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(Neuf heures vingt-six minutes)
Le Président (M. Dauphin): Le quorum étant
constaté, je déclare la séance de la commission des
institutions ouverte. La commission a pour mandat, ce matin, de procéder
à l'étude des crédits budgétaires du ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes,
c'est-à-dire le programme 5 du ministère du Conseil
exécutif, pour l'année financière 1991-1992. Mme la
secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements au niveau des membres de
la commission?
La Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a aucun
remplacement.
Le Président (M. Dauphin): Je vous remercie. Alors, je
signale aux membres de cette commission que le président siégeant
aujourd'hui n'a été aucunement informé d'une entente de
partage du temps entre les membres de la commission. Cependant, je peux vous
dire, en termes d'expérience, ayant siégé dans
l'Opposition cinq ans naguère, qu'à l'étude des
crédits, c'est la coutume de laisser quand même de la place
à l'Opposition officielle pour poser ses questions.
Alors, je vous rappelle qu'il y a une enveloppe de quatre heures qui est
prévue, c'est-à-dire de 9 h 30 à 12 h 30, ainsi qu'une
poursuite de nos travaux après les affaires courantes, pour la
durée d'une heure cet après-midi. Alors, j'inviterais à ce
stade-ci... Et d'abord, j'aimerais souhaiter la bienvenue au ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes
pour venir défendre ses crédits, lui demander dans un premier
temps de nous présenter les personnes qui siègent avec lui
à la table des invités, ensuite de procéder à ses
remarques préliminaires. Ensuite, je reconnaîtrai M. le
député de Lac-Saint-Jean, également pour ses remarques
préliminaires. Alors, bienvenue, M. le ministre et on vous demande de
débuter.
Remarques préliminaires M. Gil
Rémillard
M. Rémillard: Merci, M. le Président. M. le
Président, c'est toujours agréable de travailler sous votre
présidence. Je voudrais saluer les membres de cette commission.
Ça me fait plaisir d'être avec vous pour cet exercice très
démocratique de la discussion des crédits.
C'est la sixième fois, M. le Président, que je me retrouve
comme ministre à défendre les crédits du
Secrétariat aux affaires canadiennes et pour moi, c'est toujours un
moment important de ma vie de parlementaire et de ma vie de ministre de pouvoir
discuter avec les membres de cette commission des différents aspects de
la politique, des actions du Secrétariat pendant la dernière
année.
M. le Président, j'ai le plaisir d'être accompagné
par des fonctionnaires du Secrétariat aux affaires canadiennes, des
fonctionnaires qui ont la responsabilité de la direction du
Secrétariat, et en particulier à côté de moi,
à mon extrême droite, M. Gilbert Michaud, qui est
secrétaire du SAIC; M. Marc Morin, qui est l'adjoint; Mme Wilhelmy, qui
est la sous-ministre, donc la secrétaire générale
associée, qui a la responsabilité administrative, donc, du
Secrétariat aux affaires canadiennes et à ma gauche, Mme Suzanne
Levesque, la directrice de cabinet.
M. le Président, mes premiers mots seront pour rendre hommage
à ces fonctionnaires du Secrétariat aux affaires canadiennes,
à la sous-ministre, à ses collaborateurs, pour le travail tout
à fait exceptionnel qu'ils ont fait encore une fois cette année.
Le Secrétariat aux affaires canadiennes est responsable de
l'élaboration et de la mise en oeuvre des relations du Québec
avec les autres gouvernements du Canada. Et en 1990-1991, le Secrétariat
a fourni au gouvernement une expertise et un support intensif dans le cadre des
négociations constitutionnelles visant la ratification de l'accord du
lac Meech ainsi que dans le cadre de la réflexion déterminante et
fondamentale sur l'avenir politique et constitutionnel de notre
société entreprise dans la foulée de l'échec de
l'accord. Au cours de cette période, M. le Président, le
rôle actif du SAIC a permis au gouvernement, dans un premier temps, de
déployer tous les efforts possibles en vue de rendre acceptable pour le
Québec la Loi constitutionnelle de 1982.
Dans un deuxième temps, la contribution du Secrétariat
n'est pas du tout étrangère à la rigueur et à
l'efficacité qui ont caractérisé l'action du gouvernement
en matière politique et constitutionnelle après le 23 juin 1990,
au lendemain de la non-ratification de l'accord du lac Meech. Dans cette
perspective, il y a lieu, dans un premier temps, de rappeler sommairement les
moments forts de ce dossier qui a influencé, il faut le dire, le cours
de toutes les autres actions gouvernementales durant l'exercice financier
1990-1991 et dans un deuxième temps, d'aborder les dossiers
sectoriels.
En 1982, M. le Président, des amendements fondamentaux à
la constitution de 1867 ont été adoptés malgré
l'opposition du Québec, malgré l'opposition exprimée par
l'Assemblée nationale du Québec. Elle portait, à certains
égards,
directement atteinte à ses droits et à ses
privilèges historiques. À partir de ce moment, le Québec a
limité sa participation à la vie politique canadienne et le
fonctionnement de la Fédération en fut directement
affecté. En 1985, le Parti libéral du Québec fut
porté au pouvoir avec un programme dont l'un des principaux objectifs
était de dénouer une situation d'impasse politique et
constitutionnelle en tentant de rendre acceptable au Québec la Loi
constitutionnelle de 1982 pour ensuite poursuivre la réforme
constitutionnelle en ce qui regarde le partage des pouvoirs et la
réforme des institutions.
Fort de ce mandat populaire, le gouvernement du Québec prit
l'initiative de faire connaître à ses partenaires canadiens,
dès le mois de mai 1986, les cinq conditions à satisfaire pour
permettre l'adhésion du Québec à la Constitution du Canada
de 1982. Premièrement, on se souvient, la reconnaissance explicite du
Québec comme société distincte; deuxièmement, la
garantie de pouvoirs accrus en matière d'immigration;
troisièmement, la limitation du pouvoir fédéral de
dépenser; quatrièmement, la récupération du droit
de veto au Québec et, cinquièmement, la participation du
Québec à la nomination des juges de la Cour suprême du
Canada.
Le 12 août 1986, lors d'une conférence interprovinciale
tenue à Edmonton, tous les premiers ministres provinciaux acceptaient de
faire de l'adhésion politique du Québec à la Constitution
canadienne leur priorité constitutionnelle et de s'engager à
amorcer les discussions sur la base des cinq conditions du Québec. Ce
fut ce que nous avons appelé la déclaration d'Edmonton.
Réunis à Vancouver les 20 et 21 novembre 1986, à
l'occasion d'une conférence sur l'économie, les 11 premiers
ministres émettaient formellement le souhait de conclure au cours des
mois à venir une entente permettant au Québec de redevenir un
membre à part entière de la Fédération canadienne
et ce fut le communiqué de Vancouver.
Le 30 avril 1987, les premiers ministres du Canada et des provinces
concluaient une entente dûment signée par chacun d'entre eux sur
la recevabilité de principe des cinq conditions posées par le
Québec et mandataient des légistes pour la traduire en termes
juridiques. Ce fut l'accord du lac Meech.
Et du 12 au 25 mai 1987, afin de bien informer la population du
Québec, cette entente fut présentée a la consultation
publique par le gouvernement du Québec lors d'audiences tenues par la
commission des institutions de l'Assemblée nationale dans cette salle,
dans la salle du Conseil législatif.
Le 3 juin 1987, le Québec et tous ses partenaires ratifiaient,
par la signature de leur premier ministre, un accord final, en bonne et due
forme, respectant en tout point les cinq conditions québécoises
et ce fut l'accord cons- titutionnel de 1987. En apposant leur signature au bas
de ce texte, les 11 chefs de gouvernement s'engageaient formellement à
présenter le plus rapidement possible devant leur Législature une
résolution autorisant la modification de la constitution du Canada
conformément aux termes de l'accord constitutionnel de 1987. Le
gouvernement du Québec fut le premier, au Canada, à donner suite
à cet engagement en déposant la résolution
constitutionnelle devant l'Assemblée nationale qui l'a ratifiée
solennellement le 23 juin 1987, déclenchant ainsi le processus
d'amendement constitutionnel qui, selon la Constitution de 1982, stipule que
cet accord devait être ratifié à l'intérieur d'un
délai de trois ans.
Cependant, en mai 1990, le Manitoba et le Nouveau-Brunswick n'avaient
toujours pas respecté leur engagement, alors que l'Assemblée
législative de Terre-Neuve avait officiellement retiré son appui
à l'accord du 6 avril précédent. Au terme d'une semaine de
négociations tenue à Ottawa à l'initiative du premier
ministre du Canada, M. Mulroney, les 11 premiers ministres convenaient encore
une fois, le 9 juin 1990, devant l'ensemble de la population du Canada, par la
télévision, de l'importance de faire ratifier l'accord
constitutionnel de 1987 par toutes les Législatures avant le 23 juin
1990.
En dépit de cette ultime promesse endossée par la
signature de chacun des premiers ministres, le Manitoba et Terre-Neuve n'ont
pas fait adopter, au 23 juin 1990, la résolution qui aurait permis
à l'accord d'entrer en vigueur. L'accord du lac Meech, de par la formule
d'amendement adoptée en 1982, était donc mort. Le 23 juin 1990,
le premier ministre du Québec, M. Bouras-sa, constatait l'échec
de l'accord du lac Meech et rappelait à quel point ces demandes
québécoises étaient réalistes et
modérées et concluait que, comme le processus de révision
constitutionnelle du Canada était profondément
discrédité par le refus de premiers ministres d'honorer leur
propre signature, le Québec refuserait de retourner à la table de
négociations constitutionnelles.
En somme, le Québec avait fait tout ce qui était en son
pouvoir de faire pour rendre acceptable son appui à la Loi
constitutionnelle de 1982 et pour réintégrer la
Fédération canadienne à titre de partenaire à part
entière avant de poursuivre la révision constitutionnelle. Le 27
juin 1990, le Conseil des ministres, dans la foulée de l'intervention du
premier ministre, décidait, premièrement, de privilégier
les discussions et le règlement des dossiers par la voie
bilatérale, soit avec le fédéral, soit avec une province.
Deuxièmement, de restreindre au seul cas de nécessité pour
le respect des intérêts supérieurs du Québec la
participation du gouvernement aux conférences multilatérales,
notamment à celles touchant les questions constitutionnelles.
Quelques semaines plus tard, en collaboration avec l'Opposition
officielle, le gouvernement
décida de créer une commission parlementaire
élargie dont le mandat serait de faire des études et des
recommandations sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Le
4 septembre 1990, l'Assemblée nationale adoptait la Loi instituant la
Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec. La
création de cette Commission, dont la structure, le mandat et le
fonctionnement ont été établis en concertation avec
l'Opposition officielle, fut un grand moment dans notre histoire. Jamais
commission parlementaire ne fut, dans sa composition, si représentative
de la société québécoise.
Présidée par MM. Michel Bélanger et Jean Campeau,
la Commission a entendu des témoignages, des points de vue et des
préoccupations de Québécois, de Québécoises
venant de tous les milieux et de toutes les régions, en se rendant
même directement sur place pour les recueillir. La Commission a
également entendu des avis de nombreux experts, notamment en
matière économique, juridique et constitutionnelle. Le 27 mars
dernier, la Commission remettait son rapport à l'Assemblée
nationale. Ce rapport reflète les aspirations profondes des
Québécois qui, tout en voulant partager ce qu'ils ont en commun
avec le reste du Canada, recherchent une plus grande autonomie pour leurs
institutions politiques, une plus grande sécurité et rejettent
toute forme de statu quo quant à l'avenir constitutionnel du
Québec.
Après l'échec de l'accord du lac Meech, les
Québécois considèrent que le temps est venu pour eux de
décider librement de leur avenir constitutionnel. Bien qu'ils acceptent
l'idée d'une ultime négociation avec le reste du Canada, il
apparaît évident que les Québécois sont de plus en
plus déterminés à ne laisser personne d'autre qu'eux faire
un choix constitutionnel qui leur revient de droit. Il s'est
dégagé, des travaux de la Commission, M. le Président, un
consensus important dans la démarche à entreprendre. Deux voies
de solution parallèles sont ainsi proposées dans son rapport.
D'une part, le Québec est prêt à évaluer une offre
du gouvernement fédéral et d'autres gouvernements au Canada qui
aurait trait à un nouveau partenariat constitutionnel en vue d'un
changement profond de la Fédération canadienne, dans le sens des
revendications québécoises.
D'autre part, si aucune offre venant du reste du Canada n'est en mesure
de répondre aux attentes de la population québécoise, un
référendum portant sur la souveraineté du Québec
aura lieu au plus tard à l'automne de 1992. Seuls les
intérêts supérieurs des Québécois nous
guideront dans cette démarche proposée qui envisage les deux
options. C'est aux Québécois qu'il appartiendra de choisir en
dernier ressort l'option qui leur paraîtra la plus susceptible de
favoriser le développement économique et l'épanouissement
politique, social et culturel du Québec.
C'est donc, M. le Président, dans ce contexte que le gouvernement
verra à ce que toute cette démarche se déroule dans un
esprit d'objectivité, de clarté et de transparence. Les
Québécois seront informés de la façon la plus
adéquate des répercussions possibles du choix de l'une ou de
l'autre des deux options. Rien ne devra être laissé au hasard.
Et je m'engage, comme ministre responsable de ce dossier, à ne
ménager aucun effort pour atteindre ces objectifs de transparence et de
démocratie.
Tel que recommandé dans le rapport Bélanger-Campeau, deux
commissions parlementaires spéciales seront instituées et feront
des recommandations à l'Assemblée nationale, lesquelles
porteront, d'une part, sur les possibilités d'un nouveau partenariat
dans la Fédération canadienne, et d'autre part, sur toutes les
questions afférentes à l'accession du Québec au statut
d'État souverain.
J'ai l'intention de déposer, dans les prochaines semaines, un
projet de loi concrétisant les conclusions de la Commission
Bélanger-Campeau. Le Québec n'accepte plus de recommencer la
vaine expérience de négociations à 11. Ottawa sera notre
interlocuteur principal. Le message que nous livrons à nos partenaires
canadiens est clair. Le Québec ne fera plus d'offres et n'en sollicitera
pas non plus. Elles devront venir du reste du Canada. Ces offres devront aussi
lier formellement le gouvernement fédéral et les autres
gouvernements provinciaux.
Si nous ne recevons pas d'offres qui soient de nature à
répondre aux aspirations des Québécois, il y aura un
référendum sur la souveraineté du Québec au plus
tard à l'automne de 1992.
M. le Président, historiquement, les Québécois ont
toujours fait preuve d'une grande volonté d'autonomie et ils veulent
demeurer maîtres de leurs choix. Ils savent que l'accès à
l'espace économique canadien et aux divers marchés internationaux
représente un précieux atout pour leur développement
économique. Ils reconnaissent qu'ils ont beaucoup à partager avec
les autres Canadiens, mais ils sont aussi de plus en plus conscients qu'ils
doivent disposer des moyens nécessaires pour exprimer pleinement leur
spécificité tant culturelle qu'économique. Ils sont
conscients qu'ils doivent avoir en main les outils nécessaires pour
relever ce défi de l'excellence qui s'impose de plus en plus en
matière économique.
Ces tendances et ces volontés, en apparence contradictoires, sont
en réalité complémentaires. La Fédération
canadienne de 1867 en est en quelque sorte le reflet. De plus,
l'intégration des économies à l'échelle
internationale crée un nouvel ordre qui, loin de signifier la mort des
nationalismes, rend plus nécessaire et légitime que jamais le
contrôle par les peuples des pouvoirs et des outils essentiels à
leur épanouissement et au maintien de leur spécificité
nationale, tout en protégeant différentes formes
possibles d'Intégration tant économique que politique.
D'ailleurs, l'actualité internationale nous fournit des exemples fort
éloquents de ce phénomène presque à tous les
jours.
L'objectif sans cesse poursuivi par le gouvernement du Québec
d'assurer en même temps la sécurité économique et la
sécurité culturelle des Québécois s'inscrit dans
cette dynamique. Les acquis en ces matières ne devront jamais être
mis en péril. L'ensemble du débat majeur que nous poursuivons au
sujet de notre avenir politique et constitutionnel n'a pas d'autres fins que de
nous permettre d'atteindre cet objectif le plus pleinement et le plus
efficacement possible. (9 h 45)
En conséquence, M. le Président, tout en ne
ménageant aucun effort pour mener à terme sereinement et
efficacement la réflexion politique et constitutionnelle en cours, le
gouvernement aborde tous les autres dossiers dans le même esprit, avec
les mêmes objectifs et avec la même détermination: le
Québec d'abord. C'est donc dans ce contexte que s'est inscrite l'action
du gouvernement en 1990-1991, dans l'ensemble des dossiers
intergouvernementaux. D'une façon plus particulière, il faut
souligner la ratification d'une entente majeure intervenue avec le gouvernement
fédéral en matière d'immigration ainsi que la poursuite de
discussions importantes dans les domaines de la main-d'oeuvre, du
développement économique et régional, des barrières
au commerce interprovincial et de l'environnement.
M. le Président, un nouvel accord Canada-Québec, en
matière d'immigration, a été signé le 5
février dernier. Cette entente est en vigueur depuis le 1er avril et
remplace l'entente Cullen-Couture qui existait depuis 1978. Cette entente est
le fruit de longues négociations. Elle s'inscrit dans la logique de
récupération par le gouvernement du Québec des pouvoirs
essentiels à son développement, notamment dans les
matières où sa sécurité culturelle est directement
en jeu Ce nouvel accord touche principalement trois volets:
Premièrement, les niveaux d'immigration: Ottawa devra
obligatoirement tenir compte de l'avis du Québec sur le nombre
d'immigrants que ce dernier désire recevoir. De plus, le Québec
pourra recevoir chaque année un nombre d'immigrants proportionnel
à son poids démographique au sein de la Fédération
canadienne plus 5 %, s'il le juge à propos.
Deuxièmement, la sélection des immigrants: Le nouvel
accord consacre l'exclusivité de la sélection
québécoise à l'égard des immigrants
indépendants, ce qui représente, M. le Président, 60 % de
l'immigration québécoise cette année.
Troisièmement, l'intégration des immigrants: Le
Québec récupère tous les services touchant l'accueil,
l'intégration linguistique, sociale et économique des nouveaux
arrivants. Ce retrait fédéral s'accompagne d'une compensation
financière de 75 000 000 $ pour 1991-1992 et de 332 000 000 $, au total,
pour la période de 1991-1992 à 1994-1995. Une formule
d'indexation a été prévue pour les années
subséquentes.
Cette entente, M. le Président, permettra au Québec de
mieux planifier son immigration en fonction de ses besoins
démographiques, de mieux structurer le flux migratoire et d'assumer
pleinement son rôle dans l'accueil des nouveaux arrivants et dans leur
Intégration à la majorité francophone. Cette entente
représente donc un gain sans précédent pour le
Québec dans le domaine de l'immigration. Cette entente démontre
aussi qu'il est possible, voire même profitable, d'éliminer
certains dédoublements coûteux et inutiles dans un souci
d'efficacité.
Dans le domaine du développement économique et
régional, l'année 1990-1991 a été marquée
par des négociations difficiles en matière de refinancement des
ententes auxiliaires de développement économique et
régional, ce que nous appelons l'EDER. Ce dossier de première
importance pour l'économie québécoise connaît de
sérieux problèmes.
