleurs, ça a fait l'objet de questions cette semaine à l'Assemblée nationale. Le député de Robert-Baldwin a interrogé son président du Conseil du trésor au sujet de ce rapport rendu public cette semaine par l'Association des jeunes de la fonction publique, et le titre, c'est L'intégration des jeunes: Un enjeu fondamental.
Ce que je veux relever de ce rapport, qui me semble important, d'abord, premièrement, la moitié des effectifs de la fonction publique seront appelés à prendre leur retraite d'ici 2010. C'est donc un changement très important dans l'appareil de l'État qu'il faut planifier, qu'il faut prévoir. L'autre chose que le rapport relève, il me semble, d'important pour apprécier le travail qui est fait, c'est que, dans deux gouvernements où on peut établir des bases de comparaison, le gouvernement fédéral et le gouvernement du Royaume-Uni, dans les deux cas, au début des années quatre-vingt-dix, ils ont, eux aussi, constaté qu'il y avait un problème d'effectifs et de renouvellement. Ils ont pris le taureau par les cornes, ils ont mis en place des changements, ils ont réussi à obtenir des résultats assez intéressants.
De mémoire, les jeunes de moins de 35 ans, dans la fonction publique fédérale, là, ça représente 10 %, puis au Québec, c'est 5,7 %. En Grande-Bretagne, c'est de l'ordre de 30 %. C'est le gouvernement de Mme Thatcher qui avait entrepris cette initiative-là. Dans le cas fédéral, je sais que ça va intéresser le premier ministre, parce que j'étais au gouvernement, moi, à la fin des années quatre-vingt ? je pense que c'est en 1989 ? quand le gouvernement fédéral avait lancé un programme de renouvellement, et ce que je veux souligner au premier ministre, c'est qu'il avait confié... Le premier ministre de l'époque... fédéral, M. Mulroney, avait confié le mandat au greffier du Conseil privé. C'est dire l'importance qu'il attachait à cela. Je constate que votre secrétaire du Conseil exécutif vous accompagne; il voudra peut-être en prendre note, parce que c'est utile d'assigner cette fonction au plus haut niveau quand on veut gérer ça correctement. Et je vais vous dire pourquoi.
Dans le rapport qu'ils ont remis, je veux vous citer ce que les jeunes de la fonction publique ont dit à votre gouvernement. Ils ont dit ceci: «Malheureusement, les actions prises jusqu'à présent par le gouvernement nous suggèrent qu'il n'existe pas de planification sérieuse destinée à faire une place aux jeunes au sein de l'administration québécoise. Licenciement de jeunes occasionnels, non-reconnaissance de l'expérience et de la scolarité des nouveaux employés, ajout dans la dernière convention collective des professionnels de clauses restreignant la progression salariale, stages pour nouveaux diplômés [...] qui ne permettent pas une transition directe vers des postes réguliers sont autant d'exemples de gestes posés par le gouvernement qui sont défavorables aux jeunes, défavorables au renouvellement de la fonction publique.» Maintenant, le rapport est bien fait, il est bien construit, il ne fait pas juste critiquer. Il ne dit pas non plus que tout ce que le gouvernement a fait est négatif, M. le Président. Là où il y a des gestes qui ont été posés qui vont dans le bon sens, ils le disent, puis ils font des recommandations à la fin. Mais, dans l'ensemble de l'oeuvre, là, ils font une évaluation qui est sévère.
Moi, la suggestion que je veux faire au premier ministre aujourd'hui, c'est de reprendre le travail, le collier en quelque sorte. Moi, je pense que ce serait important de confier ça au secrétaire du Conseil exécutif, le mandat de renouvellement, pour qu'il s'en charge personnellement. De mon expérience à moi, là, c'est ce qui s'est fait ailleurs, dans les autres gouvernements, pour atteindre de vrais résultats, de bons résultats. Ce n'est pas une critique à l'endroit de ceux qui le font actuellement, en passant. Vous avez, avec raison, souligné le travail que font les gens, les serviteurs de l'État. Ce n'est pas pour critiquer ceux qui le font actuellement, mais c'est pour la raison suivante: pour espérer atteindre les meilleurs résultats possible, pour se donner le plus de chances possible d'atteindre les résultats. C'est important de confier ça au premier des serviteurs de l'État pour qu'il le mette à exécution, le plan, et qu'il en soit également imputable.
Alors, voilà ce que je voulais vous suggérer, et vous inviter peut-être à revoir un petit peu la façon dont vous l'abordez, et nous dire ce que vous avez l'intention de faire en réaction à ce rapport.
Le Président (M. Lachance): M. le premier ministre.
M. Landry: Bon. La suggestion du chef de l'opposition n'est peut-être pas mauvaise. Des fois, il y a des choses qui se sont faites dans les gouvernements, ailleurs, qui sont couronnées de succès et qui pourraient être imitées. Là, nous aurons, dans quelques jours, le rapport du président du Conseil du trésor sur le renouvellement de la fonction publique. On a mis en place une série de mesures depuis quelques années dont on espère qu'elles commencent à porter fruit. On va le voir, là, dans quelques jours, et, si ce n'est pas concluant, on pourra utiliser des moyens plus musclés, des moyens supplémentaires et éventuellement mettre en pratique la proposition du chef de l'opposition officielle, la suggestion de confier au secrétaire général du gouvernement, comme on le fait dans des cas spécifiques très graves, la gouverne de ce dossier.
Je me permets par ailleurs, sans insister trop... que le programme de l'Action démocratique de faire disparaître 25 % des effectifs va rendre illusoire tout ça pendant des années, parce qu'on n'embauchera plus, on ne remplacera même pas ceux qui partent. Un sur quatre, là, c'est beaucoup, ça. Alors, encore une fois, mise en garde, surtout aux jeunes du Québec qui rêvent d'être fonctionnaires, le programme de l'Action démocratique vient de couper leur rêve totalement, car nous ne remplacerons plus ceux qui partent. Et, pour arriver à 25 % d'attrition, même si la plupart des fonctionnaires ont été engagés à l'époque de la Révolution tranquille et qu'ils arrivent à la fin de leur carrière... Si on joint à ça l'absence de sécurité d'emploi, ça serait catastrophique.
