(Quinze heures vingt et une minutes)
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, mesdames et messieurs, nous allons débuter nos travaux. Je rappelle le mandat de la commission: de poursuivre l'étude des crédits budgétaires du ministère du Conseil exécutif, les programmes 1 et 2, pour l'année financière 1998-1999. M. le secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements cet après-midi?
Le Secrétaire: Oui, pour cet après-midi, M. le Président, M. Facal (Fabre) remplace Mme Simard (La Prairie) et M. Johnson (Vaudreuil), Mme Houda-Pepin (La Pinière).
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien, merci. Alors, avant de passer à l'étape des remarques préliminaires, j'aimerais que vous me donniez une indication sur la méthode d'adoption des crédits que nous allons privilégier. Est-ce qu'on procède par une discussion générale et une adoption en bloc à la fin de l'échange? Ça vous va? Très bien.
Remarques préliminaires
Alors, j'inviterais maintenant M. le premier ministre à nous faire part de ses remarques d'ouverture. Je rappelle que nous avons une durée de 3 h 30 min prévue pour nos échanges. M. le premier ministre.
M. Lucien Bouchard
M. Bouchard: Merci, M. le Président. M. le chef de l'opposition officielle, Mmes et MM. les députés, comme il est d'usage, à l'occasion de l'étude des crédits du ministère de l'Exécutif, je me permettrai quelques remarques préliminaires. Je tracerai les faits saillants des crédits proprement dits, pour ensuite dresser un rapide portrait des politiques du gouvernement, celles de la dernière année comme celles de l'année qui vient.
Mais, avant toute chose, on me permettra de dire quelques mots du chef de l'opposition. De toute évidence, en effet, il s'agit de la dernière occasion qu'il nous offre de débattre et de discuter des crédits du ministère et des politiques du gouvernement. Dans un cadre parlementaire, j'entends, un peu moins strict que la période des questions. Il arrive parfois que les chefs de partis prennent la parole sur les grands débats publics après leur retrait de la politique. Parfois. J'aimerais, au nom de notre formation politique et au nom du gouvernement, saluer les 17 années de sa vie qu'il a consacrées à la politique québécoise et à la gestion de l'État. Bien évidemment, nous différons d'opinion, cela est normal et même souhaitable pour assurer la vigueur du débat politique, mais cela ne doit pas, d'un autre côté, nous empêcher de dire que, avec constance, il a défendu sa conception des idées, des intérêts du Québec et l'intégrité de nos institutions démocratiques. Il a rempli ses différentes fonctions avec le désir évident de servir au mieux les Québécoises et les Québécois. Je lui souhaite, pour les choix qu'il fera, la meilleure des chances, ce qui ne veut pas dire que je ne m'attends pas à un assaut vigoureux comme chant du cygne.
Abordons maintenant les crédits du ministère du Conseil exécutif. Rappelons d'abord que le budget du ministère comprend trois programmes: le bureau du lieutenant-gouverneur, les services de soutien auprès du premier ministre et du Conseil exécutif et le Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes. Comme ce dernier élément relève du ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, M. Jacques Brassard, et que ce dernier défendra lui-même ses crédits, je m'attarderai aux deux premiers éléments.
Disons, d'entrée de jeu, que les crédits de l'année en cours s'inscrivent dans la même continuité que ceux de l'an dernier, la rigueur administrative. Ainsi, pour le bureau du lieutenant-gouverneur et le Conseil exécutif, nous présentons un budget qui totalise 26 060 200 $, soit une diminution de 800 000 $ ou 3,1 % par rapport à l'an dernier. Quant aux effectifs, ils ont été relativement stables, à 201 employés.
Une part de la diminution des crédits provient du plein effet de la récurrence des mesures de réduction des coûts de main-d'oeuvre déjà introduites dans les crédits de l'an dernier. Le solde est dû à un resserrement des dépenses de fonctionnement et à une rationalisation des dépenses locatives. De façon plus détaillée, il faut noter que les crédits accordés au bureau du lieutenant-gouverneur s'élèvent à 378 600 $, soit les mêmes que l'an dernier. Les crédits dévolus au cabinet du premier ministre subissent, quant à eux, une diminution de 1,4 %, passant de 4 162 900 $ à 4 105 900 $. J'indique ici que, pour l'année écoulée, le cabinet du premier ministre a livré des crédits périmés de quelque 400 000 $. Ainsi, les dépenses réelles du cabinet du premier ministre s'établissent, pour l'année 1997-1998, à environ 3 700 000 $.
Il y a un élément qui me tient particulièrement à coeur, il s'agit de la représentation féminine dans les emplois supérieurs du gouvernement. On parle ici des postes de sous-ministre en titre, de sous-ministre associé ou de sous-ministre adjoint. Depuis 1994, on peut témoigner d'une amélioration marquée. Nous sommes passés de 15 femmes à 38 femmes, soit une progression de plus de 150 %. Si on ne considère que les sous-ministres en titre, la progression est encore plus spectaculaire. De trois qu'elles étaient en 1994, les femmes sous-ministres en titre sont passées à neuf sur 30. Cela représente une progression de 200 %.
Je note que la progression est maintenant un peu plus lente, dans la mesure où il est plus difficile de répéter les bonds spectaculaires des années précédentes. Cela s'explique sans doute parce que la proportion de femmes dans les postes d'encadrement supérieur du gouvernement est maintenant de 17,6 %. Et, comme ces corps d'emplois constituent le bassin privilégié de recrutement pour les postes supérieurs, il devient évident qu'il nous faudrait augmenter la proportion féminine à ce niveau. Cette situation ne fait pas en sorte de contrecarrer l'effort du Conseil des ministres, mais force est de constater qu'il nous faut être particulièrement déterminés pour maintenir la progression. C'est ce que nous ferons cette année encore.
Voilà donc, sur le plan strictement budgétaire, les éléments que je voulais souligner. Il est par ailleurs utile de revenir sur les grandes politiques gouvernementales pour en dégager les résultats et tracer les voies, les priorités de la prochaine année. Les trois premières années du gouvernement ont été largement marquées par les durs efforts que nous nous sommes collectivement imposés sur le plan budgétaire. Si cette opération nécessaire a effectivement marqué pour beaucoup l'actualité, il reste cependant qu'elle a aussi produit des résultats plus qu'encourageants sur le plan économique.
En fait, l'année 1997 s'est révélée l'une des meilleurs des 10 dernières années sur le plan économique. La confiance des ménages, élément essentiel de la croissance, a atteint des niveaux jamais vus depuis 14 ans. Les mises en chantier ont progressé de 23 %, ce qui ne s'était pas vu depuis 10 ans. Les salaires et traitements ont aussi connu leurs meilleurs résultats depuis sept ans, croissant de 2,7 %. Le nombre de faillites et la valeur des passifs ont diminué respectivement de 20 % et de 30 %. Les investissements totaux ont crû de 5,8 % en 1997, après une hausse identique en 1996. Les investissements privés ont crû de 9,4 % en 1997, après une hausse de 12,7 % l'an dernier. Le PIB du Québec aura crû, en 1997, de 4 %, un résultat comparable à celui du Canada et un des meilleurs au monde.
Du côté de l'emploi, les signes d'une solide reprise se sont aussi manifestés. Depuis le début de l'année, 53 000 emplois ont été créés. Si on recule au Sommet de Montréal de novembre 1996, il faut parler de la création de 107 000 emplois, ce qui nous amène pratiquement à l'objectif alors fixé de rejoindre le niveau de création d'emplois au Canada. Au cours du mois de mars, il s'est créé au Québec quelque 20 000 emplois, alors qu'il s'en perdait 2 000 dans le reste du Canada. Depuis un an, le taux de chômage a baissé au Québec de 1,6 % pour atteindre 10,1 %, le plus bas niveau depuis huit ans. Ce qui est encourageant de façon particulière, c'est que tous les groupes d'âge en profitent, même les jeunes: moins 1,7 % de chômage pour les 15-24 ans, moins 1,5 % pour les 25-44 ans, moins 1,8 % pour les 45-64.
(15 h 30)
Je pense que le gouvernement a su adopter et poursuivre de bonnes politiques économiques au premier rang desquelles figure l'équilibre des finances publiques. On n'a pas assez dit, M. le Président, à quel point la relance économique était et est encore tributaire de la bonne santé des finances publiques. Les moyens à la disposition d'un gouvernement pour favoriser la croissance de l'économie ne sont pas si nombreux, surtout lorsqu'il s'agit d'un gouvernement qui ne dispose que d'une partie des pouvoirs économiques. Au premier rang de ces moyens figure la responsabilité d'offrir, de garantir, même, un environnement budgétaire et fiscal qui favorise l'investissement et la confiance dans l'avenir. Comment voulez-vous que les investisseurs fassent le choix de se développer au Québec quand tout ce qu'on avait à leur offrir était une succession de déficits budgétaires toujours croissants qui fracassaient des prévisions budgétaires auxquelles personne n'accordait plus de crédibilité? On ne pouvait offrir ainsi qu'un avenir truffé de hausses de taxes et d'impôts nous condamnant à l'asphyxie.
Ce qu'il nous a fallu combattre pour assurer la relance de l'emploi et de l'investissement, ce fut d'abord un déficit de presque 6 000 000 000 $ en 1994-1995. Ce seul déficit a fait en sorte de grever tous les autres budgets qui ont suivi d'une charge de 600 000 000 $ d'intérêt payable année après année, réduisant d'autant la marge de manoeuvre du gouvernement. Imaginons ce que nous pourrions faire aujourd'hui avec ce seul 600 000 000 $ de moins dans nos dépenses. Mieux encore, imaginons ce que nous pourrions faire si le gouvernement libéral ne s'était pas laissé entraîner à empiler déficit sur déficit, s'il avait, comme les autres provinces, commencé à s'attaquer au déficit dès 1986 et 1987.
Non, les libéraux ont préféré augmenter les dépenses bon an mal an, plus vite que l'inflation, plus vite que l'augmentation du PIB. Résultat: le gouvernement libéral, entraîné dans cette spirale, a dû augmenter les taxes et les impôts: 960 000 000 $ en 1990, 1 900 000 000 $ en 1991, 2 200 000 000 $ en 1992, 3 300 000 000 $ en 1993, 2 400 000 000 $ en 1994. Total: 10 800 000 000 $ sur cinq ans. Et, malgré tout, malgré les hausses d'impôts et de taxes, la dette du Québec a plus que doublé entre 1986 et 1994, passant de 33 000 000 000 $ à 75 000 000 000 $.
Notre premier devoir pour la confiance et l'emploi, c'était de mettre un terme à tout cela, c'était d'avoir le courage et la détermination de le faire, de croire suffisamment à la maturité des Québécoises et des Québécois pour leur dire: Cela ne sera pas facile, mais on va le faire ensemble. Et, de fait, ça n'a pas été facile. Ça ne l'est pas encore tout à fait, c'est d'autant plus compliqué que non seulement il nous fallait résorber le déficit de 6 000 000 000 $ dont on avait hérité, mais en plus absorber en même temps les très graves coupures que nous a imposées le gouvernement fédéral. Celui-ci a choisi de faire absorber son déficit par les provinces en coupant dans la santé, l'aide sociale et l'éducation. Sans ces coupures fédérales, le déficit zéro serait aujourd'hui une réalité.
Je l'ai dit et je le redis aujourd'hui, le Québec doit une fière chandelle à ses fonctionnaires, aux travailleurs des réseaux de la santé et de l'éducation, à ses médecins, à ses juges et aussi à ses députés. Ils ont mis l'épaule à la roue et ont fait bouger le char de l'État. Il y a aussi tous ces travailleurs du secteur municipal et leurs employeurs. Les premiers ont largement accepté de donner suite à cette entente que les maires de l'Union des municipalités du Québec ont signée avec nous.
J'en profite pour faire le point sur l'application de la loi adoptée par l'Assemblée nationale au début de la session. Quatre-vingt-trois villes et organismes municipaux ont déféré à l'arbitrage 129 conventions collectives. En soi, ce petit nombre est surprenant lorsqu'on se rappelle qu'il y a environ 1 500 municipalités au Québec. Par surcroît, de ces 129 dossiers soumis à l'arbitrage, 43 ont fait l'objet d'une entente avant même qu'un arbitre ne soit nommé, 11 dossiers ont fait l'objet d'un règlement négocié après la nomination d'un arbitre, il ne reste donc que 75 dossiers à régler. On peut d'ores et déjà dire que cette loi qui privilégiait la négociation a atteint ses objectifs.
Les résultats de la politique budgétaire du gouvernement sont probants. Trois années de suite, le gouvernement a respecté ses prévisions budgétaires. La confiance revient. D'abord, notre crédibilité budgétaire est rétablie. Standard & Poor's vient de réviser la cote de crédit du Québec en supprimant sa perspective négative. Pour mémoire, je rappelle que l'ancien gouvernement avait été décoté en 1993 par la même firme. Il vaut la peine de citer les commentaires que l'agence de cotation émettait vendredi dernier. J'espère que le chef de l'opposition les rapportera à son successeur, qui a tenu des propos bien légers il y a une dizaine de jours.
Et je cite Standard & Poor's: «The outlook revision reflects the progress made in the past fiscal year in reducing the province's budgetary deficit, the ongoing realization of deficit targets identified in the Government's medium-term plan, and likelihood that fiscal balance will be achieved in the fiscal year 2000, as required by the balanced budget law, and the recently improved economic performance in near-term growth prospects.»
Conséquence de cette reprise de confiance des prêteurs, l'écart de rendement entre les obligations du Québec et celles du Canada, autrement dit l'intérêt supplémentaire chargé au Québec, ne cesse de diminuer. De près de 1 % qu'il était entre 1990 et 1994, il est maintenant de 0,36 %, soit près de trois fois moins. L'économie sur nos emprunts de l'année, c'est-à-dire la prime à la bonne gestion, représente, sur l'ensemble du temps de la période de remboursement, 375 000 000 $.
Et la confiance s'étend aux investisseurs. Statistique Canada indiquait la semaine dernière que le taux de croissance de 8,4 % des investissements totaux au Québec sera supérieur à celui de l'Ontario, de la Colombie-Britannique et du reste du Canada. Du côté des investissements privés, Statistique Canada prévoit une hausse de 9 % au Québec contre 6,2 % au Canada. Cela portera la hausse des investissements privés à 34 % en trois ans.
Récemment, la Banque Royale révisait à la baisse sa prévision de taux de chômage pour 1998 en disant, et je cite: «1998 sera une belle année de création d'emplois pour le Québec.» Fin de la citation. Et, ce matin même, le Mouvement Desjardins indique que 115 000 emplois nouveaux se créeront au Québec en 1998-1999 et que, donc, le taux de chômage mensuel baissera sous les 10 % de façon permanente.
En fait, malgré de beaux résultats, nous n'avons pas été chanceux cette année, car, en plus du déficit fédéral, en plus des coupures fédérales, on a eu le verglas. Ça n'a pas, cependant, entravé l'atteinte de nos cibles budgétaires. De fait, sans verglas, c'est 601 000 000 $ de marge de manoeuvre qu'on aurait eus. Les finances publiques du Québec ainsi redressées, et parce qu'elles ont été redressées, se sont avérées suffisamment solides pour faire face à la pire catastrophe naturelle de l'histoire du Québec et du Canada. Imaginez, M. le Président, la même tempête de verglas alors que le gouvernement libéral voguait vers un déficit de 6 000 000 000 $.
Je ne peux terminer sur les aspects budgétaires sans mentionner toute l'importance de cette réforme comptable que les gouvernements qui se sont succédé à Québec n'avaient pas osé faire. Bien, dorénavant, les livres du Québec sont clairs, tout à fait inattaquables et, comme l'a dit le Vérificateur général, à l'avant-garde des comptabilités gouvernementales du Canada.
Autre mesure pour l'emploi et l'économie, la réforme fiscale. On me permettra de souligner que, en raison des mesures annoncées par le vice-premier ministre et ministre des Finances dans le budget de l'an dernier, les contribuables québécois bénéficieront en 1998 d'une baisse d'impôts de 500 000 000 $, et ce, même en tenant compte de la hausse de 1 % de la TVQ. C'est autant de plus pour appuyer les dépenses de consommation, la croissance et, donc, de l'emploi.
Le Sommet économique a marqué l'année budgétaire 1997-1998. Il continuera de le faire en 1998-1999. On évaluait en début d'année à 18 500 les emplois créés dans la foulée du Sommet de Montréal, et nous pourrons confirmer d'ici quelques semaines que les prévisions de 20 000 emplois au 31 mars 1998 ont été respectées. Il s'agit ainsi de quelque 80 projets représentant plus de 5 000 000 000 $ d'investissements.
Le dernier budget a également été l'occasion de marquer notre priorité pour l'emploi. J'en rappelle quelques grandes lignes: réduction de 37 % des taxes sur la masse salariale des PME dès l'an prochain; 575 000 000 $ sur deux ans pour l'emploi et les jeunes, dont 182 000 000 $ pour les jeunes; 761 000 000 $ sur cinq ans pour susciter, avec Investissement-Québec et Emploi-Québec, 7 300 000 000 $ d'investissements privés; relance de la SGF et des Innovatech par un placement de 2 400 000 000 $ pour générer 11 700 000 000 $ d'investissements privés additionnels sur cinq ans.
(15 h 40)
Je pourrais en ajouter, mais il est sans doute plus convaincant de laisser parler les experts indépendants. Selon M. Pierre Cléroux, vice-président de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et ancien conseiller du chef de l'opposition, et je cite: «Pour les PME québécoises, le budget de Bernard Landry est une excellente nouvelle». Fin de la citation. Selon M. Gérald Ponton, président de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec, et je cite: «Bernard Landry a eu raison en misant sur une fiscalité plus compétitive, l'investissement, l'éducation et la technologie». Fin de la citation. Et, selon M. Jean-Philippe Décarie, du Journal de Montréal , et je cite: «Pour sa part, la SGF se retrouve avec un mandat des plus mobilisateurs et ne pourra que transmettre par contagion cette urgence de produire aux sociétés qu'elle prend sous son aile. Et, ici, l'intervention de l'État n'est pas teintée de dirigisme mais s'articule davantage comme le travail d'un facilitateur». Fin de la citation.
Nos politiques économiques s'inscrivent aussi dans nos réformes sociales. On n'a pas beaucoup mentionné tout l'effort que nous avons déployé pour favoriser l'insertion au travail des prestataires de l'aide sociale. On sait bien comment la perspective de retourner au travail était difficile pour ces Québécoises et Québécois qui recevaient de l'aide sociale: perte de l'aide pour les enfants, perte de l'aide au logement, perte des médicaments gratuits. Retourner au travail, c'était souvent s'appauvrir. Essentiellement, nous avons dissocié ces trois types d'aide de la prestation d'aide sociale pour que ces aides plus spécifiques puissent se poursuivre même après le retour au travail et que ce retour devienne enfin plus rentable. L'allocation unifiée pour enfant, l'assurance-médicaments et la nouvelle allocation-logement visent toutes, au-delà de leurs fins déterminées, à inciter au retour au travail.
L'année qui commence sera marquée sur ce plan par l'adoption de la réforme de l'aide sociale et des parcours individualisés pour l'emploi. On verra également démarrer les centres locaux pour l'emploi qui concrétiseront enfin le rapatriement des mesures actives du gouvernement fédéral que les gouvernements du Québec ont réclamé depuis 30 ans. L'année sera aussi marquée par l'instauration des services de garde à 5 $ pour les trois ans dans la foulée de l'immense succès des places en garderie pour les quatre ans.
Du côté de l'éducation, on verra s'instaurer les commissions scolaires linguistiques et la mise en place de la réforme annoncée par la ministre de l'Éducation.
Du côté de la santé, on doit noter l'ajout au budget des hôpitaux et des centres d'accueil et de services sociaux d'un montant de 375 000 000 $ par rapport à l'an dernier, une hausse de 3 % de nos investissements dans cette priorité gouvernementale. J'ai eu l'occasion de dire la semaine dernière que, dès l'instant où une marge de manoeuvre apparaîtrait dans nos équilibres financiers de l'année en cours, nous investirons de nouveau pour faciliter encore plus la réforme de la santé. Je tiens à souligner que, malgré une situation qui n'est pas toujours facile et une réforme qui a débuté avec le retard que l'on connaît, le ministre de la Santé a pris tous les moyens pour sauver notre régime universel de soins de santé et de services sociaux. Au-delà des discours démagogiques de différents critiques de l'opposition, la réalité reste notamment que le pourcentage des personnes demeurées 48 heures ou plus sur des civières dans les salles d'urgence est passé de 9,9 %, en 1991-1992, à 3,4 % en 1996-1997. En chiffres absolus, le nombre de personnes demeurées 48 heures ou plus est passé de 51 387 à 20 269 pour la même période, soit une diminution de 60 %. Le séjour moyen sur des civières est passé de 18,6 heures à 13,9 heures de 1991-1992 à 1996-1997. Et, en 1996, le temps d'attente moyen pour un traitement en spécialité était le plus bas au Canada.
Je referai enfin ici un appel maintes fois adressé au chef de l'opposition sans que jamais il ne réponde. Convient-il que le gouvernement fédéral a trop coupé dans les transferts aux provinces dans la santé? Est-il enfin prêt à exiger que le fédéral rétablisse au moins une partie de ce financement aux provinces maintenant qu'il dégage des surplus qu'il veut gaspiller en chevauchements et dédoublements? M. le Président, je m'arrête ici en espérant que le chef de l'opposition pourra enfin répondre à ces questions. Merci.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le premier ministre. M. le chef de l'opposition.
M. Daniel Johnson
M. Johnson: Oui, merci, M. le Président. Et je salue, moi de même, le premier ministre de même que nos collègues qui nous accompagnent ici et je remercie le premier ministre pour ses propos, dès son introduction, à l'endroit de ma carrière politique. Ça fait, effectivement, la dix-huitième fois depuis 1981 que je participe à l'étude des crédits du gouvernement. Je suis entré ici en 1981, au mois d'avril. On est entré en 1981. Je ne vois personne d'autre ici, là, de cette promotion-là. Le député de Mont-Royal était déjà là, et on est entré ici dans les jours qui ont suivi... Ça, c'était le baptême de feu de nouveaux députés de 1981, c'était justement l'étude des crédits. De mémoire, moi, j'avais M. Rodrigue Biron, que le gouvernement connaît bien, devant moi, comme ministre de l'Industrie et du Commerce, ici même.
Tout en remerciant le premier ministre, j'ai compris également qu'il n'essayait pas de m'amadouer, là, pour que je manque de dureté, et de vigueur à l'endroit de certains des gestes du gouvernement dans la dernière année, et il est évident que, à mon sens, en toute objectivité - je me permets de le dire - il faut être très, très dur à l'endroit du gouvernement alors qu'il s'agit de surveiller comment les attentes qu'il a créées ont été soit déçues ou alors elles ont été rencontrées, effectivement. Et il faut regarder secteur par secteur, notamment un secteur sur lequel le premier ministre a été muet - parce que je n'ai pas eu connaissance, il n'a pas passé beaucoup de temps là-dessus - celui de la politique familiale, celui de l'avenir des familles québécoises, celui du soutien que le gouvernement peut leur apporter, ce secteur, dis-je, à l'égard duquel le gouvernement doit créer, à mon sens - et ça a toujours été, ça, la politique du parti auquel j'ai appartenu - les meilleures conditions possible d'épanouissement des familles québécoises en maintenant le maximum de choix de modes de vie de nos familles, de façons d'élever leurs enfants, de recours soit à l'école, soit au soutien de différents organismes, en toute liberté, pour assurer ce que chaque famille considère qu'est la façon d'assurer l'épanouissement non seulement de la famille, mais notamment de ses enfants.
