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(Quinze heures seize minutes)
Le Président (M. Dauphin): Le quorum étant
constaté, je déclare ouverte la séance de notre
commission, la commission des institutions, qui a pour mandat cet
après-midi de procéder à l'étude des crédits
budgétaires du ministère du Conseil exécutif,
c'est-à-dire les programmes 1 et 2, pour l'année
financière 1991-1992. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements quant aux membres?
La Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a deux
remplacements: Mme Caron (Terrebonne) est remplacée par M. Parizeau
(L'Assomption) et Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve) par M. Paré
(Shefford).
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Je rappelle aux
membres de cette commission que nous avons une enveloppe de quatre heures pour
faire l'étude des crédits en question. J'invite donc dès
maintenant le premier ministre du Québec à faire ses remarques
préliminaires.
Remarques préliminaires M. Robert
Bourassa
M. Bourassa: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais
souhaiter, si on pouvait régler ça en trois heures et quart,
trois heures et demie. J'ai un caucus à 18 h 30 et je vais essayer
d'être concis dans mes réponses.
Je sais qu'il y a une motion qui, actuellement, est
présentée à l'Assemblée nationale à la suite
du décès de M. Hatfield et, étant donné que j'avais
mes crédits et que je ne pouvais pas y participer, on me permettra quand
même de souligner le travail considérable que M. Hatfield a
accompli pour le progrès de la francophonie canadienne et surtout son
travail remarquable pour la sécurité culturelle des Acadiens. Je
pense bien que l'histoire va certainement retenir le travail qu'il a accompli
comme premier ministre du Nouveau-Brunswick, notamment pour le bilinguisme de
sa province et l'avancement des Acadiens.
Je n'ai pas l'intention, M. le Président, de faire une longue
déclaration. Je crois que la tradition, on l'avait suivie l'année
dernière, c'est de traiter, de laisser le débat ouvert à
toutes les questions. Si le chef de l'Opposition ou ses collègues
veulent me questionner sur différents sujets, que ce soit la
Constitution, les relations fédérales-provinciales, ou les
contrats confidentiels des aiumineries, ou tous les sujets d'actualité,
je serai tout à fait disponible pour leur répondre de la
façon la plus limpide possible, évidemment en respectant la
séparation des pouvoirs.
On verra, on pourra conclure tantôt, mais je veux exprimer ma
satisfaction de retrouver le chef de l'Opposition à la suite de son
voyage en France. Sa volonté d'en faire également dans le Canada
anglais, sûrement qu'on aura l'occasion d'en traiter durant quelques
minutes. On est d'accord, les deux partis, pour souligner que la France est
l'allié politique le plus précieux du Québec, que
notamment grâce à son intervention le Québec a pu, avec la
collaboration du gouvernement fédéral - c'est une entente qui
avait été signée avec M. Pierre Marc Johnson en octobre
1985 - participé au sommet francophone comme gouvernement distinct.
Donc, c'est très important de pouvoir souligner l'importance de ces
relations directes et privilégiées avec la France.
Quant à la question constitutionnelle, nous avons l'intention de
déposer un projet de loi faisant suite aux recommandations de la
Commission Bélanger-Campeau et de respecter les recommandations,
c'est-à-dire de déposer le projet de loi avant le 15 mai, pour
qu'il soit adopté ce printemps. Alors, je laisse la parole au chef de
l'Opposition en lui disant que je serai tout à fait disponible pour les
questions qui pourraient lui paraître pertinentes.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre.
Alors, je vais maintenant reconnaître M. le chef de l'Opposition
officielle.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, quelques remarques
préliminaires de mon côté aussi. Simplement pour indiquer
au premier ministre que j'ai l'intention d'aborder avec lui deux ordres de
sujets. Peut-être pour le bon ordre de nos délibérations,
il se pourrait, s'il n'y voit pas d'objection, que l'on essaie, j'allais dire,
de vider un sujet; ça, c'est peut-être beaucoup trop demander,
mais enfin de passer un certain temps sur un sujet et ensuite d'aborder
l'autre.
Les deux sujets sont les suivants: Je voudrais que l'on cherche à
clarifier davantage que ça n'a été le cas ou que ça
n'a été possible jusqu'à maintenant les intentions du
gouvernement quant au déroulement des débats constitutionnels au
Canada, et revenir sur un thème qui lui tient à coeur et que j'ai
eu l'occasion de discuter à Paris assez longuement, celui, dans
l'optique de la souveraineté du Québec, de la
nécessité selon lui, de la non-nécessité selon moi,
d'avoir entre le Québec et le Canada des institutions politiques qui
permettent de faire
fonctionner les liens économiques et, en particulier, la monnaie.
Le premier ministre s'inspire souvent de l'exemple européen à cet
égard et j'ai été fort intéressé, pendant
mon séjour à Paris, d'entendre M. Chirac dire en toute candeur
qu'au fond ce système politique qui peut-être apparaîtra en
Europe, de toute façon, n'est pas exportable. Il ne faut surtout pas
chercher à l'appliquer au Canada et au Québec.
Deuxième axe de discussion, je souhaiterais que nous parlions de
la gestion économique du gouvernement. En somme, tant que
l'activité économique s'est déroulée, somme toute,
assez bien pendant un certain nombre d'années en Amérique du Nord
où la croissance économique a été assez rapide, aux
États-Unis, au Canada et donc au Québec aussi, le gouvernement a
pu faire ce qu'à un moment donné j'ai appelé une sorte de
"surfing" sur la vague, parce que ça allait très bien. Bon, eh
bien, ce n'était pas très compliqué. C'est quand les
choses vont moins bien que, là, les problèmes de gestion de
l'économie sont susceptibles d'apparaître et, effectivement, il en
est apparu toute une série qui va, bien sûr, de la grande
politique du gouvernement à l'égard de
l'hydroélectricité et des alumineries, mais qui couvre bien
d'autres sujets que ceux-là. Je voudrais être en mesure d'en
aborder quelques-uns dans le temps qui nous est imparti.
Alors, voilà, M. le Président, si le premier ministre est
d'accord, nous pourrions aborder le premier ordre de préoccupations et,
ensuite, passer au second.
M. Bourassa: Ah! Je suis toujours d'accord.
Le Président (M. Dauphin): Alors, ça va, M. le
premier ministre?
M. Robert Bourassa (réplique)
M. Bourassa: Alors, je vais juste répondre un peu aux
déclarations qu'il citait. Il dit: Je n'aurais eu que cette
déclaration de M. Chirac que ça aurait valu le voyage. J'ai
été un peu étonné de cette conclusion. Je n'ai
jamais soutenu que, sur le plan géopolitique, l'Amérique du Nord
et l'Europe étaient semblables. Je veux dire, M. Chirac a dit: En
Europe, ça fonctionne comme ça et en Amérique du Nord...
Ce sont deux continents différents.
Le problème que doit retenir le chef de l'Opposition c'est
qu'actuellement, en Europe, on discute beaucoup de la correspondance de l'union
politique avec l'union économique. Je crois qu'il y a eu une discussion,
je ne sais pas si on avait eu à en parier, le 15 avril au Luxembourg,
sur cette question-là. On se demandait jusqu'où on devait
accroître les pouvoirs du Parlement européen. Et ceci a
été mis en relief, notamment, par l'adoption de l'Acte unique
européen qui augmentait les décisions à la
majorité. C'est-à-dire qu'il y avait des pays qui étaient
minoritai- res et qui n'avaient pas de droits. Alors, on a conclu de cela, on a
dit: Si l'Acte unique européen élargit les votes à la
majorité, ça veut dire qu'il y a des pays minoritaires, dans ces
décisions, qui n'ont aucune voix au chapitre. Donc, dans la logique
démocratique, il faut accroître les pouvoirs du Parlement
européen et l'Acte unique européen, je le rappelle au chef de
l'Opposition, a été adopté par les 12 pays. Le
gouvernement de M. Chirac l'a adopté en 1987, je crois. Le gouvernement
de M. Chirac lui-même a adopté l'Acte unique européen.
Donc, la question que je pose n'est pas de savoir si, sur le plan
géopolitique, l'Europe et l'Amérique du Nord, c'est semblable.
Tout le monde sait que ce n'est pas le cas. La question qui se pose, c'est:
Lorsqu'on a une intégration économique très
poussée, est-ce qu'on doit l'appuyer d'une intégration politique?
Et j'admets que dans les pays européens il y a des divergences de points
de vue. Le chancelier Kohi insiste beaucoup pour cette application, de
même que M. Gonzalez et M. Andreotti. En France, il y a ce qu'on appelle
les nationalistes et les fédéralistes. Je ne sais pas si le chef
de l'Opposition a rencontré M. Giscard d'Estaing pour discuter de cette
question-là, mais je ne vois pas en quoi le chef de l'Opposition peut
sérieurement invoquer cette déclaration de M. Chirac à
l'effet que les deux continents sont différents pour dire que ceci
contredit mes points de vue.
Quand j'ai rencontré M. Chirac en 1988, il avait
été très clair sur l'appui au gouvernement sur la question
linguistique. Là, on pouvait l'évoquer. J'ai fait ressortir
ça. Sur la question de la loi 178, on sait que le chef de l'Opposition,
le 15 décembre 1988, était au centre Paul-Sauvé où
il avait été acclamé, dénonçant le
gouvernement sur la loi 178. Et quelques semaines par la suite, M. Chirac avait
pris position d'une façon très claire. Il ne comparait pas les
deux continents. Il disait qu'il était tout à fait d'accord avec
cette loi: "Chirac loue l'attitude de Bourassa face au jugement sur
l'affichage". "Chirac admire Bourassa".
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourassa: C'est des manchettes.
M. Brassard: C'est un entrefilet.
M. Bourassa: Non, regardez, ce n'est pas dans le
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Ça doit être dans les potins.
M. Bourassa: "Prudence de Rocard, enthousiasme de Chirac" sur la
loi linguistique. Et quand je suis revenu, je n'ai pas dit que le voyage que
j'avais fait en France reposait sur les déclarations du maire de Paris
ou du premier ministre, le maire de Paris qui était premier
ministre durant deux ans, avec M. Mitterrand comme on le sait, jusqu'aux
élections présidentielles.
Alors, je suis étonné de cette conclusion du chef de
l'Opposition. Je veux simplement lui dire que la question que je pose et que
j'ai toujours posée, et ça s'exprime en quelques secondes: Si
nous optons pour une union monétaire - on pourra en discuter abondamment
- jusqu'où peut-on avoir la monnaie du Canada sans l'accord du Canada?
On peut poser des questions là-dessus, quand on voit que les emprunts
à l'étranger peuvent être restreints pour des questions
monétaires, etc. Et j'ai toujours dit qu'une union monétaire
supposait une union fiscale et qu'une union fiscale, en vertu d'un principe
bien connu qu'a souvent cité le chef de l'Opposition, "No taxation
without representation", supposait une forme d'union politique. Mais je sens,
M. le Président, que nous ne sommes qu'au début de la discussion
sur ce sujet et je laisse la parole au chef de l'Opposition ou à son
collègue bien-aimé, le député de
Lac-Saint-Jean.
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.
Discussion générale
M. Parizeau: M. le Président, ceci démontre que les
déclarations d'un sujet à l'autre peuvent se contredire parce
que, après les citations de journaux, les titres de journaux
qu'évoquait le premier ministre au sujet de M. Chirac, le plus
récent des titres de journaux qu'on pourrait citer, c'est: "Chirac
contredit Bourassa", il y a quelques jours à peine. Alors, vous voyez,
les sujets changent. Peut-être que, sur la langue, ils s'entendaient;
manifestement, sur la monnaie, ils ne s'entendent pas.
M. Brassard: II a continué à l'admirer pareil! (15
h 30)
M. Parizeau: Oui, oui, bien sûr. Je pense que ceux qui ont
pris la peine de lire les études de la Commission
Bélanger-Campeau n'ont pas manqué d'être frappés par
cette analyse de l'économiste Bernard Fortin, qui porte
spécifiquement sur ces questions monétaires et qui examine les
choix possibles d'un Québec souverain. Est-ce qu'on peut avoir une union
douanière, une union monétaire avec le Canada? Totale? Simili?
Une monnaie québécoise? Plusieurs hypothèses sont
abordées. Ce qui paraît, dans cette étude, être la
solution la plus appropriée, du moins pour un temps, c'est la même
monnaie. Et d'aucune espèce de façon on n'établit qu'il
faut un parlement ou un gouvernement pour faire fonctionner ça. Il est
remarquable que le débat qui a lieu en Europe à l'heure actuelle
pour le renforcement du Parlement européen ne porte pas du tout sur ces
questions monétaires. Il est remarquable de penser... M. le premier
ministre signalait tout à l'heure un certain nombre de noms de
politiciens qui ont voulu entrer dans ce débat mais il ne faut pas
oublier qu'à l'heure actuelle, s'il y a une monnaie commune qui
s'établit éventuellement en Europe, ce sera autour du mark
allemand. C'est, au fond, dans une bonne mesure, la Bundesbank qui va en
établir les règles - c'est déjà très clair -
et le gouverneur de la Banque centrale d'Allemagne, M. Pbhl ne veut pas
entendre parler d'une banque centrale européenne pouvant relever d'un
Parlement européen, ni de près, ni de loin, et, soit dit en
passant, il a bien raison. Je ne connais pas de gouverneur de banque centrale
qui ait jamais demandé ou accepté que la banque centrale puisse
relever d'un Parlement. Déjà en soi, c'est une notion un peu
aberrante.
Oui, bien sûr, on discute, en Europe de l'Ouest, à l'heure
actuelle, de la possibilité d'augmenter, au fond, l'intensité des
rapports politiques entre les pays, sans doute, peut-être,
éventuellement de donner au Parlement européen qui n'a pas
beaucoup de pouvoirs des pouvoirs accrus. Mais pourquoi? Pour faire fonctionner
le Marché commun européen? Pas du tout. Le Marché commun
européen, il fonctionne depuis 30 ans sans ça. Il s'est
développé graduellement. Pourquoi veut-on avoir un
élargissement des pouvoirs du Parlement européen ou en arriver
peut-être à une forme de gouvernement européen? Pour deux
raisons qui ont été mises encore davantage en lumière par
la crise du Golfe: avoir une présence militaire plus
intégrée des pays européens, de façon à ce
qu'ils aient davantage de poids collectivement dans le concert des nations, si
c'est possible, et, d'autre part, coordonner leurs politiques
étrangères pour la même raison, ce qui n'a rigoureusement
rien à voir avec le fonctionnement du Marché commun
européen qui, lui, a commencé à s'établir à
partir de 1957 et a fonctionné sur des bases tout à fait
différentes.
Je pense que, dans l'orientation du premier ministre, dès le
début, depuis longtemps, il y a une faille qui l'amène à
dire: Une union monétaire doit mener à une union fiscale, comme
il le disait tout à l'heure, et donc à une union politique. Mais
le Canada est une contradiction vivante de ces principes. Oui, il y a une
monnaie commune au Canada, à l'heure actuelle, il y a des institutions
politiques communes - oui, c'est vrai - parlementaires. Est-ce qu'on n'a jamais
atteint, au Canada, une harmonisation le moindrement appréciable des
politiques budgétaires? Jamais. C'est même une des
caractéristiques profondes de l'incapacité du
fédéralisme canadien de fonctionner correctement: l'harmonisation
des politiques fiscales et budgétaires, il n'a jamais été
capable de la réaliser. Et on en a un exemple superbe avec le
déficit ontarien à l'heure actuelle.
Alors, en somme, un gouvernement fédéral
canadien très restrictif depuis quelques années, parce que
effrayé par l'ampleur de son déficit, une politique
monétaire de la Banque centrale extrêmement restrictive, des
politiques assez restrictives de passablement de provinces, y compris le
Québec, et un gouvernement de l'Ontario qui est expansionniste depuis
plusieurs années, qui a été souvent dénoncé
à cause de ça comme créant en Ontario la fameuse inflation
qui a amené les taux d'intérêt que nous avons connus et qui
maintenant, cette fois-ci, en rajoute avec une projection formidable de ses
dépenses pour l'année qui vient alors que ses revenus vont
étaler. 40 % à peu près de la population du Canada dans
cette province, de loin la province la plus importante sur le plan
économique, qui est exactement en contradiction sur le plan
budgétaire et fiscal avec tout ce qui se fait ailleurs. C'est ça,
je pense, la faille dans l'argumentation du premier ministre depuis longtemps.
Et ce qu'on est en train de chercher à faire en Europe sur le plan de la
consolidation du Marché commun et de l'établissement,
peut-être, d'une monnaie commune ne mène pas à
l'identification des politiques fiscales et budgétaires. Ils le savent,
eux. Ils n'exigent pas non plus des institutions politiques communes pour
ça. Si on désire des institutions parlementaires communes, c'est
pour d'autres raisons. Et c'est ça que disait M. Chirac, au fond.
Je voudrais terminer avec une question au premier ministre à cet
égard. Ça me paraît suffisamment important d'établir
les distinctions que j'ai cherché à faire. Ce que j'ai
proposé à M. Rocard, j'ai fait à M. Rocard, le premier
ministre de France, la proposition suivante, si tant est évidemment que
le premier ministre du Québec l'accepte, il faut démêler
ces choses. C'est très important pour l'avenir du Québec qu'on
établisse des distinctions très nettes entre ce qui doit
être distingué. Pourquoi n'enverrait-on pas, à un niveau
très élevé là, on se comprend bien - nous avons de
remarquables spécialistes au Québec de ces questions-là
une mission, d'abord en France, et par le truchement des autorités
françaises et de leurs bons offices, établir des contacts,
peut-être certainement avec l'Allemagne, probablement avec l'Angleterre
aussi, pour établir clairement ce qu'il faut pour qu'une union
monétaire ou une union douanière fonctionne sur le plan des
institutions parlementaires ou gouvernementales? Je suis convaincu qu'une
mission comme celle-là va revenir en indiquant clairement qu'on n'a pas
besoin d'institutions parlementaires communes pour faire fonctionner ça.
Mais enfin, si tant est que nos amis d'en face, eux, n'en soient pas
persuadés, alors, pourquoi ne pas envoyer une mission qui tirerait
ça au clair, puisque, de toute façon, chaque fois qu'on aborde
ces questions on nous dit: En Europe, c'est comme ça que ça
marche, en Europe c'est comme ça que ça fonctionne? Bon, bien,
allons donc voir! Je ne crains ça, par rapport aux thèses que je
défends, je pense suivre ce qui se passe là-bas de suffisamment
près pour, moi, ne pas craindre les conclusions qui vont en sortir.
Pourquoi ne pas le faire?
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je suis toujours prêt
à demander à réfléchir sur les propositions du chef
de l'Opposition, mais il ne faut pas qu'il oublie dans son analyse que les
Européens sont en train de discuter là. Ce n'est pas une approche
statique et on ne sait pas quelle en sera la conclusion. Il y a des
conférences qui sont prévues pour les prochains mois, il y a des
échéances. Le marché unique le 1er janvier 1993, et je ne
voudrais quand même pas... Il sait jusqu'à quel point il est
important pour l'Assemblée nationale comme pour le gouvernement, comme
pour l'Opposition de faire preuve de sobriété dans ces
périodes très difficiles sur le plan des finances publiques. Il
reste à voir si une délégation de 10, 12 personnes... Je
comprends que c'est toujours agréable d'aller dans les pays de nos
ancêtres, mais il faut voir les conséquences financières
qui peuvent quand même n'être pas négligeables. Le chef de
l'Opposition va quand même dire: C'est si peu par rapport à
l'enjeu, mais il reste à voir si on ne peut pas travailler d'une
façon plus sobre à cette question-là. Je crois qu'on
devrait confier cette question-là - d'ailleurs, c'est normalement dans
son mandat - à l'une des deux commissions parlementaires qui vont
être créées à la suite des recommandations de
Bélanger-Campeau. D'autant plus que certains arguments sur les faits qui
sont apportés par le chef de l'Opposition me paraissent un peu
discutables. Il invoque M. Pöhl, un argument d'autorité, de poids,
c'est évident, puisqu'il est président de la Bundes bank. Mais on
sait fort bien que M. Pöhl était opposé à une
certaine parité monétaire entre le mark de l'Allemagne de l'Ouest
et celui de l'Allemagne de l'Est. Et le chef de l'Opposition admettra que
l'autorité politique a prévalu. Si j'insiste, et c'est là
où il y a une différence fondamentale entre le chef de
l'Opposition et moi-même, possiblement entre son parti et le Parti
libéral, sur le lien entre l'union fiscale ou monétaire et
l'union politique, c'est parce que, autrement, il y a le risque d'abdiquer les
pouvoirs des élus aux mains des technocrates. C'est tout le débat
entre la démocratie et la technocratie. Le chef de l'Opposition a
été un éminent technocrate. Je comprends très bien
que cet aspect-là, peut-être, lui échappe un peu, mais je
lui dis, si nous voulons avoir une union économique qui soit
fonctionnelle, faire accepter aux gens de la Colombie-Britannique certains
tarifs qui protègent le Québec et faire accepter aux
Québécois certains tarifs qui protègent la
Colombie-Britannique, que ceci ne peut pas se
faire uniquement par traité, qu'il doit y avoir une base si on
veut que ce soit durable, qu'on ne soit pas toujours à rediscuter les
traités, à faire face à des menaces, qu'un traité
soit déchiré - que ceci doit être appuyé sur une
union politique.
Il faut faire la distinction entre la souveraineté dans son
principe et la souveraineté dans son exercice. Et, dans un contexte
comme celui que nous avons au Canada où il y a des valeurs communes sur
le plan du progrès de la civilisation, mais également des liens
économiques très étroits et qui sont d'autant plus
importants que nous sommes les voisins d'un géant économique,
c'est pourquoi, dans ce contexte-là, pour éviter des forces
centrifuges qui pourraient s'exercer d'une façon nord-sud, l'union
politique est nécessaire à la légitimité
démocratique.
