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(Neuf heures quarante-sept minutes)
Le Président (M. Dauphin): Mesdames, messieurs, le quorum
étant constaté, je déclare la commission des institutions
en séance ouverte. Nous commençons nos travaux et je vous
rappelle le mandat de ce matin qui est de procéder à
l'étude des crédits budgétaires concernant le
ministère de la Justice, programmes 1 à 10, pour l'année
financière 1991-1992. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements au niveau des parlementaires de la commission?
Organisation des travaux
La Secrétaire: II y a un seul remplacement, M. le
Président: M. Fradet (Vimont) est remplacé par M. Forget
(Prévost).
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Alors, je vous
rappelle que nous avons une enveloppe de six heures pour cette étude,
trois heures ce matin et trois heures cet après-midi, après les
affaires courantes de l'Assemblée. On m'a indiqué qu'il n'y a pas
d'entente au niveau du partage du temps entre les parlementaires. Cependant,
comme président, je tiens à assurer les parlementaires que je
vais être très équitable au niveau du temps, tout en
reconnaissant évidemment que l'Opposition officielle a une situation
privilégiée au niveau de l'étude des crédits.
Alors, j'aimerais souhaiter la bienvenue au ministre de la Justice, lui
demander de nous présenter les personnes qui l'accompagnent ce matin et,
ensuite, lui demander aussi de procéder à ses remarques
préliminaires.
Remarques préliminaires M. Gil
Rémillard
M. Rémillard: Je vous remercie, M. le Président. M.
le Président, c'est toujours un plaisir pour moi de participer à
une commission parlementaire que vous présidez, et de participer
à cet exercice des plus démocratique, cette étude des
crédits du ministère.
J'ai avec moi le sous-ministre de la Justice, Me Jacques Chamberland,
qui est à ma droite, et ma directrice de cabinet, Mme Suzanne
Lévesque, qui est à ma gauche. Remarquez que M. Chamberland
pourrait être à ma gauche et Mme Lévesque à ma
droite! Il n'y a pas de signification dans cette droite et cette gauche;
c'était simplement au point de vue visuel, pour vous identifier.
J'ai aussi avec moi, M. le Président, beau- coup de responsables,
sous-ministres, responsables d'organismes, présidents d'organismes,
fonctionnaires du ministère de la Justice et d'organismes qui
dépendent du ministre de la Justice. Je tiens chaque année
à ce que ces fonctionnaires soient avec nous pour participer à
cette activité parlementaire tellement démocratique et que je
considère comme très importante. La preuve de l'importance que
j'accorde à cet exercice parlementaire, vous pouvez la voir justement
par ces fonctionnaires qui sont avec nous.
Je tiens à ce qu'ils soient ici, tout d'abord parce que je veux
que les membres de cette commission puissent avoir les informations les plus
complètes possible s'il s'agit de questions de détail, de
questions techniques, mais aussi pour faire en sorte que ces fonctionnaires
soient sensibilisés au travail qui se fait aux niveaux
législatif, administratif et exécutif, et qu'on soit donc plus
impliqués en fonction de cette relation qui existe entre
l'exécutif et l'administratif dans la gouverne de l'État. C'est
donc toujours important pour moi, comme ministre; d'avoir ces fonctionnaires
avec moi chaque année pour participer à cette étude des
crédits.
M. le Président, mesdames, messieurs les membres de la commission
des institutions, il y aura bientôt trois ans que j'occupe les fonctions
de ministre de la Justice et, je le dis bien modestement, un travail important
a été accompli dans ces trois années grâce au
travail exceptionnel du ministère de la Justice. Nous nous étions
fixé des objectifs au départ et ces objectifs, nous les
réalisons grâce à ce travail exceptionnel de l'ensemble du
ministère de la Justice. Je tiens donc, M. le Président, à
remercier tout le personnel du ministère pour la tâche qu'il
effectue pour la réalisation de ces objectifs.
Au cours de la dernière année, nous avons
présenté quatre projets de loi à l'Assemblée
nationale et aussi plusieurs gestes administratifs d'envergure, de grande
importance, ont été posés en fonction des grands principes
qui nous guident, soit: la qualité, l'universalité,
l'accessibilité à la justice. Dans le but de tracer un bilan
sommaire de l'activité du ministère de la Justice pour l'exercice
financier 1990-1991, je mentionnerai: premièrement, le 25ème
anniversaire du ministère de la Justice; deuxièmement, le Prix de
la justice; troisièmement, le sommet de la justice;
quatrièmement, le groupe de travail McDonald; cinquièmement, le
groupe de travail Guérin; sixièmement, le groupe de travail
Jasmin; septièmement, le groupe de travail Bouchard;
huitièmement, les cours municipales; neuvièmement, le tribunal
des droits de la personne; dixièmement, la curatelle publique;
onzièmement, la médiation aux petites créances;
douzièmement,
la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels et les centres
d'aide aux victimes d'actes criminels; treizièmement, la violence
conjugale et, quatorzièmement, la réforme du Code civil.
Avant de souligner dans leurs grandes lignes, l'essentiel de ces
mesures, j'aimerais, M. le Président, attirer votre attention sur
l'évolution des crédits et des ressources humaines du
ministère de la Justice. M. le Président, les crédits qui
font aujourd'hui l'objet d'une étude détaillée se
regroupent en cinq grands secteurs: les institutions judiciaires, les
régimes de sécurité du revenu, les services de soutien, le
contentieux et, enfin, le secteur socio-économique. La croissance brute
des crédits du ministère pour l'exercice 1991-1992
représente une majoration de 25 173 400 $, soit 5,7 %
d'augmentation.
Dans un souci de participer à l'objectif gouvernemental de
contrôle de la croissance des dépenses, le ministère a
adopté des mesures administratives permettant de réduire de 7 660
000 $ ses dépenses pour 1991-1992. De plus, en relation avec la mise en
place éventuelle d'un fonds spécial des registres du
gouvernement, le ministère a ajusté, sur une base de neuf mois,
les crédits de la direction générale de l'enregistrement,
ce qui s'est traduit par une réduction additionnelle des crédits
de 3 450 000 $. Alors, cette réduction s'ajoute à la suppression
de certains crédits non récurrents, pour un montant de 2 082 700
$.
Par surcroît, cet exercice s'effectue sans remettre en cause les
principes d'accessibilité, de qualité et d'universalité de
la justice. L'augmentation de 25 173 400 $ s'explique principalement de la
façon suivante: l'accroissement de l'effectif du ministère, 102
postes, pour 2 179 600 $; l'indexation et l'ajustement de la masse salariale
pour 11 770 000 $; l'indexation et l'ajustement des dépenses de
fonctionnement, pour 3 442 800 $; la révision de la tarification des
honoraires des avocats de la pratique privée en matière d'aide
juridique, 4 014 800 $; l'ajustement des coûts des loyers payables
à la Société immobilière du Québec, 4 528
500 $.
L'effectif total autorisé du ministère de la Justice au
1er avril 1991 s'établit à 5087 postes équivalent temps
complet. L'exercice financier 1991-1992 correspond au deuxième volet de
l'ajustement de l'effectif du ministère dans le cadre du plan de
redressement de ses ressources. C'est ainsi qu'aux 172 postes réguliers
obtenus en 1990-1991 s'ajoute une deuxième tranche de 62 postes qui
seront affectés dans les secteurs suivants: Direction
générale des services judiciaires, 19 postes; Direction
générale des affaires criminelles et pénales, 16 postes;
Direction générale des affaires juridiques, 17 postes;
administration du ministère, 10 postes. En plus de ces 62 postes, le
ministère a obtenu 40 postes additionnels qui seront répartis
comme suit: Direction générale des affaires criminelles et
pénales, 25 postes; Direction générale des affaires
juridiques, 8 postes; Direction générale des services juridiques,
4 postes; Commissaire aux plaintes des clients des distributeurs
d'électricité, 3 postes. Cet ajout de ressources
supplémentaires permettra donc au ministère de poursuivre ses
efforts visant à l'amélioration des services offerts à la
population.
M. le Président, le 4 juin 1990 marquait le 25e anniversaire de
création du ministère de la Justice. Cet anniversaire nous a
donné l'occasion de nous rappeler les origines du ministère. En
1965, on se dotait d'un ministère de la Justice. Le Québec,
alors, se démarquait des autres provinces canadiennes en assumant
positivement ses responsabilités et ses obligations. En effet, M. le
Président, l'image de la justice cessait alors de n'être qu'une
institution chargée de poursuivre et de punir; elle devenait
résolument orientée vers la protection et la promotion des droits
des citoyens et citoyennes du Québec. Dans la foulée de la
Révolution tranquille, la création du ministère de la
Justice marquait le point de départ d'une longue série de
réformes et de mesures visant à rendre la justice plus
accessible.
En effet, aujourd'hui, toutes les régions du Québec
bénéficient des services offerts dans les palais de justice, dans
les bureaux d'enregistrement et par certains services de soutien des
différentes directions générales du ministère.