Permettez-moi, M. le Président, d'en rappeler les faits,
brièvement. Dès le mois de décembre 1988, le gouvernement
du Québec a tenté d'amorcer avec Ottawa la négociation du
refinancement des ententes auxiliaires de l'EDER. Les deux gouvernements
s'étaient pourtant engagés, en vertu du protocole de juin 1988,
à entreprendre la négociation de la phase 2 de l'entente-cadre de
l'EDER dès janvier 1989. Sans concertation préalable avec le
Québec, Ottawa faisait connaître son cadre budgétaire
touchant les nouveaux engagements destinés au Québec, soit 247
000 000 $ au cours de la période 1989-1994. La proposition
fédérale, M. le Président, représente une
diminution de l'ordre de 65 %, en termes nominaux, de l'enveloppe
budgétaire 1985-1990 des ententes auxiliaires sectorielles de l'EDER, et
par conséquent cette proposition fédérale s'avère
nettement inférieure aux besoins déjà identifiés en
matière de développement économique et régional au
Québec. La solution qu'Ottawa veut privilégier consiste à
réduire substantiellement sa participation à l'EDER et à
la remplacer par un faisceau d'initiatives fédérales sectorielles
et ad hoc, pas nécessairement concertées avec le
Québec.
Cette approche de développement économique et
régional nous est inacceptable. Elle met en péril le
contrôle du Québec sur son développement économique
en favorisant le fouillis administratif, le dédoublement, la
dilapidation des fonds publics, et cela sans résultat probant pour la
population qui a droit à des résultats concrets. C'est pourquoi,
dans ce dossier majeur, le Québec a insisté auprès du
gouvernement fédéral sur la nécessité de maintenir
le régime des ententes auxiliaires, d'en poursuivre l'exécution
et d'en assurer un refinancement adéquat.
Ces conditions, M. le Président, doivent être
respectées, si l'on veut permettre au Québec
de disposer d'une égalité des chances pour
développer son potentiel économique, conformément aux
principes inscrits dans la Constitution de 1982 et en fonction des sommes qui
lui reviennent légitimement. Or, le Québec ne reçoit pas
sa juste part du gouvernement fédéral. En effet, depuis plus de
10 ans, on remarque une constante régression des dépenses
fédérales de développement économique et
régional au Québec. Oe 33,9 % qu'elle était au cours de la
période de 1979-1984, la part réservée au Québec a
chuté à 25,2 % au cours des années 1989-1994, ce qui
inclut la somme de 247 000 000 $ déjà annoncée par Ottawa
pour de nouvelles initiatives.
Plusieurs réunions de ministres et de fonctionnaires ont eu lieu.
Il apparaît évident que la partie fédérale se refuse
à conclure des ententes auxiliaires du même type et d'un
engagement financier équivalant à ceux des ententes qui ont
été en vigueur depuis 1985. Le gouvernement du Québec
n'entend pas abandonner la partie, loin de là. Dans cette
négociation, nous devons veiller à assurer avant tout le maintien
strict des principes québécois en matière de
développement économique et régional, et je
répète ces principes, M. le Président.
Premièrement, la prépondérance de la responsabilité
du Québec sur la planification et l'établissement des
priorités de développement économique et régional
sur son territoire. Deuxièmement, la nécessité d'utiliser
les mécanismes, les structures et les programmes mis en place ou
approuvés par le Québec. Troisièmement, la maîtrise
d'oeuvre québécoise pour tous les programmes et projets relevant
de sa compétence.
M. le Président, le Québec a toujours favorisé la
plus grande liberté possible de commerce avec les autres provinces
canadiennes. En ce qui a trait aux barrières et au commerce
interprovincial, des négociations ont été entreprises en
décembre 1987 sur les marchés publics et les boissons
alcooliques. Elles ont donné lieu à l'acceptation de principe par
les premiers ministres, lors de leur réunion sur l'économie de
novembre 1989, d'un projet d'accord sur la réduction des obstacles au
commerce interprovincial des marchandises lié aux achats
gouvernementaux, c'est-à-dire des marchés publics.
Les négociations se sont poursuivies dans ce secteur pour donner
suite aux demandes de modification exprimées par le Québec:
l'indexation du seuil prévu de 25 000 $, l'exclusion de la politique de
partenariat économique du Québec dans le domaine de la
technologie et de l'information et la date d'entrée en vigueur de
l'accord. Ayant vu ses demandes satisfaites, le Québec a
décidé d'adhérer à l'accord d'une façon
bilatérale, soit au moyen d'une lettre que le premier ministre, M.
Bourassa, a adressée, le 14 décembre 1990, à chacun de ses
homologues provinciaux. Dans cette lettre, le premier ministre a
également fait part de la décision du gouvernement du
Québec de mettre en oeuvre son propre mécanisme bilatéral
de règlement des différends. Le Québec rejette ainsi le
mécanisme de règlement des différends proposé dans
un protocole joint à l'accord et qui confie à un organisme
fédéral un rôle clé dans le règlement de
litiges interprovinciaux. Les autres gouvernements n'ont toujours pas fait
connaître leurs réactions à la position adoptée par
le Québec quant à l'accord sur les marchés publics. Le cas
échéant, la poursuite des discussions au plan
fédéral-provincial portera sur la mise en oeuvre des accords sur
les marchés publics et sur la bière. Des discussions sur le vin
pourraient alors être reprises dans un contexte plus favorable.
Dans le domaine de la main-d'oeuvre, la ministre, Mme Barbara McDougall,
a rendu public, le 11 avril 1989, un énoncé de politique
intitulé "Le nouveau mode d'emploi", lequel présente la nouvelle
stratégie fédérale de mise en valeur de la main-d'oeuvre
canadienne. Cette stratégie vise pour l'essentiel à
accroître le rôle du secteur privé dans le
développement de la main-d'oeuvre. Elle est financée à
même la caisse d'assurance-chômage qui, désormais, sera
alimentée uniquement par le secteur privé. La stratégie
comporte deux volets majeurs: Le premier a trait à la mise en place de
mesures de formation pour lesquelles un budget de 775 000 000 $ par
année est prévu; le deuxième volet prévoit
l'établissement de plans d'assistance à l'entreprise visant
à développer la main-d'oeuvre. La nouvelle loi de
l'assurance-chômage prévoit que ces plans pourront retenir
jusqu'à 15 % du budget de la caisse, soit environ 2 000 000 000 $.
La mise en place de ces plans a déjà débuté
dans un certain nombre de secteurs d'activité. Suite à
l'adoption, en octobre 1990, de la Loi sur la réforme de
l'assurance-chômage, qui permet de financer la stratégie
fédérale, la ministre McDougall lançait le processus de
négociation avec les provinces en vue de mettre en place cette nouvelle
stratégie. Dans la même foulée, la ministre
annonçait la mise en place de la Commission canadienne de mise en valeur
de la main-d'oeuvre. En vertu de cet organisme national, le gouvernement
fédéral doit procéder à la création des
réseaux régional et local de communications où seraient
réunis des représentants du secteur privé, du gouvernement
fédéral et des gouvernements provinciaux et qui auront pour
tâche d'évaluer et de combler des besoins d'information.
Le Québec a réagi vivement à cette intrusion
directe dans le domaine de la formation en indiquant qu'il dispose
déjà de ses propres structures avec les commissions de formation
professionnelle. Par ailleurs, le 13 décembre 1990, au nom du
gouvernement du Québec, le ministre responsable de ce dossier, M.
André Bourbeau, rendait publique sa position visant à rapatrier
les programmes fédéraux de main-d'oeuvre et les
budgets qui y sont affectés. Le Québec deviendrait ainsi
le seul responsable des politiques d'adaptation de la main-d'oeuvre et de la
formation professionnelle sur son territoire et la seule administration
chargée d'élaborer et d'administrer, de concert avec les
partenaires sociaux, des programmes de formation, d'adaptation et d'aide
à l'emploi. La réclamation globale du Québec se situerait
autour de 1 000 000 000 $.
Il m'apparatt important de souligner que cette revendication repose sur
la position commune et unanime exprimée par les représentants des
organisations patronales, syndicales et coopératives, tant au Forum pour
l'emploi qu'à la conférence permanente sur la main-d'oeuvre. En
somme, tous les acteurs concernés appuient fortement les revendications
du ministre Bour-beau dans ce dossier névralgique pour le Québec.
La nouvelle position québécoise a été transmise
à Ottawa en proposant de tenir des discussions sur cette base.
Réagissant à cette initiative, Mme McDougall a fait savoir
qu'elle n'avait pas l'intention de modifier sa politique et que le gouvernement
fédéral n'était pas prêt à discuter des
transferts de responsabilités dans le domaine de la main-d'oeuvre,
préférant attendre de disposer d'une vue d'ensemble sur le
partage des compétences entre les deux niveaux de gouvernement. Pour le
Québec, l'objectif à court terme était de prolonger
l'entente sur la formation en établissant qu'elle venait à
échéance le 31 mars dernier.
Cependant, Mme McDougali laisse entendre qu'elle n'est disposée
à négocier une nouvelle entente que sur la base de la
stratégie fédérale. C'est donc dans ce contexte qu'elle a
rencontré M. Bourbeau, le 26 mars dernier. Mme McDougall a alors
accepté que le fédérai continue à verser les sommes
nécessaires de mois en mois, sur la base du budget prévu en
1990-1991. Elle refuse cependant de s'engager dans une entente formelle.
Au plan environnemental, M. le Président, en terminant, le
ministre de l'Environnement du Canada, M. Robert de Cotret, a
déposé le 18 juin 1990 à la Chambre des communes, pour la
première lecture, le projet de loi C-78 sur la mise en oeuvre du
processus fédéral d'évaluation environnementale. Ce projet
de loi doit remplacer le décret fédéral sur
l'évaluation environnementale. Ce projet de loi pourrait avoir des
conséquences majeures sur l'exercice des compétences
constitutionnelles du Québec, puisqu'il soumet à l'examen des
autorités fédérales tout projet dont un aspect même
mineur relève des compétences législatives d'Ottawa. En
outre, tout projet public ou privé pour lequel le gouvernement
fédéral accorde une aide fiancière serait susceptible
d'être assujetti à l'examen environnemental fédéral,
même si ce projet est de compétence provinciale. De plus, le
gouvernement fédéral se voit accorder, par ce projet de loi, des
pouvoirs très élaborés qui sont susceptibles de retarder,
voire de remettre en question des projets très importants pour les
provinces concernées, alors que ces dernières, comme le
Québec, ont déjà mis sur pied des structures complexes
pour évaluer les aspects environnementaux des projets qui
relèvent de leur compétence. (10 heures)
L'évaluation environnementale constitue un enjeu crucial. En
évoquant la protection de l'environnement, on peut en effet
empêcher la réalisation d'un projet ou lui imposer des
contraintes, puisqu'il est bien évident que tous les projets ont
nécessairement un impact quelconque sur l'environnement. Aussi, plus le
gouvernement du Québec accepte que le gouvernement fédéral
s'immisce dans la protection de l'environnement, dans les champs provinciaux,
plus il altère, par ricochet, son pouvoir sur l'utilisation de son
territoire et le développement de ses ressources naturelles. Il peut
ainsi mettre en péril la maîtrise de son développement
économique.
Ce projet de loi de même que le décret
fédéral actuel posent des difficultés majeures pour la
réalisation des projets hydroélectriques du Québec et en
particulier le complexe Grande-Baleine. Ce problème a pris une
acuité encore plus grande a la suite de la décision de l'Office
national de l'énergie, contestée par le Québec devant les
tribunaux, qui assujettit, en pratique, tous ces projets à
l'évaluation fédérale.
Des discussions ont été entreprises en août 1989,
puis intensifiées à partir de janvier 1990, pour en arriver
à une entente Canada-Québec sur une évaluation
environnementale conjointe du projet Grande-Baleine. Le 4 juillet 1990, le
Conseil des ministres approuvait en principe un projet d'entente
prévoyant les mécanismes par lesquels se ferait
l'intégration du processus fédéral et de celui
prévu par la Convention de la Baie James et du Nord
québécois. L'examen et l'évaluation se feront selon deux
procédures: une au nord du 55e parallèle, avec les Inuit, et une
au sud, avec les Cris. Le président de la Commission
fédérale de Kativik, du COMEX et du COMEF sera la même
personne nommée par le Canada et le Québec. Les consultations,
l'examen et les audiences publiques se tiendront conjointement. Le rapport sera
transmis aux ministres de l'Environnement du Québec et du Canada.
L'entente relative à ce processus a été
signée par le Québec en novembre 1990 et le gouvernement
fédéral l'a signée à son tour en février
1991. Cette entente couvre les complexes hydroélectriques, barrages et
centrales, alors que les infrastructures d'accès et d'hébergement
seront traitées séparément. Bien que nous soyons d'accord
sur la mécanique de l'évaluation environnementale du complexe
hydroélectrique de Grande-Baleine, le Québec et le Canada ne
s'entendent pas sur la désignation du président, et le processus
conjoint n'a pas encore été mis en oeuvre jusqu'à
maintenant.
Enfin, l'activité intergouvernementale du Québec s'est
poursuivie tout aussi intensivement dans plusieurs autres dossiers qui
demeurent en discussion. À titre d'exemples, il me suffit de mentionner
des dossiers non moins importants du financement des soins de santé, de
la réforme des institutions financières, de l'habitation sociale,
des négociations commerciales multilatérales du GATT et
trilatérales Canada-États-Unis-Mexique et de l'approche
fédérale en matière d'enseignement postsecondaire.
M. le Président, en conclusion, je vous ai présenté
un bref aperçu des activités qui ont marqué l'action du
gouvernement en matière de relations interprovinciales et
fédérales-provinciales. L'année qui vient sera
déterminante pour le Québec et nous avons l'intention, comme
gouvernement, de veiller à ce que les décisions que les
Québécois devront prendre le soient dans la plus parfaite
connaissance des véritables enjeux.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le ministre,
pour vos remarques très intéressantes. Maintenant, je suis
persuadé que le critique de l'Opposition aura également des
remarques intéressantes. Je lui signale que, s'il le veut, il pourra
prendre le même nombre de minutes que vous, M. le ministre,
c'est-à-dire 35 minutes. Alors, M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: Je vous remercie, M. le Président. D'abord,
j'écoutais le ministre et ça me faisait penser à
l'intention de M. Mulroney de mettre en place un fédéralisme
souple et flexible. Quand je vous entends faire le bilan sur le
développement régional, l'environnement, la santé, la
formation professionnelle, il y a comme une distance sidérale
intergalactique entre la réalité du régime puis le
discours de Mulroney. C'est vrai que ça vous donne l'occasion,
cependant, chaque année, de bomber le torse, de faire preuve de
fermeté, mais vous me rappelez beaucoup dans ce rôle-là la
petite chèvre de M. Seguin qui résiste toute la nuit, qui se bat
durement contre le méchant loup et, à la fin, elle est
bouffée, mangée, disparue, terminée. On y reviendra sur le
fonctionnement réel du régime.
M. le Président, lorsqu'on a étudié les
crédits, l'an dernier, un peu plus tard - c'était autour du mois
de mai 1990 - on était, à ce moment-là, à 23 jours
de l'échéance prévue pour la ratification de l'accord du
lac Meech et l'impasse perdurait.
Le ministre réitérait à ce moment-là son
optimisme quant au sort de l'accord du lac Meech. On connaît la suite. Je
n'y reviendrai pas. Le ministre en a parlé tout à l'heure. Il a
fait l'historique complet. L'échec de cet accord et son rejet par le
Canada anglais sur la base des conditions les plus faibles et les plus
modestes, les plus modérées, et même quand on regarde le
contenu du rapport Allaire, on pourrait dire les plus insignifiantes mises de
l'avant par un gouvernement québécois en matière
constitutionnelle ont été durement ressentis par les
Québécois comme une véritable humiliation.
Pour une majorité de Québécois, l'échec du
lac Meech a été l'ultime dernière chance du
fédéralisme après 30 ans de luttes menées sans
succès par le Québec en vue d'obtenir un statut particulier au
sein du régime fédéral canadien. Certains ont encore,
malgré tout, choisi de donner une autre dernière chance au
fédéralisme. On y reviendra tout à l'heure.
Au-delà de son contenu, l'accord du lac Meech et la couverture
médiatique entourant les péripéties infructueuses devant
conduire à sa ratification auront agi comme un puissant
révélateur des aspirations irréconciliables du
Québec et du Canada anglais quant à leur avenir respectif. Ce que
certains observateurs ont qualifié de choc des deux visions. Ce que la
Commission Béianger-Campeau, dans son rapport, a appelé le choc
des aspirations, des visions et des identités nationales.
Dans la foulée de la Révolution tranquille, la vision
québécoise, c'est d'abord la réclamation constante d'un
statut particulier pour le Québec. Considérant l'Assemblée
nationale comme leur Parlement, le gouvernement du Québec comme leur
gouvernement, les Québécois voulaient, veulent encore, dans une
large mesure, que le Québec dispose de plus d'autonomie grâce
à des pouvoirs accrus afin que la société
québécoise assume différemment, de façon distincte,
selon ses aspirations propres, son développement non seulement culturel
mais aussi économique et social. Et cette vision implique, si on veut
demeurer dans le régime actuel, une transformation radicale du
fédéralisme.
La vision du Canada anglais, de son côté, se précise
et s'affirme de plus en plus autour d'un certain nombre
d'éléments clés. D'abord, les Canadiens anglais voient
dans le gouvernement fédéral et la Chambre des communes leurs
institutions politiques nationales. Leur gouvernement national est à
Ottawa. Il doit être fort, d'où une nécessaire
centralisation des pouvoirs que certains voudraient même accentuer selon
des études d'opinion menées récemment. Ce gouvernement
central fort doit réduire des disparités régionales,
notamment à l'aide de standards dit nationaux. La Charte canadienne des
droits et libertés constitue le deuxième ciment essentiel de
cette vision du Canada anglais en assurant l'égalité de tous les
citoyens entre eux dans un Canada de plus en plus pluriethnique, multiculturel.
Ce principe d'égalité juridique s'étend aussi aux
provinces. Dans un tel contexte, le fédéralisme
asymétrique ou un statut particulier du Québec soulève, le
moins que l'on puisse dire, de sérieuses réticences quand ce
n'est pas une hostilité ouverte au Canada anglais.
La réforme du Sénat en vue de mieux représenter les
intérêts régionaux à Ottawa constitue une
préoccupation majeure du Canada anglais. L'Ouest insiste beaucoup
à cet égard sur la nécessité d'un Sénat
élu, efficace et offrant une représentation égalltaire des
provinces.
Ce choc des deux visions est essentiel pour expliquer l'échec de
l'accord du lac Meech, mais il est aussi indispensable comme grille d'analyse
pour la suite des événements en matière de réforme
constitutionnelle, particulièrement à l'égard des
comportements des principaux intervenants directement impliqués. Et
tenter d'expliquer l'échec de l'accord du lac Meech par la formule
d'amendement, c'est à la fois superficiel et partiel et c'est s'attarder
à l'accessoire et négliger l'essentiel.
Les Québécois ont encaissé amèrement
l'échec de l'accord du lac Meech et ils en ont tiré des
leçons. Depuis juin dernier, l'option de la souveraineté
recueille de façon constante 60 % d'appui chez les
Québécois et même plus. Au lendemain de l'échec de
Meech, le gouvernement libéral se retrouvait sans politique
constitutionnelle et le Québec confronté à un choix
fondamental quant à ses rapports avec le Canada. Le premier ministre
affirma alors que le Québec est une société libre
d'assumer son destin et que, désormais, les négociations à
11 gouvernements, c'était fini. Le ministre aussi l'a maintes fois
répété. Il confia au comité Allaire le mandat de
rédiger un nouveau programme constitutionnel pour le Parti
libéral en vue du congrès de mars 1991. Parallèlement
à cela, la Commission Bélan-ger-Campeau sur l'avenir politique et
constitutionnel du Québec est créée en septembre,
grâce à la collaboration inédite du premier ministre et du
chef de l'Opposition.