À l'égard des attentes qui ont été trompées, il est évident que le premier ministre peut bien relever toutes sortes de chiffres qui remontent aux calendes grecques quant à l'augmentation du fardeau fiscal, quant au déficit, aux dépenses, aux revenus, tout ce qu'on veut, j'essaie de m'en tenir à des chiffres officiels le plus possible et à des déclarations officielles, des chiffres officiels que le ministre des Finances trimballe partout avec lui dans le document qui s'appelle Profil financier du Québec, mai 1997. C'est le dernier en date, là. J'ai demandé le plus récent au ministère des Finances, on m'a envoyé celui-là. Je présume qu'il va y avoir une mise à jour le mois prochain. Il fait état - lorsqu'on se promène sur la scène internationale, c'est important lorsqu'on va voir nos prêteurs - de l'atteinte des objectifs en matière d'efforts de réduction des dépenses, et ce, depuis 1992. Je cite: «Au cours des cinq dernières années, le Québec a démontré sa capacité à contrôler ses dépenses de programmes. Elles ont été égales ou inférieures au niveau fixé dans le discours sur le budget.»
Moi, je veux bien avoir le dos large, là. Si le premier ministre veut s'amuser à dire que ça défonçait de 1 000 000 000 $ à chaque année, le ministre des Finances dit que ce n'est pas vrai depuis 1992: 1992-1993, 1993-1994 et 1994-1995, ç'a été en dessous, dans le fond, les dépenses de programmes, des objectifs qui avaient été fixés aux crédits, et, en 1994-1995, ça a été exactement à 36 400 000 000 $, le montant qui était prévu aux crédits, au budget, donc. Alors, on peut bien faire toutes sortes de facéties sur les prédécesseurs quels qu'ils soient, la réalité a la vie dure devant les discours du premier ministre.
Et je me permettrai aussi de rappeler certaines réalités à l'égard des taxes et des impôts. On vient de parler des dépenses, on pourra continuer à en parler, je suis sûr que ça va faire partie de nos échanges aujourd'hui, mais le premier ministre actuel, lorsqu'il était candidat à la direction de son parti, disait: «Compte tenu du fardeau fiscal actuel, il faut tout mettre en oeuvre pour éviter de procéder à la hausse de la TVQ.» Décembre 1995. Il a répété ça à deux, trois reprises dans son discours de décembre 1995 devant la Chambre de commerce et de l'industrie de Laval. Et, dans son discours d'assermentation, il disait, et je le cite: «Nous tenterons de le faire sans augmenter les impôts des contribuables et sans augmenter la taxe de vente du Québec.» 29 janvier 1996. Six jours plus tard, rapport de presse. Une agence de presse dit: «Le premier ministre a admis hier, à l'issue de la réunion intensive de deux jours de son caucus, qu'il s'est avancé très loin lorsqu'il a rejeté toute augmentation de taxes et d'impôts pour assainir les finances publiques, mais il a vite précisé qu'il n'a pas l'intention de reculer.» Depuis ce temps-là, ça recule à vitesse grand V.
(15 h 50)
Si on recense les discours sur le budget, il y en a un dont le premier ministre actuel n'est pas coupable, celui de 1995-1996, évidemment, qui comportait des augmentations de revenus pour l'État, au net, de 500 000 000 $. Évidemment, ce n'était pas trop mal, là, c'était tout de suite avant le référendum, on comprend, mais, depuis ce temps-là, ils se sont repris: 1 070 000 000 $ en 1996-1997; 2 089 000 000 $ en 1997-1998; 2 508 000 000 $ en 1998-1999; 2 241 000 000 $ sont prévus en 1999-2000. L'effet de toutes ces choses-là, ça fait 8 500 000 000 $ en partant, là. La première année, préréférendaire, ils faisaient bien attention à tout ce monde-là. Alors, en quatre ans, ce n'est pas des farces, le niveau d'augmentation des impôts et des taxes au net, et malgré, encore une fois, tous les gargarismes auxquels le ministre des Finances nous donne droit de façon ininterrompue sur comment la classe moyenne est beaucoup mieux traitée maintenant qu'elle ne l'a jamais été, etc. Il s'agit de regarder ce qui arrive aux revenus disponibles des Québécois depuis quatre ans, notamment, pour constater une détérioration de la situation des ménages québécois comparativement, notamment, à nos voisins du reste du Canada, des autres provinces canadiennes.
Donc, en matière de taxes et d'impôts, on repassera pour faire des leçons de responsabilité fiscale à qui que ce soit. Les chiffres sont là - c'est d'un budget successif à l'autre - qui nous permettent de voir comment le gouvernement s'est vraiment attaqué à tout ça, incapable qu'il était - et j'y reviendrai en conclusion - de créer les conditions - et Standard & Poor's aussi en a parlé; le premier ministre a oublié un petit bout dans l'énoncé de Standard & Poor's, on y reviendra - qui assurent une croissance de l'investissement et de l'emploi qui nous mette quelque part dans la moyenne nord-américaine. Je ne demande pas d'imiter l'Arizona ou certaines régions de la Californie, etc., juste qu'on soit dans la bonne moyenne.
On a tout ce qu'il faut pour pouvoir être minimalement dans la moyenne nord-américaine compte tenu du niveau d'alphabétisation de notre main-d'oeuvre, de la qualité de nos institutions d'enseignement supérieur, écoles techniques, de l'encadrement fiscal en matière de recherche, développement, innovation qui a été mis sur pied depuis, probablement, les tout premiers discours sur le budget de M. Parizeau, quelque part à la fin des années soixante-dix. Le gouvernement s'est donné la peine, au Québec - ça fait presque 20 ans de façon ininterrompue - de toujours aller soutenir - et ça, tous gouvernements confondus, quelle que soit la couleur politique - les activités de haut niveau de l'industrie québécoise. Alors, quant aux taxes et impôts, encore une fois, on repassera. Ça ne s'est pas amélioré, ça s'est détérioré, la situation, quoi qu'en dise le premier ministre.
En matière de programmes gouvernementaux, qu'il s'agisse de la santé... Là aussi, les attentes ont été, je dirais, inconsidérées. Encore une fois, peut-être que le premier ministre n'est pas coupable de la démagogie de très haut niveau dont le Parti québécois a été responsable dans la campagne électorale. Il fallait être là pour voir la pluie de 2 $, les deux piastres qui s'abattaient sur les personnes âgées. C'était donc effrayant, deux piastres pour une ordonnance lorsqu'on a besoin d'un médicament et qu'on a plus de 65 ans. C'était infernal, c'était un gouvernement démoniaque qui avait pensé une chose semblable. Là, ça coûte quelque chose comme 900 $ à 1 000 $ par année. On n'est plus à 2 $ par ordonnance, maximum 100 $, hein? Ça a décuplé, littéralement. Et j'incite le premier ministre à aller voir - en hélicoptère ou autrement - les personnes âgées pour voir ce que ça signifie pour vrai dans leur budget, leur revenu disponible net après toutes ces dépenses obligatoires en raison de l'âge, dirons-nous, ce que ça représente, le programme du ministre de la Santé et du gouvernement, du premier ministre en matière d'assurance-médicaments.
Le cafouillage assez remarquable en matière de santé, l'épisode du transfert de la capacité de greffes coeur-poumon de Montréal à Québec, en passant par des médecins de Toronto, et le retour à Montréal, on n'avait vraiment pas besoin de ça, pour des petites raisons partisanes qui tenaient au rôle de ministre régional du ministre de la Santé.
En matière de sang contaminé, de victimes de transfusions de sang contaminé et de produit dérivés, on a encore eu un échange aujourd'hui qui, à mon sens, démontre l'insensibilité, l'incompréhension du problème de fond tel qu'il se présente pour les milliers de victimes au Québec qui n'ont pas eu la chance de tirer le numéro chanceux: à partir du 1er janvier 1986. Ça demeure, ça, ça persiste, et je suis étonné - je le dis honnêtement - de voir comment le premier ministre, qui cultive avec beaucoup de succès une rhétorique de coeur sur la main, nous a servi des arguments juridico-juridiques pour ne pas bouger sur ce problème-là, pour maintenir une position qui est indéfendable au point de vue éthique, au point de vue sensibilité, au point de vue de la compassion dont on doit faire preuve à l'endroit de ces victimes innocentes de gestes des pouvoirs publics quels qu'ils soient, sans mettre le chapeau à qui que ce soit.
Les listes d'attente, les histoires d'horreur en matière de santé, les décès dans les salles d'urgence, il n'y en a pas 50 par jours. Ce n'est pas de ça qu'on parle, c'est que, à un moment donné, c'est le symptôme d'un plus grand mal beaucoup plus diffus. Parce que ça n'a pas été planifié dans les moindres détails, tout ça, le virage ambulatoire, ça a été fait de façon brutale pour des raisons purement comptables. Ça n'a pas été vraiment planifié.
Lorsqu'on regarde ce qui s'est fait ailleurs, moi, je veux bien qu'on se vante du côté gouvernemental, mais qu'on se vente au moins en prétendant qu'on a imité là où ça s'est mieux fait et bien fait. Il y a des manques flagrants de planification, le pire étant le mauvais jugement ou, je dirais... On ne peut peut-être pas s'en prendre au mauvais jugement des fonctionnaires du gouvernement, sur le niveau qui aurait incité 15 000 plutôt que 35 000, 40 000 personnes à se prévaloir de mesures de préretraite. Disons que ça a été mal préparé. Mal préparé. On n'a pas ciblé les postes où, peut-être, il y avait trop de monde, on n'a pas ciblé les établissements, on n'a pas ciblé les catégories d'emplois, etc., ce qui fait qu'on a les cas pratiques de salles d'urgence, de salles d'opération, etc., où ça a été vraiment décimé. En toute liberté, les gens ont choisi de se prévaloir des mesures de départs assistés, et ça a décimé certains services publics complètement avec les effets qu'on connaît. Alors, il n'y a pas eu de planification dans les moindres détails, comme se plaît à le répéter le gouvernement, notamment le premier ministre et son ministre de la Santé.
En matière d'éducation, là aussi on a fait valoir comment, en réalité, ça coûte de plus en plus cher pour aller à l'école gratuite au Québec. Et là, c'est là-dessus, on commence à toucher comment les familles vivent tous les jours, et là-dessus le premier ministre ne peut pas échapper à sa responsabilité. S'il sort quelque chose de notre discussion d'aujourd'hui, ça va être... À tout le moins, on va aller le plus loin possible dans le temps qui est disponible pour voir comment le premier ministre envisage son soutien à la famille québécoise, comment, en matière d'éducation, comment, en matière de services de garde - on va en parler - comment, en matière d'aide à la conciliation famille-travail pour les femmes, le gouvernement a agi, comment, dans le soutien financier aux familles plus ou moins nombreuses - ça doit vouloir dire quelque chose d'avoir plus ou moins d'enfants si on regarde l'avenir d'une façon un peu complète - le premier ministre, lui, s'est comporté, ce qu'il en dit de tout ça, après tout ce qu'il a dit dans le passé, ce qu'il a fait après ça.
Bien, évidemment, en matière de d'éducation et de politique familiale, je me souviens, comme tout le monde, j'avais salué ça, moi, je trouvais ça intéressant que le premier ministre dise - dans le fond, tous les gouvernements devraient dire ça: Le gouvernement, s'il réussit, sera le gouvernement de l'éducation. Ça et dire: On est le gouvernement de l'avenir de notre société, on est le gouvernement des jeunes, on est le gouvernement des familles, de la préoccupation pour leur avenir et l'avenir de leurs jeunes, c'est toutes sortes de façons différentes de signaler l'engagement du gouvernement envers les familles québécoises. La réalité, encore une fois, si on regarde les tableaux - on ne s'inondera pas de chiffres de ce côté-ci - c'est que le revenu disponible des ménages québécois est à la baisse. Oui, supposément, l'environnement économique est meilleur, etc., on exporte, c'est épouvantable, le taux de chômage a baissé, les entreprises fleurissent, la réalité, c'est que le revenu disponible des ménages québécois a baissé depuis quatre ans, et ça, ça laisse des traces.
(16 heures)
Ce que les familles, par ailleurs, sont obligées de faire avec leur revenu disponible, par exemple en matière d'éducation soi-disant gratuite, c'est de payer quelque chose entre 130 $ et 155 $ par élève, là, en moyenne à la grandeur du Québec pour toutes sortes de frais périphériques de toutes natures. Je n'ai pas encore parlé de ce que ça peut représenter dans certaines écoles, la surveillance du midi, elle était toujours prise pour acquis. Moi, enfin, je me souviens, à l'école primaire, il y a bien longtemps, on allait là à 8 h 30, le matin, on sortait de là à 16 heures. On avait apporté notre lunch plus souvent qu'autrement, puis il n'y avait pas de facture qui arrivait par la tête de nos parents parce qu'on nous surveillait à l'heure du dîner. On était à l'école, et nos parents pensaient que, si on était là de 8 h 30 à 16 heures, quelqu'un nous surveillerait à temps plein d'une façon ou d'une autre. Ils payaient des impôts pour s'assurer que l'encadrement n'était pas un vain mot ou, je dirais, un concept pour lequel il faut payer au fur et à mesure, lorsque les enfants sont à l'école. Ça, c'est la dure réalité à laquelle, maintenant, on doit s'habituer, dans les familles québécoises. Ça coûte quelque chose, aller à l'école gratuite.
Deuxièmement, on n'est pas équipé comme on devrait. On a recensé, nous, avec les chiffres du ministère et le sondage du ministère de l'Éducation... La ministre de l'Éducation peut bien monter sur ses grands chevaux et dire qu'on invente les chiffres à mesure. Elle ne voulait pas nous donner les résultats de ses sondages. On est allés les chercher par l'accès à l'information, puis on en a fait état publiquement, puis il s'est avéré qu'il y avait des carences réelles dans la disponibilité de manuels scolaires pour les enfants au primaire et au secondaire. C'est les chiffres de la ministre. On a compris après pourquoi elle ne voulait pas les rendre publics. Mais aujourd'hui, elle dit qu'on invente ça à mesure, parce qu'elle a trouvé une école, quelque part, où ce n'est pas vrai, dans telle région, les chiffres qui étaient disponibles, sur lesquels la ministre travaille et qui, présumément, lui a donné l'idée d'un plan d'action pour, effectivement, que les élèves aient des manuels entre les mains et puissent faire leurs devoirs eux-mêmes, sans emprunter au petit compagnon qui a déjà fini, etc., ses devoirs. Il doit y avoir un fond de vérité si la ministre est en train de poser les gestes, et le gouvernement est en train de poser des gestes pour assurer la disponibilité des manuels scolaires, pour ne pas nous dire que ce n'était pas vrai qu'il en manquait, puis en même temps avoir un plan d'action, puis dépenser de l'argent pour que ce soit rendu disponible.
Alors, en matière, donc, d'éducation, à cet égard-là, des manques réels, on pourra peut-être en parler tout à l'heure.
Finalement, en matière de politique familiale comme telle, ce à quoi on assiste, c'est un désengagement du gouvernement en matière de soutien à la famille québécoise: abolition des allocations à la naissance. Ça doit vouloir dire quelque chose, allocation à la naissance, vous savez. Il doit y avoir une raison pour laquelle ça a été mis sur pied. Reconnaître les responsabilités additionnelles, les coûts, donc, ultimement, le mode d'organisation, l'achat d'une maison avec une chambre de plus, quand il y a un troisième enfant. C'est pour ça que c'était si généreux à partir du troisième enfant. C'est disparu, ces affaires-là. Même chose pour l'abolition de l'allocation pour les jeunes enfants.
Qu'est-ce qu'il dit, le premier ministre, quand on lui fait remarquer cela? Il est allé à TVA, il y a quelque temps, au début du mois. Ça m'avait frappé, ça, je pense, un vendredi. Ça, vraiment, ça m'avait frappé de voir - je suis obligé de le dire - l'espèce de désinvolture avec laquelle le premier ministre... Encore une fois, on dirait qu'il est tombé dans des ornières légalistes et juridiques, à la limite bureaucratiques, technocratiques. On ne nous a pas habitués à ça du tout. Il est rendu comme ça, pour expliquer que c'est un sacrifice que les jeunes familles doivent faire, pour des raisons un peu obscures. Lorsque, par exemple, on lui soulignait qu'une mère de quatre enfants avait perdu 75 % de ses allocations familiales et qu'elle demeurait, elle, à la maison, alors là, il disait... Bon, on vient de comprendre qu'elle n'avait pas droit à la garderie à 5 $ par jour, notamment, et ce qui entoure tout ça, et le premier ministre a dit: Alors, les gens, ils font le choix. Il dit: Je respecte ça, moi - je le cite au texte - je respecte ça, moi, une femme, par exemple, qui est une mère de famille, qui décide de rester à la maison et de consacrer quelques-unes des meilleures années de sa vie à l'éducation de ses enfants. Je respecte ça, mais c'est un choix. C'est un choix.
Donc, ça doit lui coûter quelque chose. Il faut maintenant, là, que les femmes, au Québec, les mères de famille, fassent ce choix-là d'élever leurs enfants en toute connaissance de cause, et la connaissance de cause, c'est: Tu n'as plus de soutien financier, pas accès au programme d'allocation pour jeunes enfants. Il n'y a plus d'allocation à la naissance. On a financé un modèle unique, un 42 régulier pour tout le monde, le veston, là. 5 $ par jour, indépendamment des revenus des familles, pour faire garder leurs enfants dans des garderies sans but lucratif, ultimement syndiquées CSN. Bien, c'est quoi, le deal, là, avec Gérald Larose, pour en arriver là, dans notre société, de geler l'attribution de permis des parents qui voudraient se construire un modèle différent de ça?
On dit: Oui, tous les modèles, vous êtes libres. Vous êtes libres, vous avez le choix, mais on ne donne pas un cent. Arrangez-vous avez vos troubles, que les garderies privées bénéficient, au-delà du 5 $, et que les parents paient, au titre du financement de ces garderies-là, d'à peu près 18 $ ou 19 $ par jour, alors que les sans but lucratif, avec tous les programmes auxquels ils peuvent avoir accès, c'est 33 $, 34 $ par jour.
Qu'est-ce que c'est, le mal social qu'il y a dans un choix de s'organiser à sa façon pour faire garder ses enfants? Pourquoi cette discrimination, dans le fond, de l'État, à l'endroit du modèle que les familles choisissent pour faire garder leurs enfants? Qu'est-ce qu'il y avait de tout croche là-dedans autrefois? Et ça, c'est ce qu'il y a de plus étonnant dans les discours de liberté et de démocratie, démocratie, démocratie. Je n'ai jamais entendu le mot «démocratie» prononcé aussi souvent que par le premier ministre, dans les contextes les plus étonnants, d'ailleurs. Et tout d'un coup, la démocratie qui signifie quand même autre chose dans une société où la liberté a également au moins le même sens que tout ce qu'on veut accorder au concept de démocratie. Bien, il y a eu une discrimination, à mon sens, à l'endroit des familles québécoises.
Le premier ministre dit: Oui, vous pouvez bien faire le choix d'élever vos enfants, de rester à la maison. Mais, je le cite encore, le premier ministre disait à cette auditrice: Je ne lui demande pas de faire ce choix-là, je l'admire. Je considère ça remarquable, mais c'est la contribution qu'elle doit faire.
C'est extraordinaire. Elle a quatre enfants et sa contribution à la société, c'est d'être privée du soutien de l'État. C'est mot à mot, essentiellement, ce que je dis. C'est exactement ce que le premier ministre a dit. Ça m'avait étonné à un point tel que j'ai dit: Ça me prend la transcription de ça. Ça ne se peut pas qu'il ait dit ça. Bien oui, c'est précisément ce que le premier ministre avait dit. Le financement du modèle 42 régulier pour tout le monde pour faire garder vos enfants. Il suffit de regarder autour de la table pour savoir qu'on ne porte pas tous du 42 régulier, là. Pourtant, les familles québécoises viennent d'entrer dans ce modèle-là.
Nous, on trouvait qu'avec l'exonération de ces frais-là, par exemple des familles à revenus modestes, vraiment elles pouvaient payer 1 $ ou 1,25 $ par jour. C'était l'ordre de grandeur. Le minimum, c'était 1 $. Ce n'était pas 5 $, c'était 1 $, pour ainsi dire rien pour beaucoup de familles. Ailleurs, par leur mécanique de la fiscalité, bien, ceux qui avaient plus d'argent, ils contribuaient plus plutôt que proportionnellement moins. C'est une autre façon d'aider les familles québécoises, une façon non discriminatoire, je dirais, et ça, moi, je trouve ça extrêmement important d'avoir ça à l'esprit.
On me signale que ça fait quelques petits moments que je m'entretiens, M. le Président. Il va donc y avoir des échanges, et je reviendrai un peu plus tard. On aura le temps d'ici deux ou trois heures, sur tout l'aspect du financement des services publics par la croissance économique, ce que le gouvernement fait ou ne fait pas à cet égard-là, et, incidemment, ce que Standard & Poor's a précisément dit de l'option soutenue par le premier ministre et le Parti québécois, en matière constitutionnelle.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le député de Rivière-du-Loup.
M. Mario Dumont
M. Dumont: Merci, M. le Président. Ce que je veux surtout essayer de faire, c'est une évaluation de quel genre d'avenir ce gouvernement-là est en train de nous proposer. Je sais que c'est bien important de ressasser lequel des deux gouvernements a été pire pour plusieurs de nos concitoyens péquistes ou libéraux qui s'échangent le pouvoir. C'est du pareil au même pour plusieurs éléments.
Sur différents critères, je pense que c'est important de regarder quel genre d'avenir nous est préparé au niveau des jeunes. J'arrête tout de suite le premier ministre. Je sens que l'une de ses priorités pour les jeunes, c'est le déficit zéro, et je pense que là-dessus, il a l'appui généralisé de la Chambre et je l'invite à ne pas céder. La tentation est trop facile. Même le futur chef du Parti libéral se retrouve sur une scène. Il devient excité parce que les gens applaudissent, puis tout à coup il pense qu'il pourrait faire plus de programmes sociaux. Il s'échappe et il dit: On va recommencer à dépenser. Et la tentation est toujours là de recommencer à faire des déficits, de recommencer à emprunter, surtout en l'absence d'imagination pour faire différemment les choses.
Je pense que là-dessus, le gouvernement doit être ferme sur son maintien du fait qu'il faut trouver des façons nouvelles de faire et il faut arrêter d'emprunter. Il ne faut même pas être tenté de recommencer à emprunter pour financer quoi que ce soit de nouveau.
Néanmoins, sur le déficit zéro, ce que, moi, je constate, c'est que, d'abord, il y en a une partie qui se fait sur le dos des jeunes à l'heure actuelle. On l'a vu la veille de la loi sur les municipalités. On a eu l'occasion d'en discuter lors de la période des questions. La loi que le gouvernement a déposée faisait un lit pour les clauses orphelin, introduisait là un mécanisme par lequel les municipalités qui voulaient régler par des clauses sur le dos des jeunes allaient pouvoir le faire, parce qu'on savait que celles qui avaient déjà réglé, il y en a plusieurs qui l'avaient fait sur le dos des jeunes. Et, s'il y a eu des abus dans le passé, c'est absolument inacceptable qu'aujourd'hui on dise: Cette année, on serre la vis - on l'a fait dans le secteur de l'éducation aussi avec la CEQ - ceux qui sont en place à l'heure actuelle, on les fixe aux mêmes conditions pour ne pas les pénaliser, pour ne pas leur faire mal, mais ceux qui vont arriver dans l'avenir, eux autres, on va leur faire d'autres genres de conditions puis on va sauver de l'argent sur leur dos.
(16 h 10)
Quand je vois le premier ministre qui fait confiance ou qui semble laisser ce dossier-là des clauses orphelin dans les mains de son ministre du Travail, ça m'inquiète parce que le ministre du Travail, on attend encore après des projets de loi. Il avait manqué de temps au printemps 1997. Il avait manqué de temps, le menu législatif était trop chargé. Il n'a toujours pas trouvé le temps, depuis ce temps-là, pour poser des gestes, poser des actions. Ça fait que là on risque d'être reportés loin dans le temps si on attend des actions là-dessus.
Je veux qu'on regarde aussi les conditions économiques qui sont celles des jeunes familles. L'accès à la propriété, on a pelleté dans la cour des municipalités. On a considérablement attaqué l'accès à la propriété des jeunes ménages, mis par-dessus le fait qu'ils sont de plus en plus taxés et surtaxés.
