(Dix heures deux minutes)
Le Président (M. Landry, Bonaventure): À l'ordre, s'il vous plaît! Mesdames, messieurs, la commission des institutions est réunie, dans un premier temps, pour procéder à l'élection du vice-président de la commission des institutions et, ensuite, pour entreprendre l'étude des crédits budgétaires dévolus au Secrétariat à la jeunesse et à la Charte des droits et libertés de la personne.
Élection du vice-président
Selon l'article 135 du règlement, le vice-président de chaque commission est élu à la majorité des membres de chaque groupe parlementaire. Conformément à l'article 127 du règlement, la commission de l'Assemblée nationale a arrêté, le 30 novembre 1994, que la vice-présidence de cette commission revenait à un membre du groupe parlementaire formant l'opposition officielle. Alors, je suis prêt à recevoir toute proposition pour le poste de vice-président.
M. Johnson: Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de présenter mon collègue le député de l'Acadie, M. Yvan Bordeleau, au poste de vice-président de la commission des institutions.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce que cette proposition est acceptée?
Des voix: Oui.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, les deux groupes ayant accepté cette proposition, je déclare donc M. le député de l'Acadie vice-président de la commission des institutions. Alors, félicitations, M. le député de l'Acadie.
M. Bordeleau: Merci beaucoup, M. le Président.
Étude des crédits du ministre délégué aux Relations avec les citoyens
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Je rappelle le mandat de la commission, maintenant: de procéder à l'étude des crédits budgétaires du Secrétariat à la jeunesse et de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, soit les éléments 4 et 7 du programme 1 des crédits dévolus aux Relations avec les citoyens pour l'année financière 1996-1997.
Je demanderais maintenant à M. le secrétaire de nous annoncer les remplacements.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Lelièvre (Gaspé) est remplacé par M. Morin (Nicolet-Yamaska); M. Ciaccia (Mont-Royal) par M. Chagnon (Westmount-Saint-Louis); et M. Lefebvre (Frontenac) par M. Lafrenière (Gatineau).
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. Alors, je vous rappelle qu'une période de deux heures sera consacrée pour l'étude de ces crédits, soit une heure pour le Secrétariat à la jeunesse et une heure pour la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Et, si vous êtes d'accord, nous pourrions prendre une pause de 10 minutes entre les deux périodes d'étude, à la demande du groupe parlementaire de l'opposition. Alors, si vous en convenez, étant donné qu'il est 10 h 5, ça nous amènerait à terminer notre étude des crédits à 12 h 15. Ça va? Très bien.
Alors, j'inviterais maintenant M. le ministre à faire sa déclaration d'ouverture. M. le ministre.
Secrétariat à la jeunesse
Remarques préliminaires
M. André Boisclair
M. Boisclair: M. le Président, M. le chef de l'opposition, Mmes et MM. les membres de la commission, je comprends que nous avons une heure pour étudier les crédits du Secrétariat à la jeunesse et du Conseil permanent de la jeunesse. Pour permettre le dialogue le plus ouvert et le plus franc possible, j'indique immédiatement que j'essaierai d'être le plus bref possible dans mes remarques pour faire en sorte que nous puissions véritablement échanger sur un certain nombre d'enjeux. Je suis convaincu que les membres de la commission voudront particulièrement faire le point sur le Plan d'action jeunesse annoncé par M. Parizeau, par le premier ministre et poursuivi par l'actuel gouvernement. J'indique d'entrée de jeu que j'ai à ma disposition un certain nombre d'informations complémentaires qu'il me fera plaisir de remettre aussi aux membres de la commission si tel est leur souhait.
Donc, l'exercice de la défense des crédits nous offre l'occasion de faire le point sur les activités du Secrétariat touchant la jeunesse et d'indiquer aussi des priorités pour la prochaine année. Je voudrais d'abord dire quelques mots du Secrétariat à la jeunesse qui est responsable, d'une part, de seconder le ministre dans la coordination du dossier jeunesse au sein de l'appareil gouvernemental et, d'autre part, de veiller à l'élaboration et à la mise en oeuvre de divers objectifs gouvernementaux visant à améliorer la condition des jeunes.
Pour remplir son mandat au cours de l'année 1995-1996, le Secrétariat à la jeunesse a répondu à plus de 25 demandes d'avis ou de collaboration provenant de divers ministères, d'organismes publics et parapublics et portant sur des orientations, des politiques, des mémoires ou des plans de développement touchant les jeunes. Cette intervention du Secrétariat auprès des diverses instances de l'appareil gouvernemental a pu, au cours de la dernière année, ériger celui-ci au rang d'aviseur incontestablement crédible du gouvernement en matière jeunesse. Une liste de ces demandes d'avis et de collaboration vous est d'ailleurs fournie à l'onglet 3 des documents remis aux membres de la commission.
Au cours de l'année, et ce, à la demande du gouvernement, le Secrétariat a également assumé un rôle de coordination quant à l'élaboration et à la mise en oeuvre d'un plan d'action jeunesse triennal. Ce Plan d'action repose sur trois grands projets ayant comme point commun d'impliquer les jeunes dans des projets leur permettant d'acquérir soit une expérience de vie en groupe, d'ouverture sur le monde ou d'insertion en emploi. Tous ces projets ont comme caractéristique de rallier différents partenaires autour du soutien aux jeunes.
D'abord, Québec sans frontières. Ce premier programme aura permis à 200 jeunes Québécois et Québécoises de participer à des stages de deux à trois mois dans un pays d'Afrique ou d'Amérique latine. Ce programme s'adresse à des jeunes de 18 à 30 ans et poursuit d'ailleurs la tradition québécoise de solidarité et d'ouverture sur le monde. Encadré par une dizaine d'organismes québécois de coopération internationale, ce programme, qui a connu un grand succès, poursuivra ses activités en 1996-1997. Nous visons par ailleurs à augmenter significativement le nombre de stagiaires aux 200 originalement prévus.
La Route verte, second projet d'envergure, mobilise les jeunes du Québec dans la planification, la réalisation et l'entretien d'un itinéraire cyclable qui, sur 2 400 km, traversera le Québec du nord au sud et de l'est à l'ouest. Coordonné par un maître d'oeuvre reconnu en la matière - dans le cas qui nous préoccupe, Vélo Québec - et faisant appel aussi à la collaboration des municipalités et des multiples organismes de loisirs culturels et de plein air, ce projet vise tant des objectifs économiques que sociaux et culturels. Il est à noter que la construction de chaque tronçon est supervisée par des comités régionaux qui rassemblent des collectivités locales situées sur le parcours tracé. Un premier tronçon sera d'ailleurs inauguré au début de l'été en Montérégie. Il convient d'ailleurs de souligner que le projet de La Route verte, dont la réalisation s'étalera sur 10 ans, aura aussi un impact touristique considérable.
La création aussi de centres régionaux de récupération et recyclage vise à créer en deux ans 10 centres de récupération et de recyclage de textile. La main-d'oeuvre requise par ces centres sera notamment sélectionnée parmi les jeunes bénéficiaires de la sécurité du revenu. Ce projet, qui associe tout le milieu communautaire de chaque région, vise également un objectif de création d'emplois. Il est à noter que cinq de ces centres de récupération sont entrés en opération au cours du mois de mars dernier, en l'occurrence ceux de Rimouski, de Saint-Jean-de-Matha, de Trois-Rivières, de Jonquière et de Sherbrooke. Constitués en corporations intermédiaires de travail, ces centres acheminent la matière transformée à un maître d'oeuvre qui s'appelle, dans ce cas-ci, Les Ateliers les recycleurs de Montréal, lesquels, par la suite, mettent présentement sur pied un programme novateur de redistribution des profits réalisés à l'intention d'organismes communautaires. Les résultats obtenus à l'enseigne de ces trois projets démontrent qu'en ces temps difficiles il est toujours possible de mobiliser des jeunes autour de valeurs qui leur ressemblent. Ce Plan d'action jeunesse a aussi pour effet de réunir plusieurs ministères autour de problématiques touchant directement les jeunes de manière à ce que ces derniers soient plus à même de tenir compte de la problématique jeunesse dans l'élaboration de leur propre politique sectorielle.
(10 h 10)
Mais, au-delà aussi de ces projets sectoriels, de ces projets structurants pour les jeunes et les régions, c'est la recherche de solutions aux différents problèmes vécus par les jeunes qui préoccupe le Secrétariat à la jeunesse. Le premier ministre a souligné, lors de son message inaugural, l'importance de faire preuve de solidarité et de générosité envers les jeunes Québécois. À cet égard, le Secrétariat entend jouer un rôle moteur dans ce ralliement en faveur des jeunes et de leur avenir.
À l'enseigne des priorités pour l'exercice 1996-1997, la faible représentation des jeunes dans la fonction publique québécoise nous préoccupe grandement. Non seulement le nombre de jeunes y est en décroissance constante, mais leurs possibilités d'accès sont pratiquement nulles. L'urgence d'agir à cet égard nous commande d'explorer toutes les avenues qui permettraient le renouvellement de la fonction publique, et ce, sans exclure aucune hypothèse.
En plus du rajeunissement de la fonction publique, le programme d'action du Secrétariat à la jeunesse pour la prochaine année touche les points suivants: d'abord, la reconnaissance des besoins et priorités exprimés par les jeunes dans les discussions et le suivi donné au sommet sur le devenir social et économique du Québec; deuxièmement, la prise en compte des intérêts des jeunes dans le suivi des rapports Fortin et Bouchard portant sur la réforme de la sécurité du revenu et les mesures d'employabilité - à cet égard, vous avez sans doute pris connaissance de l'annonce prochaine de la publication d'un livre vert par ma collègue ministre de l'Emploi et de la Solidarité; troisièmement, la mise en place de nouvelles formules d'insertion des jeunes sur le marché du travail au moyen, notamment, de stages en entreprise; quatrièmement, une présence accrue dans les régions afin de soutenir les jeunes qui veulent s'y établir - à cet égard, je pourrais faire le point avec vous sur une étude qui a été commandée par le Secrétariat, réalisée conjointement avec l'INRS, qui nous permettra de faire le point sur la présence des jeunes en région et de leur exode vers les grands centres; cinquièmement, une attention particulière quant à la situation des jeunes par rapport à des problématiques plus générales telles que le décrochage scolaire, l'itinérance, la violence et le suicide.
Il va de soi que, dans la réorganisation ministérielle qui est amorcée, je verrai finalement, au cours des prochaines semaines, à ce que la problématique jeunesse trouve davantage écho auprès de tous les ministères et organismes gouvernementaux. L'invitation qui a été faite par le premier ministre de faire en sorte que les générations qu'on dit montantes puissent monter vraiment constitue un défi majeur. En effet, les jeunes Québécois et Québécoises ont été trop largement exclus de notre vie collective. Cette exclusion s'exprime par des formes bien concrètes - d'abord, un taux de chômage trop élevé chez les jeunes, un taux également trop élevé de prestataires de la sécurité du revenu - une exclusion qui, finalement, se manifeste par la présence d'un exode régional, par l'itinérance et, en bout de ligne, par de nombreux problèmes connexes.
Et pourtant les jeunes du Québec souhaitent participer massivement à l'égard du développement social et économique du Québec. Cette volonté, elle se mesure notamment à l'égard du nouveau pacte social que les jeunes nous pressent d'établir. Ce nouveau pacte social dont le Québec a besoin, ce sont les jeunes qui peuvent et doivent l'initier et le mener à terme. Il nous incombe donc de créer des liens intergénérationnels qui permettront de susciter les consensus qui nous rapprochent collectivement. D'ailleurs, lors de la création de l'éventuel ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, nous aurons l'occasion concrètement de traduire cette réalité et cette volonté.
Permettez-moi, enfin, de rappeler les grandes lignes de l'intervention au gouvernement en matière jeunesse au cours du dernier exercice. En premier lieu, nous soulignons que les divers ministères ont maintenu sensiblement, en 1996-1997, le même niveau de soutien aux programmes touchant les jeunes et aux organismes jeunesse qu'en 1995-1996, soit au-delà de 900 000 000 $ - je le répète, 900 000 000 $ - pour des programmes et plus de 40 000 000 $ en subventions aux organismes.
Au titre des trois projets que je décrivais au début de mon allocution, en plus de la poursuite aussi du rôle plus général qui incombe au Secrétariat, à titre de coordonnateur aussi et d'aviseur du gouvernement quant aux diverses mesures sectorielles touchant les jeunes, nous entendons renforcer, au cours de la prochaine année, le rôle de celui-ci afin de s'assurer, pour reprendre l'expression du premier ministre, que les générations qu'on dit montantes puissent monter véritablement.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le ministre. Alors, j'inviterais M. le chef de l'opposition officielle à formuler ses remarques...
M. Boisclair: M. le Président, avant que le chef de l'opposition intervienne, j'aimerais vous présenter des gens qui m'accompagnent, tout simplement.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui.
M. Boisclair: M. Philibert, qui est président du Conseil permanent de la jeunesse, et M. André Beaudoin, qui est secrétaire général au Secrétariat à la jeunesse.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Alors, M. le chef de l'opposition officielle.
M. Daniel Johnson
M. Johnson: Oui. Merci, M. le Président. Je ne peux pas m'empêcher, d'abord, en toute courtoisie, de souhaiter la bienvenue au ministre en cette première défense des crédits du Secrétariat à la jeunesse et de tous les programmes jeunesse du gouvernement. Mais je suis en train en même temps de me demander si c'est la dernière fois qu'on n'est pas en train de faire ça, de regarder ce que le gouvernement a l'intention de faire comme bilan à l'endroit des jeunes et de cette problématique extrêmement préoccupante qu'on est en train de vivre.
Le ministre s'est attardé à décrire un tas de programmes qui sont envisagés, un tas de projets. Le bilan depuis quand même un an et demi est néanmoins extrêmement mince lorsqu'on regarde la situation, lorsque sur le terrain on s'aperçoit que les jeunes, ce dont ils parlent et ce qu'ils identifient eux-mêmes comme étant la source des difficultés qu'ils traversent, c'est l'emploi. C'est la création d'emplois qui fait défaut, c'est l'absence d'emplois qui jette les jeunes dans le désespoir. C'est là qu'on peut trouver la source extrêmement concrète des difficultés, je dirais, dramatiques qu'on observe chez les jeunes Québécois et Québécoises.
Le chômage, où l'on retrouve environ un jeune sur quatre: un chômeur sur quatre est un jeune de 15 à 25 ans. Au titre de la sécurité du revenu, chez les moins de 30 ans ce sont 130 000 de nos concitoyens et concitoyennes de ce jeune âge qui s'y retrouvent. La pauvreté est un phénomène qui frappe environ 40 % de ceux qui ont moins de 30 ans. Chez les jeunes familles monoparentales, ce sont environ 85 % d'entre elles qui sont sous le seuil de la pauvreté. Les taux de suicide et la prévalence de la violence, les sans-abri, l'itinérance, ce sont autant de phénomènes qui se retrouvent de façon extrêmement préoccupante chez les jeunes. Et quelle est la réponse gouvernementale à tout ça? Ce n'est rien de plus, pour l'instant, que La Route verte, l'Académie de la relève cinématographique, quelques douzaines de jeunes à qui on facilite des travaux communautaires dans les pays du tiers-monde, alors que les tournées que nous sommes en train de faire, de notre côté - les rencontres que j'ai faites, moi, avec les milieux de jeunes, qu'il s'agisse des étudiants ou non - nous amènent à considérer que c'est la création d'emplois ici, au Québec, de façon la plus immédiate qui nous permettra de voir une amélioration du sort des jeunes.