La stratégie du premier ministre est très claire: gagner
du temps et accroître les pressions sur le Canada anglais tout en
maintenant l'unité de son parti.
Le rapport Allaire correspond parfaitement aux objectifs de cette
stratégie. Ce rapport propose un réaménagement en
profondeur du régime fédéral canadien fondé sur le
rapatriement massif de pouvoirs aux mains du gouvernement du Québec qui
assumerait dorénavant une compétence exclusive dans plus d'une
vingtaine de secteurs d'activités, 22 précisément.
Excusez-moi du peu. Quant au gouvernement fédéral, il serait
ramené au rang de gouvernement liliputien et fantomatique. Pour inciter
le Canada anglais à se conformer à ce projet de renouvellement du
fédéralisme, le rapport Allaire brandit le spectre
menaçant d'un référendum sur la souveraineté
à l'automne 1992, à défaut d'entente.
Le rapport Allaire a suscité un fossé entre le Conseil des
ministres et les militants libéraux. D'une part, les
fédéralistes voient dans le rapport Allaire une simple base de
discussion, alors que l'aile nationaliste estime que les recommandations du
rapport étaient non négociables et, en cas de refus,
c'était la souveraineté.
Tout ce beau monde allait, disait-on, s'entre-déchirer au
congrès du parti, en mars dernier. Certains commentateurs
annonçaient une bataille rangée à finir; on allait
ensanglanter le Palais des congrès. Or, les fédéralistes
constatant l'ampleur des forces de l'aile nationaliste sur le parquet du
congrès n'ont pas livré bataille. Les militants ont refusé
de se prononcer clairement à savoir si le rapport était une base
de discussions ou un tout non négociable en rejetant tour à tour
deux résolutions à cet effet. Le rapport Allaire a
été adopté dans sa quasi-intégralité
à l'exception de résolutions réhabilitant la
réforme du Sénat et l'application de la Charte canadienne des
droits et libertés sur le territoire québécois.
Dans son discours de clôture, le premier ministre réussit
ce que j'ai appelé un détournement de congrès, en
réitérant que le Canada demeure son premier choix, face à
des militants qui, la veille, avaient affirmé que le Québec est
devenu leur premier choix. Au lendemain du congrès, le souverain pontife
d'Argenteuil, réconforté par la profession de foi
fédéraliste de son premier ministre, met fin à un bref
exil, convaincu que le concile de Trente, le Conseil des ministres, aura
finalement le dernier mot. L'unité du parti était
préservée artificiellement au prix de l'ambiguïté et
du double langage.
Le premier ministre Bourassa a eu recours à la même
stratégie dans le cas de la Commission Bélanger-Campeau: gagner
du temps et faire pression sur te Canada anglais. Il y a eu au sein de la
Commission Bélanger-Campeau un consensus central, à savoir la
tenue d'un référendum sur la souveraineté au plus tard le
26 octobre 1992. Curieusement, le ministre n'en a pas parlé beaucoup.
Or, en dépit de ce consensus non pas sur le statut, ce que nous du Parti
québécois avons déploré, mais sur la
démarche, le gouvernement libéral a clairement laissé
entendre qu'il pourrait recourir aux dispositions de la Loi sur la consultation
populaire afin de tenir un référendum sur une offre de
renouvellement du fédéralisme qui aurait pour effet d'annuler le
référendum sur la souveraineté recommandé par la
Commission Bélanger-Campeau. La déclaration du ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, M.
Rémillard, faite le 21 mars en séance de travail de la
Commission, ne laisse aucun doute quant aux intentions du gouvernement visant
à passer outre au référendum sur la souveraineté,
pas plus d'ailleurs que cet extrait de l'addendum signé par le premier
ministre et son ministre dans le rapport de la Commission. Je le cite: "Le
gouvernement du Québec conserve sa faculté d'initiative et
d'appréciation des mesures favorisant le meilleur intérêt
du Québec; l'Assemblée nationale demeure souveraine pour
décider de toute question référendaire et, le cas
échéant, adopter les
mesures législatives appropriées. " Fin de la citation.
C'est en page 97 du rapport. (10 h 15)
M. Parizeau, lui, explique tout ça en disant que le gouvernement
a dit à la commission: "cause toujours mon lapin". En d'autres termes,
ça signifie aussi: je vous fais une promesse, mais, en même temps,
je m'engage à ne pas la respecter.
Ainsi, au moment où l'encre de sa signature n'était pas
encore sèche, le premier ministre prenait ses distances avec le rapport
de la Commission en affirmant être déjà en discussion avec
plusieurs de ses homologues provinciaux et être confiant de voir le
Canada proposer des offres acceptables au Québec lui permettant de
demeurer à l'intérieur du régime
fédéral.
Le premier ministre a donc choisi de se confiner dans une position
attentiste - ça a été reconfirmé tantôt par
le ministre - en s'en remettant aux offres du Canada anglais. En
réitérant sa foi dans le fédéralisme, en
manifestant qu'il est déjà prêt à discuter, donc
à négocier, et en laissant entendre que le
référendum pourrait porter non pas sur la souveraineté,
mais sur une offre quelconque de fédéralisme renouvelé, le
premier ministre affaiblit du même coup le pouvoir de négociation
du Québec auprès du reste du Canada en ramenant le
référendum sur la souveraineté au rang de simple
instrument de chantage, de moyen de pression tout en prolongeant la
période d'incertitude relative au statut constitutionnel du
Québec.
En faisant le choix d'une autre dernière chance du
fédéralisme renouvelé, même si cela fait 30 ans que
le Canada dit non aux requêtes du Québec, le premier ministre se
place en position de faiblesse et la tentation peut être forte de
conclure un accord constitutionnel à rabais, une espèce de Meech
amoindri, rabougri dans son contenu afin d'éviter le
référendum sur la souveraineté, option légitime
qu'il a combattue tout au long de sa carrière politique.
À cette tentation de conclure à rabais un accord
constitutionnel pour se soustraire à la tenue d'un
référendum sur la souveraineté, nous tenons à
redire et à répéter au gouvernement qu'il trouvera
l'Opposition officielle sur son chemin et d'autres aussi pour l'inciter
à respecter le sens du consensus de la Commission
Bélanger-Campeau reflétant les aspirations de la majorité
des Québécois.
En optant pour la voie du fédéralisme renouvelé, le
premier ministre va admettre tôt ou tard qu'il ne pourra se soustraire
à l'engrenage infernal du processus de négociations à 11
gouvernements prévu par la Constitution canadienne, y compris même
dans le cas où l'on voudrait modifier la formule d'amendement.
L'approche bilatérale préconisée par M. Bourassa et
M. Rémillard est irréaliste parce que toute modification à
la Constitution implique non seulement l'appui du Parlement
fédéral, mais aussi celui d'au moins sept Parlements provinciaux.
Difficile d'être pris au sérieux dans le reste du Canada lorsque
le premier ministre dit qu'il fait confiance à ses partenaires des
autres provinces, qu'il attend d'eux des offres acceptables de renouvellement,
tout en affirmant du même souffle qu'il ne négociera plus
directement avec eux, mais que, néanmoins, il devra pouvoir compter, au
moment opportun, sur l'approbation de leurs Parlements respectifs. Toute
réforme constitutionnelle nécessite le consentement des autres
Parlements provinciaux et faute d'être associées directement au
processus, les autres provinces enverront à la poubelle tout accord
bilatéral conclu entre Ottawa et Québec. Pas besoin d'être
détenteur d'un doctorat en droit constitutionnel pour comprendre
ça. Je suis certain qu'avec un peu d'effort et de lucidité, le
ministre responsable des relations fédérales-provinciales,
constitutionnaliste de métier, pourrait lui-même l'admettre et
faire preuve d'un élémentaire sens politique.
Quelles sont les chances de voir un accord constitutionnel satisfaisant
à la fois le Québec et le Canada anglais au cours des 18
prochains mois? Plutôt minces si l'on se réfère aux
réactions du Canada anglais et aux comportements de ses dirigeants
politiques à l'égard à la fois du rapport Allaire et du
rapport de la Commission Bélanger-Campeau. Encore une fois, dans le
contexte des séquelles de l'accord du lac Meech, le choc des visions et
des identités nationales permet de bien comprendre la situation.
L'opinion publique et les leaders politiques du Canada anglais
réprouvent l'attitude du Québec. Ils rejettent
catégoriquement les propositions du rapport Allaire comme une
opération de démantèlement de leur pays. Ils n'acceptent
pas carrément la perspective de transformations majeures au
régime fédéral à partir du processus de
négociations bilatérales mis de l'avant par M. Bourassa et M.
Rémillard. Ils rejettent catégoriquement l'ultimatum de 18 mois
pour négocier. Pour eux, la prochaine ronde de négociations sera
celle du Canada et non pas du Québec. Le titre d'un éditorial
récent du Ottawa Citizen résume assez bien l'état d'esprit
du Canada anglais. Le Canada, disait-on, ne sera pas pris en otage par le
Québec.
Les études d'opinion conduites récemment sur les questions
constitutionnelles expriment les positions du Canada anglais dans la dynamique
du choc des visions. Ainsi, selon un sondage réalisé par CROP et
publié dans L'Actualité du 15 mars dernier, 71 % des
Canadiens anglais interrogés préfèrent un Canada plus
centralisé ou le statu quo. 75 % d'entre eux affirment que des pouvoirs
spéciaux pour le Québec sont contraires à la nature
même du Canada. 65 % sont opposés à ce que les
négociations s'ouvrent sous la menace d'un référendum sur
la souveraineté. 62 % se déclarent opposés à un
Parlement supranational, projet chéri par le premier ministre, en
dépit des
imprécisions fondamentales quant à son fonctionnement. La
vision du Canada anglais s'appuyant sur un gouvernement central fort, un
Sénat des régions, une Charte canadienne des droits
établissant l'égalité juridique entre les citoyens et, par
extension, entre les provinces est plus présente que jamais et s'oppose
carrément à la thèse du statut particulier d'un
Québec plus autonome à l'intérieur d'un régime
fédéral décentralisé. Et nier, gommer le choc des
visions, des aspirations et des identités nationales, c'est sombrer dans
la pensée magique de "Perrette avec son pot au lait."
Là, vous n'êtes plus dans le rôle de la chèvre
de M. Seguin, M. le ministre, vous êtes dans le rôle de Perrette,
qui se promène sur le chemin. Je vous vois très bien en disant:
Je veux 22 pouvoirs exclusifs; je veux l'abolition du pouvoir de
dépenser, je veux le droit de sécession, je veux une
réforme du Sénat conforme aux besoins du Québec, je veux
le droit de veto obligatoire, je veux le pouvoir résiduaire; je ne veux
plus de chevauchement. C'est tout dans le rapport Allaire, ça, et puis
vous allez tomber. Vous vacillez déjà et vous allez tomber et
adieu veau, vache, cochon, couvée. C'est ça, la pensée
magique. Ça n'a aucune chance de devenir réalité.
L'opinion publique du Canada anglais déplore le manque aussi de
leadership des politiciens fédéraux. L'insatisfaction profonde du
Canada anglais envers le premier ministre Mulroney s'explique en bonne partie
par le fait qu'à travers l'épisode du lac Meech, ce dernier a, en
quelque sorte, incarné à leurs yeux - c'est une perception
peut-être plus ou moins vraie, mais c'est le cas - les valeurs d'un
Canada décentralisé, bien disposé à l'égard
du Québec et donc non conforme à leur vision du Canada. Ce n'est
pas étonnant que dans un tel contexte, lors d'un sondage Angus-Reid, les
Canadiens anglais aient identifié - on le voit encore aujourd'hui -
Pierre Elliott Trudeau comme le leader politique national susceptible de
conduire les prochaines négociations et par conséquent de
remettre le Québec à sa place.
L'insatisfaction croissante à l'endroit de M. Mulroney,
au-delà de la TPS et de la récession, s'explique en bonne partie
par l'improvisation répétée dont il fait preuve en tentant
de relancer le processus de réforme constitutionnelle. Les avatars du
forum Spicer, la mise sur pied du comité Beaudoin-Edwards, sur la
formule d'amendement, traduit le désarroi du gouvernement conservateur
en cette matière. Soucieux de rehausser sa cote dans le Canada anglais,
le premier ministre du Canada a durci le ton à l'égard du
Québec. Lors de ses discours de Toronto et de Québec, il a
rejeté catégoriquement le rapport Allaire et écarté
le processus de négociations à deux. Au moment de la parution du
rapport de la Commission Bélanger-Campeau, il a clairement
repoussé l'échéancier de 18 mois fixé par le
Québec pour les négociations en vue du renouvellement du
fédéralisme. En dépit de ses problèmes de
crédibilité - on dit souvent que sa cote de popularité est
à peu près équivalente au taux d'intérêt - le
premier ministre Mulroney multiplie les initiatives et les comités avec
une toute nouvelle commission élargie coprésidée par le
sénateur Castonguay et un anglophone qui sera nommé plus tard,
suite au discours du trône, en mai.
Pendant ce temps, le Parti libéral du Canada, sous la houlette de
Jean Chrétien, parle de nouveau partage des compétences, sans en
préciser d'aucune façon le sens, tout en demandant au
Québec de ne rien précipiter, d'attendre qu'il forme le
gouvernement pour amorcer les négociations. Il faut un certain culot.
Manifestement, M. Chrétien souffre d'amnésie partielle à
l'égard du coup de force constitutionnel de 1982, mais les
Québécois sauront bien le lui rappeler au moment opportun. Le
NPD, de son côté, fidèle à son orientation
traditionnellement centralisatrice, se contente d'évoquer une
délégation administrative de responsabilités aux provinces
avec des pouvoirs fédéraux accrus quant à
l'établissement de standards nationaux à respecter plutôt
que d'envisager un véritable nouveau partage des pouvoirs entre Ottawa
et les provinces.
Du côté des provinces, les premiers ministres,
confrontés, particulièrement dans l'Ouest, à l'ascension
du Reform Party, ont durci aussi le ton à l'égard du
Québec. Le premier ministre de la Saskatchewan, Grant Devine, nous a
offert récemment un assez triste spectacle en affirmant le plus
sérieusement du monde que non seulement le Québec assumerait sa
part de dettes, mais devrait aussi rembourser les actifs fédéraux
sur son territoire, sans bénéficier pour autant de sa part des
actifs fédéraux qu'il a financés dans le reste du Canada.
M. Devine fait preuve d'une logique pour le moins tordue et indécente.
Enfin! Il est de bon ton de casser du sucre sur le dos du Québec par les
temps qui courent. C'est toujours rentable, surtout à la veille d'une
élection, ce qui est le cas de M. Devine. Plus sérieurement, les
premiers ministres, Wells de Terre-Neuve, Rae de l'Ontario, McKenna du
Nouveau-Brunswick, Filmon du Manitoba, Getty de l'Alberta, ont clairement
indiqué qu'ils entendaient être directement impliqués dans
le processus de réforme constitutionnelle et qu'ils refusent des
négociations à deux entre Québec et Ottawa.
Les premiers ministres Wells, Rae, McKenna s'entendent aussi sur la
nécessité d'impliquer la population dans le cadre de la prochaine
ronde de négociations. Ils évoquent la création d'une
assemblée constituante - c'est revenu encore sur le tapis, suite
à la rencontre de M. Rae et de M. Wells, hier - composée de
délégations provinciales et pas seulement des politiciens, mais
aussi des représentants de divers milieux. À l'heure
où
les comités constitutionnels provinciaux foisonnent, diverses
hypothèses s'accréditent au Canada anglais, notamment le recours
à un référendum pancanadien pour faire approuver par la
population des changements constitutionnels où le poids de la
majorité canadienne anglaise ferait alors pression sur le
Québec.
D'autres ont évoqué des modifications à la formule
d'amendement, conférant un droit de veto régional, reprenant la
formule de Victoria, dans le cas de Frank McKenna, ou encore d'un droit de veto
partiel du Québec sur les questions de langue et de culture, selon la
proposition de Wells. De son côté, le premier ministre ontarien
Rae propose un renforcement de la Charte canadienne des droits et
libertés et des standards nationaux, comme dans le cas de
l'assurance-santé, avant d'envisager un nouveau partage des pouvoirs
entre Ottawa et les provinces.
La réforme du Sénat fait aussi l'objet d'intenses
préoccupations dans les autres capitales provinciales. Non seulement les
premiers ministres provinciaux rejettent les négos à deux entre
Ottawa et Québec ainsi que l'ultimatum référendaire de 18
mois, mais rejettent aussi clairement les propositions du rapport Allaire. Bob
Rae est assez explicite à cet égard, je le cite, en date du 2
mars 1991: "La vision du rapport Allaire, dit-il, ce n'est pas la mienne, ce
n'est pas une vision, ça laisse un gouvernement central beaucoup trop
faible."
Récapitulons. Le gouvernement du Québec, sur la base du
rapport Allaire et de celui de la Commission Bélanger-Campeau, attend
des offres acceptables de renouvellement en brandissant le spectre d'un
référendum sur la souveraineté. Au Canada anglais,
l'opinion publique, les gouvernements fédéral et provinciaux,
rétorquent en rejetant le processus de négociations à
deux, l'échéancier de 18 mois fixé par le Québec et
les propositions du rapport Allaire perçues comme une opération
de démantèlement du Canada. Pour le Canada anglais, la prochaine
ronde de négociations constitutionnelles sera le "Canada Round", sur la
base de sa vision, soit un gouvernement central fort, un Sénat
réformé et une Charte canadienne des droits renforcée. Le
choc des deux visions est inéluctable. Le premier ministre du
Québec se complaît dans l'attentisme alors que le Québec se
dirige tout droit vers une nouvelle humiliation. Il faut en conclure que le
premier ministre et son ministre responsable des relations
fédérales-provinciales s'entêtent à faire preuve de
masochisme constitutionnel chronique. Vous vous plaisez à recevoir des
injures, des coups de pied et des baffes. L'échec et l'impasse semblent
vous procurer d'intenses satisfactions. Vous vous complaisez dans la voie sans
issue; c'est une maladie qui se soigne. (10 h 30)
Le plus grand danger que court le Québec, je le
répète, c'est de vous voir conclure un accord constitutionnel
à rabais pour éviter le référendum sur la
souveraineté. Le rapport de la Commission Bélanger-Campeau
n'était pas rendu public que vous proclamiez déjà votre
intention de tout mettre en oeuvre pour ne pas le tenir, ce
référendum sur la souveraineté. L'on sent que vous avez
une envie folle de renier votre engagement et de commettre un délit de
fuite devant vos responsabilités, de sorte que le plus gros
problème que j'ai avec vous et avec le premier ministre, c'est un
problème de confiance. Je suis désolé de vous le dire
aussi crûment, mais je n'ai aucune confiance en votre gouvernement quant
à la tenue d'un référendum sur la souveraineté,
surtout que le premier ministre se plaît à dire que ce n'est pas
certain que ce référendum serait gagné.
