(Quinze heures vingt minutes)Le Président (M. Parent): La commission des institutions débute ses travaux, et je déclare cette séance ouverte. Je rappelle à tous les participants le mandat de cette commission, c'est de procéder à l'étude des crédits budgétaires du ministre délégué aux Affaires autochtones, programme 4 du Conseil exécutif, pour l'année financière 1994-1995.
Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. MacMillan (Papineau) remplace M. Lemire (Saint-Maurice); Mme Loiselle (Saint-Henri) remplace M. LeSage (Hull); et M. Perron (Duplessis) remplace M. Boulerice (Sainte-MarieSaint-Jacques).
Le Président (M. Parent): Bonjour, M. Perron.
M. Perron: Bonjour, M. le Président.
Le Président (M. Parent): Alors, la répartition du temps, vous êtes au courant, c'est 50-50. Par contre, on s'entend toujours pour que ça fonctionne bien, en tenant compte que l'étude des crédits, comme l'étude des engagements financiers, bien, j'ai toujours considéré que c'est la tribune privilégiée de l'Opposition pour poser des questions au gouvernement. Je vous rappelle qu'en principe on a une enveloppe de quatre heures. Par contre, les membres sont libres d'utiliser ou de ne pas utiliser le temps prévu.
Alors, j'invite immédiatement, pour débuter, le ministre et le porte-parole de l'Opposition officielle à faire une déclaration d'ouverture. M. le ministre, je vous écoute.
Déclarations d'ouverture
M. Christos Sirros
M. Sirros: Merci, M. le Président. Alors, pour la quatrième année consécutive, M. le Président et chers collègues membres de cette commission, j'ai l'honneur et le plaisir, à titre de ministre responsable des Affaires autochtones, de soumettre à l'approbation de cette commission les crédits du Secrétariat aux affaires autochtones pour la nouvelle année financière. L'engagement du gouvernement du Québec envers les autochtones n'a cessé de s'affirmer et s'est concrétisé depuis quatre ans. Je veux donc vous parler des réalisations du Secrétariat aux affaires autochtones en 1993-1994 et des projets que notre gouvernement veut mener pendant la présente année.
Mais, tout d'abord, M. le Président, permettez-moi de souligner que les crédits du Secrétariat aux affaires autochtones, que je dépose aujourd'hui, pour 1994-1995, tiennent compte de la priorité gouvernementale qui consiste à établir des relations harmonieuses avec l'ensemble des autochtones. Ce n'est pas d'hier, M. le député, ha, ha, ha! ni de dimanche dans les journaux. Pour ce faire, le gouvernement mettra l'emphase, au cours des prochains mois, sur des réalisations concrètes qui viseront un rapprochement avec les diverses nations autochtones. À cet effet, les démarches du gouvernement chercheront à favoriser le développement économique des communautés autochtones par la voie du partenariat.
En premier lieu, je ferai état des principales négociations en cours avec diverses nations autochtones et dont nous avons fait notre priorité durant l'année qui se termine. À mon avis, M. le Président, c'est là un aspect crucial de nos relations avec les autochtones pour lequel nous devons consacrer de plus en plus d'efforts. La négociation qui a connu une évolution significative depuis plus d'un an est sans contredit celle que nous poursuivons avec le Conseil des Atikamekw et des Montagnais. Je vous disais, il y a un an, qu'un négociateur spécial avait été nommé avec mandat de faire rapport au premier ministre sur la situation de cette négociation en juin 1993.
Je peux vous dire aujourd'hui que le rapport a été déposé dans les délais prévus et qu'il s'agit, en fait, bien plus que d'un simple rapport. C'est un document très consensuel contenant 75 propositions sur lesquelles les trois parties, soit le CAM, le gouvernement fédéral et le Québec, se sont entendues. C'est la première fois dans cette négociation que les trois parties s'entendent pour produire un seul et unique document faisant état des résultats de leurs discussions. Il est bien évident, M. le Président, qu'il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant d'atteindre le plein consensus des trois parties sur chacune des 75 propositions, mais le document préconsensuel a le mérite de fournir des points de référence précis sur la substance de la négociation.
La volonté du gouvernement de faire avancer rapidement cette négociation a été une fois de plus démontrée lorsque le premier ministre a accepté, en février 1994, de reconduire le mandat du négociateur spécial afin d'assurer la continuité et la plus grande efficacité possible à l'équipe de négociation du Québec. Le premier ministre et moi-même avons d'ailleurs rencontré les chefs montagnais et attikameks le 23 mars dernier afin de leur confirmer la volonté du gouvernement d'en arriver à un règlement final de cette négociation le plus rapidement possible et à la satisfaction de toutes les parties.
D'autre part, des membres de l'équipe de négociation du Québec ont effectué à la fin mars une tournée d'information dans les trois principales régions concernées, soit la Côte-Nord, le Lac-Saint-Jean et la Mauricie. Ils y ont rencontré les intervenants du milieu et les élus municipaux afin de les informer de l'évolution de la négociation. La prochaine étape de cette négociation consiste à quantifier les offres gouvernementales en matière de territoire, de potentiel de développement économique, de compensations, etc. Nous avons besoin, pour ce faire, de la collaboration de nombreux ministères. Il est donc important que les gens comprennent bien les enjeux de cette négociation et qu'ils connaissent l'équilibre global dans lequel elle s'insère. Les trois parties impliquées dans la négociation se sont fixé comme but la signature d'une entente de principe dans 12 mois et d'une entente finale un an plus tard.
J'aimerais maintenant vous parler, M. le Président, de nos relations avec les Cris et de la prénégociation entreprise avec eux en 1993 sur la mise en oeuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Le mandat du négociateur spécial nommé par le premier ministre a été rempli comme convenu et son rapport a été déposé au gouvernement en septembre dernier. Comme je le rappelais ici l'année dernière, il ne s'agit pas de modifier la Convention, mais plutôt de clarifier et d'actualiser certains articles avec les signataires. Étant donné que le Grand Conseil des Cris du Québec a logé toute une série de poursuites judiciaires contre le gouvernement, je ne voudrais pas m'avancer davantage sur le sujet. Je veux seulement réaffirmer la volonté du gouvernement de poursuivre la négociation avec les Cris, d'établir des relations harmonieuses avec eux en réglant les différends dans les meilleurs délais.
J'ai moi-même répondu avec empressement à l'invitation du Grand Conseil des Cris d'assister à son assemblée générale, le 2 novembre dernier, à Waskaganish. Je les ai fortement incités à poursuivre le dialogue amorcé par le négociateur spécial et surtout à ramener le débat au Québec plutôt que de mener des campagnes de dénigrement sur la scène internationale. Les problèmes que nous avons avec la nation crie ne peuvent se régler ailleurs qu'au Québec, et un nombre croissant de leaders cris partagent cette affirmation.
Une troisième négociation est actuellement en cours avec la Société Makivik qui représente la nation inuit. L'enjeu de cette négociation est la mise en place d'un gouvernement autonome au Nunavik. Elle se poursuit parallèlement aux discussions concernant la revue de la mise en oeuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Sur ce dernier sujet, je mentionnerai que les discussions vont bon train à la suite du dépôt par les Inuit de cinq mémoires, soit sur les infrastructures maritimes, l'administration de la justice criminelle, la santé et les services sociaux, l'emploi, la formation et l'industrie de la construction et, finalement, sur les loisirs et récréation. Je peux dès maintenant vous dire que c'est l'intention du gouvernement de poursuivre les négociations entreprises avec les Inuit et d'explorer les moyens de concrétiser ce projet, et, à cet effet, des gestes concrets seraient posés à court terme. Je dois d'ailleurs rencontrer le nouveau président de Makivik, M. Simeonie Nalakturuk, dans les prochains jours, si mon agenda est véridique. Alors, ça me fera plaisir de le voir dans ses nouvelles fonctions, M. le Président.
Concernant les Mohawks de Kahnawake, les discussions ont cours depuis un certain nombre d'années. Cependant, en conformité avec les priorités gouvernementales et dans la foulée de l'après-contrebande, c'est la volonté du gouvernement du Québec de rétablir des pourparlers sérieux avec les Mohawks de Kahnawake afin de discuter des points qui nous opposent et de trouver des solutions constructives et acceptables pour tous. À cet effet, je dois rencontrer, demain, le chef du Conseil de bande de Kahnawake, M. Joe Norton, ici à Québec.
En ce qui concerne les Attikameks, je vous disais l'année dernière que j'étais particulièrement fier d'avoir réussi, après des années de pourparlers, à signer une entente pour la construction de routes d'accès aux communautés d'Obedjiwan, de Weymontachie et de Manouane. Comme prévu dans cette entente, le projet est en bonne voie de réalisation. Nous avons amorcé les travaux de construction d'un pont sur la rivière Saint-Maurice et des travaux d'importance ont été réalisés sur le tronçon de route entre Saint-Michel-des-Saints et Manouane, ainsi que sur celui de La Tuque et Weymontachie. Cette année, les travaux se poursuivront sur la route qui mène à Obedjiwan. Il faut rappeler, M. le Président, qu'il s'agit là de travaux d'envergure et de longue haleine, dont la maîtrise d'oeuvre est assumée par la communauté.
Un autre projet important, c'est la mise en oeuvre de l'entente avec les Algonquins de Lac-Barrière. Je peux vous dire aujourd'hui que ce projet d'aménagement intégré des ressources renouvelables est sur la bonne voie. Nous avons réussi à établir une véritable conciliation entre les entreprises forestières et les Algonquins, de sorte qu'au moment où je vous parle et depuis plusieurs mois les entreprises poursuivent leurs travaux forestiers pendant qu'une série d'études est en marche pour réaliser, entre autres, des inventaires forestiers et fauniques et une étude socio-économique du territoire. Je suis donc confiant, M. le Président, de pouvoir mener à terme cet important projet-pilote qui pourrait servir de cadre de référence dans d'autres régions.
(15 h 30)
D'autre part, afin d'accélérer le règlement de certains dossiers, entre autres, avec la communauté de Uashat-Malioténam, un comité spécial a été mis sur pied au début de cette année. Il est composé de Montagnais de Uashat-Malioténam et de représentants des gouvernements fédéral et provincial. Des pourparlers ont été entrepris, entre autres, sur la pêche au saumon dans la rivière Moisie, sur l'organisation de bingos dans la communauté, la mise en place d'une institution financière, la création d'une ZEC élargie, etc.
En ce qui concerne l'entente signée avec la communauté d'Akwesasne en vue de la construction d'infrastructures communautaires, là aussi, M. le Président, les travaux vont bon train et nous déployons tous les efforts nécessaires pour continuer de respecter nos engagements tels que nous les avons signés dans l'entente de 1990, qui a été signée. Nonobstant les difficultés sociales et politiques que connaît la communauté d'Akwesasne, je crois qu'il est prioritaire de mettre ces projets de l'avant et de confirmer ainsi les engagements pris par le Québec à l'égard de cette communauté.
Nous avons signé, en 1993-1994, des ententes sur les services policiers avec trois communautés, soit Lac-Simon, Uashat-Malioténam et Obedjiwan. Ces ententes sont très importantes, en ce sens qu'elles visent à conférer aux communautés le plein contrôle de leurs services de sécurité. Des ententes seront vraisemblablement signées en 1994-1995 avec d'autres communautés. Dans le cadre de l'Année internationale des populations autochtones, j'aimerais rappeler, M. le Président, qu'un comité interministériel et autochtone a été créé. Composé de six autochtones et de cinq représentants gouvernementaux, ce comité a coordonné une quarantaine de projets réalisés au cours de cette année.
Comme dernier point, M. le Président, permettez-moi de dire quelques mots de ma présentation devant la Commission royale sur les peuples autochtones, le 2 décembre 1993. C'était la première fois depuis près d'une cinquantaine d'années qu'un ministre du gouvernement du Québec participait à une commission royale fédérale. Les relations que vivent les autochtones et les non-autochtones m'ont amené à cette participation exceptionnelle où j'ai tenu à rétablir certains faits et à distinguer, M. le Président, les mythes de la réalité.
D'autre part, pour établir une cohabitation harmonieuse et durable avec les autochtones, l'autonomie gouvernementale qu'ils réclament m'apparaît une condition sine qua non. Or, beaucoup de discussions et de débats ont tourné jusqu'à maintenant autour de concepts généraux, comme le droit inhérent et la notion d'un troisième ordre de gouvernement. Je pense, pour ma part, qu'il est temps de passer à des propositions concrètes sur les meilleurs moyens possible de mettre en oeuvre cette autonomie, sur les aspects fonctionnels de cette autonomie gouvernementale qu'ils réclament et sur comment on peut harmoniser et concilier les différentes activités que vivent les gens qui partagent et qui participent sur un même territoire.
Voilà pourquoi j'ai proposé de lancer une discussion en profondeur visant essentiellement à dégager les aspects pratiques et opérationnels de l'exercice d'une large autonomie gouvernementale par les autochtones. Ce forum devra associer tous les leaders autochtones du Québec, de même que les gouvernements québécois et canadien. Il s'agit de voir, M. le Président, si l'interlocuteur qui pourrait être interpellé du côté des autochtones existe au niveau de l'ensemble des nations ou si on devrait réorienter notre approche auprès des nations en particulier, peut-être en prenant profit du fait que nous négocions déjà avec le CAM pour jumeler cette négociation avec le forum sur l'autonomie gouvernementale; peut-être envisager une possibilité semblable avec les Cris, les Mohawks, mais de nation à nation si ce n'est pas possible de le faire avec l'ensemble des nations d'un coup, M. le Président.
C'est cette proposition que j'ai reprise à la réunion fédérale-provinciale de Toronto, c'est-à-dire un forum général avec les nations autochtones, le 2 février dernier, et qui a d'ailleurs fait l'objet d'un accueil des plus favorables. Elle servira de base de discussion à nouveau les 17 et 18 mai prochain, alors que Québec sera l'hôte de la réunion fédérale-provinciale-territoriale des ministres responsables des Affaires autochtones et des leaders des organismes autochtones nationaux. J'ai eu des échanges avec les leaders autochtones du Québec à ce sujet et j'attends toujours une indication de leur part. J'espère qu'ils accepteront cette approche, d'autant qu'elle semble correspondre à une volonté de plus en plus souvent exprimée par les communautés d'aborder la question de l'autonomie gouvernementale à partir des problèmes rencontrés par les populations locales et non plus à partir de vagues concepts abstraits. Il me semble aussi que l'idée d'un forum réunissant autochtones et non-autochtones devrait recevoir l'approbation de la population en général qui désire voir des solutions concrètes et équitables aux problèmes posés par les autochtones.
M. le Président, je crois avoir fait le tour des principales réalisations et des principaux projets que je veux mener en collaboration avec le Secrétariat aux affaires autochtones. Vous pouvez constater qu'il reste encore beaucoup à faire. Sûrement que nous aurons l'occasion de discuter pendant les quelques heures que nous avons devant nous d'un ensemble de sujets qui n'ont peut-être pas été abordés de façon directe ici, puis d'autres sujets qui peuvent intéresser l'ensemble des membres de la commission. Je vous remercie, M. le Président, ainsi que les membres, pour cette possibilité de venir défendre les crédits pour l'année qui vient.
Le Président (M. Parent): Alors, c'est moi qui vous remercie, M. le ministre, de votre présentation. Je vais maintenant reconnaître le porte-parole de l'Opposition officielle en matière de dossiers autochtones, M. le député de Duplessis. M. le député.
M. Denis Perron
M. Perron: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de participer encore cette année à l'étude des crédits accordés par le gouvernement dans le domaine des affaires autochtones. Vous me permettrez, dans un premier temps, d'exprimer mon désaccord face à l'ensemble de ce que vient de nous exprimer le ministre délégué aux Affaires autochtones, parce que, pour lui, tout semble aller dans le meilleur des mondes entre le gouvernement, les nations autochtones du Québec et entre certaines organisations blanches et autochtones.
D'entrée de jeu, je tiens à faire remarquer au ministre que ma patience a atteint ses limites il l'a remarqué en fin de semaine dernière et que la relation de collaboration constructive que nous avions établie au fil des années est maintenant dépassée. Allons directement au coeur du sujet. Il s'agit là, pour moi, d'une occasion unique et de la dernière chance avant les élections générales de faire ressortir à quel point le chaotique règne libéral a constitué, à tout point de vue, une amère déception dans le dossier autochtone.
Au cours des neuf dernières années, et particulièrement depuis l'été chaud de 1990, on était en droit de s'attendre à des gestes concrets de la part du gouvernement libéral afin, notamment, d'établir des liens solides entre communautés autochtones et non autochtones. Pourtant, à part dépenser des fonds publics, le bilan est plutôt mince et même très mince. Et, pour ce qui est de l'harmonie entre les peuples, il faudra que le ministre repasse.
Dans la même veine, les résultats concrets en matière d'autonomie gouvernementale et de règlement des revendications territoriales se font toujours attendre. D'ailleurs, les 2 000 000 000 $ octroyés par les ministères, organismes et Hydro-Québec aux autochtones entre 1986 et 1993, soit sur sept ans, n'ont toujours pas amené les solutions miracle que le gouvernement libéral semble espérer. Malgré la bonne foi du ministre actuel, son gouvernement n'a plus de crédibilité pour faire avancer le dossier autochtone et, à cet égard, son attitude de soumission constante envers le grand frère fédéral n'a fait qu'entacher encore plus sa réputation déjà chambranlante auprès des premières nations du Québec.
Mais pourquoi est-ce ainsi? Pourquoi un climat aussi malsain persiste-t-il encore au point qu'on risque de se trouver à nouveau dans une crise globale, mais, cette fois-ci, avec la certitude de conséquences tout à fait intolérables pour l'ensemble de la société québécoise? Afin de répondre à ces questions, rappelons brièvement les principales étapes suivantes.
De 1985 à 1990, le dossier des revendications autochtones traîne en longueur au sein du gouvernement Bourassa, et ce, par manque de volonté politique, mais aussi parce qu'on hésite à mettre en oeuvre les résolutions historiques mises de l'avant par le Parti québécois lorsqu'il était au gouvernement et proclamées par l'Assemblée nationale le 20 mars 1985. Le ministre vient de soulever un embryon de certaines décisions qu'il entend prendre face à cette motion de 1985. Les négociations constitutionnelles relatives à l'accord du lac Meech ne constituaient qu'un prétexte à l'inaction. D'ailleurs, le gouvernement s'est trouvé pris de court par la crise d'Oka, avec les conséquences que l'on connaît maintenant: la montée du racisme et de l'intolérance.
Puis, au mois de février 1991, le gouvernement élaborait une stratégie en étapes qui devait atteindre son point culminant par l'adoption d'une politique globale au plus tard en décembre 1992. Après la tenue de consultations et de colloques régionaux, on s'est aperçu rapidement, cependant, que la divulgation des orientations générales du gouvernement allait être retardée, surtout depuis que les libéraux avaient décidé de rentrer dans le rang au niveau constitutionnel à partir du printemps 1992. Dès lors, on s'est continuellement caché derrière le contexte constitutionnel, puis, ensuite, la présence de la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones pour justifier l'inaction du gouvernement.
(15 h 40)
En décembre 1993, le ministre témoignait devant cette Commission et proposait trois solutions au dossier autochtone, qui, à toutes fins pratiques, se résumaient à renvoyer la balle aux leaders amérindiens pour forcer ceux-ci à retourner auprès de leur base pour élaborer des positions cohérentes et représentatives des besoins qui seront exprimés. Le premier coup de salve à l'endroit de ces propositions est venu de nul autre qu'Ovide Mercredi qui refuse de voir le Québec impliqué, en premier lieu, dans des négociations qui, à son avis, ne devraient impliquer que le gouvernement fédéral et les premières nations. Le ministre et son gouvernement semblent donc s'être embarqués dans une voie sans issue. On se retrouve donc à la case départ, M. le Président, à cause de l'incurie de ce gouvernement qui a mis sur la paille sa propre politique pour se lancer corps et âme à la remorque d'une nouvelle dynamique fédéralisante qui réduit le Québec au rang d'acteur de seconde zone, en arrière des paravents.
Ces dernières constatations soulèvent des éléments précis qui nous permettent de répondre aux interrogations soulevées précédemment. Le gouvernement n'a plus de crédibilité sur la question des autochtones. Demandez-le aux Cris, aux Hurons, aux Mohawks et aux autres. Le climat est extrêmement malsain et on risque à tout moment de se retrouver dans une société paralysée par le dossier autochtone, et ce, à cause que le gouvernement libéral ne possède plus le respect de personne en la matière. N'ayant toujours pas de politique globale et parce qu'il a complètement abdiqué ses responsabilités en matière autochtone pour les céder au gouvernement fédéral, le gouvernement libéral ne peut être fier de lui-même. En conséquence, il est normal qu'il soit un interlocuteur peu respecté de la part des premières nations du Québec et de l'extérieur. Le pire est qu'il semble se complaire dans ce rôle d'acteur secondaire.
La cerise sur le gâteau provient, cependant, de l'attitude ridicule adoptée par ce gouvernement qui ne s'offusque nullement d'avoir été mis de côté d'un nouveau comité mis sur pied par le gouvernement canadien pour discuter, notamment, d'autonomie gouvernementale avec les Mohawks de Kahnawake, de Kanesatake et d'Akwesasne. On se cache derrière l'excuse qu'il s'agit d'une table de concertation purement consultative, qu'il n'y a pas de négociation formelle et que le Québec serait sûrement invité si ça prenait une autre tournure. Tout ceci n'est que balivernes, M. le Président, car on est encore en train de se faire avoir. C'est à croire que notre propre gouvernement ne se sent pas concerné par ce qui se passe et qu'il accepte de s'exclure, de lui-même, du processus politique mis en place.