Le gouvernement nous dit qu'il n'augmente pas les taxes et les impôts, mais regardez la courbe d'augmentation des revenus du gouvernement. C'est une courbe qui est constante. Cette année, 1 500 000 000 $ en vrai argent supplémentaire qui apparaît dans les livres du gouvernement. Ça ne tombe pas du ciel, là. C'est parce qu'on n'indexe pas les différents crédits d'impôt. Par toutes sortes de façons, on vient chercher tout ce qu'il y a de croissance économique. Le gouvernement vient toute la chercher. Quand le gouvernement vient chercher 1 000 000 000 $ de plus dans les poches des gens, que ça porte n'importe quel nom, c'est de l'argent qui n'est pas remis dans l'économie, c'est de l'argent supplémentaire qui aurait pu être remis dans l'économie pour la faire tourner.
Le premier ministre nous a donné des chiffres sur le chômage chez les jeunes en nous disant que le chômage diminuait. Si on regarde ce que le Conseil permanent de la jeunesse, qui est un organisme qui relève du gouvernement, nous présente comme chiffres au niveau du chômage chez les jeunes, bien, pour cette année, c'est une augmentation du chômage pour les jeunes. À la fin de l'année 1997, c'est 16,3 % de chômage chez les jeunes, puis, quand on le regarde par région, la propre région du premier ministre, plus de 20 % de chômage chez les jeunes; même chose sur la Côte-Nord, en Gaspésie, on parle de plus de 30 %. C'est des taux de chômage très, très élevés qui frappent les jeunes du Québec.
Le taux de chômage chez les 15-29 ans est de 16,3 %; chez les plus de 30 ans, il est de moins de 10 %. Chez les 15 à 29 ans qui n'ont pas complété leurs études secondaires, c'est de 27 %, le taux de chômage. Là, on parle de jeunes qui ont entre 15 et 29 ans, donc qui ont encore au moins un 30 ans devant eux sur le marché du travail. Déjà, ils sont suffisamment démunis par rapport au marché du travail qu'il y en a plus du quart qui sont sans emploi. Là, on parle des conditions économiques des jeunes.
Parler de l'avenir, aussi, c'est parler - j'ai eu l'occasion de le faire il y a quelques semaines - de la capacité du Québec de donner de l'espoir aux meilleurs de ses jeunes, à ceux qui finissent leurs études - et, Dieu merci, il en reste un bon nombre - avec des doctorats, pour qui, au cours de leurs études, ça a bien été, pour qui on a payé pour former jusqu'au plus haut niveau et qui, à cause de la fiscalité, parce qu'on est les plus taxés en Amérique du Nord pour des services pas tellement meilleurs qu'ailleurs ou pas meilleurs qu'ailleurs du tout dans bien des cas... Parce qu'on n'investit pas suffisamment en recherche et développement, on n'est pas capables d'offrir à ces jeunes-là des opportunités, de leur faire sentir qu'il y a de l'opportunité réelle au Québec, ils décident d'aller travailler ailleurs. Ça coûte très cher. Ça coûte très, très cher à une société. Et ça, c'est le genre de questionnement d'avenir qu'il va falloir se poser.
En matière d'éducation... On parlait du taux de chômage extrêmement élevé chez nos jeunes de 15 à 29 ans qui n'ont pas terminé leurs études secondaires. C'est spectaculaire de voir un gouvernement qui continue ce que le précédent faisait, en enlevant dans les écoles toutes les mesures d'aide aux décrocheurs, en enlevant dans les écoles toutes les aides en orthopédagogie - on a fait un grand ménage de ça - qui étaient ceux, finalement, qui venaient aider le jeune qui est en difficulté, qui venaient lui donner la petite poussée supplémentaire pour qu'il puisse suivre le groupe.
Mais on met la maternelle à temps plein parce que ça, il y a de l'argent pour ça, des centaines de millions pour une maternelle à temps plein obligatoire pour tout le monde. Donc, la maternelle nouvelle, c'est la maternelle à temps plein parce que là on veut identifier les décrocheurs. Le gouvernement nous dit qu'il veut identifier les décrocheurs. Par contre, le long de leur chemin, on a enlevé le soutien, on a enlevé l'aide. Mais on dit: En maternelle, on va les identifier. On pourrait leur mettre un clip sur l'oreille pour être sûrs qu'on va les suivre tout au long de leur cheminement et que le gouvernement va les avoir identifiés. C'est ça que j'en lis. Mais l'aide, par contre, sur leur parcours, elle n'est plus là.
Et ça, c'est des questionnements d'avenir, parce que - ça nous dit des choses - s'il y a plus de 27 % de chômeurs chez nos jeunes de 15 à 29 ans qui n'ont pas complété leurs études secondaires parce que de plus en plus, pour ces jeunes-là, le marché de l'emploi offre moins d'opportunités pour des jeunes qui n'ont pas fini leurs études secondaires, ça va être quoi dans 10 ans, ça va être quoi dans 20 ans, le marché de l'emploi pour ces jeunes-là? Un jeune de 25 ans qui est dans ce 27 % là aujourd'hui, dans 20 ans d'ici, le marché de l'emploi va être encore plus exigeant, va encore exiger plus de formation, puis cette personne-là va avoir juste 45 ans. Elle ne sera pas encore rendue à sa retraite. Elle va être encore dans la fleur de l'âge. Comment le Québec va pouvoir lui donner des possibilités? Alors, c'est ça, les questionnements. On aura l'occasion d'y revenir lors des questions.
Et, conscient que le fait de ne plus endetter les générations fait consensus unanime dans la société québécoise, le fait de ne plus s'endetter, compte tenu des dettes qu'on a déjà, ce n'est pas suffisant pour dire qu'une société se prépare véritablement à un avenir et à des opportunités.
Discussion générale
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député de Rivière-du-Loup. Les remarques d'ouverture étant faites, n'ayant pas eu d'autres demandes de remarques d'ouverture, nous allons maintenant entreprendre l'étude des crédits proprement dite. Alors, nous pouvons maintenant procéder à l'étude des programmes 1 et 2.
M. Bouchard: M. le Président, est-ce que vous m'autoriseriez à, peut-être, réagir à des propos qui viennent d'être tenus par le chef de l'opposition et par le député de Rivière-du-Loup?
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Certainement.
État des finances publiques
M. Bouchard: D'abord, s'agissant, le chef de l'opposition est revenu sur la gestion du gouvernement libéral au sein duquel il occupait la haute fonction du président du Conseil du trésor et il a eu des propos un peu incrédules quant à ce que nous avons souvent dit qu'il y a eu des dépassements budgétaires, dans l'ancien régime libéral.
D'abord, je ne vois pas comment il peut se vanter d'avoir maintenu un niveau de dépenses qui constitue un redressement, parce que nous savons que, d'année en année, le niveau des dépenses dépassait l'augmentation du PIB, il dépassait l'inflation. Je ne vois pas beaucoup de rigueur dans cela, M. le Président.
Par contre, quant aux dépassements, je voudrais citer en particulier trois années de suite, là, 1990 à 1993. L'écart entre le déficit annoncé puis le déficit réel... Oui, l'écart, c'est un dépassement, un dépassement du déficit. Oui, mais, au point de vue des dépenses, en tout cas, je pense que vous ne pouvez pas nier que vous les avez fixées à un niveau supérieur à l'inflation et supérieur au taux d'augmentation du PIB. On ne peut pas dire que là il y a un effort extraordinaire. Et au moment où il aurait fallu, justement, resserrer les dépenses, vous avez continué de les augmenter.
Et puis, quant au fait d'avoir défoncé les déficits qui étaient prévus, défoncé les engagements budgétaires, je comprends les gens de New York d'avoir été inquiets. En 1990-1993, vous défonciez de 1 142 000 000 $.
Nous autres, là, on surveille les postes budgétaires, actuellement, à la journée, 50 000 $ là, 100 000 $ là. Il ne faut pas que ça dépasse nulle part. Et, quand on dit qu'à la fin des 1990, 1993 ça avait défoncé littéralement de 1 142 000 000 $, est-ce qu'il y avait de la gestion au gouvernement? Est-ce qu'il y avait un Conseil du trésor? Est-ce qu'il y avait des gens qui s'occupaient de ça?
Moi, je ne suis pas très expérimenté là-dedans. Je n'étais pas là, à l'époque, mais je me dis: Il a dû y avoir des bras de fer. Il y a des gens qui n'étaient pas contents au sein du gouvernement, sûrement. Je peux bien penser que le président du Conseil du trésor, qui a de la rigueur, n'était pas très heureux. Mais il reste que le régime comme tel, un régime libéral, nous a livré ce dépassement-là.
L'année d'après, 749 000 000 $, et puis la dernière année, dont on a hérité en queue à la fin, bien là, c'est 1 285 000 000 $. Puis on me dit que M. Parizeau était revenu, radicalement, pour essayer de diminuer encore ce dépassement-là, mais que le mieux qu'il ait pu faire pour contrer les dégâts qui avaient été laissés par le gouvernement libéral d'avant, c'est un dépassement de 1 285 000 000 $.
Mettez-vous à la place... Vous savez, des fois, on critique les agences de crédit financier qui nous cotent. Mettez-vous à leur place quand elles regardaient ces dépassements-là. Comment est-ce qu'elles nous voient venir après ça, là?
Augmentation de la TVQ et diminutions d'impôts
Ça prend du temps à réparer ce genre de difficulté là. Bon. On nous a dit qu'on a augmenté la TVQ bien que, durant ma période d'intervalle, j'avais dit qu'il ne fallait pas l'augmenter. Alors, on ne l'a pas augmentée, M. le Président. On ne l'a pas augmentée l'année où je suis arrivé. Puis, quand on l'a augmentée, en contrepartie, on a diminué les impôts des particuliers. Cette année, c'est 500 000 000 $ de moins, au net. Les contribuables, cette année, on vient de les soulager de 500 000 000 $ de moins. Et les gens qui ont moins de 26 000 $, les ménages qui ont moins de 26 000 $ de revenus par année ne paient pas d'impôts. Puis, entre 26 000 $ et 50 000 $, ils viennent de diminuer de 15 % l'impôt qu'ils vont payer cette année. Puis, en haut de 50 000 $, c'est moins 3 %. Ça, c'est non seulement qu'on a tenu parole, mais on a diminué le fardeau fiscal, M. le Président, dans la réalité des choses.
Assurance-médicaments
L'assurance-médicaments, on en a dit un mot. Bien, écoutez, moi, je pense que c'est une des bonnes mesures qu'on a prises parce que l'effet net, c'est que 1 000 000 de personnes au Québec qui n'avaient pas cette protection-là l'ont maintenant, plus 300 000 enfants sans aucune surprime.
Réforme du système de santé et de services sociaux
Quant à la santé, bien, c'est un vaste débat. Peut-être qu'on va y revenir. Mais on sait bien que cette réforme-là, tout le monde savait depuis longtemps qu'il fallait la faire. Les premiers qui, d'ailleurs, ont dit publiquement qu'il fallait la faire, comme gouvernement, après avoir reçu le rapport Rochon, ça a été justement le gouvernement libéral dont faisait partie M. Johnson.
(16 h 20)
Si bien que, se rendant compte que tout le monde faisait la réforme de son régime de soins et de santé pour le rationaliser, pour le maintenir, compte tenu des pressions qu'exerçait le vieillissement de la population, ils ont décidé de donner un mandat à leur ministre de la Santé de l'époque, M. Marc-Yvan Côté, qui a pris ça au sérieux puis qui a annoncé qu'il y allait. Il a dit, à l'époque: Ça va être dur. Il l'a dit. Ça va être dur. Ça va être douloureux, a-t-il dit. Puis il a eu des mots très énergiques pour dire que ça prenait une détermination et qu'on n'avait pas le choix, qu'il fallait que le Québec s'engage dans cette voie-là. Puis il est parti.
Mais ce qu'avait prévu M. Côté a été réalisé pour moitié, puis ça a été douloureux. Tellement douloureux que le gouvernement libéral n'a pas pu tenir puis a laissé aller, a renoncé à la réforme. Puis, nous autres, on s'est retrouvés, après l'élection de 1994, avec l'obligation de faire ce qui n'avait pas été fait au temps où ça devait être fait. Donc, plus difficile à faire parce que plus tard, et puis il faut le faire plus rapidement.
C'est tellement remarquable, ce qui a été entrepris par M. Rochon, que même M. Côté, lui qui avait été échaudé par l'abandon de ses collègues pour faire la réforme, a eu des propos extrêmement élogieux pour M. Rochon, quand M. Rochon a entamé la réforme. J'ai ici devant moi une coupure de presse du Soleil du 14 avril 1996, où M. Côté dit: Chapeau, Rochon! Il a réussi là où j'ai moi-même échoué. Ça, c'est un geste de franchise dont sont capables les politiciens quand ils quittent la politique, M. le Président.
Alors, moi, je trouve que, bon, c'est bien d'attaquer le gouvernement. On est dans l'opposition, puis tout ça. Puis c'est dur pour le gouvernement, c'est vrai. Mais la population sait bien, M. le Président, qu'il faut la faire, cette réforme.
Puis il y a beaucoup d'exagération. Les urgences, par exemple. J'ai devant moi, ici, les chiffres de ce matin 28 avril. Relevé quotidien des salles d'urgence. D'abord, ça n'existait pas avant, ça. Je n'ai pas besoin de vous dire, M. le Président, que, du temps des libéraux, il n'y avait pas de documents que tout le monde pouvait consulter pour vérifier comment ça allait. Nous, on a mis ça en marche. C'est des instruments nouveaux qui existent de jour en jour. Comme, ce matin, on peut voir, par exemple, qu'une des mesures principales pour savoir si ça va bien ou si ça va mal, c'est-à-dire: Est-ce qu'il y a des gens sur les civières pour plus de 48 heures? ce matin, je n'en vois pas. Il n'y en a pas. Peut-être à une place. Là, il y en a une, LaSalle; deux à Douglas. Mais regardez toute la grande... Vous voyez la file qu'il y a là? C'est tous des zéros, sauf quelque un ou deux. J'ai vu un trois aussi. Donc, c'est ce qu'on trouve, dans les urgences, là.
Malgré tout ce qu'on dit, c'est sous contrôle, puis on le démontre par des réalités objectives, par des instruments qu'on donne à la population pour qu'elle puisse nous surveiller puis vérifier, et avec raison. Parce que c'est important, la santé.
Pour ce qui est de l'attente, on parle beaucoup d'attente. Bon, il y a des cas, c'est sûr, et c'est toujours des cas dont on se préoccupe. Ça fait mal de voir qu'une personne, quelque part dans le système, a attendu trop longtemps, oui, puis l'angoisse... On sait que ce n'est pas bien, là. Mais un système, ça se juge dans l'ensemble. Les histoires d'horreur qu'on a vues dans les journaux du temps des libéraux, dans les hôpitaux, c'est bien pire que ce qu'on entend maintenant.
D'autant plus que, pour les attentes, j'ai devant moi le tableau du résultat d'une étude approfondie qui a été faite, pour toute l'année 1996, sur les différentes spécialités médicales, en termes d'attente, pour toutes les provinces canadiennes. Et c'est fait par l'Institut Fraser, de Vancouver, pas suspect de sympathie exagérée pour le gouvernement du Québec.
Et, quand on regarde tout ça, là, on voit que... Puis, regardez, il y a les chiffres spécialité par spécialité. Dans la très grande partie des spécialités, on a les plus courts temps d'attente. Et la moyenne générale au Canada, si on se compare aux autres provinces, quand ils font la somme de tout ça, bien, on est ceux où on attend le moins des services médicaux dans les spécialités, en 1996. C'est les derniers chiffres qui sont disponibles, et ça, c'était en plein coeur de la réforme Rochon, comme on l'appelle.
Alors, c'est à voir, ces chiffres-là, vous savez. Par exemple, en Alberta, c'est 7,3 semaines; Saskatchewan, c'est 8,5 semaines; Manitoba, 5,9 semaines; Ontario, 5,6 semaines; Nouveau-Brunswick, 7,1; Colombie-Britannique, c'est 9,1; Terre-Neuve, c'est 6,1; Nouvelle-Écosse, 5,7; Île-du-Prince-Édouard, 6,5; moyenne canadienne, 6,2; Québec, 5,1.
On est les meilleurs en termes d'attente. Alors, je comprends. C'est probablement trop aussi, cinq semaines. C'est encore pire ailleurs, bien sûr, mais on est tous dans le même problème, nous moins que les autres probablement parce qu'on a une gestion plus serrée. Mais le problème principal, ça vient du fait que le gouvernement fédéral a frappé tout le monde.
Transferts fédéraux
Quand le gouvernement fédéral nous a enlevé, à nous, depuis 1994, 7 000 000 000 $ dans la santé seulement, 3 000 000 000 $ dans l'éducation, 1 000 000 000 $ dans l'aide sociale, bien, ça paraît quelque part. D'autant plus que c'est le moment où, nous, on doit supprimer le déficit alors que les autres l'ont fait avant nous autres, en général. Parce que les libéraux ne l'ont pas fait quand c'était le temps, nous, en même temps, il faut qu'on fasse ça.
Donc, c'est sûr que c'est une situation qui n'est pas facile, mais on s'en tire bien. Ce n'est pas le mot... Je ne veux pas qu'on nous félicite, mais on ne s'en tire pas trop mal si on se compare aux autres provinces qui vivent la même situation par rapport au fédéral, souvent qui n'ont pas de déficit d'acquis, qui n'ont plus de déficit parce qu'elles ont réglé le problème, mais qui ont des temps d'attente plus longs que les nôtres. Alors, il faut quand même être justes. Bon. Soyons exigeants du gouvernement, parfait, c'est ce qu'il faut faire, mais soyons justes aussi.
En ce qui concerne... Ah oui! Il y a des questions. C'est vrai, j'avais posé des questions à nouveau et je n'ai pas eu de réponses encore. Je pense que le chef de l'opposition l'a oublié. Je lui avais demandé de nous dire ce qu'il pense de ce que le gouvernement fédéral fait, ces coupures-là qu'il nous fait dans la santé, comment il juge ça, lui. Est-ce qu'il trouve que ça a du bon sens ou pas? J'aimerais ça, avant qu'il parte, juste avant qu'il s'en aille, parce que peut-être voudrait-il s'astreindre au silence et à la réserve républicaine quand il aura quitté. Mais avant, justement, qu'il s'impose ce silence - peut-être qu'il voudra être de respect vis-à-vis de ses anciens... - avant qu'il s'impose ça, est-ce qu'il pourrait nous dire ce qu'il pense de ce que le fédéral est en train de faire à toutes les provinces, y compris au Québec? J'aimerais l'entendre là-dessus parce que je crois que c'est important que les citoyens le sachent.
Politique familiale
Pour ce qui est de la politique familiale, moi, je vous dirai que dans ce qu'on a fait, je trouve que c'est ce qu'il y a de plus important, puis c'est ce qu'on a fait de meilleur parce qu'on s'est occupé des enfants, on a investi là où il fallait investir, dans la jeune enfance, puis on a mis beaucoup d'argent, ça a coûté extrêmement cher. On en a mis, de l'argent, là-dedans. On a rebrassé, puis il a fallu en remettre parce que les programmes nous obligeaient à en remettre constamment.
Moi, je suis content, par exemple, de ce qu'on a fait pour la maternelle cinq ans. Ça n'a pas été facile. Le député de Rivière-du-Loup lui-même s'est inquiété de ce qui arriverait du fait que dorénavant les enfants de cinq ans iraient à la maternelle à plein temps. Peut-être qu'il s'inquiétait de ce qui arriverait à son jeune enfant quand il partirait toute la journée pour aller à la maternelle cinq ans, mais les événements nous ont démontré que le gouvernement a eu raison d'être courageux, puis de résister à la pression et de s'assurer que les enfants de cinq ans puissent avoir accès à la maternelle à plein temps. On sait que c'est un grand succès maintenant, c'est un très grand succès.
L'allocation familiale unifiée. On a permis que des familles qui n'avaient pas le revenu essentiel pour le minimum de subsistance reconnu l'aient maintenant. Tout le monde l'a maintenant. On a uniformisé ça par la hausse. On a permis aussi que quelqu'un qui est sur l'aide sociale, puis qui a une offre d'emploi qui n'est pas très rémunéré, qu'il soit incité à y aller. Avant ça, c'était pire. Avant ça, il s'appauvrissait s'il allait travailler. Maintenant, on a fait en sorte qu'en rehaussant, en facilitant les incitations au retour au travail des gens... Puis on a également fait en sorte qu'il y ait réconciliation du travail-famille. On s'assure qu'il soit possible pour les mères monoparentales, parce que...
Là, j'aborde tout de suite la question des choix qu'on m'a reprochée tout à l'heure, quand j'ai parlé des choix des mères qui décident de rester à la maison pour s'occuper des enfants. Les mères monoparentales, ça, c'est un phénomène très important dans notre société, M. le Président. Il y a beaucoup d'enfants au Québec, maintenant, qui sont élevés par des mères monoparentales qui n'ont pas le moyen, qui sont dans des situations de pauvreté et qui doivent aller travailler. Alors, il faut leur faciliter l'accès au travail. Une des meilleurs façons, c'est le service de garderie. C'est pour ça que le service de garderie qu'on a instauré est une grande mesure sociale qui s'inscrit dans le sens des impératifs modernes, dans le sens de l'avenir, et qui va faire en sorte qu'on va aider les mères monoparentales à s'occuper de leurs enfants, si elles doivent travailler, pour qu'elles puissent choisir de travailler aussi.
(16 h 30)
Maintenant, qu'est-ce qui arrive? Ça, c'est une question importante qu'il soulève, le chef de l'opposition. Moi, vous savez, les gens de ma génération, par exemple, c'est sûr que nos mères étaient à la maison dans 99 % des cas, j'ai l'impression. Donc, le modèle familial qu'on est portés à considérer comme idéal, nous, les gens de notre génération et, je pense bien, aussi les gens de la génération de M. Johnson, c'est la mère qui est à la maison et qui s'occupe des enfants tout le temps. Bon.
Mais les choses ont changé. On a vu qu'il y a toutes sortes de phénomènes qui se sont produits, qui font en sorte que de plus en plus de femmes doivent travailler. Elles le choisissent d'abord par choix, mais souvent doivent travailler, elles n'ont pas le choix. Alors, si on veut réconcilier, pour les femmes en particulier, la possibilité d'aller travailler puis d'avoir des enfants puis les élever puis s'en occuper correctement, il faut intervenir. Il y a des choses qui ont changé à ce moment-là. Donc, l'État doit investir de ce côté-là.
Moi, je souhaiterais, pour vous dire bien franchement... Et j'ai hâte de voir le jour où on pourra compenser financièrement les mères qui font le choix de rester à la maison pour élever leurs enfants elles-mêmes. Je pense que ce sera une société qui sera plus avancée, qui aura atteint un état de civilisation et de socialisation plus évolué, quand elle pourra, qu'elle aura les moyens financiers d'aider les femmes qui veulent faire des choix de rester à la maison pour élever leurs enfants elles-mêmes. Mais, malheureusement, il faut bien le dire, on n'est pas rendu là.
Les efforts qu'on fait présentement, dans tous les domaines, ne nous permettent pas - puis il n'y a pas beaucoup de sociétés aussi qui peuvent faire ça - d'aller jusque-là. Je souhaite qu'un jour on puisse le faire. Et je vois venir, comme le chef de l'opposition, ce besoin, pour les gouvernements, d'être de plus en plus sensibles à cette réalité. Je le vois venir, c'est évident. On le constate, on connaît du monde, nous autres aussi, puis on entend parler des gens. On voit que l'ancien modèle, qui a été jugé parfois sévèrement par la jeune génération des femmes qui allaient travailler puis qui ne voulaient pas rester à la maison, est en train d'être reconsidéré. Au fond, ce que les gens veulent, c'est avoir des choix financiers de faire ou de ne pas faire. Alors, en ce qui concerne l'aspect financier du choix, je pense qu'actuellement il est impossible. Je ne vois pas comment un gouvernement pourrait créer des programmes pour payer les femmes qui restent à la maison pour élever les enfants. Ça ne me paraît pas si simple que ça, mais il faut continuer d'en discuter pour faire avancer les choses.