D'ailleurs, comment peut-on faire confiance à un premier ministre
qui a conçu une idéologie tout à fait nouvelle, qu'on
pourrait appeler le "confusionnisme", très différent du
confucianisme, et qui, à l'instar de certains céphalopodes ou
pieuvres qui émettent de l'encre noire pour troubler l'eau et se
dérober à la vue, cultive la confusion, se plaît à
tout embrouiller et privilégie le fouillis et le
méli-mélo? Taponnage et zigonnage sont les deux mamelles de ce
gouvernement. Le nouvel avatar du fédéralisme, c'est
désormais le "fédéralisme de zigonneux". Il y en a eu
beaucoup dans le passé, pourquoi pas celui-là?
Pendant ce temps-là, à Ottawa, réconfortée
par les propos du premier ministre Bourassa à l'effet que le
référendum sur la souveraineté pourrait ne pas avoir lieu,
la machine fédérale est agitée de soubresauts
s'apparentant davantage à la danse de Saint-Guy qu'à une action
planifiée et réfléchie. Des palabres de taverne du forum
Spicer jusqu'aux divers comités qui mettent bas toutes sortes de
formules alambiquées, en passant par le retour en selle des
croisés de l'unité canadienne qui se portent à la
défense de nos belles Rocheuses et d'un Jean Chrétien qui
réclame un "Canada round", il faut convenir que la machine d'Ottawa
dérape, s'emballe avec au volant, en plus, un chauffeur qui n'a plus de
permis de conduire. Beau spectacle!
L'incertitude et l'instabilité se prolongent avec les coûts
supplémentaires que cela implique pour le Québec, notamment au
chapitre de ses coûts d'emprunt.
Quand on quitte les hautes sphères de la philosophie du
fédéralisme où tout est si merveilleux et qu'on redescend
sur terre, on constate que la belle philosophie est difficilement
reconnaissable dans son incarnation canadienne. Tout d'abord, les
Québécois paient, depuis quelques années, plus
d'impôts à Ottawa que ce qu'ils en reçoivent en termes de
transferts et de dépenses. La non-rentabilité croissante du
fédéralisme pour le Québec s'explique par le
désengagement financier du gouvernement fédéral dans
plusieurs secteurs, notamment par une réduction substantielle des
transferts dévolus au
financement des programmes établis en matière de
santé et d'éducation postsecondaire. Pour 1991, cette
réduction de ces transferts pour le financement des programmes
établis implique un manque à gagner de 1 700 000 000 $ pour le
Québec.
L'on observe une augmentation plus rapide des transferts
fédéraux ailleurs qu'au Québec. Durant la période
1984-1988, les transferts fédéraux ont augmenté de 3,5 %
au Québec, comparativement à un taux de croissance moyen de 6,6 %
pour l'ensemble du Canada, dont 8,1 % en Ontario, 6,7 % en Alberta et 7,4 % en
Colombie-Britannique, 9 % au Manitoba. Le taux de croissance des transferts
fédéraux au Québec est le plus faible parmi tout le
Canada, alors que les Québécois sont appelés par leurs
impôts à assumer une part croissante du coût du
déficit démesuré du gouvernement
fédéral.
Au chapitre de la péréquation, le Québec
reçoit le montant le moins élevé des provinces
bénéficiaires, à raison de 533 $ par habitant. En
résumé, les Québécois paient de plus en plus
d'impôts au gouvernement fédéral pour des projets de
développement qui se réalisent de plus en plus en dehors du
Québec. C'est le cas, notamment, en matière de recherche et
développement.
Sur toute cette question de la non-rentabilité croissante du
fédéralisme, les études réalisées par la
Commission Bélanger-Campeau permettent d'en saisir le
phénomène. On pourrait citer, entre autres, le tome 1, pages 351
et 352, qui indique très clairement que l'on constate que les
études donnent un portrait uniforme de l'évolution des finances
publiques fédérales au Québec depuis 1961. En effet, les
études concluent toutes que le Québec s'est avéré
un contributeur net aux opérations budgétaires
fédérales au cours des années soixante et au début
des années soixante-dix, qu'il en a bénéficié
substantiellement par la suite jusqu'au milieu des années quatre-vingt
pour finalement voir depuis ce temps son bénéfice retiré
de ces opérations fédérales diminuer de façon
considérable.
Parallèlement à son désengagement financier et
à la neutralisation du recours au pouvoir de dépenser en raison
de sa situation financière, le gouvernement fédéral tente
d'assumer des responsabilités par le biais de contrôles
réglementaires accrus. Deux exemples concrets, mais lourds de
conséquences, permettent de mieux saisir le phénomène. On
est loin du fédéralisme flexible et souple.
Tout d'abord le dossier de la réforme québécoise de
la santé qui introduit, comme on le sait, un ticket orienteur. Le
ministre fédéral de la Santé, Beatty, accuse son
vis-à-vis québécois, Marc-Yvan Côté, de
démanteler le système de santé du Canada par
l'introduction de ce ticket orienteur. Le ministre conteste ce ticket comme
étant contraire aux standards dits natio- naux que doivent respecter les
provinces en matière de santé. Il menace le Québec de
nouvelles coupures dans les transferts fédéraux versés au
Québec en matière de santé. Voilà un bel exemple de
ce fédéralisme que le ministre responsable des relations
fédérales-provinciales ne cesse de présenter comme se
caractérisant par la souplesse et la flexibilité.
Deuxième cas, Hydro-Québec - le ministre en a parlé
tantôt, c'est très grave - menacée de perdre un contrat
d'exportation d'électricité de 17 000 000 000 $ avec
l'État de New York pour la période de 1995 à 2016, faute
d'obtenir à temps le jugement de la Cour fédérale d'appel,
suite à la contestation par Hydro-Québec de la décision de
l'Office national de l'énergie, organisme fédéral,
d'exiger des études d'impact environnemental avant de donner le feu vert
à Hydro-Québec pour ce contrat d'exportation. L'annulation
possible de ce contrat affectera de façon négative la situation
financière d'Hydro-Québec et pourrait provoquer une hausse de
tarifs d'électricité des Québécois. Il faut d'ores
et déjà prévoir que le jugement de la Cour
fédérale sera porté en appel, peu importe sa
décision, par l'une des deux parties, à la Cour suprême.
Ainsi, pour la première fois, sous le prétexte d'un
contrôle d'impact environnemental, l'Office national de l'énergie,
créature fédérale, outrepasse son mandat dans une
tentative délibérée du gouvernement fédéral
de s'ingérer dans le secteur de l'hydroélectricité qui
fait partie du domaine des ressources naturelles pourtant de compétence
exclusive du Québec.
Aucun progrès n'a été enregistré dans le
dossier majeur du rapatriement des compétences et des ressources
budgétaires afférentes en matière de formation
professionnelle. La description des négociations qu'en a faite le
ministre tantôt est tout à fait éloquente. Ça ne
marche pas. C'est bloqué complètement, totalement. Il n'y a rien
qui avance. Les négociations piétinent aussi en ce qui concerne
le renouvellement de l'entente-cadre fédérale-provinciale sur le
développement régional. Je n'en dis pas plus non plus. La
description du ministre est tout à fait complète. Ça ne
marche pas non plus là-dedans et on se retrouve toujours avec, sur la
table, une maigre pitance de 247 000 000 $ pour les prochaines
années.
Le régime canadien est gravement malade. Nous ne sommes pas les
seuls à le dire, au Parti québécois. Ça ne
fonctionne pas. Ça ne marche pas. Lors des audiences publiques à
la Commission Bélanger-Campeau, je vous signale que le Mouvement
Desjardins a fait le même constat. Le régime ne fonctionne pas.
"Il handicape, disait le Mouvement Desjardins, la capacité d'adaptation
du Québec tout en privant ses composantes de certaines libertés
d'action dont elles auraient besoin pour leurs propres politiques.
L'Association des manufacturiers canadiens est tout aussi
sévère à l'égard du régime
fédéral
tel qu'il fonctionne présentement. Eux, ils disent qu'il "n'est
pas en mesure de garantir notre essor et notre prospérité
à court, à moyen et à long terme". C'est beaucoup,
ça.
La Chambre de commerce du Québec aussi disait que "le
déséquilibre des finances publiques, qui se manifeste
actuellement au niveau fédéral, est l'une des principales sources
d'insatisfaction, de frustration de nos membres devant le
fédéralisme canadien. Ce problème est profond et
persistant et il accrédite l'opinion très répandue que le
fédéralisme canadien est un échec économique."
Ça, c'est le jugement de la Chambre de commerce du Québec devant
la Commission Bélanger-Campeau. Pourtant, la foi
fédéraliste du ministre ne semble pas ébranlée par
le triste bilan du régime fédéral canadien que non
seulement je fais, mais que lui-même fait. Son propre discours en est
l'illustration. Force est de conclure, en tant que pédagogue de
formation, que le ministre, comme certains élèves, éprouve
plus de difficultés que d'autres à assimiler certaines
réalités.
Je conclus, M. le Président, en disant que l'an dernier, à
pareille date, le ministre bombait le torse en claironnant qu'il n'était
pas question de pratiquer un fédéralisme de quêteux. Un
autre avatar du fédéralisme. Il y a un an, c'était un
fédéralisme de quêteux. Aujourd'hui, en quémandant
des offres du Canada anglais: Faites-nous des offres, s'il vous plaît, je
suis obligé de constater qu'il a repris son bâton et sa
sébile pour retomber dans la mendicité. J'ai rêvé un
instant qu'on pourrait se retrouver côte à côte sur la
même tribune à l'occasion du référendum sur la
souveraineté. Les circonstances et les intentions et le discours du
gouvernement m'obligent malheureusement à renoncer à un tel
projet. C'est dommage.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député. Nous allons maintenant, à moins que M. le ministre
désire dire quelque chose pour quelques minutes, procéder
à la période d'échanges.
M. Gil Rémillard (réplique)
M. Rémillard: M. le Président, très
rapidement parce que le député de Lac-Saint-Jean terminait ses
remarques en me référant à ce que j'avais dit l'an dernier
lorsque nous étions à quelques jours de l'échéance
de l'entente du lac Meech, le 23 juin. On était aux crédits et il
répétait mes paroles, qu'on ne ferait pas de
fédéralisme de quêteux, et c'est très vrai que j'ai
dit ça. La population nous a vus agir jusqu'à la fin, jusqu'au 23
juin, entre autres à Ottawa, lorsque nous avons passé sept jours
à Ottawa, sept nuits aussi. Pour nous, il n'était pas question de
céder quoi que ce soit des droits du Québec et jamais, d'une
façon directe ou indirecte, on n'a montré que le Québec
pouvait avoir des intentions de pouvoir faiblir ses positions d'aucune
façon. On a été présents, on a fait valoir nos
intérêts, ça n'a pas marché, très bien. On
tourne la page, on va faire d'autre chose, on va faire quelque chose de mieux.
Ce n'est pas plus complique que ça. Mais du fédéralisme
à genoux, quêteux, on ne fera jamais ça. Jamais!
Voilà, M. le Président, simplement ce que je voulais ajouter.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Nous
allons maintenant débuter la période de questions,
d'échanges, en reconnaissant évidemment M. le
député de Lac-Saint-Jean.
Discussion générale
Approche Allaire ou approche Bélanger-Campeau?
M. Brassard: J'ai une série de sujets qui portent, pour
l'essentiel, sur le dossier constitutionnel, que je voudrais aborder avec le
ministre. D'abord, concernant la position même du gouvernement en
matière constitutionnelle. On sait que le gouvernement est en face de
deux approches qui sont quand même relativement différentes.
D'abord, l'approche du rapport Allaire. Le rapport Ailaire, tel
qu'adopté par le congrès du Parti libéral en mars dernier,
est très clair. Il demande au gouvernement de présenter - donc
l'initiative appartient au gouvernement du Québec - au gouvernement
fédéral une proposition fondée sur, évidemment, le
contenu du rapport Allaire. Donc, c'est le gouvernement du Québec qui
prend l'initiative, qui est à l'origine de la démarche, qui
présente au fédéral une proposition, met sur la table une
proposition et ce dernier amorce ensuite des discussions sur cette
base-là, alors que la Commission Bélanger-Campeau a une approche
différente, c'est de se mettre en position d'attente, de ne pas faire
d'appel d'offres même, c'est d'attendre des offres. Et s'il y a des
offres, à ce moment-là, elles seront examinées par une
commission parlementaire créée à cette fin. Je comprends
d'ailleurs que c'est cette deuxième approche, qui est celle du
gouvernement, parce que si j'ai bien compris le discours du ministre, c'est
ça qu'il nous a dit, c'est qu'il se mettait en position d'attente, que
le gouvernement du Québec attendait des offres venant du Canada, mais
que l'approche du rapport Allaire était écartée,
c'est-à-dire qu'on ne verra pas le gouvernement du Québec
présenter une proposition constitutionnelle au gouvernement
fédéral pour amorcer des discussions bilatérales avec ce
dernier.
J'aimerais que, dans un premier temps, le ministre nous précise,
nous clarifie la position constitutionnelle de ce gouvernement. Est-ce que
c'est l'approche Allaire: On initie une démarche, on dépose une
proposition? Ou est-ce que c'est l'approche Bélanger-Campeau: On attend
des
offres à venir du Canada anglais et quand elles seront
arrivées, on les analysera en commission parlementaire.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre. M.
Rémillard: Oui, M. le Président.
M. Brassard: Autrement dit, c'est quoi, la politique officielle
du gouvernement sur le plan constitutionnel, étant donné que M.
Bourassa, en février 1991, avait indiqué qu'on attendrait
jusqu'à l'automne pour déterminer une politique constitutionnelle
officielle? On est obligé de convenir actuellement que le gouvernement
du Québec n'a pas de position constitutionnelle officielle. Le Parti
libéral du Québec en a une, adoptée à son
congrès, la Commission Bélan-ger-Campeau a fait, elle, des
recommandations et a déposé son rapport, mais le gouvernement,
lui, c'est quoi, sa position constitutionnelle? Est-ce qu'elle a
été discutée et adoptée au Conseil des ministres?
Ou est-ce que, comme l'indiquait M. Bourassa, en février dernier, son
adoption sera reportée à l'automne? (10 h 45)
Le Président (M. Lafrance): Est-ce que votre question est
terminée, M. le député?
M. Brassard: Oui.
Le Président (M. Lafrance): Alors, M. le ministre.
M. Rémillard: Oui, merci, M. le Président. Tout
d'abord, je crois que c'est intéressant de souligner cette
démarche éminemment démocratique pour un parti politique
qu'a été le rapport Allaire. Démocratique parce que plus
de 4500 membres du Parti libéral ont été consultés
dans toutes les régions du Québec. Le comité de travail a
pu consulter des militants libéraux de toutes les parties du
Québec, des régions du Québec. Il a entendu des experts.
En fait, un processus éminemment démocratique qui aboutit
à ce rapport, un bon rapport qui a été bonifié par
le congrès, entre autres, sur deux aspects.
J'entendais tout à l'heure le député de
Lac-Saint-Jean mentionner ces deux aspects. Il ne les a pas beaucoup
commentés, j'en suis surpris, mais je les reprends, ces deux aspects. Un
premier aspect, c'est concernant le Sénat, disant que nous n'acceptons
pas le Sénat dans sa forme actuelle - nous pouvons penser à une
nouvelle structure - et aussi en ce qui regarde un aspect extrêmement
important qui, pour moi, était très important, fondamental; c'est
le respect de la Charte des droits et libertés. Parce que dans le
rapport Allaire, il est bien mentionné que les Québécois,
comme je le mentionnais moi aussi dans mes notes introductives de tout à
l'heure, veulent exprimer leur spécificité mais qu'ils veulent
aussi partager ce qu'ils ont en commun avec le Canada. Comme on le dit dans le
rapport Allaire, nous avons beaucoup à partager avec le reste du Canada:
des valeurs de démocratie, de liberté, de justice,
d'équité. J'ai insisté pour que. dans le rapport Allaire,
on puisse avoir cette dimension de l'application d'une Charte canadienne des
droits et libertés. Quand on pense, M le Président, que 23 pays
européens sont liés par la convention européenne, qu'une
Cour de justice européenne est là et qu'elle applique cette
Charte avec prépondérance sur les lois, les règlements,
les mesures qui peuvent exister dans les différents pays et avec les
conséquences qu'on connaît, la jurisprudence de la Cour
européenne est extrêmement intéressante, extrêmement
éloquente. Ça va des questions linguistiques en Belgique aux
questions de la liberté d'information en Angleterre. C'est
extrêmement important, M. le Président, de bien comprendre cette
dimension-là.
J'entendais tout à l'heure le député de
Lac-Saint-Jean nous dire que la Charte canadienne des droits et libertés
était l'occasion de niveler l'ensemble des Canadiens, qui était
un principe d'égalité pour l'ensemble des Canadiens. Non,
absolument pas! C'est un principe de respect, de démocratie, de
liberté, d'équité, de justice. C'est dans ce
contexte-là, M. le Président, que le rapport Allaire a
été bonifié, en ajoutant cet aspect de la Charte
canadienne des droits et libertés et aussi en ce qui regarde le
Sénat, comme le député de Lac-Saint-Jean l'a
mentionné tout à l'heure. Le rapport Allaire est un bon rapport.
Et avec ces éléments qui ont été rajoutés au
congrès, nous avons un rapport qui reflète, je crois, très
bien ce que les Québécoises et Québécois pensent.
Dans le rapport Allaire aussi, il est fait mention directement d'une relation
avec le rapport Bélanger-Campeau qui, à ce moment-là,
devait suivre.
Il faut se rappeler que le rapport Allaire a été
accepté par le congrès, alors que nous étions en attente
du rapport Bélanger-Campeau. Nous étions dans nos derniers
moments de discussion à Bélanger-Campeau. J'ai été
surpris de voir que le député de Lac-Saint-Jean n'a pas beaucoup
parlé de la Commission Bélanger-Campeau. Je croyais qu'il aurait
mis l'accent sur la Commission Bélanger-Campeau parce qu'il a
joué un rôle très important. Il a été
là à cette Commission Bélanger-Campeau, il a pris
activement part à nos discussions. Il a entendu la population, comme
nous l'avons fait de notre côté.
J'en profite, M. le Président, pour rendre un hommage particulier
à mes collègues du Parti libéral parlementaires qui ont
siégé avec moi sur cette Commission Bélanger-Campeau, qui
ont fait un travail remarquable. Mais, M. le Président, je crois qu'il
faut bien se rappeler nos discussions de Bélanger-Campeau et il faut
bien se rappeler des derniers moments que nous avons vécus à
Bélanger-Campeau pour comprendre vraiment toute la situation. Et, tout
à l'heure, dans ses
remarques, le député de Lac-Saint-Jean faisait
référence à mon intervention ici dans cette Chambre
où, à la suite de discussions que nous avons eues jour et nuit,
parce que même une nuit, à ce que je me souviens, à 4 h 20
du matin, on est arrivés à discuter de trouver un moyen pour
s'entendre, établir un consensus, mais quand je suis arrivé dans
cette salle, M. le Président, où on devait avoir une
dernière réunion pour confirmer ce consensus, je me suis
aperçu qu'il y avait quelque chose qui n'était pas clair et je
voulais que ce soit clair.
