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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le lundi 3 mai 1993 - Vol. 32 N° 43

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministère de la Justice


Journal des débats

 

(Quinze heures quatorze minutes)

Le Président (M. Dauphin): Le quorum étant constaté, je déclare donc la séance de la commission des institutions ouverte qui a pour mandat, cet après-midi et ce soir, de poursuivre l'étude des crédits budgétaires concernant le ministère de la Justice, c'est-à-dire les programmes 1 à 9 pour l'année financière 1993-1994.

Mme la Secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Benoit (Orford) est remplacé par M. Philibert (Trois-Rivières); M. Fradet (Vimont) par M. Brouillette (Champlain); M. Gautrin (Verdun) par M. Forget (Prévost); M. Kehoe (Chapleau) par M. Bradet (Charlevoix); M. Lafrance (Iberville) par M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine); Mme Pelchat (Vachon) par M. Poulin (Chauveau).

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup.

Alors, je signale aux membres de la commission qu'il nous reste une enveloppe de 5 h 30 pour l'étude de ces crédits, afin d'étudier les programmes 1 à 9 du ministère de la Justice.

Alors, je souhaite la bienvenue au ministre de la Justice à l'étude des crédits. Je lui demanderais de nous présenter, peut-être, les personnes qui l'accompagnent à la table des témoins. Et...

M. Rémillard: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): À vous la parole, M. le ministre, et, ensuite de ça, de procéder à vos remarques préliminaires.

Remarques préliminaires M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Très bien, M. le Président, je vous remercie.

Il me fait particulièrement plaisir de procéder, avec cette commission, à l'étude des crédits du ministère de la Justice, M. le Président, et permettez-moi de présenter les personnes qui m'accompagnent.

J'ai à ma droite Me Jacques Chamberland, qui est le sous-ministre au ministère de la Justice. Il est accompagné, M. le Président, des sous-ministres au ministère de la Justice, sous-ministres associés, ainsi que de plusieurs fonctionnaires qui sont avec nous. Aussi nous accompagnent les responsables des organismes qui sont en relation directe avec le ministère de la Justice par le lien qu'ils ont avec le ministre de la Justice, qui sont tous avec nous et qui seront ici pour répondre aux ques- tions de cette commission, des membres de la commission, de même que Mme Nicole Fontaine, qui est la curatrice publique, M. le Président. À la demande de Mme la députée de Terrebonne, elle est ici, même si ses crédits ne sont pas dans les crédits du ministère de la Justice, et, avec plaisir, on s'est plié à la demande que nous a faite, donc, l'Opposition, pour qu'elle puisse répondre aux questions, ici, de l'Opposition. Alors, Mme Fontaine est ici, donc, et pourra répondre à toutes les questions.

Alors, M. le Président, les crédits qui font aujourd'hui l'objet d'une étude détaillée se regroupent en 4 grands secteurs, à savoir, tout d'abord, les institutions judiciaires, les régimes de sécurité du revenu, les services de soutien et le contentieux. En incluant le secteur de la gestion publique du cadre socio-économique, dont les crédits ont fait l'objet d'une étude détaillée, le 20 avril dernier, ainsi que le programme de l'aide juridique, dont les crédits ont été examinés le 27 avril, les crédits du ministère, pour 1993-1994, se chiffrent à 464 463 200 $, soit une baisse de 21 364 700 $ ou 4,4 % par rapport à l'exercice financier précédent. vous me permettrez cependant, m. le président, de préciser que la baisse réelle de nos crédits 1993-1994 par rapport à ceux de 1992-1993 s'établit plutôt à 12 358 000 $, soit 2,5 %, puisque les crédits 1993-1994 du programme indemnisation des victimes d'actes criminels sont de 9 000 000 $ inférieurs à la dépense réelle 1992-1993 et feront l'objet d'un ajustement en cours d'année, sur la base des dépenses réelles encourues par ce programme.

C'est donc là une méthode comptable du Conseil du trésor avec un ajustement, si besoin est, pendant l'année. C'est donc dire, M. le Président, que cette baisse réelle de 2,5 % de nos crédits s'explique principalement par l'application des mesures d'équilibre budgétaire auxquelles le ministère de la Justice, à l'instar des autres ministères et organismes du gouvernement, est soumis dans le cadre de l'objectif de l'alignement des dépenses publiques poursuivi par le gouvernement.

M. le Président, je tiens cependant à assurer les membres de cette commission — et je le démontrerai tout au long de l'étude de ces crédits — que les réductions de dépenses auxquelles est confronté le ministère de la Justice n'auront pas pour effet de remettre en cause les principes d'accessibilité, de qualité de la justice que j'ai toujours défendus, depuis le début de mon mandat, il y a maintenant près de 5 ans, M. le Président.

M. le Président, je me propose, dans cet exposé, de faire tout d'abord un bilan des réalisations effectuées par le ministère de la Justice pour l'exercice qui vient de finir. Puis-je préciser certains projets à réaliser au cours de l'exercice qui vient? M. le Président, ces projets

répondent tous aux objectifs que je m'étais fixés en acceptant d'assumer la fonction de ministre de la Justice, soit ceux de rendre la Justice plus humaine et plus accessible en favorisant, par notre législation, un juste équilibre dans les rapports des citoyens entre eux et avec l'État.

Vous vous souviendrez, M. le Président, que, dès mon entrée en fonction, à l'été 1988, je procédais à l'institution de la Cour du Québec, projet qui avait été initié par mon prédécesseur, M. le juge Herbert Marx, à qui je veux rendre hommage. M. le Président, le regroupement de la Cour des sessions de la paix, du Tribunal de la jeunesse et de la Cour provinciale d'alors visait à faciliter l'accessibilité des citoyens à la justice en leur offrant une cour centralisée de première instance, tout en favorisant une meilleure gestion des services administratifs rattachés à cette cour. Les effets bénéfiques de ce regroupement de nos cours se font de plus en plus sentir dans l'administration de la justice. (15 h 20)

Je veux souligner, M. le Président, l'excellent travail administratif de son juge en chef, M. Albert Gobeil, et de son équipe pour faire face, entre autres, au problème des délais. Je veux insister sur la très grande collaboration que nous avons, nous, du ministère de la Justice, de l'ensemble de la magistrature. Le juge en chef du Québec et juge en chef de la Cour d'appel, M. Claude Bisson, le nouveau juge en chef de la Cour supérieure, M. Lawrence A. Poitras, et leurs juges sont, pour le ministre de la Justice, des partenaires efficaces dans l'administration de la justice, respectant leur totale indépendance.

M. le Président, vous me permettrez de rendre un hommage particulier à Me Alan B. Gold, ancien juge en chef de la Cour supérieure, qui est à la retraite, qui s'est retiré cette année de ses fonctions de juge en chef de la Cour supérieure. Il a été juge en chef de la Cour provinciale, devenu juge en chef de la Cour supérieure. C'est un eminent juriste. Ça a été un juge en chef qui a marqué notre histoire judiciaire à bien des points de vue par ses qualités, entre autres, d'humaniste, et je veux lui rendre hommage, M. le Président, et le remercier pour tous ses services qu'il a rendus à la justice du Québec.

Vous me permettrez aussi de rendre hommage à Me Pierre Côté, à M. le juge Pierre Côté, de Québec, qui a été le juge en chef associé à la Cour supérieure, qui est maintenant aussi juge à la Cour supérieure, qui n'occupe plus les fonctions de juge associé à la Cour supérieure. Il a préféré se retirer. Je vais aussi lui rendre hommage pour l'excellent travail qu'il a fait, tout son dévouement et la détermination qu'il a mis à améliorer la qualité de la justice au Québec. Je veux donc lui rendre hommage.

M. le Président, en ce qui regarde l'organisation de nos tribunaux, on se souvient que l'année 1989 a été celle de la création de nos tribunaux, a été celle, dis-je, de la création du Tribunal des droits de la personne. Dans la même foulée, le traitement des plaintes adressées à la Commission des droits de la personne était modifié de façon à instaurer de nouveaux mécanismes d'enquête et de règlement des différends, dont celui de l'arbitrage. Somme toute, ces modifications majeures à la Charte québécoise ont favorisé la mise en place d'un processus simple, rapide et efficace de règlement des différends, qui a la qualité de faciliter l'accessibilité aux justiciables. Mme le juge Michèle Rivet est devenue la première présidente de ce Tribunal des droits. Ce Tribunal entend plusieurs causes et il crée ainsi une jurisprudence spécifique en ce qui regarde la discrimination.

C'est également en 1989, M. le Président, que je parrainais des modifications à la Loi sur la protection de la jeunesse concernant l'admissibilité en preuve du témoignage extra-judiciaire d'un enfant, ainsi que la reconnaissance du témoignage d'un enfant hors la présence des parties. Ces mesures visaient à tenir compte de la situation particulière de l'enfant afin d'assurer adéquatement sa protection lorsque son intégrité, sa sécurité ou son développement sont compromis.

Conjointement avec mon collègue, le ministre de la Santé et des Services sociaux, nous avons créé un groupe de travail sous la direction du juge en chef adjoint à la Cour du Québec, chambre de la jeunesse, le juge Michel Jasmin. Un premier rapport a été déposé et un autre devrait suivre dans les prochains mois. Dans ce dernier rapport, le rôle de la Commission de protection des droits de la jeunesse sera abordé en relation avec celui de la Direction de la protection de la jeunesse. Nous verrons alors à donner suite à ces rapports.

Je vais me pencher, M. le Président, sur le rôle de la Commission de protection des droits de la jeunesse. Nous avons amendé sa loi en 1989, pour lui donner un pouvoir d'enquête plus efficace, mais il faut trouver d'autres moyens pour assurer à nos enfants un maximum de protection sans tomber dans la lourdeur administrative.

Toujours en 1989, la réforme de la curatelle publique est venue s'ajouter dans ma démarche visant à assurer la protection des personnes en difficulté dans notre société. Cette réforme a permis de mettre fin à la mise sous curatelle automatique sur simple certificat médical. Elle aura aussi permis d'instituer des régimes de protection du majeur inapte, modulés suivant l'état réel d'inaptitude de la personne et mettant fin, par la même occasion, à certains anachronismes de la loi, où l'on qualifiait ces personnes de démentes, d'incapables ou de prodigues. C'est à cette occasion, également, qu'a été introduit dans notre droit civil le mandat en cas d'inaptitude, qui permet de choisir la personne que l'on veut pour agir comme tuteur ou curateur en cas d'inaptitude. De plus en plus de personnes se prévalent de ce droit.

Mme la curatrice est avec nous, comme je le mentionnais tout à l'heure, et pourra répondre à toutes les questions des membres de cette commission.

En 1989, j'ai aussi procédé à une autre réforme majeure, les cours municipales. La réforme des cours municipales est venue consacrer leur rôle en assurant l'indépendance des juges municipaux et en permettant à toute municipalité locale du Québec de pouvoir établir une cour municipale sur son territoire. Les cours muni-

cipales seront amenées à jouer un rôle de plus en plus important pour rendre la justice plus humaine et accessible. Elles doivent siéger dans une proportion d'au moins 1 séance sur 2 après 18 heures. Ainsi, par exemple, pour contester une contravention, un citoyen n'aura pas à perdre 1 journée de travail pour faire valoir ses droits.

Tel que je m'y étais engagé au Sommet de la justice, en février 1992, en juillet dernier, j'invitais les maires des municipalités desservies par une cour municipale à désigner des représentants en vue d'entreprendre des pourparlers avec le ministère pour négocier des ententes relatives à la remise aux municipalités des amendes liées à certaines infractions criminelles.

Dès septembre, le directeur régional des services judiciaires et le substitut en chef du procureur général de chacune des régions ont commencé à rencontrer les représentants des municipalités intéressées. Cette entente prévoit, en contrepartie de la prise en charge des poursuites par une municipalité devant une cour municipale, la remise des amendes qui en découlent. Elle concerne certaines infractions énumérées au protocole. Parmi celles-ci, on retrouve notamment la conduite avec facultés affaiblies, les voies de fait simples, le vol à l'étalage et autres offenses de même nature.

Cette proposition, M. le Président, que nous avons présentée aux municipalités, vise à permettre de dispenser une justice criminelle de qualité à meilleur coût. D'une part, les municipalités pourront, en plus de conserver les amendes, réaliser des économies substantielles au niveau des services policiers en réduisant leurs coûts en temps supplémentaire des policiers appelés à témoigner devant les tribunaux, et, d'autre part, le désengorgement de la Cour du Québec permettra un meilleur suivi des divers programmes d'aide aux victimes offerts par le ministère.

Les municipalités ont accueilli positivement notre proposition, et plusieurs d'entre elles en évaluent actuellement les impacts, de concert avec les représentants du ministère de la Justice. Depuis le début de l'année, plusieurs municipalités ont signé un protocole d'entente, et plus de 50 d'entre eux sont actuellement soumis à l'approbation du gouvernement. De plus, d'autres municipalités devraient arrêter leur décision très bientôt. Somme toute, ce projet, qui favorise une plus grande participation des municipalités dans l'administration de la justice, contribuera à l'amélioration de la justice au profit des justiciables.

M. le Président, je crois que les cours municipales peuvent aider grandement à rendre la justice plus humaine et accessible. Nous faisons face à une montée de la violence, de l'intolérance, et notre action doit tout d'abord être dirigée vers les victimes. Ça me permet, M. le Président, de souligner le rôle des centres d'aide aux victimes d'actes criminels, qui font un travail remarquable en ce sens.

Rappelons-nous, M. le Président, que c'est en 1990 que le centre d'aide aux victimes d'actes criminels voyait le jour à Longueuil. Puis, en 1991, ce fut Laval, devenant ainsi, respectivement, les septième et huitième villes au Québec à recevoir les services de tels centres, après Québec, Montréal, Chicoutimi, Hull, Trois-Rivières et Rimouski. Saint-Jérôme et Sherbrooke sont venues, cette année, s'ajouter à cette liste. Ces centres constituent de véritables centres d'écoute, de support et de référence à l'attention des victimes d'actes criminels. La victime d'un acte criminel peut y trouver l'accueil, le réconfort et le soutien moral dont elle a besoin. Elle reçoit de l'information sur le système judiciaire, sur ses droits et ses recours et peut être dirigée aux ressources communautaires juridiques, médicales, psychologiques et sociales dont elle a besoin, toujours dans le contexte de rendre la justice plus humaine et aussi efficace.

On se rappelle que c'est en 1990 également que la première loi d'application du Code de procédure pénale était adoptée. On se souviendra, M. le Président, que ce Code a profondément réformé la procédure applicable pour la sanction pénale des infractions aux lois et règlements du Québec. C'est ainsi, par exemple, que l'emprisonnement a été considérablement limité dans les lois créatrices d'infractions pour n'être maintenu que dans le cas d'infractions considérées par la société comme des atteintes graves aux valeurs fondamentales. L'emprisonnement devient, pour la société, un moyen de se protéger beaucoup plus qu'un châtiment. Les alternatives à l'emprisonnement, tels les travaux compensatoires et la saisie des biens meubles et immeubles, peuvent s'appliquer lorsque les contrevenants refusent ou sont dans l'impossibilité de payer l'amende imposée par le tribunal. (15 h 30)

L'année 1991 a été l'année du Code civil du Québec, aboutissement d'un formidable effort collectif entrepris depuis plus de 55 ans. Il était voté par l'Assemblée nationale, le 18 décembre 1991, après plus de 4 mois de travaux en commission parlementaire. Il entrera en vigueur le 1er janvier 1994. Les avocats, notaires et les juges suivront plusieurs heures de cours de formation dans les prochains jours, les prochains mois pour bien connaître ce nouveau Code.

Plusieurs autres corporations professionnelles s'apprêtent aussi à faire de même pour leurs membres, pour informer adéquatement leurs membres. Dès septembre, une vaste campagne d'information sera entreprise par le ministère de la Justice partout au Québec sur ce nouveau Code civil, Code civil qui est, à toutes fins pratiques, un véritable contrat social des Québécois basé sur un juste équilibre entre les droits et les obligations de chacun. La justice est une responsabilité à partager, et c'était d'ailleurs, M. le Président, le thème du Sommet de la justice du mois de février 1992.

En effet, l'année 1992 a été marquée par le Sommet de la justice, qualifié par le juge en chef du Canada, le très honorable Antonio Lamer, je le cite: Probablement l'événement le plus important du siècle pour la justice au Québec. Ce Sommet, qui s'est tenu à Québec du 17 au 21 février 1992, aura permis de réunir ensemble pour la première fois les représentants des groupes sociaux, économiques, juridiques ainsi que la magistrature, des représentants des milieux municipaux et des autorités gouvernementales afin de faire le point sur la

justice et d'établir les jalons nécessaires à une meilleure administration de la justice.

Le Sommet fut la première manifestation d'une nouvelle dynamique de concertation sociale dans le domaine de la justice. Comme ministre de la Justice et Procureur général, j'ai souscrit à plusieurs engagements qui ont, depuis, été réalisés. Un état de ces réalisations a déjà été rendu public en mars dernier, dans le cadre du lancement des «Actes du Sommet de la justice». Ainsi, par exemple, afin de favoriser une plus grande concertation et d'humaniser le processus judiciaire, des directives ont été émises, dès le printemps 1992, aux substituts du Procureur général sur la divulgation de la preuve, de manière à éviter l'assignation inutile des témoins. Je dois dire, M. le Président, que cette nouvelle façon de procéder a déjà des conséquences très positives pour le respect des délais.

Le 1er juin 1992, des lignes directrices à l'intention des substituts du Procureur général relativement à l'utilisation des témoins délateurs et à la négociation des plaidoyers sont entrées en vigueur. Ces lignes directrices visent à assurer une plus grande transparence de la justice et à humaniser le processus judiciaire. Et là encore, M. le Président, les conséquences de ces nouvelles façons de procéder sont fort appréciées de part et d'autre au niveau de l'administration de la justice.

En mai 1992, je présentais devant l'Assemblée nationale le projet de loi modifiant le Code de procédure civile concernant la médiation familiale, et cette loi sera en application à l'automne. En instaurant un service obligatoire de médiation familiale, cette loi favorise un meilleur climat de séparation ou de divorce au profit des ex-conjoints et des enfants qui deviennent, trop souvent, des victimes innocentes d'une situation qui les dépasse.

J'ai aussi fait voter, en décembre, par l'Assemblée nationale, M. le Président, le projet de loi modifiant la Loi sur la protection du consommateur pour élargir le champ d'application de l'engagement volontaire. On évitera ainsi une judiciarisation souvent coûteuse des conflits entre consommateurs et commerçants, et cette loi est entrée en vigueur le 22 décembre 1992. Un premier décret en découlera dans les prochains jours en ce qui regarde les préarrangements funéraires.

Toujours dans le but d'offrir à la population une meilleure accessibilité à la justice, en septembre, l'Assemblée nationale votait la loi concernant le recouvrement des petites créances. Il s'agissait pour moi de réaliser un autre de mes engagements visant à porter la juridiction de la Cour des petites créances de 1000 $ à 3000 $ et à étendre l'accès à cette Cour aux personnes morales comptant 5 employés ou moins, de même qu'à permettre l'implantation de services de médiation des petites créances à l'ensemble du Québec. Cette loi sera en application l'été prochain. La médiation sera assurée par des avocats et notaires du secteur privé.

En octobre dernier, j'annonçais aussi le lancement d'un programme destiné à soutenir financièrement les organismes communautaires dont l'action porte principalement sur l'information et l'assistance quant au fonctionnement du système judiciaire. Ce programme vise à favoriser l'accessibilité de la justice à des clientèles particulières telles les personnes aînées, les jeunes, les membres de communautés culturelles, les personnes handicapées et les victimes d'actes criminels. Il reconnaît également l'importance de l'action communautaire des organismes et renforce leur rôle de partenaires auprès des intervenants traditionnels en matière de justice.

À sa première année de fonctionnement, le ministère a reçu 259 demandes dans le cadre de ce nouveau programme. Le budget total de 500 000 $ a été partagé entre 38 organismes communautaires pour des projets spécifiques d'information, d'éducation, d'aide et d'accompagnement ou de concertation destinés à améliorer l'accessibilité à la justice. Le programme financier se poursuit cette année, et les organismes communautaires seront appelés de nouveau, d'ici le mois d'août prochain, à nous acheminer leurs projets spécifiques, dans le domaine de l'administration de la justice, de manière à pouvoir acheminer le plus tôt possible des subventions aux organismes dont les projets auront été retenus.

L'année qui vient de se terminer a également été marquée par la mise sur pied de certains groupes de travail que j'ai annoncés dans le cadre des délibérations du Sommet. Je pense au groupe de travail chargé d'analyser le phénomène de la violence faite aux aînés, dont j'attends le rapport cet été, à celui sur l'autonomie de la magistrature et à celui sur l'accès des femmes à la magistrature qui a été chargé d'évaluer l'opportunité de modifier les règles applicables et d'identifier les recommandations qui pourraient être faites en vue d'assurer un meilleur équilibre des hommes et des femmes au sein de la magistrature. J'attends également ce rapport au cours de l'été.

Lors du Sommet, M. le Président, l'on a aussi souligné l'importance d'adapter les services de justice aux besoins et aux réalités des diverses communautés autochtones. Le consensus qui s'est dégagé alors aura permis la création du Comité de consultation sur l'administration de la justice en milieu autochtone, en janvier dernier, dont le rapport final devra être remis en avril 1994.

De même, à l'issue du Sommet de la justice, j'ai pris l'engagement de doter le ministère d'un bureau des plaintes auprès duquel les justiciables pourraient faire valoir leurs commentaires et doléances à l'égard des services sollicités dans les nombreux points de service que compose le ministère. Cet engagement s'inscrivait largement dans la recommandation du Protecteur du citoyen dans son rapport annuel 1990-1991. Aussi, le ministère de la Justice dispose donc, depuis le 1er avril 1993, d'un bureau des plaintes rattaché au bureau du sous-ministre, ayant notamment pour mandat d'assurer la gestion des plaintes à l'échelle du ministère. Le cabinet du ministre est directement relié à ce bureau.

L'année 1993-1994 sera elle aussi très active. Dans la continuité du Sommet de la justice, j'entends mener à terme, premièrement, la réforme de l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels, deuxièmement, la réforme de la justice administrative et,

troisièmement, la consultation publique sur le régime d'aide juridique.

Le futur projet de loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels visera, d'une part, à fusionner l'actuelle Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels et la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, qui fut adoptée il y a plus de 20 ans. Et, d'un autre côté, d'autre part, les critères d'admissibilité et les indemnités aux victimes seront révisés afin de mieux répondre à la réalité d'aujourd'hui.

Par exemple, M. le Président, j'entends rendre admissibles les proches d'une victime à des services de réadaptation psychosociale. De même, la formule retenue d'un guichet unique éliminera la confusion et favorisera l'accessibilité à la justice. Dorénavant, une victime n'aura qu'à frapper à une seule porte pour obtenir de l'information sur ses droits et avoir une indemnisation. Une administration plus simple, donc moins coûteuse et plus de services, des services de meilleure qualité pour les victimes.

J'entends, de plus, présenter, d'ici le fin de la session, un projet de loi sur la justice administrative dont j'avais annoncé les principes au Sommet de la justice. Ce projet de loi viendra instaurer des règles minimales de preuve et de procédure devant certains organismes qui assument déjà des fonctions d'adjudication et portera, entre autres, sur le statut des membres qui les composent, sur la durée de leur mandat et leurs conditions d'emploi. Ce projet de loi est attendu. Il viendra consacrer l'aboutissement de nombreuses études, analyses et rapports qui se sont échelonnés, M. le Président, sur plus de 20 ans.

Un repérage dans nos lois a amené le groupe de travail, présidé par le professeur Yves Ouellette, à lister, en 1987, 78 organismes exerçant une fonction d'adjudication ou de régulation, de façon principale ou accessoire. On sait que d'autres organismes de régulation et d'adjudication sont depuis venus s'ajouter à cette liste. Le groupe dirigé, donc, par le professeur Ouellette en était arrivé à la conclusion qu'il fallait retenir 12 de ces organismes comme étant des tribunaux administratifs.

La réforme que j'envisage s'attardera à ceux dont les membres, dans l'exercice de leurs fonctions d'adjudication, entendent des demandes qui opposent l'État qui les nomme à un administré. Ce choix repose sur l'objectif d'assurer une plus grande image d'indépendance dans le contexte où l'État est à la fois celui qui nomme et celui qui intervient. Cet objectif m'a amené à considérer le statut d'une vingtaine d'organismes, dont plusieurs exercent à la fois des fonctions d'adjudication et des fonctions de régulation. (15 h 40)

Parmi ceux-ci, il m'apparaît nécessaire, dans l'effort de rationalisation gouvernementale, d'en questionner l'existence, quitte à prévoir le transfert de leurs pouvoirs juridictionnels à un organisme exerçant exclusivement des fonctions de nature quasi judiciaire. Il est grand temps, M. le Président, de faire le point dans nos organismes administratifs, si ce n'est de faire le ménage; plusieurs sont à abolir, d'autres à regrouper. Mais c'est là un des aspects essentiels d'une réforme, d'une véritable réforme de nos organismes et tribunaux administratifs.

Autre réforme qui retiendra notre attention en cette année, l'aide juridique. Les consultations menées auprès de certains groupes intéressés et le souci d'assurer une saine gestion du réseau d'aide juridique ont fait ressortir l'importance de s'interroger non seulement sur les seuils d'admissibilité, mais aussi sur les différents aspects du régime actuel. À cet égard, j'ai eu l'occasion, lors de l'étude des crédits supplémentaires sur l'aide juridique, tenue en décembre dernier à l'Assemblée nationale, d'échanger sur le besoin de revoir l'ensemble du régime.

Dans ce contexte, j'ai demandé aux fonctionnaires du ministère de la Justice de préparer un document de consultation sur les différents aspects du régime. Ce document a pour objet de dresser un état de la situation du régime actuel, d'analyser les principaux aspects du régime d'aide juridique, d'exposer les problèmes particuliers qui découlent des différents aspects du régime et d'amener les groupes intéressés à une réflexion sur des éléments de rechange. Cette réflexion, M. le Président, devrait nous amener à échanger sur des mesures permettant d'assurer l'accessibilité à la justice aux plus démunis de notre société, mais sans que cela ne soit au détriment du citoyen à revenus moyens et tout en tenant compte de la situation des finances publiques.

Il m'apparaît important de réfléchir sur les moyens à prendre pour que le régime d'aide juridique puisse rejoindre le citoyen à revenus modestes. Comme ministre de la Justice, cette réalité me préoccupe particulièrement. J'ai eu l'occasion, lors de l'étude des crédits concernant la Commission des services juridiques, la semaine dernière, de préciser que j'ai entre les mains une première version de ce document de consultation. Ce document est présentement sous analyse par le Conseil du trésor et devrait être soumis au Conseil des ministres, afin d'en autoriser le dépôt devant l'Assemblée nationale, en vue de la tenue d'une éventuelle commission parlementaire sur le régime d'aide juridique.

Dans la continuité de mes objectifs d'une justice plus humaine et plus accessible, je prévois soumettre à l'Assemblée nationale, au cours de l'année, d'autres projets de loi venant s'ajouter aux réformes dont je viens de traiter. L'un de ces projets viendra modifier le Code de procédure civile, afin de prévoir certaines règles ayant pour but d'améliorer l'administration de la justice, notamment en ce qui concerne les longs délibérés en matière civile et les délais en Cour d'appel. Bien que la situation des longs délibérés ait été corrigée, suite à une intervention significative du juge en chef, avec la collaboration de la magistrature, il m'apparaît opportun quand même de prendre les moyens d'éviter qu'une telle situation ne se reproduise.

Les mesures législatives que j'entends proposer seront donc de nature préventive et serviront à établir spécifiquement comme règle générale que tous les jugements devront, sauf exception, être rendus dans les 6

mois de la prise en délibéré d'une affaire. Quant aux modifications aux règles applicables aux demandes portées devant la Cour d'appel, elles devraient répondre aux attentes formulées par le Barreau du Québec en haussant le seuil pécuniaire de l'appel de plein droit de 10 000 $ à 15 000 $ et en limitant les possibilités d'appel de plein droit, par l'exigence de l'obtention d'une permission d'en appeler, sous réserve des appels touchant à l'état et à la capacité des personnes.

Ces propositions de modification au Code de procédure civile démontrent, M. le Président, l'importance des règles substantives dans l'exercice de ces droits. Aussi j'entends annoncer bientôt la formation d'un comité de travail chargé de revoir l'ensemble de la procédure civile dans une perspective de simplification, d'efficacité, de rationalisation économique et d'accessibilité des citoyens à la justice.

M. le Président, un sujet me préoccupe particulièrement, comme ministre de la Justice: le paiement des pensions alimentaires. La loi sur la perception des pensions alimentaires sera en application en 1994. Mais ce n'est pas suffisant. La question des problèmes de perception des pensions alimentaires est trop préoccupante. Elle rejoint le problème plus vaste de la situation économique des femmes chefs de famille monoparentale. À ces problèmes financiers s'ajoutent malheureusement trop souvent des actes de violence envers les femmes.

Ce dossier des perceptions des pensions alimentaires constitue une priorité pour nous. La pension alimentaire représente, dans beaucoup de cas, une source de revenus importante pour une famille monoparentale, et, à cet égard, l'intérêt des enfants entre directement en considération. Le gouvernement du Québec a toujours retenu une philosophie de responsabilisation des parents à l'égard de leurs obligations parentales. Je pense, entre autres, à la médiation familiale, parce qu'elle permet de négocier, entre les parties et avec l'aide d'un tiers, les modalités d'une séparation. On conviendra plus facilement que c'est certaines ententes, et on verra donc que ces ententes, ainsi négociées, ont plus de chances d'être respectées volontairement par les 2 parents.

La perception des pensions alimentaires, telle qu'envisagée au Québec, favorise également la responsabilisation du parent débiteur à l'égard de son obligation alimentaire. Trop souvent, on a tendance à considérer que la pension alimentaire est une punition imposée à un parent, alors qu'il s'agit d'une obligation parentale prévue, entre autres, au Code civil. Bien que comportant certaines lacunes, l'actuel système de perception des pensions alimentaires constitue le service le plus décentralisé et le plus accessible au Canada avec ses 58 points de service au Québec. Il est, de plus, gratuit pour les créanciers.

Je pense, M. le Président, qu'il est important de le rappeler, ce fait, bien qu'il soit évident, comme je l'ai mentionné, il y a quelques instants, que nous devons compléter les possibilités que nous avons en ce qui regarde déjà notre système de perception des pensions alimentaires. J'ai déjà annoncé mon intention d'implanter, au cours de 1994, un nouveau système de percep- tion des pensions alimentaires, et je compte tout mettre en oeuvre pour réaliser cet objectif.

L'installation d'un tel système de perception automatique des pensions alimentaires peut paraître simple à une personne non avertie. Par contre, je peux vous dire qu'il s'agit d'un des systèmes les plus complexes que le ministère de la Justice a eu à implanter. Nous sommes actuellement à l'étape de la réalisation du système informatique au soutien du nouveau service de perception. Ce n'est que lorsque cette étape sera réalisée que nous pourrons mettre en oeuvre ce système dont je désire rappeler les principaux objectifs: premièrement, favoriser la responsabilité des débiteurs à l'égard de leurs obligations alimentaires, deuxièmement, réduire les risques de récidive en prévoyant un délai de surveillance et, troisièmement, améliorer la fréquence des versements diminuant les contacts souvent difficiles entre exconjoints.

Et ce n'est pas tout, M. le Président. J'ai demandé que soient étudiées différentes mesures concrètes qui pourraient être mises en place, à brève échéance, par un projet de loi spécifique que j'entends déposer à l'automne prochain. Ces mesures viseront à faciliter l'exécution des ordonnances alimentaires et contribueront à répondre aux attentes des citoyens.

À titre d'exemple, je mentionnerai la saisie de remboursements d'impôt et d'autres prestations qui sont versées par le gouvernement. D'autres mesures de — excusez-moi, M. le Président — dissuasion des débiteurs à risque seront également envisagées. Je pense, entre autres, à la possibilité de suspendre certains droits ou privilèges, tel le permis de conduire. Alors, c'est «dissuasion» — je l'ai eu, M. le Président.

Ces mesures feront l'objet d'un projet de loi, comme je le mentionnais il y a quelques instants, dès l'automne prochain. D'autre part, je sais qu'un besoin se fait sentir au niveau de la fixation des montants à verser à titre de pensions alimentaires, principalement pour les enfants. C'est pourquoi le ministère de la Justice est associé aux travaux du comité interministériel qui est d'abord actuellement un projet de guide qui s'adressera aux juges, aux avocats et aux médiateurs et qui aura pour but de faciliter, d'accélérer la détermination des montants de pensions alimentaires à verser aux enfants. Ce projet devrait être complété au cours de cette année.

J'ai également l'intention de suivre de près la question de l'exécution des ordonnances alimentaires à l'extérieur du Canada. J'estime souhaitable que les créanciers d'ordonnances alimentaires disposent des moyens les aidant à les exécuter, même à l'extérieur du Québec. À cet égard, au ministère de la Justice, nous procédons actuellement à des études sur la possibilité de conclure avec des États américains des ententes de réciprocité, c'est-à-dire des ententes prévoyant des échanges de services au niveau de l'assistance dans l'exécution des ordonnances alimentaires. (15 h 50)

J'ai l'intention de voir à ce que de telles ententes soient conclues dans les meilleurs délais avec les États

pour lesquels la réciprocité est possible. De plus, la nouvelle loi sur la médiation familiale va aider considérablement à établir un niveau de discussion plus propice au respect des engagements en matière de pensions alimentaires. Toutes ces réalisations illustrent à quel point la justice au Québec est en évolution constante et se doit d'être attentive aux besoins et aux attentes de la population.

Au soutien de cette évolution, le palais de justice constitue, dans une région donnée, le haut lieu de l'administration de la justice. C'est là où se concrétise notre mission d'offrir des services accessibles et de grande qualité. La question de la construction et du réaménagement des palais de justice du Québec constitue un dossier auquel j'accorde la plus grande importance. J'ai visité la très grande majorité des palais de justice. Je n'hésite pas à assister à l'improviste à certaines auditions dans les palais de justice et je connais bien les problèmes que nous avons.

Depuis les 5 dernières années, M. le Président, d'importants projets ont été menés à terme. Je me permettrai d'énumérer les principaux: Saint-Joseph-de-Beauce, Joliette, Laval, dont l'inauguration, en septembre dernier, concrétisait la création d'un nouveau district judiciaire, le district judiciaire de Laval, et Rivière-du-Loup, dont j'ai eu l'honneur, jeudi dernier, de participer à la cérémonie d'inauguration avec le ministre responsable de la région, M. le ministre Albert Côté.

D'autres projets sont actuellement en voie de réalisation, notamment à Saint-Jean-sur-Richelieu et à Cowansville. Je connais la situation difficile qui prévaut dans d'autres régions du Québec. Les besoins de réaménagement et d'agrandissement dans chacun des palais de justice ont déjà été identifiés, et un ordre de priorité a été établi en tenant compte des échéanciers réalistes et en répondant aux besoins les plus pressants. Saint-Jérôme, Valleyfield et Trois-Rivières sont parmi les priorités du ministère en ce qui regarde les nouveaux palais de justice ou des aménagements aux palais de justice.

