(Neuf heures trente-deux minutes)
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, j'inviterais les membres de la commission à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. La commission des institutions est réunie afin d'étudier les crédits budgétaires du Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes, programme 3 du ministère du Conseil exécutif, pour l'année financière 1999-2000.
Selon l'entente intervenue entre les leaders en vertu de l'article 285 du règlement, une enveloppe de deux heures a été allouée pour l'étude de ce programme. Par la suite, elle poursuivra l'étude des crédits du programme 4, Affaires autochtones, du ministère du Conseil exécutif. Une enveloppe d'une heure est prévue pour terminer l'étude de ce programme, sur une enveloppe totale de quatre heures.
À ce moment-ci, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gautrin (Verdun) est remplacé par M. Kelley (Jacques-Cartier) pour la portion des affaires autochtones; cet après-midi, M. Gautrin (Verdun) sera remplacé par M. Charest (Sherbrooke); Mme Signori (Blainville), pour la portion des affaires autochtones de ce matin, sera remplacée par M. Létourneau (Ungava).
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien, je vous remercie. On m'a indiqué également que, dans la façon de procéder, nous aurions un échange sur tout sujet jugé pertinent par les personnes qui ont à poser des questions, par le ministre également, et nous adopterions les crédits à la fin du deux heures. Bien sûr, selon la procédure habituelle, il y aurait les remarques préliminaires du ministre, suivies de celles du porte-parole de l'opposition officielle et, éventuellement, du groupe constituant la majorité gouvernementale.
Remarques préliminaires
Alors, à ce moment-ci, nous serions prêts, s'il n'y a pas d'autres indications ou questions quant à la façon de procéder, à passer aux remarques préliminaires de M. le ministre. Vous avez la parole, peut-être en nous présentant les personnes qui vous accompagnent.
M. Joseph Facal
M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Mesdames et messieurs, membres de la commission des institutions, étant un ancien membre de cette commission parlementaire, il n'y a pas si longtemps, j'aurais été assis à vos côtés, prêt à cuisiner le ministre, c'est-à-dire à jouer mon rôle de parlementaire dans une de ses tâches les plus fondamentales, c'est-à-dire approuver ou désapprouver les crédits qui seront dépensés en 1999-2000 par le Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes.
Je veux vous assurer d'entrée de jeu, M. le Président, que j'entends donner toute l'information possible et que mon souhait le plus vif est que nous puissions débattre au maximum du fond des nombreux dossiers qui interpellent notre Secrétariat. Évidemment, je constate que nous n'avons que deux heures à notre disposition, ce qui évidemment nous forcera fort probablement à un bref survol.
Je commence par vous présenter les gens qui m'accompagnent et qui, sur une base quotidienne, au-delà des options fondamentales des gouvernements en place, veillent à la défense des intérêts du Québec. D'abord, à ma droite, le secrétaire général associé, M. Marcel Leblanc. M. Leblanc était, jusqu'à tout récemment, sous-ministre associé au ministère des Finances du Québec, et, au Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes, il succède à M. Michel Boivin qui, après plusieurs années de remarquables services, a été appelé par le premier ministre à prendre en charge le Conseil du trésor. Je profite donc de l'occasion pour, publiquement, encore une fois remercier M. Boivin pour son remarquable travail et souhaiter la bienvenue à M. Leblanc dans l'univers des relations fédérales-provinciales qu'il connaissait d'ailleurs déjà très, très bien. Bien entendu, également, en arrière de nous, se trouvent Mme Line Gagné et M. Gilbert Charland, qui sont tous les deux secrétaire-adjointe et secrétaire-adjoint. Sont également présents avec nous MM. Yves Castonguay, Camil Horth et Robert Keating, tous trois en charge des trois directions qui composent le Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes. Immédiatement à ma gauche, à votre droite, M. le Président, mon directeur de cabinet, Stéphane Dolbec, et, au bout de la table, Martin Caillé, conseiller spécial au cabinet.
En fait, ce qui est frappant, M. le Président, c'est qu'au SAIC nous sommes une bien petite équipe pour mener à bien le mandat très large qui est le nôtre: le Secrétariat est chargé de conseiller le gouvernement du Québec sur toute question ayant trait aux relations intergouvernementales canadiennes. En ce sens, le Secrétariat analyse toutes les actions du gouvernement fédéral en fonction de leurs incidences sur le Québec. Le SAIC est également responsable des relations avec les gouvernements des autres provinces canadiennes et, surtout, coordonne l'ensemble des activités gouvernementales québécoises au Canada. À ce titre, en collaboration avec les différents ministères sectoriels, le SAIC participe aux différentes conférences intergouvernementales et contribue à la négociation des ententes avec les autres ordres de gouvernement.
C'est également de notre Secrétariat que relève l'administration des quatre bureaux du Québec dans le reste du Canada, ceux d'Ottawa, de Toronto, de Moncton et de Vancouver. C'est également le Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes qui assure la coordination de la négociation et de la mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur et la coordination des relations du gouvernement du Québec avec les communautés francophones et acadiennes du Canada. Finalement, le mandat du Secrétariat inclut, ça va de soi, la responsabilité du dossier constitutionnel et la défense et la promotion des intérêts du Québec, ce qui, évidemment, dans le contexte des dernières années, n'est pas une mince tâche.
Venons-en maintenant aux crédits à proprement parler. Je note, d'abord, que, sur un total de quelque 200 heures consacrées à l'étude des crédits, l'opposition officielle a choisi de ne consacrer que deux heures aux Affaires intergouvernementales canadiennes, soit 1 % du temps total. Cela m'a étonné et déçu de la part d'une opposition qui par ailleurs ne cesse de reprocher à ce gouvernement de négliger les affaires intergouvernementales canadiennes, mais enfin, passons.
Malgré, donc, l'ampleur de la tâche, le budget du SAIC est, somme toute, bien modeste. Nous sollicitons l'approbation de la commission afin d'obtenir des crédits de 11 500 000 $. Le Secrétariat, comme en témoigne l'évolution de ses dépenses, a dû, lui aussi, contribuer à l'effort visant à éliminer le déficit. Alors que nos dépenses s'élevaient à 12 100 000 $ en 1994-1995, elles atteignaient 9 800 000 $ pour 1998-1999. À titre d'exemple, au chapitre de la rémunération, celle-ci est passée de 7 100 000 $ à 5 300 000 $ de 1994-1995 à 1998-1999. Bref, on ne le dira jamais assez, le Secrétariat a, lui aussi, dû, avec le reste du gouvernement, contribuer à cet effort collectif pour reprendre le contrôle de nos affaires financières. Nous estimons qu'assurer la défense de l'autonomie du Québec, c'est aussi cela.
(9 h 40)
Il est vrai qu'au livre des crédits on va trouver une certaine croissance du budget du Secrétariat pour l'année 1999-2000, mais, afin d'éviter toute conclusion prématurée sur cette apparente explosion budgétaire, j'insiste dès à présent sur le fait que le budget de base, le budget de fonctionnement du Secrétariat n'a connu aucune croissance. L'augmentation des coûts s'explique notamment par deux événements d'importance qui vont générer des dépenses non récurrentes, à savoir le Sommet de la francophonie à Moncton cet automne et la 40e Conférence des premiers ministres qui se tiendra à Québec cette année.
Cette augmentation de notre budget s'explique aussi par le fait que les Affaires intergouvernementales canadiennes disposent désormais d'un ministre à plein temps. En d'autres termes, l'apparition au livre des crédits d'un cabinet ministériel s'explique par le fait que, par le passé, les salaires et dépenses afférents au personnel politique, ou encore au bureau de comté du député-ministre, étaient pris en charge par le ministère sectoriel, en l'occurrence par le ministère des Transports, du temps de M. Brassard, ou encore par le ministère de la Justice, à l'époque plus lointaine de M. Rémillard.
Je passerais maintenant rapidement, M. le Président, aux principaux dossiers qui nous ont occupés en 1998-1999. Disons que, après un départ plutôt laborieux, les discussions se poursuivent normalement au niveau des fonctionnaires quant aux réclamations du Québec relatives aux dommages causés par la crise du verglas et dont le Secrétariat assume la coordination. Dans le cadre des paramètres du Programme fédéral d'assistance financière en cas de catastrophe et dans le contexte d'un surplus budgétaire fédéral important, l'ampleur même du grand verglas et une équité élémentaire commandent à Ottawa de compenser adéquatement le Québec. Dans cette foulée, les discussions se poursuivent entre les représentants des deux gouvernements plutôt que sur la place publique, pour le bénéfice des populations en cause.
Au cours de l'année qui s'est achevée, le Secrétariat a aussi agi comme interlocuteur du gouvernement dans le dossier de la Fondation des bourses d'études du millénaire. Nous avons dit, et je répète, que cette intrusion fédérale sans précédent dans le domaine de l'éducation se traduira, dans les faits, pour les étudiants et les contribuables, par un dédoublement coûteux et inefficace délibérément provoqué par le gouvernement fédéral. Dès l'annonce de l'intention du gouvernement fédéral de créer cette Fondation, annonce contenue dans le discours du trône de septembre 1997, le Québec a demandé que l'on respecte sa compétence en matière d'éducation, de même que son régime intégré d'aide financière aux étudiants combinant à la fois des prêts et des bourses.
Au moment du dépôt du projet de loi C-36, en mars 1998, qui créait cette Fondation des bourses d'études du millénaire, le Québec a demandé que ce projet de loi soit amendé pour prévoir un droit de retrait avec une compensation financière pour une province non participante. Cette demande québécoise s'appuyait sur un précédent solide. On se rappellera que le gouvernement dirigé par M. Lesage avait, en 1964, obtenu un droit de retrait, avec pleine compensation financière, du Programme canadien de prêts aux étudiants qu'Ottawa venait de mettre sur pied. Et, fort de ce précédent et de l'appui de la Coalition des intervenants québécois du monde de l'éducation, le premier ministre Bouchard a rencontré son homologue fédéral en février 1998, à Ottawa, afin que le projet de loi C-36 soit amendé de façon à respecter le régime québécois de prêts et bourses. Bref, des négociations ont eu lieu, à l'époque, de gouvernement à gouvernement.
Faisant la sourde oreille, Ottawa a refusé d'amender le projet de loi C-36 pour accorder ce droit de retrait au Québec, et, depuis l'adoption de la loi C-36 en juin 1998, le gouvernement fédéral se dissimule derrière cette Fondation pour refuser de négocier de gouvernement à gouvernement, nous renvoyant aux administrateurs de ladite Fondation.
J'ajouterai également que, au cours de ces derniers mois, le gouvernement fédéral a aussi été gravement affecté par ce que j'appellerais le «syndrome du castor» qui consiste à multiplier les intrusions grossières afin d'ériger des barrages visant à harnacher l'identité et les institutions québécoises. Le cas patent de fédéralisme unilatéral révélé par ces bourses du millénaire démontre, entre autres, très concrètement l'insignifiance de ce préavis contenu dans l'entente sur l'union sociale pour toute nouvelle initiative fédérale pancanadienne. Le Québec a beau avoir été prévenu, il est aujourd'hui placé devant une situation de fait accompli par Ottawa, sans droit de retrait possible.
Le Secrétariat, comme je viens de le noter, a aussi été fortement impliqué dans le processus de négociation de l'entente sur l'union sociale. Je rappelle encore une fois que le Québec a adhéré, au moment de la Conférence des premiers ministres tenue au mois d'août 1998 à Saskatoon, au consensus interprovincial sur l'encadrement du pouvoir fédéral de dépenser parce que celui-ci correspondait à la position historique du Québec fondée sur le droit de retrait avec pleine compensation. Ce consensus interprovincial s'est maintenu jusqu'à la toute fin des négociations. En tant que représentant du gouvernement québécois, j'ai participé à la rédaction de la proposition des provinces transmise à la ministre fédérale responsable, Mme McLellan, le 29 janvier, à Victoria, dans le cadre de la rencontre ministérielle de négociation. Cette proposition du 29 janvier intégrait le consensus interprovincial de Saskatoon sur le pouvoir fédéral de dépenser. Malheureusement, dans les jours suivants, le marchandage bilatéral mené par M. Chrétien est venu à bout du consensus interprovincial, et nous avons envie de dire, comme toujours.
Le 4 février, à Ottawa, les premiers ministres des provinces étaient convoqués par leur homologue fédéral, et, M. le Président, il n'y a pas eu de négociations. Le texte fédéral était à prendre ou à laisser, et le Québec a donc dit non à l'entente sur l'union sociale concoctée par Ottawa. Pourquoi avons-nous dit non? Bien, essentiellement, parce que l'entente sur l'union sociale ne confère au Québec aucun véritable droit de retrait avec pleine compensation à l'égard de toute nouvelle initiative sociale pancanadienne à laquelle nous préférerions notre propre initiative ou notre propre intervention comme, à titre d'exemple, le programme des garderies à 5 $ par jour.