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: M. le Président, il est parfaitement normal
qu'une banque centrale ne soit pas contrôlée par un parlement, et
par un gouvernement, autrement que de destituer le gouverneur. Il y a des
pouvoirs, comme ça, exceptionnels qui sont donnés. Nous avons
tous connus ça au Canada avec l'affaire Coyne au début des
années soixante. Il y a un parlement et un gouvernement qui ont
essayé de se mêler des affaires de la Banque. Ils ont
réussi à faire démissionner Coyne, mais le gouvernement
est disparu lui aussi. Tout le monde sait ça.
Le premier ministre aime évoquer Napoléon. On le voit
citer Napoléon à tout bout de champ. Bon. Bien, je vais lui
donner une citation de Napoléon à cet égard. Quand
Napoléon crée la Banque de France, il dit, et venant de lui c'est
plein de saveur - on appréciera que même lui, déjà
et en dépit de toutes ses caractéristiques et ses idiosyncrasies,
ait vu le problème qu'on soulève. Il disait: Je voudrais une
banque qui soit dans ma main, mais pas trop. Venant de lui, encore une fois,
c'est plein de saveur. Il avait reconnu la nécessité des
distances. Et depuis le temps, le temps a passé et ces
distances-là se sont établies. (15 h 45)
Le premier ministre a déplacé le champ de la discussion
d'une monnaie commune à une union douanière, en disant qu'une
union douanière, ça va impliquer forcément des discussions
et qu'un parlement commun permettrait de mieux régler les
problèmes d'ajustement dans une union douanière. Mais quelle est
la leçon de l'Europe là-dedans? Le traité de Rome de 1957,
c'est quoi, sinon l'ensemble des étapes prévues pour en arriver
à une union douanière? Est-ce qu'il y a un parlement
européen? Ce n'est même pas une intention à ce
moment-là. Comment est-ce que l'union douanière européenne
va se faire? Elle va se faire complètement en dehors d'institutions
parlementaires et, à plus forte raison, d'un gouvernement
européen. Et elle va se faire. Je ne comprends pas qu'on vienne nous
dire maintenant: Alors, la préservation de l'union douanière
canadienne implique nécessairement qu'on ait un parlement canadien. Mais
je ne comprends pas. Mais Dieu sait si établir une union
douanière et après la guerre, avec des tarifs douaniers
formidablement élevés, avec un contrôle des changes
extrêmement serré entre tous les pays qui constituaient le
traité de Rome était une opération infiniment plus
difficile que celle dont nous parions à l'heure actuelle entre le Canada
et le Québec. Et ça s'est fait le plus naturellement du monde,
complètement en dehors d'un cadre parlementaire, si bien qu'il faut, je
pense, vider ça.
Le premier ministre me dit qu'il veut y repenser quant à cette
mission que je lui propose. Qu'il y repense s'il veut en examiner les
incidences financières, sans doute. À mon sens, la question a
trop d'importance pour que je cherche à le brusquer. Mais qu'il se
souvienne simplement qu'au point où a mené la Commission
Bélanger-Campeau sur ces réflexions, au point où
Bélanger-Campeau en arrive, il n'y a pas comme condition de faire
fonctionner l'espace économique canadien, il n'y a nulle part dans
Bélanger-Campeau la nécessité d'avoir des institutions
parlementaires. Le débat chez nous avec les - comment dire - ressources
dont nous pouvions disposer a amené une conclusion. Si on veut encore
chercher en Europe des raisons de ne pas adopter ces conclusions, eh bien,
qu'on aille les chercher, mais clairement. Moi, je pense qu'on ne les trouvera
pas.
J'aimerais finir avec une question dans le prolongement, si vous me
permettez, 30 secondes. M. Getty est venu à Québec exprimer un
peu le point de vue que le premier ministre vient de nous exprimer,
c'est-à-dire dire pas d'union économique sans union politique. Il
a dit ça aux journalistes après s'être
présenté devant eux la main sur l'épaule du premier
ministre du Québec. J'ai trouvé ça un peu, enfin, curieux,
mais est-ce que...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Parizeau: Bien oui, ça fait un peu ancien joueur de
football. Je comprends qu'il a joué un certain rôle aussi dans les
discussions entourant le lac Meech, n'est-ce pas, pour empêcher un
premier ministre de sortir de la pièce. Il a très bien
compris.
Des voix: "Doorman".
M. Parizeau: Bon. Ha, ha, ha! Mais quoi qu'il en soit, cette
phrase-là qu'il a lancée aux journalistes, est-ce que je peux
demander au premier ministre s'il en a discuté avec lui? Est-ce que le
premier ministre, en somme, a com-
mencé à discuter de la mise en place ou, tout au moins, a
commencé à discuter du maintien d'un certain nombre de liens
économiques dans l'hypothèse - il faut bien qu'il fasse
l'hypothèse puisqu'il s'en vient avec un projet de loi sur un
référendum sur la souveraineté - de son point de vue que
la souveraineté va se faire? Est-ce qu'il a commencé à
discuter concrètement avec des gens comme M. Getty du maintien d'un
certain nombre de liens économiques?
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, j'ai l'impression, en
écoutant attentivement le chef de l'Opposition, que sa conception de la
souveraineté date du Grand Siècle, qu'il ne tient pas compte de
l'évolution... Il parle de l'union douanière en Europe avec le
traité de Rome, mais il y a eu une évolution. En 1979, on avait
un Parlement élu au suffrage universel, non, un Parlement qui
était composé de délégués des
Assemblées nationales et on a décidé d'abolir cette
formule et de le remplacer, ce Parlement, par des élus au suffrage
universel. En 1987, on a décidé d'adopter l'Acte unique
européen et, là, on discute, on discute très fermement
pour accroître les pouvoirs. Le chef de l'Opposition sait fort bien que
si la Grèce, l'Espagne, le Portugal, l'Irlande, l'Irlande qui faisait
partie de la zone de libre-échange, ont décidé de se
joindre au Marché commun, c'est parce qu'il y a des avantages
économiques. Notamment, il y a le fonds régional. Il y a une
volonté politique au Marché commun de diminuer les
dépenses dans le secteur de l'agriculture pour accroître le Fonds
de développement régional et tout cela, à un moment
donné, va atteindre un niveau qui va justifier sur le plan de la
légitimité démocratique des pouvoirs accrus pour le
Parlement.
Il dit que je cite Napoléon. Bon, j'ai cité
Napoléon à l'occasion. Napoléon qui disait, je ne le fais
pas simplement pour faire plaisir au chef de l'Opposition, je sais que c'est un
admirateur de Napoléon Bonaparte...
M. Parizeau: Beaucoup moins que le premier ministre.
M. Bourassa: Mais j'ai cité Napoléon qui disait:
Chaque pays a la politique de sa géographie. Donc, le Québec est
au centre de l'Amérique du Nord, il doit avoir une politique qui tienne
compte de sa géographie. En ce lendemain du budget ontarien, j'aurais
plutôt tendance à citer Sacha Guitry qui disait: "Quand on se
regarde on se désole, quand on se compare on se console". C'est exact?
C'est Sacha Guitry, peut-être, il me semble. Ce que je veux lui dire,
c'est que, si nous nous efforçons, si nous voulons avoir une union
économique fonctionnelle, il faut une base politique. Ce que M. Getty a
dit, il pouvait l'exprimer en tenant compte des discussions constitutionnelles
en cours. Moi, je l'ai dit, je le soutiens depuis 25 ans et je ne crois pas que
les événements m'aient démenti à cet égard.
Je ne veux pas que d'une façon interminable nous citions de part et
d'autre différents leaders politiques, mais je souhaite peut-être
citer celui qui est en très bonne position actuellement pour
préparer l'avenir de l'Europe, le président de la
République française qu'a rencontré le chef de
l'Opposition. M. Mitterrand faisait au journal Le Monde il y a quelques
mois la déclaration qu'il fallait reconnaître une Europe,
éventuellement, à finalité fédérale, parce
qu'il y a tous ces pouvoirs dont on discute, on veut donner des pouvoirs, par
exemple un droit de veto sur les lois, au Parlement européen. Tout cela
va conduire nécessairement à une forme de
con-fédéralisme, forcément, et tout le monde le sait, je
crois que c'est Jean Monnet qui le disait: Une confédération qui
réussit, c'est une fédération. Alors, dans ce
contexte-là, j'ai toujours soutenu, si nous voulons préparer
l'avenir en tenant compte de la sécurité économique des
Québécois, je crois que j'ai été très clair
le 23 juin dernier, qu'il nous faut en regard de cette sécurité
économique envisager des formules qui tiennent compte, actuellement, de
l'évolution des peuples et de l'évolution de l'économie
internationale.
Je ne peux pas répondre au chef de l'Opposition sur le contenu de
mes conversations privées avec M. Getty. Je crois que M. Getty a
toujours appuyé le Québec. Le chef de l'Opposition, quand il
était ministre des Finances, peut se rappeler des transactions que le
Québec a eues avec l'Alberta, à son avantage. Je ne crois pas que
ce soit contre l'intérêt du Québec qu'on puisse avoir des
relations amicales avec le premier ministre de l'Alberta. Et lui-même a
droit à sa liberté d'expression sur la façon dont il
conçoit l'avenir du Canada. Mais je ne peux quand même pas
dévoiler le contenu de nos conversations privées.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre.
M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: Je suis un peu étonné que le premier
ministre ne réfère à la conception de la
souveraineté du Grand siècle. Il semblerait au fond, au
contraire, que la grande découverte de notre époque ait
été qu'on peut, comme petit pays souverain, indépendant,
prospérer, se développer, s'épanouir, régler ses
choses à l'intérieur de très grands marchés,
économiques, industriels, financiers. C'est ça, la grande
découverte de notre époque. C'est extrêmement contemporain,
cette idée de l'affirmation de la souveraineté d'un pays,
même petit, dans un grand marché. C'est - comment dire - ce n'est
pas ringard comme on dit en France, c'est au contraire très
tourné vers l'avenir. Ne nous faisons pas d'illusions, il va y en avoir,
il y a de
plus en plus de pays qui comprennent ça à l'heure
actuelle. J'entends le premier ministre dire, enfin, exprimer le point de vue
que l'Europe pourrait devenir fédérale.
M. Bourassa: M. Mitterrand.
M. Parizeau: Puis en même temps confédérale,
dans la phrase suivante. On a...
M. Bourassa: Je m'excuse. Non, ce que j'ai dit, et je crois que
je peux citer Jean Monnet là-dessus, c'est qu'une
confédération qui réussit mène à une
fédération.
M. Parizeau: Ce sont... On recommence la confusion. Une
fédération puis une confédération, ce n'est pas
pareil, c'est même tout à fait différent, si on se fie en
tout cas au ministre de la Justice actuel qui a écrit un traité
qui a des pages admirables de limpidité à cet effet. Des
structures confédérales ne sont appuyées d'aucune
espèce de façon sur des institutions parlementaires, sur un
gouvernement, sur une constitution, alors qu'un système
confédéral s'appuie sur des institutions
déléguées par tes pays constituants en fonction de
traités. C'est très clair, ce qu'il dit, M. le ministre de la
Justice du Québec là-dessus. Pour l'amour du saint ciel, ne
commençons pas à entretenir la confusion, qu'on peut passer de
l'un à l'autre, que c'est une sorte de transition et puis qu'en un
certain sens ça peut devenir tout pareil. Ce n'est pas tout pareil,
c'est remarquablement différent, enfin, si on en croit toujours le
ministre de la Justice. Là aussi il va falloir nettoyer les choses,
clarifier les choses. On ne peut pas, on ne va pas vraiment se préparer
correctement à la situation d'un pays souverain à partir de
confusions comme celle-là. C'est la grande découverte de notre
époque, qu'on peut être un pays souverain oh! lié aux
contraintes du monde d'aujourd'hui, bien sûr, mais un pays souverain. On
peut être Danois, on peut être Hollandais, on peut penser qu'on a
un brillant avenir devant soi, fonctionner comme pays à
l'intérieur d'un grand marché, européen dans ces
cas-là. Bon.
Débat constitutionnel
Je voudrais poursuivre un peu, avec le premier ministre, parce que
l'heure avance, poursuivre un peu avec le premier ministre sur ses intentions
sur le plan constitutionnel. Je comprends qu'il va y avoir un projet de loi de
déposé avant le 15 mai, de façon à ce qu'il puisse
être passé avant l'ajournement du 21 juin, qui portera sur les
recommandations de la Commission Bélanger-Campeau, c'est-à-dire
qui prévoira un référendum sur la souveraineté et
puis deux commissions parlementaires.
M. Bourassa: C'est-à-dire...
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Nous ne l'avons pas encore soumis au Conseil des
ministres, nous devons le faire dans les prochains jours, mais c'est
l'intention, c'est mon intention de pouvoir le déposer avant le 15 mai
pour respecter la conclusion ou la recommandation du rapport
Bélanger-Campeau.
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition. (16
heures)
M. Parizeau: Qu'est-ce qui arrive alors du rapport Allaire? Le
rapport Allaire prévoyait que les propositions qu'il contenait,
après le dépôt de Bélanger-Campeau puis avec des
adaptations au besoin, seraient présentées à Ottawa, aux
provinces, au Canada anglais. On dit même, dans le rapport Allaire, "dans
les plus brefs délais". La démarche qui est prévue dans
les recommandations de Bélanger-Campeau qui donc, normalement,
j'imagine, vont se traduire dans le projet de loi, c'est qu'il y ait une
commission de l'Assemblée nationale qui attende que le Canada, le reste
du Canada, présente des offres liant le gouvernement
fédéral et les autres provinces. En somme, l'esprit et même
la lettre de la recommandation de Bélanger-Campeau, c'est: Attendons que
le Canada nous présente des choses. L'esprit et la lettre d'Allaire,
c'est: Voici des propositions et nous devons, dans les plus brefs
délais, les présenter au Canada et aux autres provinces. Ce n'est
pas pareil, c'est même opposé comme démarches. Alors, dans
la mesure où le projet de loi traduit Bélanger-Campeau, est-ce
que ça veut dire que toute la démarche Allaire, qui consistait
à définir des champs, des récupérations de
pouvoirs, des modifications du système canadien, et qui devait
être présentée comme proposition de discussion au reste du
Canada est mise de côté?
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Juste 30 secondes pour terminer le débat sur
l'Europe. Le chef de l'Opposition a eu le dernier mot, mais je voudrais juste
dire, quand j'ai parlé de souveraineté Grand Siècle, que
c'est un peu pour mettre en relief le fait qu'il insiste toujours pour une
souveraineté avec des traités et sans Parlement. Donc, c'est cet
aspect-là que je voulais souligner. Et je vois le député
de Lac-Saint-Jean qui est d'accord lui aussi, qui ne veut pas entendre parler
de parlement. Il n'a pas toujours été de cet avis-là, mais
là il a changé d'idée. Mais quand je parle de
souveraineté de type Grand Siècle, c'est que le chef de
l'Opposition maintient obstinément, dans tous les débats, quoi
qu'il arrive ailleurs, qu'on ne doit pas avoir de Parlement communautaire,
qu'on doit avoir simplement des traités. Est-ce
que c'est exact?
M. Parizeau: Ah! tout à fait! Comme le ministre de la
Justice, d'ailleurs.
M. Bourassa: II ne faut pas... Interprétons le ministre de
la Justice en sa présence. Mais je suis heureux d'entendre le chef de
l'Opposition dire que sous aucune considération il n'est prêt
à envisager un Parlement communautaire qui pourrait regrouper les
différentes régions du Canada. Alors, ce point est clair. C'est
évident que nous sommes en désaccord.
Pour ce qui a trait au rapport Allaire, c'est le programme du Parti
libéral qui a été endossé par le Parti
libéral. Mais la Commission Bélan-ger-Campeau - j'ai signé
le rapport et Dieu sait combien vous avez insisté pour que je le signe -
a proposé, étant donné que le Québec avait fait des
propositions constamment depuis 35 ans... Bon, on en a fait: en 1956, avec M.
Lesage, avec M. Johnson, la formule 100-100-100 - le chef de l'Opposition s'en
souvient - à Victoria, etc., en 1976, le beau risque, les 21 ou 22
propositions et les propositions du lac Meech. Donc, on a dit: Ça fait
assez de fois que le Québec - si je comprends bien la démarche de
la Commission Bélanger-Campeau - fait des propositions, attendons les
propositions de nos partenaires canadiens. Et il y aura des commissions
parlementaires qui vont exiger ça. Mais c'est évident qu'on va
recevoir de telles propositions - nous espérons vivement que nous en
recevions - et à ce moment-là on pourra voir par rapport au
programme du Parti libéral. Mais l'objectif de la Commission
Bélanger-Campeau, c'était de demander à nos partenaires
canadiens, après toutes ces propositions qui avaient été
faites par le Québec, de faire des propositions au Québec et ce
sera aux commissions parlementaires, auxquelles vous allez être
représenté, à ce moment-là, de décider de
leur pertinence.
Le Président (M. Dauphin): M. te chef de l'Opposition.
M. Parizeau: La difficulté, M. le Président, c'est
qu'on commence à ne plus très bien savoir, dans ce débat,
qui parle à qui, qui a quelle position et quelle position reflète
vraiment les orientations profondes du gouvernement du Québec. Je ne
peux pas m'empêcher d'être assez troublé quand je vois, dans
Le Devoir du 26 avril, une longue entrevue de l'équipe
éditoriale du Devoir avec le sénateur Beaudoin - qui n'est
pas le premier venu, après tout, il est coprésident de la
commission fédérale sur ces matières - où il dit
qu'il poursuit sur une base régulière avec le ministre
québécois de la Justice, Gil Rémillard, des relations qui
lui ont permis d'être informé sur les véritables intentions
du gouvernement Bourassa. Et là, on le cite dans le texte: "Le message
de Québec que j'ai, c'est très simple. C'est qu'en matière
de formule d'amendement Québec ne demandera jamais moins que Meech. Le
Québec, idéalement, accepterait un veto, il accepterait
peut-être les quatre veto régionaux, soit celui dt Victoria, soit
celui de Pépin-Robarts." Comment allons-nous procéder là?
Est-ce que le gouvernement du Québec est en train de mener des
négociations quant à des minima minimorum? Parce que, là,
si on est en train de définir la position du Québec comme pas
moins que Meech, il faudrait le faire pour descendre plus bas que Meech! Hein!
Alors, est-ce que il y a des négociations où le gouvernement du
Québec est en train d'établir ses minimums pendant que, d'autre
part, on se prépare à adopter un projet de loi qui
prévoirait, entre autres choses, une commission qui, elle, accepterait
des offres du reste du Canada et liant le reste du Canada? Est-ce qu'on s'en
va, en somme, vers une commission parlementaire qui attend et un gouvernement
du Québec qui négocie comme des Druzes, au
téléphone ou ailleurs, sans qu'on sache trop quoi, et à
partir de minimums inconnus? Ça serait important de le savoir. On entend
trop de choses là.
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Nous ne sommes pas des Druzes.
M. Parizeau: Ce sont des gens très bien. M. Bourassa:
Oui, d'accord. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourassa: Tout à fait d'accord. Mais il faut respecter
la réalité. Nous sommes dans un contexte où nous voulons
arriver, nous souhaitons une entente avec nos partenaires canadiens.
M. le Président, je veux être très clair, je ne suis
pas pour commenter le ouï-dire. Le ministre responsable a répondu
durant combien d'heures? Six heures, sept heures... quatre heures aux questions
du député de Lac-Saint-Jean sur toutes ces questions-là,
et là le chef de l'Opposition arrive ce matin, cet après-midi,
puis il cite une interview au Devoir en disant le ministre lui aurait
dit ci, que le ministre lui aurait dit ça. Je n'ai pas l'intention de
commenter le ouï-dire. Je dis au chef de l'Opposition que le Parti
libéral a choisi, a adopté son programme pour remplacer le vide
qui a été créé par l'échec de l'accord du
lac Meech, que la Commission Bélanger-Campeau presque unanimement a
décidé d'opter pour une démarche, le gouvernement se
réservant la pleine discrétion dans une Assemblée
nationale souveraine, et que nous essayons actuellement d'être le mieux
préparé pour entamer ces discussions des commissions
parlementaires.
Alors, je ne vois pas pourquoi le chef de l'Opposition va tirer des
conclusions. Tout le débat sur l'application du traité de Rome
mutatis mutandis au Québec et au Canada, on va l'avoir en commission
parlementaire. Et toute la question des offres fédérales, on va
l'avoir en débat en commission parlementaire. Mais il n'y a aucune loi
qui nous interdise de discuter avec nos homologues à cause de cela.
M. Parizeau: Bien, M. le Président...
Le Président (M. Dauphin): Est-ce que c'est sur le
même sujet, M. le député de... Non, plus tard, d'accord.
Excusez-moi, M. le chef de l'Opposition, allez-y.
M. Parizeau: Alors, moi, j'étais disposé à
passer à la gestion, aux questions qui concernent la gestion, à
moins qu'il n'y ait d'autres questions sur le même thème
général.
Le Président (M. Dauphin): Reliées... Alors, M. le
député de Lac-Saint-Jean; ensuite de ça, M. le
député de D'Arcy-McGee.
M. Brassard: Sur le même sujet. Simplement, c'est
vrai...
M. Libman: ...quelque chose d'autre.
Le Président (M. Dauphin): Sur un autre sujet. M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: ...que j'ai eu de longs échanges avec le
ministre responsable du dossier constitutionnel et je voudrais justement - je
pense que ça m'apparaît important - faire confirmer cela par le
premier ministre. Sur la façon d'en arriver à un quelconque
renouvellement du fédéralisme, le ministre responsable a
été très clair. Comme le gouvernement a mis de
côté le mode de négociation à onze gouvernements et
refuse catégoriquement - il l'a répété encore cet
avant-midi, en matinée - de participer à des conférences
constitutionnelles à onze, voici ce que le ministre a dit, quand je l'ai
interrogé, à savoir: Oui, mais comment allez-vous le renouveler,
le fédéralisme, si c'est ça que vous voulez faire, si
c'est ça votre objectif, ce n'est pas le mien, mais si c'est ça
le vôtre? Comment allez-vous faire? Sa réponse a
été: C'est au fédéral qu'appartient la
responsabilité d'arriver, en négociant avec les neuf autres
provinces du Canada anglais, à un projet constitutionnel d'amendement
à la Constitution qui sera accepté et par le gouvernement
fédéral et par les neuf autres provinces du Canada anglais. Et,
une fois que ça, ce sera ficelé, là, le
fédéral va se tourner vers le Québec et dire: Voici, on a
fignolé, on a ficelé, tout le monde ensemble, un projet de
modification à la Constitution, qu'est-ce que vous en pensez?
