(Neuf heures quatre minutes)
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, j'inviterais les membres de la commission à bien vouloir s'asseoir. Alors, je rappelle que la commission des institutions est réunie pour poursuivre l'étude des crédits budgétaires du ministère de la Sécurité publique pour l'année financière 1999-2000, les programmes 1, 3 et 4. Je rappelle également que, selon l'entente intervenue entre les leaders en vertu de l'article 285 du règlement, une enveloppe de cinq heures a été allouée pour l'étude de ces programmes.
Alors, étant donné que les remarques préliminaires ont déjà été faites, à ce moment-ci on pourrait y aller d'une première question. M. le député de Saint-Laurent.
M. Dupuis: M. le Président...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Excusez. M. le ministre.
M. Ménard: Est-ce que je pourrais quand même présenter les gens qui m'accompagnent ce matin?
M. Dupuis: Je n'ai pas d'objection à cette demande-là. Non seulement je n'ai pas d'objection à cette demande-là, mais j'imagine, M. le ministre, que toutes ces belles personnes qui sont présentes aujourd'hui n'ont pas eu l'occasion d'entendre les remarques préliminaires, peut-être, que vous avez faites hier. Si vous voulez prendre un petit peu de temps pour faire un peu de remarques préliminaires, je n'ai pas d'objection non plus.
M. Ménard: J'imagine que le texte a circulé au ministère.
M. Dupuis: Ah bon! D'accord.
M. Ménard: Tous ceux qui étaient intéressés ont pu en prendre connaissance.
M. Dupuis: D'accord. En fait, ceux qui cherchaient à savoir les orientations que vous avez ont sûrement pris connaissance de votre texte.
M. Ménard: Oui, mais ils les connaissent pas mal déjà, de toute façon.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, M. le ministre, vous nous présentez vos collaborateurs.
M. Ménard: Alors, j'ai évidemment, à ma gauche, le sous-ministre, M. Jacques Brind'Amour; aussi, M. Jean-Louis Lapointe, sous-ministre associé aux services à la gestion. Je n'ai pas vu Mme Louise Pagé ce matin, sûrement qu'elle va arriver. Elle n'est pas arrivée encore. Bon. Le sous-ministre aux affaires policières, à la prévention et aux services de sécurité, Me Denis Racicot; le sous-ministre associé à la sécurité civile et à la sécurité incendie, M. Crépeault - ah bon! voici, il est là; le président de la Régie des alcools, des courses et des jeux, M. Serge Lafontaine, que j'ai vu - ah! il est rendu là, parfait; la présidente de la Commission québécoise des libérations conditionnelles, Mme Isabelle Demers; le Commissaire à la déontologie policière, M. Paul Monty; le président du Comité de déontologie policière, M. Claude Brazeau - il est là; le coroner en chef, M. Pierre Morin; et tout juste arrivé, mon directeur de cabinet, Me Pierre Audet.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, M. le député de Saint-Laurent.
Remarques préliminaires
M. Jacques Dupuis
M. Dupuis: Alors, M. le Président, à mon tour, permettez-moi tout simplement de saluer les gens qui se joignent à nous ce matin. Je ne veux pas prendre l'occasion de faire des remarques préliminaires trop longues, puisque le ministre n'a pas fait les siennes, mais je suis certain que, quant à moi, les gens n'ont pas pris connaissance du texte de mes remarques préliminaires d'hier, parce que ce n'est pas mes orientations qui sont importantes, ce sont celles du ministre, pour eux. Je vais simplement leur dire qu'il me fait plaisir de les saluer.
Je veux leur dire et réitérer ce que j'ai dit hier en ouverture de l'étude des crédits, à l'effet que j'avais le plus grand respect pour les fonctionnaires, que je sais que ce sont des personnes qui sont motivées par l'intérêt public. J'ai moi-même eu l'occasion d'agir pendant quelques années au sein de la fonction publique, particulièrement en tant que procureur de la couronne, et j'ai eu l'occasion, comme procureur de la couronne, de travailler avec certaines des personnes que vous dirigez, au ministère de la Sécurité publique, particulièrement en ce qui concerne le nouveau programme de mesures de rechange que le ministère de la Justice est à mettre sur pied, qui requiert évidemment la collaboration de certains membres du ministère de la Sécurité publique, et j'ai toujours considéré avoir été très bien servi par les gens du ministère de la Sécurité publique.
J'ai également dit, cependant, hier, en remarques d'ouverture, que, bien sûr, pour que le ministère fonctionne dans sa pleine mesure et que les fonctionnaires donnent le meilleur de leurs capacités, le meilleur de leurs compétences, il faut qu'il y ait à la tête du ministère une autorité politique qui fasse preuve d'une volonté politique de réaliser un certain nombre de choses et que cette volonté politique doit être à la base de toutes les actions qui sont posées par les gens qui travaillent au ministère de la Sécurité publique.
Je termine, et je vais poser une question aussitôt après, pour dire ceci - ce que j'ai eu l'occasion de dire hier en ouverture: Il m'apparaît que, à ma connaissance - et je peux me tromper là-dessus - mais, à ma connaissance, jamais un ministère n'a été autant interpellé en même temps par autant de dossiers majeurs que le ministère de la Sécurité publique, et toutes les directions du ministère de la Sécurité publique sont interpellées. Inutile de vous rappeler l'existence dans le portrait et le dépôt récent d'un certain nombre de rapports extrêmement importants: le rapport Poitras, le rapport du Protecteur du citoyen sur le virage correctionnel et sur les services correctionnels et, évidemment, très récemment, le rapport Nicolet sur particulièrement la sécurité civile. Hier encore, le dépôt du rapport Bédard sur la fiscalité dans les municipalités interpelle de façon importante le ministère de la Sécurité publique, ne serait-ce qu'en ce qui concerne une certaine réflexion sur comment devraient être organisés les services de police au Québec, vous qui êtes encore en plein coeur de la réorganisation policière sur le territoire québécois en vertu de la loi n° 77.
(9 h 10)
Donc, le ministère est extrêmement interpellé, et je pense que la population du Québec peut bénéficier ou souffrir de l'absence d'action dans les domaines qui sont concernés par les rapports et par le dépôt de ces rapports-là. C'est le ministre et c'est le gouvernement actuel qui détermineront si la population aura raison d'avoir eu confiance et d'avoir témoigné sa confiance, le 30 novembre, à ce gouvernement-là.
Je terminerai, cette fois vraiment, avant de poser une question, M. le Président - je vous remercie de votre clémence - en disant que j'ai eu l'occasion de dire hier qu'il m'apparaissait à première vue que, malheureusement, les réactions du gouvernement depuis la publication de ces différents rapports... Évidemment, il y en a qui sont plus récents que d'autres, mais particulièrement hier, puisqu'il était question de la Sûreté du Québec, j'ai eu l'occasion de dire que la réaction du gouvernement et du ministre de la Sécurité publique m'était apparue extrêmement timide sur les réformes qui doivent être exercées à l'égard de la Sûreté du Québec.
Discussion générale
Bilan de la réforme des services correctionnels
Je suis obligé de dire qu'en ce qui concerne le rapport du Protecteur du citoyen, dont j'aimerais parler maintenant avec le ministre plus particulièrement, outre le plan d'intervention, que j'ai parcouru avec intérêt dès la publication du rapport Jacoby, qui se voulait être la réponse du ministère de la Sécurité publique à un certain nombre de recommandations du rapport Jacoby... je l'ai donc parcouru avec intérêt... et qui renferme un certain nombre de correctifs intéressants.
Je pense qu'on peut prendre pour acquis, M. le ministre, que... Et on pourrait aborder, si vous voulez, ensemble la question du réseau correctionnel et du virage correctionnel, ce qu'on a appelé le virage correctionnel, et ce sur quoi le Protecteur du citoyen s'est prononcé de façon importante dans le rapport qu'il a déposé, au sujet duquel il dit que le virage correctionnel est un échec. C'est le jugement que le Protecteur du citoyen porte sur ce qu'on a appelé le virage correctionnel.
Et, évidemment, dans le peu de temps dont on dispose pour discuter à l'étude des crédits - il y a quand même du temps, mais il y a quand même peu de temps dont on dispose pour en discuter - il faut faire des espèces de synthèses. Les synthèses, évidemment, on essaie de les rendre les plus complètes possible, mais il peut arriver que les synthèses oublient un certain nombre de nuances. Mais je pense qu'on peut dire, outre les différentes recommandations précises que le rapport Jacoby contient, que le principal reproche qu'il fait au gouvernement, et là je ne veux pas que mes propos soient interprétés à l'endroit des gens qui ont travaillé dans ces différents dossiers là, mais il y a un esprit qui anime le virage correctionnel qui est un esprit de fond et il y a un esprit qui anime le virage correctionnel qui est un esprit politique, qui est un esprit strictement de décisions gouvernementales, et c'est celui des ressources qu'on met à la disposition du ministère pour effectuer les travaux qui doivent être faits. Je pense qu'on peut dire que le Protecteur du citoyen reproche principalement aux autorités politiques du gouvernement et particulièrement du ministère de la Sécurité publique le manque de ressources dans ce qu'il a été convenu d'appeler le virage correctionnel, manque de ressources qui se traduit, selon sa propre interprétation, par, évidemment, des coupures de personnel et qui se traduit aussi par un manque de places disponibles, qui se traduit, en général, par un manque d'injection d'argent important qui empêche que le virage correctionnel puisse arriver aux objectifs qu'il s'est fixés.
J'en veux pour preuve, et c'est la seule citation que je ferai à ce moment-ci, un extrait du rapport du Protecteur du citoyen en page 58, qui dit ceci: «Comment peut-on réussir une réforme en coupant dans tous les domaines en même temps?
«Plus encore, l'ampleur des restrictions budgétaires est en train de mettre en péril la mission et le virage correctionnel lui-même. Et voici pourquoi. Lorsqu'il n'y a pas assez de ressources pour assurer la garde et la surveillance des personnes détenues, lorsque l'intégrité physique des personnes incarcérées, ou encore celle des agents, est atteinte parce qu'on "n'a pas les moyens de faire autrement", lorsqu'on commence à couper des programmes d'activités et de réinsertion, lorsque le personnel professionnel ne suffit plus à la tâche, c'est la mission en même temps que la réforme des services correctionnels qu'on est en train de mettre en péril. Devant une telle situation, le ministère se doit d'adopter une vision à plus long terme.»
Ma première question au ministre, dans ce contexte-là, est la suivante. Je sais bien que, lui et moi, nous ne nous entendrons pas sur un certain nombre de choses, jamais. Par exemple, son option politique, qui est la souveraineté, ça, on ne s'entendra jamais là-dessus. C'est entendu. Il y a fait référence hier; c'est pour ça que j'y fais référence aussi ce matin. Hier, évidemment, il a parlé d'une majorité de francophones; je parlerai aujourd'hui d'une majorité de Québécois. Je ne peux pas me sentir seul, puisqu'une majorité de Québécois sont d'accord avec moi et avec notre formation politique sur l'option que le Parti québécois défend. Là-dessus, on ne s'entendra jamais, c'est clair. Au-delà de ça, M. le ministre, est-ce qu'on peut s'entendre sur le fait que... et avez-vous suffisamment d'éclairage pour vous permettre de dire que, effectivement, il est possible - et il est, quant à nous, clair - qu'il y a effectivement un manque de ressources important qui a causé un certain dérapage du virage correctionnel, par principe?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le ministre.
M. Ménard: Oui, ça et puis d'autres facteurs. Et d'ailleurs, dans le plan d'action que nous sommes en train de préparer, il est certain que nous allons demander des mesures budgétaires.
Il y a aussi que nous sommes victimes de notre succès. Les juges ont largement plus recours aux méthodes de surveillance en liberté qu'ils ne l'avaient avant. J'avais les statistiques, je ne me souviens plus exactement où elles sont, mais, de mémoire, à partir du moment où la législation a permis les sentences avec sursis, il y a eu une augmentation absolument radicale du nombre de personnes qui sont confiées à la surveillance des services du ministère. C'est évident que le personnel qui est là et qui est, à mon avis, la clé du succès éventuel d'un système correctionnel, un système correctionnel qui vise la réinsertion sociale des contrevenants, devra être augmenté. Je remarque aussi que ce sont les mesures les moins coûteuses par rapport à la détention pure et simple.
Et puis, il y a eu un paradoxe: nous nous attendions à une diminution de la criminalité; elle fut au rendez-vous, mais il n'y a personne qui avait prévu que la diminution de la criminalité serait accompagnée d'un maintien de demandes sur les ressources correctionnelles québécoises, parce que, effectivement, il y a aussi une diminution de l'incarcération. Je cherche encore les explications à ces phénomènes. Nous, c'est certain: on a fermé cinq prisons, mais, essentiellement, on a le même nombre de places en prison actuellement que nous avions, je pense, à une centaine près. Puis vous savez que l'incarcération, c'est la mesure la plus coûteuse.
(9 h 20)
Je rappelle, pour ceux qui ne le savent pas - et il y a beaucoup de gens qui ne le savent pas, je le vois dans les critiques publiques dont on fait parfois l'objet - que les services correctionnels québécois ne servent qu'à ceux qui ont des sentences de moins de deux ans, alors que ceux qui ont des sentences de deux ans et plus vont dans les institutions fédérales. Donc, ils sont généralement ceux qui sont condamnés pour les crimes les plus graves ou qui ont un passé criminel qui indique qu'ils méritent une sentence plus sévère. Mais nous, chez nous, ce n'est pas le cas. Je donnerai probablement, à un moment donné, un tableau de la clientèle que nous avons. Vous aurez remarqué que, quand vous regardez le rapport Jacoby jusqu'à la fin et que vous regardez les sources d'information du rapport Jacoby, le rapport Jacoby a été écrit en très grande majorité en collaboration et avec l'aide des services correctionnels. Alors, il y a... des appels au secours... que la liberté du Protecteur du citoyen lui permettait de dire dans des termes qu'elle ne permettait pas aux gens qui sont à l'intérieur du système, mais que nous partageons.
Mais nous sommes dans un contexte budgétaire difficile. Je sais que la majorité des citoyens sont à la fois, je pense, d'accord quand on leur explique la véritable situation des gens qui sont chez nous, les objectifs que nous visons, ils sont d'accord avec puis ils sont d'accord pour qu'on dépense de l'argent dans ce domaine-là, mais, quand vient le temps de payer, on entend un tout autre langage. Alors, il faut apprendre à vivre avec ça: des ressources qui sont nécessairement moins grandes et des besoins qui demeurent grandissants.
Mais je reste convaincu que, si nous avions pu entreprendre le virage correctionnel selon les prévisions que nous avions faites, la diminution de la criminalité entraînerait une diminution des demandes de ressources proprement de détention, qui sont les plus coûteuses. Je n'ai pas - Mme Pagé peut peut-être me corriger - j'ai à l'esprit certains chiffres qui sont très révélateurs là-dessus. Si je me souviens bien, le coût moyen de détention d'un individu, c'est 155 $...
Une voix: En moyenne, 155 $.
M. Ménard: 155 $ par jour. Dans des centres de détention communautaires...
Une voix: ...
M. Ménard: Dans les centres de détention communautaires, c'est 45 $ par jour et, en surveillance à l'extérieur, c'est 2,50 $ par jour. Je suis convaincu, quant à moi, que le taux de 2,50 $ par jour est insuffisant et je n'hésite pas à dire que je voudrais le doubler, le doubler, parce que je pense que c'est là qu'est la clé de la réinsertion sociale. Il faut parfois donner - puis ça, c'est aux juges en tout indépendance d'en décider - pour certains délinquants un coup dur au début, mais il faut qu'il y ait un suivi en sortant de prison. Et c'est la qualité de ce suivi qui va assurer qu'une personne qui est essentiellement mésadaptée, comme le sont la majorité des gens qui nous sont confiés, va retrouver un chemin à la fois utile pour la société et bien meilleur pour elle-même. Mais ce virage correctionnel n'a pas pu se dérouler comme je l'avais prévu il y a cinq ans, et je pense qu'il est encore le plus nécessaire.
M. Dupuis: M. le ministre... Je m'excuse, aviez-vous terminé?
M. Ménard: Oui. On discutera sûrement de...
Fluctuation du taux de criminalité
M. Dupuis: Oui. Il y a une affirmation qui est faite de façon générale et dont je voudrais discuter avec vous parce qu'elle peut donner une base à toute espèce de correctif qu'on pourrait apporter dans le réseau. On entend souvent - vous le dites, vous, abondamment - et j'entends régulièrement des gens dire: Le taux de criminalité, baisse de la criminalité, et tout le monde prend pour acquis qu'il y a eu effectivement une baisse de criminalité. Moi, je vous avouerai, là, que, à défaut d'être en mesure de vous contredire là-dessus, à défaut d'être en mesure de vous contredire avec des chiffres à l'appui, je suis sceptique quant à cette affirmation de la baisse du taux de criminalité. Évidemment, comment peut-on en arriver à connaître le taux de criminalité à un moment donné x et comment peut-on en arriver à déterminer s'il y a eu baisse ou hausse du taux de criminalité? C'est évidemment en fonction des dossiers qui sont traités. Je veux dire, c'est de cette façon-là qu'on requiert la statistique. Là, je ne veux pas me chicaner avec vous, je n'ai pas l'intention de me chicaner avec vous, mais, c'est vraiment sur un aspect purement intellectuel, il m'apparaît qu'il pourrait être faux de prétendre qu'il y a une baisse de criminalité aussi importante que celle-là.
Je vous donne, si vous voulez, dans une matière que vous connaissez aussi bien que moi, une espèce de fruit de ma réflexion à ce sujet-là. Et c'est important qu'on s'interroge là-dessus, parce que, évidemment, on constate qu'il y a autant de monde dans les prisons, malgré l'affirmation qu'on fait qu'il y a eu une baisse de criminalité. C'est donc que, peut-être, il n'y a pas eu une baisse de criminalité autant que ça. En passant, j'ouvre une parenthèse - et je vais y revenir, M. le ministre - en disant que je constate que ce matin - et je suis très content de vous l'entendre dire - vous avez constaté que les juges ont une tendance, évidemment, à se servir des nouvelles dispositions du Code criminel relativement à l'emprisonnement avec sursis et que les juges ont bien compris le message qui est véhiculé de façon claire dans le Code criminel à l'effet qu'on doit envisager toute espèce d'autre forme de sentence avant d'envisager la sentence d'emprisonnement. Je note que vous avez changé d'idée en relation avec une déclaration que vous aviez faite au moment où le rapport Jacoby avait été déposé. Vous aviez reproché aux juges d'être les principaux acteurs qui faisaient en sorte qu'il y avait surpopulation dans les prisons. Vous aviez d'ailleurs été rabroué à l'époque par votre collègue la ministre de la Justice qui vous avait rappelé, ce que vous m'avez rappelé hier en Chambre, le cours de justice 101, à l'effet qu'il y a indépendance des juges.
Mais je reviens à mon propos principal, M. le ministre - c'était une petite taquinerie pour détendre l'atmosphère. Je reviens à l'essentiel de mon propos sur la baisse du taux de criminalité. Vous savez, dans les dernières années, pour toutes sortes de raisons - et là je parle d'un domaine que je connais un petit peu mieux, les procureurs de la couronne - il y a eu des directives qui ont été données ou, enfin, il y a eu des actions qui ont été posées par les procureurs de la couronne pour qu'il y ait moins d'ouvertures de dossiers. Par exemple, il arrive fréquemment que les procureurs de la couronne ne portent plus d'accusation pour les bris de probation, ce qui, évidemment, a des effets significatifs et qui peut avoir des effets significatifs au niveau de la statistique dans le réseau. Les procureurs de la couronne ne portent plus, souvent, d'accusation dans le cas des bris d'engagement.
Il y a la non-judiciarisation, le programme du ministère de la Justice en non-judiciarisation. Je ne parle pas du programme de mesures de rechange dans le Code criminel, mais le nouveau programme au ministère de la Justice, que vous connaissez bien, qui a cours depuis deux ans ou trois ans, ou même quatre ans peut-être, non-judiciarisation qui fait en sorte qu'on ne traduit plus des personnes qui commettent une première infraction, mineure, devant les tribunaux. Là, je résume à escient. Il y a évidemment le programme des mesures de rechange qui est prévu au Code criminel. On va s'en parler un petit peu plus tard. Je voudrais savoir s'il est actuellement en application, et vous avez des gens qui travaillent là-dessus.
L'implantation de la police de quartier, aussi, c'est un autre phénomène qui peut faire en sorte que les statistiques sur le nombre de dossiers traduisent mal la réalité du taux de criminalité. Je pense qu'on peut d'ores et déjà dire, en ce qui concerne le SPCUM, que, dans les centres opérationnels, qui sont les endroits où l'on fait les enquêtes criminelles, il y a un taux de retard assez important sur les enquêtes qui sont complétées, de telle sorte que... Et vous savez très bien, M. le ministre, que plus une enquête policière retarde, moins il va être facile de traduire l'auteur de l'infraction devant les tribunaux, c'est bien connu. Les témoins ne se souviennent plus ou il peut arriver toutes sortes de phénomènes qui font en sorte qu'on ne peut pas traduire.
Les transferts de juridiction aux cours municipales, aussi. Certaines accusations sont dorénavant portées plutôt devant les cours municipales que devant la Cour du Québec, et ça aussi, je ne suis pas certain que ça rentre dans les statistiques pour ce qui concerne le taux de criminalité. Et finalement, souvent, de plus en plus on accuse dans un même dossier plusieurs individus.
Alors donc, j'aimerais qu'on en discute pendant quelques minutes, de ça. Est-ce qu'il est possible, M. le ministre, compte tenu de tous ces phénomènes et de certains autres qu'il serait trop long de mentionner... est-ce qu'il est possible que, compte tenu de certains de ces phénomènes-là, quand on affirme qu'il y a une baisse du taux de criminalité, peut-être que, dans le fond, on n'est pas si près de la réalité que ça?
(9 h 30)
M. Ménard: Alors, la réponse est clairement non, et l'explication est simple. Vous semblez croire que les statistiques sur la criminalité sont calculées à partir des accusations qui sont prises devant les tribunaux. Ce n'est pas vrai. Les statistiques sur la criminalité sont établies à partir des plaintes que les policiers reçoivent, des crimes qu'ils observent, des crimes solutionnés comme des crimes qui ne le sont pas. Donc, ce n'est pas à partir des accusations qui sont portées.
Je peux vous donner des exemples. En fait, les statistiques sont établies à partir de la déclaration uniforme de criminalité. C'est une unité de mesure qui existe depuis au moins une bonne vingtaine d'années, qui est uniforme à travers le Canada, qui ressemble beaucoup à celle qui est utilisée dans d'autres pays, de façon à pouvoir faire des comparaisons entre différents pays de même type. Et je peux vous signaler que, s'il y a quelque chose même, on déclare plus de crimes de violence aujourd'hui qu'on le faisait dans le passé, parce que, avant, toute la violence familiale était beaucoup moins dénoncée qu'elle ne l'est aujourd'hui. Les campagnes pour sensibiliser un certain nombre d'acteurs... Par exemple, un enfant qui rentre à l'hôpital et qui est blessé dans des circonstances suspectes, il fut une époque où on avalait facilement la version de ses parents, aujourd'hui beaucoup moins. Donc, ce crime est mis dans les statistiques, même s'il ne l'était pas avant. Même chose pour les cas de violence conjugale, qui sont comptés même s'il n'y a pas d'accusations qui sont portées par la suite. Même chose pour les agressions sexuelles, ce qui serait plus correctement appelé en français «des inconduites sexuelles», c'est-à-dire toutes ces formes d'inconduites sexuelles qui ne sont pas accompagnées de violence mais qui sont absolument inadmissibles. Des choses qui se passaient entre un professeur et une étudiante ne sont absolument pas acceptées aujourd'hui, alors qu'auparavant, bien, on faisait une suggestion, on déplaçait le professeur, on faisait des choses comme celles-là. Donc, s'il y a quelque chose, les statistiques d'aujourd'hui devraient révéler plus de crimes qui n'étaient pas dénoncés à l'époque. Et puis, ils sont toujours en trois catégories: les crimes contre la personne, les crimes contre la propriété et les autres crimes.
Alors, les crimes contre la personne, d'abord, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, je pense qu'ils sont plus dénoncés aujourd'hui qu'ils ne l'ont jamais été dans le passé.
Les crimes contre la propriété sont toujours dénoncés de la même façon, parce que généralement les gens sont assurés, et pour bénéficier des indemnités que leur donnent les compagnies d'assurances, ils doivent déclarer le crime dont ils sont victimes, même si on ne trouve jamais le voleur ou si on ne trouve jamais la personne qui a fait des méfaits.
Quant aux autres crimes, évidemment, c'est une donnée qui peut varier parce qu'il y a là-dedans des crimes où les victimes sont elles-mêmes en état d'illégalité, comme les crimes qui concernent la drogue ou la prostitution, et ceux-là peuvent varier d'une façon à l'autre.
Puis, en plus, de toute façon, il y a des statistiques internationales qui sont accumulées d'une autre façon. Ce sont des enquêtes beaucoup plus complexes. Mais, pour essayer de corriger les écarts qu'il peut y avoir entre les pays occidentaux, lorsque l'on prend les statistiques de police et qu'on les compare... Et ça, ça peut varier, par exemple, entre la France et l'Italie, entre la Nouvelle-Zélande puis les États-Unis, et ainsi de suite. L'on fait aussi les enquêtes d'une autre façon, c'est-à-dire qu'on prend des échantillonnages puis on demande aux gens: Avez-vous été victime d'un crime dans les cinq dernières années? Et là on compare puis on fait des projections. Là aussi, ces statistiques-là démontrent qu'il y a une baisse. Donc, il y a réellement une baisse.
Maintenant, je comprends votre réaction. Contrairement à ce que vous disiez, la majorité du monde ne dit pas qu'il y a une baisse de criminalité. Moi, j'entends que la majorité du monde pense qu'il y a une augmentation de la criminalité et qu'il y a une augmentation de la criminalité violente. Comment se fait-il que la majorité du monde pense quelque chose qui ne se produit pas? Bien, la réponse est très simple, c'est que la publicité sur les crimes, je ne dirais pas qu'elle augmente, mais elle se maintient. Tout le monde pense généralement que c'est pire aujourd'hui que c'était dans le passé. Moi, je pense que...
Je me souviens d'avoir déjà vu des textes extraordinaires d'il y a 2 000 ans disant à peu près la même chose. Mais je parle à des gens âgés puis je leur dis: Souvenez-vous. Moi, c'est drôle, quand j'étais jeune avocat il y avait des vols à main armée à tous les jours, à Montréal, il y avait des vols de banque à tous les jours. Aujourd'hui, il n'y en a pas tant que ça. On n'en entend pas parler souvent, des gens qui tirent dans les banques. Tu sais, les gens se souviennent... Puis on avait peur de se promener dans la rue, des fois, on avait peur de se faire attaquer. Puis la rue Saint-Laurent divisait Montréal en deux, la gang de l'est puis la gang de l'ouest. Les gens se souviennent que c'est vrai qu'il y a eu une période où c'était extrêmement violent. Puis souvenez-vous comment s'est lancé Allô Police puis Photo Police . Souvenez-vous de ce qui... Puis là les gens réalisent qu'effectivement la société a déjà été beaucoup plus violente qu'elle ne l'est aujourd'hui. Mais ce n'est pas l'impression que les gens ont.
Je pense qu'il y a une augmentation de la publicité sur les crimes, je ne le sais pas vraiment. J'ai vu des études américaines qui le disent. Je n'ai pas vu des études canadiennes qui l'aient fait. Mais je pense qu'effectivement un événement violent, en tout cas, on le rapporte quand il y en a un. Puis, quand il n'y en a pas assez ici, bien, certains journaux vont les chercher ailleurs, hein, et ils nous informent.