Les gouvernements, le gouvernement... Je dis «les gouvernements», parce que je viens d'être victime, moi aussi, de la rhétorique du ministre qui veut nous faire croire qu'il y a un nouveau gouvernement depuis quelques semaines au Québec, oubliant qu'il est lui-même élu depuis septembre 1994, que très bientôt, depuis maintenant près d'un an et demi, 18 mois, on aura constaté que le gouvernement ne s'est pas préoccupé, alors qu'il aurait dû le faire, de toute cette problématique jeunesse, et on voit que le gouvernement actuel, digne successeur de celui de M. Parizeau, a traduit ses préoccupations en coupures et en compressions. Qu'il s'agisse, évidemment, de la Société d'Investissement Jeunesse, qu'il s'agisse du Secrétariat à la jeunesse, il est bien évident que les crédits qui sont consacrés de façon extrêmement directe à ces activités ont connu des compressions, des réductions extrêmement substantielles.
Il y aurait intérêt, à mon sens, du côté du gouvernement, à regarder comment tous ces gestes viennent toucher la problématique jeunesse. Le ministre n'a pas parlé une seconde - à moins que j'aie manqué d'attention pendant une seconde, mais j'ai tenté de l'écouter - a littéralement passé sous silence l'effet sur notre jeunesse des compressions dans les services aux étudiants aux primaire et secondaire. On ne peut pas prétendre qu'on s'occupe de la jeunesse d'aujourd'hui et de demain lorsque c'est par centaines de millions de dollars qu'on prive nos commissions scolaires des ressources qui leur permettent de se soucier davantage des cas de plus en plus difficiles qui leur sont confiés. Le profil même des classes primaires, notamment dans la région de Montréal que le ministre connaît particulièrement bien, laisserait soupçonner qu'un gouvernement qui est sensible à ces problématiques ferait des efforts particuliers afin de mieux traiter ce qu'on trouve maintenant dans nos classes, dans toutes nos écoles et, notamment, dans la région de Montréal.
(10 h 20)
Il n'en est absolument rien. On voit que ni Montréal ni les autres régions, d'ailleurs, n'échappent aux compressions en matière d'éducation et que, de cette façon, les jeunes, les enfants - que dis-je, les jeunes - les enfants sont touchés tout à fait directement dans les classes avec ce qu'on se réserve, à partir de ce moment, comme conséquences de cette négligence organisée du gouvernement en matière de formation scolaire pour les jeunes pour les bien partir sur le meilleur pied possible.
Par ailleurs, si on se reporte au-delà des actions qu'on peut faire porter dans le milieu scolaire comme tel, il est bien évident que c'est l'intégration en emploi de tous ces jeunes qui doit marquer l'action gouvernementale. La seule façon de vraiment joindre les préoccupations qu'on exprime pour l'avenir des jeunes et le fait qu'eux-mêmes souhaitent et formulent, je dirais, d'une façon extrêmement claire que leur avenir, selon eux, passe par un emploi, c'est évidemment de mettre sur pied un programme majeur d'intégration des jeunes en emploi, de stages en milieu de travail, de faciliter la recherche de ce premier emploi, de faciliter l'acquisition d'expérience dans le milieu de travail.
M. le Président, je rappelle pour fins de la discussion que le parti que je dirige, il y a un an et demi, avait suggéré - et ça, ce n'est pas sur une base partisane - à l'occasion de l'élection, qu'on puisse se préoccuper de ce problème en mettant sur pied un programme de 50 000 stages en milieu de travail pour les jeunes diplômés québécois. Je réitère ici qu'un programme de cette nature viendrait prouver aux jeunes Québécois que nous sommes conscients de leur problème, que nous sommes surtout à l'écoute des jeunes qui nous disent que c'est ce qu'ils souhaitent. Ils ne souhaitent pas qu'on construise une piste cyclable de Gaspé au Lac-Saint-Jean. Je n'ai entendu nulle part dans ma tournée des groupes de jeunes étudiants ou jeunes travailleurs ou jeunes chômeurs, je n'ai entendu personne qui souhaitait pouvoir faire de la bicyclette de Gaspé à Saint-Jean ou être, entre guillemets, comme le dit le ministre, mobilisé par des instances locales afin de planifier le trajet que devraient emprunter les bicyclettes dans leur région. Ce n'est pas ça que les jeunes veulent. Les jeunes ne veulent pas que le gouvernement exploite leur condition afin de faire des annonces. Le gouvernement doit d'abord exercer sa responsabilité à l'endroit des jeunes en mettant sur pied des programmes concrets qui ne sont pas financés par des coupures dans l'éducation afin de fournir ce premier emploi, cette expérience de travail que les jeunes appellent de toutes leurs forces.
Je suis obligé de confesser ma déception devant le peu de vision du gouvernement en matière de politique jeunesse, devant son incompréhension de ce que les jeunes exigent de façon répétée, c'est-à-dire un emploi, la chance de pouvoir contribuer, eux aussi, à construire le Québec de demain, et aucun des programmes qu'a évoqués, aucun des projets qu'a évoqués, aucune des réalisations qu'aurait décrites le ministre ne permettent de près ou de loin de conclure que ce souci de fournir un emploi aux jeunes Québécois est au coeur de l'action gouvernementale.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le chef de l'opposition officielle et député de Vaudreuil. M. le député de Fabre.
M. Joseph Facal
M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Du côté ministériel, nous nous réjouissons aussi d'avoir l'occasion de faire de façon générale le point sur l'ensemble des questions reliées à la jeunesse et de façon plus précise de faire le point sur le Plan d'action lancé l'an dernier par M. Parizeau. Je regrette, par ailleurs, que nous n'ayons qu'une heure à notre disposition. Je préfère le mettre sur le compte de notre agenda très chargé ainsi que de la relative légèreté des crédits consacrés à la jeunesse plutôt que d'y voir le symbole de la trop faible place que les jeunes prennent dans les processus gouvernementaux.
Pour le reste, le tableau que le chef de l'opposition a brossé sur la situation inquiétante des jeunes est globalement juste, si ce n'est que, quant à moi, je le nuancerais un peu en disant que, dans ce portrait globalement inquiétant, il y a également par-ci par-là des zones de lumière qu'il faut savoir reconnaître. Mais je crois que, globalement, nous partageons un certain constat d'inquiétude quant à la situation des jeunes.
Quant à ce que le chef de l'opposition a dit relativement à l'insuffisance des efforts gouvernementaux, je mets quiconque au défi ici de comparer la situation des jeunes il y a 10 ans à celle qui prévaut aujourd'hui et de me dire qu'il peut y voir un quelconque progrès. Simplement pour mémoire, je rappellerai à tous ceux qui sont ici qu'il y a 10 ans la proportion de jeunes âgés de moins de 30 ans dans la fonction publique était de 12 %; aujourd'hui, elle est de 3 %. Je n'ai pas entendu, au cours des 10 dernières années, une préoccupation particulière sur ce sujet et sur d'autres de la part du parti qui aujourd'hui forme l'opposition. Par ailleurs, quand on a accumulé les déficits faramineux dont on sait à quel point les gens les plus directement hypothéqués par ceci sont les jeunes, vous comprendrez que c'est avec scepticisme qu'on accueille, de ce côté-ci, la volée de bois vert que le chef de l'opposition essaie de nous infliger. Il est assez étonnant qu'après un tel bilan tout d'un coup l'opposition se découvre une conscience sociale, tout d'un coup se découvre une capacité d'écoute, tout d'un coup se découvre une compassion trop ardente pour ne pas être suspecte envers les plus mal pris de notre société. Je pense, M. le Président, qu'il faut sans doute mettre ça sur le compte des vertus curatives et rédemptrices d'un séjour dans l'opposition qui a tout d'un coup, comme ça, la propriété d'ouvrir les esprits au sort de ceux dont on aurait pu s'occuper quand on avait réellement les moyens de le faire.
Pour le reste, nous voudrions, de ce côté-ci, aborder tout à l'heure des questions comme la place de la question jeunes dans la nouvelle structure gouvernementale qui se dessine, les points de vue du ministre sur la problématique du rajeunissement de la fonction publique, où on en est dans le réexamen de ce qui était, rappelons-nous, le premier volet du Plan d'action jeunesse, le réexamen de tous les programmes de subvention consacrés aux jeunes. Nous voudrions aussi, enfin, faire le point sur l'état d'avancement des trois projets concrets dont nous a entretenus tout à l'heure le ministre. Nous allons essayer de faire le maximum dans le peu de temps qui nous est octroyé. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député de Fabre. Alors, les remarques préliminaires étant faites, nous allons procéder à l'étude des crédits proprement dite. Oui, M. le ministre.
M. André Boisclair
M. Boisclair: M. le Président, je veux d'abord clarifier quelque chose. Moi, je viens ici de façon non partisane échanger avec les membres de la commission. Je ferais remarquer aux membres de la commission que c'est à la demande même du cabinet du chef de l'opposition que j'ai été très court dans mes remarques préliminaires, que j'aurais pu parler ici 20 minutes et faire le tour de l'ensemble des mesures. J'aurais pu parler des budgets du Secrétariat, parler du programme Démarrage d'entreprises, j'aurais pu parler des services d'aide aux jeunes entrepreneurs, j'aurais pu faire la liste de l'ensemble des mesures. Je suis venu pour d'abord échanger avec les membres de la commission, puis je ne me suis pas attardé sur l'ensemble des mesures qui ont été annoncées par notre gouvernement non seulement dans le Plan d'action jeunesse, mais dans bien d'autres secteurs d'activité aussi. Je n'ai fait aucune référence au discours inaugural du premier ministre qui contenait des mesures précises pour soutenir les jeunes, entre autres des places de stage dans les entreprises publiques, celles avec lesquelles le gouvernement est en partenariat aussi avec la SGF. Donc, je n'ai rien fait de ça parce que je préférais échanger puis répondre à vos questions.
Le chef de l'opposition, lui, se sert comme prétexte de ma courte intervention pour porter un jugement sur le bilan de l'intervention du gouvernement, se voit même interpellé dans une coupure au Secrétariat à la jeunesse. Est-ce que je peux juste rappeler au chef de l'opposition que le budget du Secrétariat à la jeunesse en 1994-1995 était de 850 000 $ et qu'il est, en 1995-1996, de près de 4 000 000 $? Est-ce qu'on peut se rappeler qu'on a eu un premier ministre qui nous a annoncé un plan d'action jeunesse avec un certain nombre de mesures concrètes, 3 000 000 $ dans le Plan d'action? Est-ce qu'on peut rappeler un certain nombre de choses qui ont été faites?
(10 h 30)
Moi, je ne veux pas commencer ici à faire un discours partisan. Je pense que la situation est suffisamment importante, urgente pour qu'on regarde les choses comme elles sont. Moi, je suis ici pour recevoir les commentaires et les propositions de l'ensemble des membres de la commission. J'ai à diriger un secrétariat, j'ai à prendre les avis du Conseil, j'ai à intervenir sur plusieurs dossiers sectoriels dont un sur lequel je suis intervenu à plusieurs reprises et qui est celui du livre vert qui s'en vient, qui sera publié par ma collègue Louise Harel à terme; on en a déjà vu des grandes lignes dans les journaux. Alors, moi, je plaide tout simplement pour qu'on regarde les choses de façon un peu moins partisane et je me rends disponible pour répondre aux questions, mais ne voyons surtout pas dans les crédits que nous avons à voter ici aujourd'hui, qui sont ceux du Secrétariat à la jeunesse et du Conseil permanent de la jeunesse, le reflet de l'ensemble des gestes qui sont posés par notre gouvernement pour appuyer les jeunes dans leur recherche d'emploi pour faire en sorte qu'ils puissent développer leur employabilité. C'est un peu court.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le ministre. M. le chef de l'opposition.
M. Daniel Johnson
M. Johnson: Oui, mais c'est une belle tentative du ministre d'essayer de, je dirais, désamorcer les critiques à l'endroit du gouvernement, qui est absolument incapable de démontrer, depuis son élection, de s'adresser à ce qui est la source même du désarroi qui frappe les jeunes Québécois, du désespoir dans lequel on les voit, de ce dont ils nous parlent, de ce dont les jeunes ont parlé à la conférence socioéconomique, de ce dont les jeunes nous parlent lorsqu'on les rencontre et lorsqu'on s'attarde pendant quelques heures à voir avec eux quelle est leur ambition, quel est leur avenir, comment ils envisagent leur avenir. Et tout ça se résume à un marché de l'emploi qui est absolument bloqué pour les jeunes parce qu'il n'y a pas de création d'emplois depuis que le gouvernement actuel est au pouvoir, compte tenu des exigences du marché de l'emploi, compte tenu de la pression qu'on doit avoir prioritairement - prioritairement - sur les conditions qui viennent faciliter la création d'emplois au Québec.
Je regrette, ce n'est pas partisan de constater, avec tout le monde, y compris le premier ministre actuel, que les 15 premiers mois, depuis septembre 1994, ont été essentiellement consacrés à la question dite nationale par le gouvernement du Parti québécois. La création d'emplois n'était pas une priorité; c'était le référendum qui était une priorité. Tout le reste est passé en deuxième. Et c'est l'emploi qui en a pâti, et c'est notamment l'emploi chez les jeunes qui en a pâti. Et ça a, aujourd'hui encore, des effets concrets, ça. Ce n'est pas partisan, ça, de dire que, lorsqu'on rencontre les jeunes, ils trouvent que le gouvernement n'a pas de politique jeunesse, ne se préoccupe pas de leur sort et est absolument insensible si on traduit l'action du gouvernement par les gestes concrets qu'il pose à l'égard de la création d'emplois chez les jeunes et la création d'emplois de façon générale au Québec.
Ça ne passe pas, je le répète, malgré tout l'intérêt que ça peut représenter dans 10 ans pour une certaine forme de tourisme léger et non dispendieux, que de construire 2 400 km de pistes cyclables. Moi, je veux bien qu'on fasse ça, mais est-ce que ça doit être une priorité lorsqu'on se soucie du taux de suicide chez les jeunes? Est-ce que ça doit être une priorité quand il y a des phénomènes de violence chez les jeunes? Est-ce que ça doit être une priorité, une route verte, lorsque le taux de décrochage chez les jeunes est dramatique pour ne pas dire tragique? Voyons donc! Ce n'est pas partisan, ça, de faire remarquer que les politiques du gouvernement semblent tout à fait déconnectées des politiques qu'on doit mettre en place lorsqu'on se préoccupe d'emploi chez les jeunes Québécois et Québécoises.