Je voulais que ce soit parfaitement transparent, au nom du respect de la
démocratie, de la liberté de choix qui doit être
protégée pour les Québécoises et les
Québécois. Et c'est là, comme le député de
Lac-Saint-Jean l'a dit, que je suis intervenu et j'ai dit que le gouvernement
va gouverner, première des choses, et ça signifie que le
gouvernement pourra tenir un référendum, s'il le juge à
propos, sur des offres qui pourraient nous venir du reste du Canada, utilisant
la loi référendaire qui existe présentement. Tollé
de protestations du côté de l'Opposition, comme si j'avais dit une
hérésie épouvantable. C'était effrayant parce que
je disais que le gouvernement prendrait ses responsabilités en tout
respect pour le peuple québécois et qu'il pourra consulter la
population s'il y avait des offres qu'on pouvait juger
intéressantes.
M. le Président, je suis bien heureux d'avoir fait cette mise au
point, très heureux, sans demander une semaine de plus de discussions.
C'est comme ça que, au dernier moment, d'ailleurs M. Béland l'a
expliqué fort bien, on s'est retrouvés avec un Parti
québécois qui, isolé, a refusé de voter la
conclusion Bélanger-Cam-peau, il ne faut pas oublier ça, M. le
Président.
M. Brassard: C'est sans honte, hein? On n'a aucune honte
là-dedans...
M. Rémillard: C'est que le Parti québécois
n'a pas été les seuls...
M. Brassard: On a voté contre les conclusions.
Une voix: Moi aussi.
M. Rémillard: Non, mais, si vous me permettez.
M. Brassard: Oui. M. Holden aussi. On a voté contre la
conclusion.
M. Rémillard: Le Parti québécois, oui, avec
le Parti Égalité.
M. Brassard: Et avec Lucien Bouchard et Serge Turgeon.
M. Rémillard: Non.
M. Brassard: Oui, oui.
M. Rémillard: Non, non, non.
M. Brassard: Oui, oui.
M. Rémiilard: Non, non, non, non.
M. Brassard: Oui, oui, oui, oui.
M. Rémillard: Non, non. Attendons.
Le Président (M. Lafrance): À l'ordre!
M. Rémillard: M. le Président, qu'on
vérifie...
M. Brassard: Vérifiez les procès-verbaux.
M. Rémillard: M. le Président, je demande qu'on
vérifie...
Le Président (M. Lafrance): Si vous voulez, M. le
député de Lac-Saint-Jean, on va laisser M. le ministre...
M. Brassard: Oui, mais il dit une fausseté. M.
Rémiilard: M. le Président...
Le Président (M. Lafrance): On vous donnera la chance de
revenir.
M. Brassard: II dit une fausseté.
M. Rémillard: M. le Président, qu'on vérifie
les votes qui ont été pris à la Commission
Bélanger-Campeau sur la conclusion et le Parti
québécois s'est retrouvé seul, avec peut-être le
Parti Égalité, j'en conviens...
M. Brassard: Non, non, non, non. Lucien Bouchard et Serge
Turgeon.
M. Rémillard: Attention! M. le Président, c'est
important. C'est un point important. Si vous me permettez, on va faire deux
distinctions. Il y a eu un premier vote sur la souveraineté. Et
là, la souveraineté, 17-15, c'est le fédéralisme
qui l'a emporté, c'est-à-dire que les gens ont dit: On donne les
deux options. C'est ça qu'on a dit avec ce vote, les deux options sont
là, pour respecter le voeu de la population du Québec. Ça,
c'est un premier vote 17-15.
Ensuite, on a voté sur la conclusion. Et là, il y a eu
division, encore une fois. Et le Parti québécois a voté
seul contre une partie de la conclusion. Ensuite, on est revenus sur un vote
global de la résolution où nous avons fait consensus. J'explique
cette démarche, M. le Président, pour répondre à la
question le plus complètement possible du député de
Lac-Saint-Jean, parce qu'il faut voir par là toute la
démarche que nous avons faite au niveau de
Bélanger-Campeau, nous du gouvernement, pour expliquer notre position
constitutionnelle. Notre position constitutionnelle, M. le Président,
est fondée sur un principe, le respect du peuple
québécois, la possibilité que les
Québécoises et Québécois choisissent en toute
connaissance de cause. Et pour nous, ce que ça signifie, M. le
Président, c'est la possibilité des deux voies. Et je me suis
battu pour ça au sein de Bélanger-Campeau. Je me suis battu pour
ça et je considère que c'est un droit fondamental d'un peuple
lorsqu'il a à prendre des décisions comme il devra en prendre,
d'avoir devant lui toutes les données, d'avoir devant lui toutes les
possibilités de faire un choix de liberté de
démocratie.
Et dans ce contexte-là, M. le Président, c'est comme
ça que nous avons établi ce principe que nous avons dans
Bélanger-Campeau, des deux voies, principe qui sera
concrétisé dans un projet de loi sur lequel je travaille
présentement avec des légistes. J'ai l'intention, dans les
prochaines semaines, avant le 15 mai, de présenter ce projet de loi, et
ce projet de loi comprendra les deux commissions parlementaires, une qui pourra
recevoir des offres qui nous viendraient du gouvernement fédéra!
et des autres provinces, et l'autre qui étudiera les différents
aspects concernant la souveraineté.
Et, M. le Président, je l'ai dit tout à l'heure et je le
répète, je l'ai dit dans mes notes, pour moi, comme ministre
responsable de ce dossier, je prends l'engagement de faire tout ce qu'il m'est
possible de faire pour que ces commissions puissent travailler d'une
façon la plus efficace possible et aussi avec le maximum de moyens pour
qu'on montre à la population la situation exacte. Si on regarde, par
exemple, cette commission parlementaire sur la souveraineté, les
études que nous avons faites, M. le Président, et je termine
là-dessus, les études que nous avons fartes...
Le Président (M. Lafrance): Je vous demanderais, M. le
ministre, de bien vouloir conclure, s'il vous plaît.
M. Rémillard: Je conclus immédiatement, M. le
Président. Je dirais que les études que nous avons sur la
souveraineté au niveau de Bélanger-Campeau sont
intéressantes, mais elles ne sont pas déterminantes. Alors, on va
y travailler ensemble et on va pouvoir en arriver à des conclusions.
Qu'on fasse témoigner les meilleurs spécialistes au monde, s'il
faut. Qu'on le fasse. M. le Président, je termine là-dessus en
disant que la politique du gouvernement, elle va se concrétiser dans un
projet de loi et j'espère le faire en collaboration avec l'Opposition
pour qu'on puisse exprimer le plus clairement possible les voeux et la
proposition du gouvernement.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre,
j'aimerais...
M. Brassard: M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): ... sur le même
sujet...
M. Brassard: C'est évident, c'est moi qui ai initié
la question.
Le Président (M. Lafrance): D'accord. Parce que M. le
député...
M. Brassard: Là, on peut bien continuer comme ça,
M. le Président...
Le Président (M. Lafrance): D'accord. M. Brassard: Non,
non.
Le Président (M. Lafrance): Je vais vous donner la parole,
s'il vous plaît.
M. Brassard: Oui.
Le Président (M. Lafrance): Je vais vous donner la parole
tout de suite, M. le député de Lac-Saint-Jean, ensuite le
député de Westmount, qui a demandé la parole sur le
même sujet. M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Parce que si l'étude des crédits est
pour être une alternance de discours, moi, je n'ai aucun problème.
Des discours, je suis capable d'en faire, aussi longs que ceux du ministre.
Aucun problème. Je vais prendre sujet par sujet, je vais en faire un de
20 minutes, il en refera un de 20 minutes...
Le Président (M. Lafrance): J'aimerais...
M. Brassard: ...s'il veut. On va alterner les discours. Si c'est
ça qu'il veut.
Le Président (M. Lafrance): J'aimerais me permettre une
remarque. C'est qu'à un moment donné...
M. Brassard: Je veux échanger moi... Le
Président (M. Lafrance): D'accord.
M. Brassard: ...sur des sujets bien précis, mais pas de
s'en aller de Charybde en Scyila et en passant par l'Europe et l'île de
Zanzibar, qu'il réponde aux questions que je lui pose et je lui en
poserai d'autres après.
Le Président (M. Lafrance): D'accord J'aimerais soulever
le fait que vous êtes intervenu, à un moment donné, durant
que M. le ministre répondait, ce qui a un peu animé le
débat. Alors, je vous laisse la parole, M. le
député.
M. Brassard: Merci. Avant de revenir à la question, on va
d'abord rétablir les faits quant à la Commission
Bélanger-Campeau. Le vote 15-17, c'est un vote sur la
souveraineté et les 17 ont voté contre la souveraineté.
Ils n'ont pas voté pour le maintien des deux voies côte à
côte, non, non. Non, non, non, non. Vous êtes parmi les 17, vous
avez voté contre la souveraineté. Comprenons-nous bien. Et les 15
qui ont voté pour, ont voté pour la souveraineté.
C'était ça, le sens du vote 15-17. C'était pour ou contre
la souveraineté comme statut futur du Québec. Vous êtes
parmi les 17, vous avez voté contre la souveraineté. Votre vote
ne signifie pas que c'était pour laisser côte à côte
les deux voies. Non, non, non. Non, non. Soyons clairs, vous avez voté
contre la souveraineté. (11 heures)
Deuxièmement, quant aux conclusions, oui, le Parti
québécois a voté contre les conclusions parce qu'il ne
faisait pas un choix. Il laissait les deux voies de solution, le
fédéralisme renouvelé et la souveraineté, sur le
même pied, côte à côte, en parallèle. On
n'était pas d'accord avec ça, on voulait que la Commission fasse
un choix. On a donc voté contre les conclusions. M. Holden aussi a
voté contre, pas pour les mêmes raisons que nous, et Lucien
Bouchard et Serge Turgeon ont voté contre. Allez chercher les
procès-verbaux, vous dites une fausseté. Ce n'est pas vrai que
les péquistes étaient tout seuls, isolés. Sur les
conclusions, Lucien Bouchard a voté contre et Serge Turgeon a
voté contre aussi. Ceci pour rétablir les faits.
Deuxièmement, ma question. J'y reviens, parce que vous n'y avez
pas répondu. Je ne vous ai pas demandé le processus qui a conduit
au rapport Allaire, je le connais. Je n'ai pas demandé le contenu du
rapport Allaire, je le connais, je l'ai lu aussi. Ce que je vous ai
demandé, c'est quelle était la position constitutionnelle du
gouvernement du Québec. La position du rapport Bélanger-Campeau.
M. Tremblay est en train de lui dire la vérité, il ne reviendra
plus là-dessus. C'est ça? Très bien.
Une voix: II est très bien renseigné.
M. Brassard: Voilà! Il est très bien
renseigné et on peut déposer les procès-verbaux, s'il
faut. Ce n'est pas plus compliqué que ça. Je me souviens
très bien de ce vote-là. Ceci étant dit, je vous pose la
question: Quelle est la position constitutionnelle du gouvernement du
Québec? Le rapport Allaire, c'en est une position. C'est celle du parti.
Est-ce qu'elle est devenue celle du gouvernement? La position du rapport
Allaire, c'est simple, c'est le gouvernement qui initie la démarche et
le processus et qui fait une proposition, qui dépose une proposition au
Canada anglais, au gouvernement fédéral pour engager ensuite des
discussions bilatérales avec ce dernier. C'est ça, le rapport
Allaire. Le rapport Bélanger-Campeau, c'est tout à fait
différent. Le gouvernement est en attente d'offres venant possiblement
éventuellement du Canada anglais. S'il n'en vient pas, tant pis pour
lui. S'il en vient, elles sont analysées par une commission
parlementaire. C'est deux approches différentes. C'est deux positions
différentes. Ce que je veux simplement savoir, c'est quelle est la
position du gouvernement du Québec? Est-ce qu'il en a adopté une?
Ou est-ce que ça a été discuté au Conseil des
ministres? Est-ce que la position du gouvernement du Québec, c'est celle
qu'il a exprimée dans son discours, c'est-à-dire qu'on se place
en position d'attente d'offres venant du Canada anglais? Si c'est ça,
celle exprimée dans votre discours, vous le dites très
simplement, on va prendre acte: C'est ça, la position constitutionnelle
du gouvernement du Québec. À ce moment-là, ça veut
dire que ce n'est pas celle du rapport Allaire. Ce n'est pas celle du rapport
Allaire, parce que celle du rapport Allaire, c'est une position qui initie une
proposition, qui la dépose au gouvernement fédéral et qui
entreprend les discussions avec le gouvernement fédéral
là-dessus. C'est ça, la proposition du rapport Allaire. Est-ce
qu'il faut la relire et la reciter? C'est très différent. Je veux
simplement savoir c'est quoi la position du gouvernement du Québec.
C'est le rapport Allaire? Donc, à ce moment-là, vous aurez
à déposer une proposition au gouvernement fédéral
pour en discuter avec lui. Ou c'est le rapport Bélanger-Campeau. Vous
vous placez en position d'attente, d'offres venant éventuellement du
Canada anglais. C'est quoi? C'est l'attente ou l'initiative d'une proposition?
Ce n'est pas compliqué à répondre ça.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Brassard: Ne nous égarez pas dans l'Europe des douze
ou...
M. Houde: ...poser une question.
M. Brassard: Ça ne me gêne pas de prendre le temps,
parce qu'il en a pris tellement.
M. Houde: Ce n'est pas si mal.
Le Président (M. Dauphin): Un instant, M. le
député.
M. Brassard: Parce qu'il faut lui expliquer comme il faut.
Le Président (M. Dauphin): Je m'excuse, le
député de Lac-Saint-Jean a droit à 20 minutes, en vertu du
règlement.
M. Houde: Non, c'est parce que ce qu'il a dit tantôt,
c'était trop long.
M. Brassard: II n'a pas compris la première fois, c'est
pour ça que j'explique longuement.
Le Président (M. Dauphin): Est-ce que vous avez
terminé, M. le député?
M. Brassard: Oui, c'est ça. Il attend, ou il prend une
initiative? Ou ils n'en ont pas encore discuté. Remarquez, il peut
bien... M. Bourassa, lui, en date du 22 février, évoque les
nombreuses étapes à venir: Congrès libéral, il a eu
lieu. Rapport Bélanger-Campeau, fin mars, c'est fait. Les rapports
Spicer, ce n'est pas fait, Beaudoin, au gouvernement fédéral, ce
n'est pas fait, 1er juillet. Les audiences sur la constitution en Ontario, au
Nouveau-Brunswick dans d'autres provinces. Il faudra aussi attendre
l'orientation que prendra Ottawa quant à la réforme en profondeur
évoquée la semaine dernière par M. Mulroney. Il faut en
plus laisser au Canada anglais le temps de choisir des interlocuteurs
représentatifs. C'est de Gilles Lesage, 22 février, sur les
positions de M. Bourassa, ce qui reportait, par conséquent, à
l'automne 1991, l'élaboration et l'adoption d'une position
constitutionnelle officielle du gouvernement du Québec. Si c'est
ça, vous pouvez me le dire aussi. C'est ça que je veux savoir: Si
vous en avez une, laquelle? Si vous n'en avez pas, quand est-ce que vous en
aurez une? Ce n'est pas compliqué.
Le Président (M. Dauphin): Question ter minée? M.
le ministre.
M. Rémillard: Question terminée, M. le
Président. Bon! Longue question. M. le Président...
M. Brassard: Vous allez me dire que c'est le peuple qui va
décider, c'est court un peu comme position constitutionnelle
Une voix:...
M. Brassard: II n'en a pas, bien, qu'il le dise, tout simplement.
Il n'en a pas.
Le Président (M. Dauphin): La parole est au ministre.
M. Rémillard: Le député de Lac-Saint-Jean,
habituellement, il est fabuleux, c'est-à-dire qu'il aime les fables.
Hein? La Fontaine, ou bien il cite Cyrano, "c'est un peu court" ou quelque
chose comme ça. Ça met de la couleur, ça met de
l'intérêt.
M. Brassard: Alphonse Daudet.
M. Rémillard: Daudet. Ce sont vos auteurs
préférés. Shakespeare, pour vous?
M. Holden: Shakespeare pour moi.
M. Rémillard: Alors, préparez-vous des citations.
Ce serait bon d'avoir Shakespeare aussi, qu'on puisse...
M. Holden: To be or not to be?" Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: To be or not to be Ça, c'est très
bien.
M. Rémillard: Je trouve que ça fait
intéressant. Préparons-nous des bonnes citations, ça
élève le débat. Je trouve ça intéressant.
Tout à l'heure, le député de Lac-Saint-Jean, parlant
brièvement de la Commission Bélanger-Campeau, parce qu'il n'en
parle pas beaucoup de la Commission Bélanger-Campeau, Je suis toujours
obligé de la lui rappeler, comme s'il avait éliminé
ça de sa conscience... J'ai l'impression qu'il veut éliminer
Bélanger-Campeau de toute notre réflexion. Je ne sais pas
pourquoi. Il n'en parle pas, il ne s'y réfère pas, il demande la
position du gouvernement, il ne veut pas parler de Bélanger-Campeau. Je
comprends qu'il considère le rapport Allaire comme un bon rapport. Moi
aussi, je le considère comme un bon rapport. Mais il faut bien qu'il
comprenne qu'aussi on a eu un complément parce que, si on regarde le
rapport Allaire, c'était bien évident et bien écrit
explicitement. On dit ici, le cas échéant: "ce projet de
réforme pouvant être bonifié le cas échéant
par les instances du parti une fois qu'aura été
déposé le rapport de la Commission Bélanger-Campeau." Le
gouvernement est soucieux de respecter tous les principes
démocratiques.
Le principe de Bélanger-Campeau est éminemment
démocratique, comme pouvait l'être le rapport Allaire que j'ai
mentionné tout à l'heure, une commission représentative de
la position de la population du Québec. Dans ce contexte-là, le
premier ministre, moi-même, des députés qui en ont fait
partie de notre côté, du côté du Parti
libéral, nous avons signé ce rapport de la Commission
Bélanger-Campeau qui, essentiellement, porte sur une démarche,
comme tel. Cette démarche, nous l'avons explicitée par un
addendum signé par le premier ministre et moi-même. D'ailleurs, le
député de Lac-Saint-Jean a eu l'amabilité de la citer tout
à l'heure, s'y référant. Je me permets simplement - je ne
veux pas être trop long - de citer un paragraphe de cet addendum pour
répondre à la question du député de
Lac-Saint-Jean.
Je cite: "Ce rapport nous confirme que deux avenues doivent être
considérées parallèlement dans les discussions et les
décisions qui seront prises touchant l'avenir politique et
constitutionnel du Québec: un réaménagement en profondeur
du système fédéral actuel ou la souveraineté du
Québec. Les autres solutions ne sauraient répondre aux besoins et
aux aspirations de la société québécoise. Les
commissaires recommandent
d'évaluer et de considérer avec une égale attention
et une même rigueur chacune de ces deux options. Il exhorte la population
et le gouvernement à bâtir l'avenir avec les matériaux les
plus susceptibles d'être efficaces et non avec des étiquettes ou
des slogans. Le gouvernement dont nous faisons partie accepte volontiers ce
principe d'action."
C'est clair, M. le Président. Voilà, la position du
gouvernement du Québec. C'est de faire en sorte que les
Québécoises et les Québécois puissent avoir une
liberté de choix, puissent avoir toutes les données pour faire un
choix. Il y a une obligation de résultat qui apparaît comme
conclusion première, et du rapport Allaire et de la Commission
Bélanger-Campeau, et qui amène le gouvernement, dans sa
responsabilité au-delà de toute partisanerie politique, à
situer ce débat au niveau du respect du principe le plus fondamental de
notre société, c'est-à-dire de la démocratie, qu'on
prenne nos décisions en toute connaissance de cause.