Donc, on ne peut pas gérer uniquement sur la perception des gens, d'abord parce que les mesures qu'on prendrait sont excessivement coûteuses. Puis, deuxièmement, gérer les perceptions... on peut peut-être changer la perception, mais ce qui est important, c'est de changer la réalité. Puis je pense que les gens, d'ailleurs, qui nous élisent pour gouverner s'attendent à ce que l'on joue sur les réalités et non pas uniquement sur les perceptions. C'est ça, nous faire confiance. Eux autres, ils s'occupent d'autres choses, puis, nous autres, on s'occupe de gouverner. Donc, on doit ramasser les informations pour en savoir plus que ce qu'ils savent, nécessairement. Bon. Voilà pour les statistiques.
Maintenant, je veux vous corriger sur une chose. Je n'ai jamais rien reproché aux juges. Moi, je n'ai jamais utilisé le mot «faute» et je n'ai jamais utilisé le terme «imputer». C'est les résumés qu'on a faits de mes propos qui ont utilisé ces mots-là. Au contraire, ce que je voulais expliquer, et je le pense encore: si vous lisez le rapport Jacoby comme il faut, vous allez voir que l'une des causes fondamentales des difficultés que le système correctionnel a eues à prioriser les bons effets du virage correctionnel que nous avions eu, c'est l'état de surpopulation dans lequel nous sommes. Et je voulais expliquer aux gens que nous n'avons aucune espèce de contrôle - et c'est normal qu'il en soit ainsi en démocratie - nous, au ministère de la Sécurité publique, sur le nombre de personnes qu'on reçoit, pas plus qu'une clinique d'urgence n'a de contrôle sur les patients qu'elle reçoit. Ce sont des juges indépendants qui décident quelles sont les sentences qui vont être données et puis la durée des sentences qui seront prises.
C'est ça que j'ai expliqué, puis ma collègue de la Justice est venue confirmer ce que je disais, par la suite, que ce sont des juges indépendants qui sont là. Je suis d'accord avec la juge en chef, les juges ne sont pas là pour vider les prisons. J'ajouterai avec elle: ils ne sont pas là ni pour les vider ni pour les remplir. Et je suis convaincu qu'ils sont parfaitement d'accord avec ça.
Mais il est certain que le législateur, fédéral dans ce domaine - et sur ce point, de toute façon, je suis entièrement d'accord - toutes les indications que le législateur a données sont pour qu'on utilise la prison en dernier recours. Alors, avec une criminalité qui diminue et des indications très claires du législateur que la prison doit être exercée en dernier recours, il n'y a personne, à l'époque, qui m'a dit: Faites bien attention, M. Ménard, si la criminalité diminue, vous allez avoir plus de clients dans les prisons.
En fait, ce qui est arrivé, c'est qu'on n'en a pas eu plus, mais on en a eu autant. Donc, on a été obligé de prendre toutes sortes de mesures, parmi les mesures les plus coûteuses, parce que, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, je vous l'ai montré par les statistiques, les coûts, ce qu'il y a de plus coûteux à gérer dans le système correctionnel, c'est la détention. Et c'est ça, moi, que je trouvais merveilleux, ce qu'il y a de moins coûteux à gérer dans le système correctionnel, c'est l'intelligence, c'est les mesures de réinsertion sociale, puis ce sont celles qui sont les plus efficaces.
De toute façon, comme vous savez, j'ai quitté le ministère de la Sécurité publique au début de 1996. Et puis il y a des choix qui ont été faits par d'autres qui ont nécessairement eu une influence, mais qui étaient réclamés par beaucoup. Entre autres, nous avons eu une politique extrêmement stricte sur le fait que... Je pense que je peux vous dire que, sauf erreurs occasionnelles - puis, encore là, chaque fois qu'on examine les cas, il y avait de bonnes raisons - il n'y a plus personne qui est libéré avant le sixième de sa sentence pour cause de surpopulation dans les prisons, ce qui était une pratique dont nous avions hérité du gouvernement antérieur et que nous avions continuée peut-être pendant un certain temps.
(9 h 40)
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À ce sujet-là, M. le député de Saint-Laurent, une dernière question?
Hausse de l'effectif en matière de réinsertion
M. Dupuis: Oui, sur ce sujet. M. le ministre, je suis en désaccord avec une des choses que vous venez d'affirmer, c'est que vous n'avez aucun contrôle sur le nombre de personnes que vous recevez dans les centres de détention. Moi, je crois le contraire. C'est-à-dire, je crois le contraire... Je crois que, si le virage correctionnel était bien fait, avec des ressources suffisantes, avec des effectifs suffisants pour bien l'administrer, vous auriez effectivement - et je pense que vous allez être d'accord avec moi quand vous allez réfléchir deux secondes - un contrôle sur les gens que vous recevez en centre de détention. Parce que, à ce moment-là, ça voudrait dire que tout le processus de réinsertion sociale, que tout le processus de la probation, que tout le processus de la surveillance des sentences - je parle des sentences qui ne sont pas des sentences d'emprisonnement - que tout le processus de réhabilitation, que tout le processus de prise en charge par les ressources communautaires d'un certain nombre d'infractaires fonctionnerait à merveille. Bien sûr, le paradis, ça n'existe pas sur terre, et je ne pense pas qu'on puisse avoir un système qui est parfait.
Mais je vous donne un exemple, M. le ministre, je donne une illustration de ce que je veux dire. Plusieurs personnes comparaissent, à la suite d'une première infraction, par la voie des cellules. Et, moi, je me souviens, quand j'étais procureur de la couronne à Québec, souvent, au moment de la remise en liberté, soit la défense, soit la poursuite demandait aux services de probation, à l'étape de la remise en liberté, de faire une étude de cas de la personne qui était incarcérée pour savoir si on pourrait la remettre en liberté et de quel support elle aurait besoin une fois qu'elle serait remise en liberté, pour commencer à travailler tout de suite sur le cas. Et évidemment, il fut un temps où les services de probation avaient des ressources suffisantes pour effectuer cette étude de cas, mais très rapidement. Et là je parle des années 1991, 1992, 1993, 1994, très rapidement. Avec le temps, les ressources ont manqué pour faire cette étude de cas au moment de la remise en liberté.
Je sais qu'actuellement il se fait des études de cas au niveau de la comparution en matière de violence conjugale. Je vois que Mme Pagé est d'accord avec moi. Mais ce n'est qu'en matière de violence conjugale qu'on fait l'étude de cas. Et il n'y a pas de suivi qui se fait, une fois que le cas a été étudié au moment de la comparution.
Et j'en arrive, là, à ma démonstration. Si certaines des personnes étaient prises en charge dès leur comparution, dès leur remise en liberté, et si on pouvait travailler bien sûr le profil de cette personne-là, avec le temps, peut-être qu'on empêcherait qu'il y ait de la récidive. Parce que c'est toujours le problème de la récidive, le problème de la... C'est, entre autres, un problème de récidive, le problème de la criminalité.
Évidemment, là, je vais vous permettre de répondre, je ne veux pas prendre trop de temps là-dessus, mais c'était simplement pour illustrer le fait que... Je pense que, si on y réfléchit bien, M. le ministre, on va s'entendre sur le fait que, s'il y avait des ressources suffisantes pour bien administrer le virage correctionnel, je suis certain qu'en définitive toute la société en bénéficierait parce que le taux de criminalité pourrait être réduit, parce que les ressources seraient suffisantes.
Au fond, là, moi, je voudrais tantôt parler sur un autre sujet. Je vais laisser mes collègues du gouvernement poser une question. Mais, tantôt, je voudrais parler du manque de personnel à l'intérieur des prisons, les gardiens, puis tout ça. C'est un autre sujet. Mais, puisqu'on est amené sur le sujet de la réinsertion sociale, il m'apparaît que, s'il y a des ressources à mettre... Moi, je suis très heureux que vous ayez admis d'emblée, dès l'ouverture de nos travaux ce matin, qu'il y avait effectivement un problème de ressources - «de ressources», entendons «personnel» particulièrement - et ça, je pense que c'est vrai dans tout le réseau de la probation et dans tout le réseau de ce qu'il est convenu d'appeler la réinsertion sociale, les sentences qui ne sont pas des sentences d'emprisonnement.
Alors donc, j'aimerais ça, savoir si vous êtes un peu d'accord avec ce que je dis ce matin à ce sujet-là. Et, si vous êtes d'accord avec ce que je dis ce matin, est-ce que vous pourriez indiquer si effectivement, dans votre esprit, il y a lieu de songer à une réinjection... Puis là dites-moi pas: L'opposition pense qu'elle veut régler tous les problèmes en investissant de l'argent. Ce que l'opposition dit et ce que l'opposition a toujours dit, c'est que, quand on fait des coupures, il ne faut pas les faire de façon improvisée, puis il ne faut pas les faire de façon sauvage. Mais c'est sûr que la situation financière est importante, c'est certain. L'état des finances publiques est important, c'est certain. Mais il y a un équilibre à maintenir entre... et il y a des priorités. Il faut décider de ces priorités.
Moi, je pense que la réinsertion sociale, la réhabilitation, l'absence du taux de récidive sont des choses sur lesquelles il faut travailler très activement. Et peut-être que ça vaut la peine de faire un investissement dans cette matière-là pour être en mesure d'économiser plus, au bout de la ligne, le bout de la ligne étant le centre de détention.
Alors, est-ce que le ministre est un peu d'accord avec ce que je dis? Et, si oui, est-ce que le ministre pourrait songer à faire une injection d'argent particulière en ce qui concerne les effectifs dans tout le système de la réinsertion sociale en milieu ouvert, la probation, etc.?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le ministre.
M. Ménard: C'est certain que ça fait partie du plan d'action que nous devons présenter actuellement. Maintenant, je n'ai pas encore présenté le... On est en train de préparer - je ne sais pas comment on l'appelle, mais, en tout cas - un plan d'action sur les...
M. Dupuis: Une révision de processus. Non?
M. Ménard: Non, ce n'est pas ça, là, mais... C'est parce qu'il faut toujours trouver un nom différent de celui qui avait déjà été présenté avant. Mais, essentiellement, on est en train de préparer une liste de mesures pour s'adapter aux critiques qui ont été faites, à la situation que dénonçait le Protecteur du citoyen, avec laquelle nous étions d'accord - la situation elle-même, peut-être pas le vocabulaire tout le temps... C'est comme avec l'opposition, des fois, on est d'accord, mais on n'est pas d'accord avec le vocabulaire. Mais on est en train de présenter un plan de redressement des services correctionnels dans lequel il y aura, comme ça, des transferts, je pense, de ce qui coûte le plus cher vers ce qui coûte le moins cher et qui a le plus d'effets, c'est-à-dire vers les services de probation.
Le nombre d'agents de probation a été augmenté de 7,5 %. Mais ce n'est rien comparativement à l'augmentation de la demande de services, qui, au cours des années... Vous voyez, les personnes qui avaient été référées en milieu ouvert sont passées, de 1995-1996 à l'année 1996-1997, de 12 685 à 16 765. Alors, ça, je veux dire, c'est des augmentations de demandes qui nous arrivent et qu'il faut gérer. Alors, on commence par les gérer avec le personnel qu'on a. Avant que l'on fasse les transferts de fonds d'un endroit à un autre et qu'on engage du personnel, déjà, ça prend nécessairement un certain temps. Et on se retrouve actuellement avec des agents de probation qui ont des charges de travail trop considérables pour pouvoir faire, je pense, le travail efficace qu'ils sont prêts à faire et le suivi.
Maintenant, les solutions que vous proposez, de s'occuper dès le début... je ne demande pas mieux, mais ça augmente beaucoup la demande de services sur les services correctionnels. Alors, essentiellement, je suis d'accord avec vous. Tout ce que je peux vous dire, c'est que je vais demander des mesures budgétaires. Maintenant, je pense aussi que, s'il y avait moins de demandes sur le système le plus dur et le plus coûteux, sur l'incarcération, on pourrait là sauver des sommes qui seraient beaucoup plus facilement utilisables. Comme je le disais, c'est quand même significatif, 150 $ à 155 $ par jour pour la détention. C'est 45... On m'a donné le chiffre exact tout à l'heure.
Une voix: C'est 53.
M. Ménard: Pardon! C'est 53 quand c'est dans une ressource communautaire, et puis ont est rendu à 245 pour le suivi en milieu ouvert. Alors, vous voyez, pour quelques places de prison que je peux sauver, combien d'agents de probation je peux engager. Mais, ça, si vous voulez, on en reparlera tout à l'heure.
M. Dupuis: Mais, essentiellement, M. le ministre... C'est drôle, ce matin, je pense que vous vous êtes donné le mandat de me satisfaire, et vous êtes en train tranquillement d'y réussir. Mais, je veux dire, on se rejoint. Ce que le Protecteur du citoyen disait, au fond, c'est: On a peut-être amorcé le virage correctionnel par le mauvais bout de la lunette. On a fermé des prisons, puis on a dit: Si on ferme des prisons, il va y avoir moins de monde qui va venir en prison. Et, dans le fond, c'est ça qui est arrivé, M. le ministre, c'est comme ça qu'on a procédé. Alors qu'aujourd'hui - puis, moi, je suis d'accord avec ça - vous semblez dire: Peut-être qu'il faut commencer...
(9 h 50)
Mais, moi, je vous suggère qu'il faut commencer à regarder l'autre bout de la lunette, c'est-à-dire: voyons l'entrée dans le système puis mettons des sommes à l'entrée. On va continuer à mettre des sommes en prison, c'est évident. Il faut commencer quelque part; sans ça, c'est un cercle vicieux. Commençons à l'entrée du système, injectons ou, enfin, assurons-nous d'avoir le personnel nécessaire pour faire le bon suivi à l'entrée du système, pour faire un bon travail de réinsertion sociale à l'entrée du système et, éventuellement - éventuellement - pas en 1999-2000, c'est certain, mais éventuellement, ça, ça va avoir des effets bénéfiques sur le nombre d'entrées dans les centres de détention. Mais n'essayons pas de nous convaincre que, si on coupe le nombre de places disponibles en centre de détention, ça va avoir un effet automatique sur l'entrée dans les prisons. Ce n'est pas ça qui est arrivé, ce n'est clairement pas ça qui est arrivé.
M. Ménard: Au moment où on a entrepris ça, le déficit du gouvernement était de 5 800 000 000 $, la dernière année. Alors, on ne pouvait pas commencer à dépenser plus. Donc, il fallait faire des prévisions. La loi fédérale qui s'en venait, on la prévoyait. La baisse de la criminalité, on ne faisait pas juste l'espérer, on la prévoyait. Puis, vous comprenez, comment est-ce que je serre les dépenses? Ce n'est pas parce que je ferme des places en prison tout de suite que je vais avoir une économie. Pour avoir une économie, il faut que je ferme un bloc. Il faut que je ferme un bloc où je ne paierai plus de salaires, où je vais avoir... Donc, il fallait, à l'époque... Mais j'espérais qu'à l'intérieur de la même enveloppe je pouvais fermer d'un côté pour ouvrir de l'autre. Mais ce n'est pas ça qui est arrivé. Le côté où on aurait pu fermer, comme on s'attendait à recevoir moins grand de... on ne l'a pas reçu. On s'est mis à en recevoir... On en a autant. J'ai peine à expliquer.
D'ailleurs, je dirais que, quand je dis... Je n'ai rien à reprocher aux juges. J'expliquais aux gens: D'abord, mettez-vous une chose dans la tête, ce sont des juges indépendants qui nous envoient les gens qui sont ici. Et j'ajoutais: Mais il y a quelque chose que je ne comprends pas et dont je cherche la réponse, c'est que le taux général d'incarcération au Québec a baissé, mais, nous, on sait qu'on est obligé de fournir autant de places en prison qu'on en fournissait il y a cinq ans, alors qu'on avait prévu effectivement qu'on n'aurait pas à fournir autant de places en prison. Mais les places en prison qu'on fournit, c'est celles-là qui nous coûtent 150 $, 155 $ par jour. Mais c'est un tas de dépenses qui fait ça. C'est le loyer qu'on paie. C'est les mesures de sécurité qui sont prises. C'est le type de personnel qu'on engage. C'est le ratio personnel-détenus qui est là, alors qu'en liberté surveillée ou dans un milieu correctionnel ouvert ce n'est pas le même.
Mais, pour ça, à partir du moment où ce virage-là, je le prends, où le gouvernement doit couper ses dépenses... Puis je pense que tout le monde est d'accord au Québec que le gouvernement devait couper ses dépenses, à cette époque-là, bien... D'abord, nous, il fallait qu'on coupe, comme les autres ministères. Mais, moi, j'avais demandé, à l'époque: Vous allez couper plus que ce que le Conseil du trésor nous demande, pour ouvrir d'autres ressources. Et c'est ça qu'on n'a pas été capable de faire. Mais, pour le moment, en tout cas, on est en train de bâtir un équilibre, je pense, un système-équilibre qui va respecter les objectifs généraux du gouvernement. Mais j'ai bon espoir que, la situation financière du gouvernement s'étant améliorée, nous pourrons bénéficier de certaines mesures budgétaires. Mais on verra. Et ça, comme vous le savez, c'est un débat dans lequel vous tenez généralement la position que le Québec est le territoire en Amérique du Nord qui est le plus taxé et qu'il faut que ça change, hein?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Nicolet-Yamaska.
Mesures alternatives de réinsertion sociale
M. Morin: Je veux premièrement saluer M. le ministre et les gens de son cabinet et, au nom de notre formation politique, aussi souhaiter la bienvenue et saluer les gens qui vous accompagnent, les gens du ministère, et souligner, comme l'a fait mon collègue de Saint-Laurent tantôt, le travail immense que vous accomplissez dans tous les dossiers qu'on vous confie. Il y a des dossiers qui sont catastrophiques, il y a des dossiers moins majeurs, mais vous vous en occupez toujours de façon très professionnelle, et je voulais le saluer et je voulais aussi vous en remercier.
Pour faire suite au sujet abordé au niveau des services correctionnels, vous l'avez déjà abordé, M. le ministre, et, quand vous êtes passé à la Sécurité publique lors de votre premier mandat, vous aviez fait un peu votre cheval de bataille de la réinsertion sociale. Et aussi, je lisais dernièrement que vous parliez qu'une des façons de faire cette réinsertion sociale c'était de trouver des mesures alternatives. J'aimerais savoir vos grandes orientations vis-à-vis ces mesures alternatives là. Où en êtes-vous dans votre réflexion? Et quel sera le fruit de votre réflexion?
M. Ménard: O.K. Je pense que je vais vous donner le début de notre réflexion. La première chose, pour savoir qu'est-ce qu'il faut faire avec les prévenus ou avec les détenus qu'on a, c'est de savoir qui ils sont. Et j'ai préparé une liste. Je pense qu'on va pouvoir en faire des copies, on la déposera tout à l'heure. Le profil de la clientèle correctionnelle se dessine à peu près comme suit.
D'abord, elle est largement francophone, à 85 %. Ça, ce n'est pas un défaut en soi, mais je pense que ça dénote un niveau de revenus. Parce que souvent la délinquance naît plus facilement dans la pauvreté que dans la richesse. Ce n'est pas une règle absolue, mais je dis que ça naît plus facilement dans la pauvreté. Donc, elle est largement francophone, à 85 %, de sexe masculin à 92 %, là-dessus... Bon. Les personnes confiées aux services correctionnels sont des récidivistes à 77 % - ça veut dire que généralement les juges ont essayé d'autres mesures avant de nous les envoyer - et ont commis principalement des crimes contre la propriété - ce n'est peut-être pas l'impression que les gens ont - dans une proportion de 35 %, des infractions à la circulation, proportion de 19 % - ça, c'est les gens qu'on nous envoie. Ça ne veut pas dire que ceux qui occupent... Aujourd'hui, par exemple, il n'y a pas 19 % de gens qui sont en prison pour des infractions à la circulation, parce que les sentences pour ça sont moins longues. Mais ceux qu'on nous envoie. Il y en a 17 % qui ont commis d'autres infractions au Code criminel puis, enfin, 16 % qui ont commis des crimes contre la personne.
Sur le plan psychosocial, il est important de noter que 20 % de ces mêmes personnes ont vécu en famille ou centre d'accueil, donc ils sont essentiellement des orphelins ou des gens dont les parents ne s'occupaient pas de façon responsable. Il y en a 18 % qui ont subi des abus sexuels quand ils étaient jeunes, 19 % qui ont subi de la violence familiale. Il y en a 12 % qui ont déjà été hospitalisés pour des problèmes de santé mentale - alors, il y en a beaucoup plus qui ont de ces problèmes-là - 30 % qui ont déjà commis une tentative de suicide, alors que 39 % ont une consommation quotidienne d'alcool, et 40 % de drogue. En fait, il y en a 50 % qui ont la consommation de l'un ou de l'autre ou des deux.
Sur le plan de l'employabilité, je vais vous le dire tout de suite, il y en a 50 % qui n'ont jamais travaillé - attention, la majorité de notre clientèle est jeune, parfois ils sont étudiants, mais c'est quand même significatif de savoir qu'il y en a la moitié qui n'ont aucune expérience de travail - dont la scolarité moyenne est le secondaire III. Mais, dans les faits, elle est beaucoup moins scolarisée, puisque 34 % de cette population a vécu un décrochage scolaire entre 16 et 18 ans. C'est ainsi que 60 % des personnes incarcérées qui fréquentent les activités de formation en établissement de détention sont de niveau alphabétisation et présecondaire. Alors, ceci explique en partie que seulement 21 % des personnes contrevenantes aient occupé un emploi continu, et 29 % une expérience fragmentaire de travail. Donc 50 % n'ont jamais travaillé, 29 % n'ont qu'une expérience fragmentaire de travail et seulement 21 % ont déjà obtenu un emploi.
(10 heures)
Sur le plan de la santé, il est important de se rappeler que, selon les études du Département de santé publique du ministère de la Santé, le nombre de personnes incarcérées atteintes du VIH serait 25 fois supérieur à celui de la population en général. Alors, vous voyez que, quand je dis, pour prendre une expression populaire, que c'est une clientèle poquée, de mésadaptés, c'est ça. Mais ce n'est pas l'image publique que les gens ont.
Je sais, quant à moi, aussi... Il y a une autre statistique qui nous impressionne. Quand on nous a dit qu'il y a 5 % plus de suicides en prison qu'en liberté, c'est certain que c'est un problème auquel nous allons nous attaquer, et nous nous y attaquons déjà. Mais qu'on ait à s'attaquer à un problème comme ça, qu'il ait cette importance en prison, c'est drôle que personne n'ait pensé que, contrairement à l'opinion populaire, la prison, ce n'est pas un Club Med. La prison est un endroit où généralement beaucoup de gens sont désespérés. Parce que, si on a un taux de suicide de 5 % supérieur à dans la population, c'est qu'on a beaucoup de monde aussi qui a songé à se suicider, puis des fois... Puis on a pris des mesures pour les aider, etc. Donc, c'est un milieu, mais c'est aussi des gens qui sont désespérés. Il faut être désespéré pour penser au suicide. Donc, il y en a beaucoup.
Moi, enfin, c'est ça que mon expérience de criminaliste m'avait appris pendant des années. Parce que, au fond, je suis entré en droit criminel par hasard, et puis, dès que je suis rentré là, mes premières questions, personnellement, ça a été: Pourquoi les gens commettent des crimes et comment on peut changer ça? Et j'ai remarqué, je peux vous dire une chose, que les gens qui... Et c'est ça, les malheurs de la vie, les gens qui font les pires crimes sont des gens malheureux.
C'est pour ça que, quand je dis: La réhabilitation, pour moi, ce n'est pas seulement de les ramener dans la société pour en faire des citoyens utiles, mais c'est pour en faire des citoyens heureux aussi, qui auront des vies normales, qui pourront vivre un grand amour, qui pourront avoir des enfants, qui pourront exercer des responsabilités, qui pourront être satisfaits, qui pourront se sentir appréciés à un moment donné, plutôt que de ne pas savoir quoi faire dans la vie, puis de commencer à prendre un coup, puis être obligés de faire des petits vols pour, à un moment donné, financer les affaires, puis de commencer à essayer la drogue parce que c'est une autre échappatoire, etc. Mais c'est des gens qui traînent leur malheur et dont, malheureusement, le malheur fait le malheur des autres. C'est les victimes. Mais ce n'est pas ça, je le sais, la perception que la majorité de la population a de la population délinquante. Mais, quand on le sait, alors, à ce moment-là, on s'oriente vers autre chose.
Vous noterez aussi une conclusion là-dessus. Je le dis souvent, les services correctionnels ont à gérer l'échec. On gère les échecs sociaux, on gère l'échec de la famille, on gère l'échec du système d'éducation - vous voyez le nombre de décrocheurs scolaires qu'il y a - on gère aussi souvent l'échec personnel, parce que ce n'est pas parce que ces gens-là ont été malheureux dans leur vie avant qu'ils ne doivent pas se sentir responsables. C'est comme ça qu'on peut remettre les gens en liberté. Une chose, c'est qu'il faut les faire devenir responsables.
Mais, quand on gère l'échec, on ne peut pas avoir 100 % de bons résultats. Donc, il faut s'attendre à ce que les efforts de réhabilitation et de réinsertion sociale ne soient pas toujours couronnés de succès. Mais, à mon avis, c'est un moins grand risque d'essayer la réinsertion sociale que de penser qu'il faut incarcérer pendant longtemps et libérer ensuite. Ce qui est important - puis c'est ça, la philosophie qui doit animer le service correctionnel - c'est que les gens qu'on reçoit ont des problèmes sérieux, plus sérieux que la majorité des gens qui vont devant les tribunaux, parce que la majorité des gens qui vont devant les tribunaux n'y reviennent jamais. Mais c'est avec ceux qui reviennent qu'on a des difficultés. Et on voit bien que les juges l'ont compris, puisque, dans une proportion de 77 %, ils nous envoient des gens avec qui ils ont déjà essayé une autre mesure, mais là où on a besoin de quelque chose de plus sérieux.
Comme on les a pour un temps limité et qu'ils reviendront en liberté, l'essentiel de notre mission, c'est de s'assurer qu'ils vont revenir dans un meilleur état qu'au moment où on nous les a confiés, en tout cas d'essayer, même s'il est évident que nous allons échouer dans un certain nombre de cas, parce que ces gens-là, on a échoué avec bien avant: échec de la famille, échec de l'éducation, échec de la société, échec personnel, amplification de ces problèmes par l'utilisation de drogues ou d'alcool de façon abusive.
Donc, la première chose que l'on fait, c'est l'évaluation des personnes contrevenantes qui rentrent. C'est aussi de transformer, au cours des années, ce qu'on appelait les gardiens de prison et qu'on appelle maintenant les agents de services correctionnels, à qui on confie un certain nombre de cas. Et, avec l'agent correctionnel qui en a la responsabilité, un détenu doit préparer un plan de sortie. Bon.
Essentiellement, je pense que j'en ai dit assez. On pourrait en parler effectivement pendant des heures, mais vous comprendrez que, si on se rejoint sur certaines choses, c'est que j'ai un plan, une vision cohérente de ce que doivent faire les services correctionnels et que nous allons faire tous les efforts, dans le temps que je serai là cette fois-ci, là - je ne sais pas, j'espère, plus longtemps que la dernière fois - pour terminer et pour que les bons effets se fassent sentir.
Mais je pense que c'est beaucoup moins coûteux d'investir dans le professionnalisme des gens. Parce qu'une grande leçon qu'on doit tirer de l'examen de cette population, c'est qu'une fois qu'on a compris pourquoi les gens commettent des crimes on réalise très rapidement que le type de professionnel qui peut nous aider à régler ces problèmes, bien, c'est du côté de la psychologie, du travail social, de la sociologie aussi, des sciences sociales en général. D'ailleurs, je peux dire que nous avons une tendance: ceux qui aspirent à être agents correctionnels ont plus de chance de le devenir s'ils ont des diplômes en criminologie, en psychologie, en travail social.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Ménard: Je peux déposer le tableau auquel je référais tout à l'heure. Je peux déposer aussi un autre tableau auquel on pourrait peut-être référer, qui compare l'évolution des taux de criminalité, l'évolution des comparutions puis l'évolution des gens qui sont inscrits en détention.
Documents déposés
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Ce document est déposé.
