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(Quinze heures seize minutes)
Le Président (M. Dauphin): Je déclare donc la
séance de la commission des institutions ouverte. Je vous rappelle le
mandat de cet après-midi, qui est de procéder à
l'étude des crédits budgétaires du ministre
délégué aux Affaires Intergouvernementales canadiennes,
c'est-à-dire le programme 5 du ministère du Conseil
exécutif, pour l'année financière 1992-1993. Avec le
consentement des membres de la commission, il y aura des remplacements, ou un
remplacement. M. le secrétaire.
Le Secrétaire: Mme Caron (Terrebonne) est remplacée
par M. Brassard (Lac-Saint-Jean).
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Alors,
puisqu'il n'y a pas d'entente particulière sur le partage du temps, la
présidence va s'assurer d'un partage équitable. J'aimerais tout
d'abord souhaiter la bienvenue, évidemment, au ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes,
lui demander, dans un premier temps, de nous présenter les personnes qui
l'accompagnent et, ensuite, de procéder à ses remarques
préliminaires. M. le ministre, bienvenue à l'étude de vos
crédits.
Remarques préliminaires M. Gil
Rémillard
M. Rémillard: M. le Président, je vous remercie.
C'est toujours avec un grand plaisir que nous travaillons sous votre
présidence et avec les membres de cette commission. Nous y étions
hier, très tard hier soir, en ce qui regarde la Justice. Maintenant,
nous aurons à discuter des crédits du SAIC, du Secrétariat
aux Affaires intergouvemementales canadiennes.
M. le Président, tout d'abord, oui, je voudrais vous
présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui pour
répondre aux questions des membres de cette commission. Tout d'abord,
à ma droite, Mme la secrétaire, sous-ministre en titre, Mme Diane
Wilhelmy; M. le sous-ministre adjoint, M. Daniel Beaudet; M. Gilbert Michaud,
qui est le directeur du bureau de la sous-mlnis-tre, donc qui m'accompagnent au
niveau du ministère, du Secrétariat, pour qu'on puisse donner aux
membres de cette commission les réponses les plus complètes; et,
à ma gauche, Mme Suzanne Levesque, qui est la directrice de mon
cabinet.
Alors, M. le Président, je dois vous dire tout d'abord qu'on m'a
préparé de très belles notes introductives, dignes du
travail qui se fait au SAIC, qui est un petit ministère, qui ne comprend
pas beaucoup d'effectifs, mais qui fait un travail exceptionnel. Ça fait
maintenant plus de six ans que j'en suis le ministre responsable. J'ai le
plaisir, donc, de travailler en étroite collaboration avec les membres
de ce Secrétariat et j'ai pu me rendre compte, M. le Président,
et je veux le saluer très sincèrement, du travail exceptionnel
qui se fait au niveau de ce Secrétariat sous la direction de Mme la
sous-ministre, Mme Wilhelmy.
M. le Président, j'ai donc des notes introductives très
complètes qui prendraient un certain temps. Mais, à la suite de
discussions que nous avons eues tout à l'heure, d'une façon bien
informelle, avec les membres de cette commission, nous en sommes arrivés
à la conclusion que je devrais abréger mes notes d'introduction
et nous pourrions donc terminer nos travaux à 18 heures. Donc, je vais
prendre tout au plus quelques minutes pour présenter les
activités du ministère, quitte, j'en suis certain, à
revenir plus en détail à la suite des questions que les membres
de cette commission voudront bien me poser. (15 h 20)
Alors, M. le Président, en 1991-1992, le Secrétariat aux
affaires intergouvernementales canadiennes a de nouveau été
appelé à oeuvrer dans un contexte qui n'est pas facile, contexte
qui n'est pas facile au moment où les Québécois et les
Québécoises sont confrontés à des choix
fondamentaux de société, tant au plan constitutionnel
qu'économique. Le gouvernement du Québec a continué de
profiter judicieusement des conseils que le Secrétariat, en
matière de relations fédérales-provinciales et
interprovinciales, a pu lui fournir. M. le Président, de par ma
responsabilité de ministre responsable des Affaires
intergouvernementales canadiennes, je dois faire en sorte que le Québec
puisse faire valoir sa place comme partenaire à part entière de
cette Fédération et puisse faire valoir les droits du
Québec à l'intérieur de la Fédération
canadienne.
M. le Président, à la suite de l'échec de l'entente
du lac Meech, nous savons qu'il y a, du côté
québécois, un processus qui a été enclenché.
L'entente du lac Meech ayant échoué, c'est tout un processus
constitutionnel qui a été discrédité. Je dis
«constitutionnel» puisque c'est un processus qui fait partie de la
Constitution du Canada depuis 1982 avec le rapatriement de la Constitution,
donc un processus qui a été discrédité et qui a
amené le premier ministre du Québec, M. Bourassa, au lendemain de
cet échec de l'entente du lac Meech, à mentionner que nous ne
participerions pas maintenant aux conférences consti-
tutionnelles et que nous privilégierions donc les relations
bilatérales. Et c'est dans cette optique, M. le Président, aussi,
à la suite de l'échec de l'entente du lac Meech, qu'a
été créée la commission Bélanger-Campeau,
commission qui a fait son rapport au printemps 1991 et qui a donné lieu
à la loi 150 votée par l'Assemblée nationale au mois de
juin de la même année, 1991, à la suite de la
recommandation faite unanimement par les membres de la commission
Bélanger-Campeau, avec quelques exceptions, bien sûr, en ce qui
regarde certains de ses membres.
M. le Président, cette loi 150 a donc institué deux
commissions parlementaires, l'une pour étudier les offres qui pourraient
nous parvenir du gouvernement fédéral et des autres provinces,
commission que vous présidez, M. le Président, et une autre sur
la souveraineté, qui a pour mandat d'étudier toutes les questions
afférentes aux questions concernant la souveraineté. Ces deux
commissions sont actives, font leur travail. De notre côté, nous
avons des relations bilatérales, soit avec le gouvernement
fédéral soit avec les gouvernements des autres provinces,
toujours avec le même objectif: voir à ce que les
intérêts du Québec soient respectés. Et ce sera aux
Québécois et aux Québécoises de décider de
leur avenir constitutionnel et politique par l'application de la loi 150 qui
prévoit, comme on le sait, M. le Président, un
échéancier serré, qui prévoit un
référendum, au plus tard le 26 octobre, sur la
souveraineté.
Or, M. le Président, c'est dans ce contexte aussi qu'à la
suite de l'échec du lac Meech, du côté du gouvernement
fédéral et des autres provinces, un processus s'est
enclenché pour préparer des offres au gouvernement
québécois et préparer ce que maintenant nous appelons une
ronde Canada, c'est-à-dire une réforme complète de la
Constitution canadienne. J'aurai l'occasion probablement tout à l'heure,
M. le Président, de répondre aux questions que voudront bien me
poser les membres de cette commission, et nous pourrons discuter plus en
détail des différents aspects de ces discussions, tant au niveau
fédéral qu'en ce qui regarde notre position constitutionnelle
comme gouvernement.
M. le Président, la responsabilité du Secrétariat
n'est pas simplement en ce qui regarde le dossier constitutionnel comme tel. La
responsabilité du Secrétariat, c'est aussi d'assister les
ministères sectoriels dans les relations
fédérales-provinciales et interprovinciales. Ce qui signifie, M.
le Président, aussi, que nous avons à être actifs dans
beaucoup de dossiers sectoriels, des dossiers qui sont particulièrement
importants pour faire reconnaître pleinement les intérêts du
Québec.
Vous me permettrez, M. le Président, de souligner un dossier en
particulier, quitte, toujours, à revenir au niveau des questions sur des
dossiers plus spécifiques. Mais j'aimerais, pour ne pas prendre trop de
temps, parler d'un seul de ces dossiers sectoriels, et c'est le dossier des
EDER, c'est-à-dire des ententes de développement
économique et régional. C'est un dossier particulièrement
important, M. le Président, parce qu'on ne peut pas penser en termes de
développement économique si on ne pense pas en termes de
développement économique régional. Le développement
économique du Québec passe par le développement
économique de ses régions et, par conséquent, M. le
Président, c'est donc un dossier, pour nous, qui a la plus grande
importance. On y a donr accordé beaucoup de temps, beaucoup
d'énergie, avec des résultats, cette année, qu'on peut
saluer, des résultats dont on peut être fiers.
M. le Président, les principes qui nous guident dans notre action
comme gouvernement du Québec dans ce secteur du développement
économique et régional, dans nos relations avec Ottawa, pour
planifier et coordonner l'action des deux niveaux de gouvernement, je les
reprends brièvement. Tout d'abord, pour nous, il s'agit de
reconnaître la prépondérance de la responsabilité du
Québec sur la planification et l'établissement des
priorités de développement économique et régional
sur son territoire. Il s'agit aussi, M. le Président, de bien
reconnaître la nécessité d'utiliser les mécanismes,
les structures et les programmes mis en place ou approuvés par le
Québec. Et, troisièmement, il s'agit, M. le Président, de
reconnaître la maîtrise d'oeuvre québécoise pour tous
les programmes et projets relevant de sa compétence.
En juillet 1991, le gouvernement du Québec présentait au
gouvernement fédéral une proposition de 1 356 000 000 $ pour la
négociation de huit ententes auxiliaires dans autant de secteurs
jugés prioritaires. Ces secteurs, M. le Président,
c'étaient le développement industriel, les forêts, les
mines, le tourisme, l'agriculture, les pêches, les transports et les
affaires culturelles.
En août, le gouvernement fédéral nous indiquait que
ses priorités d'intervention coïncidaient, pour l'essentiel, avec
celles du Québec, mais qu'il ne pouvait dans l'immédiat ni
répondre à toutes les attentes financières du
Québec ni engager des fonds dans tous les secteurs d'intervention
privilégiés par le Québec, en raison d'un contexte
budgétaire difficile.
Or, en novembre dernier, M. le Président, une première
entente auxiliaire était conclue. Il s'agit d'une entente sur le
développement industriel d'une durée de cinq ans et dotée
d'un budget de 300 000 000 $, réparti comme suit: une contribution
fédérale de 160 000 000 $ et une contribution du Québec de
140 000 000 $. Une seconde entente relative au développement touristique
étp.iî conclue en janvier de cette année. Q'ur\>
durée de cinq ans aussi, elle est de l'ordre de 100 000 000 $
partagés également entre les deux niveaux de gouvernement. Enfin,
tout récemment, soit au début du mois d'avril, une nouvelle
entente auxiliaire dans le secteur
forestier était également conclue par les deux
gouvernements. D'une durée de quatre ans, elle prévoit une
contribution totale de 136 000 000 $ répartie également entre
Ottawa et Québec. Je dois dire que mes collègues, les ministres
responsables de ces secteurs d'activité, ont fait un travail
remarquable, et il m'a fait plaisir de travailler avec eux, et les
résultats que nous avons, c'est le résultat d'un travail
coordonné, concerté que nous avons pu établir
ensemble.
Alors, M. le Président, je ne serai pas plus long. Je vais
m'arrêter là, respectant notre entente, et j'aurai certainement
l'occasion de revenir à la suite des questions que les membres de votre
commission voudront bien me poser. Je vous remercie, M. le Président.
(15 h 30)
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes,
pour vos remarques préliminaires. Je vais maintenant reconnaître
M. le porte-parole officiel de l'Opposition en cette matière, whip en
chef de l'Opposition et député de Lac-Saint-Jean. C'est à
vous la parole.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, je confirme l'entente qu'on
puisse s'efforcer, je pense que c'est tout à fait possible d'essayer
d'examiner les sujets les plus intéressants jusqu'à 18
heures.
Par déformation professionnelle probablement, j'aimerais
commencer par un rappel historique et d'abord rappeler qu'en avril 1982,
c'était le rapatriement unilatéral de la Constitution sans le
consentement du Québec, qui se voyait imposer, on s'en rappellera, une
diminution de ses pouvoirs en matière d'éducation et de langue,
et ça fait 10 ans déjà que l'impasse constitutionnelle
perdure. Le gouvernement qui est en place, qui a été élu
en 1985, posait cinq conditions minimales pour que le Québec
réintègre la Constitution canadienne comme partenaire à
part entière, avant d'envisager, dans une seconde ronde, une
révision du partage des compétences. Ces cinq conditions, on s'en
rappellera, on les connaît, et l'accord du lac Meech fut conclu en juin
1987 sur la base de ces cinq conditions minimales par les 11 premiers
ministres.
Le gouvernement du Québec s'est empressé de faire ratifier
cet accord le premier, à l'Assemblée nationale, le 23 juin 1987,
et, à cet égard, le premier ministre du Québec livrait un
discours tonitruant, et ça vaut la peine d'en citer un extrait. M.
Bourassa disait: «Le Québec remporte l'une des plus grandes
victoires de son histoire, reconnue incontestablement par la plupart des
observateurs objectifs comme l'une de ses grandes victoires politiques depuis
deux siècles. Pour la première fois, nous sommes gagnants dans un
débat constitutionnel, toutes les provinces acceptent toutes nos
conditions.
Qui peut dire mieux dans l'histoire constitutionnelle du
Québec?» Fin de la citation.
Bref, le discours carburait au superlatif, le discours du ministre
aussi; d'ailleurs, je m'en souviens bien. Et on connaît la suite. Trois
ans plus tard, l'accord du lac Meech se traH-jit par un échec lamentable
pour Québec et Ottawa en raison du refus du Manitoba et de Terre-Neuve
de faire ratifier l'accord par leur Législature en s'appuyant, il faut
le mentionner, sur un courant majoritaire de l'opinion publique au Canada
anglais qui refuse toujours de reconnaître le Québec comme
société distincte. Les Québécois ont ressenti le
rejet de l'accord du lac Meech comme une profonde humiliation. Trois ans plus
tard, le premier ministre du Québec déclare que «le
Québec est pour toujours une société libre capable
d'assumer son destin». Et, au salon rouge, le lendemain, dans son adresse
à la population, il indique que c'est fini, les négociations
constitutionnelles à 11; le processus de révision
constitutionnelle est discrédité, le Québec,
désormais, misera sur une approche bilatérale avec Ottawa.
Le ministre lui-même, aussi, récidivait ou
répétait, allait même plus loin en disant: Le
système est vicié, le Québec s'est fait piéger par
l'Acte constitutionnel de 1982; ça ne peut plus marcher, on ne peut plus
continuer comme ça, le fédéralisme à 11, c'est
terminé.
En septembre 1990, par suite de discussions entre le premier ministre et
le chef de l'Opposition, ce fut donc la création de la commission
Bélanger-Campeau qui procéda à une vaste consultation de
la population et qui fit une recommandation en mars 1991, réclamant la
tenue d'un référendum sur la souveraineté au plus tard le
26 octobre 1992, un référendum sur la souveraineté. Je
vous signale en passant que, depuis que la loi 150 a été
adoptée, le ministre, quand il parle de la loi 150 et du
référendum, il parle toujours du référendum, point.
Il l'a dit encore tantôt: La loi qui prévoit un
référendum, la tenue d'un référendum. Dans tous ses
discours, vous les relirez, je l'ai noté, je l'ai remarqué, il
parle toujours d'un référendum, la tenue d'un
référendum. Jamais il ne précise, comme la loi l'Indique,
que c'est un référendum sur la souveraineté. Jamais,
jamais, jamais II ne va le préciser, jamais il ne va l'indiquer.
On créa aussi deux commissions, comme on le sait, par cette
recommandation.
Le premier ministre et son ministre responsable, cependant, ajoutaient
au rapport, on s'en rappellera aussi, un addendum très significatif,
très signifiant, que je cite, entre autres: «Ainsi, disait-il,
d'une part, le gouvernement du Québec conserve sa faculté
d'initiative et d'appréciation des mesures favorisant le meilleur
intérêt du Québec; d'autre part, l'Assemblée
nationale demeure souveraine pour décider de toute question
référendaire et, le cas échéant, adopter les
mesures législatives appropriées.» Alors, on
prévoit un référendum sur la souveraineté,
mais, en même temps, on vous annonce qu'on n'est pas
intéressés de le tenir, et cet addendum prend toute sa
signification quand on prend connaissance de la déclaration
récente du premier ministre dans le quotidien français Le
Monde.
Alors, il y a eu une loi qui a suivi, ça a été la
loi 150 sur le processus de détermination sur l'avenir politique et
constitutionnel. Le gouvernement a repris la recommandation de
Bélanger-Campeau, mais il a ajouté des
«considérants» de son cru dans le préambule. Entre
autres, il a repris essentiellement les termes de l'addendum qu'on retrouve
à la fin du rapport Bélanger-Campeau, c'est-à-dire la
préservation de la faculté d'initiative du gouvernement.
Dans l'intervalle, on se rappellera que le Parti libéral a
adopté sa position constitutionnelle en faisant sien le rapport Allaire
qui prévoit, comme on le sait, une révision en profondeur du
régime fédéral. Ce rapport a été
adopté en mars 1991. On connaît les péripéties, le
départ de M. Ryan, puis sa réintégration dans les rangs du
concile de Trente après un exil très bref de 36 heures. Mais je
vous signale que le gouvernement du Québec, quant à lui, n'a
toujours pas de politique constitutionnelle officielle puisque la position du
Parti libéral du Québec n'est jamais devenue la position du
gouvernement. Il n'y a que le Parti libéral du Québec qui a une
position constitutionnelle, le gouvernement n'en a pas.
Pendant tout ce temps, le gouvernement fédéral multiplie
les maladresses avec des Initiatives en vue de préparer ses fameuses
offres. Après les affres de la commission Spicer, le gouvernement
fédéral rendait public le document «Bâtir ensemble
l'avenir du Canada». Ces propositions sont jugées inacceptables au
Québec pour plusieurs raisons, entre autres: une dilution du concept de
la société distincte; le droit de veto pour le Québec est
disparu; la réforme du Sénat implique une diminution du poids
politique du Québec; le transfert des pouvoirs se limite à un
seul secteur, la formation professionnelle; et les pouvoirs exorbitants sont
accordés à Ottawa en matière de gestion de l'union
économique.
Dans la foulée de ces propositions, Ottawa met sur pied le
comité Castonguay-Dobbie qui deviendra le comité Beaudoin-Dobbie,
et ce comité tient des consultations à travers le Canada, y
compris devant des salles vides, et l'on assiste aussi, le temps de cinq
conférences thématiques «coast to coast», à
une vaine tentative de renouement conjugal sous le signe d'un rituel liturgique
qui s'est vite dégonflé par l'interprétation unilingue
anglaise du «ô Canada» par Mme Forester, à Vancouver,
lors de la conférence synthèse. Triste fin de spectacle. Le
comité Beaudoin-Dobbie a déposé, au terme d'un sprint de
négociations digne d'un grand vaudeville, un pseudo-rapport unanime
truffé de dissidences des libéraux de Jean Chrétien et
aussi des néo-démocrates.
Ce rapport est inacceptable à maints égards pour le
Québec. Il offre moins que Meech et aussi pire que Meech, il ne comporte
aucune recommandation formelle d'un droit de veto pour le Québec, il
pose des conditions encore plus restrictives pour l'exercice du droit de
retrait avec compensation financière, n'accorde aucun transfert de
compétence exclusive au Québec, mise plutôt sur une
délégation de pouvoirs d'une durée de cinq ans ou
d'arrangements administratifs, prétend faussement offrir la
compétence exclusive du Québec en matière de culture et
propose un Sénat élu et plus équitable qui ne peut
conduire qu'à un affaiblissement du poids politique du
Québec.
Bref, on est aux antipodes des revendications traditionnelles du
Québec et bien en deçà des cinq conditions minimales de
Meech. D'ailleurs, dans sa réaction officielle, le premier ministre, qui
n'en a pas l'habitude, s'est senti forcé d'utiliser des gros mots pour
le condamner et a qualifié le fédéralisme qu'on y retrouve
de fédéralisme dominateur. C'est vraiment une
grossièreté dans sa bouche. Toutefois, soufflant le chaud et le
froid comme à son habitude, il a préféré prendre la
poudre d'escampette lors du vote de la motion que je présentais le 11
mars dernier pour rejeter le rapport Beaudoin-Dobbie.
Le lendemain, à Ottawa, le ministre Clark avait convoqué
ses homologues à une conférence. À la demande pressante du
premier ministre Bob Rae de l'Ontario, on a dû consentir à ajouter
six nouveaux joueurs à la table de négociation, soit quatre
représentants des nations autochtones et deux représentants des
Territoires. C'était compliqué à 11, imaginez à 16.