C'est comme ça, M. le Président, je termine
là-dessus, que nous allons avoir ces deux commissions parlementaires
pour informer les Québécoises et les Québécois de
toutes les données et je répète que ce qui a
été fait sur Bélanger-Campeau est très
intéressant. Les études que nous avons sur, par exemple, la
souveraineté Québec, ce sont des études
intéressantes, mais non déterminantes. Nous allons faire ces
études, les compléter, avoir les témoignages des plus
éminents experts que nous pouvons avoir et notre devoir -
j'espère que c'est aussi la position de l'Opposition, que l'Opposition
puisse avoir la même position que le gouvernement - est de dire:
Informons les Québécoises et les Québécois. C'est
ça qui devrait être notre objectif. Informons-les le plus
adéquatement possible et respectons l'échéancier. Je peux
vous dire une chose, il n'y a personne qui va venir nous imposer un
échéancier. Le gouvernement du Québec gouverne. Le
gouvernement du Québec va prendre ses responsabilités. Le
gouvernement du Québec va respecter ce qui est décidé
d'une façon évidente par la population, c'est-à-dire que
c'est à nous de prendre nos décisions. Notre agenda, il est
là, nous allons le respecter et personne ne va nous imposer un autre
agenda.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. M. le
député de Lac-Saint-Jean et, ensuite...
M. Brassard: Oui.
Le Président (M. Dauphin): ...M. le député
de Westmount. Je reconnaîtrai M. le député de
Westmount.
M. Brassard: D'abord, premièrement, je prends acte, ce
n'est quand même pas négligeable et insignifiant, que le
gouvernement a mis de côté, sur la tablette, pour ne pas dire dans
la poubelle, le rapport Allaire, puisque le rapport Allaire, essentiellement...
Je vous cite la résolution adoptée par le congrès
libéral: "Qu'afin de donner aux Québécois un cadre
politique et constitutionnel qui réponde à leurs aspirations les
plus légitimes, le Parti libéral du Québec et le
gouvernement qui en est issu s'engagent: a) à présenter le
présent projet de réforme constitutionnelle et politique au
gouvernement du Canada dans les meilleurs délais." Donc, ce que je tire
comme conclusion des propos du ministre, c'est que le gouvernement du
Québec n'a pas l'intention d'appliquer le rapport Allaire et de
présenter un projet, des propositions de réforme
constitutionnelle au gouvernement fédéral. Bien, parfait! Vous
avez choisi la voie de l'attentisme, vous vous placez en attente d'offres
venant du Canada anglais.
Dans cette perspective-là, la question suivante me vient tout de
suite à l'esprit. S'il y a des offres qui vous arrivent du Canada
anglais, il y a une commission parlementaire qui va l'examiner, mais le
gouvernement aussi va l'examiner. Je voudrais savoir de la part du ministre
quelle sera la grille d'évaluation pour juger du caractère
acceptable des offres venant du Canada? Sur quels critères vous allez
vous baser, à partir de quelle grille vous allez vous fonder pour juger
du caractère acceptable des offres venant du Canada anglais? Comment
vous allez arriver à conclure que les offres sont acceptables ou ne sont
pas acceptables, que les offres sont suffisantes ou sont insuffisantes? Les
sondages, comme me souffle mon collègue, M. Holden, ou à partir
de quelle grille, de quels critères vous allez juger du caractère
acceptable des offres, s'il y en a?
M. Rémillard: M. le Président...
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: ...tout d'abord, j'avoue que je suis un
petit peu surpris par cette insistance du député de
Lac-Saint-Jean à ce qu'on aille présenter des offres à
Ottawa. Mais c'est quoi, cette idée-là?
M. Brassard: Je n'insiste pas là-dessus.
M. Rémillard: Qu'est-ce qui pousse le député
de Lac-Saint-Jean à ce qu'on aille quémander des offres au
gouvernement fédéral? Voyons donc si ça a du bon sens,
ça!
M. Brassard: C'est le rapport Allaire.
M. Rémillard: Voyons donc!
M. Brassard: Ce n'est pas moi, ça.
M, Rémillard: Mais c'est ça depuis tantôt
que vous me...
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Lac-Saint-Jean, s'il vous plaît.
M. Rémillard: ...dites: Allez présenter des
offres.
M. Brassard: Moi, c'est la souveraineté, ça fait
longtemps que c'est décidé pour moi.
M. Rémillard: Voyons donc! (11 h 15)
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Lac-Saint-Jean, il y en a juste un qui a la parole. Je vous reconnaîtrai
tantôt.
M. Brassard: II ne comprend pas ce que je dis.
M. Rémillard: Bien oui
Le Président (M. Dauphin): Je vous reconnaîtrai
tantôt.
M. Rémillard: Non, mais écoutez, M. le
Président, c'est que j'ai de la difficulté à le suivre.
Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? J'ai de la difficulté
à le suivre parce que, pour nous, c'est très clair. Il y a eu
l'échec de Meech, très bien. Et puis la population du
Québec a suivi le débat. On en a tiré des conclusions.
D'ailleurs, le premier ministre du Québec, dans cette salle-ci,
solennellement dans une conférence de presse, en a tiré les
conclusions. On l'a suivi, à ce moment-là... On a suivi cette
conclusion jusqu'à maintenant et on va continuer à la suivre. Et
il y a ensuite ces commissions parlementaires, la Commission
Bé-langer-Campeau qu'on a créée. Alors, l'intention du
gouvernement, c'est de légiférer pour concrétiser
législativement, comme je l'ai mentionné dans mes notes
introductives, les conclusions de Bélanger-Campeau. Et pour nous, la
conclusion principale, ce sont ces deux options possibles qui sont là et
qu'on va traiter avec le plus d'attention possible, des offres qui pourraient
nous arriver du gouvernement fédéral mais qu'on n'irait pas
quémander, - ça c'est certain - et l'aspect de la
souveraineté qu'on doit étudier dans toutes ses incidences.
Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, les études
qui ont été faites au niveau de Bélanger-Campeau sont
intéressantes, mais non déterminantes. À partir de
là, la question du député de Lac-Saint-Jean, c'est: Quelle
est votre grille? Quelle est votre critère? On en a un, M. le
Président, un critère. On en a un qui nous guide toujours dans
toutes nos actions. C'est les intérêts supérieurs du peuple
québécois.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Rémillard: C'est ça. Et, en particulier, a quoi
ça se réfère? Ça se réfère aux
revendications historiques du Québec. Ça veut dire qu'on ne perd
pas de droit de veto. Ça, c'est évident. Et ça, je dois
vous dire: Rassurez-vous là-dessus, on n'ira pas abandonner le droit de
veto Si vous voulez un critère, une première conclusion, je peux
vous la dire, celle-là. Ne vous en faites pas. Dormez tranquille.
Reposez-vous. On n'abandonnera pas le droit de veto du Québec. Vous
pouvez être sûr de ça. Mais à partir de là, je
suis en train de travailler à certains documents qui pourraient servir
aux commissions parlementaires. Et, entre autres, un document qui pourra faire
le bilan et l'exposé, l'explication de toutes les revendications
historiques du Québec. On va voir toutes ces revendications historiques
du Québec qui sont là et qui peuvent nous guider.
M. le Président, la commission parlementaire, elle va avoir en
main les outils pour les évaluer, faire des recommandations à
l'Assemblée nationale, au gouvernement, et le gouvernement va prendre
ses responsabilités. Et c'est là que le processus rentre en ligne
de compte, c'est-à-dire si on en arrive à la conclusion qu'il
s'agit d'offres qui sont intéressantes dans le sens de ce que le
Québec a toujours réclamé, le plus légitimement
possible, dans le sens de ce que nous avons toujours voulu avoir, dans le sens
du rapport Allaire, dans le sens de Béianger-Cam-peau, dans ce
contexte-là, si une recommandation positive est faite à la suite
dune étude minutieuse de la commission parlementaire, le gouvernement
pourra, c'est une possibilité, à ce moment-là, utiliser la
loi référendaire et la soumettre à la population par
référendum. C'est une possibilité. Et le gouvernement
prendra sa décision, par respect, toujours, pour le principe
démocratique.
Mais je ne comprends pas, M. le Président, et je termine
là-dessus, l'insistance du député de Lac-Saint-Jean
à ce qu'on aille faire des propositions à Ottawa. Je ne comprends
pas ça. Aller encore s'humilier, dire au gouvernement
fédéral: Bien voyez-vous, c'est ça qu'on veut. Ils le
savent très bien. Ils ont étudié le rapport Allaire. Il
est là. Ils ont étudié Bélanger-Campeau. Ils savent
ce qu'on veut. C'est là. Maintenant, on n'ira pas quêter. Nos
commissions parlementaires sont là, respectant la souveraineté de
cette Assemblée qu'est l'Assemblée nationale du Québec
dans ses champs de juridiction. Et, en conséquence, on prendra nos
responsabilités, en bout de piste, comme gouvernement, pour que ce soit,
en tout dernier lieu, les Québécoises et les
Québécois qui décident. C'est ça, le principe
démocratique, pour moi, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Pour
conclure là-dessus...
M. Brassard: Mon collègue me le permettra sûrement,
pour conclure là-dessus, parce que je
veux bien dissiper le malentendu. Ce n'est pas moi qui vous demande
d'aller faire des propositions de renouvellement du fédéralisme.
Voyons donc! Un souverainiste depuis 30 ans. Mon choix est fait, ça fait
longtemps. Je ne demande pas au gouvernement d'aller faire des propositions de
renouvellement du régime fédéral à Ottawa. Ce n'est
pas ça que je vous demande. C'est les militants libéraux qui vous
le demandent. C'est ça, le rapport Allaire. Ce sont les militants
libéraux que vous admiriez tant tantôt dans votre... Vous en avez
fait l'éloge tantôt. Les militants libéraux en
congrès ont demandé au gouvernement de faire une proposition
à Ottawa en matière de réforme constitutionnelle. Ce n'est
pas moi qui vous demande ça. Moi, je ne vous le demande pas. Soyez
assurés... Moi, je vous demande de faire le référendum sur
la souveraineté en 1992. Ça, je vous demande de le faire. Moi, je
ne vous demande pas de faire des propositions de renouvellement du
fédéralisme. Ce sont les militants libéraux qui vous le
demandent. Alors, je veux simplement savoir si le gouvernement donne suite
à la demande des militants libéraux. Vous me dites: Non, on n'y
donne pas suite. C'est clair. On attend des offres.
À partir du moment où vous attendez des offres, comment
juge-t-on le caractère acceptable des offres? Là, j'ai envie de
vous citer Cyrano, sur la base des intérêts supérieurs du
Québec... Aïe! Le cliché qu'on entend radoter depuis des
mois par le premier ministre: Les intérêts supérieurs du
Québec, qu'est-ce que ça veut dire? Qu'est-ce que ça mange
en hiver, ça? "C'est un peu court, jeune homme", dirait Cyrano. C'est un
peu court. Vous oubliez les intérêts inférieurs aussi en
plus. S'il y a des intérêts supérieurs, j'imagine qu'il
doit y avoir des intérêts inférieurs. Mais ça, c'est
un peu court comme critère.
M. Anctil, directeur général du Parti libéral, est
plus explicite, il dit que le critère et la grille d'évaluation,
ça va être le rapport Allaire. Ça, c'est une position
claire. On va recevoir des offres du Canada anglais et le directeur
général du Parti libéral, qui est probablement plus
près des militants libéraux que bien des ministres... Il y a bien
des députés qui sont très près des militants
libéraux aussi, sur cette base-là, j'en vois deux devant moi.
Alors, M. Anctil dit: Comment va-ton juger les offres venant du Canada anglais?
Très simplement, en prenant le rapport Allaire. Ça va être
ça, la grille. Ça se rapproche, ça s'éloigne ou
c'est très loin ou c'est à des distances intergalactiques du
rapport Allaire, c'est comme ça qu'on va juger... Est-ce que vous
êtes d'accord avec cette déclaration de M. Anctil? Ça,
c'est une position que je trouve intéressante, qui, en tout cas, est
assez limpide. On reçoit des offres. Comment en juge-t-on le
caractère acceptable? À partir du rapport Allaire. La grille, les
critères, c'est le rapport Allaire. Combien y a-t-il de pouvoirs qui
sont rapatriés au Québec dans les offres qui nous viennent du
Canada anglais? Deux, trois, cinq. Comme c'est 22 dans le rapport Allaire,
alors là, ça fait un bon critère, pour dire que c'est
acceptable ou pas. Est-ce que vous êtes d'accord avec M. Anctil,
là-dessus?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: Oui, M. le Président. Il faut lire le
rapport Aîîaire correctement et dans son intégrité,
ne pas prendre juste les morceaux qui font notre affaire. C'est bien
écrit, explicitement exprimé, à 2a: "À
présenter le présent projet de réforme constitutionnelle
et politique, au gouvernement du Canada, dans les meilleurs délais, ce
projet de réforme pouvant être bonifié, le cas
échéant, par les instances du parti, une fois qu'aura
été déposé le rapport de la Commission
Bélanger-Campeau." Or, le rapport Bélanger-Cam-peau a une grande
conséquence, c'est celle de créer deux commissions parlementaires
qui sont là pour informer la population et nous permettre de prendre un
choix éclairé, parce que Bélanger-Campeau reprend
essentiellement la démarche que nous avons dans le rapport Allaire,
c'est-à-dire: référendum qui pourrait se tenir à
l'automne 1992. C'est là. Ou bien des offres qui nous sont faites et que
nous pourrions considérer intéressantes. Donc, il y a une
complémentarité entre le rapport Allaire et le rapport
Bélanger-Campeau. Et cette complémentarité nous permet,
à ce moment-ci, de pouvoir légiférer, donc exprimer la
politique du gouvernement et de l'Assemblée nationale pour
concrétiser donc, en termes législatifs, ce que nous voulons et
qui est apparu comme la conclusion première de Bélanger-Campeau,
c'est-à-dire ses deux commissions parlementaires. Il me semble, M. le
Président, que c'est très clair.
Quand on me parle de grille d'analyse, il me semble que c'est aussi
très clair qu'il va y avoir à cette commission parlementaire non
seulement des membres du parti gouvernemental mais qu'il va y avoir aussi des
membres de l'Opposition et des gens indépendants et des gens d'Equality.
Chacun, dans un esprit toujours de démocratie, va faire valoir son point
de vue. Qu'est-ce que le député de Lac-Saint-Jean voudrait? Qu'on
élimine tout ce processus démocratique? Il serait le premier
à crier: C'est épouvantable, c'est effrayant, c'est de la
dictature! Pas question de dictature; question de respecter le principe
démocratique, qu'on soit ensemble, qu'on l'étudié, qu'on
fasse le point ensemble et qu'on en arrive à une conclusion. Ces
commissions parlementaires vont respecter notre règlement sur les
commissions parlementaires. Elles vont respecter notre façon de faire
ici, au Parlement du Québec, cette Assemblée nationale. À
partir de là, suivons le principe démocratique qui est le
nôtre et la conclusion va s'imposer.
M. le Président, ce n'est pas l'aventure
pour l'aventure. C'est un peuple de maturité, qui a toujours
été déterminé, qui est le peuple du Québec,
qui doit prendre une décision majeure, déterminante dans son
histoire. L'échéancier, il est là: Automne 1992, on devra
prendre une décision et nous formons deux commissions parlementaires
pour étudier les différents aspects qui nous permettront de
prendre une décision la plus éclairée possible.
Est-ce qu'il y a une démarche qui peut être plus
démocratique, qui peut être plus en accord avec toute notre
histoire, notre façon de procéder? M. le Président, si on
avait fait ça avant le référendum de 1980, ça
aurait peut-être pu être différent, sous différents
aspects, pour différentes fins. Mais je crois fermement que c'est le
processus le plus démocratique qu'on peut suivre en accord avec ce que
les Québécois et les Québécoises nous ont dit et
continuent de nous dire. Ils veulent prendre leurs décisions, ils sont
aussi d'accord pour qu'on puisse avoir une ultime négociation, ils ne
veulent pas qu'on aille faire les quêteux non plus, ils veulent qu'on
puisse étudier en toute sérénité et ils veulent
qu'on leur présente les faits. Ils veulent qu'on puisse leur
présenter la réalité des choses et qu'on leur dise: Si on
devient souverains, voici combien ça coûte. Voici ce qui va se
passer. Voici ce qui en est. Et si on reçoit des offres, voici les
conséquences de ces offres, voici ce que ça signifie en fonction
des demandes historiques du Québec, ce qu'on a toujours demandé.
M. le Président, y a-t-il quelque chose de plus démocratique que
ça, qu'on puisse informer adéquatement la population? Mais pour
moi, si on se refusait à une telle démarche, et j'espère
que les remarques du député de Lac-Saint-Jean ne sont pas en
fonction d'un refus, qu'il ne voudra pas offrir sa collaboration pour une telle
démarche, parce que, pour ma part, ça voudrait dire refuser le
respect du principe démocratique qui est au fondement même de
notre société québécoise.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.
Maintenant, je vais reconnaître M. le député de
Westmount.
M. HoWen: Oui, M. le Président. To be or not to be."
Être ou ne pas être. C'est ça, l'allusion littéraire
que je voulais faire. C'est clair que, depuis le 23 juin, le gouvernement n'a
pas de politique de fond sur la question constitutionnelle. C'est clair que le
Parti libéral est déchiré. Être souverainiste,
être fédéraliste, c'est le problème du gouvernement,
c'est le problème du Parti libéral. Le parti du
député de Lac-Saint-Jean n'a pas de problème. Ils savent
ce qu'ils sont. Notre parti n'a pas de problème. Nous sommes 100 %
fédéralistes. Dans un sens, ce n'est pas fou, la position du
gouvernement. C'est que le Québec ne sait pas s'il est souverainiste ou
fédéraliste, à l'heure actuelle. Le gouvernement a
accepté de marcher dans la voie de Bélanger-Campeau. Moi, je
n'appelle pas ça la Commission Bélanger-Campeau, je l'appelle la
Commission Bélanger-Campeau-Rousseau parce que cette
commission-là, en arrière, a été menée par
le secrétaire. Je n'ai jamais, jamais vu n'importe quel genre de
commission être autant menée par le secrétaire qui sifflait
dans l'oreille du président qui allait être reconnu, ce que la
décision allait être. Avec le président Campeau qui
était un péquiste acharné, les deux menaient la
commission. C'est pour ça que je n'ai pas signé, M. le
Président. (11 h 30)
Quand on parle de ne pas signer et de voter contre la Commission
Bélanger-Campeau, il n'y avait que moi, M. le Président. J'ai
voté en faveur du mandat et c'est tout. Pour le reste, c'était
une distorsion de l'histoire du Canada et de l'histoire du Québec et
j'ai voté contre. Même M. Ouellet, à certains moments,
l'autre grand fédéraliste avec nous, s'est abstenu Mais moi, je
suis consistant. Je sais où je veux aller, mais le Québec ne le
sait pas. Je constate qu'il y a des problèmes dans la
société québécoise, II y a des scissions, il y a
des divisions Alors, ce que le ministre nous dit, il va créer une
commission pour commencer à refaire, et j'espère, refaire pour le
mieux, une partie du travail de la Commission Bélanger-Campeau. M. le
ministre, je vous prie de parler à votre "boss"; quand il va nommer les
membres du gouvernement à cette commission-là, qu'il fasse bien
attention parce que, parmi vos députés, il y a un paquet de
souverainistes. Et si cette commission parlementaire est aussi biaisée
que la Commission Bélanger-Campeau et qu'on fait venir les
témoins comme on l'a fait avec la Commission Bélanger-Campeau, on
n'aura pas le niveau de démocratisation que vous voulez, M. le ministre,
parce que, justement, on va réentendre tous ces souverainistes, la
Société Saint-Jean-Baptiste dans une vingtaine de formes et
ça va être encore la même histoire qu'on a eue devant la
Commission Bélanger-Campeau.