L'aide juridique, pour les plus démunis de notre société,
une meilleure protection du consommateur, la Cour des petites créances,
la Charte des droits et libertés de la personne, la protection de la
jeunesse, la Cour du Québec, le Tribunal des droits de la personne,
l'adoption de la Loi sur le Protecteur du citoyen, de la Loi sur
l'indemnisation des victimes d'actes criminels, de la Loi sur le curateur
public et de la Loi sur les cours municipales sont des réalisations qui,
parmi tant d'autres, ont permis d'exprimer notre vision sociale comme
société.
À juste titre, M. le Président, nous pouvons donc
être fiers de l'administration de la justice et du rôle essentiel
que mes prédécesseurs y ont joué. Grâce à
eux, de grandes réalisations ont marqué ces 25 années.
Permettez-moi, M. le Président, de leur rendre hommage, un humble
hommage, en les nommant et en les réinscrivant ainsi au Journal des
débats. Je suis le 10e ministre de la Justice du Québec. Par
ordre d'as-sermentation, tout d'abord: M. Claude Wagner, du 4 juin 1965 au 16
juin 1966; M. Jean-Jacques Bertrand, du 16 juin 1966 au 23 juillet 1969; M.
Rémi Paul, du 23 juillet 1969 au 12 mai 1970; M. Jérôme
Choquette, du 12 mai 1970 au 30 juillet 1975; M. Gérard D.
Lévesque, du 30 juillet 1975 au 26 novembre 1976; M. Marc-André
Bédard, du 26 novembre 1976 au 5 mars 1984; M. Pierre Marc Johnson, du 5
mars 1984 au 30 octobre 1985; M. Raynald Fréchette, du 30 octobre 1985
au 12 décembre 1985 et mon prédécesseur
immédiat, M. le juge Herbert Marx, du 12 décembre 1985 au
23 juin 1988. (10 heures)
À l'occasion des fêtes du 25e anniversaire du
ministère de la Justice, j'ai annoncé la création du Prix
de la justice. Ce prix vise à souligner la carrière ou les
réalisations d'une personne qui, par sa pensée et son action,
aura contribué à promouvoir d'une manière exceptionnelle
la compréhension et l'accomplissement des valeurs fondamentales de
justice inscrites au coeur de la société
québécoise. À cette fin, des avis invitant à la
proposition de mises en candidature ont été publiés
récemment. Un jury présidé par l'honorable juge en chef du
Québec Claude Bisson devra par la suite me faire part de ses
recommandations. En plus du président, le jury est composé de Mme
Aoura Bizzarri présidente du Collectif des femmes immigrantes, de Me
André Côté, doyen de la Faculté de droit de
l'Université Laval, de M. André Migneault, président de
Moisson Québec et de Mme Francine Pelletier, journaliste.
À l'aube du XXIe siècle, il nous faut questionner le
système de justice traditionnelle. Il nous faut tenir compte de certains
phénomènes propres à notre temps, notamment le
vieillissement de la population et la violence croissante dans les villes.
Aussi, on devra apporter une attention plus grande aux besoins des
communautés culturelles et aux autochtones. D'ailleurs, je reviens d'un
voyage de quelques jours dans le Grand-Nord du Québec et j'ai eu
l'occasion d'échanger avec les communautés inuit sur leurs
besoins en matière de justice. J'espère que, pendant ces heures
où nous aurons à discuter ensemble, j'aurai l'occasion
d'élaborer un peu plus sur mes conclusions à la suite de ce
voyage. Je peux dire dès maintenant que des consultations se
poursuivront entre le ministère et ces communautés afin
d'établir un projet commun, mais je peux déjà vous
assurer, M. le Président, que les échanges ont été
très fructueux. Nous travaillons à des solutions qui
permettraient une plus grande implication des autochtones dans l'administration
de la justice. C'est un défi que nous pouvons réaliser avec, je
crois, beaucoup de bénéfices pour l'ensemble de la
société.
L'accessibilité à la justice, l'universalité et la
qualité des services offerts représentent des défis qui
doivent être constamment renouvelés pour qu'ils puissent s'adapter
à l'évolution de la société et répondre
à ses nouvelles exigences. C'est dans cette perspective qu'une
réflexion collective s'impose, après 25 ans. C'est ce qui m'a
amené à la conclusion que nous devions tenir un sommet de la
justice. Ce sommet, M. le Président, se tiendra du 17 au 20
février 1992, à Québec. Il devrait permettre de faire un
bilan du système actuel, de procéder à une
réflexion majeure sur la justice au Québec et de dégager
de nouvelles orientations qui tiendront compte de l'évolution de notre
société. Il devra nous permettre de prendre des décisions
bien concrètes en fonction de problèmes auxquels nous devons
faire face.
Afin d'être en mesure de pouvoir réaliser efficacement ces
objectifs j'entends réunir, pour les fins du sommet, des
représentants et représentantes des différents milieux de
la société québécoise, de manière à
amorcer une véritable démarche de concertation collective qui
conduira à des solutions concrètes. Afin de définir la
thématique du sommet, j'ai entrepris, l'automne dernier, une
consultation auprès de personnes représentatives de
différents milieux de la société québécoise
et je les ai invitées à me faire part de leurs commentaires sur
les sujets qui, selon elles, devraient alimenter ce sommet. Les sujets qui
m'ont été suggérés jusqu'à maintenant
correspondent, je dois dire, en très grande partie, aux
préoccupations qui m'ont déjà amené à
constituer le groupe de travail sur l'accessibilité à la justice,
sous la présidence du professeur Macdonald, le groupe de travail sur
certains aspects de l'administration de la justice en matière
criminelle, sous la présidence de M. le juge Guérin, et le groupe
de travail sur le régime de la protection de la jeunesse, sous la
présidence de M. le juge Jasmin. J'aurai l'occasion tout à
l'heure de revenir sur ces groupes de travail.
Cette consultation que nous avons faite confirme donc la pertinence des
études que j'ai demandées et l'importance de favoriser une
concertation collective avant d'assurer la mise en oeuvre de ces études.
Parmi les autres sujets qui ont été portés à mon
attention en réponse à ma consultation, certains ont trait aux
questions relatives à la prévention des conflits et à
l'inflation judiciaire.
D'autres sujets portent sur la coordination des intervenants dans le
système judiciaire dans le but d'atteindre un équilibre entre les
défenses des droits individuels et l'expression des droits collectifs
ainsi que sur le caractère répressif, souvent, de certains
aspects du système pénal. Ce sont de tels sujets qui, par leur
diversité, démontrent l'ampleur de la tâche qui nous attend
pour ce sommet.
Pour m'aider dans le choix des orientations du sommet, j'ai tenu
à m'entourer de personnes-ressources impliquées dans le milieu de
la justice. Ce comité d'orientation dont j'assume la présidence
est composé, tout d'abord, du juge en chef du Québec, M. le juge
Claude Bisson, d'une représentante de l'Opposition officielle en la
personne de la députée de Hochelaga-Maison-neuve, Mme Louise
Harel, de la bétonnière du Québec, Mme Sylviane
Borenstein, du président de la Chambre des notaires, M. Jacques
Tas-chereau, du Protecteur du citoyen, M. Daniel Jacoby, du sous-ministre
à la Justice et Sous-procureur général, M. Jacques
Chamberland, du sous-ministre associé aux services correctionnels au
ministère de la Sécurité publique, M. Normand
Carrier, de la doyenne de la Faculté de droit de
l'Université de Montréal, Mme Hélène Dumont, de Mme
Gretta Chambers, journaliste au quotidien The Gazette, et aussi de M.
Jacques Dufres-ne, collaborateur au quotidien La Presse et commentateur
réputé. Ce comité d'orientation tiendra sa première
réunion le 15 avril prochain.
Le sommet de la justice sera saisi des mémoires des groupes de
travail que j'ai formés, tel celui sur l'accessibilité à
la justice. Dans le cadre de ses travaux, ce groupe de travail a
procédé à diverses consultations auprès de la
population en général et auprès de groupes ou
d'associations intéressées à l'un ou à l'autre des
volets de son mandat. Parallèlement à cette consultation, M. le
Président, des rencontres ont eu lieu avec divers intervenants, dont les
juges en chef des différentes cours de justice et des
représentants des communautés culturelles. Le rapport de ce
groupe de travail me sera remis d'ici quelques semaines, puis soumis à
la consultation dans le cadre du processus de préparation du sommet de
la justice. Le mandat de ce groupe de travail, présidé par Me
Roderick Macdonald, permettez-moi de le rappeler, était d'identifier les
moyens permettant d'éliminer les obstacles actuels à
l'accessibilité à la justice et, dans ce but, d'évaluer
l'opportunité de développer des modes alternatifs au
système traditionnel de justice, tels la déjudiciarisation, la
conciliation, la médiation et l'arbitrage, ou bien d'étudier
l'opportunité d'améliorer ce que le système propose
déjà, par exemple la division des petites créances. Aussi,
son mandat comprenait - comprend toujours - d'identifier les divers moyens qui
pourraient être mis en oeuvre, avec ou sans l'intervention du
gouvernement, dans le but de permettre en toute équité aux gens
de la classe moyenne d'avoir accès à des services juridiques et
aussi de faire le bilan du programme québécois d'aide juridique
afin d'en identifier les forces et les faiblesses, de vérifier si ce
programme, dans sa forme actuelle, permet d'atteindre les objectifs
fixés lors de sa mise en place et, le cas échéant, de
déterminer les correctifs qu'il y aurait lieu d'y apporter. Je devrais
recevoir dans les prochaines semaines le rapport final de ce groupe de travail
sur l'accessibilité à la justice.