Situation des jeunes
L'éducation et les jeunes, juste sous l'angle des jeunes, il faut quand même noter qu'on est le gouvernement qui a permis, en sorte, que 9 000 à 10 000 nouveaux postes soient créés. On a embauché des jeunes dans l'éducation, là: 9 000 à 10 000 jeunes ont été embauchés. Ça, c'est quelque chose qui est sans précédent: on n'a pas vu ça depuis les années soixante. C'est nous qui avons maintenu encore le gel des frais de scolarité, ce qui fait que les étudiants du Québec paient infiniment moins de frais de scolarité que la moyenne canadienne. On vient d'investir 40 000 000 $ dans le budget récent pour soulager l'endettement. Et n'oublions pas aussi ce combat qu'on a entrepris contre les bourses du millénaire, pas contre les bourses comme telles, mais sur la façon dont le gouvernement fédéral veut nous retourner une partie de l'argent qu'il nous avait enlevé dans l'éducation. Alors, il y a déjà une large coalition qui est formée, maintenant, de tous les intervenants de l'éducation, qu'il s'agisse du côté syndical, patronal, de quelque niveau que ce soit, universitaire, secondaire, primaire, et du gouvernement aussi. Même du côté du patronat, on voit poindre des appuis qui vont se manifester de plus en plus de ce côté-là.
Au fond, il ne s'agit pas d'une affaire d'être souverainiste, fédéraliste. Ce que les gens n'acceptent pas, parce que c'est trop simple, là, c'est que le gouvernement fédéral, qui n'a pas juridiction dans l'éducation, s'en vienne créer des bourses à même des montants qu'il vient de nous enlever à nous pour... Il nous a enlevé 3 000 000 000 $ dans l'éducation puis il va prendre une petite partie de ça pour le mettre dans des bourses qu'il va saupoudrer un peu partout, selon les critères qu'il veut lui-même fixer, puis il veut le faire lui-même par sa propre fondation. Ça, c'est trop smart, comme on dit, là, ça ne marche pas, ça. Ça, de nous forcer à couper dans l'éducation comme on a coupé, on n'aime pas ça plus que les autres, là. Parce qu'ils ont réussi à régler leur déficit sur notre dos. Maintenant, ils font des surplus considérables: ils vont faire au moins 12 000 000 000 $, cette année, de surplus à Ottawa. Puis d'en prendre une petite partie pour entrer dans nos juridictions, ça, ça ne marche pas, puis le monde ne l'accepte pas. Et j'inviterais également M. Johnson, c'est une autre chose qu'il pourrait faire, qu'il pourrait dire, en tout cas, avant de partir, qu'il appuie la coalition, qu'il réprouve cette attitude du gouvernement fédéral, dans le domaine de l'éducation comme dans le domaine de la santé.
Clauses orphelin
Je voudrais dire un mot des clauses orphelin- on ne peut pas tout aborder, là - parce que le député de Rivière-du-Loup a soulevé la question des clauses orphelin. Bon, ça a toujours existé, mais marginalement. Ça n'a jamais été quelque... Enfin, ça n'a jamais été, pendant longtemps, ça n'a pas été quelque chose qui apparaissait comme un abus, tellement c'était éparpillé un peu partout. Et ce que certains croient voir monter maintenant, c'est un autre phénomène où, dans plusieurs conventions, les gens font des différences dans les catégories: un niveau, ça va être tant, puis les autres, ça va être plus. Bon. Alors, il y a des distinctions qui semblent devoir s'installer.
Remarquez que je ne veux pas dire que ce n'est pas la faute du gouvernement, En tout cas, je ne veux pas dire qu'il n'est pas responsable, parce qu'un gouvernement, c'est responsable de tout, mais ce n'est pas de sa faute si les conventions collectives sont négociées entre des syndicats puis des patrons. Sauf que, lui, le gouvernement, il est aussi... Les députés sont législateurs également, et, s'ils voient des abus, il faut qu'ils interviennent.
Alors, là, est-ce qu'il y a abus? Quels sont ces abus? Quelle en est l'étendue? C'est ce qu'on est en train de vérifier. Il y a un inventaire qui est en train d'être dressé. Dans quelques semaines, on aura le rapport, on va le rendre public tout de suite, on va l'envoyer en consultation partout et on fera une commission parlementaire, ici, pour le regarder ensemble, ce rapport-là. On convoquera des gens et puis on va l'étudier, le phénomène. Puis, s'il faut intervenir par législation pour l'encadrer, le limiter ou le moduler, on le fera. Donc, c'est un autre débat que nous aurons ensemble.
J'avais pris des notes de certaines choses, mais je ne veux pas les relever de façon... Il me reste un peu de temps, M. le Président?
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Vous avez pris 20 minutes.
M. Bouchard: Bon, alors je vais arrêter; 20 minutes, c'est ce qu'on doit prendre. O.K.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ces remarques d'ouverture étant faites et la réplique aux remarques d'ouverture, on pourrait... ou plutôt poursuivre les échanges, compte tenu qu'on a choisi de travailler d'une façon moins formelle. Je vais essayer, dans la mesure du possible, aussi de respecter l'alternance, les gens étant... parce que tous les membres de la commission ont la possibilité d'intervenir aussi. Alors, M. le chef de l'opposition.
M. Johnson: Oui, M. le Président. Je remercie le premier ministre pour certaines de ses réponses - effectivement, ça jette un éclairage additionnel - mais juste lui rappeler ce que je disais tout à l'heure. Ça fait 18 fois que je fais les crédits: j'ai fait ça neuf fois de ce côté-là puis neuf fois de ce côté-ci pour cinq ministères différentes, si on compte le Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes. Je n'ai jamais compris que c'était la période au cours de laquelle le gouvernement voulait poser des questions à l'opposition et qu'il fallait répondre de nos gestes ou quoi que ce soit. Mais ça ne fait rien, je vais peut-être créer un précédent. Une fois n'est pas coutume par définition dans le cas qui m'occupe évidemment pour l'avenir. Ça ne créera pas un gros précédent pour l'an prochain à mon endroit.
Politique familiale (suite)
Le premier ministre a jeté un éclairage réel sur sa conception de la politique familiale. Je l'écoutais et je trouvais que c'est essentiellement un programme d'incitation au travail pour les mères monoparentales. C'est à ça que ça ressemble plus que d'autre chose. Parce que, malheureusement, évidemment le premier ministre ne peut pas avoir la mémoire du fait que ce qu'il souhaite qu'on fasse, c'est-à-dire qu'on soutienne les familles nombreuses pour ce qui est du soutien spécifique concret pour les familles québécoises qui ont plus ou moins d'enfants, etc.
Mais c'est ça qu'il y avait avant qu'il n'arrive puis qu'il mette la hache là-dedans pour qu'il finance son programme de garderie à 5 $ par jour. Il ne coûte pas 5 $ incidemment; il coûte un petit peu plus cher que ça. Il va y avoir toutes sortes de frais d'entrée. On parle d'à peu près 200 $, 150 $ ou 200 $, de certains frais additionnels, là, comme d'entrée, d'inscription qui sont envisagés. Parce que, dans la mesure où il n'y aucune espèce de «provision» qui a été prise pour refléter l'augmentation des salaires, par exemple, des femmes, notamment des femmes qui s'occupent des enfants dans les garderies, ça, c'est une autre piastre par jour, 200 $ d'inscription, ou de faux frais, ou de frais périphériques, ou de coûts de toute nature. Beaucoup d'imagination pour inventer une nouvelle facture. Ça, c'est une autre piastre par jour. Alors, le 5 $ devient 6 $ assez rapidement.
Ceci étant, donc, le premier ministre nous a confirmé que son approche est uniformisatrice. En termes simples, en termes de tous les jours, c'est une mesure sociale, oui, je veux bien, mais l'approche est plutôt une mesure socialisante ou socialiste. Dans le fond, on dit: Tout le monde pareil. Je répète mon image de 42 réguliers 5 $ par jour, quels que soient vos revenus familiaux, à condition que ce soit dans les garderies que la CSN veut syndiquer mur à mur. Moratoire, donc, sur les formes alternatives de garde d'enfants que les familles peuvent avoir à l'esprit.
(16 h 40)
Alors, dans ce sens-là, le premier ministre se prend à rêver au jour où on va pouvoir faire ce qui existait déjà avant qu'il ne le change. Alors, là, vraiment, la boucle va être bouclée. Et je me demandais honnêtement pourquoi il nous arrive avec tout ça.
État des finances publiques (suite)
Quant aux finances publiques, là - on va s'échanger rapidement les tableaux - moi, je reviens encore au document du ministre des Finances de mai dernier qui devrait être confirmé - le mois prochain, je présume qu'il va sortir autre chose - avant que le ministre des Finances entreprenne ce qu'on appelle le «road show», qu'il aille voir un petit peu nos prêteurs un peu partout dans le monde pour aller se péter les bretelles, comme les ministres des Finances doivent le faire quand ils se promènent partout dans le monde.
Il y avait un tableau, toujours le même tableau, toujours la page 12. Le premier ministre a jeté un peu de confusion lorsqu'il dit: Vous augmentiez les dépenses davantage que le taux d'inflation. Je me permets de dire dans le langage de tous les jours: Ça n'a pas rap, là. Imaginons - l'inflation est très, très basse, là, depuis quelques années - un taux d'inflation de 1 %. On peut imaginer ça facilement, avec un PIB en termes réels, qui monte de 3 % ou 4 %.
Bien, ça, ça permet de soutenir une augmentation de dépenses réelles sans augmenter l'impôt de 2 %, par exemple. Ça n'a pas rapport que l'augmentation des dépenses soit plus ou moins grande que le taux d'inflation; c'est vraiment par rapport à la capacité de l'économie de soutenir l'augmentation de dépenses qui est en cause ici. Parce qu'il ne faut pas oublier qu'il peut y avoir des nouveaux programmes. Ce n'est pas juste de la surindexation des dépenses courantes qui est en cause quand l'économie va bien. Le vrai tableau, dans le fond, c'est celui qui apparaît à la page 12, toujours du même document du ministre des Finances actuel: Dépenses de programmes en pourcentage du PIB.
Le premier ministre a raison de soulever ça. Mais qu'il aille voir historiquement et effectivement ce que ses prédécesseurs ont fait et qu'il remonte le plus loin possible, il va voir que c'est assez spectaculaire, la part des dépenses de programmes dans le PIB lorsque le Parti québécois est au pouvoir, historiquement, par opposition aux autres moments où on voit que l'économie se tient très bien, pendant que les dépenses augmentent et qu'on soutient toutes sortes de services à nos concitoyens.
Alors, il faut faire attention. Il faut regarder les tableaux les uns après les autres sur la part des investissements privés que ça peut représenter, que l'activité économique ici, au Québec, peut représenter, l'évolution des salaires et traitements, part québécoise des investissements privés canadiens, l'évolution des investissements privés, le volume d'investissements privés de façon générale, Québec, Ontario, autres provinces canadiennes, Canada dans son ensemble, etc. Les investissements privés. Il y a toujours un écart entre la croissance moyenne des investissements privés au Québec et celle dans le reste du Canada. La question est de savoir si c'est plus ou moins grand selon les gouvernements qui sont en place. Surprise, surprise! Lorsque le gouvernement actuel et sa formation politique sont en place, depuis 1976, l'écart s'accroît avec nos voisins. On n'est pas là, on n'est pas dans la course comme le reste du temps lorsqu'un gouvernement soucieux de l'économie est au pouvoir.
Alors, en fait, je vous fais grâce de tous ces chiffres-là, y compris l'évolution du nombre d'emplois. Avec les calculs toujours choisis du ministre des Finances, il a le don de prendre le mois par rapport auquel il veut mesurer sa performance à ce moment-ci. Et son point de départ est mobile, moi, j'ai trouvé, là, pour toujours se donner le meilleur tableau possible, se vanter de ses budgets quand ils ont augmenté les impôts à tour de bras depuis fort longtemps.
Incidence de l'option souverainiste sur la croissance économique
Comment se fait-il? Ça tient à quoi, ça? Ça, je vais en parler évidemment parce que le premier ministre a oublié de le faire lorsqu'il a parlé de Standard & Poor's. Il nous a mis les extraits qu'il veut pertinents, bien évidemment. Mais, lorsque Standard & Poor's émet ses communiqués, comme tout le monde qui se préoccupe de ça le moindrement, un communiqué de Standard & Poor's, il y a quelques jours, me confirmait tout ce dont on a parlé tout à l'heure et il parlait de, le premier ministre disait: «The outlook is stable. The outlook revision reflects the progress made in the past year reducing provincial deficit, and so on so forth...»
Première raison, un, le plan financier. On en a fait largement état. Je m'attendais à ce que le premier ministre lise tout le document qui était devant lui. Erreur. Standard & Poor's a ajouté dans son communiqué de presse: «As well, moderating support for the sovereignty option mitigates potential economic and political uncertainty.» On peut le lire, on peut le comprendre de deux façons, selon la façon dont on s'amuse à le traduire. Ou alors l'appui à la souveraineté réduit l'incertitude politique, ce qui amène à des perspectives plus stables plutôt que négatives - c'est assez intéressant - ou, alors, je suis sûr qu'il y en a dans le parti du premier ministre qui vont traduire ça plutôt en disant: Compte tenu du peu de soutien que le premier ministre apporte à l'option de son parti ou du parti qu'il dirige, il est possible que les marchés financiers croient que les perspectives soient plus stables plutôt que négatives.
Alors, tu sais, tout tourne autour de la façon dont on traduit «moderating»: comme participe présent ou autrement, voyez-vous. Alors, ça peut être extrêmement intéressant. Le problème avec ça, c'est que ce n'est pas unique. On peut bien vouloir, de façon sélective... Et je souscris à tout ça.
Mais je le lirais au complet, moi, si j'étais le premier ministre. Standard and Poor's, Financial Times, Economic Intelligence Unit, Global Outlook, on passe à travers tout ça et on peut décider qu'on joue à l'autruche puis on dit: Ils se trompent, donc ça n'existe pas. Ou alors on dit: Comment va-t-on faire pour faire en sorte que ces gens-là arrêtent de dire ça à l'égard de l'option? Sur la scène internationale, l'option sécessionniste du premier ministre et de son parti n'est pas vue comme quelque chose de positif pour l'économie québécoise pour attirer... On parlait même, dans un Financial Times , que «the private investments would be more abundant if it weren't for the secessionist option of the Government party». Donc, il y aurait plus d'investissements, ils seraient plus abondants, il y aurait plus de volume d'investissements de l'extérieur, si ce n'était de l'option portée par le premier ministre et son parti. Les gens pensent ça et disent ça.
On a des bonnes chances, pourtant, d'aller parler du contraire de façon... Et ça, moi, jamais je ne vais... Comment je dirais ça? Je ne peux pas blâmer le gouvernement, s'il va sur la scène étrangère, de donner la meilleure image possible de tout ce qu'on a de positif pour attirer les investissements. Je ne m'attends pas à ce que le gouvernement aille noircir le portrait canadien, notamment québécois, c'est évident, sachant comment sensibles sont les investisseurs à la situation de l'unité canadienne, de la scène constitutionnelle canadienne, etc. C'est toujours ça qu'ils regardent d'abord, ils posent toujours la question québécoise.
Propos attribués au ministre des Finances à Davos, en Suisse
Malheureusement, je suis obligé de faire rapport au premier ministre que, à Davos, en janvier, où il n'a pas eu l'occasion d'aller, je pense, encore, mais où il a délégué son ministre des Finances, il y a eu un déjeuner où le gouvernement canadien et les provinces canadiennes invitaient nos gens d'affaires et leur demandaient d'inviter des étrangers pour faire valoir l'avantage de venir investir au Canada, de façon générale.
Alors, là, les invités et tout le monde qui était là, un midi, a eu droit à ce qu'on appelle en anglais un «show and tell», vraiment les meilleures preuves que l'économie canadienne, nord-américaine, à laquelle on participe, etc., est très, très vigoureuse, que la situation de l'emploi va être meilleure, etc. Ça allait très, très bien, de l'avis, moi, des gens que j'ai rencontrés, pas seulement ici, dans d'autres provinces canadiennes, que j'ai vus depuis janvier. On dit que c'était, enfin, une belle, formidable démonstration de la qualité de l'économie canadienne et de ses perspectives. C'était vraiment attrayant, tout ça.
Quelqu'un, inévitablement - je ne me souviens pas si c'est... personne, le nom de personne, une salle de je ne sais pas combien de personnes - a soulevé: Oui, mais la question du Québec, la Constitution, etc.? Alors, il y a plusieurs façons de répondre à ça. Il y a la façon dont Hydro-Québec en a toujours parlé dans son prospectus quand elle va sur le marché américain. J'invite le premier ministre à lire ça. C'est une mine d'information incomparable que les prospectus d'Hydro-Québec sur la scène internationale; il y a tellement plus que ce qu'il y a dans les discours du gouvernement, y compris une façon très, très, je dirais, sereine de parler de la question constitutionnelle canadienne. Il trouve le moyen d'emprunter, peut-être un petit peu plus cher, peut-être un petit peu moins cher, ça dépend de ses perspectives, mais au moins, il en parle en termes sereins.
C'était compter sans la présence d'esprit, dirions-nous aujourd'hui - pas du tout - du ministre des Finances, qui s'est levé comme un jumping jack de sa chaise et qui expliqué à cet aréopage d'investisseurs étrangers qu'il était extrêmement fier d'être sécessionniste, que c'était pour rester là et que ce n'est pas les perspectives économiques qui le dérangeaient, que l'option passait en premier. «There goes the lunch», ont dit les invités. Le mot à mot, tu sais; enfin, au moins un témoignage. Je ne prétends pas qu'il y a eu un sondage et que c'est filmé, tout ça.
(16 h 50)
Pourquoi cet acharnement, sur la scène internationale, à parler de nos affaires? On en a assez qu'on en parle entre nous autres à tour de bras, mais à travers tout ça, on essaie de faire front commun pour rattraper notre part des investissements internationaux qui nous échappent encore, etc. Pourquoi aller brasser la soupe sur des questions comme celles-là, lorsqu'on voyage à l'étranger? Alors, c'est admirable, les convictions profondes et perpétuelles du ministre des Finances, mais il doit être capable de mettre ça en sourdine, des fois, quand il essaie d'aller chercher les investissements. Ça ne marche pas. Tu ne peux pas plaider que tu aspires vraiment, je dirais, à changer le portrait politique, géopolitique canadien en Amérique du Nord et penser, dans le même souffle, que tu viens de contribuer beaucoup à attirer les investissements étrangers au Québec.
Tu sais, c'est la réalité, là. On pourra bien dire que tous les investisseurs du monde entier se trompent et qu'ils font erreur, qu'ils devraient venir pareil, mais ce n'est pas une façon de vendre le produit, qui est l'accueil qu'on peut faire aux investisseurs, le caractère international cosmopolite de Montréal, ce que depuis 20 ans on fait pour la recherche et le développement, notre capacité sans égale d'envisager des marchés d'exportation plus facilement que les autres Canadiens, que 23 000 000 d'autres Canadiens. C'est fantastique, on a des avantages considérables, parlons donc de ça.
Et, moi, je dirais, sur la scène internationale, on pourrait aller parler de la situation constitutionnelle canadienne comme Hydro-Québec en parle dans ses prospectus. Ça ferait pas mal moins de tort à l'économie québécoise que le tort à répétition qu'y fait le ministre des Finances, qui n'est pas capable de se retenir. Il n'y a rien à faire avec ça, je présume, mais il faudrait peut-être lui demander de mettre ça en sourdine. Ce n'est pas, comment je dirais ça, manquer de franchise ou ce n'est pas un défaut, lorsqu'on essaie d'attirer les gens ici, d'aller insister sur tous les côtés positifs, d'aller chercher un écho, de donner un écho favorable à leurs préoccupations d'affaires et de traiter de la question constitutionnelle comme on peut le faire lorsqu'on voyage. Il ne faut pas...
Le premier ministre fait partie de Team Canada ou il n'en fait pas partie; c'était ça, l'idée de Team Canada. Le premier ministre est allé avec ouverture, dirions-nous. Il voulait être efficace pour l'économie québécoise. Je suis obligé de lui rapporter qu'à Davos, son ministre des Finances n'a pas la même attitude: il n'est pas capable de se retenir. À la limite, qu'on lui demande de ne rien dire. Déjà, ça aiderait passablement la situation.
Tel que je disais, donc, au début de cette période où, vraiment... Je veux que le premier ministre m'explique comment sa politique familiale n'est pas, dans le fond, une politique d'incitation au travail des familles monoparentales, comment il ne s'aperçoit pas que son rêve était une réalité, il n'y a pas si longtemps, le soutien à la famille québécoise, quelles que soient ces circonstances, pour que les femmes, notamment, aient des choix réels puis le moyen d'exercer des choix sur la façon d'organiser leur vie et l'avenir de leur famille, que les conjoints puissent faire ça évidemment.
Transferts fédéraux (suite)
Quant aux... Oui, oui, comme je le vous le disais, en terminant, j'ai peut-être un début de réponse à une question, mais je veux juste le référer à une des études des crédits, celle de 1994 - où j'occupais son fauteuil, M. Parizeau, le miens - où on avait débattu, justement, des transferts fédéraux, etc. Alors, en deux mots on s'était entendus, puis ça avait fini là. Bien honnêtement, on s'entendait qu'il fallait que le gouvernement fédéral réduise le déficit. Ça n'avait pas de bon sens. Tu ne peux pas, comme le faisait M. Parizeau, hurler, déchirer ton linge, faire du théâtre absolument extraordinaire sur le déficit fédéral puis, ensuite, se demander: Comment il se fait qu'ils coupent dans leurs dépenses? La question est de savoir où ils coupent, dans leurs dépenses, sachant quelles sont, d'une part, les dépenses de programmes, deuxièmement les incompressibles, comme le service de dette - eux autres aussi ils en ont un pas pire - ça aussi c'est un débat en soi, de savoir d'où ça sort.
Et, finalement, c'est des programmes de transferts aux provinces ou aux individus. Alors, à l'égard des transferts dans les provinces, les coupures, du point de vue du Québec, doivent se faire en tenant compte de nos besoins. Deuxièmement, on doit avoir, pas notre part de coupures, moins que notre part de coupures, on doit faire mieux que les autres. Il faut s'assurer qu'on fait mieux que les autres puis qu'on se bat pour ne pas être frappé plus fort que les autres, chose certaine, en toute équité. C'est toujours finalement une question d'équité.
On s'était laissés là-dessus, incidemment. Ce n'est pas parce que l'heure avait avancé à toute vitesse. Je pense que de regarder la part qu'on peut aller chercher toujours, s'assurer que... La même chose est vraie des intrusions que le pouvoir de dépenser produit dans le fédéralisme canadien - la part du gouvernement fédéral - qu'on a toujours dénoncées à chaque fois qu'ils l'ont fait. À partir du moment où la réalité brutale, c'est que c'est fait, par exemple dans la fondation pour l'innovation technologique, on a exhorté le gouvernement à aller chercher notre part. On va aller chercher plus que notre part, d'ailleurs, là-dedans, incidemment. Alors, dans le fond, dans le fédéralisme canadien, ça fait qu'on va chercher comme l'argent des autres, si on se bat assez fort, qu'on a un bon dossier en matière de recherche et de développement, on est en avant des autres.
En matière de santé, c'est plus que la moitié des fonds de recherche qu'on va chercher, dans toutes sortes de matières. Alors, s'il y a un programme dit «canadien», allons chercher plus que notre part, carrément. Nous allons chercher toute la part qui nous revient là où on est particulièrement compétents, pour aller soutenir le développement de l'économie québécoise - c'est certain que c'est le secteur d'avenir - le raisonnement et leur soutien, si les coupures que la conjoncture financière amènent. Mais là aussi, il faut mener la bataille, il faut dire: Oups, minute! Ça se passe comment? Est-ce que c'est équitable, cette affaire-là? Tout le monde surveille ça. Toutes les provinces le surveillent. Il faut toujours être vigilants, à cet égard-là.