M. Ménard: Oui.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député.
Crédits en matière de prévention
M. Morin: Pour compléter un peu. M. le ministre, vous venez de faire état des conséquences de la criminalité, mais, si on veut travailler en amont, vous avez effleuré le sujet également au niveau de la prévention. Dernièrement, je vous ai entendu parler aussi des produits de la criminalité. Les produits de la criminalité, autrement dit, quand on va chercher des sous, vous vouliez le partager, ou vous vouliez consulter les organismes communautaires qui partageraient avec votre ministère certains produits de la criminalité. Où est rendu votre...
M. Dupuis: ...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, M. le député de Saint-Laurent.
M. Dupuis: Ça, c'est un autre sujet. Les produits de la criminalité, c'est un autre sujet.
M. Morin: C'est la prévention de la criminalité.
M. Dupuis: Ce n'est pas du tout dans le sujet de la réinsertion sociale puis de la réhabilitation, les produits de la criminalité. Alors, moi, je n'ai pas d'objection à ce qu'on passe à un autre sujet, mais, si on passe à un autre sujet, on va y aller en fonction des règles de l'alternance, s'il vous plaît, et je vais vous demander de me donner la parole pour que je pose ma prochaine question. Pour revenir sur le sujet des produits, c'est extrêmement intéressant.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Saint-Laurent, je vous félicite pour votre vigilance. Je crois effectivement qu'à ce moment-là, si c'est l'angle de votre question, il s'agit d'une autre question et on devrait y revenir un peu plus tard.
M. Morin: Bien, peut-être, si vous me le permettez, M. le Président, au moins m'entendre là-dessus, deux secondes, pour justifier mon intervention, parce que, quand on...
M. Dupuis: Sur les produits de la criminalité? Question de règlement, M. le Président.
M. Morin: Non, on parlait tantôt...
Une voix: Oui, mais il veut intervenir sur le règlement.
M. Morin: Je veux intervenir là-dessus, là. On parlait tantôt de criminalité, des conséquences. Là, moi, je dis qu'il faut agir en amont de cette criminalité-là. Et, pour agir en amont, on parle de prévention de la criminalité. Je pense que c'est pertinent actuellement de poser la question.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Sous l'angle de la prévention, oui, mais, si comme question principale ça devient l'utilisation en soi des produits de la criminalité, je pense que ça constitue une question en soi qui pourrait être abordée ultérieurement.
M. Morin: Je me fie à votre jugement, M. le Président.
Une voix: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): La question a néanmoins été posée en ce qui regarde la prévention. Je ne sais si le ministre, là-dessus, a quelques remarques à faire?
M. Ménard: Sur la prévention?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui.
(10 h 10)
M. Ménard: Oui. C'est une mission du ministère de la Sécurité publique. Elle est inscrite dans la loi. Je rappelle la loi: «Le ministre élabore et propose au gouvernement des politiques relatives au maintien de la sécurité publique, à la prévention de la criminalité, à l'implantation et l'amélioration des méthodes de détection et de répression de la criminalité ainsi que l'incarcération et la réinsertion sociale des détenus.»
C'est un domaine dans lequel traditionnellement le ministère de la Sécurité publique, retenu, pressé généralement par l'importance des coûts dans les systèmes de détention et la nécessité de fournir à cette demande, n'a peut-être pas pu mettre les argents qu'il aurait dû mettre dans le passé. Mais enfin - je l'ai dit hier, je crois, sinon, de toute façon, je peux le dire maintenant - cette année, nous espérons disposer d'un budget de 6 700 000 $ en prévention de la criminalité. Ça, c'est par rapport à 150 000 $ et 200 000 $ qui étaient consacrés auparavant. En plus, il est probable que nous allons disposer d'un montant supplémentaire de 1 250 000 $ en prévention de la criminalité, qui proviendrait des produits de la criminalité. Mais cela, je me suis engagé, puis je tiens à le faire, sera consacré uniquement à des mesures qui mettront à contribution les organismes communautaires. Bon. Ça va.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. M. le député de Saint-Laurent, pour une question.
Emprisonnement pour infraction au Code de la sécurité routière
M. Dupuis: Vous savez, mon ancien patron, Me Monty, qui est maintenant Commissaire à la déontologie, m'en voudrait de ne pas poser la prochaine question, parce que ça a été l'un de mes dadas pendant que j'ai travaillé avec lui au ministère de la Justice: les amendes non payées. Évidemment, je veux le dire tout de suite, d'entrée de jeu, sur cette question-là... Et je fais une parenthèse, j'ouvre une parenthèse que je vais refermer dans trois minutes et quart. Le temps dont on dispose ne permet pas qu'on puisse discuter d'une foule de sujets. Évidemment, il faut choisir parmi des sujets. Moi, j'en ai préparé plusieurs: quartier de détention de Laval, congédiement des gardiens de prison, entretien des routes régionales, sécurité civile, rapport Nicolet, dont on va parler un petit peu plus tard. J'espère qu'on va avoir le temps. Alors, il y a une foule de sujets.
Celui des amendes non payées, bon, je pense que vous y avez fait référence tantôt dans votre réponse à la question du député de Nicolet-Yamaska. Il y a 19 % de votre clientèle incarcérée ou qui... 19 % de la clientèle a commis une infraction au Code de la sécurité routière. C'est ce que j'ai compris.
M. Ménard: De la clientèle qui nous a été envoyée.
M. Dupuis: C'est ça, qui vous a été envoyée. Parce que, compte tenu de l'état du réseau, je ne serai pas naïf au point de penser que les personnes qui doivent purger du temps pour des infractions au Code de la sécurité routière ne font pas l'objet d'un certain nombre de remises en liberté rapides. Je ne suis pas assez naïf pour penser ça. Mais il reste qu'effectivement, parmi la clientèle qui vous est envoyée, il y en a beaucoup de cette clientèle-là qui ont commis des infractions au Code de la sécurité routière.
Moi, là, je suis extrêmement déçu, M. le ministre, de la réponse que la SAAQ a fournie lorsque vous avez soumis le projet de faire en sorte que les gens qui ne paient pas leurs amendes, plutôt que d'aller faire des sentences d'emprisonnement, se voient refuser le droit ou se voient refuser le renouvellement du permis de conduire ou du permis d'immatriculation. Moi, je pensais que, ça, c'était une excellente mesure. D'ailleurs, c'est pour ça que je faisais référence tantôt à mon ami Me Monty. Et j'espère que le fait de le qualifier «mon ami» ne lui nuira pas dans sa prochaine fonction professionnelle. Ha, ha, ha! Toujours pour détendre l'atmosphère.
Mais je me souviens que nous nous étions penchés sur ce problème-là et que nous croyions, à l'époque, que c'était une excellente façon à la fois de faire en sorte que les prisons soient libérées de ce fardeau de recevoir ce genre de personnes devant aller purger des sentences, d'une part, et que, d'autre part, pour le gouvernement, c'était une excellente méthode pour récupérer des sommes qui, de toute façon, lui sont dues.
Je pense qu'on peut tous convenir que, si l'émission du permis de conduire, si le renouvellement du permis de conduire suite à une interdiction ou à une suspension, la nouvelle émission, si l'émission des permis d'immatriculation était tributaire du fait qu'on paie une amende qu'on a à payer, j'ai l'impression que les amendes pourraient se payer de façon beaucoup plus certaine. Et malheureusement, bon, la SAAQ, si j'ai bien compris le rapport que j'en ai vu dans les journaux, pour des raisons d'ordre technologique, pour des raisons d'ordre informatique, un système difficile à gérer au point de vue informatique, a rejeté, il m'apparaît, du revers de la main le projet sur lequel le ministère de la Justice et le ministère de la Sécurité publique avaient travaillé de façon importante.
Je voudrais demander au ministre s'il a l'intention de revenir à la charge auprès de son collègue le ministre des Transports. Ça fait deux dossiers, là, que je mets sur son bureau en deux jours pour des discussions avec le ministre des Transports: le contrôle routier, enfin les études qui sont faites sur le contrôle routier et sur le passage du contrôle routier entre les mains possiblement de la Sûreté du Québec ou, enfin, en faire une direction à la Sûreté du Québec, et le dossier de la SAAQ. Est-ce que le ministre a l'intention de revenir à la charge auprès de son collègue des Transports pour tenter de faire avancer ce dossier-là qui m'apparaît être absolument pertinent? J'ai l'impression que le ministre va me dire oui, parce qu'il sourit.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le ministre.
M. Ménard: Oui.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ménard: Mais je dois dire que le ministre des Transports, effectivement, a manifesté une ouverture d'esprit à l'égard de nouvelles solutions moins coûteuses. Le nouveau ministre des Transports, comme vous le savez, qui est aussi un député remarquable qui accorde beaucoup d'importance dans sa vie politique à sa vie de comté puis à la rencontre des citoyens, ça lui a permis d'être sensibilisé à un certain nombre de problèmes de l'application des politiques qu'on a prises pour faire payer les amendes puis aussi pour le prix des frais qui parfois décourage certaines personnes qui voudraient enfin laver leur passé et recommencer à mener une vie, où la chose devient presque impossible.
Alors, nous sommes d'accord pour examiner des mesures qui justement coûteraient moins cher à l'État, en fait, coûteraient moins cher en général, donc coûteraient à la fois moins cher à l'État et moins cher aux citoyens, mais où les citoyens se sentiraient absolument obligés de régler leurs amendes, sinon il y aurait une conséquence qui est en proportion avec l'infraction commise et qui ne mérite pas l'incarcération.
Je dois dire aussi que j'examine avec beaucoup de soin la façon dont les greffiers des cours municipales utilisent la discrétion qui leur est donnée par la loi d'avoir recours à l'emprisonnement ou de diriger la personne vers les travaux communautaires. Si nous en arrivions à la conclusion qu'ils exercent mal cette discrétion, il est probable que nous verrions à ce qu'elle soit exercée par d'autres personnes qu'eux. Mais il est certain qu'il est inadmissible, dans le Québec d'aujourd'hui, que des gens aillent en prison pour la simple raison qu'ils n'ont pas payé leurs amendes. Simplement parce que c'est plus facile de menacer les gens d'aller en prison, donc il faut en incarcérer une fois de temps en temps.
J'ai été frappé aussi, à un moment donné, que quelqu'un qui n'a pas coupé son gazon se retrouve en prison pour ne pas payer son amende. C'est drôle que personne n'ait pensé que, s'il n'avait pas coupé son gazon, c'est qu'il avait un terrain qui valait probablement plus cher que l'amende, j'imagine, qu'on donne pour ne pas avoir coupé son gazon, et qu'il faut regarder, il faut examiner, à la lumière de ça, les possibilités financières de la personne.
M. Dupuis: J'ai compris, M. le ministre, qu'à l'époque, avant que la SAAQ refuse le projet qui était sur la table, il y avait un projet de loi qui avait été préparé, qui était prêt à être soumis au Conseil des ministres. Est-ce que vous entendez faire revivre... D'abord, est-ce que vous savez si ce projet-là existe? Vous devez l'avoir, c'est sûr, dans les coffres du ministère. Quand vous me dites: Le ministre des Transports, qui est un excellent député pour son comté... D'ailleurs, je me souviens que cette leçon que vous avez tirée de sa compétence comme député de Joliette, il vous l'a fait payer cher à l'époque, puisqu'il vous a reproché un certain nombre de vos actions à l'endroit de son comté quand vous étiez ministre de la Justice.
M. Ménard: Non, pas un certain nombre.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dupuis: Une action. Lorsque vous dites que le ministre des Transports a une ouverture d'esprit, j'en conclus que vous en avez au moins discuté avec lui, ça va de soi. Est-ce qu'il a été convenu avec lui que vous représenteriez le projet, que vous resoumettriez le projet soit à lui-même pour approbation et, ensuite, au Conseil des ministres ou directement au Conseil des ministres avec son approbation? Enfin, est-ce qu'il y a une échéance qui a été fixée? Je veux savoir c'est quand. Quand est-ce qu'on pense que ce problème-là pourrait être réglé?
(10 h 20)
M. Ménard: Enfin, le plus vite possible, quant à moi. Non, il y a des rencontres au niveau sous-ministériel...
M. Dupuis: O.K.
M. Ménard: ...puis avec le président de la SAAQ.
Programme de travaux compensatoires
M. Dupuis: O.K. Dans la même lignée, pour essayer de faire en sorte que ces gens-là ne se retrouvent pas en prison, il y a le Programme de travaux compensatoires, bien sûr, qui peut également exercer un certain contrôle sur la pression, sur les centres de détention. Le Programme de travaux compensatoires, vous-même, qu'est-ce que vous en pensez? Et, si vous en pensez du bien, est-ce que vous avez l'intention, encore là, d'en favoriser l'épanouissement par une injection... Je sais que ça coûte cher. Ça, je sais que le Programme de travaux compensatoires, ça coûte quelque chose. Maintenant, dans le juste équilibre des coûts, effectivement ça coûte peut-être moins cher qu'un emprisonnement, per capita. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Ménard: Je suis en train d'y repenser, justement, parce que le Programme de travaux compensatoires, qui est une excellente mesure, ça n'avait pas été conçu, je pense, pour les gens qui ont les moyens de payer leur amende mais qui simplement ne veulent pas la payer. Parce que je dois vous dire que 85 % des amendes sont données pour des infractions aux règlements de la circulation. Les gens qui font les infractions aux règlements de la circulation, ils paient leur essence, ils ont une automobile. Moins elle est bonne, plus ils la font réparer. Ils paient les réparations quand ils en ont besoin. Alors, ils paient les pneus. Ils pourraient bien payer leurs contraventions, il me semble. Sinon, ils ne conduiront pas.
Je cherche à avoir d'autres solutions, parce les travaux compensatoires puis les travaux communautaires, c'est très proche l'un de l'autre. Je comprends que ça n'a pas les mêmes buts. Les travaux communautaires, c'est une forme de punition qu'on donne plutôt que de donner l'emprisonnement, c'est accompagné d'une ordonnance, c'est dans le contexte d'une ordonnance de probation à la suite d'avoir commis un crime, tandis que les travaux compensatoires, c'est simplement des travaux que vous faites plutôt que de payer l'amende à laquelle vous avez été condamné. Mais, au fond, c'est un peu la même chose, on vous envoie dans des groupes communautaires. Puis, si ça coûte cher, c'est parce que ça coûte cher à gérer.
Mais, moi, j'en avais conçu, parce que des travaux communautaires, j'en ai fait faire à des clients, où ma ressource, c'était une personne, à l'époque, qui était beaucoup plus connue par son père, il était médecin, avocat, un certain Pierre-Marc Johnson. C'est pour dire comment ça fait longtemps qu'on avait fait la première conception de travaux communautaires, qui a été maintenue ensuite par la Cour d'appel. Mais je les ai toujours conçus, moi, les travaux communautaires que je faisais faire à mes clients, pour qu'ils aient un effet de réhabilitation. Par exemple, quelqu'un qui avait trafiqué de la drogue mais qui n'avait pas un problème de consommation de drogue, on n'est donc pas pour l'envoyer dans un institut de désintoxication, ce n'est pas ça, son... mais on peut l'envoyer dans un milieu où il va trouver, comme j'ai dit, du monde heureux à faire du travail bénévole. Et je sais que ça... En tout cas, dans les cas dont je me suis occupé, j'ai eu des succès remarquables avec certains clients de ce côté-là.
Quand je regarde la clientèle, je crois qu'effectivement, parfois, de mettre les gens en contact avec la misère d'autres personnes, une misère dont ils ne sont pas responsables, et d'aider ces gens-là, d'abord, ça peut les valoriser. Ça aide à les remettre, je dirais, dans le droit chemin, comme on disait dans le temps, mais dans une conception où ils peuvent sentir qu'ils sont utiles dans la société, ils sont appréciés quand ils font quelque chose, puis c'est un grand pas vers la réhabilitation.
Donc, j'aimerais bien que les travaux communautaires et compensatoires soient gérés dans cet esprit-là, de trouver des types de travaux qui vont aider les délinquants à se valoriser et, par conséquent, à reprendre goût à avoir une vie utile, en plus d'avoir le sentiment de payer ainsi, de façon plus positive, leur dette à l'égard de la société pour les infractions qu'ils ont commises. Mais je trouve que c'est dommage qu'on ait été obligé de couper de ce côté-là, parce que ce n'est pas... Ça coûte cher, c'est vrai. Je pense qu'on paie 2 000 000 $ par année là-dedans, et on va en ajouter un de plus.
Mais j'ai l'impression, puis c'est ça que je voudrais réévaluer, que, si on avait un système plus efficace pour s'assurer que les paiements des infractions à la circulation sont faits, que les gens ne sont pas découragés par les frais... si on n'en aurait pas moins. Autrement dit, c'est justement le système dont vous parliez. Bon. Tu reçois ton avis. Tu ne paies pas ton amende pour une infraction à la circulation. Tu ne t'en occupes pas. Parce que, souvent, ce monde-là, c'est du monde irresponsable. Tu ne t'en occupes pas. Bien, quand tu viens pour renouveler ton immatriculation, tu t'aperçois que, ah! tu ne peux pas renouveler ton immatriculation si tu n'as pas payé ton amende. Et ce n'est pas accumulé, quatre fois, cinq fois, six fois le prix de l'amende en frais, là, parce que ça n'a pas coûté ça, mais tu ne peux pas renouveler... Bien, là, tu vas commencer par... Et, si tu penses que tu vas vendre ta minoune à ta blonde parce que, comme ça, tu vas la conduire, là, comme certains délinquants pourraient le penser, bien là, la blonde va être obligée de payer la taxe de vente sur la valeur évaluée, et peut-être que ça va être le montant de l'amende. Ça fait que ça serait peut-être mieux que tu paies l'amende. De toute façon, elle va être obligée de payer l'amende si elle veut immatriculer cette voiture-là.
Alors, je veux dire, j'ai l'impression que, ça, ça serait un système moins coûteux, qui donnerait de meilleurs résultats et qui ferait que les travaux communautaires ou compensatoires - parce que, en pratique, c'est les mêmes travaux, le même type de travaux qu'on fait faire - seraient disponibles pour les gens qui en ont vraiment besoin.
M. Dupuis: D'ailleurs, si vous vouliez avoir une contribution extrêmement positive dans cette administration-là et dans l'apport de revenus au gouvernement, moi, je pense que le système, il faudrait l'établir à la grandeur du gouvernement du Québec. En ce sens que le gouvernement du Québec émet une tonne de permis: des permis de chasse, des permis de pêche, des permis de zec, des permis d'alcool, des permis de conduire, des permis d'immatriculation. Il y a une foule de permis que le gouvernement du Québec émet. Dans le fond, dans la meilleure des hypothèses et dans le meilleur des mondes, il faudrait être en mesure, à chaque fois que quelqu'un fait une demande de permis, quel qu'il soit, auprès du gouvernement du Québec ou de l'un de ses ministères, on devrait être capable de savoir si cette personne-là doit des argents au gouvernement. Au fond, c'est de cette façon-là qu'il faudrait s'assurer de ça. Moi, je me souviens - et là je ne me souviens pas des chiffres - que le nombre d'amendes non payées par année est important. Moi, je suis certain qu'un système comme celui-là serait économiquement rentable pour le gouvernement.
C'est une remarque que je voulais faire; ce n'était pas vraiment une question. Et je suis certain que vous êtes d'accord avec moi là-dessus.
M. Ménard: Oui. C'est une excellente idée. Mais vous réalisez que, pour faire ça, il faut coupler des fichiers informatiques...
M. Dupuis: C'est clair. Oui, oui. C'est clair.
M. Ménard: ...et que, pour coupler des fichiers informatiques, il faudrait avoir l'avis de la Commission d'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels. Mais, si ça peut passer ce test-là du Protecteur du citoyen et de la Commission d'accès à l'information, c'est une excellente idée.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Drummond.
Bilan et orientations en matière de sécurité civile
M. Jutras: Dans un tout autre ordre d'idées, M. le ministre, j'aimerais ça qu'on revienne sur un événement difficile qu'on a vécu l'année dernière au Québec, qui a été ce qu'on a appelé «le grand verglas», la tempête de verglas qui est survenue en janvier 1998 en Montérégie et aussi au centre du Québec. Et j'aimerais savoir...
(10 h 30)
Évidemment, il vient d'y avoir le rapport Nicolet. On pourra peut-être en discuter. Je comprends que c'est tout frais, ça vient d'être déposé il y a quelques jours seulement. Mais j'aimerais savoir de votre part, M. le ministre, quelle a été la réflexion et l'exercice qui s'est fait au sein de votre ministère suite à cette tempête de verglas et sur la façon que la sécurité civile a agi, mais aussi quelles sont les perspectives d'avenir par rapport à ça. C'est-à-dire qu'on s'aperçoit au Québec, alors qu'il nous semblait qu'on était à l'abri de ces catastrophes naturelles, que depuis quelques années on voit qu'on est appelés à les vivre, nous aussi, les Québécois, ces catastrophes. Alors, je voudrais donc savoir, dans une perspective d'avenir, là, qu'est-ce qui est envisagé aussi.
Donc, dans un premier temps, ma première question, c'est de savoir quel est l'exercice qui a été fait au sein du ministère à date pour faire l'évaluation des actions posées à l'occasion de la tempête de verglas.
Dans un deuxième temps, le b, si vous voulez, de ma première question - parce que j'ai plusieurs questions à poser par rapport à ça, on pourra parler des réclamations tantôt, etc.: Comment c'est envisagé pour l'avenir, mais sans, si vous voulez... Peut-être, dans un premier temps, parler du rapport Nicolet, parce que je pense bien que, par rapport à ce rapport-là, il va y avoir un arrimage à faire. Puis l'arrimage est à faire, vu que le rapport vient tout juste d'être déposé. Alors, c'est donc ma première question, M. le ministre, par rapport à cette tempête de verglas qu'on a vécue l'année dernière.
M. Ménard: D'abord, d'entrée de jeu, je vous dirai que le ministère accepte avec enthousiasme la mission que le rapport Nicolet lui indique: de réorganiser la sécurité civile dans l'optique de prévoir l'imprévisible. Nous étions assez bons pour prévoir le prévisible, c'est-à-dire pour prévoir les mesures à prendre dans le cas d'un certain nombre de catastrophes naturelles, les inondations qui reviennent d'année en année, les feux de forêt, quelques grands sinistres causés par des incendies ou des explosions. On était même prêts à des accidents écologiques du type déraillement de train, ou des choses comme celles-là. Mais c'est vrai qu'on n'avait jamais orienté ça vers l'imprévisible.
Je dois dire que la mission d'être aussi le moteur de la création d'une culture de sécurité civile, qui est totalement absente, effectivement, du Québec, contrairement à d'autres pays, notamment aux pays de l'Europe de l'Ouest, pour des raisons que nous n'aimerions jamais avoir à vivre, c'est évident... Mais nous avions tiré évidemment certaines leçons, de sorte que, déjà, il y a des choses que suggère le rapport Nicolet qui sont en place. Par exemple, justement, j'ai à ma gauche, à côté du sous-ministre en titre M. Brind'Amour, M. Luc Crépeault, qui est le nouveau sous-ministre adjoint à la sécurité civile. Il y aura donc une des grandes divisions du ministère dirigée par un sous-ministre associé qui va s'occuper de sécurité civile, qui comprend la sécurité incendie, mais c'est aussi important parce que, très souvent, les premiers intervenants sont les policiers, sans doute, mais aussi les pompiers, en matière d'intervention lorsqu'il y a des sinistres.
Nous avons tiré certaines conclusions de la tempête de verglas, qui étaient, d'abord, une constatation optimiste. Devant des sinistres d'une grande envergure, une bonne partie de la population se montre très solidaire, et on a des offres remarquables de bénévolat. Nous avions une tendance dans le passé - puis là il va falloir qu'on étudie le rapport Nicolet plus attentivement - à déterminer, lorsque survenait un sinistre, qui était responsable de faire quoi, quel ministère devait intervenir, et ainsi de suite.
La philosophie a été complètement changée, à l'étude du verglas, c'est: Qui peut faire quoi? Qui est en mesure d'apporter une solution aux types de problèmes qui peuvent se présenter? Parce que généralement on n'a pas besoin de dire à ces gens-là: Vous êtes responsables de faire telle chose. Les gens veulent aider, ils veulent faire quelque chose, et alors il suffit de... Par exemple, la distribution des génératrices, ça devrait relever d'Hydro-Québec, et c'est pour des raisons évidentes. Si vous laissez ça au hasard... Ce sont les spécialistes en électricité qui peuvent le mieux établir la distribution efficace des génératrices disponibles puis, à part de ça, qui savent où les trouver, où elles sont, et ainsi de suite. Même chose pour certaines choses. Si on a besoin de bois, alors, c'est le ministère des Ressources naturelles qui peut nous indiquer où se trouve le bois, etc.
Maintenant, je comprends, par contre, que le rapport Nicolet, lorsqu'il parle de responsabilité, là-dessus, il nous rejoint, c'est: Responsabilité. Quel palier de gouvernement est responsable selon l'importance du sinistre? Palier local, palier régional, palier national? Donc, ça, c'est parmi les grandes leçons qui sont tirées.
L'autre chose aussi, c'est l'encadrement et la formation des bénévoles. Là-dessus, d'ailleurs, j'ai l'intention de rencontrer M. Conrad Sauvé, le nouveau président de la Croix-Rouge. Je pense que nous avons des leçons à tirer de comment la Croix-Rouge s'organise, parce que, eux aussi, ils ont beaucoup de bénévoles. Et ça, on est certain d'une chose. Les gens qui veulent faire du travail bénévole seraient encore plus heureux s'ils étaient formés et que, arrivés dans un état de sinistre, ils sachent quoi faire et comment s'organiser. Donc, dans l'élaboration de cette politique de sécurité civile, je pense que l'encadrement des bénévoles, la formation qu'ils peuvent donner sera un élément important.
Enfin, je n'ai pas pris connaissance dans les moindres détails du rapport. On a quand même fait, au ministère, une analyse de ce qui concerne la sécurité civile dans le rapport Nicolet. Et je vous le dis, je peux tout simplement dire qu'en général nous en sommes très heureux du défi. Nous acceptons humblement les critiques qui sont faites à l'organisation antérieure. Si le gouvernement avait créé une commission de ce type-là, c'est parce qu'il était conscient qu'il y avait des lacunes. C'est ce que nous avions observé au cours de la crise du verglas, qu'il y avait des lacunes à remplir. Et ce que nous cherchions, c'était justement une façon de combler ces lacunes et un plan d'action pour l'avenir. Et c'est ce que nous obtenons dans le rapport Nicolet.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Drummond.
Indemnisation des victimes de la crise du verglas
M. Jutras: Je ne sais pas si vous en avez discuté au ministère. À l'intérieur de ce que vous appelez l'encadrement puis la formation des bénévoles, est-ce que vous vous êtes penché sur la question de l'aide financière aux victimes? Moi, je pense qu'on a vécu un problème, lors du verglas, à l'effet de gens qui ont reçu des indemnités - je parle des frais de subsistance, là - qui ont été versées à raison de 10 $ par jour par personne, où des gens finalement ont été indemnisés au même titre que d'autres gens qui subissaient une perte beaucoup plus grande?
Je vous donne un exemple. Vous pouviez, par exemple, avoir deux enseignants qui ne pouvaient plus travailler mais qui ont continué de toucher leur salaire de la même façon, mais, par contre, vous aviez deux personnes qui travaillaient - je parle de couple - et vous aviez un autre couple qui, lui, travaillait dans le parc industriel à Drummondville, et, le parc industriel étant fermé, ils n'ont pas pu travailler durant trois semaines de temps. Alors, ça veut donc dire que, pour ces gens-là, la perte était beaucoup plus importante.
Et je me rappelle qu'à l'époque on a fait des démarches auprès du gouvernement fédéral pour qu'il assouplisse les règles de l'assurance-chômage et que ces gens-là, à tout le moins à court terme, puissent recevoir du chômage. Et le gouvernement fédéral a été d'une inflexibilité incroyable, n'a pas voulu déroger aux règles de l'assurance-chômage, et ces gens-là finalement ont reçu la même indemnité que d'autres. Évidemment, on commence à penser en fonction de ce genre de sinistre qui nous arrive maintenant. Mais est-ce qu'au ministère vous vous êtes penché là-dessus pour que dorénavant on ait un plan d'indemnisation prévu à l'avance?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui. M. le député de Saint-Laurent, sur une question de règlement.