Êtes-vous d'accord pour fonctionner là-dedans?
Ça a été ça, la réponse du ministre
responsable du dossier constitutionnel; pas de négociations à
onze, il n'en est pas question, il n'en sera jamais question. C'est le
gouvernement fédéral qui a la responsabilité de faire tout
ça et d'en arriver à une entente et à un accord avec les
neuf autres provinces du Canada anglais et, une fois que ça, ce sera
fait, là, il se tourne vers le Québec et il va déposer un
projet qui sera examiné, probablement par la commission parlementaire,
une des deux commissions parlementaires qui seront créées par le
projet de loi. Je veux juste me faire confirmer par le premier ministre que
c'est là son approche, que c'est l'approche du gouvernement du
Québec en matière de renouvellement du
fédéralisme.
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: On me disait... Je ne veux pas blesser le
député de Lac-Saint-Jean, mais j'ai fait vérifier si,
réellement, c'est ce que le ministre avait dit par les hauts
fonctionnaires qui étaient là...
M. Brassard: Ah! Vous n'avez pas confiance en moi?
M. Bourassa: Oui, totale! Mais, je veux dire, la prudence est
toujours de mise dans ces questions fondamentales. Et ce qu'a dit le ministre,
je crois, je l'ai déjà dit, c'est que le fédéral a
un rôle de leadership. La preuve que les négociations à
onze ne pouvaient pas fonctionner a été faite durant les
débats sur l'accord du lac Meech, mais j'ai dit que ceci n'excluait pas
les rencontres bilatérales. J'ai rencontré M. Getty; j'ai
rencontré M. Rae; j'ai rencontré brièvement M. McKenna et
je crois que c'est normal. C'est normal que nous puissions discuter sur une
base bilatérale, mais, à onze, on en est venu à la
conclusion que ça ne pouvait pas fonctionner. C'est pourquoi le
gouvernement fédéral, dans cette hypothèse-là,
assume un rôle de leadership et c'est pourquoi nous souhaitons que,
finalement, nous puissions en arriver à une entente de part et
d'autre.
Le Président (M. Dauphin): M. le député.
M. Brassard: C'est ce qui fait, comme l'a affirmé ce matin
M. Rémillard, que vous ne serez pas présent à la
conférence des premiers ministres au mois d'août prochain en
Colombie-Britannique, à Whistler; vous ne serez pas là.
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je n'étais pas présent à
Winnipeg et je ne prévois pas, sauf imprévu, être
présent à la conférence qui sera tenue au mois
d'août en Colombie-Britannique, parce que les informations qui m'ont
été données, c'est qu'à cette conférence il
n'y aurait pas de décisions finales qui seraient prises. Dans cette
perspective-là, si je vois l'utilité d'être présent
pour des dossiers qui auraient des conséquences concrètes
immédiates, je ne vois rien actuellement qui me permette de changer de
politique, telle qu'elle avait été annoncée le 23 juin
dernier.
Le Président (M. Dauphin): Ça va, M. le
député. Est-ce qu'il y a d'autres questions de nature
constitutionnelle? M. le député de Bertrand?
M. Beaulne: Oui, M. le premier ministre, je pense qu'il y a un
consensus qui existe à l'Assemblée nationale des deux
côtés de la Chambre, c'est-à-dire que dans tout ce
débat sur l'avenir du Québec nous avons tous convenu qu'il
fallait que ça se fasse avec le moins de soubresauts négatifs
possible pour l'économie québécoise et dans la mesure du
possible pour l'économie canadienne également. Il y a quelque
temps, il y a la firme Canadian Bond Rating Service qui a mis en garde le
gouvernement et même les intervenants dans ce dossier contre des
tergiversations un peu trop poussées. À la lumière des
mises en garde du CBRS et comme nous savons tous que l'incertitude est quelque
chose qui déplaît souverainement à la communauté des
affaires aussi bien au Québec que chez les investisseurs
étrangers, j'aimerais que vous nous donniez des précisions quant
à votre détermination de tenir un référendum en
1992 ou de trancher d'une manière ou d'une autre, soit par une
élection ou par un référendum en 1992. Sinon, nous
indiquer de quelle façon vous pensez, compte tenu que vous êtes
sensible aux préoccupations économiques, rassurer les
communautés des affaires québécoise, canadienne et
internationale à la fois quant à la durée de ces
incertitudes sur l'avenir constitutionnel du Québec et du Canada. (16 h
15)
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je ne peux pas donner la
question qui sera posée au référendum. J'ai examiné
les mémoires qui ont été soumis à la Commission
Bélanger-Campeau. J'ai examiné celui de M. Bernard qui, lui,
suggérait une question comme quoi on fasse clairement
référence dans le référendum à l'obtention
d'un statut de souveraineté pour le Québec même sans
alliance économique. Je crois, si on posait une question de ce type, je
ne sais pas là, mais ce ne serait pas facile d'en prédire le
résultat. Je veux dire, M. Bernard croit - le chef de l'Opposition
était présent, aussi le député de Lac-Saint-Jean -
que si on pose une question on ne doit pas éliminer cette
hypothèse de demander aux Québécois: êtes-vous
d'accord pour un Québec souverain même sans alliance
économique, s'il n'y a pas certitude d'avoir une alliance
économique? Je dois vgjs dire qu'actuellement la priorité du
gouvernement, je l'ai dit, c'est d'essayer d'arriver à une entente avec
les partenaires canadiens et nous serons fixés à cet
égard-là, je l'espère, dans un avenir rapproché.
Mais je ne peux pas aller plus loin aujourd'hui avant même qu'on discute
de toute cette question-là dans différentes commissions
parlementaires.
Si je comprends bien la question du député, c'est:
Qu'est-ce que j'ai l'intention de faire pour éviter tout risque
économique ou toute conséquence financière
négative? Le chef de l'Opposition disait qu'il a l'intention d'aller au
Canada anglais dans les prochains mois. Je dois lui dire que, quand il est
allé à Toronto - je lui ai déjà dit - l'impact sur
les taux d'intérêt n'a pas été
particulièrement agréable pour les obligations du
Québec.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourassa: Alors, non, puisqu'on parle des conséquences
économiques.
M. Parizeau: On me permettra d'ajouter quelques mots.
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition,
voulez-vous ajouter quelque chose là-dessus?
M. Parizeau: Je suis étonné de voir à quel
point le premier ministre m'accorde une importance considérable. Que
vraiment, comme ça, un discours à Toronto puisse avoir un tel
impact sur les cotes, je suis flatté, M. le Président.
M. Brassard: Qu'est-ce que ce serait si c'était le premier
ministre?
M. Parizeau: Qu'est-ce que ce serait...
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le chef de l'Opposition est au courant. Il a
été informé qu'à la suite de son discours qui
donnait toutes les modalités de l'union douanière, l'union
tarifaire, il y a eu, dans les jours qui ont suivi, il le sait fort bien, un
élargissement de l'écart. C'est pourquoi j'hésite à
l'inviter à parcourir le Canada anglais, étant donné que
le niveau des emprunts s'accroît. C'est certainement, pour
répondre à la question plus directement du député,
un objectif majeur du gouvernement du Québec et du Parti libéral
de faire en sorte que les conséquences économiques ne soient pas
négatives durant ces
discussions sur l'avenir constitutionnel du Québec. J'ai eu
l'occasion, très souvent et très clairement, de dire que, de
notre côté, on ne poserait aucun geste qui puisse compromettre la
sécurité économique des Québécois et c'est
dans cette perspective-là que j'insiste sur les liens entre l'union
politique et l'union économique.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre.
M. le député de Bertrand.
M. Beaulne: Oui, sauf que vous avez partiellement répondu
à la question puisque, au fond, ce que je demandais, c'est au niveau de
l'échéancier dans le sens où on s'entend sur des
déclarations de principe. Mais vous savez aussi bien que moi ce qui est
relevé par les journalistes financiers, les commentateurs
étrangers qui viennent nous poser des questions aussi bien de votre
côté que chez nous, ce qu'on nous demande. On nous pose la
question: Quand allez-vous régler votre problème? Et la question
que je vous pose, c'est: Quelles indications, quel message concret allez-vous
véhiculer auprès de ces gens-là pour leur dire:
Voilà, nous, on pense vous donner une direction claire et précise
de l'avenir constitutionnel du Québec dans tel échéancier?
Parce qu'à l'heure actuelle on semble reporter de plus en plus les
échéanciers d'une décision à ce sujet. Là,
on parle de commissions et le fédéral en met sur pied. Enfin, on
semble étirer un peu l'échéancier qui avait
été prévu. Et moi, la question que je pose, c'est: De
façon concrète, qu'est-ce que vous allez dire aux commentateurs
financiers étrangers, en particulier, aux investisseurs étrangers
qui vous posent la question: Quand allez-vous régler votre
problème?
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, il y a un projet de loi qui
va être déposé, qui va faire valoir la politique du
gouvernement et qui va suivre les recommandations de la Commission
Bélanger-Campeau. Je ne crois pas qu'on puisse sérieusement, M.
le Président, dire, si on fait un vote sur la souveraineté au
printemps 1991, que tout va être réglé, qu'il n'y aura plus
d'incertitude, que l'union économique va être acquise
automatiquement. Il ne faut pas être naïf ou trop optimiste.
Là-dessus, j'avais de la difficulté à comprendre mes
honorables amis de l'Opposition. Là, on va faire le
référendum et ça va être clair après. Pas de
problème. Tout le monde va s'aligner.
Alors, ce que je dis, c'est qu'on en a discuté. On a
accepté de part et d'autre de modifier l'échéancier, mais
je crois qu'il faut être très clairs et, en autant que le
gouvernement est concerné, les propositions devront être
conciliates avec la sécurité économique des
Québécois. Et, à mon avis, quand j'écoute le
chef de l'Opposition dire que lui ne veut fonctionner que par traité,
selon le style ancien, et éliminer toute espèce de
possibilités de Parlement élu au suffrage universel, je crois que
dans ce contexte-là le chef de l'Opposition ne peut pas soutenir, ne
peut pas soutenir qu'il ne compromet pas la sécurité
économique des Québécois quand il parle de
souveraineté.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre.
M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: M. le Président, jamais je n'accepterais ce
que le premier ministre vient de dire. La sécurité
économique des Québécois, elle dépend pour une
bonne part d'eux-mêmes, de leur capacité d'être
concurrentiels sur les grands marchés. Et cette idée qu'il faut
s'accrocher à d'autres pour assurer la sécurité,
s'accrocher à d'autres, est une des idées les plus
délétères, qui a fait un tort considérable au
Canada d'ailleurs pendant longtemps sur le plan économique, qui a fait
un tort considérable au Québec. Il va bien falloir qu'à un
moment donné on se rende compte, qu'on comprenne tout le sens de ce que
j'appelais tout à l'heure, et qui l'est peut-être, la plus grande
découverte de notre époque. C'est qu'un pays peut être
petit et, dans la mesure où il opère dans un grand marché
- dans notre cas, le marché nord-américain - là, ça
dépend essentiellement de lui d'être concurrentiel, d'être
capable d'exporter, d'assurer sa prospérité et donc sa
sécurité. À cet égard, la sécurité
économique, ce n'est pas un principe, ce n'est pas une abstraction,
c'est quelque chose qui se gagne tous les jours dans la mesure où on
contrôle ses intruments et dans la mesure où les entreprises sont
concurrentielles. C'est comme ça que la sécurité vient. Ce
n'est pas par une déclaration de sécurité
économique.
Le Président (M. Dauphin): M. te premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, j'ai de la difficulté
à suivre la logique du chef de l'Opposition. Il est prêt à
accepter une union monétaire où le Québec n'aura
absolument rien à dire même à travers ses élus et,
là, il dit: Ce qui est important, c'est de contrôler nos
instruments. Je ne vois pas la cohérence, mais j'y deviens
habitué.
M. Parizeau: Parce que le premier ministre, M. le
Président, a de la difficulté à comprendre autre chose que
le tout blanc et le tout noir. C'est bien dommage, mais comment dire, dans la
vie des individus comme des nations, tout n'est pas ou tout blanc ou tout noir.
Le choix n'est surtout pas entre tous les instruments et aucun instrument.
À cet égard, c'est évident. On aura toujours beaucoup de
difficultés à se comprendre.
M. Bourassa: Sauf qu'on ne peut pas exiger d'avoir tous les
avantages sans accepter les implications politiques. Moi, je ne vois pas
comment. On va en discuter, c'est pour ça qu'on devrait peut-être
passer à autre chose, mais on va en discuter dans les commissions
parlementaires, mais je ne vois pas comment on peut présumer que nous
pourrons avoir l'union monétaire contre la décision ou contre
l'avis de nos partenaires canadiens.
M. Parizeau: M. le Président...
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: ...si je peux ajouter quelques mots à
ça, mais alors, le premier ministre doit être très
malheureux avec la zone de libre-échange nord-américaine. Il doit
trouver ça affreux. Je veux dire, la zone de libre-échance
nord-américaine ne prévoit aucune espèce de coordination
parlementaire de nature politique entre les États-Unis, le Canada et le
Québec, quand nous aurons un pays souverain. Le fait de faire entrer le
Mexique là-dedans ne prévoit pas un Parlement continental et,
pourtant, on sait très bien à quel point une zone de
libre-échange est habituellement suivie par toutes espèces
d'autres modes d'intégration économique. On le voit d'ailleurs
dans le traité actuel, il va bien plus loin qu'un traité de
libre-échange de type classique. Mais le premier ministre doit
être affreusement malheureux dans le cadre de cette zone de
libre-échange nord-américaine, parce que là il n'y a
aucune institution parlementaire politique de prévue.
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Le député de Lac-Saint-Jean m'avait
posé une question a cet égard la semaine dernière pendant
votre absence et j'ai répondu qu'il ne fallait quand même pas
confondre avec une union économique très intégrée.
Entre l'union monétaire et la zone de libre-échange, il y a
l'union tarifaire, l'union douanière, le marché commun. Alors,
moi, ce que je lui dis... Et on va en discuter, on va voir toutes les
conséquences des différents modes, des différentes
options. Mais ce que je lui dis, c'est qu'il me paraît, et je ne suis pas
le seul, assez étonnant, parce que là il y a différents
points de vue, on parte de monnaie québécoise, de monnaie
américaine... Il me paraît difficile de concevoir facilement que
nous pourrions décider d'adopter la monnaie d'un pays qui ne le voudrait
pas.
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: Mais, M. le Président, quand le premier
ministre dit ça, il contredit clairement - il peut bien le contredire,
mais il faudrait qu'il explique - les conclusions de cette étude
à la Commission Bélanger-Campeau, à laquelle je me
référais plus tôt. Il esi tout à fait
évident, dans cette étude qui a été faite pour la
Commission Bélanger-Campeau sur la mise en place ou, si vous voulez, le
maintien d'une union monétaire canadienne, de la même monnaie pour
les deux pays, que tout ce que le Québec aurait à faire dans
cette hypothèse où le Canada n'exprimerait aucune espèce
de tentative de discuter de ces questions, si le Québec néanmoins
voulait le dollar canadien comme monnaie, il n'aurait qu'à le
déclarer et à lui donner cours légal. Et pour ceux qui
comprennent ces affaires-là sur le plan technique, il n'y a pas de
surprise, là-dedans. Notre système bancaire est ainsi
monté au Canada à l'heure actuelle qu'il n'y a aucun moyen pour
la Banque centrale de réduire ou d'éliminer des dollars canadiens
sur un endroit du territoire. Si la Banque du Canada cherchait à
réagir à un geste comme ça, tout ce qu'elle provoquerait,
ce serait une crise du crédit de Victoria à Halifax. On ne va pas
entrer ici dans ces termes techniques, mais nopen market", c'est comme
ça que ça marche.
À un moment donné, il faut quand même revenir
à la façon dont ça fonctionne techniquement. Je comprends
que la politique peut avoir tous les droits qu'on voudra, mais le
fonctionnement d'une banque centrale et le fonctionnement d'une monnaie,
d'abord et avant tout, c'est une histoire technique. C'est d'ailleurs ça
que je continue de répéter et, quand bien même on voudrait
me dire: On comprend qu'il y a des éléments techniques dans la
monnaie, mais il faut encadrer ça avec des espèces de parapluies
politiques. Moi, j'ai dit: Les parapluies politiques dans ce domaine-là,
on en a besoin comme d'un mal de ventre. Ce n'est pas comme ça que
ça fonctionne, un système de banque centrale et de monnaie.
Là-dessus, il est clair que le premier ministre et moi ne pensons
absolument pas les mêmes choses, mais plutôt que de simplement
affirmer ça comme il vient de le faire, de lancer une affirmation qui
contredit complètement les conclusions de l'étude Fortin pour
Bélanger-Campeau, il faudrait quand même qu'il s'explique un
peu.
M. Bourassa: M. le Président je vais
m'expliquerdans...
M. Parizeau: On n'affirme pas seulement quelque chose.
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre. (16 h
30)
M. Bourassa: ... quelques mots, 30 secondes. Je l'ai
déjà dit, il revient encore au débat
technocratie par rapport à démocratie, il parle en
technocrate, je parle en démocrate.
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Lac-Saint-Jean. Ensuite je reconnaîtrai M. le député de
D'Arcy-McGee.
M. Brassard: Simplement pour ajouter aux propos du chef de
l'Opposition et à l'intention du démocrate premier ministre,
c'est que M. le chef de l'Opposition fait référence à
l'étude de M. Fortin qui se retrouve dans les documents de la Commission
Bélanger-Campeau, mais moi j'aimerais faire référence
aussi à un des plus grands spécialistes de la question
monétaire au Québec, en l'occurrence M. Vely Leroy, qui est
également venu témoigner. Je comprends que le premier ministre
n'a pas pu suivre toutes les audiences publiques de la Commission, c'est tout
à fait compréhensible, mais moi je les ai suivies au complet et
M. Vely Leroy, je pense être très objectif en affirmant que c'est
le spécialiste de la question monétaire au Québec. M.
Leroy est venu devant la Commission et il a été très clair
là-dessus. Pour que le dollar canadien devienne une monnaie commune, on
peut utiliser bien des démarches, on peut prévoir peut-être
un conseil d'administration de la Banque centrale, composé en partie de
représentants du gouvernement canadien, en partie de
représentants du gouvernement du Québec, mais il y a une
façon aussi simple de prévoir une monnaie commune, c'est que le
gouvernement du Québec fasse adopter une loi par le Parlement de
Québec qui dise: Le dollar canadien a cours légal au
Québec, sur le territoire québécois. Et M. Leroy dit:
C'est aussi simple que ça et c'est réglé, le dollar
canadien a cours légal, et on a une monnaie, un système
monétaire commun. Et je me souviens très bien, M. le premier
ministre, qu'on lui a posé la question, je lui ai posé la
question: Est-ce qu'il est nécessaire, pour avoir une monnaie commune,
qu'il y ait un Parlement élu commun, communautaire? Est-ce que c'est
nécessaire? Il m'a dit: Pas du tout, mais alors pas du tout. Un
Parlement n'a rien à voir avec un système monétaire.
M. Parizeau: Comme M. Chirac l'a dit.
M. Brassard: Un Parlement n'a rien à voir avec un
système monétaire...
M. Bourassa: Comme M. Mitterrand.
M. Brassard: ...et le premier ministre, tout démocrate
qu'il est, tout démocrate qu'il soit, sait très bien que le
rôle d'un Parlement en matière monétaire, c'est d'adopter
la loi de la banque. Mais une fois que la loi est adoptée, le Parlement
ne joue aucun rôle sur le plan de la gestion de la monnaie. Vous le savez
très bien, ça n'existe nulle part au monde, un Parlement qui
s'immisce dans la gestion d'une monnaie.
M. Bourassa: En Allemagne...
M. Brassard: Un Parlement qui s'immisce puis qui s'ingère
dans la gestion quotidienne d'une monnaie, voyons, vous ne voyez ça
nulle part. J'aimerais bien que vous me donniez un exemple où un
Parlement participe ou s'ingère dans la gestion quotidienne du
système monétaire, voyons-donc! C'est la banque centrale qui fait
ça. Dans tous les pays du monde, c'est la banque centrale qui
gère la monnaie. Ce serait le cas aussi dans une union monétaire
Québec-Canada, ce serait exactement la même chose et le Parlement
n'aurait rien à voir là-dedans. Ceci étant dit, ma
deuxième remarque, M. le Président...
M. Bourassa: Non, juste pour répondre à la
première remarque du député, c'est qu'il y a
différentes formules quand même. Il y a la formule allemande de
l'indépendance, il y a la formule britannique où le Parlement ou
le ministre des Finances a une certaine influence, je veux dire. Il y a la
formule canadienne, il y a l'article 14, il le sait, qui permet au ministre des
Finances d'envoyer par écrit des recommandations au gouverneur de la
Banque. Il y a la formule hollandaise, qui est à mi-chemin entre la
formule britannique et la formule allemande. Alors, il y a différentes
formules. Tout ce que je dis, on peut discuter ad infinitum sur cette
question-là, moi, je regarde l'exemple de l'Europe...
M. Brassard: Donnez-moi donc un exemple où un Parlement,
un Parlement...
Le Président (M. Dauphin): M. le député.
M. Bourassa: Je vais terminer, je vais terminer. Le Parlement a
son ministre des Finances qui, lui, peut influencer la Banque. Le ministre des
Finances est responsable devant le Parlement.