Et ce qui m'avait frappé, moi, du discours de M. Parizeau, c'était, dans le fond, le double langage. Tu veux plus d'argent puis quelqu'un à qui tu dis d'arrêter de dépenser. Il faut se faire une idée, à un moment donné. C'est donc toujours à l'ombre de l'équité des décisions de nos voisins, des autres, à l'intérieur du Québec, ou quoi que ce soit qu'il faut juger de la pertinence de ces choses-là. Mais, en tout cas, ça, c'est un autre débat. On pourrait en parler lors des crédits du SAIC, le cas échéant. Je ne sais pas si le premier ministre a signalé que ça ne le touchait pas, ces choses-là. On pourrait peut-être voir avec M. Brassard, le député de Lac-Saint-Jean, pardon, comme ministre responsable, il pourrait peut-être à ses crédits.
Politique familiale (suite)
Alors, on attend toujours les réponses du premier ministre, dans le fond, sur sa conception d'une politique familiale réelle, efficace, soutien aux familles québécoises; c'est ça qui est en cause ici. Les priorités du gouvernement du Québec, quelles sont-elles, lorsqu'il dit: On a été coupé par le fédéral. Comme les autres on été coupés par le fédéral. À partir de ce qui lui reste, à condition que ce soit équitable, etc. Parce que, nous, il faut mener cette bataille-là clairement. Qu'est-ce qu'on fait avec cet argent-là? Quelles sont les priorités en matière de politique familiale? Qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on transforme ça dans un programme d'incitation au travail pour les mères monoparentales, hein? Quand on a aboli les programmes APPORT, le premier ministre a dit qu'il n'y avait rien. Avant lui, le déluge, je comprends bien. Il y avait toutes sortes de programmes, y compris l'incitation au travail et à rester au travail pour les familles à bas revenus. Il n'y en a plus. Il faut se souvenir de ça aussi.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le premier ministre.
Propos attribués au ministre des Finances à Davos, en Suisse (suite)
M. Bouchard: M. le Président, là, premièrement, on vient d'évoquer des propos qui auraient été tenus à Davos il y a quelques mois par le ministre des Finances. J'ai compris que le chef de l'opposition n'était pas là; c'est par ouï-dire. Bon, alors, ce n'est pas drôle de faire parler le ministre des Finances par ouï-dire, quelque chose qui s'est passé il y a quelques mois, des amis fédéralistes qui étaient là, qui ont dit que le ministre des Finances a dit ceci, a dit cela. Écoutez, on connaît le ministre des Finances: c'est un homme du monde, c'est un homme civilisé, extrêmement articulé qui se comporte toujours de façon parfaite quand il se déplace à l'étranger, comme au Québec. Alors, je ne pense pas que c'est l'habitude du chef de l'opposition de faire ses attaques comme ça. C'est du ouï-dire. Il doit y avoir une partie de racontars là-dedans. On sait très bien comment ces affaires-là sont grossies puis distorsionnées, puis, en plus, ce n'est pas des amis qui l'ont rapporté.
Les gens d'Ottawa qui vont à l'étranger, comment ils parlent du Québec, eux autres, hein? Les gens d'Ottawa qui vont à l'étranger, comment ils parlent du Québec? Alors, ils ne doivent pas mieux parler de M. Landry qu'ils parlent du Québec quand ils rentrent de ces voyages-là.
M. Johnson: Team Canada, ils en parlaient comment? Les Canadiens? Ils parlaient contre le Québec? Voyons donc!
M. Bouchard: En tout cas, moi, j'étais là puis je sais ce qui est arrivé. Il n'y a personne qui était là, ici, là. Pourquoi est-ce qu'on ne demande pas à M. Landry? Si vous voulez lui en parler, je suis sûr qu'il se ferait un plaisir d'en parler. À part de ça, Bernard Landry, je pense que, si on est juste envers lui, on va reconnaître que, comme ministre des Finances, il n'y en a pas eu beaucoup comme lui. Il n'y a pas eu beaucoup d'hommes politiques québécois qui ont accepté de relever le défi qu'il a relevé, lui qui doit s'occuper d'emploi, qui doit s'occuper de maintenir les finances à flots et d'opérer la réduction qu'il opère. Honnêtement, M. le Président, je demanderais un peu de respect pour M. Landry, comme un peu d'exactitude pour les performances du Conseil du trésor que dirigeait M. chef de l'opposition.
État des finances publiques (suite)
Là, il vient de nous dire que j'ai eu le taux d'inflation, que j'ai exagéré, je n'ai pas tenu compte du fait que le taux d'inflation était bas et que, finalement, il avait fixé ses dépenses à un très beau niveau, qu'il avait de la rigueur là-dedans.
(17 heures)
Quand on regarde le tableau, ici, là. Il y a un tableau ici à la page, l'annexe C, donc, page 34 probablement, du volume II du budget de dépenses de cette année. Il y a un tableau qui récapitule les années passées, et puis je vois très bien, par exemple, on voit très bien ici qu'en 1989-1990, le gouvernement libéral dont était membre comme président du Conseil du trésor, le chef de l'opposition, alors que l'inflation était de 5,1 %, alors que le taux de croissance du PIB était de 5,1 %, a augmenté les dépenses de 6,2 %; qu'en 1990-1991, alors que le PIB a augmenté de 3,7 %, on a augmenté les dépenses de 8,4 %. Ça, là, c'est tout un effort, ça, tout un effort. Puis, en 1991-1992, alors que le taux de croissance du PIB était de 1,4 %, on a augmenté les dépenses de 7,3 %. Voilà un effort extraordinaire! On devait être fatigué, après ça, M. le Président. Puis, en 1992-1993, taux d'augmentation du PIB de 1,1 %; taux de hausse des dépenses de 4,6 %. Qu'on ne vienne pas nous dire qu'on a exagéré, au contraire. Là où on a exagéré, c'est dans les dépenses.
Puis, quant à M. Landry, je voudrais lire un témoignage...
Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le premier ministre, une remarque en passant. À la commission, on nomme les élus par leur titre.
Propos attribués au ministre des Finances à Davos, en Suisse (suite)
M. Bouchard: Oui, oui. Les tiers. Vous avez raison. Je vous remercie. Quant au ministre des Finances, notre ministre des Finances dont je viens de parler en bien - j'en pense beaucoup de bien, M. le Président, et je crois que l'histoire va retenir que ça a été un grand ministre des Finances - M. Jean-Jacques Samson, dans le journal Le Soleil , écrivait récemment dans un éditorial: «Mais M. Landry - je cite - s'est surtout comporté hier en véritable ministre d'État de l'Économie, ce que le Québec n'a pas eu depuis une quinzaine d'années. Il a déposé une stratégie intégrée de création d'emplois et annoncé une série de mesures qui devraient contribuer à créer cet environnement favorable aux investissements réclamé depuis si longtemps par le milieu des affaires.» Fin de la citation. Puis je pourrais en citer plusieurs, des choses comme ça. «Mais s'est comporté en véritable ministre de l'Économie, ce que le Québec n'a pas eu depuis une quinzaine d'années», ça, ça dit ce qu'est le ministre des Finances, M. le Président.
Puis, je vais vous dire franchement, je n'aime pas ça qu'on ait rapporté tout de travers, certainement, ce qui a été dit dans des échanges où il y avait beaucoup de monde, à Davos, il y a quelques mois, et je sais que le ministre des Finances voudra rectifier les choses, certainement.
Politique familiale (suite)
Je voudrais dire un mot de la politique familiale. On semble dire que c'est une politique socialiste. Socialiste, M. le Président. Quand on a dit ce mot-là, on a tout dit. Une politique socialiste, c'est 42 de mesure pour tout le monde, puis, au fond, ce qu'on veut, c'est forcer les mères monoparentales à aller travailler. C'est ce qu'on vient de dire, en gros, là. Mot à mot, même, à peu près.
La réalité, c'est que notre politique familiale, c'est priorité aux pauvres, priorité à ceux qui sont dans le besoin. Et nous savons très bien que, d'après toutes les statistiques, les mères monoparentales sont à peu près toutes sous le seuil de pauvreté. S'il n'y a pas un effort là à faire par n'importe quel gouvernement, si ça s'appelle socialisme, n'importe quoi, on va le faire, M. le Président. Parce que je considère, moi, que c'est une obligation, parce qu'il n'y a pas seulement que les mères, en cause, là-dedans, il y a les enfants aussi.
Les études qui ont été faites aux États-Unis depuis 15 ans montrent que, si on n'investit pas dans la petite enfance, c'est là qu'on prépare les décrocheurs. C'est là qu'on prépare les destins difficiles de la vie. Il y a là toute une ressource extraordinaire de ressources humaines. Ce n'est pas parce que ces gens-là naissent dans un milieu modeste et pauvre qu'ils n'ont pas du talent puis qu'ils ne pourront pas un jour apporter une grande contribution à notre société, si ce n'est que, même, en plus, d'avoir droit à être un peu heureux, eux aussi. Donc, on a un effort à faire vis-à-vis de ces gens-là.
Puis on ne force pas les femmes à aller travailler, au contraire. Au contraire, M. le Président. J'ai ici - où est-ce qu'il est, le tableau qui montre... - par exemple, un tableau qui nous indique ce que c'est, en gros, que cette politique familiale. C'est une allocation familiale qui va de 1 000 $ à 2 200 $ supplémentaires pour les familles qui gagnent moins de 21 000 $ par année. C'est une économie qui peut aller jusqu'à 4 000 $ par année pour les familles qui gagnent plus de 25 000 $ et qui utilisent des services de garderie. C'est un remboursement de 3 $ sur le 5 $ par jour que coûtent les garderies pour les familles de moins de 25 000 $ qui bénéficient du programme APPORT. C'est l'aide financière accrue pour plus de 23 % des familles. Ce sont des services de garde à coût minime.
Puis, M. le Président, ce qu'on vient de dire, que le 5 $, c'est plus que ça et qu'il y a un autre 200 $, là, ça, ce n'est pas exact. Ce n'est pas exact, M. le Président. Ce qui est exact, c'est que 5 $, c'est le prix des tarifs, c'est le prix du service ordinaire, 10 heures par jour de garde. Mais, si vous voulez que votre enfant, en plus, ait des cours d'initiation au piano, bien, ça va vous coûter un petit peu plus. La politique ne couvre pas le piano. Elle ne couvre pas plus de 10 heures par jour. Mais la journée normale de 10 heures, elle est couverte. C'est 5 $. Point, M. le Président.
C'est aussi 1 000 $ de plus par année pour les familles à faibles revenus, et c'est environ 2 200 $ pour une famille monoparentale. Donc, ce n'est pas des gens qui travaillent, là. La famille monoparentale, en partant, elle a 2 200 $ de plus qu'avant en bénéfices sociaux de tout genre. Puis, si la personne veut aller travailler, elle peut y aller. C'est un choix qu'elle a. Elle a le choix. Pour une fois, on lui donne le choix, M. le Président.
Alors, moi, cette politique-là, j'y crois fermement. Je crois que c'est peut-être ce qu'on a fait de mieux, M. le Président. On sera tous fiers d'avoir fait ça, parce qu'on a investi là où il faut investir, dans la jeune enfance puis dans les enfants qui n'ont pas eu la chance de naître dans un milieu qui n'est pas un milieu à faibles revenus.
Puis la Gazette , le 27 janvier, j'ai devant moi un éditorial de la Gazette - je lis la Gazette tous les jours - puis je ne vois pas beaucoup d'éditoriaux qui nous louangent, mais il y en a eu un, entre autres, le 27 janvier 1997, qui dit que notre politique familiale, elle est dans la bonne direction: «The Québec Government is on the right track with its ambitious new family policy.»
Maintenant, pour ce qui est du fédéral, je remarque avec quelle prudence de Sioux le chef de l'opposition parle des politiques fédérales, des circonlocutions. Ça a l'air donc bien dur de dire que ce n'est pas correct, ce que le fédéral fait. C'est à se demander si le chef de l'opposition ne se prépare pas une autre carrière, ensuite, au fédéral.
Une voix: ...
M. Bouchard: Moi, au fédéral? Non. Pas au fédéral, quand même. Ha, ha, ha! Pas au fédéral. Non, je ne pense pas. Peut-être que d'autres se réservent d'y retourner, peut-être que d'autres qui viennent se réservent d'y retourner, mais, non, pas moi, M. le Président.
Incidence de l'option souverainiste sur la croissance économique (suite)
Moi, ce que je dirai... Parce que le chef de l'opposition a parlé de notre option: Quand vous allez à l'étranger, n'en parlez pas trop, ça fait peur au monde. Bon. Là on ne se cachera pas pour dire qu'il y a ici un peuple, un peuple démocratique qui veut, de façon démocratique, décider d'assumer ses pouvoirs, sa responsabilité, avec tous ses moyens, puis la conduite de ses affaires. Il n'y a pas de gêne à dire ça. Ça ne me gêne pas de dire ça, moi. Mais ça va se faire démocratiquement, puis ça va se faire entre nous autres. On ne demande pas aux autres de venir le faire pour nous autres. Ça va se faire ici, correctement. On va continuer de faire des affaires. On est libres-échangistes. C'est nous, même, qui l'avons inventé, le libre-échange au Canada. On a à peu près forcé les autres à signer le libre-échange.
Moi, je me souviens d'avoir combattu les libéraux quand j'étais en politique fédérale, d'avoir combattu les libéraux dans les débats de 1988. M. Jean Chrétien était un adversaire acharné, son parti était un adversaire acharné du libre-échange. Je me souviens très bien qu'on s'est battus pour ça, M. le Président. Donc, on va être ouverts sur le monde, quoi qu'il arrive. Le Québec s'est ouvert sur le monde, puis c'est 56 % de nos produits qui sont vendus à l'étranger, puis on va continuer de faire ça, puis de plus en plus.
Ça, on dit ça aux gens quand on les rencontre: N'ayez pas peur. On va être un pays démocratique; si on décide, puis on va le décider nous-mêmes, on va être un pays qui va faire du commerce, qui va être ouvert aux autres, qui va assumer ses obligations internationales, puis qui va être correct envers les gens. Ça, quand on a dit ça, je pense qu'on a dit ce qu'il fallait. Puis les gens, quand on leur dit ça, ils n'ont pas peur, ils ne partent pas en peur. Moi, j'ai rencontré beaucoup de gens à l'étranger, puis, quand on leur dit ça calmement, tranquillement, ils ne s'énervent pas. Bon.
Déclaration de Calgary
Puis notre option, en tout cas, elle est claire. La vôtre, M. le chef de l'opposition, elle n'est pas claire. Vous vous promenez dans l'Ouest, la semaine dernière, vous dites que Calgary, cette déclaration, c'est merveilleux, «it's marvellous» - oui, «marvellous», ça, c'est du verbatim, «it's marvellous», une traduction libre un peu, mais, en français, c'est merveilleux - et qu'il faut l'enchâsser dans la Constitution, oui, oui, qu'il faut la mettre dans la Constitution.
Par contre, votre futur chef, lui, il a commencé par dire que c'était bon. J'ai demandé ensuite si on trouvait là les éléments transcendantaux qu'on trouvait dans Meech, on ne sait pas lesquels, le sien après qu'il ait travaillé dessus ou celui qu'on avait conçu initialement, puis là, maintenant, il est pour, mais il ne nous dit pas ce qu'il va faire avec. Il y a trois questions qui se posent: Est-ce que c'est vous qui avez raison quand vous dites, au nom du Parti libéral que vous présidez encore, qu'il va falloir que la déclaration de Calgary soit enchâssée dans la Constitution, qu'on devra en faire un amendement constitutionnel? C'est ce que vous avez dit mot à mot. Mais oui. J'ai le texte verbatim, il est ici. Bon. Je ne voudrais pas...
M. Johnson, lundi dernier, déclarait au sujet de Calgary, et je cite... Lundi dernier, ce n'est pas loin.
M. Johnson: Ce n'est pas le transcript de mes propos. C'est ce que quelqu'un dit que j'ai dit, quand même.
M. Bouchard: Je cite, entre guillemets: «Moi, j'ai dit à tous les premiers ministres et les chefs de parti, je les ai tous rencontrés littéralement depuis trois ans, qu'ils soient au pouvoir, dans l'opposition, dans les autres provinces, qu'on doit envisager la constitutionnalisation.» Le mot le plus long dans la langue française. «À un moment donné, là, ces beaux principes là doivent se traduire dans un amendement constitutionnel.» Fin de la citation. Donc, enfin un amendement constitutionnel. Bien oui, c'est écrit là. Bon.
(17 h 10)
Première question: Est-ce que ça va être présenté comme un amendement constitutionnel? Deuxième question: Si jamais le Parti libéral était élu - Dieu nous en préserve - si jamais il était élu, est-ce que l'Assemblée nationale va devoir adopter Calgary, comme l'ont fait d'autres législatures puis que d'autres font faire bientôt? Bonne question, ça. Il faut répondre à ça, là. Quand on prétend diriger le Québec, il faut répondre à ça. Puis la troisième question: Est-ce que l'adoption va se faire par référendum ou par un décret adopté en catimini dans le fond du bunker? Bonne question, ça aussi.
Alors, ces questions-là, je les pose. Je ne m'attends pas à ce que vous y répondiez parce que, finalement, je comprends très bien que c'est votre successeur qui va devoir y répondre. Parce que, vous, vous avez déjà répondu à la première très clairement: Oui, il faut amender la Constitution pour y introduire Calgary. Bien, en tout cas, peut-être que vous avez été mal cité, là, mais c'est ce que je vois. Bon. Et les deux autres questions, elles se poseront à votre successeur. Il faudra répondre à ça. On ne peut pas continuellement échapper à répondre aux questions, M. le Président.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le...
M. Johnson: ...toujours, M. le Président, à cette commission, notamment...
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le chef de l'opposition.
M. Johnson: ...tout autant que sur Calgary. Tu sais, il ne faut pas être abusif, là, prendre des rapports de presse puis dire: Le chef de l'opposition a dit telle chose. On a un programme politique - je n'invente pas ça, je ne l'écris pas au fur et à mesure, là - à l'égard duquel on s'est commis publiquement depuis décembre 1996. Alors, il ne faut pas réinventer le programme au fur et à mesure des citations tronquées, hors contexte, que le premier ministre utilise dans sa charge à fond de train contre un moulin à vent qu'il vient d'inventer pour les fins de la discussion. On a toujours dit que Calgary était une démonstration, était l'écho des préoccupations des Québécois quant à la reconnaissance. De toute façon, ce n'est pas le texte que j'ai écrit. Ce n'est pas un texte qu'on a approuvé d'aucune façon. On a un programme politique, nous autres. Le Parti libéral du Québec vit avec son programme politique, et les autres Canadiens signalent des échos à leur façon, dans leurs termes.
Personne que je connais, moi, n'a dit que Calgary doit être enchâssée dans la Constitution. Personne n'a dit ça. On a toujours dit que c'était un premier geste, c'était un écho, et qu'on doit envisager, au titre de la reconnaissance du Québec, avec les éléments qui sont dans notre programme politique, un amendement constitutionnel. Ce n'est pas juste des résolutions «feel good», comme ça, dans le décor. Dans les autres provinces canadiennes, on n'est pas obligé de «feel good» à notre propre sujet, là, incidemment. Alors, on a toujours recherché les échos à notre programme politique, comme fédéralistes québécois, et on considère que ça, c'est un pas dans la direction de notre programme politique. Et j'ai toujours averti les chefs politiques canadiens qu'ils ne doivent pas s'imaginer que ça finit là, qu'ils doivent envisager un amendement constitutionnel. On verra le libellé; moi, ma référence, c'est mon programme politique. C'est ça, la situation. Alors, le moins que je puisse dire, c'est que c'est abusif, c'est un procédé d'avocassier que le premier ministre vient d'utiliser pour complètement dénaturer l'engagement politique de mon parti.
Politique familiale (suite)
Par ailleurs... Non. Sur la politique familiale, c'est pas mal plus clair, tout ça. C'est même clair à écouter le premier ministre. Il répète que c'est, dans le fond, un volet important de la lutte à la pauvreté. Aucun problème avec ça, la lutte à la pauvreté, au contraire. Ça doit être une priorité. Mais ce n'est pas parce qu'on met l'étiquette «politique familiale» sur un volet de lutte à la pauvreté que ça devient une politique familiale. C'est ça, l'affaire, là. Et, lorsqu'on regarde, par exemple, l'impact financier des réformes des programmes d'aide aux familles - c'est le tableau que l'Institut de recherche en politiques publiques a publié récemment, en décembre 1997, c'est récent - et qu'on regarde toutes ces composantes-là, évidemment, de la soi-disant - je dis «soi-disant» - politique familiale du gouvernement, on voit, lorsqu'on regarde le nombre de familles québécoises monoparentales à chef féminin, il y en a 170 000, des femmes chefs de famille seules, elles sont seules, il y en a près de 30 % d'entre elles à qui cette politique familiale coûte de l'argent. On finance une lutte à la pauvreté d'un grand nombre de familles monoparentales à chef féminin - je ne conteste pas ça - on finance ça sur le dos de 30 % des familles monoparentales à chef féminin. C'est ça qui se passe pour vrai.
Alors donc, c'est un mauvais étiquetage des efforts du gouvernement pour aller soutenir la famille québécoise. Mais aller soutenir la famille québécoise, ce n'est pas simplement de la lutte à la pauvreté chez certaines familles, peu importe comment on les catégorise. La famille québécoise est en train de vivre des inquiétudes réelles, notamment en raison de l'évolution démographique, des mesures. Par exemple, le taux de natalité dans les familles québécoises. Le premier ministre se souvient qu'il s'était enfargé pas à peu près en parlant des femmes blanches qui avaient le moins d'enfants, etc. C'est une drôle de notion qu'aucun démographe n'avait employée depuis un quart de siècle, celle des femmes blanches en Amérique du Nord. À part ça, ça ne se dit plus dans ces termes-là.
Oui, mais, au-delà de ça, au-delà de la statistique, derrière la statistique, qu'est-ce qui se cache? Il se cache une inquiétude qui se traduit de toutes sortes de façons dans les familles, des familles où on retrouve soit des aînés, soit des enfants uniques, ou des cadets. Il n'y a plus de familles de un ou deux enfants - des familles de trois ou quatre ou cinq enfants, il n'y en a vraiment pas beaucoup - et ça signifie, ça, lorsque les enfants arrivent à l'âge d'aller à l'école, que les parents sont pris avec les affres que ça représente de confier son enfant à des étrangers, dans le fond, et pas de chance de te reprendre pour le deuxième. Pas de chance non plus vraiment beaucoup autour de soi de bénéficier des conseils puis du soutien moral, je dirais, d'autres familles qui en ont mis cinq ou six à l'école. Tout le monde qu'on connaît en a un ou deux.
Alors, tout le monde est un peu beaucoup amateur dans ce sens-là, n'a pas l'expérience, je dirais, de gérer une famille. On peut apprendre, au fur et à mesure que les enfants passent certaines étapes, comment mieux les faire pour ceux qui suivent, être pris avec les devoirs de celui qui a 13 ans. Puis celui qui a 15 ans, il n'en a pas. Il est un enfant unique, à 13 ans. Souvent, un petit frère ou une petite soeur qui a deux ans et demi, ce n'est pas rare non plus. L'interaction entre les enfants d'âge rapproché, c'est une expérience humaine extraordinaire, c'est une expérience d'apprentissage. Ça vient vraiment alléger le fardeau des parents, la responsabilité réelle.
Alors, moi, ce que je dis, c'est que cette évolution-là, cette réalité des familles québécoises qui est nouvelle - il y a un quart de siècle, ce n'était pas ça - doit être prise en compte par le gouvernement, et les familles doivent sentir que le gouvernement a senti ça, par ailleurs, est disposé à les aider. Une politique familiale vient aider les familles qui passent à travers des circonstances semblables de constitution de la famille, le phénomène de monoparentalité, un phénomène de peu plutôt que de beaucoup d'enfants. Et de financer sur le dos de familles monoparentales une lutte à la pauvreté d'autres familles monoparentales, ce n'est pas une politique familiale.