M. Dupuis: J'ai écouté avec beaucoup d'attention le député de Drummond, qui est très éloquent, mais son éloquence ne cache pas le fait qu'il ne s'agit pas d'une question qui est liée au sujet principal de sa question. Là, il embarque dans le dossier de l'aide... Ce n'est pas parce qu'on parle de la tempête de verglas que toutes les questions sont permises sur la tempête de verglas. Il demande au ministère la réaction au rapport Nicolet sur la politique de la sécurité civile, dans un premier temps, et, dans un deuxième temps, il ouvre le dossier de l'aide financière. Ce n'est pas le même dossier. Alors, j'aurais la même question de règlement que celle que j'ai soulevée tantôt. Ça n'empêche pas que le député de Drummond pourra revenir sur sa question de l'aide financière. D'ailleurs, j'avais prévu en parler aussi, mais je vous soumets respectueusement que ce n'est pas sur le même sujet.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Drummond.
M. Jutras: Sur la question de...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Saint-Jean, sur la question de règlement.
(10 h 40)
M. Paquin: Je voudrais faire remarquer à la présidence que, d'entrée de jeu, lorsque le député de Drummond a présenté sa question, il a indiqué qu'il avait un certain nombre de questions sur l'ensemble des catastrophes, et sur le rapport Nicolet et sur la tempête de verglas, et que cette famille de questions là, il entendait utiliser son droit de parole, une vingtaine de minutes, pour la camper. Alors, je pense, moi, qu'il est tout à fait dans le ton avec sa question et qu'il faudrait effectivement que l'ensemble des considérations liées à prévoir l'imprévisible et les conséquences pour les citoyens puissent être abordées de façon logique à l'intérieur d'un même 20 minutes.
M. Dupuis: ...à répondre sur la question de règlement?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Brièvement, M. le député de Saint-Laurent, sur la question de règlement.
M. Dupuis: Oui, sur la question de règlement. Je sais que mon collègue de Saint-Jean a toujours ambitionné devenir leader et je vois qu'il est en train de très bien se préparer à cet emploi-là, si le premier ministre voulait, évidemment consentait à lui donner l'emploi en question. Je constate qu'il plaide très bien, mais ça n'empêche pas que... ce n'est pas parce que, génériquement, on ouvre un sujet qu'à l'intérieur de ce sujet-là on a le droit à toutes les questions.
Moi, j'ai commencé avec des questions sur le rapport Jacoby, le rapport du Protecteur du citoyen, et j'ai compris - et je me suis fait violence moi-même - que ça ne me permettait pas toutes les questions sur tous les sujets en ce qui concerne le rapport Jacoby puisqu'on en ouvre différents pans. Et ce n'est pas parce que ça fait partie de la famille de la tempête de verglas qu'on peut permettre n'importe laquelle des questions. Moi, je vous soumets respectueusement - et je me tais là-dessus ensuite - que la question du député de Drummond ouvre un autre sujet qui est le sujet de l'aide financière, qui est un sujet en soi.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Non, à ce moment-ci, je pense... Oui, M. le député de Drummond.
M. Jutras: Sur la question de règlement.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Sur la question de règlement.
M. Jutras: Je dois vous dire que l'argumentation du député de Saint-Laurent est difficilement compréhensible. J'ai annoncé un sujet, qui était la tempête de verglas qu'on a vécue au Québec l'année dernière, et ce que je voulais savoir du ministre, c'est: Qu'est-ce qu'on a fait au ministère depuis ce temps-là? Qu'est-ce qu'on a étudié? Et aussi, par rapport à d'autres catastrophes que, malheureusement, on peut être appelé à vivre encore, qu'est-ce que l'on prévoit? Et je pense qu'à l'intérieur de ça, M. le Président, on sait que le programme de ce qu'on a appelé les frais de subsistance, ça a coûté cher, et on a constaté qu'à certains égards il était plus ou moins adéquat et qu'il fallait prendre des mesures à cet égard-là. Alors, je considère donc, M. le Président, que ma question est on ne peut plus pertinente dans le cadre de ce que j'ai annoncé comme sujet, ce qu'on appelle l'après-verglas.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Bon. Sur cette question de règlement...
M. Dupuis: ...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): S'il vous plaît, M. le député de Saint-Laurent! Sur cette question, j'aimerais attirer l'attention des membres de la commission sur deux aspects. Le premier, c'est sur la tradition et la pratique qui veut qu'à l'étape justement de l'étude des crédits d'un ministère on applique les dispositions prévues au règlement de façon plutôt large, de façon à pouvoir permettre justement les échanges les plus larges possible et les plus complets possible autour d'une question. Et, à cet égard, sur la base de l'expérience vécue - là j'en arrive aux cas particuliers - la première partie de mon intervention vise simplement à attirer l'attention des membres de la commission sur le fait qu'on doit effectivement appliquer les règles de façon assez large, si on veut avoir les échanges les plus intéressants et les plus percutants, je dirais, en termes de ce qu'est l'objectif même de cet exercice.
En ce qui regarde maintenant la question précise qui est posée, il m'apparaît effectivement que d'aborder, par la question du verglas, toute la problématique qu'a pu poser le verglas et les problèmes que ça a pu représenter et les correctifs éventuellement et les enseignements qu'on peut en tirer, ça peut amener effectivement le ministère à revoir certaines choses à l'intérieur de ses programmes. Et, dans ce sens, la question du député de Drummond m'apparaît tout à fait admissible et acceptable à ce moment-ci. Ce qu'on cherche à savoir finalement, c'est: De l'expérience tirée du verglas, qu'est-ce qu'on en retient en ce qui regarde les différents outils que possède le ministère pour intervenir d'une façon ou d'une autre, soit lors de l'événement ou postérieurement à l'événement? Alors, à ce moment-ci, M. le ministre, je vous demanderais de répondre.
M. Ménard: C'est une question qui est soulevée dans le rapport Nicolet, celle de l'indemnisation pour les pertes de revenus. C'est une question qui est soulevée dans le rapport Nicolet, que nous sommes prêts à examiner, que nous allons examiner, mais qui n'a jamais été donnée dans le passé, sauf vraiment des exceptions. Je sais qu'entre autres, par exemple, le ministère des Affaires municipales songe aussi à une forme d'indemnisation des élus locaux qui ont dû, alors que ce ne sont pas des élus de grandes villes ou même qu'ils sont juste conseillers, abandonner leur emploi pour venir au secours de leurs citoyens et exercer leurs responsabilités d'élus locaux pour que ce soit plus facile de les indemniser, d'une certaine façon. Donc, dans différents ministères, il y a une réflexion qui est faite. Je pense que cette réflexion-là, nous allons devoir la faire avec le ministère de l'Emploi.
Pour le moment, nous, le ministère de la Sécurité publique, dans le passé, on a toujours assumé l'aide immédiate, l'aide de subsistance. Puis, dans le cas de la crise du verglas, ça a quand même été, pour les frais de subsistance, une facture de près de 800 000 000 $, qui ont été dépensés à ce titre-là. Alors, c'est évident qu'on ne peut pas dire, comme ça, quelques jours après le rapport Nicolet, quel programme on va mettre en vigueur pour indemniser aussi les pertes de revenus.
Il y a aussi un principe, chez nous, c'est que l'on n'indemnise pas pour les choses qui peuvent être assurables, on indemnise pour les choses qui ne sont pas assurables, qui ne sont pas couvertes par... Le gouvernement n'est pas une compagnie d'assurances en soi, la compagnie d'assurances ultime. La Sécurité publique, elle, assume plutôt l'aide immédiate, l'aide humanitaire, au fond, aux gens lorsqu'ils sont en état de sinistre.
M. Jutras: Mais, pour être certain que je comprends bien votre réponse, M. le ministre, ce que vous me dites, c'est que la réflexion sur le sujet que j'avance va plus se faire à la lumière du rapport Nicolet?
M. Ménard: C'est ça, exactement.
Bilan et orientations en matière de sécurité civile (suite)
M. Jutras: O.K. Ça va. Maintenant, toujours par rapport à certaines choses qu'on a constatées, on a parlé aussi de l'esprit de victimisation qui avait existé à l'occasion du verglas, à savoir que - ce n'est pas la majorité, mais c'est arrivé - on a traité, dans certains cas, les sinistrés comme étant des victimes à qui il fallait tout apporter, à qui il fallait tout livrer, à qui il fallait tout servir, contrairement à plutôt un autre esprit qui, à mon avis, doit prévaloir, c'est que les gens doivent se prendre en charge. Et on a pu le voir par rapport à la comparaison d'un centre d'hébergement à l'autre, d'une ville à l'autre, où on disait, à certains endroits: Bien, si vous vous en venez dans un centre d'hébergement, vous apportez vos affaires, vous apportez vos couvertures, vous apportez votre brosse à dents, etc. Puis ailleurs, on disait: Bien, venez-vous-en, on va s'occuper de vous. Mais, ça, ça créait d'énormes problèmes.
Est-ce que, encore là, au niveau du ministère, il s'est fait une réflexion là-dessus? Parce que je pense que, quand on parle de l'encadrement et de la formation des bénévoles, c'est une mentalité à insuffler et à inculquer aux gens. Alors, est-ce qu'il y a une réflexion, à date, qui s'est faite au ministère là-dessus ou, encore là, c'est à la lumière du rapport Nicolet qu'on va agir pour voir comment, quand il y aura un prochain sinistre, le premier mot d'ordre, ça sera que les gens se prennent en charge plutôt qu'ils soient pris en charge?
M. Ménard: Ça, on n'a pas attendu le rapport Nicolet pour le faire. C'est presque une réflexion naturelle par rapport à ce qu'on a vécu dans la crise du verglas. Il faut informer les gens sur le meilleur rapport poids-qualité de ce que vous pouvez transporter vous-même au moment où vous devez quitter votre domicile pour vous rendre à un autre endroit. Je pense que les couvertures, ce n'est pas nécessaire - pas sûr - parce que les couvertures, on les a. Vous n'êtes pas obligé d'apporter votre lit, parce que là on va avoir un lit, mais, brosse à dents, par exemple, quelques articles... On croit que, si les gens étaient informés de cela, le gens, volontiers, nous aideraient à les aider. Par exemple, nous allons nous occuper de chaleur, de nourriture. Vous n'avez pas à apporter de nourriture, ça causerait des problèmes incroyables.
Mais ça, ça fait partie justement, je pense, de la culture de la sécurité civile que le Québec n'a pas. Et ça, c'est une des choses qu'effectivement nous avons constaté qu'il faut développer. Alors, dans l'avenir, on est en train de préparer... On ne la publiera pas tout de suite, parce qu'on veut s'assurer... puis on veut consulter avant. Mais on va préparer une liste du kit, si vous voulez, parfait que les personnes pourraient transporter avec elles. Il y a des choses qu'il n'est pas nécessaire de transporter, mais il y a des choses qui sont nécessaires. On est convaincu que les gens vont volontiers se soumettre à ça, sauf exception. Puis les exceptions, bien, on ne s'en occupera pas.
(10 h 50)
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député.
M. Jutras: J'ai encore d'autres questions.
M. Dupuis: C'est intéressant...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): On a consacré une vingtaine de minutes à date. Alors, peut-être une dernière question sur ce point-là.
Indemnisation des municipalités à la suite de la crise du verglas
M. Jutras: Une dernière question? Oui, je peux m'accommoder de ça, M. le Président. M. le ministre, dans un des cahiers qui nous a été remis, l'étude des crédits, demandes de renseignements particuliers - bien, de toute façon, vous n'avez peut-être pas besoin d'y référer - on voit que les réclamations ayant trait aux frais de subsistance, en tout cas, de l'analyse que j'en ai faite, elles sont à peu près toutes payées et, à ce que je vois, la plupart du temps, payées à 100 %, à part de ça, 100 cennes dans la piastre, comme on dit.
Par ailleurs, concernant ce qu'on appelle les mesures d'urgence, là, ce n'est pas complètement payé. Et ce que je me demandais... Parce que là on ne peut pas voir si c'est dû à un refus. Disons que la réclamation est de 1 600 000 $, il y a 1 100 000 $ de payés, est-ce que c'est parce que c'est refusé ou... Où en sont les réclamations concernant les mesures d'urgence? Parce que je pense que, de toute façon, il y a peut-être des refus, mais il reste des montants à payer aussi. Et quel est l'échéancier pour ce qui reste à payer?
M. Ménard: M. Crépeault, le sous-ministre adjoint, va compléter la réponse, mais je peux vous donner les éléments essentiels. Les discussions qu'il y a avec les municipalités, quand il y en a, c'est essentiellement pour l'application des programmes. C'est que nous ne payons pas les dépenses courantes. Alors, s'ils ont utilisé des employés qui sont régulièrement payés par la municipalité, nous ne les payons pas. Nous payons tout ce qui est en excédent, toutes les dépenses qui sont faites par les municipalités qui sont l'excédent qui a été causé par le sinistre, par la gestion du sinistre. Ça, c'est un principe de base.
Vous remarquerez que, dans les montants qui sont donnés, il faut signaler que le plus gros montant, c'est les discussions que nous avons avec la ville de Montréal. Maintenant, avec la ville de Montréal, on a un problème particulier. On a voulu envoyer... Je pense qu'on n'a même pas reçu de facture. Il y a quand même des montants considérables. Nous sommes surveillés par le Vérificateur général du Québec. Il va falloir rendre compte. Ce n'est pas parce qu'il y a un sinistre que l'on doit dépenser de l'argent sans contrôle. Alors, on a proposé d'envoyer nos vérificateurs; ils n'ont pas voulu. Alors, on leur a dit: Très bien, on va prendre une réclamation signée par votre vérificateur. Et puis on attend toujours après.
Mais M. Crépeault, je pense, a la liste, essentiellement, des choses qui sont encore en demande. Mais, comme je vous dis, la base, c'est simplement celle-là: on ne paie pas pour les dépenses courantes de la municipalité pendant un sinistre, on paie pour ce qui est l'excédent qui est causé par le sinistre.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, M. Crépeault, brièvement, s'il vous plaît.
M. Crépeault (Luc): Luc Crépeault, sous-ministre associé à la sécurité civile et à la sécurité-incendie. Donc, dans le cas du verglas, au moment où on se parle, on a reçu environ pour 165 000 000 $ de demandes de remboursement en fonction du programme d'aide et, à ce jour, on a payé 80 % en avances sur des estimations.
Maintenant, ce qui allonge un peu les procédures, c'est bien souvent la façon de décrire ce qui est admissible et non en fonction du décret, et aussi d'avoir les preuves en fonction de notre comptabilité versus celle des municipalités, principalement. Donc, les systèmes de comptabilisation municipale, bien souvent, ne permettent pas d'extraire facilement les données de façon à produire les pièces justificatives qu'on est contraint quand même de vérifier. Mais, pour pallier, pour aller plus vite, on a payé sur estimation jusqu'à 80 %. Et là c'est l'analyse plus fine des montants réclamés qui nous permet de bien préciser le montant en fonction des règles budgétaires que nous avons à assumer.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): ...intervention, M. le député de Saint-Laurent, sur cette question.
M. Dupuis: Non. Simplement pour faire une remarque, clore sur ce sujet-là. Moi, j'ai travaillé au Centre de coordination de crise à Montréal, à l'époque. Vous avez fait référence tantôt aux génératrices. Moi, j'étais une des personnes qui faisaient des téléphones pour obtenir des génératrices. C'est vous dire combien il y avait des problèmes, si on me confiait cette responsabilité-là, moi qui n'ai jamais mis la main sur une génératrice. Et je travaillais sous la juridiction de M. Saint-Onge, que j'aperçois et que je salue.
Mais je pense qu'il faut retenir du rapport Nicolet, M. le ministre, qu'il est clair que les municipalités sont les premières interpellées quand intervient un sinistre comme celui-là. Et, moi, je fais le voeu - ce n'est pas une question, c'était simplement une remarque en fin de sujet - que... Évidemment, je pense que vous allez aller dans le sens de la recommandation, dans le rapport Nicolet, de faire de la municipalité le premier répondant, si vous voulez, en cas de sinistre. Mais il ne faut pas oublier que les municipalités, que vous allez probablement obliger d'avoir un plan d'urgence, toutes les municipalités vont devoir également recevoir de votre part l'assurance qu'elles pourront le mettre en application, ce plan-là. Et, encore une fois, malheureusement, il va y avoir des coûts qui vont être associés à ça. C'est tout simplement une remarque que je voulais faire avant la suspension. Je pense que vous aviez l'intention de suspendre...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, de suspendre, à moins que le ministre n'ait une remarque à faire à ce moment-ci.
Plans d'urgence dans les municipalités
M. Ménard: Oui. Peut-être juste une chose sur les plans d'urgence. Il y a une partie qui ne coûte rien, hein. Il y a une partie qui ne coûte rien puis qui est facile à faire et dont les gens doivent être conscients. Un plan d'urgence, ça commence par deux choses: identification des risques, identification des ressources. Par exemple, si on doit héberger du monde, où est-ce qu'on peut héberger du monde, sur le plan local? Si on ne peut pas l'héberger localement, où dans la région est-ce qu'on peut l'héberger? Est-ce que ces centres-là, comme les écoles - parce que c'est là qu'il y a des grands espaces - sont équipés de choses pour recevoir des gens? Est-ce qu'ils ont une source d'énergie différente? Et ainsi de suite: Où sont certains équipements? Si on a besoin de béliers mécaniques rapidement, si on a besoin d'excavatrices d'un certain type, etc., où y en a-t-il?
Ça, évidemment, vous comprendrez que c'est quelque chose qui ne peut être fait que sur le plan local parce que c'est vraiment... Et là, ce premier passage... Mais il y a bien des municipalités qui n'ont même pas fait ça, puis probablement parce qu'elles n'ont jamais pensé que ça pouvait être aussi simple que ça, et qu'au fond les élus locaux sont parmi les gens les plus compétents pour compléter une liste comme ça. De sorte que c'est ça qui arrive en cas de catastrophe, la plus grande chose, c'est: Qu'est-ce qu'on fait? Mais là, au moins, on a déjà quelque chose, on peut ouvrir, on a déjà une idée. D'autant plus que, si on a participé soi-même...
Puis j'imagine que c'est très utile que les conseillers, le maire puissent le faire, parce qu'ils sont généralement élus par district, ils connaissent les endroits, ils savent s'il y a une usine à telle place puis si elle peut être dangereuse ou pas. Alors, quand ils revoient le plan, qui aurait été fait en collaboration peut-être avec le bureau de sécurité civile régional et puis les employés de la ville, bien, déjà, on est certain que les conseillers municipaux, entre eux, qui viennent de partout, qui connaissent le territoire, vont s'apercevoir que: Ah! il n'est pas complet, il manque des choses, il y a des choses qu'on a oubliées. Et puis, s'il nous arrive tel sinistre, de quoi a-t-on besoin? Toute cette partie-là est une partie d'intelligence, de connaissances qui ne coûte presque rien. Alors, là, c'est parfaitement normal. Ça, déjà, ça doit être fait. Pour le reste, c'est sûr que, quand il s'agit de l'achat d'équipements, d'équipements de communication et etc., là, probablement qu'il va y avoir des dépenses et puis qu'on peut aider au plan central.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 11 h 5.
(Suspension de la séance à 10 h 59)
(Reprise à 11 h 9)
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): J'invite les membres de la commission à bien vouloir prendre place, nous allons redémarrer nos travaux. S'il vous plaît!
Alors, je serais prêt maintenant à...
M. Dupuis: Si vous le permettez, M. le Président.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, M. le député de Saint-Laurent.
M. Dupuis: Vous ne me la cédez pour pas très longtemps, M. le Président, parce qu'il y a certains de mes collègues, que vous apercevez d'ailleurs, qui sont assis à ma gauche particulièrement, qui m'ont demandé s'ils pouvaient se présenter en commission pour prendre le droit de parole du critique et poser certaines questions au ministre dans des sujets qui les intéressent particulièrement. Et, bien sûr, sans aucun problème, il me fait plaisir de céder mon droit de parole à mes collègues.
Donc, à ce moment-ci je veux tout simplement expliquer aux gens qui assistent que je cède mon droit de parole à mes collègues qui ont des questions particulières à poser au ministre.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, on se rappellera d'ailleurs que tout député peut effectivement se présenter à une commission et poser une question, s'il n'a pas été l'objet d'un remplacement; à ce moment-là, il ne peut pas, bien sûr, présenter de motion, mais, enfin, il peut prendre la parole.
Donc, Mme la députée de La Pinière, vous avez la parole.
Recommandations du rapport Nicolet concernant la sécurité civile
Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais reprendre le débat là où on l'a laissé avant de suspendre, sur la crise du verglas. Le ministre doit certainement s'en rappeler parce que, même si lui-même représente une circonscription, Laval, qui n'a pas été durement touchée, c'est un résident de la Rive-Sud de Montréal et, donc, il a vécu lui aussi le verglas. Il sait de quoi on parle.
(11 h 10)
La crise du verglas, évidemment, a créé ou a donné lieu à une sensibilisation en ce qui concerne surtout la gestion de crise, et je voudrais focaliser mon intervention essentiellement sur la sécurité civile, parce que la sécurité civile, de l'avis de tous, y compris des gens de la sécurité civile, a été le maillon le plus faible lors de la gestion de cette crise.
Et je voudrais rappeler au ministre qu'il y a eu déjà un rapport qui a été déposé par la commission Nicolet, la commission scientifique et technique sur la gestion des barrages, rapport qui a été déposé en janvier 1997, qui a fait un certain nombre de constats, qui a fait des recommandations, notamment en ce qui a trait à la sécurité civile. Et malheureusement, ce rapport-là n'a pas eu les suites qu'il méritait.
Je lis, par exemple, à la page 9-2, que «la loi attribue au ministre de la Sécurité publique la responsabilité d'élaborer, de proposer et de mettre en oeuvre une politique de prévention des sinistres et des mesures d'urgence à prendre dans de tels cas et d'en coordonner l'exécution.» Le ministre doit également conseiller les corporations municipales en ce qui a trait au plan d'urgence.
Et le rapport ajoute: «En ce domaine, le ministre n'exerce pas le pouvoir qui lui est conféré par la loi, de sorte que la planification de la sécurité civile au niveau de la municipalité est laissée à la discrétion du maire et de son conseil.»
Or, on sait qu'il existe 1 400 municipalités, et, malgré que la Loi sur la protection des personnes et des biens en cas de sinistre ait été adoptée depuis plusieurs années, il n'y a approximativement que 400 municipalités qui se sont dotées d'un plan d'urgence. Donc, là on peut parler d'un constat d'échec par rapport à la sécurité civile qui n'a pas rempli son mandat tel que défini par la loi et tel que le constate déjà le rapport Nicolet I, celui sur le déluge du Saguenay.
Et ce rapport fait, entre autres, un certain nombre de recommandations. Notamment, la recommandation 7.4, qui se lit comme suit: «...le ministère de la Sécurité civile ait la responsabilité de s'assurer que chaque municipalité du Québec se dote d'un plan de mesures d'urgence et le rende fonctionnel en assurant une formation adéquate aux responsables locaux chargés de son application.» Ça, c'était en janvier 1997, un an avant la crise du verglas. Et, lorsque la crise du verglas est survenue, évidemment la sécurité civile a fait preuve de ces défaillances chroniques signalées de tous.
Ce qui nous amène au rapport Nicolet II sur le verglas, celui qui porte sur la sécurité civile plus précisément. Là encore, il y a un constat d'échec en ce qui a trait au mandat de la sécurité civile tel qu'il a été rempli lors de la crise du verglas.
On constate aussi qu'il y a eu une sorte de chaos au niveau de la coordination au sein des différents ministères, et ce n'est pas l'opposition qui parle, c'est M. Cazalis qui, lui-même, est impliqué dans la Direction de la sécurité civile. Et je lis, à la page 44 du volume sur la sécurité civile du rapport Nicolet: «Selon un représentant de la DSC - la Direction de la sécurité civile, et on fait référence ici à M. Cazalis - on ne retrouve pas de mandat clair en matière de prévention dans les objectifs et les directives de cette dernière. Elle ne dispose pas non plus de ressources nécessaires. La Direction de la sécurité civile n'a donc produit ni plan national ni plans régionaux de prévention.» Le rapport ajoute: «De même, la structure de la Direction de la sécurité civile ne lui permet ni d'être présente dans chacune des régions ni de maintenir des équipes suffisantes dans les bureaux régionaux existants.»
Or, lorsqu'on se réfère à la crise du verglas, on sait qu'elle a été vécue dans certaines régions du Québec, principalement en Montérégie; ça a affecté 1 300 000 de personnes, ça a affecté l'économie de la région, et la sécurité civile n'était pratiquement pas là.
Et on peut, bien entendu, parler du rôle des municipalités, mon collègue l'a souligné tantôt, elles sont sur la première ligne, elles ont le devoir de mettre en place des plans d'urgence avec le support technique et professionnel de la Direction de la sécurité civile, mais malheureusement, comme on l'a constaté, les municipalités ne se sont pas toutes dotées de ces plans d'urgence. De plus, même celles qui ont des plans d'urgence, elles ne les mettent pas à jour annuellement et elles n'ont pas nécessairement les ressources pour développer ces outils-là et les mettre en place de façon à ce qu'ils soient fonctionnels. Et, lorsqu'on sait que le gouvernement a fait une ponction de 350 000 000 $ dans les municipalités, on comprend que, sur le plan des ressources, c'est encore plus difficile.
Le rapport aussi constate que le gouvernement agit selon une approche sectorielle au lieu d'avoir une approche intégrée de la gestion de crise, qu'il y a une absence de volonté politique, que les ressources et les effectifs sont insuffisants. Il y a un certain nombre de recommandations explicites par rapport à ça.
Je voudrais savoir du ministre aujourd'hui - parce que je ne veux pas qu'on termine l'étude des crédits en donnant l'impression que tout va bien, que la crise du verglas est derrière nous, que la gestion de crise est prise en charge - un: quelles suites il entend donner aux recommandations du rapport Nicolet qui touchent précisément la sécurité civile? Est-ce qu'il entend réellement donner suite en ce qui a trait à une politique de sécurité civile? Quels sont les moyens qu'il entend mettre en oeuvre pour doter la Direction de la sécurité civile d'effectifs nécessaires ainsi que des ressources financières nécessaires?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le ministre.
M. Ménard: Vous avez soulevé plusieurs sujets. Je vais les prendre un peu dans l'ordre. Si je me souviens bien, vous dites qu'il y a seulement 400 municipalités sur environ 1 400 qui ont leur plan d'urgence. Je pense que la statistique la plus significative serait de savoir quel est le pourcentage de la population du Québec qui est couvert par ces 400 municipalités, par rapport aux 1 000 autres qui n'ont pas leur plan d'urgence. Je crois que ce sont les plus importantes qui ont leur plan d'urgence, que ce sont les plus petites qui ne l'ont pas et qui n'ont probablement peut-être pas beaucoup de moyens pour en avoir. Dans le rapport Nicolet, dans ces cas-là, je pense qu'elles vont dépendre du plan régional des MRC. Mais on sait qu'il y a beaucoup trop de municipalités au Québec, et c'est parce qu'il y en a beaucoup trop qui sont vraiment trop petites pour assumer des responsabilités qui incombent au plan local. Alors, je n'ai pas vérifié tout de suite parce que je ne m'attendais pas à cette question, mais je crois que je peux dire facilement que la très grande majorité de la population du Québec habite des municipalités qui ont un plan d'urgence.
Maintenant, sur les plans régionaux, je ne me souviens plus ce que vous disiez là-dessus. Effectivement...
Mme Houda-Pepin: Ils sont inexistants.
M. Ménard: Pardon?
Mme Houda-Pepin: Ils sont inexistants.
M. Ménard: Oui. O.K., ça, c'est une lacune réelle. Quand le gouvernement a établi la commission Nicolet, c'est parce que la crise du verglas avait révélé des lacunes importantes à la sécurité civile. Nous attendions justement que ce rapport nous donne les moyens et les outils et un plan d'action pour combler ces lacunes et réaliser au mieux la mission qui nous est confiée. Je suis parfaitement conscient qu'effectivement il manquait de ressources. À la lumière du rapport Nicolet, j'espère que nous pourrons plus facilement les obtenir.