M. Brassard: C'est le pouvoir exécutif, ça! C'est
le pouvoir exécutif, ça!
M. Bourassa: Alors, ce que je dis, celui qui est soumis au
pouvoir législatif...
M. Brassard: Vous qui nous avez fait la leçon cette
semaine puis la semaine dernière sur la séparation des
pouvoirs...
M. Bourassa: Ah! vous l'admettez maintenant!
M. Brassard: Vous confondez...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brassard: Vous confondez les pouvoirs.
M. Bourassa: Vous l'admettez, maintenant. M. Brassard:
Vous confondez. M. Bourassa: Ce que je vous dis...
M. Brassard: Le ministre, c'est le pouvoir exécutif.
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Ce que je vous dis, c'est qu'on peut avoir une
"littérature" économique très abondante sur cette
question-là, mais sur le plan de la logique démocratique - le
chef de l'Opposition revient du pays de Descartes - sur le plan de la logique
démocratique, il y a un déterminisme historique qui fait que plus
il y a intégration économique, plus l'union politique devient
incontournable. C'est ça, le point de vue que je maintiens. Et je ne
comprends pas que le chef de l'Opposition et le député de
Lac-Saint-Jean disent: "Jamais, jamais, jamais, on n'acceptera qu'il puisse y
avoir un Parlement qui pourrait contrôler les pouvoirs communs." Et
ça, ça m'étonne beaucoup.
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: Quant à moi, ce sera ma dernière
intervention sur ce sujet. Le premier ministre veut sauver son système
fédéral canadien. Il l'a dit à plusieurs reprises, son
premier choix, c'est le Canada. Alors, qu'on cherche...
M. Bourassa: Développer le Québec sans
démanteler le Canada.
M. Parizeau: Ha, ha, ha! Ce n'est pas moi qui l'ai inventé
"Mon premier choix, c'est le Canada". Il y a un fameux dimanche où c'est
sorti... Dans sa logique, il faut sauver le Canada. Alors, si, pour sauver le
Canada, il faut coller le système fédéral à peu
près à n'importe quoi, même sur des instruments de
politique économique qui n'en ont pas besoin, bon, il va les coller,
c'est ça qu'il nous fait. A-t-on besoin du régime
fédéral canadien pour faire fonctionner ceci? Oui. Pour faire
fonctionner cela? Sans doute. Pour faire fonctionner un troisième
rouage? Mais évidemment!
M. Brassard: Assurément.
M. Parizeau: Bien sûr. Seulement, ce n'est pas une
démonstration, ça, M. le Président. Ça, c'est
simplement une sorte de projection psychologique où tout est bon non pas
seulement dans le poulet, comme on le chantait autrefois, mais dans le
fédéralisme et le fédéralisme est nécessaire
pour faire fonctionner n'importe quoi. On sort, je pense, d'une analyse
économique correcte quand on aboutit à des conclusions comme
celle-là, que je laisse au premier ministre. Nous aurons l'occasion de
revenir là-dessus, j'imagine, assez souvent dans les mois qui vont
venir. Et là, moi, je suis disposé à passer au
deuxième volet, si tant est que le premier ministre ait quelque chose
à ajouter.
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je constate simplement que les résultats du
périple parisien du chef de l'Opposition sont décevants.
M. Parizeau: Ah! Bien, dans la mesure où U n'accepte pas
ma mission, M. le Président, effectivement, ils le seraient. Mais je
n'ai pas perdu espoir de l'amener à cette mission dont je parlais tout
à l'heure.
Le Président (M. Dauphin): Alors, justement, pour passer
au deuxième volet, M. le chef de l'Opposition, je vais reconnaître
M. le député de D'Arcy-McGee qui me fait des signes depuis
tantôt. Alors, M. le député de D'Arcy-McGee.
Exode de la communauté anglophone
M. Libman: Merci, M. le Président. Moi, je veux aborder un
autre sujet avec le premier ministre, mais quelque chose qui est effective-ment
lié à la question constitutionnelle. C'est sur le sondage qui a
été publié dans La Presse, en fin de semaine, qui
indiquait très clairement qu'il existe un malaise profond dans la
communauté anglophone du Québec. Alors, c'est sur cette question
que je veux discuter un peu. Il y a quelques semaines, j'ai demandé au
ministre responsable de l'application de la Charte de la langue
française ce que le gouvernement entend faire pour ralentir cet exode,
pour contrer ce malaise, et sa réponse a été que le
gouvernement fait tout pour que les anglophones deviennent bilingues, qu'ils
apprennent le français pour qu'ils puissent mieux s'adapter à la
réalité québécoise. Mais il y a une chose qui est
très évidente, c'est que cet exode des anglophones du
Québec se fait surtout parmi les jeunes qui sont bien instruits, les
jeunes qui sont déjà bilingues. Alors, je pense que le
gouvernement doit regarder cette question avec beaucoup... dans une autre
perspective. Il faut chercher un moyen de convaincre la communauté
anglophone du Québec qu'elle a au moins une raison de rester. Il devrait
y avoir un message clair, des mesures concrètes, qui devrait être
envoyé à cette communauté. Et sur ce, j'aimerais bien
avoir vos commentaires.
Vous étiez cité dans La Presse, cette fin de
semaine, en réaction à ce sondage. Vous disiez qu'il y avait des
efforts qui étaient faits, la loi
142. Nous savons très bien que la loi 142 ne progresse pas. Il y
a la question de la fonction publique, mais nous savons également que fa
représentation de la communauté anglophone dans la fonction
publique est presque à zéro. Alors,' tous ces objectifs que vous
avez énoncés en réponse à ces questions, en
réponse aux résultats négatifs de ce sondage, ne
s'adressent pas à la vraie question. La vraie question est le fait qu'il
existe un malaise profond. Le gouvernement a la responsabilité d'aborder
ce problème avec des mesures, des initiatives politiques
concrètes et j'aimerais bien savoir ce que le gouvernement entend faire
pour convaincre les anglophones du Québec qu'ils ont un avenir ici,
qu'ils devraient rester, et pas seulement avec des mots fleuris condescendants.
Je pense que des initiatives sont nécessaires. Quelle est la position du
gouvernement pour envoyer un message positif et un message clair à cette
communauté, qu'elle a un avenir ici et pour la convaincre de rester au
Québec?
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, j'ai également dit en
réponse à la question de la journaliste de La Presse qu'il
fallait que la communauté anglophone constate que, dans la Commission
Bélan-ger-Campeau, unanimement, les Québécois francophones
souhaitent que les anglophones puissent avoir leur place. Je regardais ce matin
ou hier, par exemple, les commentaires de Fernand Daoust, président de
la FTQ à compter de demain. Bon, on connaît son approche. On
connaît sa foi nationaliste depuis très longtemps et M. Daoust
disait lui-même: II faut exprimer encore plus fort notre volonté,
exprimer cette volonté de garder la communauté anglophone, de lui
dire qu'elle a sa place au Québec. D'autant plus que les jeunes de plus
en plus, le député le reflète lui-même, ont une
connaissance du français qui facilite leur intégration au
Québec.
Alors le gouvernement, que ce soit dans le domaine scolaire, que ce soit
dans le domaine universitaire par exemple - des gestes ont été
annoncés, d'autres le seront - , que ce soit avec la loi 142 - le
député de Nelligan constamment fait des représentations,
parce que nous considérons, nous, qu'il est préférable
pour la communauté anglophone de pouvoir, à l'intérieur du
parti au pouvoir, à l'intérieur du gouvernement, faire valoir son
point de vue. Mais sur le plan culturel, sur le plan de l'éducation, la
loi 142, d'autres pourront ajouter, notre volonté est claire. Il reste
la question de la loi 178. On l'a dit quand on l'a adoptée, qu'on aurait
préféré ne pas le faire, mais on se souvient de la
situation qui existait à ce moment-là. On connaît
également le problème démographique au Québec. Ce
n'était pas du tout dans l'intention du gouvernement ou du Parti
libéral de brimer les droits de qui que ce soit. Dans notre parti, il
n'y a pas de deuxième classe de citoyens. L'égalité des
droits est reconnue dans le programme du Parti libéral. Mais il y avait
une question de risques pour la sécurité culturelle dans un
contexte nord-américain qui se posait et c'est pourquoi le gouvernement
a décidé, à ce moment-là, d'adopter la loi 178.
Ceci ne doit pas empêcher nos amis anglophones de constater non seulement
la volonté très nette de la totalité des
Québécois de souhaiter qu'ils demeurent et s'épanouissent
à l'intérieur du Québec, mais également les gestes
concrets de la part du gouvernement pour tenir compte de la situation des
anglophones.
Le Président (M. Dauphin): Merci. Une autre question sur
le même sujet.
M. Libman: Oui, sur le même sujet. Le premier ministre dit
que la volonté du gouvernement est très claire. La
communauté anglophone n'attend pas seulement une volonté, pas
seulement des mots, elle attend certaines mesures, certaines initiatives qui
sont importantes. Un exemple parfait, vous l'avez dit vous-même, c'est
dans le programme du Parti libéral de montrer cette volonté. Une
autre chose qui existe dans le programme du Parti libéral ou dans le
cahier beige du Parti libéral est de permettre aux enfants de langue
maternelle anglaise de fréquenter les institutions scolaires
anglophones. Au Québec présentement, si nous permettions au
Québec maintenant aux étudiants avec des parents immigrants
venant d'Angleterre ou des États-Unis de langue maternelle anglaise de
fréquenter le système scolaire anglophone, nous pourrions
injecter 10 % dans la population des écoles anglophones, qui sont
tellement requis, tellement nécessaires et qui affecteraient seulement 1
% de la population dans les écoles francophones. Alors, voilà une
initiative claire et positive qui peut aider la situation. Pourquoi ça,
ce ne serait pas une solution ou au moins un message clair que le gouvernement
pourrait envoyer à la communauté anglophone? (16 h 45)
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
Ensuite, je reconnaîtrai M. le député de Nelligan.
M. Bourassa: Je crois qu'on avait donné les explications
à ce moment-là. Je crois que le ministère de
l'Éducation possède également une certaine
flexibilité dans l'application des règlements. Je
réitère, avant de passer la parole au député de
Nelligan, que sur cette question-là les deux principaux partis sont
d'accord pour inciter la communauté anglophone à se sentir chez
elle au Québec, y compris surtout les jeunes. Alors, je pense que
ça, c'est positif. C'est rare que ça arrive que l'Opposition et
le gouvernement soient d'accord. Bien, c'est rare. Non, quand même, assez
souvent.
M. Parizeau: Quand ça a du bon sens.
M. Bourassa: Non. Je veux dire qu'on sait que le rôle de
l'Opposition est très ingrat. Alors, elle est obligée parfois...
Alors, ce que je dis au député, c'est qu'il y a quand même
cette volonté unanime; patrons, chefs syndicaux, travailleurs,
universitaires, politiciens, tous souhaitent cet objectif. Il me semble que
c'est un climat qui est positif. Alors, je demanderais au député
de NeHigan peut-être de compléter ma...
Le Président (M. Dauphin): Un commentaire ou une
question?
M. Libman: Les deux, en effet. Parce que nous étions aussi
d'accord avec l'Opposition officielle ces deux dernières semaines.
Alors, ça arrive des fois que les partis à l'Assemblée
nationale s'accordent, même s'ils ont des points de vue tellement
différents. Un bon exemple de ce front commun existait les deux
dernières semaines et cela va continuer, je présume.
Mais juste une dernière question, M. le Président. J'ai
posé cette question aujourd'hui aussi au ministre responsable de la
Charte de la langue française, si le gouvernement était
disposé à la création d'un comité d'études
pour examiner en profondeur cette question. On m'a dit: Ça, c'est une
question que je devrais poser au chef du gouvernement. Alors, voilà
l'occasion. Je vous pose la question. Est-ce qu'il existe une
possibilité de créer un comité d'études auquel
notre caucus sera très heureux de participer pour examiner cette
question en profondeur?
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je vais certainement en discuter. Il s'agit de voir
si la création d'un comité est le seul moyen pour être
rapide et efficace. Je vais en discuter avec le ministre responsable et avec
mes collègues au caucus et nous verrons s'il y a lieu d'accepter cette
suggestion. Mais je répète encore la volonté commune par
rapport à l'objectif souhaité par le député de
D'Arcy-McGee.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre.
M. le député de Nelligan.
M. Williams: Merci, M. le Président. J'ai voulu faire
peut-être quelques commentaires généraux, mais aussi poser
une question au premier ministre, les mêmes questions que le
député de D'Arcy-McGee a soulevées, parce que
peut-être que nous pourrions être un peu d'accord sur quelques
perspectives, mais je pense que nous avons vraiment suivi deux pistes assez
différentes. Il n'y a aucun doute que la loi 178 a causé un
malaise dans la communauté. Il n'y a aucun doute. Je pense que tout le
monde sait ça. Je pense que quelques-uns essaient de profiter encore du
malaise. C'est très facile de continuer à essayer de vendre une
Image négative de la province de Québec, parce qu'il y a ce
malaise dans la communauté. Il n'y a aucun doute à ça. Je
voudrais répéter que je pense qu'il y en a quelques-uns qui
essaient de profiter de cette affaire. Pardon?
M. Brassard: II n'est pas d'accord avec tous les maires.
M. Williams: Mais... Je m'excuse...
Le Président (M. Dauphin): La parole est à vous, M.
le député.
M. Williams: Merci, je voudrais continuer un peu, si tout le
monde écoute, sur la question de la volonté. Je voudrais
commencer avec la question de la volonté. Je pense qu'il y a une
volonté. J'ai entendu ça des membres de Bélan-ger-Campeau,
j'ai entendu ça souvent dans notre caucus et dans notre parti. Je veux
juste être clair sur l'idée d'un comité. Je voudrais dire
au député de D'Arcy-McGee en public, je pense qu'il est au
courant de ça, mais je voudrais lui répéter que ça
existe, un comité de notre caucus qui... Il y a environ 20
députés qui étudient mensuellement les questions
concernant la communauté d'expression anglaise. Mais je suis d'accord
que ça prend beaucoup plus que juste de la bonne volonté.
Ça prend des gestes concrets.
Je suis complètement en désaccord avec son
évaluation. Il y a certainement une grande avance avec la loi 142, avec
la loi 120. Il y a les protections que nous avons commencées au premier
mandat et il y a maintenant beaucoup plus avec la loi 120, d'une façon
que nous pouvons dire que nous sommes le chef de file des questions de
minorités dans la question de la santé partout au Canada, sans
aucun doute. En éducation, oui, il y a d'autres choses que nous pourrons
faire, mais nous avons commencé des gestes concrets aussi. Je voudrais
juste souligner la question de McGill l'autre semaine. Nous sommes... C'est
très facile de citer nos chiffres nous-mêmes, sur la fonction
publique, c'est nous qui avons sorti ces chiffres, c'est nous qui avons
décidé de travailler sur cette question. Et comme M. Johnson, le
président du Conseil du trésor, nous allons donner une
réponse à cette question.
Je peux continuer à dresser une longue liste des gestes concrets
que nous avons posés depuis les derniers 18 mois. La semaine
passée, j'ai donné une liste au premier ministre des autres
gestes que nous pourrions tous poser ensemble comme société, et
avec ça la liste n'est pas finie. Mais de continuer à dire que
tout va mal au Québec, je pense que ça n'aide pas. Et c'est un
peu, non pas une grande surprise, quand tout le monde dit que ça va mal
au Québec, que les
sondages sortent un peu comme ils sont sortis. J'espère que nous,
je pense que nous avons tous une responsabilité de commencer à
avoir une participation plus positive à ça, parce que, en bon
anglais, it is a little bit of a self-fulfilling prophesy, if we continually
say that things are bad in Québec, and things are falling backwards.
So my question to the Premier about this issue regarding the
English-speaking community is whether or not he feels that the negative
perspective of either during the Meech discussions or the various
preoccupations expressed by some of the Members are in fact adding to the
concerns of the English-speaking community. And what kinds of gestures can we
do to begin to show the English-speaking community that they are in fact an
integral part of the history of Québec, but also of the future?
Je voudrais savoir comment nous pourrions peut-être inclure la
communauté d'expression anglaise d'une façon beaucoup plus
positive que ce qui existe maintenant - peut-être essayer de vendre les
choses qu'on fait concrètement pour la communauté?
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Vous avez souligné de façon pertinente
les causes du malaise. Je parlais tantôt de la loi 178. Il y a
l'incertitude politique. Je pense bien que, si le lac Meech avait
été adopté, le climat serait certainement plus rassurant
pour tout le monde.
Ceci étant dit, comme je le répétais tantôt,
il y a une volonté très, très nette, très ferme, de
tous les Québécois de rassurer la communauté anglophone
sur son rôle et sa place dans le Québec d'aujourd'hui et dans le
Québec de demain. Et le gouvernement comme tel, malgré une
situation qui n'est pas facile sur le plan des finances publiques, multiplie
les gestes, que ce soit dans le domaine social, dans le domaine culturel, dans
le domaine de l'éducation. Les jeunes par exemple, on essaie, il y a un
comité du Board of Trade, qu'on me signalait, qui a été
formé pour étudier cette question de l'exode des jeunes
anglophones. Quelqu'un de mon bureau va participer à ce comité,
le président du Conseil permanent de la jeunesse, que j'ai
rencontré il y a quelques jours, va participer à ce
comité.
Alors je pense que la volonté est claire, il faut l'exprimer
encore davantage si nécessaire, parce que je crois que nous ne pouvons
que profiter comme société de l'apport de la communauté
anglophone à l'avenir du Québec.
M. Williams: Juste un dernier ajout...
Le Président (M. Dauphin): Une dernière, M. le
député de Nelligan. Ensuite M. le député de
Lac-Saint-Jean pour de courtes questions et M. le député de
D'Arcy-McGee. Et nous revenons avec le chef de l'Opposition, parce que l'heure
passe très rapidement.
M. Bourassa: Excusez-moi, on s'est entendu avec le chef de
l'Opposition pour terminer à 18 h 30.
M. Williams: Très courtes, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Trois courtes questions.
M. Williams: M. le premier ministre, votre réponse
était très positive et j'ai entendu encore une fois aujourd'hui,
des trois partis, une volonté de travailler avec la communauté
d'expression anglaise. Vous avez souligné quelques secteurs
privés qui sont impliqués maintenant. Je pense que ça
prend une approche comprehensive, une série de gestes positifs et si
nous pouvions avoir, comme nous en avons discuté la semaine
passée, un comité, un peu comme un comité de caucus, non
partisan, mais aussi multidisciplinaire, parce qu'il faut prendre une approche,
comme vous l'avez justement mentionné, multidisciplinaire... Ce n'est
pas juste le gouvernement ou un parti ou un autre qui peut corriger tous les
problèmes. Ça va être tous ensemble avec les
communautés que nous pourrons rebâtir un peu le momentum que nous
avons perdu avec la communauté d'expression anglaise. Avec ça, je
pense, les discussions, les gestes concrets que nous avons faits, mais aussi
l'approche comme vous l'avez mentionné, multidisciplinaire, ça va
être une approche très positive et, si les deux autres partis sont
en train d'exprimer leur volonté sur cette question, ça va
être formidable.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député.
M. Williams: Merci.
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Simplement une question là-dessus, sur ce
sujet-là, au premier ministre. Vous reconnaissez, et c'est vrai que tous
les partis politiques au Québec - on l'a vu pendant les travaux des
audiences publiques, le député de Nelligan y participait
également - que tout le monde convient que la communauté
anglophone a sa place au Québec. Tout le monde convient qu'il faut
respecter, quel que soit le statut du Québec, même dans
l'hypothèse d'un Québec souverain, les droits historiques de la
communauté anglophone. Est-ce que le premier ministre ne croit pas, au
fond, si les leaders de la communauté anglophone au lieu d'alarmer
davantage leur communauté, leurs concitoyens, au lieu de l'ameuter, puis
de prétendre en quelque sorte que c'est une communauté
persécutée, maltrai-
tée - quand je parle des leaders, ça inclut le chef de
l'Equality Party - si au lieu de faire ça...
M. Bourassa: Ce n'est pas le pire.
M. Brassard: Ce n'est pas le pire, mais il y en a de pires.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brassard: Mais si, au lieu de faire ça, les leaders de
la communauté anglophone s'activaient pour apaiser son
inquiétude, la rassurer et être plus positifs, admettre ce que
vous venez d'admettre et ce que tout le monde admet, que c'est une
communauté dont les droits sont scrupuleusement respectés, que
c'est une communauté qui est loin d'être persécutée
et maltraitée, peut-être qu'à ce moment-là les
réactions de la communauté anglophone seraient différentes
de celles qu'on a pu voir dans le dernier sondage de La Presse.
M. Chevrette: On vient de briser le front commun des deux
dernières semaines.
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Alors, ce que je dis... Ce qu'on peut ajouter, bon,
il y a quand même des leaders, je pense à Alex Paterson, à
Robert Keaton, je dois rencontrer Alliance-Québec dans les prochains
jours, qui se sont prononcés d'une façon très responsable.
Mais je veux dire, il faut quand même admettre la liberté
d'expression. Je ne nommerai pas de noms. Il y en a d'autres
évidemment...
M. Brassard: J'en conviens...
M. Bourassa: Oui, qui...
M. Brassard: C'est l'un des problèmes.
M. Bourassa: Oui. Mais je veux dire, ça, qu'est-ce que
vous voulez, on ne peut pas museler ces gens-là. Il faut quand
même dire aussi, au député de Lac-Saint-Jean, que ce n'est
pas facile d'expliquer l'application, pas l'application, mais le principe de la
loi 178 aux anglophones.
M. Brassard: C'est difficile. Nous, on a bien de la misère
à l'expliquer.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourassa: Non, non. Le député...
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: ...de Lac-Saint-Jean sait fort bien que
l'interdiction partielle, a fortiori absolue, parce que dans la loi 178 elle
est partielle... Dans ce que vous proposiez...