Pour le reste, je pense que c'est un problème grave qu'on n'a pas connu dans les années soixante. On créait la fonction publique qui avait un attrait extraordinaire pour les jeunes. Il en est venu de partout au Québec vivre dans notre capitale nationale, de toutes les professions, de tous les horizons, mais là ça fait assez longtemps de ça pour qu'on doive les remplacer. Puis, si on les remplace, on doit faire un effort particulier pour les jeunes et un deuxième effort aussi, qui n'a pas été mentionné, sauf erreur, par le chef de l'opposition officielle, c'est la représentation des communautés culturelles et des diverses composantes d'une société québécoise pluraliste et plurielle. Et ça non plus, ce n'est pas facile. Ça non plus, ce n'est pas facile. Il y a des obstacles, il faut les vaincre. L'essentiel de la fonction publique est à Québec, l'essentiel des Québécois et Québécoises issus de l'immigration vit à Montréal. Alors, ça suppose une transplantation. Ça se fait, mais c'est une difficulté supplémentaire. Il y a des fois des difficultés linguistiques qui ne sont pas parfaitement résolues. De très beaux efforts, mais... des problèmes qui ne sont pas pour ceux qui sont allés à l'école française, les enfants de la loi 101, mais ceux qui sont arrivés par la suite, des fois, ont des problèmes de rattrapage linguistique. Mais jeunes et communautés culturelles doivent être pris en compte dans le renouvellement de notre fonction publique, et nous étudierons de très près le rapport que le Conseil du trésor va rendre public dans quelques jours.
n(11 h 50)nLe Président (M. Lachance): M. le chef de l'opposition.
M. Charest: Vous n'avez pas affirmé que vous alliez tenir compte de ce rapport de l'Association des jeunes de la fonction publique. Je ne vous reposerai pas la question, je présume que oui, que vous le ferez de bonne foi. Encore une fois, je vous le rappelle, ils ont un jugement assez sévère, mais ce n'est pas totalement sévère. Il y a des choses là-dedans qui sont positives, mais, dans l'ensemble, il y a beaucoup de travail à faire.
Vous avez soulevé une question qui m'amène à rappeler ceci. C'est tellement vrai qu'il va y avoir des changements dans la fonction publique ? on va perdre la moitié, presque la moitié d'ici 2010 ? qu'un prochain gouvernement du Québec, que je souhaite être libéral, devra probablement mettre en place des programmes pour convaincre les gens de rester au travail. Alors, vous avez effectivement raison de dire que ce que l'ADQ propose, c'est complètement dans le champ, là, tu sais, c'est complètement en dehors de la réalité. Mais ça, c'est une autre histoire.
Recommandation du Vérificateur général
visant l'élimination de contraintes
à son pouvoir de contrôle
dans des sociétés d'État
J'aimerais, dans cet esprit-là aussi de transparence, vous demander si vous avez l'intention de donner suite au rapport et aux recommandations du Vérificateur général sur le mandat qui lui est donné et qu'il voudrait bien mettre à exécution pour la vérification et son travail de Vérificateur général dans les sociétés d'État. Entendons-nous, j'ai lu un papier qui était intéressant au sujet de la vérification que fait le Vérificateur général sur les états financiers, la partie plus mécanique de ce travail-là, où quelqu'un de la Caisse de dépôt et de placement, je pense, un des vice-présidents, réagissait en disant: Le Vérificateur général fait déjà une certaine vérification. Là-dessus, on s'entend, mais ce n'est pas ça, la question.
La question, vous la connaissez bien, M. le Président, c'est le Vérificateur général qui demande qu'on puisse réaliser une vérification de l'optimisation des ressources dans toutes les entreprises qu'elle vise et sans contrainte administrative. Parce que la loi actuelle, telle qu'on la décrit, fait en sorte que le Vérificateur général doit s'entendre avec les sociétés d'État. Or, il se dit être muselé par la Caisse de dépôt et de placement. Alors, le contexte économique a fait en sorte que la Caisse n'a pas eu les rendements qu'elle est habituée de livrer d'année en année dans son dernier rapport. Ça ramène, en quelque sorte, la question. Moi, je crois sincèrement que c'est dans l'intérêt de tout le monde, d'abord du gouvernement, des citoyens, mais c'est dans l'intérêt de tout le monde qu'on puisse permettre au Vérificateur général de faire ce type de vérification. Il vous le demande, il vous en fait la demande. On appuie, nous, cette demande-là du Vérificateur général. J'aimerais savoir du premier ministre, M. le Président, s'ils ont l'intention de donner suite à cette demande et de permettre la vérification.
Le Président (M. Lachance): M. le premier ministre.
M. Landry: Oui. Bien, moi, j'aime bien les politiques innovatrices et puis je fais partie d'une formation politique qui en a mis beaucoup de l'avant, dont certaines qui étaient révolutionnaires, mais, pour ça, je suis conservateur. Je pense comme Jean Lesage et tous ses successeurs. Quand il a mis sur pied la Caisse de dépôt, je pense qu'il a bien agi. Le Vérificateur général peut aller à la Caisse de dépôt autant qu'il le veut pour vérifier ce qui touche à la Caisse elle-même, alors les moindres détails, dépenses, etc., bon, mais il ne doit pas s'immiscer dans la relation de la Caisse et des milliers de compagnies dans lesquelles la Caisse investit sur le marché de l'argent ou par ses filiales parce que, autrement, les compagnies vont fuir la Caisse. Personne dans le secteur privé ne veut que ses états financiers, directement ou indirectement, soient débattus à l'Assemblée nationale. Ce serait très injuste. Ça ferait du Québec une société exceptionnelle, inhospitalière aux investissements, surtout que les agences de régulation boursière font déjà ce travail quand ce n'est pas spontanément qu'il est fait par la seule réglementation. Les compagnies avec lesquelles la Caisse de dépôt fait affaire ont des vérificateurs internes et externes, et, si elles sont publiques, les rapports annuels sont rendus publics à cause de l'implication boursière, et il y a même des compagnies privées qui rendent publics leurs rapports annuels. Alors, on ne veut pas transformer la Caisse en épouvantail pour ses associés éventuels du Québec ou de l'étranger.
Vraiment, si... Moi, je l'ai vue tellement souvent, cette suggestion, si elle me semblait compatible avec la bonne gestion de la Caisse et le développement de l'économie, j'aurais dit oui immédiatement. Mais je pense que c'est le contraire qui arriverait, on affaiblirait notre Caisse de dépôt qui, cette année, n'a pas eu des rendements fabuleux, sauf si on les compare aux mauvais rendements d'à peu près tout le monde. On a juste à lire les journaux de ce matin puis écouter les nouvelles hier soir pour savoir que la Caisse de dépôt a fait une bonne année comparé aux malheurs qui sont arrivés à certains autres, hein? Mais il ne faut pas, sur une conjoncture de rendements moins intéressants, aller faire un bouleversement qui, encore une fois, ne m'apparaît pas nécessaire.