C'est maintenant devenu une véritable tour de Babel. Et, en plus, le
ministre Clark annonçait officiellement un report à la fin mai du
dépôt des offres finales. De son côté, le premier
ministre Mulroney, nouveau croisé des temps modernes, toute
visière levée, évoque un référendum
pancanadlen comme moyen de dénouer l'Impasse en passant pardessus la
tête des premiers ministres, y compris, au besoin, celle du premier
ministre du Québec. Une constance qui se dégage de la
stratégie fédérale au-delà du retour au discours du
Bonhomme Sept Heures de mai 1980, on en a vu un exemple encore
dernièrement à Hull, c'est que la confusion et l'improvisation
régnent en maîtres à Ottawa. (15 h 40)
Ainsi, à quelques mois de l'échéance
référendaire, l'impasse perdure. Pourquoi? Essentiellement, je
pense, en raison du choc des deux visions incompatibles dont parle abondamment
le rapport Bélanpor-Campeau, la vision du Canada anglais ét?"i
irréconciliable avec celle qui prévaut, qui prédomine au
Québec. D'ailleurs, un récent sondage Gallup le confirme quand on
dit que 66 % des Canadiens anglais s'opposent à la reconnaissance du
Québec comme société dis-
tincte et que 92 % des Canadiens anglais rejettent tout statut ou
pouvoirs particuliers pour le Québec. Ça, c'est la
réalité, c'est la vraie vie. Ce n'est pas la
pseudo-réalité fabriquée de consensus artificiels que
tente d'accréditer Ottawa dans le cadre des négociations en cours
avec les représentants des provinces. Sur le fond des choses, comme le
transfert de pouvciis, le droit de veto, le pouvoir de dépenser et le
Sénat, l'impasse perdure.
Dans le contexte actuel, le premier ministre, malheureusement, du
Québec affiche un comportement désinvolte et inquiétant en
multipliant les signaux d'ouverture à l'endroit du Canada anglais, parce
que tout ce qu'il recherche, c'est d'avoir des offres d'Ottawa, peu importe
leur substance, qui lui permettront d'éviter d'avoir à tenir un
référendum sur la souveraineté - c'est le spectre qui le
hante -d'ici octobre prochain et ainsi renier l'engagement formel qu'il a pris
à la fois dans le rapport Bélanger-Campeau qui porte sa signature
et dans la loi 150 qui en découle.
Ces signaux d'ouverture sont nombreux. Premièrement, il ne
s'oppose pas à la stratégie fédérale visant
à scinder les éléments des offres constitutionnelles en
deux résolutions, l'une prévoyant l'unanimité, l'autre
prévoyant l'application de la formule 7-50, sachant fort bien que celle
prévoyant l'unanimité ne sera jamais adoptée et c'est
celle-là, évidemment, qui comporterait un droit de veto, le droit
de veto sur les institutions. Donc, par conséquent, il a admis, il a
consenti implicitement à l'abandon du droit de veto du Québec sur
les institutions.
Deuxièmement, le premier ministre accepte la tenue d'un
référendum pancanadien moyennant certaines conditions dont la
règle de la double majorité, retournement inquiétant de la
part du premier ministre qui déclarait, en avril 1991, et je le cite,
à propos du référendum de 1942: «Je ne vois pas en
quoi nous pourrions aujourd'hui accepter qu'une solution au problème
constitutionnel du Québec puisse être imposée par nos
partenaires canadiens sans l'accord du Québec.» Un an plus tard,
il reconnaît le droit légitime d'Ottawa de procéder
à un référendum pan-canadien par lequel le poids de la
majorité du Canada anglais s'exercera au détriment des
intérêts du Québec.
Troisièmement, le premier ministre se serait
résigné à la clause de la société distincte
diluée, aseptisée et symbolique qui a fait l'objet d'un consensus
à la récente séance de négociations d'Halifax.
Selon les négociateurs fédéraux, tel qu'on le retrouve
dans Le Devoir du 7 avril, cette clause de société
distincte, calquée sur la recommandation de Beaudoin-Dobbie, satisferait
maintenant les exigences du Québec après avoir été
communiquée au gouvernement québécois. Pourtant, le 3 mars
dernier, lors de sa conférence, le premier ministre déclarait que
«le problème le plus important - quant au rapport
Beaudoin-Dobbie - quand on veut comparer avec l'accord du lac Meech,
c'est la définition de la société distincte». Donc,
il y aurait maintenant un aval à cette clause diluée de la
société distincte par rapport à Meech qui, en plus,
comporte une dimension dangereuse, puisquon obligerait le Québec
à contribuer au développement et à l'épanouissement
de sa minorité anglophone.
Quatrièmement, en répétant ad nauseam qu'il
s'attend à des offres satisfaisantes et qu'il est enchanté de
l'attitude de ses collègues du Canada anglais, j'imagine qu'il exclut
probablement Don Getty, Gary Filmon et Clyde Wells, et en amorçant la
semaine prochaine une tournée dans les capitales des provinces de
l'Ouest, le premier ministre confirme à ses interlocuteurs que le
Québec est parlable, que la fierté et la dignité du
Québec, c'est éminemment négociable, bref, que le
Québec est prêt au compromis, voire même à la
compromission. Par cette tournée dans l'Ouest, il prépare les
Québécois en douce à l'abandon de son engagement formel de
ne plus négocier à 11, pris au lendemain de l'échec de
Meech. Il prépare son retour à la table de négociation,
non plus à 11 mais à 17, lors de la conférence
constitutionnelle annoncée par Ottawa à la fin mai ou au
début juin suite au dépôt des offres.
Hier, le ministre délégué aux Affaires
Intergouvernementales qu'on a en face de nous, dans le sillage des ouvertures
récentes du premier ministre, poursuivait le triste «limbo»
constitutionnel, qui consiste à descendre toujours la barre plus basse,
en affirmant que le Québec retournerait d'ici quelques semaines à
la table de négociation à 17, avant même le
dépôt des offres finales, si les provinces offrent au
Québec à peu près en substance les cinq conditions de
Meech. Le gouvernement du Québec s'affaisse dangereusement en
déclarant qu'il se contenterait des cinq conditions de Meech en
substance. En clair, le Québec est prêt à se satisfaire des
cinq conditions de Meech en substance - encore qu'on ne sait pas trop ce que
ça signifie «en substance» - c'est-à-dire des mots ou
des concepts sans la portée juridique pourtant modeste des textes de
Meech. Cette déclaration confirme l'empressement du gouvernement
d'accepter à peu près n'importe quelle amanchure d'offres pour
retourner à la table de négociation. Il ne cesse de diminuer les
conditions de son adhésion à une entente constitutionnelle. Je
l'ai déjà dit, je le répète, la seule vitesse du
premier ministre à sa transmission constitutionnelle, c'est le reculons.
Une fois de plus, le gouvernement succombe à sa propension
congénitale de jouer les sous-tapis en matière
constitutionnelle.
Le premier ministre du Québec et son ministre négocient
déjà en coulisse. Je l'ai dit et je le répète, sa
tournée dans l'Ouest ne fait que le confirmer, même si le
gouvernement a le culot de prétendre qu'il ne participe ni directement
ni
indirectement à des négociations, alors que, selon les
fonctionnaires fédéraux, «le Québec est aussi
près de la table de négociation qu'il peut l'être sans
être physiquement présent». Le premier ministre ne va tout
de même pas dans l'Ouest pour échanger des banalités et
prendre le thé ou un verre de lait avec ses collègues.
Cinquièmement, le comportement inquiétant du premier
ministre s'est exprimé à travers sa déclaration au
quotidien français Le Monde où il passait aux aveux en
lâchant carrément le morceau: «Au moment, dit-il, où
je vous parle, je crois qu'il y aura des offres du gouvernement d'Ottawa,
proposant un renouvellement du fédéralisme canadien. Le
référendum portera sur les offres. Bien sûr, il faudra
alors amender la loi 150.» Fin de la citation. Une déclaration
aussi claire, précise et limpide, c'est rare chez M. Bourassa, il faut
le signaler. Toutefois, par cette déclaration, le premier ministre
appelle lui-même son propre bluff. Il réconforte le Canada anglais
qui a toujours pensé que le référendum sur la
souveraineté, c'était du bluff. Le premier ministre rassure
aujourd'hui le Canada anglais. C'est avec empressement qu'Ottawa, d'ailleurs,
par la voix de M. Clark, tenait à souligner sa satisfaction et son
soulagement. Ce faisant, M. Bourassa se livre pieds et poings liés aux
offres fédérales et réduit à néant son
pouvoir de négociation. Au Canada, où l'on a vite compris le
message, l'on se fera sans doute moins généreux.
Le président des jeunes libéraux, Mario Dumont, a
même déclaré publiquement que le premier ministre avait
été imprudent. Je cite M. Dumont: «C'est une
interprétation qu'on pourrait faire de l'article dans Le Monde,
qu'on serait prêt à accepter n'importe quoi. Il faut dissiper
cette perception-là.»
Cette déclaration du premier ministre au journal Le Monde
s'inscrit carrément dans la foulée de la supplique qu'il a
adressée au Canada anglais dans le discours d'ouverture de la nouvelle
session à l'Assemblée nationale au mois de mars dernier.
Il a bien tenté de minimiser la portée de sa
déclaration au Monde vendredi dernier auprès des
journalistes en essayant de recc.ïstiti "*r l'ambiguïté, le
clair-obscur dans lequel il se complaît en refusant d'indiquer ce qu'il
ferait si les offres étaient inacceptables. Il s'est contenté de
nous renvoyer à sa question alambiquée conçue il y a 10
ans et qu'il a ressortie à Bruxelles en janvier dernier, et qui
prévoit une souveraineté conditionnelle à une union
économique avec le Canada, chapeautée par un Parlement
supranational commun élu au suffrage universel. Bref, la quintessence
des fantasmes européens de M. Bourassa.
Dans une entrevue accordée à l'émission «Le
Point» vendredi dernier, le premier ministre a tenté de
réécrire l'histoire en atteignant un degré
inégalé de perversité intellectuelle. Il a prétendu
sans rire que «le consensus de Bélan- ger-Campeau reposait sur un
référendum en 1992, mais on s'est entendu pour faire un
référendum sur les offres moyennant un amendement à la loi
150. Ça a été le compromis ou l'entente de manière
à avoir un quasi-consensus à la commission
Bélanger-Campeau». Fin de la citation. Puis il poursuit, et je
cite de nouveau, «c'est donc que si on veut faire un
référendum sur des offres fédérales, on respecte la
loi 150, sauf qu'il faut l'amender». Fin de la citation. Il faut
être assez culotté! Pour respecter la loi 150, il faut l'amender.
Le référendum portera sur les offres et non pas sur la se
jveraineté en dépit de la loi 150 et de l'engagement formel pris
par le premier ministre par sa signature au rapport de la commission
Bélanger-Campeau. Quelle désinvolture de la part du premier
ministre qui ne cesse de se prétendre le défenseur des
intérêts supé eurs du Québec. Le comportement du
premier ministre est pour le moins inquiétant. Le véritable
danger qui guette le Québec, c'est l'empressement de ce gouvernement
à conclure une entente constitutionnelle à rabais ne respectant
pas les cinq conditions minimales de Meech et ne proposant pas une
révision en profondeur du régime fédéral au
chapitre du partage des pouvoirs afin de se dérober à son
engagement de tenir un référendum sur la souveraineté. (15
h 50)
Le véritable danger pour les intérêts du
Québec, c'est que le gouvernement présente comme acceptable une
amanchure d'offres fédérales en exploitant la fatigue et la
lassitude des Québécois à l'égard des questions
constitutionnelles. Le Québec ne doit pas se satisfaire des cinq
conditions de Meech en substance, mais amoindries dans leur portée
réelle, d'un réaménagement de quelques pouvoirs par le
biais d'arrangements administratifs et de modifications qui n'affecteraient pas
les pouvoirs de l'Assemblée nationale. Le Québec mérite
mieux que cela. Ce n'est pas là la révision en profondeur du
fédéralisme que prétend exiger le gouvernement
libéral pressé d'accepter n'importe quelle amanchure d'offres qui
viendrait d'Ottawa. Le gouvernement doit cesser d'entretenir l'illusion d'une
deuxième ronde de négociations, il n'y en aura pas. C'est la
ronde Canada et, après ça, c'est fini, rendez-vous à la
prochaine glaciation. Pendant que le gouvernement Bourassa s'impatiente
d'attendre des offres qu'il s'empressera d'accepter, le
fédéralisme concret, lui, continue de s'appliquer dans des termes
dominateurs. Coup sur coup, Ottawa a déposé trois projets de loi
visant à accroître ses pouvoirs de réglementation et
d'intervention en matière d'environnement et de communications. Je vous
rappelle la loi C-13 sur la mise en oeuvre d'un processus fédéral
d'évaluation environ; amentale. Le ministre québécois a
été très dur, il a parlé de «parfait exemple
du processus dominateur et totalitaire qui a cours dans les relations entre le
gouvernement fédéral et le Québec». En dépit
d'un appel téléphonique
du chef de cabinet du premier ministre québécois à
son vis-à-vis fédéral, le gouvernement
fédéral a fait adopter le projet de loi C-13 par la Chambre des
communes, le lendemain, par 172 voix contre 27.
Le 27 février dernier, c'est un projet de loi, C-62, du
ministère fédéral des Communications qui confirme la
mainmise d'Ottawa dans ce secteur. Le ministre québécois proteste
également, affirme que cela «constitue une menace sérieuse
pour l'identité culturelle des Québécois», puis
entre dans le silence.
Le gouvernement fédéral récidive à nouveau
en déposant, en mars, le projet de loi C-42 concernant la protection
d'espèces de faune et de flore, qui se traduit par un nouvel
empiétement du gouvernement fédéral en matière
d'environnement. Protestation des ministres de l'Environnement et du Loisir, de
la Chasse et de la Pêche qui dénoncent cette nouvelle intrusion.
Et ça, c'est pendant qu'on nous fait des minou-cheries pour
prétendre qu'on va réformer le fédéralisme dans le
sens de la décentralisation. En même temps! En même
temps!
Ces intrusions répétées, à la suite de
celles relatives aux secteurs de la formation professionnelle, de
l'alphabétisation, du décrochage scolaire et du
développement régional, s'inscrivent dans le contexte où
le gouvernement fédéral s'apprête à faire des offres
constitutionnelles. Alors, pendant que le fédéralisme dominateur
s'applique concrètement, le gouvernement du Québec continue
d'attendre des offres et de s'illusionner sur une révision en profondeur
du fédéralisme en matière de partage des pouvoirs. C'est
un triste spectacle, parce que, quand on voit les ministres réagir sur
le coup face à ces intrusions et à ces ingérences
dominatrices du gouvernement fédéral, puis, ensuite, rentrer dans
le rang et se taire, on est obligés de constater qu'on a en face de nous
une bande de pleurnicheurs impotents, impuissants, qui expriment leur
résistance héroïque par des jérémiades de
circonstance, mais très éphémères, qui n'affectent
en rien, mais alors pas du tout, la trajectoire du rouleau compresseur
fédéral. Ostensiblement, le fédéralisme dominateur
progresse pendant que les ministres protestent en disant, après coup: Je
me suis laissé écraser, mais vous avez remarqué mon
expression, hein? je n'étais pas d'accord. Mais ils se sont fait
laminer. Ils se font laminer en protestant.
C'est ça, la situation présente, et je conclus
là-dessus, M. le Président. On est en face d'un
fédéralisme centralisateur, dominateur, qui se poursuit
concrètement. Le rouleau compresseur est en route, puis ça fait
longtemps qu'il est en route, ça fait longtemps qu'il est en fonction et
en opération. Ça continue. Et, pendant ce temps-là, le
gouvernement du Québec, naïvement, candidement, croit,
considère que le gouvernement fédéral est sincère
et franc quand il prétend offrir ou faire des offres qui vont dans le
sens de la décentralisation, alors que la réalité
démontre tout à fait le contraire. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député de Lac-Saint-Jean, pour vos remarques. Voulez-vous ajouter
quelque chose, M. le ministre, ou si on appelle tout de suite le programme
5?
M. Rémillard: Tout simplement, M. le Président,
est-ce que je peux vous demander combien de temps nous avons pris de part et
d'autre pour nos remarques préliminaires?
Le Président (M. Dauphin): Juste un instant, oui; 13
minutes pour vous et 24 minutes pour M. le député de
Lac-Saint-Jean.
Une voix: M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Vous avez des remarques
préliminaires? M. le député de Hull, pour des remarques
préliminaires.
M. Robert LeSage
M. LeSage: Merci, M. le Président. Comme remarques
préliminaires, si vous le permettez, j'aimerais commenter certains
propos du député de Lac-Saint-Jean à l'effet que, lui, il
met ses culottes et que les autres, semble-t-il, ne les mettent pas. Il semble
critiquer également l'attitude d'un Bonhomme Sept Heures en la personne
du premier ministre Mulroney, lorsqu'il fait une déclaration, dans Hull,
vis-à-vis du transfert des employés fédéraux,
vis-à-vis du maintien des emplois fédéraux,
c'est-à-dire des personnes qui demeurent au Québec et qui
travaillent pour le gouvernement canadien du côté ontarien. Bien
sûr, M. le Président, que, si le premier ministre Mulroney avait
dit: Inquiétez-vous pas - pour prendre le slogan de Tapis Suprême,
une compagnie dans Hull qui vend du tapis - «chez nous, il n'y a pas de
problème! », ça aurait fait son affaire, ça n'aurait
pas été un Bonhomme Sept Heures et ça n'aurait pas
été une personne qui tente d'épeurer la population, parce
que M. Mulroney dit exactement ce que nous, les députés de
l'Outaouais, appréhendons depuis un grand nombre d'années. Pour
nous, ce n'est pas une surprise.
La situation mise de l'avant par le premier ministre Mulroney est
exactement la même situation qui existe dans tous les pays sur cette
planète. À ce que je sache, M. le Président, il n'y a pas
un pays qui embauche des employés qui ne demeurent pas dans leur pays
pour travailler pour leur propre fonction publique. Alors, pour nous autres,
dans l'Outaouais québécois, ça ne nous a pas surpris,
ça a tout simplement confirmé ce à quoi on s'attendait,
qui pourrait arriver le lendemain de l'indépendance. Bien sûr
que ça ne fait pas l'affaire du Parti québécois.
Bien sûr qu'il aurait préféré que le premier
ministre du Canada dise de ne pas s'inquiéter. Pour nous, c'est
inquiétant, et on va continuer à s'inquiéter et on va
continuer à défendre les intérêts de l'Outaouais
québécois pour sauvegarder l'économie qu'on a. Bien
sûr qu'on va tenter de la diversifier parce qu'il va y avoir
sûrement des changements constitutionnels, mais ce n'est pas en
promettant des choses irréalistes et irréalisables que les gens
de l'Outaouais vont continuer ou tenter même d'essayer de comprendre ce
que le Parti québécois peut leur proposer. Des promesses en
l'air, des vendeurs, des pelleteux de nuages, on en a vu déjà,
avant aujourd'hui, dans l'Outaouais québécois, et ce n'est pas le
Parti québécois qui va venir nous faire changer d'idée.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député de Hull, pour vos remarques préliminaires. Est-ce
qu'il y a d'autres remarques préliminaires? Non? Alors, J'appelle le
programme 5 du ministère du Conseil exécutif et je suis
prêt à reconnaître un premier intervenant. M. le
député de Lac-Saint-Jean.
Discussion générale M. Brassard: M. le
Président...
M. Rémillard: Excusez-moi, juste une question
d'information.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: Est-ce qu'on procède programme par
programme ou si on se promène...
M. Brassard: non. moi, j'ai un certain nombre de sujets à
aborder, qui sont surtout de nature constitutionnelle, avec le ministre, et on
adoptera après coup...
M. Rémillard: À la fin.
M. Brassard: ...les éléments de programme.
M. Rémillard: Ça me convient, M. le
Président.
Le Président (M. Dauphin): II y a seulement un programme.
Cependant, il y a quelques éléments, il y a quatre
éléments.
M. Brassard: Mais il faut que vous l'appeliez pour qu'on commence
à échanger. Vous l'appelez, on échange et on l'adopte
à la fin.
Le Président (M. Dauphin): Alors, il est appelé. Je
l'ai appelé tantôt.