Le Québec a dit non aussi à cette entente parce qu'elle n'empêche d'aucune façon la répétition du scénario unilatéral des bourses du millénaire. Cette entente, en effet, légitime le recours par Ottawa à des transferts directs aux individus ou aux organismes lorsque celui-ci est incapable d'obtenir l'appui d'une majorité de provinces à la mise en place d'une nouvelle initiative sociale pancanadienne. Le Québec a dit non à l'entente parce que nous ne pouvons pas accepter qu'une nouvelle initiative sociale pancanadienne dans nos champs de compétence puisse nous être imposée par un gouvernement fédéral qui verrait sa légitimité - en apparence - avalisée par six provinces pouvant représenter à peine 15 % de la population canadienne.
Il faut également ajouter que le droit de retrait prévu par l'entente n'est applicable qu'aux nouveaux programmes cofinancés, c'est-à-dire financés par Ottawa et les provinces, mais qu'il est aussi fortement conditionnel à l'atteinte de tous les objectifs pancanadiens de même qu'au respect du cadre d'imputabilité déterminé par Ottawa. La seule obligation fédérale se limite, dans ces cas, à un préavis aux provinces, et, comme je viens de le dire dans le cas des bourses du millénaire, ce préavis n'entraîne aucune obligation de résultat. De plus, cette entente contient, en matière de mobilité, des clauses susceptibles d'affecter directement la politique québécoise des frais de scolarité différentiels pour les étudiants venant de l'extérieur du Québec, ainsi que le délai de résidence comme critère d'admissibilité au régime de prêts et bourses, de même que le système de qualification dans le secteur de la construction.
(9 h 50)
Alors, pour l'ensemble de ces raisons et parce que, de façon globale, cette entente sur l'union sociale porte directement atteinte aux responsabilités constitutionnelles du Québec quant à l'élaboration, à la planification et à la gestion des programmes sociaux qui répondent aux besoins de notre population, nous avons choisi de ne pas signer. Ce que cette entente montre, c'est qu'elle témoigne de l'incapacité du gouvernement fédéral et des autres provinces de réformer le fonctionnement du régime fédéral en intégrant et en respectant la spécificité québécoise. Cette entente consacre la vision émergeant du reste du Canada autour d'un État de moins en moins fédéral, de plus en plus résolument unitaire.
Dans la foulée des échecs du lac Meech et de Charlottetown, l'entente sur l'union sociale interpelle directement la place et le statut du Québec au sein du Canada. La consécration sans précédent d'un rôle de leadership reconnu au gouvernement fédéral par les autres provinces est tout à fait contraire aux aspirations et aux revendications historiques du peuple québécois. Je suis bien conscient, M. le Président, que l'union sociale a pu apparaître comme quelque chose de très technique et obscur pour le commun des mortels, mais il faut bien rappeler que, ce 4 février, il s'est passé quelque chose de fondamental, à Ottawa. Ce qui s'est passé, c'est que le Canada a choisi de se définir sans le Québec. Les Canadiens - et c'est leur droit le plus strict - savent de plus en plus quel genre de Canada ils veulent: ils veulent un Canada unitaire, ils veulent un Canada avec un gouvernement central fort, ils veulent un Canada avec un gouvernement central mandaté pour faire la promotion d'une identité canadienne forte. Et, dans ce Canada, la différence québécoise a de plus en plus de difficultés à se faire entendre. Ce n'est pas nécessairement qu'on ne veut pas du Québec, c'est qu'on veut du Québec à condition qu'il accepte d'être comme les autres. En substance, on dit au Québec: On vous accepte si vous rentrez dans le rang, de gré ou de force. Donc, la question qui interpelle les Québécois est de savoir si, comme francophones en Amérique du Nord, nous pouvons trouver notre place dans ce nouveau Canada.
Le Canada - et je ne le blâme pas - se redéfinit autour d'un État central fort parce que les impératifs de la mondialisation rendent cela nécessaire. La question est de savoir si les Québécois, si la différence québécoise pourra survivre et s'épanouir si nous acceptons d'être moulés, normalisés dans cette structure pancanadienne. Pour le reste, dans son récent discours sur le budget, le gouvernement fédéral a annoncé de nouvelles intrusions dans le secteur des politiques sociales: prestations pour enfants, nutrition prénatale, Stratégie emploi jeunesse, Institut canadien d'information sur la santé, Centre canadien de recherche en santé. Et, lorsqu'on ajoute à ces mesures budgétaires les projets de loi fédéraux sur les renseignements personnels, sur les jeunes contrevenants, la création de l'Agence canadienne du revenu, on est bien loin du fédéralisme exemplaire, on est de plus en plus dans du fédéralisme tentaculaire.
J'aurai sans doute l'occasion, pendant la discussion, M. le Président, de revenir également sur la modification des critères de calcul du Transfert social canadien et son impact néfaste pour le Québec. J'ajoute que, parallèlement à tout cela, le Québec a poursuivi ses efforts au sein des groupes de travail chargés de la mise en oeuvre des éléments de l'Accord sur le commerce intérieur.
Nous aurons aussi sans doute, dans les prochaines minutes, l'occasion de refaire le point sur cette divergence que nous avons avec l'Ontario à propos de la mobilité de la main-d'oeuvre, qui est certainement l'un des dossiers qui nous interpelleront le plus en 1999-2000, avec la Conférence annuelle des premiers ministres et avec le Sommet de la francophonie. Donc, je reviendrai plus tard, M. le Président, sur les éléments que je n'ai pas eu le temps de développer. Pour l'instant, ce sont les quelques remarques préliminaires que je voulais vous livrer en commençant.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. le ministre. Alors, nous poursuivons au niveau des remarques. M. le député de Chapleau et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'affaires intergouvernementales canadiennes.
M. Pelletier (Chapleau): Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, je suis accompagné aujourd'hui de Jean-Philippe Marois, qui travaille au Service de recherche et de communications ici, à l'Assemblée nationale, au service de la députation libérale.
M. le ministre, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt votre exposé, mais ce qui m'a étonné, c'est que je n'ai rien entendu qui concerne la préparation d'un futur référendum québécois. Vous avez fait état des différents travaux, des différents projets qui ont trait, de près ou de loin, à l'amélioration du fédéralisme canadien - je comprends que ce soit là un sujet qui vous tienne à coeur - mais je n'ai absolument rien entendu qui concerne la préparation d'un référendum, dont pourtant l'annonce a été faite en fin de semaine, si je ne m'abuse, et même bien avant la fin de semaine, par le premier ministre du Québec. J'aimerais donc savoir si votre ministère est écarté de la préparation de ce référendum...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Chapleau, si vous me permettez, nous n'amorçons pas tout de suite encore la période des échanges ou des questions à l'intention du ministre, nous en sommes aux remarques préliminaires. Vous avez jusqu'à 20 minutes pour lesdites remarques. Vous pouvez très bien ne pas vous en prévaloir, mais auquel cas je devrai tenir compte peut-être du désir d'autres parlementaires d'y aller de remarques préliminaires.
M. Pelletier (Chapleau): Très bien, M. le Président. Je n'avais pas saisi... Pardon?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Rivière-du-Loup.
M. Dumont: Moi, je serais prêt à passer aux questions tout de suite.
Discussion générale
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Du côté ministériel également? Alors, ça va. Vous avez la parole, donc, M. le député de Chapleau.
Préparation du prochain référendum
M. Pelletier (Chapleau): Très bien. Merci. Alors, je voudrais donc savoir, M. le ministre, si votre ministère est écarté de la préparation du prochain référendum et, sinon, quels sont justement les projets sur lesquels vous travaillez à cet égard.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le ministre.
M. Facal: Je pense que je ne vous surprendrai pas, M. le Président, en vous disant que cette question est la moins surprenante de toutes. En fait, c'est fort simple, je ne me considère pas comme le ministre de la souveraineté. La souveraineté est une décision qui sera prise par l'ensemble du peuple québécois quand il se sentira prêt à la prendre. Je ne suis pas mandaté pour préparer un référendum - il n'y a pas de référendum à l'ordre du jour - je me considère mandaté pour défendre de mon mieux les intérêts du Québec et c'est l'ensemble des militants souverainistes qui, eux, entreprennent, de façon généralement bénévole et désintéressée, de faire la promotion de la souveraineté. C'est le Parti québécois, c'est l'ensemble de nos partenaires qui ont entrepris cette tâche. Le gouvernement du Québec, lui, consultera la population quand il estimera que la population est prête à le faire. En attendant, pour l'instant, au cours de la dernière année et pour les prochains mois, le Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes ne travaille pas ni n'engage de fonds publics à la préparation d'un référendum. Le député de Chapleau peut dormir en paix à cet égard.
M. Pelletier (Chapleau): Ma question ne semble pas étonner le ministre, mais sa réponse est fort étonnante, puisqu'il dit qu'il n'y a pas de référendum à l'ordre du jour. Je dois dire que, en fait, le premier ministre lui-même s'est engagé à réunir les conditions gagnantes afin qu'il y ait un tel référendum. J'aimerais donc savoir de la part du ministre si lui ou son ministère travaille à l'élaboration des conditions gagnantes en vue d'un prochain référendum québécois et, le cas échéant, ce qu'il entend par conditions gagnantes.
M. Facal: Le député de Chapleau fait partie de tous ces gens au Québec, notamment des représentants des médias, qui souvent me demandent: Pourriez-vous m'énumérer la liste des conditions gagnantes? Il n'existe nulle part, M. le Président, une liste de conditions gagnantes. Ce que nous disons simplement, c'est que deux fois les Québécois ont été appelés à un exercice référendaire. C'est un exercice toujours difficile, qui se prépare donc soigneusement et de longue main. Nous entendons donc consulter les Québécois sur leur avenir quand nous sentirons que le moment est venu, quand nous sentirons que la situation est propice, quand nous sentirons que le peuple est prêt, réceptif, disposé à prendre une décision. C'est cela qu'on entend par conditions gagnantes.
Je souhaite évidemment que ce moment arrive rapidement parce que cette non-décision du Québec, des Québécois nous coûte cher. J'estime qu'il y a un coût, un prix à payer à la non-souveraineté. J'ai déjà dit, et je le redis, que notre peuple doit aller au bout de son cheminement. Les Québécois souhaitent plus de pouvoirs, plus d'autonomie au sein d'un régime qui, à tous les jours, réduit leur capacité d'autonomie, mais cette décision ultime que je souhaite que notre peuple prenne, c'est lui et lui seul qui va la prendre. Le gouvernement, et surtout pas moi, n'essaiera pas de la leur enfoncer.
Donc, en ce sens, je vous assure que, pendant toute l'année qui vient, le Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes a bien du pain sur la planche, notamment pour préparer la Conférence des premiers ministres, notamment pour, en collaboration avec d'autres, assurer la réussite du Sommet de la francophonie. Notre rôle est beaucoup plus large que cette espèce de vision réductrice d'unité de propagande de la souveraineté que semble avoir le député de Chapleau.
M. Pelletier (Chapleau): M. le ministre, le premier ministre devait lui-même dire, à l'occasion de son discours inaugural, qu'il considérait que son gouvernement avait le mandat de travailler en fonction de réunir les conditions d'un référendum gagnant sur la souveraineté. Si ce n'est pas votre ministère qui est engagé dans le travail de préparation de ce référendum, peut-on savoir qui donc au gouvernement travaille sur cette tâche?
(10 heures)
M. Facal: L'ensemble des ministères du gouvernement travaillent à la promotion du Québec, à la défense des intérêts du Québec dans le cadre du régime actuel. Les militants souverainistes, eux, font la promotion de la souveraineté, tentent de faire comprendre à notre population que l'accession à la souveraineté nous donnerait un plein coffre à outils pour pleinement assurer notre développement, et nous sommes absolument convaincus qu'une bonne gestion gouvernementale va augmenter le niveau de confiance des Québécois, va nous permettre justement de consolider nos assises et fera voir aux Québécois les avantages de la souveraineté.
Le député de Chapleau semble s'imaginer qu'il y a un quelconque plan machiavélique au gouvernement, dans une espèce de secrète officine, en train d'être préparé quelque part. Si lui a des informations privilégiées à cet égard, j'aimerais bien qu'il me les communique.
M. Pelletier (Chapleau): Si j'ai bien compris les réponses fournies jusqu'à présent, tous les ministres du gouvernement travaillent à la préparation du référendum, sauf vous, M. le ministre.