M. Charest: Je veux simplement vous rappeler peut-être en conclusion là-dessus que le rapport en question du Vérificateur général, c'est celui de 1999-2000, que la recommandation visait spécifiquement l'interprétation que fait la Caisse de dépôt et de placement, que le Vérificateur général, qui est un homme... C'était M. Breton à ce moment-là qui a, depuis, pris sa retraite et, je pense, comprenait très bien les exigences de confidentialité, les exigences des marchés financiers, également réglementaires, que ce qu'il souhaitait, c'est qu'il puisse réaliser son mandat sur l'optimisation des ressources. Et je comprends que votre réponse est négative, alors, là-dessus, on va s'entendre pour ne pas s'entendre.
Suites données au rapport de la Commission
des droits de la personne et des droits
de la jeunesse sur l'exploitation
des personnes âgées
Et j'aimerais donc passer peut-être à un autre sujet. Vous avez obtenu et entre les mains... Votre gouvernement a entre les mains un rapport au sujet des personnes âgées, qui a fait beaucoup de bruit. Vous vous rappellerez sans doute que la Commission des droits de la personne et de la jeunesse avait choisi de publier un rapport et de lui donner un titre qui est assez évocateur, L'exploitation des personnes âgées: vers un filet de protection resserré. Ce qui est évoqué dans ce rapport-là est très inquiétant, M. le Président. Et là je sais que mes collègues députés de tous les partis, au fil des contacts dans leurs comtés respectifs, ont probablement croisé des gens qui ont évoqué ces problèmes-là, et il n'y a pas un député à l'Assemblée nationale du Québec qui a dû être insensible au contenu de ce rapport puis aux recommandations, surtout aux constats qui y étaient faits.
Et le Vérificateur général, en 2000-2001, aussi s'était penché là-dessus et avait fait un constat d'échec en ce qui concerne le virage ambulatoire puis les services de soins de maintien à domicile offerts aux personnes âgées en perte d'autonomie. Aucun outil d'évaluation, constatait-il, aucun plan d'organisation. Il parlait d'un cafouillis total et il blâmait le gouvernement pour son laxisme et son improvisation. «Des 11 recommandations ? c'est le Vérificateur général qui parle, qui le soulevait ? formulées en 1993-1994 à l'égard des services à domicile, deux ont été appliquées, deux l'ont été partiellement, [...] sept ne le sont pas encore.» Alors, c'est toujours notre Vérificateur général, M. le Président, qui parle, là, en 2000-2001 au sujet de ce rapport de 1993-1994, il dit ceci: «Ni les CLSC, ni les régies régionales, ni le ministère ne sont en mesure de savoir si la clientèle est bien desservie.» Ni le ministère ni les régies ne connaissent la situation des listes d'attente des services à domicile. Les budgets sont alloués aux CLSC sans connaître le nombre de clients qui ont recours aux services.» Et là le rapport de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse parle de l'exploitation des personnes âgées. Le rapport conclut à l'exploitation physique, psychologique, morale et financière des personnes âgées. Il confirme également qu'il y a atteinte à l'intégrité, la dignité, la sécurité et aux droits fondamentaux dans certains cas. Je pourrais aller longuement dans le détail. Je veux rappeler au premier ministre que ce rapport, là, qui date quand même d'il y a moins d'un an ? c'est du mois d'octobre 2001 ? porte un jugement tellement sévère que je présume que le gouvernement a dû vouloir mettre sur pied une équipe spéciale pour répondre et réagir et s'assurer qu'on répondait de toute urgence aux constats puis aux recommandations.
n(12 heures)n Alors, j'aimerais donc savoir, de la part du premier ministre, ce que son gouvernement a fait depuis ce temps-là pour réagir et pour corriger le tir et pour s'assurer que les personnes âgées puissent obtenir les services auxquels elles ont droit.
M. Landry: Je vais répondre avec plaisir à cette question, même si le sujet est tragique. Le gouvernement, qui avait commencé à agir avant même ces recommandations qui touchent, ne l'oublions pas, également le secteur privé... Il est plus difficile d'avoir un contrôle sur le secteur privé, mais même ça, on va s'y attaquer.
En décembre 2001, Mme Nicole Brodeur, qui fait partie de notre fonction publique depuis plusieurs années, qui a été même sous-ministre en titre, a été nommée à titre de commissaire aux personnes âgées. C'est une innovation, ça n'existait pas dans nos services, dans nos hiérarchies. Et Mme Brodeur est chargée d'assurer la mise en oeuvre des recommandations formulées précisément par la Commission qui vient d'être citée, des droits de la personne. En tout ce qui concerne la santé et les services sociaux, elle est appuyée par un comité de sages formé de trois membres; alors, il s'agit de soeur Cécile Girard, du Dr Jean-Marie Albert et de Mme Françoise Keller, qui sont des personnalités québécoises bien connues.
En février 2002: en marche, la réalisation du plan d'action sur la maladie d'Alzheimer et affections connexes, c'est-à-dire toutes les maladies dégénératives du cerveau qui rendent les gens beaucoup plus vulnérables, évidemment. Les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer constituent une des clientèles particulièrement sensibles et vulnérables aux abus de situations, évidemment: manque de mémoire, manque de relation espace-temps, tout ça en fait des victimes incroyablement vulnérables.
Alors, un des principaux éléments du plan d'action concerne l'information, la sensibilisation de la population, la formation du personnel, les mesures de soutien aux aidants, la recherche et l'évaluation. Et on est également à élaborer un cadre de référence sur la philosophie et les pratiques en CHSLD pour contribuer à assurer aux personnes âgées un milieu de vie de qualité. Ce cadre de référence aura, entre autres, comme impact de contrer les abus en reconnaissant à toute personne hébergée le droit à un milieu de vie qui respecte son identité, sa dignité, son intimité, un milieu qui assure sa sécurité et son confort et qui permet de donner un sens à sa vie et d'exercer sa capacité d'autodétermination. Et enfin, une élaboration d'une politique sur l'utilisation des mesures de contrôle tels contention, isolement, substances chimiques. Le ministère est actuellement à procéder à une consultation sur les balises devant favoriser une utilisation adéquate des mesures de contrôle qui ont été identifiées par la Commission comme source d'abus. Et, en plus, nous allons ouvrir sous peu un registre concernant les résidences privées, les établissements privés de façon à contrôler les clandestins, les inadéquats, ceux et celles qui ne sont pas aux normes.