Quant au groupe de travail Guérin, du nom de M. le juge
Guérin, je vous annonçais, lors de l'étude des
crédits l'an dernier, la formation d'un groupe de travail sur la justice
en matière criminelle. Présidé, donc, par le juge Guy
Guérin de la Cour du Québec, il est composé de Me
René De La Sablonnière, substitut en chef du Procureur
général au bureau de la couronne à Québec, de Me
Jean-Claude Hébert, avocat criminaliste de Montréal, de M. Jean
Marc-Aurèle, chef du service de police de Laval et de M. Claude Poirier,
journaliste. Ce groupe de travail a pour mandat d'étudier les relations
entre les forces policières, les procureurs de la couronne et les
médias. À cela s'ajoutent le recours aux témoins
délateurs dans la poursuite de certains crimes et le rôle des
divers intervenants dans le processus de négociation et de
dépôt de plaidoyer de culpabilité à des infractions
réduites. Le rapport de ce groupe de travail doit me parvenir d'ici
quelques semaines.
Quant au groupe de travail Jasmin, je me permets de rappeler, M. le
Président, la constitution, à la fin de l'année 1990, d'un
groupe de travail interministériel comprenant la Justice et la
Santé et les Services sociaux, présidé par le juge Michel
Jasmin, et concernant l'étude de l'application de la Loi sur la
protection de la jeunesse et de la Loi sur les jeunes contrevenants.
Après plus de 10 ans d'application de ces deux lois, nous avons convenu,
avec mon collègue ministre de la Santé et des Services sociaux,
qu'il était primordial d'évaluer les orientations et les mesures
mises en place par le gouvernement pour soutenir les enfants et les
adolescents, tant en matière de protection de la jeunesse qu'en
matière de délinquance.
Nous avons donc confié à ce groupe de travail le mandat
de: premièrement, faire le bilan de l'application de la Loi sur la
protection de la jeunesse et un constat de son fonctionnement à la
lumière de l'expérience des quelque 10 dernières
années et des objectifs que le législateur s'était
fixés au moment de son adoption; deuxièmement, étudier
également l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants;
troisièmement, dégager des mesures concrètes pour
renforcer les acquis de ces lois et en corriger les difficultés
d'application le cas échéant; quatrièmement, faire toute
autre recommandation pertinente.
Le groupe se réunit régulièrement et une vaste
consultation se poursuit actuellement. Il est intéressant de souligner
que les jeunes bénéficiaires eux-mêmes pourront y faire
valoir leur opinion. Un rapport préliminaire nous sera soumis dans
quelques semaines, soit en juin prochain. Et le rapport final du groupe Jasmin,
comme les rapports Guérin et Macdonald, seront discutés au sommet
de la justice.
Quant au groupe de travail Bouchard, je me permettrai de souligner notre
participation, toujours en ce qui regarde la jeunesse, à un groupe de
travail présidé par M. Camil Bouchard de l'Université du
Québec à Montréal sur les mauvais traitements
infligés aux enfants. Je veux souligner la présence de
représentants du ministère de la Justice à ce groupe qui,
rappelons-le, détient son mandat du ministère de la Santé
et des Services sociaux Son mandat consiste notamment à étudier
la problématique des abus et de la négligence dont les enfants
sont victimes et de proposer des solutions à ces problèmes.
J'ai récemment demandé à mon collègue
d'inclure au mandat du comité Bouchard l'exploration du
phénomène de l'accroissement du nombre de décès de
jeunes enfants causés par l'acte violent d'un parent ou d'un proche.
D'ailleurs, la Commission de protection des droits de la jeunesse
faisait état, dans son dernier rapport d'activités, des faits
suivants, et je les cite: "Pour la période comprise entre le 1er avril
1989 et le 31 mars 1990, les morts violentes d'enfants de moins de 17 ans
représentaient 12,5 % des 216 avis de décès d'enfants
qu'avait transmis le coroner à la Commission." Dans la majorité
de ces cas d'homicide d'enfants, la mort a été causée par
un parent ou un proche de l'enfant. Ce sont des statistiques extrêmement
dures pour une société comme la nôtre. On ne peut pas
demeurer indifférent devant ces statistiques. Pour ma part, comme
ministre de la Justice, cette situation me touche profondément. (10 h
15)
Au nombre des facteurs de risque identifiés par la Commission,
cette Commission qui suit de très près toute cette
problématique, on retrouve tout d'abord les conditions de vie et la
solitude des jeunes mères qui élèvent seules leurs
enfants, les adolescentes qui cachent leur grossesse et les drames familiaux
à l'occasion de séparation ou de divorce.
Permettez-moi, M. le Président, de revenir aussi sur un
thème qui m'est cher, c'est celui de l'accessibilité à la
justice. Nous avons, lors du dernier exercice financier, posé des gestes
concrets dans cette voie. À ce titre, je veux rappeler brièvement
les dossiers des cours municipales, du Tribunal des droits et de la Curatelle
publique.
En ce qui regarde les cours municipales, la Loi sur les cours
municipales et modifiant diverses dispositions législatives est
entrée en vigueur le 1er avril dernier. Comme je le rappelais à
cette occasion, les cours municipales constituent une partie importante de nos
institutions judiciaires. C'est là que bien de nos citoyennes et
citoyens prennent un premier contact avec la justice. Cette loi, qui s'applique
à toutes les municipalités du Québec à l'exception
des villes de Laval, Montréal et Québec, vient uniformiser la
structure et le fonctionnement de cette organisation judiciaire qui, pour
l'essentiel, remonte au début du siècle.
Elle favorise une plus grande accessibilité à la justice
en permettant dorénavant à toute municipalité
d'établir une cour municipale sur son territoire. De plus, dans le but
d'assurer aux citoyennes et aux citoyens du Québec une plus grande
accessibilité à la justice, la nouvelle loi prévoit que
les cours doivent tenir au moins la moitié de leurs séances
après 18 heures. Je voulais m'assurer, comme ministre de la Justice,
qu'un citoyen qui veut contester son billet de stationnement n'ait pas à
perdre une journée, un après-midi, un avant-midi de travail pour
aller contester son billet. C'est un droit fondamental de pouvoir le faire et
qu'on puisse le faire le soir sans être pénalisé dans son
gagne-pain, dans son travail. Cette loi assure aussi l'uniformisation des
règles de procédure ainsi que des tarifs qui sont applicables.
Cette loi vient répondre aux attentes maintes fois exprimées par
le milieu municipal, car elle dote ces institutions des outils
nécessaires pour continuer à rendre une justice de
qualité, rapidement, et une justice accessible avec le moins de
formalisme possible, tant pour les administrations locales que pour les
justiciables de l'ensemble du Québec.
En ce qui regarde le Tribunal des droits, M. le Président, nous
devons dire que la justice n'est pas équitable si elle n'est pas
accessible à tous. Au Québec, nous pouvons être fiers des
principes conférés dans nos Chartes des droits et
libertés. Cependant, ces principes doivent être mis en
application, respectés. C'est ainsi que le Tribunal des droits de la
personne a été institué pour permettre aux citoyens et aux
citoyennes de revendiquer le respect de leurs droits fondamentaux inscrits dans
la Charte. Il existe maintenant un véritable recours à un
tribunal spécialisé et attentif aux problèmes de
discrimination et d'exploitation.
De plus, il convient de souligner un élément important sur
lequel je me permets d'insister. Le coût des procédures devant ce
tribunal est défrayé par l'État lorsque la Commission des
droits est intervenante pour le demandeur, et les dernières dispositions
qui ont permis de finaliser la mise en place du Tribunal des droits ont
été complétées de sorte que ce tribunal est
maintenant en opération. Mme la juge Michèle Rivet a
été nommée présidente de ce Tribunal. Des
assesseurs et arbitres ont aussi été désignés et
c'est un aspect sur lequel je me permets aussi d'insister, M. le
Président, parce que, toujours dans ce but de développer
l'accessibilité à la justice, nous avons tenu à inclure
dans cette réforme de la Commission des droits et des libertés de
la personne et de ce processus de mise en oeuvre de nos droits la
possibilité d'un recours à l'arbitrage. C'est un système
qui annonce beaucoup de résultats des plus intéressants. Je dois
dire que le règlement sur le traitement des plaintes et la
procédure a été adopté le 6 mars et il est
entré en vigueur le 4 avril dernier ce qui veut dire que,
dorénavant, toute demande pourra ainsi être soumise au Tribunal
dans tous les districts judiciaires du Québec. On m'informe
qu'actuellement trois causes sont inscrites au Tribunal.
Je me permets de souligner l'application de la Loi sur la curatelle
publique et la protection du majeur incapable. Je m'abstiendrai, cependant, M.
le Président, de rappeler en détail les améliorations
apportées par les modifications à la Loi sur le curateur public
de juin 1989. J'en avais longuement fait état l'an dernier, lors de
l'étude des crédits. En résumé, la loi assure au
majeur incapable trois régimes de protection, comme on le sait, de
différents niveaux: la curatelle, la tutelle et le conseiller au
majeur.