Alors, je vous prie, M. le ministre, de dire au premier ministre de
nommer des gens de votre parti, parce que c'est vous qui allez contrôler
la commission. Quand vous pariez de la coopération du
député de Lac-Saint-Jean, c'est bien sûr qu'il va
être là. Mais on sait comment ça marche dans une commission
parlementaire. Le gouvernement contrôle, le gouvernement décide
tout. Alors, on va coopérer, on va être là, on va
questionner, mais, pour l'amour du bon Dieu, M. le ministre, faites nommer
à cette commission-là des gens ouverts d'esprit, ouverts au
fédéralisme et essayons d'avoir maintenant la discussion qu'on
aurait dû avoir avec la Commission Bélanger-Campeau. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député. M. le ministre.
M. Holden: Ça fait longtemps que je voulais dire
ça, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, j'accepte mal,
très mal que le député de Westmount vienne
discréditer la Commission comme il vient de le faire. Et s'il
considérait que cette Commission n'était pas
représentative ou était biaisée, comme il vient de dire,
il aurait dû démissionner et ne pas continuer à
siéger jusqu'à la dernière minute, comme il l'a fait.
M. Holden: J'y ai pensé.
M. Rémillard: Vous y avez pensé. Vous auriez
dû réfléchir un peu plus.
M. Holden: Bien. J'ai réfléchi et j'ai
décidé de ne pas le faire...
M. Rémillard: Vous auriez dû réfléchir
un peu plus.
M. Holden:... parce qu'on est mieux d'être dedans et
critiquer d'en dedans que d'être dehors et critiquer d'en dehors.
Le Président (M. Dauphin): M. le député.
M. Rémillard: Vous étiez deux membres du Parti
Égalité, un qui n'a peut-être pas le droit de vote, mais
qui était là, qui posait des questions, votre chef, M. Libman,
votre chef que vous aimez.
M. Holden: Que?
M. Rémillard: Que vous appréciez.
M. Holden: Que j'aime.
M. Rémillard: Si vous aimez, c'est parce que vous
appréciez. Si vous appréciez, normalement, vous devriez aimer.
J'espère que vous ne faites pas de distinction entre les deux.
M. Holden: J'apprécie le ministre aussi. M.Rémillard: Bien oui.
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Westmount, je vous reconnaîtrai après, s'il vous plaît.
M. Rémillard: On a travaillé ensemble à
Bélanger-Campeau et vos propos me surprennent énormément
parce que ce n'est pas ce que je voyais de votre attitude et vous me
permettrez, M. le Président, pour ma part, de renouveler toute, je
voudrais dire, ma considération et mes remerciements au président
Bélanger et au président Campeau et à M. Rousseau, le
secrétaire, qui a fait un travail remarquable, pour le travail qu'ils
ont fait. Je crois qu'on n'a pas le droit de discréditer ce qui aété fait à cette Commission, malgré les
opinions différentes qu'on pouvait avoir. Vous avez des opinions qui ne
sont pas nécessairement les miennes et moi, je n'ai pas les mêmes
opinions que la vôtre, mais je respecte votre opinion
profondément. Je suis toujours prêt à vous écouter
et à en discuter avec vous.
Et Bélanger-Campeau a été un forum de discussions
pour nous et un très bon forum de discussions. Vous avez voté,
vous avez pris vos distances, c'était votre droit et je le respecte
pleinement. Mais je ne crois pas qu'il est juste de discréditer le
travail de cette Commission Bélanger-Campeau. Maintenant, ce que nous
allons faire au niveau de la commission parlementaire que nous allons
créer sur la souverain-té, comme celle que nous allons
créer sur les offres, c'est un travail de parlementaire. Nous ne serons
que des parlementaires et c'est un travail minutieux que nous allons faire
ensemble.
Et moi, je l'ai dit dans mes notes introduc-tives, je le
répète. Je m'engage comme ministre à faire en sorte qu'on
puisse avoir toutes les données possibles pour pouvoir prendre un choix
éclairé. Vous vous référez à la
souveraineté. Pour ma part, comme ministre, je veux que les
Québécoises et Québécois aient en main, s'ils ont
à se prononcer, toutes les données pour qu'on puisse savoir
où on va. On n'ira pas à peu près, on va savoir où
on va. Combien ça coûte? Qu'est-ce que ça signifie? Quel
sera notre statut. C'est ça, mon but qui m'anime. Et du
côté des offres, qu'on puisse étudier ces offres en
fonction des critères qui ont toujours été les
nôtres comme Québécois, exprimer pleinement ce que nous
sommes, sur le plan culturel comme sur le plan économique, en fonction
des revendications historiques du Québec.
Qu'on les étudie, qu'on se fasse une idée sur tous les
aspects que nous avons pour prendre un choix le plus éclairé
possible. Alors, ce que, M. le Président, je réponds au
député de Westmount, c'est que les commissions parlementaires
vont être formées en fonction de nos règles parlementaires.
Elles vont travailler en fonction de nos règles parlementaires. Et nous
allons, par le fait même, tous ensemble, pouvoir exprimer le plus
clairement possible aux Québécoises et aux
Québécois la réalité des choses dans les deux voies
que nous voulons bien distinguer, mais parallèles en fonction d'une
libre information qu'on doit accorder.
Et j'espère, je le dis en terminant, M. le Président,
qu'on aura la collaboration, au-dessus de la partisanerie politique,
malgré les options qu'on défend de part et d'autre, et qu'on sera
capable de travailler ensemble dans une même optique d'information de la
population.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Vous
avez terminé, M. le député de Westmount?
M. Holden: J'ai des espoirs aussi, M. le ministre. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
Les négociations constitutionnelles
M. Brassard: M. le Président, on reparlera tantôt du
projet de loi. Pour le moment, on va attendre qu'il soit déposé
à l'Assemblée nationale avant de collaborer totalement et
sincèrement. On va attendre de le regarder pour voir s'il correspond
bien à la recommandation de la Commission. Bon. Je voudrais aborder la
question des négociations, M. le Président. Elle m'apparaît
un élément déterminant dans tout le dossier
constitutionnel parce que le gouvernement du Québec, au moins, en tout
cas, officiellement, on connaît sa position, c'est de rejeter
carrément les négociations à 11 gouvernements et de s'en
tenir strictement à la négociation bilatérale avec comme
seul interlocuteur le gouvernement fédéral. Bon, ça c'est
clair.
C'est ça, sa position de négociation. Donc, advenant des
offres jugées acceptables en vertu de je ne sais pas trop quel
critère. En tout cas, supposons qu'on en arrive à des
négociations, elles seront bilatérales, prétend, souhaite
et veut le Québec. Elles seront bilatérales, exclusivement avec
le gouvernement fédéral. Pas de table à 11. Pas de bien
cuit à 11. Bon. Ça, évidemment, ça pose des
difficultés qui ont été, d'ailleurs, mises en relief par
le ministre de la Sécurité publique, M. Ryan, en fin de semaine
dernière, dans une entrevue à la presse, où il disait - et
je le cite - à propos du dossier constitutionnel: "II faut que le
Québec sache ce qu'il veut."
Jusqu'à maintenant, on n'a pas appris beaucoup ce matin, on ne
sait pas ce qu'il veut. Mais lui, M. Ryan, dit: II faudrait que le
Québec sache ce qu'il veut. Dès que les négociations vont
s'engager, c'est là que nous verrons les vraies réactions.
Écoutez-bien, il faut se mettre à table et se parler. Et dans
l'esprit de M. Ryan, c'est des négociations avec l'ensemble des
intervenants constitutionnels au Canada, c'est-à-dire les provinces et
le gouvernement fédéral. On constate un certain désaccord
au sein du Conseil des ministres quant à la façon de
négocier des offres éventuelles de renouvellement du
fédéralisme. La position officielle du gouvernement, c'est: On
négocie à deux, seulement et exclusivement. Il y a
déjà certains ministres dont - et ce n'est pas le moindre -
Claude Ryan lui-même qui dit: II faut se mettre à table et il faut
se parler, tout le monde. Reprendre donc un mode de négociations qu'on a
jugé discrédité, que le premier ministre a jugé
discrédité.
Et puis, ce qui vient compliquer les choses, c'est que tout amendement
constitutionnel, au mieux, exige l'approbation, par voie de résolution,
de sept Législatures sur dix et également l'approbation du
Parlement fédéral, Chambre des communes et Sénat inclus,
pour qu'il puisse être Intégré à la Constitution.
Alors là, j'ai comme un problème, parce que je voudrais
être informé, je voudrais que ce soit le plus clair possible.
Comment est-ce qu'on arrive à intégrer des amendements
constitutionnels qui exigent l'approbation de sept Législatures et du
Parlement fédéral? Au pire, ça peut être
l'unanimité aussi. Sur certains sujets c'est l'unanimité, c'est
les dix Législatures et le Parlement fédéral. Comment
est-ce qu'on arrive à intégrer des amendements constitutionnels
sur la base de cette formule d'amendement mais en ne négociant qu'avec
un seul interlocuteur, le gouvernement fédéral?
Évidemment, en plus, il faut qu'on souhaite que les Législatures
adoptent les résolutions. On ne négocie pas avec eux. On ne
négocie pas avec les provinces, mais il faut que les provinces, par la
voie de résolutions devant les Législatures, adoptent les
amendements constitutionnels requis pour que ça devienne une
réalité, que ça devienne intégré à la
Constitution. Et les provinces, tous les gouvernements provinciaux, l'un
après l'autre, qui se sont exprimés là-dessus, ont dit: II
n'en est pas question. Il n'est pas question qu'on réforme la
Constitution, qu'on renouvelle le fédéralisme à deux. Non,
non. Pas question. Ça, c'est unanime, d'une mer à l'autre, M.
Rae, M. McKenna, M. Wells, Filmon, tout le monde. Ce n'est pas vrai qu'on va
renouveler le fédéralisme à deux. Donc, c'est un refus
catégorique de la négociation bilatérale. Ça veut
dire, ça, que vous aurez beau négocier de façon
bilatérale avec le gouvernement fédéral et concocter une
entente, les provinces vous disent: Si on n'est pas partie prenante, ne comptez
pas sur nous pour faire adopter des résolutions dans les
Législatures Alors là, ça va être l'impasse, le
cul-de-sac. Comment est-ce que vous allez négocier, avec votre choix
d'une négociation bilatérale? Comment est-ce que vous allez
fonctionner? J'aimerais bien ça que vous m'expliquiez la démarche
et comment vous allez en arriver, en ne négociant qu'avec le
fédéral, à faire en sorte que les Législatures des
provinces, sans réticence, sans réserve, vont embarquer dans
votre jeu et jouer le rôle qu'elles doivent jouer en vertu de la formule
d'amendement? Expliquez-moi ça.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: Je vois, M. ie Président, de plus en
plus la préoccupation du député de Lac-Saint-Jean. Il a
peur qu'on n'ait pas d'offres.
M. Brassard: Non.
M. Rémillard: Non?
M. Brassard: Vous savez, ça m'intéresse plus ou
moins les offres qui vont nous venir du Canada anglais. Ce à quoi j'ai
hâte, c'est au référendum sur la souveraineté, au
plus tard le 16 octobre 1992. J'espère que j'aurai plusieurs de mes
collègues libéraux, on va se retrouver côte à
côte ensemble, à ce moment-là. Vous, je vous l'ai dit
tantôt à la fin de mon discours, j'ai quasiment renoncé
à ce qu'on se retrouve sur la même tribune. (11 h 45)
Moi, je suis obligé de faire des hypothèses. Vous attendez
des offres; je suis obligé de faire l'hypothèse qu'il en arrive.
S'il en arrive, il faut que ça se négocie, ça enclenche
des négociations. Or, les négociations, pour vous - c'est clair -
ne doivent être que bilatérales, avec le gouvernement
fédéral. Comme les autres provinces doivent nécessairement
être impliquées dans l'adoption de résolutions et
d'amendements constitutionnels et disent: Si on n'est pas impliquées, ne
comptez pas sur nous pour des résolutions dans les Législatures,
il y a comme quelque chose qui ne fonctionne pas. Il y a comme une grosse
pelletée de sable dans l'engrenage. Ça manque d'huile. Comment
allez-vous fonctionner dans tout ça?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre, à vous
la parole.
M. Rémillard: Oui. Alors, M. le Président, le 27
juin, le Conseil des ministres décidait que, dorénavant, nous
privilégions la voie bilatérale dans nos relations avec les
autres provinces et avec le reste du Canada d'une façon
générale. Ce que ça signifie, c'est que lorsque les
intérêts du Québec ne sont pas en jeu comme tels, nous
n'allons pas dans des conférences interprovinciales ou
fédérales-provinciales. On sait, par exemple, que le premier
ministre du Québec ne s'est pas rendu à la conférence des
premiers ministres provinciaux qui a Heu chaque année. Cette
année, c'était à Winnipeg.
On sait, par contre, qu'à certaines occasions, nous sommes
allés à certaines conférences interprovinciales et
fédérales-provinciales à 11, parce qu'on jugeait que les
intérêts du Québec étaient en jeu. Le domaine de
l'énergie, il s'agissait de savoir si la crise du Golfe... À ce
moment-là, on ne savait pas exactement quelles pourraient être les
conséquences quant à l'approvisionnement en matière
d'énergie, de pétrole. Alors, il fallait voir les implications
pour le Québec, et on n'a pas hésité à y aller. Je
pourrais vous donner d'autres exemples, c'est dans mon rapport d'ailleurs,
très clairement.
Mais, très clairement aussi, il n'est pas question qu'on reprenne
des négociations constitutionnelles à 11; ça, c'est
terminé. Ça ne nous empêche pas, si on veut discuter avec
une province, de pouvoir le faire. J'ai rencontré moi- même mon
vis-à-vis albertain, par exemple, il n'y a pas tellement longtemps. Et
M. Bourassa va rencontrer M. Getty très prochainement, lundi prochain.
Ils peuvent discuter de bien des dossiers parce que nous avons beaucoup de
dossiers, et l'Alberta a toujours été un allié, je dirais
naturel avec le Québec. Je me réfère, par exemple, au
libre-échange. Avec le libre-échange, nous avons toujours
travaillé en étroite collaboration avec l'Alberta. Et maintenant
que nous parlons du Mexique, il est intéressant qu'on puisse discuter
avec l'Alberta pour voir comment eux aussi peuvent apprécier les
situations et comment on peut travailler ensemble.
Mais on ne reprendra pas une ronde de négociations à 11;
ça, c'est terminé. Quand vous avez un premier ministre qui refuse
de respecter sa propre signature... Je pense que toutes les
Québécoises et tous les Québécois l'ont vu
directement sur leur écran de télévision; et ils
n'accepteraient pas de voir leur gouvernement s'asseoir de nouveau à une
table avec ces gens-là pour négocier une entente
constitutionnelle, c'est clair. Ça n'empêche pas le premier
ministre du Canada de convoquer les conférences constitutionnelles qu'il
veut. Ça n'empêche pas le gouvernement fédéral de
prendre les moyens qu'il veut pour tenter d'en arriver à des offres pour
le Québec, mais le Québec n'en fera pas partie, pas dans un forum
à 11.
Qu'ils les amènent, leurs offres! Qu'ils fassent leur travail! Et
dans ce travail, je dirais, dans une première étape, le
gouvernement fédéral lui-même a à faire ses devoirs.
C'est-à-dire que, quand on regarde le gouvernement fédéral
en fonction du dernier budget de M. Wilson, avec une dette accumulée de
plus de 450 000 000 000 $ - imaginez-vous - quand on regarde que nous faisons
face à une récession économique que, pour la
première fois de notre histoire, nous avons nous-mêmes
créée... Elle ne nous vient pas des États-Unis. Elle ne
nous vient pas d'ailleurs. On l'a faite, on l'a créée. Et
pourquoi avons-nous cette récession économique, M. le
Président? Parce que nous avons eu à subir des taux
d'intérêt inacceptables pendant tellement longtemps. Et pourquoi
ces taux d'intérêt, M. le Président? Parce que nous avons
eu, entre autres, dans une province, qui est l'Ontario, une surchauffe
économique, une province qui a augmenté ses dépenses
publiques d'une façon inconsidérée, inacceptable,
créant une inflation, obligeant la Banque du Canada à utiliser le
remède de cheval qu'on connaît avec les taux
d'intérêt, suscitant, par conséquent, une valeur du dollar
surévalué qui cause un tort extrêmement dur à
l'économie québécoise. Donc, ce que je dis, c'est que,
d'une part, il faut aussi penser à un fédéralisme plus
intégré. Ça, c'est une dimension qu'il ne faut pas
oublier.
Il y a un fédéralisme beaucoup plus profondément
décentralisé qui s'impose de par la réalité des
choses. Je donnais ces chiffres, M. le
Président, pour démontrer que ça ne fonctionne
plus, ce pays. Ce pays doit retrouver son efficacité et retrouver une
efficacité, ça veut dire revoir fondamentalement le rôle
des gouvernements et revenir à un fédéralisme
profondément modifié, changé, décentralisé,
mais aussi beaucoup plus intégré pour qu'on puisse avoir nos
responsabilités et vivre ensemble dans un contexte économique qui
ne soit pas préjudiciable à certaines régions, à
certaines provinces parce que certaines autres provinces, certaines
régions ne font pas leur devoir.
Donc, au départ, il y a un gouvernement fédéral qui
doit faire ses devoirs: éliminer les dédoublements. Je le vois
dans la question du développement économique régional. Le
député de Lac-Saint-Jean ne m'a pas encore interrogé
là-dessus, peut-être qu'on va en parler. Bon! Le
développement économique régional...
M. Brassard: . écart iller, je vais peut-être vous
poser des questions là-dessus.
M. Rémillard: M. le Président, vous calculerez le
nombre de minutes, les minutes que vous avez passées à me poser
des questions et vous allez voir que mes réponses ne sont pas
exagérées. Je veux simplement vous donner des pistes, un peu.
Une voix: II n'en a pas besoin.
M. Rémillard: Le développement économique
régional, que le gouvernement fédéral fasse son travail
là-dessus.
Alors, en terminant, ce que je vous dis, M. le Président, c'est
que nous allons respecter le principe qui a été accepté
par le Conseil des ministres, à l'effet que nous ne négocierons
pas dans un forum à 11, que le gouvernement fédéral et les
autres provinces fassent leurs devoirs et on verra ce qu'ils peuvent nous
offrir.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Je vais
maintenant reconnaître M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Bien, sur le développement régional,
Je suis bien prêt à reconnaître volontiers que vous faites
votre travail, sauf que - c'est vous-même qui l'avez dit - ça ne
marche pas. Ça fait deux ans et demi que vous zigonnez. Ça, c'est
vraiment un bel exemple de fédéralisme de zigonneux. On zigonne,
on tapon-ne, on tataouine et il n'y a rien qui avance; c'est bloqué bien
raide. Alors, c'est la même chose dans la formation professionnelle.
Alors, vous pouvez bien vous complaire dans les hautes sphères de la
philosophie fédéraliste, sur le terrain des vaches, le
fédéralisme, il ne marche pas. Je n'ai pas besoin
d'élaborer davantage, j'ai juste à prendre votre discours, c'est
ça que vous nous dites.