Et, je le répète, l'attitude gouvernementale a encore des effets délétères sur la création d'emplois. Il s'agit... Et je suggère au ministre de voyager dans le reste du Canada. Je me suis permis de le faire cette semaine et de rencontrer, à ma grande surprise, dans des villes canadiennes, dans les magasins, dans les restaurants et sur la rue, des Québécois et des Québécoises, des jeunes de moins de 30 ans, qui sont tannés de voir l'inaction du gouvernement ici et qui déménagent, qui s'en vont et qui, à mon sens, ne reviendront pas. C'est aussi simple que ça. On est en train de perdre des dizaines de milliers de Québécois, qui parlent français à la maison, qui sont des francophones, incidemment. Je ne parle pas de gens qui ont de la famille déjà ou qui sont d'origine, de langue anglophone dans le reste du Canada; je pense à des jeunes Québécois qui sont attirés par un marché de l'emploi beaucoup plus dynamique dans d'autres régions, qui sont tannés et qui en ont jusqu'aux oreilles de voir, tous les matins, les espèces de débats sans fin dans lesquels le gouvernement actuel nous emporte sur la question nationale, de voir qu'il n'y a aucune préoccupation prioritaire pour l'emploi et l'économie chez ce gouvernement. Et, en conséquence, M. le Président, ce n'est pas de la partisanerie de lire les faits, de dire: Comment avez-vous effectivement amélioré le sort des jeunes en emploi depuis... Depuis, peut-être, que le ministre est là, c'est un peu exagéré, il vient à peine de prendre son poste. On ne peut pas croire qu'il aurait déjà fait quelques miracles, quoique j'ignore s'il a accès à la baguette magique, lui, qui a été annoncée par son premier ministre pendant le référendum. Mais, à tout le moins, là, si le gouvernement a été assermenté le 26 septembre 1994 et qu'on est aujourd'hui le 24 avril 1996, ça fait un petit moment que des politiques spécifiques à l'endroit de la création d'emplois chez les jeunes pourraient être en place.
Il n'y en a pas, et ce n'est pas tout d'un coup - ce ne sont pas, je dirais, les caractéristiques salvatrices ou rédemptrices dont le député de Fabre parlait tout à l'heure qui sont en cause - qu'un train de mesures, 11 mesures différentes, ont été mises en route en 1993 et 1994; ce n'est pas tout d'un coup qu'on s'est soucié des jeunes dans la fonction publique après avoir personnellement mis sur pied un programme d'embauche pour les jeunes diplômés il y a déjà quatre ans. Mais, évidemment, à partir du moment où on met des gens à la porte, qu'on n'embauche plus dans la fonction publique, il n'est pas évident qu'on va embaucher des jeunes. Bon. Si on met des gens à pied, on n'est pas en train d'embaucher. Et, ça, c'est une politique du gouvernement actuel, si je comprends bien, de ne pas augmenter et même de se réjouir de la diminution des effectifs dans la fonction publique. Alors, on ne peut pas maintenant demander d'embaucher des jeunes.
Ce n'est pas tout d'un coup que les stages en milieu de travail sont une préoccupation pour le parti que je dirige. Ça fait quand même plus de deux ans et demi qu'on en a mis sur pied et ça fait presque deux ans qu'on s'était engagés à le faire à raison de 50 000, de ces stages, pour les jeunes diplômés en milieu de travail. Ce n'est pas d'hier, tout d'un coup, qu'on a décidé que, nous, les jeunes, ça nous préoccupait assez pour abolir la discrimination en raison de l'âge qui prévalait dans le système de sécurité du revenu, à l'aide sociale, que l'ancien gouvernement, et le gouvernement d'aujourd'hui, avait mis en place lorsqu'il était au pouvoir.
Alors, M. le Président, ce n'est pas une préoccupation récente pour nous que l'emploi et que le dossier jeunesse. Ce n'est pas une préoccupation récente chez nous, mais je trouve que, chez le gouvernement actuel, ça se fait encore attendre.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.
M. André Boisclair
M. Boisclair: Je suis convaincu que si c'était l'ex-député de Vimont qui était à la place du chef de l'opposition, le ton des discussions serait complètement différent de celui qu'on entend de la bouche du chef de l'opposition. Je suis convaincu aussi que le député de Rivière-du-Loup, tout comme le député de Fabre, est d'abord intéressé à faire le point sur les choses.
Le chef de l'opposition aurait intérêt à se rappeler que des gestes concrets ont été posés. Je pourrais en faire la liste: le plan Démarrage d'entreprises, je peux parler de la question des frais de scolarité, je peux parler de bien d'autres dossiers, dont les stages en entreprise qui ont été annoncés dans les sociétés publiques. Mais je comprends que ces mesures qui, je pense, nous amènent dans la bonne direction - le député de Fabre disait tout à l'heure qu'il y a de la lumière qui apparaît un peu - sont insuffisantes. Je comprends très bien qu'il nous faut faire davantage, et c'est un peu ce à quoi nous allons nous attarder, particulièrement dans les pouvoirs qui seront ceux du nouveau ministère qui sera créé. J'espère avoir l'occasion d'en parler, mais peut-être pas dans ce forum-ci.
Mais est-ce que je peux rappeler que le programme d'entreprises, c'est 300 000 000 $ en 1994-1995, qu'en 1995-1996 c'est un 100 000 000 $ additionnel que nous avons ajouté, que 42 % des clientèles touchées par ce programme de soutien au démarrage d'entreprises, 42 %, c'est dans le volet jeunesse, des gens de moins de 30 ans? Est-ce qu'on peut juste reconnaître ces choses-là et se parler calmement, sans porter des jugements ex cathedra? Des fois, j'aurais quasiment l'impression de... Je ne vois pas pourquoi le chef de l'opposition me fait la leçon sur les jeunes qui quittent le Québec et sur la situation des jeunes. Écoutez, ces gens-là, ce sont des gens que je côtoie dans le quotidien, ce sont mes amis, ce sont des gens que, il n'y a pas longtemps, je voyais à l'université, là. Je la connais bien, la situation, et le chef de l'opposition en la décrivant n'ajoute rien aux suggestions ou aux propositions qui doivent être faites pour régler cette question-là. Les stages, ça a été annoncé dans le discours inaugural. Est-ce que le chef de l'opposition peut comprendre ça? Est-ce que le chef de l'opposition peut se rappeler aussi que, la question des bons en emploi - oui, dans le livre vert, il l'a lu dans Le Devoir , comme moi - on va procéder pour faire en sorte que le passage entre le milieu de la formation et le marché du travail puisse mieux se faire? La réponse est oui. Est-ce qu'aussi on pourrait se rappeler des efforts qui ont été consacrés par le gouvernement en formation professionnelle? Le chef de l'opposition, lorsqu'il était premier ministre, nous a laissé une situation où il y avait 15 000 jeunes au Québec qui étaient inscrits en formation professionnelle. Scandaleux, comme situation. Un des premiers gestes que notre gouvernement a posé, ça a été de relancer la formation professionnelle.
(10 h 40)
Est-ce que je peux rappeler aussi aux membres de la commission que celui qui nous tient un discours vertueux sur les finances publiques est celui qui nous a laissé un déficit, l'an dernier, de plus de 5 000 000 000 $? Déficit record, M. le Président, dans l'histoire du Québec. Il viendra me faire un grand discours après ça sur l'équité intergénération.
S'il souhaite que ce soit ce ton que nous adoptions, on peut le faire. Moi, je ne suis pas ici... puis ce n'est pas le ton que je souhaite adopter. J'espère que, rapidement, on pourra revenir pour discuter des projets du Secrétariat, qui ne sont pas ceux de l'ensemble du gouvernement. Ne croyez pas que le Secrétariat est le seul à s'intéresser à la question jeunesse, la preuve, c'est qu'il a fourni plus d'une quinzaine d'avis qui ont été rendus au ministère de la Sécurité du revenu, à la Santé et Services sociaux, dans plusieurs autres ministères qui s'intéressent à cette question-là. C'est extrêmement réducteur de croire que le Secrétariat à la jeunesse est le passage obligé pour toutes les mesures jeunes qui sont prises en appui aux jeunes au gouvernement du Québec. Pas du tout. Le Secrétariat est là, puis il a une mission horizontale. Il conseille, mais ce n'est pas le ministère des jeunes du Québec. Cette préoccupation-là est une préoccupation de l'ensemble du gouvernement puis, au premier chef, du premier ministre. Jamais on n'a eu un premier ministre qui s'est autant exprimé sur ces questions-là.
Alors, moi, je souhaite, M. le Président, que le chef de l'opposition se ressaisisse un peu, qu'il s'inspire des commentaires que l'ancien député de Vimont doit sûrement lui glisser, qu'il s'inspire de l'expérience qu'on a eue, du ton et de la qualité des débats qu'on a toujours eue entre jeunes ici, dans cette Assemblée. On n'a jamais traité de façon partisane ce dossier-là. J'ai eu de nombreuses discussions, à l'Assemblée, avec le député de Vimont, à l'époque, avec le député de Fabre. Je souhaiterais qu'il s'inspire un peu de cette façon de faire.
Je m'arrête là-dessus en espérant que le chef de l'opposition se ressaisisse un peu.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Rivière-du-Loup.
Discussion générale
M. Dumont: Merci, M. le Président. Je n'ai pas fait de remarques préliminaires tout à l'heure pour garder le maximum de temps pour des questions parce qu'il y a plusieurs sujets qui sont extrêmement importants et que c'est à peu près la seule occasion qu'on a pour les traiter, à l'étude des crédits, au niveau de la jeunesse.
Le sujet peut-être le plus important... Et là je suis surpris des commentaires du chef de l'opposition qui nous donne une évidence sur le fait que, quand on n'embauche pas, c'est sûr qu'on n'embauchera pas de jeunes. C'est la raison pour laquelle - d'ailleurs, je l'ai souligné quand je questionnais le premier ministre là-dessus, récemment - le gouvernement fédéral, dans le rapetissement de sa fonction publique, en a fait plus que ce qui était nécessaire pour ouvrir de la place aux jeunes, et c'est clairement la seule façon de faire. Ah oui! Il y en a une façon de faire, et je suis surpris que le chef de l'opposition ne soit pas plus attentif aux modèles que peut nous donner le gouvernement fédéral et ses amis d'Ottawa. Mais je pense que, là-dessus, il faut redonner à César ce qui revient à César, ils ont eu le courage, ils ont coupé davantage dans la fonction publique dans des domaines où il y avait moins de besoins, pour pouvoir dire: Dans les domaines où il y a des besoins d'avenir, on va aller embaucher des jeunes malgré les coupures qui sont nécessaires. Alors, je voulais savoir si le gouvernement du Québec a l'intention de s'inspirer de ça. Et c'est ma première question.
Ma deuxième concerne un problème qui est de plus en plus inquiétant, qui a des impacts divers. On a parlé de l'endettement public, c'est une forme d'endettement que les jeunes traînent sur leurs épaules; la deuxième forme qui devient de plus en plus alarmante, c'est l'endettement étudiant. L'endettement étudiant augmente toujours, les faillites d'étudiants sont en augmentation, les chiffres là-dessus sont assez frappants. Quand je dis que ça a toutes sortes d'impacts, bien, ce n'est pas compliqué, quand un homme qui a une maîtrise marie une femme qui a une maîtrise et que les deux, à cause de la situation de leurs parents, ont été sur les prêts et bourses puis qu'ils ont accumulé des prêts, puis des prêts, puis des prêts, à moins qu'ils gagnent à la loto, d'aucune façon ils ne vont pouvoir s'acheter une maison et d'aucune façon ils ne vont pouvoir, dans le début de leur vie, poser des actes de consommation, des actes d'investissement qui, il y a 20 ans, étaient courants, étaient communs pour les jeunes ménages. Et, ça, je pense que c'est un facteur de ralentissement d'économie, un facteur d'insécurité, un facteur qui peut avoir des impacts, puis qu'on peut les transposer jusque dans la famille. Je ne sais pas quelle réflexion le gouvernement a sur cette question-là?
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Rapidement, M. le ministre.
Embauche de jeunes dans la fonction publique
M. Boisclair: Oui, rapidement, M. le Président. D'abord, sur la question des jeunes de la fonction publique, je peux annoncer au chef de l'opposition qu'on va donner suite à l'engagement qu'il avait annoncé, puis qu'il n'a jamais livré, qui est la création d'un comité interministériel. Lui-même l'avait annoncé à l'époque. Il n'y avait jamais donné suite, il n'y a jamais rien qui s'est passé. Première chose dont je me suis assuré, c'est qu'on soit capable de faire le point là-dessus.
Deux voies s'offrent à nous. La première, qui est celle qui nous amènerait à revoir un certain nombre de contraintes bien réelles qui existent, tant au niveau syndical qu'au niveau réglementaire, pour faire en sorte de s'inspirer, entre autres, du modèle belge. Je pourrai faire parvenir aux députés un certain nombre d'informations là-dessus, essentiellement, qui nous ont été transmises par les gens de l'ENAP, où il y a deux scénarios possibles dans les mesures de mise à la retraite. La première, qui est la possibilité de faire travailler des gens quatre jours sur cinq, ces gens sont payés à 80% de leur salaire et reçoivent une prime mensuelle qui est de l'ordre de quelques centaines de dollars, mais qui est une prime plutôt faible, et, dans la mesure où il y a deux personnes à l'intérieur d'un même service qui se prévalent de ces dispositions, nous pouvons faire de la place à quelqu'un qui peut travailler sur une base temporaire.
L'autre scénario que nous sommes à regarder consiste essentiellement à regarder pour les mises à la retraite anticipées. Alors, nous convenons de leur date de mise à la retraite, de sorte qu'ils puissent quitter cinq ans plus tôt et, sur cette période - pas qu'ils nous quittent cinq ans plus tôt, mais sur ces cinq dernières années - qui est ce qu'on appelle une forme de «phasing out», ces gens travailleraient à temps partiel, deux ou trois jours sur cinq. Dans la mesure, toujours sur cette même base, qu'il y ait deux personnes dans un même service qui se prévalent de cette disposition, on pourrait engager quelqu'un à temps plein.
Il y a une question qui se pose au niveau de nos chartes et qui est bien réelle, une discrimination possible qui pourrait se faire sur l'âge. Si nous agissons, il va falloir faire bien attention à cette contrainte-là, et une des façons de faire, c'est de donner une priorité aux jeunes qui sont diplômés. La diplomation ne serait pas un critère de discrimination qui pourrait être invoqué par les tribunaux, selon les informations qu'on nous communique. Donc, ces deux voies-là sont regardées.
Il faut aussi bien comprendre que nous ne pourrons pas procéder avec une annonce mur à mur, pour l'ensemble du gouvernement, parce qu'il nous faut aussi, à travers cette démarche, interpeller nos partenaires syndicaux, et, si nous faisons des démarches, ça sera sans doute par le biais d'un projet-pilote qui pourrait se faire dans deux ou trois ministères, et qu'à partir de là, à la lumière de l'expérience - parce que vous n'êtes pas sans savoir aussi qu'il y a des gens qui sont sur des listes de rappel, des occasionnels, et qu'on ne peut pas non plus les frustrer de leurs droits - donc, essayer de voir de quelle façon on est capable d'agir sur ces questions. Je suis heureux d'indiquer aux membres de cette commission que ces préoccupations seront soulevées au sommet économique. Particulièrement, la question de l'emploi des jeunes a été identifiée comme problématique à la conférence socioéconomique et sera débattue à l'occasion... par les travaux du groupe de travail autant de M. Landry sur l'économie et l'emploi que du groupe présidé par M. Jean Coutu, qui a identifié deux ou trois éléments, d'abord l'emploi chez les jeunes, deuxièmement, la formation en milieu de travail, cette espèce de passage entre les études et le marché du travail, et, deuxièmement, la formule des stages pendant les études qui sera, elle aussi, regardée.