Pendant ce temps, où va l'argent de nos payeurs de taxes, qu'on dépense si généreusement dans l'ensemble du territoire québécois? Tout ceci est vraiment décourageant. À la fin, je commence vraiment à comprendre les raisons pour lesquelles ce gouvernement piétine tant dans le dossier autochtone depuis 1985. Si on a un espoir de voir un jour la situation changer, il faut que le prochain gouvernement prenne la situation en main et qu'il s'impose à nouveau comme interlocuteur valable. Si on veut dépasser le stade de querelles stériles basées sur les seules questions d'application ou de respect de la loi en vue de favoriser une véritable réconciliation entre Blancs et autochtones, il faut évidemment changer nos attitudes mutuelles, mais, avant tout, il faut se débarrasser du gouvernement qui est en place et qui est usé à la corde. En fait, il faut en arriver à un nouveau contrat social avec les premières nations, où nous les acceptons comme partenaires au développement du Québec...
Le Président (M. Parent): S'il vous plaît, M. le député de Chapleau! M. le député de Duplessis, vous avez la parole.
M. Perron: ...et où elles donnent leur accord pour bâtir avec nous un Québec qui ne pourrait être que souverain. Il faudra avoir le courage et l'ingéniosité de créer des ententes évolutives conclues sans extinction des droits autochtones et où seront définies les modalités de notre collaboration et du partage de nos ressources. Quant à moi, il faut négocier de bonne foi de la part des deux parties. Il faut en arriver à la signature d'ententes, à l'application de ces ententes et au suivi de ces ententes. Quant à relancer la balle aux autochtones en espérant qu'ils définissent ce que veut dire l'autonomie gouvernementale, ça ne suffit plus. Si on veut que les premières nations participent activement au développement de leur territoire et du territoire québécois, cela exige une vision globale des choses et pas seulement l'espoir magique que des ententes administratives sectorielles régleront le tout.
Alors, M. le Président, il est clair dans mon esprit que ce que nous a énoncé le ministre est entièrement une répétition de ce que nous avons entendu au cours des quatre dernières années. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Parent): C'est moi qui vous remercie, M. le député de Duplessis. On va maintenant débuter... Est-ce qu'il y a d'autres membres de cette commission qui désireraient faire des déclarations d'ouverture? Alors, s'il n'y en a pas, on va passer immédiatement à l'étude des crédits du programme 4. Alors, suite à une entente que nous avons eue entre les deux partis politiques, on n'ira pas de façon spécifique, mais je cède la parole au représentant de l'Opposition officielle, M. le député de Duplessis.
Discussion générale
M. Perron: Alors, si vous permettez, M. le Président, le sujet que je voudrais aborder d'abord, c'est l'analyse globale des crédits. Les crédits de ce programme augmentent de 250 000 $, c'est-à-dire environ 4,3 %, en 1994-1995 par rapport à 1993-1994. Les renseignements supplémentaires sur les crédits offrent, quant à eux, une vision différente des choses. On constate, en effet, que les dépenses probables pour 1993-1994 ont dépassé de plus de 243 000 $ les crédits prévus à cet effet l'an passé. Si on procède à une comparaison rapide entre les dépenses globales pour 1993-1994 et les crédits prévus pour 1994-1995, on s'aperçoit qu'il y a une différence minime de 7400 $, soit une augmentation réelle d'à peine 1 % au niveau des sommes d'argent prévues pour l'année financière en cours. Il faut comprendre que ce même stratagème s'était produit en 1992-1993, alors que les dépenses effectives ont dépassé de près de 300 000 $ les crédits prévus durant cette année-là.
Ma première question au ministre: Est-ce que le ministre pourrait nous dire quelle est la portion des 800 000 $ additionnels accordés pour les négociations avec les autochtones qui est allée respectivement au CAM ainsi qu'aux Cris et Inuit?
Le Président (M. Parent): M. le ministre.
M. Sirros: Vous me permettrez peut-être un petit commentaire au départ, M. le Président...
Le Président (M. Parent): Allez, M. le ministre, ce sont vos crédits.
M. Sirros: ...dans l'enveloppe du temps.
M. Perron: C'est de bonne guerre, M. le Président.
M. Sirros: C'est de bonne guerre. Je suis un peu surpris de voir comment ça a changé si rapidement, M. le Président, l'attitude du député de Duplessis qui, pas plus loin que l'année passée, dans cette même étude des crédits, félicitait le ministre pour l'excellent travail accompli, félicitait le gouvernement pour les efforts de rapprochement qu'on faisait avec les autochtones et, tout d'un coup, ici, maintenant, c'est comme s'il n'y avait rien qui s'était passé. J'ai un peu de difficulté à comprendre si le député en voulait au gouvernement, aux autochtones, à la situation en général ou si c'était juste une expression de frustration préélectorale...
Une voix: C'est justement ça.
M. Sirros: ...ou je ne sais pas exactement quoi, M. le Président.
M. Perron: Ha, ha, ha!
M. Sirros: Il faut quand même mettre certaines choses dans un contexte. On est dans un domaine où on essaie de s'entendre avec un autre groupe d'humains avec lesquels on vit depuis longtemps des difficultés de compréhension et, je dirais même, l'inexistence de relations, surtout avec le gouvernement du Québec. Je suis un peu surpris je resterai avec ce mot de voir le député parler de l'abdication de la responsabilité du gouvernement du Québec vis-à-vis le dossier autochtone. Dois-je lui rappeler qu'il n'y a pas de responsabilité comme telle? C'est, effectivement, en termes de juridiction, une responsabilité fédérale. Il y a une responsabilité morale que nous avons tous, y inclus le gouvernement du Québec et surtout le ministre délégué aux Affaires autochtones du gouvernement du Québec, de faire en sorte qu'à l'intérieur de nos responsabilités comme élus, comme représentants d'un gouvernement, on s'efforce de travailler avec le contexte que nous avons pour amoindrir les conflits, aplanir les difficultés. Et c'est pour cette raison exactement que, l'année passée, le député me félicitait, parce qu'il trouvait qu'on faisait un excellent travail. Alors, je suis déçu de voir que, cette année, il a oublié ce qu'il a dit l'année passée.
Mais je tiens à le rassurer: en ce qui me concerne et en ce qui concerne le gouvernement, nous persisterons, dans le calme, sans nous offusquer de ces écarts de langage qui, des fois, découlent de ces travaux parlementaires, de la part du député de Duplessis et de ses collègues du Parti québécois. On comprend bien qu'il voudrait bien nous parler de... Je pense qu'il a parlé d'espoir magique en se référant à nous. Mais c'est son chef qui, hier, disait que le Québec serait un immense chantier si jamais l'indépendance se faisait, que tout irait merveilleusement bien et, avant-hier, que c'étaient les autochtones qui seraient comblés de joie si jamais le Québec était indépendant et devenait un pays séparé, parce que, tout d'un coup, au Québec, supposément, les autochtones trouveraient leur compte dans un pays indépendant, bien au-delà de ce qu'ils arrivent à trouver à l'heure actuelle au Canada.
(15 h 50)
Il me semble que ce sont là non pas des espoirs magiques, mais des pensées magiques, M. le Président, des choses qui ne tiennent pas de la réalité. Il ne reste qu'à dire que, le lendemain de cette accession au pouvoir, tout le monde va être dans les rues et va être en train de danser de joie, va être comblé et que tout va aller comme s'il n'y avait pas un problème au monde, M. le Président. Il y a des problèmes très concrets qu'on vit, très réels, et ce que nous devons nous efforcer de faire et c'est ce que nous faisons, tout au moins dans ce dossier-ci, depuis que je suis là, c'est ce que je m'efforce de faire c'est de prendre les problèmes concrètement, un à un, et d'essayer d'arriver à des ententes. Nous avons conclu beaucoup d'ententes sur des dossiers spécifiques.
Nous menons de front aussi toute une démarche globale, si vous voulez, vis-à-vis des thèmes plus politiques, plus généraux, telle l'autonomie gouvernementale, telles les discussions antérieures sur les amendements, le troisième ordre de gouvernement, le droit inhérent, etc. Ce sont des courants qui sont là et on ne peut pas s'esquiver. Il faut participer à ces discussions-là. Par exemple, au niveau du forum interprovincial et fédéral sur la question autochtone, je dois dire qu'on joue un certain rôle, on exerce un certain rôle de leadership, dans le sens qu'on veut s'assurer que les discussions se mènent sur un terrain concret. Et c'est ce que j'ai proposé à la dernière conférence des ministres provinciaux, qui a trouvé un bon appui de la part de l'ensemble des provinces.
Il y avait le chef de l'Assemblée des premières nations, M. Mercredi, qui persiste à dire que, quant à lui, c'est une démarche de révision constitutionnelle qu'il faut reprendre. Je lui ai répété à ce moment-là, et je le répéterai de nouveau lors de la conférence du mois de mai, que, quant à nous, on est bien mieux avisés de s'attarder à trouver comment on peut mettre sur pied, de façon concrète, cette autonomie gouvernementale avant de s'embarquer dans des discussions constitutionnelles pour lesquelles nous n'avons aucun intérêt à l'heure actuelle, M. le Président.
C'est dans ce sens que je disais, lors de mon introduction, que, si ça ne peut pas fonctionner avec l'ensemble des premières nations autour d'une même table pour définir les concepts d'autonomie gouvernementale, peut-être qu'on devrait regarder la possibilité de le faire nation par nation. Il y a certaines nations qui sont structurées pour pouvoir discuter d'autonomie gouvernementale. Et, comme on le sait, c'est différent pour chaque nation, de par leur contexte géographique, socio-économique, sociopolitique même, je dirais. Demain, je rencontre le chef Norton, de la communauté de Kahnawake.
Le député veut essayer, encore une fois, de faire un feu de paille avec les questions touchant les Mohawks et un comité de travail du gouvernement fédéral. Tant mieux si les gens se parlent au fédéral sur des choses qui les touchent et les concernent. Vous savez fort bien que les conseils de bande, les réserves, la Loi sur les Indiens, tout ça est de juridiction fédérale et il n'est que normal qu'il y ait des discussions entre le fédéral et les autochtones. Et d'autant plus dans le dossier des Mohawks. Vous savez fort bien que, jusqu'à tout récemment tout au moins, les Mohawks refusaient même d'envisager des pourparlers ou des discussions avec le gouvernement du Québec parce que, disaient-ils, ce n'était pas un gouvernement qui, quant à eux, représentait quoi que ce soit; c'était strictement et uniquement le gouvernement fédéral qui était la Couronne.
Nous avons fait du progrès tranquillement depuis quatre ans à tel point que, demain, j'aurai le plaisir de rencontrer ici, à l'Assemblée nationale, le chef de la communauté mohawk de Kahnawake pour, justement, souligner ce qui, je pense, arrive à un dégel dans nos relations. Non pas que nous sommes prêts à résoudre les problèmes sérieux, difficiles qui nous confrontent de part et d'autre et qu'il faut qu'on essaie de régler, mais, si on réussit à faire ce dégel, c'est peut-être parce que, effectivement, les félicitations que me faisait l'année passée le député de Duplessis étaient bien méritées. Et, cette fois-ci, on arrive à pouvoir entamer un dégel. Peut-être le fait aussi qu'on a réussi à clarifier et à nettoyer la question de la contrebande du tabac a enlevé un immense irritant et un immense obstacle, je dirais, à la reprise de relations un peu plus saines, surtout avec les communautés mohawks et le gouvernement du Québec.
Alors, cela ayant été fait il y a à peine deux mois et rapidement, je dirais, par un gouvernement déterminé à agir efficacement et radicalement même pour l'enrayer complètement pour l'essentiel, dans les réserves autochtones au niveau du tabac, cet obstacle majeur étant un peu sorti du tableau, nous pouvons donc entamer ou entreprendre nos relations avec une autre approche, avec moins de contraintes causées par l'existence dans ces communautés d'intérêts extrêmement puissants qui pourquoi ne pas le dire comme on le croit? déstabilisaient, si vous voulez, la possibilité d'arriver à des ententes.
Il y a une volonté qui est exprimée de la part d'un certain leadership dans les communautés mohawks, et à Kahnawake en particulier, de corriger une perception qui, quant à eux, n'est pas ce qu'eux autres prétendent vivre. Il y a une volonté de notre part de régulariser un certain nombre de choses ayant à la base un certain nombre de principes, tel que ça a été souligné pas plus loin qu'il y a une heure à peu près à l'Assemblée nationale vis-à-vis, par exemple, l'application des lois. À moins qu'on change quelque chose, il ne peut pas y avoir de changement unilatéral de la situation au niveau de l'application générale des lois, etc.
Alors, je dois, en tout cas, prendre un autre chemin que celui que propose le député de Duplessis et dire que nous avons l'intention de continuer à travailler calmement, solidement, mais de façon déterminée pour arriver petit à petit, s'il le faut, à changer la dynamique qui caractérise nos relations avec les autochtones. Et je dois dire que si, depuis quatre ans, nous nous efforçons, à partir du moment où il y a une crise que, je pense, personne ne s'attendait à voir, de cette façon, éclater sur la scène politique québécoise et canadienne, et internationale même, bien, depuis quatre ans, il me semble que le climat est bien différent. On se parle.
Même avec les Cris, si, là encore, les choses ne sont pas toutes finalisées, j'ai eu l'occasion et le plaisir, je dirais, d'échanger de façon directe, franche avec le leadership cri, avec les communautés cries, d'avoir pu recevoir ici, à l'Assemblée nationale, à l'occasion du 30e anniversaire de la présence du Québec dans le Grand-Nord québécois, un ensemble d'intervenants autochtones, y inclus le chef Matthew Coon Come; là aussi, nous nous sommes parlé devant le public et à l'Assemblée nationale très franchement. Oui, nous avons des différences, mais, au moins, on a créé depuis plusieurs années un climat qui nous permet de se parler, et c'est en se parlant qu'on va arriver, au bout de la ligne, à régler les problèmes.
Ça ne veut pas dire que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, au contraire. Je suis assez réaliste pour me rendre compte qu'il y a des difficultés énormes qui nous séparent, un contexte historique extrêmement difficile, un contexte politique difficile, et dois-je dire que le projet d'indépendance en particulier, proposé par le Parti québécois, loin de calmer les esprits au niveau des autochtones qui devraient sauter de joie, selon ce que disait le chef du Parti québécois pas plus tard qu'il y a deux jours, les inquiète énormément. Ça les inquiète énormément parce que, dès qu'on commence à déstabiliser une entité politique, on s'embarque dans une aventure dont on ne connaît pas la fin.
Et le projet de création d'un pays indépendant, du Parti québécois, qui doit nécessairement amener le gouvernement éventuel qui enclenchera, semble-t-il, aussitôt élu, si jamais on avait ce malheur-là, le processus de séparer le Québec du reste du Canada afin d'arriver à établir un Québec indépendant ou souverain utilisez les mots que vous voulez ça déstabilise une entité politique déjà en place. Dans ce sens-là, je trouve que ce n'est que normal que non seulement les autochtones, mais beaucoup de Québécois réagissent avec le scepticisme qu'il faut bien avoir devant les prétentions, en tout cas, magiques, loufoques...
Le Président (M. Parent): J'aime mieux «magiques».
M. Sirros: ... «Magiques»? O.K. J'arrêterai avec «magiques» des représentants du parti qui nous concerne.
Crédits additionnels accordés pour les négociations avec les autochtones
Maintenant, pour revenir aux 100 000 $...
M. Perron: Aux 800 000 $.
(16 heures)
M. Sirros: ...aux 800 000 $, c'est les dépenses, effectivement, oui, pour les négociations auxquelles on s'affaire tant du côté du CAM que du côté des autochtones. Le député voulait savoir au juste quelle partie allait où.
M. Perron: Les 800 000 $ additionnels accordés pour les négociations. Ça va au CAM et aux Cris.
M. Sirros: C'est ça. Au budget de 1994-1995, dans Fonctionnement Autres dépenses, comme le député l'a noté, il y a des crédits additionnels de 800 000 $ qui sont accordés pour les négociations avec le CAM, pour la mise en oeuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois avec les Cris et les Inuit. La différence par rapport à l'année précédente est due aux compressions des dépenses par le Conseil du trésor, au transfert de la responsabilité de la bibliothèque administrative du H et à des réaménagements budgétaires internes, parce qu'il y avait, avant, un montant qui incluait autre chose dans Fonctionnement Autres dépenses. Il y avait une partie qui était pour les négociations et d'autres choses aussi. Globalement, il y a eu une augmentation.
Maintenant, je ne sais pas si on a exactement le «breakdown», si vous voulez, par rapport au CAM et aux Cris. On pourrait vous donner les montants, la ventilation, s'ils peuvent nous la fournir.
(Consultation)
M. Sirros: C'est ça. La difficulté, c'est qu'il y a du personnel qui travaille sur les deux dossiers. Alors, on pourrait faire l'effort de trouver le maximum, tout au moins, par exemple, faire la ventilation des montants qui sont allés au négociateur pour le CAM, au négociateur pour...
M. Perron: Parce que, l'an passé, il y avait un montant de 1 500 000 $ qui est allé pratiquement tout au CAM pour les négociations et, cette année, on met un autre montant de 800 000 $ qui, lui aussi, va se diriger probablement en grande majorité vers le CAM.
M. Sirros: Je peux le demander peut-être au responsable des négociations.
M. Perron: J'aimerais bien avoir une répartition de ces montants-là pour savoir où on s'en va avec tout ça, parce que c'est beaucoup d'argent.
Le Président (M. Parent): M. le ministre, un de vos collaborateurs pourrait peut-être éclairer le député de Duplessis.
M. Sirros: Le responsable des négociations, M. Georges Beauchemin.
Le Président (M. Parent): M. Beauchemin.
M. Perron: Oui, ça va, M. Beauchemin.
Le Président (M. Parent): Allez, M. Beauchemin.
M. Beauchemin (Georges): L'an passé, vous vous souviendrez que la prénégociation du CAM avait duré à peu près neuf mois. Sur la base de ces neuf mois qui ont chevauché sur deux années budgétaires, donc le montant qui a été reconnu sur une base budgétaire, sans prendre en compte les salaires du personnel à temps complet qui travaille sur les dossiers de négociation... Vous mentionniez un montant d'à peu près 600 000 $ l'an passé. Là-dessus, à peu près 355 000 $ en dépenses reconnaissables avaient été affectés au CAM; le restant, à peu près à parts égales entre les Cris et les Inuit. On s'attend à ce que cet ordre de proportion soit encore respecté cette année entre le CAM, les Cris et les Inuit, dépendamment de la vitesse à laquelle... Et vous savez qu'en négociation on n'est pas capables de prévoir à l'avance où on en sera dans six mois nécessairement, bien qu'on voudrait y être. On s'attend, grosso modo, à avoir à peu près le même ordre de répartition entre les dossiers.
Le Président (M. Parent): Merci, M. Beauchemin. Est-ce que ça répond à votre question, M. le député de Duplessis?
M. Perron: Partiellement, mais il y a des chiffres qui vont suivre éventuellement, je présume.
Des voix: Oui.
M. Perron: Bon.
Le Président (M. Parent): Êtes-vous en mesure de fournir les renseignements supplémentaires demandés par le député de Duplessis?
M. Sirros: On va fournir le «breakdown» le plus détaillé qu'on peut au niveau des dépenses qui sont allées au CAM, aux Inuit et aux Cris à travers ces montants-là.
Le Président (M. Parent): Merci, monsieur.
M. Perron: M. le Président, avant de procéder à l'autonomie gouvernementale des autochtones dont le ministre a tellement parlé tout à l'heure, surtout dans la réponse qu'il m'a donnée, je voudrais d'abord lui dire qu'en ce qui a trait aux déclarations qui ont été faites par M. Parizeau je pense que le ministre a charrié pas mal en ne rapportant pas textuellement ce qui a été dit par M. Parizeau. Il n'a jamais été question que c'était le meilleur des mondes ou quoi que ce soit; il n'est pas question de ça.
M. Sirros: On sait ça. On sait ça.
M. Perron: Oui, bien, c'est ça que le ministre pense, mais c'est une autre chose que... Je pense qu'il serait peut-être mieux d'aller apprendre ses leçons pour mieux faire ses devoirs.
Quant aux félicitations, le ministre pourrait peut-être s'en rapporter à ce que j'ai dit l'année dernière. Les félicitations que je lui ai faites, c'est en rapport avec la fourniture des documents et non pas avec les actions du gouvernement. J'ai remercié le ministre pour avoir fourni beaucoup de documents qu'on n'avait pas antérieurement. C'est là-dessus que je l'ai félicité; ce n'est pas sur d'autre chose que ça.
M. Sirros: Pour Lac-Barrière?
M. Perron: Puis, d'autre part, c'est que l'année dernière... Il ne faudrait pas que le ministre oublie aussi qu'à un moment donné il y avait tellement de choses qui se passaient, qui étaient supposées se passer dans le dossier des autochtones, puis qui ne se sont pas passées depuis ce temps-là. C'est qu'à un moment donné il faut donner la chance au coureur, puis le coureur n'a pas couru, le coureur est resté au neutre. Ce n'est pas de ma faute, ça, et ce n'est pas de la faute du peuple québécois, et ce n'est pas de la faute des autochtones, non plus.