Ceci étant dit, vous êtes un constitution-naliste de
métier, de profession. Vous reconnaissez que pour qu'un amendement
constitutionnel puisse être intégré à la
Constitution, vous avez besoin de l'appui d'au moins, en plus du Québec,
six provinces qui doivent faire adopter des résolutions par leur
Législature et plus le Parlement fédéral. Ça,
j'imagine qu'on n'a pas besoin d'élaborer davantage, comme
constitution-naliste de profession, vous le savez, vous avez besoin de cet
appui-là.
Ce que les provinces vous disent, c'est que si on n'est pas partie
prenante de la négociation, ne comptez pas sur nous, c'est ça le
message qu'ils vous disent. J'espère que vous l'entendez, ce
message-là. Les provinces vous disent: Si on n'est pas partie prenante
de la négociation, ne comptez pas sur nous. Ça va prendre du
temps avant qu'il y ait des résolutions qui aboutissent aux
Législatures pour adoption. Donc, votre négociation à
deux, ça peut vous faire plaisir, vous donner des satisfactions, sans
doute, mais c'est inéluctablement voué à l'échec,
en partant. Vous allez vous engluer dans la mélasse constitutionnelle,
inévitablement, parce que vous aurez beau négocier un projet de
renouvellement du fédéralisme avec le gouvernement
fédéral, à supposer que ce dernier soit favorable et soit
d'accord pour aller dans le sens que vous désirez - faisons la
supposition - vous aurez beau négocier ça avec le gouvernement
fédéral, le Parlement fédéral aura beau adopter les
résolutions en conséquence, ça ne fait pas de votre projet
de renouvellement une réalité pour autant. Vous avez besoin de
l'appui d'au moins six provinces par le biais de résolutions de leur
Législature. Et le message qu'ils vous disent, c'est que si on n'a pas
été impliqués dans la négociation de votre projet
de réforme avec le fédéral, si vous ne nous avez pas
considérés comme partie prenante, merci beaucoup, ne comptez pas
sur nous. Ils n'attendent pas que vous ayez négocié votre projet
avec le fédéral pour vous le dire, - moi, je les trouve bien
gentils - ils vous le disent tout de suite. Ça ne marchera pas. C'est ce
qui fait que votre collègue de la Sécurité publique, lui,
il a compris ça. Lui, il a compris que si on veut s'engager dans la voie
du renouvellement du fédéralisme, on n'a pas d'autre choix que de
s'asseoir avec tous les intervenants constitutionnels, non seulement le
gouvernement fédéral, mais les gouvernements provinciaux aussi et
que la négociation à 11, vous aurez beau la juger
discréditée, comme vous voulez, vous aurez beau l'écarter,
la mettre de côté, si vous voulez renouveler le
fédéralisme, vous n'aurez pas le choix d'y revenir un jour ou
l'autre. C'est ça que M. Ryan a compris. Et je constate qu'il y a un
désaccord profond entre vous et M. Ryan sur cette
question-là.
Moi, ce n'est pas mon opinion, remarquez bien. Les négociations
bilatérales, vous avez beau y aller gaiement, mais je suis convaincu que
ça
ne peut pas marcher. Ça ne peut pas marcher, donc on va aboutir
le plus vite possible à l'événement
référendaire sur la souveraineté. Tant mieux. Tant mieux
pour moi. Je n'ai pas de problème avec ça. Mais j'essaye de me
placer dans la logique du système, dans la logique du régime. La
logique du régime vous oblige, un jour ou l'autre, à vous
retrouver à 11 autour d'une table. C'est incontournable sur le strict
plan juridique et constitutionnel, à moins que vous ne me disiez: Je
négocie avec le gouvernement fédéral et après
ça, je négocie avec chacune des provinces
séparément. Bien là, bonne chance. Ça va prendre un
joli temps. Là, c'est sûr qu'on va le tenir avant, le
référendum sur la souveraineté, à moins que vous
n'amendiez la loi pour en repousser l'échéance. C'est toujours
possible aussi, hein. Vous y pensez sûrement. Mais vous êtes dans
un cul-de-sac, là. Il faut que vous l'admettiez, sinon c'est ce que
j'appelais tantôt un délit de fuite devant vos
responsabilités. Vous refusez de voir le réel. C'est de la
schizophrénie politique. Vous vous enfermez dans un univers
irréel, mais qui n'a rien à voir avec la réalité
brute des choses politiques.
Comment vous allez vous en sortir? Comment vous pensez aboutir à
un succès en termes de renouvellement du fédéralisme sans
impliquer les provinces et uniquement en considérant le seul
interlocuteur, le gouvernement fédéral? Comment vous pensez faire
ça? Il y a sûrement, je ne sais pas, des recettes, des
panacées... Vous allez faire une neuvaine? Comment vous allez faire
ça? Je suis bien sérieux. Je suis très curieux de savoir
comment vous allez faire ça.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Brassard: Satisfaites ma curiosité. Je vous en
prie.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, vous prenez bonne
note quand même que je laisse poser la question au député.
Il prend tout son temps. Je ris même de ses farces. J'écoute ses
allégories.
M. Brassard: C'est parce que vous cherchez la réponse
pendant ce temps-là.
Le Président (M. Dauphin): Un instant, M. le
député. Chacun son tour. (12 heures)
M. Rémillard: Je prends mon temps. Bien, oui, chacun son
tour, M. le Président, vous avez parfaitement raison. M. le
Président, sur la question de la négociation constitutionnelle,
je répète que nous ne négocierons pas à 11.
Juridiquement, qu'est-ce que ça signifie? Ça signifie que nous
avons une formule d'amendement dans la Constitution depuis 1982 qui nous dit
que certains aspects de la Constitution se modifient avec sept provinces, les
Assemblées législatives de chacune des provinces qui votent une
résolution et qui totalisent 50 % au moins de la population du
Québec, et le Parlement canadien. Ensuite, il y a l'unanimité. Il
faut que toutes les provinces soient d'accord, pour certaines modifications,
entre autres la formule d'amendement. Pour changer la formule d'amendement, il
faut que tout le monde soit d'accord. Mais la très grande partie de
notre Constitution se change par le processus du 7-50. Est-ce que ça
veut dire que le gouvernement du Québec doit être partie aux
négociations constitutionnelles avec le reste du Canada, à une
table à 11, pour respecter ce que nous avons dans la Constitution? Et la
réponse est claire, c'est non; pas besoin.
Je vous dis: Que le gouvernement fédéral prenne ses
responsabilités, que le gouvernement fédéral fasse preuve
de leadership - bon Dieu! C'est à peu près temps - et que le
gouvernement fédéral réunisse les autres provinces, s'il
veut les réunir. Qu'il discute avec eux, qu'il propose des modifications
constitutionnelles et, ensuite, nous, quand Ils auront fait leur devoir, on
verra ce qu'ils ont à offrir. On peut discuter avec le gouvernement
fédéral, on peut discuter avec une province en particulier, mais
c'est clair, M. le Président, qu'on n'ira pas s'asseoir à la
même table que des premiers ministres qui ont refusé de respecter
leur propre signature et qui sont encore à cette table. C'est
impossible, ça. Impossible. Il y a quand même des limites.
Ça surfit.
Le Président (M. Dauphin): M. le député.
M. Brassard: Là, je comprends très bien. J'ai
compris, j'ai bien compris. Donc, c'est le gouvernement fédéral
qui a le fardeau et la tâche et le rôle de faire en sorte qu'un
projet de renouvellement du fédéralisme satisfaisant pour le
Québec voie le jour et c'est à lui que revient la tâche
d'obtenir l'assentiment, le consentement, l'appui par résolution de
Législatures des provinces en nombre suffisant, selon les amendements
requis: 7-50 pour la plupart des cas et l'unanimité dans certains cas.
J'ai compris maintenant...
Autrement dit, le gouvernement fédéral, le gouvernement du
Québec, en quelque sorte, se décharge de la tâche de
renouveler le fédéralisme entre les mains du gouvernement
fédéral. C'est au gouvernement fédéral de prendre
son initiative, d'exercer son leadership, comme vous dites: très bien,
parfait. Dans cette perspective-là, d'abord la cote de M. Mulroney a
besoin de remonter un peu, parce qu'il n'est pas en situation d'imposer
grand-chose au Canada anglais, en tout cas, mais laissons ça de
côté. Dans cette perspective-là, ce qui se trame un peu
partout au Canada anglais, ce n'est pas ça,
ce n'est pas ce que vous souhaitez. Ce que vous souhaitez, c'est que le
gouvernement fédéral prenne l'initiative, engage des pourparlers
avec les provinces pour en arriver à un consensus sur un projet de
renouvellement du fédéralisme et, pendant ce temps-là, le
gouvernement du Québec regarde la joute sur la patinoire. Il est dans
les estrades.
Mais ce qui peut se produire maintenant, on l'apprend de jour en jour,
ce n'est pas ça. Ce qui peut se produire, c'est une constituante, c'est
la mise en place d'une assemblée constituante, et là, II y a
plusieurs premiers ministres des provinces qui sont d'accord avec ça. M.
Rae a donné son accord, M. Wells. Il y a des partis
fédéraux qui sont d'accord avec ça, même les
conservateurs sont d'accord avec ça. Là, vous risquez de vous
retrouver avec une assemblée constituante au Canada pour modifier la
Constitution et même concevoir une nouvelle constitution, suivie fort
probablement, parce que, de ça aussi, on en parle largement un peu
partout au Canada, d'un référendum pancanadien sur le projet de
constitution qui aura été concocté par l'assemblée
constituante. Et là, après ça, une fois que le
référendum aura eu lieu, là les premiers ministres des
provinces vont être convoqués et là, ça va
être vraiment le bien cuit.
C'est vraiment la stratégie de l'entonnoir. C'est ça qui
se précise et qui se dessine actuellement au Canada. Les politiciens
sont discrédités. Il faut passer par d'autres canaux, d'autres
moyens et là, l'idée d'une assemblée constituante
s'accrédite de plus en plus. Le Québec risque de se retrouver
avec une assemblée constituante au Canada et risque de se retrouver
après ça avec un référendum pancanadien et
là vous allez manoeuvrer comment à travers tout ça? Moi,
j'aimerais bien là entendre le ministre responsable de ce
dossier-là, au nom du gouvernement, dire quelque chose sur ces
idées-là qui ne sont pas des idées farfelues. C'est des
idées qui trouvent preneurs chez les leaders du Canada anglais,
l'assemblée constituante au Canada pour rédiger une nouvelle
Constitution, un référendum pancanadien qui pourrait suivre.
Comment réagissez-vous à ça? Parce que là, on n'est
plus dans votre scénario. Votre scénario, le gouvernement
fédéral qui négocie avec les provinces un projet de
renouvellement qui donnerait satisfaction au Québec. Ce n'est pas
ça, ça c'est rejeté par tout le monde. Il n'y a personne
qui en veut de ce scénario. Il n'a aucune chance d'être
réalisé, ce scénario-là.
Assemblée constituante et
référendum pancanadien
Le scénario de plus en plus probable et plausible, c'est une
constituante au Canada suivie d'un référendum au Canada. C'est
quoi votre opinion là-dessus comme gouvernement? Vous laissez aller les
choses, vous laissez tout ça se dérouler et probablement
jusqu'à conclusion, jusqu'à ce que ça se fasse, ça
voit le jour. Vous ne réagissez pas? Quelle est la réaction et
l'opinion du gouvernement du Québec relativement à ces
idées-là? Êtes-vous d'accord qu'il y a une constituante au
Canada? Allez-vous y participer comme gouvernement? Êtes-vous d'accord
avec un référendum pancanadien sur un projet de constitution qui
pourrait naître et être élaboré par une telle
constituante? Êtes-vous d'accord avec ça? Donnez-vous votre aval
avec ça? Il serait temps là que le gouvernement du Québec
fasse entendre sa voix sur ces idées-là qui circulent et qui
trouvent de plus en plus preneurs au Canada anglais?
Le Président (M. Dauphin): M le ministre.
M. Rémillard: Oui, M. le Président, si, pour nous,
il y a une chose qui est claire, c'est que c'est aux Québécoises
et aux Québécois de décider de leur avenir constitutionnel
et à personne d'autre. Ce que ça signifie, M. le
Président, c'est: aucun mécanisme - que ce soit une constituante,
que ce soit un référendum, peu importe à quoi vous pouvez
vous référer - aucun mécanisme ne peut venir imposer aux
Québécoises, aux Québécois une réforme
constitutionnelle ou un statut constitutionnel qu'ils n'auraient pas
eux-mêmes décidé pleinement. Une constituante où on
se retrouverait 1 parmi 11 est aussi inacceptable qu'une conférence
constitutionnelle où on se retrouve 1 parmi 11. C'est clair! Un
référendum qui serait la répétition de ce qui s'est
fait dans notre histoire sur la conscription est aussi inacceptable. Pas besoin
d'éiaborer beaucoup là-dessus, M. le Président. C'est
évident que les Québécois n'accepteraient jamais de se
faire imposer un statut constitutionnel par les autres provinces canadiennes et
le gouvernement fédéral. C'est très clair.
Le gouvernement s'est engagé à respecter
Bélanger-Campeau dans ses conclusions. Le rapport Allaire est là,
une démarche est là, une démarche qui oblige des
résultats. Donc, par conséquent, c'est évident que tout
mécanisme qu'on voudrait instituer du côté du gouvernement
fédéral, du côté des autres provinces et qui
pourrait, de proche ou de loin, mettre en cause ce principe que ce sont les
Québécoises et les Québécois qui décident de
leur avenir constitutionnel pour le gouvernement du Québec, c'est
inacceptable. Et ça, je vais être très clair
là-dessus.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. M. le
député.
M. Brassard: Donc, je comprends bien que c'est la position
officielle du gouvernement du Québec, qu'il n'est pas question pour le
gouvernement du Québec de participer, d'une façon ou de l'autre,
à une quelconque assemblée constituante qui pourrait voir le
jour. Parfait! Et je
comprends bien également qu'il n'est pas question pour le
gouvernement du Québec que le Québec participe à un
référendum qui ressemblerait à celui sur la conscription,
ou donc que la majorité des Québécois pourraient aller
dans un sens et que la majorité du Canada anglais pourrait l'obliger ou
le contraindre à aller dans une autre direction, ce qui est
arrivé en 1942. Alors, je comprends bien que vous repoussez à la
fois l'idée d'une constituante et que vous repoussez aussi avec autant
d'énergie et de vigueur l'idée d'un référendum
pancanadien.
M. Rémillard: Vous m'avez entendu et compris.
M. Brassard: Très bien. Mais je fais juste vous signaler
cependant qu'à partir du moment où vous choisissez le
renouvellement du fédéralisme, donc, vous choisissez aussi
d'être un partenaire avec les autres. Il y a comme un peu
d'incohérence dans votre position, c'est-à-dire que vous
souhaitez renouveler le régime fédéral, vous
adhérez au régime fédéral comme système,
puis, en même temps, vous voulez être en dehors. C'est un peu
difficile comme position, reconnaissez-le.
M. Rémillard: M.le Président...
Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le ministre.
M. Rémillard: Nous avons choisi que les
Québécoises et les Québécois se prononcent. C'est
ça, notre choix. Au plus tard en 1992, il y a des choix qui seront faits
et nous voulons que ce choix soit le plus éclairé possible, le
plus démocratique possible. Donc, le choix du gouvernement, M. le
Président, c'est qu'avec ces deux commissions parlementaires que nous
allons créer avec cette loi que je vais présenter dans les
prochaines semaines à l'Assemblée nationale, où
j'espère avoir la collaboration de l'Opposition, avec cette loi donc et
ces deux commissions parlementaires, nous allons étudier les deux voies
possibles: la souveraineté avec tout ce que ça signifie de
conséquences, que les Québécois et les
Québécoises puissent savoir combien ça va nous
coûter, la souveraineté. Qu'est-ce que ça signifie?
Qu'est-ce qu'il y a comme élément économique,
élément politique aussi, culturel, social? Qu'est-ce que
ça signifie, la souveraineté? Je répète ce que j'ai
dit tout à l'heure: les études qui ont été faites
à Bélanger-Campeau sont intéressantes, mais ne sont pas
déterminantes. Comme parlementaires, on va s'asseoir, on va travailler
ensemble, on va mettre ensemble notre énergie pour pouvoir en arriver
à présenter au peuple québécois la situation avec
toutes les données.
D'un autre côté, vous avez la commission parlementaire sur
les offres. Ces offres, quand elles nous arriveront, seront
étudiées à la lumière des positions
constitutionnelles qui ont toujours été les positions
traditionnelles du Québec, avec nos revendications. Ne vous en faites
pas, on n'abandonnera pas le droit de veto, je vous le garantis au
départ.
À partir de là, quel est le choix du gouvernement? Le
choix du gouvernement, c'est d'informer la population le plus clairement
possible. Le premier ministre s'est exprimé très clairement
à ce sujet-là et je vous confirme que, comme ministre, ma
responsabilité va être de mettre toutes les énergies, tous
les efforts avec le Secrétariat aux Affaires canadiennes, avec tous les
autres ministères qui peuvent être mis à collaboration,
pour qu'on puisse présenter à la population du Québec un
choix, un choix libre, déterminant, en fonction de toutes les
données que la population doit avoir.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. M. le
député.
M. Brassard: C'est drôle, je n'entends jamais le ministre
dire qu'on va aussi évaluer le coût, ce que ça nous
coûte de vivre dans le régime fédéral actuel. Il
parle toujours d'avoir une commission qui va évaluer le prix de la
souveraineté, ce que ça nous coûterait, la
souveraineté. Et ce que ça nous coûte, le régime,
j'espère que l'autre commission va l'évaluer aussi. Parce qu'il
nous coûte pas mal cher également, le régime
fédéral. Et ça, les études de la Commission
Bélanger-Campeau sont, à mon avis, déterminantes à
ce sujet-là. Pour le reste, on y reviendra cet après-midi. Mais,
quant au droit de veto, il revient toujours avec ça. Comment voulez-vous
perdre quelque chose que vous n'avez pas? Avez-vous déjà perdu
quelque chose que vous n'avez jamais eu, vous? On n'a jamais eu le droit de
veto. Comment voulez-vous prétendre qu'on l'a perdu? La Cour
suprême aété on ne peut plus limpide, à ce
sujet-là, le Québec n'a jamais eu de droit de veto. Alors, ne
l'ayant jamais eu, comment peut-on l'avoir perdu?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre, dernière
intervention avant de suspendre.
M. Rémillard: Mais pourquoi tenter de vous justifier? Je
comprends les circonstances. À chaque fois que je rentrais dans cette
salle à Ottawa, salle des congrès, salle des conférences,
je pensais à la situation de M. Morin, de M. Lévesque, qui se
retrouvaient un beau matin du 5 novembre 1981, qui s'apercevaient que ça
avait été fait alors qu'ils dormaient paisiblement. Simplement,
je vais vous dire que pour nous, du gouvernement, notre choix premier, c'est
d'informer adéquatement la population pour qu'elle puisse prendre la
décision que nous devons prendre, selon l'échéancier que
nous avons
accepté dans Béianger-Campeau et dans le rapport Allaire,
je devrais dire.
M. Brassard:... au mois de juin 1990, vous vous êtes fait
avoir pareillement.
Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le ministre. Alors,
la commission des Institutions suspend ses travaux jusqu'après les
affaires courantes.
(Fin de la séance à 12 h 14)