En terminant, M. le Président, vous me permettrez de remercier le sous-ministre, Me Jacques Cham-berland, et les sous-ministres associés et les fonctionnaires du ministère de la Justice pour leur collaboration exceptionnelle. Je sais que je leur demande beaucoup. Depuis 5 ans, le ministère de la Justice travaille avec moi, je dois dire, avec une collaboration sans faille. Mais je sais que j'ai leur confiance comme ils ont la mienne.

Je voudrais aussi souligner, M. le Président, le travail que fait la députée de Hochelaga-Maisonneuve, Mme la députée Louise Harel, comme critique de l'Opposition. Elle a maintenant de nouvelles fonctions. Nous avons pu travailler ensemble pendant un bon bout de temps, et je sais que le nouveau critique, le député d'Anjou, a une approche semblable à Mme la députée, c'est-à-dire une recherche, au-delà de toute partisanerie politique, d'une justice de la meilleure qualité possible pour les citoyens et les citoyennes du Québec.

Je veux remercier, M. le Président, le travail de mon cabinet, Mme Julienne Pelletier, qui est la direc- trice adjointe de mon cabinet en ce qui regarde la justice, tous les membres de mon cabinet, qui ont fait un travail remarquable. M. le Président, si nous regardons le bilan de nos réalisations dans les 5 dernières années et le bilan de nos réalisations à la suite de nos engagements pris lors du Sommet de la justice, je suis particulièrement fier de ce bilan, M. le Président.

On regarde le nombre de projets de loi que nous avons adoptés. On se souvient, entre autres, les membres de cette commission se souviendront que nous avons travaillé, encore une fois, parce que ça a toujours été le cas, avant la période des fêtes, le 18 et même jusqu'au 21 décembre dernier, à la dernière seconde, je devrais dire, toujours avec des projets de loi. Nous avons des projets de loi des plus importants aussi dans la présente année, M. le Président, dans cette présente session, aussi à la session de l'automne. C'est donc dire, M. le Président, que nous serons très actifs encore dans la prochaine année.

Alors, je vous remercie, M. le Président, et je remercie Mme Lise Saint-Martin, ma directrice de cabinet, qui a su coordonner le travail fait pour la présentation de ces crédits.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup, M. le ministre de la Justice, pour ces remarques.

Je vais maintenant reconnaître le nouveau porte-parole de l'Opposition officielle, M. le député d'Anjou, pour ses remarques préliminaires.

M. le député.

M. Pierre Bélanger

M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président. Permettez-moi, tout d'abord, de vous saluer et de saluer les membres de cette commission. J'aimerais, quant à moi aussi, présenter les gens qui m'accompagnent: Me France Thériault, qui est recherchiste pour l'aile parlementaire de l'Opposition, et mon attachée politique, Mme Guylaine Belcourt.

Alors, les crédits du ministère de la Justice totalisent cette année la somme de 464 463 200 $. L'an dernier, les crédits s'établissaient à 485 827 900 $. Nous assistons donc à une baisse de 21 364 700 $, soit une diminution de 4,4 %. Les crédits périmés pour 1992-1993 sont de 7 745 100 $. Quant à l'importante diminution des crédits pour 1993-1994, elle s'explique par une réduction de dépenses de 16 300 000 $ pour l'ensemble du ministère, dont 6 400 000 $ se rapportent à des compressions d'effectifs. Il y a une réduction de 9 000 000 $ pour le programme Indemnisation des victimes d'actes criminels.

Cependant, on se rappelle que ces 9 000 000 $ ont été votés en décembre en crédits supplémentaires. Enfin, il y a d'autres ajustements qui entraînent une diminution de 8 500 000 $, donc 3 800 000 $ en 1993. Depuis 1985, les crédits du ministère de la Justice ont augmenté de 21,5 %. Cette hausse se situe bien en deçà de l'évolution des coûts depuis 1985, qui se fixent à 35,5 %.

Quant à elles, les dépenses gouvernementales ont augmenté de 49,3 % depuis cette époque.

Les grandes réformes annoncées à maintes reprises par le ministre semblent être loin dans les priorités gouvernementales. Donc, rien ne nous indique que les crédits ont été votés pour permettre la réalisation des nombreux engagements pris lors du Sommet, engagements qui se font, malheureusement, encore attendre, malgré les annonces qui viennent d'être faites par le ministre.

J'aimerais rappeler que le rapport du groupe de travail sur l'accessibilité à la justice mentionne que tout juste un peu plus de 1 % du budget de l'État québécois est actuellement consacré au ministère de la Justice, M. Jacques Frémont, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Montréal, considère que les montants consacrés par l'État sont, et je cite: ...fort modestes dans une société qui érige en dogme quasi immuable la protection des droits des justiciables. La simple décence impose un ajustement de l'investissement étatique au discours dominant des droits tenu par nos gouvernants et qui énonce lois et chartes.

Mme la Présidente, vous comprendrez, puisque c'est ma première étude des crédits au ministère de la Justice, que je ne m'attendais pas à une telle déclaration aussi longue de la part du ministre. Je ne suis pas habitué à de telles déclarations. On dirait plus un bilan, un testament politique qu'un bilan...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bélanger (Anjou): ...qu'un bilan de quelques années de travail. J'espère qu'à la fin de cette commission le ministre ne nous annoncera pas son retrait de la vie politique. Nous en serions fort déçus.

Je me souviens, l'an dernier, quand j'avais entendu pour la première fois ce discours d'introduction du ministre, j'avais été emballé des choses qui s'en venaient, des réalisations qui allaient suivre, et, malheureusement, la livraison n'a pas suivi le message. Alors, malheureusement, je ne parlerai pas des réalisations du ministre de la Justice, mais des demi-réalisations suite au Sommet de la justice.

En effet, M. le Président, ce Sommet... j'ai toujours soupçonné que ce Sommet de la justice avait été comme un moyen de pression politique que le ministre espérait avoir pour pouvoir enfin obtenir du Conseil du trésor les fonds nécessaires pour la réalisation des réformes qui s'en venaient. En effet, M. le Président, ça ne date pas d'hier, le fait que le ministère de la Justice a toutes les misères du monde à obtenir le financement nécessaire pour mettre, justement, pour appliquer les réformes tant attendues.

Je crois qu'à cet effet-là le Sommet de la justice a été, malheureusement, jusqu'à maintenant, un échec. En effet, peu de réalisations concrètes ont réellement vu le jour, et, d'un autre côté, je pense que le ministre a aussi sous-estimé les attentes qui allaient être créées par ce Sommet de la justice. Il a raison d'être fier de la réalisation de ce Sommet de la justice, qui a été un événement remarquable, un précédent. Beaucoup de gens ont participé, beaucoup de gens se sont présentés à ce Sommet et étaient emballés par cette réalisation, par cette chance, enfin, d'être écoutés et de pouvoir dire ce qu'ils entendaient vouloir réaliser.

Malheureusement, M. le Président, comme je vous dis, peu de choses se sont réalisées, et les attentes, qui étaient immenses, se sont avérées déçues. Maintenant, le ministre se retrouve un peu dans une situation peu confortable de se retrouver à calmer ces attentes qui viennent de tous bords, tous côtés, qui viennent des différents organismes qui ont participé à ce Sommet. (16 heures)

Je ne prends qu'un exemple: la réforme des petites créances que le ministre nous a expliquée tout à l'heure. Il est vrai qu'unanimement les différents intervenants lors du Sommet de la justice avaient réclamé une hausse du seuil d'admissibilité des petites créances de 1000 $ à 3000 $. C'est vrai. Cependant, peu d'intervenants avaient réclamé une ouverture aux personnes morales, chose que le ministre a cru nécessaire d'effectuer. Cette annonce, lors du projet de loi, le fait d'ouvrir la porte aux personnes morales, quant à moi, a toujours fait naître en moi plusieurs craintes.

En effet, on constate qu'il y a peu ou pas d'effectifs supplémentaires qui seront octroyés à la Cour des petites créances, et on peut se demander, à ce moment-là, si on n'assistera pas à un engorgement de la Cour des petites créances. Parce que l'accessibilité à la justice, M. le Président, ce n'est pas uniquement une question de coûts — combien ça nous coûte pour avoir accès à cette justice? — c'est aussi une question de délais raisonnables, à savoir combien de temps il est nécessaire pour obtenir jugement, pour obtenir réparation de nos torts. Si on assiste à un engorgement de la Cour des petites créances, pour tout simplement permettre à des personnes morales d'avoir accès à cette Cour, je me demande si on a vraiment atteint le but visé, qui est de prévoir une plus grande accessibilité de la justice.

Autre chose, M. le Président, la médiation. On veut envoyer au privé la médiation à la Cour des petites créances. Encore là, plusieurs personnes se posent des questions quant à la façon que ça va être fait. On a hâte de voir de quelle façon, exactement, ça va se concrétiser, cette transmission au secteur privé, et de quelle façon ça va être plus efficace que le système de médiation, qui existe déjà, à Montréal, je crois, et qui a fait ses preuves. On a fait des évaluations. En tout cas, les évaluations ont été lancées. Elles n'ont pas été infirmées par le ministre, à l'effet que, relativement, ça coûte environ 30 $ de l'heure, je pense, présentement, pour une médiation. On peut se demander si le ministre va réussir à obtenir cette médiation d'une façon plus économique, vu du secteur privé.

Pour ce dont je parlais, tout à l'heure, au niveau de l'engorgement et de l'ouverture des petites créances aux personnes morales, j'avais suggéré, quant à moi, une mise en vigueur en 2 phases de cette modification, c'est-à-dire, dans un premier temps, permettre le passage de 1000 $ à 3000 $ et, par la suite, ouvrir aux

personnes morales si, justement, cet engorgement ne survient pas. Malheureusement, le ministre n'a pas retenu cette proposition, et j'espère sincèrement, M. le ministre, me tromper. J'espère que cet engorgement n'aura pas lieu, qu'il n'y aura pas engorgement à la Cour des petites créances, et qu'on ne fera pas, à ce moment-là, un constat d'échec.

Plusieurs questions, aussi, sont en suspens, relativement à cette réforme de la Cour des petites créances. Premièrement, on va créer, on me dit, deux sortes de médiateur: un médiateur qui va dépendre du ministère de la Justice, et un autre qui va dépendre du ministère de la Santé et des Services sociaux. On se pose beaucoup de questions, à savoir exactement comment va être repris en charge le service de médiation qui existe présentement, avant qu'il y ait judiciarisation, car une des demandes... Excusez-moi, ici, c'est plutôt au niveau de la médiation familiale. Donc, en tout cas, pour la médiation aux petites créances, c'est plusieurs questions qu'on se pose.

Maintenant, quant au fonds d'aide aux organismes communautaires, il y a eu une annonce que 500 000 $ devaient être octroyés en 1992-1993. Pour 1993-1994, malgré ce que le ministre dit, qu'en août ce sera maintenant disponible... Ça sera disponible? Eh bien, on a cherché dans les crédits où apparaît cette somme de 500 000 $, et nous ne l'avons pas trouvée.

Cette réforme des tribunaux administratifs, aussi, dont parle le ministre, M. le Président, on en parle depuis longtemps, bien plus longtemps, d'ailleurs, que depuis que je suis député. On en parle depuis près de 4 ans. Malheureusement, malgré les annonces répétées à chaque année, à chaque intervention... D'ailleurs, à chaque débat public, on en parle, de cette fameuse réforme des tribunaux administratifs, et on n'en voit pas encore la couleur. On en voit les intentions, qui sont annoncées. On ne pourra pas dire que cette réforme va nous prendre par surprise, M. le ministre — parce qu'elle est annoncée depuis longtemps — mais nous avons bien hâte de la voir, M. le Président.

Maintenant, la réforme de l'aide juridique. Vous comprendrez que c'est un dossier qui me tient à coeur. C'était mon premier dossier, comme porte-parole. D'ailleurs, ça a été le premier dossier qui, malheureusement, m'a déçu, parce que les intervenants, d'une façon unanime, lors du Sommet de la justice, avaient réclamé, comme mesure immédiate, une hausse des seuils d'admissibilité. Or, ce n'est pas ce qui est arrivé. Au contraire, le ministre — on pourrait dire, mû par une intention très louable de vouloir offrir à la classe moyenne un service d'aide juridique — est arrivé avec une proposition qui a pris un peu tout le monde par surprise et qui a laissé bien des gens sceptiques, à tel point qu'on a assisté à une véritable levée de boucliers relativement au document qui, auparavant, de la façon qu'il avait été perçu dès le début, était vraiment une réforme. Après ça, il n'a été qu'un document de consultation et, après ça, je pense, il n'a été qu'un ballon sonde, finalement, qu'on a retiré en attendant le vrai document, qui devrait voir le jour sous peu.

On a annoncé encore, pour ne pas prendre par surprise les différents intervenants, une commission parlementaire sur l'avenir de l'aide juridique. Encore là, on l'a annoncée à plusieurs reprises. On l'avait annoncée pour l'automne dernier, mais le ministre de la Justice a été pris par surprise par le référendum, qui n'était pas attendu, semble-t-il, pour le 26 octobre. À ce moment-là, on a dû remettre la commission parlementaire, qui était prévue à l'automne, pour, peut-être, le printemps, peut-être pas non plus. On me dit: Peut-être à l'automne. Encore là, je pense que personne ne sera pris par surprise par cette commission parlementaire, qui est attendue et annoncée depuis longtemps.

Autre phénomène, la loi, qui est nouvelle — non, quand même pas, elle a été sanctionnée en 1988 ou 1989 — la loi sur la perception des pensions alimentaires. Elle est en gestation, elle est en train de prendre forme, peut-être, depuis 4 ou 5 ans. On me dit: On assiste à une informatisation d'une échelle encore jamais vue. J'espère, encore là, M. le Président, qu'avant la fin du prochain mandat nous pourrons voir les effets de cette loi, qui est sanctionnée depuis près de 5 ans, mais qui n'est pas encore... qui cherche encore à prendre de la vigueur. Alors, nous sommes, encore là, en attente, toujours, de cette réforme.

L'IVAC. Encore là, on annonce depuis longtemps une réforme de l'IVAC, la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Cette réforme est toujours attendue. On nous annonçait ou on pensait que, justement, au plus tard avant le 15 mai, une loi serait déposée pour concrétiser cette réforme. Nous espérons que le ministre, lors de cette présente étude des crédits, pourra nous confirmer nos plus ardents souhaits, à l'effet que cette réforme, ce projet de loi, pourra nous être déposé d'ici le 15, puisque plusieurs intervenants, dans le milieu, sont inquiets relativement à certaines annonces qui semblent transpirer, à savoir qu'il y aurait harmonisation relativement aux indemnités qui seraient versées. Cette harmonisation ferait perdre certaines indemnités à certaines catégories de personnes.

Autre chose dont j'ai eu la joie de voir la naissance, c'est l'Institut québécois de réforme du droit qui, en juin 1992, a été voté. Malheureusement, personne n'a été nommé encore, à ce que je sache. Aucuns crédits, non plus, n'apparaissent sur cet item dans les crédits qui nous sont proposés. Alors, espérons que cet Institut ne coûtera pas trop cher, puisque aucuns crédits ne lui ont été confiés.

En plus, on pourrait parler de ces nombreux comités. On a parlé d'un vice-président fantôme à la Commission des services juridiques. Peut-être parlerons-nous des différents et des nombreux comités fantômes du ministère de la Justice qui siègent. On attend toujours certains rapports. On ne sait pas encore quand certains vont commencer à siéger et quand certains vont cesser de siéger. Alors, je pense à un comité qui devait veiller à évaluer la place des femmes dans la magistrature. On regarde le fameux comité qui devait élaborer une justice en milieu autochtone. Encore là, on me dit que ce comité n'aurait même pas encore commencé de siéger,

plus d'un an et demi après son annonce. Le fameux comité interministériel conjoint sur les conjoints de fait, créé depuis 1989, celui-là. On me dit même que son rapport aurait été finalisé. Malheureusement, il n'a pas encore été déposé. Nous ne pouvons en voir la couleur, nous ne pouvons pas avoir une copie du rapport de ce comité-là.

La réforme relativement aux cours municipales. Je sais que c'est un projet cher au ministre, d'élargir les pouvoirs des cours municipales et de pouvoir déléguer aux cours municipales certains pouvoirs qui leur sont conférés, qui sont conférés présentement à la Cour des sessions de la paix, relativement à la partie 27, je crois, du Code criminel. On me dit qu'il y a un vaste mouvement de négociations qui s'est répandu à travers le Québec, et que de nombreuses municipalités auraient adhéré ou auraient signé ce protocole. Nous aimerions voir ce protocole, nous aimerions savoir quelles ont été, quelles sont les villes qui ont adhéré à ce protocole. (16 h 10)

À un moment, M. le Président, où on assiste — comme on n'a jamais vu ça, je crois, dans notre société — à une hausse des atteintes à la vie privée des gens, à une hausse des problèmes, ou à la violence commise pour des problèmes ou pour des raisons d'orientation sexuelle ou d'origine ethnique, les 2 principaux organismes administratifs qui s'occupent de la protection des droits des individus, à savoir la Commission des droits de la personne, puis la Commission de protection des droits de la jeunesse, voient leurs budgets diminuer d'une façon inquiétante, où encore là, dans le cas de la Commission des droits de la personne, on ne lui donne même pas l'argent nécessaire pour pouvoir faire ses enquêtes, faire son travail. On l'a vu récemment, quand la Cour supérieure a été obligée de donner un mandamus pour forcer le gouvernement, le Conseil du trésor, à donner à la Commission des droits de la personne l'argent nécessaire pour pouvoir faire son enquête, pour pouvoir faire son travail.

Moi, ce qui m'inquiète le plus depuis que je suis les dossiers de la justice, c'est le phénomène alarmant ou les sondes qu'on semble lancer, à savoir que, maintenant, tout nouveau programme au niveau de la justice devra s'autofinancer, un certain autofinancement. On peut comprendre que c'est une commande du Conseil du trésor, mais quelquefois certains programmes du ministère de la Justice ne peuvent pas s'autofinancer. À partir du moment qu'on décide qu'on vit dans une société de droits, il me semble que cette société se doit de prendre les moyens nécessaires pour financer ces projets-là, même si le projet coûte quelque chose. J'ai peine à comprendre que l'autofinancement va devenir un peu comme la vision comptable des nouvelles directives du ministère de la Justice. Je peux comprendre que c'est une commande qui est faite par le Conseil du trésor. Je m'attendrais à ce que le ministre de la Justice défende avec vigueur les orientations de son ministère, les programmes qui doivent être mis en place pour répondre aux situations contemporaines que nous vivons présentement.

En matière pénale, on attend toujours une fameuse déjudiciarisation, des mesures de déjudiciarisation qui avaient été annoncées. Je pense que ces mesures sont attendues depuis longtemps, M. le Président, parce que ce qu'on voit présentement, c'est une diminution des effectifs, tant au niveau des juges qu'au niveau des procureurs de la couronne. S'il n'y a pas une déjudiciarisation, je me demande comment les effectifs qui sont en place et qui diminuent un peu, telle une peau de chagrin, comment ces effectifs vont réussir à faire le travail qu'on leur demande. Surtout que, lors du Sommet de la justice, M. le Président, le ministre a parlé à maintes reprises — et il en a encore parlé, tout à l'heure — du désir d'humaniser, de son désir d'humaniser le processus judiciaire. Mais, si on veut humaniser ce processus, il me semble qu'il doit y avoir la présence, encore plus, de ressources humaines. Humaniser, ce n'est pas automatiser. Alors, à ce moment-là, quand on coupe des ressources, des effectifs au niveau des juges, au niveau des procureurs de la couronne, et qu'on leur demande en même temps plus de travail, de s'impliquer davantage, de protéger mieux les témoins d'actes criminels, de faire des poursuites verticales dans certains cas, comme on a commencé à le faire dans plusieurs palais de justice, comment peut-on à la fois avancer de telles choses et, d'un autre côté, enlever les moyens nécessaires pour les accomplir? Encore là, l'accessibilité de la justice, pour moi, ne passe pas uniquement par le coût relié à cette justice, mais par la vitesse à laquelle la justice peut répondre aux attentes des citoyens.

Quand je regarde toutes les réalisations ou toutes les choses qui ont été, qui semblent avoir été réalisées par le ministre de la Justice, je ne peux... Peut-être que M. le ministre pourra me corriger, mais la seule chose que je vois que le ministre a entreprise de a à z, c'est la hausse du seuil des petites créances, parce que toutes les autres réformes — il y a aussi la médiation familiale — M. le Président, ont été commencées par un prédécesseur, ou encore, elles ne sont pas terminées. Alors, malheureusement, ce sont les deux seules réformes que je vois, qui ont été réalisées.

Alors, la vice-première ministre du Québec avait dit qu'il était minuit moins cinq pour notre société, quant à l'heure des choix, pour cette société. Je serais tenté de dire que, pour le ministère de la Justice, il est minuit moins une, qu'il reste peu de temps au ministre pour réaliser ce que la société attend du ministère de la Justice, ce que les organismes communautaires aussi attendent du Sommet de la justice. On espère qu'au ministère de la Justice on n'attendra pas paisiblement la fin du mandat et qu'on mettra plutôt en branle tout l'appareil du ministère pour réaliser les engagements promis, et qui sont tant attendus.

Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le député d'Anjou, pour vos remarques préliminaires.

Alors, peut-être, juste avant d'aborder la période d'échanges sur les différents programmes, voulez-vous réagir brièvement aux remarques de M. le député d'Anjou?

M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Alors, M. le Président, en entendant le député d'Anjou, j'ai l'impression qu'il voulait nous dire qu'avant lui, ça a été le déluge, puis maintenant, que ça va être le soleil.

Je veux dire, on a fait, quand même, beaucoup de travail, et ce que j'ai fait, dans ma présentation, M. le Président, c'est que j'ai mis l'accent sur les réalisations que nous avons faites en 1992-1993, et celles que nous allons faire en 1993-1994, montrant la continuité de notre action depuis les 5 ans que je suis ministre de la Justice. Par exemple, lorsque je parlais des cours municipales, bien, j'ai dit qu'en 1989 on avait réformé les cours municipales — c'est une réforme majeure et j'espère y revenir — et j'ai montré les conséquences que ça apporte, que, maintenant, nous sommes à négocier et conclure ces protocoles d'entente avec les municipalités. Ça a été la même chose en ce qui regarde les droits et les libertés fondamentales. J'ai montré qu'en 1989 on avait créé le Tribunal des droits de la personne, qu'on avait donné aussi à la Commission de nouvelles fonctions, et j'ai montré que, maintenant, le Tribunal des droits et la Commission avaient des fonctions qui administraient la justice en ce qui regarde les droits et les libertés fondamentales en matière de discrimination, d'une façon particulièrement efficace.

J'ai eu l'occasion de travailler avec deux critiques de l'Opposition — c'est le troisième maintenant — et il ne faut pas croire qu'on n'a rien fait, bien au contraire. Tellement que Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve, avant de quitter, me disait, au mois de décembre — c'est dans les galées, de toute façon — M. le ministre, arrêtez, vous en faites tellement qu'il n'en restera pas pour les autres! Alors, ce n'est pas tout à fait ce que me dit le député d'Anjou, et si je me fiais au député d'Anjou, je n'aurais rien fait. Il peut me critiquer, c'est son rôle. Qu'il fasse des critiques et qu'on ait les meilleures réalisations possible, je suis pleinement d'accord, mais au moins, qu'il dise...

Parce que ce n'est pas simplement pour moi, M. le Président, ce n'est pas pour moi. Il y a un groupe ici, il y a des fonctionnaires, des gens qui travaillent, mais d'une façon incroyable! Vous pouvez parler à ces gens-là, au ministère de la Justice, et voyez si la Justice ne fait rien. Mon Dieu, ça fait... Regardez mon sous-ministre, il a l'air en forme, en santé, mais je peux vous dire qu'on travaille très fort, très, très, très fort.

Alors, tout simplement, ce que je veux vous dire, c'est que ce n'est pas sérieux de dire qu'il n'y a rien de bon qui a été fait. M. le Président, j'espère bien avoir les questions pour démontrer... Le bilan des réalisations, 1 an après le Sommet, M. le Président, je suis prêt à le déposer en cette commission parlementaire, avec la permission des membres de cette commission, strictement le bilan que nous avons, 1 an après le Sommet. J'ai eu à présenter ce bilan, M. le Président, à plusieurs organismes, qui ont demandé une rencontre, que j'ai rencontrés, qui sont venus discuter avec moi, et qui ont été impressionnés. Pas des gens nécessairement de notre côté, je peux vous dire ça, mais des gens qui veulent avoir une justice la plus transparente possible, la plus humaine, la plus accessible, de la meilleure qualité, et qui sont venus me dire: Écoutez, oui, il y a des pas significatifs... Il y a encore à faire, je ne dis pas qu'il n'y a pas d'autres choses à faire. Bien au contraire!

J'ai parlé de ce que j'entends faire, entre autres, en ce qui regarde les pensions alimentaires, M. le Président. Non seulement il y aura ce système de perception des pensions alimentaires, qui sera en application en 1994, mais, en plus, on va faire une législation. Il y aura législation à l'automne prochain pour faire en sorte qu'on puisse avoir des créanciers, des débiteurs, dis-je, des débiteurs, qu'on puisse avoir, vraiment, ces pensions alimentaires par des moyens appropriés. J'ai même dit que nous étudions présentement la possibilité de saisir les permis de conduire, dans les cas où ça s'imposerait. (16 h 20)

M. le Président, ce que je veux dire au député d'Anjou, c'est que, oui, certainement qu'on mérite des critiques. On veut être les meilleurs possible; donc, je me fie à ces critiques pour nous aider à être les meilleurs, comme les membres de cette commission, d'ailleurs. Mais il reste, quand même, M. le Président, qu'en toute objectivité je suis convaincu qu'il est capable de nous dire qu'on a fait un très, très, très bon bout de chemin.

Évidemment, lorsqu'il me dit: Écoutez, c'est effrayant! Vous avez fait... Les petites créances, vous avez monté ça de 1000 $ à 3000 $, mais c'est effrayant, vous avez permis aux petites entreprises de 5 employés et moins d'avoir accès aux petites créances. Évidemment, là, on n'est pas d'accord. C'est correct, on n'est pas d'accord, on n'est pas d'accord! J'ai fait voter la loi, j'en suis particulièrement content. Moi, le petit commerçant, que ce soit le petit dépanneur, le petit garagiste, le fleuriste, qui est incorporé, parce qu'il est commerçant... et lui n'aurait pas le droit aux petites créances? Mais pourquoi ça, M. le Président? Pourquoi c'est mauvais, dans la loi sur les petites créances, d'avoir mis la possiblité, pour des commerçants de 5 employés et moins, d'avoir accès aux petites créances? On a mis la conciliation et la médiation, au niveau des petites créances, on a mis ça partout sur le territoire du Québec, gratuit. Ça sera le système privé; c'est des avocats et des notaires du privé qui assumeront ce service, M. le Président. Bien, on pourra parler...

J'espère qu'il va m'interroger tout à l'heure, M. le Président, sur la situation des avocats et des notaires, actuellement. Ils ne l'ont pas facile. On est à peu près 15 000 quelques avocats et près de 4 000 notaires...?

Une voix: 3500.

M. Rémillard: 3500 notaires. Il est grand temps, M. le Président, il est grand temps qu'on pense à avoir une seule corporation professionnelle pour les avocats et

les notaires: 2 exercices professionnels distincts, mais une seule corporation professionnelle. Il est grand temps qu'on puisse s'organiser pour qu'au moins des avocats et des notaires puissent travailler en associés dans les bureaux. Alors, dans ce contexte-là, M. le Président, ça aussi, c'est un sujet, en ce qui regarde la formation des avocats, la formation des notaires, qui est à revoir.

On a vu la position du bâtonnier qui, avec le Barreau, a voté une résolution, résolution que je trouve très intéressante. Lorsque j'avais fait mon discours à l'ouverture du dernier congrès du Barreau, en juin dernier, j'avais mentionné qu'il fallait revoir la formation des avocats: qu'on fasse la distinction entre la formation qui est donnée au niveau universitaire et celle qui est donnée au niveau de la formation professionnelle; qu'on fasse bien cette distinction-là, que chacun prenne sa responsabilité. Pour moi, c'est la clé d'une réforme qui pourrait être des plus intéressantes pour le justiciable, pour la qualité du professionnel qui va en résulter, et aussi, M. le Président, pour les avocats et les notaires eux-mêmes.

Alors, M. le Président, quand on nous dit qu'on n'a rien fait de bien, je trouve qu'on exagère tellement que, finalement, le critique de l'Opposition risque de perdre toute sa crédibilité.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.

Alors, débutons la période des questions avec M. le député d'Anjou. Nous avons 9 programmes à adopter — les crédits, effectivement, de ces programmes-là.

Oui, M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, est-ce que je pourrais faire une courte réplique à la réplique, quelques minutes...

Le Président (M. Dauphin): Allez-y.

M. Bélanger (Anjou): ...avec la permission.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Pierre Bélanger

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, je pense que le ministre s'est senti piqué par mes remarques. J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi il s'est senti tellement piqué par ces remarques. Je n'attaquais en rien la qualité du travail qui était fait. Je ne faisais que mettre en relief la disproportion par rapport aux attentes qui ont été créées lors du Sommet de la justice, par rapport aux réalisations qui se sont concrétisées à ce jour.

Je ferais remarquer au ministre que je ne suis pas le seul à partager cette perception. Je regardais récemment les propos tenus par le futur bâtonnier du Barreau du Québec, Me Paradis, qui, lui aussi, semble déçu, relativement aux réalisations qui se sont matérialisées.

Justement, ce qui nous déçoit encore plus, c'est que je connais le travail inlassable fait par les différentes personnes du ministère de la Justice; ça doit être frustrant, aussi, pour certaines de ces personnes, de voir tout ce travail et de voir, quand même, le peu de concrétisation, finalement, de ces réformes, dans les faits.

Alors, c'est tout simplement dans cette optique, je pense, qu'il faut interpréter mes propos.

M. Gil Rémillard

M. Rémillard: M. le Président, je demande simplement. ..

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: ...au député d'Anjou de comparer le bilan que je propose aujourd'hui — qui sera donc dans les galées, M. le Président — et qu'il compare avec n'importe quel ministre de la Justice qui m'a précédé. J'en suis très fier, très, très fier. Qu'il le fasse. Qu'il le fasse, et j'en suis très fier.

D'autre part, en ce qui regarde M. Paradis, vice-président du Barreau, futur bâtonnier, pour lequel j'ai beaucoup de considération et d'amitié, je comprends très bien que le Barreau puisse vouloir des palais de justice qui sont de véritables palais — et j'y suis fort sensible, M. le Président — mais nous aurons des palais de justice à la mesure des nécessités que nous avons. Comme justiciables et comme administrateurs, nous devons voir à ce que les facilités matérielles soient les plus adéquates possible, à l'intérieur, évidemment, des possibilités que nous avons au point de vue budgétaire. Mais ce que M. Paradis a dit est tout à fait conforme à ce que nous avons fait, entre autres, à Cowansville, à ce que nous allons faire, et à ce que nous ferons, en fonction de la liste de priorités dont j'ai parlé tout à l'heure, et c'est dans mon exposé, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.

Alors, j'appelle le programme 1.

Organisation des travaux

M. Bélanger (Anjou): Question de règlement, M. le Président.

J'ai discuté avec le ministre, à savoir si on pouvait plutôt procéder avec le programme 9, puisque, de toute façon, sur certains programmes, j'aurai peu ou pas de questions à poser. Par le passé, le programme 9 a été très peu abordé par cette commission, vu le fait que, justement, ce programme arrivait toujours en bout de ligne.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député d'Anjou.

M. le député de Viger.

M. Maciocia: Oui, M. le Président. J'imagine

que le député d'Anjou voudrait passer les 9 programmes, quand même, de 1 à 9. Alors, s'il n'y a pas tellement de questions sur les programmes 1, 2, 3, 4 ou 5... On va commencer par le programme 1 et, s'il n'y a pas de questions, on va se rendre à 9 très facilement, M. le Président. Je pense qu'il faudrait commencer par le programme 1.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: J'aimerais mieux qu'on suive. Si on n'a pas grand-chose à dire sur les programmes 1, 2, 3, on pourra faire ça comme ça, puis on arrivera à 9, M. le Président, selon le rythme du député d'Anjou.

M. Maciocia: C'est ça.

Le Président (M. Dauphin): Bon, évidemment, comme président, c'est pour accommoder les membres de la commission. Alors, auriez-vous de grosses objections à ce qu'on débute avec le programme 1?

M. Bélanger (Anjou): Oui, M. le Président, j'ai de la difficulté à comprendre. Normalement, le ministre n'est pas pointilleux sur ce genre de choses, on n'a jamais de problème, normalement. Je ne comprends pas pourquoi le ministre ne veut pas aborder le programme 9. Comme j'ai dit, dans le passé, le programme 9 s'est toujours retrouvé escamoté, lors de l'étude des crédits de ce ministère, et je ne vois absolument pas pourquoi, surtout que nous sommes présentement préparés. En tout cas, je n'anticipais aucun problème à ce niveau-là. Je ne vois pas... Ça me prend un peu par surprise, la réaction du ministre, qui refuse carrément d'aborder le programme 9, comme premier programme.

M. Maciocia: Je ne pense pas.

M. Bélanger (Anjou): S'il veut, après... Quant à moi, M. le Président, s'il veut, après le programme 9, qu'on revienne à 1 ou 3 ou 6, dans l'ordre, à ce moment-là, ça ne me dérangera pas réellement, mais le programme 9, je pense que ce serait important qu'on le fasse le premier, pour qu'on ait vraiment le temps de le passer au complet, celui-là.

M. Maciocia: M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Viger.

M. Maciocia: Je ne voudrais pas que le député d'Anjou pense que le ministre ne veut absolument pas aborder le programme 9. Premièrement, c'est la commission qui va décider de quelle manière on va procéder, et moi, je considère que si le député d'Anjou n'a pas de questions sur les programmes 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8, il va le dire, et on va commencer avec 9, mais il faudrait commencer au programme 1 et s'en aller jusqu'à 9.

Le Président (M. Dauphin): Je sais que, normalement, par expérience, c'est qu'on débute, évidemment, par le programme 1, à moins qu'il n'y ait entente entre l'Opposition et le ministre pour déroger à la chronologie normale de l'étude des crédits. Alors, si les membres de la commission veulent commencer avec le programme 1, il est difficile pour moi, comme président, d'exiger qu'on commence avec le programme 9. Je pense que vous allez me comprendre là-dessus, mais, règle générale, on peut déroger à la chronologie normale par convention entre les membres de la commission. Maintenant, s'il n'y a pas entente, il faut, évidemment, à ce moment-là, commencer avec le programme 1.

M. Bélanger (Anjou): Donc, je dois comprendre que cette commission refuse de m'accorder ce consentement?

Une voix: Non.