M. Brassard: C'est plus facile.
M. Bourassa: C'est absolu. C'est une interdiction absolue.
M. Brassard: C'est plus facile.
M. Bourassa: L'interdiction partielle ou absolue pour des
commerçants anglophones d'utiliser leur langue dans leur propre commerce
n'est pas facile à expliquer, ni à l'intérieur du
Québec, ni à l'extérieur du Québec.
Le Président (M. Dauphin): Dernière question sur ce
sujet, M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Libman: Vous voyez, M. le Président, comment ce front
commun si fragile entre...
M. Bourassa: Oh! ce n'est pas... J'ai senti qu'il y avait une
compréhension du côté du Parti québécois
à cet égard.
M. Libman: M. le Président, the question that was just
asked by the "député de Lac-Saint-Jean" is a clear example of
what the problem is. A clear example. 178 is wrong, it is unjust and Quebeckers
must know that it is wrong and it is unjust. And I want to ask the following
question. We can talk about reassurances, we can talk about... We will try to
understand and the minority has to understand. The minority understands, but
the minority does not want its rights trampled on. I want to see if the Premier
of Québec understands the pain of this poll that came out this weekend,
because this weekend's poll is very indicative of how the English-speaking
community feels. Bob Keaton, Alex Paterson are not plugged into how the
majority of the anglophone community feels, this poll this weekend was very
telling and very painful for the anglophone community, and I want to know if
you respect that opinion, if you understand that opinion and K this Government
is ready to act with concrete initiatives to ensure that the community feels
comfortable.
Something has to be done. 178 is wrong. The Government has to show some
initiative. What initiative is the Government willing to show? Because that
poll this weekend is a very painful and a very telling poll. (17 heures)
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: I have to repeat what I said a few moments ago.
First, I am respecting the opinion of all Québec citizens. No
discrimination
on this side. This being said, I think on the education policy, the
social affairs policy, the cultural policy, we did a lot of concrete action and
we intend to do it again, to go on with this.
M. Libman: It obviously has... Something else is needed, there
has to be initiative, there has to be goodwill, because something is missing
and that poll was a very painful poll this weekend.
Le Président (M. Dauphin): Ça va. Alors, M. le chef
de l'Opposition.
M. Parlzeau: Alors, M. le Président, nous allons aborder
ce que j'appelais tout à l'heure les questions qui concernent la
gestion.
M. Bourassa: L'intendance.
M. Parizeau: Oh non! je dirais de gestion, parce que
l'intendance, paraît-il, suit, alors que, maintenant, ça n'a pas
l'air de suivre très bien.
M. Bourassa: Ha, ha, ha! Vous citez le général de
Gaulle maintenant.
M. Parizeau: Alors, donc, la gestion du gouvernement.
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.
Gestion économique du gouvernement
M. Parizeau: Je voudrais commencer en parlant
d'Hydro-Québec; on ne s'en surprendra pas. Encore que, par la suite, je
voudrais aborder des questions qui ont trait à l'ensemble du
fonctionnement et de la gestion de l'économie par le gouvernement
à l'heure actuelle. Donc, je ne vais pas dire évacuer la question
d'Hydro-Québec, parce que je ne pense que ça s'évacue
facilement, mais je passerai ensuite à la situation économique
générale et à la gestion de l'ensemble.
Hydro-Québec
Hydro-Québec et les discussions que nous avons autour
d'Hydro-Québec à l'heure actuelle, et des contrats en
particulier, ces contrats avec les alumineries, ce sont des questions
importantes parce que, dès que l'économie cesse de croître
rapidement, dès qu'il commence à y avoir des signes qu'il
pourrait y avoir une récession, le gouvernement cherche à calmer
tout le monde en disant: Écoutez, de toute façon, peut-être
qu'il va y avoir une mauvaise passe, mais en tout cas, l'économie sera
appuyée par les investissements d'Hydro-Québec et par les
investissements dans les alumineries. Ça joue dans sa réflexion
sur le plan de la politique économique. Hydro et les alumineries jouent,
au gouvernement, un rôle important. C'est vraiment... On sent pendant
plusieurs mois que c'est le centre de ses préoccupations.
Je ne veux pas proposer d'aborder tout ça, tous les aspects des
discussions qui concernent à l'heure actuelle Hydro-Québec, on en
aurait pour des heures, et d'ailleurs on peut faire ça, comment dire,
dans d'autres commissions. Je voudrais cependant essayer d'aller au coeur du
débat sur les contrats avec les treize entreprises désormais
célèbres, même si on ne connaît pas leur contrat,
sauf un.
Je reviens en arrière, M. le Président. En 1982, nous, qui
sommes au gouvernement sommes placés dans la situation suivante: la
demande d'électricité a baissé à cause de la
récession et, d'autre part, le jus de la Baie James arrive à peu
près tout en même temps, c'est-à-dire que pour la
première fois dans son histoire, Hydro-Québec va avoir des
surplus "formidables" d'électricité. Quand je dis formidable, je
veux dire de l'ordre de 5000 mégawatts. C'est la première fois
que ça arrive dans l'histoire d'Hydro. Et on ne voit pas dans la
situation économique comment ces surplus-là peuvent facilement se
résorber. Un surplus de capacité de produire de
l'électricité, ça prend quelle forme? Bien, ça
prend simplement la forme qu'on ferme les turbines, comme le premier ministre
le sait bien, on arrête les turbines. On a vu un été - je
ne sais plus si c'était l'été 1982, non, 1983, je pense -
où deux turbines seulement fonctionnaient a LG 2. Toutes les autres
étalent arrêtées, il n'y avait pas de demande. On sait bien
que, quand II y a un surplus de capacité comme ça, le coût
de produire un kilowattheure est insignifiant. Ce qu'on appelle le coût
marginal, c'est presque rien, d'un kilowattheure; c'est juste l'entretien de la
turbine qu'on peut lui imputer à ce kilowattheure, c'est presque rien.
Donc, même si, dans un état de surplus, on vend de
l'électricité très bon marché, on fait un profit.
Le coût est tellement bas que c'est profitable. C'est ce que nous allons
faire. On va offrir des rabais pour la période envisagée
où on aurait des surplus et, à ce moment-là, on prend pour
acquis qu'il n'y aurait pas de surplus à partir de 1990. Je vous
rappelle, on est en 1982. Et ils sont tellement énormes qu'à
Hydro on nous dit: En 1990, ne comptez plus, seulement la progression normale
de la demande aura fait disparaître ça. Donc, on va faire des
propositions de rabais tarifaires qui sont toutes payantes. Et on ne va pas en
faire quelques-unes. On a beaucoup parlé, par exemple, de Pechiney. On a
moins parlé de... Je pense aux propositions qui ont été
faites à QIT-Fer et Titane. On en a fait 500, M. le Président,
à peu près 500 propositions de réductions tarifaires
à des entreprises à la condition que, comment dire, dans un bon
nombre de cas, elles accroissent leurs investissements et leur capacité
d'absorber de l'électricité et, dans d'autres cas, qu'elles
déplacent d'autres types d'énergie. Et on faisait de
l'argent dans tous les cas. Bien sûr, pour la partie à long terme
qui dépassait 1990, là, il y a des formules de contrats à
long terme qui ont été aussi incorporées à
certaines de ces choses-là, je pense au contrat de Pechiney, mais on en
était encore à des espèces d'expériences
là-dessus en ce sens que, par exemple, le contrat de QIT n'est pas le
même que celui de Pechiney. Il y a un certain nombre de démarches
pour la partie long terme. Quand je vous dis la partie long terme, c'est sur
une période de 20 ans ou quelque chose comme ça. Mais on a fait
des rabais pendant qu'on avait ces surplus.
Là, ce que nous apprenons un peu, c'est qu'en 1988, en 1989, en
1990, le gouvernement actuel, qui sait que la période de surplus a
été plus serrée qu'on ne pensait - la demande
intérieure au Québec a augmenté tellement rapidement, plus
rapidement que prévu, que, finalement, en 1990 il n'en restait plus de
surplus. On pensait au moins que ça irait jusqu'en 1990, début
1991. Un an et demi avant, on sait qu'il n'y en a pas de surplus. On commence
à comprendre que le gouvernement a offert dans des contrats des rabais
tarifaires à une période où il y avait plus de surplus.
C'est ça qu'il faut comprendre à l'heure actuelle? Mais ce n'est
pas... C'est tellement majeur, c'est tellement au centre de bien d'autres
choses, sur le plan des politiques suivies par le gouvernement, que là
on doit avoir, puisqu'on a un contrat, Norsk Hydro, qui fait apparaître
ça... Le contrat date de 1988. Déjà, à ce
moment-là, on savait très bien qu'il n'y en aurait pas pour
longtemps de ces surplus... Ils étaient petits, petits
déjà en 1988 et on a six ans de rabais tarifaires avec Norsk
Hydro, alors qu'on sait qu'on n'aura pas de surplus et donc que le coût
marginal du kilowattheure n'est pas insignifiant. Il est au contraire
très élevé. Le coût marginal du kilowattheure, quand
on n'a pas de surplus, c'est le coût du développement des
nouvelles installations dans le Nord. C'est ça, le coût marginal.
Si c'est ça, est-ce qu'on voit apparaître une situation où
le gouvernement nous aurait imités sans comprendre vraiment qu'il
remplaçait, à cause du changement de circonstances, une
étape où nous faisions de l'argent par une étape où
maintenant il en perd? En somme, est-ce qu'il a adopté la même
technique que nous sans se rendre compte de la différence de situation,
que nous on avait des rabais payants et que lui a maintenant des rabais
coûteux? Ça, je pense, M. le Président, qu'il va falloir
que... On n'a pas le choix maintenant. Une fois qu'on a mis des interrogations
pareilles dans la tête des gens, il va falloir que le gouvernement sorte,
rende publics, sous une façon ou une autre, ou Hydro-Québec,
comme on voudra, mais rende publics les autres contrats. On ne va pas se
contenter d'avoir Norsk Hydro simplement comme un moyen de tenir tranquille
tout le monde. Tiens, en voilà un. Les autres, on vous les cache. On me
dira: Ce n'est pas habituel. Mais les grands contrats que nous avons
négociés quand nous étions au pouvoir, on en a
discuté très librement en commission parlementaire. Moi, je me
souviens très ten. Yves Duhaime, d'ailleurs, le mentionnait, il
écrivait au sujet de cette époque-là et des contrats
d'électricité, il y a quelques jours, dans les journaux. Yves
Duhaime indiquait clairement qu'en commission parlementaire tout ça a
été discuté. Je ne me souviens pas si on a rendu public le
texte même des contrats, probablement parce qu'on ne nous l'a pas
demandé, en fait, en commission parlementaire, on sortait tous les
renseignements qu'on demandait.
J'aurais demander au premier ministre - je comprends sous quel genre de
contrainte juridique nous avons tous à opérer à cause de
l'injonction - est-ce qu'on peut imaginer que, comme on le suggérait
à la période de questions cet après-midi, la ministre ou
Hydro-Québec peut demander aux compagnies d'être
dégagées de l'engagement qui a été pris? Est-ce
qu'il y a un moyen quelconque de faire en sorte qu'on puisse discuter
sérieusement de cette question d'une importance primordiale et de
façon à peu près transparente? J'ajoute à ça
que j'aimerais aussi comprendre pourquoi, dans sa tentative de vendre de
l'électricité aux États-Unis, le gouvernement est
prêt à prendre des risques qui pourraient aller jusqu'au paiement
- dans le cas du contrat de New York - de pénalités pouvant aller
jusqu'à 4 000 000 000 $, si nous avons bien compris. Il a, en Chambre,
confirmé le montant de 4 000 000 000 $ de pénalité. La
ministre de l'Énergie a aussi confirmé la pénalité
possible de 4 000 000 000 $. Ce qu'on nous a répondu - je pense que
c'est même le premier ministre qui nous a répondu à cet
égard - c'est: Ne vous énervez pas. Ayez confiance dans le
président d'Hydro. Moi, je veux bien qu'on ait confiance dans le
président d'Hydro, mais si des pénalités de 4 000 000 000
$ nous pendent au bout du nez, j'aimerais qu'on soit un peu plus explicite sur
la nature des pénalités. Quand est-ce que ça se
déclenche? Qu'est-ce qui se passe? Est-ce que ce serait à cause
de ces pénalités-là que les négociations se sont
réactivées avec Churchill Falls? Est-ce que la possibilité
que le projet Grande-Baleine soit retardé considérablement, que
des pénalités importantes seraient payables à New York,
fait qu'à l'heure actuelle on s'est retourné de côté
et qu'on négocie activement avec Terre-Neuve pour le
développement de Lower Churchill Falls? Je rappelle, M. le
Président, que le développement de Lower Churchill Falls a
à peu près la même capacité de production
électrique que Grande-Baleine. Dans les deux cas, c'est à peu
près 3000 mégawatts. Est-ce que c'est un substitut?
J'aurais un certain nombre de questions mais qui me paraissent tellement
fondamentales pour essayer de comprendre la stratégie du
gouvernement que j'ai pensé, d'une part, faire ces commentaires
et d'autre part, poser quelques questions au premier ministre.
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Merci, M. le Président. Quel heureux hasard
que nous discutions de cette question-là, alors qu'il y a 20 ans nous
devancions l'annonce du développement du projet de la Baie James.
M. Parizeau: NBR.
M. Bourassa: Non, non.
M. Parizeau: Si, si. C'était ça.
M. Bourassa: Non, non. Nous annoncions le développement de
la Baie James en optant pour l'option hydroélectrique plutôt que
l'option nucléaire. Il y avait cinq rivières dont on parlait dans
ce lancement. Alors, je suis heureux, après 20 ans, de voir que cette
décision a apporté des fruits bénéfiques
considérables aux Québécois et à leur
économie.
J'aimerais bien répondre au chef de l'Opposition. Il le sait fort
bien, il l'a admis lui-même, et je suis heureux qu'il l'ait admis: II y a
des contraintes juridiques. Deux premiers ministres, dont celui qui vous parle,
ont été impliqués dans ce genre de contrainte. M.
Lévesque avait fait une déclaration en Chambre, qui avait - il le
sait, il s'en souvient - conduit à l'annulation d'un procès.
Moi-même, j'avais également dit... J'avais été
accusé de mépris de cour, parce que je disais qu'il fallait
développer à tout prix le territoire nordique. J'avais dû
comparaître devant les tribunaux pour mépris de cour. On
comprendra donc que je sois prudent cet après-midi sur cette
question-là. Implicitement hier, il disait: Dans notre temps, ça
pouvait rester caché, parce que c'était d'énormes surplus.
Maintenant, ça doit être transparent, parce qu'il y a des petits
surplus. Quand c'est gros, il faut le cacher, quand c'est petit, il faut le
montrer. Alors, ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est que nous devons
respecter la séparation des pouvoirs. Ceci n'empêche pas le
gouvernement, comme la ministre l'a dit à plusieurs reprises, d'essayer
de travailler au développement économique du Québec. (17 h
15)
L'hydroélectricité est un atout qui nous permet d'attirer
des investissements dans le secteur de l'aluminerie. On sait que les
alumine-ries contribuent au développement régional, parce que
dans la région de Sept-îles, dans la région de la Mauricie,
à Portneuf, à Baie-Comeau, ça crée des emplois
directs et indirects, pour des travailleurs, pour des firmes
d'ingénieurs-conseils, comme celle de Lavalin qui emploie M.
Duhaime. Il faut quand même constater tous les effets directs et
indirects de ces investissements.
Durant les années soixante-dix, M. le Président, je ne
cessais de me défendre, avant comme après 1976 mais surtout
après, sur les exportations d'électricité comme quoi
c'était - je reprends les mots de M. Duhaime: - "une folie furieuse"
d'exporter l'électricité aux Américains.
La semaine dernière, j'entends le député de
Lac-Saint-Jean qui dit, et le chef de l'Opposition vient de reprendre le
même argument: Est-ce qu'on va perdre l'occasion d'aller chercher des
profits importants pour baisser les tarifs des Québécois en ne
pouvant pas exporter aux Américains? On me disait au début des
années quatre-vingt: Au lieu d'exporter, gardez
l'électricité pour des investisseurs étrangers qui
viendront au Québec. Et là, on me dit: Au lieu de donner de
l'électricité à des investisseurs étrangers,
pourquoi n'exportez-vous pas aux Américains, vous allez faire plus
d'argent? Alors, chaque décennie a son discours de la part de
l'Opposition contredisant l'un par rapport à l'autre.
Je dis tout simplement que si on prend Norsk Hydro - le chef de
l'Opposition a avancé des chiffres - il faut quand même constater
que c'est un contrat de 25 ans qui tient compte de l'inflation, qui tient
compte du prix du magnésium qui est un produit d'avenir et que le chef
de l'Opposition ne peut pas dire qu'à cet égard-là
Hydro-Québec et la société québécoise ne
font pas d'argent ou ne retirent pas de bénéfices, beaucoup plus
de bénéfices avec des contrats comme ceux-là.
Quant aux contrats des autres alumineries, on va attendre le jugement
des tribunaux, mais je crois que tout le monde admet que le Québec a,
avec l'hydroélectricité, un atout pour attirer des
investissements étrangers. Personnellement... Et je suis convaincu que
le chef de l'Opposition quand il était ministre des Finances... On a
visité les mêmes places en Allemagne, en Suisse, en France,
partout, je dis: Venez au Québec, il y a plusieurs avantages:
accès au marché nord-américain, concurrence fiscale,
relations du travail sereines, relativement sereines, calmes et de
l'énergie à bon marché. Ceci a permis d'attirer des
milliards et des milliards d'investissements qui vont apporter des
bénéfices pour des décennies et des décennies
à l'économie québécoise.
On ne peut pas me reprocher en même temps de dire: On ne doit pas
exporter aux Américains parce qu'on doit attirer les industries avec
cette énergie et, après, me dire: On fait plus d'argent en
exportant aux Américains qu'en attirant des investissements avec des
tarifs attrayants. Alors, nous, on fait les deux et on a des ressources
hydroélectriques qui nous permettent de le faire. Mais je ne peux pas
discuter du mérite de la question, je le regrette; l'occasion va venir,
mais je ne peux pas discuter du mérite de la question, je ne peux m'en
tenir qu'à des
principes généraux disant que nous avons, grâce
à l'hydroélectricité, un atout économique
très important qui nous permet et qui nous a permis d'attirer beaucoup
d'investissements étrangers et qui nous a permis et qui nous permet en
1991 d'avoir un ralentissement économique nettement moins difficile et
aigu que celui de l'Ontario. Si on a perdu trois fois moins d'emplois que
l'Ontario, 240 000 à 80 000, je pense bien que c'est dû - le chef
de l'Opposition en conviendra - au niveau de nos investissements. Et, donc, si
nous pouvons traverser cette récession avec moins d'inconvénients
que nos voisins, c'est dû aux atouts économiques que nous avons,
qui nous permettent d'attirer les investissements dont
l'hydroélectricité.
Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le premier ministre.
M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: Quand on entend des choses comme ça, M. le
Président, ça fait peur. Ce n'est pas au niveau des
investissements...
M. Bourassa: Je suis là pour vous rassurer.
M. Parizeau: Ce n'est pas au niveau des investissements qu'est
dû le fait que la récession est plus forte en Ontario qu'au
Québec, cette fois-ci, c'est dû à l'automobile. C'est
dû au fait que la quasi-totalité de l'industrie automobile est
concentrée en Ontario et que 30 % de tous les ouvriers d'usines en
Ontario travaillent pour l'automobile. Quand le marché de l'automobile
s'est écrasé, l'économie de l'Ontario a pris, si vous me
passez l'expression vulgaire, "toute une débarque". Que le premier
ministre, pour l'amour du saint ciel, ne se targue pas et ne se vante pas du
niveau des investissements au Québec. Dans le domaine manufacturier,
sans ces alumi-neries, c'est juste une chute de 24 %, non, presque de 30 % en
deux ans, au Québec. Enfin, voilà.
Je reviens à Hydro. Il n'est pas question pour moi, M. le
Président, de dire: Sur une usine qui se construit, le gouvernement ne
fait pas d'argent avec ses taxes. Bien oui, je sais bien, la règle des
20 % qu'il évoquait en Chambre, le premier ministre, 20 % du coût
du projet, cela nous revient en impôts et en taxes au Québec.
C'est moi qui l'ai établi avec le programme d'accélération
des investissements en 1982. Ceux qui le lui ont communiqué ont
oublié de dire, cependant, que pour que les 20 % s'appliquent, il faut
qu'il y art 100 % de contenu québécois. C'est important.
M. Bourassa: D'abord, je vous en remercie au nom du peuple
québécois.
M. Parizeau: Oui! Une usine...
M. Bourassa: Ils m'avaient prévenu.
M. Parizeau: ...qu'on construit, pendant la phase de
construction, ça rapporte des taxes et des impôts. Comme on dit en
anglais: What else is new?" II ne s'agit pas de refuser ça.
D'autre part, faire en sorte que le Québec ait cherché
dans les 2 000 000 de tonnes, à peu près, de capacité de
produire de l'aluminium les usines qui ont fermé à cause de
coûts d'énergie trop élevés un peu partout dans le
monde, en Allemagne, au Japon, dans le Sud des États-Unis, que le
Québec ait cherché à prendre la majeure partie de ces 2
000 000, bien oui, ça avait un certain bon sens. Ce n'est pas ça,
c'est la gestion de tout ça. Il va bien falloir qu'à un moment
donné on sache si le gouvernement a accepté qu'il y ait des
rabais tarifaires importants alors qu'il n'y avait plus de surplus. Si c'est
ça, ça n'a pas seulement des conséquences sur la
façon dont le gouvernement gère ses choses, le gouvernement doit
savoir quel impact c'est susceptible d'avoir sur le plan des
négociations commerciales. Si vraiment Hydro a accepté de faire
ça, enfin! On s'en reparlera, je n'irai pas plus loin parce que, de
toute façon, moi non plus, je ne voudrais pas être saisi dans une
histoire de mépris de cour.