Par ailleurs, il me faut rappeler le retentissant succès qu'a
connu la campagne sur le
mandat en cas d'inaptitude, c'est-à-dire cette possibilité
pour quelqu'un, lorsqu'il est en capacité, en bonne forme physique, de
confier à quelqu'un en qui il a confiance la responsabilité de
prendre soin de ses biens, de sa personne et des deux à la fois, si
c'est possible, s'il devenait inapte, s'il devenait dans un état
incapable de prendre soin de sa personne ou de ses biens. C'est un très
grand succès et je m'en réjouis comme ministre de la Justice.
En effet, M. le Président, nous avons reçu des centaines
de milliers de demandes de formules de mandat produites par le ministère
de la Justice et par la Commission des services juridiques. Nous avons
maintenant l'absolue certitude, chiffres à l'appui, que cette nouvelle
façon simple de rédiger les mandats répondait à un
besoin réel et pressant. Je me suis associé de très
près à la Commission des services juridiques, au
département aussi, en ce qui regarde le service des communications du
ministère de la Justice et en ce qui regarde la curatelle, pour que la
publicité puisse se faire d'une façon adéquate et pour
sensibiliser le public à ces mandats.
Deux nouvelles brochures sont conçues par le ministère de
la Justice et sont également disponibles. On y donne des conseils
pratiques pour rédiger une requête demandant l'ouverture ou la
révision d'un régime de protection d'un majeur et pour
rédiger une requête en homologation de mandat.
Je me permets d'insister aussi sur un aspect intéressant que j'ai
pu constater dans mes visites des palais de justice. Je me fais un devoir,
comme ministre de la Justice, de visiter les 42 palais de justice. Il m'en
reste quelques-uns à visiter; j'en ai déjà visité
beaucoup et j'ai pu constater le très grand succès de la
médiation aux petites créances. Je me permets d'aborder ce sujet,
M. le Président. Le projet-pilote de médiation aux petites
créances fut instauré à Montréal en 1984, et
à Québec en 1986. Ce service offert à la population est
très apprécié puisque le nombre de dossiers ouverts depuis
sa création jusqu'à ce jour est passé de 775 à
2153, soit une augmentation de 300 %.
En ce qui regarde la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes
criminels et les centres d'aide aux victimes d'actes criminels, comme ministre
de la Justice, je me suis toujours préoccupé des personnes les
plus vulnérables de notre société et je veux parler
principalement, bien sûr, des personnes âgées, des victimes
d'actes criminels et de nos jeunes. Le ministère que je dirige a
l'intention, comme on l'a fait dans le dernier exercice, de s'en
préoccuper d'une façon particulière encore dans le
prochain exercice.
Parmi les moyens à notre disposition, il y a la Loi sur
l'indemnisation des victimes d'actes criminels, en vigueur depuis 1972. Compte
tenu que cette loi n'a subi aucune modification majeure depuis son
entrée en vigueur il y a 19 ans, un groupe de travail restreint a
été formé dans le but d'en évaluer l'application.
Ce groupe de travail a le mandat de réviser la loi et de faire les
recommandations appropriées concernant les critères
d'admissibilité à la loi, les délais de prescription, les
indemnités et la question de la double indemnisation, la notion de faute
lourde et l'administration du régime.
Dans l'exercice de son mandat, le groupe de travail, qui est au niveau
des fonctionnaires, prendra en considération les recommandations du
rapport du professeur Jean Hétu de l'Université de
Montréal et tiendra compte des régimes d'indemnisation
applicables dans les autres provinces ainsi que des autres régimes
d'indemnisation applicables au Québec, notamment celui de
l'indemnisation des victimes d'accidents d'automobiles. Ce groupe de travail
est composé des personnes suivantes: Me Rolande Couture, directrice du
Service d'indemnisation des victimes d'actes criminels de la CSST, M. Richard
Gauvin, analyste à la Direction de la planification et de
l'évaluation au ministère de la Justice et Me Christine Viens,
directrice du Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels. Ce groupe pourra,
au besoin, consulter les personnes ou organismes appelés à
collaborer à l'application de la loi ou concernés par l'aide aux
victimes d'actes criminels. J'ai cru bon de procéder ainsi avec ce
groupe de travail à la suite des événements tragiques de
la Polytechnique et des conséquences qu'on connaît.
Il y a aussi la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels qui a
été un tournant majeur dans révolution de la
législation en faveur des victimes. Le Bureau d'aide aux victimes
d'actes criminels du ministère de la Justice continue, dans le cadre de
cette loi, son travail de coor dination et d'aide financière et
technique aux centres d'aide aux victimes d'actes criminels. Le 26 mars
dernier, nous procédions, à Laval, à l'ouverture d'un
autre centre d'aide aux victimes d'actes criminels. Après
Montréal, Québec, Longueuil, Chicoutimi, Hull, Rimouski et
Trois-Rivières, Laval est donc la huitième ville au Québec
à recevoir les services d'un tel centre conçu pour
répondre aux objectifs de la Loi sur l'aide aux victimes d'actes
criminels, adoptée en juin 1988. Ses objectifs sont de répondre
aux besoins d'information, de sécurité et d'appui moral aux
victimes d'actes criminels. Les centres d'aide aux victimes d'actes criminels
sont de véritables centres d'écoute, de support et de
référence entre la victime et les différents organismes
pouvant résoudre ses problèmes.
La mise sur pied des CAVAC est le résultat de l'effort et du
travail concerté de représentants et de représentantes de
tous les réseaux, que ce soit de la Justice, de la
Sécurité publique, de la Santé et des Services sociaux
ainsi que des autres organismes privés et communautaires du milieu
L'action de ces organismes est bénévole.
le plus souvent, et je dois saluer cette implication communautaire
fondamentale à la réussite des CAVAC. Enfin, les centres d'aide
aux victimes d'actes criminels, puisqu'ils sont proches de la
communauté, sont à même de développer des modes
d'intervention adaptés aux besoins spécifiques des victimes dans
leur environnement.
Lors de l'inauguration de plusieurs de ces centres, j'ai
rencontré des responsables et plusieurs des intervenants
bénévoles de ceux-ci, et je peux vous assurer que le travail
qu'ils font auprès des plus vulnérables est remarquable.
Le 18 mars dernier, lors de la rencontre annuelle du gouvernement avec
les groupes de femmes, j'ai eu le privilège de discuter avec les
représentantes de 27 de ces groupes, dont plusieurs sont
impliquées directement dans l'aide aux victimes; je veux leur rendre
hommage d'une façon tout à fait particulière.
En ce qui regarde la violence conjugale, je ne peux évidemment
passer sous silence ce problème de la violence conjugale qui demeure
toujours préoccupant. Au ministère de la Justice, notre action se
situe à trois niveaux.
Au premier niveau, tout d'abord, le traitement sentenciel des personnes
accusées d'un crime de violence à l'égard d'un conjoint.
À ce sujet, nos engagements pris dans le cadre de la politique
d'intervention en matière de violence conjugale sont
intégralement respectés. Les substituts du Procureur
général sont sensibilisés à cette catégorie
de dossiers et les tables de concertation regroupant les divers intervenants en
région poursuivent leur mission.
Deuxièmement, le second niveau de notre action a trait à
la concertation, à la collaboration interministérielle. Cette
collaboration porte sur trois volets: le repérage des cas de violence
conjugale, la référence de ces cas et, troisièmement, le
traitement des maris violents. La concertation et la collaboration entre les
divers ministères concernés se déroulent fort bien et
d'une façon très effective. Le comité
interministériel sur la violence conjugale voit à aplanir les
difficultés qui pourraient exister dans l'application des politiques de
chacun des ministères et des rencontres de concertation ont toujours
lieu dans chacun des districts.
Le dernier niveau est relatif au traitement des conjoints violents. Un
comité interministériel est en voie d'élaborer un cadre de
référence définitif devant articuler une politique d'aide
aux conjoints violents. (10 h 30)
Finalement, je voudrais terminer en parlant de la réforme du Code
civil. Je voudrais donc aborder un sujet qui me tient particulièrement
à coeur, soit celui de la réforme du Code civil. Le 18
décembre 1990, je présentais à l'Assemblée
nationale le projet de Code civil du Québec dont l'objectif premier est
l'ajustement des règles du Code aux valeurs de la société
contemporaine. Il s'agit du premier projet de loi portant sur la
révision de l'ensemble du Code civil qui est présenté
à l'Assemblée nationale depuis 125 ans. Ce projet donne suite
à plusieurs travaux de réflexion, à de nombreuses
consultations. C'est en 1955 qu'ont débuté les travaux sur la
réforme du Code civil avec l'adoption de la loi concernant la
révision du Code civil. Ces travaux trouvent un premier aboutissement
dans le rapport de l'Office de la révision du Code civil qui a
été déposé à l'Assemblée nationale en
1978. Depuis lors, l'adoption de législations sectorielles est venue
modifier sensiblement le Code civil et est venue démontrer l'importance
de le revoir dans son ensemble de manière à répondre aux
besoins de la société québécoise contemporaine.