M. Maciocia: De commencer...

M. Bélanger (Anjou): Je demande le consentement de la commission pour commencer par le programme 9.

M. Maciocia: Non. (16 h 30)

M. Bélanger (Anjou): D'accord.

Discussion générale Formulation de jugements

Le Président (M. Dauphin): J'appelle le programme 1.

Allez, M. le député d'Anjou.

Nomination de nouveaux juges à Montréal et en Montérégie

M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.

En particulier, dans ce programme, ce qui m'intéresse, c'est la question des effectifs des juges. Le nombre de juges demeure identique à celui de 1992, soit 290. Cependant, le cahier des crédits indique un ajout de 5 postes, au niveau des écritures comptables, afin, y lit-on, de refléter fidèlement le nombre de juges, incluant les juges de paix à pouvoirs étendus. Donc, finalement, il y a 285 juges.

Les problèmes relatifs à l'achalandage des tribunaux et au manque de ressources, bien qu'améliorés, ne sont pas totalement réglés. Ils concernent encore davantage la Cour du Québec, chambre criminelle, que les autres divisions. En effet, il semble que le nouveau palais de justice de Laval manque de juges; 2 juges sont nommés pas le ministre de la Justice, pour le district judiciaire de Laval. Cependant, le juge en chef adjoint de la Cour du Québec préfère garder un seul juge à Laval, l'autre siégeant au palais de justice de Montréal.

Pourtant, il semble que le nombre de dossiers justifie 2 juges à Laval. Un nouveau procureur de la couronne devait même entrer en fonction en janvier, au bureau du substitut du Procureur général de Laval. Finalement, à quoi sert le nouveau palais, construit au coût de plusieurs milliers de dollars, si on n'utilise pas tout ce qu'il offre comme avantages et accommodements?

Également, il semble que la Montérégie soit, de façon plus spécifique... et la Cour du Québec, chambre criminelle de Longueuil et de Saint-Hyacinthe, manque elle aussi de juges. En fait, le district de la Montérégie manquerait de juges depuis plusieurs années, selon son juge coordonnateur, le magistrat Lucien Roy, soit depuis 1989.

En 1989, le palais de justice de Longueuil a eu recours à des juges de l'extérieur pour 284 jours, pour 200 jours en 1990, et 256 jours en 1991. Cependant, il semble que Montréal ne soit plus en mesure de fournir des juges visiteurs, le palais de justice de Montréal manque de juges lui-même, maintenant. Or, l'on sait que des remises sur remise, cela affecte lourdement tout le processus judiciaire. On s'aperçoit que, depuis quelques années, ce sont toujours les mêmes palais de justice qui éprouvent des difficultés relativement au nombre de juges dont ils disposent, soit Montréal et Longueuil.

On sait que, l'an dernier, les juges de Montréal ont accepté de siéger 40 % de plus de temps. Ils ne peuvent valablement en faire plus, sans pour cela affecter la qualité de la justice, d'autant plus que l'intention du ministre est de leur faire rendre jugement dans des délais assez courts.

On se rappelle que le célèbre jugement du juge Sopinka, de la Cour suprême, relativement aux délais raisonnables, était à l'effet qu'il ne devrait pas s'écouler plus de 8 à 10 mois entre le dépôt des actes d'accusation et la fin de l'audition du procès devant une cour provinciale ou les tribunaux de première instance. Ce délai est ramené entre 6 et 8 mois, lorsqu'il y a enquête préliminaire. De plus, la Cour suprême a étendu ce principe aux personnes morales. Le gouvernement a donc l'obligation constitutionnelle de fournir les ressources suffisantes pour éviter les délais déraisonnables.

Enfin, relativement aux cours municipales, il faut penser que, depuis le décès du juge René Boucher, à Sept-îles, il n'y a plus de juge résidant, à cette place. Cette situation a été décriée, en mai dernier. Tout ce que le ministre de la Justice répond aux conseillers municipaux de Sept-îles, c'est qu'il étudie leurs demandes. Entre-temps, ces gens dépensent des frais importants en faisant appel à un juge de Rimouski.

Ma question: Est-ce que le ministre de la Justice a l'intention de nommer de nouveaux juges, à Montréal et en Montérégie?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, actuellement... Tout d'abord, je voudrais préciser que l'assignation des juges, c'est une responsabilité des juges en chef, pas du ministre de la Justice. Nous faisons face aux besoins que nous avons, partout au Québec. En ce qui regarde le nouveau district de Laval, à ma connaissance, M. le Président, avec le nombre de juges que nous avons, nous faisons face aux besoins.

Quant aux délais, à ma connaissance, aussi, M. le Président, les délais sont respectés. Partout au Québec, nous avons des délais raisonnables, et on a une situation, par rapport à toutes les autres provinces canadiennes, des plus enviables. Le seul petit problème que nous avons est au niveau de la Cour d'appel, surtout en matière civile ordinaire. J'ai annoncé un projet de loi, que nous allons déposer dans les prochains jours pour, d'une part, demander que les délibérés, au niveau des cours de première instance, soient de 6 mois, qu'un juge ne puisse pas utiliser un délibéré de plus de 6 mois, mais aussi au niveau de la Cour d'appel, pour que ce soit sur permission, et qu'on ait des mécanismes qui nous permettent, donc, d'avoir des délais plus acceptables au niveau de la Cour d'appel. Je dois dire, M. le Président, que, dans ce contexte, le nombre de juges que nous avons nous permet de faire face à la situation.

Il y a des situations, parfois, qui sont plus difficiles. Des gens me disent, à un moment donné: Mais qu'est-ce qui se passe? Comment ça se fait que nos cours sont, comme ça, engorgées? Est-ce que c'est parce que les gens sont plus mauvais qu'avant? Est-ce qu'on enfreint la justice d'une façon plus évidente ou... Non, M. le Président, absolument pas. Mais il faut se souvenir qu'il y a à peine quelques années — ça ne fait pas très longtemps, 5, 6 ans — la violence conjugale, par exemple, ce n'était pas un crime. La violence conjugale, c'était une affaire qui se passait en famille, puis on n'intervenait pas là-dedans. Maintenant, c'est un crime, la violence conjugale. On a des procureurs qui sont formés strictement pour faire face à cette situation-là. On a des policiers qui sont formés, des juges qui sont sensibilisés à cette question-là. La conduite en état d'ébriété, on avait décidé d'en faire un crime et une grande priorité de notre action judiciaire. Par conséquent, évidemment, ça veut dire aussi des effectifs. Ça veut dire que les palais de justice ont à répondre de ces nouveaux crimes, les gens qui sont accusés des nouveaux crimes. Je pense aux agressions en ce qui regarde les enfants, aussi. C'est la même chose. Dans le domaine de l'environnement, aussi. Alors, M. le Président, c'est évident qu'avec tous ces nouveaux crimes, qui sont ajoutés, il y a, bien sûr, plus d'activité au niveau des palais de justice.

Cependant, il faut comprendre aussi qu'il y a une déjudiciarisation de plus en plus poussée. On sait qu'en matière commerciale le Centre d'arbitrage commercial national et international du Québec a une activité de plus en plus intéressante, tant au niveau national qu'international. De plus en plus, cette mentalité d'arbitrage vient régler des conflits dans le domaine commercial.

En ce qui regarde le Tribunal des droits, j'en parlais dans mon exposé, M. le Président, mais je parlais aussi de la Commission des droits de la personne, qui a un pouvoir, maintenant, de conciliation, et aussi,

le système d'arbitrage, que nous avons nommé. Nous avons la possibilité d'avoir recours à des arbitres en ce qui regarde la discrimination. Alors, là aussi, c'est un moyen de déjudiciariser.

La médiation familiale. Ça va énormément aider le rôle de la Cour supérieure, entre autres, parce qu'on va procéder plus rapidement et d'une façon plus humaine, en imposant une médiation familiale dès le début des procédures.

Les petites créances. La conciliation va avoir lieu partout, sur tout le territoire du Québec, M. le Président. Et c'est pour 3000 $. Moi, c'est clair, ce que j'ai en tête, c'est de faire passer le plus tôt possible, dès qu'on verra les ajustements qu'on doit faire, de faire passer à 5000 $ les petites créances, et pour les petites entreprises de 5 employés et moins. Alors, M. le Président, là aussi, une conciliation, partout sur le territoire du Québec, avec des conséquences très intéressantes, et aussi au niveau des délais de la Cour du Québec.

La conciliation à la CALP. La CALP, M. le Président, qui joue un rôle important dans les accidents de travail. On a introduit la conciliation et, tout à l'heure, monsieur le président de la CALP, qui est avec nous, M. Freddy Henderson, qui est avec nous, pourrait répondre aux questions de l'Opposition ou des membres de cette commission, si on veut parler de la conciliation à la CALP.

Le Code de procédure, qu'on veut amender, entre autres, en ce qui regarde les possibilités d'avoir des conférences préparatoires, où on pourrait régler beaucoup de litiges. Or, M. le Président, ce que je veux dire, je veux dire qu'il y a un processus de déjudiciari-sation qui est en cours et qui se fait sentir de plus en plus. Je tiens à ce que ce processus de déjudiciarisation puisse s'accélérer. C'est en fonction des programmes et des projets que j'ai annoncés tout à l'heure dans mon exposé.

D'autre part, M. le Président, il y aussi la non-judiciarisation. Nous attendons pour octobre l'application du projet de loi fédéral, où plusieurs petits méfaits ne seraient plus judiciarisés, mais pourraient être réglés à l'amiable, en autant que la victime est d'accord, M. le Président. Ça veut dire un vol à l'étalage; ça veut dire une bagarre; ça veut dire certains méfaits qui peuvent se faire. Ça aussi, ça va aider grandement. Plus les cours municipales avec les protocoles. À la demande du député d'Anjou, j'ai demandé qu'on dépose — dès que je l'aurai, le document — les protocoles d'entente que nous avons avec les municipalités. Alors, un modèle; il n'y en a pas 50, mais un modèle. C'est toujours les mêmes choses. On verra, M. le Président, qu'avec l'application de la partie 27 du Code de procédure civile, encore une fois, les cours municipales vont jouer un rôle considérable. Les cours municipales de Québec, Montréal et Laval ne sont pas soumises à la nouvelle Loi sur les cours municipales. (16 h 40)

Je veux mentionner, M. le Président, que nous avons eu une collaboration exceptionnelle de la ville de Québec qui, en s'associant avec d'autres villes du Qué- bec, a une cour municipale qui a accepté les principes que nous avons dans la Loi sur les cours municipales; entre autres, siéger 50 % du temps après 18 heures. Je voudrais bien que la cour de Montréal fasse la même chose. J'avais un petit entrefilet, ce matin, dans le journal, un tout petit entrefilet, ce matin — je ne sais pas où il est, M. le Président; on me l'a montré tout à l'heure — où on dit qu'on commencera les audiences des cours à 9 h 30 au lieu de 10 heures, le matin. Ce n'est pas suffisant, ça. Ce n'est pas suffisant. Il faut que ça aille plus loin que ça.

À Laval, j'aimerais qu'on travaille ensemble aussi, que ça soit plus accessible, les cours municipales. Quelqu'un qui veut aller contester en fonction d'un règlement municipal, il a le droit de le faire, et il ne faut pas que ça lui coûte une journée de travail pour aller contester un billet de stationnement. Je prends cet exemple-là, je pourrais en prendre d'autres, M. le Président.

Alors, ce que je réponds au député d'Anjou: Nous faisons en sorte que le nombre de juges que nous avons soit suffisant. On répond aux besoins et, parallèlement à toute l'activité judiciaire qui est en cours, nous développons des mesures de déjudiciarisation et de non-judicia-risation qui ont de plus en plus leur effet, et qui en auront encore plus dans les prochains mois.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, je dois comprendre, donc, de la réponse du ministre, que, pour lui, il n'y a pas aucun problème, réellement, quant au nombre de juges à Montréal, au palais de justice de Montréal et en Montérégie. Mais, pour ce qui est de Sept-îles, est-ce que le ministre entend acquiescer à la demande des gens de Sept-îles, à avoir un juge résident, à Sept-îles, à la cour municipale?

M. Rémillard: On vient de le nommer, M. le Président. Bien, on vient de le nommer... ça fait quand même, peut-être 2 ou 3 mois. Il faudrait que je vérifie, là, quand on l'a nommé.

M. Bélanger (Anjou): Est-ce qu'il est en poste présentement?

M. Rémillard: Oui, je crois que oui. Ah oui, je vais vérifier les renseignements. Le temps qu'on m'apporte les renseignements, et je vais vous dire la date. Alors, à Sept-îles, le juge résident... Voyez-vous, on...

(Consultation)

M. Rémillard: Alors, M. le Président, on me donne les informations ici, c'est M. le juge Gabriel de Pokomandy, qui a été nommé en septembre 1992, donc, le mois de septembre dernier. On me dit le 14 septembre, concours CQ-51. Alors, juridiction mixte: chambre civile et chambre criminelle et pénale.

Alors, c'est complet, je pense, comme information, M. le Président.

Accès des femmes à la magistrature

M. Bélanger (Anjou): Un autre dossier qui est important, d'après moi, M. le Président, c'est la situation des juges féminins. Ce dossier revient à chaque année, d'ailleurs. L'accès des femmes à la magistrature a fait l'objet de discussions à l'occasion du Sommet de la justice, en février 1992, sans toutefois avoir fait l'objet de solutions concrètes jusqu'à maintenant. Le sujet a alors été traité à l'intérieur du volet de la situation des femmes dans l'administration de la justice. cela fait maintenant plus de 50 ans que les femmes accèdent à la pratique du droit au québec. en 1991, elles représentaient 31 % des membres du barreau, comparativement à 34 % pour la chambre des notaires.

Pour les facultés de droit, les étudiantes sont plus nombreuses que les étudiants. En 1990, elles constituaient 59,9 % des étudiants au baccalauréat.

Concernant l'accès des femmes à la magistrature, Louise Otis a fait une déclaration, pour le moins juste, lors du Sommet. Elle a dit: La nomination des femmes ne coûte rien à l'État. C'est le même prix qu'un homme. Elle proposait l'alternance — un homme, une femme — dans les nominations de juges. De cette manière, la représentation égale de femmes et d'hommes serait atteinte à l'an 2009, pour la Cour du Québec. on sait que le ministre de la justice a refusé, lors du sommet, de prendre des mesures concrètes dans ce sens. selon lui, il s'agit uniquement d'une question de temps, car de plus en plus d'avocates rempliront la première condition d'admissibilité, soit celle d'avoir 10 années de pratique, puisqu'en 1991, seulement 17,8 % des avocates avaient entre 10 et 19 années de pratique. cette proportion grimpe à 47 % pour celles qui ont moins de 10 ans de pratique. pour l'année 1992, il y a eu, à la cour du québec, 5 nominations féminines et 13 masculines. les nominations aux cours municipales passent à 4, pour les nominations féminines, et grimpent à 18, pour les nominations masculines. les femmes représentent 12 % — 34 femmes — de la composition des cours sous juridiction provinciale, à l'exception des cours municipales, contre 88 % — 251 hommes. pour les cours municipales, cette proportion atteint 0,43 % de femmes contre 99,37 % d'hommes.

Le groupe de travail sur l'accès des femmes à la magistrature a été créé, et il doit soumettre son rapport en août prochain. Par contre, la présence des femmes n'est pas encore assurée au sein des comités de sélection chargés de recommander au ministre de la Justice les personnes compétentes pour accéder à la magistrature. Au fédéral, 2 femmes sur 5 membres ont été nommées sur le comité de sélection. Cette recommandation d'assurer la représentation de femmes au sein du comité de sélection a été faite par le Conseil du statut de la femme au Sommet de la justice. On ne peut valablement se retrancher derrière le fait que le temps arrangera les choses, c'est trop facile, c'est s'en laver les mains.

Quel est le mandat du groupe de travail sur l'accès des femmes à la magistrature?

M. Rémillard: M. le Président, si on regarde, tout d'abord, au ministère de la Justice même, je suis particulièrement fier de dire que, sur les 5 sous-ministres associés, nous avons maintenant 2 femmes: Mme Lise Morency et Mme Suzanne Levesque. Quand je suis arrivé, il n'y en avait pas. On voyait 2 femmes: ma chef de cabinet, Mme St-Martin; et on sait aussi que Mme Fontaine est Curatrice. Nous avons d'autres femmes à des postes particulièrement importants et sensibles au ministère de la Justice et, pour moi, c'est toujours une priorité de faire en sorte qu'on puisse avoir des femmes aux différents niveaux décisionnels du ministère de la Justice.

En ce qui regarde ce comité, M. le Président, j'ai demandé au juge Claude Bisson, juge en chef du Québec, d'en faire partie, et c'est lui qui est là, qui est le juge Claude Bisson. Il y a Mme Suzanne Levesque, qui est sous-ministre associée au ministère de la Justice, et Mme Lise Gaboury, qui est juge municipale et qui est bâtonnière de Terrebonne.

Alors, M. le Président, ce comité a donc pour mandat de voir les normes de nomination que nous avons et de voir si nous pouvons avoir des moyens plus efficaces pour qu'on puisse en arriver à — toujours cette expression, que j'aime utiliser — ce juste équilibre dans une fonction aussi importante de l'administration de la justice, qui est la magistrature, un juste équilibre entre les hommes et les femmes. Alors, le groupe de travail a été constitué, et je devrais avoir son rapport, on me dit, à l'automne 1993. Donc, je suis particulièrement heureux, et je tiens à remercier le juge Claude Bisson, qui a bien d'autres occupations que celle-là aussi, mais qui a accepté de prendre de son temps — c'est qu'il ne compte pas son temps, quand il voit des causes importantes pour l'administration de la justice — pour siéger sur ce comité.

Entre autres, M. le Président, je fais une parenthèse. J'étais avec le juge Bisson et mon collègue, le ministre des Forêts, M. Côté, à Rivière-du-Loup, pour l'ouverture du nouveau palais de justice — qui est un très beau palais de justice, d'ailleurs; tout le monde était très content — et le juge Bisson, dans son allocution d'ouverture, a lancé une idée, que je me permets de partager ici avec les membres de cette commission, puisque c'était rapporté dans le journal Le Soleil. Le juge Bisson disait: On comprend les limites de la capacité de payer de l'État. On connaît les besoins que nous avons en infrastructures, au niveau de la justice. Alors, il suggérait une idée: que ceux qui prennent action en justice, et qui gagnent leur action, aient un certain pourcentage qu'ils doivent remettre dans un fonds qui sert à payer, à développer, à améliorer les infrastructures administratives de la justice, palais de justice et autres. Alors, M. le Président, j'ai considéré ça comme intéressant et méritant d'être étudié de plus près. J'en saisis

donc la commission, si elle veut commenter cette proposition de M. le juge en chef du Québec, Claude Bisson. (16 h 50)

Alors, M. le Président, comme le député d'Anjou le mentionnait tout à l'heure, dans les facultés de droit, il y a de plus en plus, et même, je crois que les femmes sont en majorité, maintenant. C'est donc dire que c'est une question de temps pour que nous ayons plus de femmes qui puissent faire application pour être juge. Dans les comités de sélection, parce qu'on sait comment ça procède, M. le Président... Les gens ont l'impression que les juges sont nommés par le ministre de la Justice ou par le gouvernement, comme ça. Absolument pas, on a un processus de nomination qui est formé du juge en chef, du bâtonnier et d'une personne du public. Moi, je fais toujours en sorte qu'il y ait au moins 1 femme sur le comité. Dans les rares cas où ça n'a vraiment pas été possible, où il est arrivé une situation particulière, non prévue, peut-être bien qu'on me trouvera un cas quelque part, mais je dois vous dire que notre principe, notre règle, et je n'en connais pas beaucoup d'exceptions, c'est qu'il y ait toujours 1 femme — au moins 1 — et très souvent, c'est 2.

M. le Président, c'est ce comité qui fait rapport au ministre. Alors, il fait une liste de personnes qu'ils ont entendues et considèrent aptes. Le ministre fait rapport ensuite au Conseil des ministres, qui décide, après d'autres informations qui viennent s'ajouter en ce qui regarde les rapports avec le Barreau, etc., et les chambres professionnelles. Alors, M. le Président, dans ce cadre-là, quand on peut nommer une femme, c'est toujours avec un très grand plaisir qu'on le fait. Mais plus on avancera, plus on aura des femmes qui viendront donc soumettre leur candidature pour être juges. J'attends donc le rapport, M. le Président, du groupe de travail formé, l'automne prochain, pour voir si on peut avoir des mécanismes encore plus souples et plus efficaces pour augmenter le nombre de femmes à la magistrature. on me donne des chiffres ici, m. le président. l'an dernier, sur 18 juges, il y a eu, à la cour du québec, 5 femmes; donc, environ 28 % comme tel. alors, ce n'est pas encore suffisant, mais c'est certainement mieux que les années précédentes, et j'espère que, l'an prochain, ce sera encore mieux.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.

M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Est-ce que le juge... pardon, M. le ministre... Je ne sais pas si c'est un rêve prémonitoire que j'ai fait, je le nomme, depuis tout à l'heure, M. le juge. Est-ce que le ministre pourrait me dire, pour les 5 femmes qui ont été nommées juges, combien il y a eu de candidates?

M. Rémillard: Oui, on peut le trouver. M. le Président, ça demande un peu de recherches là, mais ça me ferait plaisir de donner ces renseignements...

M. Bélanger (Anjou): Est-ce qu'il serait possible de le savoir pour les 5 dernières années?

M. Rémillard: Ah, bien, là, c'est toute une compilation. Il faut aller dans tous les concours. C'est possible. On peut essayer de le faire, mais si vous voulez l'avoir le plus rapidement, au moins pour la dernière année, on peut vous fournir ça le plus tôt possible.

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Rémillard: On va vous trouver ça, et on va le déposer le plus tôt possible.

Ajustements aux crédits alloués

à la déontologie judiciaire et au perfectionnement des juges

M. Bélanger (Anjou): Merci. m. le président, le prochain point que j'aimerais aborder, c'est l'aspect de la formulation des jugements, la déontologie judiciaire et le perfectionnement des juges. nous assistons, cette année, à une augmentation des crédits affectés à la déontologie judiciaire et au perfectionnement des juges de 58 700 $ par rapport au budget de 1992-1993. cela constitue une hausse de 4,3 %. l'augmentation des crédits s'explique, entre autres, par un ajustement de 60 000 $ au budget de perfectionnement des juges et par une indexation des salaires de 4600 $. à cette somme, sont retranchés 4800 $ d'ajustements divers et 1100 $, qui concernent la récupération de 1 % de la masse salariale, à titre de gains de productivité.

Alors, est-ce que je pourrais avoir des explications relativement aux ajustements de 4800 $ qui apparaissent aux crédits?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, attendez, on va trouver ça, là.

(Consultation)

M. Rémillard: Alors, M. le Président, je vais demander au sous-ministre de donner cette information très technique.

Le Président (M. Dauphin): Pour les fins du Journal des débats, Jacques Chamberland, sous-ministre en titre.

Allez-y, M. le sous-ministre.

M. Chamberland (Jacques): Merci, M. le Président.

Selon les informations qu'on me donne, l'ajustement de 4800 $ découlerait d'un ajustement du loyer à la baisse de 4000 $ et d'un ajustement du montant de taxe, j'imagine, de TVQ correspondante, de 800 $, encore une fois à la baisse. Alors, ce qui fait un total de

4800 $. C'est très technique, je ne saurais pas vous dire quelle partie du local a été coupée, mais ça découle d'une réduction du loyer.

M. Bélanger (Anjou): Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député.

Projet de loi concernant le délai pour rendre jugement

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, le prochain point que j'aimerais entreprendre est la question du projet de loi concernant le délai pour rendre jugement. Tout à l'heure, le ministre en a parlé, que c'était un point qui le préoccupait beaucoup. Il faut dire qu'en tant que porte-parole de la justice j'ai des gens qui sont venus me voir à mon bureau relativement à ce même problème-là. C'est vrai que c'est un problème, présentement, qu'il y a, relativement aux délais. On a un peu suivi, dans les journaux, le cas de certains juges qui rendaient jugement 1 an, 2 ans, 3 ans, même, je pense que c'est allé jusqu'à 7 ans après le délibéré de la cause.

Ma première question au ministre, relativement à ce projet de loi dont il a parlé tout à l'heure: Est-ce qu'il voudrait que le délai maximum, sauf exception, soit de 6 mois? Est-ce que le ministre ne craint pas qu'avec les effectifs qui sont gelés, comme ils le sont présentement, ça pourrait faire porter un fardeau supplémentaire sur le dos des juges et influer sur la qualité de la justice qui va être rendue?

M. Rémillard: Non, absolument pas, M. le Président. Absolument pas. Vous savez, présentement... On m'informe... Les juges en chef... J'étais avec le juge en chef de la Cour supérieure, encore récemment, et il m'informait que tout était rentré dans l'ordre et qu'il n'y avait plus de délais indus. En très grande majorité, les délais pour un délibéré sont d'à peu près 6 mois et moins. Alors, je ne crois pas que ça cause de difficultés majeures.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, je me souviens d'avoir vu, dans les différents articles qui avaient été publiés, que le juge en chef de la Cour du Québec a des pouvoirs qui sont assez illusoires, relativement aux pouvoirs qu'il a sur ses collègues juges, pour obtenir des jugements plus rapides. D'ailleurs, un des seuls moyens que le juge en chef avait trouvés, à un moment donné, en tout cas, que quelqu'un avait trouvés, c'était de rendre public le nom des juges qui tardaient à rendre jugement, pour exercer une certaine pression.

Alors, je me demande si le ministre a considéré... Plutôt que son projet de loi qu'il anticipe, est-ce qu'il n'a pas considéré le fait de donner plus de pouvoirs, peut-être, au juge en chef, pour pouvoir, justement, un peu autopolicer les juges, plutôt que d'y aller d'un projet de loi, et de mettre une norme, comme ça, par- tout?

(17 heures)

M. Rémillard: Alors, M. le Président, si j'en suis arrivé à cette conclusion qu'il fallait légiférer pour imposer, comme règle générale, un délai de délibéré de 6 mois, c'est après consultation avec les juges en chef. Alors, les juges en chef, il est vrai, présentement, n'ont qu'une force morale, qui peut être quand même fort efficace, remarquez. Rendre public les noms des juges qui traînent des dossiers, qui ne rendent pas jugement, je peux vous dire que ça a son efficacité.

Mais moi, comme ministre de la Justice, M. le Président, je suis particulièrement soucieux aussi du respect de l'indépendance de la magistrature et je n'aurais pas voulu faire un projet de loi qui aurait pu être vu comme une ingérence du ministre, du gouvernement ou de l'Assemblée nationale, puisqu'on légifère, dans l'indépendance de la magistrature.

Par conséquent, M. le Président, le projet de loi que je déposerai établira comme principe les 6 mois, mais laissera au juge en chef la latitude aussi de pouvoir décider s'il peut y avoir des exceptions. Par exemple, en ce qui regarde la MIUF, on sait que c'est une cause qui a duré pendant combien de temps? Pendant 5 ans? Même plus. Alors, donc, c'est évident que ça demande, à ce moment-là, une étude, et je pense que M. le juge Hurtubise a rendu son jugement dans 1 an.

Une voix: Oui.

M. Rémillard: Alors, avec une cause pareille, il faut rendre hommage au juge Hurtubise, M. le Président, pour avoir rendu ce jugement aussi étoffé dans 1 an. Mais c'est plus que 6 mois. Donc, dans ce cas-là, je pense que c'est bien justifié.

Donc, le juge en chef garde son autorité morale et son autopouvoir de contrôle à l'intérieur de la Cour. Cependant, le principe sera là, et, pour aller à l'encon-tre du principe, il faudra qu'il y ait de bonnes raisons.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député.

M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.

Je suis très sensible à l'argument du ministre à l'effet d'éviter l'ingérence relativement à notre système judiciaire. Mais il ne croit pas, justement, qu'il y aurait eu moins risque d'ingérence de donner toute latitude au juge en chef plutôt que de mettre un délai de 6 mois, comme ça, comme c'est prévu, de donner toute latitude au juge en chef de voir, justement, à ce que les jugements soient rendus avec la célérité nécessaire? Je pense... En tout cas, je soumets ceci au ministre: Est-ce qu'il ne croit pas, justement, que le juge en chef est peut-être le mieux placé pour évaluer la complexité des causes et fixer cas par cas, à ce moment-là, les délais raisonnables plutôt que de mettre un délai de 6 mois partout comme ça?

Est-ce que le juge en chef a fait cette demande? Est-ce qu'il a demandé un tel pouvoir?

M. Rémillard: Non, le juge en chef va conserver la discrétion d'apprécier les situations, ce que je viens de dire, mais la règle, et c'est à la demande des juges en chef, et je leur ai proposé, c'est quelque chose que je leur ai proposé, et ils m'ont dit: Oui, on trouve que c'est ce qu'on devrait faire. La règle, c'est 6 mois. Donc, de la fin de l'audition au jugement, il doit y avoir un maximum de 6 mois. Mais il y aura toujours une discrétion au juge en chef, qui l'exerce comme il veut en ce qui regarde des cas qu'on peut juger comme exceptionnels.

Alors, je protège l'indépendance de la magistrature, mais l'Assemblée nationale, l'État établit quand même comme principe qu'un délibéré doit avoir au plus 6 mois.

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Bélanger (Anjou): Est-ce que le ministre envisage la possibilité d'étendre ce délai, cette norme de délai de 6 mois à la Cour du Québec? Parce que je pense que, présentement, c'est uniquement pour la Cour supérieure qu'il vise à étendre ce délai. Non?

M. Rémillard: Non, Cour du Québec aussi.

M. Bélanger (Anjou): Cour du Québec et Cour supérieure?

M. Rémillard: Ah oui!

M. Bélanger (Anjou): Dans un même temps?

M. Rémillard: Oui, dans le même temps. Somme toute, en fait, ce serait toutes les cours. Toutes les cours seront visées.

Perfectionnement des juges

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, j'aimerais, le prochain point, aborder la question du perfectionnement, justement, des juges.

C'est le Conseil de la magistrature qui a notamment pour mandat de mettre sur pied des programmes de perfectionnement à l'intention des juges qui relèvent de sa juridiction. Qu'entend-on exactement par perfectionnement? Est-ce laissé à l'entière discrétion du Conseil de la magistrature? Ce serait ma première question.

Si l'on étudie la liste fournie par le ministère de la Justice, on s'aperçoit que le perfectionnement va de la documentation juridique à des cours d'anglais pour 20 juges et à des ateliers de rédaction des jugements pour encore un petit groupe de juges. Il y a une seule session de formation sous l'égide du Conseil de la magistrature, qui vise 225 sur 285 juges, donc presque la totalité des juges sous juridiction provinciale, au montant de 99 277 $. Une autre session de formation pour les juges municipaux, 65 sur 89 juges, a coûté 42 272 $. Donc, au total, c'est 141 549 $ qui sont attribués pour la for- mation et le perfectionnement de nos juges. C'est bien mince et en-dessous du budget de l'an dernier.

Enfin, on se rappelle qu'au Sommet de la justice, le juge Claude Bisson s'était engagé, au nom de la Cour du Québec, à mettre de façon permanente les questions des préjugés sexistes et de la discrimination fondée sur le sexe au programme de formation des juges de cette Cour. Il semble que cet engagement ait été oublié. Est-ce qu'effectivement la question du sexisme a été mise au programme de la formation des juges?

M. Rémillard: Alors, au départ, M. le Président, je dois dire que, lorsqu'on parle de l'indépendance de la magistrature, ça se réfère, entre autres, à la formation permanente des juges, et les juges sont entièrement libres de décider de la formation permanente qu'ils veulent se donner. Je n'ai aucun mot à dire dans le processus qu'ils veulent suivre, ce qu'ils veulent étudier. Ils ont décidé d'avoir des séances d'information en ce qui regarde le nouveau Code civil, comme le Barreau et la Chambre des notaires l'ont décidé aussi, mais c'est leur responsabilité, et on verra à ce qu'ils puissent le faire le plus efficacement possible, selon les modalités qu'ils décident. Alors, on n'a pas à s'immiscer dans le processus pour eux, décisionnel, en ce qui regarde les juges.

Donc, il faut, M. le Président, bien comprendre que c'est un principe qui est très important, l'indépendance judiciaire. D'ailleurs, j'ai un comité de travail sur ce sujet-là. On sait qu'on a quelques expériences qui nous amènent à nous interroger sur certains aspects de l'administration qui pourraient être faits d'une façon plus adéquate en ce qui regarde l'indépendance de la magistrature. On est en train de les étudier, mais il reste que le Conseil de la magistrature, la Conférence des juges, a même un atelier sur le sexisme. Mais je n'ai pas d'information pour dire ce qu'ils vont vraiment étudier, mais je sais que, à la Conférence des juges, au niveau de la Cour du Québec, il y a un atelier sur le sexisme.

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Bélanger (Anjou): Sans pour autant s'immiscer dans les cours, est-ce que le ministre, quand même... est-ce que le ministère pose des questions relativement aux cours qui sont octroyés? Quand même, c'est des fonds publics qui sont dépensés pour ça. Est-ce qu'il y a des comptes rendus ou des cours qui sont donnés aux juges?

M. Rémillard: On en discute avec eux. Moi, je rencontre régulièrement les juges en chef et très régulièrement... et nous discutons ensemble, oui, et, comme possibilité de sujet, nous avons toujours le perfectionnement des juges. On peut en discuter, on peut faire des suggestions, mais c'est eux qui décident, c'est eux qui décident. Je n'ai pas à m'immiscer dans le processus comme tel.

M. Bélanger (Anjou): Est-ce que le ministre a

une liste plus exhaustive des cours qui ont été donnés pour la dernière année que celle qui est présentement... qui nous a été fournie dans les crédits?

M. Rémillard: Je peux demander aux juges de la fournir. Je ne l'ai pas, on ne l'a pas. Je peux demander aux juges de la fournir.

M. Bélanger (Anjou): Maintenant, relativement aux cours pour la réforme du Code civil, est-ce qu'on a prévu des budgets spéciaux ou est-ce que ces budgets vont être pris à même l'enveloppe qui est mentionnée ici?

M. Rémillard: À même l'enveloppe qui est mentionnée.

M. Bélanger (Anjou): Un chiffre avait été lancé que ça coûterait environ 750 000 $. Est-ce que cette approximation est juste?

M. Rémillard: Je n'ai pas vu... Ça dépend. Il y avait des décisions encore qui devaient être prises. Ça dépendait d'une certaine formule retenue, cours de groupe ou faire venir des juges de l'extérieur. Je n'ai pas encore eu d'information sur les moyens qu'ils veulent utiliser pour avoir ces cours. Alors, je n'ai pas été informé si c'était vraiment 750 000 $. Je ne pourrais pas vous le dire.

M. Bélanger (Anjou): Mais est-ce qu'on peut savoir quel est le montant qui est réservé dans l'enveloppe actuelle ou... On a fait quand même une prévision relativement aux crédits qui ont été octroyés.