J'ajoute cependant au premier ministre, toujours dans la gestion d'Hydro
et dans la gestion des affaires d'Hydro, qu'aller au fond de la question des
pénalités pour non-livraison à l'État de New York,
qui pourraient se monter à 4 000 000 000 $, ça, ce n'est pas
couvert par l'injonction, il n'y a pas de raison qu'on ne soit pas mis au
courant de ça. La décision du juge ne porte absolument pas
là-dessus. Tout ce que nous avons jusqu'à maintenant, c'est une
déclaration du chargé des ventes étrangères
d'Hydro-Québec qui a assuré, dans la presse, qu'on aurait
à annuler ce contrat avec les États-Unis si on ne veut pas
être passible d'une amende de 4 000 000 000 $, ce qui a été
contredit gentiment et en termes très vagues par le président
d'Hydro-Québec à Washington. Quand, en Chambre, on a
cherché à explorer ça, tout ce qu'on a eu comme
renseignements, c'est: Ayez confiance dans la direction d'Hydro. Là, je
veux bien, mais il va falloir en savoir un peu plus, parce que si ces 4 000 000
000 $ de pénalités nous pendent au bout du nez et que, d'autre
part, les négociations sont aussi avancées avec Terre-Neuve pour
le développement de Lower Churchill Falls, on comprend ce que le
gouvernement de Terre-Neuve va être capable d'exiger de nous. Ça
veut dire que le gouvernement de Terre-Neuve est dans une situation de
négociation, mais prodigieuse!
C'est ce que je voulais dire sur les questions de gestion. Qu'on ne
vienne pas me dire que je suis contre les investissements au Québec.
Bien sûr, c'est bien, des investissements au Québec. Qu'il en
faille plus, bien oui, il en faut plus. Mais il s'agit de savoir comment c'est
géré, tout ça, et à quels coûts.
Voilà!
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, j'ai cru nécessaire
de souligner que les industries d'aluminium apportaient beaucoup d'avantages
aux Québécois. Il était en Europe quand mon ami, le leader
parlementaire, posait des questions, le député d'Ungava
également. Je pense qu'il est important qu'on puisse dire sans
dévoiler ou sans ne pas respecter l'injonction des tribunaux, qu'on
puisse mettre en relief les avantages d'avoir l'hydroélectricité
et les milliards et milliards de revenus que nous pouvons en avoir et
également les avantages pour le développement régional.
Pour ce qui a trait aux exportations d'électricité, le
président d'Hydro-Québec a dit lui-même qu'il n'y avait pas
lieu de s'alarmer. D'ailleurs, le délai se termine dans un laps de
temps, à la fin de novembre, à la fin de cette année. Et
surtout, ce n'est pas une question de disponibilité des ressources.
C'est une question juridique.
Quand le chef de l'Opposition dit que le développement de Lower
Churchill Falls pourrait remplacer Grande-Baleine, il va un peu vite en
affaires. Nous avons toujours considéré cette option parce que
c'est un endroit, c'est un projet avec d'autres développements au
Québec - il y en a quelques-uns - qui peut se faire à des
coûts très raisonnables et les négociations ont
commencé depuis des années et des années. Et là, il
semble, à cause du contexte qui fait en sorte que
l'hydroélectricité devient de plus en plus populaire - le chef de
l'Opposition est au courant. Je l'ai dit à l'Assemblée nationale.
Des déclarations ont été faites par les milieux
écologistes, le rapport Brundtland, entre autres, qui est la bible des
écologistes, disait que les ressources renouvelables
hydroélectriques sont préférables. Alors, on a cet
atout-là. Alors, on essaie de les développer là où
elles se trouvent, à Grande-Baleine et également dans la
région de Lower Churchill. C'est la politique du gouvernement.
Quant à la question de la gestion, il peut fort bien soulever la
question actuellement, mais il sait fort bien qu'on ne peut pas lui donner la
réponse étant donné l'injonction. Mais je peux le
rassurer, je peux lui dire qu'au mérite, je crois, comme on l'a vu dans
ie cas de Norsk Hydro... Il dit: Bon, qu'est-ce qui va arriver dans les 25
prochaines années? Il a dû lire quand même que c'est
basé sur l'inflation, sur le prix du magnésium. Il y a des
éléments de protection très très importants. On
sait que pour le magnésium il est prévu une très forte
demande. La formule du partage des risques, ça provient du chef de
l'Opposition. On sait que c'est lui qui décidait tout sur les questions
économiques dans l'ancien gouvernement. Est-ce que je me trompe? C'est
lui qui avait le dernier mot. Le leader parlementaire semble un peu
hésitant. Je ne sais pas si je m'avance trop loin, mais, de toute
façon, le chef de l'Opposition avait un point de vue très
important sur toutes les décisions économiques. Je ne vois pas le
député de L'Assomption, mais pas du tout, endosser la formule du
partage des risques sans être d'accord. Donc, si mon honorable ami a
endossé la formule du partage des risques, c'est donc qu'elle
était dans l'intérêt du Québec. Il va dire: Oui,
mais dans le temps il y avait des surplus. C'est évident. En 1979-1980,
on avait augmenté les tarifs de 20 %. Donc, cette augmentation brutale
des tarifs de la part de nos amis d'en face avait abouti à certains
surplus plus le ralentissement économique. Donc, on a signé des
contrats. Bien, il y a eu des augmentations de 18 %. Non, c'est faux?
Une voix:...
M. Bourassa: Non, non, mais vous avez eu des augmentations de
tarifs de 18 %. Donc, forcément, ça baisse la demande et il y a
eu des contrats comme avec Pechiney. Le chef de l'Opposition lui-même
avait négocié ce contrat. Comme il l'a dit, le coût
marginal était peu élevé. Donc, il avait une plus grande
marge de manoeuvre pour signer des ententes même si ça n'a pas
été facile. Mais je lui dis que cette formule du partage des
risques qui origine de son gouvernement s'applique en tenant compte de la
conjoncture parce que ce qu'il laisse entendre dans ses propos, c'est
qu'Hydro-Québec n'aurait pas tenu compte que les surplus
n'étaient pas éternels. Alors, je lui réponds
qu'Hydro-Québec a tenu compte que les surplus québécois
n'étaient pas éternels et c'est pourquoi ils ont introduit des
formules qu'on a retrouvées dans Norsk Hydro, notamment pour ce qui a
trait au prix du magnésium et au taux d'inflation. Alors, je ne vois pas
pourquoi le chef de l'Opposition est si pessimiste quant au contenu des
contrats, mais je ne peux pas aller plus loin étant donné, comme
il le disait lui-même, qu'il faut attendre les jugements des
tribunaux.
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.
(17 h 30)
M. Parizeau: M. le Président, comment dire? On s'amuse
là. Ça devient simplement rigolo. Alors, un premier ministre qui
n'a jamais entendu parler du choc pétrolier. Pourquoi est-ce qu'il pense
que les tarifs d'électricité ont été
augmentés de 18 % dans les années auxquelles il se
réfère? Parce que le pétrole montait de 23 % ou de 25 %.
Si on n'avait pas augmenté le tarif d'électricité,
qu'est-ce qu'il y aurait eu? Un déplacement de la demande formidable du
pétrole vers l'électricité.
M. Bourassa: C'est ce que j'ai dit. Je ne vois pas pourquoi le
chef de l'Opposition s'indigne. Je dis que l'augmentation des tarifs
d'électricité a réduit la demande.
M. Parizeau: Non. Non.
M. Bourassa: Bon. Alors, c'est...
M. Parizeau: Tout ce que c'a fait, c'est d'éviter des
déplacements. Le principal facteur de surplus - qu'il n'a même pas
mentionné, il devrait pourtant, j'imagine, en être fier - c'est
l'arrivée du jus de la Baie James, les turbines partent. Le premier
ministre devrait le savoir. Tout arrive en même temps dans un
marché où, à cause de la récession, la demande
d'électricité tombe. Alors, évidemment que ça fait
un gros surplus. C'a coïncidé. Le premier ministre n'est pas
responsable de ça. Il ne pouvait pas savoir quand il a pesé sur
les boutons pour construire la Baie James que ça tomberait en plein
milieu d'une récession quand le jus arriverait. Mais c'est ça, le
fond de l'histoire. Si on veut s'amuser, on veut bien s'amuser et raconter
n'importe quoi. Mais le fond de la question sur les surplus, c'est
l'arrivée de tout ce jus de la Baie James, en pleine récession.
C'est ça, le fond de la question.
Là, ce que le premier ministre vient de nous dire, cependant,
c'est qu'Hydro a tenu compte pour établir ses rabais,
singulièrement au cours des premières années - je parle de
ce qu'on a vu dans Norsk Hydro, des rabais pendant cinq, six ans, pour
établir ces rabais-là - du fait qu'ils n'avaient plus de surplus.
Est-ce que ça veut dire que c'est le gouvernement qui lui a
demandé d'établir ces rabais?
M. Bourassa: M. le Président...
M. Parizeau: Bien, non, mais un instant, là. Là, ce
que le premier ministre vient de faire, c'est qu'à l'égard de ces
rabais consentis pour des années où il n'y a pas de surplus il
vient de dégager la responsabilité d'Hydro-Québec. Bon,
alors, si ce n'est pas la responsabilité d'Hydro-Québec, c'est la
responsabilité de qui? De lui, le premier ministre?
M. Bourassa: M. le Président...
Le Président (M. Houde): M. le premier ministre.
M. Bourassa: ...il me semble que j'ai été
très clair. À mon tour, je lui demande d'être
sérieux. Il a dit: Mais comment se fait-il qu'Hydro n'a pas tenu compte
que, dans les années quatre-vingt-dix, ça ne serait pas une
ère de surplus comme les années quatre-vingt? C'était le
sens de sa question. Je lui ai dit de faire un minimum de confiance aux
gestionnaires d'Hydro-Québec. C'est tout. C'est une vérité
de La Palice. Je ne vois pas pourquoi le gouvernement n'intervient d'aucune
façon, comme il le sait, dans des négociations complexes comme
celles-là. Mais le gouvernement présume qu'Hydro-Québec va
tenir compte que les années quatre-vingt-dix sont différentes des
années quatre-vingt. Je ne comprends pas du tout le chef de l'Opposition
qui dit: Mais oui, mais il n'y en a plus de surplus dans les années
quatre-vingt-dix. Mais c'est pourquoi, dans le contrat de Norsk Hydro, on parle
du prix du magnésium et on tient compte de l'inflation. Je veux dire, il
a juste à lire le communiqué qui a été émis
par Norsk Hydro. Alors, je dis que, bon, 1988-1989...
M. Parizeau: ...1990-1991...
M. Bourassa: Oui, oui, mais on sait que c'a commencé
à la fin de 1989 et on sait que c'est... Le responsable de la compagnie
a dit que c'était susceptible d'être remboursé. Alors, ce
que je dis au chef de l'Opposition, c'est que créer des
épouvantails, comme on le fait, alors que les contrats ne peuvent pas
être discutés quant au fond, je crois que c'est de la politique
politicienne. Lui-même refusait, je me souviens dans le cas de Pechiney,
pas lui mais le ministre responsable. On me rapporte que le
député de Notre-Dame-de-Grâce exigeait qu'on dévoile
le contrat de Pechiney. Le gouvernement n'acceptait pas, n'a pas
accepté. Pas question de dévoiler le contrat de Pechiney. Jamais,
jamais, jamais. C'est ce qu'on répondait au député de
Notre-Dame-de-Grâce lorsqu'il posait la question. Alors, je dis, M. le
Président, que, quant à nous, nous avons un jugement du tribunal,
mais je crois qu'avant de conclure qu'Hydro-Québec s'est trompée
le chef de l'Opposition devrait attendre de prendre connaissance des
contrats.
Et ceci étant dit, je dis au chef de l'Opposition que la venue
d'alumineries au Québec, étant donné la situation
géographique que nous avons, étant donné la
possibilité d'avoir des tarifs à bon marché, est un
avantage pour le Québec et pour les Québécois. Et je
répète encore que ceci a contribué à un niveau
d'investissements. C'est un peu simpliste de dire que tous les maux de
l'Ontario proviennent de l'automobile. Je crois que la situation ontarienne
n'est pas si simple que ça. Je pense que le chef de l'Opposition doit
savoir qu'il y a plusieurs facteurs. C'en est un parmi plusieurs. Et je lui
réponds que, quant au Québec, je ne dis pas que le fait qu'on ait
un ralentissement moins prononcé que l'Ontario est dû uniquement
aux investissements de l'aluminium, mais je dis que ça n'a pas nui.
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: M. le Président, cette discussion devient
difficile parce que, manifestement, le premier ministre ne contrôle pas
ses données très bien, là. Norsk Hydro...
M. Bourassa: Nous partageons la même...
M. Parizeau: ...les rabais, ce dont on parle, ce n'est pas la
partie à long terme à risques partagés, ça, j'y
reviendrai tout à l'heure. Je parle des rabais. Les rabais, ils ne sont
pas applicables pour 1988-1989, et là on peut en parler puisque c'est
sorti, c'est public, ces contrats-là, ils vont jusqu'en 1993,
inclusivement. Donc, ce n'est pas quelque chose de passé, c'est quelque
chose à venir. On en a pour trois ans de rabais successifs
là-dedans. Quant aux contrats à risques partagés... Ah
oui! c'est vrai!. C'est vrai, oui, j'ai participé, encore que c'est M.
Duhaime surtout qui a mis la formule au point, mais c'a été
très intéressant, la mise au point de certains contrats à
risques partagés, très intéressant, à ce
moment-là. Mais oui! Seulement, un contrat à risques
partagés, ce n'est pas une étiquette. Ce n'est pas
l'Immaculée Conception, ça. Quand on dit: Un contrat à
risques partagés, il peut y avoir bien des façons de partager. Je
partage, tu partages, il partage, et nous partageons différemment. Ce
n'est pas parce que le premier ministre dit: Ah! vous avez déjà
signé un contrat à risques partagés, que ça
représente un blanc-seing pour tous ceux qui sont en train de signer
à Hydro, ou qui ont signé depuis deux ou trois ans avec la
bénédiction urbi et orbi du gouvernement. Le risque
partagé, en soi, ça ne veut rien dire, ça. On le partage
bien ou on le partage mal. Ce qui est en cause dans les discussions, c'est:
Est-ce qu'ils ont mal partagé? C'est ça qu'il faut
éclairer, et je termine là-dessus, M. le Président. Quand
le premier ministre vient me dire: Attendez de voir les contrats et vous
pourrez juger, je lui dis: C'est justement ça qu'on voudrait. C'est
ça qui est au fond du débat. Il est possible qu'on porte des
jugements trop sévères, à l'heure actuelle.
M. Bourassa: Ah! je prends note de l'aveu!
M. Parizeau: Et qu'on ne porterait pas si on était capable
de voir les documents. Mais plus on retarde, on empêche les gens de voir
les documents, plus il est inévitable que s'installe dans l'esprit des
gens une sorte de méfiance. Ça n'a pas de sens de mettre autant
d'obstacles sur la connaissance qui, au fond, dans les grandes lignes, ne
devrait pas poser de problèmes particuliers. Pas plus, encore une fois,
que ça n'en posait à nous quand en commission parlementaire, en
1982 ou 1983, on nous posait des questions comme ça sur les contrats que
nous signions les uns après les autres. Alors, voilà, M. le
Président, ce que j'avais à dire sur ce chapltre-là. Je
voudrais...
M. Bourassa: Je voudrais juste compléter, quand
même.
M. Parizeau: Le premier ministre va compléter, oui.
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre, et je
crois que le député de D'Arcy-McGee aurait une question aussi
là-dessus.
M. Parizeau: Ah oui? Ah bon! Très bien!
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition donne l'impression que,
délibérément, nous empêchons les entreprises de
rendre publics les contrats. C'est facile pour lui. Dieu merci, il a admis
qu'il pouvait être plus sévère, parce que ce n'est pas la
première fois qu'on va dégonfler des ballons. Qu'on se souvienne
de tout le tintamarre qu'on a fait sur le zonage agricole à trois mois
des élections et, finalement, on n'en entend plus parler. C'est la
tâche de ce gouvernement de dégonfler constamment les ballons de
l'Opposition, et c'est la tâche de l'Opposition d'en lancer, de
manière à pouvoir se remonter-Une voix:...
M. Bourassa: ...le moral. Alors, ce que je dis au chef de
l'Opposition, M. le Président, c'est qu'il y a des compagnies qui l'ont
évoqué en disant: Nous, nous négocions avec plusieurs pays
des tarifs d'électricité - c'est ce que je disais en Chambre cet
après-midi - et si les tarifs que nous avons au Québec sont
dévoilés, ça va nuire à nos négociations
avec les autres pays concurrents du Québec, Venezuela, Australie,
Brésil. Non, ça ne peut pas arriver, des choses comme ça!
Quelle naïveté! Quelle naïveté, M. le
Président!
Alors, ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est qu'il y a ce qu'on
appelle la loi de la concurrence qui fait qu'il y a des entreprises qui disent:
Pour l'instant, nous négocions, puis ça, ça va nuire au
pouvoir concurrentiel. Évidemment, le Québec va partout dans le
monde, parce qu'on a besoin d'investissements étrangers pour lutter
contre le chômage, faire face au chômage, et tout ça fait
partie du portrait global. Et je ne trouve pas tellement responsable qu'on
exploite cette situation-là, quand le chef de l'Opposition admet
lui-même que, s'il va trop loin, il va être assujetti à un
mépris de cour. Imaginez, quelle logique, encore une fois. Quelle
logique du chef de l'Opposition! Il dit: II ne faut pas que j'aille trop loin,
je vais avoir un mépris de cour. Puis après, il blâme le
gouvernement de cacher des choses. Je ne comprends pas. Je ne comprends pas, M.
le Président.
Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: ...s'il veut s'engager dans une voie pareille,
ça devient... Il est clair que je dois, moi, dans les règles qui
satisfont à la fois
mon mandat de député et, d'autre part, la
responsabilité qu'on doit exercer sur ces choses, comment dire,
respecter les décisions de la cour. Ça me semble aller de soi,
ça. Que je veuille avoir des renseignements dans le Parlement où
je siège, ça me paraît aller de soi. Voulez-vous bien me
dire pourquoi on ne veut pas me répondre sur la question des
pénalités de 4 000 000 000 $ sur le contrat de New York? Ce n'est
pas couvert, ce n'est pas couvert, ça, par la décision de la
cour! Pourquoi on ne veut pas nous en dire un petit peu sur ce qui se passe
dans les négociations avec Terre-Neuve? Ça a l'air d'être
très actif, de ce côté-là! Il n'y a rien qui
s'applique, des décisions de la cour, à ça. Mais il y a
une chose qui est claire, cependant, c'est que le gouvernement, il ne nous en
donne pas épais. Venir nous dire, sur une somme de 4 000 000 000 $ de
pénalité: C'est une paille, ça, 4 000 000 000 $, ce n'est
rien, ça, en termes d'argent, écoutez, ayez confiance en M.
Drouin! Moi j'ai confiance en n'importe qui, mais je trouve que 4 000 000 000 $
de jetons de présence, dans un jeu de confiance, ça me
paraît haut. Ça me paraît haut. Qu'on ne vienne pas me
parler de mépris de cour!
Pourquoi est-ce que le gouvernement... Pourquoi est-ce qu'on doit
apprendre ça d'employés d'Hydro qui déclarent ça
aux journaux, puis quand on demande au gouvernement d'avoir des détails
sur quelque chose d'aussi insignifiant que 4 000 000 000 $ - on aura compris
que je mets une pointe d'ironie - pas capable de savoir de quoi il s'agit. Puis
qu'est-ce que c'est... Encore une fois, est-ce qu'on est en train de donner une
poignée à Terre-Neuve qui, sachant qu'on est pris avec ça,
avec 4 000 000 000 $ qui nous pendent au bout du nez, peut accepter le
développement enfin de Lower Churchill Falls... Je le rappelle,
ça fait 20 ans que ça se discute, cette affaire-là. Si
c'est sur le point d'aboutir, c'est que les circonstances ont bougrement
changé. Il y a quelqu'un à Québec, là, qui commence
à être intéressé à se sortir d'une trappe
quelque part pour aller de ce côté-là. Et alors là,
qu'est-ce que Terre-Neuve demande? Ce n'est pas couvert par une cour,
ça. Pourquoi est-ce qu'on ne peut pas être renseigné sur
ces choses-là?
Le Président (M. Dauphin): M.le premier
ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je trouve que l'indignation
du chef de l'Opposition est un peu artificielle. J'espère qu'il a
trouvé le temps, la semaine dernière, d'aller à la
Comédie-Française. Je crois qu'il se serait senti à
l'aise. Il se serait senti à l'aise. Ce que je veux lui dire, c'est que
tantôt il met en cause la gérance d'Hydro parce que le
gouvernement n'interfère pas dans les décisions d'Hydro, sur les
contrats d'aluminerie, il met ça en cause en disant: C'est là le
prix, les rabais, etc. Et là, dans sa dernière question, il
bifurque complètement sur un autre problème. Là, il parle
de la question de l'Office national de l'énergie. Ce ne sont pas les
contrats d'Hydro avec Alouette puis avec Bécancour, puis avec Reynolds.
Ce n'est plus ça dont il est question. Mais quand il a parlé de
mépris de cour, c'était de cette question-là. Alors,
là, je pense que je suis oblige de - j'hésite à utiliser
le mot, - démasquer le chef de l'Opposition. (17 h 45)
M. Parizeau: Ho!
M. Chevrette: Si vous aviez compris la question, il y a 20
minutes, et que vous y aviez répondu, il n'aurait pas été
obligé de vous la répéter.