La Loi instituant un nouveau Code civil et portant réforme du
droit de la famille en 1980, la Loi sur les connaissements, les reçus et
les cessions de biens en stock en 1982, la Loi modifiant le Code civil et le
Code de procédure civile en matière d'arbitrage en 1986, la Loi
portant réforme du Code civil du Québec, du droit des personnes,
des successions et des biens en 1987, la Loi sur le curateur public et
modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives en 1989 en
sont autant d'exemples, M. le Président.
Le projet de Code civil que je viens de présenter à
l'Assemblée nationale donne suite à une réflexion profonde
et à de nombreuses consultations auprès des représentants
de l'ensemble de la collectivité québécoise. Huit
commissions parlementaires ont tenu des audiences publiques sur l'ensemble des
dispositions du Code civil. Près de 200 mémoires y ont
été présentés par différents groupes de
personnes et organismes qui se sont prononcés sur tous les aspects de la
réforme du Code civil.
Depuis ces consultations, les propositions de modifications
législatives ont fait l'objet d'une analyse très minutieuse de la
part des juristes du ministère de la Justice, dont je tiens à
rappeler l'excellent travail et la rigueur dans le travail qu'ils ont accompli.
J'ai regardé moi-même, d'une façon tout à fait
particulière et très attentive, tous ces projets de modifications
législatives qui nous sont présentés. Je compte sur la
collaboration de l'Opposition afin que le projet de Code civil du Québec
puisse être adopté par l'Assemblée nationale au cours de la
présente année. Ce Code civil doit être adopté en
1992 et doit être en application en 1993.
J'entends soumettre le projet de loi pour l'adoption de principe
à la mi-mai. En juin, nous rendrons publics les commentaires qui ont
guidé nos choix et, en septembre, nous pourrons procéder à
l'étude article par article. Nous consacrerons l'année 1992
à l'étude et à l'adoption de la loi d'application, ce qui
devrait permettre l'entrée en vigueur du nouveau Code civil en 1993. Et
je me permets, M. le Président, d'insister sur cette date: le Code civil
entrera en application en 1993. Je me permets d'insister sur
cette date, M. le Président.
Ces mesures législatives qu'on retrouve dans le Code civil sont
importantes pour nos concitoyens et nous devons faire tous les efforts pour que
le nouveau Code civil entre en vigueur le plus rapidement possible après
son adoption. On n'a tout simplement pas le droit, comme parlementaires, de
priver nos citoyens et nos citoyennes de leurs droits et aussi d'obligations
qui se retrouvent en fonction de ce nouveau Code civil. C'est dans ce contexte,
donc, que j'ai l'intention, à la fin de mai, de présenter cette
réforme du Code civil en rencontrant les principaux intervenants et en
visitant les régions québécoises. J'irai expliquer
directement aux Québécoises et aux Québécois cette
réforme du Code civil.
Voilà, M. le Président, une présentation bien
sommaire des principaux dossiers auxquels le ministère de la Justice
s'est attardé au cours du dernier exercice et un aperçu du
travail à faire au cours du prochain exercice. Je voudrais, en
terminant, remercier bien sincèrement Me Jacques Chamberland, le
sous-ministre en titre, et les sous-ministres associés, Me Michel
Bouchard, à la Direction générale des affaires criminelles
et pénales, Me Lise Morency, à la Direction
générale des affaires législatives, Me Jean K. Samson, de
la Direction générale des affaires juridiques, Me Clément
Ménard, à la Direction générale de
l'enregistrement, Me Raymond Benoît, à la Direction
générale du personnel et de l'administration, et Me Freddy
Henderson, à la Direction générale des services
judiciaires et leur équipe qui font un travail tout à fait
exceptionnel.
Je veux aussi remercier les présidents d'organismes qui sont
associés au ministère de la Justice, M. Vaughan Dowie,
président de la Commission de protection des droits de la jeunesse, M.
Georges Lalande, président de la Commission d'appel en matière de
lésions professionnelles, Me Jacques Lachapelle, président de la
Commission des droits de la personne, M. Gilles Moreau, président de la
Commission des services juridiques, et Mme Nicole Douville Fontaine, Curatrice
publique. Enfin, je voudrais remercier Me Suzanne Lévesque, la
directrice de mon cabinet, ainsi que les membres de mon cabinet qui font un
travail exceptionnel au niveau du travail politique qu'on doit faire ensemble,
au niveau de la justice, sans partisanerie, mais en fonction de
décisions qu'on doit prendre pour le mieux de l'ensemble des
Québécoises et des Québécois. Je vous remercie, M.
le Président.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le ministre
de la Justice, pour vos remarques préliminaires très
intéressantes. Je suis persuadé que les remarques
préliminaires de Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve,
porte-parole de l'Opposition officielle, seront également très
intéressantes et je vais vous reconnaître immé- diatement,
Mme la députée.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président Vous conviendrez, M. le
Président, que c'est avec mon consentement tacite que le ministre de la
Justice a pu nous présenter, dans un délai de 50 minutes, ses
remarques préliminaires à l'occasion de l'étude des
crédits. C'est avec un souci d'écoute que j'ai consenti, et j'en
attends évidemment de même de votre part.
J'aimerais tout de suite vous présenter la personne qui
m'accompagne. Il s'agit de Me Fernande Rousseau qui est recherchiste dans
l'équipe du service de recherche de l'Opposition. Je veux en profiter
pour la remercier de sa présence assidue dans le dossier de la
justice.
Je vais tout de suite prendre une précaution, M. le
Président, si vous me le permettez...
M. Rémillard: M. le Président, m'excusez vous une
petite minute? On m'avertit que j'ai peut-être fait un lapsus. Oui.
Ça a passé inaperçu, mais je ne voudrais pas... Pour
l'enregistrement, me permettez-vous d'insister...
Le Président (M. Dauphin): Allez-y.
M. Rémillard: ...parce que, pour moi, c'est très
important. J'aurais confondu des dates et je voudrais y revenir pour être
bien certain que j'ai été bien compris. Je veux dire que
l'adoption du Code civil est en 1991. Alors, l'adoption du Code civil en 1991
et, en 1992, on travaillera sur la loi d'application du Code civil. La loi sera
adoptée en 1991. Paraît-il qu'il y aurait eu un lapsus et je
voulais être très clair à ce niveau-là pour que le
Code soit en application en 1993. Voilà! Je m'excuse, Mme la
députée, parce que...
Le Président (M. Dauphin): C'est corrigé, M. le
ministre de la Justice.
M. Rémillard: C'est corrigé. Merci.
Mme Harel: Tous les lapsus sont toujours significatifs, vous le
savez bien.
M. Rémillard: Mais, cette fois-ci, je crois que vous
comprenez que mon lapsus n'a d'autre signification que de demander votre
collaboration.
Le Président (M. Dauphin): Mme la députée,
allez-y.
Mme Harel: J'allais donc dire, M. le Président, que je
voulais prendre une précaution en débutant ces remarques
préliminaires, à l'effet qu'aucun des propos que je vais tenir ne
peut être retenu contre le personnel du ministère, ni
évidemment contre tous les intervenants de l'appareil de la justice. Je
le dis bien haut, M le
Président, dans un contexte de sous-budgétisation, de
surcharge de travail, de délai comme celui que nous connaissons
présentement, il est absolument évident que leur
dévouement et leur compétence ne peuvent en aucune façon
être mis en doute.
M. le Président, pour remédier à un problème
ou pour le corriger, encore faut-il en reconnaître l'existence. Ce qu'il
y a de plus inquiétant, d'une certaine façon, dans les propos que
le ministre de la Justice vient de nous tenir, c'est qu'il a
évacué systématiquement les problèmes que
connaissent les intervenants dans le système de la justice.
J'ai relu attentivement l'intervention qu'il faisait lors des remarques
préliminaires de l'étude des crédits de l'an dernier.
D'ailleurs, je l'inviterais à relire ses propos. Ils sont, à bien
des égards, très significatifs de ce qui ne s'est pas
passé durant la dernière année.
Il y a une chose, M. le Président, que je ne peux
m'empêcher de souligner immédiatement. C'est la suivante:
contrairement à l'an dernier, cette fois, le ministre ne s'est pas dit
très fier du système de justice que nous avons au Québec,
et je le comprends. Je comprends que nous n'avons pas beaucoup de raisons
d'être fiers de ce qu'est en train de devenir le système de
justice au Québec, particulièrement dans la situation où
des juges se voient dans l'obligation de libérer des accusés pour
des crimes majeurs parce que les délais entre l'accusation et le
procès sont déraisonnables. Et je rappelle que ces crimes majeurs
consistaient notamment en agressions sexuelles sur des enfants de deux et cinq
ans, en accusations de vol qualifié, de possession d'armes et de voie de
fait.
Nous avions connu des situations où il y avait libération
d'accusation portée contre des personnes qui avaient été
accusées dans des causes mineures, principalement reliées au
non-respect du code de la route, mais la situation qui se présente
maintenant est évidemment bien différente. L'inquiétude
qui prévaut dans le milieu, compte tenu évidemment de cette
décision de la Cour suprême, est que la situation qui a
été celle vécue dans les palais de justice de Joliette et
de Saint-Jérôme, se répand dans bien d'autres palais de
justice au Québec. Je pense que le ministre ne peut pas me faire grief
de témoigner ici de l'inquiétude, et je dirais même de
l'exaspération, qui anime la communauté juridique.