M. Rémillard: Si c'est simplement pour la Cour du Québec, ça m'apparaît très élevé, très, très élevé. Si c'est pour les 3 cours, même, pas plus que les 3 cours, mais les autres organismes aussi et d'autres juges, le Tribunal du travail, le Tribunal des droits, bien, je peux regarder ça, mais on ne m'a pas informé que c'était 750 000 $. Il me semble que ça paraît très, très, très élevé. Ça m'apparaît très élevé. (17 h 10)

II y a des négociations avec le Barreau, parce que des professeurs pourraient venir du Barreau. Il y a des cours qui pourraient être conjoints aussi, Barreau ou avocats, notaires; c'est en discussion aussi. Alors, tout ça fait que je ne pourrais pas informer cette commission, M. le Président, adéquatement sur le coût exact. Ça dépend encore du résultat de certaines discussions.

Le Président (M. Dauphin): Très bien. M. le député.

M. Bélanger (Anjou): Est-ce qu'il n'était pas question, à un moment donné aussi, peut-être que la formation donnée aux juges de la Cour supérieure serait payée par le gouvernement fédéral? Ou est-ce que c'est le gouvernement provincial qui va la défrayer?

M. Rémillard: Normalement, c'est ce qui devrait se passer. Oui. Selon la loi sur les juges, la formation, le perfectionnement des juges de cours fédérales, relevant de nominations fédérales, devraient dépendre de budgets qui relèvent du gouvernement fédéral. Alors, c'est pour ça que j'essaie de voir, là, 750 000 $, je trouve ça très, très, très, très élevé.

M. Bélanger (Anjou): C'était un montant qui avait été avancé dans un article de journal, le 6 avril, dans La Presse. Le ministre n'a pas eu connaissance de cet article?

M. Rémillard: Ah, vous savez, je ne peux pas lire tous ces articles-là. Mais...

M. Bélanger (Anjou): Peut-être pas vous, mais les gens de votre ministère les ont peut-être lus.

M. Rémillard: Bien, on m'informe... Moi, écoutez, j'ai rencontré les juges en chef, encore récemment, on en a discuté, et ce n'est certainement pas 750 000 $. Je ne peux pas vous mettre un chiffre parce qu'on ne m'a pas fourni encore les chiffres. On peut le vérifier, mais, surtout, si on tient compte du fait que le gouvernement fédéral va aussi contribuer en ce qui regarde les juges nommés par le gouvernement fédéral, je ne crois pas que nous, c'est 750 000 $, mais sous toutes réserves, parce que je vous avoue, là, que ce chiffre-là, c'est la première fois que je l'entends.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

Paiement des frais juridiques

de juges poursuivis dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, j'aimerais parler du cas de la déontologie chez les juges. Un cas, en particulier, qui revient souvent sur la sellette, c'est le cas de la juge Andrée Ruffo. Depuis 1988, M. le Président, on assiste aux démêlés de la juge Andrée Ruffo avec le Conseil de la magistrature. En juin 1988, elle était l'objet de 58 plaintes du Conseil des services sociaux de la région Laurentides-Lanaudière au Conseil de la magistrature qui, finalement, furent réduites à 10.

On sait que la juge Ruffo conteste la compétence du Conseil de la magistrature. En juin 1991, la Cour supérieure a rejeté tous ses arguments et la Cour d'appel s'est ralliée à la décision rendue en première instance. Le 4 février dernier, la Cour suprême a décidé d'entendre la cause et de décider, en conséquence, si la juge Ruffo doit passer devant le comité disciplinaire des juges, soit le Conseil de la magistrature.

Je dois tout de suite dire que, pour l'Opposition, il n'y a pas lieu de contester d'une façon directe le fait que le ministère de la Justice mandate des avocats pour représenter des juges qui ont des démêlés avec la justice, dans le cadre de leurs fonctions, mais de questionner

la manière dont on octroie les mandats et la façon dont on honore leurs paiements. En effet, le ministère de la Justice a versé jusqu'à maintenant à l'avocat de Mme Ruffo, Me Michel Robert, la somme de 467 800 $ en honoraires. Le versement des honoraires a débuté en décembre 1989, donc, 467 800 $ pour 3 années complètes de travail: 1990, 1991 et 1992.

On sait que, dans une année, lorsqu'un avocat, puis ça, je peux vous le dire, réussit à facturer 2000 heures, il a mérité le repos du guerrier. 2000 heures à 100 $ l'heure, c'est 200 000 $. Cela voudrait dire, à toutes choses près, que Me Robert a été à temps plein sur cette cause depuis 1990. Vous conviendrez avec moi, M. le ministre, que c'est beaucoup d'argent.

Est-ce que le ministre pourrait m'expliquer de quelle façon s'effectue le paiement des honoraires facturés au ministère de la Justice relativement à ces services?

M. Rémillard: M. le Président, je remercie le député d'Anjou de cette question parce que ça va me permettre d'éclairer la commission et bien du monde, je sais, sur un point.

C'est que ce n'est pas le ministère de la Justice qui choisit les avocats pour défendre le juge, mais c'est le juge qui choisit son avocat. On n'a rien à faire, nous, dans le choix de l'avocat. Que ce soit M. Michel Robert, François Aquin, Daniel Petit, Louis Crête, 4 avocats qui sont impliqués dans ce dossier...

M. Bélanger (Anjou): Oui.

M. Rémillard: ...pas un mot à dire, je n'ai pas un mot à dire, moi, comme ministre de la Justice, dans la nomination, dans les mandats donnés à ces avocats, d'aucune façon. Ce n'est pas moi qui les ai choisis, ces avocats-là, d'aucune façon.

Alors, le principe de départ, c'est que le juge, dans ses fonctions, lorsqu'il est attaqué en justice, a le droit à une défense pleine et entière. Donc, par conséquent, on lui fournit les moyens. Ça fait partie aussi de l'indépendance de la magistrature. Et ces moyens, c'est de fournir un avocat. Or, Mme la juge Ruffo dit: Très bien, moi, je veux prendre action, faire valoir mes droits et je veux avoir tel avocat, Michel Robert. Je n'ai pas à critiquer ça. M. Gobeil, le juge en chef de la Cour du Québec, le juge Albert Gobeil, a choisi, lui, M. François Aquin. Je n'ai pas à critiquer ça. Et d'autres ont choisi d'autres avocats.

Alors, moi, M. le Président, comme ministre de la Justice, respectant l'indépendance judiciaire, je ne m'implique pas dans le choix de l'avocat. S'il fallait qu'on dise: Non, non, vous ne prendrez pas tel avocat, vous allez en prendre un autre, on dirait: Eh! Eh! Le ministre vient se mettre le nez, il vient encore essayer de manoeuvrer pour que les juges ne soient pas indépendants, etc.

Alors, M. le Président, qu'on me dise que c'est beaucoup d'argent, je suis parfaitement d'accord. C'est beaucoup d'argent. Cette cause-là, elle va coûter des centaines de milliers de dollars. Je n'ai pas à me prononcer sur le fond de cette cause qui est devant les tribunaux, je n'en parlerai pas. Tout ce que je peux vous dire, c'est une cause qui soulève une question très importante, c'est les possibilités d'intervention d'un juge à l'intérieur de ses fonctions. Ça va aller jusqu'en Cour suprême, M. le Président, et, en Cour suprême, on aura une décision du plus haut tribunal du pays. Et ça coûte cher.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, je n'ai jamais voulu insinuer qu'on devrait intervenir dans le choix des procureurs qui représentent les juges. Je me pose uniquement la question, à savoir: Est-ce qu'il y a une vérification quant aux relevés d'honoraires qui sont présentés relativement à la défense des juges, ou on peut présenter n'importe quel relevé d'honoraires, avec n'importe quel nombre d'heures, et le ministère de la Justice, à ce moment-là, dit: Oui, merci, peu importe le nombre d'heures que ça peut représenter dans une semaine? Quand même, un être humain ne peut pas travailler plus de tant d'heures par semaine et, même si on ne doit pas...

Je comprends le ministre et je suis sensible, moi aussi, à cet argument-là, qu'on ne peut pas dire à un juge: Vous choisirez tel avocat parce qu'il est moins dispendieux qu'un autre. Je ne mets pas ça en cause, mais de savoir quelle est la vérification qui est faite relativement aux relevés d'honoraires.

Je regarde, dans le cas de Me Michel Robert, vous en conviendrez avec moi, M. le ministre, qu'il a presque travaillé à temps plein sur ce dossier-là depuis 3 ans, si on considère... À date, c'est 1 500 000 $ qui ont été dépensés pour cette affaire-là par le gouvernement du Québec. Alors, moi, je me demande quelle vérification il y a. Est-ce qu'il y a une vérification, premièrement, qui est faite? Ou, automatiquement, le compte arrive et le compte est payé, et on prend pour acquis que quelqu'un, quelque part, vérifie le compte?

Alors, vous comprendrez que, si le juge ne paie pas le compte, je ne suis pas certain qu'il fasse... qu'il use... qu'il utilise la même rigueur pour vérifier ce compte-là que la personne qui paie le compte pourrait exercer.

M. Rémillard: Je ne sais pas si j'interprète bien les propos du député d'Anjou, M. le Président, mais lorsqu'on parle de l'indépendance judiciaire et qu'on est d'accord pour dire qu'on n'a pas à s'immiscer dans le choix de l'avocat, certainement qu'il y a une conséquence de ça. C'est que, en ce qui regarde la note d'honoraires, qui est vérifiée par le juge client, est-ce qu'on doit s'immiscer, comme ministère de la Justice, dans la mesure où le juge qui a reçu les services d'un avocat nous transmet un compte d'honoraires qu'il a lui-même vérifié et qui témoigne que c'est exact? A ce moment-là, M. le Président, nous faisons confiance au juge.

Évidemment, le ministère de la Justice va voir si c'est plausible et raisonnable, c'est évident, c'est toujours la même chose, si c'est plausible et raisonnable, mais on parle de magistrats, on parle de juges qui nous fournissent, donc, des factures d'honoraires qu'ils ont eux-mêmes vérifiées. Et Michel Robert, comme d'autres avocats impliqués dans ce dossier, M. le Président, a des collaborateurs. Ce n'est pas simplement pour l'avocat lui-même, Michel Robert. Ça peut être aussi pour certains de ses collaborateurs qui étaient là et qui l'ont assisté. Alors, c'est tout ça qui est à prendre en considération, M. le Président. (17 h 20)

Quand je regarde les montants qui ont été fournis aussi à d'autres avocats dans ce dossier, le principe est toujours le même. Le ministère de la Justice voit à ce que ça soit plausible, que ce soit raisonnable, mais, à l'intérieur de ça, il y a une marge que nous voulons toujours respecter pour garantir l'indépendance des tribunaux, l'indépendance judiciaire.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Oui. Merci, M. le Président.

Sur le même sujet, je comprends qu'il n'y ait pas grande marge de manoeuvre à ce niveau-là, c'est le fonctionnement normal. Mais il reste quand même que c'est des montants considérables. Je pense que c'est des très, très gros montants. Il n'y aurait pas lieu de penser que les juges, au niveau de leur défense, ils pourraient avoir une assurance, au niveau de leur défense, en cour, quitte peut-être à ce que le gouvernement défraie cette assurance-là? Bien, ça pourrait peut-être faire en sorte de diminuer les coûts. Je trouve quand même que c'est des montants astronomiques, tout en sachant très bien que vous n'avez pas le choix, puis, peut-être que vous devez le faire.

Mais comment peut-on penser qu'on peut réduire cette facture-là, éventuellement, ou dans l'avenir, parce que ça peut encore arriver, des causes de la sorte, pour faire en sorte que les contribuables n'ont pas à défrayer cela, tout en conservant l'indépendance judiciaire et en protégeant les juges également? On prend les médecins. Ils ont des assurances, eux autres, au niveau responsabilité, également. C'est eux qui les défraient. On en convient, sauf qu'il y aurait peut-être moyen de trouver une formule qui fasse en sorte qu'on réduise ces coûts-là parce que c'est astronomique comme coûts. Et, dans le cadre budgétaire qu'on connaît, je pense que ce serait important de s'y arrêter.

M. Rémillard: Oui. Alors, M. le Président, je trouve que c'est une question fort pertinente de la part du député des Îles-de-la-Madeleine.

Le principe que nous suivons dans ce cas-là est un principe qui, à ma connaissance, a toujours été suivi par le Québec, depuis des années et des années. C'est-à-dire que ça s'applique aussi pour un député, pour un ministre, pour un fonctionnaire. Si vous êtes poursuivi dans le cadre de vos fonctions, à ce moment-là, nous avons la responsabilité de vous défendre. Vous choisissez votre avocat, et on vous défend jusqu'au plus haut niveau, jusqu'en Cour suprême, s'il le faut.

C'est le cas, présentement, avec Mme la juge Ruffo. Si on veut remettre en cause ce principe-là, il faudrait le remettre d'une façon générale, pas simplement pour les juges. Il faut penser aussi aux députés, aux ministres, aux fonctionnaires, tout le monde, tout le monde qui agit au nom de l'État. Vous nous dites: Une police d'assurance. Bien, une police d'assurance, évidemment qu'il faudrait penser, à ce moment-là, à payer la police. Qui paie la police? Est-ce que c'est aux frais du fonctionnaire, du juge, du ministre ou si c'est aux frais de l'État? On n'a pas tant de dossiers que ça.

Des ministres poursuivis, il y en a quelques-uns, et de l'ancien gouvernement péquiste et, ici, nous, des ministres qui ont été demandés comme témoins dans certaines causes, qui ont eu l'appui de certains juges. De certains juges, dis-je, de certains députés. Certains députés... certains avocats.

Merci, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Vous êtes toujours là au bon moment, vigilant. Je ne vous ai pas dit que c'était là une de mes tactiques pour voir si vous étiez toujours bien réveillé.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Alors, dans ce cas-là, M. le Président, s'il faut remettre en cause le principe, remettons-le en cause pour l'ensemble de l'appareil étatique, comprenant les magistrats, comprenant les juges.

Le Président (M. Dauphin): Avez-vous terminé, M. le député des Îles-de-la-Madeleine?

M. Farrah: Bon, juste pour conclure, c'est que moi, je ne suis pas contre le principe, au contraire. C'est juste que mon interrogation, c'était à savoir: Est-ce qu'on pourrait trouver une formule qui est plus économique tout simplement? Bon. J'ai donné l'exemple d'assurance. Peut-être qu'au bout de la ligne c'est mieux d'y aller cas par cas et défrayer, à ces moments-là, à ces occasions-là, que payer une police d'assurance. Parce que, même au niveau des biens du gouvernement, on n'a pas d'assurance. On ne prend pas les assurances, on y va cas par cas. Quand il y a un bris ou un dommage, on défraie, puis c'est moins cher qu'une police pour l'ensemble des biens du gouvernement.

Alors, ma question, c'était dans ce sens-là parce que c'est quand même des coûts importants. Donc, vous en convenez également. Maintenant, le principe de protéger tout le monde, je pense qu'il va s'appliquer également, là.

M. Rémillard: II faut dire que oui, les coûts dans

cette cause-là sont importants, et, à ma connaissance, il n'y a pas eu beaucoup de cas semblables.

Est-ce qu'il y a eu beaucoup de cas semblables, M. le sous-ministre?

M. Chamberland: À ma courte connaissance de 5 ans, c'est le seul cas que nous avons, là, qui s'approche de celui-ci.

M. Rémillard: Alors, ça n'arrive pas très souvent. Ça, c'est vraiment une cause qui met en relief un aspect particulièrement important de l'exercice des fonctions de juge. Je ne commenterai pas plus. Maintenant, on sait aussi que d'autres députés ou d'autres ministres, même après qu'on se soit retiré, hein... Il faut comprendre que notre règle s'applique aussi. J'ai eu des cas, par exemple, d'anciens ministres d'anciens gouvernements qui, tout à coup, se sont vu poursuivre ou qui ont eu des difficultés, qui ont dû être représentés pour quelque chose qu'ils avaient fait pendant qu'ils étaient ministres. Et, à ce moment-là, ça ne leur coûte absolument rien. Ils nous disent quel avocat ils veulent, on leur assigne l'avocat qu'ils veulent, et ils ont une défense pleine et entière.

Même chose pour les députés, aussi. Si, à un moment donné, vous terminez votre carrière de député, dans une trentaine d'années — parce que je sais que vous voulez battre le record d'un de nos collègues de l'autre côté — et que, à un moment donné, vous voulez... vous avez maille à partir avec la justice parce que quelqu'un vous implique dans quoi que ce soit, je ne sais trop quoi, vous aurez les services d'un avocat. M. Yves Duhaime, qui a été ministre dans le gouvernement de M. Lévesque, a bénéficié de ce service-là, même quand il n'était pas ministre. Je pense que je peux avoir d'autres cas, aussi. Pour ma part, je considère que c'est un service qu'il faut garder. On ne sait jamais, on ne sait pas comment ça peut se passer.

M. Farrah: Merci. Merci, M. le Président, ça va.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député.

M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, est-ce que le ministre pourrait nous dire si les montants qui sont donnés relativement aux honoraires incluent les déboursés? C'est honoraires et déboursés, ça, ou uniquement les honoraires temps chargeable?

M. Rémillard: ...c'est les deux.

M. Bélanger (Anjou): C'est les deux?

M. Rémillard: Oui. Oui, oui, honoraires et déboursés.

M. Bélanger (Anjou): Honoraires et déboursés.

Maintenant, quand le ministre parle, il semble faire preuve d'une certaine ouverture relativement, peut-être, à une réforme éventuelle de tout ça. Sans remettre en question le principe, est-ce qu'on ne devrait pas, quand même, mettre certaines balises? Là, j'apprends quelque chose. Je n'étais pas au courant qu'un député avait une assurance ou, en tout cas, avait des avocats qui pourraient le représenter s'il était poursuivi. Je savais qu'un ministre en avait, mais je ne pensais pas qu'un simple député jouissait aussi des mêmes avantages. Illimités?

M. Rémillard: Oui. c'est un service dans le cadre de vos fonctions.

M. Bélanger (Anjou): Uniquement.

M. Rémillard: Dans le cadre de vos fonctions. Mais moi, écoutez, je suis ouvert. Je ne veux pas vous encourager à faire des choses, là...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bélanger (Anjou): Non, non, non, non.

M. Rémillard: Non, non. Écoutez, comprenez-moi bien.

M. Bélanger (Anjou): De toute façon, j'ai l'immunité parlementaire, ici.

M. Rémillard: Non, non. C'est une assurance. Moi, je suis ouvert à des suggestions. Si vous avez une meilleure suggestion ou si quelqu'un de la commission dit: Écoute, je pense que le député des Îles-de-la-Madeleine pense à une police d'assurance, bien, s'il y a d'autres suggestions, je suis bien prêt à regarder ça, moi, si on peut améliorer le système. Mais ce que je vous dis, c'est que, comme parlementaire, comme fonctionnaire et comme magistrat, je crois qu'on doit garder le même principe que, lorsqu'on met en cause certaines de vos actions dans le cadre de vos fonctions, vous devez pouvoir avoir les moyens de vous défendre et ne devriez pas payer pour ça. Payer pour ça, imaginez-vous ce que ça coûte; ce n'est pas possible, hein. Alors, déjà, on est au service de la population et on ne sait jamais comment des choses peuvent être rapportées. Des fois, ça peut nous occasionner certains problèmes.

Alors, je pense, pour ma part, que c'est une garantie qui est importante.

Le Président (M. Dauphin): Je vais me reconnaître moi-même, si vous me permettez.

Sur le même sujet, prenez l'exemple d'un avocat qui est nommé juge et qui est poursuivi comme juge, mais alors qu'il était avocat, pour des fonctions qu'il a exercées alors qu'il était avocat. Alors, ce n'est pas dans le cadre de ses fonctions comme juge, évidemment; c'était alors qu'il était avocat, il est poursuivi au civil ou peu importe, là. Qu'est-ce qui arrive à ce moment-là?

S'il n'a pas renouvelé son assurance professionnelle d'alors, malgré qu'aujourd'hui je croie que le Barreau... C'est la question... Le cas s'est produit déjà. (17 h 30)

M. Rémillard: M. le Président, c'est une excellente question, une situation qu'on doit voir en 2 volets.

Si le juge est poursuivi pour quelque chose qu'il a fait comme avocat, alors qu'il pratiquait dans le privé sa profession d'avocat, on n'a pas à défrayer quoi que ce soit. À ce moment-là, sa situation comme magistrat, comme juge sera remise en question, s'il le faut, selon ce que le Conseil de la magistrature pourra décider. Ça, c'est une chose.

De plus, on sait que, si un juge commet un méfait, pour se défendre — il y a eu des cas, il n'y a quand même pas tellement longtemps — pour se défendre au pénal, au criminel, par exemple, il aura à payer ses frais. Et ça, ce n'est pas nous qui payons ça.

L'autre volet de votre question, c'est si le juge est poursuivi pour des choses qu'il a faites comme avocat, alors qu'il était dans une situation... Par exemple, il était fonctionnaire ou sous-ministre — le cas qu'on a, en particulier, c'est un cas, présentement — à ce moment-là, oui, l'État va payer. Je ne sais pas si je suis clair.

Une voix: ...

Le Président (M. Dauphin): Je vous pose cette question-là, parce que j'avais...

Si vous me permettez, M. le député d'Anjou.

J'avais su qu'à un moment donné ce qui comptait, au niveau de l'assureur, c'était à la date de signification de l'action et non pas à la date des événements. Je ne sais pas si vous comprenez bien ce que je veux dire. L'individu est avocat...

M. Rémillard: Oui.

Le Président (M. Dauphin): ...mais n'est plus avocat, est nommé juge ou devient député ou ministre, peu importe. Il est poursuivi 2 ans plus tard, mais ce que j'ai su, c'est ce qui était tenu en ligne de compte, c'était à la date de signification de l'action et non pas à la date des événements.

M. Rémillard: Ça, c'est dans une police d'assurance, peut-être bien.

Le Président (M. Dauphin): On parle de privé.

M. Rémillard: Oui, de privé dans une police d'assurance. Je ne peux pas vous donner d'opinion, M. le Président. Vous savez très bien pourquoi. Mais, pour nous, en tout cas, pour nous, en ce qui nous regarde, c'est: Ce qui est reproché est-il quelque chose qui a été fait pendant que cette personne était en fonction pour le gouvernement, pour l'État? C'est ça qui est la question. Si c'est oui, on défraie. Si c'est non... Et tout ce qui est pénal et criminel est à l'extérieur des fonctions, parce que la reine, elle ne peut pas agir d'une façon erronée, selon la vieille maxime: «The King can do no wrong». Ça ne vaut pas au civil, mais ça vaut au criminel et au pénal encore. Alors, ce qui veut dire que ça, on ne défraie pas pour ce niveau-là.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup.

M. Maciocia: Je pense que seulement pour confirmer...

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Viger.

M. Maciocia: ...un peu ce que vous venez de dire, M. le ministre, c'est même dans des compagnies ou dans des bureaux de courtage.

Dans l'assurance, par exemple, nous, on a un bureau d'assurances, on est assuré pour la responsabilité. Mais je crois, je suis convaincu que l'assurance-responsabilité, elle nous couvre, même si c'est 2 ans après, puis on a terminé d'être courtier d'assurances ou autre. C'est au moment de l'acte qui a été posé que, si on est couverts par une police d'assurance, on est quand même couvert, à ce moment-là, en cas qu'il y ait une procédure qui est prise contre nous.

Alors, ce n'est pas au moment de la mise en demeure, mais c'est plutôt au moment où on a commis l'acte.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, je ne voudrais pas...

Le Président (M. Dauphin): C'est du domaine privé.

M. Rémillard: Oui...

Le Président (M. Dauphin): Nous vous demandons une opinion. Je comprends très bien. On n'est pas ici pour ça.

M. Rémillard: Oui. Je n'ai pas à donner d'opinion, surtout pas au député de Viger, qui a une grande connaissance dans le domaine de l'assurance, et sa femme, qui est très active aussi dans le domaine de l'assurance et sa réputation comme courtier. Mais je veux simplement dire que le même principe nous a toujours animé. Pour nous, si les faits reprochés ont été faits dans le cadre des fonctions étatiques gouvernementales, à ce moment-là, c'est couvert.

Le Président (M. Dauphin): C'est ça. Très bien. Merci.

Je suis prêt à reconnaître M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Je n'ai plus de questions pour ce programme.

Le Président (M. Dauphin): Alors, est-ce que le

programme 1 est adopté?

M. Bélanger (Anjou): Adopté.

M. Rémillard: Adopté.

Soutien administratif à l'activité judiciaire

Le Président (M. Dauphin): Adopté. J'appelle le programme 2.

Aménagements à l'intérieur des palais de justice pour les victimes et les témoins d'actes criminels

M. Bélanger (Anjou): Lors du Sommet de la justice, M. le Président, il y avait eu un engagement de la part du ministre à prévoir dans tous les palais de justice du Québec — il n'y avait pas eu de date qui avait été spécifiée — des places réservées spécifiquement aux victimes et aux témoins d'actes criminels. Est-ce que je pourrais savoir où en sont rendus les plans quant à ce nouveau projet?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: C'est ce que nous avons fait, M. le Président, dans beaucoup de palais de justice, entre autres au palais de justice de Rivière-du-Loup, qui est un magnifique palais de justice. Le défi que nous avions à Rivière-du-Loup, M. le Président, c'est qu'il y avait déjà une bâtisse du patrimoine, une magnifique bâtisse. Alors, il fallait — et c'était le défi des architectes qui ont très bien réussi — protéger cette bâtisse tout en agrandissant le palais de justice. Alors, il a été considérablement agrandi. Et, entre autres, on a prévu des dispositions matérielles pour faciliter tout ce qui regarde, entre autres, les comparutions pour les enfants et la possibilité, évidemment, pour les juges, de pouvoir les interroger.

Même chose à Saint-Jean-sur-Richelieu et à Co-wansville. Ce sont 2 palais de justice qui seront construits dans les prochains mois, et des dispositions semblables vont être établies aussi. Laval, c'est la même chose. Au niveau de la Beauce, c'a été aussi fait. Plusieurs aménagements ont été faits dans d'autres palais de justice qui n'ont pas été complètement rénovés, mais on a quand même fait les ajustements nécessaires. Alors, on tient compte des besoins des victimes et des jeunes témoins au fur et à mesure, évidemment, des nouvelles constructions. Dans ce qui existe déjà, M. le Président, on a amélioré la situation dans bien des cas.

Il reste pour moi, quand même, que je n'ai pas parlé de la cour de la jeunesse, à Montréal. Et ça, c'est une priorité, aussi, parce que je suis allé, à quelques reprises, à l'improviste, M. le Président, je suis allé aussi en visite officielle, mais je suis allé à l'improviste. J'ai mentionné tout à l'heure, dans mon intervention du début, que j'allais dans des palais de justice sans être annoncé, j'y allais et je vais assister à des auditions. Je suis allé à la cour de la jeunesse, à Montréal. J'ai vu dans quelle situation ça peut se passer, quelquefois très difficile. Et ça, c'est une des grandes priorités du ministère de la Justice d'avoir une cour de la jeunesse qui est capable de respecter un environnement où les jeunes se sentent plus à l'aise. Ce n'est pas toujours le cas. Mais c'est des dépenses considérables. C'est des dépenses, c'est des millions, des dizaines de millions de dollars, M. le Président, et c'est quelque chose comme dépenses. Mais c'est une volonté que nous avons, c'est une volonté du gouvernement d'y procéder.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député.

M. Rémillard: Juste la chambre de la jeunesse à Montréal, M. le Président, on me donne une information, ici, c'est un coût global de 33 000 000 $ simplement pour la chambre de la jeunesse, à Montréal. Il y aurait des besoins jusqu'en 2010.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député d'Anjou.

Tribunal unifié de la famille

M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.

Relativement à un autre dossier, c'est-à-dire celui du tribunal unifié de la famille, lors du Sommet de la Justice, il y avait eu un souhait qui avait été exprimé, à savoir de pouvoir avoir au Québec un tribunal unifié de la famille. Le ministre, en date du 29 avril 1992, nous avait fait part qu'il avait commencé à élaborer ce qu'on pourrait inclure dans ce tribunal de la famille et qu'il y avait des plans qui sont actuellement au travail, et qu'on y travaille, et qu'on essaie de trouver un moyen que ça se concrétise.

Est-ce que je peux savoir où en sont les travaux ou les négociations relativement à ce tribunal unifié de la famille?

M. Rémillard: C'est un sujet, je l'ai dit au Sommet de la justice, moi, que j'ai bien à coeur. D'ailleurs, dans son rapport, le juge Jasmin, dans son premier rapport, une des conclusions du rapport du juge Jasmin sur la loi sur les jeunes, M. le Président, il concluait qu'on devrait avoir un tribunal unifié de la famille. C'est une question qui revient fréquemment. (17 h 40)

J'ai eu l'occasion d'en discuter à plusieurs reprises, au niveau du ministère de la Justice fédéral et avec mes collègues de la Justice de toutes les provinces. J'ai l'intention de reparler de ce sujet lorsque j'aurai le plaisir de recevoir mes collègues de la Justice, le 28 mai, ici, à Québec. Ça fait très longtemps que les ministres de la Justice du Canada ne se sont pas réunis à Québec, et j'aurai l'occasion, donc, de parler de différents sujets que j'ai particulièrement à coeur et qui nécessitent une action coordonnée avec le gouvernement fédéral et avec les autres provinces.

Dans ce cas-ci, pour créer un tribunal de la famil-

le, il faut un amendement constitutionnel, mais ça ne serait pas grand-chose. Il s'agirait de modifier l'article 96 de la Constitution pour faire en sorte que ce tribunal de la famille unifié ne soit pas considéré comme une cour supérieure au sens de l'article 96, donc, qu'on puisse nommer les juges, que les provinces puissent nommer les juges. Moi, il me semble que c'est ce genre d'amendement constitutionnel qui pourrait être fait, qui pourrait être réussi et qui pourrait nous permettre d'amender la Constitution pour rendre plus efficace la justice.

Qu'on me corrige, si je me trompe, mais on pourrait faire cet amendement constitutionnel avec la règle du 7-50, 7 provinces, 50 % de la population, avec, évidemment, le Parlement canadien. Alors, c'est peut-être plus facile à faire que de récupérer le droit de veto, M. le Président, mais je ne m'étends pas là-dessus.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Dauphin): Et tout ça peut se faire sans référendum, si je vous comprends bien.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: En plus. Imaginez-vous à quel point ça va être facile.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, est-ce qu'il y a des négociations présentement en cours avec le gouvernement fédéral relativement à ça, qui sont sur le point de...

M. Rémillard: Oui, il y a une discussion, et même, au ministère de la Justice fédéral, ils ont un projet d'amendement.

M. Bélanger (Anjou): Ils ont un projet d'amendement.

M. Rémillard: Alors, on leur avait demandé de travailler sur un projet d'amendement. Ils avaient accepté. On ne l'a pas vu encore. Nous, on n'en a pas discuté, mais ils ont un projet d'amendement, et on nous a dit, c'est... L'amendement lui-même n'est pas un amendement très difficile, mais, évidemment, ça signifie, à ce moment-là, que tout ce qui regarde l'aspect familial, et on sait que mariages, divorces, les séparations, donc, au niveau de la Cour supérieure, les juges qui sont nommés par le gouvernement fédéral, si on unifie avec, donc, tout ce qui se passe au niveau de la Cour du Québec pour les enfants, c'est donc dire que ces juges seraient maintenant de nomination provinciale.

Évidemment, si on disait, bien, vous allez être de nomination fédérale, peut-être qu'il y aurait moins de problèmes, mais la famille est de juridiction provinciale, c'est notre responsabilité. On veut faire une politique qui est coordonnée, qui est efficace, qui est plus humaine, qui est plus accessible. Alors, ce qui veut dire que les juges de ce tribunal seraient de juridiction provinciale, donc, nommés par le gouvernement provincial, et c'est là qu'est une petite difficulté, mais je pense qu'on pourrait faire un amendement comme ça. Ça pourrait être le premier amendement réussi après les événements de l'automne dernier. Le député d'Anjou en serait content, comme tous les membres de cette commission, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

Service de médiation familiale à Montréal

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, j'aimerais aborder la question de la médiation familiale. Dans la réforme envisagée par le ministre, j'aimerais savoir qu'est-ce qu'il va advenir du service de médiation familiale qui est présentement disponible à Montréal, dans les cas où il n'y a pas eu de procédure judiciaire. Déjà, depuis quelque temps, donc, au palais de justice de Montréal, il y avait une médiation qui se faisait pour les gens qui n'avaient pas nécessairement de contestation judiciaire, et là, je me souviens que, quand on en avait déjà parlé, il y avait une question, à savoir: Est-ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux allait prendre en charge ce service de médiation? Sinon, il était appelé à disparaître. Je voudrais savoir: Est-ce que le ministre a eu l'assurance à l'effet que ce service serait maintenu à Montréal?

M. Rémillard: Alors, M. le Président, lorsqu'on a eu à discuter, en commission parlementaire et à l'Assemblée nationale, de ce projet de loi dont je suis particulièrement fier, projet de loi sur la médiation familiale, on me disait: Oui, mais ça ne règle que des cas qui sont judiciarisés, et c'est évident, M. le Président, c'était ma responsabilité, comme ministre de la Justice, de pouvoir agir à l'intérieur du processus judiciaire. C'est parce que c'est là qu'est ma responsabilité.

Donc, il y aura médiation obligatoire sur ordonnance du tribunal dès les premiers instants des procédures judiciaires, et moi, je suis convaincu, M. le Président, que ça va aider grandement, ça va aider grandement tout ce qui regarde le droit familial pour rendre plus humaines et aussi plus efficaces toutes les mesures qui sont décidées en matière de droit matrimonial, que ce soit en ce qui regarde la séparation du patrimoine familial, mais je dirais aussi, surtout, M. le Président, en ce qui regarde la garde des enfants et les pensions alimentaires, qu'on puisse, finalement, trouver un moyen pour éviter aux enfants d'aller témoigner en cour pour savoir: Je veux aller avec papa, je veux aller avec maman. C'est triste, c'est difficile. C'est difficile pour le couple qui se sépare, c'est surtout difficile pour les enfants. Alors, si ça peut se faire, il y a un médiateur qui est là, qui travaille avec les parents, et il trouve une

solution. Moi, à mon sens, c'est là une contribution essentielle que va apporter ce projet de loi pour humaniser notre processus judiciaire en ce qui regarde le droit familial.

Les pensions alimentaires, j'en parlais tout à l'heure, M. le Président, c'est évident que, lorsqu'une pension alimentaire est décidée d'un commun accord entre les 2 parties, parce qu'il y a un médiateur et que le médiateur fait en sorte qu'ils arrivent à un accord, ce n'est pas imposé par un tribunal directement. Il y a un médiateur qui est là, puis il dit: Très bien, voici la pension qui sera donnée à l'un des conjoints qui aura la responsabilité, entre autres, des enfants, lorsqu'il y a des enfants. Alors, dans ce cas-là, on peut penser, M. le Président, que le respect de la pension alimentaire va être plus facile, parce que ce n'est pas imposé, c'est négocié. Alors, ça aussi, ça va être un élément important.