(11 h 20)
Vous parlez de la ponction de 350 000 000 $ au niveau des municipalités, qui a été faite. Je pense que vous lirez avec beaucoup d'attention le rapport Bédard, parce que justement ça fait longtemps que l'on se demande au Québec quel est le niveau de gouvernement qui doit assumer ces responsabilités et quelles sont les ponctions fiscales... quel est le gouvernement qui est le plus en mesure d'aller chercher les ressources fiscales nécessaires pour assumer ces responsabilités.
Parce que, quand vous regardez l'ensemble, votre parti, et je pense que Mme la députée de La Pinière elle-même le répète souvent: Le Québec est le territoire le plus taxé d'Amérique du Nord. C'est une situation qu'il faut changer. L'ensemble de la taxation est plus élevé au Québec qu'ailleurs. Alors, il est important de savoir, quand nous faisons une ponction de 350 000 000 $ au niveau municipal, au fond, c'est comment nous affectons le contribuable, parce qu'il n'y a pas un contribuable municipal et puis un contribuable pour l'État du Québec, c'est le même contribuable qui paie différents impôts. En fait, ce qu'il faut savoir, c'est: Paie-t-il trop d'impôts fonciers? Paie-t-il trop de taxe de vente? Paie-t-il trop d'impôt sur le revenu? On sait que, sur l'ensemble, il en paie trop. Et ça, la meilleure façon de le faire, n'est-ce pas, la première façon de le faire, c'était de couper les dépenses. Et, quand on a coupé les dépenses, c'est vrai qu'on a coupé les dépenses au ministère de la Sécurité publique aussi.
Mme Houda-Pepin: M. le Président, étant donné qu'on aura d'autres occasions pour discuter de la fiscalité des municipalités, moi, aujourd'hui, ce que je souhaiterais avoir, c'est une réponse en ce qui a trait à la sécurité civile. C'est de ça qu'il s'agit. Je suis déçue de voir que le ministre me réponde qu'on attendait le rapport Nicolet pour avoir des outils. On a déjà eu un rapport Nicolet. Le constat a été fait et archifait, largement documenté, que la sécurité civile...
M. Ménard: Si c'était votre intention, Mme la députée, pourquoi avez-vous parlé d'une ponction de 350 000 000 $ aux municipalités?
Mme Houda-Pepin: C'est un élément d'information dans les...
M. Ménard: Je vous donne cet autre élément d'information, que c'est le contribuable...
Mme Houda-Pepin: On va revenir là-dessus dans un autre débat.
M. Ménard: Vous lirez le rapport Bédard pour savoir...
Mme Houda-Pepin: Mais, pour rester sur la sécurité civile, parce que c'est l'objet du débat, je voudrais vous ramener au rapport Nicolet, qui dit, à la page 123, hein, le rapport pour affronter l'imprévisible, je vous lis: «En termes de ressources allouées, le budget de la Direction de la sécurité civile en 1996-1997 était à peine supérieur à 4 000 000 $, soit 0,7 % de l'ensemble du budget du ministère de la Sécurité publique. Les effectifs de cette direction d'environ 80 personnes représentaient également moins de 1 % du personnel total du ministère. On nous dit par ailleurs qu'au cours des 30 derniers mois la Direction de la sécurité civile a changé quatre fois de responsable et, au niveau de la présence régionale - ce qui est important - c'est une présence extrêmement limitée. Au total, la Direction de la sécurité civile dispose d'une quarantaine de personnes en région, dont cinq cadres. Ces ressources sont réparties dans cinq directions régionales qui se partagent l'ensemble des 17 régions administratives du Québec.»
Donc, le constat est fait. Il a été fait même au niveau du rapport de 1997. Qu'est-ce que le ministre entend faire aujourd'hui, le sachant depuis 1997, pour redresser la situation au niveau de la sécurité civile? Je présume que le ministre a eu le temps de prendre connaissance du rapport et des recommandations qui le concernent plus spécifiquement. C'est à ce sujet-là que je voudrais entendre une réponse claire, parce qu'on ne peut pas continuer à donner des informations en périphérie tout en refusant de répondre directement à la question.
Juste pour illustrer un détail, quand on parle des plans régionaux. Lors de la crise du verglas, étant donné que les fonctionnaires travaillaient à partir de Québec, à Sainte-Foy, alors que les problèmes se vivaient en Montérégie, moi, on m'a signalé à plusieurs reprises - et ça nous a été rapporté ici par le préfet de Vaudreuil-Soulanges - que les gens à Québec, les fonctionnaires, ne savaient pas où se trouvait Vaudreuil-Soulanges, ils pensaient que c'était sur la Rive-Sud de Montréal. Alors, quand on veut dépêcher de toute urgence des ressources ou allouer des équipements pour dépanner les gens, il faut au moins connaître la géographie du Québec. Et ça, ça ne peut se faire que lorsqu'on a un service décentralisé où la sécurité civile est présente sur le terrain, qu'elle connaît les lieux, qu'elle connaît les intervenants et qu'elle peut intervenir efficacement.
Ce que j'ai entendu, M. le ministre, des maires de ma région, c'est que la sécurité civile, c'était la dernière ressource à laquelle il fallait s'adresser et que, lorsqu'on s'y adressait, on était plus perdu que si on se débrouillait par soi-même. C'est un constat qui est très grave. C'est la vie des citoyens qui est en danger et c'est la responsabilité du gouvernement, du ministère de la Sécurité publique, plus précisément de la sécurité civile, de se doter, comme le recommande le rapport, d'une véritable politique de sécurité civile.
Moi, je veux vous entendre aujourd'hui vous prononcer là-dessus.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le ministre.
M. Ménard: Vous avez terminé? Vous avez parlé longuement. J'ai commencé à vous répondre dans l'ordre où vous aviez posé les questions, préférez-vous que je vous réponde dans l'ordre inverse où vous les avez posées?
Je pense que les trois questions essentielles que vous avez posées, ce sont... Puis qu'effectivement l'histoire du 350 000 000 $, c'était quelque chose qui n'avait aucune pertinence, mais, puisque vous l'aviez soulevée, j'ai voulu vous signaler qu'en lisant le rapport Bédard vous alliez voir de quelle façon le contribuable québécois, qui est le même... là où il est plus taxé qu'ailleurs, là où il est moins taxé qu'ailleurs. Et vous tirez vos conclusions vous-même sur le niveau gouvernemental, le niveau de fiscalité qui doit être mis à contribution, parce que je pense que vous le reconnaissez comme bien d'autres, le niveau de fiscalité qui est celui du gouvernement du Québec, l'impôt sur le revenu, est beaucoup trop élevé.
Vous le constaterez aussi à la lecture du rapport Nicolet, qu'au départ, de base, la sécurité civile est une responsabilité locale et que l'État doit encadrer. Moi, j'ai noté en fait essentiellement que votre question pose sur trois sujets importants: Quelles suites on entend donner au rapport Nicolet? Quel rôle entendons-nous jouer dans l'établissement d'une véritable politique de sécurité civile? Quels sont les moyens que j'entends prendre pour obtenir les effectifs nécessaires pour réaliser cette politique?
Je crois qu'en toute honnêteté je résume adéquatement l'essentiel des questions que vous nous avez posées au milieu de nombreuses critiques que vous avez adressées au gouvernement ou que vous avez signalées dans le rapport Nicolet.
Quelles suites j'entends donner? D'abord, je dois vous dire tout de suite, d'entrée de jeu, que j'accepte avec enthousiasme la mission, le programme d'action qui est déterminé dans la commission Nicolet pour le ministère de la Sécurité publique. Il est vrai que c'est une partie de la fonction de l'État qui a peut-être été négligée dans le passé - pas juste sous ce gouvernement, d'ailleurs - et qui... parce que nous étions pas mal bons en général pour prévoir ce qui revenait de façon récurrente, comme les inondations, les feux, les feux de forêt, certains types d'accidents écologiques qui pouvaient être... nous avons mis des ressources de moins en moins généreuses sur ces sujets.
Donc, à la lecture que nous avons faite du rapport Nicolet, nous estimons qu'il s'agit d'un excellent plan d'action. Cette deuxième commission avait été établie parce que le gouvernement était conscient, à la suite de la tempête du verglas, qu'il y avait des lacunes à combler. Nous attendions un programme d'action pour combler ces lacunes. Donc, nous avons là un excellent programme d'action, et je peux vous dire que nous entendons donner suite à la presque totalité - puis, quand je dis «à la presque totalité», c'est au cas où il y en aurait une qui m'aurait échappée, qui serait impossible à réaliser - des recommandations qui sont dans le rapport Nicolet.
(11 h 30)
Nous acceptons aussi d'emblée, pour répondre au deuxième volet de l'ensemble des questions que vous nous avez posées... Nous préparons une politique de sécurité civile que nous allons présenter au gouvernement. D'ailleurs, une des premières choses que nous avons faites - d'ailleurs était déjà faite - nous avons nommé un sous-ministre associé à la sécurité civile. Nous faisons donc de la sécurité civile l'une des quatre grandes missions, des quatre grandes directions du ministère de la Sécurité publique. C'est déjà une marque de l'importance que nous devons y donner par la suite.
Je vous signale en passant qu'il est certain que nous n'aurons jamais le nombre d'employés des autre directions, mais il faut bien que vous réalisiez ce que sont les autres direction, hein? Il y a près de 4 000 policiers dans la Sûreté du Québec, qui sont d'ailleurs très souvent les intervenant de première ligne dans les cas de sinistre. Il y a au-delà... je pense que c'est 2 000 agents correctionnels dans l'ensemble du système de détention. Il y a encore plus d'employés qui s'occupent de probation, etc. Le ministère de la Sécurité publique est le ministère qui emploie le plus de personnes, à part les ministères à réseau, comme l'éducation ou la santé.
Essentiellement, aussi, la mission du ministère de la Sécurité publique dans la sécurité civile est une mission essentiellement d'encadrement, de vérification que les responsabilités locales sont effectivement bien exercées. Parce que la préparation au sinistre, dépendant de son ampleur, la plupart du temps, c'est au niveau local que l'on trouve les acteurs qui sont les mieux placés pour prendre les décisions et pour assumer les responsabilités. Si le sinistre est de plus grande qualité, c'est au niveau régional, et puis ensuite... Je donne un exemple que je donnais tout à l'heure. L'essentiel d'un plan d'urgence, n'est-ce pas, c'est l'identification des risques, l'identification des ressources, des ressources locales puis ensuite des ressources régionales, puis finalement nous sommes responsables des ressources nationales. Puis c'est comme ça que ça peut être géré de façon plus efficace.
J'entends aussi, dans le plan que je vais présenter au gouvernement, demander des mesures budgétaires pour qu'effectivement nous ayons les effectifs nécessaires pour qu'il y ait des directions régionales qui puissent effectivement jouer les rôles importants qui y sont placés, de s'assurer que l'ensemble des autorités locales sont non seulement sensibilisées, mais qu'effectivement elles assument leurs responsabilités d'identification des risques et de préparation aux sinistres qui sont là, qui sont présentés. Je peux dire, certains le répètent souvent, que le premier ministre a dit peu de choses dans son discours inaugural sur la sécurité publique, c'est peut-être vrai, mais ce qu'il a dit est lourd de portée. Il a signalé que deux grandes missions s'imposaient au ministre de la Sécurité publique qu'il nommait, qu'il faisait revenir à ces fonctions, c'étaient celles de donner des suites au rapport Poitras et au rapport Nicolet. Donc, je crois qu'il y a une conscientisation du gouvernement et que ce sera suivi d'une volonté politique du gouvernement de mettre en application les deux rapports.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. le ministre. À ce moment-ci, j'ai quatre personnes qui m'ont demandé la parole: le député de Nicolet-Yamaska, les députés de Châteauguay, Orford et Sauvé. Maintenant, le député de Châteauguay m'indique que la question qu'il a à poser est reliée d'assez près à celle du verglas. Mais, à ce moment-ci, à moins que le député... Ah! M. le député de Dubuc, vous avez raison. Excusez-moi, c'est M. le député de Dubuc. À moins que le député de Dubuc accepte de...
M. Côté (Dubuc): Ma question va être assez courte, M. le Président.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): O.K. Alors, allons-y avec votre question, M. le député de Dubuc.
Prévention du suicide dans les centres de détention
M. Côté (Dubuc): Alors, merci, M. le Président. Alors, M. le ministre, permettez-moi de vous saluer ainsi que les membres de votre ministère qui vous accompagnent. Alors, comme je le spécifiais, j'ai une courte question. C'est sur une déclaration que vous avez faite tout à l'heure, c'est dans un tout autre ordre d'idées que la sécurité civile, vous avez affirmé - et ça m'a étonné - que le taux de suicide dans les centres de détention était beaucoup plus élevé qu'ailleurs.
Alors, ce que j'aimerais savoir suite à cette affirmation, c'est: Est-ce qu'il y a des mesures que le ministère prend ou entend prendre ou qui ont été prises pour justement prévenir ce phénomène de hausse du suicide? Et est-ce que ces mesures-là se font en collaboration avec des personnes qui travaillent à l'extérieur des centres de détention, je pense à des centres universitaires ou des choses comme ça? Alors, c'est ma question, M. le ministre. Merci.
M. Ménard: Oui. Nous avons pris, à la suite du rapport de la coroner Anne-Marie David, un certain nombre de mesures pour tenter de diminuer le nombre de suicides qu'il y a dans les centres de détention. D'abord, nous avons une structure meilleure d'encadrement du programme de prévention du suicide qui est établi dans chaque établissement. Il y a un responsable de la coordination des dossiers qui a été nommé là-bas. Il y a effectivement un comité de prévention du suicide qui est institué dans chaque établissement pour assurer le suivi et le développement des programmes de prévention locaux. Il y a aussi une équipe spécialisée en intervention de crise suicidaire qui a été constituée dans chaque établissement.
En plus, le contenu de la formation en prévention du suicide a été révisé et mis à jour. Nous avons, pour ça, donné des contrats de services professionnels aux centres de prévention du suicide du Québec. Depuis, nous avons tenu quatre sessions spécialisées de formation d'une durée de quatre jours, qui ont été diffusées aux membres des équipes d'intervention du suicide dans chaque établissement. Il y en a quatre autres qui seront tenues d'ici le 31 mai 1999.
Il y a aussi des ententes de collaboration avec des ressources spécialisées en prévention du suicide, par exemple le Centre de prévention du suicide. Nous avons convenu d'une pareille collaboration dans 11 établissements de détention. Nous avons aussi un projet-pilote qui concerne le dépistage systématique et la prise en charge des personnes incarcérées qui sont suicidaires. Nous avons soumis ce projet-pilote au ministère de la Santé et des Services sociaux, et c'est un projet qui avait été élaboré en collaboration avec l'Université du Québec à Trois-Rivières.
Enfin, depuis le mois de novembre 1997, il y a systématiquement une enquête administrative qui est tenue à la suite de chaque décès par suicide afin d'établir les actions qui ont été prises, de les apprécier et de tirer les leçons pour l'avenir puis de modifier, s'il le faut, nos méthodes d'intervention.
Alors, c'est une question que nous prenons très au sérieux, mais, je vous le rappelle... Et d'ailleurs, au fond, pensez-y bien, le suicide a toujours été une préoccupation dans les cellules. Souvenez-vous qu'à une certaine époque, puis je pense que ça se fait encore... les gens n'aiment pas ça, rentrer en prison puis s'apercevoir qu'on leur enlève leurs lacets de souliers, leur ceinture et toute autre sorte, tout autre type d'objets avec lesquels ils pourraient se suicider. Alors, cela, encore une fois, je vous le dis, en dit long sur la peur qu'inspire la prison. Cela en dit long à ceux qui voudraient penser que les détenus sont trop bien traités en prison et que c'est une espèce de Club Med, comme je l'entends parfois. Et cela en dit long aussi, je pense, sur l'état de désespérance dans lequel sont hélas la majorité des détenus qui sont dans nos prisons.
Mais ce n'est pas parce que le problème est difficile qu'on ne devait pas s'y attaquer, et nous avons quand même pris un certain nombre de mesures pour qu'il y ait quand même moins de suicides, même si c'est là dans la société que les risques de suicide sont nettement les plus élevés.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Châteauguay.
Rehaussement des berges de la rivière Châteauguay
M. Fournier: Merci, M. le Président. M. le ministre, tous les gens de son entourage, merci beaucoup d'être là. Merci à mon collègue de Saint-Laurent de nous permettre de régler ou d'avancer certains dossiers.
Je voudrais, M. le ministre, puisqu'on parlait du verglas tantôt, revenir sur une des conséquences partielles - un malheur n'arrivant jamais seul - dans la ville de Châteauguay particulièrement, le long de la rivière Châteauguay, mais particulièrement dans la ville de Châteauguay, l'effet cumulé, je dirais, du verglas qui a laissé des séquelles au niveau d'arbres traînant sur le bord des berges, et tout ça, qui a fait une espèce de tamis, et de l'inondation de mars 1998 qui a créé des dommages excessivement importants aux berges de la Châteauguay. Il y a d'ailleurs un rapport assez volumineux - ce n'est pas le rapport Nicolet - sur les conséquences de ces actes de la nature cumulés que sont le verglas et l'inondation.
Il y a beaucoup à faire en ce moment en termes curatifs et préventifs. Ça représente des sommes d'argent, évidemment. La ville de Châteauguay a donc un très gros problème sur les bras. Il y a des infrastructures en péril, d'autres qui ont déjà été endommagées.
Dans la foulée, donc, de ces problèmes, moi, j'ai écrit à deux ministères - donc, c'est bien documenté au gouvernement du Québec: le ministère de l'Environnement et le ministère de la Sécurité publique. Je fais état de deux lettres: celle du 10 juin 1998 d'un attaché politique du ministère de la Sécurité publique, qui était, à l'époque, Jean-François Gauthier, qui était attaché politique au ministère et qui me répondait, le 10 juin 1998, ceci, je cite un passage: «Des représentants du ministère de la Sécurité publique se sont rendus sur place. Sachez que le problème de rehaussement des berges sera traité globalement en collaboration avec la ville de Châteauguay, les autres municipalités riveraines et les ministères concernés.» Donc, la Sécurité publique était dans le dossier, faisait des visites. Je sais qu'il y a d'ailleurs eu d'autres visites par la suite des gens du ministère.
(11 h 40)
Le 14 juillet, puisqu'il y avait eu des demandes équivalentes à l'Environnement pour s'assurer que c'est l'ensemble du gouvernement qui agit et que la poche droite sache ce que fait la poche gauche, l'Environnement me répond ceci - le 14 juillet, à ce moment-là, c'est le ministre lui-même qui répond, je cite un passage: «En ce qui concerne l'assistance financière demandée, il n'existe pas de programme au ministère de l'Environnement et de la Faune. Toutefois, si la sécurité des personnes et des biens est en cause - c'est le cas - je vous encourage - je vois le sourire du ministre - à poursuivre vos démarches auprès du ministère de la Sécurité publique.»
Voilà, c'est fait, je poursuis mes démarches. M. le ministre, c'est un dossier excessivement important. J'ai des encouragements de l'Environnement de vous adresser cette question et je sais que votre ministère s'occupe déjà du dossier. Je ne suis pas sans savoir que, dans des cas d'indemnisation - parce que, dans le comté de Châteauguay, les indemnisations et les cas où on nécessite indemnisation sont fréquents - ce n'est pas toujours facile, mais vous me permettrez une question, en fait deux questions bien, bien simples que je vous pose comme ça. Dépendamment de la réponse, je n'aurai peut-être pas besoin d'en poser une autre en réplique.
Très simplement, ma première question: Où en est rendu le dossier au ministère de la Sécurité publique en termes d'indemnisation et de suites à donner à ce rapport Dessau qui a été demandé par la ville de Châteauguay et qui vous a été transmis? Et la deuxième, que je vous laisse comme ça aussi comme piste de solution si jamais vous me répondiez que les sommes d'argent sont importantes: N'y a-t-il pas lieu de demander une contribution aussi du gouvernement fédéral? Alors, comment le ministère de la Sécurité publique voit-il ce problème aux berges de Châteauguay?
M. Ménard: Bien, je pense qu'on a... M. Crépeault, c'est ça? Alors, M. Crépeault connaît bien votre problème.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, M. Crépeault au nom du ministre.
M. Fournier: J'espère qu'il connaît bien la solution, aussi.
M. Ménard: Bien, je peux vous dire quelque chose, c'est l'une des choses que j'ai apprises la première fois que je suis venu à la sécurité civile. Vous aurez remarqué que les problèmes d'inondation, ils sont nombreux à Châteauguay, n'est-ce pas, vous en avez, mais on a toujours des problèmes d'inondation sur la rive sud du Saint-Laurent, puis on n'en a pas sur la rive nord.
M. Fournier: Ça coule du sud au nord.
M. Ménard: Puis, au fond... C'est que les sources, évidemment, fondent du sud vers le nord, ce qui fait que toutes les rivières qui coulent du sud vers le nord, leur source, la neige fond d'abord puis ensuite ça coule, et là la glace n'a pas encore fondu à l'embouchure, donc ça forme des embâcles, et c'est ce qui arrête le flot, et c'est ce qui fait des inondations. Tandis que, sur la rive nord, bien, alors là, c'est le contraire, c'est que les embouchures fondent avant les sources. Donc, quand les sources fondent, l'embouchure est libre pour laisser passer l'eau.
C'est ce qui fait que, dans votre région, chacun a reconnu certains équipements typiques, comme la bonne vieille grenouille verte qui vient aider justement à briser les embâcles à l'embouchure de la rivière Châteauguay et aussi l'utilisation de l'aéroglisseur du gouvernement fédéral qui, lui, est évidemment un véhicule qui n'a pas été inventé pour briser la glace. C'est un aéroglisseur. Ça permet d'aller sur toute surface plane. Donc, c'est, pour la Garde côtière, le véhicule idéal pour aller poser les bouées qui signaleront des dangers aux bateaux qui empruntent la voie maritime du Saint-Laurent. Mais, évidemment... alors, cet appareil, il a besoin d'une révision annuelle, que l'on fait par les périodes de grands froids, en janvier et en février.
M. Fournier: Plus maintenant.
M. Ménard: S'il y a un dégel... Non, plus maintenant.
M. Fournier: Plus maintenant, non.
M. Ménard: Puis, le reste du temps, il est quand même disponible. On a découvert, par le plus grand des hasards, que l'aéroglisseur constituait un excellent brise-glace. Alors, il est à la disposition de Châteauguay, et je pense qu'il va vous voir presque chaque année, n'est-ce pas, avec la bonne vielle grenouille verte, pittoresque mais efficace.
M. Fournier: Juste me permettre, M. le ministre, avant d'entendre la réponse de M. Crépeault, simplement pour, en même temps, attirer la sympathie du ministère dans son ensemble, parce que vous parlez de notre région qui est souvent affligée de ces inondations, je dirais, à l'égard du comté de Châteauguay, que nous sommes presque un comté de sécurité publique. Vous le savez, je pourrais avoir beaucoup d'autres questions sur beaucoup d'autres dossiers qui ne concernent pas nécessairement la nature mais bien les citoyens qui résident sur le territoire. Je n'ouvrirai pas le sujet là-dessus, mais simplement pour que vous ayez à l'esprit qu'à l'égard de la sécurité publique nous sommes toujours... Je pense qu'on devrait avoir une oreille, une écoute attentive à nos besoins, dans le comté de Châteauguay, puisqu'il y a un certain nombre de problèmes qui concernent le ministère, où le ministère est impliqué à certains titres. Je ne parle pas ici du bingo, M. le ministre, et je ne vous en parlerai pas non plus...
M. Ménard: On en parlera une autre fois. Je suis prêt à en parler une autre fois.
M. Fournier: ...mais il y en a plein d'autres. M. Chevrette nous en a parlé déjà. Je pense que c'est peut-être mieux de ne pas en parler. Mais simplement pour m'assurer qu'on comprenne bien qu'à l'égard des berges, dans ce cas-là, ce n'était pas un cas de flot du sud au nord qui a amené le problème majeur qui se vit présentement, c'est un problème - enfin, c'est le rapport qui le dit; moi, je ne suis pas un spécialiste - cumulé du verglas, de ce qui était laissé sur les berges par le verglas, d'arbres qui ont brisé, qui ont retenu les glaces, et ça a grugé les berges, ça a affecté des routes, affecté des infrastructures, et il y en a d'autres qui sont chambranlantes, enfin en danger, autrement dit. Et là le choix, c'est à peu près le suivant: si on ne s'intéresse pas au problème, si on le laisse dans cet état-là, on va avoir des dommages encore plus grands et donc ça va coûter encore plus cher.
Donc, lorsque je poursuis mes démarches, tel qu'on me le conseillait et ce que je fais avec plaisir, je le fais aussi dans l'intérêt de l'ensemble des contribuables québécois, pour que ça nous coûte le moins cher possible. Parfois, lorsqu'on intervient, on s'aperçoit que ça coûte un peu de sous, mais, si on regarde l'ensemble qu'on va économiser, peut-être qu'on est mieux d'agir rapidement.
Alors, vous ayant indiqué l'urgence d'intervenir et la sympathie à laquelle je m'attends du ministère face au comté de Châteauguay, M. Crépeault, les deux questions étaient: Où en est rendu le dossier, pour vous, et M. le ministre pourra répondre par la suite sur: Y a-t-il lieu d'aller chercher une contribution fédérale, si tant est qu'il n'y avait pas les fonds suffisants au ministère de la Sécurité publique du Québec?
M. Ménard: M. Crépeault.
M. Crépeault (Luc): Luc Crépeault, sous-ministre associé à la sécurité civile et à la sécurité-incendie. D'abord, ça me donne l'occasion de bien préciser le rôle du ministère. Dans les situations de crise, notre ministère a un rôle de coordonnateur gouvernemental et aussi d'assistance directe aux sinistrés. Et c'est pour ça d'ailleurs que, dans le cas de la rivière Châteauguay, les résidents de Châteauguay, on est bien connus dans le secteur, parce qu'il y a eu de nombreux événements dans les dernières années.
Ceci dit, ce dossier-là, on doit s'assurer... Étant donné que c'est un cas, une fois qu'on est sortis des inondations, un cas de prévention, nos programmes d'aide régulière ne prévoient pas de la prévention, parce qu'à ce moment-là on entre dans les champs de compétence des ministères concernés. Dans le cas du milieu hydrique, le rôle est au ministère de l'Environnement. On est quand même très impliqués, parce que toutes les données statistiques et hydrologiques sur ce qu'on doit payer... le phénomène de récurrence et aussi le phénomène de dommages, parce que les bénéfices de travaux préventifs doivent être aussi compensés par des bénéfices de diminutions aux sinistrés, donc on est mis à contribution, on est en contribution auprès du ministère de l'Environnement.
Et, les dernières semaines, on a su de source sûre que le principe d'un programme de stabilisation des berges, notamment pour la rivière Châteauguay, était en voie de préparation au ministère responsable du milieu hydrique et de l'évacuation des eaux, soit le ministère de l'Environnement, et que ça devrait déboucher incessamment. C'est cette information-là qu'on a eue.
Et, au niveau du fédéral, bien, je peux peut-être laisser la parole à M. Ménard là-dessus. C'est sûr qu'on essaie toujours d'aller chercher le maximum de ce qui est dû, mais, à date, on fait des efforts dans ce sens-là.
M. Fournier: Avant la réponse du ministre, si vous me permettez, je pense qu'il faut considérer qu'il y a aussi du curatif. Ce n'est pas juste du préventif. Il y a des dommages qui ont déjà été causés. Je veux juste m'assurer qu'au ministère on sait très bien que ce n'est pas juste une responsabilité de prévention, il y a aussi du curatif sur lequel il faut agir.
J'entends M. Crépeault parler de l'Environnement. Il y aura les crédits de l'Environnement. Sans doute que j'aurai l'occasion de leur demander combien d'argent ils ont de prévu pour cette année là-dessus. Je crois comprendre qu'il y a un programme qui va être lancé. Si je comprends votre réponse, c'est que le programme va être lancé d'ici juin, disons. Oui?