Quant à la contrebande du tabac, c'est vrai qu'il y a eu effectivement élimination, presque élimination de la contrebande. Mais le ministre sait très bien qu'il se ramasse avec d'autres problèmes de contrebande actuellement en rapport avec l'alcool, en rapport avec les vins, en rapport avec les cosmétiques, en rapport avec les parfums. Puis ça va faire quoi, ça, dans l'avenir? Ça va faire quoi? On va arriver à quoi? Qui va devoir payer la note du manque à gagner du gouvernement du Québec à un moment donné? C'est ceux et celles qui travaillent, qui sont sur le marché du travail et qui, actuellement, paient pour les deux bouts. C'est à ça que je faisais allusion.
Puis, vous savez, M. le Président, quand on regarde et que le dossier autochtone avance petit à petit et que le ministre préfère s'en aller petit à petit, je vais vous dire une chose, il serait peut-être mieux de prendre le taureau par les cornes, à un moment donné, et de dire: On va le régler, le problème autochtone, puis on va le régler entre les Blancs et les autochtones, et on va faire ça de façon concrète de part et d'autre. Il va falloir arrêter de se faire charrier comme on se fait charrier actuellement sur la Côte-Nord dans le bout de Natashquan, où on veut traverser un pont qui ne touche même pas à l'eau, puis que, là, ils ont demandé des audiences publiques pour faire un pont qui coûte 700 000 $. Il y a tout de même des limites, à un moment donné. Puis, là, tous les camionneurs sont arrêtés de travailler. Les crédits du gouvernement qui étaient supposés aller là ne sont plus là; ils vont sûrement être envoyés dans un comté libéral.
Une voix: Eh!
M. Perron: Ce sont toutes des choses comme celles-là qui se passent actuellement. Puis c'est des petits dossiers. On construit pendant quatre ans une route qui part de Pointe-Parent et qui s'en va en direction de la rivière Natashquan et, tout à coup, on arrive à un kilomètre de là et il y a deux tentes qui se construisent de chaque côté, on n'est plus capables d'avancer parce qu'il y a des gens qui, en vertu de la loi fédérale, ont demandé des études environnementales, et peut-être éventuellement des audiences publiques, pour un pont de 700 000 $ qui ne touche même pas à l'eau, qui part de la rive ouest et qui s'en va sur une île, et qui part de l'île et qui s'en va sur la rive est. Il y a, tout de même, des maudites limites! Puis, tout ça, ça arrête la progression, pendant que la population de Kegaska, qui est à peu près à 30 mi de Natashquan à l'est, attend pour se faire désenclaver.
Votre sous-ministre sait très bien c'est quoi, le comté de Duplessis, parce qu'il a été député de Manicouagan pendant quatre ans, quatre ans et demi. Il sait c'est quoi. Il sait quels sont les besoins. Mais à toutes les maudites fois qu'on veut faire de quoi, ne serait-ce que construire un petit chalet en bois rond, on se ramasse avec des oppositions de part et d'autre, puis, là, bien, tout arrête. Bien, ce sont ces choses-là qu'il faudrait régler pour les populations régionales et les populations locales. Je pense que le ministre, quand il dit qu'il y va petit à petit, bien, il y va petit à petit et ça paraît aussi parce qu'il n'y a pas grand-chose qui se règle.
Si vous permettez, M. le Président...
Le Président (M. Parent): M. le député de Duplessis, j'ai une demande d'intervention de la part du député de l'Acadie. Selon la règle de l'alternance, on va écouter le député de l'Acadie et on reviendra à vous immédiatement après. M. le député de l'Acadie.
M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Disons que j'ai une question à poser à M. le ministre, mais, avant de poser ma question, j'aimerais peut-être faire certains commentaires. J'ai écouté tout à l'heure avec attention les remarques préliminaires du député de Duplessis. Au fond, son discours était essentiellement un discours négatif où tous les problèmes étaient occasionnés par le gouvernement, où toutes les solutions étaient, semble-t-il, en réserve au niveau de l'Opposition. Il y a peut-être certaines choses qu'il faudrait rectifier.
Il parlait de la montée de l'intolérance en 1990. Évidemment, je pense que tout le monde se souvient que c'est des événements malheureux auxquels on a dû faire face. Mais, sur la montée de l'intolérance en 1990, il faudrait peut-être se rappeler certaines choses au moment où le chef de l'Opposition suggérait que la solution ou sa suggestion à lui, une suggestion souvent simpliste et à l'emporte-pièce, comme on lui en connaît souvent, c'était d'envoyer l'armée là-dedans et de rentrer là-dedans à pleine capacité pour régler le problème, comme si, en arrière des problèmes qu'on voyait, qui étaient visibles, il n'y avait pas d'autres problèmes sous-jacents qui étaient beaucoup plus profonds et auxquels il fallait s'attaquer. Le chef de l'Opposition, à ce moment-là, sa solution, c'était de rentrer là-dedans et on réglerait le problème comme ça.
Le député de Duplessis parlait de la montée de l'intolérance. Il faudrait peut-être se poser des questions, à savoir quel genre de discours pouvait peut-être alimenter l'intolérance, aussi, à ce moment-là. À la suite de ces événements-là, on a vu l'Opposition prendre toutes sortes de positions, ou d'oppositions justement, et, à un moment donné, le chef de l'Opposition a décidé qu'il fallait couper les ponts, que le climat n'était plus à la discussion avec les communautés autochtones. Alors, le Parti québécois s'est replié, au fond, sur ses positions et a fermé les portes, à ce moment-là, avec l'Opposition.
(16 h 10)
Comme par hasard, la semaine dernière, M. le chef de l'Opposition considérait maintenant que c'était peut-être le moment venu, et je ne sais pas si ça coïncide avec les élections ou quoi. Et on avait même inscrit à son agenda qu'une des premières activités qu'il ferait au moment où les élections seraient déclenchées, ce serait de se rendre au niveau des communautés autochtones pour discuter maintenant avec les communautés autochtones de l'avenir des communautés autochtones au Québec. Ça me semble être une attitude qui est fort discutable et je pense que ça méritait d'être rappelé.
Le gouvernement du Québec et le ministre des communautés autochtones ont fait preuve depuis un certain nombre d'années de réalisme dans la façon d'aborder les problèmes. Ce sont des problèmes complexes et ce n'est pas avec des solutions simplistes ou des solutions qui, de façon visible, semblent attirer l'attention qu'on va régler des problèmes qui sont beaucoup plus profonds. Je pense que le Québec s'est attaché à régler ces problèmes-là dans le respect des parties impliquées, avec une ouverture et une compréhension des points de vue, même s'il y a des différends. On a fait preuve, je pense, et le ministre en est la preuve éloquente, de persévérance et de patience dans l'élaboration des solutions. Quand on regarde l'ensemble des communautés autochtones qui existent, qui vivent actuellement sur le territoire québécois, il y a un très grand nombre, une très grande majorité des communautés autochtones où les problèmes sont réglés de façon pacifique, et ce n'est pas de ceux-là qu'on parle; on parle seulement des problèmes qui persistent et auxquels le gouvernement continue de travailler avec une certaine rationalité et non pas en jouant sur les émotivités.
Efforts pour améliorer l'image du Québec à l'étranger
Voici la question que je voulais poser, M. le Président, au ministre responsable des Affaires autochtones. On sait que, depuis un certain nombre d'années, il y a des différends qui existent sur un certain nombre de points entre le gouvernement du Québec et certaines communautés autochtones. On voit, simultanément à ces différends-là, à l'étranger, aux États-Unis, en Europe, partout, des représentations qui sont faites par certains groupes autochtones et certains groupes aussi d'environnementalistes qui vont souvent transmettre de l'information qui est plus ou moins exacte. Évidemment, ces informations-là ou ces représentations-là font tort au Québec sur le plan international, et national quand je pense à l'ensemble du Canada. J'aimerais savoir quelles sont les actions que prend le ministre des Affaires autochtones à l'intérieur de ses responsabilités à lui pour atténuer un peu ces effets négatifs qu'on observe actuellement à l'égard du Québec.
Le Président (M. Parent): M. le ministre délégué aux Affaires autochtones.
M. Sirros: M. le Président, je remercie le député pour ses commentaires et ses questions. C'est, effectivement, un dossier complexe qu'il faut quand même aborder, au-delà de ce que nos rôles respectifs de parlementaires dans des partis différents nous obligent à faire des fois. C'est quand même un dossier qui est permanent au niveau de l'avenir du Québec, peu importent les choix qu'on fera. C'est dans ce sens-là que la question du député est importante aussi, parce que l'image qui est souvent véhiculée à l'extérieur du Québec, il faut être conscient de ce qui se passe.
Je commencerai en disant, tout d'abord, qu'il faut bien se rendre compte que ce que nous lisons ici par rapport à ce qui a été dit ou véhiculé à l'extérieur est souvent amplifié ici en termes d'importance qui lui est véritablement accordée à l'extérieur, c'est-à-dire que, souvent, des choses qui sont, dans le contexte où elles sont données, mineures... Et je ne veux pas minimiser ce qui se fait, pas du tout, mais souvent, ici, on va retrouver en première page, par exemple, ce que quelqu'un a dit qui aurait été rapporté dans la quinzième page à l'intérieur d'un journal X en Europe. C'est la première chose qu'il faut dire.
Ce que nous faisons, c'est que nous travaillons très étroitement avec le ministère des Affaires internationales qui fait un genre de «monitoring» de ce qui se dit par rapport au Québec. Aussitôt qu'il y a des choses qu'il faut corriger, nous nous efforçons de rencontrer des gens pour les corriger, soit par le biais d'informations qu'on envoie directement au journaliste en question ou en participant nous-mêmes à différents colloques et conférences tant du côté des États-Unis que de l'Europe. Nous avons aussi des relations constantes, à travers les délégués généraux, avec les différents décideurs, que ce soit au niveau des académiciens, que ce soit au niveau des médias d'information, où on essaie de leur fournir le plus objectivement possible l'information qui correspond à la réalité vis-à-vis la question environnementale, la question des droits des autochtones ou les ententes que nous avons ici avec les autochtones.
Le député faisait remarquer tantôt que, quand vous regardez ce que le gouvernement du Québec a fait depuis huit ans vis-à-vis les autochtones, ce n'est pas rien. Et une des raisons pour lesquelles on a commencé à faire cette compilation au niveau des dépenses qui proviennent de chacun des ministères sectoriels, c'est justement pour pouvoir être conscients de l'effort qui est fait et du suivi qu'on donne aux engagements qu'on a pris dans les conventions que nous avons signées.
Alors, sur le plan international, quoiqu'il est vrai que souvent comment je pourrais dire? l'élément environnemental jumelé à la question autochtone fait en sorte que c'est souvent un sujet très intéressant à véhiculer sur la place publique, à travers les médias, c'est «politically correct», je dirais, ce qu'il faut faire devant ça, nous le faisons, c'est-à-dire mettre aussi à côté de ça, tout en acceptant que c'est effectivement très important de veiller au grain quant à l'environnement et de s'assurer aussi que les peuples autochtones puissent évoluer en tant que nations, en tant qu'entités distinctes vis-à-vis leur avenir propre...
Et c'est pour ces raisons-là que nous devons revaloriser les relations que nous avons avec eux, expliquer les ententes qui sont là, mettre à côté de ça les différents scénarios ou procédures d'évaluation environnementale que nous nous sommes donnés. Et c'est ce que nous nous efforçons de faire à travers le ministère des Affaires internationales, les délégués généraux et les contacts directs qu'on peut établir entre différents ministères, entre autres, le ministère des Ressources naturelles dont j'aurai l'occasion de discuter à un autre moment aussi. Que ce soit avec les gens aux États-Unis et en Europe, on essaie de s'assurer que cette information se véhicule.
L'autre volet de ce que je m'efforce depuis un certain nombre de mois de faire, c'est rappeler aux gens qui sont sur la scène publique, aux Cris en particulier... Et je dois dire que je constate depuis un certain temps, sinon un arrêt total de ce genre de campagne publicitaire je crois déceler un virage un amoindrissement ou un assouplissement plutôt dans les déclarations faites, ou dans le ton, ou dans les endroits où c'est véhiculé. Non pas que tout est arrêté, loin de là. Mais ce que j'ai rappelé aux Cris, c'est que je pense que, dans la mesure où ils expriment la nécessité et la volonté de s'entendre et de s'asseoir ensemble pour qu'on puisse s'entendre, ici au Québec, sur les changements, les modifications, les ajustements, la poursuite de la mise en oeuvre, peu importe quel mot on utilise, si on veut s'attarder à corriger et à améliorer notre relation, bien, il va falloir quand même que chacun travaille pour créer le climat nécessaire à ça.
Et un des éléments clés du climat nécessaire pour pouvoir faire ça, c'est qu'on ramène ici, au Québec, le débat; au lieu d'être sur la scène internationale, qu'il soit ici, au Québec. On a des différences, oui; on peut se parler, on peut les régler en se parlant directement ici. Si on commence, chacun, à sortir et à aller à l'extérieur pour pointer l'autre du doigt, il me semble qu'on travaille simplement à maintenir l'écart, et nous voulons le réduire. Pour le réduire, il faut qu'on arrête de faire un certain nombre de choses. C'est dans ce sens-là que, je pense, les discussions que nous avons et les échanges que j'ai avec les Cris, avec le grand chef en particulier, tranquillement nous amènent à voir une possibilité de reprise du dialogue dans ce contexte-là.
La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le ministre. M. le député de Duplessis.
M. Perron: Oui, Mme la Présidente. Je reviendrai sur les crédits un peu plus tard, si on a le temps, parce que je sais qu'on est un peu restreints dans le temps.
Autonomie gouvernementale des autochtones
Quant à l'autonomie gouvernementale des autochtones, puisque le ministre l'a soulevée et que je l'ai soulevée aussi en quelque sorte lors de mon allocution d'ouverture, c'est qu'à partir de 1993, date à laquelle le ministre délégué aux Affaires autochtones a commencé à référer fréquemment à l'importance des travaux de la commission Erasmus-Dussault, on a compris, à ce moment-là, que le gouvernement libéral mettait définitivement sur la glace son projet visant à adopter une politique québécoise en matière d'affaires autochtones mettons qu'on n'est peut-être pas complètement assurés de ça, mais ça s'oriente dans ce sens-là, d'après ce qu'on peut voir, suite aux événements qui se sont passés au cours des derniers mois se mettant plutôt à la remorque d'une nouvelle dynamique pancanadienne dominée actuellement par le gouvernement fédéral.
(16 h 20)
Puis, en passant, il est clair que, suite à ce que disait le ministre en rapport avec les interventions internationales faites par les Cris et d'autres nations autochtones, il est vrai que petit à petit le gouvernement a fait un bout de chemin pour essayer de démolir ce qui était dit sur la place internationale. Mais, par contre, une chose qui est remarquable, même si le dossier autochtone est effectivement, en vertu de la Constitution canadienne, de juridiction fédérale, le fédéral n'a pas crié fort pour vous aider, non plus, là-dedans et nous aider à faire comprendre les choses. Il aurait pu le faire, mais il ne l'a pas fait beaucoup. Ça, c'est clair. Parce que toutes les dénonciations qui ont été faites ont été faites par le gouvernement du Québec, elles ont été faites aussi par certains membres de l'Opposition, elles ont été faites aussi par certains organismes de l'ensemble du territoire québécois.
Pour revenir sur la question de l'autonomie gouvernementale, c'est qu'au départ on hésitait à mettre en oeuvre les résolutions historiques mises de l'avant par le gouvernement en 1985, puis, ensuite, on s'est caché derrière les échecs constitutionnels, comme je le mentionnais dans mon allocution, et la tenue d'une commission d'enquête fédérale dont le rapport final ne sera qu'en janvier 1995. C'est quelque part dans le temps, assez loin.
En décembre 1993, le ministre délégué aux Affaires autochtones comparaissait devant la commission Erasmus-Dussault et proposait trois solutions au dossier autochtone, qui venaient confirmer nos appréhensions: premièrement, l'adoption d'une série d'attitudes et de mesures pratiques visant à améliorer les conditions de vie dans les communautés autochtones, notamment dans le domaine de la santé, de l'administration de la justice, des services policiers, du développement économique; deuxièmement, la mise sur pied d'un forum politique tripartite, fédéral, provinces et autochtones, afin de définir les paramètres de l'autonomie gouvernementale; et, troisièmement, l'élaboration d'un mécanisme de résolution des conflits, probablement du style de ce qui existe actuellement en Australie. Ça, le ministre n'a pas élaboré davantage là-dessus.
Ma première question est la suivante. C'est qu'au début de février 1994, à l'issue de la rencontre des ministres responsables des Affaires autochtones, Ovide Mercredi lui-même a déclaré qu'il rejetait l'idée de créer un forum politique tripartite, tel que proposé par le gouvernement du Québec. Est-ce que le ministre pourrait nous dire ce qu'il pense de ça? Est-ce que le ministre serait prêt à mettre en place ce type de processus, même si l'Assemblée des premières nations n'y participe pas? Et comment le ministre fera-t-il fonctionner concrètement ce forum tripartite, si jamais il voit le jour? Et quel sera le rôle du gouvernement fédéral à l'intérieur de ce comité tripartite? Parce que là, d'après ce qu'on peut voir, il y a seulement deux parties qui veulent y participer, puis il y en a une qui va prendre la «pole» plus que l'autre, de la manière dont ça s'oriente actuellement. C'est le gouvernement fédéral qui va prendre la «pole», le Québec va être à la remorque et les nations autochtones ne semblent pas vouloir y participer, à ce type de forum là. Je voudrais bien que le ministre réponde à ces questions.
M. Sirros: Moi, je pense que ce qui est vrai et ce qui peut être dit, c'est qu'à la dernière rencontre avec les ministres et les organismes nationaux autochtones, le chef de l'Assemblée des premières nations, M. Ovide Mercredi, a effectivement dit que, quant à lui, ça ne l'intéressait pas. Je dis bien «quant à lui», parce qu'il faut bien comprendre que lui se trouve accroché à une idée qui ne trouve aucun preneur, ni le gouvernement fédéral, ni les provinces, ni même les deux autres organismes autochtones qui, eux, ont accepté le forum qu'on proposait. C'est-à-dire que les autres provinces étaient d'accord; les Inuit ont dit oui; les métis, dont il n'est pas question ici au Québec, mais ailleurs, ils ont dit oui; les femmes autochtones ont dit oui.
Le seul qui a refusé, c'est Ovide Mercredi qui représente, on doit le dire, une partie importante des autochtones sur les réserves; c'est leur représentant. Il ne semble pourtant pas être en mesure de décider des choses dont il parle au nom de ces autochtones-là. Il exprime des positions, comme il a dit lui-même, selon un mandat qu'il avait reçu il y a plusieurs mois maintenant et il avait quand même accepté de peut-être voir si les chefs voulaient changer son mandat. Mais il se disait incapable de faire autre chose que de vivre par son mandat. Moi, je lui ai suggéré, à ce moment-là, que ce serait peut-être le temps d'aller voir si son mandat correspondait à la réalité. Je trouve que ça ne correspond pas à la réalité. Je trouve qu'il vit une réalité qu'il doit être le seul à voir s'il pense qu'il y a quelque possibilité réelle de revoir un forum constitutionnel, d'amendements constitutionnels, qui va repartir à courte échéance au Canada.
Quant à savoir si on est disposés à passer à côté de l'Assemblée des premières nations, oui, dans la mesure où les chefs autochtones ou les nations autochtones veulent passer à côté de l'Assemblée des premières nations, ce qui semble, des fois, être de plus en plus le cas. Si nous avons des intérêts, de la part de nations particulières, à discuter d'autonomie gouvernementale, nous le ferons dans le cadre de ce forum si les autres éléments permettent d'arriver à cette décision-là. Nous le faisons à l'heure actuelle; avec le CAM au niveau des négociations territoriales, il y a un volet autonomie gouvernementale qu'on va négocier avec eux. L'Assemblée des premières nations, il faut bien le comprendre et vous le savez fort bien, est un organisme de mise en commun, même pas de concertation; c'est un lieu de rencontre pour les différentes nations autochtones. Ici, à l'échelle du Québec, l'Assemblée, c'est un forum d'échanges que se sont donné les chefs. Ce n'est pas un forum décisionnel qui peut...
M. Perron: Il y a quand même des mandats, M. le Président, qui sont donnés par l'Assemblée des premières nations. Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est que, si l'Assemblée des premières nations s'en tient au mandat qui a été donné à Ovide Mercredi au niveau du Québec, à ce moment-là, si c'est braqué et que ça demeure cette décision-là, c'est clair qu'Ovide Mercredi, au niveau de l'Assemblée des premières nations, n'ayant pas de changement de mandat, la grande majorité des chefs de chacun des conseils de bande du Québec ne seront pas partie prenante du comité tripartite dont le ministre parle et que le ministre veut mettre en marche. Ça ne marchera pas là, parce que les mêmes chefs font partie de l'Assemblée des premières nations.
M. Sirros: Oui, sauf que les mêmes chefs, au niveau de leur propre nation, sont plus dégagés vis-à-vis les décisions qu'ils peuvent prendre. Ils peuvent parler au nom de leur propre nation, mais, comme ensemble des chefs et c'est ce que m'avait expliqué le chef régional, M. Picard, que j'ai rencontré il y a un mois à peu près c'est qu'effectivement l'Assemblée des chefs n'est pas en mesure de se prononcer pour l'ensemble des nations autochtones parce que les discussions qui pourraient aboutir au niveau de l'autonomie gouvernementale ne pourraient pas lier les nations comme telles.