M. Facal: Nous sommes un gouvernement souverainiste.
M. Pelletier (Chapleau): Ah bon! très bien. Enfin, je...
M. Facal: Soyez-en tout à fait assuré. Je constate d'ailleurs qu'il semble y avoir eu une espèce d'évolution, n'est-ce pas, dans la pensée du Parti libéral, évolution, M. le Président, que j'ai eu un petit peu de difficultés à saisir au début, mais que je crois comprendre.
M. le Président, si vous me permettez, cinq jours avant l'élection de l'actuel gouvernement, le chef du Parti libéral, lorsqu'il aspirait à devenir premier ministre du Québec, avait dit, cinq jours avant le vote, le 25 novembre 1998: Je parle directement à la population du Québec. Le 30 novembre prochain, dans la mesure où ils choisiront de voter pour le Parti québécois, ils vont avoir donné un mandat à un gouvernement de commencer la séparation du Québec et tous les leviers seront dans les mains du gouvernement du Québec. Si jamais quelqu'un vote pour eux, il va se mettre en branle quelque chose d'irréversible, il n'y aura pas de retour en arrière. Ça, c'est ce que disait le chef du Parti libéral du Québec cinq jours avant le vote. Avant le 30 novembre, le chef de l'opposition disait: Si vous votez pour le Parti québécois, vous lui donnez le mandat, une fois au gouvernement, de promouvoir la souveraineté. Or, après le 30 novembre, une fois ce gouvernement élu, que découvre-t-on? Qu'à chaque fois qu'un membre du gouvernement parle de souveraineté l'opposition pousse les hauts cris.
M. le Président, on ne se gênera pas, ici, pour dire que ce gouvernement est souverainiste. Évidemment, tant et aussi longtemps que les Québécois n'ont pas pris la décision de changer en profondeur ce régime, le gouvernement, et notamment notre Secrétariat, défend du mieux qu'il peut les intérêts du Québec dans le cadre du régime actuel, sans se gêner pour dire que les intérêts du Québec seraient beaucoup mieux servis dans un régime complètement différent.
Je suis tout à fait étonné aussi, M. le Président, de voir cette insistance de l'opposition officielle à dire que le gouvernement cherche à maintenir les Québécois malgré eux dans ce débat stérile alors qu'en fait, si on a un peu de mémoire - le député de Chapleau en a autant que moi et il se le rappellera - c'est entre 1985 et 1994 que l'industrie constitutionnelle, dont il fut l'un des plus éminents représentants, tournait à plein régime, hein? C'est sous un gouvernement libéral qu'on a connu Meech, et Charlottetown, et Bélanger-Campeau, et la loi 150, et autres. Jamais l'industrie constitutionnelle, l'industrie de la chicane autour de cette question-là ne s'est aussi bien portée que pendant que c'était un gouvernement libéral qui était au pouvoir.
Et, quand je regarde aujourd'hui non pas le député de Chapleau, mais quand je regarde certains de ses collègues sur les banquettes libérales, je vois bon nombre de députés qui étaient là, à cette époque-là, à réfléchir à la quadrature du cercle et à essayer de redéfinir une nouvelle place pour le Québec dans le Canada, et aujourd'hui ils viennent nous dire que ce débat, largement alimenté par eux, était un débat stérile, alors que le mouvement souverainiste dit, au contraire, que sa solution est la seule qui n'a pas encore été tentée.
Ce que le député de Chapleau fait semblant d'ignorer, M. le Président, c'est que, même si le Parti québécois n'existait pas, ce problème continuerait à exister parce que le Parti libéral fait semblant d'ignorer que nous vivons dans un pays dont l'un des deux peuples fondateurs ne reconnaît pas la légitimité d'une constitution qui lui a été imposée de force. Et, étant donné que le député de Chapleau semble avoir été mandaté pour tenter pour la cinquième fois en 20 ans de répondre à la question: À quoi le Parti libéral du Québec doit-il croire? j'espère que nous aurons, pendant les prochaines minutes, l'occasion d'obtenir aussi des clarifications sur le rôle, n'est-ce pas, du Parti libéral du Québec dans cet effort de renouvellement du débat constitutionnel.
Négociation d'un partenariat avec le fédéral
M. Pelletier (Chapleau): M. le ministre, vous avez fait allusion au débat constitutionnel qui a fait rage de 1987 à 1994 et, de cela, vous tirez la conclusion, que je ne partage pas, pour ma part, que nous vivons dans un système qui est stérile et finalement qui nous amène toujours à l'échec. Or, dans La Presse du 21 février 1995, c'est-à-dire, donc, juste après cette période que vous décriviez il y a un instant, il est écrit: «La question référendaire pourrait se limiter à réclamer plus de pouvoirs pour le Québec à l'intérieur de la fédération canadienne, reconnaît le député péquiste de Fabre, Joseph Facal. Dans un entretien avec La Presse , M. Facal s'est dit prêt à envisager une question qui réclamerait plus de pouvoirs pour le Québec dans la foulée du rapport Allaire. "Je n'ai pas d'attitude dogmatique sur le libellé de la question", insiste-t-il.»
Le 27 avril 1999, dans le journal Le Soleil , donc tout récemment, nous retrouvions ceci: «Dans l'entourage du premier ministre Bouchard, on s'expliquait assez mal l'intérêt de Joseph Facal pour la démarche "gradualiste" proposée par le président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, Guy Bouthillier, et ses amis du Cercle Gérald-Godin. On croyait avoir signifié clairement, avant l'ouverture du Conseil national, que cette proposition n'était pas recevable dans les circonstances. Même garder l'esprit ouvert était déjà trop. Comme on dit au baseball, le ministre des Affaires intergouvernementales aurait manqué le signal.» Bon, je vais passer la suite par respect pour le ministre. Donc, on retrouve l'exposé, le commentaire dans Le Soleil du 27 avril 1999.
M. le ministre, dès 1995, vous vous disiez prêt, finalement, vous vous disiez ouvert à la tenue d'un référendum qui porterait sur un meilleur statut pour le Québec au sein de la fédération canadienne. En 1999, le 27 avril, vous sembliez répéter la même chose. Donc, vous ne tirez pas du tout, dans le fond de votre personne, les conclusions que vous venez d'avouer publiquement, puisque vous vous dites encore ouvert, en 1999, et que vous vous disiez ouvert, en 1995, à ce que finalement il y ait tout simplement une amélioration du statut du Québec au sein du fédéralisme canadien.
Comment conciliez-vous, M. le ministre, toutes ces interprétations qui, dans le fond, découlent de vous et qui semblent être des affirmations que vous faites lorsque vous vous sentez libre d'esprit et que vous revenez à un discours totalement souverainiste lorsque vous vous sentez lié par la solidarité ministérielle?
(10 h 10)
M. Facal: Je suis heureux, M. le Président, que le député de Chapleau me donne l'occasion de revenir sur les événements de la dernière fin de semaine. La position actuelle du gouvernement est parfaitement connue, il s'agit de réunir les conditions propices à la tenue d'un référendum gagnant sur la souveraineté. Le mouvement souverainiste, lui, a été invité à un grand brassage d'idées, et, dans ce contexte, ce que j'ai dit en fin de semaine, c'est qu'il ne fallait pas s'étonner que les idées fusent de toutes parts et que c'est très bien ainsi.
Notre but ultime doit demeurer immuable: la souveraineté. Le peuple québécois a besoin d'un pays. Pour ce qui est de la façon d'y parvenir, j'ai dit - et ce sont mes mots exacts, vous pourrez me citer - que j'invitais les militants à garder l'esprit ouvert. J'ai dit que la réflexion sérieuse demandait du calme, demandait du temps et que, moi, personnellement, toute contribution intellectuelle visant à desserrer l'étau dans lequel les Québécois sont présentement pris est quelque chose que je prenais le temps d'examiner, quitte à ce que chacune de ces idées soit écartée si, après mûre réflexion, on estime qu'elle n'est pas porteuse d'avenir. En ce sens, le premier ministre a réaffirmé en fin de semaine que le but du Parti québécois doit être la souveraineté et que le processus pour y parvenir doit, dans toute la mesure du possible, être simple plutôt que compliqué. À l'intérieur de ces balises, les militants ont été invités à réfléchir, et j'ai donc invité les militants à garder l'esprit ouvert sur tout ce qui pourrait être mis de l'avant en termes de processus. Sur le but, évidemment, il n'y a aucune espèce d'ambiguïté.
Ce qui est évidemment intéressant de constater, c'est que le député de Chapleau, lui aussi, a un passé, hein? Il va tenter de redéfinir la place du Québec dans le Canada et, comme le député de Châteauguay, son prédécesseur à ce dossier, il va nous dire qu'il sent un grand mouvement, sans doute irréversible, au sein du Canada pour une plus grande décentralisation. Malheureusement, dans un texte que j'ai ici, fort intéressant d'ailleurs, intitulé Les modalités de la modification de la Constitution du Canada , le député de Chapleau lui-même écrivait, et je cite, page 301: «Enfin, la volonté politique d'aboutir à une quelconque réforme constitutionnelle qui satisferait en partie le Québec semble plus que jamais faire défaut, et ce, tant au niveau de l'ordre central qu'au niveau des provinces majoritairement anglophones du pays.» Ce qu'il faut donc comprendre, c'est que, M. le Président, les Québécois n'ont plus le choix, comme jadis, entre la souveraineté et le statu quo. Il n'y a plus de statu quo au Canada, il y a poursuite du changement dans la mauvaise direction, du point de vue des intérêts du Québec. Voilà pourquoi je pense que de plus en plus de Québécois se rendront à la nécessité de la souveraineté.
Le dernier signal en provenance du Canada s'apparentant à un semblant d'ouverture, c'est la piteuse déclaration de Calgary. Et, suite à la réunion des neuf premiers ministres provinciaux qui l'ont concoctée, voici ce qu'en disait lui-même le député de Chapleau. Note en bas de page, et je cite: «Il serait donc inapproprié de faire ressortir de cette réunion en tant que telle une volonté ferme, de la part de nos leaders politiques, d'aboutir à une véritable réforme constitutionnelle du fédéralisme canadien.» Bref, moi, j'ai tiré mes propres conclusions, M. le député de Chapleau. Avez-vous tiré les vôtres? Vous qui, un peu plus loin, page 305, disiez, et je vous cite... Dans vos moments de lucidité passés, vous écriviez: «Nous devons toutefois admettre que nous n'avons que très peu d'espoir que les divers changements suggérés un peu plus haut soient effectivement concrétisés l'un de ces jours.» Et plus loin vous écriviez: «De fait, il y a vraiment lieu de douter de l'existence actuellement d'une véritable volonté politique d'améliorer la procédure de modification constitutionnelle canadienne.»
Voyez-vous, M. le député de Chapleau, moi, je présume toujours de la bonne foi de mes interlocuteurs et je suis convaincu que vous êtes parfaitement sincère dans les efforts que vous vous apprêtez à diriger. Le problème, évidemment, c'est que vous avez un chef. Nous avons tous des chefs, et on va maintenant parler un petit peu du vôtre. Ce que j'observe, c'est que, depuis quelques mois, le Parti libéral du Québec, sans doute pour courtiser un électorat francophone dont il a absolument besoin, a décidé de montrer ses muscles à M. Chrétien. Vous-même, il y a quelques jours, disiez à la Gazette , le 25 avril - et encore une fois c'est tout à votre honneur - vous reconnaissiez que les jugements de la Cour suprême vont toujours dans le sens d'une plus grande centralisation au Canada. Vous disiez: «The Supreme Court doesn't seem to be sensitive enough to the real balance of powers.» Très bien, ça, c'était très bien. Vous dites ensuite: «It's not because Mr. Chrétien is not a good man or a good person, but because the PQ thinks, rightly or wrongly, that he's a winning condition in himself.» Un autre aveu qui vous honore: M. Chrétien n'est pas un élément de progrès au sein de la fédération canadienne. Je passe évidemment sur votre sortie - moins réussie, celle-là - sur la souveraineté de l'individu. Je me suis dit: Tiens, un souverainiste. Mais qui est le plus gradualiste d'entre nous? Peut-être qu'il veut les convaincre un par un. La souveraineté de l'individu...