Et il y a de l'argent là-dedans. Par exemple, entre 1994 et 2001, les investissements consentis au maintien à domicile, pour la région de Montréal, sont passés de 93 à 160 millions. Pour le Québec, pour l'ensemble des clientèles, le budget de soutien à domicile est passé de 297 à 554 en 2000-2001, une augmentation de 86 %. Il est important de constater que, selon le rapport du Vérificateur général du Québec, la région de Montréal se compare très bien à d'autres grandes villes canadiennes pour l'offre de services à domicile.
Si on oublie quelques instants les chiffres et qu'on se ramène à l'essentiel, soit les personnes elles-mêmes et les visites qui leur ont été faites, en 1995, c'est près de 465 000 visites effectuées auprès des personnes âgées, et, en 1999-2000, ces visites totalisaient environ 895 000 visites. C'est cela qu'il faut retenir et qu'il faut préserver. Notre volonté, c'est d'offrir des services aux personnes qui en ont besoin.
Et on a aussi un autre plan, sauf que ce plan coûte 225 millions de dollars annuellement et récurrents ? 225 millions. Quand on sait que le déséquilibre fiscal, qui, je crois, fait l'unanimité autour de cette table, nous coûte 50 millions de dollars par semaine, vous voyez ce que nous serions en mesure de faire si le gouvernement central n'était pas, je dois le dire, buté et borné et ne niait pas l'existence même du déséquilibre.
Vous savez ce que répond le ministre des Finances du Canada? Montez vos impôts. Il dit aux provinces: Montez vos impôts, alors que, lui, il a un surplus de 14 milliards, déclaré il y a quelques jours, là, pour la partie de l'année écoulée. Dans ce 14 milliards, il y aurait la réponse à beaucoup de problèmes québécois et beaucoup de problèmes ontariens, disons-le aussi, parce que l'Ontario prend fait et cause avec nous. C'est dramatique, c'est scandaleux en soi et ça l'est plus encore quand on voit les déficits menacés partout ? y compris au Québec, même si on se bat pour garder le déficit à zéro ? et les surplus s'accumuler à Ottawa.
Un des vices... Vous vous dites fédéraliste, et je crois que vous l'êtes, mais là, ça, ce n'est plus du fédéralisme. Moi, je pense... Je suis souverainiste, donc je suis moins sensible aux vices du soi-disant fédéralisme canadien, puisque je propose une solution de rechange plus globale. Mais, si j'étais fédéraliste, je serais outré de voir que l'actuel gouvernement central du Canada ne se comporte plus comme un gouvernement fédéral, et depuis longtemps. Il se comporte comme un gouvernement central. Une telle chose, dans de vraies fédérations comme la République fédérale d'Allemagne, ne serait pas tolérée pendant un quart d'heure.
La dernière fois que je suis allé en Allemagne, j'ai visité la Chambre des régions, à Berlin, le Bundesrat, et tous les Länder siègent au Bundesrat. Et cette Chambre a des pouvoirs énormes et en particulier nous a remis ? et j'en ai rapporté pour les distribuer à mes collègues des autres provinces ? un petit dépliant décrivant le Bundesrat, et le titre, c'était Sans l'accord des Länder, l'action du gouvernement central est impossible. C'était en allemand, puis en anglais, puis je pense que c'était Without the Länder, never, puis, en français, une autre formulation. On est loin de ça.
Il y a deux jours, le ministre des Finances du Canada a fait allusion à subventionner les grandes villes canadiennes. Vous avez vu ça? J'espère que vous allez vous élever contre cette chose avec la plus grande vigueur, tous partis confondus, ici, autour de cette table. C'est difficile de trouver des mots. Gérard D. Levesque avait parlé de fédéralisme prédateur, je crois, mais là, quand tu as dit «prédateur», là, puis qu'ils ne veulent rien savoir, puisqu'ils nient l'existence du déséquilibre, à moins de se mettre à leur dire des injures grossières, il faut qu'on ait une unité entre nous à toute épreuve pour faire comprendre à ces gens qui dirigent le gouvernement central du Canada qu'ils n'ont même plus le droit de se décrire comme des fédéralistes.
Quand il arrive une grève d'infirmières, une des choses les plus dramatiques qui puissent se passer dans une société... et on en a vécu une ici, puis, moi, je l'ai vécue de près parce qu'en plus j'allais ces jours-là à l'hôpital tous les jours, puis j'ai vu les manifs, puis j'ai lu les pancartes, puis on criait: Bouchard, Léonard, Marois, Landry. Mais il y avait deux noms manifestement qui manquaient: personne n'a parlé de Martin ni de Chrétien, alors que le gouvernement central s'est retiré de la santé qu'il finançait à hauteur de 50 % pour se retirer à 0,14 $ au 1 $. Mais là ce n'est pas juste un déséquilibre financier, c'est un déficit démocratique. Ça veut dire que la population n'est plus en mesure de blâmer ceux qui doivent l'être puis blâme toujours les unités décentralisées. Alors, c'est Mike Harris, puis c'est Roger Grimes, c'est ci et c'est ça, puis les vrais responsables, c'est Paul Martin puis Jean Chrétien.
Alors, ça décrit un peu ce qu'on fait pour compenser les détresses des personnes âgées et les abus dénoncés par le rapport de la Commission des droits de la personne, mais ça dit aussi ce qu'on pourrait faire si on avait 50 millions de dollars de plus par semaine.
Le Président (M. Lachance): ...en vous signalant que je vais reconnaître le député de Rivière-du-Loup pour une dernière question. Vous êtes toujours sur le même sujet ou si vous abordez une autre idée?
M. Charest: Oui, je suis sur le même sujet. Puisque le premier ministre évoque la question de déficit démocratique, on va lui dire qu'il est bien mal placé pour parler de déficit démocratique. Il est à la tête d'un gouvernement qui a obtenu moins de votes que l'opposition officielle, qu'il a gagné parce que la carte électorale... en tout cas, gagné une majorité de sièges parce que la carte électorale le favorisait. C'est un premier ministre désigné. Il est dans la quatrième année de son mandat avec un ministre de la Santé ? parce qu'on est sur le sujet de la santé ? qui n'a pas passé le test électoral. Tous ses collègues qui sont ici aujourd'hui ont eu à subir ce test-là, mais, lui, il est exempté.
n(12 h 10)nM. Landry: M. Legault n'a pas été élu?