Alors, moi, la proposition que j'ai faite, je l'ai toujours faite, à l'heure actuelle, à l'Assemblée des premières nations et c'est d'eux que j'attends encore une réponse quant à cette proposition. Et je pourrais vous déposer la lettre que je leur ai envoyée. Je proposais la mise sur pied d'un forum tripartite, parce qu'il faut absolument que le fédéral soit là, nous et les représentants des autochtones en tout cas, je ne sais pas si on a la lettre ici, mais je pourrais vous la déposer pour qu'on établisse les bases de l'autonomie gouvernementale, pour qu'on crée des sous-groupes de travail afin de mettre sur pied ou de proposer des mécanismes de résolution de conflits, se donner un forum permanent entre Québec et autochtones où les items qui concernent les relations entre autochtones et les gouvernements du Québec et canadien au niveau de l'autonomie gouvernementale et de son application puissent être discutés.
Si l'Assemblée des premières nations, à un moment donné, me répond et me dit: Nous ne sommes pas l'organisme, nous ne sommes pas votre interlocuteur parce que nous ne pouvons pas parler au nom de l'ensemble des nations, là on aura un questionnement à faire. Est-ce qu'on dit: Bon, parfait, on ne fait rien, ou est-ce qu'on dit: On peut donc voir s'il y a des nations particulières qui sont prêtes à discuter de l'application de l'autonomie gouvernementale quant à leur nation et on se donne, à ce moment-là, un forum, par exemple, Québec-Cris, ou un forum Québec-Mohawks, avec la participation du fédéral, pour voir comment l'autonomie gouvernementale peut s'appliquer concrètement dans le cas de X, Y ou Z nation, pour voir quel genre de mécanisme de résolution de conflits on peut envisager par rapport à cette nation, et en espérant qu'on peut tirer aussi des éléments qui pourront être d'application générale à un moment donné et que, si on ne peut pas régler l'ensemble, peut-être on peut aborder ça nation par nation?
(16 h 30)
Une chose est certaine, si l'Assemblée des premières nations refuse de s'asseoir à une table et de discuter en tant qu'Assemblée des premières nations et que les chefs, de l'autre côté, semblent nous dire: Oui, on est prêts à discuter parce que c'est ce qu'ils disent alors, il faudrait qu'il y ait une clarification, à un moment donné, de leurs structures à eux. Qui représente qui? Nous, tout ce qu'on dit, de notre côté: Nous sommes disposés à discuter de l'application concrète de l'autonomie gouvernementale. Nous avons cru que c'est à l'Assemblée des premières nations qu'il fallait s'adresser. Si on nous dit non à l'Assemblée des premières nations, comme l'a dit M. Ovide Mercredi, par exemple, mais, par contre, qu'au niveau des nations on nous dit: Nous, nous sommes prêts à discuter de l'autonomie gouvernementale, comme nous disent les Mohawks, ou même les Cris, ou même les Attikameks ou les Montagnais, bien, il va falloir qu'on décide si on veut parler avec chaque nation ou si c'est à nous de leur dire de retourner à leur Assemblée. C'est leur Assemblée, quand même.
M. Perron: Je viens tout juste de comprendre pourquoi le ministre et son gouvernement ne peuvent pas mettre en place cette politique globale qu'il a annoncée il y a une couple d'années. Parce que ça commence à être compliqué, là: il y a des chefs, qui font partie de l'Assemblée des premières nations, qui peuvent lui dire: Oui, pour nous autres, mais, à l'interne, ce n'est pas une majorité qui veut ça. Ça commence à être compliqué, puis je pense que le ministre est en train de se ramasser dans un cul-de-sac.
M. Sirros: Je suis heureux de voir que le député constate que c'est compliqué.
M. Perron: Oui, c'est compliqué, on le sait très bien.
M. Sirros: C'est quelque chose que je dis depuis longtemps. Ce n'est pas une question de se ramasser dans un cul-de-sac, M. le Président; c'est une réalité avec laquelle il faut qu'on travaille. Alors, ce n'est pas à moi ou au gouvernement du Québec de décider à la place des autochtones quel interlocuteur eux autres veulent envoyer à la table. C'est à eux de le décider. C'est à nous de dire que nous sommes assis de ce côté-ci, puis que nous attendons de pouvoir discuter avec quelqu'un. Et, vis-à-vis l'application de l'autonomie gouvernementale, une des choses que je veux faire et c'est la seule façon, je pense, dont ça peut réussir ultimement c'est de définir c'est quoi, l'autonomie gouvernementale, avec les autochtones.
Juste pour terminer, si on arrive là avec une... Et nous sommes arrivés, effectivement, à cette conclusion vis-à-vis la politique, comme vous avez dit, que, suite à des discussions constitutionnelles, il fallait effectivement redémarrer, mais avec les autochtones. Parce que, si on arrive avec notre politique déjà faite, le député sait bien que ça augurerait mal pour une entente avec les autochtones. C'est donc une invitation qui leur a été lancée de venir à la table afin d'identifier conjointement quels sont les éléments d'application concrète de l'autonomie gouvernementale qui leur conviennent et qui nous conviennent.
M. Perron: M. le Président, le dossier autochtone est actuellement sous juridiction fédérale. Puis je vais répondre à quelque chose qui a été soulevé tout à l'heure par le député qui a parlé et qui a posé une question au ministre. Il y a 667 conseils de bande à travers le Canada. Il y en a, au Québec, 58, je crois. Si on inclut les Inuit, les Naskapis, les Cris et les autres, il y en a 58. Mais, quand on regarde l'ensemble de ça, les 667 conseils de bande et je ne sais pas combien de nations parce que, là, il y a des nations qui se créent à peu près à tous les jours dans l'ensemble pancanadien et qu'on veut arriver à une politique gouvernementale cohérente en matière d'autonomie gouvernementale et savoir ce que c'est, le droit inhérent, etc., on n'est pas sortis du bois.
Je vais vous dire une chose: C'est une des raisons fondamentales... Puis je l'ai déjà dit l'année dernière, puis l'année antérieure. En 1992, je l'avais dit au ministre aussi. Moi, en ce qui me concerne, plus il y a de gouvernements dans la question des autochtones, pire ça va être de jour en jour. C'est une des raisons fondamentales pour laquelle j'ai toujours dit et je le répète aujourd'hui en réponse à ce qu'a dit le député tout à l'heure: La souveraineté du Québec je ne parle pas de la séparation, là, parce que, moi, la séparation, c'est en 1930, ça va permettre qu'au lieu de négocier avec 667 conseils de bande, puis je ne sais pas combien de nations, au moins on va en avoir 11 avec qui négocier et puis on va avoir juste 58 conseils de bande, incluant, bien sûr, pas les gouvernements inuit, là, qui ne sont pas tout à fait... Ils sont plutôt municipaux que conseils de bande par rapport aux autres. Mais ça serait beaucoup plus facile que de négocier avec Vancouver, puis de négocier avec la gang à Clyde Wells.
C'est pour ça que je dis que le gouvernement du Québec actuellement est à la remorque du gouvernement fédéral. Il ne prend pas ses responsabilités, puis c'est pour ça que ça vire en rond, puis c'est pour ça que le dossier avance petit à petit, comme disait le ministre, au lieu de prendre le taureau par les cornes par rapport à ce qu'on a sur le territoire québécois. Bien, qu'on en finisse, à un moment donné, puis qu'on arrête de tergiverser, puis de taponner, puis de virer en rond parce que, sans ça, on n'arrivera à rien. Puis on remarque qu'au cours des dernières années il n'y a rien qui est arrivé.
Le Président (M. Parent): M. le ministre, je vous laisse réagir aux propos du député et, après ça, je vais reconnaître M. le député de Chapleau.
M. Sirros: M. le Président, donc, si je suis le raisonnement du député, ça irait encore mieux si on était tout seul sur la planète. S'il n'y avait personne d'autre sur la planète, ça irait encore mieux: on n'aurait pas à se concerter, à s'entendre, à collaborer, à échanger. Mais, que voulez-vous, on n'est pas tout seul sur la planète.
M. Perron: Mais il faut admettre que ça complique les affaires.
M. Sirros: Et, quant à la souveraineté et à la séparation, juste un petit mot, moi, je suis prêt à accepter que ce que vise le député, c'est la souveraineté, mais il doit comprendre qu'on peut jouer avec les mots. Mais une chose est certaine: pour qu'il arrive à la souveraineté, il faut qu'il passe par la séparation. Il faut qu'il sépare le Québec...
M. Perron: Là, le ministre n'a rien compris. Ça, c'est un dictionnaire grec; ce n'est pas un dictionnaire français.
M. Sirros: Non, mais non, mais non, mais non! Il faut qu'on sépare une entité politique de l'autre pour créer un pays indépendant et une souveraineté. Peut-être que c'est dans un dictionnaire grec, mais c'est à la base de beaucoup de choses, vous savez.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Perron: M. le Président, est-ce que je pourrais finir sur cette question-là avant que le député de Shefford intervienne?
Mme Bleau: Je veux un discours avec du grec.
M. Perron: Oui, c'est vrai que, quand on regarde le grec, le latin, puis le français, on sait ce que...
Le Président (M. Parent): Je veux simplement vous rappeler que vous êtes ici à la commission des institutions, qui étudie les crédits.
M. Perron: M. le Président, depuis son passage devant la commission Erasmus-Dussault, le ministre n'a pas cessé de dire qu'il faut passer aux actes, dépasser le débat théorique textuellement ce qu'il dit sur la question du droit inhérent et s'asseoir avec les communautés concernées pour discuter de ce que sera concrètement l'autonomie gouvernementale. De même, dans son mémoire, le ministre s'était surtout attaché au fait que les solutions que préconisera le gouvernement doivent venir des communautés et des nations autochtones elles-mêmes. Pourquoi le ministre a-t-il renvoyé la balle de cette façon dans le camp des autochtones? Et est-ce qu'il s'agit là d'une tactique pour le gouvernement afin de gagner du temps, ce qui nous démontre, à nous, en tout cas, et à beaucoup de gens dans la population du Québec, son incapacité à élaborer une vraie politique cohérente globale?
M. Sirros: Tout à fait. Je suis incapable et quiconque serait incapable d'élaborer une politique cohérente globale qui touche à un groupe d'humains s'il ne peut pas, au minimum, avoir la participation de ces gens-là qui veulent s'assumer au niveau de l'autonomie gouvernementale. Pourquoi je n'arrive pas avec des solutions toutes faites vis-à-vis comment les autochtones devraient se gouverner dans une perspective d'autonomie gouvernementale? Parce que, ça, ça serait une approche paternaliste vis-à-vis une démarche d'autonomie et de prise en charge qui est réclamée.
Alors, moi, ce que je dis: Nous détenons, au gouvernement du Québec, et nous sommes responsables d'un certain nombre de juridictions. Nos lois s'appliquent sur l'ensemble du territoire. Vous réclamez, de l'autre côté, en tant que nations autochtones, la prise en charge de votre destin, en quelque sorte, vis-à-vis une autonomie gouvernementale que vous réclamez. Bien, l'exercice de votre autonomie gouvernementale a nécessairement des liens avec l'exercice de notre juridiction.
Donc, si vous voulez qu'on parle d'autonomie gouvernementale et comment ça peut s'appliquer, il y a deux chemins. Le premier, c'est de le faire par la Constitution, ce qu'on a fait, où on pourrait définir, dans un amendement constitutionnel, les pouvoirs ou les juridictions ou l'étendue de pouvoirs peu importe comment on va le phraser des gouvernements autochtones. Ça n'a pas marché. On a dit, à un moment donné: On est même prêts à aller avec vous à la table constitutionnelle pour qu'on discute de ça. On l'a fait. Ça n'a pas marché. Deuxième voie qui s'offre à nous... Bien, on peut toujours, comme le fait actuellement Ovide Mercredi, dire: Non, non, non, on va continuer à chercher cette voie-là où il y a actuellement une impasse.
On peut prendre une autre voie, qui est de dire: Bon, est-ce qu'on peut discuter, dans le contexte constitutionnel actuel, quels sont les éléments que vous voulez exercer en tant que nations autochtones? Sur quels territoires? À partir de quels fonds? Et comment ça va s'harmoniser avec les lois qui s'appliquent sur l'ensemble du territoire? Et, si on peut identifier ça, on pourrait s'entendre et, si on peut s'entendre, on peut signer des ententes. Ce ne serait pas des amendements constitutionnels, mais ça pourrait être des ententes qui gèrent ou qui encadrent ou qui régissent nos relations en tant que gouvernement du Québec qui applique des lois, que gouvernement fédéral qui a une responsabilité constitutionnelle vis-à-vis les autochtones et qui a donc aussi des fonds qu'il met à leur disposition et qui a aussi une responsabilité en tant que fiduciaire, si vous voulez, vis-à-vis l'avenir et les nations autochtones elles-mêmes qui cherchent une prise en charge et une autonomie. Alors, pourquoi je n'arrive pas avec tout ça tout décidé d'avance pour leur dire: Voici comment ça va s'exercer, votre autonomie gouvernementale? Parce que c'est un non-sens.
(16 h 40)
M. Perron: Mais, là, ce que je ne comprends pas de la réponse du ministre, c'est que, M. le Président, pendant plusieurs mois, le ministre a fait le tour du Québec...
Le Président (M. Parent): Mais, allez, dernière intervention. On en a d'autres, là.
M. Perron: Oui, mais c'est parce que c'est toujours sur la même question, M. le Président.
Le Président (M. Parent): Parfait.
M. Perron: C'est que le ministre a fait le tour du Québec, il a été cherché des opinions à peu près partout, puis on n'a toujours pas cette politique gouvernementale là. Et, à partir du moment où le ministre n'a pas fait son lit en rapport avec la politique gouvernementale du gouvernement du Québec par rapport à différentes facettes de chacune des nations autochtones ou de l'ensemble des nations autochtones, là, ce qu'on peut voir et qu'on réalise, c'est qu'il est à la remorque du gouvernement fédéral dans l'ensemble du dossier des autochtones du territoire du Québec. Puis, là, tout le processus, il est en train de le recommencer avec 667 nations plutôt que de le faire avec 58 nations. Voyons, ça ne marche plus, là! Vous allez virer en rond longtemps.
M. Sirros: Moi, je pense que ça vaut la peine, M. le Président, juste avant que vous passiez la parole à quelqu'un d'autre, que je clarifie quelque chose. La démarche de la politique gouvernementale autochtone qui a été commencée en février 1991 était un processus que j'ai mis sur pied, justement, afin d'associer les autochtones à travers la tenue de quatre colloques régionaux. L'éventuelle tenue d'un lieu de rencontre, d'un forum de rencontre avec les autochtones, ça a toujours été dans une démarche d'association des autochtones afin qu'on dégage les éléments qui permettraient d'établir, pour nous, pour le Québec, nos paramètres de ces ententes dont je discutais tantôt, là.
Ça n'a pas marché, vous avez raison. Ça n'a pas marché parce que, à un moment donné, justement, le processus constitutionnel a comme pris la place, et l'intérêt de tous, des autochtones en particulier, était surtout tourné du côté des amendements constitutionnels parce qu'il y avait là une voie qui s'offrait aux autochtones, qui était beaucoup plus puissante, si vous voulez, au niveau de l'expression de leur autonomie gouvernementale éventuelle. C'était l'amendement constitutionnel qui était proposé. Alors, quel était l'intérêt, à ce moment-là, des autochtones de s'entendre au niveau d'une province en particulier, non constitutionnalisée davantage? Alors, à partir du moment où le Québec est rembarqué dans le processus constitutionnel, effectivement, vous avez raison de dire que le processus d'élaboration d'une éventuelle politique autochtone était un peu sur la glace, a été mis sur la glace. J'ai consciemment annoncé qu'on mettait notre démarche sur la glace.
Une fois l'étape de Charlottetown terminée, avec le résultat qu'on connaît, là, il fallait revoir le paysage et dire: Bien, qu'est-ce qu'on fait? Et c'est là que j'ai proposé qu'on puisse s'entendre pour créer un forum tripartite par régions canadiennes, non pas national. Et c'est là la différence entre Ovide Mercredi et la proposition que je faisais. Moi, je propose un forum provincial ou régional, si ça convient en termes de région dans d'autres endroits, où nous n'aurons pas à nous asseoir, justement pour les raisons qu'a dites le député, avec les 615 autres bandes, où nous allons nous organiser à l'intérieur du territoire québécois avec les autochtones à l'intérieur de ce territoire-là, avec le gouvernement fédéral.
Et c'est là que j'ai adressé une lettre à l'Assemblée des premières nations du Québec dont j'attends toujours une réponse. C'est pour ça que je répondais tantôt que, si la réponse de l'Assemblée des premières nations, c'est: Comme organisme, nous ne voulons pas d'une démarche telle que vous le proposez, régionale ou provinciale, mais nous voulons, comme dit notre chef national, M. Mercredi, une démarche nationale et constitutionnelle de plus, bien, là, nous devrons voir avec les nations, ici au Québec, s'il y a toujours un intérêt à le faire.
M. Perron: M. le Président, en avril 1993...
Le Président (M. Parent): Écoutez, M. le député de Duplessis, vous aurez la chance d'y revenir tout à l'heure. Là, je reconnais le député de Chapleau.
M. Perron: Je vais y revenir tout à l'heure, certain, parce que le ministre a mentionné quelque chose qui n'est pas correct.
Le Président (M. Parent): Oui, oui, vous allez avoir toute la latitude d'y revenir. C'est parce que, à ce moment-là, il faut quand même respecter la répartition du temps. M. le député de Chapleau.
M. Kehoe: Merci, M. le Président. Je pense qu'on peut passer tout le temps de l'étude des crédits sur cette question-là. C'est bien sûr qu'il y a une vision différente par le ministre et le porte-parole de l'Opposition sur la manière de procéder. Je me souviens que, l'année passée, quand on a discuté les crédits, le ministre disait les mêmes paroles: La seule manière d'en venir à une entente, de régler le problème, c'est de continuer des négociations, des discussions, des échanges, des comités de travail. Il n'y aura pas de solution magique.
On dirait que le porte-parole de l'Opposition suit exactement la ligne du parti. À un moment donné, là, en 1990, c'était de se servir de la force pour régler l'affaire; par après, c'était d'ignorer les autochtones; maintenant, après la séparation, on va discuter avec eux. On dirait qu'avec l'approche des élections les affaires changent beaucoup. On sait que des élections sont dans le vent quand on entend les messages, les paroles, du moins, du porte-parole de l'Opposition. Maintenant, comme, je n'en doute pas, le porte-parole de l'Opposition va revenir encore avec des échanges, on pourra passer tout l'après-midi sur cette question: Quelle est la meilleure approche? Mais je pense qu'on devrait féliciter le ministre de garder le même discours, la même approche, de dire la même chose. Puis je pense que c'est la seule manière dont à la longue on pourra venir à une entente avec les autochtones dans certains domaines.
Contrôle des bingos et casinos dans les réserves
Je vais en venir spécifiquement à la question que je veux aborder: la question des bingos. C'est un problème spécifique que vous avez... Je pense que, depuis le changement de la loi en 1991, la loi maintenant permet un plus grand contrôle du jeu de bingo dans les réserves et les établissements où vivent les communautés autochtones. Je pense que c'est un projet que vous avez déjà commencé, si je ne me trompe pas, dans la région du Lac-Saint-Jean. J'aimerais savoir comment ça marche jusqu'à date, comment vous procédez, quels sont les résultats à date.
Le Président (M. Parent): M. le ministre.
M. Sirros: Merci. Oui, effectivement, nous avons signé une entente avec la communauté de Mashteuiatsh, dans le Lac-Saint-Jean; on a créé, par cette entente-là, un organisme autochtone qui émet dorénavant les permis de bingo pour la communauté. Dans l'entente, l'organisme concerné accepte d'appliquer les mêmes normes et critères qui sont appliqués à l'extérieur de la communauté par la régie des loteries et des courses. Donc, ils agissent en quelque sorte dans la communauté en tant que leur régie de loteries et courses, mais en application des mêmes standards, donc les mêmes limites de prix, les mêmes règles quant à la... Il faut que ce soit, par exemple, à but non lucratif que le bingo soit tenu, etc., etc. Mais c'est un transfert de contrôle quant à l'émission des permis à la communauté.
Et ça, si vous vous rappelez, c'est quelque chose qui était presque mon premier dossier, si ma mémoire est bonne. Quand j'ai pris ça, il y avait un bingo illégal qui devait se tenir, avec un gros prix, etc. Puis on a créé, à ce moment-là, avec le chef en question... Et c'est une preuve de la possibilité d'avancer. Ce n'est pas le Pérou, diraient certains. Pour les autochtones, ça représente beaucoup moins que ce qu'ils voudraient avoir au niveau des juridictions, etc., mais on a quand même convenu que c'était intéressant de se donner un certain laps de temps durant lequel on peut se bâtir une crédibilité mutuelle ou une confiance mutuelle plutôt. Et on a choisi de le faire par la création d'un comité avec Mashteuiatsh et le gouvernement du Québec qui examinerait spécifiquement la question des bingos.
On a modifié la loi, ici à l'Assemblée nationale, de la Régie des loteries et courses pour permettre la création d'un comité tel quel. Vous vous rappellerez de la résistance énorme de la part de l'Opposition à l'époque et du député de Joliette.