Donc, ça, rapidement, un tour d'horizon, les statistiques sont bien connues. Effectivement, les jeunes de la fonction publique, c'est 3,1 %, si mes souvenirs sont bons. Je comprends aussi que ça ne sera pas la panacée, je l'indique clairement. On veut essayer d'y aller par des projets-pilotes et de faire en sorte qu'on soit aussi capable d'agir sur les stages, possiblement des stages d'été.
(10 h 50)
Je comprends qu'il pourrait y avoir des annonces qui soient faites au budget. J'ai rencontré le ministre des Finances, la semaine dernière, pour discuter avec lui d'un certain nombre de propositions. Elles sont à l'étude à l'heure actuelle. Mais je comprends aussi que la situation financière, à l'heure actuelle, nous interpelle particulièrement et que, s'il y avait une mesure où nous pourrions dépenser de l'argent, plus que des stages, des emplois d'été, on souhaiterait être capables d'agir sur véritablement des stages qui travailleraient à augmenter l'employabilité des jeunes. On parle de stages de deux à trois ans.
Il y a un projet qui est sur la table, qui avait été discuté à l'époque, avec M. Landry, avec Gilles Baril, et d'autres collègues, qui était le travail volontaire garanti, où il y aurait une possibilité d'une subvention qui pourrait être versée aux entreprises, ou aux municipalités, ou aux organismes communautaires et permettre au jeune, lui, de choisir l'endroit où il va aller travailler, avec une espèce de bon, et qui ferait en sorte qu'il y aurait des avantages aussi au niveau de la fiscalité pour faire en sorte que, pour une certaine marge, les entreprises soient exclues d'avoir à payer un certain nombre de charges sociales. C'est le projet de travail volontaire garanti - je pense que le député est familier parce qu'on en a discuté à plusieurs reprises - que je souhaite aussi revoir avec mes collègues. Mais je ne discuterai pas de ça en vase clos, et, s'il y a des annonces à faire, ça sera ma collègue, Louise Harel, qui le fera. Parce que je ne veux pas commencer... On a tous dénoncé, ici, comme jeunes, la multiplicité des programmes, une chatte en perdrait ses petits, et il y a un effort, à l'heure actuelle, du gouvernement du Québec de rationaliser autant les différentes catégories de gens qui bénéficient des différents programmes comme celui de la sécurité du revenu, mais aussi de rationaliser les programmes, qu'il y ait davantage d'efforts qui soient portés quant aux résultats.
Endettement des étudiants
Deuxième question, les prêts et bourses. Je termine rapidement là-dessus. Effectivement, l'endettement étudiant est un problème qui ne va pas en s'améliorant. Je peux donner les derniers chiffres, qui ont été transmis d'ailleurs au député. Je l'invite à la question 8, à la page 2. Vous voyez, le prêt moyen est de 2 549 $ au secondaire professionnel et la bourse moyenne est de 5 352 $. Il y a effectivement eu une légère augmentation du prêt moyen au cours de la dernière année financière; ce n'est pas étranger, non plus, à une augmentation des frais de scolarité.
Je ferai remarquer aussi au député que nous avons noté, cette année comme l'année précédente, une diminution de la fréquentation universitaire. Je pourrais demander à M. Beaudoin de peut-être me communiquer, pendant que je vous parle, les chiffres exacts, parce que je les ai lus. Ils sont à quelque part dans un cahier. Je pense que c'est dans l'avis sur les frais de scolarité. Il y a eu une diminution de la fréquentation universitaire. Notre engagement du gouvernement, cette année, ç'a été de ne pas augmenter les frais de scolarité. Je sais que ce n'est pas une mesure qui règle tous les problèmes. J'en suis bien conscient. Mais je me dis que c'est tout de même mieux que ce que les libéraux ont fait, et, dans le contexte où il y a de l'inflation, c'est une diminution nette des frais de scolarité.
Pour les chiffres exacts sur la fréquentation universitaire, le député sera sans doute... J'aimerais juste les retrouver. Je ne sais pas c'est quel avis, exactement, sur les frais de scolarité. Si on peut me l'identifier. C'est le 3b. Alors, je vous les donne, ici. Je vous donne les chiffres, que le chef de l'opposition prenne aussi note de ça: «On notera que le nombre total d'étudiants universitaires, pour la deuxième année consécutive, a connu une diminution. Après une baisse de 3 %, en septembre 1993 et septembre 1994, la baisse entre septembre 1994 et septembre 1995, selon les données préliminaires, atteindra environ 3,2 %. Or, le niveau des droits de scolarité, selon la Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec, la CREPUQ, pourrait être l'une des causes de ces baisses des inscriptions.» Et c'est dans un avis que le Secrétariat à la jeunesse a fait parvenir pour le mémoire sur les frais de scolarité, où on proposait de geler les frais de scolarité, qui date du 27 février 1996, donc qui est assez récent. Et c'est le gouvernement précédent qui a agi de la sorte.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Là, je vous inviterai à procéder très brièvement, M. le ministre, parce que j'ai une demande de question de la part du député de Fabre et j'ai aussi une demande du chef de l'opposition officielle. Et, en ce sens-là, il nous reste 10 minutes. Alors, M. le député de Fabre, s'il vous plaît.
M. Facal : Très brièvement, je me réjouis, M. le ministre, que vous nous détourniez de la tangente que je craignais que prenne cette étude des crédits. Deux questions très rapides. Dans le Plan d'action jeunesse de l'an dernier, il était prévu que le premier volet consisterait en un réexamen de tous les programmes d'employabilité et de subvention à l'intention des jeunes. J'aimerais que vous nous disiez où on en est dans ce réexamen. Et la deuxième question procède d'une inquiétude que j'ai. Jusqu'à il y a peu de temps, le Secrétariat à la jeunesse relevait du Conseil exécutif. Ma crainte, et ce n'est vraiment qu'une crainte car je n'ai aucun élément tangible sur lequel appuyer une quelconque réflexion, est que la question jeunesse court le risque d'être davantage «clientélisée» au sein d'une structure gouvernementale qui ne m'apparaît peut-être pas aussi claire que je le souhaiterais quant au caractère d'urgence de la situation des jeunes. Je m'exprime peut-être un peu maladroitement, mais je crois que vous comprenez ce que je veux dire. J'ai une inquiétude. Qu'est-ce que vous pouvez me dire pour m'aider à dissiper cette inquiétude relativement à la place de la problématique jeunesse et particulièrement au Secrétariat à la jeunesse dans le nouvel organigramme gouvernemental qui se dessine?
Réexamen des programmes d'employabilité
M. Boisclair: Premièrement, sur la première question, oui, le comité interministériel, présidé par Mme Harel, sur l'harmonisation des différents programmes a conclu ses travaux. La conclusion sera présentée dans le livre vert largement inspiré des rapports Bouchard et Fortin et le Conseil des ministres est à revoir les grandes orientations qui se trouveront dans ce livre vert. Elles ont déjà été discutées dans un ou deux comités interministériels et déjà on en a vu, il y a eu des fuites je ne sais trop où, mais, dans Le Devoir , on en voit déjà un certain nombre de grandes lignes apparaître et il y a des débats, qui ne sont pas clos cependant, entre autres sur la recommandation de M. Fortin de revenir avec une prestation qui serait différente pour les jeunes de moins de 30 ans, alors que le rapport Bouchard prévoit plutôt qu'on donne la pleine prestation, mais qu'il y ait 2 000 000 $ par année de cette prestation qui soit liée à une participation à des mesures d'employabilité.
J'indique, d'entrée de jeu, que, quant à moi, je n'ai pas de difficulté, au niveau des exigences qui sont faites aux jeunes, qu'on ait des exigences particulières qui soient faites à cette catégorie de citoyens. On s'aperçoit effectivement que depuis cinq ans les jeunes restent plus longtemps à la sécurité du revenu qu'ils y restaient auparavant et que les retours aux études sont moins nombreux qu'auparavant. Cependant, il faut aussi qu'il y ait une contrepartie, et, si nous sommes plus exigeants à l'endroit d'une catégorie de citoyens, il faut du même souffle donner des outils à ces mêmes personnes pour qu'elles puissent s'en sortir plus facilement. Et vous n'êtes pas sans savoir, à l'heure actuelle, les attentes réelles des jeunes particulièrement, comme d'autres clientèles, qui souhaitent participer à des mesures d'employabilité et qui sont à l'heure actuelle sur des listes d'attente pour participer à certaines mesures d'employabilité.
J'indique mon orientation, ma couleur très personnelle. Ce débat-là n'est pas clos et vous savez qu'il y a deux propositions sur la table, celle de Fortin et celle de Bouchard, qui sont bien connues.
Statut du Secrétariat à la jeunesse
Deuxièmement, quant au Secrétariat à la jeunesse, il est vrai que le Secrétariat à la jeunesse ne se retrouve plus au Conseil exécutif. Ça pose d'abord un problème technique parce que le Secrétariat à la jeunesse auparavant, de par sa présence au Conseil exécutif, avait accès à tous les mémoires qui circulaient au Conseil exécutif. Il y a une volonté du premier ministre de soulager le Conseil exécutif, si je peux me permettre ainsi, de plusieurs de ses responsabilités.
Mais, ceci étant dit, même si c'est le cas, vous devez savoir que je siège comme ministre responsable sur deux comités ministériels: l'éducation et la culture et le développement social, et que j'ai les mémoires avant qu'ils soient discutés au Conseil des ministres, et qu'ils sont toujours acheminés au Secrétariat à la jeunesse, que, moi-même, je requiers leur avis, je me fais un devoir de le faire.
(11 heures)
Autre élément cependant, c'est que, dans le ministère que nous allons créer et qui s'appellera Relations avec les citoyens et Immigration, il y a un mandat bien spécifique qui est donné sur la question des jeunes sous l'angle des relations intergénérationnelles, parce que nous aurons à discuter d'autant de sujets d'actualité. Prenez, par exemple, le déficit actuariel - je sais le député de Rivière-du-Loup préoccupé par ces questions - le déficit actuariel à la Régie des rentes du Québec, la question des finances publiques, la question de l'emploi, je pense qu'il faut les aborder sous l'angle de l'équité intergénérationnelle.
Moi, je reconnais très bien au chef de l'opposition le droit de vouloir parler de la situation des jeunes, je vois une préoccupation, quant à l'angle des relations intergénérationnelles, de la même façon que, moi, je revendique le droit, par exemple, de parler de la situation des aînés. Et je pense que la situation des jeunes au Québec pourra progresser le jour où nous n'aurons pas que des jeunes qui s'intéressent aux jeunes. Je pense que la situation des jeunes, ce n'est pas que le problème des jeunes, c'est le problème de toute la société, et l'objectif qu'il n'y a rien de plus fort... Comprenons-nous bien, ne nous embarquons pas dans un débat de structure. C'est vrai que, sur le plan de l'efficacité du Secrétariat, on peut dire: Où est-ce qu'il est rattaché, puis il y a combien de membres sur le Conseil permanent de la jeunesse, puis comment ils sont... Il n'y a rien qui vaut une volonté politique. Je trouve que ça fait trop longtemps qu'on se pose toutes sortes de questions de structure. On va essayer d'y aller sur un certain nombre de résultats.
Je pense que le budget aussi nous permettra, pour avoir longuement discuté avec le ministre des Finances et sachant aussi l'appui que notre collègue Gilles Baril, qui est adjoint du vice-premier ministre et ministre des Finances... Je sais les efforts qu'il a faits. Je pense que les membres de cette commission seront bien contents de ce qui se trouvera dans le budget et pourront aussi apprécier plus que par les paroles les gestes qui seront posés.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le ministre. M. le chef de l'opposition officielle et député de Vaudreuil, et il vous reste cinq minutes.
M. Johnson: Oui. Merci, M. le Président. Je remercie le jeune ministre de s'occuper des vieux. Si je comprends bien, ça le préoccupe. Je le rassure tout de suite, la raison pour laquelle...
M. Boisclair: S'il se sent visé, si le chapeau lui fait, qu'il le porte. Ha, ha, ha!
M. Johnson: Non, non, pas du tout. Je veux juste expliquer que, malgré son poste, le ministre peut, avec raison, être soucieux de l'avenir de tous ses concitoyens. Ça, ce n'est pas un problème. C'est d'ailleurs l'approche que je prends, moi aussi. La raison pour laquelle de façon plus spécifique les chefs du Parti libéral du Québec successivement, depuis fort longtemps, s'occupent du dossier jeunesse, c'est qu'on a toujours décidé que c'était tellement important que c'était le chef du parti qui gardait ça entre ses mains, et c'est ce que j'ai fait quand j'étais premier ministre, c'est ce que mon prédécesseur a fait, c'est ce que son prédécesseur avant lui a fait, etc. Ça a toujours été la marque de commerce du parti que de s'occuper d'abord, dans les mains du chef du parti, du dossier jeunesse et, deuxièmement, de s'assurer depuis fort longtemps, et le député de Rivière-du-Loup le sait pertinemment, que les jeunes dans les instances du Parti libéral du Québec occupent une place que certains appellent démesurée mais que j'appelle parfaitement normale. À partir du moment où on dit: Les 30 ans et moins constituent 25 % de la population, ils représentent 100 % de notre avenir, si on veut être absolument sérieux là-dedans, il faut s'en occuper.
Conclusions
Maintenant, je dirais en conclusion - le temps passe tellement vite - que ce que je remarque des remarques du ministre, c'est qu'il a reporté à novembre prochain, encore une fois, certaines des décisions. Il invoque évidemment les travaux, les chantiers qui ont été mis sur pied par son premier ministre et qui vont faire rapport le 1er novembre. Avant que les décisions ne soient prises et les choses ne soient en place, on ne sera certainement pas avant le 1er janvier. Je fais juste remarquer au député de Gouin qu'il aura été, à ce moment-là, député du côté ministériel depuis 27 mois - plus de deux ans - avant que des décisions concrètes ne soient prises à l'endroit des jeunes.
S'il manifestait un véritable intérêt pour la question des jeunes, il ferait attention à là où les gouvernements dépensent ce qu'ils ont à dépenser, à là où ils investissent, à ce que, oui ou non, ce soit une priorité, les jeunes. Je ne parlerai même pas de l'éducation où il y a des coupures de centaines de millions, comme je l'ai démontré tout à l'heure, mais je ne parlerai pas non plus, je ne m'attarderai pas sur le fait que ce n'est pas... Je sais, moi aussi, que ce n'est pas le Secrétariat à la jeunesse qui est le ministère de tous les jeunes et de toutes les interventions des jeunes et que, s'il y a des coupures de 20 %, ou 30 %, ou 40 %, que ce soit à la Société d'Investissement Jeunesse ou au Secrétariat à la jeunesse, on peut comprendre que le gouvernement a d'autres outils.
Les autres outils qu'il a, et je vais les passer extrêmement rapidement, il y en avait une dizaine qui venaient carrément d'un train de mesures. Il y en avait 11 précisément que nous avions annoncés dès 1993. Ce n'est pas partisan. Ça peut continuer à se faire. La première, la plus importante pour les emplois en région, c'était le Fonds décentralisé de création d'emplois. Bien, le gouvernement a décidé que les crédits passaient de 67 000 000 $ à 39 000 000 $, donc une coupure de 28 000 000 $. 28 000 000 $ sur 67 000 000 $, c'est quelque chose comme 40 %, c'est plus de 40 % de coupures dans le Fonds décentralisé de création d'emplois, qui visait à fournir l'aide financière des projets de développement local et régional à caractère durable qui avaient un impact direct sur la création d'emplois.