Référendum prévu dans la loi
150
M. Brassard: Parfait. Alors, M. le Président, j'aurais un
certain nombre de sujets, surtout de nature constitutionnelle, à aborder
avec le ministre. Le premier sujet, évidemment, concerne la loi 150 et
le référendum qui y est prévu. Tout à l'heure, j'ai
fait une remarque pertinente à l'égard du discours qu'il tient
depuis cette époque-là, depuis que la loi 150 a été
adoptée. C'est qu'il omet toujours d'indiquer que le
référendum prévu par l'article 3... l'article 1,
c'est-à-dire, c'est un référendum sur la
souveraineté. Est-ce que le ministre pourrait nous confirmer bien
simplement que le seul référendum qui est prévu dans la
loi 150, c'est un référendum sur la souveraineté?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: Oui. Alors, M. le Président, le
député de Lac-Saint-Jean a débuté tout à
l'heure ses remarques préliminaires en faisant référence
à sa qualité d'historien. Il a débuté ses remarques
préliminaires en se référant à 1981-1982, les
échecs constitutionnels importants pour le Québec, il a ensuite
fait mention de Meech, avec l'échec de Meech, et il est arrivé
à la loi 150. Évidemment, le député de
Lac-Saint-Jean a fait des nuances que je ne ferai pas, mais peut-être que
j'aurai l'occasion, lors d'autres réponses que j'aurai à donner
à ses questions, d'apporter des précisions que sa qualité
d'historien l'a peut-être amené à considérer plus en
veilleuse. (16 heures)
Mais la loi 150, M. le Président, elle fait suite à
l'échec de Meech et, essentiellement, elle prévoit deux choses.
Elle prévoit tout d'abord la création de deux commissions
parlementaires, une pour étudier les offres qui pourraient nous arriver
du gouvernement fédéral et des autres provinces en vue de
renouveler le fédéralisme canadien, et aussi une autre commission
parlementaire pour étudier les questions afférentes à la
souveraineté. C'est donc le premier aspect de la loi 150. Deux
commissions parlementaires qui sont créées et qui sont en
opération, comme je le disais dans mes remarques préliminaires,
M. le Président, qui travaillent, qui travaillent très bien, dont
l'une sous votre présidence. Ces deux commissions ont entendu des
témoins, ont étudié les différents aspects de la
souveraineté, en ce qui regarde la commission sur la
souveraineté, et, en ce qui regarde la commission sur les offres, les
propositions fédérales de l'automne ont été
discutées, des éléments de la proposition Beau-doin-Dobbie
de février dernier ont aussi été discutés. Donc, M.
le Président, deux commissions parlementaires criées par cette
loi 150.
L'autre élément prévu par la loi 150, c'est un
échéancier. Il y a dans la loi 150 un échéancier et
cet échéancier a pour référence un
référendum qui est un référendum sur la souve-
raineté. M. le Président, quand je dis un
échéancier, dans l'esprit de la commission
Bélanger-Campeau, parce qu'il s'agissait de la conclusion, cette loi
150, finalement, reprend la conclusion - je pourrais dire la conclusion,
excusez-moi - la recommandation de la commission Bélanger-Campeau... Je
ne veux pas faire de confusion entre la conclusion et les recommandations,
parce que le Parti québécois a voté contre la conclusion,
mais en faveur de la recommandation, comme ils ont voté contre la loi
150, mais demandent un référendum sur la souveraineté. En
fait, c'est des genres de situation qu'on pourrait éclaircir, parce que,
moi aussi, des fois, j'ai des questions à poser au député
de Lac-Saint-Jean qui puissent éclaircir ses positions.
M. Brassard: Ça me fait plaisir de répondre.
M. Rémillard: Alors, ça va lui faire plaisir de me
répondre. Alors, M. le Président, ça va être utile,
de part et d'autre, qu'on puisse se parler.
C'est dans ce contexte-là, à la suite de la commission
Bélanger-Campeau, qu'on a légiféré pour que et la
lettre et l'esprit de la recommandation de Bélanger-Campeau et du
rapport Bélanger-Campeau, comprenant la conclusion et les addenda aussi,
puissent se retrouver dans ce projet de toi. Et, M. le Président, il
faut peut-être se souvenir - pas peut-être, mais il faut se
souvenir, et le député de Lac-Saint-Jean va s'en souvenir
très bien - ici, dans cette salle, dans la salle du Conseil
législatif, nous en étions aux dernières heures de nos
travaux à la commission Bélanger-Campeau. Nos dernières
discussions, ce n'était pas facile, pas facile de nous entendre, mais on
cherchait un consensus. On était réunis ici, dans cette salle, et
on tentait d'établir ce consensus, M. le Président, et c'est
là que j'avais mentionné très clairement, et le
député de Lac-Saint-Jean me reprendra si ce que je dis n'est pas
exact... D'ailleurs, je viens de voir arriver le député de
Westmount, autre témoin de cette séance ici. Vous vous en
souvenez, M. le député de Westmount, c'est historique. Ensuite,
il y a M. le Président qui est ici, le député de Marquette
était là aussi. C'est vrai, j'étais assis juste en face de
vous et j'ai dit: Le gouvernement a toujours la possibilité d'utiliser
la loi référendaire québécoise pour faire un
référendum sur les offres. Vous vous souvenez que je l'ai dit
très clairement. Est-ce que c'est vrai ce que je dis? Quelqu'un peut
démentir ça?
M. Holden: Ça a choqué le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Rémillard: Ah oui! M. le Président, il a
été choqué, mais, par contre, je me souviens très
bien de la réaction de M. Lucien Bouchard et de M. Louis Laberge qui ont
dit: On comprend ça, on comprend ça. M. Béland aussi. Ils
ont dit:
On comprend ça, c'est toujours la possibilité pour le
gouvernement et c'est dans l'esprit de ce que nous faisons, puisqu'on parle de
fédéralisme renouvelé, rjue le gouvernement, à un
moment donné, décide de prendre la loi
référendaire; on n'a pas besoin de le prévoir dans la loi;
ça existe déjà, la loi référendaire. Alors,
par conséquent, il y a toujours cette possibilité. Et ma
déclaration, à ce moment-là, avait soulevé
tellement de commentaires de la part du Parti québécois, pas des
membres non alignés qu'on appelait, que ça nous a pris, je crois,
une semaine et demie ou deux semaines de plus pour en arriver au consensus
auquel nous sommes arrivés. Donc, M. le Président, ce que je veux
dire par là, c'est qu'il n'y a pas de surprise. Ce que le premier
ministre a dit à plusieurs reprises, je l'avais affirmé ici lors
de nos travaux. Et si quelqu'un peut dire le contraire de ça, qu'il le
dise immédiatement, M. le Président. Première des
choses.
Deuxièmement, si la loi 150 prévoit un
référendum sur la souveraineté, c'est, dans le cadre de
cette loi, en fonction, donc, du rapport Bélanger-Campeau, en fonction
de l'échec de Meech et, bien sûr, dans la perspective où,
lorsque nous avons fait cette loi, on s'est dit: S'il n'y a pas d'offres ou si
les offres ne sont pas acceptables, il y a un référendum sur la
souveraineté qui doit avoir lieu au plus tard le 26 octobre.
M. le Président, ce qu'a dit le premier ministre au journal Le
Monde, c'est exactement ça, ce qu'on a dit à plusieurs
reprises. Ça ne se fera pas, M. le Président, en catimini, dans
des salles fermées, en isoloir, les discussions qu'on va avoir. On a
créé une commission parlementaire qui va recevoir les offres,
vous la présidez; le député de Lac-Saint-Jean est membre
de cette commission. Et, à ce moment-là, on va étudier ces
offres, des témoins experts pourront venir témoigner devant nous;
ensuite, l'Assemblée nationale pourra en discuter. Les médias, et
on connaît à quel point nos médias sont sensibles à
toutes ces informations et font bien leur travail, ils vont en parier eux
aussi, ils vont en discuter. Or, M. le Président, nous vivons dans une
démocratie, et le principe que nous suivons jusqu'à
présent, nous référant à la loi 150, c'est le
respect intégral de la loi 150. C'est ce qui nous guide.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. M. le
député.
M. Brassard: Tout ce que vient de dire le ministre confirme et
justifie le vote qu'on a adopté lors du débat sur la loi 150.
Rappelons-nous, même s'il ne me pose pas la question, je vais lui
rappeler quand même: Pourquoi on s'était opposé à la
loi 150? On s'était opposé à la loi 150 pas parce qu'on
était en désaccord avec un référendum sur la
souveraineté; c'est évident
qu'on était d'accord avec un référendum sur la
souveraineté! C'est pour ça, comme il l'a signalé, qu'on
était d'accord avec la recommandation de Bélanger-Campeau, mais
pas avec les conclusions. Mais avec la recommandation, oui, parce que la
recommandation, c'était un référendum sur la
souveraineté. On était d'accord avec un référendum
sur la souveraineté. Mais vous avez introduit dans la loi des
dispositions, en particulier deux «considérants», où,
effectivement, vous repreniez l'essentiel du discours que vous avez tenu et que
vous venez de rappeler, que vous avez tenu ici même, au salon rouge, lors
d'une séance de la commission Bélanger-Campeau, qu'on acceptait
la recommandation d'un référendum sur la souveraineté,
mais qu'en même temps puis du même souffle on gardait toute notre
marge d'initiative, notre capacité d'initiative, que l'Assemblée
nationale pouvait faire ce qu'elle voulait, et, comme on dispose d'une
majorité ministérielle, bien, on a pleine liberté de ce
côté-là également.
Alors, le message, on l'a compris. Quand vous dites: On s'est
indigné... Bien oui, on a bien compris le message, on n'est pas idiot,
on a bien décodé. D'ailleurs, on n'avait pas à
décoder, il était on ne peut plus limpide, votre message. Vous
disiez: Oui, on va mettre une disposition, c'est l'article 1, le gouvernement
du Québec tient un référendum sur la souveraineté,
avec des dates, là, jusqu'au 26 octobre. Mais, en même temps, dans
la loi, on vous dit: On n'est pas intéressé à le tenir, ce
référendum-là, on garde toute notre marge de manoeuvre,
toute notre capacité d'initiative, puis, s'il y a des offres qui
arrivent puis qu'on juge acceptables, bien, c'est là-dessus qu'on fera
le référendum; on amendera la loi à ce moment-là.
(16 h 10)
Pourquoi est-ce qu'on a voté contre la loi? Pas parce qu'il y
avait une disposition qui prévoyait un référendum sur la
souveraineté, parce que, dans la loi, il y avait des
échappatoires et des dispositions qui préservaient, de
façon intégrale, la plénitude de votre faculté
d'initiative, de la capacité d'initiative du gouvernement, et, donc, on
n'avait pas envie, là... Imaginez-vous bien ce qui se seraiî
po.:r4 si on avait voté pour la loi 150? Qu'est-ce que vous
nous diriez aujourd'hui, puisque vous vous acheminez vers un
référendum sur des offres? Qu'est-ce que vous nous diriez? Vous
nous diriez: Je ne comprends pas que le Parti québécois
s'indigne, se mette en colère parce qu'on s'engage vers un
référendum sur les offres; vous étiez d'accord, vous avez
voté pour la loi, c'est dans la loi 150. Imaginez-vous ce qui serait
arrivé si on avait voté pour? Sauf qu'un référendum
sur les offres, j'ai beau lire et relire la loi, il n'y en a pas un de
prévu. Par conséquent, le premier ministre a parfaitement raison
de dire qu'il lui faudra amender la loi. S'il veut tenir un
référendum sur les offres, il lui faudra amender la loi.
M. Rémillard: Non.
M. Brassard: Bien, voyons donc!
M. Rémillard: Non, pas nécessairement.
M. Brassard: Comment le ministre peut-il prétendre, en
opinant de la tête ou en niant de la tête, comment peut-il
prétendre, lui qui est juriste, que c'est respecter la loi 150 que de
tenir un référendum non pas sur la souveraineté, mais sur
les offres, aux dates indiquées dans la loi, donc au plus tard le 26
octobre? Si, à la place d'un référendum sur la
souveraineté, vous tenez un référendum sur les offres sans
amender la loi, expliquez-moi donc comment vous la respectez? Comment, en
amendant la loi, vous la respectez? C'est ça, le paradoxe et la
contradiction énoncés par le premier ministre. Où, dans la
loi... Ah! vous gardez votre faculté d'initiative. Vous annoncez, vous
l'avez dit dans vos discours et vous venez de le redire, que ce qui vous
intéresse, c'est un référendum sur les offres. Mais pour
tenir le référendum sur les offres, il faut que vous amendiez la
loi.
Nous, la compréhension qu'on avait de la recommandation de
Bélanger-Campeau, c'était un référendum sur la
souveraineté et que si, entretemps, il y avait des offres qui arrivaient
sur la table, à l'occasion du référendum sur la
souveraineté, ceux qui prétendent que les offres sont bonnes,
acceptables, bien, ils s'inscriront dans le comité du non et ils diront
aux Québécois: Ne votez pas pour la souveraineté, mais,
regardez, il y a des offres intéressantes; votez non à la
souveraineté parce qu'on va appliquer des offres intéressantes,
acceptables pour le Québec. C'est dans cette perspective-là que
la commission sur les offres existait. On n'obligeait pas le gouvernement
fédéral à proposer des offres. C'est qu'on
prévoyait que, peut-être, il pouvait en arriver, des offres, et
que, s'il en arrivait, elles seraient un des enjeux du débat
référendaire sur la souveraineté et que ceux qui les
trouveraient extraordinaires, mirobolantes, les offres, bien, ils iraient
inscrire leur nom dans le comité du non, voter non à la
souveraineté et se retrouver avec les offres. C'était ça,
la façon, nous, dont on comprenait la recommandation de
Bélanger-Campeau, et on a voté contre parce que ce n'était
pas votre interprétation et vous avez ajouté des dispositions
dans la loi 150 qui confirmaient que ce n'était pas votre
interprétation. Alors, ce n'est pas compliqué, il n'y a rien
d'incohérent dans notre vote sur la loi 150.
Mais je reviens à ma question. Comment pouvez-vous
prétendre que vous pouvez tenir un référendum sur des
offres sans amender la loi 150? Ce que M. Bourassa, lui, au moins,
reconnaît. M. Bourassa, il reconnaît qu'il faudra qu'il
l'amende.
M. Rémillard: M. le Président, tout d'abord,
il faut dire que, de fait, il y a une logique dans l'attitude du Parti
québécois, de l'Opposition. Si on se réfère
à la commission Bélanger-Campeau, et, comme je l'ai
mentionné tout à l'heure et que confirmait le
député de Lac-Saint-Jean, on comprend bien qu'ils ont voté
contre la conclusion de la commission Bélanger-Campeau, mais ils ont
voté pour la recommandation parce que la conclusion parlait de
fédéralisme renouvelé. Mais, M. le Président, la
recommandation existait en fonction du rapport et la conclusion était la
conclusion du rapport. Alors, est-ce que c'est logique de voter contre la
conclusion, mais pour la recommandation? Donc, au départ, je laisse la
question, si vous voulez, à votre bonne réflexion, mais on peut
certainement s'interroger.
Ensuite, à partir de là, pour ma part, moi, je n'ai pas
été surpris. Je n'ai pas été surpris que le Parti
québécois vote contre la loi 150; c'est logique, dans la mesure
où on se réfère à l'illogisme de leur attitude au
niveau de la commission Bélanger-Campeau. Mais où c'est difficile
à comprendre, M. le Président, c'est lorsqu'on voit le
député de Lac-Saint-Jean et le chef de l'Opposition se battre
pour le respect de la loi 150. Alors, là, ça ne marche plus, il y
a quelque chose qui est tordu et ça ne marche pas. Moi, en tout cas, je
ne parviens pas à accrocher tout ça ensemble. Et lorsqu'on nous
dit: Vous ne pouvez pas tenir un référendum sur les offres sans
amender la loi 150, bien, il faut comprendre, il faut regarder la loi telle
qu'elle existe et, demain, le gouvernement pourrait décider de faire un
référendum. On aurait pu en faire un sur les propositions
fédérales de l'automne dernier, de M. Clark. On pourrait
décider, le gouvernement pourrait décider: Voici, on demande
à la population du Québec: Qu'est-ce que vous en pensez? On
aurait pu faire ça. On n'aurait pas eu à amender la loi 150 pour
faire ça. On devrait amender la loi 150 dans une seule circonstance: si
on ne peut pas respecter l'échéancier de la loi 150. Et c'est
pour ça que, tout à l'heure, je disais, M. le Président,
en présentant la loi 150, qu'il y a deux aspects de la loi 150 qui sont
importants: la création des deux commissions parlementaires, d'une part,
et, d'autre part, l'échéancier, cet
échéancier-là est marqué par le 26 octobre qui est
la date du référendum sur la souveraineté... qui n'est pas
la date du référendum, mais qui est la date limite du
référendum sur la souveraineté.
M. le Président, il n'y a pas d'obligation pour le gouvernement
de changer la loi 150 s'il veut utiliser la loi référendaire
québécoise pour demander au peuple québécois de se
prononcer sur une question constitutionnelle, pas plus qu'il ne pourrait
demander aux Québécois de se prononcer sur toute autre question
que le gouvernement juge... que le peuple québécois voudrait se
présenter, se prononcer, dis-je. La seule condition, c'est de suivre ce
qui est prévu dans la loi référendaire, ce qui veut dire
qu'il y aurait un débat de 35 heures à l'Assemblée
nationale pour déterminer la question et, ensuite, il y a tout un
processus qui est en cours. Pas besoin d'amender la loi 150, et c'est là
la preuve, M. le Président, que la loi 150, qui est la
conséquence directe, l'expression directe de la recommandation de
Bélanger-Campeau, a été faite pour respecter les deux
options: un fédéralisme profondément renouvelé, qui
est l'option du gouvernement, ou bien la souveraineté s'il n'y a pas
possibilité de faire de fédéralisme renouvelé dans
le sens du Québec.
Alors, la réponse, à mon sens, est claire et, si je me
trompe, le député de Lac-Saint-Jean a seulement à me le
dire. Et je suis bien prêt à le reconnaître, si je me
trompe, mais je ne pense pas me tromper.
Le Président (M. Dauphin): M. le député.
M. Brassard: Par conséquent, si je vous comprends bien,
d'abord vous contredisez votre chef qui, lui, au moins, admettait dans le monde
que, pour tenir un référendum sur les offres plutôt que sur
la souveraineté, il fallait amender la loi, c'est ce qu'il a dit
très clairement. Pour une fois qu'il était clair, nom de Dieu!
reconnaissons-le et tenons-en compte, pour une fois qu'il est clair. Ça
ne lui arrive pas souvent. Là, il était limpide: il faut amender
la loi si on veut un référendum sur les offres. Mais, là,
ça ne semble pas être votre vision des choses. Si je vous
comprends bien, en vertu de la Loi sur la consultation populaire, on pourrait
avoir un référendum sur des offres quelque part au début
de septembre, compte tenu des délais, mais ça ne vous
dispenserait pas de tenir le référendum sur la
souveraineté prévu en vertu de l'article 1 de la loi 150. Donc,
dans un délai de deux ou trois mois, les Québécois
pourraient avoir à participer à deux référendums:
un sur les offres, en vertu de la Loi sur la consultation populaire et de
l'exercice de votre faculté d'initiative, mais, par contre, celui sur la
souveraineté devrait être tenu aussi, puisque vous dites qu'on n'a
pas à amender la loi 150. Donc, il y aurait deux
référendums: un sur les offres, mais celui sur la
souveraineté, lui, il aurait lieu aussi, au plus tard le 26 octobre.