M. Perron: Au contraire!
M. Kehoe: Le député de Duplessis était, je pense, plus d'accord.
M. Perron: D'ailleurs, on a voté en faveur de la loi, puis on a parlé en faveur. Mais, par contre, on voulait savoir c'était quoi, le contenu.
Le Président (M. Parent): S'il vous plaît, M. le député!
M. Sirros: De toute façon. O.K., je retire ça. Peut-être que ma mémoire me fait défaut, mais je me rappelle que j'avais passé des moments difficiles à expliquer à l'Opposition que c'était quelque chose qui valait la peine d'être fait et essayé. Effectivement, on a réussi à modifier la loi ultimement et on a réussi, de plus, à négocier une entente avec la communauté de Mashteuiatsh. On a réussi, de plus, à la signer, finalement. Et ils ont réussi à mettre en oeuvre l'entente par la création de leur organisme. Ça date de quelques mois.
(16 h 50)
M. Kehoe: Est-ce qu'il y en a d'autres, réserves, ou si c'est plutôt un projet-pilote, pour le moment, ou quoi?
M. Sirros: Non, ce n'est plus un projet-pilote. C'est un projet qui marche. C'est un projet que demande aussi la communauté de Uashat-Maliotenam. On est en négociations et en discussion avec eux. La communauté chez les Inuit de Kuujjuarapik veut aussi voir si on peut appliquer le même genre de chose. Maniwaki également, on discute avec eux autres quant à la possibilité de signer une entente semblable. Il faut comprendre que ce n'est pas une entente-cadre; c'est une entente qui est adaptée à chaque situation, à chaque conseil de bande et la loi sur la régie des loteries et des courses reconnaît la possibilité de l'existence d'un organisme autochtone pour l'émission des permis de bingo dans ce cas-ci.
M. Kehoe: Et, au fur et à mesure que ça avance, prétendez-vous que ça va être accepté dans la plupart des réserves?
M. Sirros: Comme je le disais, ce n'est pas quelque chose... Je pense que c'est intéressant. C'est un geste positif. C'est un pas en avant. Dans le cas des discussions vis-à-vis la mise sur pied des gouvernements autochtones autonomes, etc., il est évident que les autochtones voudraient aller au-delà de ça; ils voudraient se voir reconnaître la possibilité d'établir leurs propres normes. C'est évolutif. Je pense que, à ce stade-ci, à partir d'où on vient... Vous vous rappellerez qu'il y a à peine trois ans il y avait, à gauche et à droite, des super-bingos à 50 000 $...
M. Kehoe: Illégaux. Ce n'était pas légal.
M. Sirros: ...illégaux, etc., avec le tort qui se créait dans les communautés environnantes parce que ça drainait la clientèle des autres qui organisaient des bingos pour des fins non lucratives, etc. Il me semble qu'on est en train de vivre une période dans la mesure où ces ententes-là peuvent se multiplier de rétablissement de liens de confiance et, après ça, dans le cadre de l'autonomie gouvernementale, on verra quels mécanismes on peut se donner. Une chose est certaine: nous avons toujours dit que ce n'est pas en agissant de façon unilatérale, comme on l'a fait par le passé, qu'on peut avancer. Notre réponse à tout geste unilatéral sera toujours de dire non.
M. Kehoe: Est-ce que la même philosophie s'applique pour des casinos? On lit dans les médias que, actuellement, M. Norton et d'autres autochtones ont fait des voyages aux États-Unis pour voir les systèmes qui sont appliqués dans les réserves à cet endroit-là. L'implication était à l'effet que peut-être des casinos seraient établis ici, au Québec. Pourriez-vous nous dire la situation par rapport aux casinos sur les réserves?
M. Sirros: Il n'y a pas de situation, à l'heure actuelle, quant aux casinos sur les réserves. Il n'y a pas de discussions, nulle part. Je n'envisage pas d'ouvrir à court terme des discussions sur ça. Si vous faites référence à l'entente sur les bingos, je disais justement qu'il y a peut-être une période de rétablissement des liens de confiance qu'on doit établir pour regarder la question des bingos ou de l'autonomie gouvernementale dans une autre perspective. Sûrement la même chose s'applique à tout autre projet qui est susceptible de créer des remous. Certainement, un ou des projets de casinos sont susceptibles de créer des remous à l'heure actuelle. Une chose est certaine: il y a quelques années, il était clair que les casinos n'étaient pas quelque chose qu'on envisageait, qu'on retenait comme société. Ça a évolué. Alors, c'est la preuve que les choses évoluent et c'est la preuve que l'argument, par exemple, de dire que les casinos sont illégaux au Québec n'existe plus. Après ça, c'est une question de choix de modalités, de décisions politiques. Mais il n'y a pas de discussions en vue à court terme.
Le Président (M. Parent): Est-ce que ça répond à votre question, M. le député de Chapleau?
M. Kehoe: Oui, M. le Président, et je vous remercie.
Le Président (M. Parent): Merci. Sur ce, je reconnais le porte-parole de l'Opposition officielle, l'honorable député de Duplessis. M. le député.
Autonomie gouvernementale des autochtones (suite)
M. Perron: M. le Président. D'abord, j'étais en train de discuter de l'autonomie gouvernementale. Il y a une marge entre les bingos et l'autonomie gouvernementale, je vous en passe un papier.
Une voix: Tu ne lâches pas.
M. Perron: Non, je ne lâche pas, parce qu'il faut que je revienne là-dessus.
M. Bordeleau: Tu as le droit de poser des questions et de revenir, toi aussi.
M. Kehoe: On pose les questions qu'on veut, nous autres.
M. Perron: Tout à l'heure, on parlait de la politique gouvernementale. Moi, je me rappelle qu'en avril 1993, ça fait à peu près un an de ça, le ministre m'avait dit en commission parlementaire, textuellement, que, dans les deux ou trois semaines qui suivraient la commission parlementaire, sa politique serait déposée. On ne l'a toujours pas. Je ne sais pas ce qui est arrivé, je ne le sais pas. Est-ce que le ministre pourrait me dire si la politique gouvernementale est écrite actuellement? Est-ce qu'il l'a dans les mains? Est-ce qu'elle est finalisée? Est-ce qu'il y a quelque chose de fait de ce côté-là ou s'il attend le fédéral pour prendre des décisions?
Le Président (M. Parent): M. le ministre, vous attendez après qui?
M. Sirros: Je suis surpris de ça. Il faudrait que je relise les Débats parce que j'aurais difficilement pu promettre de déposer quelque chose que je savais pertinemment être sur la glace. En avril 1993, c'était la date retenue pour la tenue du forum, si ma mémoire est bonne.
M. Perron: C'est lors des crédits de l'an dernier.
M. Rochon (Jean) : Ce qu'on avait prévu à l'origine, en avril 1993, c'était prévu pour...
M. Sirros: M. Jean Rochon, le directeur de nos politiques et affaires juridiques.
M. Rochon (Jean): Et recherche, tant qu'à y être.
M. Sirros: Recherche.
Le Président (M. Parent): Alors, votre nom, monsieur?
M. Rochon (Jean): Jean Rochon.
Le Président (M. Parent): M. Rochon. Vous avez la parole, M. Rochon.
M. Rochon (Jean): Ce qui était prévu pour avril 1993, vous l'avez dit vous-même, il y avait les colloques régionaux qui ont surtout porté sur l'état de la situation. Il devait y avoir un forum tant qu'à être dans les forums ou dans les colisées à Québec, en avril 1993, sur les orientations gouvernementales et, à ce moment-là, étant donné le débat constitutionnel, comme le disait M. Sirros, ce geste-là a été annulé. Et on n'a jamais, je pense, prévu, en tout cas, il n'y en a pas de rédigée, il n'était pas prévu, à l'époque, une politique comme telle. Ç'aurait été à tout le moins ou au plus des orientations à être discutées, mais elles n'ont jamais été rédigées comme telles, ces orientations-là.
M. Perron: En tout cas, on va regarder le libellé de l'an dernier. Mais je voudrais poser une question au ministre concernant le droit inhérent. Si, comme vos collègues du gouvernement, vous reconnaissez que les autochtones parce que je pense que le ministre l'a reconnu possèdent un droit inhérent à l'autonomie, même si ça n'a été écrit nulle part dans la Constitution canadienne, comment le ministre peut-il concilier cette reconnaissance avec une des propositions qui est tirée du rapport Coulombe, qui date de juin 1993, et qui stipule clairement que, dans le contexte constitutionnel actuel, les gouvernements du Québec et du Canada ne peuvent endosser ce principe d'un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale? Le ministre est ouvert. Il dit: Oui, je suis d'accord. Mais, par contre, dans la recommandation Coulombe, une des recommandations, c'est non.
M. Sirros: Moi, j'ai toujours dit, sur le droit inhérent, M. le député, que...
M. Perron: C'est quoi, le droit inhérent, pour le ministre?
M. Sirros: C'est ça. On me fait remarquer qu'au niveau des négociations, à l'heure actuelle, les négociations se font dans le cadre des pouvoirs délégués, des pouvoirs qu'on pourrait déléguer aux gouvernements, parce qu'elles se font dans le cadre de la Constitution actuelle. Ce que j'ai dit, à un moment donné, et je le répète, c'est: Que le droit soit inhérent ou autre chose, une chose est certaine, ce n'est pas un droit absolu, ce n'est pas un droit qui s'étend de façon infinie à l'ensemble des juridictions. Ultimement, il y a juste deux endroits où un droit inhérent peut être reconnu. Un, c'est un amendement constitutionnel explicite, et on était ouverts à le reconnaître et à le mettre dans la Constitution.
C'est dans ce sens-là que l'ouverture à laquelle fait référence le député trouvait son aboutissement dans un amendement constitutionnel. Ça n'ayant pas été réussi ou fait, la seule autre voie, indépendamment de ce que, moi, je peux dire ou le ministre Irwin peut dire vis-à-vis l'existence ou non du droit inhérent, le seul autre endroit qui peut donner un sens concret à l'existence d'un droit inhérent, c'est une décision de la Cour suprême qui, elle, pourrait éventuellement reconnaître que le droit inhérent existe déjà dans la Constitution actuelle à l'article 35 qui parle des droits ancestraux. C'est ce que le gouvernement fédéral dit à l'heure actuelle. Il dit: Nous autres, on va procéder comme si ça existait dans l'article 35.
(17 heures)
Ça n'empêchera personne de dire: Moi, je ne crois pas que ça existe, et d'aller le tester en Cour suprême. Et ce n'est que, ultimement, quand la Cour suprême va statuer et dire: Oui, le ministre, ou le premier ministre, ou Untel avait raison de dire que c'est dans la Constitution que ça va l'être. Parce que ça pourrait ultimement être l'inverse. Donc, pour fins de discussion et d'application de l'autonomie gouvernementale, on peut bien dire: On va se comporter comme si ça existait, même si, au CAM, on le fait à l'intérieur du pouvoir délégué. C'est-à-dire qu'on peut convenir que ce qu'on veut négocier, c'est notre conception du droit inhérent. Mais est-ce que ça existe vraiment ou non? Ça va être décidé ultimement, soit par un amendement constitutionnel, soit par une décision de la Cour suprême.
Alors, c'est pour ça que je disais d'ailleurs que tout ce débat autour du droit inhérent est tellement théorique et vague qu'on se perd à discuter de cette théorie-là. Ça peut être bien intéressant et nous tenir occupés, puis tenir les avocats occupés pendant des heures et des heures, mais, ultimement, c'est l'aboutissement concret de l'autonomie gouvernementale qu'il faut qu'on essaie de comprendre.
Le Président (M. Parent): Oui, M. le député.
M. Perron: Mais, M. le Président, en référence à ce que je disais tout à l'heure...
M. Sirros: Vous allez m'embarrasser, là?
M. Perron: ...le 22 avril 1993, à la commission permanente, à la page CI-1601, le ministre disait, à une question que je lui avais posée: On devrait procéder «dans les prochaines semaines» à la publication d'une position gouvernementale en matière d'autonomie gouvernementale des autochtones. Alors, ce que je disais tout à l'heure, c'était pas mal vrai. Puis, d'autre part, antérieurement, le ministre disait: «Donc, on va procéder directement à la quatrième étape qui est la publication, par le gouvernement, de sa politique en matière d'autonomie gouvernementale. On va la mettre sur la place publique.» On attend toujours. Ça fait un an de ça, monsieur.
M. Sirros: Vous avez raison de dire que ça n'a pas été fait dans l'immédiat, mais c'est ce qui a été fait par la Commission royale. Justement, j'ai décidé, à un moment donné, d'aller devant la Commission royale, puis j'ai déposé l'approche qu'on retenait vis-à-vis l'élaboration de la politique gouvernementale, qui est les principes auxquels vous avez fait référence, les attitudes à adopter, le forum à créer et le quoi du forum.
M. Perron: En d'autres mots, c'est que la politique du gouvernement du Québec se résume aux trois demandes qu'il a déposées devant la Commission royale.
M. Sirros: Moi, je vous ai dit que la démarche d'élaboration...
M. Perron: On n'ira pas loin avec ça.
M. Sirros: Non, mais on tourne en rond, là. Parce que je vous ai dit que la démarche d'élaboration d'une politique globale gouvernementale a effectivement été arrêtée et que... Si vous voulez le compter comme quelque chose qui a été...
M. Perron: Une autre question quant au financement des gouvernements autonomes. Sur la question du financement des gouvernements autonomes et de la prise en charge du développement économique, selon ce que le ministre disait, l'idée de base était de voir, en majeure partie, les gouvernements actuels financer des développements à venir par les fonds publics des deux gouvernements, dans ce cas-ci, du Québec et du fédéral. Est-ce que le ministre pourrait nous dire de quelle façon pourraient être financés ces gouvernements autonomes? Est-ce que ça continuerait d'être comme c'est aujourd'hui le cas, où tous les fonds publics sont orientés vers chacune des nations, vers chacun des conseils de bande, avec des montants qui jouent aux alentours de 2 500 000 000 $ sur une période de sept ans, comme on l'a vu dans le rapport qui a été soumis par le SAA, ou si, à un moment donné, il va y avoir une réduction des fonds publics qui va s'appliquer par rapport aux gouvernements autonomes et où il y a aura une prise en charge par les autochtones eux-mêmes de la taxation, du pouvoir d'imposition? Est-ce que c'est ça que...
M. Sirros: C'est ce que j'aimerais discuter non pas avec le député de Duplessis, pas parce que je ne trouve pas ça intéressant avec lui...
M. Perron: Non, mais son idée, à lui?
M. Sirros: ...mais ce serait plus productif de discuter de mes idées en confrontation ou en liaison directe avec les idées des autochtones sur la question. C'est pour ça que j'invite les autochtones à ce qu'on s'assoie à la table pour discuter justement de ça. Je ne veux pas arriver là avec des idées préconçues. Je sais qu'il y a au départ certaines sommes d'argent qui sont mises à la disposition des autochtones de la part du fédéral. Nous en mettons une autre partie. Maintenant, quelle est la formule que les autochtones veulent envisager vis-à-vis, par exemple... Il faut quand même rester redevable devant l'utilisation des fonds publics. Il faut quand même trouver des mécanismes qui sont les plus efficaces possible quant aux choix que feront les communautés quant aux dépenses vis-à-vis des objectifs précis qu'elles cherchent. Mais c'est le genre de discussion que j'aimerais plus avoir avec les autochtones qu'avec...
M. Perron: J'aimerais quand même avoir l'idée du ministre là-dessus, puis de son gouvernement. M. le Président, comment...
Le Président (M. Parent): Toujours sur le même sujet, M. le député?
M. Perron: Oui. L'autonomie, oui.
Le Président (M. Parent): Sur le même sujet.
M. Perron: Comment le ministre peut-il soutenir que l'autonomie gouvernementale peut être consentie aux autochtones en procédant sous forme d'ententes administratives, ce qu'il a mentionné tout à l'heure, d'ailleurs, alors qu'il sait très bien que, pour plusieurs nations, il s'agit là d'une vision des choses tout à fait inacceptable, susceptible même de tomber dans une voie sans issue par rapport à certaines nations?
M. Sirros: Moi, je suis le genre de personne qui essaie de vivre avec la réalité, qui essaie d'avancer. Alors, je me suis dit: Bon, la porte de l'amendement constitutionnel que cherchaient les autochtones n'est plus là. Est-ce qu'on va arrêter de vivre pour autant? Est-ce que la fin du monde est arrivée à cause de ça? Est-ce qu'on n'est plus capables de supporter notre âme, puis notre être et notre capacité de vivre avec les gens autour de nous à cause de ça? Pour un parti, la réponse est oui, le vôtre. Pour le nôtre, nous, on dit: Bon, oui, il faut corriger des choses. On n'a pas réussi à le faire ici. Mais ça ne nous empêchera pas de s'entendre sur quel genre de relations on veut avoir ensemble, puis, à un moment donné, on va pouvoir soit les faire reconnaître par les tribunaux ou par les amendements constitutionnels. Mais, peu importe, si on réussit à s'entendre sur le quoi, le contenu de l'exercice de cette autonomie, puis qu'on réussit à le mettre dans une entente qui ne sera pas protégée constitutionnellement, bien, c'est quand même beaucoup mieux que de rester, puis de pleurer dans le coin.
M. Perron: Lorsque le ministre parle des tribunaux, M. le Président...
M. Sirros: Ou de vouloir prendre ses bagages, puis partir ailleurs.
M. Perron: Lorsque le ministre parle des tribunaux, ça me rappelle 1992 avec le chapitre IV sur la question autochtone par rapport au droit inhérent, justement, où à peu près l'ensemble des articles pouvaient se ramasser devant les tribunaux. C'est une tierce partie qui aurait décidé de ce que le gouvernement devait faire ou de l'interprétation que donnerait une cour, comme la Cour suprême, à un document aussi important que celui-là. D'ailleurs, c'est une des raisons pourquoi il a été rejeté, le chapitre IV, hein? Par contre, le ministre, aujourd'hui, nous arrive avec une partie de ce chapitre IV par rapport au droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, puis, là, il nous dit: Bien, on va peut-être, en vertu de l'article 35 de la Constitution canadienne, avoir une possibilité de le tester en cour. Je vous souhaite bonne chance en étoile; je vous en passe un papier, on n'est pas sortis du bois, non plus, avec ça.
M. Sirros: M. le député, M. le Président...
Le Président (M. Parent): M. le ministre.
M. Sirros: ...pour toute entente que des parties négocient ensemble, si une des parties sent ou croit qu'il y a des aspects de cette entente-là qui ne sont pas appliqués correctement ou qui, en tout cas, ne sont pas respectés, elle a le loisir, toujours, d'aller devant les tribunaux, puis de dire: Écoutez, M. le juge, moi, j'ai signé ça, puis l'autre était obligée de faire ça, puis ne l'a pas fait. Alors, je ne dis pas qu'on veut faire quelque chose pour qu'on le teste. On essaie de négocier les ententes les plus claires possible. Maintenant, le recours judiciaire est un recours normal dans une société démocratique et on ne peut pas enlever à qui que ce soit le droit de recourir devant les tribunaux si, après avoir négocié quelque chose de bonne foi, l'une ou l'autre partie estime qu'il y a quelque chose qui n'est pas respecté.
Alors, tout ce que je dis, moi, c'est que les ententes qu'on pourrait négocier au niveau de l'exercice de l'autonomie gouvernementale seront toujours susceptibles de se retrouver, à un moment donné, devant les tribunaux. Je veux dire, ce n'est pas mon souhait. Au contraire, je souhaite qu'on puisse négocier des ententes les plus claires possible qui ne laissent aucune ambiguïté ou ambivalence quant à leur application ou à l'interprétation qu'on peut faire. Mais on vit dans le monde réel.
Le Président (M. Parent): Merci, M. le ministre.
M. Perron: J'ai une dernière question là-dessus, M. le Président.
Le Président (M. Parent): Sur le même sujet...
M. Perron: Sur l'autonomie, oui.
Le Président (M. Parent): ...parce que, là, j'ai d'autres interventions. Là, vous êtes trois fois plus fort dans votre temps que le parti ministériel.
M. Perron: Ah bien, mon cher M. le Président...
Le Président (M. Parent): Ça, je vous le reconnais, par exemple.
M. Perron: ...c'est normal, parce que...
Le Président (M. Parent): Non, ce n'est pas normal, parce qu'il y a une entente de 50-50. Mais je suis prêt...
Une voix: C'est 50-50.
M. Perron: C'est normal, parce que je connais assez bien le dossier autochtone.
Le Président (M. Parent): Remarquez bien, M. le député de Duplessis, que je m'instruis à vous écouter. Mais je voudrais aussi entendre la députée de Groulx.
M. Perron: Bon. La députée de Groulx, M. le Président.
Aide aux victimes de violence dans les familles autochtones
Mme Bleau: Moi, c'est d'une certaine forme d'autonomie que je vais parler, c'est l'autonomie des femmes autochtones. Je pense que, dans les communautés autochtones, et pas seulement là parce que c'est dans toute la population du Québec, on voit beaucoup, depuis quelque temps, la violence de plus en plus présente dans les familles. Pour nous, ici, dans la population en général, on a des maisons pour les femmes battues, on a des maisons pour les hommes violents, on a toutes sortes de choses pour aider à résoudre ce problème. Est-ce que, du côté des autochtones ou dans les communautés autochtones, il y a des choses qui se font dans ce sens-là?