Il y avait 10 autres mesures comme la formation en entrepreneurship pour les étudiants en formation professionnelle et technique, l'admissibilité des stages et des apprentissages au crédit d'impôt remboursable à la formation, les Jeunes Promoteurs, la formation et l'aide individualisée aux nouveaux entrepreneurs - ça, ça existe toujours - le soutien à l'emploi scientifique et technique, le soutien du développement d'emplois autonomes des prestataires de la sécurité du revenu, le développement de corporations intermédiaires de travail - on sait que ça existe - la création d'emplois en forêt, le Fonds d'aide aux entreprises et le fonds d'investissement local. Ça, c'est des choses qui ont été mises sur pied pour les jeunes. Ça n'a pas de couleur, ça, ce n'est ni rouge, ni bleu, ni vert, ni jaune, ni câille. C'est pour les jeunes que ça avait été mis sur pied et, aujourd'hui, ce dont on se rend compte, c'est que le gouvernement n'a pas véritablement de priorité jeunes.
Le premier ministre s'est déchargé du dossier, son prédécesseur l'avait, M. Bouchard ne l'a plus, le député de Jonquière, il n'a plus ce dossier-là, il l'a confié à un nouveau ministre. Je ne mets pas en doute sa capacité de vouloir faire quelque chose, mais je mets en doute la volonté du gouvernement de lui donner les moyens de faire quelque chose.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre, il vous reste 30 secondes et, après ça, bien, je suspends la séance...
M. Boisclair: En conclusion, M. le Président, j'invite le chef de l'opposition à donner le dossier à quelqu'un qui va pouvoir s'en occuper mieux que lui. Je lui ferais remarquer que ce qu'il affirme ici, je ne peux utiliser des qualificatifs, mais je lui indique que 100 000 000 $ additionnels ont été ajoutés dans le programme Démarrage d'entreprises du Québec. Le programme SAJE dont il parle, 700 000 $ ont été rajoutés dans le programme Service d'aide aux jeunes entrepreneurs...
M. Johnson: On ne parle pas de ça.
M. Boisclair: ...une bonification de 1 000 000 $ des subventions aux organismes jeunesse du domaine social, et je pourrais continuer à parler de nombreuses bonifications. Si le chef de l'opposition continue à défendre ce qu'il aurait aimé vouloir faire comme politique de gouvernement, qu'il se rappelle qu'il est dans l'opposition et que plus de 67 % des jeunes du Québec sont en faveur de la souveraineté. Lorsqu'il parlera de souveraineté et qu'il tiendra une autre plateforme politique, peut-être sera-t-il plus près des préoccupations des jeunes.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre...
M. Johnson: ...d'avoir créé de l'emploi.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre, nous avons épuisé la première heure de l'étude des crédits et nous reprenons dans 10 minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 7)
(Reprise à 11 h 18)
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Messieurs, nous reprenons l'étude des crédits. Alors, compte tenu de l'heure, nous allons prolonger jusqu'à 12 h 17.
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse
Nous allons maintenant procéder à l'étude des crédits de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. M. le ministre.
Remarques préliminaires
M. André Boisclair
M. Boisclair: Oui. M. le Président, MM. les membres de la commission, à titre de nouveau ministre responsable de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, j'ai le plaisir de procéder aujourd'hui à l'étude des crédits pour l'année financière 1996-1997. Je voudrais vous présenter des gens qui m'accompagnent: d'abord, M. Lafontaine, qui est président de la Commission, qui est à ma droite, M. Bzdera, qui est attaché politique à mon cabinet. M. Lafontaine est accompagné par les deux vice-présidents de la Commission: d'abord, Mme Giroux, qui est derrière, et M. De Kovachich, qui est aussi vice-président de la Commission.
Les crédits alloués à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse pour l'année 1996-1997 s'élèvent à 10 100 000 $. Le traitement et les salaires représentent 7 400 000 $ cette année et les loyers et les autres dépenses, c'est-à-dire les dépenses de fonctionnement, s'élèvent à 2 600 000 $. Son budget est donc stable si l'on compare depuis la fusion effective en novembre. Le budget est donc stable par rapport à l'année précédente, passant de 10 073 000 $ en 1995-1996 pour l'ensemble des deux anciennes commissions à 10 100 000 $ cette année.
Mais il ne faut pas conclure pour autant que la Commission a eu une vie tranquille au cours de la dernière année. Suite à l'adoption de la loi 79 en juin 1995, la Loi sur la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, les deux anciennes commissions devaient se fusionner pour former la nouvelle Commission, à savoir, bien sûr, la Commission des droits de la personne et la Commission de protection des droits de la jeunesse.
(11 h 20)
Cette fusion, qui n'a eu lieu qu'à la fin de novembre 1995 - il y a à peine quatre mois - a notamment mené à la réorganisation de certains bureaux régionaux, là, par exemple, où chacune des deux anciennes commissions avait des locaux, et aussi à une légère réduction des effectifs. Les effectifs combinés passent donc de 165 personnes en 1995 à 147 actuellement, c'est-à-dire que les employés de la Commission sont en train de s'adapter à leur nouvel environnement de travail et que la direction de la nouvelle Commission unifiée travaille toujours à parachever la fusion dans le respect des mandats spécifiques des deux anciennes commissions.
Mais il faut aussi souligner que les employés des deux commissions travaillent ensemble depuis longtemps. D'abord, ils travaillent tous à la défense des droits de la personne. Ils font enquête sur des plaintes qui leur sont soumises et ils interviennent aussi auprès des clientèles cibles dans le but de les sensibiliser aux droits énoncés dans la Charte des droits et libertés de la personne, dans la Loi sur la protection de la jeunesse ainsi que dans la Loi sur les jeunes contrevenants. Ensuite, on rappelle que des employés des deux anciennes commissions occupent parfois les mêmes locaux, surtout en région, et partagent depuis longtemps certains services administratifs.
La nouvelle Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a le mandat de promouvoir les droits et libertés principalement en favorisant l'acceptation mutuelle des Québécois de toutes origines, en luttant contre la discrimination telle que définie dans la loi, en luttant contre l'exploitation des personnes âgées et handicapées et en assurant une surveillance des droits des jeunes en protection des droits des jeunes contrevenants. Il existe donc désormais un guichet unique pour tous ceux qui croient que leurs droits ou les droits d'un proche ou d'un jeune sont niés ou violés, car il faut souligner l'aspect spécifique du mandat concernant les droits des jeunes et des personnes inaptes. La Commission ne peut présumer que ces personnes connaissent leurs droits, et le jeune autant que la personne inapte sont de par leur statut de dépendant dans une situation précaire lorsque leurs droits sont lésés.
La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse oeuvre depuis 20 ans pour la promotion des droits et libertés des Québécois et des Québécoises. En fait, l'ancienne Commission de la protection de la jeunesse a déjà passé le cap des 20 ans, et on marquera en juin prochain le 20e anniversaire de l'entrée en vigueur de la Charte des droits de la personne et de la Commission des droits de la personne. Il va sans dire que les valeurs fondamentales qui sont énoncées dans la Charte font partie intégrante, aujourd'hui, des valeurs de la société québécoise et de la très grande majorité de ses citoyens et de ses citoyennes. C'est ainsi, grâce au travail acharné de la Commission et de ses deux organismes prédécesseurs, que nous bénéficions d'un régime de protection de premier plan au Québec.
La Charte des droits a aussi bénéficié de quelques améliorations. La liste des motifs de discrimination, par exemple, a été rallongée avec l'addition du handicap, de l'âge et de la grossesse. En 1982, le législateur a autorisé la création de programmes d'accès à l'égalité qui répondent à la fois aux femmes, aux Québécois d'origines diverses et aux autochtones. En 1989, nous avons créé un tribunal des droits de la personne et renforcé le mandat de la Commission des droits de la personne; elle devait désormais assurer le respect de la Charte en plus de promouvoir ses principes.
Le mandat et la structure de l'ancienne Commission de protection des droits de la jeunesse ont aussi évolué depuis sa création en 1975. À l'époque, elle se nommait Comité de la protection de la jeunesse et elle offrait des services de première ligne auprès des jeunes. Avec l'adoption de la Loi sur la protection de la jeunesse en 1979, ce Comité est devenu un organisme de surveillance générale de l'application de la loi. Quelques années plus tard, on chargea le Comité de surveiller les droits reconnus aux jeunes contrevenants et on renforça alors ses pouvoirs d'enquête. Bref, les mandats des deux commissions, si divergents à l'origine, se rassemblaient de plus en plus avec les années, ce qui a amené l'Assemblée nationale à les fusionner et à accorder l'ensemble des mandats à une nouvelle commission unifiée. Le nouveau mandat est certes large, mais les attentes des citoyens et des citoyennes sont aussi très grandes. Que ce soit aux lieux de travail, lors de la recherche d'un logement ou dans une maison de jeunes, la Commission peut intervenir en faveur de ceux dont les droits sont lésés.
J'aimerais aussi faire le point, puisque je suis convaincu que nous en débattrons tout à l'heure - ha, ha, ha! - sur l'état des délais moyens dans le traitement des plaintes par la Commission des droits de la personne, car cette question a aussi récemment suscité beaucoup de commentaires. Le délai moyen entre la réception d'une plainte et sa fermeture par la Commission, le plus souvent suite à une résolution à l'amiable ou à une décision du tribunal, était de 20,5 mois en 1995. Cette étude, qui avait été commandée par le président de la Commission lui-même, a servi notamment à identifier ce qu'on appelle dans le jargon les bouchons dans le système de traitement des plaintes. La Commission s'attaque actuellement à ce problème et a déjà réaffecté son personnel en conséquence. On peut s'attendre à de nettes améliorations au cours des mois à venir.
Mais, à vrai dire, c'est un problème qui n'est pas nouveau. Le délai moyen des dossiers réglés en 1991, à l'époque où M. Lafontaine, le président, avait été nommé à la présidence de la Commission des droits de la personne, s'élevait, à l'époque, à 26 mois. En plus, il faut remarquer que le délai moyen comprend tous les retards occasionnés par les tribunaux eux-mêmes, qui dépassent à l'occasion les six ans.
Mais, au-delà de cette question des délais, il faut aussi souligner les réussites du personnel de la Commission. Dans environ la moitié des plaintes soumises annuellement à la Commission, l'affaire est réglée en moins de 12 mois. Et la Commission reçoit des plaintes: en 1995, les deux anciennes commissions ont répondu à environ 50 000 demandes de renseignements. À la Commission des droits de la personne, 1 930 demandes ont été identifiées comme plaintes possibles relevant de sa compétence. De ce nombre, 100 demandes ont été réglées rapidement suite à l'intervention de la Commission et plus de 800 demandes ont donné lieu à l'ouverture d'un dossier d'enquête, soit 10 % de plus qu'en 1994.
Pendant la même période, quelque 860 dossiers ont été fermés. Environ 200 l'ont été après qu'un règlement fut intervenu dans le cadre du processus d'enquête et la moitié d'entre eux comportaient le paiement d'un indemnité. Il y a eu désistement dans environ 210 cas, mais, dans la moitié de ceux-ci, les litiges avaient été solutionnés par d'autres moyens. Donc, le tiers des cas ont été solutionnés en 1995. Par contre, la Commission a dû fermer environ 450 dossiers, dont la moitié de ceux-ci pour insuffisance de preuves. On remarque aussi que la Commission a intenté plus de 40 nouvelles actions, presque toutes devant le Tribunal des droits de la personne. Presque 30 règlements ont été négociés par les avocats de la Commission, dont la moitié comportaient le versement d'une indemnité et d'autres comportaient l'embauche de la personne ou l'offre d'un nouveau logement.
Il faut aussi dire que le mandat de la Commission ne se limite pas, ne se réduit pas au simple traitement des plaintes. Elle mène aussi un programme de recherche important allant de la vérification de tous les nouveaux textes de loi et règlement à la publication d'une douzaine d'études et de rapports chaque année. Ses directions de l'éducation et des communications interviennent auprès de nombreuses clientèles cibles et mènent un programme de sensibilisation de grande envergure, et j'en passe. Plus de 100 000 documents ont été diffusés en réponse aux demandes venant du public et des intervenants des milieux concernés. Il ne faut pas non plus oublier les programmes d'accès à l'égalité qui touchent environ 140 entreprises qui se sont soumises à l'obligation contractuelle et qui emploient plus de 115 000 personnes.
Quant à la Commission de protection des droits de la jeunesse, elle traite environ 700 demandes d'intervention par année, dont environ 500 ont donné lieu à une action. Plus des trois quarts de ces demandes concernent l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse; le reste concerne l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants. J'aimerais aussi souligner qu'elle intervient souvent rapidement pour corriger des situations de lésion de droits. En 1994-1995 par exemple, plus de 70 interventions correctrices ont été effectuées par la Commission de protection des droits de la jeunesse.
La nouvelle Commission, donc celle des droits de la personne et des droits de la jeunesse, est aussi appelée de plus en plus à intervenir au moment de la rédaction de projets de loi qui affectent de près ou de loin l'application de la Charte des droits et libertés de la personne, la Loi sur la protection de la jeunesse et la Loi sur les jeunes contrevenants. Souvent, c'est à la demande des ministères que la Commission commente leurs textes législatifs. Je me réjouis d'ailleurs de ce développement et j'espère que cette pratique va se généraliser à tous les ministères qui préparent des initiatives affectant les droits des citoyens. De la même façon que la Commission d'accès à l'information conseille le gouvernement dans l'application de la loi sur l'accès avant que les projets de loi et les projets de règlement soient finalisés par les rédacteurs gouvernementaux, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse conseille le gouvernement sur la meilleure façon de faire pour faire progresser son programme législatif et administratif dans le plein respect des droits des Québécois et des Québécoises.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le ministre. M. le député de Chomedey.
M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président. Je tiens à saluer le président de la Commission nouvellement fusionnée, comme le ministre vient de l'expliquer dans beaucoup de détails. Et, justement, vu la longueur de ses remarques préliminaires, ce que je compte faire, c'est de passer immédiatement à nos premières questions pour que l'on puisse commencer à analyser directement le sujet qui nous inquiète, qui est vraiment la question de savoir si on finance suffisamment et ce qu'on fait avec l'argent qui est voté par l'Assemblée nationale pour cette très importante Commission.
Le ministre a souligné avec justesse que les crédits sont passés de...
Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey...
M. Mulcair: Oui.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...je pense que M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques avait des remarques préliminaires.
M. Mulcair: Ah oui! D'accord, mais...
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors...
M. Mulcair: ...on vient d'entendre... On a une heure pour étudier les crédits de cette Commission.
M. Boulerice: Oui, oui.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Effectivement.
M. Mulcair: Si le ministre choisit de prendre 15 minutes pour ses remarques préliminaires, c'est regrettable, parce que ça nous laisse très peu de temps. Mais, si le côté ministériel a l'intention de faire des longues remarques préliminaires, encore une fois on va tirer les conclusions qui s'imposent.
(11 h 30)
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, je vous inviterais à faire de brèves remarques préliminaires pour que nous puissions effectivement procéder à l'étude des crédits proprement dite. M. le député de Sainte-Marie- Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: Je vous remercie, M. le Président. Le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques exercera ses droits tel qu'il est entendu dans les règlements de cette Assemblée nationale, sans aucune contrainte.
D'emblée, j'aimerais dire au ministre que je suis très heureux de le voir à cette commission, surtout que - et ce n'est pas mauvais de le répéter - c'est la première fois qu'il se présente. C'est un exercice important dans la définition d'un ministre.