M. Charest: Pardon?
M. Landry: M. Legault n'a pas été élu?
M. Charest: Non, je parle de M. Levine.
M. Landry: Ah! Le ministre délégué.
M. Charest: Oui, c'est un ministre quand même, il a une limousine.
M. Landry: Oui, oui.
M. Charest: Ils n'ont pas de limousine, eux autres, hein! Plus de la moitié de votre caucus se promène en limousine. Alors, eux n'en ont pas, mais, lui, il en a une puis il n'a pas passé le test électoral à l'Assemblée nationale du Québec. Et, lorsqu'on vous interroge là-dessus, vous êtes très vite à pointer du doigt le gouvernement fédéral, mais ce n'est pas le gouvernement fédéral qui a fait le Programme de départs volontaires, qui a fait les restrictions également dans les facultés de médecine en même temps et qui a fait des restrictions dans les inscriptions dans les programmes de sciences infirmières, qui a étouffé à peu près le système. Ça, c'est vous qui êtes directement responsable de cela. Ce n'est pas le gouvernement fédéral qui décide de la priorité dans vos dépenses, alors que le Québec était au troisième rang des dépenses per capita en 1994, lorsque le Parti québécois est arrivé au pouvoir et que, là, vous êtes au dernier rang. Ce n'est pas le gouvernement fédéral qui a décidé que, au Québec, on allait être au dernier rang à peu près dans les dépenses de soins à domicile pour les personnes âgées. C'est vous, c'est vous qui prenez cette décision-là.
D'ailleurs, il y a un rapport qui a été rendu public, émanant du comité coordonné par Hervé Anctil, de la Direction générale de la planification stratégique et d'évaluation du ministère, chez vous, pour l'année 1999-2000, qui constate ceci ? et ça ne vient pas d'ailleurs, c'est votre gouvernement qui fait le constat ? que le Québec est la province canadienne qui alloue le moins de ressources financières aux services de soutien à domicile: 65 $ par année par habitant. C'est 129 $ par année par habitant au Manitoba; 92 $ en Ontario; 108 $ au Nouveau-Brunswick. Puis, la moyenne canadienne, elle est de l'ordre de 83 $. Ça, c'est votre choix, à vous.
Dans l'échange qu'on a eu ce matin, vous dites que vous êtes très fier de subventionner des emplois qui existent déjà. On a établi ça sans aucune équivoque, vous en financez 650 puis vous dépensez au total 1,8 milliard de dollars en crédits d'impôt pour subventionner certains de ces emplois-là qui existent déjà. Et le constat qu'on fait, c'est que votre gouvernement, dans les choix qu'il fait, se place au dernier rang en termes de dépenses dans le domaine de la santé.
Sur la question du déséquilibre fiscal puis du transfert de points d'impôt, vous vous êtes moqués de notre position dans l'année 2000. Votre ministre des Affaires intergouvernementales, M. Facal, nous a reproché de ne pas vivre sur la planète parce qu'on vous demandait à ce moment-là de défendre cette position-là. Et, depuis ce temps-là, si vous vous êtes rattrapés, si vous êtes arrivés à la conclusion qu'on avait raison, bien, bravo, bravo, mais, en même temps, vous êtes en train de nous dire que vous n'êtes pas, vous, parmi ceux qui vont proposer d'améliorer le système fédéral. Là-dessus, vous avez, en tout cas, toujours eu la franchise de dire que ce n'était pas votre mission. Bon, bien, bravo.
Alors, posons-nous la question suivante: S'il y a un problème de déséquilibre fiscal, si le gouvernement actuel n'accorde pas une priorité à la santé, bien, oui, éventuellement, on aura à combler un déficit démocratique. On va commencer par le combler au Québec avant de faire la morale aux autres. Et, là-dessus, je veux juste rappeler au premier ministre, parce qu'il faut mettre ça en perspective, lorsqu'il fait des morales de centralisation au gouvernement fédéral, que, s'il y a un gouvernement qui est centralisateur actuellement, c'est le gouvernement du Parti québécois. Et je vais vous donner un exemple. Je vois mes collègues du Parti québécois se... Vous voulez un exemple? Je vais vous en donner un, exemple. La loi n° 28, dénoncée à peu près unanimement par tous les intervenants dans le domaine de la santé, la loi n° 28, là, qui centralise les décisions, qui fait en sorte que c'est votre gouvernement qui nomme sur les conseils d'administration les gens dans le réseau de la santé. Vous dites: C'est normal. C'est un recul net pour les régions du Québec et c'est une contradiction, une vraie contradiction, par rapport à tous les efforts de régionalisation. Si vous voulez le défendre... Je vois le député de Saint-Hyacinthe qui hoche la tête et dit: Je ne suis pas d'accord. Allez le défendre, défendez-le, moi, ça ne me fait rien. Moi, j'ai l'intention de défendre exactement le point de vue contraire: Ça représente un net recul pour le Québec.
Alors, sur la question des personnes âgées, est-ce que le premier ministre a l'intention d'augmenter les ressources disponibles pour les soins à domicile, pour répondre à ce rapport-là qui est quand même, là... qui date du mois d'octobre 2001? Quand un organisme gouvernemental, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, met un titre comme L'exploitation des personnes âgées, ce n'est pas par accident qu'il le fait. Alors, est-ce que son gouvernement a l'intention d'augmenter les ressources disponibles pour les soins à domicile comme il avait promis de le faire, en passant, avec sa réforme de la santé, son virage ambulatoire? Lorsqu'il a fermé des hôpitaux au Québec, il a déclaré publiquement que c'était dans le but de prendre cet argent-là et l'investir dans les soins à domicile, dans les services ambulatoires. Alors, on sait aujourd'hui que l'argent n'est pas allé là, il est allé ailleurs. Alors, est-ce que le premier ministre a l'intention de faire en sorte que le Québec puisse au moins faire son effort et que son gouvernement ne soit plus en queue de peloton, mais qu'on puisse au moins commencer à s'occuper des personnes âgées au Québec et y mettre les ressources nécessaires?
Le Président (M. Lachance): M. le premier ministre.