M. Crépeault (Luc): Disons qu'on a les indications. Le principe est accepté. Maintenant, on ne peut pas parler, bien sûr, au nom du ministère de l'Environnement.
M. Fournier: Non. Vous comprenez qu'ils m'ont encouragé à vous poser des questions. Alors, gênez-vous pas pour répondre pour eux.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ménard: Il y avait un «si», n'est-ce pas?
M. Fournier: Les gens savaient que j'étais pour donner suite.
M. Ménard: Oui, oui. Il y avait un «si» dans leur réponse, hein? Si les gens sont en danger immédiat, nous intervenons.
M. Fournier: Je m'excuse, mais, M. le ministre, on parlait des biens aussi. Je considère que les infrastructures sont des biens aussi.
(11 h 50)
M. Ménard: Les biens, là, c'est...
M. Fournier: Oui. Non, c'est ça.
M. Ménard: ...sécurité civile, ce n'est pas notre rôle.
M. Fournier: Écoutez, je ne veux pas revenir sur ce que l'Environnement vous a envoyé comme dossier chez vous. Je comprends que vous l'avez renvoyé à l'Environnement. Il y a un peu de ping-pong. Ce dont je veux m'assurer, c'est que, quand même, le gouvernement dans son ensemble se parle, que les deux ministres soient capables de dire: Écoute, là, on va trouver le bon programme. Qu'il y ait une partie préventive à l'Environnement et qu'on s'intéresse à ça, on va vérifier avec l'Environnement, on va les talonner. Parfait. Je vous rappelle qu'il y a du curatif. Il y aurait lieu chez vous de faire quelque chose.
La question est la suivante - et ce n'est pas une question du «si le programme n'existait pas déjà» - je vous dis: Est-ce qu'il y a lieu que le gouvernement du Québec mette à contribution le gouvernement fédéral là-dessus? Si oui, qu'est-ce qu'il y a eu de fait jusqu'à maintenant? Si non, quel est le plan de match pour l'avenir? Dernière question, je ne dirai plus rien.
M. Ménard: ...là-dessus, même si c'est une tendance naturelle de tous les gouvernements, et, je dirais, de certains plus que d'autres, que de toujours passer la facture à l'autre, n'est-ce pas? C'est tellement agréable de dépenser. Mais, comme nous dit le ministre des Finances, pour avoir le plaisir de dépenser, il faut subir l'odieux de taxer. Alors, si on peut dépenser avec l'argent d'un autre gouvernement, on préfère toujours ça parce qu'on n'a pas l'odieux de taxer pour collecter.
Enfin, je pense que, là, M. Crépeault a répondu clairement à votre question. Vous réalisez que c'est un problème vraiment particulier. Je peux vous dire, pour vous consoler - moi, ça ne me consolera pas - je connais un autre endroit dans le cas où il y a des déplacements importants comme ça qui sont faits par des éléments naturels et qui viennent mettre en danger des lieux d'habitation, au Québec. C'est pour ça que nous pensons que ça justifie l'établissement d'un programme particulier.
M. Fournier: Je voudrais remercier la commission et simplement dire au ministre que, de mon côté, je pense que, s'il y a des programmes qui existent où, dans certains cas, c'est à hauteur de 90 % que le fédéral paie, moi, je crois utile d'au moins envoyer un signal qu'il pourrait faire quelque chose. Si le gouvernement ne veut pas le faire, soyez assuré que le député de Châteauguay, lui, va cogner à toutes les portes.
Par ailleurs, il y a d'autres ministères qui existent aussi à Ottawa, un ministère de l'Environnement. La collaboration, lorsqu'elle est sollicitée, et que la transparence se fait, et qu'il y a imputabilité, alors les citoyens savent pourquoi ils paient des taxes à l'un et l'autre palier et savent que ça peut leur être bénéfique. Donc, il ne faut pas... L'odieux de taxation revient aux deux gouvernements. Si les deux gouvernements peuvent être mis à contribution dans un climat de bonne foi pour servir les citoyens, il n'y a pas de mal à ça. Et l'encouragement que je fais à votre ministère et au gouvernement, c'est de cogner à la porte, s'il y a des fonds.
Sachez, de toute façon, que le député de Châteauguay, lui, va suivre le conseil que lui a donné le ministre de l'Environnement du Québec, M. Bégin, et je vais poursuivre mes démarches pour m'assurer que les citoyens de mon comté puissent recevoir les indemnités auxquelles ils ont droit. Merci.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, nous en serions au député de Saint-Jean.
Efforts de formation auprès des intervenants et du public
M. Paquin: M. le Président, je veux aborder un sujet qui est très large mais qui est en même temps assez central et très fondamental, qui fait partie des préoccupations du ministre mais aussi, je pense, de l'ensemble de la population, c'est le dossier de la formation. Je pense qu'il y aura peut-être d'autres intervenants qui auront l'intention d'ajouter des questions ou de préciser certains des volets de ce sujet qui est très large.
Mais je pense qu'il est important, au moment où on s'apprête à conclure l'étude des crédits incessamment, de regarder l'ensemble des questions qui considèrent la formation. Parce que, que ça soit du côté de la sécurité civile ou de la sécurité publique, je pense qu'il est extrêmement important qu'on accorde une grande considération à la formation des professionnels qui oeuvrent dans ces secteurs-là, que ce soient les policiers, que ce soient les pompiers, que ce soient les autres intervenants professionnels des différents corps qui sont à l'oeuvre pour la protection de la population, tant sur le plan public que sur le plan civil, mais aussi la formation des élus, notamment dans le cadre de la préparation de mesures d'urgence, mais aussi de l'application d'interventions d'urgence. Également, la formation, au bout du compte, des citoyens, qui est évoquée dans certains rapports - on a parlé de plusieurs rapports ici, depuis le début de nos discussions.
Mais il reste qu'à quelque part il y a lieu que les citoyens soient mieux informés, soient mieux formés et que la culture de la sécurité du citoyen soit assumée en grande partie par lui-même. Donc, il y a beaucoup de dimensions à ce dossier-là, et c'est heureux qu'on puisse en discuter, d'autant plus que le ministre a déjà donné plusieurs indications de son intérêt pour ces dossiers-là.
D'une façon générale, ma première question sera d'ordre plus général, c'est au niveau, donc, M. le ministre, de l'ensemble des préoccupations de formation qui sont nécessaires actuellement et des engagements, des crédits qui sont proposés devant nous aujourd'hui. Quels sont, pour le volet formation dans les différents secteurs qui sont sous votre juridiction, votre philosophie et les principaux axes de développement que vous entrevoyez pour l'année prochaine et les années qui viennent?
M. Ménard: Ah! mon Dieu, c'est un sujet effectivement très large. La formation la plus importante en quantité et en budget investi, c'est du côté des forces policières. Nous avons un institut, l'Institut de police du Québec, qui est un modèle mondial pour la formation, je pense, de base aux policiers. Nous avons aussi probablement les policiers parmi les mieux formés, j'en suis convaincu, pour la formation de base. Il y a trois ans de cégep en techniques policières; ensuite, 12 semaines à l'Institut de police.
Mme Louise Gagnon-Gaudreau, que j'avais eu le plaisir et l'honneur de nommer à la tête de l'Institut de police du Québec depuis 1995, avec M. Paul Girard, qui est son assistant, ont rempli au-delà de toutes mes espérances la mission que je voyais pour eux à l'Institut de police. Je ne suis pas un éducateur de profession, mais je sentais que les méthodes d'éducation évoluent et je voulais placer des éducateurs à la tête de l'Institut de police du Québec, plutôt que de placer des gens qui ont une fonction un peu paramilitaire de la formation policière. J'ai été absolument comblé de voir comment ça avait été réalisé.
Comme on l'a dit, à la base, puisqu'ils ont fait trois ans de cégep, on n'est pas pour répéter ici des cours qu'ils ont déjà reçus. Ce qui est important ici, c'est qu'ils les mettent en application. L'enseignement est un enseignement extrêmement actif. Il y a un poste de police virtuel. Ils ont des autos de patrouille sur lesquelles ils sont en patrouille - la population de Nicolet est enthousiaste dans le projet - simulent des occasions d'intervention policière. Des jeunes policiers se rendent, ils sont enregistrés, ils sont analysés. Ils mettent en pratique des méthodes d'immobilisation qui, de ce que j'ai pu voir, ont tiré des leçons de toutes les bavures policières qui ont été commises ces dernières années. C'est absolument remarquable de les voir en action. Donc, ça, je suis enchanté.
Là où on a un problème en formation policière, malheureusement, et je pense que là on est derrière beaucoup de pays démocratiques, et le rapport Poitras a soulevé ces lacunes auxquelles nous comptons nous attaquer, c'est au niveau supérieur. C'est là-dessus que j'entends bien orienter les priorités du ministère dans l'avenir immédiat: formation des enquêteurs. À mon avis, mon choix est fait... Et j'ai lu les deux rapports Corbo. Il m'a dit qu'il fallait que le ministre exprime un choix. Mon choix est fait: pour exercer la fonction d'enquêteur, les policiers, il va falloir recevoir une formation spéciale.
L'Institut de police a démontré, par ce qu'il a fait ces dernières années, sa capacité d'être, je dirais, le maître d'oeuvre de l'établissement de cette formation. Je pense que, éventuellement aussi, on devrait demander une formation universitaire pour atteindre ce niveau policier. Je crois qu'il faut la distribuer, cette formation, sur le territoire. C'est une des observations du rapport Corbo: La formation policière est éclatée et elle n'est pas assez coordonnée. Dans un pays comme le nôtre, qui est relativement petit, qui n'a pas de ressources à gaspiller, il est important que ce soit bien coordonné. Donc, je pense que je vais donner le mandat à l'Institut de police du Québec d'assurer cette coordination, mais en collaboration avec les universités.
Même chose pour la gestion policière. Je pense que, là aussi, nous avons un retard en matière de gestion policière. Je le disais encore à des recrues au début de la semaine: Attendez-vous bien que, si vous voulez faire carrière dans la police, votre souci constant doit être le maintien de votre formation et l'acquisition de nouvelles connaissances. Je pense que tous les policiers, d'ailleurs, d'aujourd'hui... Bon.
(12 heures)
D'autre part, il est certain cependant que, quand nous aurons ces exigences, nous tiendrons compte des acquis professionnels qui ont été faits par l'expérience des policiers. De toute façon, le rapport Corbo, qui est absolument remarquable non seulement par l'analyse et les suggestions qu'il nous fait et la philosophie qu'il nous donne et les grandes orientations, mais aussi par l'ordre de la mise en application des différentes mesures, non seulement je vais m'en inspirer, mais je pense que nous allons le suivre. Maintenant, je peux dire aussi que nous avons un programme de formation des policiers autochtones également, pour lequel nous dépensons un certain montant.
Deuxième niveau où la formation est importante, c'est au niveau de la prévention des incendies. Nous avons, comme vous le savez, un institut de formation, l'IPIQ, je crois, qui est l'Institut de formation...
Une voix: Le Centre de formation...
M. Ménard: Le Centre de formation... Mais est-ce qu'il est à Laval?
Une voix: ...
M. Ménard: En tout cas. Nous avons une école de pompiers. Ha, ha, ha! Non, mais... Et puis, les municipalités n'étaient pas obligées d'engager des gens qui étaient formés. Alors, ça, ça a déjà été corrigé par un de mes prédécesseurs. Tant mieux. Et puis il y a des domaines, quand même, où nous avons fait des progrès sur le plan de la protection de la vie humaine. Je pense que nous nous comparons avantageusement aux territoires qui nous entourent, sur le plan du nombre de morts dans les incendies. C'est-à-dire que nous n'en avons pas plus qu'ailleurs, par rapport à notre population. Je pense que, là-dessus évidemment, c'est la progression des détecteurs de fumée qui a permis de réaliser ces progrès. C'est le progrès le plus important, plus évidemment l'amélioration architecturale et les règlements municipaux.
Mais là où nous avons vraiment une faiblesse et qu'il faut compenser, et il faut comprendre que le coût, ça pourrait se traduire... si ça peut se traduire par une légère augmentation fiscale, ça va être largement compensé par la diminution des primes d'assurance, c'est dans la protection des biens. Nous avons des pertes matérielles dues aux incendies beaucoup plus grandes qu'en Ontario, et ça, c'est parce que là... En tout cas, c'est un domaine qui est à repenser.
Et nous avons actuellement en élaboration une politique de la formation en incendie. Il y a d'ailleurs eu plusieurs rapports du coroner qui ont relevé des lacunes chez des organismes locaux. Je peux dire qu'il y a des domaines où c'est... Montréal, de façon générale, a un excellent corps de pompiers. Et d'ailleurs, des pompiers de Montréal, comme des pompiers permanents, ne passent pas la majorité de leur temps en intervention. Ce n'est qu'une portion infime de leur temps qui est passée en intervention, en lutte propre aux incendies. La majorité du temps est passée dans la prévention, et ça donne d'excellents résultats. Mais, pour ça, ça demande du monde qui est formé. Là aussi, donc, nous avons beaucoup de formation.
Il vient se développer un nouveau champ de formation en sécurité civile où, là, nous devrons assumer des responsabilités. Mais je pense que déjà il y a le collège d'Ahuntsic qui a développé avec l'ENAP un programme complet de formation de base en matière de sécurité civile qui comprend neuf cours de niveau collégial et qui s'adresse particulièrement aux acteurs en matière de sécurité civile, et aussi deux cours de niveau universitaire qui sont orientés vers les décideurs en matière de sécurité civile. C'est un programme qui a débuté en 1995-1996 et qui va être largement diffusé. Il y a aussi un programme du Collège canadien de protection civile, un programme qui a été élaboré et qui a été complété au cours de l'année 1997.
Donc, au 31 décembre 1998, la formation dispensée au niveau collégial va dépasser 3 000 participants, alors qu'à l'ENAP elle en compte déjà plus de 1 000. Donc, ça fait 4 000 personnes actuellement au Québec qui sont en formation en sécurité civile. C'est un des éléments, évidemment, qui va nous permettre de remplir plus efficacement le mandat qui nous est indiqué par le rapport Nicolet.
Mais vous avez raison de soulever la question. Où que je regarde, l'une des solutions, c'est la formation, que ce soit en matières policières, je dirais que ça va être la même chose en matière de services correctionnels aussi, en matière de lutte aux incendies, en matière de sécurité civile. La clé vers le progrès et les excellents résultats que ça peut nous donner, c'est basé largement sur la formation.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de...
M. Paquin: Je pose d'autres questions parce que j'ai d'autres questions à poser, toujours sur la formation. Je sais que peut-être mes collègues du législatif auraient des questions incidentes.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, j'ai deux demandes, le député de Saint-Laurent et le député de Nicolet-Yamaska, dans l'ordre.
M. Paquin: Alors, il me fait plaisir de vous donner l'occasion de poser des questions incidentes, sans tout de même perdre l'occasion de continuer mes questions par la suite, s'il vous plaît.
Formation des enquêteurs de police
M. Dupuis: Je remercie, M. le député. M. le ministre, vous dites qu'au niveau de la formation policière vous avez fait votre lit, vous estimez que la formation des enquêteurs est primordiale, vous estimez que les recommandations du rapport Poitras à ce sujet-là devraient être suivies et vous avez indiqué - je pense que ça va faire l'affaire de Mme Gagnon-Gaudreau et de M. Girard, qui sont présents - que vous entendiez donner un rôle accru à l'Institut de police en ce qui concerne cette formation.
Évidemment, la formation des enquêteurs procède de deux espèces de connaissance, une connaissance de nature policière en enquêtes criminelles, par exemple, et une connaissance du droit. Est-ce que, dans votre esprit, vous faites la différence entre les deux niveaux de connaissance: le niveau de connaissances policières et le niveau de connaissances de droit? Première question. Et vous m'avez indiqué par un signe de tête qu'on s'entend, là, je pense qu'on est d'accord là-dessus. Pour ce qui concerne les connaissances de droit, est-ce que vous songeriez à suggérer que le réseau des procureurs de la couronne soit utilisé à escient en ce qui concerne la formation au niveau des connaissances du droit?
Une voix: ...
M. Dupuis: O.K. Alors, est-ce qu'au niveau des connaissances du droit vous estimez que le réseau des procureurs de la couronne pourrait être utilisé à escient, au même titre et, par exemple, en employant des conseillers juridiques, comme c'est le cas à la Sûreté du Québec, en nombre limité? Pour ce qui concerne la partie des connaissances policières pour lesquelles vous pourriez confier un mandat particulier à l'Institut de police du Québec, est-ce que vous entendez revoir évidemment le financement de l'Institut de police pour être conséquent avec les mandats que vous pourriez lui accorder?
M. Ménard: C'est évident que, dans les plans qu'on m'a présentés, il va devoir y avoir des déplacements budgétaires. Mais, justement là-dessus, le rapport Corbo nous indique la façon de le faire qui coûterait le moins cher, je veux dire, qui donnerait le meilleur rapport qualité-prix, en utilisant justement le réseau de l'Université du Québec, qui est répandu à travers le territoire et qui, par conséquent, pour les corps de police qui veulent envoyer des gens en formation, va limiter beaucoup les frais de déplacement et beaucoup de frais qui sont afférents à la formation que les corps policiers peuvent donner. C'est sûr que je ne vous annonce pas demain matin qu'il va y avoir une augmentation de taxes. Il va falloir tout réaliser ça à l'intérieur de la poursuite, non plus, du déficit zéro, mais de la nécessaire diminution de certains impôts, particulièrement l'impôt sur le revenu. Mais je pense qu'il y a...
Mais, pour répondre aussi à une autre de vos questions, on songe à utiliser... mais on ne fait pas rien qu'y songer, je veux dire, on utilise déjà les procureurs de la couronne... On utilise même certains avocats de la défense, ce n'est pas mauvais - ha, ha, ha! - pour former les policiers, eux qui sont habitués à chercher à déjouer.
Mais il n'y a pas, dans la formation qui doit être donnée, que l'aspect légal. L'aspect légal est certainement important, mais il y en a d'autres. Il y a un aspect de psychologie. Je vous signale que nous appliquons, au Québec, comme le suggérait le rapport Poitras d'ailleurs, la formule Reid dans les interrogatoires qui sont vidéographiés. Mais vous avez vu dans le rapport Poitras qu'ils ont quand même certaines hésitations et qu'ils disent qu'il faudrait créer un comité qui étudierait les moyens psychologiques d'obtenir des déclarations. Et ça, je pense que je vais le faire.
(12 h 10)
Quand j'en ai parlé à des gens - là, je vais peut-être trop loin, mais, comme c'est anecdotique, c'est intéressant - vous savez, on m'a signalé qu'il y a au-delà de 100 personnes qui, au début du siècle, s'étaient déclarées coupables de l'enlèvement du fils de Charles Lindberg. Alors, ensuite, moi, je reste convaincu que la psychologie et la psychiatrie sont des sciences qui ont été développées pour aider les gens dans un aspect curatif et non dans un aspect de manipulation. C'est pour ça que je suis quand même très sensible à cette question-là.
Je ne veux pas que la psychologie soit utilisée comme un outil de manipulation des gens et certainement pas pour les amener à faire des déclarations de crime dont ils ne sont pas coupables. Mais il faudra accepter que dans l'avenir il y ait chez les enquêteurs divers types... Alors, le droit en est une, la comptabilité est une autre évidence, la connaissance de l'informatique et la compréhension de l'informatique, des gens qui auront fait de la sociologie aussi, de la criminologie, qui ont une base pour comprendre les fonctionnements de la société, comment naît le crime, comment le déceler, comment empêcher son développement, comment l'enquêter aussi, alors une large formation générale, un peu comme vous l'avez aussi, je pense, pour les officiers dans l'armée. Puis on voit quels résultats ça peut donner à l'étranger aussi.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Nicolet-Yamaska.
Situation et orientations de l'Institut de police du Québec
M. Morin: Merci, M. le Président. Vous comprendrez, M. le ministre, que, quand il est question de l'Institut de police du Québec, ça m'intéresse particulièrement, puisque c'est à Nicolet. J'étais content d'entendre vos remarques tantôt. Et c'est sûr que, depuis 1969 que l'Institut de police est établi à Nicolet, pendant un certain nombre d'années, il y a eu des craintes qui se sont exprimées de la part de la population: Est-ce que l'Institut va demeurer à Nicolet? Est-ce qu'on va garder notre Institut? Je pense que c'est assez rassurant de vous entendre.
Et aussi, voilà quelques années, on avait eu des informations comme quoi il se donnait de la formation à distance, et la population aux alentours de Nicolet et celle de Nicolet aussi craignaient, à ce moment-là, de perdre un peu de son achalandage au niveau des étudiants. J'aimerais savoir si vous avez, mettons, des chiffres, au niveau de l'achalandage depuis un certain nombre d'années, qui bonifieraient ou qui aideraient, autrement dit, l'Institut de police, qui prouvent qu'il fonctionne bien. Tantôt, on a parlé de financement. Depuis la loi 77, je pense que son financement est assuré dans une certaine mesure.
Et peut-être le dernier volet de ma question: Suite au rapport Corbo, il y avait un voeu qui s'était exprimé à propos que l'école de police ou l'Institut de police de Nicolet devienne l'École nationale de police. Est-ce que vos réflexions sont avancées là-dessus? Est-ce qu'on peut s'attendre à une réponse positive dans ce cas-là?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le ministre.
M. Ménard: Oui. Alors, pour l'achalandage, oui, effectivement - je pense que c'est dans les réponses qui sont données par écrit - j'ai des statistiques qui sont données et je vois que partout c'est en augmentation. Alors, disons, il y a trois catégories: sessions de formation, inscriptions et puis le nombre de jours-personnes de formation.
Dans les sessions de formation, on est passé, en 1993-1994, de 61 à, l'année suivante, 87, l'année suivante, 119, l'année suivante, 189, pour arriver à 250 en 1997-1998. Les inscriptions sont passées, si je pars de 1993, de 969 à 1 126, 1 465, 2 350, 3 110. Donc, vous voyez continuellement la progression. Le nombre de jours-personnes de formation, je pense qu'on a commencé à les compter juste en 1995, parce que, là, probablement que ça complète les formations qui sont données non seulement aux aspirants policiers, mais aussi aux policiers qui existent déjà. Puis il y a beaucoup de cours qui ont été organisés. Il y a des cours d'enquêteurs, il y a des cours sur la gestion des enquêtes, il y a des cours de gestion policière. Et puis il y a de nombreux séminaires qui sont organisés là sur des formations plus pointues, comme l'ivressomètre, entre autres, mais aussi sur d'autres choses. Alors, depuis 1995, on est passé de 10 931 à 17 081, pour finalement, l'an dernier, arriver à 18 525. Donc, on voit que c'est un institut qui est en progression, et c'est normal parce que c'est de côté-là que les besoins se font le plus sentir, et aussi que, je pense, c'est une - comme je le disais tout à l'heure - des clés de la progression de...
Maintenant, vous me demandiez si notre réflexion était terminée quant à l'École nationale de police. Je vous dirai franchement qu'à première vue ça m'apparaissait un changement de nom pour un changement de nom. Mais, quand j'ai entendu puis quand j'ai vu M. Corbo puis quand j'ai discuté avec lui, il m'a à peu près convaincu que ce serait probablement une bonne chose. Ça établirait le niveau... Et, vous savez, c'est comme ça qu'on a créé des grandes écoles au Québec, comme ils l'ont fait en France aussi, un peu sur le modèle français. On a créé d'abord l'École polytechnique, mais qui pourtant était... On a créé l'École des hautes études commerciales.
Je pense qu'on est rendu effectivement, si on veut vraiment marquer le rôle, comment dirais-je - c'est parce que je ne veux pas humilier les universités, que je respecte énormément - de planification, d'organisation, d'orientation, d'utilisation optimum des ressources que nous avons dans le système d'éducation et qui peuvent nous aider à avoir une meilleure police... Bien, ce rôle-là, je pense qu'il serait mieux marqué si nous, effectivement, créions à partir de l'Institut de police une véritable école nationale. Donc, j'ai été convaincu.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Saint-Jean.
M. Paquin: Du côté de la formation des policiers, on est appelé à avoir de plus en plus d'entrées latérales au niveau des corps policiers. Est-ce que le programme de formation est déjà un peu dessiné, esquissé pour... Parce qu'il y en aura de plus en plus, je pense. Tantôt, la question qui était posée ou les autres réponses que vous avez pu donner... il y en aura de plus en plus. Donc, quel genre d'encadrement et de formation? Ce ne sera pas le même genre de formation que reçoivent les policiers qui, après avoir eu une formation policière puis avoir grandi dans l'action quotidienne, vont faire une formation pour acquérir plus de connaissances dans un domaine sectoriel. Là, vous avez des gens qui sont très formés sectoriellement qui viennent s'inscrire. Et, à ce moment-là, comment on les forme pour que, finalement, il y ait un corps policier où tout ce monde-là soit bien intégré?
M. Ménard: Alors, effectivement, on les forme d'une façon particulière. Je vais laisser Mme Louise Gagnon-Gaudreau, qui est directrice de l'Institut de police du Québec, vous exposer cette formation.
Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): Alors, le choix qui se dessine présentement au niveau des entrées latérales, il n'y a pas tellement de changement au niveau du recrutement et de la sélection du personnel. On va chercher des gens qui sont spécialisés pour un jour les amener peut-être plus rapidement aux enquêtes. Sauf que le choix qui se fait ici, c'est en fonction de... On commence le métier de policier comme patrouilleur et, après ça, on s'en va aux enquêtes ou on s'en va gestionnaire. Et, à ce moment-là, ça veut dire que la formation de base ne doit pas changer.
Quand on questionne les gens, les organisations policières ou tous ceux qui connaissent la question policière, ils disent: Le cheminement actuel, au Québec ou au Canada, c'est le meilleur. Qu'on aille chercher, par exemple, un spécialiste en informatique, en comptabilité puis un jour qu'on veuille en faire un expert en enquêtes, on se dit qu'il doit d'abord commencer à la base du métier, c'est-à-dire patrouilleur.
Et ce qu'on trace comme chemin présentement en formation, même s'il a un diplôme universitaire, on l'envoie dans une formation qui devrait se faire de façon accélérée au cégep, qui est une formation préalable aux 13 semaines de formation de base à l'Institut de police du Québec. Et, à la suite de ça, il est promu. Il s'en va travailler dans l'organisation policière. Et là l'organisation policière qui veut en faire un enquêteur... La personne devra revenir en formation, normalement, pour être enquêteur. Alors, c'est le cheminement qu'on devrait poursuivre. Mais on est tous d'accord pour avoir des entrées latérales, mais à la condition que le chemin de carrière demeure le même.
M. Ménard: C'est quand même un cours particulier qu'on a préparé pour eux au cégep?
Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): Oui.
(12 h 20)
M. Ménard: Il ne dure pas le même temps.
Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): Oui, oui. Il y a un Diplôme d'études collégiales en techniques policières qui dure trois ans. Maintenant, pour ceux qui proviennent des universités, on regarde leur dossier, on crédite certaines formations qu'on peut créditer, et le programme, maintenant, il est à 24 semaines, mais de façon continue. Alors, ils vont le faire beaucoup plus rapidement que trois ans.
M. Ménard: Alors donc, je pense qu'on arrive à 37 semaines de formation, puis effectivement... Bon. D'abord, quand les entrées latérales seront... D'abord, on a des besoins urgents dans ce domaine-là, alors là on va... Mais je pense que le plan, c'est que, quand les entrées latérales vont avoir pris leur vitesse de croisière, l'on s'attend quand même à ce que les gens passent au moins deux ans sur la patrouille, c'est ça?
Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): Oui, oui.
M. Ménard: ...avant d'accéder au stade d'enquêteur. Maintenant, je pense que, pour le moment, on va laisser ça à la discrétion des corps policiers qui nous les envoient, parce que les besoins sont criants dans certains domaines. Mais, malgré que les besoins soient criants, on s'assure quand même de 37 semaines de formation intensive avant que ces diplômés universitaires puissent devenir policiers, à laquelle il faudra ajouter la formation d'enquêteur.