C'est ça que je dis au premier ministre. Il a utilisé la politique familiale existante, il l'a annulée, abolie pour financer autre chose. Donc, 42 régulier pour tous ceux qui ont des enfants en âge d'être gardés, puis ça leur coûtera seulement 5 $ par semaine. Bravo pour eux et tant pis pour tous les autres. Tous les autres sont nombreux, selon les calculs, selon ce qu'on inclut dans toute la révision de la fiscalité dans la mesure où ça touche les familles. On ne peut pas juste dire: Bien, au net-net, finalement, il n'y a pas trop de monde qui s'est fait faire mal. Bien oui, mais, tu sais, il y a l'augmentation de la taxe de vente qui touche tout le monde, puis plus les familles qui achètent plus de choses, puis plus d'enfants, etc.
Alors, c'est assez pernicieux. Certaines de ces conséquences-là sont pernicieuses et ont permis à certains analystes de dire que 72 % ou 75 % des familles, suite à la réforme de la fiscalité et à une nouvelle approche de politique familiale, soi-disant, ont casqué, c'est en train de leur coûter quelque chose. Ce sont elles qui ont mis la main dans leur poche. Ce n'est pas nécessairement les plus fortunés, là, bien au contraire. Ça va dépendre de l'âge des enfants. C'est un facteur qui n'a rien à foutre avec le revenu familial. Ça va dépendre si les enfants sont à l'école ou pas. Donc, ça va dépendre des commissions scolaires, incidemment: ou ça coûte quelque chose ou ça ne coûte rien pour faire garder les enfants le midi, le transport scolaire, etc.
Il y a un tas d'impondérables qui font que la politique familiale, soi-disant, n'en est pas une. Dans le fond, c'est là-dessus que le premier ministre devrait être plus clair et nous dire où il s'en va avec sa politique familiale. Est-ce qu'il y en a une, d'abord, une vraie? Et qu'est-ce qu'il attend pour définir le cadre, les objectifs de sa politique famille? Pas de lutte à la pauvreté pour certaines familles, une politique familiale.
(17 h 20)
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le premier ministre.
Déclaration de Calgary (suite)
M. Bouchard: M. le Président, on m'a insulté gravement, on m'a dit que je faisais des avocasseries. Pour un avocat, c'est une grande insulte. Mais, moi, j'ai cité des propos au texte. Alors que, parlant de la performance du ministre des Finances à Davos, on a cité l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours, moi, je cite le texte. Je l'ai ici, le texte, je peux vous le distribuer, l'entrevue que vous avez donnée à un journaliste qui s'appelle M. Marc-André Masson...
M. Johnson: ...
M. Bouchard: Oui, oui. Puis c'est mot à mot. Vous allez voir, tout est là. Ce n'est pas hors contexte, là. C'est ça, là, que vous avez dit. Bon. Puis vous n'avez pas d'affaire à... C'est ça, c'est clair, vous voulez que ce soit un amendement constitutionnel. Bien oui, mais c'est clair.
M. Johnson: En aucun temps.
M. Bouchard: Écoutez, c'est là. Je le dépose s'il le faut, mais c'est... Parce que, moi, je m'en voudrais de dire des choses que vous n'avez pas dites, là.
M. Johnson: ...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bouchard: Bien, je fais attention à ça. Je ne cite jamais de ouï-dire. Je voudrais peut-être enchaîner.
M. Mulcair: M. le Président, question de règlement. Cela fait plusieurs reprises que le premier ministre cite ou des membres de l'opposition ou des membres de son gouvernement par leur nom de famille. Maintenant, ça fait plusieurs fois que le premier ministre s'adresse directement au chef de l'opposition. Est-ce que vous auriez l'obligeance de lui rappeler les dispositions de notre règlement là-dessus, lui qui, cet après-midi, nous expliquait que c'était bien important de suivre les règlements?
M. Paquin: M. le Président.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le député de Saint-Jean.
M. Paquin: Sur la question de règlement, je voudrais vous rappeler les procédures que vous avez suggérées en début d'assemblée et qu'on suit depuis ce moment. Je pense que la conversation va passablement bien d'un côté à l'autre. Vous respectez les temps, et tout ça. Alors, je pense qu'il faut que ça demeure convivial et qu'on reste avec les normes actuelles, bien sûr, en prenant toutes les précautions nécessaires.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. Alors, je vous inviterais effectivement... Parce que j'ai remarqué que même de part et d'autre, à un moment donné, nos leaders, nos chefs ont plutôt parlé des noms de famille plutôt que du titre. Alors, je vous demanderais, pour le respect de notre règlement et de notre décorum, de parler du titre des gens plutôt que de leur nom de famille.
Politique familiale (suite)
M. Bouchard: D'accord, M. le Président, je vais faire attention.
Pour ce qui est de la politique familiale, le chef de l'opposition est revenu sur sa prétention que ce n'est pas une politique familiale et que c'est une mesure qui a été mise en place contre la pauvreté en utilisant les bonnes choses qui avaient été faites avant. Je voudrais simplement référer le chef de l'opposition à des commentaires impartiaux qui nous viennent des gens qui ont examiné la politique familiale, des éditorialistes prestigieux, qui disent le contraire de ce qu'il dit. Il n'y a personne qui ait dit que c'est un détournement de politique familiale et que c'est une mesure de pauvreté. Point. Contraignante, coercitive. Personne ne dit ça, au contraire.
M. Jean-Robert Sansfaçon, dans Le Devoir du 26 janvier, je crois, janvier 1997, dit que «c'est un pas de géant que cette politique et que les grands gagnants de la politique familiale sont les parents à faibles revenus et tous les enfants». Donc, l'allocation unifiée comme telle, c'est vrai que ça vient en aide aux ménages les plus pauvres, mais, par contre, les services de garde, ça, c'est pour tous les enfants. C'est universel, ça. Les gens qui ont des enfants ont accès aux services de garde, M. le Président.
Si on examine, si on regarde, par exemple, l'éditorial qui a paru dans Le Droit , cette fois-ci, c'est le 25 janvier 1997, sous la signature de M. Murray Maltais, le titre, c'est Les enfants d'abord , et puis La justice sociale, ça commence aussi dès le berceau , et c'est un commentaire très positif. Je cite: «La nouvelle politique familiale dévoilée cette semaine [...] va affecter considérablement la vie des familles, surtout les mères et leurs jeunes enfants. Elle va faire en sorte que l'État va devenir encore plus présent dans les premières années de la petite enfance. Elle assurera un meilleur moyen financier aux familles les plus pauvres», etc. C'est très positif, tout cela. «Un net progrès», dit Mme Agnès Gruda, dans Le Devoir du 25 janvier 1997, où elle dit en particulier: «Le nouveau régime sera à la fois plus avantageux pour les familles les plus pauvres, mieux adapté à la réalité d'aujourd'hui et plus simple que la pléthore de mesures de soutien en vigueur actuellement.» «La pléthore de mesures de soutien», elle parle de ce qui existait avant. «Et, sur le plan des principes, il marque un virage important. Au lieu de chercher à stimuler la natalité...», ce qui était les mesures antérieures, parce que le bonus du troisième enfant, je pense que c'était 1 500 $, même plus, c'était plus de 1 500 $...
Une voix: 8 000 $.
M. Bouchard: ...c'était 8 000 $, le troisième enfant. Ça ne marchait pas. On l'a vu que ça ne marchait pas. Alors, elle dit: «Au lieu de chercher à stimuler la natalité...» Peut-être qu'il y en a qui ont eu trois enfants... Ha, ha, ha!
M. Johnson: Il en a cinq, lui. Il trouve que ça marche. Ha, ha, ha!
M. Bouchard: Alors, je fais mes excuses à ce député. «Au lieu de chercher à stimuler la natalité, Québec s'occupera davantage des enfants déjà nés.» Et puis elle dit même que «ce sera l'une des plus belles réalisations du gouvernement Bouchard». Enfin, c'est elle qui l'a écrit.
Et puis, dans Le Devoir encore, le 5 février 1997, L'enfant au coeur de la nouvelle politique familiale - c'est le titre: «Malgré son ampleur, la réforme de Pauline Marois est réaliste.» Bon, c'est à lire, tout ça. Et M. Raymond Giroux, dans Le Soleil , le 28 janvier 1997: Coup de pouce à la famille , c'est le titre; et puis il faut lire, c'est très positif, et personne ne dit ce que le chef de l'opposition dit présentement.
Alors, M. le Président, pour ce qui est de la politique familiale, je la revendique comme un grand sujet de fierté pour notre gouvernement.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Rivière-du-Loup.
M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. D'abord, je me permets un commentaire, moi aussi, sur la politique familiale, parce qu'on a eu une discussion tout à l'heure, on a entendu une discussion sur le modèle de famille que le gouvernement devait privilégier: l'ancien modèle versus le modèle d'aujourd'hui, où les femmes sont davantage sur le marché du travail. Je pense qu'on vient encore de sauter... Ce modèle-là est aussi en train de disparaître. Et le modèle d'aujourd'hui qui est recherché par les jeunes familles, c'est un modèle qui demande beaucoup plus de souplesse que ça.
C'est un modèle où, d'abord, le travail à domicile est de plus en plus existant, où les heures de travail sont de plus en plus variables. Et il y a de plus en plus de jeunes qui vont vous dire que l'idée que les parents partent à la même heure le matin, laissent les enfants à la garderie, travaillent comme deux fous toute la semaine, reviennent à la fin de la semaine, le vendredi soir, avec les enfants de la garderie, crevés, pour avoir donné la moitié de leur paie au gouvernement dans tout ça, mais qu'ils seraient supposés être contents parce que le gouvernement leur permet la garderie à 5 $, ce n'est pas le modèle que beaucoup de jeunes familles ont pour l'avenir.
Le rôle du gouvernement, en ce sens-là, devrait être beaucoup plus de voir à ce qu'une panoplie de services s'offrent, que, dans leur poche, les parents aient plus de marge de manoeuvre pour prendre leurs décisions, et non pas d'imposer un modèle unique. Et là je fais abstraction de ce qu'on va créer avec cette politique-là: la disparition d'une série de garderies privées; on va créer une espèce de monopole qui ne sera pas un monopole d'État, parce que la propriété n'est pas étatique, mais une espèce de monopole contrôlé par l'État. Il me semble qu'on en a déjà vécu, de ça. Il me semble qu'on ne veut plus en créer plus, des monopoles d'État.
C'était mon commentaire sur la politique familiale. Mais j'ai eu tellement d'occasions d'en parler, et je constate que le gouvernement ne changera pas d'idée. Je veux parler d'avenir.
Clauses orphelin (suite)
Le premier ministre, tout à l'heure, a pris un engagement du côté des clauses orphelin. C'est un engagement qui est important, et j'ose espérer que ça ne retardera pas. Parce que, je vous le répète, le fait que ce soit entre les mains du ministre du Travail, ça ne peut pas ne pas m'inquiéter. Il y a des engagements d'avril 1997 pour lesquels il manquait de temps dans les semaines d'après pour le faire, et là on approche mai 1998 et il manque toujours de temps pour le faire. Alors, ça m'inquiète un petit peu. Et là, entre-temps, peut-être qu'il va se racheter un McDo, et tout ça. Ça fait que là on est inquiets de sa capacité, le ministre du Travail, de faire toute la job.
Situation des jeunes (suite)
La situation des jeunes est un petit peu plus grave que ce que le premier ministre nous déclarait tout à l'heure. Le chômage, entre autres, chez les moins de 30 ans, entre 1989 et 1997, il est passé de 13,1 % à plus de 16 %. La présence des jeunes sur le marché de l'emploi est passée de 29 % à 25 %, dans la même période. On s'aperçoit que le taux de jeunes qui avaient un emploi en 1990 - il y a 63 % des jeunes qui avaient un emploi - c'est passé, en 1991-1992, vers les 60 %; aujourd'hui, en 1998, c'est 54 % des jeunes qui ont un emploi.
(17 h 30)
Donc, au-delà du chômage, quand on regarde vraiment les jeunes qui détiennent un emploi, c'est encore pire. Le taux de pauvreté chez les jeunes, en 20 ans, si on regarde sur une perspective un petit peu large, est passé de 51 % à 75 %. On parlait des familles monoparentales. Chez les jeunes mères monoparentales de moins de 30 ans, c'est 95 % qui vivent sous le seuil de la pauvreté. Je fais abstraction du taux de suicide, au Québec, qu'on connaît chez les jeunes, qui est un des plus élevés au monde de tous les pays industrialisés.
Place des jeunes dans la fonction publique
Il y a des problèmes importants qui sont vécus au niveau des conditions économiques des jeunes, et je pense que le premier ministre a pris des engagements dans le passé, entre autres au niveau de l'entrée des jeunes dans la fonction publique, on s'en souviendra. En mai 1997, il y a presque un an, le premier ministre promettait l'embauche de milliers de jeunes - c'étaient ses termes - dans le secteur public suite à des départs. Ça n'a pas pris beaucoup de temps, au mois d'août, le président du Conseil permanent de la jeunesse se disait déçu des annonces faites concernant la fonction publique.
Aucune embauche n'est prévue dans les ministères et organismes parce que, bon, on a permis des programmes de départs volontaires, mais on a gardé les mêmes principes de gestion, on a gardé la sécurité d'emploi absolue puis on s'aperçoit que la volonté, véritablement, de rajeunir la fonction publique, les engagements que le premier ministre avait pris... À l'étude des crédits, il y a deux ans, le premier ministre s'était engagé à ce qu'il y ait un plan précis au niveau de l'embauche des jeunes dans la fonction publique. On n'a toujours rien, rien de mesurable là-dessus. On s'aperçoit que c'étaient des voeux à l'époque, mais que c'est tombé en cours de route, et ça, c'est malheureux.
Exode des jeunes diplômés du Québec
Un autre sujet. Évidemment, j'ai parlé des jeunes les plus démunis, mais, pour que nos jeunes les plus démunis aient des emplois, ça va prendre des gens qui ont des projets, ça va prendre des gens qui font de la recherche scientifique, ça va prendre les gens qui développent les concepts de demain en matière économique, et ça, c'est une autre catégorie de jeunes, c'est les meilleurs cerveaux, c'est ceux qui ont le plus réussi, les meilleurs éléments qui sont ressortis, à travers notre système d'éducation, avec des diplômes en informatique, dans les sciences, dans les génies et qui - bon, ceux qui ont un doctorat, c'est 25 % - aux termes de leurs études, décident de quitter le Québec.
Toutes les statistiques sur l'exode des jeunes du Québec sont tristes à voir, et, là-dessus aussi, j'aimerais entendre le premier ministre. Précisément là-dessus. Est-ce que son gouvernement se questionne? Je sais que le service de recherche de l'ADQ a préparé un document là-dessus. Plusieurs instances gouvernementales l'ont commandé en disant: C'est notre premier élément de réflexion documenté sur le sujet. Est-ce que, lui, le premier ministre, a l'intention de donner des mandats à l'intérieur de son gouvernement pour qu'on commence à se questionner là-dessus, qu'on commence à se donner un plan d'action pour...
Ce n'est pas une tendance qui se revire du jour au lendemain, et je suis très conscient que ce n'est pas quelque chose que le gouvernement, dans une annonce, du jour au lendemain, peut revirer, mais est-ce qu'il a l'intention que son gouvernement commence à se questionner là-dessus, sur comment, avec notre fiscalité, comment, en collaboration avec nos entreprises, avec l'ensemble de nos politiques d'accès à la propriété, nos politiques familiales, comment on va donner aux jeunes du Québec, avec de l'investissement en recherche et développement, comment on va donner à nos jeunes du Québec, nos meilleurs talents, l'espoir que c'est ici qu'ils vont construire, que c'est ici qu'ils vont bâtir?
Parce que c'est eux, hein? C'est en favorisant cette élite-là, en favorisant la réussite de ce groupe-là, la performance de ce groupe-là que ces gens-là vont devenir ceux qui vont développer, chez nous, au Québec, les meilleurs logiciels, vont développer, chez nous, au Québec, les meilleurs produits de technologie puis que d'autres vont pouvoir travailler, qu'on va créer des emplois. Quand ces jeunes-là vont travailler chez Boeing, à Seattle, puis qu'ils développent un nouveau concept, bien, c'est Boeing, à Seattle, qui crée les emplois qui en découlent. Puis, quand les logiciels sont développés en Californie plutôt que d'être développés ici, au Québec, c'est en Californie que les emplois subséquents sont créés et non pas chez nous. Alors, c'est des problématiques qui touchent directement les jeunes du Québec.
Et je pourrais continuer à donner... Les médecins. Je n'ai pas parlé, dans l'exode des cerveaux, de l'exode des médecins, mais c'est considérable, c'est des chiffres... C'est très, très élevé, le pourcentage de médecins qui prennent une décision qui est dramatique pour notre société, qui arrivent au point où ils viennent de terminer leurs études, on a payé, nous, comme société, pour leurs études, et la décision qu'ils prennent, c'est que ce n'est pas au Québec que sont les perspectives d'avenir pour pratiquer leur métier. C'est que ce n'est pas ici, au Québec. Ils regardent les taux d'imposition, ils regardent le genre de société qu'on s'est organisé puis ils disent: Non, ce n'est pas pour moi. Moi, je m'en vais travailler ailleurs, je m'en vais vivre ailleurs.
C'est une décision qui, en termes de conséquences, est extrêmement lourde pour notre société, et je pense, le premier ministre, s'il veut vraiment penser a l'avenir, s'il veut vraiment... Parce que c'est plus important de se préoccuper de cet avenir-là que du programme du Parti libéral qu'on commentait tantôt. De toute façon, le nouveau chef, il a dit qu'il allait le faire réécrire par une entreprise, qu'il avait un consultant puis qu'il allait en faire réécrire un nouveau. Il n'a pas l'air de s'enfarger dans les fleurs du tapis, il dit: On a de l'argent, on fait réécrire un programme. Je pense que c'est important de véritablement se questionner aujourd'hui sur lui, son gouvernement, le premier ministre, le levier qu'il a entre les mains en étant chef du gouvernement, comment il va l'utiliser pour préparer, pour les jeunes du Québec, pour les 20, 30 prochaines années, un avenir plus prometteur.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le premier ministre.
Situation des jeunes (suite)
M. Bouchard: Merci, M. le Président. Le problème principal des jeunes, bien sûr, c'est le problème du chômage, d'un chômage qui est inacceptable, qui atteint même, en Gaspésie, 39 %, dans la Côte-Nord, 28 %. Puis, chez les jeunes de 15 à 24 ans en général, on est à 20 %. Et le phénomène de décroissance de l'emploi pour les jeunes, il est marqué et il a commencé en 1988. On a noté, entre 1988 et 1994, une baisse de 128 000 emplois chez les jeunes. Entre 1994 et 1997, une baisse de 30 000. Donc, ce phénomène s'est poursuivi, mais il a ralenti un peu, et, depuis le début de l'année 1998, on observe un renversement de la tendance avec une création moyenne de 5 000 emplois au premier trimestre. Au premier trimestre, là, 5 000 emplois de plus pour les jeunes par rapport à l'année passée, donc la tendance s'inverse. En mars, le dernier mois, la création d'emplois pour les jeunes de 15 à 24 ans est de plus de 20 000 emplois. Mars sur mars, par rapport à l'année passée. Donc, ça redécolle. Ce n'est pas trop tôt, et puis il faut que ce soit encore plus, mais il est évident, là, qu'on commence à récolter le fruit des efforts qu'on a faits.
Puis, l'an dernier, bien, justement, les efforts, on a mis 100 000 000 $ pour créer des milliers d'emplois chez les jeunes puis adapter les compétences des jeunes diplômés aux besoins spécifiques des entreprises. Cette année, on va affecter 180 000 000 $ de plus, dont 43 000 000 $ pour permettre plus de 20 000 stages en milieu de travail, 41 000 000 $ pour réduire l'endettement des étudiants, 11 000 000 $ pour encourager la formation dans les secteurs créateurs d'emplois, 67 000 000 $ afin de soutenir la création de 5 000 nouveaux emplois, 20 000 000 $ pour assister les jeunes en situation difficile, et puis d'autres mesures également sont prévues pour les jeunes.
Exode des jeunes diplômés du Québec (suite)
Quant à l'exode des jeunes, c'est vrai qu'il y a des médecins qui partent, mais j'ai ici un tableau qui nous indique que le Québec est une des provinces canadiennes qui, après les Territoires du Nord-Ouest et l'Île-du-Prince-Édouard, perdent le moins de médecins. Le tableau est là. On pourra le déposer si vous voulez. C'est un tableau dont la source est le ministère de la Santé et des Services sociaux, 27 avril 1998.
L'immigration internationale, bien, le problème ne se présente pas pour les autres parce que le provincial... Ils ont des plans de contingentement à l'intérieur des provinces. Je pense qu'il ne faut pas exagérer. C'est comme, par exemple, ce qu'on a affirmé, qu'il y avait un exode terrible des Québécois, des Montréalais en particulier, vers le reste du Canada. Bien, quand on voit les derniers rapports qui sont sortis, c'est deux fois plus de l'Ontario que du Québec. Puis le Québec, lui, a un apport d'immigrants très considérable, au-delà de 220 000, depuis plusieurs années, qui sont venus chez nous. Québec est une vraie terre d'accueil pour l'immigration.
Et puis, quant à la dilution de nos effectifs vers le reste du Canada, bien, c'est la moitié moins que l'Ontario. Il ne faut pas exagérer, là. C'est normal que, d'une province à l'autre, il y ait des déplacements. On vient de signer un accord de mobilité du travail avec Terre-Neuve cette semaine. On en a signé un il y a deux ans avec M. Harris. On veut en signer un - j'espère qu'on réussira bientôt - avec le Nouveau-Brunswick. C'est normal que le monde bouge.
Puis on sait bien, comme vous l'avez mentionné tantôt, que les carrières et les emplois ne sont plus de la même nature qu'ils étaient. C'est vrai qu'il y aura plus d'emplois à la maison, mais, paradoxalement, les gens se déplacent plus. On voit qu'il y a des jeunes qui veulent aller travailler aux États-Unis, d'autres qui veulent venir travailler ici. On voit de plus en plus de jeunes qui vont travailler à l'étranger. C'est une bonne chose en soi. C'est une bonne chose parce que ça nous place dans le carrefour des échanges internationaux, et il ne faut pas se plaindre de ce phénomène, à la condition, évidemment, qu'il n'y ait pas déperdition dans la somme algébrique, ce qui n'est pas le cas. Par rapport à ce qu'on conserve, à ce qui reste, on est vraiment en train de performer mieux que la très grande majorité des autres provinces par rapport à cela.
Situation des jeunes (suite)
Ce qui ne veut pas dire que le problème des jeunes est réglé, pas du tout. On est tous très conscients qu'il y a une obligation qui est faite à tout le monde, secteur privé, secteur public, à tous les partis politiques, à tous les gouvernements, de déployer tous les efforts possibles pour ouvrir les portes aux jeunes. Parce que le décrochage, bon, c'est difficile de définir les facteurs qui expliquent pourquoi on décroche, mais il est certain que, si un jeune pense qu'il n'y a pas d'issue à la fin de ses études, ça ne l'encourage pas beaucoup à continuer, à faire des efforts. Alors, dans la mesure où les jeunes vont avoir de plus en plus l'espoir et même la conviction que les portes s'ouvrent au bout de leur cursus académique, bien, ils vont étudier plus.
(17 h 40)
Et il y a des signes très manifestes qui nous indiquent dans quelle direction il faut aller. On s'est trompé du côté de la formation de la main-d'oeuvre, on n'a pas assez formé de techniciens. C'est évident qu'on n'a pas assez formé de techniciens. Et on regarde, par exemple, les taux, le niveau de personnes qui ont été formées au Québec dans les fonctions de techniciens professionnels par rapport au Japon, aux Européens et par rapport aux Américains, c'était absolument insuffisant. On s'est trompé. On n'a pas assez formé de techniciens en information. Par exemple, on voit dans les journaux, tout le temps, des annonces, des offres d'emploi par des entreprises québécoises qui veulent recruter des jeunes techniciens en information puis ils n'en trouvent pas assez, on le sait.