En ce qui regarde, maintenant, toute la médiation familiale à l'extérieur du processus judiciaire, lorsqu'il s'agit qu'on n'a pas encore décidé de se séparer ou de divorcer, il y a toujours ces discussions avec mon collègue, le ministre de la Santé et des Services sociaux, et ma collègue de la Condition féminine pour établir un réseau de médiation partout au Québec, mais, entre autres, plus spécifiquement en ce qui regarde Montréal et Québec, nous sommes à conclure, finalement, des ententes pour que le service qui est présentement offert puisse continuer et non seulement continuer, mais être développé et serve, si vous voulez, pour qu'on continue ce service partout au Québec.

Alors, M. le Président, je n'ai pas à parler et je ne voudrais pas parler pour mes collègues, mes 2 collègues, le ministre de la Santé et la Mme la ministre de la Condition féminine qui, surtout, sont impliqués dans ce projet. Je sais à quel point ce projet leur tient à coeur. Je sais à quel point c'est important pour eux, et je veux simplement dire que, pour ma part, comme ministre de la Justice, développer des services déjà offerts à Québec et Montréal pourrait être des pierres angulaires sur lesquelles on pourrait construire un réseau plus vaste au niveau de l'ensemble du Québec.

Le Président (M. Farrah): Merci, M. le ministre.

M. le député d'Anjou, d'autres questions sur le programme 2?

Règlement concernant la désignation de médiateurs

M. Bélanger (Anjou): Oui, M. le Président. Est-ce que le ministre peut nous faire part si le règlement relativement à la désignation, qui peut être médiateur? Est-ce que ce règlement est terminé? Est-ce qu'il est fait? Parce qu'il y avait une question qui préoccupait beaucoup de gens, à savoir qui pourrait être médiateur.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, dans le domaine familial, donc, de médiation familiale, comme je l'ai dit pour les petites créances, aussi, j'ai donc l'intention de faire appel au domaine privé. Il faut donc qu'on assure que les médiateurs qui pourront être reconnus comme médiateurs puissent avoir la compétence nécessaire. On s'est référé aux organismes déjà existants et ayant la crédibilité, dans le milieu de la médiation. Le règlement, est-ce qu'il est presque terminé... Oui. Alors, je n'ai pas encore vu la version finale. On me dit qu'il y avait des détails à vérifier avec le service... Santé et des Services sociaux, mais je peux demander à M. le ministre Chamberland de compléter ma réponse, M. le Président.

Le Président (M. Farrah): M. Chamberland, allez-y.

M. Chamberland: Pas ministre, mais sous-ministre. Oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Qu'est-ce que j'ai dit?

M. Chamberland: Vous m'avez affublé du titre de ministre.

M. Rémillard: On vous envoie à tellement d'endroits. Pourquoi pas? Mais jamais là...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chamberland: Je suis sous-ministre, pour l'instant.

M. Rémillard: Mais jamais là, encore.

M. Chamberland: Le projet de règlement est en voie d'être finalisé. Il reste certaines négociations à terminer avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, qui est, comme nous, intéressé à ce que les meilleures personnes soient choisies pour assumer ces responsabilités, évidemment, importantes. Alors, vous devriez le recevoir, M. le ministre, sous peu.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. M. le député.

M. Bélanger (Anjou): Ça va quant à cet élément.

Le Président (M. Dauphin): Le programme 2 est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté.

Protection des droits et libertés de la personne

J'appelle le programme 3, Protection des droits et libertés de la personne. (17 h 50)

Réduction des crédits alloués à ce programme

M. Bélanger (Anjou): Oui, M. le Président, ce programme vise à promouvoir les droits fondamentaux de la personne. Il comprend les crédits attribués à la Commission des droits de la personne pour assurer le respect de la Charte des droits et libertés de la personne ainsi que ceux versés à la Commission de protection des droits de la jeunesse.

Les crédits de ce programme diminuent de 618 000$ pour 1993-1994, 11446 000$ comparativement aux crédits octroyés en 1992-1993. Cela représente un pourcentage de baisse de 5,4 %. Les crédits de cette année reviennent au niveau des crédits alloués en 1990-1991. de plus, m. le président, si on considère la hausse des crédits depuis 1985 par rapport au coût de la vie, ça n'a pas du tout rejoint le coût de la vie, c'est-à-dire qu'il y a eu une hausse des crédits de 24,1 % relativement à une hausse du coût de la vie de 35,5 %. au moment où, justement, ces organismes sont de plus en plus appelés à intervenir et sont de plus en plus sollicités par la population, est-ce que le ministre pourrait nous expliquer son choix de couper près de 600 000 $ dans ce programme et d'en ramener les crédits à un montant équivalent à ceux de 1990 et 1991?

M. Rémillard: Oui. Alors, M. le Président... Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Nous avons le plaisir d'accueillir Me Yves Lafontaine, qui est le président de la Commission des droits et libertés de la personne. M. le Président, comme ministre de la Justice, j'ai à travailler étroitement avec la Commission des droits de la personne, respectant, évidemment, sa discrétion dans ses décisions et dans son administration en ce qui regarde une bonne administration de la justice dans un sujet qui est particulièrement sensible dans toute société de liberté et de démocratie comme la nôtre.

Alors, je vais demander à Me Lafontaine de répondre à vos questions, M. le Président, répondre aux questions des membres de la commission.

Le Président (M. Dauphin): Bienvenue, Me Lafontaine.

M. Lafontaine (Yves): Merci, M. le Président.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, ma première question s'adressait surtout au ministre, à savoir son choix de couper 600 000 $ dans les budgets attribués à ces organismes-là. Je pense que ça serait plus le ministre qui pourrait répondre que le président de la Commission des droits de la personne.

M. Rémillard: M. le Président, sur cette question-là, je peux simplement répondre qu'il y a eu une rationalisation des dépenses au niveau de la Commission comme il y en a eu partout au niveau du gouvernement et au ministère de la Justice. Mais ça ne met absolument pas en cause, d'aucune façon, les projets et les programmes de la Commission des droits de la personne.

Moi, ce que je voulais simplement, c'est que M. Lafontaine puisse répondre aux questions des membres de la commission, dont le député d'Anjou, bien sûr, c'est qu'il puisse témoigner que cette rationalisation peut s'effectuer dans une collaboration que nous avons tous pour avoir les meilleurs rendements possible, mais en fonction, quand même, des limites que nous avons comme gouvernement.

On sait, M. le Président, que nous avons une situation économique difficile, très difficile, que nous faisons face à des restrictions budgétaires qui s'imposent et qui nous donnent peut-être le bon aspect de cette récession économique, M. le Président, qu'on espère qu'elle est terminée. Mais peut-être un des bons aspects, c'est de nous amener à faire face à des problèmes que nous allons régler pour les années et les décennies qui vont venir.

Alors, nous étions surgouvernés à bien des égards, suradministrés, aussi, à bien des égards. C'est donc ensemble, comme parlementaires, que nous avons à étudier tous les processus administratifs et à trouver les moyens pour être les plus efficaces possible tout en ayant une administration la plus légère possible. M. le Président, en faisant cet exercice... nous avons fait ces exercices avec les présidents d'organismes, les responsables d'organismes, comme je l'ai fait aussi à l'intérieur de mon ministère avec les sous-ministres. Les sous-ministres et directeurs généraux ont regardé chaque programme. On a vu où on peut rationaliser, ce qu'on peut faire pour améliorer l'administration de l'État, son efficacité, réduire les coûts. On a fait ça minutieusement, M. le Président, et ça a été fait, aussi, au niveau de la Commission des droits de la personne.

Alors, les rationalisations administratives que nous faisons n'amèneront pas de coupures dans les fonctions de la Commission, mais lui permettront de jouer son rôle pleinement. Je vais demander si le député d'Anjou a d'autres questions complémentaires. M. le président Lafontaine est là pour répondre à ses questions.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président. on s'aperçoit que, pour 1993-1994, il y a une coupure d'effectifs de 7 postes. depuis 2 ans, la commission a perdu 16 postes. la commission connaît un accroissement de la demande, en 1991, de 60 %, et les délais pour traiter les plaintes sont de 13 mois; en 1990, ils étaient de 15 mois. c'est encore beaucoup trop lorsqu'on pense que les demandes ou les plaintes concernent des atteintes aux droits fondamentaux des individus.

De l'aveu même du président de la Commission des droits de la personne, il déclarait, l'an dernier, et je le cite: On partait quand même à 15 mois. On est rendu à 13 mois, et je m'imagine que, d'ici quelques mois, on

devrait quand même arriver avec un délai qui serait plus raisonnable, disons. C'est quand même avec les effectifs que vous voyez, qui étaient de 140, que nous avons réussi à faire ça. C'est évident qu'à 131, il va y avoir un problème. Je ne peux pas, en même temps, accroître un volume de 60 % à travailler au niveau de la gestion, si je puis dire, pour essayer de diminuer les délais, aller plus rapidement dans le processus, s'il y a une diminution du personnel.

À 131, le président, M. Lafontaine, il disait qu'il va y avoir un problème. Alors, je vous pose la question, M. Lafontaine: À 124, qu'est-ce qui va se passer?

Le Président (M. Dauphin): M. Lafontaine.

M. Lafontaine: L'avenir nous le dira plus clairement. Ce qu'on peut dire pour tout de suite, c'est que l'année qui vient de s'écouler nous a quand même permis de «revaucher», pour employer un terme québécois, c'est-à-dire qu'on a réussi à manoeuvrer plus de dossiers qu'il en est rentré. C'est sûr qu'avec moins de monde il faut chercher d'autres alternatives. Il y a quand même des mesures à long terme qui avaient été prises, il y a 2 ans, qui produisent les effets dans le temps aussi, c'est-à-dire qu'il y a quand même une diminution de la demande à cause du nouveau système qu'on a mis en place, qui fait que les demandes sont d'abord analysées par un professionnel et, autrement dit, on fait en sorte que les demandes qui ont matière, disons, à poursuivre sont poursuivies dans tout le circuit, et celles qu'on apprécie, dès l'immédiat, comme étant des demandes qui peuvent paraître plus futiles ou qui sont fondées sur une preuve inexistante, à ce moment-là, les demandes sont déjà expulsées du système. Ce qui fait qu'on a gagné, autrement dit, d'une certaine façon, au niveau de la productivité. Je pense que c'est quand même un effet à long terme. Disons qu'on a eu des mesures qui ont déjà été prises.

Quant à l'avenir, je ne peux pas vous le dire. J'ai l'impression que ces mesures-là vont continuer à avoir leur effet. On verra. Le problème que j'ai, au niveau pratique, c'est que ces gens-là, les gens qui sont en place, pour lesquels les coupures sont annoncées, il y en a dont les postes étaient vacants, je n'ai pas de problème, à ce moment-là. C'est évident qu'il n'y a personne qui sera nommé en remplacement, mais j'en ai quand même qui sont sur place et, en vertu des conventions collectives qui nous gouvernent, et aussi un article de la Charte, je suis obligé de les maintenir en position.

Maintenant, je n'ai pas, contrairement à la fonction publique, disons, une espèce de réservoir ou de bassin où on peut envoyer des gens en surplus. Ça n'existe pas chez nous. Ça fait que, qu'est-ce qu'il va falloir faire? Il va falloir penser peut-être à essayer de susciter des préretraites, mais on sait que l'âge est aussi un critère qu'on ne doit pas employer pour obliger quelqu'un, disons, à quitter son emploi. Il y a peut-être des décès qui vont se passer durant l'année, on ne sait pas. C'est peut-être là-dessus, disons, qu'on va miser, mais, pour tout de suite, je pense que c'est une question d'augmentation de la productivité, et on verra ce que ça va donner en cours de période.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, je voulais juste...

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: ...pour compléter, si le député d'Anjou me le permet aussi.

Lorsqu'il y a des problèmes pratiques, évidemment, on peut... Le ministre est là, et la communication se fait directement. On va au Conseil du trésor et on plaide les situations, et on a des résultats.

Mais je voudrais simplement insister sur un point, M. le Président, c'est lorsque M. Lafontaine parle de l'avenir. Il faut bien comprendre que la Commission a un nouveau rôle depuis peu, finalement. Il y a un Tribunal des droits qui est là, mais elle a aussi un rôle de conciliation. Vous savez, M. le Président, vous avez été actif dans ce dossier, à quel point le rôle de la Commission a été allégé, et c'est maintenant dans un processus d'enquête qui est beaucoup plus léger que tout ce rôle de la Commission se fait. (18 heures)

Alors, on a allégé complètement et profondément le rôle de la Commission. On le rend plus efficace et, en plus, on développe aussi un système d'arbitrage. Des arbitres viennent d'être nommés, M. le Président, et, avec la permission, le consentement, dis-je, des parties, ces arbitres pourront agir pour décider, et leur décision est sans appel. Or, dans ce cadre-là, M. le Président, il faut voir le rôle de la Commission d'une façon tout à fait différente de ce qu'on la voyait il y a à peine 1 an ou 2 ans.

Le Président (M. Dauphin): Merci, juste avant de poursuivre, puisqu'il est 18 heures, nous avons, évidemment, pris 14 minutes de retard au début de nos travaux de cette séance. Alors, nous allons terminer à 18 h 14 cette séance-ci.

M. le député d'Anjou.

Degré d'utilisation du processus d'arbitrage

M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.

Est-ce que le processus d'arbitrage a été plus utilisé cette année, parce que je pense que, l'an dernier, il n'y avait eu uniquement que 3 cas qui étaient passés par l'arbitrage?

M. Lafontaine: II y a un type d'arbitrage qu'on peut appeler arbitrage, qui s'appelle surtout la médiation ou la conciliation, qui s'effectue à ce moment-là durant tout le temps de l'enquête. C'est d'ailleurs l'obligation des enquêteurs ou des enquêtrices d'amener les parties en conciliation, si possible. Là-dessus, on peut dire, par exemple, qu'environ le tiers des dossiers se règlent au niveau d'une médiation ou d'une conciliation.

Cependant, si vous parlez de l'arbitrage comme

tel, c'est-à-dire une fois que les commissaires ont décidé qu'il y avait matière à envoyer une mesure de redressement, qu'on appelle, ou de s'adresser au Tribunal, là-dessus, il y en a eu moins que l'année dernière parce que, dans l'année courante, il n'y en a eu aucun, quant à moi, de cas qui ont été envoyés en arbitrage.

Délai de traitement des plaintes à la Commission des droits de la personne

M. Bélanger (Anjou): En 1992, on s'était fixé, en tout cas, le ministère s'était fixé un délai à atteindre de 6 à 8 mois dans le traitement des plaintes à la Commission des droits de la personne. Où en sommes-nous rendus, là, présentement, dans le délai du traitement des plaintes?

M. Lafontaine: Je n'ai pas fait de vérification avant mon départ. Je vais être obligé de vous répondre avec mon nez, à ce moment-là.

Je pense qu'on est rendu à environ 12 ou 13 mois. Ce qui témoigne de ça, c'est que, si vous regardez le nombre de dossiers qu'on a réussi à fermer, on a réussi à en fermer 10 % de plus qu'on en avait ouvert. Donc, je pense qu'on est quand même en progression. Notre but, bien entendu, c'est si on pouvait se tenir aux environs de 6 mois, parce que ce n'est pas mieux de régler trop vite non plus, parce que, dans ces cas-là, il y a des personnes aussi, des personnes qui souffrent de justice, dans le fond, et qui s'enthousiasment, à un moment donné, et le fait, disons, de retarder peut aider aussi d'une certaine façon à arriver à une certaine conciliation, mais je pense qu'un délai idéal serait d'environ 6 à 8 mois.

M. Bélanger (Anjou): Mais, l'an dernier, vous aviez déclaré qu'on était déjà à 12 ou 13 mois, et là, vous dites qu'on a diminué le nombre de dossiers, qu'on en est encore à 12 à 13 mois, puis il y a une amélioration de la situation.

M. Lafontaine: Bien, prenez-le comme vous voudrez, là. Moi, c'est ma perception...

M. Bélanger (Anjou): Comment pouvez-vous nous expliquer ça, aux membres de la commission?

M. Lafontaine: C'est qu'à ce moment-là on a changé de système de comptabilité dans l'entre-temps aussi, c'est que nous avions, l'année dernière, des extensions, qu'on appelle, c'est-à-dire qu'un dossier, disons, où il y avait 3 mises en cause, à ce moment-là, c'était considéré comme 3 dossiers. Pour être sûr qu'on s'entende, là, on est parti sur une base qu'un dossier, c'est un dossier, et on a fait disparaître les extensions. C'est ce qui a fait, disons, qu'il peut y avoir une certaine contradiction apparente, mais qui se réconcilie dans les faits, et, dans le fond, le justiciable, lui, il a obtenu sa quote-part.

M. Bélanger (Anjou): Pensez-vous cette année être en mesure de diminuer ce délai avec des ressources diminuées?

M. Lafontaine: Je ne peux pas dire. Je ne sais pas.

M. Bélanger (Anjou): Parce que vous semblez un peu perplexe quant à la possibilité d'augmenter le volume ou le rendement de votre Commission, même avec les effectifs que vous avez présentement.

M. Lafontaine: Je ne peux pas lire dans une boule de cristal. Ce que j'essaie de faire, présentement, c'est d'augmenter la productivité parmi le personnel qu'on va réussir à garder en place.

M. Bélanger (Anjou): Est-ce que vous pourriez nous faire part quelles sont les orientations de la Commission pour 1993-1994? Est-ce qu'il y a eu des changements d'orientation?

M. Lafontaine: Lors de la dernière réunion des commissaires, il a été décidé que c'était à la prochaine réunion, vendredi de cette semaine, que les objectifs étaient pour être établis. C'est un long processus, disons, qui part des employés de la Commission, avec des consultations à l'extérieur, et les objectifs n'ont pas encore été établis pour l'année courante. En fait, ce sont des objectifs triennaux. Ce que vous retrouvez dans votre documentation, c'est ceux que... pour les objectifs qui se sont terminés le 1er janvier 1993.

M. Bélanger (Anjou): Quel est le pourcentage des plaintes qui sont soumises au Tribunal des droits de la personne relativement à la Commission?

M. Lafontaine: Vous voulez dire par rapport à l'entrée complète?

(Consultation)

Niveau de plaintes anticipé

M. Bélanger (Anjou): Je retire ma question, M. le Président.

Vous avez fait part, tout à l'heure, d'une diminution du nombre de plaintes présentement. Est-ce que vous anticipez... d'après vos prévisions, est-ce que vous prévoyez une diminution encore pour l'année prochaine ou à peu près le même niveau?

M. Lafontaine: II n'y a pas d'événement, disons, de... On est très tributaire des événements dans la société. C'est très difficile de dire, en début d'année, disons, quels sont les événements qui vont se passer et qui vont faire en sorte, disons, que plus de gens viendront nous voir ou moins de gens viendront nous voir. On est au service du public, et tout va dépendre des circonstances.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député.

Enquête de la Commission des droits de la personne sur la discrimination salariale contre les femmes

M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.

Le prochain dossier qui a trait aussi à la Commission des droits de la personne est le problème de l'équité salariale. Le Québec a été la première juridiction au Canada à reconnaître la légalité du principe de l'équité salariale. Le principe est consacré par l'article 1 de la Charte québécoise des droits et libertés. Les emplois occupés traditionnellement par des femmes sont sous-évalués et sous-payés. Donc, il ne s'agit pas d'une femme moins bien payée qu'un homme pour un travail identique, mais de postes à prédominance féminine, moins payés que les postes à prédominance masculine.

Afin de corriger le problème de façon globale, la Commission a déjà recommandé d'adopter une loi sur l'équité salariale, position que défend, d'ailleurs, le Parti québécois, par l'entremise de la porte-parole de ce dossier, la députée des Chutes-de-la-Chaudière. Il faut savoir que cette loi existe déjà dans 5 autres provinces canadiennes, dont l'Ontario. C'est dans son rapport annuel de 1990-1991 que la Commission proposait de mettre sur pied une telle loi. Dans son rapport, la Commission reconnaît l'inefficacité du système actuel de plaintes, tout d'abord parce qu'il ne permet que d'examiner des cas spécifiques et, ensuite, parce que le processus est très long — dans 2 ans, au minimum — parce que la preuve de non-équivalence est difficile à faire pour les plaignantes, souvent en raison du coût puisqu'elles ne peuvent le faire par le biais de leur syndicat.

Rappelons que près de 70 % des femmes sont non syndiquées. Rappelons qu'il y a plus de 5 ans, par le truchement de leur centrale syndicale, la CSN, des syndiqués de la Fédération des affaires sociales, FAS, de la Fédération des professionnels salariés et des cadres du Québec et de la Fédération des employées et employés des services publics déposaient des plaintes pour discrimination salariale en vertu de l'article 19 de la Charte québécoise des droits et libertés. Ces plaintes touchent 14 titres d'emplois à prédominance féminine dans les réseaux de la santé et des services sociaux et de l'éducation. Quant à elle, la CPS, au nom de l'Association des techniciens en diététique, ATDQ, de l'Association professionnelle des physiothérapeutes, de l'Association des employés en service social, du syndicat des ergothérapeutes et du syndicat des technologues en radiologie, décidait, pour sa part, de défendre les plaintes de ses membres, techniciennes et professionnelles, déposées dès octobre 1986 et portant sur 7 titres d'emplois dans le réseau de la santé et des services sociaux.

En janvier 1992, on apprenait que le Conseil du trésor paralyserait l'enquête menée par la Commission des droits de la personne sur ce dossier en la privant des fonds nécessaires pour la poursuite de ses travaux. Après près de 5 ans de rencontres exploratoires, tous les travaux préparatoires avec les parties concernées ont été complétés. En septembre 1991, les parties se sont entendues afin d'accélérer le rythme des travaux de manière à amorcer l'étude d'évaluation. Donc, cette démarche du Trésor venait, en quelque sorte, anéantir tout ce travail. On sait que cette enquête n'a pas de précédent au Québec et qu'elle pourrait avoir un impact considérable pour l'ensemble des Québécoises.

Encore aujourd'hui, les femmes ne gagnent, environ, que seulement 62 % du salaire des hommes. Cet écart s'est même accru de 2 % depuis 1982. Le président de la Commission avait transmis, à l'automne 1991, une demande au ministre Rémillard pour que ces fonds soient débloqués. Le ministre avait alors porté cette demande à l'attention du Trésor. Aucune suite n'y a été donnée, et ce, malgré des demandes maintes fois réitérées par le président. Une réunion devait avoir lieu, le 7 avril 1992, selon les propos du ministre lors de la vérification des engagements financiers.

Par la suite, en décembre 1992, la CSN a déposé une requête en mandamus contre la Commission afin de forcer la reprise de l'enquête. À cette date, le Conseil du trésor n'a toujours pas octroyé de fonds supplémentaires pour la continuation de l'enquête. La requête en mandamus a été accordée. La Cour supérieure a enjoint la Commission des droits de la personne d'enquêter sur la discrimination salariale systématique contre les femmes. Toutefois, le ministre Johnson, le président du Conseil du trésor, demeure perplexe quant à une des conclusions dudit jugement. En réponse à une question à l'Assemblée nationale, le 11 mars, il a mentionné attendre la transcription du jugement afin d'en prendre connaissance.

Alors, ma question au ministre de la Justice ou au président de la Commission: Est-ce que la question de la discrimination salariale chez les femmes est une priorité pour la Commission? (18 h 10)

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, oui, pour le ministre de la Justice, c'est un sujet de très grande importance que l'équité en matière salariale. On lui a accordé la plus grande importance lorsqu'on a eu à traiter ce dossier. On sait, M. le Président, je n'ai pas à répéter un peu d'histoire, certains événements sont venus marquer l'évolution de ce dossier. Le député d'Anjou vient d'en mentionner quelques-uns. Mais, pour ma part, j'ai eu l'occasion de dire, à l'Assemblée nationale, sur une question qui m'a été posée, que cette enquête continuera, et l'enquête va continuer. C'est une enquête qui est importante, et l'enquête continuera avec des modalités peut-être différentes, mais elle continuera.

Alors, je peux demander à M. Lafontaine de compléter ma réponse.

Le Président (M. Dauphin): Me Lafontaine.

M. Lafontaine: M. le Président, merci. Comme vous avez pris connaissance de notre rapport, l'année dernière, vous savez, disons, ce que la

Commission pense au niveau de la façon dont on pourrait procéder à l'avenir, au niveau de l'équité salariale. Si vous me demandez la question «qu'est-ce qu'on a fait suite aux conclusions?», disons, sur le mandamus qui nous obligeait à continuer la procédure, nous avons avisé les enquêtrices au dossier qu'elles avaient un nombre limité de journées d'enquête devant elles et qu'elles devaient nous faire rapport une fois qu'elles auraient épuisé le budget sur ces journées d'enquête là.

Il y a aussi une autre décision qui a été prise. C'est que nous avons dit aux enquêtrices d'aviser les parties, si elles le jugeaient nécessaire, au niveau de la présentation de leur preuve devant elles, que ce serait désormais les parties qui verraient à payer elles-mêmes leur expertise. Parce que le gros du montant d'argent là-dedans, il ne faut pas se le cacher, étant donné l'énor-mité du dossier, c'est d'abord des frais d'expertise. Ces frais d'expertise pouvaient représenter environ 600 000 $. Ça fait que vous comprendrez que ce n'est pas du tout la même situation, quand la décision a été prise de faire payer l'expertise aux parties, si elles le jugeaient nécessaire. On a cru de notre devoir de le faire. Étant donné que les 2 parties sont beaucoup plus riches que nous, nous avons demandé aux parties elles-mêmes de fournir leur expertise, si elles pensaient que c'était nécessaire.

Le Président (M. Dauphin): Merci.

M. le député d'Anjou, il nous reste 2 minutes.

M. Bélanger (Anjou): Je dois comprendre, donc, qu'à même le budget déjà limité, déjà amputé, on va continuer, on va faire enquête. Quel montant a-t-on réservé, par rapport au budget de la Commission, pour faire cette enquête-là?

M. Lafontaine: La première décision qui a été prise, c'est de dire: Vous allez dépenser chacun l'équivalent de 12 jours d'enquête ou 2 enquêtrices, 12 jours d'enquête. Le tarif qui est payé, avec un accord avec elles, c'est de 400 $ par jour. Ça fait que vous n'avez qu'à faire la multiplication. En fait, ça fait 24 jours à 400 $. C'est le premier montant, disons, que la Commission accorde pour la poursuite de l'enquête dans ce dossier-là. Ce qu'on dit, c'est: Quand vous aurez fait ce bout-là, quand vous aurez dépensé cet argent-là, vous reviendrez nous voir, et on décidera suivant ce qu'on aura à notre disposition. Maintenant, je sais que, depuis ce temps-là, les parties ont accepté de se parler entre elles. Elles nous ont dit d'attendre ce qui était pour se passer. Elles veulent parler entre elles. Tant mieux pour nous.

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci, Me Lafontaine.

C'est malheureusement tout le temps qui nous était dévolu pour cet après-midi. Nous allons reprendre, évidemment, plus tard, à 20 heures, puisqu'il nous reste un 2 heures dans l'enveloppe d'étude des crédits.

Oui, M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, est-ce qu'on peut accepter les crédits tels qu'on les a vus?

Mais, je voudrais vous demander: Est-ce que les membres de la commission auraient des questions pour Mme Fontaine, qui est toujours avec nous? Si on n'a pas de questions, si je peux le savoir tout de suite, à ce moment-là, elle pourrait quitter et rentrer à Montréal, ce soir, où elle a des engagements. S'il y a des questions, bien, elle demeurera, ce soir, pour notre reprise des travaux à 20 heures.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): II y a possibilité oui, M. le Président, qu'il y ait des questions. Ça serait la députée de Terrebonne qui aurait des questions à poser, ce soir.

M. Rémillard: Très bien.

Le Président (M. Dauphin): Très bien. Alors, est-ce que le programme 3 est adopté?

M. Bélanger (Anjou): Ce n'est pas terminé. Il y a encore des questions.

Le Président (M. Dauphin): Ce n'est pas terminé? Alors, Me Lafontaine.

M. Rémillard: Je veux dire à M. Lafontaine... Ah, il y a encore des questions?

M. Bélanger (Anjou): ...encore... Oui.

Le Président (M. Dauphin): Alors, la commission des institutions suspend ses travaux jusqu'à 20 heures, et je vous demanderais, si possible, d'arriver à l'heure, afin que nous puissions débuter à 20 heures et terminer à 22 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 15)

(Reprise à 20 h 5)

Le Président (M. Dauphin): Mesdames, messieurs, si vous me permettez, nous allons reprendre nos travaux.

Il nous reste une enveloppe de 2 heures, ce soir. Alors, nous continuons avec le programme 3, qui concerne la Protection des droits et libertés de la personne, et la parole est au député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.

J'aimerais avoir des explications relativement à un item dans les crédits de la Commission des droits de la personne, à savoir: «non-récurrence des crédits accordés en 1992-1993 concernant le traitement des plaintes en matière d'équité salariale».

C'est parce que le président, tout à l'heure, a fait

mention qu'il y avait une certaine somme qui était allouée pour continuer l'enquête. Alors, je voulais savoir où il allait prendre cette somme, vu, finalement, qu'il n'y avait pas la... non-récurrence pour les budgets qui étaient alloués?

M. Lafontaine (Yves): M. le Président... Le Président (M. Dauphin): Me Lafontaine.

M. Lafontaine: ...dans ce dossier-là, d'équité salariale, si on parle des plaintes qui ont été déposées en 1987 à venir jusqu'à aujourd'hui — parce qu'on en a reçu encore, en début d'année 1993 — la Commission avait l'habitude de produire les comptes afférents à cette enquête-là, d'une façon séparée, autrement dit, en cours d'année, vers le mois de septembre, octobre ou novembre. Habituellement, la Commission était remboursée sur présentation de ces factures-là, jusqu'à l'année 1991, où, là, il y a eu une décision du Conseil du trésor, qui a dit: On vous donne, spécifiquement pour les enquêtes, 45 000 $, et vous devez vous organiser à même votre budget habituel pour la poursuite des enquêtes. C'est ce qui a fait qu'en novembre dernier nous avons suspendu les enquêtes, parce que nous avons dit: Nous n'avons plus d'argent pour continuer ces enquêtes-là.

Donc, si vous nous demandez: Qu'est-ce qui arrive des 45 000 $? Les 45 000 $ ne reviennent pas cette année; ils avaient été accordés spécialement pour ça. Donc, n'ayant pas les 45 000 $, il va falloir les trouver en quelque part, soit ces 45 000 $ là, ou d'autres, ou moins, à travers nos opérations. C'est pourquoi, tantôt, je parlais de décès. Si quelqu'un décède, c'est évident que ça peut peut-être nous aider, d'ici la fin de l'année.

M. Bélanger (Anjou): Vous en êtes rendus là? Ha, ha, ha!

M. Lafontaine: Mais il ne faut pas le souhaiter non plus.

M. Bélanger (Anjou): Ma prochaine question, au ministre de la Justice: Est-ce qu'il a l'intention de demander un budget spécial au Conseil du trésor pour que, finalement, cette enquête se déroule peut-être un petit peu plus rapidement qu'à la vitesse à laquelle elle va se dérouler, ou est-ce qu'il va laisser les choses comme ça?

M. Rémillard: Alors, M. le Président... Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, le député d'Anjou sait que je suis allé au Conseil du trésor; j'ai eu l'occasion d'en parler avec mon collègue. Je sais qu'il a une des responsabilités très difficiles, et je suis profondément solidaire avec les décisions qu'il a à prendre. Dans ce cas-là, pour ma part, je considère que cette enquête doit continuer, et je dois prendre les moyens pour qu'elle puisse se faire. M. Lafontaine vient de nous donner les moyens qu'il va utiliser. Il va falloir aussi, en ce qui regarde les expertises, comme il nous l'a expliqué, il va falloir que les syndicats puissent aussi collaborer. Si c'est un sujet si important pour nous, je pense que ça peut l'être pour eux, aussi. Alors, qu'ils apportent leur contribution. Ensemble, on devrait trouver les moyens matériels pour pouvoir continuer cette enquête, et le faire dans les meilleurs délais possibles.

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

Moyens envisagés pour contrer

les manifestations d'intolérance envers

les membres des minorités ethniques

M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.

Un autre dossier que j'aimerais entamer, c'est le dossier... le problème avec l'extrême droite. Un Canadien sur 4 estime que les minorités non blanches sont une menace pour le tissu social du pays. Un Canadien sur 3 admet avoir des opinions et des attitudes d'intolérance envers les minorités ethniques. Ces constats sont difficiles et révélateurs de l'urgence d'agir. D'ailleurs, le ministre de la Justice du Québec semble démontrer un ' certain laxisme dans les dossiers sur le Ku Klux Klan et la propagande haineuse. De plus, il a déclaré qu'en période difficile il est, voire même, presque normal que les attaques contre les minorités soient plus fréquentes. L'augmentation de ces actes ne semble pas l'inquiéter outre mesure. On assiste, depuis plus d'un an, à une augmentation marquée des actes de violence à caractère raciste. Ceux ayant davantage retenu l'attention au cours de cette période auront, certes, été la profanation d'un cimetière de la communauté juive de Montréal et les meurtres d'un homosexuel, dans le parc Angrignon, par des néo-nazis, et d'un homme que ses jeunes agresseurs croyaient homosexuel. Des dizaines d'autres actes du genre — vol d'ordinateurs, agressions armées, propagande haineuse — tous commis sous le couvert du racisme. (20 h 10)

Les groupes responsables de ces actes, tels le Ku Klux Klan, le White Power Canada, les «skinheads», les West Island Skin Heads recrutent leurs membres principalement chez les jeunes de 13 à 20 ans de tous les milieux. Outre quelques inculpations et brefs commentaires du premier ministre, il ne nous a pas été possible d'observer, de la part du gouvernement libéral, des condamnations sans équivoque ni des gestes concrets, afin de mettre un terme à toute cette intolérance.

Alors, ma question au ministre: Qu'entend-il faire à l'égard de cet état de fait?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, j'ai eu l'occasion, à plusieurs reprises, d'attirer l'attention et de condamner sévèrement ces actes de violence et d'intolérance dans notre société. Je l'ai fait avec parfois les contraintes que

m'impose mon rôle de Procureur général, mais je l'ai fait aussi avec toute l'énergie et la détermination dont je suis capable, M. le Président. Dans certains endroits où le député d'Anjou était... Je me souviens, par exemple, chez les avocats noirs, où j'étais conférencier et où j'ai fait une intervention en ce sens-là. J'ai rencontré des représentants de la communauté juive, et je leur ai dit à quel point on était touchés par des actes d'intolérance qui ont été faits.

M. le Président, je suis extrêmement sensible à tous ces aspects-là que nous voyons dans une société d'intolérance, d'extrême droite que certains disent, quoique je n'aime pas cette expression-là, droite ou gauche. D'extrême droite, si on veut utiliser l'expression, je le fais entre guillemets... et je les ai dénoncés aussi. Il y a des enquêtes policières qui sont toujours en cours, et mon rôle comme Procureur général sera de poursuivre et de faire en sorte que les coupables puissent être châtiés.