Il ne pourra pas m'attribuer de mauvais sentiments personnels à
son égard si je lui cite tout simplement un sondage qui n'a pas de
valeur scientifique, mais qui, selon les auteurs de la revue Maître,
a quand même une valeur indicative de ce que pense la
communauté juridique. Un sondage - et je cite la revue Maître
- réalisé en janvier 1991 confirme le malaise qui frappe le
monde de la justice, malaise devant les coûts de l'accès au
système, malaise concernant la faculté d'adaptation des juristes
au XXIe siècle qui s'ouvrira bientôt, malaise concernant
l'incapacité de la justice elle-même à rendre accessibles
les lois qu'elle s'est pourtant créées avec beaucoup de
compétence et d'imagination.
Je ne veux pas citer l'ensemble des questions-réponses, M. le
Président, deux suffiront. La première question demandait:
Estimez-vous que les Québécois à revenu moyen se
retrouvent devant une justice trop coûteuse quand ils veulent faire
valoir leurs droits? Les réponses, à 92 %, étaient oui, M.
le Président. L'autre question était formulée ainsi: Le
défi véritable n'est pas tant de créer des lois mais de
les rendre accessibles; peut-on dire que ce défi a été
relevé avec succès depuis qu'a été
créé le ministère de la Justice en 1965? Et c'est 79 % des
répondants qui disaient non, M. le Président.
Et, évidemment, nous allons reprendre chacun des thèmes
que le ministre, l'an passé, développait avec beaucoup
d'élégance et d'éloquence. Ce qu'il faut malheureusement
reconnaître, c'est que les grands principes chers au ministre, ses
principes de qualité, d'universalité et d'accessibilité,
existent surtout sur papier, M. le Président, bien plus que dans la
réalité. Et je pense que c'est en partie à cause de
l'incapacité d'introduire des correctifs simples et pratiques et
à énoncer ces grands principes qu'on en arrive à les
discréditer en ne donnant pas les conditions propices à leur
réalisation. (10 h 45)
M. le Président, lors de l'étude des crédits, l'an
dernier, le ministre annonçait avec une satisfaction
compréhensible une augmentation de 8,4 % des crédits de son
ministère par rapport à l'année précédente.
Et le ministre nous signalait que c'était grâce à son
intervention personnelle auprès du Conseil du trésor qu'il avait
enfin obtenu de remédier - et je le cite - "au problème
d'inadéquation des ressources afin de s'assurer d'une administration de
la justice plus efficace et de meilleure qualité."
Malheureusement, il faut constater que la bonne voie dans laquelle
s'était engagé le Conseil du trésor l'an dernier n'a pas
duré longtemps, ou encore que le ministre était, cette
année, moins convaincant ou peut-être moins présent
puisque, loin d'être l'augmentation de 8,4 % de l'an dernier, cette
année, c'est un maigre 2,7 % d'augmentation que nous constatons aux
crédits du ministère de la Justice, bien en deçà de
l'inflation de 5,7 %, bien en deçà de la croissance des
dépenses gouvernementales qui, elle, se situe à 6,9 %.
M. le Président, ce que nous devons constater, c'est qu'il n'y a
rien dans les crédits de 1991-1992 du ministère de la Justice
pour nous rassurer quant à l'accès à la justice, ni pour
corriger la situation inquiétante provenant d'un manque endémique
de ressources dans l'appareil judiciaire. Évidemment, M. le
Président, le
ministre aura beau discourir sur les grands principes
d'égalité devant la loi, ce sont là des paroles qui
restent sans effet lorsque des citoyens et des citoyennes ne peuvent s'en
prévaloir.
J'aimerais que nous examinions ce que le ministre nous annonçait
l'an dernier pour l'année qui vient de s'écouler. D'abord, vous
allez me permettre de m'inquiéter que, dans l'intervention qu'il vient
de nous livrer, il n'ait en aucune façon fait mention de la
réforme des tribunaux administratifs qu'il nous promettait pourtant l'an
passé. J'aurai l'occasion d'y revenir, M. le Président, mais
doit-on comprendre que le Conseil des ministres, à qui il a soumis
pourtant à deux reprises, je crois, un mémoire explicatif des
réformes qu'il entendait réaliser, n'a pas souscrit à ses
propositions?
L'an dernier, le ministre faisait d'abord valoir les priorités
qu'il entendait accorder à certains dossiers - je le cite - lorsqu'il
nous disait: "J'aimerais vous faire part de certains projets que j'entends
prioriser au cours des prochains mois." Et le ministre ajoutait: "Je pense ici
à la justice administrative et aux suites à donner au rapport du
groupe de travail portant sur la protection de la vie privée." Alors, le
ministre nous faisait savoir qu'il entendait soumettre à ses
collègues du Conseil des ministres certaines propositions en vue du
dépôt, au cours de l'année 1990, d'un projet de loi portant
sur la réforme de la justice administrative.
Et là, le ministre, évidemment, faisait un peu
l'historique de ce sujet qui, au cours des 20 dernières années,
avait fait couler beaucoup d'encre, en rappelant les recommandations contenues
dans le rapport du groupe de travail sur les tribunaux administratifs, connu
sous le nom de rapport Ouellette, rapport qui avait été remis au
ministre en 1988. Le ministre ajoutait, et je le cite: "Ces rapports nous ont
rappelé l'importance du rôle que jouent dans notre système
administratif et judiciaire les organismes administratifs exerçant des
fonctions de nature quasi judiciaire. Ils ont également souligné
le rôle de ces organismes auprès des justiciables et les avantages
qu'ils leur procurent. Ils ont de plus suggéré la révision
de l'institution dans son ensemble afin d'en clarifier les limites, tout en
proposant, selon l'évolution de la société, diverses
modifications susceptibles de favoriser l'exercice des droits." Alors, le
ministre concluait que "l'étude de ces rapports nous a convaincus - et
je le cite - de l'importance de ce dossier et c'est pourquoi j'entends
consacrer des efforts à leur favoriser le dénouement."
Alors, M. le Président, évidemment, dans l'échange
que nous aurons au cours de la journée, il est entendu que nous
demanderons au ministre de nous faire le point sur cette réforme qui lui
apparaissait devoir être réalisée au cours de
l'année 1990 qui s'est achevée
Le ministre ajoutait, en termes de priorités: "Parmi les autres
préoccupations auxquelles j'entends m'arrêter en matière de
protection des droits individuels s'inscrit la tenue prochaine d'une commission
parlementaire portant sur le contenu du rapport intitulé "Vie
privée, zone à accès restreint." Le ministre faisait
état de ses préoccupations très profondes à
l'égard de toutes ces questions et nous annonçait une commission
parlementaire pour l'automne dernier. Je crois comprendre... J'ai consenti,
avec bonheur, puisque, lors de l'étude des crédits, il n'y a pas
de motion d'auditions publiques, mais j'ai consenti hier à ce
qu'aujourd'hui, je pense, lors des travaux que nous reprendrons à
l'Assemblée nationale cet après-midi, le ministre puisse
déposer enfin cette annonce d'une commission parlementaire qui devra se
tenir, je pense, à l'ouverture des travaux l'automne prochain II nous
faut constater - heureusement que nous avons au moins une fois par année
cet examen des crédits - que c'est un an plus tard que le ministre
remplit l'engagement qu'il avait pris l'an passé de tenir cette
importante commission parlementaire, comme il le disait si bien, sur cette
question absolument névralgique et stratégique dans notre
société de la protection des renseignements personnels.
Évidemment, en matière de priorités, le ministre,
l'an dernier, nous énonçait ses grands principes
d'accessibilité, de qualité et, également,
d'universalité. J'aimerais le citer; je ne pense pas pouvoir être
plus éloquente qu'il ne l'était lui-même. Je lui rends
hommage, en fait, en le citant. Le ministre nous disait: "Si la justice doit
être de qualité et universelle, elle doit être
également accessible à tous. C'est dans cet esprit que deux
dossiers m'ont particulièrement préoccupé au cours de la
dernière année - et le ministre faisait état - il s'agit
des seuils d'admissibilité à l'aide juridique." Le ministre
disait, l'an dernier: "La conclusion de ce dossier, il me fait plaisir de
l'annoncer, est imminente. Dans le cas de la hausse des seuils - je le cite,
là - d'admissibilité, nos démarches se poursuivent
auprès du Conseil du trésor et du Conseil exécutif. Ces
démarches ont pour but d'élaborer une solution intérimaire
qui permettrait de maintenir l'admissibilité à l'aide juridique
des personnes âgées en attendant que soit
réévalué tout le système d'aide juridique,
notamment, bien sûr, à la lumière du rapport du
comité McDonald sur l'accessibilité à la justice, rapport
qui devrait me parvenir dans sa forme finale l'automne prochain." On
comprendra, M. le Président, que l'automne prochain est devenu l'automne
passé et que le ministre nous annonce ce matin que ce rapport final
devrait lui parvenir dans sa forme définitive dans les prochaines
semaines.