Une remarque préliminaire qui me vient immédiatement, M. le Président, au moment où cette commission se réunissait et devait adopter le projet de loi qui faisait en sorte que la Commission des droits de la personne et la Commission des droits de la jeunesse ne feraient maintenant qu'une seule et unique entité, avec les réajustements de l'organigramme en conséquence, il y a eu des scénarios apocalyptiques qui ont été avancés de la part de certains intervenants qui, habituellement, sont surtout en face de moi et non pas à côté de moi. Mais, à l'écoute des remarques préliminaires du ministre et en fonction du rapport que nous donne le ministre responsable, il me semble que le péril appréhendé de la part de certains ne s'est fort heureusement pas précisé et que, au contraire, il y a une harmonisation on ne peut plus intéressante de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Il semble qu'aucun dossier n'ait été privilégié par rapport à l'autre, ce qui faisait partie des inquiétudes à l'époque, la crainte de voir que les droits de la jeunesse étaient pour être probablement, comme on dit en langage populaire, la cinquième roue de la charrette. Alors, j'ai l'impression que ce que le ministre et surtout le président de la Commission sont venus nous dire aujourd'hui est que cette charrette comporte quatre roues et qu'elles tirent toutes avec la même motricité et le même synchronisme. Donc, ce scénario apocalyptique qui avait été avancé il y a un certain temps, pour des mobiles probablement politiques ou, comme disait mon collègue tantôt, peut-être à cause des vertus curatives et rédemptrices d'un séjour à l'opposition, ne semble pas, effectivement - de nouveau, je le répète - se préciser.
Donc, je conclurai, M. le Président, en disant au ministre que je suis heureux de voir que des efforts ont été faits notamment au niveau des temps d'attente, qu'on regarde très attentivement la situation et que son ministère s'y attaque de façon organisée, tenant compte forcément d'une contrainte qui n'est pas de son ressort et qui devient un peu inévitable, quoique là encore nous pourrons en temps opportun interroger le ministre de la Justice à savoir dans quelle mesure il peut aider son collègue responsable pour corriger ces situations qui sont vécues, qui ne sont sans doute peut-être pas dramatiques, mais qui peuvent être à l'occasion qualifiées de très irritantes.
Je vous annonce tout de suite, M. le Président, qu'au cours du débat et de l'échange que nous allons amorcer avec le ministre j'aurai une question à lui poser quant au nombre total d'effectifs pour l'année 1995-1996 et à la nomenclature qui est distribuée à l'intérieur de ce tableau. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le député de Chomedey.
Discussion générale
Économies résultant de la fusion de la Commission des droits de la personne et de la Commission de protection des droits de la jeunesse
M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président. Le ministre, dans ses remarques introductives, avait fait justement la constatation qu'il y a eu une légère augmentation dans les crédits pour cette Commission nouvellement constituée, une augmentation légère. Quand on regarde l'ensemble des crédits du gouvernement, c'est de l'ordre de 26 700 $, mais une augmentation néanmoins, parce que j'y étais l'année dernière quand on était en train d'étudier les crédits et de faire le projet de loi sur la fusion de la Commission des droits de la personne et de la Commission de protection des droits de la jeunesse. J'aimerais juste citer un bout, pour le bénéfice du ministre, d'une réponse fournie par son collègue le ministre de la Justice d'alors qui, évidemment, est toujours dans cette fonction aujourd'hui. La question était de savoir, selon leur analyse, quelles étaient les économies qu'il entendait réaliser suite à la fusion proposée des services des deux commissions, et c'est une réponse qui nous a été donnée le 26 avril 1995, pour les fins de la référence. M. Bégin a dit, M. le Président, en réponse à cette question, et je le cite: «C'est que, globalement, nous espérons qu'il y aura une économie de 1 000 000 $ suite aux regroupements des deux organismes.»
C'est important, M. le Président, de soulever ça parce que, à l'époque, il y avait des préoccupations - le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques vient de nous faire part de certaines de ces préoccupations-là - mais ce n'était pas seulement la préoccupation que la protection de la jeunesse devienne la cinquième roue, c'était aussi la préoccupation que, étant donné l'acuité des besoins et des problèmes que l'on voit lorsqu'il y a nécessité d'intervention en matière de protection de la jeunesse, on avait peur aussi que des sommes, des ressources soient affectées en toute priorité, et c'était peut-être un réflexe normal, prévisible, à la protection de la jeunesse, peut-être aux dépens de la Charte des droits. C'est pour ça que d'aucuns craignaient un peu le résultat de la fusion.
Mais le gouvernement, M. le Président, dans son argumentation, mettait lourdement l'emphase sur le fait que ça constituait une économie. Ce n'est ni la faute de l'actuel ministre des Relations avec les citoyens, ni la faute de qui que ce soit d'autre qui était là à l'époque, mais un des problèmes que l'on a vécus avec le ministre de la Justice, c'est qu'à chaque fois qu'on lui demandait des chiffres il nous en donnait, mais il n'était jamais capable de nous fournir la moindre indication de la provenance de ces chiffres là, la moindre étude validée, étayée, pouvant prouver ses affirmations.
Alors, ce que nous sommes à même de constater aujourd'hui, M. le Président, c'est qu'au lieu d'avoir une économie de 1 000 000 $ sur 10 000 000 $, on a une augmentation des coûts. Alors, la question qu'on a pour le ministre actuel, c'est: Est-ce que, l'année prochaine, on va réaliser l'économie de 1 000 000 $ promise par son collègue, le ministre de la Justice?
M. Boisclair: Alors, M. le Président...
Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.
M. Boisclair: Alors, M. le Président, je suis heureux de répondre à la question. Notre collègue de la Justice, M. Bégin, a effectivement bien informé les membres de l'Assemblée nationale ou les membres de la commission, au moment où il s'exprimait et, effectivement, c'est une économie de 1 000 000 $. Je voudrais, pour bien me faire comprendre, peut-être donner les chiffres précis; je pourrais peut-être même en communiquer au député. Ce qui est arrivé, c'est que l'économie de 1 000 000 $ avait déjà été planifiée sur l'exercice financier 1995-1996. Il faut donc, pour voir le 1 000 000 $ d'économie, faire une comparaison entre 1994-1995 et 1995-1996. Je prend vraiment le temps pour qu'on se comprenne bien, pour régler cette question-là. Si on prend le budget des deux commissions, de 1994-1995, il était de 11 100 000 $. On se comprend. En 1995-1996, on avait déjà escompté les économies, même si la fusion a été effective à partir du mois de novembre, c'est pour ça que le budget de 1995-1996 était de 10 073 000 $, une différence nette de 1 026 000 $, soit une diminution de 9,3 % des budgets. Alors, il est là le 1 000 000 $ dont parle le député.
Alors, je redonne les chiffres, pour le bénéfice de la commission. Le total des commissions, en 1994-1995, 11 100 000 $; en 1995-1996, 10 073 000 $, un écart de 1 026 000 $, soit une diminution de 9,3 %.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey.
M. Mulcair: M. le Président, je pense qu'il est important de faire comprendre à tout le monde que, lorsque je réfère le ministre aux galées du 26 avril 1995, on était à la défense des crédits, avec le ministre Bégin, sur les dépenses 1995-1996 et, à ce moment-là, on était en train de parler de 10 100 000 $. Donc, l'économie qui était promise n'était pas une économie rétroactive à 1994, mais c'était bien pour nous dire qu'en 1996-1997, par exemple, on pouvait compter dépenser 1 000 000 $ de moins que ce qui était déjà budgété, parce que c'était de ça qu'on était en train de parler. Mais j'attends avec impatience les chiffres du ministre et je vais, avec mes collègues, me faire un devoir de les analyser, et de les analyser à la lumière des discussions qui ont eu lieu avec le ministre de la Justice en avril 1995, et on tentera de concilier les deux.
(11 h 40)
Maintenant, M. le Président, il y a un problème prévisible...
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce que vous voulez, M. le ministre, déposer...
M. Boisclair: Je vais remettre immédiatement une... Alors, je l'ai ici, tiens. Alors, je peux donner ça? Alors, je vous apporte les chiffres.
M. Mulcair: Maintenant, pour ce qui est du rôle du ministre et de la Commission...
Document déposé
Le Président (M. Landry, Bonaventure): J'accepte le dépôt.
Responsabilité du ministre quant à l'application de la Charte des droits et libertés de la personne
M. Mulcair: Oui, bien oui, pas de problème, M. le Président. Il y avait un problème prévisible, un défi prévisible au début. On aimerait sonder le ministre là-dessus. Comme il le sait, la Charte des droits et libertés de la personne prévoit que c'est le ministre de la Justice qui est responsable de l'application de cette loi. On a vu un exemple dernièrement avec le projet de loi n° 133 qui visait à donner certains droits aux couples du même sexe; c'était donc le ministre de la Justice qui était là pour défendre sa loi. Alors, c'est lui, le ministre de la Justice, qui est responsable de la Charte des droits, tandis que l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse relève tantôt du ministère de la Justice, pour certaines parties qui demeurent de son ressort malgré la fusion, et du ministre de la Santé.
Alors, nous voulons savoir, à l'heure actuelle, quel est son rôle, le rôle du ministre qui est avec nous aujourd'hui. C'est quoi son rôle comme responsable de la Commission, comment il entrevoit ça alors que la Charte relève d'un autre ministre et que la protection de la jeunesse relève de deux autres ministres?
Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.
M. Boisclair: Question fort intéressante qui m'interpelle particulièrement. D'ailleurs, si vous ressortez les décrets, on m'avait aussi confié la responsabilité, au moment de l'assermentation, de la Charte. Rapidement, nous avons corrigé un certain nombre de choses qui, je l'avoue candidement, au moment de ma nomination et de cette annonce de création de ministère, se sont faites un peu rapidement et nous avons dû procéder à l'adoption, au Conseil des ministres, d'un certain nombre de décrets, dont celui qui retransférait la responsabilité de la Charte au ministre, parce que, comme le député l'indique, effectivement, c'est défini, je pense même, dans la Charte...
M. Mulcair: C'est dans la Charte.
M. Boisclair: C'est ça, c'est dans la Charte même qu'il est prévu que c'est le ministre de la Justice qui est responsable de l'application.
Il est trop tôt, à ce moment-ci, pour que je réponde à cette question puisque nous regardons encore les choses. Je vais cependant dire au député qu'il trouvera la réponse à sa question au projet de loi de la création du nouveau ministère, qui devra être déposé avant le 15 mai et sera soumis pour considération à l'Assemblée, dans lequel nous ferons la liste des lois qui, comme dans n'importe quelle autre loi de constitution d'un ministère, on confirmera les attributions qui sont les miennes, parce qu'il faut changer, dans certains cas, le titre du ministre qui est responsable de l'application de certaines lois. Pour donner un exemple simple, l'Office de la protection du consommateur, il faut modifier un certain nombre de textes de loi où on indique le titre du ministre qui est responsable de l'application de la loi, et il y plusieurs modifications de concordance à apporter.
Sur la question précise que soulève le député, effectivement, je comprends que certaines dispositions de la Loi sur la protection de la jeunesse sont du ressort d'autres de mes collègues, et nous sommes à regarder ça. Ce que je voudrais tout simplement, pour être bref, pour permettre aux gens de poser d'autres questions, c'est tout simplement... L'objectif est de faire en sorte que, dans le nouveau ministère, on puisse véritablement se donner un mandat de promotion des droits de la personne. Dans les cahiers de crédits, comme ils sont présentés, il y a deux programmes: le premier, Relations avec les citoyens, et le deuxième, Immigration et intégration. Quant au volet immigration et intégration, je pense que la mission est bien connue; l'autre volet, relations avec les citoyens, vous avez tous les organismes, dont la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, la Commission d'accès à l'information et les autres qui sont, dans bien des cas, des organismes complètement indépendants, du gouvernement. La curatelle publique, par exemple, qui est même un organisme extrabudgétaire. Mais, dans ce programme-là, nous avons créé un élément de politique et programme pour faire en sorte que, dans l'appareil d'État, nous puissions accueillir l'ensemble des réflexions qui sont faites, soit par la Commission d'accès à l'information, la Commission des droits de la personne ou la curatelle. Je donne un exemple bien précis de ce que ça veut dire: 585 du Code civil, où il y a toutes sortes d'opinions divergentes qui nous viennent de groupes qui, pourtant, ont tous le même mandat. La protection des personnes atteintes de maladie mentale, il y a un débat, à l'heure actuelle, sur la façon dont ces personnes sont accueillies dans le réseau de la santé, les questions sur la contention, sur l'isolement, et ainsi de suite. Il nous faut trouver un point... Et ce qu'on va faire, je pense que le député sera satisfait des résultats.
M. Mulcair: O.K. Je comprends, par la réponse du ministre, M. le Président, qu'il est en train de nous expliquer, avec candeur, et on l'apprécie, que ce n'était pas clair quand ça a été fait, les gens ont vu qu'il y avait certaines contraintes. Et, comme il se doit avec une loi quasi constitutionnelle comme la Charte des droits, on ne va pas commencer à prétendre que, par décret, on peut changer un article de la Charte des droits et libertés de la personne.
M. Boisclair: Tout à fait.
M. Mulcair: Donc, pour ce qui est de son rôle, on comprend que, d'ici quelques semaines, ça risque d'être clarifié aux termes d'un projet de loi. Mais est-ce qu'on peut avoir, aujourd'hui, une réponse claire à notre question? Est-ce que, selon lui, son gouvernement va proposer à l'Assemblée nationale une modification qui viserait à faire en sorte que c'est le ministre des Relations avec les citoyens qui est responsable de l'application de la Charte des droits?
Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.
M. Boisclair: Non. Ah non, non, non! Vraiment, là, ah non! Ça, c'est clair, l'application de la Charte relève, est entre les mains du ministère de la Justice. Je pourrais donner la référence exacte du décret qui a été adopté au Conseil des ministres, qui venait modifier le décret qui identifiait les responsabilités qui étaient de mon portefeuille, qui étaient sous mon autorité. Et on a corrigé ce qui avait été annoncé...
M. Mulcair: On se comprend très bien là-dessus.
M. Boisclair: ...et je comprends aussi qu'il n'y aura pas de modification à la Charte. Le ministre de la Justice va demeurer responsable de l'application de la Charte. Dans le projet de loi que nous déposerons, il n'y aura pas d'amendement qui pourrait faire en sorte que c'est le futur ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration qui soit responsable de la Charte.
M. Mulcair: Ça nous amène à ma prochaine question et peut-être que le ministre va comprendre notre préoccupation par le biais d'un exemple concret. La Commission, en décembre 1994, réclamait un amendement à la Charte pour donner plus de dents à la lutte au racisme. Le ministre a sans doute eu le temps de prendre connaissance de cet avis en particulier. Même s'il est d'accord avec la Commission là-dessus, comment va-t-il faire pour donner suite compte tenu du fait que ce n'est pas lui le responsable de la Charte?
M. Boisclair: Je peux donner de nombreux exemples... On me donne la question de la lutte au racisme, je pourrais vous donner l'exemple du Congrès juif qui souhaitait que, sur les déclarations à caractère haineux, on puisse intervenir de façon plus rapide. Il y en a de nombreux, de ces exemples-là.