(17 h 10)
M. Sirros: Oui. Effectivement, la députée souligne un problème très important dans les communautés. Je dois dire qu'on collabore étroitement avec l'association Femmes autochtones du Québec qui a fait, de la lutte contre la violence, de toute la question de la violence familiale, un de ses chevaux de bataille.
Une voix: Un cheval de bataille.
M. Sirros: Un cheval de bataille. Parce que eux autres aussi estiment que c'est une... En tout cas, je pense qu'on est tous d'accord que c'est quelque chose qu'il faut enrayer. Quand je dis qu'on collabore étroitement avec eux autres, on les appuie, et financièrement et moralement. On les supporte pour à peu près 200 000 $.
Mme Bleau: Financièrement, oui.
M. Sirros: On les supporte pour à peu près 200 000 $, ce qui est énorme chez nous...
Mme Bleau: Oui, oui.
M. Sirros: ...quand vous regardez les montants de 1 300 000 $, à peu près, dont on dispose au niveau des subventions. Donc, 200 000 $ vont directement à la question de la lutte contre la violence familiale par le biais de l'association Femmes autochtones qui a une permanence, qui met sur pied des programmes de sensibilisation et qui travaille avec les organismes dans les communautés pour contrer un peu cette problématique.
Mme Bleau: Est-ce que vous avez l'appui, aussi, des chefs de ces communautés ou si c'est seulement les femmes qui prennent les projets en main?
M. Sirros: Non, les chefs aussi. Ça varie de communauté en communauté. Il y a des femmes chefs, effectivement, des fois...
Mme Bleau: Oui, je sais.
M. Sirros: ...et, des fois, les femmes parlent très fort dans les communautés. Je pense qu'il n'y a pas un chef que je connaisse qui accepte ou qui est complaisant devant la question de la violence. Sauf que le programme est vraiment géré par l'association Femmes autochtones et, souvent, c'est dans la communauté qu'elle travaille.
Mme Bleau: Puis il y a des choses concrètes là.
M. Sirros: Il faut toujours comprendre que c'est des petites communautés, souvent; alors, ça évolue dans un milieu où ce genre de travail est difficile parce que tout le monde se connaît. Et c'est comme ce serait chez nous, par exemple; quand il s'agit d'une petite communauté où tout le monde se connaît, c'est souvent des problèmes dont il est difficile de parler ouvertement.
Mme Bleau: Est-ce qu'on met à leur disposition certains programmes? Je pense, entre autres, à des psychologues ou à des programmes comme ceux-ci.
M. Sirros: Oui, on a fait quelque chose de tout à fait particulier et spécial, le ministère de la Santé et des Services sociaux et la communauté inuit de Povungnituk, quand cette communauté a connu une situation difficile au niveau des suicides qui ont eu lieu là-bas. Et il y a le docteur... Peut-être je pourrais demander à M. Maltais de prendre deux minutes juste pour expliquer un peu le travail qui se fait au niveau de la communauté de Povungnituk, qui est quand même important.
Le Président (M. Parent): M. Maltais.
M. Maltais (André): Merci, M. le Président. Très rapidement. Effectivement, avec la communauté de Povungnituk, dès qu'est arrivé le problème des abus sexuels chez les enfants, la question de la violence aussi en même temps, on a réuni une série d'intervenants au niveau de différents ministères, on est allés en haut et on a établi immédiatement avec eux une concertation. Il y a eu M. Lebon, un psychologue, qui est allé immédiatement rester sur place, établir les constats et dégager, parmi eux, quelqu'un capable de continuer le travail, pour ne pas avoir une dépendance avec des gens du Sud, des choses comme ça. Et, dans le moment, il y a des très, très bons résultats. Il y a eu de la résistance au début.
On a eu des rapports. On a deux rapports. On pourrait même, si M. Sirros est d'accord, vous remettre les rapports, des rapports extrêmement bien étoffés, qui donnent exactement le sens de la démarche. Ce travail-là est maintenant en train d'être aussi poursuivi dans le coin de Lac-Simon, comme quoi ça a été un élément important, mais il faut suivre. Au niveau des finances publiques, il y a eu beaucoup d'argent qui a été engagé là-dedans. Mais on pense qu'on va réussir, avec ce projet-là, à peut-être être en mesure d'aller dans d'autres communautés où on vit peut-être les mêmes problèmes.
Mme Bleau: Oui, c'est ça.
M. Maltais (André): Donc, au niveau professionnel, ça a été beaucoup de ressources. Au niveau financier, on a dégagé des montants d'argent. Et, troisièmement, on reporte la responsabilité aux gens de Povungnituk pour que, dorénavant, ils puissent se prendre en main là-dessus aussi.
Mme Bleau: Et vous avez l'espoir de pouvoir mettre des programmes semblables dans d'autres communautés autochtones, dans d'autres coins du Québec?
M. Maltais (André): Il faut que ça vienne de la communauté. Quand ça arrive, forcément, d'abord, il y a toujours les services policiers et les services sociaux qui entrent en contact avec le Secrétariat ou avec des ministères. Et, quand on y va, ce qu'on essaie d'avoir au tout début, c'est que la communauté s'engage.
Mme Bleau: Oui, sûrement.
M. Maltais (André): Sans ce préalable-là, je pense que c'est voué à l'échec. Mais il y a une mentalité aussi qui change dans les communautés, et c'est là-dessus qu'on travaille. Donc, pour les taux où ça donne des résultats positifs, les autres communautés sont demandeuses.
Mme Bleau: Je vous remercie.
Le Président (M. Parent): Merci. Alors, M. le député de Duplessis, je vous invite à continuer à parfaire...
M. Perron: À parfaire vos connaissances.
Le Président (M. Parent): ...à parfaire mes connaissances dans le domaine des autochtones.
M. Perron: Ça, ça inclut les questions et les réponses du ministre.
Le Président (M. Parent): Ça inclut tout ça.
M. Perron: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait nous dire en quoi la démarche proposée en décembre dernier devant la commission Erasmus-Dussault diffère des propositions du Forum paritaire québécois-autochtone qui, lui, vise surtout l'imposition d'un nouveau contrat social plutôt que la question...
M. Sirros: L'idée du Forum paritaire rejoint celle que j'ai mise de l'avant. La différence, c'est que je propose la création d'un forum où ce seraient des élus, des représentants officiels du gouvernement en tant qu'élus qui seraient là. Mais la démarche du Forum, je l'ai vue comme en appui à ce qu'on proposait.
M. Perron: Est-ce que le ministre a rencontré le Forum québécois là-dessus...
M. Sirros: Là-dessus, non.
M. Perron: ...sur sa politique à venir?
M. Sirros: J'avais déjà rencontré les représentants du Forum, ça fait un bout de temps. Oui, je rencontre souvent des gens qui sont impliqués dans le Forum.
M. Perron: Il y a des syndicalistes là-dessus, il y a Roméo Saganash, je pense.
M. Sirros: Oui.
M. Perron: M. le Président, se rapportant aux négociations avec le CAM dont le ministre a parlé dans son allocution de départ, le 18 février 1994, le premier ministre du Québec renouvelait le mandat de M. Guy Coulombe à titre de négociateur spécial du gouvernement dans le cadre de la revendication globale avec le CAM. Cette date charnière marquait aussi en même temps la reprise des négociations préalablement interrompues à la suite du retrait des Attikameks du processus global l'automne passé, c'est-à-dire en 1993, et ça se ferait selon une nouvelle entente déterminée par les représentants des deux nations autochtones. Cette entente consisterait à mettre en place une table centrale comprenant deux volets où siégeront les deux représentants nommés par chacune des nations. Cette démarche a pour but d'assurer un meilleur contrôle du processus de négociation par les deux nations, c'est-à-dire les Attikameks et les Montagnais. Finalement, ces deux représentants auront à définir les paramètres d'une nouvelle structure commune de négociation.
Projet SM 3
Le 24 février 1994, par les décrets 297-94 et 298-94, le gouvernement donnait l'autorisation à Hydro-Québec de débuter les travaux d'aménagement et de construction relativement à la phase I du projet SM 3 à partir du 15 avril 1994. Première question: Est-ce que le ministre a reçu les avis du fédéral et est-ce qu'il pourrait les déposer?
Le Président (M. Parent): M. le ministre.
M. Perron: Le ministre, avant...
M. Sirros: Quel ministre? Le ministre délégué aux Affaires autochtones ou...
M. Perron: Non, il y en a juste un ministre, ici.
M. Sirros: ...celui des Ressources naturelles?
M. Perron: Il y en a juste un ministre, ici, M. le Président, et il couvre deux aspects, là.
Le Président (M. Parent): Oui, mais celui qu'on a devant nous, c'est celui des Affaires autochtones.
M. Perron: Oui, mais qui est très près de celui des Ressources naturelles.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Parent): Il a beau être très près, mais il n'est pas là.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Parent): M. le ministre, libre à vous de juger. Je pense que, vous connaissant...
M. Sirros: Si le député veut parler de ça aussi, on peut en parler. Les avis du fédéral: Hydro-Québec a discuté avec le fédéral et les dernières informations que j'ai, c'est que tout est aplani. Il n'y a pas de difficultés. Les conditions que le fédéral émettait vis-à-vis l'émission des permis sont satisfaisantes pour Hydro-Québec.
M. Perron: Est-ce que le ministre peut me confirmer si, en particulier, la condition no 8 a été changée concernant les oiseaux migrateurs? Parce que c'est celle-là qui achoppait, en fait: faire une étude avant que les travaux se fassent...
M. Sirros: Est-ce que je pourrais peut-être reprendre...
M. Perron: ...pour savoir ce qu'il en était avec les moineaux.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Bleau: Oui, qui s'en viennent, là. C'est le bon temps pour parler de cette question. J'en ai vu plein ce matin.
M. Sirros: Je n'ai pas les textes comparatifs ici, avec moi. Je sais qu'il y en avait un bout qui posait quelques questions. Il n'y a plus de problèmes; tout est satisfaisant vis-à-vis les conditions du fédéral. Je ne veux pas me retrancher derrière le fait qu'on est à l'étude des crédits du Secrétariat aux affaires autochtones, mais je ne voudrais pas, non plus, entrer dans trop de détails sur des questions qui sont vraiment plus pertinentes vis-à-vis...
M. Perron: Bien, écoutez, M. le Président...
Le Président (M. Parent): Je vous reconnais.
M. Perron: ...mettons que je peux donner un petit avis au ministre, en passant.
M. Sirros: O.K.
Le Président (M. Parent): On va l'écouter.
M. Perron: Probablement que cette semaine, au niveau de la période des questions, il va peut-être avoir à répondre...
M. Sirros: O.K.
(17 h 20)
M. Perron: ...à ce qu'il a dit la semaine avant Pâques suite à une question que je lui posais ou encore, lors des crédits, il pourra répondre à ça.
M. Sirros: Parfait.
M. Perron: Mais il est possible que cette semaine il y ait des questions à l'Assemblée nationale là-dessus.
M. Sirros: Je remercie le député pour...
M. Perron: M. le Président, une autre petite question là-dessus. Est-ce que les travaux vont vraiment commencer le 15?
M. Sirros: Les informations que je détiens de la part des autorités d'Hydro-Québec, c'est que les travaux sont prévus pour le 15.
M. Perron: Est-ce que l'entente entre Hydro-Québec, négociée par Me Gauthier, de Sept-Îles, est actuellement signée, au moment où on se parle...
M. Sirros: Au moment où on se parle, à moins que...
M. Perron: ...avec Uashat-Malioténam? Pas avec Gilbert Pilot, là; avec Uashat-Malioténam.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Sirros: Pas avec Gilbert Pilot; c'est autre chose. À moins qu'il y ait eu des développements depuis ce matin, l'entente n'est pas signée, mais les discussions progressent très, très bien. Il y a eu beaucoup de progrès qui ont été accomplis entre le 6 et le 11 avril dans les discussions du procureur des autochtones et d'Hydro-Québec.
M. Perron: Est-ce que le chef n'est pas à Québec actuellement pour...
M. Sirros: Ils sont à Québec pour une rencontre des chefs, je pense. Il y a rencontre des chefs du Québec demain et après-demain.
M. Perron: D'accord.
M. Sirros: Ça se peut qu'il soit ici pour autre chose aussi.
M. Perron: On aurait dû les inviter en commission parlementaire, M. le Président.
M. le Président, le 1er mars dernier, le Conseil des Atikamekw et des Montagnais mettait en garde le gouvernement du Québec en déclarant textuellement là: «SM 3 ne peut se faire au détriment de la négociation territoriale globale des Montagnais.» Le CAM évoquait de même que, si le gouvernement du Québec osait prétendre que le projet SM 3 n'est pas lié à la négociation territoriale globale des Montagnais, sa bonne foi serait sérieusement mise en cause. D'autre part, Me Gauthier disait: On ne peut pas négocier un projet qui n'est pas autorisé. En fait, on parle de la Carheil, puis de la rivière aux Pékans.
Pour sa part, René Simon, du CAM, a déclaré puis ça, ça fait partie du mandat du ministre comme ministre délégué aux Affaires autochtones: Les négociations ne sont pas rompues, mais presque. Il soutenait aussi qu'Hydro-Québec tente de radier les droits ancestraux des autochtones en réduisant l'accord sur le projet SM 3 à une entente administrative. Et, à ce sujet, le premier ministre Johnson, le premier ministre du Québec et le ministre délégué aux Affaires autochtones rappelaient Hydro-Québec à l'ordre le 6 avril dernier, signifiant à la société qu'elle n'avait pas le mandat de négocier des droits territoriaux avec les autochtones. Puis, là-dessus, je suis d'accord avec le ministre, puis avec le gouvernement: ce n'est pas à Hydro à faire ça. Et le ministre déclarait: D'ailleurs, ce genre d'échange sur les droits territoriaux doit se faire à la table provinciale et non pas entre Hydro et les autochtones. Hydro, je pense, a compris le message actuellement, puis j'espère que ça ne se fait pas à ce niveau-là.
Mais, avant que n'intervienne le gouvernement, le chef Élie Jacques Jourdain avait déclaré, le 5 avril dernier, que ce sera les autochtones eux-mêmes qui décideront des travaux de construction du barrage SM 3 au moyen d'un référendum tenu à Uashat-Malioténam, qui sera tenu 60 jours après qu'Hydro aura mis sur la table ses offres finales. Comment le ministre peut-il concilier le 15 avril où les travaux devraient se faire sur le terrain par rapport à l'entente avec les Montagnais d'Uashat-Malioténam face à ce que je viens de dire, qui sont les paroles textuelles d'Élie Jacques Jourdain, du CAM, etc.?
Le Président (M. Parent): M. le ministre.
M. Perron: Il y a quelque chose qui ne marche pas en quelque part, là. À moins que le ministre n'ait pas les bonnes informations qui lui arrivent par d'autres portes, surtout en ce qui a trait au CAM.
M. Sirros: M. le Président, le député a fait une série d'énoncés à partir de déclarations qu'ont faites diverses personnes dans le dossier à divers moments. Dans un cas, par exemple, il a la preuve que les choses évoluent et que nous sommes dans une négociation. Alors, pourquoi des positions ou des expressions, par exemple, telles que: Tout est presque rompu? Est-ce que, aujourd'hui, on dit: Tout est presque signé? Bien, il y a du mouvement, disons, dans l'échange d'idées qui sont émises autour de la table. Je ne crois pas saisir exactement la question précise du député.
M. Perron: Bien, c'est qu'il y a deux écoles de pensée. Vous avez l'école de pensée d'Élie Jacques Jourdain...
M. Sirros: Qui dit?
M. Perron: ...qui, lui, parle de son référendum...
M. Sirros: Oui.
M. Perron: ...qui va suivre 60 jours après l'entente...
M. Sirros: Oui.
M. Perron: ...puis le ministre annonce... Bon. D'abord, le premier ministre a annoncé le 24 février, effectivement, qu'il y avait SM 3 et que la construction commencerait vers la mi-avril. Le ministre, il y a deux semaines, m'a dit à l'Assemblée nationale, à la période des questions: Effectivement, oui, il va y avoir des travaux qui vont commencer vers la mi-avril, le 15 avril, parce que, dans les 10 prochains jours, on va avoir des avis conformes qui viennent du fédéral et que ce dossier-là serait réglé. Par contre, d'un autre côté, le CAM dit, lui, en date du 1er mars 1994: SM 3 ne peut se faire au détriment de la négociation territoriale globale des Montagnais. Il y a quelque chose qui ne marche pas en quelque part. Le ministre a sa position. Vous avez Élie Jacques Jourdain, le chef d'Uashat-Malioténam, qui a sa position, qui dit: Il y a un référendum qui va se passer dans les deux prochains mois après la signature de l'entente. Donc, les travaux ne pourraient pas se faire avant la signature de l'entente, à moins que... Mais c'est ça, là, que je veux savoir.
M. Sirros: Le chef de la communauté d'Uashat-Malioténam négocie actuellement avec Hydro-Québec une entente pour la mise en valeur vis-à-vis le projet. Il va conclure une entente à travers ces négociations-là que, lui, il va soumettre à sa population, pour dire à sa population avec une recommandation, j'imagine, s'il l'a négociée: Voici ce que je pense qu'on devrait accepter ou entériner, comme négociation qu'on a conclue. Est-ce que, pour vous, c'est une condition préalable au début des travaux? Ça a été clair que ce n'est pas le cas.
M. Perron: C'est ce que vous a dit Élie Jacques Jourdain, que ce n'est pas une condition préalable; son référendum n'est pas une condition préalable par rapport au début des travaux de SM 3. C'est ça que vous êtes en train de me dire.
M. Sirros: Moi, je ne sais pas ce que dit Élie Jacques Jourdain. Moi, ce que je vous dis, c'est qu'il n'y a rien, nulle part, qui empêche le début des travaux, qui lie le début des travaux à ce que ce soit conditionnel à quelque entente que ce soit. Hydro-Québec négocie de bonne foi avec la communauté concernée. Nous négocions de bonne foi avec le CAM vis-à-vis ses revendications globales. Il n'est pas question d'éteindre ou, si vous voulez, de régler la question des droits ancestraux des Attikameks et des Montagnais.
M. Perron: À cette table-là.
M. Sirros: C'est peut-être à ça que M. Simon faisait référence. Il n'est pas question de faire ça à cette table-là entre Hydro et la communauté. Mais il n'y a pas de veto autochtone.
M. Perron: Il n'y en a pas du CAM, non plus.
M. Sirros: Non, pas du CAM, non plus.
M. Perron: Eh bien!
Le Président (M. Parent): Oui, Mme la députée de Groulx.
Négociations avec les Cris
Mme Bleau: Bon. Je comprends que le projet SM 3 est très important, mais il y a eu d'autres projets aussi importants, peut-être encore plus importants. En janvier 1993, le premier ministre d'alors avait mandaté Me Yves Fortier pour entreprendre des négociations avec les Cris. Où en sont rendues ces négociations-là?
M. Sirros: Nous avons reçu le rapport de Me Fortier à l'automne de l'année passée, en 1993. Me Fortier nous a dressé un tableau des conditions qu'il pouvait voir, lui, comme étant nécessaires pour la reprise des pourparlers. Il nous a fait part des sujets que voudraient discuter les Cris. Nous avons passé un certain temps à commencer à étudier le document en question; nous sommes toujours en train de le faire. Comme je le disais dans mes remarques, une des évaluations qu'on doit faire, c'est qu'il faut qu'on ait devant nous une volonté exprimée de part et d'autre de régler nos problèmes autour de la même table. On examine aussi toute la question des poursuites judiciaires que les Cris ont déposées devant les tribunaux et le lien qu'il peut y avoir entre ça et la reprise des négociations. Pour l'instant, c'est là où on en est. Je devrais, dans un avenir pas trop lointain, saisir mes collègues du Conseil des ministres des suites à donner.
Mme Bleau: Et vous avez bon espoir qu'on puisse entreprendre des nouvelles négociations sur des ententes futures qui pourraient être intéressantes.
M. Sirros: Oui, j'ai bon espoir. J'ai un espoir réaliste. Je ne crois pas qu'on va pouvoir, dans un avenir très, très rapproché, régler tous nos différends avec les Cris, mais je crois déceler une volonté de leur part, aussi, de se rapprocher, de rapprochement. J'en ai parlé à quelques reprises avec le grand chef Coon Come. Je vais le répéter dans l'avenir, et je suis modérément optimiste.
Mme Bleau: Merci, M. le ministre.
(17 h 30)
Le Président (M. Parent): Merci. M. le député de Duplessis.
Commercialisation du caribou
M. Perron: M. le Président, dans le même dossier, parce que je pense que Mme la députée a parlé de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, on apprenait récemment qu'en vertu du décret gouvernemental 45-94, adopté le 10 janvier dernier, les populations cries, inuit et naskapies de la région de la Baie James et du Nord-Est québécois possèdent maintenant un droit exclusif de chasser à des fins commerciales, de garder en captivité ou d'élever certaines espèces de la faune sauvage pendant une période de 30 ans; ça ressemble un peu à ce que font les Lapons actuellement. À l'automne passé, les Cris avaient aussi fait mention de leur volonté de provoquer la renégociation de 15 points majeurs de la Convention de la Baie James. Lors de l'étude des engagements financiers du SAA en novembre dernier, le ministre avait tenté de se faire rassurant en déclarant qu'il s'agissait de prénégociation et que les recommandations du négociateur spécial étaient encore sous évaluation. De même, il continuait à prétendre que l'actualisation de la Convention ne constituait en rien une réouverture pleine et entière de la Convention.