Alors là, il est absolument inquiétant de voir ces reports
continuels. Là, je me rassure ce matin puisque le report du sommet sur
la justice est définitivement fait pour février 1992 Je le pense
définitif parce que, en moyenne, le sort de
chaque annonce du ministre est de deux reports. Alors, comme le sommet
sur la justice a déjà connu deux reports, je crois que,
là, la date annoncée ce matin sera la date à laquelle nous
pouvons espérer qu'il aura lieu. Je rappelle que le comité
McDonald a été constitué le 1er juillet 1989, que le
rapport d'abord prévu l'était pour le 31 décembre 1989,
que ce rapport a été reporté à la fin novembre
1990, que, finalement, il nous avait été annoncé pour
être déposé en avril 1991 et que, là, nous apprenons
qu'il le serait dans quelques semaines.
Entre-temps, ce qu'il faut constater, c'est que, malheureusement, l'aide
juridique n'est plus accessible qu'aux plus démunis parmi les
démunis. Nous pensons que l'esprit dans lequel la Loi sur l'aide
juridique a été adoptée en 1972, qui était de
rendre accessible à la classe ouvrière... L'expression du
ministre de l'époque était celle des "working poor",
c'est-à-dire des personnes qui travaillent, sur l'aide sociale... ou qui
travaillent, plutôt, au salaire minimum et qui, dans notre
société, sont bien en deçà du seuil de
pauvreté. Eh bien, il faut constater que ces personnes qui sont au
salaire minimum dans notre société n'ont plus accès au
service d'aide juridique.
Et l'inquiétude que j'ai, évidemment, M. le
Président, s'est accrue à la lecture du journal Les Affaires
du 12 avril dernier, dans lequel le ministre de la Justice, lors d'une
entrevue accordée sur l'ensemble du Code civil, ajoutait ceci - je
souhaite que les propos qu'on lui impute ne soient pas exacts, mais j'aurai
sûrement l'occasion d'échanger avec lui aujourd'hui sur cette
question - le ministre de la Justice ajoutait que la hausse du plafond des
revenus des personnes admissibles à l'aide juridique n'était pas
une solution. Alors, je veux savoir, je veux comprendre quelle est, selon lui,
la solution puisque, M. le Président, il avait lui-même
déposé un projet de modification au règlement qui a
été malheureusement écarté par le Conseil du
trésor il y a déjà de ça un an et où nous
retrouvions des correctifs qui permettaient notamment à des personnes
qui sont sur le marché du travail, admissibles à des
suppléments de revenu à cause de leur insuffisance de revenu,
d'être admissibles à l'aide juridique. Je crois comprendre, M. le
Président, que le Conseil du trésor a malheureusement
écarté cette proposition timide, mais certainement valable que le
ministre de la Justice faisait il y a déjà un an.
M. le Président, ce que nous souhaitons, c'est que le ministre
qui, l'an dernier, nous annonçait avoir obtenu un rapport
intérimaire sur l'aide juridique au Québec de la commission
McDonald le rende public. Ce rapport intérimaire, nous disait-il, lui
avait fourni, en avril dernier, il y a un an maintenant, ses propositions sur
l'aide juridique; nous ne comprenons pas que le ministre ne les rende pas
maintenant publiques.
M. le Président, il faut constater, à l'exa- men des
crédits, que les seules augmentations au programme de la Commission des
services juridiques le sont pour la révision de la tarification des
honoraires des avocats à mandats de l'aide juridique et que, dans les
crédits tels que nous allons les examiner pour l'année 1991-1992,
rien ne nous permet d'espérer que des correctifs soient apportés
au seuil d'admissibilité puisque les crédits n'en font pas
mention, M. le Président. Et, évidemment, cela augmente notre
inquiétude. Le ministre va-t-il maintenant invoquer le sommet sur la
justice dans un an pour reporter toute décision qui s'impose pourtant de
façon urgente sur cette question? (11 heures)
M. le Président, le ministre a également fait état
d'un autre groupe de travail présidé, celui-ci, par l'honorable
juge Guy Guérin de la Cour du Québec. Et ce groupe de travail, je
vous le rappelle, a été mis sur pied le 2 mars 1990 par le
ministre de la Justice et son collègue à la
Sécurité publique de l'époque, et le dépôt du
rapport, lors de la mise en place de ce comité de travail, a d'abord
été prévu pour le 30 novembre 1990. Par la suite, le
rapport des conclusions de ce groupe de travail a été
annoncé pour janvier, février 1991. Ce matin, le ministre nous
indique, contrairement à l'an dernier, puisque - je le cite - lors de
l'étude des crédits, dans ses remarques préliminaires, le
ministre nous disait l'an dernier: "Le groupe de travail Guérin a
commencé ses travaux et devrait me faire rapport d'ici à la fin
1990... " Là, le ministre nous annonce ce matin: d'ici quelques
semaines. Alors, nous allons lui demander de nous préciser quand il
entend recevoir et à quelle date le président du groupe de
travail lui fera connaître la possibilité de déposer le
rapport de ce groupe de travail.
Évidemment, M. le Président, j'en ai parlé, mais je
reviens sur l'importance de cette réforme des tribunaux administratifs
dont le ministre ne nous a pas parlé ce matin. J'espère que son
silence sur cette importante question ne signifie pas qu'elle est mise de
côté dans ses priorités. M. le Président, compte
tenu des diverses législations qui ont été
apportées et qui ne vont pas dans le sens d'une réforme des
tribunaux administratifs... Je fais évidemment référence,
notamment, au projet de loi 71 par lequel le ministre de la Main-d'oeuvre, de
la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle a
modifié le mode de financement, notamment, de la Commission des affaires
sociales sans que tout cela s'inscrive dans une réforme globale. Alors,
M. le Président, c'est évident que nous allons tenir très
fermement à ce que le ministre de la Justice nous donne l'heure juste
sur cette question.
Évidemment, sur la question de la protection des renseignements
personnels, nous consentons à cette annonce, qui sera faite cet
après-midi, de la tenue de cette commission
parlementaire pour l'automne prochain, en rappelant évidemment
qu'en cette matière il y a urgence en la demeure, M. le
Président, étant donné la complexité et
l'évolution technologique dans ce domaine.
M. le Président, j'aimerais également porter à
l'attention des membres de cette commission et du ministre la
préoccupation que nous avons à l'égard de la
réforme des cours municipales, à laquelle nous souscrivons
évidemment, souhaitant le moins de formalisme possible et applaudissant
à la mise en vigueur de cette réforme. Nous nous
préoccupons évidemment du mode et de la procédure de
sélection des personnes aptes à être nommées juges.
Nous souhaitons que le ministre nous rassure lors de ces travaux que nous
poursuivrons aujourd'hui quant à son intention de modifier le
règlement existant sur la procédure de sélection des juges
de manière à, évidemment, élargir, quant à
leur champ d'application, les cours municipales qui ne le sont pas.
Je vous rappelle évidemment qu'il y a une préoccupation de
l'ensemble des intervenants de la communauté juridique en l'absence
d'une protection aussi ferme que celle qui existe dans le règlement
actuel sur la procédure de sélection des personnes aptes à
être nommées juges; il y a cette inquiétude que ces juges
des cours municipales, qui ne sont pas celles de Laval, de Montréal ou
de Québec, ne donnent pas toutes les garanties de transparence,
d'indépendance, d'apparence d'indépendance qui sont
souhaitables.
M. le Président, je voudrais faire état également
de cette inquiétude que nous avons dans les délais, qui sont
à bien des égards inquiétants, quant au renouvellement des
mandats des commissaires, notamment à la Commission des droits de la
personne. Nous aurons l'occasion d'y revenir, M. le Président, mais nous
constatons que toutes les personnes qui siègent à la Commission
des droits de la personne ont des mandats qui sont échus, certaines
depuis un an, deux ans et parfois trois ans. Nous souhaitons évidemment
que le ministre, le plus rapidement possible lors des travaux, n'attende pas
à la fin de la présente session, comme c'est malheureusement le
cas trop souvent, pour procéder à des renouvellements de mandats
ou à de nouvelles nominations à la Commission des droits de la
personne.
Nous sommes préoccupés par les services judiciaires en
milieu autochtone. Le ministre y a fait référence dans ses
remarques préliminaires et nous souhaitons avoir l'occasion, dès
ce matin, d'échanger sur cette question. Nous avons fait part au
ministre de notre profond désaccord quant à son refus de
permettre, en finançant adéquatement la Commission des droits de
la personne, de procéder à une enquête publique sur les
allégations de discrimination et de racisme quant aux rapports
qu'entretiennent les corps policiers et les communautés autochtones.
Nous déplorons que la Commission des droits de la personne n'ait pas
obtenu les moyens financiers qu'elle souhaitait pour mener à terme une
telle enquête. Nous en avons évidemment parlé en Chambre,
mais je veux réitérer ici l'inquiétude que nous avons que
cette incapacité de faire face maintenant à ces problèmes
détériore de plus en plus la situation.
Nous rappelons au ministre qu'il avait lui-même mis en place - ou
son prédécesseur, plutôt, l'avait mise en place - en 1987
une très importante enquête qui avait permis à la
Commission des droits de la personne, lui avait donné les moyens
adéquats pour procéder à une enquête majeure sur les
relations entre les corps policiers et les minorités visibies et
ethniques, en excluant spécifiquement les communautés
autochtones. Nous constatons que cette enquête et les recommandations qui
ont suivi ont eu des résultats bénéfiques pour l'ensemble
des intervenants. Nous souhaitons qu'une enquête de même nature
puisse avoir lieu pour nettoyer ce qui est en train de s'envenimer dans notre
société.