J'ai rencontré aussi des représentants des groupes gais et lesbiennes — on a eu une rencontre pendant plus de 2 heures à mon bureau — et on a parlé de tous ces problèmes. Entre autres, le député d'Anjou parle de crimes particulièrement odieux. Je ne peux pas en dire plus, parce que mon sous-ministre m'informe qu'il y a toujours des procès en cours. Il y a toujours des procès en cours. Alors, mon rôle de Procureur général m'empêche d'en dire plus, mais je dois dire... et puis j'ai un petit billet, justement, qui m'est passé: Vous en avez déjà dit assez!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Alors, à partir de là, M. le Président, tout ce que je pourrai dire, c'est que j'ai souligné ce problème à de mes collègues des autres ministères, qui sont responsables des ministères, qui sont touchés aussi par cette violence et l'intolérance. Je suis en discussion avec des gens — le chef de cabinet du premier ministre — et il est possible qu'on ait, au niveau gouvernemental, comme on l'a fait dans le cas, par exemple, de la drogue, avec, on se souvient, le comité Bertrand.

Pour ma part, je souhaiterais qu'il y ait ce genre d'enquêtes, de groupes de travail sur tous ces aspects qu'on vient de mentionner, qu'on le fasse dans un but simplement de faire le point sur la situation, telle qu'elle se présente présentement dans notre société, et qu'on puisse avoir des indications aussi sur les meilleurs moyens à prendre, je dirais, pour éduquer nos jeunes. Moi, ce qui me touche le plus dans ça, M. le Président, c'est les jeunes, les jeunes qui sont dans cette situation et qui sont manipulés, très souvent, par d'autres personnes.

J'étais dans mon bureau du ministre de la Justice à Montréal, vendredi, il y a quelques semaines, et j'entendais une manifestation sur le trottoir devant le palais de justice à Montréal. Il y avait des gens du Ku Klux Klan, qui étaient là, et qui manifestaient pour le «White Power» qu'ils disaient, ou des choses comme ça. J'étais là comme ministre de la Justice, puis je regardais ça. Je me dis: Quand même, une société, d'une part, la liberté d'expression, mais, d'autre part, aussi, on a à s'interroger sur toutes les conséquences que ça peut avoir sur une société qui veut garder un minimum de respect d'autrui en fonction des différences qu'on peut avoir, et qui font partie de notre société. Ça m'a fait beaucoup réfléchir comme situation, mais j'agis avec les moyens que j'ai.

Dans ce contexte-là, M. le Président, je mettrais beaucoup d'espoir dans la possibilité de créer ce groupe d'enquête et de travail au niveau gouvernemental pour étudier la situation.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député d'Anjou.

M. Rémillard: Ah oui, je dois dire... Excusez-moi, M. le Président, pour une information complémentaire.

J'ai oublié de dire qu'il y a aussi, au niveau de la Commission des droits de la personne — et M. Lafon-taine pourra en parler — un comité paritaire, à la Commission, sur la table des gais et des lesbiennes, qui étudie toujours les différents aspects du problème en ce qui regarde toute la problématique et les actions à prendre pour respecter leurs droits. M. Lafontaine peut nous en parler. Si le député d'Anjou le juge à propos, M. Lafontaine peut nous en parler.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président. Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Bélanger (Anjou): Je dois comprendre que cette commission a surtout comme mandat d'étudier le problème de la violence chez les gais et les lesbiennes et non pas chez les communautés culturelles.

M. Rémillard: Pas nécessairement seulement la violence, les problèmes de discrimination aussi.

M. Bélanger (Anjou): Mais relativement uniquement aux gais et lesbiennes?

M. Rémillard: Aux gais et lesbiennes, seulement sur une table paritaire, la consultation.

M. Bélanger (Anjou): Parce que, tout à l'heure, vous avez parlé d'une certaine ouverture relativement, peut-être, à...

M. Rémillard: À un autre niveau.

M. Bélanger (Anjou): Oui, à un autre niveau.

M. Rémillard: À un autre niveau, il y a...

M. Bélanger (Anjou): Est-ce que c'est un engagement ou...

M. Rémillard: Bien, c'est un engagement... Je m'y suis engagé parce que les discussions vont très bien. Ça fait déjà 3 semaines, et même le soir où vous étiez là, chez les avocats noirs, j'en ai parlé.

M. Bélanger (Anjou): Oui.

M. Rémillard: J'avais dit qu'on était à travailler activement et, pour ma part, j'espère que —je vais y travailler; mon engagement, c'est d'y travailler — dans un avenir prochain, on ait un groupe d'enquête, d'étude pour faire le point sur ces sujets-là et faire des recommandations au gouvernement.

M. Bélanger (Anjou): J'avais cru, d'ailleurs, comprendre, quand j'avais assisté à ce colloque des juristes noirs, à Montréal, que le ministre en avait fait même une annonce, de la création de ce comité — le ministre peut me corriger — interministériel sur le problème des Noirs. En même temps, il avait parlé d'un fonds qui allait être octroyé relativement à des groupes qui oeuvrent dans ce domaine-là.

M. Rémillard: Deux choses, M. le Président. La première chose que j'ai annoncée, ce soir, lorsque j'étais, donc, conférencier à ce colloque des avocats noirs — un colloque qui a été très intéressant, d'ailleurs—j'avais dit, M. le Président, qu'il y avait une première rencontre des ministères directement touchés qui avait lieu, donc que le projet était déjà dans une bonne phase de réalisation. C'est donc dirigé au niveau du cabinet du premier ministre, et ça comprend le ministère de la Justice. Ça comprend aussi les Communautés culturelles, la Condition féminine, la Commission des droits et la Sécurité publique, aussi, qui sera impliquée. Alors, il y a déjà eu des rencontres de tous ces gens-là, qui se sont déjà rencontrés, et, pour ma part, j'en ai parlé aussi avec mes collègues.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député d'Anjou.

M. Rémillard: Tandis que l'autre question, l'autre volet de la question du député d'Anjou, M. le Président, sur le fonds annoncé, si le député d'Anjou se souvient bien, ce que j'avais simplement rappelé, j'avais rappelé l'annonce qui avait été faite par ma collègue, la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, qui avait annoncé un fonds de 1 000 000 $ pour aider les gens d'affaires noirs dans la région de Montréal, pour les encourager en affaires.

Alors, c'est ça, les annonces que j'ai faites, à ce moment-là.

M. Bélanger (Anjou): Est-ce qu'il existe un répondant des communautés culturelles auprès du ministère de la Justice, comme il en existe dans certains ministères?

M. Rémillard: II existe, dans la plupart des mi- nistères, dont à la Justice, un correspondant pour les communautés culturelles. C'est Mme Mercier?

M. Bélanger (Anjou): Mme Mercier?

M. Rémillard: C'est Mme Mercier, Alice Mercier.

M. Bélanger (Anjou): Elle est en poste depuis combien de temps approximativement? Ça fait longtemps? (20 h 20)

M. Rémillard: Plus que 5 ans.

M. Bélanger (Anjou): Plus de 5 ans. Je comprends que le Code criminel est de juridiction fédérale, mais est-ce que le ministre a fait des pressions auprès de son homologue fédéral, relativement à ce que, peut-être, les sanctions soient plus fortes, qu'il y ait des modifications qui soient faites au Code criminel relativement aux crimes commis pour des questions d'intolérance au niveau d'orientations sexuelles ou de l'origine ethnique? Est-ce qu'il y a des choses qui se sont faites, concrètement, en ce sens-là?

M. Rémillard: Alors, M. le Président, d'une part, il y a le Code criminel, qui peut être modifié — oui — mais en attendant, pour faire face à la situation, il reste quand même que, nous, nous avons une directive au ministère de la Justice, et nos procureurs, dans les cas qui ont été mentionnés, par exemple, tout à l'heure, les crimes qui se rapportent à l'intolérance, il y a une directive aux substituts pour qu'on tienne compte de l'aspect discriminatoire d'un acte criminel dans les représentations de la sentence, sur sentence. Alors, ce qui veut dire que lorsque c'est un crime haineux, c'est une plaidoirie qu'on fait au juge pour que la sentence tienne compte du caractère particulièrement haineux et discriminatoire de l'acte criminel qui est reproché.

M. Bélanger (Anjou): Relativement à la Commission des droits de la personne, est-ce que la Commission veut entreprendre ou prévoit entreprendre des démarches concrètes relativement à ce problème-là, le problème de violence relativement aux communautés culturelles, aux minorités ethniques?

M. Lafontaine: M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Me Lafontaine.

M. Lafontaine: Depuis plusieurs années, c'est un sujet de préoccupation à la Commission, et même depuis très longtemps. La Commission, avec d'autres groupes, a d'ailleurs fait dernièrement tout un comité qui a porté sur la violence raciste. Il y a eu un colloque qui a été organisé ces mois derniers, sur le sujet, et on est en train de produire les actes de ce colloque-là. Donc, c'est une préoccupation constante, de même que, bien enten-

du, la montée des groupes que vous avez qualifiés «d'extrême droite», et je pense que, d'une certaine façon, c'est aussi des groupes d'extrême droite.

Maintenant, notre but premier, c'est d'abord, comme le disait le ministre tantôt, de procéder par l'éducation. Là-dessus, la direction de l'éducation a déjà préparé des manuels, tant pour le maître que pour l'étudiant, au niveau primaire et au niveau secondaire, et nous dispensons aussi une formation au niveau des enseignants mêmes, pour qu'ils amènent les élèves à considérer les droits et les chartes du milieu de l'éducation, parce qu'on pense que c'est en passant par l'éducation qu'on arrivera à faire diminuer la violence qui demeure, de toute façon, intolérable.

Fin des activités de la Ligue anti-fasciste mondiale

M. Bélanger (Anjou): Merci.

M. le Président, on apprenait en fin de semaine que la Ligue anti-fasciste mondiale, organisme, je pense, bien connu du ministère de la Justice, est obligée de fermer ses portes. En 1992-1993, elle avait un budget de 185 000 $, et son budget est passé, en 1993-1994, à 50 000 $. La Ligue anti-fasciste mondiale était reconnue pour avoir une expertise, je pense, sans précédent, à Montréal, relativement aux cas de violence commise auprès des communautés culturelles et des minorités visibles. Comment le ministre... Je sais que la Ligue anti-fasciste mondiale ne comprend absolument pas, maintenant, le genre de volte-face du ministère de la Justice relativement à son financement, pourquoi on lui coupe ainsi ses ressources financières.

Est-ce que le ministre pourrait me dire ce qui a justifié cette décision du ministère de la Justice?

M. Rémillard: Tout d'abord, M. le Président, je dois dire que la Ligue était aussi en contact direct avec le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, au départ. Au niveau du ministère de la Justice, je m'informe pour vous dire quelle était l'aide qu'on leur apportait.

J'ai demandé les informations, M. le Président, juste un petit instant, si vous me permettez...

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, juste pour que ce soit clair, je ne demandais pas au ministre l'aide qu'il apportait, mais pourquoi il refuse, maintenant, de renouveler, tout simplement?

M. Rémillard: On m'informe, M. le Président, qu'ils n'ont jamais reçu d'argent du ministère de la Justice. Non. Mais, cette année, ils ont demandé 80 700 $ dans le programme de fonds...

M. Bélanger (Anjou): Oui.

M. Rémillard: ...que j'ai annoncé pour l'accessibilité à la justice. Or, c'est un programme qui est norme. Il y a des normes et, si vous êtes dans les normes, vous avez la subvention, si vous ne l'avez pas... Ce sont des normes spécifiques. Eux, leur demande était en fonction d'un programme récurrent. Donc, chaque année, ils voulaient revenir avec d'autres demandes, et c'était, à toutes fins pratiques, un budget de fonctionnement. Or, le fonds n'est pas pour créer de tels budgets de fonctionnement. Le fonds est là pour subventionner un projet spécifique pour l'accessibilité à la justice.

Alors, c'est comme ça qu'ils n'ont pas été éligi-bles au niveau des normes du ministère de la Justice. Ils n'ont pas été éligibles pour recevoir leurs 80 700 $, mais ce n'est pas à cause de nous qu'ils ferment. Ils n'avaient pas d'argent, avant, de nous, la Justice. Ils n'avaient pas d'argent.

M. Bélanger (Anjou): Mais pourtant, M. le Président, la Ligue anti-fasciste mondiale avait un projet très spécifique pour venir en aide aux victimes d'actes criminels, justement, issues des communautés culturelles, des minorités visibles. C'était un programme qui était très spécifique, c'était un projet qui était très spécifique.

Est-ce que le ministre ne reconnaît pas que ça doit être une priorité, dans le contexte où on est présentement? Est-ce qu'il se décharge, finalement, de cette responsabilité? Ce ne serait pas à son ministère de venir à la rescousse de cet organisme?

M. Rémillard: Non. Ce n'est pas une question de rescousse, et j'aimerais que vous ayez toutes les explications.

Moi, ce que je peux vous dire, c'est qu'ils n'avaient pas, à ma connaissance, dans leur demande, un projet spécifique. C'était récurrent et c'était un budget, à toutes fins pratiques, de fonctionnement. Donc, en fonction des normes que nous avons, ça ne rentrait pas dans les normes. Si j'avais eu quelqu'un, ici, qui est responsable de l'application des normes et de ce programme, il serait venu simplement vous expliquer comment ça fonctionne. Il y a beaucoup de projets qui ont été acceptés, mais il fallait que ça rentre dans les normes établies par le ministère de la Justice. Voilà.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Je n'ai plus de questions relativement à la Commission des droits de la personne. Alors, si...

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que le programme 3 est adopté?

M. Bélanger (Anjou): Non. Ce n'est pas fini. J'ai vu uniquement la Commission des droits de la personne.

Le Président (M. Dauphin): Ah! Protection de la jeunesse, maintenant. D'accord.

M. Bélanger (Anjou): C'est ça.

Le Président (M. Dauphin): Allez-y. Merci, Me Lafontaine.

Impact de la réduction des crédits

de la Commission de protection des droits

de la jeunesse sur son mandat

M. Bélanger (Anjou): m. le président, pour 1993-1994, les crédits pour la commission de protection des droits de la jeunesse subissent une ponction de 114 400$ par rapport aux crédits octroyés en 1992-1993. cette baisse se traduit par un pourcentage de 3,2 %. depuis 1989, les crédits alloués à la commission de protection des droits de la jeunesse demeurent stables. en 1989-1990, ils étaient au montant de 3 003 800 $ et en 1993-1994, ils atteignent 3 504 600 $. cela représente une augmentation de 500 800 $, soit 14,2 %. si l'on fait le parallèle avec l'année 1985, cette hausse est de 627 800 $, soit 17,9 %, alors que l'évolution des coûts, pour cette même période, s'établit à 35,5 %. quant à eux, les effectifs baissent à chaque année. en 1991, l'effectif total était de 64 personnes, alors qu'en 1993 il était de 61 employés. c'est certain que 3 postes en 2 ans, ce n'est pas énorme, mais pour un organisme qui, déjà, fonctionne avec peu de personnes, cela représente beaucoup.

Est-ce que le président de la Commission de protection des droits de la jeunesse croit pouvoir mener à bien le mandat de la Commission, malgré les coupures, encore, qui affligent son organisme?

Le Président (M. Dauphin): Alors, M. le ministre de la Justice.

M. Rémillard: Oui. Alors, M. le Président, nous avons le plaisir d'avoir avec nous M. Kevin Saville, et je lui demanderais, avec votre permission, de répondre à la question du député d'Anjou, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Très bien. M. Saville. (20 h 30)

M. Saville (Kevin): Merci, M. le Président.

Je crois que les préoccupations de la Commission, M. le député, sont de 3 ordres au niveau des compressions budgétaires. Dans un premier temps, la Commission a fait face, cette année, à la réorganisation complète des services sociaux, dans un premier temps. Dans un deuxième temps, nous avons voulu assurer une meilleure réponse aux gens qui portent plainte à la Commission. Donc, la Commission a effectué, cette année, une réorganisation complète au niveau de sa structure administrative. Cette réorganisation vise, entre autres, l'objectif que vous avez mentionné, qui est d'apporter une réponse rapide et efficace aux citoyens qui portent plainte à la Commission, tout en gardant la qualité de nos services.

C'est sûr et certain que les compressions budgétaires sont des défis importants pour un organisme qui compte une trentaine de professionnels et 14 commissaires, dont 12 à temps partiel. Mais je crois que la réorganisation que nous avons entamée à la Commission va nous permettre d'atteindre notre objectif, qui est de répondre adéquatement et dans de meilleurs délais aux plaintes qui sont portées à notre attention.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. M. le député d'Anjou.

Dépense de 600 $ pour des services professionnels externes

M. Bélanger (Anjou): Oui. M. le Président, en regardant les crédits, j'ai remarqué une dépense un peu particulière relativement, surtout, à un programme qui subit des coupures. On voit qu'il y a une dépense de 600 $ qui a été octroyée à M. Yves Alavo pour la rédaction d'un communiqué de presse ainsi qu'une lettre concernant le dépôt du rapport annuel de la Commission. Alors, ça représente 2 jours de travail. Est-ce que le président pourrait m'expliquer exactement, le président de la Commission, ce qui justifiait cette embauche? Il n'y avait pas de ressources suffisantes pour rédiger ça?

M. Saville: Juste avant les fêtes... Vous me permettez, M. le Président?

Le Président (M. Dauphin): M. Saville, allez-y.

M. Saville: Juste avant les fêtes, notre agent d'information a quitté son poste à la Commission. Donc, entre-temps, pendant le temps que le poste est libre — le poste est toujours libre, mais on a l'intention de le combler la semaine prochaine — on est obligé, par ailleurs, avec le dépôt de notre rapport annuel, de déposer, d'avoir avec nous certaines expertises pour déposer notre rapport annuel. Donc, M. Alavo a été engagé pour, dans un premier temps, préparer le communiqué de presse et aussi, dans ses deuxième et troisième journées avec nous, s'assurer de l'organisation et la coordination des entrevues avec les médias concernant ce rapport annuel.

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Bélanger (Anjou): Je dois comprendre que, parmi les 4 professionnels qui se trouvent à la Commission, il n'y avait personne qui était en mesure de rédiger cette lettre-là.

M. Saville: Comme vous le savez, les ressources, à la Commission, sont très limitées, parce que nous sommes en train de nous assurer... Le nombre de professionnels qui sont présents au siège social est très limité. La plupart de nos professionnels sont affectés, soit à l'investigation, soit comme répondants régionaux. Donc, il y avait vraiment un besoin de combler ce besoin ponctuel à la Commission.

J'aimerais aussi vous dire que, pendant l'année, on a pu, par ailleurs, économiser un certain montant d'argent comme on n'a pas rempli ce poste. Donc, ce montant d'argent nous a permis d'entreprendre d'autres projets à la Commission.

M. Bélanger (Anjou): Mais pour une lettre en particulier...

M. Saville: Je crois que... Ce que j'essaie de vous expliquer, ce n'était pas juste la lettre, c'était tout le travail pour le dépôt du rapport annuel ainsi que la préparation des entrevues avec les médias, etc.

Dépenses de location de salles et de chambres à Montréal

M. Bélanger (Anjou): Maintenant, je vois aussi qu'il y a eu d'autres dépenses, comme 2 contrats aux montants de 9696,42 $ et 1110,79 $ pour la location de salles et de chambres au Nouvel Hôtel et à l'hôtel Delta Montréal, pour informer le personnel de la réorganisation du POAS et de la Commission. Est-ce que vous pouvez m'expliquer ça, ce qui justifiait ces dépenses?

M. Saville: Oui, certainement.

Le Président (M. Dauphin): M. Saville.

M. Saville: Merci, M. le Président. Au mois de juin dernier, juin 1992... J'espère que vous parlez de ce contrat.

C'est daté de juin 1992, M. le député?

M. Bélanger (Anjou): Je crois que c'est ça, oui.

M. Saville: Oui. Au mois de juin 1992, suite à une analyse assez complète de la Commission, nous avons procédé, comme je vous l'ai mentionné, à la réorganisation administrative de la Commission. Donc, les personnes les plus intéressées par cette réorganisation sont les commissaires qui siègent à la Commission ainsi que les employés. Parce que c'est un changement en profondeur de la Commission, au niveau de la structure administrative, nous avons cru bon de réunir tout le personnel ainsi que les commissaires, à Montréal, pour leur présenter ce changement, le premier changement de cette nature depuis, je dirais, 1984-1985.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député.

M. Bélanger (Anjou): Je n'ai pas d'autre question sur la Commission de protection des droits de la jeunesse.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. Saville. Est-ce que ça termine le programme 3?

Rapport du comité interministériel sur les conjoints de fait

M. Bélanger (Anjou): J'aurais un dernier sujet à aborder relativement à ce programme 3, c'est la question des conjoints de fait.

En décembre 1989, à l'initiative du ministère de la Justice, un comité de travail est formé, soit le comité interministériel sur les conjoints de fait. Ce comité regroupe les ministères du Revenu et des Finances, de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, ainsi que les secrétariats à la condition féminine et à la famille. Le mandat du comité consiste notamment à effectuer un portrait de la situation des conjoints de fait, à recenser les travaux déjà effectués sur ce sujet, à recueillir les statistiques pertinentes aux conjoints de fait, etc.

Une fois que le rapport aura été fait, ceux-ci saisiront le Conseil des ministres du contenu du rapport final. Cependant, préalablement à cette démarche, les différents comités ministériels permanents, de même que le Conseil du trésor doivent formuler leurs recommandations. Toutes ces étapes n'étaient pas encore complétées en octobre dernier. Pourtant, la date initiale déterminée pour le dépôt de ce rapport était janvier 1991. Donc, ce comité, M. le Président, devait initialement rendre son rapport en janvier 1991. Cela a été ensuite reporté à juin 1991, à juin 1992 et, finalement, à septembre 1992. Il semble que reporter sans cesse les dossiers au ministère de la Justice soit assez courant.

Enfin, il semble que la question des conjoints de même sexe ne faisait pas partie du mandat du comité. Toutefois, le ministre semble prétendre le contraire. Alors, ma question: Quand le comité và-t-il enfin rendre son rapport?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, je dois dire tout d'abord que la remarque du député d'Anjou est mal placée, de dire qu'à la Justice ça semble quelque chose de courant de remettre les dossiers... C'est mal placé. Je suppose que son verbe a dépassé sa pensée... ça arrive quelquefois, je l'excuse, exactement.

En ce qui regarde ce comité, qui est très important, et, entre autres, M. le Président, qui a reçu des mandats qui ont été précisés à la suite de la commission parlementaire sur le Code civil... On a refait le Code civil après plus de 4 mois de commissions parlementaires. On a eu des discussions parfois assez élaborées sur cette question de conjoints de fait. Ensuite, c'est vrai qu'on n'avait pas précisé spécifiquement la question des conjoints de même sexe. Alors, ça a été rajouté. On a ajouté qu'ils puissent étudier, à partir du mandat, qu'ils complètent l'étude en ce qui regarde les conjoints de même sexe. Pour nous, c'est un comité interministériel qui fait un travail difficile, mais très important.

Je peux demander à M. le sous-ministre Chamber-land, M. le Président, avec votre permission, de compléter ma réponse.

Le Président (M. Dauphin): Très bien. Me Chamberland.

M. Chamberland: Simplement pour préciser que nous avons structuré le travail de la façon suivante. Les ministres ont donné le mandat aux sous-ministres de faire partie du comité du groupe de travail interministériel. Les sous-ministres, évidemment, ne sont pas des spécialistes dans chacun des aspects du dossier concernant les unions de fait, et encore moins, quand on étend le sujet aux conjoints de même sexe. Alors, on a confié le travail à des fonctionnaires spécialistes qui, eux, ont travaillé fermement, je peux vous le dire, et nous ont déposé — quand je dis «nous», c'est au comité des sous-ministres — des hypothèses de travail, c'est-à-dire des pistes de réflexion, si on veut, sur ces questions.

Je pense qu'on peut qualifier de très complexes les unions de fait. Qu'on pense simplement aux effets du mariage, en matière d'union de fait. Jusqu'où peut-on aller? Jusqu'où doit-on aller? Quels sont les impacts sur le droit civil? Quels sont les impacts sur la société québécoise? Ce sont les différents aspects pour lesquels les sous-ministres ont reçu des hypothèses de travail.

Sur réception des hypothèses de travail — ça fait déjà quelques mois, à l'automne dernier — ce que nous avons fait, c'est que nous avons envoyé ces hypothèses de travail dans chacun des ministères, non seulement les ministères qui font partie du groupe de travail interministériel, mais dans tous les autres ministères, pour avoir une évaluation des impacts qu'auraient les différentes hypothèses de travail qui étaient soumises à notre réflexion. Je sais que les réponses entrent, elles ne sont pas entrées de tous les ministères, mais on arrive au moment où on doit faire l'inventaire des réponses qu'on a eues, et ensuite, décider des orientations qu'on va proposer à l'attention des ministres qui ont reçu, à l'origine, le mandat du Conseil des ministres.

Alors, on en est rendu là. (20 h 40)

Le Président (M. Dauphin): Merci.

Conjoints de fait et aide sociale

M. Bélanger (Anjou): Sur un sujet connexe, M. le Président, j'aimerais parler avec le ministre du dossier des conjoints de fait et l'aide sociale.

Depuis le début de l'année, plusieurs femmes se retrouvant en situation de vie maritale ont été condamnées à des peines d'emprisonnement après avoir été reconnues coupables de fraude à l'endroit de l'aide sociale. Jusqu'ici, compte tenu des circonstances particulières dans lesquelles se trouvent ces femmes face à leur conjoint, le ministère public ne recommandait que des peines de travaux communautaires. Compte tenu des protestations que ces cas ont soulevées chez les groupes de femmes et chez le Front commun des personnes assistées sociales du Québec, qui lui a d'ailleurs expédié une lettre à cet effet le 13 février dernier compte tenu que, dans l'affaire Caron, en 1988, le Procureur général s'est désisté en appel par crainte de voir son concept de conjoint de fait ou de vie maritale jugé discriminatoire, le ministre peut-il nous dire s'il a l'intention de cesser de recommander des peines d'emprisonnement dans de tels cas jusqu'à ce que la question soit éventuellement tranchée par les tribunaux?

M. Rémillard: M. le Président, je vais d'abord demander à M. le sous-ministre Bouchard de me donner quelques explications. Un petit instant, si vous voulez. Dans ce qu'on me dit, c'est que chaque cas est un cas d'espèce, mais avec toutes les réserves qu'on doit apporter en fonction de ce genre de question, vous comprendrez très bien.

Je vais demander, quand même, à Me Bouchard de vous donner une explication ou une réponse.

Le Président (M. Dauphin): M. Bouchard.

M. Bouchard (Michel): M. le député, M. le Président, il est extrêmement délicat de demander au Procureur général ou à ses représentants d'établir ce que pourraient être leurs représentations dans des cas à venir devant les tribunaux. Je ne pense pas qu'il soit indiqué de le faire, même devant cette Assemblée. Maintenant, je ne sais pas si vous avez besoin de plus de précisions sur les cas qui sont traités actuellement par les substituts?

M. Bélanger (Anjou): Non. Ma question était surtout à l'effet de savoir s'il y avait des directives spécifiques qui avaient été données aux substituts du Procureur général relativement à ne plus accepter de travaux communautaires, et de demander systématiquement l'emprisonnement pour des cas de fraude à l'aide sociale.

M. Bouchard: M. le Président, M. le député, il n'y a aucune directive à cet effet.

M. Bélanger (Anjou): II n'y a aucune directive à cet effet.

Est-ce que le ministre reconnaît qu'il y a quand même un petit problème, dans le sens qu'à chaque fois que cette notion de vie maritale était sur le point d'être validée ou tranchée par les tribunaux, comme en Cour d'appel, comme par enchantement, le ministère de la Justice retirait la cause ou réglait le dossier? Alors, moi, en tout cas, personnellement, je trouve ça un peu embêtant.

Est-ce que le ministre ne pense pas qu'il devrait la faire valider, peut-être, sa notion de conjoint de fait ou de vie maritale, relativement à la Loi sur l'aide sociale?

M. Rémillard: On m'informe ici qu'on n'a peut-être pas les informations nécessaires. Je suis prêt à faire le point... Un instant, s'il vous plaît.

(Consultation)

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Là-dessus, les réponses que je pourrais donner, M. le Président. La première est une réponse générale, c'est-à-dire que, quand on retire une cause, c'est parce qu'on n'a pas les éléments de preuve. Mais peut-être que ça demande plus de réponses que ça, M. le Président, et je vous avoue que j'aimerais peut-être mieux avoir plus de renseignements.

Alors, si vous aviez des cas en particulier, moi, je serais prêt à vous donner toutes les informations qu'on peut vous donner sur des cas en particulier.

M. Bélanger (Anjou): Ce n'est pas réellement des cas en particulier, c'est tout simplement le fait, comme je l'expliquais, qu'à chaque fois que cette notion de vie maritale a été testée on s'est désisté. Je comprends qu'on peut décider de se désister en Cour d'appel, mais tel que je connais quand même le fonctionnement du ministère de la Justice, avant de décider d'aller en appel, il y a une évaluation qui se fait aussi. Alors, ça m'étonnerait qu'à la dernière minute on décide que, tout à coup, on n'a plus de dossier, rendus devant la Cour d'appel. Je pense que cette évaluation-là doit se faire avant et non pas au moment où l'appel est logé. Alors, moi, j'aimerais savoir pourquoi, justement... Systématiquement, à chaque fois que cette clause est venue en vérification, on s'est retiré, du côté du bureau du Procureur général.

M. Rémillard: C'est difficile de répondre à votre question, parce que vous situez ça d'une façon générale. Si vous avez un cas particulier à nous soumettre, on va tenter de vous apporter une réponse.

M. Bélanger (Anjou): L'affaire Caron, en 1988. Je l'ai mentionnée tout à l'heure.

M. Rémillard: L'affaire Caron, 1988. M. Bélanger (Anjou): Oui. M. Rémillard: En Cour d'appel, où... M. Bélanger (Anjou): Cour d'appel.

M. Rémillard: ...le ministère de la Justice, finalement, le Procureur général s'est désisté.

M. Bélanger (Anjou): C'est ça.

M. Rémillard: Comme tel. Oui. Maintenant, quand vous parlez de systématique, c'est donc dire qu'il y a plus qu'un cas.

M. Bélanger (Anjou): À ma connaissance, oui. M. Rémillard: Les autres cas, ce serait quoi?

M. Bélanger (Anjou): Je pourrais donner au ministre, si le ministre le veut, des renseignements supplémentaires sur les autres cas.

M. Rémillard: Très bien. Alors, donnez-moi ces renseignements-là, et je vais vous apporter les informations pour vous dire ce qui s'est passé dans ces cas-là.

M. Bélanger (Anjou): Parfait.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, dans ses remarques préliminaires, le...

Excusez-moi, c'est un autre programme. Le programme 3 est fini.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que le programme 3 est adopté?

Des voix: Adopté.

M. Bélanger (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté.

J'appelle le programme 4. Malgré que nous en ayons abondamment discuté la semaine dernière, pendant une heure et demie, le programme n'avait pas été adopté. Est-ce qu'il y a des questions sur le programme 4?

M. Bélanger (Anjou): Non.

Le Président (M. Dauphin): Alors, le programme 4 est adopté.

J'appelle le programme 5 sur l'administration.

M. Bélanger (Anjou): II n'y en a pas non plus.

Le Président (M. Dauphin): Pas de question. Le programme 5 est adopté.

Indemnisation des victimes d'actes criminels

J'appelle le programme 6, Indemnisation des victimes d'actes criminels.

Projet de loi modifiant la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels

M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.

Dans ses remarques préliminaires, le ministre parlait d'une loi qui allait probablement réformer la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Si j'ai bien compris, le ministre pourra me corriger, il annonçait cette loi pour 1994. Pourtant, dans le milieu, on attendait cette loi pour... avant le 15 mai. Est-ce que le ministre peut corriger?

M. Rémillard: Non, M. le Président. Ce que j'ai dit, c'est qu'au Sommet de la justice j'avais annoncé qu'on travaillait un projet de loi, et ce projet de loi, maintenant, est à l'étude des comités ministériels. Donc,

je m'attends à la déposer dans les prochaines semaines, normalement avant le 15, peut-être même dans les prochains jours.

M. Bélanger (Anjou): Un des faits qui m'a souvent été rapporté relativement à cette loi qui s'en vient, c'est que les organismes communautaires dans le milieu, qui oeuvrent au niveau des victimes d'actes criminels, se sentent un peu, je dirais, frustrés de ne pas avoir été consultés avant, justement, l'élaboration de ce projet de loi là.

Est-ce que le ministre peut nous expliquer pourquoi?

M. Rémillard: On a consulté beaucoup d'intervenants, M. le Président. Ceux qui étaient autour de la table, au Sommet de la justice, ont tous été consultés et reconsultés à plusieurs reprises.

Mme Christine Viens, qui a la responsabilité de ce dossier, si vous me permettez, M. le Président, pourrait compléter ma réponse en précisant tous les intervenants qui ont été consultés. Alors, Mme Viens est directrice du Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels.

Le Président (M. Dauphin): Très bien. Mme Viens.

Mme Viens (Christine): M. le Président, M. le député, lors du Sommet de la justice, un groupe de travail avait été mis sur pied pour faciliter la consultation de tous les intervenants dans le domaine du traitement des victimes d'actes criminels, du traitement des victimes et des témoins. Au cours de ses travaux, l'Association québécoise plaidoyer-victimes, qui est un organisme communautaire qui regroupe 150 intervenants avait bénéficié d'une subvention de la Chambre des notaires pour faire une journée de travail consacrée spécifiquement à l'indemnisation des victimes d'actes criminels, et elle a obtenu cette journée de travail où près d'une quarantaine de personnes ont participé.

Un nombre important de propositions ont émané de cette journée de travail et ont été présentées dans le cadre du Sommet de la justice. Le Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels a collaboré de façon active aux travaux de cette Association et fourni toute l'information nécessaire.

Donc, les organismes ont été largement consultés. Les propositions qui ont été soumises au Sommet de la justice ont été examinées par le groupe de travail qui a travaillé sur le projet de loi.

M. Bélanger (Anjou): Oui, je comprends qu'il y a eu des consultations au Sommet de la justice, mais, après le Sommet de la justice, est-ce qu'il y a eu des consultations?

Le Président (M. Dauphin): Mme Viens. (20 h 50)

Mme Viens: Le Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels fait régulièrement des rencontres, qu'on appelle de concertation, avec les centres d'aide aux victimes d'actes criminels, qui sont des organismes communautaires qui viennent en aide aux victimes. À chaque occasion, depuis le Sommet de la justice, où nous avons eu nos rencontres de consultation, à l'ordre du jour était toujours inscrit le sujet de la réforme, où les organismes étaient tenus au courant de l'évolution des travaux.

Maintenant, tant qu'un projet de loi n'est pas finalisé, évidemment, il fait partie des dossiers du ministère, et le Bureau d'aide fait part de ses travaux au sous-ministre et au ministre et n'a pas, évidemment, à déposer de projet de loi ou de document dans une forme plus élaborée. Cependant, toutes les préoccupations des organismes communautaires ont été examinées et ont été prises en considération dans le cadre des travaux.