J'aimerais que le ministre nous fasse le point sur le droit exclusif de chasser à des fins commerciales consenti par le décret publié le 2 février dernier. Et quelles sont les principales implications de ce décret? Sur quelles terres ce droit exclusif a-t-il été concédé?
Le Président (M. Parent): M. le ministre. Soit vous ou un de vos collaborateurs.
M. Sirros: Ce droit a été concédé, à ce que je...
Le Président (M. Parent): Allez, monsieur.
M. Sirros: Oui. Vous voulez les détails? C'est ça.
M. Rochon (Jean): Sur l'ensemble des terres.
Le Président (M. Parent): Allez, monsieur.
M. Perron: C'est-à-dire sur les terres de catégorie 1, de catégorie 2 et de catégorie 3 des trois ententes?
M. Sirros: Deux et trois. Sur les terres sur lesquelles circule le caribou.
M. Rochon (Jean): Sur l'ensemble des terres de la Convention de la Baie James, c'est-à-dire les catégories 1, 2 et 3.
M. Perron: Quelle est l'implication des...
M. Sirros: J'ai remarqué une insistance au niveau du député sur la notion d'exclusivité et je dois dire que c'est une exclusivité pour une période limitée.
M. Perron: Trente ans.
M. Sirros: C'est pendant une période de 30 ans. Vous allez dire: C'est long. Oui, peut-être, mais l'idée, c'est de créer une situation qui permettra aux autochtones de s'implanter dans la commercialisation du caribou. Il se peut fort bien, probablement comme ça s'est fait ailleurs où c'est commercialisé, qu'il y aura des «joint ventures». Mais il y a un levier de développement économique que les autochtones, les Inuit en particulier, dois-je dire... C'est les Inuit qui ont poussé très, très fort pour qu'on réussisse à conclure cette modification à la Convention.
M. Perron: Est-ce que «exclusivité», ça veut dire que les chasseurs sportifs blancs ne pourront pas aller chasser le caribou, à moins d'ententes particulières? Est-ce que ça veut dire que les pourvoyeurs seront restreints dans le nombre de permis qu'ils vont recevoir du gouvernement du Québec?
M. Sirros: Non, non, aucunement. Tout ce que ça veut dire, c'est que ça ne peut être qu'une entreprise détenue, majoritairement tout au moins, par les Inuit qui peut commercialiser le caribou. C'est-à-dire que ce n'est pas une pourvoirie; il s'agit...
M. Perron: Non, non, je sais.
M. Sirros: ...d'une entreprise qui vend.
M. Perron: Bon. C'est qu'actuellement vous avez la chasse au caribou qui est de la chasse libre par les pêcheurs sportifs. Vous avez la chasse au caribou qui est de la chasse sportive à travers les pourvoyeurs du Nouveau-Québec.
M. Sirros: Oui, mais c'est tout pour consommation personnelle, ça.
M. Perron: Oui. Puis, en plus de ça, là, vous venez de signer une entente, avec un décret qui dit qu'effectivement il y a un droit exclusif pour la commercialisation du caribou. Est-ce que c'est sur l'ensemble du cheptel? Quelle sorte d'orientation ça va prendre?
M. Sirros: Je peux peut-être laisser M. Beauchemin, qui était au centre aussi de ces négociations, vous donner quelques détails sur la question, mais...
M. Perron: En même temps, s'il y a de l'implication des Blancs en rapport avec ça.
M. Sirros: Mais je tiens juste à faire la distinction entre les activités... Comment je peux dire? Les chasseurs blancs peuvent chasser pour consommer, mais ne peuvent pas vendre le fruit de leur chasse. Ici, il s'agit d'organiser une commercialisation. À l'heure actuelle, on peut aller sur Grande Allée ici, puis manger du caribou au Louis-Hébert ou je ne sais pas trop où, mais c'est du caribou qui vient de Terre-Neuve, parce que c'est commercialisé et permis là-bas, puis, nous, on ne peut pas le vendre ici. À partir de maintenant, ça pourra être fait et il y a les autochtones qui auront ce droit pendant une période de temps. Mais peut-être que M. Beauchemin va vous donner un peu plus de détails sur le fonctionnement.
M. Perron: J'aurai d'autres questions par la suite, M. le Président.
Le Président (M. Parent): M. Beauchemin, en réponse à la question du député de Duplessis.
M. Beauchemin (Georges): J'avance une précision importante, M. le Président, c'est que le troupeau de caribous dont il est question, selon les données des biologistes, est de l'ordre d'à peu près 600 000 têtes, au moment où on se parle. La Convention de la Baie James, comme vous le savez, établit un régime particulier en droits de chasse et de pêche sur l'étendue du territoire conventionné. Le premier principe, celui qui supplante tous les autres, est celui de la conservation des espèces animales. Le meilleur exemple de ce principe de conservation est le boeuf musqué. Le boeuf musqué est une espèce autochtone dans la région, indigène dans la région, qui a toujours existé là, qui était en voie de disparition, qui a été réimplantée grâce à des efforts gouvernementaux et qui est protégée. Donc, la protection de toute espèce animale, que ce soit le boeuf musqué ou le caribou, est le premier objectif du régime et de la loi.
Le deuxième objectif et c'est ce que la Convention de la Baie James prévoit c'est que le droit de subsistance des autochtones passe en second, après la conservation. Vous remarquerez que, dans le chapitre 24, il y a des niveaux qui ont été négociés et qui correspondaient au niveaux de récoltes nécessaires à la subsistance des autochtones qui en font leur source préférée pour des raisons culturelles, mais également économiques de protéines. On sait que de faire monter des protéines animales par Air Inuit, ça revient plus cher la livre que de les avoir à proximité de la maison. Alors, ce deuxième principe est consacré par la Convention de la Baie James.
Le troisième principe, c'est que la chasse commerciale par des non-autochtones, non bénéficiaires de la Convention, passe en troisième. Il faut, en tout temps, que le cheptel animal...
Une voix: C'est la chasse sportive, là.
M. Beauchemin (Georges): C'est sportive, là, la chasse des non-autochtones. Il faut, en tout temps, qu'ils aient un permis, qu'ils respectent les limites de ce permis, c'est-à-dire les saisons de chasse, le nombre de bêtes qu'ils peuvent tuer, les conditions dans lesquelles ça peut être fait. Donc, il y a un contrôle très sévère sur le nombre d'animaux qui peuvent être ramenés à la maison par ces chasseurs sportifs.
Une voix: Deux par permis.
M. Beauchemin (Georges): Deux par permis. Le quatrième ou le dernier principe qui vient d'être ajouté par cette convention complémentaire, c'est qu'étant donné qu'il y a un cheptel de 600 000 têtes, que les niveaux de chasse par les autochtones pour leur subsistance et par les chasseurs non autochtones à des fins sportives sont tels, là, il existe une place pour faire de la commercialisation pour un certain nombre de bêtes. Et même les biologistes sont d'avis que c'est préférable qu'il en soit ainsi pour éviter d'avoir une perte et pour éviter d'avoir un cheptel qui grossit tellement ou qui a des fluctuations tellement fortes qu'on ait...
M. Perron: Qu'ils s'énervent comme dans la Caniapiscau.
M. Beauchemin (Georges): ...soit des événements comme ceux de la Caniapiscau qui se répètent d'année en année, M. le député, qui ne font pas toujours les manchettes, mais qui se répètent d'année en année, mais, également, que les bêtes qui surpeuplent certaines des aires de pacage en viennent à avoir des maladies, en viennent à avoir des choses comme ça.
Je vous rappellerai qu'en Laponie, dont vous avez fait mention, il y a un troupeau de l'ordre de 200 000 têtes qui circule entre la Norvège, la Finlande et la Suède. Annuellement, depuis des années et des années, il y a à peu près 50 000 de ces bêtes qui sont abattues à des fins commerciales et qui se retrouvent sur des marchés de consommation. Dans un premier temps, l'objectif de commercialisation du caribou au Québec viserait à peu près 5000 têtes sur un troupeau de 600 000.
M. Perron: Est-ce que, ça, c'est inscrit, M. Beauchemin, à l'intérieur de l'entente que vous avez?
M. Beauchemin (Georges): Il est toujours inscrit, à l'intérieur de l'entente, que le gestionnaire de la ressource est le ministre et c'est lui qui fixe le quota, la limite du nombre de caribous, de façon à toujours respecter le premier principe de la conservation de l'espèce.
M. Perron: Donc, actuellement, est-ce qu'il y a un chiffre d'inscrit pour la première année d'opération?
M. Beauchemin (Georges): Il y avait un objectif d'à peu près 5000.
M. Perron: O.K. C'est inscrit dans l'entente.
M. Beauchemin (Georges): C'est-à-dire que c'est inscrit dans les objectifs. Le ministre ne resignera pas une entente à chaque année pour exercer son propre pouvoir. Le ministre va fixer ses propres objectifs en fixant des quotas de commercialisation de caribous sur lesquels il va décerner des permis.
M. Perron: Quel ministre va faire ça?
M. Beauchemin (Georges): Le ministre de la Faune, le ministre qui est responsable...
M. Perron: Le ministre de la Faune.
M. Beauchemin (Georges): ...de l'application du chapitre 24, Environnement et Faune.
M. Perron: Ah! C'est le ministre de l'Environnement qui s'occupe de la faune en même temps, là?
(17 h 40)
M. Beauchemin (Georges): Exact.
M. Perron: Et, lui, à toutes les années, il va émettre le nombre de têtes à abattre par rapport au cheptel, à l'existence du cheptel, au nombre de bêtes.
M. Beauchemin (Georges): C'est lui qui assume l'ensemble des responsabilités vis-à-vis du chapitre 24, M. le député, donc, la conservation de toutes les espèces animales, y inclus le caribou.
M. Perron: Est-ce qu'il y a des craintes qui ont été exprimées à l'effet que cette commercialisation d'animaux sauvages, en particulier le caribou, pour des fins d'alimentation de masse risque de provoquer une augmentation du braconnage par personne interposée même chez les Inuit et les Cris et les Naskapis? Ou les Blancs?
M. Beauchemin (Georges): Est-ce qu'il y a des craintes? Vous posez une question hypothétique. Pas plus qu'aujourd'hui. Il y a autant de caribous aujourd'hui qu'il y en aura après l'application de la convention complémentaire.
M. Perron: Oui, c'est parce que, là, voyez-vous, antérieurement, c'était la question sportive. Il y a des gens qui payaient jusqu'à 4000 $, 5000 $ pour aller chercher deux caribous dans une pourvoirie X, Y, Z. Mais, là, actuellement, le caribou, ils n'avaient pas le droit de le vendre, malgré qu'il y en ait qui en ont vendu; ça, c'est clair. Mais ils n'avaient pas le droit de le vendre parce que c'était du caribou sportif. Bien, du caribou sportif, il faut s'entendre, entre guillemets, là. C'était du caribou qui provenait de chasseurs sportifs, bon.
M. Beauchemin (Georges): Oui. Il faut bien comprendre que la commercialisation d'une viande comme le caribou va nécessiter, à l'intérieur d'un régime non seulement de droit, mais de prescription alimentaire, des inspections alimentaires par les inspecteurs du ministère de l'Agriculture. Ça va être de la viande estampillée. Alors, ça veut dire que, pour quiconque a un permis de mettre en marché, par exemple, 300 ou 600 ou 1000 carcasses de caribous qui vont se retrouver dans des abattoirs commerciaux, il y a toute la chaîne d'inspections qui est là.
Que certains individus se livrent au braconnage, je pense que c'est une activité qui existe, qu'on peut déplorer, mais que ça devienne une crainte à un niveau tel... Pas plus que le nombre de caribous pourrait le permettre à l'heure actuelle.
Mme Bleau: Juste sur la même question, est-ce qu'il y a des inspections faites dans les restaurants où il y a sur le menu, justement, le caribou? Est-ce que, à l'occasion, il peut y avoir des inspecteurs pour bien voir que cette viande-là est estampillée?
M. Sirros: Oui, ce sont les mêmes inspecteurs qui inspectent toute la viande, le boeuf, etc., qui vont dans les restaurants. Ce sont les mêmes inspecteurs qui vont inspecter le caribou.
Mme Bleau: Un braconnier aurait de la difficulté à vendre sa viande dans un restaurant qui a ce mets-là sur le menu.
M. Sirros: Si le restaurateur est le moindrement soucieux de sa réputation, puis de sa clientèle, oui.
M. Perron: Ça dépend du réseau de braconniers.
Le Président (M. Parent): Voyons, M. le député! Vous savez bien que ça n'existe pas.
M. Perron: M. le Président, est-ce que M. Beauchemin pourrait nous dire si, au niveau de l'abattage et au niveau du dépeçage, il y a des conditions qui sont actuellement émises ou si ça va venir de la même façon que font les pêcheurs sportifs: on tue, on éventre, on étête, on «épatte»...
M. Beauchemin (Georges): Non. Les Inuit ont, depuis le début de leur démarche, le souci de respecter l'ensemble des lois du Québec en matière de commercialisation du caribou et, par cela, ça veut dire également le respect des normes d'hygiène que tous les inspecteurs du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation peuvent mettre de l'avant. Et, pour eux, c'est une question de survie économique. C'est une ressource renouvelable. Ils veulent s'implanter sur le marché. Ils connaissent, comme vous le savez, une croissance démographique énorme; les deux tiers de la population ont moins de 25 ans: il faut des débouchés économiques. Et la commercialisation du caribou va entraîner les jeunes Inuit à devenir bouchers, charcutiers, et j'en passe. Pour eux, c'est un débouché et ça veut dire qu'ils veulent livrer un produit de qualité.
M. Perron: Remarquez bien que, là-dessus, moi, je n'ai aucune espèce d'objection parce que, effectivement, il peut y avoir des dangers pour le cheptel si le cheptel grossit trop rapidement. Donc, il faut effectivement faire des choix d'abattage. Je sais qu'il y a déjà un dossier probablement, il y a des anciens de l'OPDQ qui sont ici qui le connaissent très bien le fameux dossier de l'abattage du caribou qui était supposé se faire à Schefferville ou dans le bout de Fort-Chimo. Il y avait une étude de l'OPDQ qui avait été faite là-dessus. C'était intéressant, excepté que les coûts de mise en place de tout ça étaient énormes dans le temps; ça fait une douzaine d'années de ça. Maintenant, les opérations d'abattage, est-ce que ces opérations-là vont se faire sur le terrain et, ensuite, être amenées en abattoir ou si une partie du cheptel, les 1000 ou 500 ou 200 bêtes vont être amenées directement à l'abattoir pour être tuées là et, ensuite, dépecées selon les règles de l'art?
M. Beauchemin (Georges): Bien, là, il y a une règle du jeu économique qui entre en ligne de compte. Si vous êtes, vous, un Inuk et que vous voulez avoir un permis d'abattage pour 100 caribous et que, pour abattre 100 caribous, il vous faut avoir une salle d'abattage mobile, conforme aux normes, que vous devez transporter au milieu de la taïga, ou du territoire, ou de la toundra...
M. Perron: Ils sont capables de le faire, d'ailleurs.
M. Beauchemin (Georges): ...et qu'il vous en coûte énormément, vous allez peut-être préférer demander un permis de 1000 pour pouvoir réduire vos coûts. Ce genre d'opération précise, pour l'instant, comme le caribou du Québec n'est pas encore domestiqué comme le caribou de la Laponie... Vous savez que, chez les Lapons, le caribou est amené, un peu comme on amène du bétail, dans les salles d'abattage; au Québec, ce n'est pas le cas. Alors, il est question d'implanter, à certains endroits stratégiques, des abattoirs mobiles, mais, également, des parcs pour essayer de retenir...
M. Perron: D'élevage aussi?
M. Beauchemin (Georges): ...comment je dirais? de confinement, de rétention du caribou, pour pouvoir ensuite l'abattre dans les meilleures conditions possible.
M. Perron: Disons que, sur la question du caribou, là, je pense que ça...
M. Sirros: Mais vous êtes d'accord, d'après ce que je peux voir.
M. Perron: Sur le principe, oui, en autant que c'est fait dans...
M. Sirros: Attention, vous allez nous féliciter encore.
M. Perron: Non, non, je n'irai pas féliciter le ministre.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Perron: Je n'irai pas féliciter le ministre parce qu'il va venir me rapporter ça à la prochaine...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Perron: ...si jamais il y a d'autres crédits de son gouvernement. J'ai bien dit: Si jamais il y a d'autres crédits de son gouvernement.
M. Sirros: Je suis confiant, confiant.
Le Président (M. Parent): Le député de Duplessis a appris.
M. Perron: J'ai appris, oui, parce qu'il met des paroles dans ma bouche, des fois.
Le Président (M. Parent): M. le député, je veux seulement vous faire remarquer qu'il nous reste à peu près 12 minutes pour terminer.
M. Perron: 18 h 15, 18 h 20.
Le Président (M. Parent): On serait d'accord avec 18 h 15?
M. Perron: Et on oublie 20 heures ce soir?
M. Sirros: Oui.
Le Président (M. Parent): 18 h 15.
M. Perron: Ça va.
Le Président (M. Parent): Très bien.
M. Sirros: Ça serait très bienvenu.
M. Perron: Ça, c'est pour donner une chance au ministre d'aller à son conseil des députés.
Le Président (M. Parent): Ça, on l'apprécie beaucoup, M. le député de Duplessis.
M. Sirros: Merci.
Négociations avec les Cris (suite)
M. Perron: Dans un autre ordre d'idées, par rapport aux Cris, est-ce que le ministre peut faire le point sur l'évolution des 15 points majeurs qui devaient faire l'objet d'une négociation avec les Cris?
M. Sirros: Les 15 points majeurs...
M. Perron: En novembre dernier...
M. Sirros: Oui.
M. Perron: ...suite à des questions que je lui posais, le ministre n'a pas voulu trop élaborer davantage sur la question des 15 points en négociation avec les Cris, les 15 points que les Cris veulent négocier. Est-ce que le ministre peut élaborer davantage là-dessus?
M. Sirros: Pas plus aujourd'hui qu'au mois de novembre.
M. Perron: Est-ce que ça avance? Vous avez un négociateur là-dessus?
M. Sirros: Non, le négociateur a soumis son rapport qui était un rapport de prénégociation. En fait, M. Fortier est allé rencontrer les Cris et il a exploré avec leurs représentants... En fin de compte, ils ont dit: Bien, quel est l'état de la situation? C'est quoi, au juste, que vous voulez? Il nous a fait rapport un peu sur ce que les Cris veulent ou voient comme posant problème. Il est quelqu'un qui, finalement, essaie, à partir de son rapport, de créer un terrain de discussion possible. Il n'a pas négocié quoi que ce soit; il a fait état de la situation telle que les Cris la vivent.
Dans cet état, il y avait des points que les Cris identifiaient comme des points qui leur tenaient à coeur, si vous voulez. De mémoire, je ne les ai pas, mais il y avait des choses qui tournaient autour de la question économique, de l'application concrète du chapitre 28, des montants d'argent. Ils voulaient aussi parler, à un moment donné, d'autonomie gouvernementale. Donc, il y avait une série de points, et les Cris disaient: Si on est pour parler avec vous, voici le genre de choses dont, nous, on voudrait parler. Ce qu'il reste à faire, c'est de voir, à partir de cette liste, quels sont aussi les sujets ou les items et l'approche que le gouvernement veut entamer avec les Cris; quel est l'impact, un peu, de toutes les procédures judiciaires qui sont devant les tribunaux, à l'heure actuelle, vis-à-vis ce discours; qu'est-ce qui se passe sur la scène internationale quant aux déclarations qui sont faites, etc., etc., pour qu'on arrive à faire une proposition aux Cris qui dise: Bien, voici, si ça vous intéresse de reprendre et de revoir nos relations, on peut le faire à partir de tel ou tel cadre de discussion. C'est ça. Je ne sais pas si ça répond, mais...
(17 h 50)
M. Perron: M. le Président, le 4 novembre 1993, à la page CI-2400 des Débats de l'Assemblée nationale, je posais une question au ministre qui était la suivante. Et là, je vais lire textuellement la réponse du ministre et la question aussi, parce que je ne veux pas qu'il me mette des mots dans la bouche.
Le Président (M. Parent): Allez-y.
M. Perron: «M. le Président, le ministre a parlé, dans sa déclaration qu'il avait faite antérieurement, là de recommandations du négociateur spécial. Est-ce que le ministre pourrait nous dire ce à quoi il faisait référence et s'il peut rendre publiques ces recommandations-là?» Le ministre me répond: «Non, je ne peux pas, à ce moment-ci, les rendre publiques. C'est un rapport qui fait le constat suite aux différents échanges, contacts, discussions et séances que notre négociateur a eus avec le négociateur désigné des Cris. Et c'est un rapport qui sera examiné, qui est actuellement analysé et étudié, qui sera soumis au Conseil des ministres dans les semaines qui suivent.»
Est-ce que, dans les semaines qui suivent, le Conseil des ministres a pris connaissance du rapport qui était un prérapport?
M. Sirros: Là, je ne me rappelle pas si on a réussi à le faire; je pense que non. Moi et la précédente titulaire du poste d'Énergie et Ressources, on en a pris connaissance. Je pense qu'on n'a pas réussi à le déposer avant le changement de gouvernement.
M. Perron: Est-ce qu'il a été déposé?
M. Sirros: Non.
M. Perron: Pas encore.
M. Sirros: Pas au Conseil des ministres, non. Alors, on est en train de... C'est ça que je disais tantôt, que j'espère que d'ici quelque temps je pourrai saisir mes collègues quant aux suites à donner à ça.