On a beaucoup de rencontres avec les gens, dans le suivi du Sommet à Montréal, qui nous indiquent qu'il faut refaire et repenser la formation de la main-d'oeuvre. Par exemple, la Banque Nationale travaille avec l'UQUAM, Bombardier travaille avec le cégep de Longueuil. Les entreprises privées sont en train de développer leur propre système de formation de la main-d'oeuvre avec des entreprises en direct, et nos gouvernements ont pris trop de temps à modifier leurs programmes de formation de la main-d'oeuvre. C'est pour ça qu'on est en train de les réviser, d'accélérer les choses et de nous assurer qu'on va former assez de techniciens en information, assez en biotechnologie, en transport, en communications, là où on est très bon puis là où les portes s'ouvrent pour des jeunes.
Donc, oui, moi, je prends en considération les propos que vous tenez, le gouvernement en est bien conscient, et, en plus, il faut que ça débouche sur des politiques plus globales, interministérielles où on pourra davantage accélérer ce qui semble être un redécollage de l'emploi pour les jeunes présentement.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le chef de l'opposition.
Politique familiale (suite)
M. Johnson: Oui, M. le Président. Avec votre permission, sur la politique familiale toujours, quitte à ce que j'aie quelques mots à dire seulement, mais je demanderais, avec la permission de la commission, si vous le permettez évidemment, à mon collègue de Jacques-Cartier d'intervenir. C'est un dossier qu'il connaît particulièrement bien.
Mais ce qui m'a frappé dans l'énoncé du premier ministre, c'est qu'il a pris, par exemple, les propos d'un éditorialiste qui a regardé ça de proche, ces choses-là, avant la mise en vigueur de la politique familiale, janvier 1997. Qu'est-ce qu'il avait à dire en novembre 1997, lorsque ça a été mis en vigueur? Ce n'était plus la même chanson, là, pas du tout, lorsqu'on regarde comment les sources de financement dans les poches des familles à revenus moyens ne servaient que pour très peu d'entre elles finalement. Alors, les familles moyennes avec enfants d'âge scolaire dont les deux parents gagnent ensemble entre 35 000 $ et 75 000 $... 40 000 $ de revenu familial, ce n'est pas la fin du monde, ça. Parce que c'était drôlement redistribué. C'étaient des gens, vraiment, qui n'étaient pas... Il y avait très, très peu d'avantages pour ces gens-là, puis c'est la masse des gens. La masse des familles sont là, puis ce sont celles qui retiraient, dans le fond, pas grand-chose.
Lorsqu'on regarde la politique familiale, la réforme fiscale, etc., toutes ces choses-là une dans l'autre, on ne peut pas regarder ça isolément et dire, comme le premier ministre: Regardez, on a baissé les impôts de telle classe de revenus et, commodément, ne pas souligner qu'on a monté la taxe de vente de 6,5 % à 7,5 % pour tout le monde, dire: Voici l'avantage qu'on a conféré à telle catégorie en passant sous silence la ponction considérable que les catégories pratiquement semblables de nos concitoyens ont connue pour financer ça.
Alors, on en revient toujours au fait que ce n'est pas adéquatement à la mesure des problèmes, des situations que les familles vivent. On peut bien dénoncer le capharnaüm, comme dit le premier ministre, que ça pouvait représenter, la variété d'interventions, la complexité, hein, c'est que les choix des familles ne sont pas simples. Le mode d'organisation familiale n'est pas unique. Il y a des familles où, je dirais, un des conjoints travaille le jour puis l'autre conjoint est sur le chiffre de soir, sur le quart de soir, ou de soirée, ou de nuit. Ça demande un modèle d'organisation qui ne tient pas en compte le fait que, pour 5 $ par jour, tu peux aller dans une garderie sans but lucratif, syndiquée, avec Gérald Larose et ses troupes. Ça ne s'applique pas, c'est plus compliqué que ça.
À tout le moins, avec votre permission, mon temps de parole à cet égard-là pourrait être utilement employé par mon collègue de Jacques-Cartier, si vous le permettez, sur ce thème-là que je trouve central à l'action du gouvernement compte tenu de ses priorités.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Je pense que c'est très important de... Les citations que le premier ministre a utilisées étaient bien avant la mise en vigueur, et je pense que le gouvernement, la grande faute qu'il a faite, c'est qu'il a sous-estimé le coût pour les familles d'éliminer l'allocation pour jeunes enfants et l'allocation à la naissance. Si on laisse de côté le débat de l'impact sur l'allocation sur la natalité, il faut le voir quand même comme un appui concret pour nos jeunes enfants. Et la préférence, surtout pour les très jeunes enfants de notre société, les parents ne cherchent pas une place dans une garderie. Ça, c'est un sondage qui a été fait par le Conseil supérieur de l'éducation. C'est de loin le choix troisième ou même quatrième pour les enfants, les places dans une garderie.
Alors, ce que ce gouvernement a fait, c'est de couper d'une façon dramatique dans l'appui financier donné aux jeunes enfants pour financer des places en garderie qui font l'affaire de certaines familles, mais pas de toutes les familles. Alors, on a essayé de passer tout le monde dans le même moule qui ne répond pas à leurs besoins. Comme exemple, la moitié des femmes qui travaillent, au Québec, ne travaillent pas de neuf à cinq. Alors, une infirmière qui travaille de 16 heures, le soir, jusqu'à minuit, une place dans une garderie ne fait aucunement son affaire. Alors, je pense que c'est très important.
Oui, la politique existante était compliquée parce que les choix des familles québécoises sont compliqués, et, en essayant de tout simplifier, on a fait des erreurs. Il y a des effets pervers qu'on n'a pas prévus dans la mise en vigueur de cette politique familiale. Je donne un exemple très concret dans mon comté: une famille avec trois enfants, 32 000 $. Alors, dans la grande optique qu'on va aider les familles qui ont les plus grands besoins, j'ai dit: Quand même, une famille avec 32 000 $ et trois enfants, ça va les avantager.
Au contraire, parce que deux des trois enfants avaient moins de six ans, au lieu d'avoir 110 $ par mois, ils ont maintenant 58 $ par mois. Ça, c'est les chiffres qui ont été vérifiés par la Régie des rentes du Québec. Et l'effet de tout ça, ils n'avaient pas d'enfant de quatre ans, alors il n'y a aucun bénéfice de la politique pour les garderies. Et les parents m'ont indiqué - et c'est mon expérience personnelle - qu'une famille à différents niveaux, avec des enfants à l'école et d'autres enfants d'âge préscolaire, ce n'est pas une garderie qui va régler ses besoins parce qu'ils sont trop différents, c'est un gardien ou une autre formule qui répond mieux aux besoins de ces parents.
Alors, tous ces problèmes ont vraiment limité les choix des parents, et c'est ça que nous avons reproché au gouvernement à l'époque. Je pense qu'on a vu la politique en oeuvre, nous avons eu raison, et, même quand le premier ministre a dit que la politique des places en garderies, c'est universel, il y a des listes d'attente dans toutes les garderies au Québec. Et, oui, il y a eu un effort considérable pour donner des places, mais, par exemple, pour les enfants de quatre ans, il y a 30 000 places que l'État subventionne, y compris les places en milieu défavorisé, mais il y a 97 000 enfants de quatre ans. Alors, 59 000 enfants sont à l'extérieur du système, et, pour ces familles qui ont perdu leur allocation familiale pour financer une place de garderie et qui n'y ont pas accès faute de place, c'est un mauvais échange.
Et c'est ça que nous avons dit, certaines personnes, oui, elles sont de grandes gagnantes, surtout... Je pense que c'est le professeur Ruth Rose, de l'Université du Québec à Montréal, qui a indiqué que les familles avec un revenu de 100 000 $ sont les grandes gagnantes si elles ont un enfant de quatre ans dans une garderie parce que leurs frais de garde ont baissé d'une façon considérable. Mais les familles moyennes de 40 000 $, 50 000 $, elles ont perdu leur allocation familiale et, si elles n'ont pas eu la chance d'avoir une place en garderie, elles sortent perdantes, et c'est curieux. Et c'est la même chose pour l'année prochaine, 22 000 places pour les enfants de trois ans. Excellente nouvelle pour ces enfants, mais il y aura 94 000 enfants de trois ans au mois de septembre de l'année prochaine. Alors, qu'est-ce qu'on fait avec les 72 000 autres? Ils sont, encore une fois, oubliés.
Et, dernier point, M. le Président, dans la politique familiale, avec l'offre à 5 $ plus la contribution du gouvernement, beaucoup de garderies m'ont indiqué qu'elles n'arrivent pas à boucler leur budget. Alors, elles ont un choix à faire, soit de couper dans la qualité des services offerts aux enfants ou elles vont trouver des frais cachés, d'autres moyens de trouver l'argent dans les poches des parents. Et ça, c'est quelque chose qu'on a indiqué aux gestionnaires des garderies à la fois à but lucratif et sans but lucratif, qu'il y a très peu d'argent pour bonifier la contribution faite par l'État pour l'année prochaine. Alors, ça, c'est un problème qui va devenir encore réel.
On a vu que la première chose que la ministre de la Famille a faite pour les garderies, au départ, a été d'augmenter le ratio éducatrice-enfants pour les quatre ans de 1-8 à 1-10. Il n'y a personne qui va prétendre qu'à 1-10 l'éducatrice peut offrir un meilleur service. Alors, nous avons dilué la qualité pour les quatre ans, et il y a des inquiétudes qu'on va faire la même chose pour les trois ans. Ou ce qu'on va faire, on va trouver d'autres moyens pour aller chercher l'argent des parents, et les places en garderie à 5 $ vont vraiment coûter 6 $ ou 7 $ par jour.
(17 h 50)
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. M. le premier ministre.
M. Bouchard: M. le Président, d'abord, il faut bien noter que les avantages de la politique en ce qui concerne les allocations unifiées, ils vont profiter aux familles qui ont les plus faibles revenus. Ça, c'est vrai qu'il y a ce critère-là au départ. Deuxièmement, les services de garderie, ils ont été conçus de façon universelle, ils ont été conçus pour l'ensemble de la population. Cependant, je reconnais que les places de garderie qui sont disponibles actuellement pour les enfants de quatre ans, elles le sont à la hauteur d'environ 75 % des besoins. Il y a 25 % de plus qu'il faut créer, et on est en train de créer ces places-là. Dans le programme qui a été annoncé, déjà, cette année, en 1997-1998, on crée 3 100 places, l'année prochaine, 1998-1999... Non, ça, c'est l'an dernier qu'on en a fait 3 100, cette année, on va en créer 14 500 de plus et, l'année prochaine, 18 100 de plus, puis après, 13 100. Donc, vous voyez, il y a un programme d'ouverture de places en garderie qui va permettre de tenir compte de la flexibilité qui est requise.
Et puis les gens qui veulent envoyer leur enfant en garderie privée, ils peuvent le faire, ils vont bénéficier du crédit d'impôt pour le faire. Donc, il y a une flexibilité, il y a des choix qui restent possibles pour des gens. C'est vrai que ce n'est pas 100 % des gens qui profitent de la politique parce qu'il y a eu un déplacement des ressources. C'est vrai qu'il y a de l'argent qui a été pris puis qui a été glissé de façon globale, là, vers ceux qui avaient des besoins, dans la catégorie de ceux qui avaient les revenus les moins élevés, mais il reste que, au 1er juillet 1998, si on fait le cumul de l'allocation familiale, de la prestation fiscale fédérale et de la baisse d'impôts au Québec, ça va permettre de préserver et d'augmenter le revenu net de 95 % des familles québécoises.
Donc, c'est vrai qu'il y en a 5 % qui n'auront pas de surplus par rapport à tout ça, mais 95 % en auront un ou vont préserver leur revenu. Il n'y a pas de politique idéale, il n'y a pas de politique totalement parfaite, mais je pense que celle-là a été façonnée en fonction de ce qu'on pouvait noter des besoins essentiels, et même plus, des Québécois. Qu'il y ait, vous savez, dans les coins de la pièce, des cas particuliers où la politique n'est pas aussi avantageuse que dans l'ensemble de la population, sans doute. Mais il ne s'agit pas non plus d'oublier puis de considérer comme indifférent le cas de ces personnes-là, pas du tout. Mais il reste que, quand on façonne une politique, on la façonne pour le plus grand nombre possible en tenant compte des ressources qu'on a, et c'est ce qu'on a fait.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Le 75 %, je pense qu'il faut souligner que la raison pour ça, c'est la faute du fédéral. Et la raison qu'on peut plaider ça maintenant, c'est parce que le dernier budget fédéral a annoncé une bonification importante au soutien direct aux familles. Alors, ce n'est pas les gestes qui ont été posés par le gouvernement du Québec. Au contraire, c'est vraiment le résultat de la politique à Ottawa qu'on peut dire ça. Mais, si on voit surtout le soutien pour les jeunes familles au Québec, à cause de l'abolition des deux allocations, l'effet de la nouvelle politique est néfaste pour les jeunes familles québécoises.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le premier ministre.
M. Bouchard: Je note que, pour la première fois, le fédéral est mentionné par un député de l'opposition, mais là ce n'est pas pour le lui reprocher, c'est pour le féliciter. Mais, écoutez, moi, je n'ai absolument rien contre que le fédéral prenne des mesures qui viennent s'ajouter à celles qu'on prend. Après tout, c'est notre argent, n'est-ce pas? Après tout, c'est nos impôts aussi qui vont à Ottawa. Et il ne faut pas oublier que le fédéral aussi, de plus en plus, est en train de nous copier dans nos mesures sociales. Vous l'avez remarqué, il y a même une annonce d'une assurance-médicaments pancanadienne. On annonce toutes sortes d'interventions pour venir... Les bourses, par exemple. Nous, au Québec, on a un système de bourses et de prêts qui est le plus avantageux de l'ensemble canadien. Le fédéral veut l'étendre aux autres, il vient évidemment perturber le mode de notre fonctionnement. Donc, je pense que, dans l'ensemble, ce qu'on peut dire, c'est que, quand les politiques fédérales viennent non pas bonifier, mais dédoubler, puis perturber, puis désarticuler nos politiques, que le fédéral nous donne les fonds pour le faire.
Et, là-dessus, je pense que je vais prendre en défaut le chef de l'opposition qui, tout à l'heure, s'est félicité de son programme politique.
Une voix: ...
Déclaration de Calgary (suite)
M. Bouchard: Non, non, le chef de l'opposition, son programme politique. Puis lui qui trouve Calgary merveilleux, il a sûrement noté que, dans Calgary, on prévoit de façon systématique l'intrusion des interventions du gouvernement fédéral dans les champs de compétence du Québec, dans le domaine des programmes sociaux. Il a sûrement noté ça. Il sait très bien que c'est un très vieux combat qui a été livré par M. Bourassa et M. Castonguay, et de tout temps au Québec, M. Lesage et tout le monde depuis M. Bourassa, et autres, et son gouvernement dont il faisait partie.
Alors que, maintenant, si on acceptait cette déclaration de Calgary, on accepterait que le gouvernement fédéral façonne des politiques pancanadiennes dans le domaine social puis que ça vienne s'ingérer dans notre champ de compétence. Et là où il y a une contradiction dans la position du chef de l'opposition, son parti, son programme et Calgary, c'est que justement le programme du Parti libéral du Québec prévoit que le fédéral ne peut pas s'immiscer dans nos juridictions, que, si jamais il veut créer un programme qui est dans nos juridictions, il faut qu'il y ait un droit de retrait inconditionnel avec, automatiquement, une compensation monétaire. Or, Calgary, ce n'est pas ça du tout.
Et, moi, j'ai discuté avec les amis du chef de l'opposition, qui sont également les miens. On s'entend sur beaucoup de choses. C'est vrai, moi, je m'entends très bien avec eux autres. Pas sur la Constitution, comme on dit, sur l'économie, sur les partenariats économiques, les ententes de mobilité, on a des rapports, d'ailleurs très conviviaux. Mais je sais très bien que, lors de la conférence fédérale-provinciale que nous avons eue à Ottawa en décembre dernier, moi, j'ai proposé à mes collègues... Mes collègues sont en train de s'entendre, en effet, dans l'esprit de Calgary sur un programme pancanadien d'intervention du fédéral dans toutes les juridictions des programmes sociaux, et, moi, je leur ai proposé en face de M. Chrétien: Écoutez, si vous voulez créer des programmes sociaux qui vont s'appliquer dans les provinces, au Québec notamment, bien, reconnaissez le droit de retrait des provinces, un retrait inconditionnel avec pleine compensation monétaire.
Et là je n'ai pas cité l'autorité du programme du Parti libéral. Ça aurait été peut-être plus fort si j'avais pu le citer, mais ils m'ont dit non. Non. Et il y avait quelques premiers ministres qui auraient été intéressés à le discuter, M. Chrétien a mis fin à la discussion tout de suite: Il n'en est pas question. Donc, Calgary, là, c'est le contraire du programme du Parti libéral du Québec. Le Parti libéral du Québec va être obligé soit de déchirer son programme, soit de signer Calgary. Un des deux, il faut choisir.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Rivière-du-Loup.
Exode des jeunes diplômés du Québec (suite)
M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. Je veux revenir sur la question de l'exode des cerveaux parce que j'ai eu l'impression tout à l'heure que le premier ministre a nié l'existence de ça en parlant d'un autre problème et je veux le sensibiliser là-dessus. Je peux le rassurer, là, pour le sensibiliser, je ne sortirai pas avec ma chaise. De toute façon, on m'accuse d'être entre deux chaises, ça m'en ferait pas mal à porter. Mais on ne peut pas nier l'existence du problème de l'exode des cerveaux en le confondant avec la mobilité, qui est un phénomène extraordinaire des jeunes au sortir de leurs études. Moi, j'ai des chums, là, sortir des études, de l'université, partir faire un an à Hong-kong puis un an à Londres, puis, oups! ils reviennent au Québec pour faire leur vie puis ils reviennent enrichis d'une expérience. Ça, c'est absolument merveilleux que ce soit permis à des jeunes du Québec comme à des jeunes d'ailleurs. Pour moi, ce n'est pas ça, l'exode des cerveaux. Ça, c'est des expériences de vie des jeunes qui en profitent avant d'avoir des enfants, puis tout ça, c'est magnifique.
Le problème, c'est quand des jeunes médecins... Et là il ne faut plus en faire une question de langue. Il y a un certain nombre d'années, on disait que c'était surtout chez les jeunes anglophones, les chiffres le démontraient, mais, aujourd'hui, les jeunes de partout, de Rivière-du-Loup comme de Jonquière ou d'ailleurs, finissent leurs études...
En médecine, par exemple, ça se produit beaucoup, et le Québec - le premier ministre donnait des statistiques là-dessus - est la deuxième province qui perd le plus de médecins, et c'est par centaines qu'on compte les médecins qui finissent leurs études au Québec et qui décident que ce n'est pas ici qu'ils vont faire leur vie, que ce n'est pas ici qu'ils vont élever leurs... Ils ne vont pas prendre une expérience à l'étranger parce que c'est une bonne expérience de vie et apprendre une autre langue et en connaître plus sur le monde, là, ils décident que ce n'est pas ici, au Québec, qu'ils vont faire leur vie, que ce n'est pas ici, au Québec qu'ils vont pratiquer pour différentes raisons de carrière, pour des raisons économiques, pour des raisons de fiscalité.
Même chose - et là je ne suis pas le seul à en parler, Statistique Canada a des chiffres là-dessus - c'est 24 % chez les titulaires de doctorats. L'Association médicale canadienne, l'Institut canadien d'information sur la santé ont sorti des chiffres là-dessus. L'Association canadienne des technologies de pointe a lancé un cri d'alarme là-dessus, sur le très haut taux d'étudiants qui sont pris à aller aux États-Unis versus la difficulté, dans des domaines de pointe, à trouver, de plus en plus, de la main-d'oeuvre ici, chez nous.
(18 heures)
Je pense que, si le premier ministre veut véritablement ouvrir à l'intérieur de son gouvernement un questionnement sur la capacité du Québec de donner à ces jeunes... Et là sûrement que le Québec, par ailleurs, va recruter des gens de pays qui sont moins favorisés, qui viennent au Québec comme dans une terre d'espoir, mais ça non plus, il n'est pas question de ça, il est question de nos jeunes du Québec, issus de nos régions du Québec, formés dans nos institutions, au Québec, et qui, au terme de leurs études, prennent la décision... Et il y en a beaucoup. Il faut parler à n'importe quelle personne. Allez à Polytechnique parler aux professeurs qui enseignent au niveau de la maîtrise et du doctorat, ils vont vous en parler, là-dessus, ces chiffres-là. Ce n'est pas tous les chiffres qui sont compilés, mais, quand on discute avec les gens qui sont en contact avec ça, ils vont vous en parler, il y a un problème considérable d'exode de nos jeunes. Et on ne peut pas passer l'éponge là-dessus.
Je prends pour image ce qui a été un thème politique à une certaine époque, au Québec, c'est le minerai à une cenne la tonne. On disait: C'est bien épouvantable de perdre, au Québec, une ressource comme ça. On vendait notre minerai une cenne la tonne, puis c'était véridique, c'était véritable de vouloir stopper ça puis de ne pas laisser quitter nos ressources. Mais, en 1998, la ressource humaine... Regardez les endroits dans le monde où le chômage est à zéro. Regardez les endroits dans le monde où il y a une prospérité incroyable. Un coin de la Californie comme Silicone Valley est peut-être un exemple, sur la planète, où il y a un boom économique. Bien, c'est quoi, la ressource majeure derrière ça? C'est le savoir, c'est les cerveaux, c'est la connaissance. Or, quand notre savoir, via nos jeunes diplômés, quitte massivement le Québec, bien, je vous dirais, à l'échelle de la réalité de 1998, que c'est probablement encore bien plus grave que notre minerai qui partait à une cenne la tonne.
Je pense qu'il est du rôle d'un gouvernement qui veut préparer pour ses jeunes un avenir à long terme, qui veut garder chez lui ses meilleurs éléments, que de se poser des questions comme ça puis de commencer à dessiner un plan d'action pour faire face à ce problème-là. Et ça m'inquiète que le premier ministre semble minimiser la réalité qui existe. Je pense que ça vaudrait la peine qu'il prenne le temps d'aller voir au fond des choses, puis d'aller voir plus loin que ce qu'il a décrit tantôt, que, oui, des jeunes, à la fin de leurs études, en profitent pour faire un voyage d'un an ou deux, aller apprendre à l'étranger ce qui se vit ailleurs comme culture, ce qui est un enrichissement pour le Québec. Personne ne conteste ça. Ce n'est pas ça. Le problème qui est vécu est beaucoup plus grave que ça.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le premier ministre.
Place des jeunes dans la fonction publique (suite)
M. Bouchard: M. le Président, je vais répondre à la question qui vient d'être posée sur les données réelles d'émigration des médecins. Mais, avant, j'ai entendu le chef de l'ADQ s'inquiéter, et avec raison, de la progression du nombre de jeunes dans la fonction publique, et je me dis: Pour se préoccuper à ce point des jeunes dans la fonction publique, il doit avoir eu de bonnes idées dans son programme politique. Et ce que je vois, il n'y a rien de spécial là-dessus, sauf que, en effet, et je cite: «Un gouvernement de l'ADQ amorcera une réduction graduelle de la fonction publique de l'ordre de 25 % par rapport au niveau actuel afin de donner à l'État la marge de manoeuvre dont il a besoin pour remettre le Québec en marche.» Qu'est-ce qui va arriver aux jeunes de cette réduction de 25 %? Je n'ai pas vu beaucoup d'espoir pour les jeunes dans le programme de l'ADQ.
Exode des jeunes diplômés du Québec (suite)
Pour ce qui est des chiffres, bien, moi, j'ai un tableau que je vais vous déposer, qui dit le contraire de ce que vous dites concernant la migration des médecins. D'abord, pour ce qui est de la migration interne, d'une province à l'autre, le Québec, c'est presque inexistant parce que les autres provinces, comme nous autres, elles ont des plans de contingentement puis n'entre pas qui veut, là. Donc, ce n'est pas si facile que ça d'aller dans une autre province. Il y en a très peu qui y arrivent. La migration dont vous parlez, cependant, j'ai noté, c'était plus international. Alors, le tableau que j'ai ici nous montre que c'est ce qui est arrivé en 1991, 1992, 1993, 1994, 1995, 1996 dans chaque province.