M. Landry: D'abord, nous avons dû faire des choses courageuses et fondamentales qui font que notre système public de santé est encore en vie aujourd'hui. La première de ces choses, c'était d'arrêter la catastrophe de l'endettement de 6 milliards de dollars annuellement. L'accumulation de ce déficit nous prive annuellement de 6 milliards en service de la dette. Alors, la première chose, il fallait remettre de l'ordre dans les finances publiques. Nous l'avons fait.
La deuxième chose, il fallait moderniser le système de santé comme la plupart des juridictions qui nous entourent l'avaient fait... et que nos prédécesseurs, hélas, pour 50 raisons, n'avaient pas eu le courage de regarder les choses en face et de faire ce qui devait être fait. Ce qui devait être fait, c'est de prendre le virage ambulatoire. Ça devait être fait absolument parce que la chirurgie... Et il y a des spécialistes de ces questions dans cette salle. Je ne pense pas juste au sous-ministre de la Santé. Je pense à des députés du Parti libéral qui connaissent bien la question.
La chirurgie s'était modifiée radicalement et pour le mieux. Des interventions qui demandaient une hospitalisation d'une semaine peuvent se faire maintenant en clinique ambulatoire, le mot le dit, et demander une demi-journée. Les gens retournent chez eux puis ont les secours des CLSC quand c'est requis ou même quand ce n'est pas requis. Mais, au lieu de coûter 1 000 $ par jour, bien, ça a coûté l'avant-midi dans les cliniques externes.
Quand on prend ce virage puis qu'on gère l'hôpital comme avant, on gaspille de l'argent, on jette l'argent par les fenêtres. Quand on avait besoin de milliers et de milliers de lits pour faire face à ces chirurgies lourdes qui demandaient une hospitalisation d'une semaine, c'était une chose, mais maintenant qu'on y va par des laparotomies et toute espèce de techniques complexes qui ne demandent plus de grandes incisions, donc réduisent les risques d'infection, diminuent les temps d'hospitalisation et d'alitement requis, il fallait prendre le virage ambulatoire. Si on ne l'avait pas pris, notre régime, il serait déjà mort. Ceux qui nous ont précédés, encore une fois, pour 50 raisons, ne l'avaient pas fait.
Si je reviens aux dimensions financières de la chose maintenant, vous savez que les crédits de dépenses de programmes en santé, alors, dépenses de programmes, c'est 44 % du budget de dépenses. Vous l'avez vu, les crédits ont été déposés il y a quelques jours. Bien, depuis qu'on est au déficit zéro, les deux tiers de toute la marge de manoeuvre disponible par le gouvernement sont allés dans ce 44 %, donc sont allés essentiellement à la santé.
Il y a aussi des gens d'une idéologie opposée à celle de l'Action démocratique, puisque ce sont des gens très à gauche, même c'est des gauchistes, des gauchistes qui ont dit, qui ont répandu: Le déficit zéro, c'est une mesure de droite. Bien, voyons donc! Le déficit zéro, ça permet de redonner à l'État, que les gens de gauche aiment utiliser pour la répartition sociale, sa dignité, sa crédibilité et des moyens.
Et, après le déficit zéro, qu'est-ce qu'on a fait? Bien, on a agi comme des sociaux-démocrates et on a mis dans les dépenses sociales, essentiellement les dépenses de santé, les deux tiers de la marge de manoeuvre. C'est des mises au point, ça, qui doivent être faites. Souvent, les gens sont de bonne foi puis ils pensent qu'être à gauche, c'est être dissipé, puis être à gauche, c'est prendre des chances avec la bonne gestion. Non, non, non, non. Un social-démocrate sérieux, il fait la répartition de la richesse; il est interventionniste, mais il garde son budget en équilibre, ce que nous faisons, et c'est ce qui nous a permis, dans le système de santé en particulier, de remettre des sommes considérables.
Mais je voudrais... Puisque j'ai accepté quelques-unes des suggestions du chef de l'opposition aujourd'hui, enfin, sous réserve dans quelques cas puis d'une façon plus formelle dans d'autres, je vais lui en faire une. Vous savez qu'il y a au feuilleton de notre Assemblée nationale une motion qui se lit comme suit:
n(12 h 20)n«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement fédéral de reconnaître et corriger le déséquilibre fiscal constaté par le rapport Séguin et ses effets désastreux sur le financement des programmes sociaux au Québec et dans les autres provinces, notamment en ce qui a trait aux systèmes de soins de santé, d'éducation et de soutien à la famille.» Alors, ma suggestion au chef de l'opposition officielle, c'est que lui et sa formation politique, sans réserve, appuient cette motion quand elle sera appelée devant notre Assemblée. Le chef de l'Action démocratique m'a déjà dit, et j'espère que ce n'est pas comme le trajet Baie-Comeau?Québec, que c'est ferme, qu'il appuierait la motion. Alors, si le chef du Parti libéral réagit comme le chef de l'Action démocratique et comme nous le faisons nous-mêmes, d'une seule voix, comme on l'a fait pour dénoncer le rapatriement unilatéral de la Constitution, une seule voix moins une, cette fois-là, par ailleurs, puisque le chef de l'Action démocratique n'était pas là ce jour-là, mais qu'il y sera quand ce sera le temps d'appuyer le rapport Séguin et de dire à Jean Chrétien, premier ministre du Canada, à Paul Martin et à Stéphane Dion... J'essaie de garder les mots les plus polis possible, là, je ne dirai pas «prédateur», comme disait Gérard D. Levesque, mais je dis «buté» et «borné» par rapport à une évidence qui était aussi claire pour Mike Harris que pour son successeur, que pour moi-même: Ils nous privent de 50 millions de dollars par semaine. Vous rendez-vous compte de tout ce qu'on pourrait faire dans les centres d'accueil, ce qu'on pourrait faire en achat d'équipement médical, ce qu'on pourrait faire pour améliorer le sort des infirmières, des infirmiers? Alors, j'espère que mon message est compris.
Le Président (M. Lachance): Je m'excuse de vous interrompre, mais il reste...
M. Landry: J'espère que mon message est compris et que, quand on appelle la motion, tout le monde, avec enthousiasme, envoie le message clair au gouvernement central du Canada.
Le Président (M. Lachance): Il reste quelques minutes à peine avant la fin de nos travaux. Je m'étais engagé à une question du député de Rivière-du-Loup, j'espère qu'elle sera brève et que la réponse le sera aussi et qu'on pourra ensuite terminer nos travaux par l'adoption des crédits. M. le député de Rivière-du-Loup... Oui, M. le chef de l'opposition.