M. Perron: Donc, si je comprends bien, les véritables négociations ne sont pas encore commencées.
M. Sirros: Non.
M. Perron: Parce que le rapport intérimaire du négociateur n'a pas encore été endossé par le Conseil des ministres.
M. Sirros: Exact. Il n'y a pas eu de suite, jusqu'à maintenant, au niveau de véritables négociations, comme vous dites.
M. Perron: Oui.
M. Sirros: C'est ce que j'ai dit.
M. Perron: Est-ce que c'est dû au fait qu'il va y avoir un autre gouvernement qui s'en vient que vous paralysez tout ça, ou quoi?
M. Sirros: Oh! Moi, je pense que, si vous espérez, vous avez un long espoir, M. le député. D'ailleurs, je pense que, si vous pensez que vous allez pouvoir négocier des choses avec les autochtones au niveau constitutionnel...
M. Perron: On verra. M. le Président, on apprenait, vers la fin du mois de février, que les Cris déclaraient la guerre aux compagnies forestières déclaraient la guerre, entre guillemets, c'est probablement une guerre juridique et qu'ils s'apprêtaient, ainsi à attaquer devant les tribunaux les compagnies forestières qui font la coupe à blanc au sud de la baie James. D'ailleurs, Matthew Coon Come, le chef du Grand Conseil des Cris, mentionnait, le 24 février dernier, dans un article de journal, ce qui suit: «M. Coon Come a accusé Québec d'avoir soustrait les exploitants forestiers à l'obligation de reboiser les territoires coupés. Tout ça, dit-il, parce que Québec "veut acheter du temps" pour permettre aux forêts du sud de se régénérer, une nouvelle forme de "racisme environnemental", à son avis. Ces coupes à blanc, dit-il, non seulement ruinent les territoires de chasse, mais elles conduisent les Cris à une "perte d'identité", à l'alcoolisme et à de sérieux problèmes familiaux.»
Est-ce que c'est toujours, actuellement, l'intention des Cris de procéder devant les tribunaux? Est-ce que c'est déjà démarré, ce processus judiciaire ou si c'est en état de négociation pour voir s'il y a moyen de régler ça hors cour?
M. Sirros: Je vous ferais remarquer que l'affaire Coon Come, qui est déjà devant les tribunaux, fait référence justement à ça.
M. Perron: C'est sub judice.
M. Sirros: Alors, c'est déjà devant les tribunaux, mais il n'y a pas eu d'autre nouveau dépôt, à ma connaissance, devant les tribunaux. Il y a des préoccupations qu'ont certaines communautés vis-à-vis les activités forestières. Il y a des demandes d'autres communautés pour avoir des CAAF, par exemple. Il y a des communautés cries qui veulent exploiter...
M. Perron: La forêt.
M. Sirros: ...la forêt. Alors, nous sommes en discussion avec une communauté, Waswanipi en particulier. Et qui sait? Peut-être, d'ici quelques jours, j'aurai de bonnes nouvelles à annoncer.
Le Président (M. Kehoe): Très bien. M. le député.
Création d'une ZEC mixte dans la région de SM 3
M. Perron: Pour revenir au CAM, M. le Président, on sait que la création d'une nouvelle ZEC mixte dans la région crée certains remous, compte tenu du contexte actuel. Je parle de SM 3. Le ministre peut-il nous faire le point sur ce dossier et nous indiquer si les changements proposés récemment ont changé de quelque façon les données à ce sujet?
Je voudrais rappeler au ministre que, dans une première présentation qui a été faite à son gouvernement, l'étendue du territoire de cette ZEC était très, très, très, très prononcée: elle se rendait à quelques kilomètres de Fermont et elle prenait à peu près l'ensemble de la réserve de Port-CartierSept-Îles. Et il y avait des objections de la part de certaines associations sportives du milieu qui ne voulaient pas que le territoire soit aussi grand. Est-ce que le territoire a été modifié? Est-ce que cette question-là est endossée par le gouvernement, par rapport à la grandeur du territoire de la ZEC mixte? On dit bien mixte parce que, à ce moment-là, ce n'était pas supposé d'être mixte; c'était strictement autochtone.
M. Sirros: L'étendue du territoire n'est pas décidée.
M. Perron: Ça fait partie des négociations? Est-ce que, ça, ça se négocie à la table ou si ça se négocie avec Hydro-Québec?
M. Sirros: C'est le ministère qui négocie.
M. Perron: C'est le ministère au niveau régional.
M. Sirros: C'est dans le cadre de l'application de la loi qui gère les ZEC.
M. Perron: Oui, mais... En tout cas, je mets en garde le ministre, parce qu'il était question, dans ce document-là, qu'après cinq ans peut-être, entre guillemets, de gestion mixte mais qui n'était pas nécessairement arrêtée dans la demande des Montagnais de Washat Maliotenam face aux négociations avec Hydro-Québec; il n'était pas assuré qu'il y avait une présence de représentants d'associations blanches, d'associations dont des Blancs faisaient partie, chasseurs, pêcheurs, etc. après cinq ans, c'était strictement autochtone, donc plus de présence de représentants ou représentantes d'associations blanches. Alors, là, on aurait eu quelques problèmes dans le milieu parce qu'il y a Sept-Îles, il y a Port-Cartier, il y a Moisie, il y a Gallix, il y a Pentecôte, il y a tout un territoire et il y a même Fermont, dans le nord, où on aurait pu avoir des problèmes.
M. Sirros: Le meilleur endroit pour discuter de façon plus précise de tous ces éléments, tous ces détails-là, ce serait au niveau du MEF.
M. Perron: Au niveau?
M. Sirros: Du MEF, Environnement et Faune, qui négocie directement la ZEC.
M. Perron: D'accord.
M. Sirros: C'est ça, ce n'est pas du tout lié à SM 3. Si ça l'est dans l'esprit des gens, ça l'est, mais, je veux dire, légalement...
M. Perron: Je peux vous dire que ça fait partie des négociations de Me Gauthier avec Washat Maliotenam et Hydro-Québec par rapport au territoire.
M. Sirros: Possiblement, mais, au niveau de l'encadrement légal, c'est une ZEC comme peut en créer n'importe qui.
Contrats de moins de 25 000 $
M. Perron: M. le Président, l'Opposition avait fait des demandes au SAA se rapportant à des renseignements généraux. À propos de la demande no 6 que nous avions faite sur les contrats de moins de 25 000 $, je voudrais avoir des précisions sur un contrat de 7238 $ à comment prononce-t-on ça? Calliope Kappos Sifakis et de 5000 $ à Lyne Bigeault. Ces deux personnes-là sont des attachées politiques. Et, lorsqu'on parle de 7238 $, le mandat, c'était: relations publiques avec les organismes du comté; contacter les nouveaux arrivants du comté de Laurier et les groupes des communautés culturelles, aider l'attachée politique dans ses tâches. Qu'est-ce que ça vient faire avec...
M. Sirros: Les ministres...
M. Perron: Oui, mais c'est un contrat additionnel en plus du salaire. On n'est pas supposé de faire ça.
M. Sirros: Non, non, il n'y a pas de salaire, là; c'est ça, son contrat. C'est une contractuelle qui est engagée sur une base contractuelle pour un montant x, avec des tâches...
M. Perron: Mais est-ce que le ministre pourrait me dire pourquoi il utilise le budget régulier de son ministère pour faire ça plutôt que son enveloppe?
M. Sirros: Ce n'est pas le budget régulier du ministère; c'est le budget du cabinet.
M. Perron: Ah! C'est à partir du budget de son cabinet.
M. Sirros: C'est du personnel politique, oui.
Une voix: C'est marqué en haut: «cabinet».
M. Perron: Parce que, écoutez, ces contrats de moins de 25 000 $ devraient être octroyés à des firmes et à des professionnels, pas à du personnel politique. Qu'est-ce ça veut dire que ça a été donné, ces deux contrats-là? «À titre d'attachée politique régionale, exécuter les tâches relatives à la tenue de réunions», dans le cas de Mme Bigeault.
Une voix: C'est à des professionnels.
M. Perron: Oui, mais attachée politique.
(18 heures)
M. Sirros: Ce n'est pas le budget du ministère. C'est le budget du cabinet.
M. Perron: Vous êtes sûr que c'est le budget du cabinet?
M. Sirros: Ah, oui, oui!
M. Perron: Que ça ne vient pas du budget administratif? Ça ne vient pas du budget du ministère?
M. Sirros: Non, non, non. Pour le budget du ministère, vous allez trouver les contrats à la page suivante, là. Dans la masse salariale des cabinets, on peut octroyer des contrats à des professionnels ou à des gens, là, lorsqu'on veut qu'ils assument une tâche particulière, qui est plus politique, si vous voulez, que ce soit par rapport à des activités qu'on veut leur faire faire dans le comté ou que ça soit par rapport à des activités... Michèle Rouleau, par exemple, elle a été engagée pour une fin x. L'autre personne dont vous faites mention... Oui, mais c'est politique, dans le sens que ce n'est pas administratif, Michèle Rouleau. Je voulais quelqu'un qui me conseille sur le plan politique de ce qu'il convient de faire ou de ce que, moi, je veux faire, comme ministre du gouvernement, vis-à-vis un dossier x.
Il faut comprendre aussi que les enveloppes budgétaires des ministres englobent aussi leur comté, c'est-à-dire le cabinet. Les sommes mises à la disposition des ministres doivent servir également à défrayer le personnel politique dans le comté.
M. Perron: Est-ce que ça a été pris dans son budget de cabinet ou dans son budget discrétionnaire?
M. Sirros: Dans le budget du cabinet. On n'a pas de budget discrétionnaire du cabinet.
Une voix: C'est discrétionnaire.
M. Sirros: Oui, c'est ça. En fait, tout le budget d'un cabinet est discrétionnaire dans le sens qu'on engage qui on veut pour travailler selon les mandats qu'on leur donne vis-à-vis des tâches politiques qu'on veut bien qu'ils fassent.
M. Perron: Est-ce que je comprends que le ministre délégué aux Affaires autochtones n'a pas de budget discrétionnaire à sa disposition?
M. Sirros: Pas dans le cabinet.
M. Perron: Sinon son budget de cabinet.
M. Sirros: Non, non. Il y a un budget discrétionnaire qui peut servir pour financer les organismes se rapportant à la clientèle, et je pense que vous allez trouver... D'ailleurs, je pense...
M. Perron: Oui, oui, d'accord. Il y a une liste, là. Oui.
M. Sirros: ...qu'il y a une liste, que j'ai ici, de subventions qui sont octroyées par rapport à ce budget discrétionnaire, qui est de l'ordre de 50 000 $.
M. Perron: D'accord.
M. Sirros: Le budget de cabinet...
M. Perron: C'est une autre chose.
M. Sirros: ...c'est une autre chose. C'est les salaires ou les contrats, le fonctionnement, là, dans le cabinet.
Une voix: La masse salariale.
M. Sirros: La masse salariale.
M. Perron: Il y a deux contrats au Centre d'enseignement de l'anglais; pour des cours d'anglais se rapportant à M. Maltais, je comprends...
M. Sirros: Ha, ha, ha!
M. Perron: C'est 1822,57 $ pour des cours aux employés du SAA, là ça, ça veut dire autres que M. Maltais, probablement et 1548 $ pour des cours au sous-ministre Maltais. Combien d'employés ont suivi ces cours? Pourquoi est-ce que M. Maltais a suivi des cours privés, à part? C'est parce qu'il voulait aller plus vite ou quoi?
M. Sirros: Ha, ha, ha! Blague à part, si vraiment le... Je pense que M. Maltais, qui est ici, peut répondre.
Une voix: En anglais.
M. Sirros: Where is the problem?
M. Perron: You tell me that in English.
M. Maltais (André): Non, c'est juste une question d'arrangement administratif, tout simplement, en termes de temps. Voilà, c'est tout.
M. Perron: Voulez-vous me répéter?
M. Maltais (André): C'est juste une question d'arrangement en termes de temps. Alors, c'est le matin. C'est la disponibilité du professeur et tout. Vers 8 heures le matin.
M. Perron: Ah! C'est parce que les cours, vous deviez les suivre à titre privé plutôt que dans une classe comme...
M. Maltais (André): Mais on pourrait y aller aussi, mais il y a du déplacement en même temps.
M. Perron: Ça vous attachait à des heures où vous auriez dû être au travail, à ce moment-là.
M. Maltais (André): C'est plus facile à 8 heures le matin. C'est ça.
M. Perron: Disons que l'explication...
Le Président (M. Parent): Par souci d'efficacité, on peut dire?
M. Sirros: Tout à fait.
M. Perron: Je comprends M. Maltais parce qu'il a affaire à parler avec les anglophones à plusieurs reprises; alors, je comprends qu'il ait eu besoin de cours. Sans le discréditer, en passant, parce que c'est bien qu'on parle deux, trois langues, quatre langues. Le ministre en parle combien? Trois?
Une voix : Quatre.
M. Perron: Quatre?
M. Sirros: Trois et trois quarts.
M. Perron: Trois et trois quarts?
M. Sirros: Ça s'améliore. C'était trois et demie l'année passée.
M. Perron: Dans l'avenir, le sous-ministre, M. Maltais, doit aller en Europe. Il y est allé récemment, d'ailleurs?
M. Sirros: Il vient de retourner.
M. Perron: Il doit retourner avec Réal Mckenzie.
M. Sirros: Il vient de retourner avec...
M. Perron: Il vient... Ah! Vous y êtes allé? Est-ce que le sous-ministre doit y retourner avec d'autres personnes?
M. Maltais (André): Non. Peut-être pour préciser, ça, c'est une demande qui a été faite par la commission permanente entre la France et le Québec. Ça a été payé entièrement par la France.
M. Perron: Quelle commission permanente?
M. Maltais (André): La commission permanente sur la France et le Québec. Il y a une commission permanente qui juge...
M. Perron: Vous ne m'avez pas invité?
M. Maltais (André): Pardon?
M. Perron: Vous ne m'avez pas invité?
M. Maltais (André): Vous parlez des salaires. Alors, ça a été fait, ça, l'an passé c'est France-Québec, que vous connaissez très bien et ça avait été la priorité d'avoir les explications sur la question des autochtones. Et, à ce moment-là, la France avait accepté de payer les frais. Il n'y a pas un sou qui vient du Secrétariat aux affaires autochtones, pas un, ni pour Mckenzie, ni pour le secréataire général associé.
Sièges réservés aux autochtones à l'Assemblée nationale
M. Perron: Au début de février 1994, on apprenait que le directeur général des élections, Pierre-F. Côté, étudiait depuis déjà quelques mois la possibilité de refondre la carte électorale pour permettre l'ajout de deux nouvelles circonscriptions spécialement réservées aux premières nations, soit une pour les Inuit et une autre pour tous les Amérindiens. Évidemment, il devait y avoir une modification à la Loi électorale, car il faudrait faire exception à la règle de la représentation réelle: un homme, un vote. Le ministre délégué aux Affaires autochtones se déclarait intéressé par l'idée de la présence des autochtones à l'Assemblée nationale, tout en soulignant que plusieurs détails restent à préciser, dont, entre autres, la question fondamentale à savoir si les sièges doivent être établis à partir de l'origine ethnique ou plutôt sur une base territoriale.
J'ai l'impression qu'avant d'en arriver là il va falloir parler pas mal avec les autochtones, parce que, avant d'établir les modalités, lorsqu'on reconnaît 11 nations, est-ce que les 11 nations vont vouloir avoir une représentativité à l'Assemblée nationale par nation ou par bassin de population on n'est pas sortis du bois ou par conseil de bande? Ça, c'est une autre paire de manches. J'ai l'impression qu'il y a beaucoup de négociations à faire là-dessus et au niveau des modalités aussi. D'ailleurs, il y a même des autochtones que, moi, je connais qui ne veulent rien savoir de ça. Le ministre croit-il que notre système démocratique peut s'accommoder d'un vote ethnique?
M. Sirros: Non.
M. Perron: Non?
M. Sirros: Non.
M. Perron: Non. Ça, c'est une réponse rapide. Et, si on insiste sur l'aspect territorial de ce dossier, cela n'implique-t-il pas que l'on devrait accorder un siège par nation pour les 11 nations autochtones du Québec? Là, je pense aux Malécites par rapport aux Cris ou aux Inuit. Comment est-ce qu'on va concilier ça, cette affaire-là?
M. Sirros: C'est pour ça que je disais qu'il reste beaucoup de détails à régler. Ce n'est pas quelque chose que je peux envisager à court terme. Il y a quand même une différence qu'on peut voir immédiatement quand on se réfère aux territoires nordiques, en haut du 55e parallèle, par exemple. Mais je dois vous avouer que j'étais franchement très surpris de l'ampleur que ça a pris dans les médias, dans les journaux. C'était toujours clair que ce n'est pas quelque chose qui est envisageable à court terme. Comme idée générale, la possibilité d'avoir des représentants en provenance des communautés autochtones me semble intéressante parce qu'on peut participer aux débats, etc.
M. Perron: J'y crois, moi aussi.
M. Sirros: Je ne peux pas envisager que notre système démocratique puisse s'accommoder...
M. Perron: C'est même dans notre programme et ce ne l'est pas dans le vôtre.
M. Sirros: Oui? Je ne peux pas envisager que le système puisse s'accommoder d'un vote ethnique.
M. Perron: Oui.
M. Sirros: Mais, comme je vous dis, il y avait des possibilités, sur une base territoriale, que le représentant élu soit issu d'une communauté autochtone. Est-ce qu'il y a autre chose qui peut être arrangé suite...
M. Perron: Est-ce que...
(18 h 10)
M. Sirros: Ce n'est pas quelque chose qui est très concret pour l'immédiat. C'est intéressant, c'est à garder en tête pour, peut-être, dans les discussions avec les autochtones, le faire avancer davantage. Mais ce n'est certainement pas pour les élections qui s'en viennent.
M. Perron: Est-ce que le ministre peut nous dire ce qu'il pense de la suggestion de Brian Craig, du Grand Conseil des Cris, qui dit qu'au moins trois comtés distincts seraient nécessaires pour représenter adéquatement la diversité des cultures autochtones présentes au Québec? Je me demande ce qu'en pensent les Malécites.
M. Sirros: Qu'est-ce qu'il a dit?
M. Perron: La suggestion de Brian Craig était à l'effet qu'au moins trois comtés distincts seraient nécessaires pour représenter adéquatement la diversité des cultures autochtones présentes au Québec. Ça, ça va faire partie de l'aspect des discussions probablement.
M. Sirros: L'opinion de Brian Craig?
M. Perron: Ça, si j'ai bien compris... Parce que, là, on parle... Il y a toutes sortes d'hypothèses qui entrent en ligne de compte. Vous avez des positions par rapport aux groupes ethniques. Il y a des positions qui sont exprimées par rapport à un comté cri, un comté inuit et un comté pour le restant du territoire québécois où on inclurait les Montagnais, etc. Il y a toutes sortes d'hypothèses qui sont mises en place actuellement.
M. Sirros: Par toutes sortes de personnes, vous remarquerez.
M. Perron: Oui, par toutes sortes de personnes. Est-ce que, au niveau du SAA, vous avez ça en main actuellement? Vous êtes en train de travailler quelque chose là-dessus avec le Directeur général des élections?
M. Sirros: Non, je n'ai donné aucun mandat à personne d'avancer ça de façon spécifique. Il n'y a pas de mandat.
M. Perron: Dans un article de la Presse canadienne qui a été reproduit dans Le Soleil le 11 février 1994, on indiquait que, sur le dossier des circonscriptions autochtones, M. Côté avait produit une étude qui fut remise au ministre le mardi d'avant, soit le 8 février. Par simple souci de transparence, M. le ministre, est-ce qu'il serait possible que cette étude-là soit rendue publique?
M. Sirros: Je pense qu'il s'agit plutôt d'une lettre que j'ai ici devant moi, qui m'a été adressée le 9 février. À moins qu'il y ait une autre étude que...
M. Perron: C'était la lettre de M. Côté?
M. Sirros: Je pense qu'on doit faire référence à la lettre de M. Côté qui fait allusion à un échange qu'on a eu le 9 décembre où il m'avait dit: Ça fait un bout de temps que j'ai regardé ça... En 1984, la Commission de la représentation recommandait, dans son rapport intitulé «La proportionnelle territoriale», que les autochtones aient droit à un représentant. Donc, en 1984, c'était recommandé. Et, lors de cet échange que j'ai eu avec lui, il m'a dit: Je pourrais peut-être le regarder de nouveau. Ça m'intéresse. Je lui ai dit: Si ça vous tente, écrivez-moi.
Le Président (M. Parent): Pouvez-vous déposer la lettre, M. le ministre?
M. Sirros: Je pourrais vous déposer la lettre.
M. Perron: Oui, j'allais le demander, M. le Président.
Document déposé
Le Président (M. Parent): Oui, alors, vous déposez la lettre. La lettre est reçue comme déposée, et nous sommes à deux minutes de la fin de notre rencontre.
Adoption des crédits
Est-ce que les crédits du programme 4, du ministre délégué aux Affaires autochtones, pour l'année 1994-1995 sont adoptés?
M. Perron: Adopté.
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Parent): Adopté. Je vous remercie. La commission des institutions, ayant rempli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci, tout le monde.
(Fin de la séance à 18 h 14)