M. Bourassa: Parce que, là, je ne sais pas s'il pense
qu'on ne s'en est pas aperçu, il a changé tout à fait de
sujet. Il parle des délais des contrats d'exportation et des propos de
M. Guevremont et de M. Drouin sur les pénalités. Ça, c'est
tout à fait un autre sujet. Il faudrait quand même être
clair là-dessus. Alors, je dis au chef de l'Opposition qu'à cet
égard le président d'Hydro-Québec a fait une
déclaration qui ne rassure pas encore le chef de l'Opposition. Mais je
lui dis qu'on a quand même des délais de six ou sept mois et que,
surtout, il n'est pas question, dans ce problème-là, de la
disponibilité de l'énergie. Il n'a pas raison, à cet
égard, de faire le lien avec Lower Churchill Falls. C'est simplement une
question juridique qui ne met pas en cause le niveau de l'offre
d'Hydro-Québec. Et le chef de l'Opposition aura l'occasion, à de
multiples reprises, d'être rassuré sur l'évolution de cette
question juridique.
Ceci étant dit, je pense qu'on est obligé de conclure que
la décision, il y a 20 ans, d'opter pour
l'hydroélectricité plutôt que le nucléaire - qui a
été suivi de Tchernobyl et Three Mile Island - a
été une sage décision par le gouvernement de
l'époque et qui permettra aux Québécois d'avoir une plus
grande confiance dans leur avenir.
Le Président (M. Dauphin): Voulez-vous... une
courte...
M. Parizeau: Oui. Je rappellerai au premier ministre que le
gouvernement qui a établi - pas un moratoire mais, comment dire - une
interdiction de continuer dans le domaine nucléaire dans lequel Hydro
s'était pas mal engagée, n'est-ce pas, c'est le gouvernement du
Parti québécois. Mais oui, mais oui!
M. Bourassa: En quelle année? M. Parizeau: En 1979
ou 1980. M. Bourassa: Mais en 1977, on me disait que
c'était une folie furieuse d'exporter
l'hydroélectricité aux États-Unis.
M. Parizeau: Le premier gouvernement qui a arrêté le
nucléaire au Québec, c'est le gouvernement du Parti
québécois.
M. Bourassa: Ça veut dire: 10 ans après que je
l'eus demandé.
M. Parizeau: Ah! Bien non, parce que toutes les premières
initiatives nucléaires d'Hydro-Québec se sont faites pendant que
le premier ministre était premier ministre.
Une voix: II était au pouvoir. M. Parizeau: II
était au pouvoir. M. Chevrette: Bonne mère!
M. Bourassa: On sait que j'ai mis l'accent... J'ai publié
trois volumes là-dessus, alors je vais les faire parvenir
à...
M. Parizeau: II faut se souvenir des choses. Bon, je continue,
monsieur...
M. Chevrette: Deux mandats...
Le Président (M. Dauphin): Messieurs. M. le chef de
l'Opposition, la parole est à vous.
M. Parizeau: On aura compris simplement, M. le Président,
qu'en dépit des blagues du premier ministre il y a, pour moi, un rapport
inévitable entre Grande-Baleine et son développement,
l'arrivée de la demande d'électricité de deux nouvelles
alumineries, les exigences de contrats d'exportation vers les États-Unis
et, si tant est que Grande-Baleine prenne du retard, la recherche d'une
alternative, par exemple, Lower Churchill Falls. Toujours sur le plan de la
gestion, ces choses-là sont liées, il faut passer de l'une
à l'autre. On ne change pas la conversation quand on passe de l'une
à l'autre. Toutes ces choses-là sont reliées les unes aux
autres. C'est ça qui s'appelle la gestion, M. le Président. Moi,
je...
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
Aviez-vous terminé, M. le chef de l'Opposition?
M. Parizeau: Moi, j'ai terminé.
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition est d'accord qu'avec
l'augmentation constante de la demande le gouvernement doit examiner
différentes options et c'est ce qu'il fait, c'est le bon sens
même, c'est de la saine intendance.
Le Président (M. Dauphin): Alors, dernière question
sur ce sujet, M. le député de D'Arcy-McGee, avec les mêmes
restrictions de prudence.
M. Libman: O.K. Je veux discuter des contrats de New York et du
Vermont. M. le Président, le 27 août 1980, Hydro-Québec a
publié un prospectus pour les investisseurs américains d'un "bond
offering" pour 1 500 000 000 $ et, à la page 16 de ce prospectus, il est
dit et je cite: 'That Hydro Quebec's activities are subject to the
Environmental Quality Act, Agricultural Land Act, Land Use Planning Act and
other related legislation, both federal and provincial."
Le 13 Janvier 1991, M. le Président, cinq mois après, il y
a un supplément de ce prospectus qui a été publié
et, à la page S-2, it advises that Hydro-Québec is appealing the
decision to submit to federal environmental laws, saying that these
environmental laws do not apply to Québec, even though these are laws
that Québec said that they would have to satisfy when they signed these
contracts two years before, and said that they would respect in the prospectus
of August. So when they signed these two contracts, they said that the federal
environmental laws would have to apply. In the prospectus in August of 1990,
they said these federal environmental laws applied. Alors, ma question est
simplement: Pourquoi cette contradiction? Est-ce que le gouvernement est
d'accord avec la page 16 du prospectus où il est dit que nous avons des
lois dans ce pays, en ce qui concerne l'environnement, ou la page S-2 du
supplément où Hydro-Québec dit être au-dessus de ces
lois environnementales? Je vois une contradiction très claire.
M. Bourassa: Je vais en prendre connaissance, je n'ai pas
à l'esprit tous les détails. Il y a beaucoup de "fine print" dans
les prospectus, comme le sait le député de D'Arcy-McGee. Je ne
suis pas sûr que son interprétation est correcte. On va en prendre
connaissance, et on pourra aviser.
M. Libman: M. le Président, je peux...
M. Bourassa: Ça m'étonnerait beaucoup
qu'Hydro-Québec dise: Nous, on est au-dessus des lois. Je veux dire, je
pense que c'est un peu fort.
M. Chevrette: Bien à les voir aller présentement,
on...
M. Libman: Non, M. le Président, je peux déposer
des extraits de prospectus...
M. Bourassa: Non, non, mais ça m'étonnerait
qu'Hydro-Québec dise que les lois n'existent pas pour
Hydro-Québec, il ne faut pas... Êtes-vous sûr que vous avez
bien lu?
M. Libman: Si le premier ministre veut le lire, M. le
Président, ce sont des extraits d'un prospectus où il est dit que
les lois environnementales du Canada s'appliquent pour ces contrats. Ils ont
admis que ces lois environnementales s'appliquent, mais dans un
supplément au prospectus ils disent que ces lois ne s'appliquent pas.
Alors, je veux savoir simplement pourquoi la contradiction.
M. Bouraasa: Oui, c'est ça, il y a des contestations
devant les tribunaux qui peuvent expliquer peut-être des amendements
parce que, quand c'a été écrit, peut-être qu'il n'y
avait pas de contestations. Maintenant, il y a des contestations devant les
tribunaux, et c'est ce qui explique peut-être l'amendement qui a
été apporté. C'est une question de juridiction qui est
débattue entre les deux niveaux de juridiction, entre... Alors
là...
M. Libman: Alors, ce n'est pas...
M. Bourassa: ...tout se comprend bien.
M. Libman: Ce n'est pas, M. le Président, simplement faire
un appel à une décision. Quand on dit que les lois s'appliquent
et que, quelques mois après, on dit que ces lois ne s'appliquent pas il
y a une contradiction très claire.
M. Bourassa: II peut y avoir des contestations juridiques, le
député est bien au courant, et que ces contestations-là
permettent à HydroQuébec de ne pas se prononcer de la même
façon, en attendant le résultat de la contestation.
Le Président (M. Dauphin): Ça va? Alors, M. le chef
de l'Opposition officielle.
M. Parizeau: M. le Président, je n'avais pas très
bien compris la nature de l'arrangement que nous avions, de terminer à
18 h 30. Là, on vient de me l'expliquer, ce qui veut dire que, sur le
plan de la gestion de l'économie, je n'ai que quelques instants. On me
permettra peut-être de résumer à grands traits certaines
choses que j'aurai peut-être l'occasion, - peut-être le premier
ministre aussi, si ça se présente, - de reprendre à
l'occasion du discours sur le budget.
Le Président (M. Dauphin): Allez-y, M. le chef de
l'Opposition.
M. Parizeau: Ce que j'aurais à dire, si nous avions eu le
temps de le développer, revient à quelques idées. Je pense
que, dès que la situation économique a commencé à
se détériorer, un gouvernement qui était arrivé au
pouvoir avec l'Idée de, comment dire, gouverner le moins possible,
d'intervenir le moins possible dans le déroulement de l'économie
a été pris de court.
Et on le voit à plusieurs signes, ce qui fait que, dans cette
récession qu'on connaît, le gouvernement, à bien des
égards, est comme neutralisé.
Et ça, je veux en parler. J'aurais aimé en parler
davantage avec le premier ministre et devant le premier ministre, parce que,
à un moment donné, ça devient une question de politique
économique générale. Est-ce qu'on veut se servir d'un
certain nombre de leviers pour faire redémarrer des choses ou repartir
des choses, ou bien si on accepte simplement la situation? De la situation
présente, je ne donnerai qu'un chiffre qui me préoccupe beaucoup.
Depuis un an et demi, l'emploi dans l'industrie manufacturière au
Québec a baissé de 20 %. Ça, manifestement, ce n'est pas
simplement l'effet d'une récession. Il y a quelque chose qui se passe du
côté de l'industrie manufacturière au Québec qui est
plus grave qu'une simple récession. Ce n'est pas seulement l'impact
d'une récession qui va durer un an ou un an et demi, avec un
redressement. Il se passe quelque chose de sérieux.
Face à cela, le gouvernement a finalement d'abord très peu
réagi sur le plan du financement des entreprises. Je rappelle que les
plans de financement des entreprises qu'on a appelés Biron 1 et Biron 2
ont aidé financièrement, au cours de la récession de 1982,
1983 et des années qui ont suivi, plus de 2000 entreprises. Le
gouvernement, à l'heure actuelle, se targue d'en avoir aidé 88.
C'est ça, le score le plus récent; pas 2000, 88.
En même temps, sur le plan de la formation et de la qualification
professionnelles dont les carences s'expliquent, pour une part, par le fait
qu'on ait toujours un taux de chômage au Québec tellement plus
élevé qu'ailleurs - la province voisine, par exemple, à
laquelle on se réfère tout le temps... Ces programmes de
formation ont pris depuis deux ans une dérive absolument inacceptable,
dramatique. Je parle ici des participants à tous les programmes de
formation et de qualification professionnelles au Québec, de tous les
genres - on se comprend là? Depuis deux ans, on enregistre une
diminution de 47 000 participants dans ces programmes-là, tout compris.
Pour la dernière année seulement - je donne des chiffres - en
formation générale et professionnelle à temps complet,
4000 de moins; en soutien à la formation à l'entreprise, 3000 de
moins; en recyclage et perfectionnement, 21 000 de moins dans un an. On est en
train de laisser tomber ces programmes dans une sorte de fouillis
fédéral-provincial d'ailleurs assez remarquable que le ministre
responsable dénonce lui-même.
Sur le plan de la recherche et du développement, qui a une telle
importance sur le plan du dynamisme de l'économie, on reconnaît
maintenant que, de tous les endroits industriels du monde, nous sommes
l'endroit où il s'en fait le moins en pourcentage du PIB. Le Canada
n'est
pas fort et on est juste un peu en dessous de la moyenne canadienne, et
on se retrouve tous les deux en bas de la liste. Nous avions, pendant que nous
étions au pouvoir, fait grimper la part des dépenses de recherche
et développement dans le produit intérieur brut du Québec
par rapport au produit intérieur brut du Québec
systématiquement. Le virage technologique, ça a voulu dire
quelque chose pour nous: 0,86 %, en 1979, je donne les années suivantes,
0,89 %, 0,98 %, 1,08 %, 1,05 %, 1,18 % en 1984 et 1,37 % en 1985. Le virage
technologique, on l'a pris. Depuis ce temps, le gouvernement dérive
lentement. Il n'a jamais atteint le niveau de 1985. Il n'est jamais revenu au
niveau de 1985. En 1988, il était à 1,29 %. Qu'on ne vienne pas
m'invoquer le contrat de Bell Telephone et de Northern Telecom, leur annonce de
mettre 50 000 000 $ pendant cinq ans, ça va ajouter aux proportions que
je viens d'indiquer. On sait combien; 0,05 %. Alors, même en ajoutant
ça, le gouvernement ne revient même pas au niveau qu'on avait
atteint en 1985.
M. Bourassa: Alors, je n'en parlerai pas. J'étais pour le
faire, mais je ne le ferai pas.
M. Parizeau: Ce n'est pas que ce n'est pas bien, c'est que ce
gouvernement s'est laissé dériver sur tous les leviers
importants: financement des entreprises, formation professionnelle, recherche
et développement, et ça, alors que s'est amorcée une
recession au Québec dont on espère tous qu'elle va être
terminée d'ici à la fin de l'année. Il y a là, sur
le plan de la gestion gouvernementale des affaires, je pense, quelque chose
qu'il faudra toujours dans l'avenir dénoncer comme une sorte
d'irresponsabilité par rapport à notre époque et aux
responsabilités élémentaires qu'un gouvernement doit avoir
à l'égard de l'économie, du chômage, des
travailleurs, de l'emploi. Voilà, pour rentrer dans le temps qui
m'était imparti. Je m'arrête là. Que le premier ministre
prenne la suite. (18 heures)
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je serai très bref. D'abord, je remercie le
chef de l'Opposition d'accepter qu'on puisse terminer à 18 h 30. Je
pense qu'on va parler des jeunes. Je pourrais lui répondre et faire un
très long discours pour démolir point par point toutes ses
affirmations. Mais il a le discours sur le budget après-demain. Nous
avons retardé le discours en partie pour permettre au chef de
l'Opposition d'être présent.
M. Parizeau: Non. Non. Non. J'ai appris par la suite que
c'était réservé pour le 2 mai. Excusez! Ha, ha, ha!
M. Bourassa: M. le Président, on avait
considéré - et je le dis en toute honnêteté au chef
de l'Opposition - le 25 avril et le 2 mai, et j'ai demandé au ministre
des Finances, étant donné que le chef de l'Opposition a fait
valoir sa préférence pour le 2 mai, de retarder pour le 2 mai.
Alors, ça, c'est la vérité telle qu'elle existe entre le
ministre des Finances et le premier ministre.
Une voix: C'est noté.
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je pourrais énumérer toute une
série d'industries, d'investissements, Bell, Northern Telecom, le
milliard qu'ils ont annoncé pour les prochains 10 ans, on n'en pariera
pas. On ne parlera pas de Sammi-Atlas avec 500 000 000 $, Canadair qui va
annoncer la semaine prochaine le... Le chef de l'Opposition admettra qu'il y a
quand même, dans l'économie québécoise, des points
encourageants. Nous traversons tous, le Québec comme l'Ontario, comme
l'Europe, comme les États-Unis, une mutation industrielle qui nous force
à certaines adaptations. Et nous l'assumons comme gouvernement et
j'espère que le chef de l'Opposition sera heureux des conclusions qu'en
a tirées le gouvernement et le ministre des Finances lorsqu'il entendra
le discours sur le budget jeudi prochain.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre.
Je vais maintenant reconnaître M. le député de
Shefford.
Situation de la jeunesse
québécoise
M. Paré: Oui. Merci, M. le Président. Nous allons
maintenant parier d'une catégorie de la population qui mérite
qu'on s'en occupe un peu plus, pour ne pas dire énormément plus,
par rapport à cette formidable énergie que l'on est en train de
gaspiller au Québec. Et ce que je veux dire, c'est la jeunesse
québécoise. Je vais vous donner des chiffres qui sont des
chiffrés officiels qui viennent autant du gouvernement du Québec
que du gouvernement canadien. Il va falloir en tenir compte et là, ce
n'est pas des ballons de l'Opposition, comme s'amuse à le dire de temps
en temps le premier ministre, c'est la réalité vécue
aujourd'hui par toute la population qu'on appelle notre jeunesse, donc les
moins de 30 ans. Et ce que je veux dire quand je parie de la situation actuelle
et que je la qualifie de, finalement, tragédie nationale, c'est quand on
sait qu'au moment où on se parie dans les chiffres officiels, donc les
données qu'on a qui datent du mois d'avril, mai, qui se rapportent au
mois de mars, on s'aperçoit que chez les jeunes de moins de 30 ans, au
moment où on se parie, le taux de chômage s'élève
à tout près de 21 %,
20,9 %. Il y a plus d'un Québécois sur cinq de moins de 30
ans qui est sur l'assurance-chômage, au moment où on se parle, et
ça ne tient pas compte - il faut bien être conscients de ça
- de ceux qui sont sur le travail partagé. Je trouve qu'il y a là
une tragédie incroyable par rapport à tout ce potentiel et cette
capacité de nos jeunes et la volonté qu'ils ont de
travailler.
Quand on sait aussi - et il faut en tenir compte - que depuis juin 1990
l'augmentation des personnes sur l'aide sociale est due en grande partie
à notre jeunesse, puisque plus de la moitié, 51 % de ceux qui
sont venus grossir les rangs de l'aide sociale, c'est des moins de 30 ans.
Donc, Hs sont encore plus victimes que leurs aînés à ce
niveau-là.
Là où il y a une situation qui est inacceptable,
dramatique et qui mériterait des mesures immédiates, c'est le
décrochage chez les jeunes dans les écoles. Et quand on regarde
les chiffres, quand on regarde les affirmations qui viennent du ministre de
l'Éducation lui-même, les chiffres varient entre 32 % et 40 % de
décrochage dans les commissions scolaires. Et là, je parle de
commissions scolaires, je ne parle pas d'études postsecondaires, je ne
parle pas de cégeps, je ne parie pas d'universités. Je parle
d'écoles secondaires, des gens qui ne finissent pas leur secondaire V.
Et ça, tout le monde est bien conscient ici: Pour entrer dans une
manufacture, pour aller sur une chaîne de production, quand on veut
remplir des demandes d'emploi, ça prend à tout le moins un
secondaire V. 40 % de notre jeunesse ne complète pas le secondaire V.
Avez-vous pensé dans quelle sorte de société on est en
train de se diriger? Ça, c'est de l'énergie. C'est la plus belle
et la plus importante de notre énergie, c'est notre jeunesse. 40 % ne
finissent pas le secondaire V. On est tous scandalisés, on est tous
apeurés quand on regarde le taux d'aide sociale à l'heure
actuelle qui varie entre, probablement, 10 % et 15 %. On dit que c'est
inacceptable dans notre société, mais cette jeunesse qui est les
adultes de demain, la relève, 40 %, on s'en va dans une
société à 40 % assistée sociale et on reste
là en ne prenant pas de mesures. Je dois vous dire, moi, que ça
m'énerve. Ça m'apeu-re de penser que 40 % de nos jeunes s'en vont
sur l'aide sociale d'une façon automatique parce qu'ils n'ont pas la
clé d'entrée sur le marché du travail qui est le
secondaire V. C'est la réalité confirmée au moment
où on se parle. Les sans-abri à Montréal par dizaine de
milliers. On parte de plus de 15 000, confirmé par les chiffres de
Montréal sur sa politique d'habitation sociale, et qui fait que c'est de
plus en plus des jeunes et de plus en plus, ce qu'on appelle, l'immigration
québécoise, les jeunes qui quittent les régions pour
essayer de s'en sortir à Montréal.
Et je conclus en montrant cette image qui est pessimiste, vous allez me
dire non, qui, malheureusement est réaliste. Et si je l'amène,
c'est qu'il faut être bien conscient de ça. Il faut se le dire
parce que si on se cache la vérité, on ne réglera jamais
les problèmes. Quand on sait qu'au moment où on se parle aussi,
des chiffres amenés par la Commission des affaires sociales et par le
réseau de la sani S et des services sociaux, des chiffres
comptabilisés, on a le championnat mondial du suicide. Et, en plus, on
doit malheureusement constater que maintenant la mortalité chez les
jeunes est d'abord due au suicide. Ça vient de dépasser les
accidents d'automobile. La première cause maintenant, c'est le suicide
de notre jeunesse. Je dois vous dire que comme société on doit
s'inquiéter, on doit maintenant agir et arrêter de se le cacher
comme on fait souvent. Et je me rends compte que, dans d'autres interventions
qu'on fait dans des commissions parlementaires, on nous dit: Ce n'est pas si
grave, ce n'est pas si pire et on a des solutions. Je dois vous dire: Ça
va en empirant et maintenant ce n'est même plus d'année en
année, c'est de mois en mois où la situation devient
catastrophique.
Par rapport à cette situation qui est tragique, j'aimerais
ça que le premier ministre me dise ce qu'il envisage très
rapidement. Quelles sont les mesures concrètes pour au moins guider
notre jeunesse, la rassurer et lui donner un espoir? Qu'est-ce qu'on a,
concrètement, à lui offrir présentement, alors qu'on est
dans la période où on devrait être en mesure d'annoncer des
bonnes nouvelles? Parce que tout au cours de l'année, dans nos
interventions, ce qu'on fait, on dit: Attendez les crédits. Là,
on se retrouve aux crédits où, normalement, les ministres
responsables... Je dois vous dire, c'est l'ensemble des ministres et, comme
vous en êtes le porte-parole, le premier ministre, à plus forte
raison, c'est l'ensemble du gouvernement qui devrait être en mesure de
nous dire dès maintenant, face à cette situation alarmante,
tragique et catastrophique: Le gouvernement prend ses responsabilités et
il est prêt à faire telle chose dans tel secteur.
Je vais vous dire, dans les autres commissions parlementaires où
je suis allé, on n'a rien annoncé sinon des coupures. Qu'est-ce
que vous, vous êtes prêt à nous dire? Qu'est-ce que vous
êtes prêt à faire pour corriger cette situation? C'est
tellement tragique, que ce soit le suicide chez les jeunes, que ce soit le
chômage chez les jeunes, que ce soit finalement les jeunes sur l'aide
sociale ou que ce soit le décrochage scolaire, que chacun de ces
secteurs justifierait, je dois vous dire, une rencontre au sommet, une
rencontre nationale, une Intervention magistrale. Malheureusement, on n'a rien
d'aucun ministre. Est-ce que du ministre responsable qu'est le premier
ministre, on peut s'attendre aujourd'hui à autre chose par rapport
à cette situation que de nous dire que le député de
Shefford est en train d'apeurer les gens et prend toutes sortes de
données un peu partout en regroupant ça pour faire peur? Je ne
les regroupe pas pour faire
peur et je n'ai rien gonflé. Ce que je prends, c'est des chiffres
qui sont sortis, qui sont d'actualité et qui nous montrent l'image
réelle. Par rapport à cette situation, qu'est-ce que vous pouvez
nous annoncer comme mesure concrète aujourd'hui, M. le premier
ministre?