Parce que si vous ne tenez pas le référendum sur la
souveraineté avant le 26 octobre, vous êtes en Infraction, vous
êtes en violation de la loi, vous violez la loi 150 que vous avez fait
adopter par l'Assemblée nationale. (16 h 20)
Alors, là, expliquez-moi donc comment ça va fonctionner
sur le plan bien concret et pratique? Il n'y a pas d'offres encore, on n'en
prévoit pas avant juin, des offres fédérales. Est-ce
qu'ils vont lier formellement... Ça va prendre un certain temps avant
que ça lie formellement. En vertu de la Loi sur la consultation
populaire, il faut 35 heures de débat sur la question, un délai
de deux semaines, un recensement. Ça nous
mène au début de l'automne pour le
référendum sur les offres, en vertu de la loi 150. Mais, par
contre, vous n'avez pas amendé la loi, puis il y a un
référendum sur la souveraineté qui doit s'enclencher
à partir du mois d'août. Alors, là, vous avez deux
processus référendaires qui s'enclenchent, puis qui se
chevauchent. Comment vous fonctionnez là-dedans, vous, M. le ministre,
là? Vous n'aimez pas mieux, plutôt, en venir au moins à la
limpidité de M. Bourassa qui dit: S'il y a un référendum
sur les offres, on va amender la loi?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: m. le président, moi, aujourd'hui,
cet après-midi, je ne commenterai pas tous les scénarios
possibles, imaginables, hypothétiques. on va s'en tenir à la
réalité des choses. donc, je me réfère à la
loi dans son texte, dans son esprit, et ce que j'ai dit tout à l'heure,
je le répète: dans la mesure où la loi est
respectée, on n'a pas besoin de l'amender; on va l'amender dans la
mesure où on ne peut pas la respecter. et de quelle façon on ne
pourrait pas la respecter? c'est dans la mesure où, par exemple, on ne
pourra pas respecter l'échéancier ou dans la mesure où il
ne serait plus nécessaire d'avoir un référendum sur la
souveraineté. s'il y a un référendum sur les offres puis
que les québécois disent: oui, on est d'accord, on est quand
même pas pour faire un référendum après sur la
souveraineté puis dire: oui, vous êtes d'accord sur les offres,
mais vous n'aimeriez pas quand même faire la souveraineté? il faut
quand même être logique. hein! il faut être logique, parce
qu'il y a une logique dans cette loi-là. et souvenez-vous de nos
discussions à bélanger-campeau, vous étiez les seuls
à bélanger-cam-peau à tenir cette ligne-là. tous
les non-alignés, même les chefs syndicaux ne vous suivaient pas
là-dessus. souvenez-vous de ça, ils ne vous suivaient pas
là-dessus, absolument pas. ils ne vous suivaient pas, parce que
c'était bien clair que tout le monde était conscient d'une chose:
s'il y a un référendum sur la souveraineté, attention,
c'est grave. quand on parle de la souveraineté d'un peuple, on ne parle
pas de n'importe quoi, là. c'est important. vous ne pouvez pas faire
ça n'importe comment et il faut le faire, comme disait votre chef, il
n'y a quand même pas tellement longtemps, au bon moment. il trouvait que
le moment n'était pas trop propice présentement. il aimerait
mieux attendre, qu'il nous disait. c'est sage quand même, ses propos.
peut-être que ça vous a fait réagir, mais moi, j'ai
trouvé ça sage, parce que je voyais, devant ses propos - je ne
veux pas commenter... deux ans, il aurait peut-être dit trois ans, quatre
ans, je ne veux pas commenter ça - mais je trouvais que c'était
l'expression d'une certaine sagesse d'évaluer la perspective, de ne pas
affaiblir le québec, de ne pas refaire ce qui a été fait
en 1981-1982, puis je trouve que les propos de M. Parizeau étaient dans
le sens de la loi 150, parfaitement. Parfaitement, oui, parce que c'est
ça, la loi 150. La loi 150 n'est pas là pour affaiblir le
Québec, elle est là pour lui donner une force qu'il a perdue en
1981-1982 et qu'il veut récupérer.
Alors, dans ce cadre-là, M. le Président, ce que nous
disons, c'est l'option que vous avez défendue, et vous étiez, a
ce moment-là, les seuls à la défendre, de dire: Faisons un
référendum sur la souveraineté, puis ceux qui sont contre
parce qu'ils sont pour des offres qui pourraient nous être faites, ils
voteront contre la souveraineté. À ce moment-là,
c'était fausser complètement le jeu démocratique et
fausser le choix qui doit se faire par les Québécoises et les
Québécois d'une façon consciente, éclairée.
Ce serai, aussi faux de procéder de cette façon-là que ce
le serait en faisant des élections puis en disant: Votez pour un parti,
votez pour la souveraineté; votez pour l'autre, votez pour le
fédéralisme et, si on est élus, nous, bien, à ce
moment-là, on fait la souveraineté le lendemain. C'est aussi faux
et aussi antidémocratique...
Le Président (M. Dauphin): Si vous me permettez...
M. Rémillard: Souvenez-vous de nos débats à
ce moment-là. Souvenez-vous, dans cette salle, M. le
Président.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Je vais
reconnaître maintenant M. le député de Westmount.
M. Holden: M. le Président, si je comprends bien le
raisonnement du ministre et si vous procédez par la loi
référendaire, tout ce que vous auriez à amender à
la loi 150, ce serait la date, ou est-ce que... Parce que je crois que le
député de Lac-Saint-Jean a raison et que le premier ministre a
raison aussi, que, d'une façon ou d'une autre, si vous avez un
référendum sur les offres, il va falloir amender la loi 150 en
partie, parce que vous allez être en défaut. Si votre
référendum par la loi référendaire... J'admets
qu'il n'y a pas d'amende dans la loi 150, mais quelqu'un pourrait aller prendre
une injonction contre le gouvernement pour qu'il fasse le
référendum sous la loi 150. En tout cas, il y aurait une
confusion terrible.
M. Rémillard: Non.
M. Holden: Alors, je crois que le juriste premier ministre a
raison, qu'il va falloir amender la loi 152, mais peut-être uniquement
pour dire qu'au lieu de la date d'octobre, ce serait octobre 1993, si on veut
laisser ça en suspens. Mais je crois qu'il y aurait lieu d'amender la
loi 150 d'une façon ou d'une autre. Merci, M. le
Président.
M. Rémillard: M. le Président...
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: ...je vais répondre au
député de Westmount, comme je l'ai fait pour ma réponse au
député de Lac-Saint-Jean, sur le plan strictement technique,
là. Je ne veux pas faire des hypothèses de scénarios, ce
qui est hypothétique, je ne veux pas commenter ça. Sur le plan
technique, au moment où nous nous parlons aujourd'hui, on pourrait
déclencher dans les prochains jours un référendum sur des
offres, les Québécois diraient non à ces offres-là
et ce serait possible d'enclencher un référendum sur la
souveraineté respectant la loi 150. Est-ce que vous êtes d'accord
avec ça?
M. Holden: Demain, oui. M. Rémillard: Oui, puis
après demain, puis... M. Holden: Mais dans deux mois, non. M.
Rémillard: ...la journée après.
M. Holden: Alors, on parlera de ça dans deux mois.
M. Rémillard: Alors, moi, je me place aujourd'hui et je
vous dis, je vous réponds que...
M. Holden: Bien oui.
M. Rémillard: ...en théorie, c'est comme
ça.
M. Holden: O.K.
M. Rémillard: Maintenant, on verra selon les
scénarios. Moi, je vous parle selon la réalité des choses
maintenant. Alors, finalement, c'est une position qui est essentiellement
conforme à la loi 150. Mais moi, ce que je ne voulais pas, M. le
Président, je me permets d'insister en terminant, je ne voulais surtout
pas, et je l'ai mentionné à plusieurs reprises lors des travaux
de la commission Bélanger-Campeau, je ne voulais surtout pas
qu'il y ait un référendum sur la souveraineté, qu'on ait
des offres et qu'on dise aux Québécois: Ceux qui sont pour les
offres, votez contre la souveraineté. Et je n'étais pas le seul
à dire ça, pas simplement de mon parti, du parti
ministériel, là, mais plusieurs non-alignés avaient la
même position. Le Parti québécois, ils n'étaient pas
beaucoup beaucoup de sa gang.
M. Brassard: Oui, oui, oui, oui.
M. Rémillard: Ah! oui, oui, oui, oui.
M. Brassard: Un instant, on va revenir là- dessus.
M. Rémillard: Je me souviens.
M. Brassard: Je me souviens. Bien, vous vous souvenez mal.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brassard: Vous vous souvenez mal, M. le
Président...
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: ...parce que, là, ça fait au moins
à deux reprises - l'an passé, ça a été la
même chose aussi... À chaque année, je suis obligé
de lui rafraîchir la mémoire sur la conclusion de
Bélanger-Campeau. Je le sais, c'est moi qui avais présenté
un amendement, à Bélanger-Campeau, pour que les conclusions
soient différentes et qu'on opte pour la souveraineté. Le
député de Westmount peut le confirmer. Cet amendement-là a
été mis aux voix, et ce n'est pas vrai qu'on était tout
seuls, les membres du Parti québécois, ce n'est pas vrai.
M. Holden: 17 à 15.
M. Brassard: 17 à 15. On était 15. Écoutez,
là, il y a des limites à vouloir réécrire
l'histoire et à véhiculer - d'année en année, c'est
la même chose - des faussetés. On était 15.
M. Rémillard: M. le Président... M. Brassard:
On était 15...
M. Rémillard: ...me permettez-vous de poser une
question?
M. Brassard: ...et on était combien de commissaires du
Parti québécois à Bélanger-Campeau? On était
combien? On était 7.
M. Rémillard: Oui, pour une bonne
compréhension...
M. Brassard: Bon. 7 plus 8, ça fait 15, ça fait
qu'il y en avait 8, ceux que vous appelez les non-alignés, il y en avait
8 qui ont voté avec nous sur l'amendement que j'ai proposé pour
réviser les conclusions de Bélanger-Campeau.
M. Rémillard: Seulement pour me rafraîchir la
mémoire, peut-être, M. le député, sans vous
interrompre, si vous me permettez, juste vous poser une question. Vous me dites
qu'il y a eu ce vote, et je m'en souviens très bien, sur un amendement
que vous avez proposé...
M. Brassard: Oui.
M. Rémillard: ...pour modifier la conclusion. M.
Brassard: Oui.
M. Rémillard: Maintenant, est-ce que je peux vous demander
le résultat du vote qui a été pris quelques instants
après...
M. Brassard: 17-15.
M. Rémillard: ...quelques minutes après, sur la
conclusion.
Une voix: ...c'était 9. M. Holden:... Une voix:
23-9.
M. Rémillard: Ah! Mais c'est toujours ça que j'ai
dit.
M. Brassard: 17 à 15. Une voix: 23-9.
M. Rémillard: Et là vous étiez seuls. Non,
non, non, non, non. L'amendement que...
M. Brassard: Sur mon amendement... M. Rémillard:
Votre amendement...
M. Brassard: ...qui optait pour la souveraineté, on
était 15.
M. Rémillard: Oui, mais, sur le vote sur la conclusion,
vous étiez seuls. Bien oui! Bien oui!
M. Brassard: Ce n'est pas vrai, il y avait Lucien Bouchard et
Serge Turgeon qui ont voté avec nous.
M. Rémillard: II faudrait le vérifier, mais... Seul
ou avec quelques autres, ce n'est pas beaucoup.
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Je reviens. Le ministre se complaît dans les
dimensions techniques. Mais je reviens à la dimension politique. Est-ce
qu'on peut vraiment, politiquement parlant, accepter ou privilégier un
référendum sur les offres et, en même temps, accepter le
référendum sur la souveraineté prévu dans la loi
150? Est-ce qu'on peut être politiquement en accord avec ces deux
référendums, l'un sur les offres et l'autre sur la
souveraineté?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre. (16 h 30)
M. Rémillard: M. le Président, le premier ministre
l'a dit à plusieurs reprises, j'ai eu l'occasion, aussi, de le
mentionner à sa suite, l'option du gouvernement - on ne l'a jamais
cachée, on l'a dit encore ici lorsqu'on a fait les travaux de
Bélanger-Campeau - c'est un fédéralisme
profondément renouvelé. On ne l'a jamais caché, ça.
Alors, à partir de ça, M. le Président, nous
espérons avoir des offres qui pourraient être jugées
acceptables suivant le processus établi par la commission
Bélanger-Campeau et repris par la loi 150, c'est-à-dire une
commission parlementaire que v^us présidez, M. le Président, qui
va étudier ces offres pour voir si elles sont acceptables,
l'Assemblée nationale, qui aura à se prononcer, le gouvernement
et le Parti libéral du Québec. Le Parti libéral, mon parti
politique, aura à se prononcer.
Alors, M. le Président, suivant tout ce processus, si ces offres,
au bout du processus, si la conclusion, c'est qu'elles sont acceptables pour le
Québec pour que le Québec puisse exprimer pleinement ce qu'il est
et être un partenaire à part entière dans cette
Fédération, contribuer à ce que cette
Fédération puisse être encore plus performante, à ce
moment-là, M. le Président, en ce qui concerne l'option du
gouvernement, il n'y a pas de secret. Le premier ministre l'a dit et on le
répète.
M. Brassard: M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le
député.
M. Brassard: Pour changer un peu de sujet, j'ai presque envie de
faire un pari avec le ministre. Moi, je vous parie, je vous parie - puis c'est
vrai qu'on ne peut pas parier - ce que vous voudrez que les offres qui vont
venir du gouvernement fédéral à la fin de mai ou le
début de juin ne seront même pas finales, comme d'ailleurs le
reconnaît Jean-Claude Rivest. Elles ne seront même pas
ficelées en vertu de la loi 150, donc ne lieront formellement ni le
gouvernement fédéral, ni les législatures, ni les autres
provinces, et vous allez vous empresser de les trouver bonnes. C'est ça,
mon pari. Je suis sûr... Prenez note, ça va être inscrit au
Journal des débats, vous allez les trouver bonnes, les offres, je
suis sûr de ça, moi. Je vous garantis que vous allez les trouver
acceptables et que vous allez retourner à la table.
Ce que vous avez dit hier, c'est juste un préavis. Ça fait
des mois que vous mourez d'envie de retourner à la table de
négociation à 17; vous allez être 17, maintenant. Les
«parties» vont être plus joyeux, vous allez être 17.
Ça fait des mois qi? vous mourez d'envie de retourner à la table.
Hier, vous en avez fait un préavis. Vous allez y retourner, à la
table, et vous allez ainsi trahir - parce que c'est de trahison dont il faut
parler - le seul engagement solennel que le
premier ministre a pris après la mort de Meech et que vous avez,
vous aussi, confirmé à maintes et maintes reprises.
Je vous citais tantôt: Le système est vicié, on ne
peut plus continuer comme ça. Le fédéralisme à 11,
il faudrait recorriger. Le fédéralisme à 17, c'est fini,
c'est terminé. Vous allez y retourner, puis je suis convaincu que le?
conditions n'auront pas besoin d'être très, très
sévères. Quand vous dites que vous allez y retourner, si vous
retrouvez Meech en substance, expression on ne peut plus nébuleuse qui
ne veut rien dire, vous pourrez, à ce moment-là, lui donner
n'importe quelle signification que vous voudrez bien lui donner. Vous allez y
retourner en toute vitesse, parce que l'article 1 de la loi 150, vous en avez
une profonde répugnance. Le gouvernement libéral du Québec
éprouve, à l'égard de cette disposition, une
répugnance viscérale. Vous ne voulez pas le tenir, ce
référendum sur la souveraineté. Vous n'avez pas le
goût de le tenir depuis le début. Vous n'avez pas l'intention de
le tenir, vous n'avez pas les convictions pour le tenir et vous ne le tiendrez
pas. Pour ne pas le tenir, vous allez vous empresser de courir à toute
vitesse à la table des 17 pour reprendre les négociations et
signer n'importe quoi. Et vous n'aurez pas grand-chose, hein?
Déjà, ce qui se dessine et ce qu'on voit se concocter, ce
n'est pas grand-chose. Le libellé de la clause de la
société distincte - c'est ce qu'on retrouve dans Beaudoin-Dobbie
- c'est déjà considéré comme inacceptable. Le droit
de veto, vous ne l'aurez plus jamais, c'est fini, c'est mort et enterré.
Les autres conditions de Meech, le pouvoir de dépenser, j'ai hâte
de voir comment on va le baliser. Vous allez trouver ça bon, mangeable,
tout à fait mangeable, un mets délicieux. Vous allez le bouffer
à grandes bouchées à la table avec les 16 autres, et vous
allez signer n'importe quoi. C'est ça que vous venez de nous annoncer
avant votre départ de l'Ouest. C'est ça que vous venez de nous
annoncer et d'annoncer à tout le monde en préavis hier. C'est que
vous préparez votre retour à la table à 17, et les
conditions que vous y mettez sont tellement fumeuses, nébuleuses et
imprécises que vous pourrez, à ce moment-là, dire
n'importe quoi pour justifier votre retour. Contredisez-moi, ça me
ferait plaisir, mais c'est ça qui va arriver.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, si on meurt de
retourner à la table de discussions constitutionnelles, je peux
simplement dire au député de Lac-Saint-Jean que notre agonie est
plus longue que l'agonie qu'ils ont eu, eux, lorsqu'ils ont
décidé, à la suite du désastre de 1981-1982, de ne
pas retourner à la table de négociations constitutionnelles.
Après quelques jours - il faudrait les compter - ils repartaient tout de
suite.
M. Brassard:, On n'a pas pris d'engagement solennel, nous
autres.
M. Rémillard: Vous n'avez pas pris d'engagement solennel.
Vous avez fait des grandes déclarations: le discours de votre premier
ministre, père fondateur du PQ, René Lévesque.
M. Brassard: Trouvez-moi un engagement solennel de même
nature que celui de votre premier ministre.
M. Rémillard: Bien, solennel... Est-ce qu'un discours de
votre premier ministre, ce n'est pas un engagement solennel? Le discours de
René Lévesque, ce n'était pas un engagement solennel?
M. Brassard: Je n'ai jamais dit ça.
M. Rémillard: Non? Qu'est-ce que vous me dites, là?
Vous me dites qu'un discours de René Lévesque...
M. Brassard: Arrêtez de faire diversion et répondez
à ma question.
M. Rémillard: Écoutez... Non, mais, c'est grave,
là.
M. Brassard: On n'a jamais pris d'engagement solennel, comme l'a
pris le premier ministre du Québec, de ne pas retourner à la
table à 11. Jamais on n'a pris un engagement aussi solennel que
ça. Jamais!
M. Rémillard: Là, vous mettez peut-être des
nuances, je suis content.
M. Brassard: Trouvez-moi l'engagement et le texte où on
s'engage de cette façon-là.
Le Président (M. Dauphin): Messieurs, un à la fois,
s'il vous plaît!
M. Brassard: Arrêtez de faire diversion et revenez à
l'essentiel. Vous allez retourner à la table, c'est ça que je
veux que vous me confirmiez. Malheureusement, ce ne sera pas dans
l'intérêt du Québec, ça, c'est sûr.
M. Rémillard: Je veux bien comprendre, M. le
Président, qu'il y a une nuance qui est apportée par le
député de Lac-Saint-Jean, qui nuance quelque peu, puis j'en suis
content parce que, en fait, un discours de premier ministre-Dans ce
cas-là, le premier ministre, René Lévesque, qui
mérite notre respect comme ayant été premier ministre du
Québec - on peut être d'accord ou pas d'accord avec les politiques
qu'il a prises, mais c'est un premier ministre et on lui doit le respect - a
fait un discours remarqué, à ce moment-là, et il avait
dit, on s'en souvient, qu'il ne participerait pas aux conférences
consti-
tutionnelles. Quelques jours après, c'était le beau
risque, il retournait. (16 h 40) alors, si on parle, m. le président, de
respecter ses engagements, je peux vous dire que nous, on n'est pas
retournés. alors, le député de lac-saint-jean nous dit:
vous allez retourner, vous allez le faire. m. le président, si on se
réfère à ce qu'a dit le premier ministre, cet
après-midi en chambre, à la suite de ce que j'ai dit
moi-même et que le premier ministre avait dit bien avant moi, on a
simplement dit une chose: meech a été négocié en
fonction de cinq conditions et ces cinq conditions ont été
établies pour que le québec puisse réparer l'injustice qui
lui avait été faite en 1981-1982, au moment du rapatriement.
ça a été si bien négocié par le parti
québécois. en réparant cette injustice m. le
président, en fonction de cinq occultions, le québec redevenait
un partenaire à part entière dans la fédération
canadienne, et conformément - comme le premier ministre l'a dit cet
après-midi en chambre - à la déclaration d'ed-monton en
août 1986, présidée par le premier ministre, m. getty.
ensuite, il y avait une ronde canada pour refaire le partage des
compétences législatives et revoir les institutions
fédérales.