Enfin, quoi qu'il en soit, le problème, donc, c'est que, en dépit de vos bonnes intentions, vous avez un chef. Et, quand votre chef bombe le torse, et montre ses muscles à M. Chrétien, et essaie de passer pour le défenseur des intérêts du Québec, savez-vous à quoi je pense? Je pense à la lutte. Le combat est arrangé: dans la vraie vie, votre chef et M. Chrétien sont ensemble deux vieux complices. Ensemble, en juin 1990, les deux ont torpillé l'accord du lac Meech. C'est votre chef, ça. Ensemble, en 1992, les deux ont fait campagne pour l'accord de Charlottetown. Votre chef. Ensemble, en 1995, les deux ont fait campagne pour le Non. Votre chef. Ensemble, les deux sur la même tribune, lors de la manif de l'amour, vous vous rappelez, trois jours avant le référendum... Votre chef. Deux vieux alliés qui font semblant de ne pas s'entendre le temps d'une campagne. En fait, tellement comme les deux doigts d'une même main que, M. Chrétien n'ayant rien à offrir, M. Charest, lui, n'a rien à demander.
M. Bourassa, lui, au moins, posait des conditions minimales. Vous vous rappelez de ça? Votre chef, lui, quelles sont ses conditions minimales? Quelles sont ses revendications constitutionnelles? Dites-nous donc, M. le député de Chapleau, à quelles conditions votre formation signerait la Constitution de 1982 qu'aucun gouvernement n'a signée. Vous nous demandiez quelles étaient nos intentions par rapport à la souveraineté du Québec, si nous allions tenir un référendum. Pourquoi, M. le Président, les gouvernements du Parti québécois sont les seuls à devoir prendre l'engagement solennel de consulter les Québécois avant de leur faire choisir un chemin, alors qu'au Parti libéral on n'a pas à prendre l'engagement de quoi que ce soit avant de décider éventuellement de tenter de faire adhérer le Québec à quelque chose d'aussi insignifiant que la déclaration de Calgary, tellement insignifiant que même Stéphane Dion s'en accommode, ou même pas à prendre l'engagement d'une consultation avant de nous proposer de signer cette ignominie qu'est la Constitution de 1982?
Alors, la vérité, M. le Président, c'est que le Parti libéral du Québec, dans l'état actuel des choses, a un sérieux déficit de crédibilité en ce qui a trait à la défense des intérêts du Québec parce que, évidemment - et j'espère qu'on aura l'occasion d'y revenir - quand votre actuel chef, jusqu'à il y a quelques mois encore, aspirait à être premier ministre du Canada, son rêve de jeunesse, il prônait l'instauration d'examens pancanadiens pour les étudiants - qu'en pensez-vous? - il prônait le renforcement de normes pancanadiennes en santé, il bénissait les bourses du millénaire, toutes ces choses que vous-même avez déplorées. Alors, pour ce qui est de la cohérence, on y reviendra.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Nicolet-Yamaska.
Taux de participation aux conférences fédérales-provinciales
M. Morin: Merci, M. le Président. M. le ministre, d'abord, je voudrais vous saluer...
M. Facal: Merci.
(10 h 20)
M. Morin: ...et saluer aussi les gens de votre cabinet et ceux qui vous accompagnent, de votre ministère ou Secrétariat. Comme vous l'avez fait remarquer tantôt, dans l'histoire récente des négociations fédérales-provinciales, on accuse souvent le gouvernement du Québec de pratiquer la politique de la chaise vide et d'être aussi l'empêcheur de tourner en rond. Nous autres, nous savons très bien qu'ils sont capables de tourner en rond seuls, sauf que, dans cette participation aux négociations fédérales-provinciales, ou interprovinciales, est-ce qu'il est vrai de dire que, depuis 1994, le gouvernement du Québec a pratiqué aussi souvent qu'on nous le reproche la politique de la chaise vide?
M. Facal: Je suis content, M. le député de Nicolet-Yamaska, que vous me donniez l'occasion de remettre les pendules à l'heure. On entend en effet souvent, trop souvent, dire que le gouvernement pratique la politique de la chaise vide. C'est un mythe, c'est faux. J'ai demandé à connaître les taux de participation du gouvernement du Québec aux différentes conférences fédérales-provinciales, et les chiffres que j'ai ici sont que, sous l'actuel gouvernement, si on exclut évidemment l'année référendaire, année pendant laquelle le taux de participation a quand même été de 61 %, en 1997-1998, le gouvernement actuel s'est présenté à 89 % de toutes les rencontres fédérales-provinciales. Et savez-vous, M. le député, quand on remonte dans le temps, quel est le plus bas taux de participation pendant une année aux conférences fédérales-provinciales? Bien, c'est en 1991 et 1992, sous un gouvernement libéral: 21 % seulement de taux de participation. Et les taux que je vous ai donnés, relatifs à notre participation, ne tiennent pas compte des rencontres bilatérales entre ministres québécois et ministres fédéraux ou avec des ministres des autres gouvernements du Canada. Donc, à chaque fois que les intérêts du Québec sont en cause, nous sommes présents.
Par ailleurs, j'ai entendu quelques commentateurs dire: On comprend fort bien que le Québec n'ait pas signé l'entente sur l'union sociale. Le chef de l'opposition lui-même a dit: Moi non plus, je n'aurais pas signé. Mais il s'est empressé d'ajouter: Si, par contre, le Québec s'était joint au processus dès le début, il aurait pu infléchir le cours des choses. C'est une grossière méconnaissance de la chronologie des événements. Ce qu'il faut se rappeler, c'est que, dans le dossier de l'union sociale, il n'y a pas eu de propositions du gouvernement fédéral avant les trois semaines précédant la rencontre des premiers ministres à Saskatoon, au mois d'août 1998. Et, sitôt que le gouvernement fédéral a, pour la première fois, déposé son premier texte, déjà là, dès ce moment-là, le gouvernement du Québec s'est joint au front commun interprovincial lorsque les premiers ministres des autres provinces ont accepté d'intégrer dans leur position la revendication historique du Québec sur le droit de retrait. Nous nous sommes donc joints au processus dès le début, dès qu'il y a véritablement eu dépôt d'une offre fédérale. Nous avons été présents tout le long du processus, jusqu'à ce lunch fatidique au 24, Sussex Drive, le 24 février.
Et rappelez-vous, M. le député, tout au long de ce processus, le gouvernement du Québec a eu la même position que les gouvernements des autres provinces. Il ne faisait pas bande à part. Nous avions exactement la même position. Au sortir de la rencontre de Victoria, le 29 janvier, toutes les provinces étaient encore solidaires. Toutes s'entendaient sur un texte que le Québec aurait signé demain matin. Et, entre dimanche et jeudi, qu'est-ce qui s'est passé? Il s'est passé que M. Chrétien a pris le téléphone, a commencé à appeler certains premiers ministres des autres provinces, et, comme ce fut si souvent le cas dans notre histoire, le front commun s'est effondré. Mais le Québec, lui, est resté assis à la même chaise, dans le même autobus, avec le même discours, du début jusqu'à la fin.
Et aujourd'hui on nous reproche, nous, d'avoir changé notre fusil d'épaule. Ce sont d'autres personnes qui, elles, devraient nous expliquer ce qui s'est passé entre dimanche et jeudi. Entre autres, je me rappelle que le chef de l'opposition, curieusement, quelques heures avant le dénouement, était au téléphone, oui, était au téléphone avec le gouvernement ontarien. Curieuse conception, n'est-ce pas, de la défense des intérêts du Québec? Alors qu'on a un premier ministre qui parle au nom de l'ensemble des intérêts du Québec, le chef de l'opposition, lui, en sous-main, parle aux élus des autres provinces, affaiblissant donc la nécessaire solidarité, la nécessaire unanimité québécoise. Je vous laisse porter un jugement là-dessus.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci. M. le député de Rivière-du-Loup.
Stratégie du gouvernement en matière constitutionnelle
M. Dumont: Merci, M. le Président. D'abord, je tiens à saluer le ministre et les gens qui l'accompagnent. Le ministre a fait un long plaidoyer tout à l'heure sur les difficultés du Parti libéral. J'espère qu'il ne pense pas recueillir trop de mérite pour ça, quand même. Faut l'amener à des questions plus difficiles, ce matin, entre autres celle de nous définir puis de nous expliquer vraiment ce qu'est la stratégie du gouvernement du Québec, parce que la stratégie officielle - j'ai eu l'occasion hier de questionner le premier ministre là-dessus - le discours officiel, c'est les conditions gagnantes. Je cite le ministre. Il a répondu à une question du député de Chapleau, tout à l'heure, il a dit: «La position du gouvernement du Québec est connue: c'est de réunir les conditions gagnantes.» Mais, pour que la position soit connue, il faut qu'on sache c'est quoi, les conditions gagnantes. Si la position est connue, qui est de réunir les conditions gagnantes, et si on ne sait pas c'est quoi, les conditions gagnantes, la position n'est plus connue. Je veux dire, il faut... Et, moi, j'ai mon interprétation des conditions gagnantes: c'est le premier ministre qui sent qu'au lendemain de son élection il n'y aura pas de référendum. Son intention est de ne pas en tenir. Il faut qu'il trouve une façon de concilier les intérêts de son parti avec un discours officiel.
Bon, puis les conditions gagnantes, d'un point de vue d'ambiguïté communicationnelle pour passer une élection, c'est génial. Je donne le trophée au premier ministre sans réserve là-dessus. C'est une excellente idée parce que tu réponds à toutes les questions. Tu dis aux gens qui ne sont pas pour un référendum: Bien, ça va dépendre des conditions gagnantes. Ça relève de tout et de rien à la fois, donc toutes les portes demeurent ouvertes. Bravo pour ça. Il a passé son élection, il l'a gagnée mais avec un mandat très nuancé, quand même. Lui-même l'a reconnu le lendemain de l'élection, il était très clair: «L'option référendaire en veilleuse. Bouchard dit avoir bien compris le message de la population et assure que son équipe s'y conformera.» Ça, c'est le lendemain, déclaration le lendemain de l'élection. Bon, c'est une chose que d'arriver à la conclusion de ce qu'on ne fera pas, c'en est une autre, à partir de ce moment-là, de se définir une stratégie québécoise.
Et là le gouvernement du Québec se retrouve auprès de ses militants. Quand on passe dans le sanctuaire idéologique d'un conseil national, là, on repart sur les discours jovialistes qu'un référendum sur la souveraineté est imminent. Les dépliants ne sont pas encore dans les portes, mais ils sont déjà dans le sac à dos, ils sont prêts à être livrés, tout est prêt. Mais, dans la pratique, là, au Québec, les choses continuent puis on a un gouvernement fédéral. Bon, on s'obstinera pas longtemps, le ministre et moi, là-dessus, on a un gouvernement fédéral qui... À mon avis, dans le cabinet Chrétien, il n'y a plus de fédéralistes, il y a des gens qui sont dans la dynamique d'un gouvernement unitaire, d'un gouvernement centralisateur d'ailleurs qui pose une difficulté imminente aux fédéralistes québécois, puis je passe sous silence toute la problématique de la confusion des genres entre le Parti libéral du Canada puis le gouvernement canadien. C'est une dynamique, une des plus malsaines qui aient été connues dans l'histoire, où un parti et un gouvernement se confondent. Le premier ministre Chrétien ne sait plus trop... Le gouvernement est autant son parti que son parti l'est lui-même, ce qui crée une dynamique absolument pourrie.
Maintenant, le gouvernement du Québec là-dedans. Visiblement, l'histoire des conditions gagnantes, il n'y a pas grand-monde qui est stressé avec ça dans les autres capitales canadiennes. La stratégie de communication, tout le monde l'a vue, mais tout le monde sait que, si le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes n'est pas capable de nous dire ce matin c'est quoi, les conditions gagnantes, si le premier ministre n'a pas été capable d'expliquer c'est quoi, les conditions gagnantes, durant toute une campagne électorale... Parce que, dans le fond, il y en a juste une, condition gagnante. La condition gagnante, c'est d'arriver là puis que Léger & Léger, puis SOM, puis CROP, puis toute la gang, durant l'espace de trois, quatre mois en ligne, démontrent que la souveraineté est à 60 %. C'est la seule condition gagnante. Tout le reste, là, c'est du savon à vaisselle. Tout le reste, c'est fait pour que ça soit glissant, puis fluide, puis que ça parle, puis... Mais le reste, ce n'est rien parce que, si le ministre nous dit ce matin que telle chose serait une condition gagnante, puis que la chose se produit, puis que les sondages ne bougent pas, ce n'est pas une condition gagnante.