M. Rémillard: Je dois ajouter, M. le Président, que j'ai eu l'occasion, moi aussi, de suivre d'abord ces consultations de très près, et de consulter, moi aussi, d'autres groupes qui tenaient à me rencontrer comme ministre de la Justice, et on a abordé ce sujet avec plusieurs de ces groupes. Donc, il y a eu une consultation très large des groupes impliqués, des intervenants impliqués dans le domaine des victimes d'actes criminels.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député d'Anjou.

Entente fédérale-provinciale sur les victimes d'actes criminels

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, relativement à l'entente fédérale-provinciale sur les victimes d'actes criminels.

C'est une entente qui avait été signée en 1988, et elle couvrait les années 1987, 1988, 1989 et 1990. En 1990-1991, elle a été renouvelée pour une année, sur la base de l'entente de 1987. Depuis cette date, aucune entente n'a été conclue. Cependant, dans la Gazette officielle du 17 mars dernier, il y a un décret autorisant le ministre à conclure une telle entente.

Est-ce que le ministre peut m'expliquer ce qui en est?

M. Rémillard: Oui. Alors, M. le Président, j'ai eu l'occasion de discuter beaucoup avec mes collègues, ministres de la Justice, qui se sont succédé ces 5 dernières années, de ce sujet de l'aide aux victimes d'actes criminels.

Lorsqu'on parle de crime, M. le Président, on est souvent beaucoup plus porté à penser à châtiment qu'à penser aux victimes elles-mêmes. C'est pour ça que je disais, dans mes notes de présentation, qu'en fonction du nouveau Code de procédure pénale que nous avons au niveau des lois provinciales la prison est devenue maintenant beaucoup plus un moyen de se protéger pour la société qu'un moyen de châtiment. Dans tout ça, ce qui compte, finalement, c'est la victime. Moi, je suis

beaucoup plus intéressé à voir la victime avoir réparation du préjudice qu'elle a subi, que voir une personne emprisonnée et avec un châtiment. Qu'il y ait un châtiment, oui, que cette personne soit punie parce qu'elle a commis un crime, mais qu'on n'oublie pas la situation de la victime qui, très souvent, se retrouve dans une situation extrêmement difficile après que le crime est produit. Alors, qu'il y ait châtiment et que celui qui a commis le crime se retrouve en prison à vie, si la victime se retrouve, elle, handicapée pour la vie, pas un moyen de s'en sortir, et n'a pas compensation pour pouvoir un peu mieux pallier à l'acte criminel qui a été commis à son encontre, je pense que c'est ça qui est une situation à corriger. C'est ça, pour moi, qui est très important: la victime avant tout.

Dans ce contexte-là, on a dit: On va réunir 2 organismes administratifs qui existent déjà — l'IVAC et l'AVAAQ — et on va pouvoir avoir 1 seul organisme administratif, 1 seul guichet. On va donc alléger la machine administrative, ça va coûter moins cher, et les services vont être de meilleure qualité, plus efficaces, et vont être plus accessibles. Alors, c'est exactement la philosophie que nous aurons lorsque nous allons présenter ce nouveau projet de loi. En plus, M. le Président, pour aussi fournir des services qui n'existent pas présentement.

C'est incroyable, actuellement, les limites que nous avons. Parfois, je me sens mal à l'aise. Comme ministre de la Justice, je réponds à des lettres de gens qui ont subi des traumatismes, parce qu'ils ont vu leur proche poignardé — par exemple, je pense à un cas très concret — devant eux, et eux n'ont pas la possibilité d'être suivis avec des soins psychologiques pour les aider à passer ces moments extrêmement durs, difficiles, traumatisants. Ça n'a pas de bon sens.

Alors, c'est ça qu'on veut corriger, on veut donner des moyens aux victimes. Et victime, c'est la personne qui est poignardée, oui, mais c'est les proches qui sont autour, qui assistent, qui voient ce qui se passe et qui sont profondément bouleversés pour le restant de leurs jours aussi. Alors, la notion de victime, il faut aussi la considérer d'une façon plus large que la victime directe qui subit les conséquences.

Alors, c'est dans ces considérations-là, M. le Président, que nous aurons à discuter du projet de loi que j'entends déposer dans les prochains jours à l'Assemblée nationale. Nous l'étudierons ensuite en commission parlementaire. C'est un sujet qui ne sera pas facile. Je suis convaincu qu'on aura beaucoup de discussions ensemble. J'ai rencontré Mme Viens et ses gens à plusieurs reprises pour élaborer ce projet de loi. On a eu des discussions qui n'étaient pas faciles, on a pris des décisions. Maintenant, on aura à en discuter ici en commission parlementaire et à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Dauphin): Merci, beaucoup. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Pas d'autre question sur le programme 6.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que le programme 6 est adopté?

M. Bélanger (Anjou): Adopté. Le Président (M. Dauphin): Adopté.

Services juridiques du gouvernement

J'appelle le programme 7, qui concerne les Services juridiques du gouvernement. Pas de question là-dessus?

M. Bélanger (Anjou): Oui, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

Association des juristes de l'Etat

M. Bélanger (Anjou): Le seul dossier que j'aimerais aborder dans ce programme, c'est le dossier de l'Association des juristes de l'État.

L'Association des juristes de l'État est une organisation de nature syndicale, qui représente depuis 28 ans l'ensemble des avocats et notaires de la fonction publique du Québec. À l'heure actuelle, l'AJE compte plus de 800 membres oeuvrant au sein de quelque 60 ministères et organismes. L'AJE est reconnue par le gouvernement comme représentant, pour les fins de relations de travail, des avocats et des notaires, mais elle n'a pas, non plus que ses membres, les droits et privilèges reliés à l'accréditation syndicale. Au cours de l'année 1992, l'AJE a reçu de ses membres tous les mandats requis pour obtenir du gouvernement l'accréditation syndicale. Les formulaires d'adhésion des membres établissant la représentativité ont été déposés auprès du commissaire général du travail. Les autres formalités afférentes à la demande ont toutes été respectées et toutes les conditions ont été rencontrées. La requête en accréditation elle-même a été déposée auprès du gouvernement le 3 septembre.

On apprend, M. le Président, que cette requête en accréditation a été bloquée, pour des raisons qui nous sont obscures. On a peine à comprendre que... Alors que le ministère de la Justice reconnaît l'Association des juristes de l'État pour négocier, pour faire passer des messages, pour rejoindre, finalement, tous ces juristes qui sont éparpillés dans tous les ministères, il veut garder le meilleur des 2 mondes, c'est-à-dire lui donner une certaine représentativité, mais ne pas lui donner des pouvoirs.

Est-ce que le ministre pourrait nous expliquer ce refus ou ce blocage de la part du ministère relativement à la tentative d'accréditation?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, c'est une question juridique. Ce que je peux dire, c'est que nous

considérons que, de par leurs fonctions, les avocats et notaires qui oeuvrent pour le gouvernement ont, si ce n'est de par les informations qu'ils peuvent avoir, par le genre de fonctions qu'ils peuvent aussi avoir, en fonction de la confiance qu'ils ont et le régime professionnel qui existe entre l'avocat, le notaire et le client, qui est le gouvernement, à différents échelons, nous considérons donc que ce ne sont pas des salariés au sens du Code du travail. En ce sens-là, donc, nous nous opposons à l'accréditation telle qu'elle se présente.

Le Président (M. Dauphin): M. le député. M. Bélanger (Anjou): M. le Président.

M. Rémillard: M. le Président, me permettez-vous, M. le député, sans vous interrompre, de demander à M. Chamberland, peut-être, de vous donner une explication, aussi, complémentaire.

Le Président (M. Dauphin): Me Chamberland. (21 heures)

M. Chamberland: Oui, M. le Président.

M. le député, simplement pour préciser que, dans les discussions que nous avons eues conjointement avec le Conseil du trésor et l'Association des juristes, nous avons fait valoir le point de droit que le ministre vient de souligner. Nous leur avons proposé de soumettre la question à la décision d'un tribunal, que ce soit le Tribunal du travail ou une autre alternative. L'idée, ce n'est pas de créer un antagonisme avec l'Association des juristes, c'est qu'il y a une question fondamentale à la base de cette demande, une question fondamentale qui mérite d'être décidée.

Alors, pour maintenir un bon climat avec l'Association — parce que je dois dire qu'on a toujours, au fil des années gardé quand même un bon climat avec les gens de l'Association — on a proposé de faire trancher la question qui nous sépare par un tribunal. À ma connaissance, ça n'a pas été refusé officiellement encore comme proposition. Ça a été accueilli froidement lorsque ça a été mis sur la table, mais ça n'a pas été refusé de façon officielle, au meilleur de ma connaissance, et j'espère que le dossier pourra connaître un dénouement dans ce sens-là.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, quand le sous-ministre parle d'antagonisme, on semblait percevoir que cet antagonisme avait commencé lors du Sommet de la justice, lors d'une sortie de l'Association des juristes de l'État relativement au fait qu'ils avaient été peu sollicités pour la préparation de ce Sommet. Et, en tout cas, la perception qu'on en a vu de l'extérieur, un non-initié, comme on pourrait dire, c'est que, justement, le torchon brûle.

Alors, donc, ce que le sous-ministre me dit, c'est: Finalement, il n'y a pas d'antagonisme à cet effet-là, présentement.

M. Rémillard: Non, M. le Président.

Alors, je dois dire qu'il y a des sorties, mais il y a aussi des entrées dans le sens que c'est vrai qu'il y a eu des déclarations que je considère malheureuses, et je ne suis pas le seul à trouver qu'elles ont été malheureuses. Beaucoup d'avocats et notaires se sont dissociés et ont contredit leur président d'une façon particulièrement, je dirais, énergique. Alors, parfois, il y a des commentaires qui peuvent aller trop loin. Ça arrive. Je mets ça sur le coup de l'enthousiasme, de l'énergie débordante et du désir de prendre toute sa place. Mais c'est des choses que j'encourage, au départ. Pas ce genre d'intervention qu'ils ont faite, mais vouloir s'impliquer au maximum. Je pense que c'est de bonne guerre.

Alors, il n'y a pas d'antagonisme. Il y a toujours un bon plaisir à travailler ensemble. Pour ma part, il n'y a pas d'antagonisme, d'aucune façon.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

Frais encourus dans le dossier de M. Raynald Gilbert

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, un autre dossier que j'aimerais entamer dans ce programme, c'est un dossier qui est délicat, et le ministre comprendra que je vais utiliser toutes les réserves possibles pour l'aborder. C'est le dossier de M. Raynald Gilbert.

Le ministre sait que je me suis intéressé à ce dossier pour en avoir déjà parlé, et, pour ceux qui ne connaîtraient pas l'histoire de M. Gilbert, c'est un fonctionnaire...

Je comprends que c'est sub judice, et je ne parlerai pas sur le fond de cette histoire, mais uniquement, peut-être, certaines justifications de la part du ministre.

C'est un fonctionnaire, M. le Président, qui a été congédié, qui a été accusé de fraude au criminel, qui a été innocenté par la Cour d'appel et qui a porté la cause de son congédiement devant la Commission de la fonction publique, où un arbitre a été désigné par l'Assemblée nationale, et l'arbitre a donné raison à M. Gilbert relativement à la non-justification de son congédiement.

La première chose qui me vient à l'esprit, M. le Président, c'est qu'après 10 ans la fine ligne qui peut exister entre la défense des intérêts de l'État et l'acharnement qu'on pourrait apporter sur certains cas, je me demande jusqu'à quel point ça n'a pas été franchi, finalement.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, avec toutes les réserves que demande une affaire qui est sub judice, parce que devant les tribunaux, je dois dire que j'ai eu l'occasion, de fait, d'en parler avec le député d'Anjou et il a eu l'occasion aussi d'en parler avec la directrice de

cabinet adjointe responsable de ces dossiers, Mme Pelletier, à mon cabinet.

Aujourd'hui, je peux lui dire que ce dossier est traité comme tous les autres dossiers. On n'est pas sans mettre de côté tous les aspects humains aussi et, pour nous, le mot «acharnement», c'est un grand mot, là. Il faut faire attention. Je ne me permets pas de commenter, mais je suis sensible aux mêmes préoccupations que le député d'Anjou et je suis convaincu que mes gens, les sous-ministres qui sont avec moi, qui ont à prendre des décisions, sont sensibles aussi aux mêmes situations. Elles sont examinées dans l'intérêt public.

M. le Président, je ne peux pas aller plus loin. Ce n'est pas possible. Sans ça, on m'informe que je briserais les règles du sub judice.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): ...je comprends, mais après 10 ans de démêlés pour un individu qui est rendu à 63 ans, qui a tout perdu, M. le Président, j'essaie de trouver un autre terme que le terme «acharnement», mais, pour moi, en tout cas, c'est difficile de trouver un autre terme. En tout cas. Parce que moi, c'est surtout au niveau des frais encourus dans toute cette histoire. C'est surtout cet aspect-là qui m'apparaît un peu spécial. Alors, c'est cette question que je me pose. Je comprends que la cause étant sub judice, on va faire très attention. Mais, en tout cas, ce sont ces questions que je me pose et, à ma connaissance, je n'ai pas eu de réponse satisfaisante relativement à ce fait.

Je n'ai pas d'autres questions, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Alors, est-ce que le programme 7 est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. J'appelle le programme 8. Ça va? Alors, programme 8 adopté.

J'appelle le programme 9.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, avant d'entreprendre le dernier programme que tout le monde attendait, le ministre, j'en suis certain, attendait aussi ce programme-là, j'aimerais élaborer sur certaines réponses qui ont été faites à des renseignements généraux de l'Opposition officielle. Je dois avouer que j'ai quelques petites questions là-dessus.

Dépense de 1900 $ pour des services professionnels externes

Je vois qu'il y a 1900 $ qui ont été versés à une madame Marie Roy, pour la préparation d'un discours du ministre, au congrès annuel du Barreau. Alors, ma question, c'est: Pourquoi avoir fait appel à une personne de l'extérieur pour écrire un discours alors qu'il y a tant de monde au cabinet du ministre de la Justice?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Oui, alors, M. le Président, il s'agissait de discours et de notes, pour le ministre aussi, en fonction du nouveau Code civil, et préparation de différents éléments d'information. Alors, en accord avec... et en étroite relation avec la Direction des communications du ministère de la Justice, il s'agit tout simplement de quelqu'un qui a pu apporter sa contribution. Alors, il faudrait vérifier. Peut-être qu'à un moment donné on manquait de personnel. Il a pu arriver quelqu'un qui était en congé ou je ne sais trop quoi, mais c'est quelqu'un qui a été recruté par le ministère de la Justice directement qui a préparé des notes. Et je me souviens que ces notes m'ont été fort utiles.

M. Bélanger (Anjou): Je l'espère, pour 1900 $, M. le ministre. Mais, M. le ministre, quand même, combien avez-vous de personnel auprès de votre ministère, d'attachés politiques?

M. Rémillard: Attachés politiques au niveau de la Justice, on est, je pense, 5, ou, peut-être, à ce moment-là, 4, 4 ou 5.

M. Bélanger (Anjou): Et il y avait combien d'attachés politiques ou de personnes qui ont suivi les débats, justement, de ce Code civil, qui, on le sait, se sont éternisés sur plusieurs mois? Est-ce qu'il n'y avait personne de compétent vraiment pour rédiger cette note-là?

M. Rémillard: Écoutez, c'est dommage que vous n'ayez pas été là pour connaître tout le talent de Mme Pelletier. Elle a été...

M. Bélanger (Anjou): On a retardé la partielle. Qu'est-ce que vous voulez?

M. Rémillard: Elle a été... Vous en avez entendu parler de réputation. Je sais que c'est elle que vous aviez en tête.

M. Bélanger (Anjou): Hé! Hé! Hé! On a retardé la partielle.

M. Rémillard: II faut dire que cette dame, lorsqu'on dit la justification pour les notes pour le ministre, c'était aussi des notes pour des préparations de présentation au niveau de documents faits par le ministère de la Justice. Ça a servi pour le ministère de la Justice aussi. Mes discours, c'est moi qui les écris personnellement. Je me suis toujours fait un point d'honneur et un plaisir, je dois dire, que mes discours, c'est moi qui les écris depuis que je suis ministre. J'ai des notes d'informations qui nous sont données. Alors, il y a des éléments de

recherche qui peuvent m'être communiqués, et je dois dire que le ministère de la Justice me fournit toujours avec beaucoup de compétence ces éléments.

Quand je vous disais dans mes présentations que j'avais une collaboration exceptionnelle du ministère de la Justice, même si je leur demande beaucoup, je pense que vous avez là une preuve de tout ce que je leur demande. Il y a un ministère qui travaille, M. le Président, comme ça s'est rarement vu au ministère de la Justice. Pensez à ça, les programmes majeurs. La réforme du Code civil, M. le Président, le député d'Anjou n'a pas la moindre idée qu'est-ce que ça peut signifier. Juste la préparation des registres, ces gens-là, le travail qu'ils font. Tout le département des communications, actuellement, est à préparer un programme de sensibilisation et d'information pour le Code civil. C'est énorme. On arrive ensuite avec des projets de loi. (21 h 10)

J'ai mentionné, M. le Président, que, jusqu'à la dernière minute, si ma mémoire est bonne, c'était le 22 décembre au soir, à la toute dernière minute, c'est le ministre de la Justice qui a fini à la dernière seconde. Puis, j'ai un projet de loi que je n'ai pas fait adopter en troisième lecture, finalement. On a eu des projets de loi, des commissions parlementaires, 5 projets de loi, l'automne dernier. On va en avoir au moins 6 à 8, maintenant, et, à l'automne prochain, aussi des majeurs. On vient de parler de tout ce qui regarde les victimes d'actes criminels.

Alors, M. le Président, ça demande un ministère qui, présentement, travaille à pleine vapeur. Alors, qu'à un moment donné il y ait eu quelqu'un qui ait pu apporter sa contribution, au niveau du département de communication du ministère de la Justice, parce que le discours, il est préparé au niveau du cabinet, et c'est moi qui le prépare. Les notes de recherche, ça, c'est différent. Ça vient du niveau du ministère. C'est deux choses différentes.

M. Bélanger (Anjou): Donc, je dois comprendre qu'il y avait une erreur dans les renseignements qui nous ont été donnés quant...

M. Rémillard: Non, il faudrait que je regarde. Je pense que c'est marqué «notes».

M. Bélanger (Anjou): Parce que c'est marqué: «préparation d'un discours». C'est marqué: «préparation d'un discours», d'un projet de discours, mais en tout cas.

M. Rémillard: Du projet de discours, c'est les notes. Il n'y a pas de discours écrit. C'est les notes. On présente toujours des notes de recherche.

M. Bélanger (Anjou): D'accord.

M. Rémillard: C'est moi qui écris mes discours et, pour moi, c'est un point très important.

M. Bélanger (Anjou): Parfait!

Le Président (M. Dauphin): Ça va, M. le député?

M. Bélanger (Anjou): Oui, M. le Président.

Affaires criminelles et pénales

Le Président (M. Dauphin): Alors, toujours au programme 9, c'est-à-dire que nous débutons le programme 9.

Réduction du nombre des postes de procureurs de la couronne

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, j'aimerais aborder le problème de l'abolition des postes de procureurs de la couronne.

Le journal La Presse rapportait, le 30 mars dernier, qu'il y aurait mises à pied parmi les avocats de la couronne. Les compressions demandées au substitut en chef du Procureur général dans chacun des districts judiciaires doivent totaliser 27 avocats et employés de soutien, et, je le répète, dans chacun des districts judiciaires.

Ces coupures permettront de réaliser 1 600 000 $ d'économie pour cette année. Les premières mises à pied étaient prévues pour le 15 avril, à moins de modifications. Cette situation est d'autant plus paradoxale que les crédits de l'an dernier connaissaient une hausse de 14,6 % qui s'expliquait principalement par l'augmentation des traitements des substituts du Procureur général. À la suite des règlements de leurs conditions de travail et par un ajout de ressources liées au plan d'action du gouvernement en matière de lutte contre la drogue, la hausse atteignait près de 5 000 000 $.

Il y avait un ajout de 12 postes de procureurs pour l'intensification de la lutte contre la drogue. On se rappelle que ce plan d'action concernant la lutte contre la drogue avait été rendu public en novembre 1988. Ce plan s'échelonnait sur 3 années. Le ministre de la Justice portait à 32 le nombre de substituts liés à cette lutte. En 1991-1992, 24 substituts étaient engagés, et 12, en 1992-1993.

Alors, on peut se demander si on va abandonner la lutte contre la drogue. Chose certaine, avec les coupures de postes, des choix de politiques de poursuites élaborées par le gouvernement devront se faire. On ne pourra valablement tout maintenir en place et assurer une application adéquate du Code criminel et des lois pénales avec un nombre restreint de procureurs.

Donc, à la suite de cette nouvelle annonce de coupures, une question a été posée, en Chambre, au ministre de la Justice, afin de tenter de savoir si le ministre confirmait cette situation. Évidemment, le ministre n'a pas répondu et s'est contenté de dire qu'il informerait en temps et lieu sur ce qui serait fait. Un débat de fin de séance a suivi cette réponse incomplète du ministre de la Justice.

Voici l'essentiel de ses propos: qu'il devra y avoir des postes qui ne seront pas comblés, qu'il devra y avoir des emplois qui n'existeront pas, à la suite de cette rationalisation que nous aurons effectuée. Je ne donnerai pas plus de chiffres exacts, M. le Président, parce qu'il y aura une rencontre, vendredi, avec les gens du Procureur, les substituts du bureau du Procureur et du sous-ministre Bouchard, et nous sommes à finaliser les différents éléments de discussions qu'on veut avoir avec eux.

Il va sans dire que cette mesure va totalement à rencontre de la politique du ministre de la Justice qui, depuis quelques années, appuyait les demandes d'effectifs supplémentaires au niveau de la couronne. Je dois rappeler que le ministre m'a louange le travail fait par ses procureurs. Il semble être fier du travail fait par ses substituts du Procureur général.

Quant à elle, la tenue du Sommet de la justice a vu naître une kyrielle d'engagements de la part du ministre, engagements qui touchent le travail quotidien des procureurs de la couronne. Ces engagements, rappelons-le, visent une plus grande humanisation du processus judiciaire qui, pour moi, veut dire plus d'effectifs, plus de présence humaine, tout au moins, favorisant une plus grande concertation, tout cela dans le but d'assurer une meilleure administration de la justice. On n'a qu'à penser à l'instauration du mode de poursuite verticale qui a été entreprise dans plusieurs chefs-lieux, dans plusieurs districts, et on sait que cette façon de procéder demande plus de personnel et demande plus d'effectifs.

Il faut savoir qu'en Ontario il y a 30 % et 40 % de plus de procureurs qu'au Québec, et ce, pour traiter le même nombre de dossiers. Au Québec, chaque procureur intervient dans 30 à 40 dossiers par jour. On comprend aisément pourquoi on parle beaucoup de stress et d'épuisement professionnel dans ce secteur de travail.

Alors, ma question au ministre: Peut-il nous renseigner quant à l'issue de sa réunion du vendredi 2 avril avec les substituts du Procureur, le sous-ministre Bouchard et les autres?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Oui, M. le Président.

Tout d'abord, je dois dire que je rencontre les gens des principales directions du ministère de la Justice pour pouvoir avoir leur sentiment, avoir leurs commentaires, leurs suggestions. Je pense que, comme gestionnaire et comme ministre d'un ministère aussi important, c'est important que je puisse avoir des contacts directs avec des gens qui oeuvrent dans les directions parmi les plus importantes. Je l'ai fait avec beaucoup de directions. Je l'ai fait, entre autres, avec les substituts en chef en ce qui regarde tout le domaine des poursuites. Je les ai rencontrés. On a discuté très longuement ensemble. Ça a été très fructueux, et je l'ai fait aussi, donc, dernièrement, pour me référer à la réunion à laquelle se réfère le député d'Anjou, je l'ai fait, donc, avec les directeurs comme tels de contentieux.

M. le Président, il est évident que nous avons à participer à la rationalisation de l'administration publi- que. En ce qui regarde la justice, nous avons à faire notre part, faire notre examen et faire notre part. Nous faisons notre part. Il y a définitivement des coupures, mais ces coupures vont se faire sans toucher la qualité des services, sans toucher au principe de l'accessibilité qui m'est chère, que je défends depuis que je suis ministre de la Justice.

Alors, avec votre permission, M. le Président, je demanderais à M. Bouchard de me donner toutes les informations et les précisions sur où va s'appliquer et comment va s'appliquer cette rationalisation de nos effectifs, et, ensuite, je compléterai par des commentaires, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. Bouchard.

M. Bouchard: M. le Président, M. le député, dans votre préambule, M. le député, vous faisiez état de chiffres qui ne sont pas tout à fait exacts. Plusieurs chiffres ont été mentionnés, au fil des articles, dans les médias. Il ne s'agit certainement pas de compresser de 27 postes de procureurs pour chacun des districts. Vous comprendrez que c'est pour... et même que le chiffre de 27, au moment où on se parle, n'est pas tout à fait exact.

Quoi qu'il en soit, ces mesures de compression, comme vient de vous le mentionner le ministre de la Justice, répondent au voeu exprimé par l'État de dégraisser l'effectif gouvernemental, et la couronne n'échappe pas à cette intention générale qui est celle de rationaliser les dépenses. Quant au fonctionnement devant les tribunaux, quant au traitement des dossiers par les procureurs de la couronne, je puis vous assurer que ce traitement-là continuera d'être exercé d'une façon extrêmement professionnelle et à laquelle le public a été en droit de s'attendre, également, dans les dernières années.

Vous parliez évidemment de ces compressions, mais il ne faut pas non plus oublier l'aspect, dans le traitement des dossiers, le changement d'attitude des procureurs vis-à-vis du fonctionnement et du traitement de certains dossiers amenés notamment par la poursuite verticale. La poursuite verticale amène un meilleur traitement des dossiers et amène également une diminution dans le nombre de remises qui peuvent être accordées ou dans le nombre d'audiences qui sont nécessitées par un dossier. Et, si vous prenez en considération qu'il y aura moins de remises, vous devez également en venir à la conclusion qu'il y aura moins d'apparitions d'accusés ou de suspects devant les tribunaux, donc, moins de dossiers en circulation, donc, moins de procureurs occupés à ce genre de remise de dossiers dans les salles d'audience.

Il ne faut pas non plus oublier le transfert de responsabilités qui sera bientôt effectué en faveur des municipalités à l'égard de certains crimes, dans la partie 27 du Code criminel. Juste à titre d'exemple, le protocole d'entente qui entrera bientôt en application concernant la Cour municipale de Sherbrooke amènera un

transfert d'environ 1200 dossiers annuellement vers la Cour municipale de Sherbrooke, dans un souci d'assurer une plus grande accessibilité à la justice. Or, 1200 dossiers, c'est presque un procureur et demi, chez nous. C'est la somme de travail, de dossiers d'un procureur et demi, annuellement. Toutes ces mesures-là sont de nature à faire en sorte que le traitement accordé par la couronne aux dossiers ne sera pas différent, malgré les compressions qui devront s'effectuer. (21 h 20)

Le Président (M. Dauphin): Merci.

M. le ministre.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, simplement, peut-être pour compléter, je dois dire qu'il y a un groupe de travail qui a été formé au ministère de la Justice pour étudier, présentement, tout le fonctionnement du ministère et pour déterminer les mesures appropriées qui auront pour effet d'amenuiser les impacts des compressions budgétaires, mais je dois dire aussi qu'il y a des programmes qui seront en cours dans les prochaines semaines, les prochains mois et qui vont grandement aider aussi, dans le contexte de cette rationalisation administrative.

Je veux mentionner, par exemple, le programme de non-judiciarisation. J'en ai parlé tout à l'heure dans mes explications, M. le Président, et je veux y revenir. La non-judiciarisation, c'est de faire en sorte que ce qui pouvait être un crime... je ne dirais pas un crime, c'est un grand mot, un méfait, maintenant, au moment où on se parle, pourrait être considéré d'autres façons, c'est-à-dire qu'on verrait à ce que la victime soit dédommagée. De consentement avec la victime, ce ne serait plus un crime. Il n'y aurait plus de criminalité reliée, donc, à tous ces méfaits. J'ai parlé de vol à l'étalage, j'ai parlé aussi de bagarres, ces genres de choses qu'on pourrait régler sans qu'on se retrouve directement en cour. Et ça, ça peut aider beaucoup. Ensuite, M. le Président, ça devrait être en application à l'automne prochain.

En ce qui regarde aussi les cours municipales, j'ai dit que toute la partie 27, les poursuites des plaintes sommaires, alors, tout ça pourrait être transféré aux cours municipales. Il y a quand même 50 protocoles qui ont été signés jusqu'à présent. On va en avoir d'autres, protocoles, signés avec d'autres municipalités qui sont intéressées. Alors, ça aussi, ça va dégager les procureurs de la couronne.

Ensuite, il y a un groupe de travail fédéral qui porte sur la réforme de l'enquête préliminaire et de l'importance de certaines procédures prévues au Code criminel. Or, le ministère de la Justice participe activement à ce groupe de travail, et ça devrait aussi donner des résultats intéressants en ce sens-là.

Alors, voyons, d'une part, ce que nous devons faire pour rationaliser nos dépenses, oui, c'est évident, avec le nombre de personnes qui seront utilisées comme procureurs, mais d'autre part, voyons aussi tout le mouvement de non-judiciarisation et de décentralisation judiciaire, si je peux prendre cette expression-là, en fonction des cours municipales ou d'autres organismes qui sont en cours.

Alors, tout ça devrait faire qu'on pourra en arriver à nos objectifs, à alléger notre appareil administratif sans toucher à la qualité du service et à son accessibilité.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Merci M. le Président.

Le sous-ministre associé m'a fait part que mes chiffres étaient erronés, mais, malheureusement, je n'ai pas entendu d'autres chiffres qui venaient les corriger. Est-ce qu'il pourrait peut-être me donner des chiffres qui viendraient corriger mes chiffres erronés?

Deuxièmement, est-ce que le ministre de la Justice n'est pas un peu inquiet surtout du cri d'alarme qui a été lancé par Pierre Major, qui est le président de l'Association des substituts du Procureur général, qui disait qu'il faudra se résoudre, à cause des coupures budgétaires, à abandonner la poursuite des grandes politiques élaborées, ces dernières années, pour se consacrer aux besoins urgents et quotidiens.

Alors, est-ce que ça n'inquiète pas un peu quant à certains choix qui devront être faits et à certains acquis qui avaient été développés lors de ces dernières années?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, j'ai beaucoup de considération pour M. Major, procureur avec beaucoup d'expérience. D'ailleurs, j'ai beaucoup de considération pour nos procureurs. Le député d'Anjou le mentionnait, tout à l'heure, en posant sa question, et je vais le rappeler, que j'ai beaucoup de considération pour nos procureurs. La preuve que je peux donner, c'est le nombre de procureurs que nous avons nommés juges dans les dernières années. Je peux faire le décompte, là. Vous allez voir que les procureurs ne sont pas oubliés lorsqu'on nomme des juges, et c'est certainement là un signe de leur compétence.

M. le Président, il n'est pas question pour nous d'abandonner un programme, d'aucune façon. Nous allons continuer les services que nous rendons, les programmes que nous avons, nous allons continuer à travailler dans certains programmes de façon extrêmement active en ce qui regarde, par exemple, la violence conjugale. Ce sera toujours une priorité, on va y donner toute l'attention qu'il faut, mais, M. le Président, il est évident qu'on doit participer, nous aussi, à la rationalisation.

Je ne partage pas les points de vue de M. Major. Je crois que M. Major regarde une situation sans une perspective d'évolution, tel que je l'expliquais tout à l'heure, et sans, aussi, des réalités, je crois, importantes, qui sont nôtres maintenant et qui font qu'on peut voir le rôle du Procureur aussi dans une dimension, peut-être, nouvelle.

Alors, je suis conscient que les procureurs travaillent beaucoup, ils font un excellent travail, ils savent

que le ministre de la Justice est particulièrement sensible au travail qu'ils font. J'ai eu l'occasion de les rencontrer. Je vais les rencontrer de nouveau, mais je peux vous assurer, M. le Président, que cette rationalisation de nos dépenses, de nos effectifs ne touchera pas nos programmes et la qualité des services que nous offrons.

Le Président (M. Dauphin): Merci.

Dissociation des fonctions de

Procureur général et de

ministre de la Justice

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, j'aimerais aborder un autre dossier qui a fait les manchettes, récemment, relativement aux états d'âme du ministre relativement au poste de Procureur général.

Nous constatons avec surprise, il va sans dire, que le ministre de la Justice et Procureur général semble, permettez-moi l'expression, se chercher. En effet, en novembre dernier, le ministre de la Justice déclarait vouloir être libéré du dossier constitutionnel, soit de ses fonctions de ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes. M. Bourassa n'a pas, malheureusement ou heureusement, acquiescé à sa demande. À cette époque, le ministre ne semblait pas vouloir remettre en question ses responsabilités de Procureur général et ministre de la Justice.

Cependant, le ministre de la Justice récidivait, dernièrement, quant à ses fonctions de Procureur général qu'il voudrait bien confier à un directeur des poursuites indépendant, choisi par un vote des deux tiers de l'Assemblée nationale. Il semblerait qu'il existe un modèle suédois. Sous prétexte que les responsabilités reliées à son poste de Procureur général l'empêchent de jouer son rôle indispensable d'intervenant crédible dans les grands débats et de se prononcer, entre autres, sur des sujets comme la violence, l'intolérance, le racisme ou le respect des droits et libertés fondamentales, le ministre désire balayer du revers de la main l'institution que représente la fonction de Procureur général. D'ailleurs, par le passé, tous les autres ministres se sont très bien acquittés de leur tâche de ministre de la Justice conjointe à celle de Procureur général.

La question que l'on peut raisonnablement se poser est la suivante: Pourquoi le ministre de la Justice est-il mal à l'aise dans l'exercice de ces 2 fonctions? La seule réponse qui vient à l'esprit est malheureuse, car il semble que ce soit le ministre, personnellement, qui se sent coincé dans sa double fonction de ministre de la Justice et de Procureur général. D'ailleurs, il est fort difficile de souscrire aux propos du ministre, puisque la fonction de Procureur général est souvent la fonction la plus importante que remplit le ministre de la Justice.

De plus, qu'une personne soit choisie par un vote des deux tiers de l'Assemblée nationale ne constitue pas une panacée. Cela pourrait même avoir l'effet contraire dans le cas d'un poste tel que celui de Procureur général et donner non-confiance aux citoyens. Il demeure primordial, quant à moi, que le Procureur général réponde de ses actes devant l'Assemblée nationale.

Aussi, il faut mentionner, M. le Président, que le Procureur général est très bien représenté — et le ministre, d'ailleurs, l'a encore dit tout à l'heure — et ce, chaque jour, par les substituts du Procureur général, qui sont indépendants. Pourquoi vouloir les soumettre à un fonctionnaire directeur des poursuites? Le Procureur général s'estime mal représenté? Ou encore, comme je le disais tout à l'heure, est-ce que ce serait plutôt un voyage en Suède qui a été si formateur qu'il veuille transposer ici le modèle de directeur de poursuites?