M. le Président, si nous ne sommes pas à la table de
négociations constitutionnelles, c'est que l'échec de Meech a
discrédité le processus de négociation. Les premiers
ministres n'ont pas respecté leur signature, on s'en souvient. Mais si
Meech, en substance, nous est donné, à ce moment-là, on
pourra évaluer. Comme je l'ai mentionné hier - et le premier
ministre le mentionnait très clairement en Chambre cet après-midi
- au Conseil des ministres du Québec reviendra le rôle
d'évaluer la situation et de décider si on doit retourner
à la table. C'est très logique, M. le Président. C'est
logique. M. le Président, de là. à dire qu'on va retourner
a la table, on verra. On n'en a pas, d'offres, actuellement. On verra si on a
des offres. maintenant, deuxième remarque, m. le président.
j'entends le député de lac-saint-jean nous dire: vous allez
accepter n'importe quoi. m. le président, de deux choses l'une ou bien
le député de lac-saint-jean pense que la démocratie au
québec, c'est un leurre et qu'on va tout faire ça en vase clos,
en catimini, qu'on va tous pouvoir concocter nos petites affaires entre nous,
puis on va accepter n'importe quoi. mais ce n'est pas comme ça que
ça se passe, m. le président. ce n'est pas comme ça quo
ça existe, la démocratie au québec. c'est ici, dans notre
parlement, à l'assemblée nationale, que le débat va se
faire publiquement. vous allez présider la commission sur les offres. je
vois le député de vimont qui est ici. est-ce que le
député de vimont va laisser n'importe quoi passer comme
ça? est-ce qu'il va accepter n'importe quoi? non, m. le
président!
M. le Président, c'est faire injure à la
démocratie. C'est faire injure à nos institutions parlementaires
et c'est faire injure aux Québécois et aux
Québécoises. C'est les prendre pour des dupes que de penser que
leur gouvernement, que nous comme parlementaires, nous pourrions accepter
n'importe quoi. Il y a un prix politique à payer. Il y a des
députés qui sont là sur cette commission qui ont des
convictions et qui vont les faire valoir, leurs convictions. Tout ce
débat sera public, sera dans les médias. Et ce débat se
retrouvera au niveau du Parti libéra! du Québec, qui aura un
congrès spécial pour en discuter. Est-ce qu'on peut c"a, à
ce moment-là, que tout ça va être concocté en
catimini et qu'on va accepter n'importe quoi? Voyons donc, M. le
Président. Voyons donc! Respectons notre démocratie. Respectons
nos institutions parlementaires. le président (m. dauphin): merci, m. le
ministre. m. le député.
M. Brassard: Pouvez-vous bien me dire, M. le ministre, qu'est-ce
qu'il y a de changé pour qu'aujourd'hui le système de
négociations constitutionnelles ne soit plus vicié, comme vous le
mentionniez en septembre 1989? Qu'est-ce qu'il y a de changé aujourd'hui
pour prétendre maintenant que le système de négociations
constitutionnelles n'est pius discrédité, comme le premier
ministre l'a affirmé le 23 juin 1990? Qu'est-ce qu'il y a de
changé?
M, Rémillard: il n'y a rien de changé.
M. Brassard: Qu'est-ce qu'il y a de changé? Le nombre
d'acteurs est passé à 16 et 17 quand vous allez y retourner. Les
conditions minimales de Meech ne sont pas respectées par l'ensemble des
premiers ministres. Clyde Wells s'y oppose toujours, Getty ne veut rien savoir
du droit de veto. La clause de la société distincte telle qu'on
la retrouve dans Meech fait l'affaire d'à peu près personne.
Qu'est-ce qu'il y a de changé pour vous rendre aussi optimiste et pour
vous voir affirmer comme vous l'avez dit hier, et répété
aujourd'hui à l'Assemblée nationale par la voix du premier
ministre, que vous êtes maintenant ouverts à un retour à la
table constitutionnelle? Y a-t-il des choses qu'on ne connaît pas,
là? Y a-t-il des accords secrets en coulisse, puis en cachette qui ont
eu lieu? Y a-t-il des documents qu'on ne connaît pas, qui n'ont pas
été rendus publics, qui font état de progrès
tellement extraordinaires que ça justifie uns déclaration comme
celle que vous avez faite hier, puis une déclaration comme celle du
premier ministre pour que vous envisagiez de retourner à la table?
Il n'y a rien de changé. Non seulement le système est
jié, il est encore plus vicié, il est encore plus
discrédité. Le nombre d'acteurs a augmenté. Ça va
être encore plus compliqué, puis encore pire qu'avant. C'est pire
qu'avant Meech. Vous annoncez que, oui, peut-être on pourrait y
retourner si on retrouve Meech en substance. Ça veut dire quoi
ça, Meech en substance? Ce n'est pas très clair, hein? Ce n'est
pas très précis. Vous avez une drôle de marge de manoeuvre,
énorme, Meech en substance. Il peut arriver n'importe quoi sur la table,
et vous allez dire: Ah, regarde donc ça! Meech en substance vient de
tomber sur la table. Ah! On peut retourner. On peut retourner s'asseoir, Meech
en substance est tombé sur la table. Ah oui! Mais oui, il est là,
là, Meech en substance. C'est quoi ça veut dire, ça?
Ça ne veut rien dire. Ça n'a aucune signification, Meech en
substance.
Sur la clause de la société distincte, par exemple, le
libellé qu'on retrouve dans Beaudoin-Oobbie qui fait qu'il est
accepté à Halifax, mais qui est drôlement différent
de ce qu'on retrouve dans Meech, est-ce que c'est Meech en substance,
ça? Le droit de veto, qui est complètement
«scrapé», que vous n'aurez jamais, c'est clair et net -
Getty et Wells l'ont dit, ça prend l'unanimité, puis il n'est pas
question du droit de veto, c'est dans la poubelle - c'est une des conditions de
Meech. Est-ce que c'est Meech en substance, ça? À moins que vous
lui substituiez cette espèce de droit de veto un peu fumeux que vous
venez de découvrir, après 125 ans, dans le vieux British Act.
Ça a pris du temps à des const itutionnalistes à
découvrir ça, un droit de veto partiel, article 22. À
moins que vous vous contentiez de ça. Le pouvoir de dépenser, ils
n'en ont même pas parlé. Ça va vouloir dire quoi,
ça, le balisage du pouvoir de dépenser pour que ce soit Meech en
substance?
Le système est plus vicié que jamais. Il est plus
discrédité que jamais. Il est plus compliqué que jamais.
C'est maintenant une vraie tour de Babel, parce qu'en plus il y a toute la
question des autochtones, des droits des autochtones, qui est maintenant sur la
table, ce qui n'était pas le cas à l'époque de Meech. Et
malgré ça, vous envisagez votre retour à la table. Ou bien
c'est mystérieux, vous avez dans la poche des accords que personne ne
connaît, ou alors, comme ça arrive bien souvent, votre propension,
la propension naturelle de ce gouvernement à s'effrondrer, à
s'affaisser vient de se manifester de nouveau.
Comment pouvez-vous prétendre que les choses ont changé
positivement par rapport à ce qui se passait à l'époque de
Meech? Qu'est-ce que ça veut dire, ça, Meech en substance?
Pouvez-vous être plus clair là-dessus?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre. (16 h 50)
M. Rémillard: Alors, M. le Président, tout d'abord,
ce qu'il y a de positif, ce qu'on peut constater au moment où nous nous
parlons, c'est le désir du gouvernement fédéral et des
provinces, des gouvernements des autres provinces, de respecter
l'échéancier établi par la loi 150, par le Québec.
Ce qu'on peut constater jusqu'à présent, M. le Président,
c'est ça. On peut discuter sur les résultats des discussions que
peuvent avoir les représentants des autres provinces canadiennes et du
gouvernement fédéral, qui sont présentement en
réunion à Edmonton. Mais on peut quand même constater qu'on
respecte essentiellement l'échéancier établi par le
Québec. C'est un signe de bonne volonté de la part du reste du
Canada, et ce n'est pas rien, M. le Président, ce n'est pas rien.
Quand on pense que ces premiers ministres... C'est le premier ministre
de l'Ontario lui-même - il ne sera pas représenté - qui est
à la table. Je suis certain qu'il a bien autre chose à faire. Il
est là, il est actif, et il y a beaucoup de premiers ministres qui sont
là. D'autres sont représentés par des ministres qui ont
beaucoup d'expérience des relations fédérales-provinciales
et qui ont des réunions toutes les semaines, pendant deux, trois jours,
plus les réunions préparatoires. Ça dure depuis combien de
temps? Un mois et demi, deux mois maintenant? Ce n'est pas rien, ça, ce
n'est pas rien! Est-ce que vous pensez que ce n'est pas positif, ça?
Moi, je considère, en tout cas, que c'est un effort sans
précédent. Dans toute l'histoire du Canada, il n'y a jamais eu
autant d'efforts déployés pour discuter une réforme
constitutionnelle. Jamais! Ça, c'est un point positif.
Est-ce qu'il a donné des résultats concrets pour le
Québec? Je dois vous dire, je ne suis pas à même d'y
répondre parce que, jusqu'à présent, sur la table, on n'a
pas l'ensemble de ces propositions, de ces offres qu'on veut nous faire. On
verra! On verra! Ce qu'on a dit, ce que le premier ministre a dit cet
après-midi en Chambre, ce que j'avais dit hier, c'est: dans la mesure
où nous avons, en substance, l'entente du lac Meech.
M. le Président, si on veut changer des points et virgules, si on
veut faire des interrelations de l'entente du lac Meech avec d'autres
éléments qui viennent s'ajouter dans l'ensemble des offres qu'on
veut nous faire, comme le partage des compétences législatives,
par exemple, on les fera, mais quand on aura l'ensemble des propositions. Si on
n'a pas l'ensemble des offres, on ne peut pas étudier la signification
de ce que nous avions dans Meech, qui était, à ce
moment-là, isolé en fonction des cinq conditions, en respectant,
comme je l'ai mentionné tout à l'heure, la proposition
d'Edmonton, la conférence d'Edmonton sous la présidence du
premier ministre, M. Getty, assisté de son ministre, M. Horsman, qui
avait fort bien mené cette réunion, et ça n'avait pas
été facile.
Il y a des journalistes ici dans la salle qui se souviendront qu'on
avait discuté beaucoup. C'était un 9 août 1986. On en
était arrivé finalement au résultat, à un
communiqué qui était la conclusion de l'entente: deux
paragraphes. Premier paragraphe: Réglons le cas du Québec en
priorité. Mettons toutes nos énergies pour régler le cas
du Québec. Réparons l'injus-
tice de 1981-1982 sur la base des cinq conditions - c'est ça que
ça disait - et, après ça, abordons les autres sujets pour
avoir une réforme constitutionnelle complète: le partage des
compétences législatives, la réforme du Sénat.
C'était ça, la conférence d'Edmonton. C'était
ça, le consensus.
À la suite de l'échec de Meech, on nous dit maintenant: II
faut qu'ii y en ait pour tout le monde, donc il faut faire une réforme
de l'ensemble de la Fédération canadienne. On veut bien, dans le
sens que si on réalise l'ensemble de la réforme que nous vouions
dans quelques mois au lieu de le faire dans plusieurs années, eh bien,
tant mieux. Tant mieux pour nous, comme Québécois, tant mieux
pour l'ensemble de la Fédération. C'est un défi que, nous,
on n'a pas d'objection à relever, dans la mesure où les cinq
conditions du Québec sont respectées. Ça a toujours
été la position que nous avons tenue très clairement, M.
le Président.
Quand on aura à analyser, à étudier les offres qui
devraient nous être faites... Je ne sais pas si on en aura, des offres,
mais de par ce qu'on nous dit, ce que le premier ministre M. Mulroney a dit, ce
que le premier ministre de l'Ontario a dit, ce que les autres premiers
ministres ont dit aussi, ils veulent faire des offres au Québec.
Très bien, attendons. Si on les a, ces offres, on les étudiera
à votre commission, M. le Président. On va les étudier.
Les balises d'étude, on les a mentionnées à plusieurs
reprises... Entre autres, la première de ces balises, c'est de retrouver
Meech en substance, c'est-à-dire situé dans le contexte des
offres globales qu'on pourrait recevoir. C'est ça que ça
signifie. Il me semble, M. le Président, que ça me paraît
logique.
Le Président (M. Dauphin): M. le député.
Signification de l'expression «liant
formellement» contenue dans la loi 150
M. Brassard: De toute façon, je maintiens mon pari. Je
maintiens que ce que vous êtes en train de faire présentement,
c'est de préparer les esprits à une reddition et à un
retour à la table à 17, ce qui serait extrêmement
dommageable pour le Québec.
Ceci étant dit, je voudrais en arriver à un aspect quand
même important de la recommandation de Bélanger-Campeau et aussi
de la loi 150. Ça concerne les offres et ça concerne l'expression
«liant formellement». Le ministre a toujours refusé de
définir cette expression, de dire ce que ça signifiait dans son
esprit. Je vous signale que déjà il y a quatre provinces,
Colombie-Britannique, Ontario, Terre-Neuve et Alberta, qui prévoient la
tenue d'un référendum comme préalable à toute
résolution d'appui de leur législature respective sur une entente
constitutionnelle. Est-ce que, dans votre esprit, pour le gouvernement, la
simple signature des premiers ministres du Canada et des autres provinces
constituerait des offres «liant formellement» le gouvernement
fédéral et les provinces? Est-ce que la signature des premiers
ministres respecterait cette disposition de la loi 150?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre. M.
Rémillard: Alors, M. le Président...
M. Brassard: Ça va être très instructif, ce
que vous dites, pour notre Président, qui préside, comme on le
sait, la commission sur les offres.
M. Rémillard: Alors, M. le Président, nous
n'étions pas là, en 1981-1982, au moment des négociations,
des discussions qui ont eu lieu et qui ont abouti à ce qu'on a
appelé le rapatriement de la Constitution, modification substantielle de
la Constitution canadienne, on s'en souviendra, avec une Charte des droits et
libertés, avec des modifications au partage des compétences
législatives, avec un principe de péréquation, avec,
surtout, M. le Président, ce qui est au coeur de toute
constitution...
On sait qu'une constitution, ce n'est pas simplement un document
juridique, c'est un contrat social. C'est des hommes, c'est des femmes qui
décident, parce qu'ils ont tellement d'éléments communs,
qu'ils veulent vivre ensemble, partager un bien commun. Ils structurent leur
pouvoir, donc c'est un contrat social. Dans ce contrat, il faut qu'il y art une
stabilité, une garantie de stabilité, de respect et, en
même temps, qu'il y ait une certaine souplesse pour s'adapter à
l'évolution de la société. C'est pour ça, M. !e
Président, qu'un des éléments les plus importants de toute
constitution, c'est sa formule d'amendement: comment on peut changer une
constitution, un contrat social.
Cette formule d'amendement, M. le Président, elle a
été incluse dans la Constitution canadienne par le rapatriement
de 1982, négocié en ce mois de novembre 1981. Cette
négociation de 1981 faisait suite à une entente qui avait
été signée le 16 avril... Est-ce que c'est le 16 ou le 18
avril, M. le député de Lac-Saint-Jean?
M. Brassard: Je n'étais pas là.
M. Rémillard: Le 18 avril 1981, je pense, hein?
M. Brassard: Je n'étais pas là.
M. Maciocia: C'est le 16.
(17 heures)
M. Rémillard: C'est le 16, excusez-moi. Je ne voulais pas
faire erreur parce que, ensuite, vous allez me dire que je fais erreur; c'est
le 18, c'est le 16, enfin... Le député de Viger me dit que c'est
le 16, et je sais qu'il a une très bonne
mémoire. Alors, c'est le 16 avril. Donc, quelques jours
après avoir gagné les élections, vous signiez...
Pardon?
M. Brassard: Le député de Viger est allé
fêter en 1982.
M. Rémillard: je ne pense pas que vous pouvez dire que le
député de viger est allé fêter la perte du droit de
veto.
M. Brassard: II s'est excusé de ne pas être
allé.
M. Rémillard: II n'est pas allé fêter la
perte du droit de veto. Le droit de veto - tantôt je vous entendais
parler sur le droit de veto, un peu ridiculiser le droit de veto qu'on peut
avoir sans opinion juridique, veto partiel sur le Sénat - vous l'avez
perdu. Mais, il y a une chose...
M. Brassard: Dieu, on vient de le retrouver.
M. Rémillard: ...qui est encore plus importante.
M. Brassard: Vous l'avez retrouvé. On ne l'a pas
perdu.
M. Rémillard: Savez-vous ce qui est encore plus difficile
pour nous actuellement, et que vous avez accepté, qui était dans
le même document de ce 16 avril, c'est la reconnaissance, pour la
première fois dans toute l'histoire du Québec, du principe de
l'égalité des provinces parce qu'on parle de la perte du droit de
veto, oui, puis, là, on est pris avec ça. Et vous avez raison de
dire que ce n'est pas facile parce qu'il faut l'unanimité. Mais, ce qui
n'est pas facile aussi, c'est que vous avez signé, accepté le
principe de l'égalité de_ toutes les provinces: le Québec
est égal à l'île-du-Prince-Édouard autant que
Terre-Neuve ou n'importe quelle autre province. Et ça, on l'a maintenant
en pleine face, puis il faut composer avec ça. Ce n'est pas nous qui
l'avons fait.
Donc, c'est une formule d'amendement qui nous arrive et qui est
basée sur un principe qui avait été
développé par - on se souvient - le premier ministre M. Lougheed,
premier ministre, à ce moment-là, de l'Alberta - il doit passer
comme un premier ministre qui a marqué l'histoire des relations
fédérales-provinciales, un grand monsieur - et fait accepter donc
par votre gouvernement la formule d'amendement qui est basée sur ce
qu'on appelle le 7-50, 7 provinces, 50 % de la population avec le Parlement
canadien, possibilité de changer même le partage des
compétences législatives et avec la possibilité de se
retirer d'un amendement.
M. le Président, dans cette formule d'amendement, il y a un
processus qui se réfère à des résolutions qui sont
votées par des assemblées législatives. C'est le processus
qui a été accepté en 1981. On n'était pas
là, et je ne ferai pas de remarques supplémentaires à ce
que j'ai fait tout à l'heure. Mais, M. le Président, ce qu'il
faut bien comprendre - et tout le débat autour de Meech et
l'échec de Meech l'a démontré fort bien - même une
résolution votée par une assemblée législative ne
donne pas de garanties, puisqu'il est possible pour une assemblée
législative de voter une autre résolution pour annuler la
première.
Donc, que ce soit une signature de premier ministre, que ce soit une
signature de gouvernement, que ce soit un document de gouvernement, que ce soit
une résolution votée par une assemblée législative,
ce sont des éléments de ratification qui devront être
appréciés dans leur juste perspective au moment où les
événements se passeront parce qu'il n'y a aucune garantie
à 100 %. C'est relatif. Terre-Neuve l'avait accepté, le lac
Meech, dans le temps de M. Peckford. Ils l'ont ratifié, Meech, avec une
résolution. M. Wells arrive comme premier ministre. Lui, il
décide que non, ça ne fait pas son affaire, et vote une
résolution pour annuler la précédente résolution.
Alors, M. le Président, ma réponse, c'est qu'on ne pourra pas
chercher une garantie absolue à 100 %. Il va falloir qu'on
apprécie la situation et qu'ensemble on en arrive à une
conclusion, à savoir si c'est liant ou si ça ne l'est pas.
Tout à l'heure, M. le Président, je me
référais à un discours prononcé par le père
fondateur du PQ, l'ancien premier ministre du Québec, M. René
Lévesque. Moi, il me semble qu'un discours d'un premier ministre,
ça m'appa-rait comme quelque chose de solennel. Ce n'est pas n'importe
quoi. Le député de Lac-Saint-Jean dit que ce n'est rien de
solennel. Il faut dire que le premier ministre Lévesque, à ce
moment-là, quand il a fait son discours disant qu'il ne retournerait pas
à la table de négociations constitutionnelles, il se fondait sur
une décision de son Conseil des ministres. Son Conseil des ministres
exprimait donc la volonté d'un gouvernement. C'était solennel,
ça. S'il n'appelle pas ça solennel, s'il n'appelle pas ça
liant, pour prendre son expression de liant, bien là, écoutez, il
y a quelque chose qui ne va plus.
Alors, voyez-vous, ça dépend des circonstances. Ça
dépend de ce qui va se passer. Les garanties à 100 %, il n'y en
aura pas. Finalement, le grand juge de tout ça, M. le Président,
celui qui va apprécier tout ça dans son ensemble, qui va avoir le
dernier mot, ce n'est pas vous, M. le Président. Ce n'est pas moi. Ce
n'est pas le député de Lac-Saint-Jean. Ce n'est pas le
député de Viger ni le député d'Iberville, qui sont
ici et qui ont toutes les mêmes convictions que je peux avoir. Non, c'est
le peuple québécois qui va l'avoir. C'est le peuple
québécois qui va décider, M. le Président.