(10 h 30)
Dans le fond, la seule condition gagnante, c'est l'espoir de l'addition d'une série d'erreurs, là, qui puissent venir de M. Chrétien puis des autres, puis, à un moment donné, qu'un contexte fasse que, tout à coup, pouf! les sondages partent à la hausse, puis que, là, on dise: Voilà les conditions gagnantes. Alors, ça, ce n'est pas une stratégie pour un gouvernement et pour un ministre. Et je comprends le ministre qui a été - je ne ferai pas l'exégèse de sa fin de semaine - beaucoup plus intéressé que la majorité de ses collègues à une démarche plus stratégique, à une démarche d'affirmation du Québec plus organisée, qui a démontré plus d'ouverture.
Le gouvernement du Québec a toujours eu une position de défense des intérêts du Québec. Je fais certains petits constats. Exemple, depuis la rentrée parlementaire, depuis l'élection, où le gouvernement a eu un mandat relativement faible, on se plaint des bourses du millénaire, on a eu l'union sociale, mais le gouvernement n'a jamais demandé à l'Assemblée nationale, n'est jamais venu chercher un mandat - son parti a été élu faiblement, 42 % du vote - plus large. Peut-être que, sur l'union sociale, on aurait pu réunir la Chambre dans la semaine précédente. Je suis convaincu, à avoir écouté les propos, lu des propos et lu même des propos du député de Chapleau, qu'on aurait pu aller chercher un consensus de l'Assemblée nationale. Le premier ministre se serait présenté avec une situation, une stature beaucoup plus forte à la Conférence en question.
Sur la question des bourses du millénaire, on ne peut pas en discuter longtemps, de l'aberration des bourses du millénaire. On a un programme depuis 30 et quelques années au Québec, on a transformé des bourses en prêts à nos jeunes, ils sont plus endettés. Il y a de l'argent disponible, puis on ne le met pas dans notre système de prêts et bourses. Ça ne se discute même pas. C'est une aberration, je veux dire, c'est une invention de l'esprit de M. Chrétien, inquiétante, mais enfin c'est là puis c'est maintenu.
J'aimerais entendre... parce que, visiblement, la stratégie des conditions gagnantes, ça a fait passer l'élection, mais ça ne donne pas. Bon, je veux dire, pas besoin de reciter le texte qui a été publié dans Le Devoir la semaine passée, même des gens du mouvement, des gens qui étaient traditionnellement vus comme des gens résolument indépendantistes, ils voient bien que, la stratégie des conditions gagnantes, le Québec ne va nulle part avec ça. Je voudrais entendre le ministre: C'est quoi, la stratégie du gouvernement du Québec? On s'en va où? Lui, c'est quoi, le mandat qu'il obtient pour défendre les intérêts du Québec? Comment il va venir s'appuyer sur des consensus plus larges pour vraiment obtenir des résultats pour le Québec? Parce que, bof! on peut se faire croire, tous ici, qu'on est partis, qu'on s'en va vers un référendum, là, qu'au mois de mai de l'année prochaine il va y avoir un référendum, mais ce n'est pas là que le Québec s'en va. Les Québécois ne s'en vont pas là. Les observateurs, les chroniqueurs de la scène politique regardent ça puis ils ne voient pas que le Québec s'en va là.
Alors, lui, le ministre, il a un devoir de réalisme puis il nous l'a prouvé en fin de semaine. Ses déclarations étaient claires, là, il a prouvé qu'il avait un sens du réalisme puis il a vu l'obligation gouvernementale au-delà des affaires de parti. Il est membre de son parti puis il peut militer, mais il a une obligation gouvernementale, là. Il est le ministre de tout le monde, il a une obligation de donner au Québec un rapport de force qu'il n'a pas dans les circonstances actuelles puis qu'il n'aura pas tant qu'on va s'enfermer dans la stratégie des conditions gagnantes.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le ministre.
M. Facal: M. le Président, d'abord, je remercie le député de Rivière-du-Loup de noter et de saluer ce qu'il appelle mon «ouverture d'esprit». J'ai en effet eu le sentiment que je disais une évidence quand j'ai invité les gens à garder l'esprit ouvert. Pour ce qui est maintenant de savoir quelle est la stratégie du gouvernement pour parvenir à la souveraineté, le député de Rivière-du-Loup a assez d'ancienneté et assez d'expérience pour savoir qu'on ne répond pas directement à ce genre de question. Il n'y a pas une stratégie, ici, qu'il me fera plaisir de vous livrer.
Préparation du prochain référendum (suite)
Pour ce qui est maintenant de savoir quelles sont les conditions gagnantes, curieusement, vous reprenez la deuxième question du député de Chapleau. Votre question repose sur la prémisse qu'il y aurait quelque part une courte liste de conditions gagnantes, peut-être quatre, ou six, ou huit, et qu'en les cochant on pourrait dire: Tiens, il y en avait six, elles sont toutes remplies, on peut maintenant y aller. Ça ne se passe pas comme ça.
Le député de Rivière-du-Loup a fait allusion au résultat de l'élection, et, je n'en disconviens pas, nous aurions souhaité un mandat plus fort. L'une des leçons que nous tirons, c'est que les gens ne nous ont d'aucune façon interdit de faire la promotion de la souveraineté, puisque, pendant la campagne électorale, nous avons clairement dit que, si nous étions élus, nous nous estimions mandatés pour en faire la défense et l'illustration. Mais, très clairement, oui, on voit bien que, pour l'instant, à court terme, il y a une compréhensible lassitude des gens à l'endroit du débat constitutionnel, ce qui ne veut pas dire qu'ils n'en reconnaissent pas l'importance. Et, en ce sens, par conditions gagnantes - et encore une fois je remercie le député de Rivière-du-Loup de reconnaître que c'était une bonne ligne, comme il dit - pour l'instant, il faut simplement entendre que nous allons promouvoir, défendre, illustrer la souveraineté du Québec, illustrer également les limites que l'actuel régime pose au Québec, faire un effort maximal de conviction du plus grand nombre de Québécois des avantages de la souveraineté, et, quand nous estimerons que le moment est venu pour consulter les gens, à ce moment-là nous le ferons. Entre autres, c'est un travail de notre part qui appelle, et je ne m'en cache pas, une certaine modernisation, un certain recadrage de la question de la souveraineté qui ne peut plus aujourd'hui être présentée de la même manière qu'au milieu des années soixante.
En attendant que ce moment arrive, le gouvernement défend du mieux qu'il peut les intérêts du Québec. Il le fait notamment par l'établissement de coalitions avec tous les gens dans notre société qui déplorent les intrusions du gouvernement fédéral. On l'a vu notamment dans le cas des bourses du millénaire où à peu près tout ce que la société civile québécoise compte d'intervenants intéressés à l'éducation a déploré cette intrusion fédérale et a demandé au gouvernement fédéral d'accéder aux revendications du gouvernement du Québec.
Finalement, je peux rassurer le député de Rivière-du-Loup, il n'y aura pas de référendum au mois de mai de l'an 2000 parce qu'à ce moment-là le Parti québécois va être en plein congrès. Il sera difficile de faire les deux en même temps.
Stratégie du gouvernement en matière constitutionnelle (suite)
M. Dumont: Oui. Bon, là je comprends un peu mieux. Les conditions gagnantes, je pense que, pour la première fois, le ministre nous a donné un début de réponse, il nous a dit que c'était de la pédagogie. Ça, ça veut dire que la pédagogie, donc, c'est basé sur l'hypothèse que les gens n'ont pas compris.
Moi, je pars d'une autre hypothèse. Je pars de l'hypothèse qu'au référendum de 1980 ou de 1995 les gens ont été placés devant un choix fondamental puis qu'ils ont compris, qu'ils ont compris ce qu'ils ont compris, qu'ils ont compris ce qu'ils devaient comprendre, puis qu'ils ont posé le geste qui leur apparaissait le plus pertinent, puis que, à moins qu'il se passe des faits historiques de grande envergure, au moins d'une envergure équivalente à l'échec de Meech ou quelque chose comme ça, ça ne changera pas, ça va rester, grosso modo, dans les mêmes eaux, puis qu'en attendant le premier ministre va se réfugier, quand on va lui parler de l'avenir du Québec, quand on va lui parler de ce qu'il entend faire, derrière cette espèce de recherche des conditions gagnantes.
Quand des gens, comme, la semaine passée, certains l'ont fait... Parce que c'est beau, le ministre nous parle de son ouverture d'esprit, mais, de l'autre côté, dès que des gens soumettent une réflexion dont la finalité immédiate n'est pas la souveraineté, on remet le couvercle sur la marmite puis on leur coince les doigts dedans. C'est ce qui est arrivé à des gens la semaine passée, puis ils ne pourront pas être taxés, ces gens-là, de ne pas être des convaincus du Parti québécois, historiquement. Mais, dès qu'une réflexion ne mène pas à la souveraineté comme seul but ultime, on a l'impression que c'est interdit.
J'aimerais entendre le ministre là-dessus. Est-ce qu'on doit comprendre que, dans la stratégie, dans sa stratégie ou, en tout cas, dans celle pour laquelle il est mandaté au moins depuis samedi en fin d'avant-midi, les gestes qu'il va poser, lui, doivent être orientés vers des conditions gagnantes? Parce que, quand il nous disait tout à l'heure dans sa pédagogie qu'il fallait faire l'illustration des contraintes du système actuel, c'est extrêmement dangereux, ça, de la part du ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes parce que, s'il est à un cheveu d'un succès, là, il a un sérieux problème de conscience parce qu'il n'est pas pour faire l'illustration d'une réussite du système actuel, il vient de faire une condition perdante alors que tout son parti est à la recherche des conditions gagnantes. Il vient de vivre un mauvais conseil national, mais le prochain sera encore pire.
Donc, comment, lui, il peut gérer ça? C'est-à-dire, comment il peut gérer qu'il est mandaté dans une stratégie où il nous dit qu'il défend les intérêts du Québec, de tous les Québécois, mais que, de l'autre côté, les conditions gagnantes, c'est, entre autres, de faire l'illustration des limites du système actuel? Il me paraît que lui, en tout cas, est placé dans une position extrêmement ambiguë, extrêmement difficile et qu'il est obligé finalement de rejeter d'entrée de jeu, de rejeter d'emblée ce que même M. Bouthillier et M. Monière ne sont pas prêts à faire. Eux, ils sont prêts à dire que, s'il y a des progrès dans le système actuel, bien, ça fait toujours ça de pris, au moins, on avance d'un pas, mais lui est obligé, dans la stratégie actuelle des conditions gagnantes, de rejeter d'entrée de jeu tout progrès qui ne mènerait pas à la souveraineté parce qu'à ce moment-là ça nuirait aux conditions gagnantes qui semblent être le seul et ultime exercice utile, tel que jugé par le Parti québécois.
(10 h 40)
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le ministre.
M. Facal: M. le Président, le député de Rivière-du-Loup disait - et je ne partage pas cette prémisse - que les souverainistes pensent que, si une majorité de Québécois ne souhaite pas encore la souveraineté, c'est parce qu'elle n'a pas, dit-il, compris. Non, non. Le mouvement souverainiste ne dit pas que les gens ne comprennent pas, le mouvement souverainiste dit qu'il y a une différence entre comprendre et convaincre. Nous savons...
M. Dumont: Bien, la pédagogie, là...
M. Facal: Je voudrais répondre. Il y avait beaucoup de choses dans votre intervention. Nous savons fort bien que les gens comprennent. Si nous pensions a priori qu'ils ne comprennent pas, on ne prendrait pas le temps d'expliquer. Nous savons bien que les gens comprennent et nous pensons que plus nous expliquons, plus ils comprennent, sauf qu'il y a une différence entre comprendre et convaincre. Des gens peuvent voir le bien-fondé de nos arguments et avoir quand même, pour toutes sortes de raisons historiques et psychologiques, de la difficulté à faire le deuil de ce Canada que beaucoup de Québécois, notamment francophones, considèrent être leur pays dont ils ont été peu à peu dépossédés. Donc, il y a bien sûr comprendre, mais il y a convaincre. Et, de la même manière que le député de Rivière-du-Loup prend un tout petit parti et qu'il voudrait convaincre les Québécois de lui faire davantage confiance, de la même manière, il y a plus d'un quart de siècle, le mouvement souverainiste, ou le Parti québécois, a commencé tout petit et a convaincu les gens de lui faire confiance.
Si les gens avaient, comme le dit le député de Rivière-du-Loup, compris une fois pour toutes, l'option de la souveraineté ne progresserait pas. Or, elle progresse. Si on regarde les choses sur le long terme, au-delà des petites secousses de fin de semaine que le Parti québécois se paie de temps en temps, on verrait bien qu'au début des années soixante les souverainistes tenaient tous dans une seule pièce. Au tournant des années soixante-dix, un quart des Québécois étaient convaincus de la viabilité de la souveraineté. En 1980, 40 % des Québécois étaient convaincus de la viabilité de la souveraineté. En 1995, c'était 49,5 % des Québécois qui étaient convaincus de la viabilité de l'option de la souveraineté. Bref, l'option de la souveraineté, plus on en parle, plus elle convainc des gens. La politique, c'est fondamentalement ça, de la pédagogie.