Le rôle du ministère qui sera le mien sera essentiellement une vocation horizontale. Je serai appelé à intervenir sur de nombreux sujets qui ne sont pas de ma responsabilité. Je peux donner des exemples, comme des dispositions qui peuvent interpeller le ministère de la Santé. Nous sommes à discuter, à l'heure actuelle, d'équité salariale. Il y a eu une commission parlementaire, il y a un certain nombre de points de vue que je fais valoir. Ce que le député doit comprendre, c'est que nous avons, sur pied... Le premier ministre, en annonçant la création du Conseil des ministres, a aussi annoncé la création de comités interministériels et je siège sur deux comités interministériels: celui du développement social et celui de l'éducation et de la culture. Dans ces comités se fait l'harmonisation. D'abord, les projets de loi et les projets de mémoire passent par ces comités. Chacun de ces comités est doté d'un secrétariat qui fait une analyse et des recommandations, et les ministres, ensuite de ça, avec l'avis des secrétariats, font aussi part de leurs préoccupations sectorielles. C'est dans ces comités que les arbitrages se font.
M. Mulcair: Nous sommes censés, M. le Président, à l'explication...
M. Boisclair: Mais que je n'ai pas de pouvoir d'initiative.
M. Mulcair: On comprend. Et le ministre est en train de nous donner une excellente explication et un exemple d'un ministère... Effectivement, en matière de protection de la jeunesse - on n'a qu'à regarder ça comme exemple - ça traverse de très nombreux ministères. On le comprend là-dessus, mais il n'en demeure pas moins problématique... Je cherche et je ne trouve pas d'exemples où une commission, une entité, relevant même de l'Assemblée nationale, qui est créée aux termes d'une loi, où l'entité responsable va relever d'un ministre mais que la loi qui la crée ne relève pas de ce ministre-là. Je vous avoue que... Je suis conscient du défi que constitue l'élaboration d'un conseil des ministres et les nouvelles responsabilités que l'on veut donner à un ministère responsable des relations avec les citoyens. Mais, pour nous, ça va être... Je ne souhaite pas qu'on devienne un peu comme on voit parfois à la période de questions à l'Assemblée nationale où on a le député de Portneuf qui est censé être un ministre du Revenu avec tout ce qui va avec, mais qui n'est jamais capable de répondre à des questions parce que ça relève de quelqu'un d'autre. Pour le citoyen, justement, si on veut avoir des relations limpides, claires, lucides avec les citoyens, il faut, en tout premier lieu - et on n'a qu'à lire le rapport du Protecteur du citoyen pour constater ça - que l'endroit où s'adresser soit clair.
(11 h 50)
On vient de parler, le ministre l'a mentionné en passant dans ses remarques préliminaires, d'un guichet unique des services du gouvernement. Puis, là, on efface une sorte de pieuvre avec des bras dans tous les sens, tantôt ici. Le ministre peut bien nous dire que, lui, siège à différentes commissions parlementaires ou comités ministériels, mais ça n'aide pas plus le public pour savoir à quel ministre s'adresser s'il veut des changements à une loi, par exemple, à qui s'adresser si on a des problèmes d'application de cette loi. Si on se rend compte que ça va, dans le cas qui nous occupe, dans trois ministères, ça commence à être rudement difficile pour le public de trouver son solde.
J'avais justement... Le ministre l'a dit tantôt, sa responsabilité est parfois horizontale, puis on abonde dans le même sens que lui notamment lorsqu'il s'agit de la protection de la jeunesse. J'aimerais juste savoir si, lui, comme ministre responsable, est consulté, par exemple lorsqu'il y a des coupures de services au Tribunal de la jeunesse, cour provinciale, chambre de la jeunesse. Est-ce que, lui, dans tout cet exercice de collaboration et de mise ensemble dans les comités ministériels dont il parle, est consulté là-dessus?
M. Boisclair: Même si je ne siège pas d'office sur certains comités ministériels, je peux siéger, lorsque des dossiers m'interpellent particulièrement, sur n'importe quel comité ministériel. Vous savez qu'un projet de loi, par exemple, peut être discuté dans plus d'un comité ministériel et que, même si nous ne sommes pas membres d'un comité, le secrétariat de n'importe quel comité peut requérir l'opinion de n'importe qui. Alors, il y a des gens qui se réunissent sur une base permanente, mais, en plus, sur des sujets ad hoc, sur des sujets spécifiques, d'autres gens peuvent se joindre à la discussion. Il s'agit tout simplement que je manifeste mon intérêt pour que... Soit que je fasse de deux façons: que je fasse parvenir un avis au secrétaire du comité interministériel ou que j'aille moi-même débattre d'un point de vue.
M. Mulcair: Je suis content...
M. Boisclair: Et que nous avons aussi - je termine juste très rapidement - l'information sur les sujets. Nous avons de l'information sur l'ensemble des sujets qui sont débattus dans tous les comités ministériels, en plus d'avoir à notre disposition les sujets qui seront débattus au Comité des priorités. On nous les envoie longtemps à l'avance pour qu'on puisse, s'il y a lieu, faire parvenir, faire part de nos orientations.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey.
M. Mulcair: Oui. Sur cette question précise, M. le Président...
M. Boisclair: Je suis membre du Conseil des ministres aussi, là. À cet égard-là, on discute de...
M. Mulcair: J'aimerais sensibiliser le ministre à un problème qui m'a été soumis par mes collègues, les députés de Nelligan et de Jacques-Cartier, très brièvement. Je vais donner au ministre les documents après pour qu'il puisse les avoir et il va comprendre que c'est relié à ce qu'il nous mentionnait, c'est horizontal - c'est Justice cette fois-ci - mais il va comprendre tout de suite la pertinence pour la protection de la jeunesse. Me Nancy Moreau, substitut en chef adjointe de la chambre de la jeunesse, a écrit, le 3 avril, à Me Michèle Lefebvre pour lui demander de signer un document qui viendrait dire qu'elle était d'accord pour la fermeture de la chambre de la jeunesse de Pointe-Claire. Ce qui est intéressant, c'est que plutôt que de répondre à cette lettre-là, qui avait même une place pour la signature dans la lettre de réponse qui avait déjà été préparée, Me Michèle Lefebvre a répondu à Me Nancy Moreau - il faut comprendre que Mme Lefebvre est la directrice du contentieux des centres de la jeunesse et de la famille Batshaw, qui sont là pour la communauté anglophone - elle a dit: «Chère consoeur, en réponse à votre lettre du 3 avril, l'établissement que je représente ne peut appuyer la fermeture du point de service de Pointe-Claire. Une partie importante de notre clientèle provient de l'ouest de l'île et cette communauté a travaillé très fort pour obtenir et maintenir ce point de service de la Cour du Québec, chambre de la jeunesse. L'engagement des gens de la communauté de l'ouest de l'île dans les questions qui touchent à la justice juvénile est bien connu et ne peut s'évaluer en termes monétaires. Nous ne pouvons donc appuyer des mesures qui pourraient compromettre cet engagement.»
Je disais bien au départ, M. le Président, sensibiliser le ministre, et je vais lui laisser cette documentation-là, l'ensemble de la documentation qu'on vous déposerait, avec la permission de la commission, parce que je pense que c'est important. Si le ministre veut justement voir d'une manière horizontale ces questions-là, il s'aperçoit, par le biais de cet exemple concret, à quel point dans les différentes communautés - et on a un bel exemple ici - les décisions qui sont prises, qui affectent la jeunesse, elles doivent avoir une vision d'ensemble.
Alors, si je comprends bien, il est en train de nous dire qu'il entend exercer ce genre de droit de regard sur le dossier dans son ensemble, et j'espère que nous allons pouvoir compter sur son appui lorsqu'il aura le temps d'analyser plus en profondeur cette question parce que, sans doute, on aura l'occasion d'en reparler avec son collègue, le ministre de la Justice.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.
M. Boisclair: Sur cette question bien précise, je comprends que c'est le ministère de la Justice qui est, dans ce cas-ci, impliqué et que, d'aucune façon, cette décision ne relève de ma compétence. Cependant, lorsque je le juge opportun, n'importe quel membre du Conseil des ministres peut intervenir sur n'importe quel sujet. Je comprends cependant qu'il faut distinguer deux sortes de décisions: des décisions qui sont d'ordre administratif, qui, souvent, ne sont pas discutées au Conseil des ministres ni même dans aucun comité ministériel. Si, par exemple, au ministère que nous allons créer, je décide de déplacer une direction ou je décide de fermer... Je vous donne un exemple bien précis auquel j'ai été confronté. Au ministère de l'Immigration, on a dû revoir notre offre de services à l'étranger, puis fermer certains bureaux à l'étranger, puis réaligner, à cause de ce qui avait été fait aux Affaires internationales. Ces questions ne sont jamais discutées dans aucune instance. C'est la responsabilité du ministre titulaire de poser un certain nombre de gestes administratifs. J'interviendrai lorsque le Conseil des ministres est appelé à se pencher, lorsque le gouvernement est appelé à signifier des orientations, est appelé aussi à faire une réflexion sur la façon dont nous allons transformer ces orientations, soit en règlements ou en textes de loi. Sur des questions comme celles-là, je ne vois plus ça comme le dossier de... Ce ne serait pas en vertu de mes pouvoirs, mais bien comme citoyen ou comme député. Je peux faire valoir un certain nombre de préoccupations, comme je le fais quotidiennement dans mon bureau de comté, où je fais valoir les intérêts de mes concitoyens. Je distingue vraiment deux niveaux de décisions.
M. Mulcair: Très brièvement, M. le Président. Les décisions administratives auxquelles fait référence le ministre peuvent avoir des effets sur la Charte, mais la Charte ne relève pas de lui et ne relèvera pas de lui.
M. Boisclair: Vous avez raison.
M. Mulcair: On est en train, donc, de constater toute la difficulté de la situation dans laquelle le ministre est placé si la Charte ne relève pas de lui.
Mais je lui rappelle aussi que, dans ses remarques préliminaires, il a rappelé lui-même l'important rôle que joue la Commission en matière d'application de la Loi sur les jeunes contrevenants. Donc, l'existence de cette ressource dans le milieu qu'il dessert, dans l'ouest de l'île de Montréal, a toute son importance, et je suis sûr que, une fois qu'il aura pris connaissance du dossier, il va comprendre cette importance.
M. Boisclair: Oui. Ma préoccupation, là, c'est que les gens aient accès aux services. C'est une question qui se pose de plus en plus. Regardez, par exemple, nous avons dû, à la Régie du logement, réorienter un certain nombre de services. Dans un contexte de contraintes budgétaires, il y a effectivement des questions de rationalisation. Ce qui compte, c'est que le service demeure accessible et que les gens puissent se prévaloir de leurs droits. Moi, c'est véritablement là ma préoccupation.
Dans le cas particulier que soulève le député, il me fera plaisir de regarder ce qu'il en est et d'aviser de mon intention.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
Autres sujets
M. Boulerice: Je vous remercie, M. le Président. M. le ministre, c'est un commentaire, mais un commentaire qui, forcément, amène un questionnement. Mon attaché politique ici, à l'Assemblée nationale, a la bonne habitude de lire tout ce qui est adressé aux députés. Donc, ça en fait un attaché politique bien informé, ça en fait un attaché politique bien formé et ça nous permet d'être un meilleur assistant. Mais voilà que, lorsque nous avons reçu ces choses, il a vu une page, je ne peux pas vous donner sa numérotation, elle n'existe pas, mais c'est l'année 1995-1996: Nombre total d'effectifs; cadres, professionnels, techniciens et employés de bureau, total, etc., et l'on voit féminin, masculin, personnes handicapées...
M. Boisclair: Est-ce que c'est la question 14? Juste pour qu'on se comprenne bien.
M. Boulerice: Pardon?
M. Boisclair: Est-ce que c'est la réponse à la question 14? Je voudrais bien vous retrouver.
M. Boulerice: C'est ça ici, là: le nombre... Réponse aux questions... Ah! c'est les questions soumises par l'opposition officielle.
M. Boisclair: C'est ça. En haut, là, il y a un petit numéro.
M. Boulerice: Ah! O.K. Ça explique bien des choses d'abord. On verra dans le déroulement.
M. Boisclair: Est-ce que c'est 12 en haut, là, dans le coin? Le nombre de la...
M. Boulerice: Oui, 12.
M. Boisclair: Oui. Je l'ai.
(12 heures)
M. Boulerice: Bon. Alors, ceci étant dit, mon attaché politique regarde: féminin, masculin, personnes handicapées, anglophones, autochtones, communautés culturelles, minorités ethniques, minorités visibles. Il est originaire de l'île Maurice, sous-continent africain, il est Africain et francophone. Ah! Par contre, sa famille est une famille originaire de la province de Shanghai, donc il est Asiatique, il est Chinois. Est-ce qu'il est une minorité ethnique, ou est-il une minorité visible, ou est-il une minorité ethnique visible? C'était la grande interrogation qu'il se posait. Sa réponse très spontanée a été: Mais je suis Québécois, moi. J'ai décidé de quitter ce pays, de venir vivre au Québec avec les Québécois, je suis Québécois. Avec humour, il disait: Je mange peut-être mes «beans» avec des baguettes, mais je mange des «beans» comme tous les Québécois. Je dois vous avouer que cela l'a très profondément heurté. Qui est-il dans son identité? Dans son identité, il est Québécois.
Mais là on est en train de me dire que c'est une question de l'opposition, donc j'ai l'impression, pour illustrer avec une vieille formule issue de l'arithmétique de notre enfance, qu'on s'en va vers une célébration du numérateur, parce qu'on veut peut-être nier le dénominateur commun des citoyens au Québec. Alors, je vais lui répondre quoi en fonction de cette notion que veut introduire l'opposition? Je réponds quoi? Il est ethnique, il est visible ou c'est un ethnique visible, en essayant de lui trouver d'autres caractères minoritaires? Je vais entreprendre mes recherches immédiatement à la fin de cette commission pour être bien certain qu'il n'y aurait pas une sous-rubrique dans laquelle on pourrait l'inscrire. J'essaie de faire de l'humour, mais je trouve ça triste. Pour lui, sa réaction, c'est qu'il a été blessé en disant: On est en train de m'étiqueter; je n'ai pas besoin de cette étiquette, je suis Québécois, point, c'est tout. Et c'est moi qui spontanément ai ajouté qu'il était francophone. J'aurais dû dire qu'il a une connaissance parfaite de l'usage du français. Il vient d'un pays où les deux langues sont officielles, donc il ne se considère ni même anglophone ou francophone, il est Québécois, point.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.
M. Boisclair: Je vais venir à la défense de l'opposition, parce que, même si c'est une question de l'opposition, je peux me tromper, là, mais, à ma connaissance, dans tous les rapports annuels de tous les ministères qui sont déposés à l'Assemblée nationale, on identifie toujours sous la rubrique «Communautés culturelles» le nombre de personnes qui travaillent dans la fonction publique dans tous les ministères. Vous avez le tableau ici pour 1995-1996; je pourrais vous référer, par exemple, au rapport annuel de la Commission des droits de la personne, rapport de l'année 1994, au tableau III, sous les effectifs. On reprend cette même catégorisation: autochtones, femmes, minorités ethniques, visibles, personnes handicapées. Je comprends qu'il s'agit là d'un problème, puisque, dans l'appellation des choses, d'abord, les chiffres, souvent, qui traduisent une réalité ne sont pas toujours de bons indicateurs, puisque...