M. Charest: Si vous permettez, M. le Président, parce que le premier ministre nous a interpellés, et je pense que ça commande qu'on puisse avoir l'occasion de réagir. Est-ce que vous allez prévoir ce temps-là?
Le Président (M. Lachance): Écoutez, moi, avec le consentement des parlementaires, là, je suis ouvert, sauf qu'on a une période de temps qui est déjà délimitée et...
M. Landry: ...dans des délais raisonnables, M. le Président, nous consentons. Il ne faudrait pas être obligés de modifier notre agenda de l'après-midi.
M. Charest: Oui. On sera tous les deux à la période de questions. On se donne rendez-vous à 2 heures, on s'entend là-dessus.
Le Président (M. Lachance): Il y aura d'autres forums, d'autres endroits. M. le député de Rivière-du-Loup...
M. Charest: On est toujours fidèles. Hein?
Une voix: ...
M. Charest: On ne se privera pas, quand même. Est-ce que vous voulez que cette intervention se fasse immédiatement?
Remarques finales
Le Président (M. Lachance): Bien, écoutez, on pourra... D'abord, après la question du député de Rivière-du-Loup, vous aurez à ce moment-là peut-être le mot de la fin. M. le député de Rivière-du-Loup.
M. Mario Dumont
M. Dumont: Merci, M. le Président. Je vais essayer d'être bref, parce que je ne voudrais surtout pas priver l'occasion au chef de l'opposition officielle de réagir sur cette question du déséquilibre fiscal, motion que, nous, on appuie. Et, en passant, j'étais hier à Ottawa, je rencontrais le chef du Parti conservateur à Ottawa, M. Clark, qui serait certainement confortable avec le texte de la même motion, qui reconnaît lui-même l'existence du déséquilibre fiscal et demande au gouvernement fédéral de le reconnaître, au gouvernement Chrétien de le reconnaître. Alors, je vais laisser le temps tout à l'heure au chef de l'opposition officielle de réagir.
Je conclus mes remarques finales en disant que c'est quand même intéressant que l'étude des crédits du Conseil exécutif soit largement devenue l'étude du programme de l'ADQ. On aime ça en débattre et on aura d'autres occasions de le faire. On est enclin à en parler. Mais je veux quand même revenir sur le point suivant. Le premier ministre s'est nommé lui-même à quelques reprises aujourd'hui comme étant un progressiste. J'ai toujours entendu dans le mot «progressiste» des gens qui sont dans le mode action, dans le mode de prendre des initiatives, d'accomplir des choses, et c'est triste, mais ce que j'ai entendu aujourd'hui, c'est un premier ministre qui attaque les programmes à gauche et à droite, qui défend finalement des statistiques qui lui émanent de la fonction publique, mais qui est un homme de statu quo, là, qui, à l'heure actuelle, tient le temps et qui n'a pas entre les mains et qui ne nous fait pas sentir dans ses réponses un programme d'action énergique, ambitieux pour les prochaines années. Et, moi, je l'ai senti comme ça. Je peux me tromper, et il reste quelques minutes pour nous convaincre du contraire. Moi, j'ai senti quelqu'un qui réagit, qui nomme les statistiques, les conséquences de la croissance économique des dernières années, mais qui, se décrivant lui-même comme un progressiste, est beaucoup dans le statu quo et le maintien du modèle gouvernemental des dernières années, la gestion des crises qui sont liées, comme à l'assurance médicaments, aux propres erreurs de son parti beaucoup plus que dans un mode d'action.
Et, puisque je conclus avec les actions, bien, la seule action qui est sur la table, et il ne m'a jamais répondu là-dessus, c'est un projet de loi sur le lobbying qui, moi, m'inquiète beaucoup, qui, je pense, sous des origines ou des ambitions soi-disant nobles d'encadrer le lobbying, aura, dans l'effet que j'en lis, dans la conséquence que j'en lis, l'impact de forcer beaucoup plus de monde à avoir recours au lobbying, donc à augmenter l'utilisation de cette pratique. Dans la seule pièce législative de marque, semble-t-il, des prochains mois, j'aimerais ça qu'il puisse nous commenter sa certitude que ça va livrer la marchandise.
Le Président (M. Lachance): M. le chef de l'opposition officielle.
M. Jean J. Charest
M. Charest: Bien, toujours dans la même trame de cette chicane de famille entre l'ADQ et le Parti québécois, s'il est vrai que le premier ministre affirme haut et fort qu'il est interventionniste social-démocrate, qu'on a, de l'autre côté, un parti de droite, il doit bien y avoir un centre, et je pense que c'est exactement là où se situe le Parti libéral du Québec. Je constate, comme le premier ministre aussi, la géométrie variable des positions de l'ADQ. D'ailleurs, son nouveau député, il faut peut-être le rappeler ? parce que M. Dumont nous rappelait qu'il était opposé à l'accord de Charlottetown puis qu'il a quitté au moment du rapport Allaire ? son député, lui, était délégué conservateur au congrès de leadership de 1993. Il m'a même avoué avoir voté pour moi. Il ne faut pas se surprendre. M. Corriveau...
Des voix: ...
M. Charest: Bien, oui. Il dit: Moi aussi. Est-ce qu'il va dire que lui aussi était membre du Parti libéral du Québec, comme M. Corriveau, en 1998? Ça, je ne le sais pas, c'est... Mais enfin, il y a beaucoup d'élasticité, disons-le comme ça, dans les positions de l'ADQ, et ils n'auraient pas d'exemple à donner au Cirque du Soleil.