Maintenant, donc, nous allons continuer ce travail et nous allons décupler l'énergie que nous mettons dans cet effort en essayant de développer de nouveaux arguments, en essayant de moderniser notre discours, en essayant de mettre au rancart certains réflexes épisodiques qui ont pu ne pas nous aider dans le passé. Pour le reste, je veux que le député de Rivière-du-Loup s'enlève tout de suite de la tête cette vieille idée, qu'il m'étonne de voir ressurgir, selon laquelle, parce que le gouvernement est souverainiste, le gouvernement ferait exprès pour que ça ne marche pas, pensant que chaque occasion ratée est une nécessaire illustration du besoin de souveraineté et que donc nous ferions exprès pour que ça ne marche pas. Ce n'est pas vraiment le cas.
Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises et je le redis de nouveau, si nous pratiquions toujours la politique du pire, nous n'aurions pas signé une entente avec le gouvernement fédéral sur la main-d'oeuvre. Si nous pratiquions la politique du pire, nous n'aurions pas demandé et obtenu un amendement constitutionnel permettant la mise en place des commissions scolaires linguistiques. Encore une fois, sur l'union sociale, si nous avions pratiqué la politique du pire, nous ne nous serions pas joints à un front commun interprovincial qui s'est effondré au dernier moment parce que d'autres que nous ont changé leur fusil d'épaule. Bref, nous sommes convaincus que la souveraineté est la seule vraie solution qui n'a pas encore été tentée, mais nous voyons très bien que la défense des intérêts du Québec, c'est une chose et que les intérêts du Parti québécois, c'est autre chose, et nous faisons clairement la distinction entre les deux. Et, tant et aussi longtemps que les Québécois ne nous auront pas signifié leur désir de changer le régime, nous allons défendre les intérêts du Québec avec la dernière énergie et le maximum d'intégrité.
Maintenant, dernier point, M. le Président. Je suis d'accord avec le député de Rivière-du-Loup quand il exprime cette inquiétude selon laquelle le rapport de force du Québec n'est plus ce qu'il était, je le rejoins entièrement là-dessus, mais j'avoue ne pas voir comment écarter, a priori, pendant un certain nombre d'années, la possibilité de recourir à faire entendre la voix québécoise avec un référendum. Comment est-ce que cela peut contribuer à augmenter le rapport de force du Québec? J'avoue ne pas comprendre. Et, s'il pouvait m'éclairer sur cette question, je suis sûr que tous les membres de la commission en bénéficieraient.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Frontenac.
Ingérence du fédéral dans les dossiers de compétence québécoise
M. Boulianne: Merci, M. le Président. On veut vous saluer, M. le ministre, avec votre équipe. Ma question porte sur l'intrusion du fédéral dans les pouvoirs du Québec. On sait que, depuis toujours, plusieurs premiers ministres ont affirmé d'une façon non équivoque que le Québec possédait toutes les caractéristiques spécifiques d'une véritable société autonome et souveraine. Les déclarations en ce sens sont nombreuses, surtout à partir de Maurice Duplessis en passant par Adélard Godbout, Jean Lesage. Ils ont toujours aussi affirmé que le régime fédératif devait respecter tous les pouvoirs exclusifs du Québec pour permettre de légiférer, d'administrer et de gouverner.
Vous avez cité dans votre discours Jean Lesage, et je pense à une de ses déclarations qui est très significative à ce chapitre-là. Si vous me le permettez, il disait ceci, à Toronto: Le Québec cherche à obtenir tous les pouvoirs nécessaires à son affirmation économique, sociale et politique. Dans la mesure où les provinces ne poursuivent pas ce même objectif, le Québec se dirigera, par la force des choses, vers un statut particulier qui tiendra compte à la fois de ses caractéristiques propres... Et il y a eu d'autres déclarations. Malgré tout ça, malgré plusieurs avertissements, le fédéral continue d'une façon systématique ses ingérences. On a plusieurs exemples, vous en avez donné tout à l'heure dans votre discours, au niveau de la santé, et il y en a un en particulier sur lequel je veux revenir, les bourses du millénaire. Ça, je pense que maintenant c'est d'actualité, et on sait le gaspillage et la perte d'argent. J'aimerais savoir quelle est votre implication dans ce dossier-là plus spécifiquement au niveau du Secrétariat.
M. Facal: La question, M. le Président, du député de Frontenac est à deux volets. D'une part, plus spécifiquement, elle porte sur les bourses du millénaire, mais, dans un sens plus large, elle porte aussi sur les intrusions du gouvernement fédéral. Pour ce qui est des bourses du millénaire, nous avons déjà dit qu'il s'agissait d'une intrusion inacceptable de la part du gouvernement fédéral dans ce qui est le champ de compétence par excellence du Québec, l'éducation. Nous avons également dit que nous refusions de négocier avec les dirigeants d'une fondation qui sont des non-élus, non-experts, non-imputables.
Le gouvernement souscrit entièrement à la motion qui a été adoptée à l'Assemblée nationale et qui invite à des négociations entre gouvernements. Il faut bien comprendre que, par son intransigeance, le gouvernement fédéral pénalise les étudiants québécois. Depuis avril 1998, le Québec aurait pu émettre 10 000 chèques de 3 000 $. Dans la société québécoise, à peu près tout le monde appuie la position du gouvernement du Québec: la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, les étudiants, la CEQ.
(10 h 50)
Le Québec, par la voix de son premier ministre, a d'abord dénoncé le projet fédéral; rien n'y fit. Puis, nous avons demandé des amendements législatifs; Ottawa a toujours fait la sourde oreille. Puis, nous avons adopté cette motion, qui est un compromis, à l'Assemblée nationale, qui offre au gouvernement fédéral cette visibilité qu'il recherche de façon obsessionnelle; là encore, rien n'y fit.
Ce qu'il faut bien comprendre aussi, M. le Président, c'est que se trompent ceux qui disent: Laissez donc à la Fondation des bourses du millénaire l'occasion de tenter de passer le test de la motion de l'Assemblée nationale. Ce qu'il faut comprendre, M. le député, c'est que, aux Affaires intergouvernementales canadiennes, nous avons étudié à la loupe chacun des articles de la loi créant la Fondation, et on se rend compte que, pour que la Fondation puisse respecter la motion de l'Assemblée nationale, il faudrait qu'elle enfreigne sa propre loi. Voilà pourquoi il faudrait des amendements législatifs que le gouvernement fédéral n'est pas prêt à faire. Il y a eu, en effet, menées par le Secrétariat aux affaires intergouvernementales, des négociations avec le gouvernement fédéral, au tout début, et c'est l'ancien secrétaire général associé du SAIC, M. Michel Boivin, qui les a menées. M. Boivin a rencontré son homologue fédéral les 5, 9, 14 et 21 avril et le 1er mai 1998 pour tenter de trouver une solution; rien n'y fit. Nous sommes donc dans un cul-de-sac tout à fait complet, en l'occurrence.
En fait, quand je disais tout à l'heure que, dans la société québécoise, à peu près tout le monde s'oppose aux bourses du millénaire, à peu près tout le monde, évidemment, sauf, je crois, le chef du Parti libéral du Québec, dont les propos à cet égard ont été teintés d'une forte ambiguïté, puisque, le 25 juin 1998, dans un entretien à la station de radio CJAD, M. Charest avait dit que les bourses du millénaire étaient, je cite, «une bonne idée»... En fait, M. Charest participait à une tribune téléphonique, et une auditrice a téléphoné et lui a dit - je cite: «Je suis une étudiante âgée de 19 ans et j'envisage d'aller étudier dans une université en dehors du Québec comme plusieurs de mes amis l'ont fait avant moi, a dit l'auditrice. Ma question est celle-ci: Que feriez-vous pour améliorer le financement du système universitaire du Québec?» Réponse de M. Charest: «Eh bien, les fonds du millénaire sont une bonne idée, s'ils se concrétisent, si le gouvernement du Québec est capable de conclure un accord avec la Fondation, parce que ce sera une fondation qui les administrera», a répondu M. Charest. Bref, le chef du Parti libéral du Québec invitait le gouvernement élu des Québécois à négocier des fonds publics, à négocier l'argent des contribuables non pas avec un autre gouvernement élu mais avec le président de Bell Canada, chose que nous n'avons toujours pas comprise, puisqu'elle venait en parfaite contradiction avec la motion à laquelle son propre parti a souscrit. Voilà donc pour les bourses du millénaire.
Pour ce qui est maintenant des ingérences du gouvernement fédéral, je ne ferai pas toute la litanie, mais il faut dire que les derniers mois ont été abondants en exemples de nouvelles intrusions. On parle beaucoup des bourses du millénaire, on parle beaucoup moins de l'Agence canadienne de douanes et de revenu, projet de loi qui est à la veille d'être adopté au Parlement fédéral, on parle beaucoup moins - trop peu - du projet de loi C-54 sur les renseignements confidentiels que le gouvernement fédéral s'apprête à faire adopter, on commence à parler un peu plus du projet de loi de Mme McLellan sur les jeunes contrevenants, là encore qui va à l'encontre du modèle québécois, et ça, M. le député de Frontenac, c'est sans parler de toutes les actions du gouvernement fédéral visant à promouvoir l'identité canadienne, à rendre incontournable sur le territoire du Québec la présence du gouvernement fédéral dans le plus grand nombre de domaines d'activité.
Le député de Chapleau a tenté, au tout début, d'essayer de faire passer le Secrétariat aux affaires intergouvernementales pour une sorte de cellule de préparation à de la stratégie souverainiste. Je ne me rappelle pas de l'avoir beaucoup entendu commenter l'accroissement des ressources financières et humaines consacrées au fonctionnement du Bureau du Conseil privé à Ottawa, l'augmentation des ressources du Bureau d'information sur le Canada du Conseil pour l'unité canadienne.
Il faut se rappeler que le budget du SAIC est de 11 500 000 $, alors que celui du Bureau du Conseil privé du Canada, de 15 400 000 $ qu'il était en 1994, est passé à 38 400 000 $ pour l'année 1999-2000. Je n'ai pas non plus beaucoup entendu l'opposition s'insurger contre le fait que, au Bureau d'information sur le Canada, on compte une cinquantaine d'employés, on a maintenant un budget de 20 200 000 $, dont 4 900 000 $ sont versés à titre de contribution - écoutez bien ceci - à l'appui d'activités et de projets visant à favoriser la compréhension et l'appréciation de l'identité canadienne et une prise de conscience sociale. On pourrait continuer, hein? Le Conseil pour l'unité canadienne, lui, a vu son budget de fonctionnement, en progression constante, passer de 11 500 000 $ en 1997 à 13 300 000 $ en 1998. Et je pourrais continuer, M. le député de Frontenac, à vous sortir une litanie d'initiatives fédérales qui, sans nécessairement générer plus de fonds publics, sont indicatives du nouvel état d'esprit du gouvernement fédéral. Par exemple, vous avez sûrement entendu parler des modifications à la Loi sur la citoyenneté afin d'inclure dans le serment de citoyenneté une allégeance expresse au Canada.
Il faut également savoir - ce qui pourrait être amusant si ce n'était pas si pathétique - qu'il y a un nouveau programme fédéral d'apposition de plaques commémoratives du gouvernement fédéral sur les édifices à caractère historique ou à valeur patrimoniale élevée, y compris sur ceux appartenant au gouvernement du Québec ou ayant déjà été classés par ce dernier comme monuments historiques. Savez-vous également que le gouvernement fédéral a demandé que, dans ses transactions immobilières avec le gouvernement du Québec ou les municipalités, soit inscrite une clause prévoyant le maintien d'un drapeau canadien sur les immeubles transférés? Il faut également savoir, par exemple, que bien de ces gens qui ont pu rire de nos débats sur le cheval canadien ignorent peut-être que, en fait, cette histoire-là s'est initiée au Parlement fédéral, qu'il y a un projet de loi C-454 visant à déclarer le cheval de race canadienne la race nationale de chevaux du Canada. On en est là dans l'absurde.