M. Boulerice: Bien, voici, ça tombe bien, on parle... On veut savoir si vous êtes une minorité ethnique, une minorité visible ou une minorité ethnique visible, alors que vous êtes Québécois, n'est-ce-pas?
Une voix: Tout à fait. Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Tout à fait, a-t-il répondu spontanément. Je vous remercie.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.
M. Boisclair: Alors, je comprends que ce problème se pose, parce qu'il y a bien des gens qui refusent de s'identifier à ces catégories lorsque les questions leur sont posées. Ce n'est pas parce que des gens peuvent avoir... Je suis convaincu que le député de Fabre, si la question lui était posée, si on avait à faire le portrait des membres de l'Assemblée nationale puis on avait le portrait communautés culturelles, ne s'identifierait pas nécessairement, même s'il peut être d'une origine différente de la mienne... qu'il ne choisirait pas cette appellation-là. C'est d'ailleurs pour ça que je vous ferais remarquer que, dans le patronyme du ministère que nous allons créer, nous faisons sauter cette appellation «Communautés culturelles» qui m'apparaît beaucoup trop restrictive et qui oublie, puis j'insiste beaucoup là-dessus... Lorsqu'on fait une distinction entre «société d'accueil» et «communauté culturelle», c'est un message implicite à l'effet que les gens des communautés culturelles ne sont pas membres de la société d'accueil. Au contraire, ce sont des membres de la société d'accueil. Donc, au niveau du fond, je vous fais part de ma vision à moi des choses, et il faut, même si nous allons d'abord mettre l'emphase sur la citoyenneté et les relations civiques, du même souffle dire qu'effectivement il peut y avoir, ceci étant dit, des réalités communautaires bien réelles qui peuvent nous interpeller.
Je veux aussi rajouter que la Commission s'intéresse de façon particulière aux programmes d'accès à l'égalité. Je comprends que la Commission est chargée d'étudier les programmes d'accès à l'égalité qui viennent d'entreprises qui ont des obligations contractuelles avec le gouvernement, pour des gens qui contractent avec le gouvernement à plus de 100 employés. Les entreprises qui reçoivent plus de 100 000 $ de subvention et qui ont plus de 100 employés sont soumises à des programmes d'accès à l'égalité et, à un moment donné, il faut aussi nommer une certaine réalité. Je pense que ce qu'il faut mettre en évidence, c'est l'origine ethnique plutôt que cette expression de minorité visible ethnique, de la même façon aussi qu'il faut bien comprendre qu'il y a des problèmes d'accès à l'emploi qui existent particulièrement pour les groupes... Le mot savant, apparemment, serait les groupes racisés ou racialisés. Nous débattons encore au ministère quelle expression utiliser.
M. Boulerice: ...
M. Boisclair: Non, mais comment on fait au Québec pour nommer une réalité quand on sait, par exemple, que 67 % des jeunes de la communauté noire d'expression anglophone sont en chômage? Il faut être capable de nommer puis de décrire cette réalité-là aussi. Puis ça, ce sont des gens qui sont des minorités visibles. Et il y a aussi une question de fond qui nous préoccupe et qui consiste à faire en sorte... Lorsqu'on regarde la situation dans son ensemble, il est clair que ce n'est pas tous les organismes publics qui véritablement sont capables d'agir sur la diversité puis qui la prennent en compte. Sans vouloir me lancer dans un long plaidoyer ou un long débat sur la sous-représentation, il n'en demeure pas moins qu'il y a des efforts à faire pour que la réalité - comment je pourrais dire - pour que l'image publique, pour que nos institutions, devrais-je dire - c'est l'expression juste que je cherche - reflètent le caractère pluriel de la société québécoise.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Fabre.
M. Facal: M. le Président...
M. Boulerice: ...M. le Président.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Fabre.
M. Boulerice: Parce qu'il y a des minorités invisibles aussi. Je voudrais bien mon quota là-dedans, moi, surtout qu'on va adopter le projet de loi n° 133.
Une voix: Oui.
M. Facal: Une minute, simplement pour dire que je comprends et partage absolument la réaction de l'adjoint du député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Je récuse, quant à moi, la quasi-totalité de ces vocables. À la limite, j'accepterais, bien entendu, que l'on continue dans les documents gouvernementaux à faire des distinctions élémentaires basées notamment sur le sexe, basées notamment sur la langue parlée, et à la limite peut-être pourrais-je vivre avec une distinction qui pourrait être «Québécois de naissance» et «Québécois d'adoption», mais j'insiste, M. le ministre, pour que, une fois que vous aurez fini d'expurger votre ministère de toutes ces survivances jurassiques en termes d'étiquettes ainsi que de ces faux progrès que sont souvent les nouvelles étiquettes qu'on vous propose, une fois que vous aurez fait le ménage chez vous, on adopte dans le reste de l'appareil gouvernemental - puisque que, comme vous l'avez dit, c'est toute la littérature gouvernementale qui est infestée par ces étiquettes - des vocables peut-être plus intégratifs.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey.
M. Mulcair: Oui.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il nous reste globalement huit minutes, alors je vous invite à votre...
M. Mulcair: Oui. J'ai écouté avec grande attention les propos nobles et édifiants du député de Fabre et du député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Cependant, si c'est si clair que ça que, de nos jours, c'est inapproprié que nos documents - et je cite le député de Fabre - soient infestés par des étiquettes et que, comme le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques vient de l'affirmer, on est tous des Québécois, à quoi précisément faisait référence Jacques Parizeau, le soir du 30 octobre 1995, quand il a dit: «Nous avons été battus par des votes ethniques»? Ce n'est pas mon terme, c'est Jacques Parizeau qui l'a dit. Il faut croire qu'il parlait de quelque chose. Il ne parlait pas pour ne rien dire, ce n'était pas son style. Alors, lui, il savait ce qu'il était en train de dire, il faisait référence à quelque chose. Et, lorsqu'il disait: 60 % de nous, 60 % de ce que nous sommes a voté oui, il était en train, lui, de pratiquer de l'exclusion.
(12 h 10)
Et, quand l'actuel ministre des Finances a semoncé, a engueulé comme du poisson pourri une pauvre madame à l'hôtel Inter-Continental le même soir, il était en train de lui dire que c'était à cause des ethniques, et ce n'est pas nous qui l'avons dit, ce n'est pas un vocable qui se retrouve dans les documents du gouvernement du Québec, c'est l'actuel ministre des Finances, puis je n'ai pas encore entendu ce monsieur-là venir s'excuser publiquement.
Pour ce qui est de M. Parizeau, la raison pour laquelle on peut dire son nom aujourd'hui, c'est qu'il n'est plus dans cette Assemblée. Mais je pense que le ministre a intérêt, lui, une fois que l'occasion se présentera très clairement pour lui, à donner le ton pour ces questions-là, parce que la théorie du député de Sainte-Marie-Saint-Jacques - et je sais que pour lui c'est une pratique, ce n'est pas une théorie, et je le dis avec sincérité, je sais que ce n'est pas sa manière de voir les choses - c'est que, malheureusement, dans notre société, et malheureusement je viens de donner deux exemples clairs et concrets, il y a des gens qui visent une entité autre lorsqu'ils parlent d'ethniques, lorsqu'ils parlent de minorités ethniques.
Lorsque Jacques Parizeau peut se lever en pleine assemblée et se faire applaudir parce qu'il s'est dit avoir été battu par l'argent et les votes ethniques, on doit tous être préoccupés, on doit tous lutter pour que le genre d'ouverture et de compréhension que témoigne le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques et que témoigne le député de Fabre dans leurs interventions devienne plus répandu, devienne la norme. Et je suis convaincu aussi, parce que je l'ai entendu sur le projet de loi n° 133, que l'actuel ministre responsable des Relations avec les citoyens trouve aussi lamentables, aussi regrettables et aussi déplorables que nous les propos tenus par l'ancien premier ministre du Québec, Jacques Parizeau, et par l'actuel ministre des Finances que je citerai juste par le titre de sa fonction. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Bon. M. le ministre, il vous reste cinq minutes pour vos remarques finales.
M. Boisclair: Oui, très, très rapidement. Moi, je pense que, sur le fond, s'il y a un message clair à envoyer, c'est que nous vivons dans une société démocratique, pluraliste, francophone et qui est soucieuse aussi des questions d'intégration, et qu'à travers cette société il y a un certain nombre de valeurs communes qui nous lient. Je pense qu'il nous faut, comme Québécois, se battre pour l'affirmation de ces valeurs. Je donne des exemples, l'égalité entre les hommes et les femmes. Nous condamnerons toujours, comme citoyens, la violence qui peut être faite aux enfants. Mais je veux aussi vous interpeller, puis on n'a pas le temps de poursuivre ce dialogue, mais le racisme et la discrimination, ça existe, au Québec, et l'idée, ce n'est pas de savoir si c'est pire ou meilleur au Québec, s'il y a plus de racisme. Moi, je suis toujours étonné de voir comment on est forts, au Québec, pour vouloir contextualiser les choses. On «est-u» plus racistes au Québec qu'on l'est en Ontario ou qu'on l'est, je ne sais pas, moi, à Moose Jaw? Là n'est pas pour moi la question.
Comment allons-nous faire pour lutter contre le racisme et la discrimination et comment aussi... Il faut nommer ces choses-là. Qu'est-ce que vous voulez, l'exemple que je vous donne des jeunes d'expression anglophone de la communauté noire, 67 % de chômage... Et on a un maudit problème comme société. Je pourrais donner l'accès à un premier emploi pour les jeunes de la communauté noire qui sont pourtant diplômés. Il y a des difficultés réelles qui se posent, des difficultés supplémentaires qui se posent pour ces gens-là. À un moment donné, je comprends l'intervention du député de Fabre, je comprends l'intervention du député de Sainte-Marie-Saint-Jacques et, moi-même, je plaide pour qu'on ouvre plus large et qu'on tienne un discours sur les relations civiques et un discours sur la citoyenneté. Mais, du même souffle, il nous faut être capables de reconnaître des réalités communautaires qui sont bien réelles. Puis là le problème, c'est quand vient le temps de les nommer.
Si j'ai un objectif - et je pense que c'est l'objectif du gouvernement - c'est de faire en sorte que nos institutions reflètent le caractère pluriel de la société québécoise. Et je veux bien faire comprendre que, si nous faisons disparaître cette expression, «communauté culturelle», c'est parce qu'on l'a toujours opposée à la «société d'accueil» et que les gens dits des communautés culturelles, ce sont des membres de la société d'accueil, puis les gens de la société d'accueil, ce ne sont pas uniquement les Blancs francophones qui sont établis ici depuis des générations. Alors, on va essayer de jouer sur ces concepts-là.
Je le ferai avec une contribution - je conclus là-dessus - qui sera celle de la réflexion que la Commission propose au législateur, propose à l'opinion publique par ses recherches, ses avis, ses études et les décisions aussi qui sont rendues par la Commission ou par le tribunal, et je le ferai avec la Commission d'accès à l'information, je le ferai avec la curatelle publique. Je pense qu'il y a quelque chose de riche à travers cette idée qui consiste à créer enfin dans l'appareil d'État un point de chute pour faire en sorte que le législateur soit mieux équipé lorsque viendra le temps de soit voter des lois ou de proposer des gestes du Conseil exécutif et qu'on puisse encore mieux prendre en compte les réflexions qui sont faites dans les organismes qui sont sous ma responsabilité.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, merci, M. le ministre. Il est 12 h 15...
M. Mulcair: Au lieu de faire un «wrap-up», je veux me permettre une dernière petite question pour le ministre. La Commission vient de rendre publique sa position sur l'article 585 du Code civil. Comme le ministre le sait, elle recommande le maintien intégral de l'obligation alimentaire tel que ça existe aux termes de notre législation. Est-ce que c'est ça, la position que défendra le ministre des Relations avec les citoyens devant le Conseil des ministres?
M. Boisclair: Vous comprenez que le ministre a reçu l'avis de la Commission, a aussi reçu l'avis du Conseil des aînés, de la famille et de la jeunesse et que le ministre fera valoir son point de vue d'abord à ses collègues au Conseil des ministres. Je comprends que mon collègue à la Justice est à finaliser une position. Vous comprenez que, si jamais il y avait des amendements au Code civil qui devraient être débattus au Conseil des ministres, c'est à ce moment-là, avec l'ensemble de mes collègues qui sont tous préoccupés par cette question-là, qu'on pourra faire le point.
M. Mulcair: Il me reste quelques secondes, M. le Président. Peut-être que je peux poser la question suivante au ministre...
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Rapidement.
M. Mulcair: ...lui demander s'il s'est fait une idée sur le projet de loi 191 pour lui-même. Il y a eu aussi des avis divergents là-dedans. Le projet de loi 191, c'est un projet de loi qui visait la protection des aînés.
M. Boisclair: Oui. Dans mon livre à moi, ça fait longtemps que c'est réglé, que c'est non. Pour moi, c'est clair, clair, clair, puis je vous invite à convaincre votre collègue. Je ne vois pas pourquoi on mettrait sur pied un régime de droits particuliers pour des gens qui ont les mêmes obligations et qui sont capables de témoigner, de faire valoir leurs droits. Je trouve que ce serait infantiliser un segment important de notre population et je ne vois pas... Je comprends qu'il est justifié de le faire pour des jeunes qui n'ont pas l'habilité attestée, de le faire pour des moins de 18 ans, pour des mineurs, je comprends aussi que nous avons des institutions comme la curatelle publique qui sont là si jamais les gens, pour une raison ou une autre, sont inaptes, qu'il y a un régime de droits qui s'applique non seulement aux personnes aînées, mais à toute autre personne, par exemple, qui se trouve dans une situation d'inaptitude, et il y a un régime, la curatelle, la tutelle.
M. Mulcair: Je comprends la préoccupation du ministre, puis, pour être franc...
M. Boisclair: Je pense qu'il la partage.
M. Mulcair: ...je la comprends très bien. Par contre, vu ce qu'il nous a mentionné tantôt...
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Nous avons épuisé notre temps.
M. Mulcair: ...pour ce qui est de la responsabilité horizontale...
M. Boulerice: Je pense qu'il faudrait bien voter, hein, M. le Président?
M. Mulcair: ...est-ce que le ministre peut juste nous dire s'il entend collaborer avec ses collègues à la Sécurité publique et à la Justice pour que la police et le procureur de la couronne fassent un peu comme ils essaient de faire avec la violence conjugale et soient un petit peu plus sensibilisés aux problèmes particuliers de violence vis-à-vis des personnes âgées?
M. Boisclair: C'est un sujet de discussion qui m'interpelle particulièrement. La sensibilité vient de ma réalité dans le comté. Je sais déjà que la Communauté urbaine de Montréal, qui a le corps policier sans doute le plus important, a fait des efforts particuliers. J'ai eu l'occasion de les rencontrer, de discuter avec quelqu'un, d'ailleurs, de la CUM qui me faisait valoir son opposition à 191 et je sais qu'il y a des efforts à faire, puis, si je peux contribuer dans le sens que le député le décrit, ça me fera plaisir de le faire.
Le Président (M. Landry, Bonaventure): Messieurs, je tiens à vous remercier de votre excellente participation. Alors, sous réserve de l'avis du leader du gouvernement, la commission suspend ses travaux jusqu'à 16 heures, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May, afin d'entreprendre l'étude des crédits du ministère de la Justice. Merci.
(Fin de la séance à 12 h 19)