Mais je veux revenir sur ce sujet du déséquilibre fiscal pour rappeler au premier ministre que son gouvernement avait défendu des coupures qu'a faites le gouvernement fédéral justement de M. Chrétien et que son premier ministre M. Bouchard a déclaré qu'il était d'accord avec ces coupures, hein! Alors, quand le gouvernement actuel découvre soudainement des vertus des points d'impôt puis le déséquilibre fiscal après avoir dit oui au gouvernement fédéral: Allez-y, coupez dans des transferts que vous faites au gouvernement du Québec, on est d'accord avec vous autres, avouons que les citoyens du Québec ont un peu de difficultés à suivre. Mais là où c'est plus inquiétant, M. le Président, c'est que, si j'ai bien compris le premier ministre puis le sens de ses propos, en réponse à ce rapport de l'exploitation des personnes âgées qui date de même pas un an, en réponse à un rapport de son gouvernement, de M. Anctil, qui nous apprend que son gouvernement est le gouvernement qui dépense le moins dans les services à domicile au Canada, qui ne rejoint même pas la moyenne canadienne, en réponse à tout ça, on a droit à de l'argent pour une campagne de publicité. Et, si j'ai bien compris le sens des propos du premier ministre, il a l'intention de tenir en otages les personnes âgées et de ne pas augmenter les ressources parce qu'il a décidé, lui, qu'il allait faire de la question du déséquilibre fiscal un outil de pédagogie pour la souveraineté. C'est ce qu'il a déclaré. Et c'est là-dessus où j'ai l'intention effectivement de lui fausser compagnie parce que, pour le Parti libéral du Québec et pour moi, personnellement, depuis 1997, je défends cette idée de transférer des points d'impôt non pas pour la souveraineté, mais pour la santé, pour des services directs à la population. Et vous n'avez pas le droit de refuser de livrer des services à des personnes âgées parce que vous avez décidé de faire du déséquilibre fiscal un outil pour la souveraineté. De mon point de vue, à moi, vous faites une très mauvaise décision, et c'est une décision que vous devriez soumettre au jugement populaire de la population.
D'ailleurs, je vous rappelle que, si on a encore d'autres partielles d'ici la fin du mois de juin, c'est presque 10 % de tous les comtés représentés à l'Assemblée nationale du Québec qui auront été en partielles. Alors, plutôt que de présenter des motions à l'Assemblée nationale du Québec, avec votre ami de l'ADQ avec qui vous remontez dans l'autobus pour les fins de défense de la souveraineté, je vous suggère plutôt de faire une élection générale, c'est encore plus puissant que n'importe quelle autre suggestion qu'on pourrait vous faire. Si vous y croyez vraiment, à cette question-là, allez en élection générale puis demandez à la population du Québec à qui ils veulent confier justement ce dossier du déséquilibre fiscal pour qu'on puisse avoir des vrais résultats. Et là vous aurez la bonne réponse, celle qui va donner un vrai mandat à un prochain gouvernement du Québec, pas une motion pour faire des stratégies à l'Assemblée nationale du Québec, parce que, nous, on n'embarquera pas là-dedans.
n(12 h 30)nLe Président (M. Lachance): M. le premier ministre, et ce sera la dernière intervention avant l'adoption des crédits.
M. Bernard Landry
M. Landry: Je pense que la suggestion du Cirque du Soleil pourrait s'appliquer aussi dans les derniers mots du chef de l'opposition officielle.
Mettons les choses au clair. Si le Québec était souverain, le débat que nous avons sur cette question du déséquilibre fiscal n'aurait aucun sens, il n'y aurait pas de déséquilibre fiscal. La souveraineté, c'est percevoir 100 % de ses impôts et de ses taxes; c'est ça que nous voulons, nous. Nous voulons... comme l'alternative Robert Bourassa. Cette Assemblée a voté, à la demande de Robert Bourassa, une loi qui stipulait que, sans réforme profonde du fédéralisme canadien, réforme en profondeur, l'alternative sera la souveraineté. Alors, même Robert Bourassa, qui ne l'a pas faite, l'avait donnée comme alternative à une absence de réforme du fédéralisme. Cette réforme du fédéralisme n'est jamais venue. Au contraire, on s'en va vers une centralisation de plus en plus grande.
Alors, oui, aussi vrai qu'il y aura des élections générales quand le temps sera venu, aussi vrai le Québec aura 100 % de ses impôts et ses taxes et sera souverain quand le temps sera venu. Mais, en attendant... On a eu juste 50 % des voix au dernier référendum, dont 60 % des francophones, il nous fallait un peu plus. Mais, en attendant, je ne vois pas pourquoi le Parti libéral, qui se dit fédéraliste, provincialiste, ne veut pas qu'il y ait plus d'argent pour les provinces. C'est ça, la motion. Le chef de l'Action démocratique, il l'a dit, qu'il n'est pas souverainiste et qu'il ne l'a jamais été, il vote pour la motion quand même, il vote pour la motion quand même. Alors, vous allez devoir expliquer à la population du Québec pourquoi, vous, fédéralistes-provincialistes, ne voulez pas vous joindre à la voix de l'Assemblée nationale qui veut vaincre l'attitude butée et bornée du gouvernement central. On en débattra. Mais, moi, j'aurai le regret que, pour des raisons de tactique et de stratégie, vous ne voulez pas, alors que vous croyez au présent régime, l'améliorer, alors qu'on dit, comme vous, on demande, en attendant la souveraineté, qu'il soit amélioré.
Mais, avec la souveraineté, bien là l'amélioration va être spectaculaire. Là, on n'aura plus à quémander de l'argent pour ceci ou pour cela. On aurait 50 millions de plus par semaine, ne serait-ce que cela, que c'est déjà absolument fantastique, mais on aura beaucoup plus que ça. On aura, comme la France, et puis la Grande-Bretagne, et puis l'Espagne, 100 % des impôts et des taxes, puis on s'occupera de santé, d'éducation comme nous le voudrons et suivant nos priorités collectives et nationales. Alors, nous, on va continuer pour que ce jour arrive le plus vite possible, puis, entre-temps, il y aura des élections, puis il y aura de bons débats démocratiques sur toutes ces questions.
Adoption des crédits
Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, le temps imparti pour l'étude des crédits étant épuisé, je vais mettre aux voix les deux programmes dont il a été question. Le programme 1. Est-ce que le programme 1, Cabinet du lieutenant-gouverneur, est adopté?
M. Gautrin: Sur division.
Le Président (M. Lachance): Adopté sur division. Est-ce que le programme 2, Service de soutien auprès du premier ministre et du Conseil exécutif, est adopté?
M. Gautrin: Sur division.
Le Président (M. Lachance): Sur division. Je signale que l'ensemble des crédits du ministère du Conseil exécutif pour l'année financière 2002-2003 seront adoptés lors d'une séance ultérieure, puisqu'il y a encore les crédits qui sont... oui, des Affaires intergouvernementales canadiennes dont l'étude n'est pas terminée.
Alors, là-dessus, je vous remercie pour votre précieuse collaboration. La convivialité de ces échanges a grandement facilité ma tâche. Et j'ajourne les travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 34)