Savez-vous, par exemple, qu'à la Chambre des communes on vient de mettre sur pied un comité intitulé le Comité de réflexion et de consultation sur l'état de la culture au Canada, alors que la culture relève, c'est bien connu, de la juridiction exclusive des provinces? Et je pourrais continuer. Vous vous rappelez, par exemple, M. le député de Frontenac, qu'en février 1997 le ministère des Affaires étrangères du Canada avait lancé une directive - qu'il a retirée au mois de juillet - qui faisait - je cite - «du respect de la souveraineté canadienne et de l'unité nationale un critère dans l'octroi des subventions aux artistes canadiens en tournée à l'étranger». On a également, en juin 1998, créé le Bureau du Canada pour le millénaire, doté d'un budget de 150 000 000 $, chargé d'appuyer les activités mettant en lumière la diversité du Canada, ses réussites et son rôle dans le monde. Et je pourrais continuer, hein? Lancement, le 19 février 1996, du programme Un million de drapeaux - c'était le nom du programme - lequel va finalement nous coûter plus de 15 000 000 $. Tenue, du 12 au 19 février 1996, de la Semaine Canada, une affaire de coeur, sous l'égide de Patrimoine Canada, dont l'objectif était de donner aux Canadiens l'occasion d'afficher la fierté de leur patrimoine et de leur identité nationale.
Je n'ai pas entendu beaucoup de gens s'insurger contre toutes ces dépenses, alors que, voyez-vous, le budget du Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes, pour toute la panoplie des mandats qui sont les nôtres, n'est, lui, au grand total, que de 11 500 000 $. Voyez-vous à quoi nous faisons face?
(11 heures)
M. Boulianne: Merci.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. M. le député de Chapleau.
M. Pelletier (Chapleau): M. le Président, le ministre a fait plusieurs affirmations, au cours des dernières minutes. D'abord, il met sur le compte de son ouverture d'esprit le fait qu'il ait exprimé de l'intérêt pour la proposition de M. Bouthillier et finalement des amis du Cercle Gérald-Godin. Ça revient à dire que son chef a moins d'ouverture d'esprit que lui-même, parce que son chef lui-même a dit qu'il y avait une limite au remue-méninges. Il a carrément fermé la porte à une telle hypothèse. Je comprends que le ministre aime bien se donner des qualités en termes d'ouverture d'esprit, mais il faudrait qu'il sache, en ce faisant... Il a même dit un peu plus tôt que pour lui c'était évident, cette ouverture d'esprit là était évidente, puisque la proposition qui avait été faite par M. Bouthillier, notamment dans le journal Le Devoir , était quelque chose qui devait être examiné en toute ouverture d'esprit, alors que le premier ministre lui-même a dit: Il n'en est pas question, donc nous fermons la porte, et il y a des limites au remue-méninges. Forcément, donc, j'en conclus que, dans l'esprit du ministre, lui a une ouverture d'esprit que son chef - dans son esprit, au ministre - n'a pas.
Concept des deux peuples fondateurs
Dans un deuxième temps, ce qui m'étonne énormément, c'est que le ministre ait dit un peu plus tôt que le député de Chapleau, c'est-à-dire moi-même, devrait savoir qu'il vit dans un pays dont l'un des deux peuples fondateurs a été exclu de force. C'est fort intéressant, M. le ministre, parce que le concept des deux peuples fondateurs est un concept qui actuellement est nié par le Bloc québécois qui justement doute de la pertinence de ce concept et qui n'ose plus l'utiliser, pour revenir à quelque chose qui serait beaucoup plus près, si vous voulez, d'une espèce de définition du peuple québécois. Je constate que le ministre continue à parler des deux peuples fondateurs. Je ne sais pas jusqu'où il peut concilier cette affirmation qu'il a faite un peu plus tôt avec ce qui ressort actuellement du Bloc québécois, mais je dois remarquer que c'est là un propos qui est fort étonnant de la part d'un ministre qui finalement a tenu aussi, dans le passé, un certain nombre de positions qui sont contraires à ce qui émane des autres souverainistes qui prennent la parole de temps à autre dans notre société.
Célébration de l'Année de la francophonie canadienne
Je reviens justement à l'ouverture qu'a à l'occasion le ministre pour la réforme du fédéralisme canadien, ouverture avec laquelle, dans ce cas-là, je suis tout à fait d'accord, mais qui s'inscrit mal dans la dynamique souverainiste du gouvernement qui est actuellement en place. Dans une lettre qu'il adressait le 3 février 1999 à Mme Sheila Copps concernant l'Année de la francophonie canadienne, le ministre Facal écrivait: «Le Québec est le foyer historique de la langue française en Amérique du Nord.» Lors de son point de presse du 18 mars 1999, il utilisait lui-même l'expression «foyer principal». Encore une fois, c'est fort intéressant parce que le prédécesseur de M. Facal, qui était le ministre Brassard, bien entendu, disait, lui, en avril 1996, au sujet de la notion de «foyer principal», qu'il s'agissait d'un concept qui n'avait aucune valeur juridique, qui était dépassé et folklorique, profondément réducteur et, à la limite, méprisant pour le peuple québécois. Voilà ce qui est cité du communiqué de presse du 16 avril 1996 émanant du ministre Brassard. Encore une fois, donc, le ministre tient des propos qui semblent aller à l'encontre, si vous voulez, de ce que son parti, jusqu'à présent en tout cas, tenait comme étant reçu, comme quoi il y a de la confusion dans les concepts, comme quoi il y a de la confusion dans les notions, comme quoi il y a de la confusion dans tout ce qui est véhiculé par les temps qui courent et comme quoi il semble y avoir un certain nombre de contradictions entre les positions prises officiellement par le ministre - soit dit avec égard - et les positions de son propre gouvernement ou les positions prises plus généralement par les forces souverainistes.
Négociation d'un partenariat avec le fédéral (suite)
Je dois mentionner également, M. le Président, que le ministre nous a parlé tout à l'heure de la progression du concept de souveraineté à travers le temps. Il a dit: À un moment donné, nous étions une poignée dans une salle; après ça, nous étions finalement 40 %; après ça, nous étions 49,5 %. Et là il aurait dû poursuivre en disant: En 1997, nous étions 38 %, et, en 1998, bien, les résultats électoraux démontrent qu'on était 42 %. Et il aurait dû ajouter, par ailleurs, «souveraineté-partenariat».
M. Facal: ...
M. Pelletier (Chapleau): Non, mais vous aviez dit «souveraineté», M. le ministre. Parce que, effectivement, on se rend compte que le concept de partenariat lui-même est remis en question, notamment par le Bloc québécois. Encore une fois, c'est fort intéressant de voir les contradictions entre les propos du ministre et ceux finalement du Bloc québécois. Le concept de partenariat commence à être remis en question, si je puis dire, nuancé et, dans un certain cas, édulcoré par le Bloc québécois qui affirme même, à la page 11 de son Chantier de réflexion sur le partenariat - il s'agit d'un document de travail qui s'intitule Dans l'intérêt de tout le monde - qui prévoit même l'hypothèse d'un échec des négociations entourant un éventuel partenariat avec le reste du Canada.
Alors, moi, ce que je vous dis, c'est que, si les gens avaient su vraiment que le partenariat qui est proposé avait des risques d'échec et des risques fort importants d'échec avec le reste du Canada, ce n'est pas 49,5 %, M. le ministre, que vous auriez obtenu en faveur de la souveraineté-partenariat, en 1995, ç'aurait été beaucoup moins que cela. Et n'oubliez pas que, lorsque vous faites la progression de vos concepts - c'est que vous avez dit, tout à l'heure, et je répète, que c'est l'option de la souveraineté qui a progressé à travers le temps - la nuance s'impose. Ça a été la souveraineté-association avec un trait d'union qui rendait l'association indissociable de la souveraineté, ça a été la souveraineté-partenariat, et maintenant on se demande vers quoi on se dirige, bien entendu, dans le contexte où le Bloc québécois lui-même examine la possibilité qu'il y ait cinq partenariats différents qui soient mis en place, entrevoit la possibilité d'un échec des négociations sur le partenariat avec le reste du Canada et, d'autre part, finalement commence à diluer le concept de partenariat, possiblement sous l'influence de M. Parizeau, pour revenir avec une idée qui soit, disons, davantage axée sur la souveraineté elle-même.
Droit de subir un procès dans la langue officielle de son choix
Le ministre se dit par ailleurs très intéressé à défendre les francophones qui vivent en situation minoritaire à l'extérieur du Québec. Il est tellement intéressé à les défendre que, forcément, donc, il n'est pas intervenu publiquement contre le Bloc québécois qui rejetait le concept des deux peuples fondateurs, concept qui est largement estimé parmi les francophones qui vivent en situation minoritaire au Canada, dans un premier temps, et que par ailleurs son propre gouvernement a porté en appel une décision finalement qui a été rendue par la Cour d'appel du Québec dans l'affaire Reine contre Cross, qui porte sur l'interprétation de l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867. Le Procureur général du Québec a donc décidé d'interjeter, de demander à la Cour suprême du Canada l'autorisation d'en appeler de ce jugement Reine contre Cross qui établit que quelqu'un peut avoir le droit à ce que les procureurs qui s'expriment dans un procès criminel parlent la langue officielle de l'accusé. C'est le principe qui découle finalement du Code criminel du Canada, donc une disposition du Code criminel du Canada, qui se trouve à être l'article 530.(1) du Code criminel, qui prévoit qu'un accusé a droit à un procès, en matière criminelle, dans sa langue.
Or, qu'arrive-t-il lorsqu'un procureur de la couronne ne parle pas la langue de l'accusé? La logique et l'évidence voudraient que finalement le procureur général de la province désigne un autre procureur de la couronne qui, lui, parle la langue de l'accusé afin que l'accusé puisse avoir vraiment un procès dans sa langue. Au Québec, cela impliquerait, en fait, qu'un accusé qui parle l'anglais puisse avoir droit à un procureur de la couronne qui parle l'anglais et, dans les autres provinces canadiennes, cela impliquerait également qu'un accusé qui parle français puisse avoir droit à un procureur de la couronne qui parle français. C'est ce que prévoit le jugement qui a été rendu par la Cour d'appel du Québec, jugement dont le gouvernement du Québec demande donc la permission d'en appeler devant la Cour suprême du Canada, ce qui est quand même aberrant parce que le résultat concret, si jamais le Procureur général du Québec gagne en Cour suprême, ça serait de faire en sorte qu'un accusé francophone dans une autre province puisse se retrouver dans une situation où le procureur de la couronne, dans son propre procès, ne parle pas le français. Fort intéressant comme logique, pour un ministre qui se dit défenseur des francophones à travers tout le pays.
Participation à certaines mesures fédérales
Je remarque par ailleurs que le ministre n'a pas tout à fait le sens de la nuance. Lorsqu'il parle de la Loi sur les jeunes contrevenants, il oublie l'article 64 qui permet au Procureur général d'une province d'appliquer son propre régime dans un contexte où des poursuites devaient être engagées contre un jeune contrevenant. Lorsqu'il parle de l'Agence canadienne des douanes et des revenus, il semble oublier qu'une province peut s'exclure de cette loi. Lorsque le ministre parle des bourses du millénaire, il semble oublier que son gouvernement a lui-même désigné un négociateur pour négocier avec la Fondation canadienne pour l'innovation.
(11 h 10)
Dans le rapport annuel 1997-1998 du Secrétariat aux affaires intergouvernementales, nous retrouvons un passage que j'ai d'ailleurs déjà lu au ministre à l'Assemblée nationale. Il nous a dit: Vous savez, ce n'est pas un négociateur, c'est quelqu'un qui est un observateur, qui vient tout simplement... La personne que nous avons désignée à la Fondation canadienne pour l'innovation, c'est un observateur. Il nous rend des comptes, tout simplement, il prend note de ce qui est dit et de ce qui est écrit. Or, ce qu'on lit à la page 31 dudit rapport, c'est ceci. Écoutez bien, les paroles sont importantes parce que... Enfin, le ministre ne les a peut-être pas pesées suffisamment lorsqu'il m'a livré sa réponse à l'Assemblée nationale du Québec. «Le gouvernement a désigné un représentant du Secrétariat comme interlocuteur gouvernemental auprès de la Fondation. Trois rencontres ont eu lieu afin d'établir sur le plan technique un cadre de fonctionnement régissant la collaboration avec l'organisme fédéral. Ce cadre est basé sur le respect des compétences du Québec ainsi que sur l'obtention, d'une part, des fonds de la Fondation conformes au potentiel des établissements de recherche québécois. Les échanges entre celle-ci et le Québec ont été fructueux, jusqu'ici, dans la mesure où ils ont pu clarifier les processus décisionnels de chacun.» On parle d'interlocuteur gouvernemental. On parle finalement de collaboration avec l'organisme fédéral qui est la Fondation canadienne pour l'innovation. Deux poids, deux mesures.