Finalement, le ministre semble désirer être plus activiste. Il déclare, au cours d'une entrevue à la Presse canadienne: Dans notre société, il y a beaucoup d'intolérance que le ministre de la Justice souhaite dénoncer le plus vigoureusement possible, mais son poste de Procureur général le place sur la corde raide et l'empêche de le faire.

Je me sens limité dans mon rôle de ministre de la Justice, qui est aussi de dénoncer des situations d'intolérance et de non-respect des droits et libertés contenus dans les chartes.

Par ces propos, le ministre fait-il un aveu d'échec quant au travail de la Commission des droits de la personne? Voudrait-il faire double emploi avec la Commission des droits de la personne? Le seul dessein que l'on semble percevoir, c'est qu'après sa réflexion le ministre en arrive à la conclusion du retour de l'ancien partage avec le ministre de la Sécurité publique, où ce conflit est beaucoup plus grand pour le Procureur général. Y a-t-il une commande du Trésor, là-dessus?

Alors, ce sont toutes ces questions que je me pose.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre. (21 h 30)

M. Rémillard: M. le Président, je suis extrêmement déçu, extrêmement déçu de voir comment le député d'Anjou traite cette question avec bassesse dans ses opinions. Il a lu sa question, et j'ose croire, M. le Président, qu'elle a été préparée par des recherchistes ou des gens en mal de petite politicaillerie beaucoup plus que vouloir s'élever pour parler d'un débat qui est au coeur même d'une société démocratique comme la nôtre. C'est bas, c'est mesquin, c'est indigne d'un critique de la justice. Jamais Mme Harel, jamais M. Filion n'auraient dit des choses pareilles, M. le Président. Au contraire. Vous les avez connus, ces gens-là. Ce qu'ils auraient fait, ils n'auraient peut-être pas partagé les opinions avec moi, mais au moins ils auraient eu l'intelligence de soulever la question correctement et d'en discuter correctement.

On n'est pas ici pour être d'accord. On est ici pour discuter de façon intelligente. Est-ce que le député d'Anjou sait que cette question, M. le Président, a été l'objet d'une étude de la Commission de réforme du droit du Canada? Est-ce qu'il le sait, M. le Président? Bien, qu'il lise le livre, s'il le sait. Est-ce que le député d'Anjou sait que la plupart des pays démocratiques se posent cette question, et certains ont changé, que ce soit

l'Angleterre, que ce soit l'Ecosse, que ce soit d'autres pays? Suède? Je ne suis jamais allé en Suède. Je ne sais pas quelle est la situation en Suède. S'il a des informations, qu'il me les donne. Moi, ça me fait toujours plaisir d'avoir des informations qui peuvent m'aider à prendre de bonnes décisions.

Mais j'ai demandé au ministère de la Justice de pouvoir alimenter une réflexion que la plupart des provinces, je dirais toutes les provinces, abordent. D'ailleurs, on va en parler ici, quand je vais recevoir mes collègues à Québec, on va en parler. On va en parler, de ce sujet-là, la distinction entre Procureur général et ministre de la Justice, de quelle façon, sur le plan pénal et criminel, on peut assurer un maximum d'impartialité, d'indépendance, M. le Président.

Mon souci, comme ministre de la Justice, c'est d'assurer qu'il y ait, au Québec, une administration de la justice la plus objective, la plus impartiale possible. Il y a une convention qui se fait à notre niveau, M. le Président, et qui se fait très bien, qui fait que, comme Procureur général, au niveau du Conseil des ministres, je n'ai pas à répondre. Au niveau de l'Assemblée nationale, on le respecte aussi, du côté de l'Opposition comme du côté ministériel. C'est très bien.

Comme ministre de la Justice, j'appartiens au gouvernement. Je défends mes politiques. Quand j'ai un projet de loi, l'Opposition peut voter contre, nous, on vote pour, et on en discute. Mais, M. le Président, lorsqu'on parle de poursuivre d'autres citoyens, les citoyennes, lorsqu'on parle au point de vue criminel et pénal... je ne parle pas du rôle du Procureur général au niveau civil. C'est différent. Je parle au point de vue pénal. Il faut qu'on s'assure d'un maximum d'impartialité et il faut qu'on s'assure aussi que le ministre de la Justice puisse avoir les moyens d'intervenir sur la place publique le plus librement possible. Et ces interrogations que je me pose, M. le Président, le député d'Anjou devrait le savoir, que ça fait partie des interrogations soulevées par des commissions d'étude au Canada et de beaucoup de pays démocratiques, comme je le mentionnais, il y a quelques instants.

Il n'y a rien d'inusité, mais il y a simplement à initier un débat pour qu'on puisse en arriver à avoir le meilleur système possible. M. le Président, qu'il lise donc le livre de la Commission de réforme du droit du Canada. Ça va l'instruire un peu. Je vois qu'il est assez limité dans ses lectures. Ça va lui faire du bien. Alors, il pourra ensuite en discuter d'une façon plus intelligente.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Oui, M. le Président.

Justement pourquoi j'ai traité cette question de cette façon, M. le Président, c'est parce que j'ai le plus profond respect pour l'institution de Procureur général. Et je m'attendais justement que, s'il y avait une remise en question d'une telle institution, qu'elle ne se ferait pas de cette façon, par des déclarations dans les jour- naux, mais plutôt d'une façon peut-être ordonnée devant cette commission, par un document de consultation, un document de réflexion. J'ai été, je dois dire, choqué quand j'ai vu ces déclarations où on remettait en question, justement, cette institution qui est celle du Procureur général. C'est pour ça que je la prends un peu sous cet angle et non pas parce que je la méprise ou que je la prends à la légère.

Alors, à ce moment-là, le ministre voit très mal mes intentions. Je suis, moi aussi, choqué de cette façon. Je ne pense pas que c'était une façon, justement, d'engager un débat sur une chose aussi sérieuse. C'est vrai qu'il existe dans des pays des façons où le poste de Procureur général est dissocié. Je regarde aux États-Unis où le Procureur général est élu comme le sont les juges, d'ailleurs.

Mais il y a toujours ce phénomène de la responsabilité. Et, pour moi, justement, de confier ça à un fonctionnaire, un peu comme un Protecteur du citoyen, pour moi, c'est quelque chose qui, en moi... j'ai peine à accepter. Alors, je ne comprends pas pourquoi le ministre s'emporte de cette façon. Moi, tout simplement, j'ai peine à comprendre qu'on aborde, justement, une discussion sur un sujet si délicat par des déclarations dans les journaux, à savoir exactement: Après ça, est-ce que ça correspond réellement à un projet concret de remise en question de cette institution fondamentale qu'est celle de Procureur général?

M. Rémillard: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: ...s'il y a un forum où on peut discuter, c'est bien le forum d'une commission parlementaire comme la nôtre. Alors, pour ma part, je répète qu'un tel sujet doit être discuté et alimenté par des réflexions de parlementaires, de part et d'autre. Il n'y a pas de partis politiques, lorsqu'on discute de ces sujets-là, il n'y a pas de remarques de politicaillerie, quand on discute de ces sujets-là. On discute du rôle du Procureur général.

Par conséquent, ce que j'ai dit, au ministère de la Justice, c'est qu'on m'alimente dans une réflexion que je poursuis avec mes gens, que je vais poursuivre avec mes collègues des autres... les ministres des autres provinces et du gouvernement canadien. Je vais éventuellement avoir à faire rapport au niveau gouvernemental de cette réflexion. Or, moi, je croyais, M. le Président — je me rends compte que je me suis trompé — mais je croyais que les crédits auraient pu permettre de prendre pas trop de temps. On aurait pu prendre quelques minutes, et puis, on aurait pu l'aborder de cette façon-là, et j'aurais aimé avoir, objectivement, le sentiment des membres de cette commission.

Je vois les députés qui sont ici et qui auraient aimé y participer aussi, mais je m'aperçois que le député d'Anjou, M. le Président, n'a pas été capable de traiter ce sujet-là avec la dignité que ça comprend. Alors, c'est dommage. Tout simplement, je trouve que

c'est dommage.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): ...je devrais faire remarquer au ministre que je voulais aborder les crédits, justement, par le programme 9, justement, là, les questions particulières à poser relativement à cette institution. Je l'ai dit, à part ça, au ministre, que ce sujet avait été maintes fois négligé. Est-ce que le ministre comprend que, maintenant, il nous reste 20 minutes pour faire... pour finir le programme 9? Justement, je pense qu'il y avait matière à avoir une discussion sérieuse là-dessus. Mais je pense que le ministre ne voulait pas que cette discussion se fasse et voulait qu'elle se fasse en fin d'étude des crédits, et moi, je le déplore d'une façon virulente, M. le Président.

Alors, je dois comprendre des propos du ministre que, vraiment, il a une idée arrêtée de remettre en question le Procureur général ou qu'il y a une réforme en l'air. C'est ce que je dois comprendre. Alors, j'attendrai, à ce moment-là, comme tout le monde. On va attendre exactement le fruit de la mûre réflexion du ministre, et il peut être certain que je participerai à ces débats avec toute l'objectivité et la non-partisanerie qu'il y aura. Cependant, j'aurais préféré que ce débat soit enclenché d'une autre façon.

M. Rémillard: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: ...qu'on comprenne bien, il ne s'agit pas de remettre en cause l'institution du Procureur général. Au contraire, il s'agit de donner à cette institution un maximum de crédibilité, d'impartialité; c'est ça qu'il s'agit de faire. Il s'agit de voir quelles pourraient être les relations entre un Procureur général, en ce qui regarde le domaine criminel et pénal, et le rôle du ministre de la Justice. Je ne dis pas, M. le Président, qu'on arrivera à séparer ces 2 rôles. Il se peut bien qu'on continue comme c'est présentement, mais il se peut bien aussi que j'en arrive à suggérer au gouvernement d'autres façons de voir les choses, à l'instar de bien des pays démocratiques.

Je vais continuer à discuter de ce sujet avec tous les parlementaires qui veulent me faire part de leurs commentaires. M. le Président, j'ai reçu, de la part de mes collègues du caucus, beaucoup de commentaires, à la suite de ce qui est paru dans les journaux. J'ai eu bien des commentaires de gens qui sont venus me dire: Ecoutez, oui, de fait, on peut se poser des questions: Est-ce que ce ne serait pas une bonne chose? Par contre, est-ce qu'il ne faudrait pas tenir compte de tel autre aspect?

J'ai eu des commentaires de plusieurs de mes collègues du caucus qui sont venus me le dire. Je dois dire même qu'au moins 2 personnes de l'Opposition qui, informellement, m'en ont parlé. Informellement, ils ont dit: C'est vrai que c'est une question qu'il faut se poser. Ils me l'ont fait en toute franchise, parce qu'il n'y a pas de question de partisanerie politique là-dedans, d'aucune façon. Et moi, je n'imposerai absolument pas quoi que ce soit dans ce dossier-là. Ma seule considération, c'est celle d'avoir une institution du Procureur général qui est la plus crédible, la plus impartiale possible. C'est ma seule considération, mon seul objectif, M. le Président. (21 h 40)

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.

M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, j'aurais encore tous ces dossiers, relativement au programme 9, à traiter. Malheureusement, comme on a traité ce dossier en dernier, je ne pourrai pas le traiter. Donc, je vais donc terminer le programme 9 là-dessus.

Ma collègue, la députée de Terrebonne, aurait des questions à poser à la Curatrice.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Alors, il nous reste une vingtaine de minutes. M. le député de Viger.

M. Maciocia: Oui. Je voudrais seulement faire une remarque, M. le Président, parce que le député d'Anjou, il vient de dire qu'il avait encore beaucoup de questions à poser sur le programme 9. Est-ce que je dois comprendre 2 choses? Une, que les autres questions qu'il a posées, avant, ce n'était pas important dans les autres programmes ou, deuxièmement, auprès de son caucus, il n'a pas réussi à avoir plus d'aide disponible pour l'étude des crédits du ministère de la Justice, parce que, M. le Président, et j'ai compris tantôt, et heureusement — je dois faire cette précision — qu'on n'a pas commencé avec le programme 9 parce que, de la façon qu'il l'a abordé, le député d'Anjou, je crois que ce n'était pas vraiment la bonne façon. Il n'y avait pas d'objectivité, il n'y avait pas de sincérité dans ça. Il y avait seulement de la politicaillerie. Il y avait seulement vraiment, comme l'a dit le ministre, de la mesquinerie.

Je suis heureux de ne pas avoir donné le consentement de commencer avec le programme 9.

Le Président (M. Dauphin): Alors, si je comprends bien, on va adopter le programme 9 et, tel qu'entendu, nous allons passer la balance de l'enveloppe avec Mme la Curatrice publique. C'est ça? Consentement avec le ministre de la Justice. C'est ça?

Alors, le programme 9 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Alors, maintenant, Mme la députée de Terrebonne, avec le ministre de la Justice, et est invitée, évidemment, Mme la Curatrice

publique. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président... Curatelle publique

M. Rémillard: M. le Président, si vous me permettez de présenter peut-être Mme Fontaine.

À la demande de l'Opposition, Mme Fontaine a bien voulu accepter d'être avec nous ce soir, M. le Président. Normalement, les crédits de la curatelle publique ne sont pas étudiés, ne font pas partie du ministère de la Justice. Donc, normalement, on n'aurait pas à en discuter ici. Cependant, je dois dire, M. le Président, que s'il y a une loi dont je suis fière, c'est celle que nous avons votée pour réformer la curatelle publique, avoir un véritable système pour aider nos gens inaptes.

Cette curatelle, M. le Président, a été réformée dans le sens qu'on a mis fin, tout d'abord, au système de mise en curatelle automatique. On a aussi adopté différents moyens pour s'occuper des inaptes en fonction de leur degré d'inaptitude. On a créé le mandat, en cas d'inaptitude, un mandat qui nous permet, lorsque nous sommes aptes, que tout va bien, qu'on est en santé, de choisir la personne que nous voulons pour nous représenter ou pour représenter nos biens, pour voir à nos biens, lorsqu'on devient inapte. Et je devrais dire, M. le Président, que ce mandat a de plus en plus la faveur du public, de plus en plus de gens font ce genre de mandat.

Alors, c'est une loi dont je suis particulièrement fier. Je crois qu'elle apporte, lorsqu'on parle d'humaniser la justice, cet élément humain qui manquait dans une loi qui touche profondément la capacité de l'être humain et qui touche aussi la dignité de l'être humain. Ça peut nous amener, par exemple, à considérer qu'une loi comme sur le malade mental, par exemple, pourrait nous amener à beaucoup de réflexions aussi.

Alors, M. le Président, on a eu l'occasion, dans les derniers jours, les dernières semaines, de parler d'un cas particulier et, donc, ce cas a soulevé des questions en Chambre. On a aussi vu un reportage à la télévision. Mme la Curatrice a pu répondre à certaines questions. J'ai moi-même répondu aux questions en Chambre, et Mme la députée de Terrebonne s'est aussi rendue aux locaux de la commission. Elle a pu en discuter avec tout le personnel, avec Mme la Curatrice et avec tout le personnel de la curatelle publique. Elle l'a fait, je crois, de bonne foi, et j'ai l'impression qu'elle a eu de bonnes informations.

Alors, M. le Président, je remercie Mme Fontaine, la Curatrice publique, d'avoir accepté d'être ici avec nous ce soir pour répondre aux questions aux membres de cette commission.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.

Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président.

Alors, je vais évidemment apporter certaines précisions. Je pense que, du côté du programme de la Justice, pour l'ensemble du programme de la Justice, nous avons obtenu 9 h 30, et je dois remercier mon collègue, porte-parole de la Justice, le député d'Anjou, pour m'avoir permis de venir parler de ce problème de la curatelle, parce que nous avions précisé au leader du gouvernement que nous souhaitions le faire au moment de l'étude de l'aide juridique, et c'est le ministre qui nous a demandé de venir le faire aujourd'hui.

Je dois également préciser que, lorsque je suis allée rencontrer la Curatrice publique, il n'était pas question de discuter d'un cas particulier, mais bien de discuter d'une manière générale sur l'ensemble de ce qui se faisait au niveau de la curatelle publique. Je la remercie des informations que j'ai reçues.

Correctifs apportés aux procédures suivies depuis le décès de Mme Plessis-Bélair

Effectivement, M. le Président, les 1er, 7 et 8 avril, aussi en débat de fin de séance, nous avons discuté d'un cas particulier, c'est-à-dire les conséquences déplorables suite au décès de Mme Plessis-Bélair, qui avait été présenté aux nouvelles, à la radio anglaise de la société Radio-Canada. Nous avions noté, et le ministre avait reconnu qu'il y avait eu, et je le cite: II y a eu quelques maladresses qui ont été faites dans ce dossier.

Parmi les maladresses, on peut évidemment déplorer le manque d'information à la famille concernant ce dossier. On peut aussi déplorer, et c'est ce que j'ai dénoncé assez vivement, de ne pas avoir donné une sépulture à Mme Plessis-Bélair dans le terrain familial dont elle payait l'entretien, de ne pas avoir non plus payé l'inscription sur la fosse commune au moment où on a envoyé une demande à la curatelle publique, mais on doit aussi déplorer, je pense, l'attitude du directeur des services collectifs, M. Yvon Desjardins — je ne sais si on peut qualifier de maladresse ou de manque d'éthique professionnelle—qui a reçu la nièce de Mme Plessis-Bélair pour des informations et qui a, je pense, vraiment manqué de professionnalisme en allant jusqu'à téléphoner à son patron pour le prévenir que madame faisait des recherches à la curatelle publique. Et cette attitude-là...

Le ministre nous disait tantôt à quel point c'était important, il fallait être fier d'une loi qui touche les inaptes. Mais, justement, puisque cette loi doit assurer la protection des personnes inaptes, il faut à tout prix que la curatelle publique soit au-dessus de tout soupçon. On ne peut accepter d'aucune manière qu'un directeur des services collectifs de la curatelle manque de professionnalisme à ce point. Ce n'est pas seulement une maladresse. Je pense que c'est quelque chose de tout à fait inacceptable.

Est-ce qu'on peut nous informer sur les correctifs, les corrections qui ont été apportés? Qu'est-il advenu de M. Desjardins dans ce dossier et qu'est-ce que, concrètement, le ministre a l'intention de faire pour que ça ne se reproduise plus, à l'avenir, des situations comme celle-là?

Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme la députée.

M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, j'ai eu l'occasion, donc, de répondre en Chambre aux questions de Mme la députée de Terrebonne et, suite -à des conversations que j'ai eues avec Mme la Curatrice, Mme Fontaine, et aussi, je dois le dire, avec le Protecteur du citoyen, j'en suis arrivé à la conclusion que tout avait été fait de bonne foi dans ce dossier et qu'il y avait eu quelques maladresses.

J'ai eu l'occasion, M. le Président, dans mes réponses, d'énumérer ces maladresses qu'il y avait eu dont, entre autres, bien sûr, l'intervention de M. Desjardins, qui est une intervention malheureuse, définitivement malheureuse. Il ne faut pas en exagérer quand même la portée, M. le Président, mais c'est une intervention qui est malheureuse. En ce sens, il y a quand même des dispositions qui ont été prises sur l'administration des dossiers, oui, parce qu'il y avait des pièces dans le dossier qui auraient pu être trouvées. Elles n'ont pas été trouvées, c'est évident. On me dit que c'est un dossier très épais, très difficile. C'est vrai, mais il reste quand même que ça n'a pas été trouvé.

Alors, là, il y a des moyens à prendre pour que, la prochaine fois, elles se trouvent. Il y a des moyens de gestion plus efficaces, et je vais laisser, tout à l'heure, Mme Fontaine nous préciser les moyens qui sont pris à la suite, donc, de ce qui s'est passé dans ce dossier. (21 h 50)

Mais je dois dire aussi, M. le Président, qu'en ce qui regarde un aspect important, c'est la disposition des corps de personnes qui sont sur la curatelle, j'ai communiqué avec le Protecteur du citoyen, M. Jacoby. M. Jacoby me disait qu'il avait enquêté dans ce dossier, en ce qui regarde la disposition des biens, et il a dit que, quant à lui, la disposition des biens avait été faite d'une façon impeccable, correcte, sans aucune bavure.

Alors, à ce niveau-là, j'ai donc eu le rapport du Protecteur du citoyen, et le Protecteur du citoyen, après avoir discuté, est arrivé à la conclusion qu'il aimerait faire peut-être aussi une étude sur les dispositions du corps des personnes qui sont donc inaptes et qui sont sous la curatelle, et qu'est-ce qu'on fait de leur corps, de quelle façon on dispose de leur corps.

Je sais que, en ce qui regarde aussi la Curatrice, c'est un sujet qui la préoccupe beaucoup et que des dispositions vont être prises à ce niveau-là aussi. Alors, si vous me permettez, M. le Président, avec votre permission, je laisserais Mme Fontaine répondre, donc, aux questions qui viennent d'être posées et je pourrai faire un commentaire ensuite pour terminer.

Le Président (M. Dauphin): Très bien, Mme Fontaine.

Mme Douville-Fontaine (Nicole): M. le Président, Mme la députée Caron, vous avez plusieurs volets à votre question, sinon plusieurs questions. Je me per- mettrai peut-être de les reprendre une par une et vous donner de nouveau un complément d'information.

Vous avez mentionné le manque d'information à la famille. Il y a peut-être 2 éléments, 2 temps dans ce manque d'information. Il y a le moment où le décès est survenu, le 24 décembre, bon, la famille n'a pas pu être rejointe, et je l'ai déploré aussi. Cependant, je pense qu'il faut noter que tous les efforts ont été faits pour rejoindre les membres de la famille. Malheureusement, ni l'hôpital, ni le centre d'accueil, ni nous-mêmes n'avons pu rejoindre aucun des membres de la famille. Nous avons essayé de contacter une soeur que nous avions au dossier. Ça n'a pas été possible, ça a été impossible de la rejoindre.

Donc, ce que je tiens à faire remarquer ici, M. le Président, c'est les efforts qui ont quand même été faits pour rejoindre la famille, pour s'assurer que la famille était au courant et pouvait se prévaloir des mesures qu'elle pouvait prendre. Malheureusement, le nom de la nièce nous a échappé, autant au centre hospitalier qu'à nous. Effectivement, il se trouvait peut-être peu lisible dans le dossier, mais il était là et il nous a échappé, et j'ai exprimé déjà à M. Rémillard mes regrets quant à cette maladresse. Bon, voilà pour ce point.

Le deuxième point, la sépulture qui a eu lieu, quand même, je peux vous assurer que la façon dont ça se passe, on a pu le vérifier par après, ça se fait quand même dans le plus grand respect de la personne. Peut-être peut-on souhaiter mieux, qu'elle ait pu être enterrée dans le terrain de la famille, nous le souhaitons également, ça n'a pas pu se faire. Cependant, je tiens à faire remarquer que le plus grand respect est manifesté à la personne, au corps, lors de la sépulture.

Troisième élément, la plaque dans le cimetière. Vous nous avez informés qu'il y avait eu une démarche de la part du cimetière. Nous avons, dans les derniers jours, relancé le cimetière pour voir ce qu'il était possible de faire. Ils ont effectivement plutôt contacté le centre d'accueil que nous, et nous avons reçu copie de cette demande, et, s'il y a lieu de pouvoir le faire, là, il appartient à la famille de se prévaloir, de faire installer cette plaque-là. Il n'appartient pas au Curateur public de pouvoir faire ça. Alors, la famille pourra en tout temps, selon ses désirs, faire apposer une plaque — je pense qu'il y a probablement lieu de le faire — et la famille verra à se prévaloir de ce privilège.

J'aborde maintenant l'attitude de M. Yvon Desjardins, qui est directeur des services collectifs chez nous. Je déplore cette attitude. Elle n'est pas appropriée, elle ne correspond pas à l'approche clientèle que nous avons mise en place et que nous perfectionnons sans cesse. Cet exemple nous montre qu'il faut continuer nos efforts. J'en suis. Je pense que, quand même, il faut souligner que M. Desjardins croyait bien faire, et il n'y avait pas d'intention maligne de sa part. Il m'a dit, par après, avoir regretté son attitude et son geste, et je l'ai avisé que je trouvais que c'était tout à fait inacceptable, et je pense qu'un suivi... Je vais m'assurer de suivre auprès de lui que ces attitudes-là ne se reproduisent pas.

Quels moyens, maintenant, avons-nous pris ou

comptons-nous prendre pour corriger ou s'assurer que des situations semblables ne se reproduisent pas? Je dois peut-être informer la commission que nous avons environ 1000 décès par année, au Curateur public; 1000 personnes dont nous assurons la protection décèdent. Dans la plupart des cas, les familles vont réclamer les corps. Il arrive, dans certains cas isolés, que les familles ne puissent pas être rejointes, pour différentes raisons. Ce n'est pas toujours le temps des fêtes, heureusement, où les familles sont plus présentes.

Alors, généralement, la famille va se présenter. Dans les quelques cas où la famille ne se présente pas, effectivement, c'est la loi de protection de la santé publique qui s'applique. Il y a des ententes entre les centres hospitaliers, les centres d'accueil et les facultés de médecine. Peut-être y a-t-il lieu de réviser cette façon de faire. C'est une révision qui devra se faire avec le réseau santé sociale et le Curateur public, le réseau de la justice. Il faudra voir s'il y a des corrections qui devront être apportées.

Pour ma part, je dois dire qu'au Curateur public nous avons une directive qui éclaire concernant la disposition des corps dans ces situations-là. Bien sûr que, dès le lendemain de ce malheureux événement, nous avons mis en oeuvre une révision de cette directive et nous allons voir, s'il y a lieu, à changer notre façon de faire, si on peut l'améliorer, et nous recevrons avec grand plaisir les recommandations de M. Jacoby pour voir, effectivement, puisque ce n'est pas seulement notre loi qui est en cause, si on pourrait faire autrement.

Je pense que ça termine, peut-être, les réponses que je peux faire à vos questions et j'ajouterai, en terminant, les propos que je vous tenais, lors de votre récente visite, que nous avons beaucoup appréciée, à l'effet que nous prenons soin des personnes, nous représentons les personnes tout autant, sinon plus que les biens et que, dans tous les cas, nous essayons d'impliquer les familles. Il arrive, parfois, que c'est très difficile, sinon impossible. Je pense que la situation que nous venons de vivre le démontre. Nous devrons déployer d'autres efforts, peut-être, M. le Président, pour s'assurer que ça ne se reproduise plus jamais.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme Fontaine.

Mme la députée de Terrebonne, nous terminerons nos travaux à 22 h 4. Nous avons débuté 4 minutes en retard.

Mme la députée.

Mme Caron: Merci, M. le Président.

Je vous avoue que je vous trouve bien douce, et une simple remontrance pour un fait qui est grave. C'est très grave, et le ministre lui-même, dans ses réponses à l'Assemblée nationale, avait insisté sur l'importance de la confidentialité dans ses dossiers, et, à la curatelle aussi, on insiste toujours sur l'importance, mais la grande importance qu'on accorde à la confidentialité. Et, en même temps, le directeur des services collectifs, lui, sans tenir aucunement compte de l'importance de la confidentialité, appelle le patron d'une personne qui vient chercher de l'information, alors que le patron n'a strictement rien à voir avec le dossier, pour l'informer de ne pas chercher son employée. Si elle lui a dit que c'était des vacances, ce n'est pas ça, là, elle est en train de faire des recherches à la curatelle publique. Je vous avoue, là, qu'une simple remontrance pour un acte qui est vraiment inacceptable, vous l'avez dit, c'est important, il faut que la curatelle publique soit au-dessus de tout soupçon. Lorsqu'on nous dit que c'est une question si la famille s'informe ou pas, je vous avoue qu'on peut faire un grand débat de société.

Moi, je m'inquiète beaucoup. Une personne qui a des biens dont vous êtes chargé d'assurer la protection de la personne et des biens, si personne ne réclame son corps, même si cette personne et vous aviez les preuves au dossier, qu'elle payait pour l'entretien du terrain familial, la curatelle payait pour ce terrain avec l'argent de la personne. Que quelqu'un l'ait réclamé ou non, vous administriez ses biens et, donc, vous étiez responsable aussi de son corps après, et, même en payant cet entretien, la personne se retrouve dans une fosse commune où on ne paie même pas pour l'inscription. (22 heures)

Je pense que le fait qu'on nous dise que c'est quelque chose de normal, c'est dans les procédures habituelles, vous l'avez dit dans votre communiqué, c'est une mesure habituelle dans ces cas, ça m'apparaît, si c'est habituel, tout à fait inacceptable. Ce n'est pas le fait qu'une personne n'ait pas de famille ou que personne ne réclame son corps qui doit faire qu'on n'assure pas cette protection-là, même après son décès. Puisqu'on a administré ses biens, on peut au moins s'assurer de lui donner une sépulture selon ce qu'elle vivait, selon ses croyances.

Là-dessus, je pense qu'il va absolument falloir apporter les correctifs nécessaires parce que, pour moi, c'est quelque chose de tout à fait inacceptable. Je pense qu'il va falloir être beaucoup plus sévère et, au niveau de l'information aux familles, accorder beaucoup plus d'importance et de rigueur au niveau des dossiers. Parce que vous aviez aussi le dossier de la soeur de Mme Plessis-Bélair dont vous veniez de régler la succession, là, juste quelques mois... juste avant ce décès-là. Alors, vous aviez déjà en main tous les dossiers, toutes les preuves, et des papiers sont disparus dans un dossier. Vous comprenez que, même si c'est un cas particulier, c'est évident que ça nous inquiète. Parce que quand ça se produit pour un cas, on peut s'inquiéter sur ce qui se passe dans les autres cas.

Nous avons aussi appris que vous aviez également, au niveau du personnel, apporté certains changements. J'aimerais avoir certaines précisions là-dessus. Vous aviez engagé du personnel occasionnel pour faire la révision des dossiers, la révision complète des dossiers qui devait être faite pour le mois d'avril, de l'ensemble des dossiers de la curatelle. Vous aviez engagé du personnel occasionnel. Combien de ces personnes n'ont pas eu de contrat renouvelé? Vous avez aussi engagé de nouveaux postes permanents. Combien de

nouveaux postes permanents ont été créés? À ce qu'on nous aurait donné comme information, les personnes qui avaient travaillé dans les postes occasionnels ne pouvaient appliquer sur les postes permanents. Alors, cet aspect-là aussi — je dois accélérer — je voulais vous questionner là-dessus.

Le Président (M. Dauphin): C'est justement, si vous voulez qu'il reste du temps pour répondre... Il reste 2 minutes.

M. le ministre.

M. Rémillard: Oui. Alors, M. le Président, la députée de Terrebonne disait: Oui, c'est vrai, c'est un cas particulier. Alors, M. le Président, je me permettrais de dire une chose: C'est un cas particulier qui a été réglé. Il faudrait être très prudent, M. le Président. Il faudrait être très prudent. Il ne faudrait pas, à partir de ce cas particulier, généraliser et rendre insécures toutes ces personnes qui ont affaire à la curatelle publique.

M. le Président, c'est un service public, il faut faire attention. On a nos responsabilités, ici, comme parlementaires. Qu'il y ait un cas particulier où il y a eu des maladresses qui ont été commises, nous avons dit: Oui, très bien. Ça a été corrigé, M. le Président, point à la ligne. Je veux dire à quel point Mme Fontaine fait un travail remarquable, elle a toute ma confiance. Avec la nouvelle loi, elle a eu la responsabilité de voir tous les dossiers de curatelle qu'elle est en train de faire, compléter.

Le travail se fait très bien. Il y a près de 13 000 bénéficiaires, M. le Président. Il y a 6000 bénéficiaires au niveau privé, il y a près de 1000 décès par année et, maintenant, nous avons un cas particulier. Alors, je voudrais bien, M. le Président, qu'on soit prudent et qu'on ne vienne pas généraliser à partir d'un cas particulier. Il y a eu des maladresses au point de vue, par exemple, administratif, d'un administrateur. M. le Président, il y a eu une réprimande qui a été faite par écrit. Il me semble que c'est suffisant, ça. Des moyens ont été pris pour que ça ne se reproduise plus. Qu'est-ce qu'on veut de plus, M. le Président?

Alors, qu'on arrête donc de faire des histoires avec ça. Mme la députée, elle est allée à la Curatrice. Elle peut y aller quand elle voudra demander toutes les informations. Alors, M. le Président, qu'on traite ce cas comme un cas particulier... Et je veux vous garantir que le service que nous avons de la part de la curatelle est un service impeccable qui se fait avec la meilleure qualité possible en fonction de la dignité de la personne. C'est ma responsabilité, comme ministre, d'y voir, et j'ai l'intention de suivre tous ces dossiers comme j'ai toujours fait, avec la confiance que j'ai dans Mme la Curatrice, Mme Fontaine, et son équipe, M. le Président.

M. le Président, lorsqu'on demande des explications, j'en suis. Je crois qu'il faut demander toutes les explications, comme parlementaires, dans un sujet qui est aussi important que ce sujet de la curatelle, qui tient directement au respect de la dignité humaine, mais je demande qu'on le fasse aussi en respectant tous les autres cas qui peuvent être touchés et qui pourraient être tellement sensibles aux discussions que nous avons qu'ils pourraient se demander: Mais, écoutez, qu'est-ce que c'est ça? Qu'est-ce qui se passe? Comment on administre les biens? Qu'est-ce qu'on fait de ces personnes inaptes?

M. le Président, attention, il y a la réputation d'une institution qui est fondamentale, et cette réputation de cette institution de la Curatrice, de la curatelle n'est absolument pas en cause d'aucune façon, et les mots de Mme la députée de Terrebonne, je pense qu'ils sont particulièrement éloquents. Elle a parlé d'un cas particulier. Ce cas particulier, nous l'avons isolé. Nous l'avons réglé, point final, M. le Président, et je dois dire que, maintenant, nous allons travailler à avoir le meilleur service possible, un service de la meilleure qualité possible.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.

Alors, Mme Fontaine, voulez-vous dire le mot de la fin ou ça va? Le temps est terminé, mais on peut vous laisser quelques secondes.

Mme Fontaine: Je pense que je dirais que nous poursuivons l'amélioration de la qualité de nos services chez le Curateur public et que, si Mme Caron a d'autres informations à nous demander, ça nous fera plaisir de la recevoir et de répondre à ses autres questions.

Adoption de l'ensemble des crédits

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup.

Alors, c'est malheureusement tout le temps qui nous était dévolu. Alors, est-ce que l'ensemble des crédits budgétaires du ministère de la Justice, les programmes 1 à 10 pour l'année financière 1993-1994, sont adoptés?

Des voix: Adopté.

M. Bélanger (Anjou): Sur division.

Le Président (M. Dauphin): Adopté sur division. C'est ça? Alors, la commission des institutions, ayant accompli son mandat...

Mais, avant, j'aimerais remercier le ministre de la Justice pour s'être prêté à cet exercice démocratique, ses collaborateurs et collaboratrices, leur souhaiter un bon retour.

La commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 22 h 8)

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