Formation en protection contre l'incendie
M. Paquin: Il y a eu des pas qui ont été franchis, notamment avec l'institut de formation et de protection des incendies, mais il reste des points qui, en tout cas, étaient sur la table déjà dans les années antérieures concernant la formation dans les risques technologiques, particulièrement dans les feux complexes, les feux chimiques avec des composantes électriques, et tout ça. Donc, il y avait des éléments de programme, des éléments de contenu. Surtout, dans une société qui est de plus en plus technologique, où les risques sont de plus en plus diversifiés, c'est beau de faire des plans d'urgence, mais il faut, sur le terrain, des personnes qui sont formées adéquatement pour faire face à ce genre de problématiques qui peuvent intervenir en tout moment. Donc, du côté de la formation, du côté de la protection incendie, c'est quoi, les développements dans le domaine notamment de la contention des dangers technologiques, des interventions notamment dans les feux complexes?
M. Ménard: Là-dessus, vous avez parfaitement raison. Et M. Crépeault va vous répondre. Mais, avant qu'il vous réponde, je veux signaler la problématique comme je la vois. Quand on parle que les pompiers formés passent la majorité de leur temps à faire de la prévention, alors, ça veut dire qu'en dehors des grands centres ça suppose que les gens qui ont la responsabilité de lutter contre l'incendie connaissent d'avance les dangers qu'ils pourraient avoir à rencontrer.
Par exemple, ils doivent connaître les usines, les installations agricoles et les éléments de machinerie ou les éléments de sources d'énergie qui sont accumulés là, comme les réservoirs importants. Ils doivent savoir comment, si jamais ils ont à lutter dans un incendie, ils ont à se présenter sur les lieux, ils doivent agir. Et, s'ils ne le savent pas, ils doivent demander la formation pointue qu'on devrait leur donner pour le problème particulier ou savoir qu'il faut faire appel à quelqu'un d'autre.
C'est ça que la prévention donne, par rapport à l'intervention avec la meilleure volonté du monde, mais soudainement en allant soi-même s'exposer à des dangers que l'on ne soupçonnait pas. Je pense que c'est ce que nous ont révélé les enquêtes du coroner qui ont eu à examiner les pertes déplorables de pompiers en action. Si effectivement nous avons à travers le Québec des corps de pompiers, partout il devrait y avoir un noyau... C'est sûr qu'on ne pourra jamais se passer des pompiers volontaires dans certaines régions du Québec. Mais il doit y avoir partout un noyau de permanents qui a fait l'inventaire de ces risques et qui sait, si le sinistre que personne ne souhaite se produit dans tel endroit, comment on va intervenir en protégeant la vie de ceux qui vont intervenir. Mais M. Crépeault, je pense, peut vous donner des détails de la formation qui est donnée.
M. Crépeault (Luc): Oui. D'abord, en ce qui concerne l'inventaire des risques, je pense que, surtout en milieu rural, il y a beaucoup d'améliorations à apporter là-dessus. Et, via nos soutiens aux MRC et des projets-pilotes qu'on a faits, notamment à Matapédia et à Nicolet-Yamaska, on est en train, à partir de ces deux projets-pilotes là, d'améliorer la prévention, ce qui inclut nécessairement l'identification des risques et tous les problèmes reliés.
Maintenant, en ce qui a trait à la formation spécifique, dans les modules de base de la formation pompier, il y a un 45 heures qui s'adresse spécifiquement à cet aspect-là des matières dangereuses et comment travailler dans ces situations-là. Bien sûr, une fois qu'on a la connaissance du comment, il faut connaître que le risque existe. Et, la plupart du temps, c'est ça qui arrive quand on se présente sur les lieux, les unités incendie n'ont pas toute l'information sur la nature des dangers qui les attend.
En ce qui concerne les pompiers permanents, on greffe, en plus de ce 45 heures de base là, un nouveau bloc, pour les pompiers permanents, ce qui oblige donc à avoir une très bonne connaissance des risques qu'ils ont à affronter. Le ministère lui-même émet aussi des lignes directrices concernant cet aspect-là, et à tous les corps de pompiers existants. Donc, on essaie, par la convergence de ces actions-là, de pallier un peu à cette situation très dangereuse.
M. Paquin: ...est vraiment amorcé de ce côté-là.
M. Crépeault (Luc): Si on prend les lignes directrices, ce sont des choses concrètes, un papier, donc, que j'ai ici, qu'on émet et qu'on révise régulièrement. S'il y a de l'apprentissage par des enquêtes, que ce soit au Québec, au Canada ou aux États-Unis, qui nous dévoilent, disons, dans le cas du gaz propane, des nouvelles façons d'agir, tout de suite, nos lignes directrices, on les amende. Et on est en contact, on diffuse en réseau à tous les corps de pompiers qui sont au Québec. Donc, ça, c'est quelque chose de concret.
Avec les projets-pilotes, ça va nous permettre de voir et de cibler deux aspects importants, soit la formation et la mise en commun, mais surtout dans le secteur des pompiers dits à temps partiel où la problématique est plus grande que dans les pompiers permanents, où on a déjà un règlement qui oblige d'avoir, pour entrer comme pompier permanent, une formation adéquate, dont le 45 heures de base sur les matières dangereuses fait partie, plus un autre bloc complémentaire... Donc, tout est à arrimer. Maintenant, il y a encore beaucoup de pas à faire, mais la base est là, et puis on progresse régulièrement.
M. Paquin: Un autre volet très important au niveau de la formation...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Saint-Jean, nous avons déjà consacré plus de 30 minutes à cette question. Je vous autoriserais une dernière question, pour donner la chance également aux autres députés de poser des questions.
Formation des élus municipaux
M. Paquin: Je comprends. Alors, je vais la dessiner ainsi. Un dernier volet, donc, qu'on abordera maintenant au niveau de la formation, c'est la gestion des risques, la gestion des crises par les élus, encadrement, formation des personnes, des premiers intervenants. Par exemple, au campus du Fort Saint-Jean, où vous avez d'ailleurs délégué votre sous-ministre, il y a un institut de créé. Il y a déjà de la formation universitaire qui se donne à ce niveau-là. Il y a aussi des formations ponctuelles. Arnprior est fermé, là.
Bon. À toutes fins utiles, qu'est-ce qui s'en vient pour aider les élus qui vont être des intervenants? On le sait maintenant, je pense qu'on a vécu suffisamment de situations pour savoir que les élus municipaux vont être des intervenants extrêmement importants. Alors, qu'est-ce qui s'en vient au niveau de la formation pour la gestion de risques, la gestion de crises?
M. Ménard: Très sommairement, je pense que je ne pourrais que répéter ce que j'ai vous dit tout à l'heure et qui concluait qu'il y a actuellement 4 000 personnes en formation au Québec en sécurité civile. Alors, c'est les cours qui ont été développés par le collège d'Ahuntsic, par le Collège canadien de protection civile et par l'ENAP, qui sont ceux... Oui, M. Crépeault?
M. Crépeault (Luc): Les 1 000 décideurs.
M. Ménard: C'est ça. Là-dessus, il y a 1 000 décideurs qui sont actuellement en cours, oui.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, Mme la députée de Sauvé, pour votre question?
Utilisation des travailleurs de rue pour prévenir la délinquance
Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Je voudrais m'entretenir avec M. le ministre, que je salue, de la question de l'importance du travail de rue en matière de prévention de criminalité, non seulement de criminalité, mais aussi en matière de prévention de vandalisme, de délinquance, et aussi un peu pour le contrôle du phénomène des gangs de rue. Je dois vous parler de ça au lendemain de circonstances très malheureuses au Colorado, donc aux États-Unis, au lendemain d'une tuerie importante faite par des jeunes dans une école secondaire, des jeunes qui, semble-t-il, selon les dernières nouvelles, appartenaient à des gangs.
(12 h 30)
Dans ma circonscription, dans la circonscription de Sauvé, à la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix, il y a eu malheureusement des événements, pas aussi - ça, c'est heureux - importants ou malheureux que celui d'hier au Colorado, mais tout de même des événements violents mettant en scène des gangs de rue. Ça s'est passé dans des cours d'école, et il y a même eu mort violente. Heureusement, grâce au dynamisme du milieu communautaire de la circonscription de Sauvé, la table de concertation jeunesse s'est penchée sur cette question, a bien étudié le problème et a identifié une solution, à savoir de mettre en place des travailleurs de rue pour prévenir des actes de vandalisme ou encore des actes criminels. Depuis maintenant 1992, un organisme est en place. L'organisme s'appelle RIRE Jeunesse, et on a constaté des résultats. Il y a nettement diminution des actes violents en ce moment dans la circonscription de Sauvé, même si malheureusement le sentiment d'insécurité de la population reste assez élevé. En fait, selon les statistiques de la police de la communauté urbaine, ça demeure le niveau d'insécurité le plus élevé sur l'île de Montréal, au niveau de la population.
Cet organisme, donc, obtient des résultats intéressants, mais les organismes comme ça, de travailleurs de rue dans le domaine de la prévention de la criminalité, du vandalisme, de la délinquance, ne bénéficient pas d'un financement adéquat et récurrent de leurs activités, ce qui fait donc en sorte que, par exemple, l'organisme RIRE Jeunesse dans ma circonscription fonctionne difficilement, de quatre mois en quatre mois, et est très souvent menacé de fermer ses portes ou encore doit faire des changements d'effectif parce qu'il fonctionne sur des programmes, et ça fait en sorte que le lien de confiance que le travailleur de rue établit avec le jeune est facilement rompu, puisqu'on doit changer les effectifs.
Je vais vous donner des exemples de résultats obtenus. Par exemple, il y avait bien sûr des graffiteurs, on connaît ça en milieu urbain, donc les boîtes postales, les murs et fenêtres d'édifices publics étaient très souvent... donc on mettait très souvent des graffitis. Grâce à des interventions, par exemple, de RIRE Jeunesse, ces graffiteurs se sont transformés en équipes artistiques et vont maintenant plutôt faire des murales avec le soutien de la municipalité de Montréal-Nord. Également, à chaque été depuis 1992, on produit un tournoi de basketball qui, c'est assez phénoménal, met en présence des membres de gangs de rue adversaires mais qui, dans ce cadre de cette fin de semaine, réussissent à jouer avec fair-play à un tournoi de basketball.
7Ma question, donc, c'est: Quelle est votre sensibilité et votre volonté d'utiliser le travail de rue comme outil de prévention de la criminalité? Et plus spécifiquement, je m'intéresse bien sûr aux crédits et peut-être à deux volets possibles: Quelles sont vos intentions, et quels seront vos critères au niveau de l'utilisation du 25 % de la vente des produits de la criminalité? On sait que 25 % devrait être consacré au milieu communautaire. Quels sont les critères, et quelle est votre volonté de reconnaître l'importance du travail de rue dans ce volet-là?
Également, on m'a mentionné qu'il y aurait eu signature d'un protocole d'entente avec le gouvernement fédéral concernant une stratégie nationale de la prévention de la délinquance. J'aimerais savoir si cette entente a bel et bien été conclue, un protocole signé, et quelle est l'ampleur de l'enveloppe budgétaire dévolue au Québec? Quels sont également les critères, les orientations, en fait, de votre ministère concernant cette enveloppe sur la prévention de la délinquance, et si, à l'intérieur également de cette enveloppe, vous avez l'intention de reconnaître les organismes de travailleurs de rue?
M. Ménard: Alors, la réponse est oui. Je crois dans le rôle utile des travailleurs de rue. J'ai connu d'ailleurs moi-même des travailleurs de rue, quand j'étais sur le conseil d'administration du Bureau de consultation jeunesse à Montréal, qui s'occupaient du centre-ville de Montréal, de tous les gens effectivement dont les services sociaux ne pouvaient pas s'occuper. En gros, c'était ça. Et c'est difficile à définir ce que c'est qu'un travailleur de rue ou une travailleuse de rue - parce qu'il y a aussi des travailleuses de rue - mais, essentiellement, ce sont des gens qui vivent dans les milieux les plus défavorisés, dans les milieux délinquants, dans les milieux des itinérants et qui trouvent des solutions individuelles, individualisées aux gens qui sont là.
Oui, ils vont jouer un rôle important dans la prévention, mais j'avertis tout de suite les corps policiers qu'ils ne doivent pas considérer les travailleurs de rue comme des délateurs, comme des gens qui vont les informer sur le crime, sur les gens qui vont commettre des crimes, sinon ils vont perdre leur crédibilité puis c'est une source qui va se tarir, mais, par contre, ils doivent avoir confiance dans les travailleurs de rue - et qui n'ont rien du profil policier, soit dit en passant, n'est-ce pas? - qui ressemblent beaucoup à la clientèle dont ils s'occupent, physiquement dans leur costume et dans leur façon de vivre.
Mais, pour comprendre les phénomènes de criminalité, pour savoir parfois comment agir pour désamorcer des situations génératrices de violence, oui, ils peuvent compter sur les travailleurs de rue, mais certainement pas pour qu'ils leur dénoncent qui trafique de la drogue puis qui en prend, etc. Sinon, ils perdent leur crédibilité, leur possibilité d'agir. Donc, tout le budget que nous allons obtenir des produits de la criminalité, en fait, c'est ça, des produits de la criminalité, tout le budget va être consacré à des organismes communautaires. Et je pense que les travailleurs de rue constituent un élément important.
Du côté fédéral, c'est vrai qu'il y a un budget d'au-delà 6 000 000 $, je pense, entre 6 000 000 $ et 7 000 000 $, qui va nous échouer. Alors, ça va nous permettre d'ajouter beaucoup de budget à cet élément de prévention. Je ne dis pas, là, que ça va aller nécessairement exclusivement à des organismes communautaires, mais certainement qu'il y en a une bonne partie. Je pense que Me Denis Racicot, qui est le directeur, justement, de la Direction sécurité et prévention du ministère et qui est sous-ministre associé au ministère de la Sécurité publique, peut donner une idée de la proportion des budgets.
M. Racicot (Denis): Merci. Alors, effectivement il y a une entente qui a été signée avec le gouvernement fédéral, qui nous permet d'avoir à notre disposition 6 700 000 $ par année pour distribuer aux organismes communautaires, surtout en regard de projets spécifiques et non pas nécessairement du financement d'organismes comme tels, mais des projets voués à la prévention qu'un organisme pourrait mettre sur pied. Nous tenons à préciser que tout le montant d'argent dont on parle, comme le disait M. Ménard, va être distribué aux organismes, il n'y a rien qui est retenu pour la gestion, l'administration de ce régime-là.
Il y a aussi les produits de la criminalité. Dans les deux cas, il y a des discussions à avoir, surtout dans le dernier cas plus particulier parce que ce n'est pas une entente fédérale-provinciale, avec la SACA pour déterminer ensemble les critères pour distribuer ces sommes d'argent là qui, il faut le dire, peuvent varier d'une année à l'autre. Les produits de la criminalité, ce n'est pas récurrent en termes de montants. Les deux programmes sont également régis en collaboration avec la SACA pour s'assurer que les argents sont bien investis auprès des organismes communautaires.
Mme Beauchamp: Je vais céder la parole...
M. Ménard: Pour revenir à une première remarque que vous aviez faite aussi, je veux simplement ressortir la relation à l'événement épouvantable qu'on a vécu hier. Je pense que tout le monde, encore une fois, réalise pourquoi. C'est quoi, la différence entre les États-Unis et le Canada? Alors que généralement les enquêtes démontrent, contrairement à ce qu'on pourrait penser, que la criminalité est comparable dans les deux pays, il y a une grosse différence, c'est les taux d'homicides. Les taux d'homicides, je les ai depuis 1987, mais la moyenne, c'est 8,8 homicides par 100 000 habitants aux États-Unis; au Canada, en moyenne, c'est 2,3. Alors, voyez-vous, c'est presque quatre fois plus élevé aux États-Unis. Demandez-vous pourquoi. C'est évident que c'est la facilité d'accès aux armes à feu.
(12 h 40)
Et le fait qu'avec la loi que nous allons appliquer, la loi fédérale, avec laquelle je suis entièrement d'accord, les gens qui vont contrôler les armes à feu pour des fins légitimes seront toujours sensibilisés aux dangers. Et la culture des armes à feu qu'il y aura dans ce pays sera une culture que les armes à feu, ça peut être des armes de collection intéressantes pour le passé, ça peut être utilisé pour la chasse, mais c'est quelque chose de dangereux. Ce n'est pas une culture qui fait que les armes à feu peuvent être utilisées contre les humains, sauf dans des circonstances exceptionnelles comme la guerre. Alors, je pense que, là, nous avons encore une fois cet exemple.
Et l'autre chose qu'il est important de dire, c'est que les gens pensent toujours que ce sont les plus grands bandits qui utilisent les armes à feu le plus. Ce n'est pas vrai, et on le voit, là. C'est vrai qu'on me dit que c'est les «Trench Coat Mafia», mais on voit bien, puisque c'était une entreprise suicidaire, que ce n'était pas du crime organisé dans le sens que l'on voit des gens qui contrôlent des trafics illégaux pour empocher des profits faramineux; bien, non, c'est des gens qui, de toute évidence, ont des problèmes. Mais la majorité des homicides sont commis par des gens désespérés à la suite de querelles - de querelles entre voisins, entre familles, etc. - et c'est pourquoi la limitation des armes à feu, ça, c'est un bien social évident; quand on diminue l'accessibilité aux armes à feu, on diminue le taux d'homicides.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Saint-Laurent, pour une question complémentaire sur ça.
Utilisation des produits de la criminalité saisis
M. Dupuis: Oui, sur le même sujet, M. le ministre. Je constate que Me Racicot a indiqué que la détermination des sommes d'argent qui allaient être versées aux groupes communautaires se ferait en accord avec le SACA. Je suis heureux de constater que, dans le décret final promulguant le règlement sur le partage des produits de criminalité, le ministre a eu gain de cause sur le SACA quant à l'organisme qui serait responsable de déterminer quels groupes communautaires pourront recevoir des sommes d'argent. Je sais, par mes sources, qu'à l'origine la ministre de la Justice avait déposé un mémoire au Conseil des ministres qui suggérait que ce soit le SACA qui soit responsable de la détermination des organismes, et je sais que Me Audet a fait des représentations auprès du chef de cabinet du premier ministre pour que ce soit plutôt le ministère de la Sécurité publique; je constate qu'il a eu gain de cause, à moins que je ne me trompe.
Maintenant, évidemment, vous savez que se sont créés au fil du temps, depuis qu'on a annoncé cette lutte au crime organisé, les saisies, le blocage des produits de la criminalité et qu'on a dit avec le temps qu'on allait diviser ou qu'on allait remettre les produits de la criminalité ou le produit de la vente de ces biens à divers organismes, qu'il y a des appétits qui se sont élevés, notamment évidemment les corps policiers qui participent aux enquêtes qui donnent lieu aux saisies et les groupes communautaires, groupes communautaires, dans le cas qui nous occupe, qui s'occupent particulièrement de prévention auprès des jeunes. Alors, est-ce que vous êtes assez avancés dans la poursuite des travaux pour déjà connaître les critères en vertu desquels le choix va se faire pour ce qui concerne les groupes communautaires qui seront admissibles aux sommes d'argent?
D'abord, est-ce que vous savez déjà de combien d'argent on parle? Il y a combien dans la cagnotte, une fois qu'on a soustrait les dépenses pour les procureurs de la couronne, etc., qui s'occupent de ces causes-là? Il reste combien d'argent en tout dans cette cagnotte-là - j'emploie l'expression à escient, mais ce n'est pas une expression qui doit être retenue comme étant préjudiciable à l'endroit de qui que ce soit - il y a combien d'argent? Je sais qu'on va séparer 50 %, les corps de police, 25 %, les victimes d'actes criminels, 25 %, les groupes communautaires. Il y a combien d'argent en tout? Première question.
M. Racicot (Denis): Alors, c'est le ministère de la Justice qui va nous indiquer les montants, on n'a pas encore eu le montant. On estime, pour les groupes communautaires, environ 400 000 $.
M. Dupuis: 400 000 $.
M. Racicot (Denis): 400 000 $. C'est à se voir confirmer, là, par le ministère de la Justice, compte tenu que l'adoption du décret est quand même récente. Pour les critères...
M. Dupuis: Me Racicot, si vous me permettez de vous interrompre, 400 000 $ pour les groupes communautaires, qui représenteraient 25 % de la cagnotte totale? Honnêtement, je pense que ça n'a pas de bon sens, c'est très certainement beaucoup plus que ça. Non, mais il y a des argents accumulés, là, c'est depuis 1996.
M. Racicot (Denis): On parle de la distribution du dernier décret, là, alors les sommes sont variables. Mais, encore une fois, je vous l'ai dit, on n'a pas eu du ministère de la Justice la confirmation de ces montants-là, hein, parce que c'est lui qui est le maître d'oeuvre au niveau de la distribution des montants.
M. Dupuis: Mais ça ferait 1 600 000 $ au total, ça ne fait pas de sens, il y avait 10 000 000 $, 12 000 000 $ dans la première année, déjà, selon mon souvenir.
M. Ménard: Il ne faut pas confondre les valeurs, la valeur des biens saisis...
M. Dupuis: Non, non...
M. Ménard: ...parce que vous savez que...
M. Dupuis: ...je sais ce que vous voulez dire: une motocyclette...
M. Ménard: ...sur les biens immobiliers, on a de la misère à les vendre. Ha, ha, ha!
M. Dupuis: Non, mais je sais très bien ce que vous voulez dire. C'est évident, la motocyclette qu'on saisit entre les mains d'un Hell's Angels, ce n'est pas nécessairement le prix qu'on va réussir à la vendre, parce que ce n'est pas sûr que les gens veulent se promener dessus nécessairement. Ça, je comprends ça, là, j'ai compris ça. Mais très certainement que ça n'a pas fondu au point où j'entends les chiffres qui sont véhiculés actuellement. Mais je ne vous blâme pas, Me Racicot, si vous ne connaissez pas les chiffres, on ne peut pas vous blâmer.
M. Ménard: On va vous les donner.
M. Dupuis: O.K.
M. Ménard: O.K.? On va s'engager à vous les donner...
M. Dupuis: O.K., c'est beau. Parfait, excellent.
M. Ménard: ...parce que je pense qu'on ne les a pas. Moi, j'avais aussi... je pensais que c'était 1 250 000 $, vous voyez.
M. Dupuis: Ça n'a pas de sens.
M. Ménard: Mais je n'ai pas...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Est-ce que je peux suggérer à ce moment-ci...
M. Ménard: Je peux vous dire que nous sommes la seule province à faire ça, hein?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): ...de passer à la prochaine question de la députée de Sauvé, toujours dans...
M. Dupuis: Bien, c'est parce qu'il n'a pas répondu encore aux critères.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, et on reviendra avec cette information ultérieurement...
M. Ménard: On va vous la donner après les...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): ...et je l'espère, si possible, avant la fin de nos travaux aujourd'hui.
M. Ménard: Ah, si on l'a, mais...
Mme Beauchamp: Merci. Juste revenir sur votre commentaire sur les armes à feu. Je crois que votre commentaire était intéressant. Il faut tout de même souligner que, selon les travailleurs de rue, par exemple, actifs dans ma circonscription, le phénomène de gangs de rue est assez bien contrôlé en ce moment. On croit qu'on a arrêté, j'ai envie de dire l'«approvisionnement en jeunes» dans les gangs de rue. C'est assez contrôlé. Par contre, on a vu un durcissement au niveau des armes: on est passé des armes blanches vers les armes à feu. Donc, il y a quand même... Je ne veux absolument pas avoir un discours alarmiste, ce n'est absolument pas ça que je veux, mais, par contre, il faut quand même reconnaître une certaine réalité.
Moi, je veux revenir sur deux choses. L'importance effectivement du leadership du ministère de la Sécurité publique au niveau des critères qui seront déterminés pour l'utilisation des sommes dont mon collègue parlait, puisque, par exemple, le rôle du travailleur de rue - je pense que vous l'avez vous-même abordé tantôt - ce métier-là, cette profession, si on peut appeler ça comme ça, se retrouve un peu dans un no-man's-land, et vous m'excuserez l'expression anglaise. Mais donc on se retrouve un peu dans... On ne sait pas trop si l'action qu'ils mènent touche avant tout au niveau de santé et services sociaux, au niveau, par exemple, de l'éducation, pour la lutte au décrochage scolaire, parce que les jeunes qu'on retrouve dans la rue sont souvent des décrocheurs.
Par ailleurs, honnêtement, je crois que les plus grands bénéficiaires directs de l'action des travailleurs de rue, ça reste sûrement au niveau de la sécurité publique, puisque très vite on voit des résultats au niveau du contrôle des actes de vandalisme, au niveau des propriétés publiques et privées - ne serait-ce que cet exemple-là - et je crois donc qu'il est important que le ministère de la Sécurité publique garde un leadership certain, même s'il a obtenu la collaboration du SACA, pour fixer ses propres priorités au niveau de la prévention de la criminalité.
Sommes affectées à la lutte contre la délinquance
Moi, je veux revenir au niveau de l'entente conclue avec le fédéral au niveau de la stratégie nationale de la délinquance. Vous m'avez parlé d'un 6 700 000 $ pour des projets spécifiques, je l'ai bien compris. Je le trouve d'autant plus important que l'autre volet, les autres crédits découlant des produits de la criminalité, que ces autres crédits, on puisse les utiliser, eux, pour un financement permanent, en tout cas un peu plus sécurisant, des organismes communautaires oeuvrant en prévention de la délinquance. Mais, sur, donc, ce volet, ce 6 700 000 $ dévolu au Québec, j'aimerais savoir si les critères peuvent être déposés, les critères d'octroi au niveau des projets spécifiques, et quel est l'échéancier également d'application de ce nouveau programme, il devrait être mis en oeuvre quand.
M. Ménard: Je pense qu'il est déjà en marche. Mais, en tout cas, les critères pour la distribution, on est en train de les faire. C'est ça? Alors, on est en train de les faire en collaboration avec le SACA actuellement.
Mme Beauchamp: Est-ce qu'on peut connaître, à ce moment-là, vos orientations?
M. Ménard: Bien, ça, justement, je comptais sur l'expertise du SACA pour nous faire une opinion là-dessus. C'est certain que, quant à moi, les travailleurs de rue, je suis convaincu, mais ce n'est pas que la seule chose, quand même. Et puis...
Mme Beauchamp: M. le ministre, si vous...
M. Ménard: Mais, je veux dire, il y a des choses comme... Bien, enfin, je connais beaucoup d'organismes, comme, je peux vous dire, des choses comme CHOC, le Centre pour hommes colériques et... en tout cas, les hommes qui risquent d'être violents et qui ont des problèmes de violence conjugale. Je vois que ça, c'est un organisme de prévention aussi. Quand on s'occupe des victimes, là, c'est les victimes d'actes criminels. Mais, dans les organismes de prévention, c'est certain que des mesures qui aident des gens à gérer une problématique de violence sont des organismes qui... Mais, encore là, je voulais que ces critères soient établis en collaboration entre mon ministère et le SACA pour qu'il y ait une expertise qui soit échangée.
(12 h 50)
Mme Beauchamp: M. le ministre, excusez-moi, je veux savoir, être certaine que je vous suis bien: c'est donc pour les deux programmes, je vais m'exprimer ainsi, autant pour les produits de la vente des biens issus de la criminalité que pour le programme... les sommes issues du programme national de prévention de la délinquance, que vous souhaitez fixer des critères avec le SACA? Moi, je... Si tel était le cas, je répète mon grand intérêt à ce que le ministère de la Sécurité publique exerce un leadership certain et que vous n'oubliiez pas l'importance accordée par le premier ministre lui-même dans son discours inaugural à toute la question de la jeunesse. Et donc... enfin, j'espère que vous allez donc prendre le leadership, accorder de l'importance non seulement à la jeunesse, mais, comme je l'ai indiqué, à la prévention de la délinquance, entre autres par le travail de rue.
M. Ménard: Mettons les choses claires: tout le montant que nous allons obtenir des produits de la criminalité va aller aux organismes communautaires, en entier. Ça, c'est un engagement que j'ai pris...
Une voix: 25 %.
Mme Beauchamp: 25 %.
M. Ménard: Non, non, tout le montant que nous allons... Ah, oui, pour les fins de la prévention, pas, évidemment, pour les policiers, là. Mais le 25 %, 25 % de la moitié, d'ailleurs, donc c'est 12,5 %. Mais, en tout cas...