Par exemple, en 1996, le Québec a perdu 58 médecins, mais la Colombie-Britannique en a perdu 38, l'Ontario, 182, l'Alberta, 83. Puis, en termes de moyenne, en termes de pourcentage si vous comparez des pourcentages, bien, le Québec a perdu 0,3 %, l'Ontario a perdu 0,9 %, trois de plus que nous autres. Tout le monde en a perdu plus que nous autres. La moyenne canadienne, en tout et partout, durant toutes ces années-là, c'est 0,7 %, puis la moyenne du Québec, c'est 0,3 %. Il y a seulement l'Île-du-Prince-Édouard et les Territoires du Nord-Ouest qui en ont perdu moins que nous autres. Tous les autres en perdent beaucoup plus que nous autres.
Donc, il y a un exode, mais il n'est pas à un niveau si considérable. Il est relativement minime. Il est certainement comparable à tout ce qui se fait dans le monde et, en tout cas, beaucoup plus comparable favorablement au reste du Canada. Alors, il ne semble pas qu'on soit frappé par un problème si grave, là.
Place des jeunes dans la fonction publique (suite)
Puis, en ce qui nous concerne, nous, notre gouvernement, bien, il faut penser que, à la faveur des négociations qu'on a eues avec le secteur public, on a réussi à ce que 24 000 personnes travaillant à temps partiel, ou sans sécurité d'emploi, ou sans emploi, aient vu leur situation d'emploi améliorée, leur statut amélioré. Parmi celles-ci, on compte près de 10 000 nouveaux enseignants dont près de la moitié ont moins de 30 ans. Donc, on a fait les premiers pas, bien sûr. Ce n'est pas tout, mais on a commencé.
Puis, en janvier dernier, le Conseil du trésor a publié 400 offres d'emploi en informatique, M. le Président, puis sous peu on va lancer un programme de développement de la comptabilité, à l'intention des nouveaux diplômés, qui va permettre à 200 nouveaux diplômés de faire des stages de deux ans au sein du gouvernement. Mais il faut en faire plus, on en est bien conscients. Mais je crois qu'on en fait plus que ce que se promet de faire l'ADQ avec une diminution de 25 %.
M. Dumont: Oui, un commentaire là-dessus. Le gouvernement fédéral a réduit de 22 % sa fonction publique, mais il n'en demeure pas moins que les jeunes qui sont diplômés de l'ENAP, ces dernières années, qui ont été embauchés par la fonction publique, c'est beaucoup plus par celle du fédéral que par celle du Québec. Alors, c'est un peu simplifier les choses. Quand on crée justement dans la fonction publique une mobilité plutôt que d'être figé avec une sécurité d'emploi absolue, on rentre dans de nouvelles réalités que peut-être on connaîtra un jour.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Maintenant, mesdames, messieurs, on a normalement de prévu, à l'étude des crédits, 3 h 30 min, mais l'ordre de la Chambre nous amenait à 18 h 30. Alors, on a commencé il était environ 15 h 15. Est-ce que vous convenez d'excéder l'ordre de la Chambre pour faire 3 h 30 min d'échanges ou si on prend les dispositions pour terminer à 18 h 30, tel que prévu?
M. Johnson: L'ordre de la Chambre nous va, sauf si certains collègues veulent déborder. Pour ma part, après presque trois heures d'échanges, je n'ai pas de difficulté avec ça pour 18 h 30.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ça va nous faire 3 h 15 min d'échanges.
M. Johnson: Mais, encore une fois, si mes collègues veulent intervenir sur un point ou un autre, je suis disponible aussi pour continuer à travailler avec les collègues. Sinon, il n'y a pas eu une espèce d'émeute, de main levée ou de question à poser. Alors, on pourrait peut-être, dans ce cas-là, envisager qu'on en est rendu à l'étape...
Le Président (M. Landry, Bonaventure): L'étape de vos dernières...
M. Johnson: Parce qu'il faut quand même adopter les crédits, je présume, M. le Président...
Remarques finales
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui. On a l'étape des dernières remarques que vous pouvez faire...
M. Johnson: ...et éventuellement les remarques.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...puis, à la fin, à 18 h 25, nous procéderons à l'adoption.
M. Daniel Johnson
M. Johnson: Comme vous voulez. Auquel cas, dans ce cas-là, ce qui pourrait être une des dernières interventions que je pourrais faire aujourd'hui, je dirais, à l'égard des priorités gouvernementales dont on a pu discuter pendant quand même trois heures, je crois que le premier ministre est pris dans un piège qu'il a lui-même construit depuis un petit peu plus de deux ans.
Il a signifié des attentes très, très, très élevées. Il a évoqué des espoirs très précis quant à l'action gouvernementale, quant à toutes les belles et grandes choses qu'il réservait aux Québécois. C'était toujours à portée de la main. Mais, malheureusement, ces espoirs-là ont été trahis. Ils ont été trahis en matière de santé. Il suffit, encore une fois - je l'ai fait au début - de regarder les textes que notre premier ministre a commis, ceux qu'il a lus, les discours qu'il a faits de façon impromptue à un endroit ou à un autre, notamment à la fin de 1995, début 1996, où il traçait un programme de gouvernement où on pouvait penser que, dans la santé, ça irait beaucoup mieux et assez rapidement. Ça a été dénoncé à tour de bras par son prédécesseur alors qu'il était dans l'opposition. Alors, on peut bien penser que finalement la solution était à portée de la main.
La même chose était vraie dans l'éducation. Je rappelle au premier ministre qu'il a dit: Si ce gouvernement réussit, il aura été le gouvernement de l'éducation. J'ai étalé tout à l'heure ce que ça représentait, en pratique, pour les parents.
La même chose est vraie au titre du fardeau fiscal, les promesses la main sur le coeur, qu'on était déjà trop taxés, puis que la dernière chose qu'il fallait faire, c'était d'augmenter les impôts. Si on traduit assez rapidement les trois derniers budgets, lorsqu'on regarde ce qui s'en vient avec la récurrence pour l'an prochain, un peu plus de 8 000 000 000 $ d'un fardeau fiscal additionnel, c'est toute une beurrée, ça, peu importe comment on le calcule.
(18 h 10)
À l'égard des jeunes, là aussi, les attentes ont été trompées. Je me souviens, au Sommet, comment, avec raison, avec tout le monde on cherchait des façons, du côté gouvernemental, de saisir l'imagination, mais, en plus, d'être concret et de vraiment donner des expériences de travail aux jeunes, pour choisir, finalement, la façon la plus difficile de créer de l'emploi chez les jeunes qui était les stages en entreprises pour fins d'apprentissage. Alors, finalement, après en avoir promis des centaines, pour ne pas dire des milliers, on s'est ramassé avec quelques douzaines de jeunes qui ont pu bénéficier d'une façon ou d'une autre d'un accès à un régime de stages d'apprentissage.
C'est vraiment la façon lourde, un peu compliquée de créer de l'emploi chez les jeunes. Ça laisse de côté tellement de monde, comme on vient d'en discuter. Les chiffres sont là. La plus grosse baisse d'emploi, du taux d'emploi au Canada, en 1997 par rapport à 1996, c'est au Québec avec une diminution de l'emploi chez les jeunes de moins 2 %. Donc, on est au 10e rang des provinces canadiennes avec des chiffres comme ceux-là.
Alors, on espère que ça se ressaisit, l'économie. On espère que ça se revigore. On espère surtout qu'on va aller chercher notre part de cette vigueur nouvelle de l'économie nord-américaine. Force est de constater que ce n'est pas là. Il y a des éléments, dans la recette, qui manquent, des éléments que trop d'investisseurs soulignent - je l'ai fait tout à l'heure - quant à l'option que représente le Parti québécois, quant à sa façon d'envisager l'avenir des Québécois en Amérique du Nord par opposition à ce que la majorité des Québécois ont déjà exprimé, il n'y a pas si longtemps, quant au choix qu'ils aimeraient poursuivre.
Alors, moi, je veux bien écouter le premier ministre qui parle de démocratie puis du peuple québécois qui va choisir lui-même son destin. J'ai toujours souscrit à ça. L'affaire est que c'est ça qu'on a fait en octobre 1995. Ça fait deux ans et demi de ça, ça ne fait pas 25 ans, une génération ou deux. Ça fait à peine plus de deux ans. Alors, si on pouvait passer à un gouvernement qui, lui, aura comme mandat de respecter cette volonté des Québécois de rechercher une amélioration de notre cadre constitutionnel dans l'intérêt des Québécois, on va être pas mal plus avancés au point de vue économique.
Là où le gouvernement a davantage manqué, à mon sens, c'est fondamental, c'est dans sa politique familiale. On pourra s'échanger des chiffres toute la journée, on ne pourra jamais faire le portrait précis, avec des tableaux statistiques, d'une uniformisation, d'une homogénéisation que décrit le premier ministre. Ça ne se traduira jamais, ça. On peut prendre les chiffres comme on veut du côté du gouvernement, mais la réalité est toujours plus compliquée que ça. La variété des modèles, je dirais, de vie familiale, la variété qu'on retrouve sur le monde du travail, des tâches qui attendent hommes et femmes, monoparentales ou pas, multiplié par le nombre de situations familiales, multiplié par les endroits où les gens se trouvent, en milieu urbain ou rural, ça, ça appelle une combinaison presque infinie de modèles de soutien à la vie familiale. Et, lorsqu'on dit: Non. On ramasse les allocations pour jeunes enfants et on met sur pied des garderies à but non lucratif, où ça va coûter 5 $ par jour par enfant, on vient d'homogénéiser la société québécoise selon un modèle, j'allais dire, corporatiste, une vue très étroite des choses où il n'y a pas de place pour la nuance, où il n'y a pas de place pour la réalité, essentiellement.
Et je crois que c'est à cet égard-là que le premier ministre a le plus largement fait défaut d'imagination, de rigueur, de compréhension, dans l'analyse des besoins des familles québécoises, et donc, de mise sur pied des programmes qui correspondent à la réalité québécoise très, très complexe, très, très variée, comme le soulignait d'ailleurs mon collègue qui est porte-parole en ces matières pour notre formation politique.
Alors, présumément, le premier ministre va réagir une dernière fois à cette critique à son endroit: incapacité de mettre sur pied un programme qui soit pertinent pour la vaste majorité des familles québécoises, en privilégiant, comme il le fait, un aspect qu'on reconnaît comme étant important: la lutte à la pauvreté des familles québécoises. C'est ça qui est le programme qui a été mis sur pied et non pas un programme de soutien à la famille québécoise.
Alors, en terminant, M. le Président - évidemment, je l'ai souligné - c'est la 18e et présumément dernière fois que je suis participant à cet exercice de l'étude des crédits. J'ai toujours été extrêmement fier de faire partie, dans cette enceinte, de cet exercice hautement démocratique où le gouvernement passe sous la loupe des parlementaires. Je m'en voudrais de ne pas souligner en passant comment nous sommes, comme parlementaires, entourés à cette occasion d'un aréopage considérable - et j'emploie le terme de façon voulue - de nos collaborateurs et collaboratrices, notamment de la fonction publique - quant aux cabinets politiques, on les connaît. Nous avons des deux côtés connu ceux qui font carrière dans la fonction publique québécoise.
Je vois des visages que j'ai rencontrés soit lorsque j'occupais un poste ministériel, les gens de mon ministère; dans d'autres cas, dans des comités ministériels permanents de développement économique ou d'affaires sociales, ou quoi que ce soit, dans des groupes de travail précis, ad hoc, qui avaient été mis sur pied, à l'intérieur desquels je pouvais exercer certaines responsabilités ministérielles; au alors comme député de l'opposition, 1981 à 1985, d'une part, et depuis 1994, d'autre part, où on a à transiger avec les fonctionnaires qui ont à mettre en vigueur et à surveiller l'application des politiques qui sont votées à l'Assemblée nationale, décidées par le pouvoir politique.
Les fonctionnaires de carrière qu'il m'a été donné de rencontrer sont, de façon universelle, loyaux à l'endroit du pouvoir politique, et je tenais aujourd'hui... C'est la dernière occasion que j'ai vraiment dans un cadre comme celui-là qui est le plus pertinent pour parler d'eux. On ne les voit pas à l'Assemblée nationale - certains diront avec raison - mais ils sont essentiels au bon fonctionnement de nos institutions. C'est donc la dernière occasion que j'ai de leur dire combien le travail qu'ils font est important et combien ils y mettent un engagement de qualité et d'intégrité qui est au-dessus de tout soupçon.
C'est sur ces paroles que je vous remets la parole, M. le Président, pour que vous la remettiez à quelqu'un d'autre, je présume. Je vous la prête, donc, pour que vous la remettiez et que nous puissions procéder à l'adoption des crédits du ministère du Conseil exécutif.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le chef de l'opposition. M. le député de Rivière-du-Loup.
M. Mario Dumont
M. Dumont: Oui. En conclusion, brièvement, M. le Président, d'abord, je veux saluer l'engagement du premier ministre qui a été pris clairement aujourd'hui concernant le dossier des clauses orphelin, en espérant que les suites vont venir, en espérant que ça ne sera pas un engagement comme celui sur la fonction publique qui a été pris il y a deux ans et qui, lui, malheureusement, est pas mal moins clair dans ses résultats - on n'est pas capable d'obtenir de chiffres. Chez les enseignants, bien, on voyait venir ça. Dû à l'âge du corps enseignant du Québec, tout le monde avait vu venir que, cette année puis les années qui viennent, il allait y avoir de la place pour des jeunes. Mais, dans la fonction publique, les règles n'ayant pas changé, on ne sent pas qu'on est en train de recréer à l'intérieur de notre fonction publique un rajeunissement. Il y a eu une grande mobilité.
Je conclus en rappelant l'importance de penser aux conditions économiques des jeunes et en m'inquiétant de voir le premier ministre aussi peu sensible, d'abord, à ce que la fiscalité fait vivre aux jeunes de la classe moyenne, aux jeunes familles de la classe moyenne. On est les plus taxés en Amérique. Notre monde est quasiment en train de se résigner à ça, ou de s'habituer à ça, puis on oublie à quel point ça nuit à notre économie, ça nuit à la qualité de vie de nos familles. Mais aussi de voir comment le modèle familial - et là j'ai un peu plus compris la politique familiale, parce que je l'ai questionnée depuis des années - sur lequel il est basé, ce schème-là de politique familiale, c'est un modèle qui est déconnecté de ce que vivent les familles d'aujourd'hui, du genre de choix que les familles d'aujourd'hui sont prêtes à faire.
Parce qu'il y a beaucoup de familles qui vivent une réalité complètement différente de cette espèce d'obligation des deux conjoints d'aller travailler de 8 à 5, de courir avec les enfants à la garderie, surtout quand tu arrives à deux, trois ou quatre enfants. Il y a plein de parents qui vont faire des choix de vie différents et pour lesquels le gouvernement a décidé: Nous, on a décidé qu'il y a un modèle qui était bon. Les parents qui oseront contourner ce modèle-là, bien, faute d'avoir respecté le modèle gouvernemental, ils seront pénalisés. Alors, je pense que ça va devoir être repensé.
(18 h 20)
Je comprends que le premier ministre s'y accroche, parce qu'ils ont poussé fort dans ce créneau-là. Mais, de toute façon, le premier ministre sait comme moi que c'est un cul-de-sac sur le plan financier, puis il ne sera pas capable... Les garderies à 5 $, tout le monde est conscient que, quand on va vouloir les offrir à tout le monde, ça va être un gouffre financier sans fin. Quand le gouvernement va avoir le monopole, ça va passer de 5 $ à 6 $, à 7 $, à 8 $. On voit déjà tout le modèle de tout ce qui est arrivé avec les monopoles contrôlés par le gouvernement. Alors, je pense que ça vaudrait la peine de commencer tout de suite à se poser des questions, parce qu'on n'est pas en train d'améliorer les conditions économiques des jeunes, des jeunes familles entre autres, à long terme.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le premier ministre.
M. Lucien Bouchard
M. Bouchard: M. le Président, d'abord, je voudrais remercier le chef de l'opposition pour les propos qu'il a tenus sur la fonction publique et, en particulier, sur les hauts fonctionnaires qui nous entourent respectivement. Je voudrais dire que, moi aussi, j'ai constaté l'impartialité, la rigueur et l'engagement professionnel, je dirais, des fonctionnaires qui nous alimentent en information et qui sont, finalement, les grands exécutants des politiques qui sont décidées par l'Assemblée nationale.
Vous me permettrez de dire qu'il y en a un qui est absent cette année, c'est Michel Carpentier. Il est toujours à l'hôpital et il fait une dure lutte pour son rétablissement. Il a été blessé, comme vous savez, de multiples fractures. Il est toujours aux soins intensifs. Il n'y a pas de danger pour sa vie, mais la lutte est dure. Alors, je pense qu'il faudrait souligner que c'est en grande partie à cause de l'épuisement où son travail l'a conduit qu'il a eu cet accident: une perte de conscience momentanée au volant et l'accident est arrivé.
Sur le fond même des questions que nous avons abordées aujourd'hui, je voudrais reprendre très rapidement cette affirmation, je trouve, un peu légère qu'a réitérée le chef de l'opposition quant à ce qu'il appelle l'incertitude politique. Je pense qu'il a trop écouté les discours de son successeur récemment, qui dit à peu près n'importe quoi là-dessus. En fait, ce n'est pas les ragots qu'il faut lire. Regardons les chiffres.
Les chiffres, c'est que l'économie reprend, et elle reprend sous un gouvernement souverainiste. L'investissement privé non résidentiel, si on compte l'année qui est commencée, sur trois ans, on va avoir 33 % d'augmentation; c'est la hausse la plus considérable depuis 10 ans. Les investissements privés totaux, en comptant toujours l'année qui est commencée, sur trois ans, ça va être 34 %; c'est ce qu'il y a de plus haut depuis 10 ans, jamais vu depuis 10 ans. Même chose pour les investissements totaux: ces trois années-là, c'est 21 % de plus, jamais vu depuis 10 ans. Quand on regarde le tableau qui est là, on voit bien qu'avant on était dans le rouge, et là on... Avant, on désinvestissait - en taux de croissance, j'entends - et là les taux de croissance, remarquez ce qu'ils sont depuis. Alors, on est du bon côté des choses.
Donc, l'année qui commence, ça va être une année de l'économie, et, si les choses se déroulent comme on peut l'espérer, on est en train d'améliorer l'emploi. Desjardins annonçait aujourd'hui que nous allons crever le plancher du 10 %, qu'on va aller en bas de 10 %. C'est des bonnes nouvelles, ça. On n'a pas vu ça depuis longtemps. En tout cas, je trouve un peu mal placé le chef de l'opposition - je ne voudrais pas être trop dur - qui a présidé à la perte de 128 000 emplois de jeunes pendant les six dernières années de sa participation au gouvernement, de nous faire des reproches. Des appels et des encouragements et des incitations, oui, mais des reproches, je trouve ça un petit peu plus délicat, parce qu'on est en train de faire tourner les choses, là, nous. On en crée, de l'emploi pour les jeunes, actuellement.
Donc, l'année de l'économie, l'année de l'emploi, l'année de la famille, parce que je crois que l'ensemble des mesures qu'on a prises améliorent le sort de la famille, M. le Président, j'en suis convaincu. D'ailleurs, on se le fait dire par tout le monde, sauf par l'opposition. Quand on pense, en particulier, qu'on a remplacé ce fouillis de 17 mesures différentes, qui avaient des effets pervers, qui se neutralisaient, qui se contredisaient, on ne s'y retrouvait plus. Tous les groupes nous demandaient de mettre de l'ordre là-dedans. On l'a fait. Déjà, les résultats commencent à apparaître. Et puis c'est l'année où nous allons restaurer notre liberté de choix collectifs. C'est l'année où on va arriver au déficit zéro. C'est l'année où on va cesser d'emprunter sur le dos de nos enfants pour payer notre épicerie, M. le Président. Ce n'est pas rien. Même l'investissement, cette année, à la fin de l'année, avec l'immobilisation, on va le faire avec notre argent. Pas avec une carte de crédit. Pas avec l'argent des autres. Avec le nôtre, celui qu'on aura gagné à la sueur de notre front et qu'on aura géré correctement, de façon responsable.
C'est l'année aussi où va s'amorcer un débat extrêmement positif, un débat nouveau qu'on n'aura pas vu depuis longtemps. C'est l'année où on va débattre ce qu'on fait avec les surplus qui vont se dégager du fait qu'on va récolter le fruit de nos efforts. À compter de l'atteinte du déficit zéro, on aura un surplus. Là, les discussions qu'on aura seront extrêmement positives. Il y en a qui nous diront, je sais qu'il y en a qui vont nous dire: Continuez à faire des déficits. Mais ça, c'est une tendance, apparemment. Dès qu'on devient libéral, depuis quelque temps, déjà on veut dépenser. Parce que j'ai vu que le nouveau chef conservateur était à peine venu signer sa carte qu'il fallait déjà sortir la carte de crédit. Bon. Heureusement, l'opinion publique l'a rappelé à l'ordre, parce que les Québécois, ils le veulent, le déficit zéro. Ils ont fait tellement d'efforts pour y arriver qu'ils vont continuer ces efforts-là, d'autant plus qu'on touche au but.
Alors, M. le Président, ça va être formidable que d'avoir un État, l'instrument collectif des Québécois, qui va être en train, avec l'ensemble de la collectivité, de décider: Est-ce qu'on va plutôt diminuer les impôts? Il faudra diminuer les impôts. Il faut continuer de les diminuer. Dans quelle mesure? Ça, on verra. Quelle sera la part qui sera allouée aux programmes sociaux, à la santé? Il faudra en mettre pour la santé. D'ailleurs, dès cette année, s'il y a des surplus, on va en mettre plus dans la santé. Et je pense, j'espère, qu'on va en avoir. Parce que, l'an dernier, on avait eu un surplus de pas loin de 1 000 000 000 $. Si on n'avait pas eu le verglas, la hausse des taux d'intérêt sur les emprunts et la chute du dollar canadien... Si le dollar canadien peut cesser de chuter, M. le Président, on va cesser de perdre de l'argent sur nos emprunts. Donc, normalement, cette année, si ça ne va pas trop mal, on pourrait dégager déjà un surplus, et puis on va regarder la santé parce qu'on veut faciliter la réussite de la réforme.
M. le Président, autrement dit, ça va être l'année qui nous amène à la récolte. Il y aura eu l'effort. Il y aura eu la difficulté. Il y aura eu les pressions politiques. Il y aura eu les critiques et les inquiétudes. Mais, fondamentalement, ce qu'il y aura eu surtout, c'est un remarquable appui de solidarité des Québécois à l'interpellation du gouvernement. Et puis, au bout de l'effort, il y a des fruits et on va les récolter ensemble.
Adoption des crédits
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le premier ministre. Alors, nous en sommes au moment de l'adoption des programmes 1 et 2. Est-ce que le programme 1, Bureau du lieutenant-gouverneur, est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Adopté. Est-ce que le programme 2, Services de soutien auprès du premier ministre et du Conseil exécutif, est adopté?
M. Johnson: Sur division.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Sur division. Alors, il est adopté. Quant au programme 3, nous en ferons l'adoption après que nous aurons reçu, le jeudi 30 avril, le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, et nous procéderons à l'adoption globale du programme du Conseil exécutif à ce moment-là.
Alors, avant de quitter, je voudrais profiter de l'occasion pour, à titre de parlementaire aussi, souhaiter bonne chance au chef de l'opposition officielle actuel dans sa nouvelle carrière et lui souhaiter un peu de repos avant d'entreprendre d'autres choses.
Alors, sur ce, mesdames, messieurs, nous allons ajourner nos travaux. Nous reprenons demain matin, à 9 h 30.
(Fin de la séance à 18 h 28)