J'entends parler le
député de Lac-Saint-Jean et j'ai l'impression qu'il prend
les Québécois pour des dupes. Voyons donc, on vit en
démocratie! Il vont s'exprimer, mais on devra faire notre travail de
parlementaires et apprécier une situation.
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Le temps file, M. le Président. Si le
ministre répond aussi longuement que ça à chacune des
questions il m'en reste au moins six - on va avoir de la misère à
boucler avant 18 heures. Il ne répond pas à ma question. Je n'ai
pas parlé de garantie absolue. Il parle de garantie suffisante. Ce n'est
pas ça que je lui ai posé comme question. J'ai dit: S'il se
retrouve avec des offres qui sont approuvées uniquement par la signature
des premiers ministres, il les considérera comment? Est-ce qu'il les
considérera comme liant formellement? C'était ça, ma
question. Il m'a fait un long discours sur à peu près tout sauf
ça, sauf ma question.
Je ne dis pas que la formule d'amendement, ça comporte des
garanties absolues. Je n'ai jamais pensé ça, que c'était
des garanties absolues. Terre-Neuve, justement, est l'exemple que ce n'est pas
une garantie absolue, la résolution adoptée par
législature. Ce n'est pas ça que je lui demande. Je lui demande:
Est-ce que la signature, la simple signature des premiers ministres, ça
pourrait être considéré comme une garantie suffisante par
le gouvernement du Québec pour considérer les offres comme liant
formellement? C'est ça, ma question. Il me dit: Oui, c'est assez, la
signature - je sais que ce n'est pas absolu - ou bien il me dit: Non, ce n'est
pas suffisant, ça prend plus que ça. Il faudra que les
gouvernements adoptent des résolutions ou ça va prendre plus que
ça. Il faudra que les législatures adoptent des
résolutions. Il me semble que ce n'est pas compliqué. Les
signatures des premiers ministres, est-ce que ça va être
suffisant? Ce n'est pas suffisant ou...
Le Président (M. Dauphin): Alors, merci, M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard:... ça l'est.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, j'ai dit au
départ, et je vais le répéter si vous le permettez, que je
ne peux pas commenter des scénarios hypothétiques. On pourrait,
M. le Président, en discuter, des scénarios hypothétiques.
Il y en a, il y en a, il y en a, mais je ne crois pas que ce soit l'objectif de
nos débats de discuter de tous les scénarios
hypothétiques. Le député de Lac-Saint-Jean, à un
moment donné, m'arrive avec un scénario. Oui, mais
écoutez, moi, je pourrais lui arriver avec bien d'autres
scénarios aussi. Il faudrait se mettre à étudier
ça, et là, je pense qu'il aurait raison, on ne finirait pas pour
18 heures comme on avait prévu le faire. Et je veux finir pour 18
heures, respecter mon engagement.
M. Brassard: M. le ministre...
M. Rémillard: Alors, dans ce cadre-là...
M. Brassard: Ce n'est pas hypothétique. (17 h 10)
M. Rémillard:... M. le Président, ce que je dis,
c'est exactement ce que j'ai dit tout à l'heure: II faut qu'on se
réfère à la Constitution telle qu'elle existe. Il y a une
formule d'amendement qui existe. Donc, c'est notre première
référence, la loi première du pays qui est la
Constitution. Tant qu'elle n'est pas changée, c'est elle. On
n'était pas là en 1981-1982, mais c'est là quand
même. Qu'est-ce que vous voulez qu'on y fasse? Ce sera
apprécié en conséquence. Ce sera apprécié en
conséquence, on verra, M. le Président. Mais, moi, je regarde ce
qui existe dans la Constitution et je dis: Liant doit se situer dans le cadre
constitutionnel actuel. C'est ça, liant. On l'appréciera, on
verra.
M. le Président, je ne peux pas commencer à commenter
toutes les hypothèses, tous les scénarios qui peuvent se
développer. On verra en temps et lieu. Moi, je vous dis, je me
réfère à ce qui existe présentement.
Présentement, il existe une formule d'amendement. Il existe une
expérience qu'on a eue avec Meech, aussi, et qui est là. On
verra.
Le Président (M. Dauphin): Alors, merci, M. le ministre.
M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Je constate qu'il rejoint le sénateur
Beaudoin, qui disait tout récemment, et je le cite: «La signature
des premiers ministres ne change rien légalement tant que les
assemblées législatives n'ont pas voté. » Donc,
cette référence à la formule d'amendement est tout
à fait pertinente.
Réforme du Sénat
M. le Président, un autre sujet quand même important, c'est
la réforme du Sénat. Vous allez vous en aller dans l'Ouest
tantôt, bientôt, la semaine prochaine, en compagnie du premier
ministre. L'obsession des provinces de l'Ouest - c'est difficile à
comprendre pour des Québécois parce que les
Québécois auraient plutôt tendance à favoriser
l'abolition pure et simple du Sénat - c'est de réformer le
Sénat sur la base d'un projet dit triple «e»: d'abord
élu, plus efficace, donc ayant des pouvoirs, et à
représentation égale, même nombre de sénateurs pour
chacune des provinces. Le premier ministre a ressuscité,
déterré un droit de veto inédit que... On a regardé
dans vos deux briques sur la
Constitution, et on n'a pas trouvé une ligne là-dessus.
Pourtant, c'est considéré comme une somme sur la Constitution,
l'évolution constitutionnelle. Vous avez écrit deux gros bouquins
là-dessus. On a regardé ça, et on a dit: Le juriste, M.
Rémillard, le constitutionnaliste, va sûrement avoir un
exposé éclairant, substantiel sur ce droit de veto inédit
que le premier ministre vient de découvrir. Mais non, pas un mot. C'est
vraiment de l'inédit sur le plan de la théorie constitutionnelle,
du droit constitutionnel. C'est vraiment de l'inédit.
On se retrouve maintenant avec un droit de veto. Ceux qui pensaient
qu'on l'avait perdu, puis ceux qui pensaient, comme nous, qu'on n'a pas pu le
perdre parce qu'on n'en avait pas, bien là, on est renvoyés dos
à dos. Il y en a un, mais personne ne le savait et il est à
l'article 22. Formidable, sauf que j'aimerais bien ça voir vos avis
juridiques là-dessus. Une nouvelle théorie constitutionnelle
aussi inédite mérite, je pense, que ce soit bien assis sur des
bases juridiques solides. J'aimerais beaucoup voir les avis juridiques sur
cette question-là.
Sur la réforme du Sénat, est-ce qu'on doit comprendre que
vous continuez de demeurer dans le vague, le flou, l'Imprécis, que vous
refusez de vous commettre parce que vous allez dans l'Ouest ou est-ce qu'on
peut en savoir davantage sur vos positions quant à la réforme du
Sénat? Qu'est-ce que vous allez répondre aux premiers ministres
de l'Ouest, qui vont vous demander inévitablement: Que pensez-vous du
projet de Sénat triple «e»? Êtes-vous d'accord pour
élire les sénateurs? Il semble que oui. Ça, vous l'avez
admis. Vous me le confirmerez, si je me trompe ou pas.
Bon. Donc, premièrement, concernant l'élection des
sénateurs, vous avez fait une concession importante - vous l'admettez
maintenant -deuxièmement, sur les pouvoirs du Sénat et
troisièmement, surtout sur la représentation égale des
sénateurs. Qu'est-ce que vous allez leur répondre? Allez-vous
répondre oui, que vous êtes d'accord pour les élire et que
oui, vous êtes d'accord pour qu'il y ait une représentation
égale des sénateurs pour chaque province ou alors, vous allez
leur annoncer que vous allez exercer un droit de veto que vous venez de
découvrir? Probablement qu'ils ne sont pas encore au courant. Vous allez
leur apprendre, je suppose, j'imagine. Ça va être une belle
surprise pour eux. Vous allez leur apprendre que vous avez un droit de veto sur
le nombre de sénateurs. Qu'est-ce que vous allez leur dire sur leur
obsession concernant la réforme du Sénat?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: Oui, M. le Président. Tout d'abord,
on sait que dans toutes les fédérations on retrouve deux
organismes au niveau de l'autorité centrale, l'autorité
fédérale, deux orga- nismes législatifs. Quelquefois,
c'est deux chambres législatives comme au Canada ici, comme aux
États-Unis. D'autres fois, c'est une chambre législative
fît un autre organisme d'un autre genre, pensons à l'Allemagne
avec son Bundesrat et son Bundestag.
M. le Président, le principe qui guide ceux qui ont à
rédiger une constitution pour un régime fédéral,
c'est qu'il doit y avoir, au niveau de l'institution fédérale, un
organisme où il y a des représentants du peuple, de la
population; un organisme qui représente des personnes. Donc, des
circonscriptions électorales sont créées et chaque
député qui est au Parlement fédéral
représente sa circonscription. Il ne représente pas sa province,
il représente son comté et à l'autre niveau, parce qu'une
fédération, M. le Président, c'est une union de personnes
et d'États.
Donc, d'une part, vous avez une union de personnes
représentées par des députés et vous avez les
États membres, les États fédérés, ici ce
qu'on appelle les provinces, qui aussi se retrouvent au niveau d'un organisme.
Ici, c'est le Sénat. Le Sénat a été pensé
par les Pères de la Confédération comme étant un
organisme qui pouvait à la fois être représentatif des
régions et des provinces et aussi servir de deuxième étude
pour les lois, donner une nouvelle discussion en fonction des lois qui sont
votées au niveau de l'Assemblée, donc des Communes.
M. le Président, pour réformer le Sénat, tout
d'abord disons au départ qu'on est tous d'accord pour dire que le
Sénat a raté la vocation que lui avait donnée les
Pères de la Confédération en 1867. Il y a deux
possibilités: ou bien on l'abolit - et il y a des provinces qui
aimeraient abolir le Sénat, entre autres, les provinces qui ont des
gouvernements sociodémo-crates... La Colombie-Britannique, la
Saskatchewan et l'Ontario aimeraient mieux tout simplement abolir le
Sénat. C'est la politique du parti social démocrate. Pour notre
part, M. le Président, bon, abolir le Sénat, on n'aurait pas
d'objection, remarquez, mais on comprend que c'est un organisme qui peut avoir
une importance pour qu'il y ait, au niveau de la Fédération, une
représentation équitable des membres de la
Fédération, des provinces.
Souvenons-nous, M. le Président, ça ne fait quand
même pas tellement longtemps, lors des gouvernements Trudeau, il n'y
avait pas un ministre, un député du parti ministériel
élu à l'ouest de Winnipeg. Ça fait une drôle de
situation, M. le Président. On peut comprendre que pour les provinces de
l'Ouest, elles ont pu se sentir loin de l'autorité centrale. Nous, on
est bien prêts à reconnaître cette difficulté et
à travailler à réformer le Sénat. (17 h 20)
À ce niveau-là, la première question qu'on doit se
poser, M. le Président, c'est: Quel pouvoir veut-on donner à ce
nouveau Sénat? On
peut parier d'un Sénat qui serait élu, on peut parler d'un
Sénat qui serait équitable ou égal, peu importe, mais
avant de discuter de cette équité, de cette égalité
ou de cette élection, il faut quand même qu'on décide, M.
le Président, quel genre de Sénat on veut, quelles seraient les
fonctions de ce Sénat. On remarque, dans le rapport Beaudoin-Dobbie,
qu'il y a une dissidence majeure du Parti libéral fédéral
où on ne s'entend pas. On ne s'entend pas manifestement à Ottawa,
entre les partis politiques, sur les pouvoirs qu'on veut donner au
Sénat. Alors, ce que nous disons, nous, M. le Président, c'est:
Répondons à cette question. Quels sont les pouvoirs...
Pardon?
M. Brassard: Allez-y, vous. Quels sont ceux que vous donneriez au
Sénat?
M. Rémillard: Écoutez, je pense que ce n'est pas le
lieu, pour le moment, de vous énumérer les pouvoirs qu'il devrait
avoir.
M. Brassard: Ah!
M. Rémillard: Premièrement, la réflexion, il
faudrait la faire. À notre connaissance, je n'ai pas entendu beaucoup de
réflexion qui a été faite par les journaux, des comptes
rendus qu'on a pu avoir. Je n'ai pas vu beaucoup de discussions
sérieuses qui ont eu lieu sur les pouvoirs que devrait avoir un nouveau
Sénat. On a parié beaucoup de la signification que pourrait avoir
un Sénat plus équitable, plus égal, un Sénat
élu...
M. Brassard: Donc, sur les pouvoirs, vous allez leur
répondre: On ne le sait pas.
M. Rémillard: Non, ce qu'on va leur dire... M.
Brassard: On réfléchit.
M. Rémillard: ...c'est qu'au départ nous sommes
d'accord pour réformer le Sénat. Première des choses.
Deuxième des choses, on considère que cette réforme...
M. Brassard: Réforme en substance.
M. Rémillard: ...devrait tout d'abord se faire par le
consensus qu'on doit établir entre nous sur les pouvoirs qu'on doit
donner au Sénat. Ensuite, on décidera. En ce qui regarde les
sénateurs élus, le premier ministre, M. Bourassa, a dit que nous
n'avions pas objection, en principe, à ce que les sénateurs
soient élus, dans la mesure où on sait quelle sorte de pouvoirs
ils vont avoir. Il ne faut quand même pas, M. le Président,
élire des gens, au niveau du Sénat, qui vont faire exactement la
même chose que les députés aux Communes et qui vont avoir
plus de légitimité, d'une certaine façon, parce que, en
plus d'être élus, ils vont représenter beaucoup plus de
monde.
M. Brassard: Vous êtes d'accord? M. Rémillard:
Hein?
M. Brassard: Vous êtes d'accord pour les élire?
M. Rémillard: Je ne suis pas d'accord.
M. Brassard: Cî, vous êtes d'accord pour les
élire.
M. Rémillard: Non. M. le Président, je vais
reprendre ce que je viens de dire.
M. Brassard: Ce n'est pas clair encore, non?
M. Rémillard: Je vais l'expliquer très clairement.
Si je n'ai pas été clair, je m'excuse. Je vais reprendre, parce
que le député de Lac-Saint-Jean sait à quel point j'aime
être clair. Nous l'avons dit en 1990, lors des dernières
négociations de Meech.
M. Brassard: Oui.
M. Rémillard: On a dit: Un Sénat élu, en
principe, on n'a pas d'objection...
M. Brassard: Ça ne tient plus?
M. Rémillard: ...dans la mesure où nous savons
quels pouvoirs on va leur donner. Ce que le premier ministre, M. Bourassa, a
toujours dit, c'est: On ne doit pas refaire une autre Chambre des communes.
M. Brassard: Ce n'est pas écrit de même. M.
Rémillard: Oui, c'est écrit comme ça. M. Brassard:
Non.
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Lac-Saint-Jean, je vous reconnaîtrai après pour intervenir, mais
laissez-le terminer. Il a droit à 20 minutes en vertu du
règlement.
M. Rémillard: Je n'ai pas d'objection.
Le Président (M. Dauphin): Vous aussi, vous avez droit
à 20 minutes en vertu du règlement.
M. Brassard: On peut dialoguer un peu. le president (m.
dauphin): l'enregistrement des débats se fait pour une seule
personne, non pas les deux en même temps. m. le ministre, terminez...
M. Rémillard: Je peux laisser le député de
Lac-Saint-Jean...
Le Président (M. Dauphin): ...ensuite de ça, je
vous reconnaîtrai, M. le député. C'est parce que...
M. Brassard: Je ne l'ai pas sous les yeux, mais ce n'est pas
écrit de même. Le premier ministre Bourassa, à la suite de
la saga de la dernière semaine, a été très clair.
Il a donné son aval à l'élection des sénateurs. Il
n'y avait pas cette condition: dans la mesure où on s'entend sur les
pouvoirs. Non, non. Il n'y avait pas cette condition-là, il a
donné son aval à l'élection. C'est ça que je vous
demande de reconfirmer. Vous êtes d'accord pour qu'ils soient
élus?
M. Rémillard: Vous verrez ce qu'on a dit et ce qui a
été écrit. On a bien mentionné que nous
étions prêts, en principe, à accepter que les
sénateurs soient élus dans la mesure où on s'entendait. Il
y avait une période de cinq ans où on devait discuter, tout le
monde, pour s'entendre sur les pouvoirs qui devaient être donnés
au Sénat. Si, après cinq ans, on ne pouvait pas s'entendre, il y
avait une nouvelle répartition qui se faisait, mais on ne touchait pas
aux sièges du Québec. Vous vous souvenez le grand débat
que ça a fait? Le Québec a dit: Non, nous, c'est 24
sénateurs et on ne touchera pas à ça. C'est l'Ontario, M.
Peterson, un grand premier ministre de la province de l'Ontario - je veux le
saluer, un Canadien eminent - qui, dans un geste de
générosité...
M. Brassard:...
M. Rémillard: M. le Président, M. Peterson a quand
même fait ce geste remarquable. Je veux simplement insister... C'est que
le Québec a dit: Non, on ne touchera pas au nombre de sénateurs
du Québec. Le Québec a dit ça. Le premier ministre
Bourassa a dit ça, à la table, lorsqu'on a été
invité à ce dîner. Il a duré combien de temps,
là?
Une voix: Une semaine.
M. Rémillard: II a duré une semaine. C'est l'un des
dîners les plus longs de l'histoire de la Fédération
canadienne, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): M. le député.
M. Brassard: En tout cas, je maintiens que M. Bourassa n'a pas
mis de conditions à son acceptation pour qu'on procède à
l'élection des sénateurs. Encore, au mois de mars, je pense que
c'était le 3 mars, quand il a exprimé ses réactions au
rapport Beaudoin-Dobbie, il l'a reconfirmé aussi, et je ne vois pas...
À propos du Sénat, M. Bourassa dit oui à une Chambre haute
élue et efficace, mais constate qu'on propose y réduire la
représentation du Québec et que tout cela devra être
examiné de très près. Alors, ce n'est pas hs pouvoirs qui
le préoccupaient, c'est la représentation. C'est la
représentation. Et, là-dessus, vous avez beau patiner de
façon plus ou moins élégante, il reste que vous allez
devoir leur dire, dans l'Ouest, c'est quoi votre conception de la
représentation au Sénat.
Exercice du droit de veto
J'aimerais aussi vous entendre sur l'exercice du droit de veto. Vous ne
m'en avez pas parlé. Votre droit de veto, là, vos avis
juridiques, est-ce qu'on pourrait les voir? Est-ce que c'est du solide,
ça, ce droit de veto sur le nombre de sénateurs au Québec?
Avez-vous consulté beaucoup de constitutionnalistes là-dessus?
Est-ce que vous êtes sûr et certain que ça a
préséance sur la formule d'amendement général de
1982? êtes-vous d'une certitude totale là-dessus? C'est quand
même étonnant qu'après 125 ans on découvre une chose
dont personne n'a parlé pendant tout ce temps-là, jusqu'à
ce moment-là, puis là, tout d'un coup, on l'a, on en a un, et que
24, c'est intouchable. Êtes-vous bien sûr de ça, là?
Avez-vous des avis juridiques solides là-dessus quant à son
exercice? Êtes-vous bien certain, assuré que ça prime, que
ça a préséance sur la formule d'amendement?
M. Rémillard: Alors, M. le Président...
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre, en
réponse.
M. Rémillard: ...tout d'abord, vous me permettrez de me
référer à ce qu'a cité il y a quelques instants le
député de Lac-Saint-Jean, à la suite de notre discussion
tout à l'heure sur ce que nous avions accepté en ce qui regarde
le Sénat. Ce qu'il a cité confirme exactement ce que j'avais dit.
J'ai dit qu'on avait accepté le principe de l'élection dans la
mesure où on s'entendait sur les pouvoirs à donner. Ce qu'il
vient de me citer, c'est qu'il faudrait regarder ça de près.
NI. Brassard: Non, sur la représentation. M.
Rémillard: Bien oui, ça fait cinq ans. M. Brassard:
Sur la représentation.
M. Rémillard: Bien oui, sur la représentation,
mais...
M. Brassard: La réserve, le bémol de M. Bourassa,
c'est sur la représentation, pas sur les pouvoirs.