Lorsqu'on arrive avec la Fondation du millénaire, là on se cache derrière le fait qu'il s'agit d'une fondation privée pour finalement priver les étudiants du Québec justement d'une somme d'argent qui leur est due, puis qui s'il y avait un peu de volonté politique puis un peu de bonne foi, pourrait être réglée beaucoup plus facilement qu'on ne le croit. Ce n'est pas normal que ce dossier-là ait dérapé de la façon dont il a dérapé. Je pense que le ministre a des responsabilités à assumer, et il devrait s'inspirer justement de ce qu'il a fait à l'égard de la Fondation canadienne pour l'innovation.
Négociation d'un partenariat avec le fédéral (suite)
Je continue, M. le Président, par ailleurs, en soulignant ce qui suit: qu'il est extrêmement étonnant que le ministre lui-même ne soit impliqué, ni son ministère, ni son Secrétariat, a-t-il dit, dans aucune démarche préréférendaire ou référendaire. J'espère que l'avenir ne nous révélera pas le contraire. Il a tenu à préciser que le rôle de son Secrétariat n'était pas un rôle qui devait être justement tributaire d'un prochain référendum, et il faudra voir, au cours des prochains mois, également si ce rôle finalement va être maintenu ou non. J'invite le ministre, donc, à s'assurer que la vocation même de son Secrétariat ne change pas en cours de route.
J'ajouterai par ailleurs ceci: donc, vous avez vu qu'il y a un certain nombre de contradictions, un certain nombre d'affirmations qui sont lourdes de sens. Le ministre lui-même ne nous a pas dit ce qu'il entendait par le mot «partenariat». Il nous a dit finalement que les conditions gagnantes, c'était quelque chose d'indéfinissable. Mais qu'en est-il du partenariat? Ça doit pouvoir être défini. Vous devez pouvoir le définir, le partenariat auquel vous songez, lorsque vous parlez de souveraineté-partenariat. Vous en tenez-vous encore au modèle de 1995 ou allez-vous vous inspirer des propositions du Bloc québécois? Qu'avez-vous en tête, M. le ministre, lorsque, ces idées-là, vous les véhiculez?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Chapleau, si vous permettez, si on veut laisser un temps raisonnable au ministre pour répondre à votre question qui, jusqu'à présent, a duré 15 minutes, faudrait peut-être que vous concluiez sur votre question.
M. Pelletier (Chapleau): M. le Président, j'ai droit à 20 minutes, semble-t-il, et il me reste trois minutes. Il me reste trois minutes, semble-t-il.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Allez-y.
M. Pelletier (Chapleau): Moi, j'ai vérifié l'heure, puis il me resterait trois minutes pour ma conclusion.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): C'est-à-dire qu'il ne s'agit pas, ici, de remarques terminales.
M. Pelletier (Chapleau): Non, non, mais...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'étape de l'étude des crédits, en principe, j'imagine que vous avez une question à poser. Je vous invite à...
M. Pelletier (Chapleau): Ce sont toutes des questions. Je viens de demander au ministre ce qu'il comprend du concept de partenariat.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Bon. À ce moment-ci, est-ce que je peux suggérer... Il reste à peine 10 minutes...
M. Pelletier (Chapleau): Je vais conclure.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): ...pour la réponse éventuellement à cette question, et on aura consacré à peu près 25 minutes à votre intervention, incluant la réponse du ministre.
M. Pelletier (Chapleau): Non, non. Bien, là, si vous incluez la réponse du ministre...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, je pense que c'est bien raisonnable. Je vous invite donc à terminer votre question.
M. Pelletier (Chapleau): Si on fait un calcul du temps, vous allez voir, M. le Président, que je n'ai pas abusé du temps qui est à ma disposition dans ces deux heures au total.
Contrats octroyés pour l'étude du projet d'union sociale
Par ailleurs, je remarque qu'il y a un certain nombre de contrats qui ont été octroyés, M. le ministre, par rapport à l'analyse du cadre portant sur l'union sociale canadienne. Il y a des contrats qui ont été donnés à différents experts, y compris un bureau d'avocats, Joli-Coeur, Lacasse, Lemieux, Simard, St-Pierre, pour effectuer des études de cinq chapitres du projet d'union sociale canadienne, 7 500 $ par chapitre, pour un grand total de 45 000 $. Alors, M. le ministre, je voudrais savoir si ces études-là ont été faites avant le 4 février 1999 ou après. Et, deuxièmement, j'aimerais bien que, puisque ça a été payé par les fonds publics, nous ayons une copie des études en question. Merci.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le ministre.
M. Facal: M. le Président, pendant que le député de Chapleau parlait, j'ai noté - et sans doute en ai-je oublié - 13 sujets différents. Je voudrais tenter de répondre à chacun d'entre eux, mais il a arrosé bien large. De combien de temps je dispose?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Une dizaine de minutes, M. le ministre.
M. Facal: Une dizaine de minutes. Alors, nous allons y aller bride abattue. Commençons par le commencement. Le député de Chapleau essaie encore une fois d'introduire une sorte de coin entre le Parti québécois et le Bloc québécois. Je n'ai pas à répondre de ce que dit ou fait le Bloc québécois, si ce n'est pour dire que ses positions officielles seront celles de son congrès qui se tiendra en l'an 2000. Le Bloc québécois a mis de l'avant des documents visant à susciter et à alimenter un débat, et le débat est en train de se faire, et je m'en réjouis.
Concept des deux peuples fondateurs (suite)
Pour ce qui est maintenant de la notion de peuple, je vais être aussi clair que possible, M. le Président. Pour moi, font partie du peuple québécois toutes les personnes qui, sans distinction aucune, habitent le territoire du Québec et participent de près ou de loin au développement de notre collectivité. En ce sens, la notion de peuple fondateur ne me rebute pas du tout; au contraire, elle continue à être pour moi le socle fondamental du prisme à travers lequel je lis l'histoire du Québec et du Canada.
(11 h 20)
La question est de savoir si le pacte entre les deux grandes nations fondatrices du Canada existe toujours, et le député de Chapleau sait aussi bien que moi que toutes les tentatives visant à reconnaître cette particularité du Québec dans la Constitution ont échoué. Nous sommes d'avis que les modifications constitutionnelles de 1982 ont opéré une rupture définitive du pacte historique de 1867. Donc, nous continuons profondément à adhérer à la notion de peuple fondateur. Nous serons simplement de plus en plus curieux, nous aussi, de voir ce que le député de Chapleau propose pour tenter de remédier à cette brisure unilatérale par le gouvernement fédéral du pacte entre les deux peuples fondateurs.
Participation à certaines mesures fédérales (suite)
Pour le reste, le député de Chapleau a voulu commenter la question des jeunes contrevenants. Je crois comprendre - peut-être que je me trompe - qu'il est sympathique au point de vue du gouvernement fédéral ou, en tout cas, qu'il endosse les propos de Mme McLellan sur le fait que ce projet de loi serait porteur de la souplesse recherchée par le Québec. Si c'est le cas, le député de Chapleau est bien seul, parce qu'à peu près tout le monde au Québec qui connaît cette question a déploré le projet de Mme McLellan.
Le député de Chapleau a également parlé de l'Agence canadienne des douanes et du revenu. Je suis étonné de voir le député de Chapleau faire l'apologie d'un projet de loi fédéral qui, en créant ladite Agence, en l'associant à un régime pancanadien unique de taxation, va à l'encontre d'une longue, très longue tradition d'autonomie fiscale du Québec, et j'ose espérer que ce commentaire du député de Chapleau n'est pas une autre illustration de cette espèce de satellisation croissante du Parti libéral du Québec vis-à-vis de son grand frère d'Ottawa, et j'espère que ça ne s'inspire pas de cette même vision commune de banaliser de gré ou de force la différence québécoise.
Contrats octroyés pour l'étude du projet d'union sociale (suite)
Le député de Chapleau a également voulu que soient rendues publiques les études commandées par le gouvernement du Québec. Qu'il se rassure, la très grande majorité de ces études vient de parvenir au Secrétariat. Elles sont présentement entre les mains des fonctionnaires. Je vous prierais de me permettre, d'abord, de les lire moi-même, et, sitôt que ce sera fait, il me fera grand plaisir de les rendre publiques et même d'en discuter avec vous.
Participation à certaines mesures fédérales (suite)
Quoi d'autre? Ah oui! les bourses du millénaire et la Fondation canadienne de l'innovation. Le député de Chapleau voit des contradictions dans ce qui, à mon avis, n'est que la confusion dans son propre esprit. Il faut bien voir la grande différence qu'il y a entre les bourses du millénaire et la Fondation canadienne pour l'innovation. Les bourses du millénaire sont des bourses remises directement à des étudiants par une fondation privée. Dans le cas de la Fondation canadienne pour l'innovation, les organismes subventionnaires du Québec sont impliqués au premier chef, puisque le gouvernement du Québec, les fonds publics québécois subventionnent 60 % de chacun des projets de recherche auxquels la FCI apporte le 40 % manquant. Dans la mesure où le gouvernement du Québec finance donc pour plus de la moitié les projets, il est tout à fait normal que le gouvernement du Québec ait quelqu'un là pour surveiller que tout se passe correctement.
Célébration de l'Année de la francophonie canadienne (suite)
Qu'y avait-il d'autre également? Ah oui, la question de la francophonie canadienne. Je crois comprendre que le député de Chapleau déplorait le fait que nous ne nous soyons pas associés au gouvernement fédéral dans la célébration, cette année, de l'Année de la francophonie canadienne. Je voudrais simplement vous dire que, avec les moyens qui sont les nôtres, nous faisons le maximum pour tendre la main aux francophones du reste du Canada. Qu'il suffise de dire que notre budget, au cours des trois dernières années, d'aide à la francophonie canadienne est l'un des rares à avoir survécu aux efforts de compressions budgétaires. Cette année, notre budget augmentera de 20 %. Nous avons simplement décidé qu'il était préférable d'agir avec nos programmes selon nos moyens plutôt que de travailler sous le parapluie du gouvernement fédéral dont nous aurions cautionné la vision en nous y associant. Vous savez aussi bien que moi que, dans les documents de présentation de cette Année de la francophonie canadienne, le Québec est dépeint comme une composante régionale du Canada. On ne retrouve nulle part mention d'un peuple québécois; on nous associe à un peuple canadien dont nous serions la version francophone. D'aucune façon nous ne pouvions cautionner cela. Ça ne nous empêche pas de mettre plus de ressources que jamais auparavant dans notre politique de main tendue aux francophones hors Québec.
Nous avons donc, de cette question, je le soumets bien humblement, une vision peut-être moins naïve, si c'est bien le mot, que celle de l'actuel chef du Parti libéral du Québec qui, il y a un an presque jour pour jour, le 24 avril 1998, avait commis l'historique phrase suivante: Nous avons réussi à préserver cette langue et cette culture parce que nos voisins des autres provinces canadiennes étaient des alliés, des amis et non pas des étrangers. Bref, si le français a pu survivre au Canada, c'est grâce à la sollicitude de nos amis anglophones, ce qui avait d'ailleurs amené un commentateur, un chroniqueur bien connu du Soleil , que le député de Chapleau ne cite que quand ça fait son affaire, à nous dire, et je termine là-dessus: Si le futur chef - à l'époque - du Parti libéral du Québec pense vraiment ce qu'il a dit, la perspective qu'il se voit confier les destinées du seul État francophone en Amérique du Nord devient passablement inquiétante. S'il n'est pas lui-même conscient de la lutte incessante que les francophones ont menée et doivent encore mener pour préserver leur langue, son intérêt politique devrait lui commander de faire au moins semblant.
Adoption des crédits
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. le ministre. Alors, le temps imparti pour l'étude des crédits étant épuisé, je mets au voix le programme 3, Affaires intergouvernementales canadiennes, des crédits budgétaires du ministère du Conseil exécutif pour l'année financière 1999-2000. Alors, est-ce que le programme est adopté?
Des voix: Adopté.
Une voix: Sur division.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Sur division?
M. Pelletier (Chapleau): Division.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Sur division? Très bien. Il y avait des questions tout à l'heure relativement au partage du temps. J'informe les membres de la commission que, globalement, 50 minutes ont été réservées aux questions de l'opposition officielle, une vingtaine de minutes - en fait, c'est 21 - à la question du député de Rivière-du-Loup et 21 minutes aux questions des ministériels. Donc, je pense que, dans l'ensemble, la proportion respecte notre tradition. Je vous remercie. Alors, je suspends les travaux de la commission pour quelques instants.
(Fin de la séance à 11 h 28)