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député. M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je n'ai pas accusé le député de
Shefford d'apeurer -qui que ce soit. Je n'ai rien dit. Je pense bien que la
préoccupation du gouvernement pour les jeunes est
démontrée de plusieurs façons, notamment par le fait que
le premier ministre tient à rester responsable du dossier des jeunes
malgré le fait que les occupations dans diverses responsabilités
ne manquent pas. Il faut quand même un peu corriger la perspective, sans
vouloir le contredire et lui dire qu'il n'a pas raison de souligner cette
situation, mais on donne des chiffres sur le taux de décrochage. En
1972, c'était 54 %, 48 % en 1976, 37 % en 1981 et 36 %, 35,7 % en 1989.
Donc, c'est encore un niveau très élevé, mais par rapport
à il y a une génération, il y a eu amélioration. La
bataille de chiffres, je pense que le ministre de l'Éducation soulignait
qu'en 1989, 74 % des jeunes Québécois ont obtenu un diplôme
d'études secondaires par rapport à 73 % en Ontario, 75 % aux
États-Unis, 37 % au Royaume-Uni. Donc, si on regarde ces chiffres sous
cet angle-là, on doit constater que le travail se poursuit au
Québec.
Je pourrais mentionner plusieurs gestes qui ont été
posés par le gouvernement, les programmes qui existent, les Jeunes
Promoteurs. J'ai toute une série de chiffres en date du 30 mars 1991. Il
y a 4190 entrepreneurs qui ont été subventionnés et 6704
emplois qui ont été générés. Il y a le
programme PRECEP, il y a le Placement étudiant. En 1990-1991, c'est la
deuxième meilleure performance au Placement étudiant. L'abolition
des certificats de la construction, la loi 119 - le député s'en
souvient, je ne sais pas s'il était contre, il a voté contre -
ça permettait d'éliminer la discrimination et d'ouvrir les portes
des chantiers aux jeunes. Je veux dire, son indignation a été,
paraît un petit peu bizarre quand il s'est opposé à ce
qu'on ouvre les chantiers de construction aux jeunes. Il y a la hausse du
salaire minimum qui avait été gelé durant plusieurs
années. On sait que la hausse du salaire minimum profite surtout aux
jeunes.
Or, le gouvernement poursuit son travail pour essayer de relancer
l'économie et pouvant intéresser avec des programmes de
subventions, avec des programmes qui existent déjà, des
programmes d'attraction d'investissements. Durant les années
soixante-dix, 42 % de ceux qui travaillaient sur les chantiers
hydroélectriques ou à la Baie-James, plutôt, étaient
des jeunes de moins de 30 ans. Donc, il y a là une possibilité
d'emplois pour eux. Mais il reste qu'avec le programme Jeunes Promoteurs, le
programme PRECEP et tous ces programmes-là, le gouvernement veut adopter
des politiques de manière à diminuer le taux de chômage des
jeunes et à diminuer le taux de décrochage même s'il y a eu
une réduction importante depuis 20 ans.
M. Benoit: M. le Président...
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre.
Vous voulez intervenir ou...
M. Benoit: ...je veux juste ajouter sur ce qu'a dit le premier
ministre.
Le Président (M. Dauphin): M. le député
d'Orford et ensuite de ça, M. le député de Bertrand...
M. Benoit: Au niveau des programmes...
Le Président (M. Dauphin): ...vous avez d'autres questions
aussi.
M. Benoit: Au niveau des programmes, il y a eu un certain nombre
de programmes que je voudrais ajouter. Au niveau de l'agriculture, par exemple,
établissement en agriculture, il y a eu plus de 1 100 000 $. Dans
l'éducation, même à travers tout le débat qu'on a
mené ou que vous avez mené, il y a eu en bout de ligne 47 000 000
$ de plus à la réforme de prêts et bourses en 1990. Alors,
c'est la vraie vie, ça. Au niveau culturel, il y a eu un autre montant
d'ajouté pour l'aide à la création chez les plus jeunes.
Alors, il y a eu pas mal d'efforts. M. le premier ministre en a
énuméré un certain nombre et j'ai ajouté un bon
nombre d'autres programmes.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député d'Orford.
M. Bourassa: Juste un mot.
Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le premier
ministre.
M. Bourassa: On me signalait le programme de relance que j'ai
annoncé le 17 janvier qui avait pour but d'aider les PME et on sait
qu'il y a un très grand nombre de jeunes qui travaillent dans les PME.
Donc, on pourrait énumérer plusieurs mesures.
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Shefford.
M. Paré: Au nom des jeunes du Québec qui sont si
mal pris, M. le premier ministre, je ne peux pas faire autrement, au moment
où on se
parle, de vous exprimer ma plus vive déception de vous entendre
seulement essayer d'expliquer les programmes actuels et ce que vous avez fait,
quand on connaît les résultats dramatiques. Et comme vouloir se
dire comme société qu'on se résigne à une situation
semblable, ça n'a pas de bon sens. Vous parlez des programmes. On peut
en parler, des programmes. Vous êtes en train de me dire que les seules
mesures que vous avez, c'est les mesures qu'on connaît déjà
quand on sait qu'on a aboli le programme Bourse d'affaires aux nouveaux
entrepreneurs. On en avait mis sur pied des programmes, nous. Et là,
tout ce qu'on se contente de dire, malgré la crise actuelle: On abolit
le programme Nouveaux Entrepreneurs. On abolit le programme Soutien à
l'emploi scientifique et technique qui était pourtant utilisé
à 75 % par des jeunes. On coupe dans le programme Jeunes Entrepreneurs.
(18 h 15)
Vous allez me dire: Oui, mais... Vous m'avez donné des chiffres
tantôt, on a aidé environ 4000 personnes, finalement, avec Jeunes
Promoteurs. Combien en aurait-on aidé davantage si on n'avait pas
décidé, comme gouvernement, en décembre 1990, de geler les
demandes! Imaginez-vous! Non seulement on coupe dans les budgets, non seulement
on en a moins qu'il y en a déjà eu, mais en plus on se permet, en
cours d'année, de geler les demandes. Comment un gouvernement
responsable peut-il geler des programmes qui sont de développement
d'emploi? Je dois vous dire, moi, ça me scandalise. Et ensuite, on remet
en question le programme Soutien aux initiatives jeunesse. Le seul lieu dans
les régions, qui est capable de recevoir les jeunes et de les aider, qui
profite au maximum du bénévolat des gens d'affaires du milieu qui
bénévolement s'impliquent à l'étude des dossiers,
à la reconnaissance des projet, qu'est-ce qu'on fait? Là, on est
train de les faire siphonner par les commissariats industriels. Parce que comme
on n'aide pas davantage et qu'on a gelé depuis des années l'aide
aux commissariats, pour justifier plus d'argent, on va siphonner le programme
d'aide... Ce n'est pas que j'en aie contre les commissariats industriels, sauf
que les commissariats industriels ont déjà un rôle
extraordinaire à jouer, de faire de la prospection à
l'étranger, d'aider les entreprises en place et d'essayer de stimuler
tous les secteurs: commercial, industriel et touristique. Pensez-vous que ces
gens-là vont avoir la même préoccupation par rapport
à une usine de 50 000 000 $ qu'ils doivent aller chercher, qu'au jeune
qui va arriver avec une idée, qu'on doit aider comme un jeune qui
arrive, avec une idée, mais pas nécessairement un projet tout
monté? C'est un suivi qu'on doit faire par rapport à ces
jeunes-là, avec des bénévoles. Et la, on s'en vient encore
les menacer. On a déjà coupé et on leur dit que s'ils ne
s'intègrent pas, on va les couper encore davantage. Les gens vivent
finalement dans l'inquiétude depuis des années, de leur propre
survie comme institution et comme groupe. Et on s'en vient nous dire
aujourd'hui qu'on a mis en place des structures, qu'on a des programmes... Des
programmes qui sont de moins en moins budgétés et qu'on doit
aider davantage et non pas compromettre, parce qu'ils ont fait leur preuve.
En éducation - et c'est une question que je vais vous poser, M.
le premier ministre - comme ministre responsable, au Conseil permanent de la
jeunesse, vous avez fait une seule demande, un seul mandat que vous avez fait
comme ministre responsable, dès 1988 - donc, ça fait trois ans -
vous avez demandé au Conseil permanent de la jeunesse de se pencher sur
un dossier qui est effectivement majeur. Parce que même au Forum pour
l'emploi, c'était la première priorité. Et, c'est la
première dont on parle toujours; et surtout en mondialisation de
l'entreprise, maintenant, c'est la formation professionnelle. Vous avez
demandé au Conseil permanent de vous faire un rapport, de se pencher sur
la formation professionnelle. Effectivement, ils se sont penchés. C'est
la seule demande que vous avez faite et vous l'avez demandé en 1988. Et
finalement, ils sont arrivés avec un rapport qu'ils vous ont
déposé en septembre 1990. Je ne sais pas si vous l'avez lu. Mais
je sais une chose, c'est que vous ne lui avez pas donné de suivi. Et
dans le rapport qui vous a été déposé, la
clé de la formation professionnelle offerte en milieu scolaire, il y a
une foule de recommandations super brillantes, intelligentes et, finalement,
qui méritent d'être reconnues. Entre autres, qu'il y ait un
comité ministériel temporaire à la formation
professionnelle. On dit qu'il y avait insuffisance, donc qu'il y ait plus de
bureaux de placement en milieu scolaire. Parce que là, il y a une lacune
importante à corriger, spécialement quand on sait que le
fédéral menace de se retirer de notre réseau
d'enseignement supérieur, avec ses bureaux de placement.
Une chose qui est importante, qui est une recommandation: Instituer des
centrales locales pour l'emploi et la formation, qu'on appelle les clef ce qui
permettrait d'être plus efficace et d'être sur les milieux; de
favoriser la persévérance scolaire en permettant la poursuite
simultanée des cours de formation générale et
professionnelle, fonctionnement selon un calendrier trimestriel; les programmes
d'aide à la pension s'adres-sant aux jeunes contraints de quitter le
domicile familial afin de poursuivre un programme de formation professionnelle.
Des mesures concrètes par rapport à un document qui a
été déposé par ces gens-là. On aurait pu
espérer voir des suites là-dedans, au moins des commentaires, des
accusés de réception venant au moins des ministres qui ont
reçu ça, pour montrer que le Conseil permanent de la jeunesse qui
a fait et qui continue à faire un travail extraordinaire, près
des gens qu'ils connaissent bien, la jeunesse, ils se sont penchés, ils
ont fait une
conférence de presse pour l'annoncer... Ils nous ont fait des
recommandations. Quel suivi a-t-on eu - je dois vous dire - de toutes les
mesures, de toutes les recommandations qui sont soumises? Je n'ai rien vu, rien
vu qui ait été pris en considération et annoncé
dans les mesures.
La seule mesure qu'on retrouve dans les crédits, au moment
où on se parle, malgré les 40 % de décrochage scolaire,
c'est une coupure de 100 000 000 $ dans l'enseignement primaire et secondaire
au niveau des commissions scolaires. Comment est-ce qu'on va pouvoir
arrêter le décrochage? Et comment va-t-on pouvoir s'occuper de
formation au niveau du secondaire? J'aimerais le savoir.
Est-ce que vous avez lu le document, M. le premier ministre? Et quelle
suite concrète allez-vous donner à ce qui est soumis dans ce
rapport, qui était une commande personnelle que vous aviez faite au
niveau de l'ex-comité?
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: II y a plusieurs questions, c'est juste que
là, le député donne un côté de la
médaille, c'est le moins qu'on puisse dire. Les subventions aux
organismes communautaires, il y a eu 64 % d'augmentation depuis cinq ans. En
1985-1986, il y avait 19 900 000 $ pour 362 organismes, et en 1990-1991, 32 800
000 $ pour 472 organismes. Je n'aime pas multiplier les chiffres, mais il faut
quand même rétablir certains faits. Quant à l'avis sur la
formation professionnelle, j'ai rencontré le nouveau directeur du
Conseil permament de la jeunesse, et on a discuté - mais je dois revoir
le conseil d'administration du Conseil permanent de la jeunesse dans les
prochains jours - de certains objectifs de ce mémoire. Plus
précisément, on a proposé d'abaisser les conditions
d'admission au secteur professionnel du secondaire; d'avoir un calendrier
scolaire basé sur les trimestres; l'amélioration de l'aide
à la pension - on sait que les étudiants du secondaire ont une
aide financière s'ils ont à étudier hors de leur lieu de
résidence - relations études-travail; placement des
étudiants, etc. Donc, c'est faux de dire que le gouvernement ne
s'intéresse pas aux recommandations. J'ai vu le nouveau
président, le nouveau directeur général et je les
rencontre dans les prochains jours. Et on va discuter des conclusions de ce
rapport sur la formation professionnelle.
M. Paré: Justement...
Le Président (M. Dauphin): Si vous permettez, M. le
député, l'adjoint parlementaire du premier ministre voulait
ajouter quelque chose. M. le député d'Orford.
M. Benoit: Oui, M. le député de Shefford mentionne
que Nouveaux Entrepreneurs a été banni, effectivement, vous avez
raison, le 31 mars 1990. Mais vous avez peut-être oublié de
mentionner qu'il a été remplacé par le programme PRECEP
qui est de beaucoup plus généreux. Comme vous le savez, l'autre
programme avait un congé d'intérêts de deux ans, PRECEP a
un congé d'intérêts de trois ans, qui peut être
extensionné jusqu'à cinq ans. Alors, Nouveaux Entrepreneurs - et
je veux juste situer les choses - oui, il a été
arrêté, mais il a été remplacé par PRECEP qui
est plus généreux.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député. M. le député de Bertrand.
M. Beaulne: Oui, c'est un peu regrettable que l'échange
sur la situation économique entre le premier ministre et l'Opposition
ait été relativement court, mais je pense que cette question de
la problématique des jeunes s'inscrit dans le contexte économique
général. Et à ce niveau-là, une des choses dont je
me suis aperçu en essayant de répondre à des jeunes qui
viennent me voir à mon bureau de comté, c'est qu'une grande
partie, sinon la plus grande partie des programmes de relance économique
du gouvernement du Québec, sous quelque titre que ce soit, non seulement
du gouvernement actuel mais même des gouvernements passés,
était orientée essentiellement vers l'industrie
manufacturière et la production. Et il y a beaucoup de jeunes qui
veulent se lancer en affaires, créer leur emploi, mais ça
s'adonne que c'est dans le domaine des services. Et ma question est bien
simple: J'aimerais savoir si le gouvernement a l'intention d'élargir les
différents programmes de relance économique qui sont
présentement en opération de façon à inclure
davantage le secteur des services qui représente maintenant presque 30 %
du produit intérieur brut du Québec. Il me semble qu'il y a une
lacune importante à ce niveau-là qui n'a pas été
corrigée. Alors, j'aimerais savoir, M. le premier ministre, quelles sont
vos impressions à ce sujet-là?
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Oui, il y a déjà des subventions; on
me disait, je regardais un chiffre, je pense que 60 % du budget du
ministère de l'Industrie, du Commerce est affecté à la
question économique qui intéresse les jeunes, 20 000 000 $, c'est
cela.
M. Beaulne: Oui, mais c'est que c'est toujours le secteur
manufacturier, les gens arrivent...
M. Bourassa: Non, mais il y a des subventions aux corporations de
développement écono-
mique qui peuvent favoriser le secteur des services pour les jeunes. Je
pense qu'il y a de la flexibilité dans différents programmes,
flexibilité qui permet de pouvoir tenir compte de la mutation
industrielle à laquelle se référait le
député tantôt. Et tout le monde sait que le secteur
manufacturier se rétrécit et que le secteur des services
s'agrandit au détriment du secteur manufacturier. Je pense que le
gouvernement doit en tenir compte dans le niveau de subventions. Comme je le
disais d'ailleurs tantôt au député, les mesures qui ont
été annoncées pour les PME se trouvent à favoriser
les jeunes puisque 50 % des jeunes travaillent dans des PME.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre.
M. le député de Shefford.
M. Paré: Oui, par rapport au programme PECEC - parce qu'on
le cite en exemple - je dois juste vous dire qu'il faut aussi regarder la
réalité des choses. PECEC, qui était beaucoup plus
généreux, a été remplacé par PRECEP et le
budget de PECEC, en 1984-1985, était de 28 000 000 $. Et, au moment
où on se parle, la balance de PECEC et le nouveau budget de PRECEP, il
n'est même pas de 18 000 000 $, 10 000 000 $ de moins, alors qu'en 1991
on traverse une crise économique et qu'il y a 21 % de nos jeunes qui
sont sur l'assurance-chômage.
Une dernière question parce que, malheureusement, le temps
achève. C'est plus technique, mais je sais... Et moi, je vais offrir ma
collaboration au nouveau Conseil permanent de la jeunesse, mais j'ai quand
même des interrogations par rapport à ce qui s'est passé
dans le renouvellement des jeunes au Conseil permanent de la jeunesse. Comment
se fait-il - et je vais vous poser une question en deux ou trois volets - que
des gens qui étaient éligibles pour être sur le
Collège, en 1988, ne l'étaient plus, en 1990? Des gens qui
étaient même sur l'ancien conseil et qui, en réappliquant,
ne sont même pas retenus comme membres du Collège. Donc,
eligible... C'est quoi, les critères, alors que c'est censé
être les mêmes critères? J'aimerais ça savoir.
J'aimerais aussi savoir comment il se fait que la nomination du
président, que je salue et à qui j'offre ma collaboration... Mais
sur le respect de la loi comme telle, comment se fait-il que la nomination
s'est faite sans avis du Conseil, conformément à l'article 3 qui
demande au premier ministre de consulter avant de faire la nomination? Moi, je
pense que ce serait important. Et comment expliquer qu'il n'y ait pas eu de
transition entre l'ancien conseil et le nouveau? Parce qu'il est assez
spécial de renvoyer tous les gens quelques semaines avant de faire
entrer te nouveau conseil, alors que, normalement, dans toutes les
régies, institutions, sociétés d'État, la
normalité veut qu'il y ait une transition entre les deux conseils. Je
veux bien croire que l'ancien conseil a peut-être été
très critique. Il a dénoncé, finalement, le dégel
des frais de scolarité. Il a été contre la loi 37, il a
été contre l'abolition de Nouveaux Entrepreneurs, il a
été pour la souveraineté, il a été pour le
plein-emploi alors qu'il ne se fait rien, y a dénoncé la
politique en matière de formation professionnelle, il a fait son devoir.
Mais comment se fait-il qu'il n'y a pas de transition et qu'au moment où
les nouveaux arrivent, ils se retrouvent devant des bureaux vides? Est-ce que
c'est un précédent? A-t-on déjà vu ça dans
une autre institution d'État?
Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, il reste à peu
près 75 secondes. On m'assure que la loi a été
respectée, que tous les membres du Conseil ont été
consultés, tel que stipulé par la loi. Ça a
été fait par téléphone, probablement. Et je ne peux
pas admettre les reproches du député de Shefford comme quoi le
gouvernement n'aurait pas respecté la loi dans la nomination du nouveau
directeur général. Chaque membre a été
consulté. Alors, je ne demande pas des excuses au député
parce que ça arrive à tout le monde de se tromper, surtout dans
l'Opposition, mais je dois lui dire qu'il a été mal
informé.
M. Paré: Est-ce que le premier ministre...
Le Président (M. Dauphin): Brièvement, M. le
député.
M. Paré: ...considère qu'il y a une
différence entre consulter chaque membre par téléphone et
recevoir un avis en conformité avec l'article 3 de la loi qui vient du
Conseil comme tel et non pas en consultant chacun individuellement, par
téléphone?
M. Bourassa: Selon l'avis légal, on a été
conformes à la loi. On commence à couper les cheveux en quatre,
là, et d'aucune façon, je ne peux accepter que le gouvernement
n'ait pas respecté la loi dans ce processus de nomination. Ceci
étant dit, je remercie le député et son collègue de
Bertrand pour leur participation assez isolée à cette question
des jeunes. Je pense que le problème qui a été
soulevé est très important, c'est l'un des plus aigus qu'a
à affronter le gouvernement et l'ensemble de la société
québécoise, et je peux l'assurer de la volonté la plus
profonde du gouvernement pour assumer ses responsabilités à cet
égard.
M. le Président, je veux vous remercier, de même que mes
collègues, pour votre travail et votre patience. Ça fait trois
heures et demie qu'on discute entre nous, mais je pense qu'on a
contribué à l'avancement du bien commun, du moins, j'ose le
présumer.
Adoption des crédits
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre.
Effectivement. Alors, au nom de tous les membres de la commission, nous vous
remercions de vous être prêtés à cet exercice
démocratique d'étude de crédits ainsi que les personnes
qui vous ont accompagné et qui vous accompagnent toujours, votre chef de
cabinet, secrétaire général, la personne qui s'occupe des
jeunes et tout le monde. Nous remercions aussi le chef de l'Opposition qui
était présent parmi nous tantôt, les autres
députés, et les autres collègues. Et avant de se laisser,
est-ce que les programmes 1 et 2 du ministère du Conseil exécutif
sont adoptés?
M. Paré: Adopté.
Le Président (M. Dauphin): Adopté. Est-ce que
l'ensemble des crédits budgétaires du ministère du Conseil
exécutif, pour l'année financière 1991-1992, sont
adoptés?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Dauphin): Alors, la commission ayant
accompli son mandat ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 31)