M. Rémillard: En tout cas, je pense qu'en
regardant... Vous relirez ce que vous nous avez lu, et vous allez voir,
c'est assez évident, puis il y avait cinq ans de discussion. Mais en
fait, je veux répondre, M. le Président, à la question qui
m'est faite. Nous n'allons pas dans l'Ouest pour négocier, on ne
négocie pas. On va là pour discuter, comme l'a dit le premier
ministre. Il y a plusieurs sujets qu'on veut discuter, des sujets très
importants. Regardez, par exemple, la question de l'environnement. On a eu des
problèmes que vous connaissez fort bien, en ce qui regarde
l'environnement et nos ressources hydrauliques.
M. Brassard: Le droit de veto. Le droit de veto, c'est
là-dessus ma question.
M. Rémillard: Ah, sur le droit de veto.
M. Brassard: Pas sur l'environnement, sur le droit de veto.
M. Rémillard: Eh bien, je peux revenir...
M. Brassard: Pas sur l'environnement, sur le droit de veto.
M. Rémillard: Oui, mais c'est parce que vous me demandiez
si on était pour négocier dans l'Ouest. Je veux juste simplement
vous dire... Je pense que ça va vous intéresser. Je vais revenir
sur le droit de veto. Je sais que ça vous intéresse, le droit de
veto. Vous avez raison.
M. Brassard: Bien oui, ça m'intéresse.
M. Rémillard: Vous avez raison de vous intéresser
au droit de veto, je vous comprends.
M. Brassard: C'est nouveau, ça, c'est de l'inédit.
Ça m'intéresse certain.
M. Rémillard: Je comprends que vous disiez que c'est
nouveau. C'était ancien, là, c'est devenu nouveau, je vous
comprends.
M. Brassard: Ça date de 1867, mais ça vient
de...
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Lac-Saint-Jean... M. le ministre, c'est à vous la parole.
M. Rémillard: Évidemment, ça me rassure plus
quand vous ne vous intéressez pas au droit de veto, parce que la
dernière fois que vous vous êtes intéressé au droit
de veto, ça a mal tourné. Mais, on va revenir...
M. Brassard: Vous l'avez perdu aussi, vous. M.
Rémillard: Oui. Ha, ha, ha!
M. Brassard: Vous l'avez perdu aussi vous, hein?
M. Rémillard: Oui, oui. Mais, je vais... C'est juste pour
vous dire les sujets...
M. Brassard: Vous avez l'air de penser qu'il y a juste nous qui
avons connu un échec en 1982. N'oubliez pas que vous aussi avez connu un
échec sérieux en 1990, un échec monumental.
M. Rémillard: II n'y a pas eu d'amendement...
M. Brassard: N'effacez pas... Ne gommez pas l'histoire.
M. Rémillard: Le Québec n'a pas
été... M. Brassard: On a chacun nos échecs. M.
Rémillard: M. le Président...
M. Brassard: Nous, on n'y a pas participé, à
l'échec; on se l'est fait imposer.
M. Rémillard: M. le Président...
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Lac-Saint-Jean, s'il vous plaît.
M. Rémillard: ...on n'a jamais signé de documents
comme ceux qui ont été signés. Je ne reviendrai pas
là-dessus de toute façon. (17 h 30)
M. Brassard: Oui, oui.
M. Rémillard: Et il n'y a pas eu d'amendement
constitutionnel qui a suivi aussi l'amendement de Meech. Bien au contraire, il
y a actuellement des efforts sans précédent dans toute l'histoire
de la Fédération pour faire une constitution qui pourrait
être acceptable pour le Québec. On verra les résultats.
M. le Président, je disais qu'on allait dans l'Ouest. Tout ce qui
regarde l'environnement et les richesses naturelles, les provinces, l'Alberta,
le Manitoba, la Saskatchewan, la Colombie-Britannique, sont touchées de
plein fouet par ça. C'est un sujet qu'on va aborder avec elles. La
question des communications, toute la question des communications, la
Saskatchewan; ils sont venus nous rencontrer; dernièrement, j'ai
rencontré M. Mitchell à ce sujet-là. Même chose pour
le Manitoba, un autre sujet qu'on va aborder. M. le Président, il y a
bien d'autres sujets qu'on va aborder.
Mais en ce qui regarde, donc, le Sénat et le droit de v^to
partiel... Je dis «partiel», parce que je veux être exact et
je ne veux pas causer de faux espoirs, quand même, au
député de Lac-Saint-Jean. C'est un droit de veto partiel. C'est
un droit de veto qui repose sur des opinions
juridiques et ce n'est pas quelque chose de nouveau. Il y a cinq ans,
ça avait fait la une dans les journaux, entre autres dans le Globe
and Mail. Maintenant, c'est une opinion juridique, nous considérons
qu'elle est fondée.
M. Brassard: Est-ce que vous pouvez la déposer?
M. Rémillard: Bien, vous le savez, vous me le demandez,
vous savez bien la réponse. Vous savez bien que je ne peux pas vous la
déposer, et je pense que vous êtes d'accord pour ne pas que je la
dépose. Vous me posez la question, vous faites bien de me la poser, mais
vous allez être d'accord avec moi, je ne la dépose pas. S'il
fallait que je la dépose, ce ne serait pas dans l'intérêt
du Québec, vous le savez bien. Alors, dans ce cadre-là, on
répondra par la bouche de nos canons en temps et lieu.
M. Brassard: Êtes-vous sûr de ça? Selon les
avis juridiques que vous ne voulez pas déposer, c'est du solide,
ça, ce droit de veto partiel? Je m'adresse aux juristes et aux
jurisconsultes du gouvernement. C'est du solide, ça...
M. Rémillard: Je ne vous donne pas d'opinion
juridique...
M. Brassard: ...ou bien c'est du vent?
M. Rémillard: Je ne vous donne pas d'opinion juridique,
mais je peux vous dire que c'est des opinions solides. D'ailleurs, nous ne
sommes pas les seuls à avoir cette opinion juridique.
M. Brassard: Solides. Donc...
M. Rémillard: Partiel, un droit de veto partiel. Je veux
qu'on s'entende, ne pas vous raconter des histoires. Je vous dis
«partiel», parce que le complet, on l'a perdu.
M. Brassard: Alors, donc, l'article 22 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique a préséance sur la formule
d'amendement. C'est ça que vous me confirmez. Ça a
préséance sur la formule d'amendement...
M. Rémillard: M. le Président, vous me permettrez
de ne pas commenter...
M. Brassard: ...et la formule d'amendement 7-50 ne s'applique pas
à l'article 22. C'est ça que vous êtes en train de me
dire.
M. Rémillard: M. le Président...
Le Président (M. Dauphin): Juste un instant, M. le
ministre.
M. Rémillard: ...vous me permettrez de ne pas
commenter...
Le Président
(m. dauphin): un instant. c'est parce
que, là, j'assiste depuis au moins une dizaine de minutes à des
questions répét'tives, sans cesse.
M. Brassard: Bien oui!
Le Président (M. Dauphin): Alors, si vous me permettez, M.
le député...
M. Brassard: Vous ne trouvez pas ça intéressant, M.
le Président...
Le Président (M. Dauphin): Non, non,
c'est-à-dire...
M. Brassard: ...cet échange-là?
Le Président (M. Dauphin): ...que j'essaie de faire
respecter le règlement, intéressant ou pas. Alors, vous posez une
question, le ministre répond. Si vous n'êtes pas d'accord avec la
réponse, vous pouvez poser d'autres questions.
M. Brassard: C'est ce que je fais.
Le Président (M. Dauphin): Mais, là, j'assiste
à des questions répétitives, sans cesse. Alors...
M. Brassard: C'est ce que je fais.
Le Président (m. dauphin): vous pouvez répondre, m.
le ministre, ensuite, je vais reconnaître m. le député, et
ça va fonctionner comme ça. sinon, ça ne fonctionnera
pas.
M. Rémillard: Vous avez bien raison.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre, en
réponse.
M. Rémillard: Vous avez bien raison, M. le
Président.
Le Président (M. Dauphin): Question courte, réponse
courte. À ce moment-là, on peut s'entendre là-dessus.
M. Rémillard: Vous avez bien raison. Alors, ma
réponse très courte: Comme Procureur général, donc,
je ne donnerai pas d'opinion juridique. Et là aussi, je pense que le
député de Lac-Saint-Jean va me comprendre.
M. Brassard: Bien.
Le Président (M. Dauphin): M. le député.
M. Brassard: Mais j'ai hâte de voir ce que les provinces de
l'Ouest vont vous dire et vont
penser quand vous allez leur révéler que vous disposez
d'un droit de veto partiel qui peut empêcher, dans une réforme du
Sénat, qu'on touche au nombre de sénateurs prévu à
l'article 22. Moi, j'aimerais ça voir les avis juridiques. Je ne les
verrai pas; on va faire quand même quelques consultations. Mais, si vous
voulez mon opinion, c'est du vent. C'est du vent. C'est très fumeux
comme théorie, hein? c'est très fumeux comme théorie, et
je ne vois pas comment une disposition - une disposition - d'une constitution
est soustraite à l'application de la formule d'amendement. Elle est
extraite de la Constitution, mise en exergue, celle-là devient
intouchable. Sur le plan du droit constitutionnel, c'est plutôt fumeux et
difficile à accepter. Mais on va vous voir fonctionner. Vous allez leur
dire, là-bas, que vous avez quelque chose entre les mains, un droit de
veto. On va voir ce qu'ils vont dire. Peut-être qu'ils seront d'accord
avec vous autres, peut-être que ce n'est pas sûr qu'ils acceptent
votre interprétation. J'aimerais bien ça voir les tribunaux se
prononcer sur ce droit de veto partiel.
Ceci étant dit, autre sujet, M. le Président.
M. Rémillard: M. le Président, je ne sais pas si le
député de Lac-Saint-Jean me permettrait de poser une
question.
M. Brassard: Oui.
M. Rémillard: C'est parce que je me demande: Est-ce que
vous affirmez que c'est du vent parce que vous considérez
vous-même - vous avez bien le droit, remarquez - qu'il n'y a rien de
solide là-dedans ou si je peux vous demander si vous en arrivez à
une telle conclusion parce que vos conseillers constitution-nalistes, et je
sais que vous consultez des constitutionnalistes d'expérience, pour
lesquels j'ai beaucoup de respect... Est-ce que vous avez consulté et
vous avez des opinions qui vous amènent à arriver à cette
conclusion?
M. Brassard: Nous consultons. Nous avons consulté. Au
moment où c'est scti, cette semaine, je pense que c'est à une de
mes questions que le premier ministre a mis ça de l'avant, et on a
consulté. On n'a pas encore reçu les opinions écrites. On
va faire comme vous, on ne les déposera pas, on ne les rendra pas
publiques. Non, ce que je vous dis, c'est mon opinion purement personnelle,
peut-être qu'elle changera à partir des avis juridiques qu'on va
recevoir, mais mon opinion personnelle, c'est que la formule d'amendement
s'applique à l'article 22 aussi, la formule d'amendement qui
prévoit que, par le biais de 7-50, on puisse modifier la composition et
la représentation du Sénat, ça s'applique et ça a
préséance sur l'article 22. Moi, c'est mon opinion, mais
peut-être qu'elle sera appelée à être
modifiée. C'est une opinion personnelle, mais on a effectivement
demandé à des juristes de nous donner un avis, une opinion
là-dessus, et on verra si mon opinion personnelle rejoint l'avis des
experts.
M. Rémillard: est-ce que ce serait possible de vous
demander, quand vous allez avoir ces opinions, de me les faire parvenir ou de
les déposer?
M. Brassard: On pourrait faire un échange. Vous me
déposez vos opinions juridiques puis, moi, je dépose les miennes.
Ça pourrait être un échange de bons procédés.
Ça, j'accepterais ça. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Rémillard: En avez-vous beaucoup? Des voix: Ha,
ha, ha!
M. Brassard: Et vous, en avez-vous beaucoup?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brassard: On y réfléchit? Vous
réfléchissez à ma demande? M. le Président, un
autre sujet, c'est...
Le Président (M. Dauphin): Vous n'avez plus de questions,
M. le ministre?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
Formule des deux résolutions: celle qui
exige l'unanimité et celle qui ne
requiert
que l'appui de 7 provinces représentant
50 % de la population
M. Brassard: L'autre question, l'autre sujet, c'est les deux
résolutions. Ça, ça a été confirmé
à maintes reprises par Mulroney, M. Clark aussi, l'intention du
gouvernement fédéral de procéder, de vitesse, je pourrais
dire, c'est-à-dire par la voie de deux résolutions, une
regroupant les dispositions exigeant l'unanimité, l'autre regroupant les
amendements ou les modifications ne requérant que 7-50, l'appui de 7
provinces représentant 50 % de la population. Ça, c'est
l'intention du gouvernement fédéral. Est-ce que le gouvernement
du Québec a donné son accord à cette façon de
procéder?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre. (17 h 40)
M. Rémillard: Alors, M. le Président, je dois dire,
tout j'oDord, qu'on n'a donné notre accord sur aucun processus, sur
aucun libellé, excepté, comme l'a dit le premier ministre, les
libellés qui apparaissent dans Meech et le processus qui a
été suivi dans Meech. À part ça, M. le
Président, aucun processus n'a notre accord, d'aucune façon. On
ne sait pas de quelle façon ils veulent procéder, on n'a pas
d'idée. Mais peu importe, je veux simplement répéter ce
que le premier ministre a dit cet après-midi en Chambre et ce que nous
avons dit à plusieurs reprises depuis plusieurs mois. Ce n'était
rien de nouveau, d'ailleurs, ce que nous disions hier et aujourd'hui, ce que le
premier ministre a dit. Le premier critère pour nous, pour que les
offres soient considérées comme intéressantes, acceptables
pour le Québec, c'est qu'on retrouve Meech en substance. M. le
Président, qu'est-ce que ça signifie, Meech en substance?
Ça signifie la société distincte, ça signifie les
trois juges du Québec à la Cour suprême, ça signifie
les limites au pouvoir de dépenser, ça signifie notre
capacité juridictionnelle en matière d'immigration et ça
signifie le droit de veto du Québec. Donc, je reviens tout simplement
à la case départ, M. le Président, les cinq conditions du
Québec qui étaient là en 1986, qui ont été
l'objet de la résolution de la rencontre d'Edmonton des premiers
ministres en 1986, qui a donné lieu à l'entente du lac
Meech. La position du gouvernement n'a pas changé, le premier ministre
l'a encore affirmé en Chambre cet après-midi: Dans ces offres
que, semble-t-il, on va nous faire, on doit retrouver Meech en substance.
M. Brassard: Sauf que vous avez l'air, comment dire, de minimiser
la façon d'adopter des amendements constitutionnels, et ce n'est pas
anodin. Vous savez très bien que, là, vous venez de me
répéter votre discours: C'est Meech en substance, les cinq
conditions, c'est ça qu'il nous faut. C'est ça, votre position.
Et vous savez très bien que si le gouvernement fédéral
utilise la technique des deux résolutions, celle qui requiert
l'unanimité, les conditions qui requièrent l'unanimité
dans Meech ne passeront jamais, vous le savez. On ne jouera pas les
naïïs ici, cet après-midi. Vous savez très bien que la
résolution qui requiert l'unanimité, elle ne passera pas, parce
que c'est dans celle-là que va se retrouver le droit de veto. Dans
l'autre, il y a trois des cinq conditions de Meech qui vont se retrouver dans
une résolution à 7-50, puis il y en a deux qui vont se retrouver
dans une résolution requérant l'unanimité. Quand on parle
des cinq conditions de Meech, c'est ça. Et si le gouvernement
fédéral maintient sa volonté de passer par deux
résolutions, de faire adopter deux résolutions, c'est
évident que celle qui requiert l'unanimité ne passera pas. Donc,
vous allez vous retrouver avec une résolution, qui pourrait être
adoptée, qui ne comporte que trois des cinq conditions de Meech, vous le
savez fort bien.
Alors, moi, je trouve ça un peu curieux que vous minimisiez toute
la façon de fonctionner, la façon de procéder, la
procédure; ça a un effet direct sur ce qui peut être
adopté ou pas. Alors, si je comprends bien le gouvernement du
Québec, sa position officielle, c'est qu'il est à peu près
indifférent à la procédure. Deux résolutions ou une
seule, ça vous fait ni chaud ni froid, ça vous indiffère,
sachant pourtant fort bien que, par deux résolutions, il y a des
conditions qui ne seront jamais acceptées.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, j'ai eu l'occasion
de répéter à plusieurs reprises, et vous me permettrez de
le répéter encore une fois, que je ne peux pas ici, pendant ces
travaux que nous faisons, M. le Président, commenter tous les
scénarios hypothétiques. C'est des hypothèses. Le
député de Lac-Saint-Jean pourrait me donner bien d'autres
scénarios hypothétiques. Je sais qu'il a beaucoup d'imagination,
et c'est tout à son honneur. Les gens qui ont de l'imagination, je
trouve que c'est la preuve de beaucoup de choses. Alors, il pourrait faire
preuve d'imagination, il pourrait me soumettre beaucoup de scénarios.
Mais, M. le Président, je vous dis que ce serait un manque de respect
pour cette commission que je prenne le temps de cette commission pour
répondre à tous ces scénarios hypothétiques. Tout
d'abord, je n'en ai pas le mandat. Je n'en ai pas le mandat comme ministre.
Pour le gouvernement que je représente, je n'ai pas ce mandat-là.
Il faudrait que j'aie des mandats en conséquence.
Moi, ce que je peux vous dire, M. le Président, c'est ce qui
existe et ce qui existe, c'est la position du gouvernement, c'est que des
offres, pour être acceptables... Lorsque votre commission, M. le
Président, les étudiera, lorsque le député de
Vimont, le député de Viger, le député de Sherbrooke
seront sur cette commission et travailleront avec nous pour voir si ces offres
qu'on nous fait sont acceptables, une première balise, une balise
fondamentale va être, pour nous, de vérifier si on retrouve Meech
en substance. Et je reprends ce que je viens tout juste de vous dire: Meech en
substance, ça veut dire le droit de veto récupéré
pour le Québec.
Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: de toute façon, m. le président, ce
n'est pas un scénario que j'imagine. c'est la position exprimée
par mulroney et clark. c'est comme ça qu'ils veulent procéder.
alors, ce n'est pas un rêve, une hypothèse que j'ai
imaginée comme ça. c'est la position du gouvernement
fédéral.
Partage des compétences
L'autre question, M. le Président, rapidement, c'est la question
du partage des pouvoirs, du partage des compétences. Quand le ministre
a
fait un discours à Whistler, en Colombie-Britannique, il a
été on ne peut plus clair en disant qu'il lui apparaissait
nécessaire que le renouvellement du partage des compétences soit
de nature constitutionnelle. Il disait également que «de simples
arrangements administratifs peuvent, dans certains domaines de
compétence partagée, être utiles, mais on sait que de
telles ententes demeurent à la merci de la législation
fédérale. Elles ne sont pas suffisantes. On ne rendrait service
à aucun ordre de gouvernement en privilégiant le recours
systématique aux ententes administratives.» Donc, un
renouvellement de partage des compétences, mais de nature
constitutionnelle. Ça veut dire que la Constitution, nommément,
spécifierait que telle, telle, telle compétence, tel pouvoir est
du ressort des provinces ou du gouvernement fédéral, que ce
serait donc à caractère constitutionnel.
On connaît la position du Parti libéral sur la liste des
compétences exclusives nécessaires au Québec,
réclamées pour le Québec, mais le ministre, qu'est-ce
qu'il entend par «un nouveau partage de compétences de nature
constitutionnelle»? Est-ce qu'il pourrait nous indiquer un certain nombre
de secteurs ou de compétences que le Québec devrait en toute
nécessité obtenir en exclusivité pour assurer la
promotion, la protection de son identité? Est-ce qu'on pourrait avoir
une liste... Je sais bien qu'elle ne sera pas aussi longue que dans le rapport
Allaire, mais je vais vous lancer un petit défi. Je vais vous en
demander juste cinq, nommez-moi cinq compétences exclusives pour le
Québec, à part celles qu'on a déjà là.
N'allez pas là-dedans, n'allez pas dans cette liste-là. N'essayez
pas de me tromper, je vous ai à l'oeil. Cinq, nommez-moi-en cinq qui
seraient transférées du gouvernement fédéral vers
le Québec. Ce n'est pas beaucoup. On est loin de la liste du rapport
Allaire. Juste cinq.