Une voix: C'est 25 %.
M. Ménard: En tout cas, tous les montants qu'on reçoit au titre de prévention de la criminalité... à même les produits de la criminalité iront au communautaire. D'autre argent ira au communautaire, qui vient des fonds qui nous viennent du fédéral pour un programme national de prévention. Ça aussi, il va y en avoir qui va aller... Mais, là, là-dessus, je ne m'engage pas à ce que tout ce montant aille nécessairement à des organismes communautaires. Il se peut que nous trouvions des mesures de prévention - d'autres - certaines même qui impliqueront des corps policiers, et que nous allouions ces budgets. Mais ce sera toujours évidemment pour des choses qui devront s'appliquer à la prévention. Alors, c'est clair? Il y a une partie, c'est au complet au communautaire; l'autre partie, il va y en avoir beaucoup pour le communautaire, mais pas entièrement.
Mme Beauchamp: Mais tout ce qui touche le communautaire, c'est en collaboration avec le SACA?
M. Ménard: Tout ce qui touche le communautaire, c'est en collaboration avec le SACA, oui.
Utilisation des produits de la criminalité saisis (suite)
M. Dupuis: Bon, si vous me permettez, est-ce que l'état de vos travaux... êtes-vous dans le même état de travaux en ce qui concerne les règles qui vont régir le partage pour les corps policiers qui ont participé aux enquêtes? C'est-à-dire que ces questions-là ne sont pas encore réglées, c'est ça?
M. Ménard: C'est très simple, c'est les corps policiers qui vont avoir participé, dans la mesure de leur participation.
M. Dupuis: Oui, non, je comprends, mais...
M. Ménard: Maintenant, quand c'est Carcajou, ça va aller à Carcajou.
M. Dupuis: À Carcajou. Et j'imagine, étant entendu que chaque corps policier qui a fait des enquêtes au sein de Carcajou va participer dans le produit... Ce n'est pas simple, ça, là, ça ne se fera pas en criant ciseau, là.
M. Ménard: Non, mais ça va aller à l'escouade elle-même. Alors, ça va permettre peut-être d'avoir plus d'argent pour faire de la filature ou plus d'argent pour l'écoute électronique, ou plus d'argent pour les délateurs, ou plus d'argent pour le temps supplémentaire, ou plus d'argent pour les véhicules, etc., pour les caméras, pour les longues vues, pour l'équipement...
M. Dupuis: Ce que vous êtes en train de dire, c'est que, quand on va faire le partage pour les corps policiers, il y a des enquêtes qui vont avoir été faites par des sûretés municipales du début à la fin, avec arrestation et condamnation, ça, c'est une série d'enquêtes, mais il y a d'autres enquêtes qui vont avoir été faites en collaboration avec des corps de police qui vont avoir agi en collaboration les uns avec les autres. Ça arrive notamment à Carcajou, vous avez raison.
Prenons l'exemple du SPCUM, de la GRC et de la Sûreté du Québec à Montréal, à Carcajou. Alors, vous êtes en train de dire que, lorsqu'on pourra imputer le résultat d'une enquête qui a été faite par Carcajou à Carcajou et que Carcajou sera éligible à venir partager dans le produit des criminalités, l'argent que Carcajou pourra récolter sera envoyé a Carcajou, indépendamment des différentes composantes de Carcajou: c'est ça que vous êtes en train de dire? C'est différent...
M. Ménard: Bien, mettons-le pas plus compliqué que c'est, là. Une chose est certaine, ce n'est pas...
M. Dupuis: Non, je ne veux pas le mettre plus compliqué que c'est. Je vais vous dire une affaire, là, je vais vous dire une chose tout de suite, là, je pense que vous êtes mieux de commencer à y penser, parce que ce n'est pas le critique de l'opposition qui met ça compliqué, tantôt ça va être les gens qui vont venir peser sur la caisse puis qui vont vouloir avoir l'argent. Ça fait quatre ans qu'ils attendent ça.
M. Ménard: Ça, vous avez bien raison, au fond, vous avez raison là-dessus. Mais mettons une chose simple, ce n'est pas une distribution des prix, hein, qui va avoir lieu pour récompenser les escouades. Non. C'est de l'argent que nous allons réinvestir dans la lutte à la criminalité. Et nous allons le réinvestir dans le corps de police ou dans l'escouade qui aura amené... qui aura fait l'enquête et qui aura permis de saisir des argents ou des produits de la criminalité. O.K.?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À ce moment-ci, si on veut permettre au député d'Orford d'avoir un temps raisonnable pour traiter sa question, je suggérerais qu'on passe à la question suivante. M. le député d'Orford.
Dommages causés à la centrale hydroélectrique de Coaticook
M. Benoit: Oui. Merci, M. le Président. Ce sera une courte question, M. le ministre. Il y a quelque temps déjà, une inondation importante dans la région de Coaticook faisait des dommages assez importants. Votre ministère s'est rendu à l'évidence et a indemnisé un bon nombre des réclamations... aux individus ou à leurs biens. D'autre part, la municipalité de Coaticook était propriétaire d'une petite centrale électrique qui fut complètement emportée au moment de ces inondations, laquelle j'ai eu le plaisir ou le... de visiter le lendemain soir avec le maire, M. Langevin, et voir l'état de dégradation de la centrale, qui est non opérante maintenant.
Nous savons tous que, dans des situations similaires, au Saguenay, à titre d'exemple - et il serait important que le ministre comprenne ça - au moment des inondations, les petites centrales ont été payées, il y a eu des indemnisations de faites. Alors, dans la région de Coaticook, vous comprendrez qu'un investissement de 800 000 $, la municipalité n'a pas les moyens de rebâtir cette petite centrale et a demandé au ministre son intervention. Et j'aimerais savoir s'il y a un cheminement de ce dossier-là au ministère au moment où on se parle et quelles sont les chances de succès.
M. Ménard: Bon. La raison pour laquelle la ville de Coaticook n'est pas indemnisée pour des dommages qui ont été causés à sa centrale électrique par une inondation, c'est que ce ne sont pas des équipements jugés des biens essentiels, parce que la population, elle, est déjà desservie par Hydro-Québec. Ce sont des équipements qui rapportent des montants à la ville de Coaticook; la ville de Coaticook, là-dessus, est traitée sur le même pied qu'un entrepreneur. Les trois centrales de Coaticook sont des systèmes d'appoint qui sont pour la ville très profitables, alors, si c'est très profitable, je pense qu'il y a moyen d'emprunter et d'amortir. Une centrale électrique, ça s'amortit longtemps. Si la ville de Coaticook estime que c'est plus avantageux pour elle de se payer elle-même ses centrales électriques plutôt que ses citoyens aient recours à Hydro-Québec pour payer leur électricité, elle a les moyens de reconstruire ses... et de les amortir sur un certain nombre d'années. C'est à elle à faire le calcul.
(13 heures)
Mais, dans le cas du Saguenay, qui est un désastre d'une très grande ampleur qui touchait toute une région, les centrales en question faisaient partie du réseau électrique essentiel à ce que les citoyens de cette région soient alimentés en électricité. Vous savez, on ne peut pas tout indemniser, le gouvernement ne peut pas tout indemniser ce qui est détruit par un sinistre naturel. Il faut à un moment donné... Puis la limite, c'est là: on indemnise pour les choses qui sont essentielles à la vie ou essentielles à des choses importantes. Mais, quand il s'agit essentiellement d'entreprises commerciales, bien, ça fait partie des risques que les entrepreneurs ou les propriétaires doivent assumer, et, s'ils estiment qu'ils ne sont pas capables d'assumer ces risques, bien, ils doivent s'assurer, ils doivent prendre de l'assurance, et ils seront indemnisés par la compagnie d'assurances s'il arrive un désastre. C'est dur, dire non. Je préfère dire oui. Mais, si on dit oui à tout le monde, on finit par faire un déficit qu'on a fait pendant trop d'années.
M. Benoit: Quand le ministre nous dit que la région de Coaticook a les moyens de payer pour cette centrale-là, je ne sais pas d'où il prend ses chiffres. Ma compréhension des faits, c'est que, si on devait rebâtir au coût d'aujourd'hui cette petite centrale là, on devrait la payer sur, de mémoire, les chiffres que j'ai entendus, plus de 35 ans. Pour une population aussi minime que la ville de Coaticook, c'est un placement non rentable, à moins que le ministre veuille, lui, investir dans un projet de 35 ans avec un «payback» sur 35 ans. Ce n'est pas rentable. Alors, la ville devra, je pense, oublier cette petite centrale là.
M. Ménard: Si ce n'est pas rentable, pourquoi voulez-vous que le gouvernement le fasse?
M. Benoit: Attention! Ce n'est pas rentable...
M. Ménard: Parce que le gouvernement peut fournir l'électricité aux gens de Coaticook, pas le gouvernement, mais Hydro-Québec peut fournir l'électricité aux gens de Coaticook. Si vous me dites que rebâtir les centrales, ce n'est pas rentable, bien, ce n'est pas rentable.
M. Benoit: M. le Président, j'avais la parole.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Voulez-vous répéter votre question?
M. Benoit: Oui. Ce que je suis après expliquer au ministre, ce n'est pas rentable si on doit l'immobiliser. C'est ce que j'explique au ministre. Je ne dis pas que ce n'est pas rentable à partir du moment où il est construit; je dis que, si on doit prendre 800 000 $ pour le construire, ce n'est point rentable. Elle était rentable parce que ces coûts-là avaient été amortis dans le temps, bien longtemps, c'était une centrale qui avait de... un. C'est un bien.
Quand vous me dites qu'au Saguenay, maintenant, il n'y avait pas d'autres alternatives, ce n'est pas vrai. C'est une centrale, ici, qui fait partie du réseau, tout comme en Ontario où la revente de l'électricité est faite par les municipalités. Il y en a 19 encore au Québec, Coaticook est une de celles-là. Même avec tous les efforts qu'a faits Hydro pour essayer de fermer ces petits distributeurs d'électricité là, que ce soit Sherbrooke, Coaticook, Magog et combien d'autres, il y en a 19 au Québec, elles ont survécu.
Moi, j'ai de la misère à comprendre qu'on se serve de deux poids, deux mesures. Au Saguenay, on dit: Ah! Bien, là, c'est un cas particulier. Parce qu'une inondation, c'est une inondation. Qu'elle ait été importante au Saguenay, nous en sommes tous, mais, à Coaticook, elle est aussi importante, cette inondation-là. Il fallait être là le soir de l'inondation pour s'apercevoir de l'importance. Alors, ici, on essaie de dire: Oui, mais c'était plus gros au Saguenay. Une petite centrale, c'est une petite centrale, M. le ministre. Qu'elle ait été emportée au Saguenay ou qu'elle ait été emportée à Coaticook, c'est une centrale qui a été emportée. Je veux dire, une inondation, c'est une inondation. Oui, que les médias aient fait plus de tapage au Saguenay, vous avez absolument raison, mais la centrale, elle a été emportée. Que ça ait été une grosse ou une petite inondation, la centrale n'est plus là.
Alors, vous me semblez vous servir de deux normes, deux critères, dans le cas du Saguenay versus Coaticook. Nous, ce qu'on vous demande, les élus là-bas, la population, M. le maire vous a fait des représentations là-dessus, c'est: Y a-tu moyen que vous aidiez ces gens-là à rebâtir cette centrale-là qui faisait aussi partie du patrimoine? Il y avait tout un aspect patrimonial. C'est un site de grande visite touristique, avec les gorges, etc., mais là je n'embarquerai pas dans cet aspect-là.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le ministre.
M. Ménard: Bien, moi, d'après les informations qu'on m'a données, le coût total des dommages est de l'ordre de 800 000 $, et le profit annuel réalisé par la ville de Coaticook sur ces centrales qu'elle possède est de 1 000 000 $.
M. Benoit: Sur trois centrales. Moi, je vous parle de une, ici.
M. Ménard: Bien oui, je le sais. Bien, mettons, mais quand même. C'est vrai qu'elle fait ce profit parce qu'elle a depuis longtemps amorti l'investissement, mais dépenser 800 000 $ pour quelque chose qui rapporte un tiers de million pendant 35 ans, je pense que ça peut s'amortir.
C'est une entreprise qui fait des profits. Le gouvernement ne peut pas indemniser tous les citoyens des investissements qu'ils ont faits pour faire des profits. La sécurité publique, c'est là pour porter une aide de dernier recours aux gens qui n'en ont pas d'autre, qui ne pouvaient pas en avoir d'autre. Quand on faisait 1 000 000 $ de profits, j'imagine qu'on aurait peut-être pu prendre une assurance. Mais, moi, les données qu'on me donne, je pense que ce serait... Si nous commençons à indemniser ce genre de chose, nous n'aurons plus d'argent pour indemniser les gens pour les besoins de base.
Alors, il y a 800 000 $ de dommages. C'est, vous me dites, un tiers d'une entreprise qui fait 1 000 000 $ de profits par année. Je pense que ça peut être amorti sur 35 ans, ce qui me semble... Je ne connais pas bien, bien ces chiffres-là, mais, 35 ans pour amortir une centrale électrique, ça m'apparaît raisonnable. C'est sûr qu'ils vont faire moins de profits, mais faut-il dire aux autres citoyens du Québec qu'à Coaticook, pour s'assurer que la ville continue à faire les mêmes profits qu'elle faisait, le public en général doit investir 800 000 $?
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député d'Orford.
M. Benoit: Oui. Ce que le ministre ne comprend pas, c'est que la ville de Coaticook ne fait pas son argent en produisant de l'électricité, c'est trois petites centrales sur un petit ruisseau, la rivière Black; elle fait son argent en distribuant de l'électricité qu'elle achète d'Hydro-Québec et qu'elle revend, comme en Ontario. Alors, elle est distributrice, plutôt que ce soient les camions d'Hydro, les échelles d'Hydro, les poteaux d'Hydro, les conventions collectives d'Hydro-Québec avec tout ce que ça implique. C'est une compagnie qui appartient à la ville et elle fait son argent avec de la distribution. Alors, qu'elle fasse 1 000 000 $ de profits, oui, elle distribue de l'électricité. Personne n'en a contre ça. Il y a un pourcentage...
Et, dans les mesures de sécurité, et c'est ça que je veux que vous entendiez, avec notre problème du transport d'électricité... On a vu ce que ça a donné dans la crise du verglas, où on transporte sur de grandes distances cette électricité, et là on s'aperçoit que les problèmes, ç'a été finalement la distribution. Ce n'est pas pour rien que vous nous parlez de la ligne des Cantons. Dans le cas présent, et plusieurs pays sont arrivés à cette conclusion-là, le plus près nous pouvons mettre la production de l'électricité pour les mesures d'urgence, le mieux nous sommes.
Or, nous avons la chance, à Magog, d'avoir une centrale qui, en période d'urgence, peut produire et connecter l'hôpital et la polyvalente. Nous avons à Coaticook une petite centrale qui, en temps d'urgence, peut produire et distribuer à la polyvalente et à l'hôpital. Les raccordements sont déjà faits. Moi, ce que je vous dis, cette compagnie-là, qui est la ville de Coaticook, ne fait pas d'argent en produisant, elle fait de l'argent en distribuant. Mais, dans vos mesures d'urgence... Et le rapport Nicolet est assez clair là-dessus: Évitons ces transports sur grande distance si on peut la produire sur place.
On a un cas extraordinaire ici, celui de Coaticook, et c'est sur cet angle-là que je vous demande de l'aide au nom de la ville de Coaticook pour que nous puissions reconstruire cette petite centrale.
M. Ménard: Bien, je peux vous dire que ce n'est pas comme ça que le problème nous a été présenté. S'il faut une centrale d'urgence pour les cas d'urgence, on pourra consulter Hydro-Québec pour savoir quelle est la façon la plus économique de s'assurer que l'école et l'hôpital aient de l'électricité si jamais le réseau d'Hydro-Québec n'est pas capable d'en fournir. Mais la discussion telle que je l'ai comprise, c'est que c'est dramatique pour une petite ville comme Coaticook, qui comptait sur les profits réalisés par la compagnie d'électricité avec ses trois centrales pour alléger son fardeau fiscal, maintenant d'avoir perdu l'une de ses centrales.
Mais la sécurité publique, comprenez bien, c'est l'aide de dernier recours. Je n'ai pas des sommes qui visent à maintenir l'allégement du fardeau fiscal des contribuables, des municipalités en payant des installations qui existaient et qui ont été détruites par un sinistre. Il me semble que c'est le genre de chose qui aurait dû être assuré, mais, de toute façon, ce n'est pas la mission de la sécurité publique d'indemniser ce genre d'équipement.
M. Dupuis: Ce que je comprends, par contre, du rapport Nicolet - et ça, c'est peut-être un exemple extrême, je ne le sais pas - c'est que le rapport Nicolet suggère qu'il y ait une obligation pour les municipalités de se faire un plan d'urgence. Ça, j'ai l'impression que le ministre va donner suite à cette recommandation-là. Il faudrait que toutes les municipalités aient un plan d'urgence.
Peut-être que, dans le cas de Coaticook, à l'intérieur du plan d'urgence - et c'est ce genre de demande là que vous allez avoir, c'est ce genre de demande là que vous allez avoir partout, bien, enfin, peut-être pas de celle-là en particulier, mais ce genre de demande là - dans le plan d'urgence de la municipalité, il y aura une demande pour une contribution gouvernementale à la construction de l'usine en cas de sinistre. Et ça, là, si j'ai bien compris, c'est un nouvel aspect, une nouvelle façon de voir le dossier, si je vous comprends bien. Ça pourrait être un nouvel aspect de voir le dossier. Et je ne veux pas dire par là que vous avez indiqué ce matin que vous alliez donner suite à une telle demande, mais ça pourrait être une façon de le présenter, par contre. Ça pourrait faire partie du plan d'urgence de la municipalité.
(13 h 10)
M. Ménard: Si c'est présenté comme ça, on pourrait le regarder. Mais, a priori, ma compréhension d'une centrale électrique de ce type, ce n'est pas quelque chose qu'on utilise juste en situation d'urgence. C'est quelque chose qui, une fois qu'il est bâti, peut fournir de l'électricité continuellement. Et puis, moi, j'ai toujours compris que le drame qui arrive à Coaticook avec la perte de cette centrale électrique, c'est qu'évidemment au cours des années tout le monde s'est habitué à compter sur les profits qui étaient faits dans l'exploitation de ces centrales pour alléger le fardeau fiscal des citoyens. S'ils n'avaient pas eu ça, bien, leur fardeau fiscal ressemblerait plus à celui de leurs voisins. Bien, ça, c'est une richesse, c'est sûr, pour une municipalité.
Mais ce n'est pas le genre de budget que gère un ministère comme la Sécurité publique que de rétablir la situation fiscale d'une municipalité. Je veux dire, les budgets, nous, c'est de l'aide de premier... Écoutez, on donne 10 $ par jour par personne qui est sortie de chez elle, puis 5 $ de plus par jour pour la deuxième personne, puis la troisième personne. Ça fait que ça veut dire qu'une famille, le père, la mère puis deux enfants, ils reçoivent 25 $ par jour. C'est ça, le genre de chose qu'on gère comme aide. Et puis parfois on va faire des dépenses, c'est vrai, de quelques 100 000 $, mais pour sécuriser des dangers imminents.
Mais, ça, ce n'est pas ça. Là, ici, c'est des vieilles, vieilles installations qui, donc, étaient amorties depuis longtemps, puis elles étaient encore utiles. Puis, aujourd'hui, bien, la nature a fait, comme quoi il faut toujours compter, là, qu'elles ont été détruites bien longtemps après qu'on avait fini de les payer. Là, on nous dit: Le gouvernement en général, l'ensemble des citoyens du Québec doit donner à la ville de Coaticook, rétablir l'avantage fiscal que la ville de Coaticook avait sur tous ses voisins. Je ne peux pas aller de ce côté-là, qu'est-ce que vous voulez. Moi, en tout cas, c'est comme ça que je le vois.
Puis je ne pense pas que c'est en bâtissant, en tout cas... Si on bâtit des centrales électriques, là, où il y a de l'eau, on retient des bassins d'eau importants puis qui doivent durer l'année, bien, on va les utiliser à l'année. On ne les utilisera pas comme centrale d'urgence. Je suis bien prêt à le regarder de ce côté-là s'il le faut, mais toujours en pensant que, nous autres, c'est des aides de dernier recours, de dernière nécessité qu'on donne.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, avec votre collaboration, nous en serions rendus à toutes fins pratiques à la mise aux voix des programmes. Maintenant, le député de Saint-Jean me disait qu'il avait une très courte question à poser. Alors, brièvement.
M. Paquin: S'il n'y a pas d'opposition.
Une voix: Pas de problème.
Soutien à la communauté de Kangiqsualujjuaq
M. Paquin: D'accord. Alors, je serai bref. Écoutez, il y a eu un événement qui avait des allures de fin du monde pour une petite communauté de Québécois qui est située aux confins du Grand Nord de notre Québec - en fait, ils sont aussi loin au nord que la Floride ne l'est au sud, vous regarderez sur une carte - et c'est la communauté de Kangiqsualujjuaq. Alors, brièvement, parce que je sais que le temps est très court, j'aimerais ça que vous nous disiez... En fait, cette catastrophe, pour eux autres, ça avait des allures de fin du monde. Il faut bien qu'on voie l'ampleur, l'impact pour une communauté comme celle-là.
Donc, brièvement, si vous pouviez me donner un peu à combien se chiffre actuellement l'aide - ça, c'est l'aspect un peu pécuniaire, si on veut - mais aussi c'est quoi, les gestes qui sont posés pour soutenir cette communauté-là qui est aux confins de notre Québec national.
M. Ménard: Bon. Alors, nous avons fait bénéficier la communauté des programmes habituels, mais en les améliorant, en donnant, je ne me souviens plus, au lieu de 10 $ par jour, eux, c'était un peu plus cher. Et puis d'ailleurs, je peux dire qu'ils n'ont pas exagéré de ce côté-là non plus.
Mais il faut comprendre une chose, dans ces municipalités-là, l'eau consommée par une personne, en moyenne, ça coûte 5 $ par jour, parce que dans ces municipalités-là on ne peut pas avoir d'infrastructures souterraines parce qu'on est dans le pergélisol. Dès qu'on installe une infrastructure souterraine, c'est en haut du point de congélation nécessairement, ça dégèle le sol qui est alentour, il y a des mouvements qui se font, puis les infrastructures sont détruites. Donc, tout doit être en surface. Donc, l'eau est livrée par camion et les égouts sont ramassés par camion. Ce service coûte en moyenne, dans le Grand Nord, 5 $ par jour. Quand vous hébergez quelqu'un chez vous, c'est ça, au départ, que ça vous coûte, juste le service d'eau et d'égout. Alors, c'est pour cela qu'on a amélioré un peu les programmes réguliers. Plus, aussi, le fait que, évidemment, la nourriture, tout le reste, l'essence sont à des prix extrêmement élevés.
Mais l'aide qui était apportée - je peux vous donner les chiffres, je les ai ici: on a donné 100 000 $ à la municipalité de Kangiqsualujjuaq le 9 janvier 1999, puis on a rajouté 278 897 $ le 10 février 1999; à l'Administration régionale de Kativik, qui est l'organisation dont fait partie Kangiqsualujjuaq et qui a soutenu les efforts de la municipalité, nous lui avons donné 100 000 $ le 26 février 1999 et 127 761 $ le 14 avril 1999. Ce qui fait donc un total près de 600 000 $, en fait supérieur, même, à 600 000 $. Ça a été pour combler les besoins d'hébergement et de subsistance temporaires, le remplacement des biens essentiels des membres de la communauté, notamment les vêtements qui ont été perdus, certains moyens de transport, les lunettes et autres, les besoins en relocalisation temporaire, le soutien financier à la municipalité pour les mesures d'urgence puis aux organismes qui ont porté aide et assistance.
Maintenant, nous avons aussi fourni la présence d'experts sur les lieux et l'entraînement, aussi, de certaines personnes du village pour reconnaître les dangers d'avalanche. Mais longtemps les experts ont été sur les lieux eux-mêmes. On a aussi donné un soutien aux autorités municipales pour la mise en place des programmes, c'est ça, d'observation, d'alerte et de prévision des avalanches. Nous avons établi - c'est une des premières choses que j'ai faites quand je suis arrivé là, personne n'a semblé... - un périmètre de sécurité au pied de la falaise à cet endroit. Et nous avons aussi fait nos recommandations quant à l'application d'une zone d'exclusion, parce que ce sont les municipalités qui peuvent établir ces zones d'exclusion.
En plus, je sais que d'autres ministères ont apporté leur soutien. Le ministère de l'Éducation a créé une école temporaire de façon à ce que l'année scolaire des jeunes étudiants et étudiantes ne soit pas mise en danger plus qu'elle ne l'a été. Le ministère des Transports...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Saint-Laurent.
M. Dupuis: J'aurais de la difficulté à me regarder dans le miroir ce soir si je laissais passer ce sujet-là sans mentionner le fait que, si le ministère de l'Éducation n'avait pas perdu, littéralement perdu, un rapport qui lui avait été envoyé par la municipalité, en 1995, dénonçant ou enfin remarquant le fait qu'il y avait des dangers d'avalanche près de l'école et si le gouvernement avait agi, dès 1995, en ayant eu connaissance de ce rapport qui a été perdu par les gens du ministère de l'Éducation, la tragédie ne se serait peut-être pas produite. Première remarque.
Deuxième. Le ministre oublie de mentionner que, dans les dédommagements qui ont été versés, il y avait des argents du gouvernement fédéral.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): En terminant, M. le ministre.
Une voix: Dans les sommes que vous avez...
M. Ménard: Non, parce que c'est à l'intérieur... On paie toujours le premier 7 000 000 $. L'aide fédérale ne vient que lorsque nous avons payé 1 $ par tête de population, de sorte que, pour tout sinistre qui nous coûte moins que 7 000 000 $, il n'y a pas d'aide fédérale. Puis, ensuite, ça va toujours comme ça.
Alors, à l'Île-du-Prince-Édouard, oui, probablement que le gouvernement fédéral aurait payé une partie, même pas très grande, parce que l'Île-du-Prince-Édouard, que je sache, c'est 400 000 habitants. En tout cas, là, je ne veux pas montrer mon ignorance. Mais c'est comme ça que ça fonctionne, l'aide fédérale: nous assumons le premier 1 $ par tête de population; dans le deuxième dollar, ils en assument une partie; dans le troisième dollar, ils assument une partie plus grande; dans le quatrième dollar... jusqu'à ce qu'on atteigne 90 % de l'aide.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, nous en venons donc, avec votre collaboration, à la mise aux voix de chacun des programmes.
Est-ce que le programme 1, Gestion interne du ministère et encadrement des activités reliées à l'alcool, aux courses et aux jeux, est adopté?
M. Dupuis: Sur division.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté sur division. Est-ce que le programme 2, Sûreté du Québec, est adopté?
M. Dupuis: Sur division.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté sur division. Est-ce que le programme 3, Garde des détenus et réinsertion sociale des délinquants, est adopté?
M. Dupuis: Sur division.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté sur division. Est-ce que le programme 4, Sécurité et prévention, est adopté?
M. Dupuis: Sur division.
Adoption de l'ensemble des crédits
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté sur division. Est-ce que l'ensemble des crédits du ministère de la Sécurité publique pour l'année financière 1999-2000 sont adoptés?
Une voix: Oui.
(13 h 20)
M. Dupuis: Sur division.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté sur division.
J'aimerais, avant de clore nos travaux, remercier bien sûr l'ensemble des membres de la commission, M. le ministre pour sa disponibilité, de même que son personnel, ainsi que les conseillers et conseillères qui nous assistent dans nos travaux. Alors, la séance est donc ajournée.
M. Dupuis: ...
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Saint-Laurent.
M. Dupuis: Si vous me permettez de remercier les gens qui ont assisté à nos débats, je les remercie pour leur patience, ceux qui n'ont pas été mis à contribution, mais je sais qu'ils sont mis à contribution tout au long de l'année.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le ministre.
M. Ménard: Merci.
Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, la séance est ajournée.
(Fin de la séance à 13 h 21)