M. Rémillard: M. le Président...
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: ...comme on dirait chez nous, à
baie-saint-paul, le député de lac za.r.t-jean, il est
«vlimeux».
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rémillard: II est «vlimeux», il veut
m'embarquer...
M. Brassard: Vous, vous êtes «ratoureux».
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rémillard: Ça, c'est au Lac-Saint-Jean. Ha, ha,
ha! Un «vlimeux» vaut bien un «ratoureux».
En tout cas, M. le Président, quand on parle de
l'exclusivité des juridictions, d'abord quand on parle des juridictions
dans un régime fédéral, on parle du coeur d'un
régime fédéral. Le fédéralisme, ça
existe pour créer deux ordres de gouvernement. Alors, c'est important
qu'on respecte les juridictions qu'on donne à l'un et à l'autre.
(17 h 50)
Alors, M. le Président, le problème qui s'est passé
dans la Fédération canadienne, c'est qu'avec l'évolution
de la Fédération, toutes les compétences attribuées
exclusivement aux provinces ont été, finalement, affectées
par l'utilisation de ce qu'on a appelé le pouvoir de dépenser du
gouvernement fédéral. Donc, lorsqu'on parle d'exclusivité
des juridictions, la première difficulté, c'est ce pouvoir de
dépenser. Dans toutes les juridictions qui relèvent du
Québec comme des autres provinces, on se retrouve, d'une façon
directe ou indirecte, avec la possibilité de l'action du gouvernement
fédéral. Et, tantôt, je parlais en introduction, par
exemple, des ententes qu'on a faites dans l'EDER, le développement
économique et régional, richesses naturelles concernant les
municipalités, concernant tous ces sujets de compétence
provinciale. Mais le fédéral est là par un pouvoir de
dépenser. Donc, pour nous, un premier élément important,
c'est de circonscrire l'utilisation de ce pouvoir de dépenser pour le
gouvernement fédéral. Ensuite, M. le Président, en 1867,
les Pères de la Confédération ont fait preuve de beaucoup
de vision, mais, à part Jules Verne qui imaginait beaucoup de choses
à ce moment-là, il y avait peu de monde qui pouvait imaginer, en
1867, qu'on marcherait sur la lune, qu'on aurait des problèmes
d'environnement comme ceux qu'on a et qu'on aurait ces facilités de
communication extraordinaires. Alors, des nouvelles compétences qui
viennent s'ajouter et qui doivent être resituées dans une
perspective maintenant d'évolution de notre Fédération, de
notre situation aussi comme Québécois.
Alors. M. le Président, je ne ferai pas de liste de
compétences. Le rapport Allaire est là comme
référence pour nous, première. Et le député
de Lac-Saint-Jean sait, par contre, qu'en ce qui regarde l'immigration,
ça faisait partie de l'entente du lac Meech. Il sait aussi que mon
collègue, le ministre de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu, a réussi à établir un
consensus, unanimité de tous les intervenants, niveaux patronal et
syndical, sur cette nécessité de récupérer, pour le
Québec, sa juridiction sur la main-d'oeuvre. Ça, ça a
été mentionné à plusieurs reprises. Alors, je ne
donne pas de liste, je vous réfère à des exemples qui ont
été donnés à plusieurs reprises et je vous dis que
le rapport Allaire nous sert de première référence. On
verra lorsque ça r.ous arrivera et on les étudiera. Il
s'agit de pouvoir avoir les juridictions qui nous permettent d'exprimer ce que
nous sommes et de participer de plein droit, comme partenaire à part
entière, à l'évolution et à la richesse, je
devrais dire, à la suite, surtout, des commentaires et des
analyses qu'ont faits les Nations unies sur le Canada comme un pays qui occupe
un rang privilégié dans la richesse mondiale quant à la
qualité de vie. Alors, M. le Président, c'est dans ce
contexte-là qu'il faut situer les revendications du Québec.
M. le Président, j'insiste, en terminant, pour dire qu'on ne
revendique pas pour le plaisir de revendiquer, et ce n'est pas notre objectif
de revendiquer des juridictions pour qu'on monte le drapeau
québécois plus haut que le drapeau canadien. Ce n'est pas la
question. On recherche seulement que nous puissions exprimer pleinement ce que
nous sommes, sur le plan culturel comme sur le plan économique, et qu'on
puisse participer de plein droit à la richesse, à
l'évolution et à l'expression de cette Fédération
du Canada.
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: M. le Président, ah! je suis très
déçu. Pourtant, il me semblait que mon défi n'était
pas très élevé, cinq. On s'est rendu à une, la
formation de la main-d'oeuvre. Bon, bien, en tout cas. Une liste courte.
Pouvoir de dépenser
Le ministre faisait référence au pouvoir de
dépenser. Et c'est vrai qu'on a beau imaginer le plus beau partage des
compétences, si, par le biais du pouvoir de dépenser, le
gouvernement fédéral peut venir chambarder, bouleverser ce
partage des compétences, et c'est ce qu'il a fait au fil des ans, c'est
ce qu'il continue de faire présentement, c'est clair qu'à ce
moment-là, c'est purement théorique comme partage. Donc, il est
absolument essentiel de baliser, limiter, réduire l'exercice du pouvoir
de dépenser du gouvernement fédéral. Et même des
fédéralistes aussi convaincus que le Groupe des 22 allaient
très loin, réclamaient l'abolition pure et simple du pouvoir de
dépenser, l'interdiction pour le gouvernement fédéral
d'exercer son pouvoir de dépenser dans des domaines de juridiction, de
compétence exclusive des provinces. Et, pourtant, c'est un groupe
fédéraliste, le Groupe des 22. Il allait jusque-là, parce
qu'il était conscient que c'était là le problème.
Et un partage, une belle distribution théorique des compétences,
ça ne veut pas dire grand-chose si le pouvoir de dépenser peut
s'exercer librement.
Et, là-dessus, il y a une évolution assez
inquiétante. Dans Meech, on partait d'objectifs compatibles, de mise en
place de programmes avec des objectifs compatibles avec les objectifs du
programme fédéral. Dans les propositions de septembre, là,
les programmes devaient atteindre les objectifs et, dans Beaudoin-Dobbie,
là, le programme doit réaliser les objectifs
fédéraux. Alors, c'est devenu tellement... l'encadrement du
pouvoir de dépenser s'est de plus en plus réduit, ce qui fait
que, finalement, les objectifs fédéraux des programmes
cofinancés vont s'imposer de façon très forte à
tout le monde et les provinces qui vont se retirer, pour obtenir une
compensation financière, vont devenir, en quelque sorte, uniquement des
exécutants, de simples exécutants des programmes
fédéraux.
Est-ce que vous allez exiger, en matière de pouvoir de
dépenser, de retourner au minimum à Meech, au minimum, ou si vous
êtes disposé, encore là, à vous contenter, soit de
ce qu'on retrouve dans les propositions de septembre, soit môme de ce
qu'on retrouve dans Beaudoin-Dobbie?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, le pouvoir de
dépenser a fait l'objet de beaucoup de discussions pendant toutes ces
années où nous avons discuté l'entente du lac Meech et, en
particulier, au lac Meech même lorsque nous avons fait la première
entente et, ensuite, à l'édifice Langevin surtout, quelques jours
après, le 3 juin 1987. Et, si ma mémoire est bonne, c'est a
4 h 20 du matin qu'on a finalement accepté un libellé, et
c'est le premier ministre d'alors du Manitoba, M. Pawley, qui avait
consulté M. Broadbent, qui était, à ce moment-là,
le leader du NPD. Il avait reçu un téléphone, ils
s'étaient consultés et, finalement, on avait accepté le
libellé qui était donc une limite du pouvoir de dépenser
du gouvernement fédéral, avec la possibilité pour le
Québec et les autres provinces qui voudraient le faire de se retirer
d'un programme conjoint, dans la mesure où ils pourraient retirer de
l'argent, qui leur reviendrait, dans la mesure où leurs propres
programmes, aux provinces, étaient compatibles avec les objectifs
nationaux. Alors, tous ces mots-là avaient leur importance. Ce
n'étaient pas les objectifs du programme fédéral, mais
nationaux.
Là, le libellé qu'on va nous proposer, je ne le sais pas,
je ne le connais pas. On a eu l'occasion de commenter, M. Bourassa l'a fait, le
libellé qui se retrouvait dans Beaudoin-Dobbie, et...
M. Brassard: Ça ne vous convient pas?
M. Rémillard: ...il a dit à quel point il y avait
des problèmes avec ce libellé, nous en avons toujours. Et ce que
nous avons dans Meech est un point; pour nous, c'est une
référence importante. Maintenant, ce qui est intéressant
dans Beaudoin-Dobbie aussi, c'est la possibilité de limiter le pouvoir
de dépenser du fédéral dans des secteurs d'activité
de compétence exclusive des provinces aussi, pas simplement au niveau
des plans conjoints. Ça, c'est un aspect positif de Beaudoin-Dobbie. On
a parlé des aspects négatifs, mais il faut aussi
reconnaître qu'il y a des aspects positifs, et ça, c'est un
aspect positif de Beaudoin-Dobbie.
M. Brassard: C'est quoi exactement?
M. Rémillard: C'est de circonscrire l'utilisation du
pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral dans les
champs de compétence provinciale.
M. Brassard: Donc, que ce ne soit pas nécessaire que ce
soient des programmes cofinancés.
M. Rémillard: Exactement. C'est un pas de plus que fait
Beaudoin-Dobbie, c'est un pas important. On ne l'a peut-être pas assez
souligné, mais je le souligne aujourd'hui.
M. Brassard: Est-ce que c'est une exigence que vous faites
vôtre? (18 heures)
M. Rémillard: Pour nous, c'est une situation qu'on a
beaucoup critiquée, que le gouvernement fédéral se
retrouve dans nos champs de compétence. Entre autres, je reviens
toujours à l'EDER, je vous ai parlé des ententes de
développement économique et régional tout à
l'heure. Si on fait ces ententes, c'est parce que le fédéral,
dans nos champs de compétence législative, vient dépenser
des sommes d'argent. Et on veut que ce soit efficace, on veut que, lorsqu'on
dépense 1 $, les Québécois puissent en profiter, que ce ne
soit pas un dédoublement, un manque de coordination entre les deux
ordres de gouvernement qui fait perte d'argent, perte d'énergie et perte
de temps. Alors, un des aspects positifs de Beaudoin-Dobbie, c'est de
circonscrire l'utilisation du pouvoir de dépenser du
fédéral, pas simplement dans les plans conjoints, et aussi au
niveau des compétences législatives des provinces. Ça,
ça mérite attention.
M. Brassard: Et vous êtes d'accord avec ça?
M. Rémillard: Je trouve que ça mérite, en
tout cas, qu'on le regarde de p'ès et qu'on en discute, parce que
l'ouverture est intéressante. Reste à voir comment il pourrait
s'exercer. Ça reste à voir.
Études d'impact sur l'intégration des
services fédéraux
M. Brassard: M. le Président, j'aurais une dernière
question, quant à moi, pour respecter l'entente qu'on a convenue, et
ça porte sur les études d'impact sur l'intégration des
services fédéraux. À la demande du secrétaire
général du gouvernement, l'automne dernier - on est maintenant
rendu au printemps, ça fait déjà plusieurs mois - les
ministères et les organismes du gouvernement ont produit des
études d'Impact sur l'intégration des responsabilités des
services fournis par le gouvernement fédéral en territoire
québécois. J'ai déjà révélé le
mandat ou le cadre de ces études. Le ministre l'a reconnu. Il avait
répondu à l'époque qu'il n'était pas satisfait de
toutes les études, qu'il y en avait qui méritaient d'être
complétées et corrigées. Et c'est pourquoi il avait
donné de nouvelles directives, le secrétaire
général avait donné de nouvelles directives pour
compléter l'opération et l'achever.
Au moment où on se parle, cette opération est sans aucun
doute complétée, terminée, achevée. Il s'agit
'à d'études d'impact extrêmement intéressantes et
fort utiles, entre autres pour la commission qui étudie les questions
afférentes à la souveraineté, parce que ça nous
permettrait de voir comment les services et les programmes
fédéraux au Québec de même que les budgets
afférents, comment tout cela pourrait être assumé par les
divers ministères du Québec et, donc, dispensé, ensuite,
aux citoyens québécois. C'est important de savoir ça. On
en a souvent parlé à la commission sur les questions
afférentes à la souveraineté. Le gouvernement s'est
toujours refusé à les déposer, l'un des prétextes
pour justifier son refus, c'était que ce n'était pas fini, ce
n'était pas complété. Mais, là, au moment où
on se parle, en début mai, c'est sûrement complété,
l'opération est achevée, le secrétaire
général a dû récolter toutes les études de
tous les ministères, en faire une synthèse.
Est-ce que le ministre ne reconnaît pas qu'il serait utile, pour
ne pas dire même essentiel, en vue d'une information complète des
Québécois sur ce qu'il adviendrait s'ils avaient à
décider de leur avenir dans le sens de la souveraineté... Et je
fais référence à de multiples discours du
député de Viger, que j'ai en face de moi, qui revenait
constamment, à la commission sur la souveraineté, sur cet aspect
des choses en disant: II faut que les Québécois soient bien
informés, il faut assurer une bonne information, une solide information,
une information complète; il faut qu'on puisse prendre notre
décision en connaissance de cause. Eh bien! dans cette
perspective-là, il me semble que ces études-là seraient
utiles, même nécessaires. Est-ce que le gouvernement - encore une
fois, je lui repose la question - est disposé à déposer,
à la commission sur la souveraineté, ces études d'impact
sur l'intégration des services fédéraux?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: Alors, M. le Président, tout d'abord,
pour faire référence à ce que disait le
député de Lac-Saint-Jean, lors de nos premières
discussions sur ces études, on se référait alors à
des études Gui avaient été commandées dans le cadre
des travaux de la commission Bélanger-Campeau, finalement, qui n'ont
jamais été utilisées. Ça avait été
incomplet, Inutilisé. Et, ensuite, par la suite, étant
donné les suites que
nous avons données à la commission Bélanger-Campeau
avec la création de la loi 150, la création, dis-je, des deux
commissions parlementaires, le secrétaire général du
gouvernement, M. Morin, a jugé bon de commander des études aux
ministères. Donc, c'est au niveau du secrétaire
général, pas à mon niveau.
Moi, ce que je peux vous dire, M. le Président, c'est que je n'en
ai pas vu, de ces études. Je n'ai pas eu connaissance qu'elles aient
été faites ou quoi que ce soit. Je n'en ai pas vu. On doit se
rappeler que le principe, dans ce cas-là, est toujours le même:
rendre publiques toutes ies études qui peuvent être rendues
publiques. Notre position, du gouvernement, va être la même que
celle qui était pour le gouvernement péquiste, lorsque M. Claude
Morin disait qu'il rendrait publiques les études qui pouvaient
être rendues publiques sans toucher à la capacité de
discussion, de négociation et d'affirmation du gouvernement et de
l'Assemblée nationale. Alors, la réponse, c'est un processus qui
est au niveau du secrétaire général, pas à mon
niveau à moi. Moi, je n'ai pas vu d'études.
M. Brassard: M. le Président, le ministre n'est vraiment
pas curieux, parce qu'on est revenu souventefois en commission sur ce sujet.
C'est vrai qu'il a quitté la commission sur la souveraineté
depuis des mois. On ne l'a pas revu depuis décembre. On s'ennuie
beaucoup de lui, à l'occasion.
M. Rémillard: À l'occasion, M. le Président.
À l'occasion.
M. Brassard: Constamment. Excusez-moi. M. Rémillard:
Constamment. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brassard: Constamment. Excusez mon erreur. Ça
m'étonne que sa curiosité ne l'ait pas poussé à
aller rencontrer le secrétaire général, M. Morin, pour
regarder ces études-là. Est-ce qu'au moins le ministre est en
mesure de me répondre que l'opération est
complétée?
M. Rémillard: Je crois savoir... Je vais demander à
Mme la sous-ministre. Un instant. On me confirme que l'opération est
toujours en cours.
M. Brassard: L'opération est toujours en cours, pas
terminée?
M. Rémillard: C'est ce qu'on me confirme. Mme Wilhelmy me
confirme que c'est toujours en cours.
M. Brassard: Est-ce qu'il y a une échéance pour la
compléter? Est-ce qu'il y a une échéance pour la
compléter, parce que ça devait être
complété... À ma connaissance, si je me souviens bien de
vos réponses, ça devait être complété
l'automne dernier.
M. Rémillard: Je vais demander à Mme Wilhelmy de
compléter la réponse. S'il vous plaît.
M. Brassard: Oui.
Le Président (M. Dauphin): Mme Wilhelmy.
M. Brassard: Ça me fait plaisir de vous entendre, Mme
Wilhelmy, avant la fin de nos travaux. Avant la fin de nos crédits, il
faut absolument vous entendre, au moins. Donnez-moi une bonne nouvelle,
là, madame.
Mme Wilhelmy (Diane): Ah, mon Dieu! Eh bien! l'opération
enclenchée par le secrétaire du gouvernement est toujours en
cours. Il y avait effectivement des échéances qui avaient
été données aux ministères pour l'automne dernier.
Les échéances ont été respectées. Dans
certains cas, des informations additionnelles étaient
nécessaires. Les travaux sont menés rondement. Alors...
M. Brassard: Mais, pour ce qui est des informations
additionnelles que vous avez exigées, est-ce que vous avez aussi une
échéance pour que l'opération soit
considérée comme terminée complètement?
Mme Wilhelmy: Je ne ferai pas de commentaires sur
l'échéance. Je crois qu'elle était déjà
connue. M. Rémillard en avait fait part l'automne dernier, à
savoir que l'échéance était contenue dans la lettre du
secrétaire général du gouvernement. Et les informations
additionnelles qui ont été demandées visaient à
apporter des informations additionnelles qui manquaient au dossier. Mais les
échéances sont demeurées les mêmes.
M. Brassard: Merci. M. le Président, quant à moi,
peut-être une conclusion, encore une fois pour exprimer une crainte, une
inquiétude. C'est que le ministre a répété sans
cesse depuis quelques jours que si Meech est respecté en substance,
ça pourrait avoir des effets majeurs sur la conduite du gouvernement et
sur ses décisions quant au dossier constitutionnel. Mon
inquiétude, c'est que «Meech en substance» signifie
«Meech en apparence» et que le synonyme de «substance»
soit «apparence». J'espère que «Meech en
substance» ne signifie pas «Meech en apparence», parce que,
sans ça, ça va être dommageable et néfaste pour -
comme le dit souvent et le répète souvent le premier ministre -
les intérêts supérieurs du Québec.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre,
pour le mot de la fin. (18 h 10)
M. Rémillard: Oui. M. le Président, je veux
simplement revenir sur ce qui est le plus important pour moi. Nous sommes en
démocratie; il y a un processus démocratique qui sera suivi. Il y
a une commission sur les offres qui sera là pour étudier des
offres si nous recevons des offres. Et, M. le Président, le gouvernement
est libre de tenir un référendum sur des offres; c'est clair de
par la loi, que ce soit la loi 150, que ce soit la loi
référendaire. C'est une option qui appartient au gouvernement. On
verra.
M. le Président, dans ce contexte-là, tout sera fait
respectant le processus parlementaire et démocratique qui est le
nôtre. On sera là comme parlementaires pour apprécier ces
offres, et le gouvernement prendra ses responsabilités. Dans ce
contexte-là, M. le Président, je dois dire que, pour nous, ce qui
est important, c'est qu'en bout de piste, ce sont les Québécois
et les Québécoises qui vont décider. Par voie de
référendum directement, ils décideront de leur avenir
politique.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, en terminant, vous
me permettrez de vous remercier et remercier les membres de cette commission,
remercier Mme Wilhelmy, M. Beaudet et toute l'équipe du
Secrétariat qui ont fait un travail encore remarquable cette
année et qui apportent, par leur compétence, leur
disponibilité, une aide précieuse au gouvernement pour que les
intérêts supérieurs du Québec soient
respectés. Je les remercie.
Adoption des crédits
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Est-ce
que le programme 5 du ministère du Conseil exécutif est
adopté?
Une voix: Adopté. M. Brassard: Adopté.
Le Président (M. Dauphin): Adopté. Alors, la
commission ayant accompli son mandat ajourne ses travaux sine die. Merci.
(Fin de la séance à 18 h 12)