Évidemment, je veux également souligner combien peu a
été fait en matière d'élargissement des ressources
en médiation familiale. Nous allons avoir l'occasion d'y revenir mais,
de bien des régions du Québec nous ont été
communiquées des déceptions et des inquiétudes quant au
peu de ressources qui sont actuellement mises à la disposition des
intervenants dans ces matières. C'est d'autant plus inquiétant
que, d'autre part, nous constatons un projet d'augmentation des timbres
judiciaires en matière familiale ce qui, bien loin d'indexer seulement
ces timbres, comme le mentionnait le ministre en Chambre, représente une
augmentation variant entre 100 % et 146 %. Ça nous semble assez
injustifiable et disproportionné; ça nous semble être une
façon détournée de taxer les divorces ou encore les
requêtes en modification pour financer éventuellement un service
de médiation. Nous souhaitons qu'il y ait une sorte de vigueur accrue.
Les rivalités entre le ministère de la Santé et des
Services sociaux et le ministère de la Justice nous semblent
malheureusement perdurer. Le projet de loi 120 attribue présentement au
ministère de la Santé et des Services sociaux la
responsabilité de ce service de médiation familiale; alors, nous
allons avoir certainement l'occasion, dès ce matin, d'échanger
avec le ministre sur cette importante question.
Évidemment, M. le Président, je m'en voudrais de terminer
ces remarques préliminaires sans aborder l'importante question de la
réforme du Code civil. Simplement pour signaler au ministre que le Code
civil, ce n'est pas seulement une affaire entre avocats, notaires ou
parlementaires; c'est bien plus que ça, c'est un véritable projet
de société. Et il nous semble que l'économie de temps que
le ministre voudrait
faire en ne procédant pas à des consultations publiques
sur les modifications qu'il entend apporter et sur l'ensemble de la
réforme, ces économies de temps, il va, de toute façon,
avoir à les payer d'une façon ou d'une autre, M. le
Président, parce qu'il peut y avoir de la résistance ou une force
d'inertie plus grande ou encore, peut-être plus, il peut y avoir
également - et le ministre le constatera certainement - un
développement de "lobby" qui tente, derrière des portes
fermées, de faire valoir des points de vue. M. le Président, moi,
je préfère de loin que ce débat se fasse sur la place
publique et, évidemment, je souhaite que le ministre ne se montre pas,
ce matin, trop rigide quant à cette possibilité que nous
entendions en consultation des organismes qui souhaiteraient être
entendus.
Sur cette question de la réforme, M. le Président, le
ministre et son équipe peuvent compter sur toute la collaboration de
l'Opposition, mais je dois clairement lui faire savoir que, pour nous, c'est
là un projet de société civile, c'est là un projet
majeur. Nous entendons et j'entends personnellement y consacrer beaucoup de
temps, M. le Président, et j'espère que le ministre qui, ce
matin, a fait valoir l'importance que représente pour lui cette
réforme y consacrera lui-même, personnellement aussi, beaucoup de
temps, s'investira lui-même également dans l'examen de cette
réforme, et je l'assure que, sur cette base-là, il peut compter
sur toute notre collaboration. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. J'ai coutume et habitude comme
président - d'ailleurs, c'est ce que je fais depuis le début de
la semaine - de laisser peut-être quelques minutes au ministre pour
réagir aux remarques préliminaires de Mme la
députée. Ou préférez-vous que nous
procédions immédiatement à la période de
questions?
M. Gil Rémillard (réplique)
M. Rémillard: Peut-être, M le Président,
très rapidement, pour dire à quel point, tout d'abord,
j'accueille avec plaisir, je dois le dire, les commentaires de Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. Avec plaisir, M. le
Président, parce que je dois dire que j'avais l'impression que Mme la
députée délaissait la justice et, là, je
m'aperçois qu'elle a de l'intérêt pour la justice. J'avais
l'impression qu'elle s'occupait beaucoup plus de ses autres dossiers parce que
je sais que ce n'est pas facile, son rôle de critique, pas simplement
pour la justice; je sais qu'elle est aussi critique en matière sociale,
sécurité du revenu. Je faisais le bilan des questions qu'elle m'a
posées en Chambre depuis les dernières élections, depuis
quatre sessions parlementaires incluant celle-ci, et savez-vous combien de
questions elle m'a posées? Avez-vous une petite idée?
Mme Harel: Si le ministre me pose la question...
M. Rémillard: Eh bien, c'est huit questions.
Mme Harel: ...c'est avec plaisir que je vais lui répondre
parce qu'il doit doubler les questions que j'ai eu à poser à la
vice-première ministre, du fait de son absence.
M. Rémillard: Oui. Alors, voici combien. Je les ai
relevées aussi et vous avez posé deux fois des questions à
la vice-première ministre parce que je n'étais pas là.
J'ai ici les questions, si vous voulez savoir sur quels sujets et une à
laquelle, le lendemain, je vous ai répondu, où j'étais
présent. Donc, une seule que vous avez posée à Mme la
vice-première ministre et vous regarderez le nombre de jours que j'ai
manques à la période de questions et faites la
comptabilité. Vous allez voir le très petit nombre de jours que
j'ai manques. (11 h 15)
Tout ça pour vous dire que vous m'avez posé huit
questions, et j'inclus les deux où je n'étais pas là
auxquelles j'ai répondu après dans les périodes. Ce n'est
pas beaucoup, madame. Ce n'est pas beaucoup.
Mme Harel: Vous en voulez plus.
M. Rémillard: Oui. Savez-vous, j'apprécierais. Dans
quatre sessions, huit questions.
Mme Harel: Mais celle-ci n'est pas terminée encore.
M. Rémillard: J'aimerais que vous me posiez...
Mme Harel: La quatrième n'est pas terminée encore.
On commence.
M. Rémillard: J'aimerais... Mais c'est pour ça.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre, Mme la
députée, je n'aimerais quand même pas que ça
résulte en une partie de ping-pong entre vous deux pendant
plusieurs...
M. Rémillard: Bon. Vous avez raison, M. le
Président. C'est difficile pour le spectateur, surtout de la
façon qu'on est situés. Suivre la balle est
étourdissant.
Mais tout simplement pour vous dire que j'apprécie vos
commentaires. Je vois que vous avez de l'intérêt. Mais il faut me
poser des questions aussi en Chambre. Il y a deux raisons. Ou bien vous n'avez
pas d'intérêt, et je ne le
crois pas. Je sais que vous avez de l'intérêt Ou bien vous
ne réussisse/ pas à persuader votre caucus que les questions sont
importantes Et, bon Dieu! faites une intervention auprès du chef de
l'Opposition et convainquez-le que c'est important que vous puissiez me poser
des questions. C'est au-delà de la partisanerie politique qu'on puisse
poser des questions sur la réforme du Code civil qui vous tient à
coeur comme moi, le sommet de la justice, sur bien des cas. Il faut que vous
puissiez me poser des questions en Chambre, je vous le demande, pour que vous
montriez votre intérêt. J'avais l'impression que vous n'aviez plus
d'intérêt parce que, si je regarde les questions que vous posez
aux autres collègues dont vous êtes le critique officiel,
là, je vois qu'il y a plus d'action, plus de présence. Alors,
à ce niveau-là, j'apprécie beaucoup vos commentaires.
Vous me pariez, et on aura l'occasion d'y revenir, d'un sondage qu'il y
a eu dans la revue Maîtres. Vous me dites qu'il n'était pas
scientifique et c'est vrai que ce n'était pas scientifique. Mais le
fondement du sondage, vous vous y référez en disant: On peut s'y
référer, et vous avez raison. Et la conclusion de ce sondage,
c'est qu'il y a un malaise. Je suis d'accord avec vous, il y a un malaise. Et
pas un malaise de surface, un malaise qui est important. Ce malaise est
à différents niveaux et c'est pour ça qu'après 25
ans, puisqu'on a fêté son 25e anniversaire - on a
célébré - il faut aussi se rendre compte que cette justice
doit être adaptée maintenant à l'évolution sociale,
culturelle, politique, économique de notre société. Et
elle ne l'est pas. C'est ça, la réalité des choses.
Et, comme ministre de la Justice, j'ai pu me rendre compte que, dans
tous les secteurs administratifs, il faut absolument qu'on puisse en arriver
à des solutions nouvelles. Je ne veux pas être trop long et je
n'aborderai pas ces solutions nouvelles. J'y reviendrai parce que tous les
commentaires que vous avez faits méritent que je puisse vous
répondre et vous donner des réponses à ce que vous me
formulez comme commentaires. Mais ce que je peux vous dire, c'est que, d'une
façon générale, il faut avoir une nouvelle approche de la
justice, une approche moins formelle d'efficacité, une approche qui
permettrait au citoyen moyen, autant au pauvre qu'au riche, au citoyen de
l'ensemble de toutes les couches de la population du Québec, d'avoir un
même accès à la justice. Qu'on parie de l'aide juridique,
qu'on parie de la réforme des tribunaux administratifs, qu'on parie de
la réforme du Code civil, qu'on parie de toutes ces grandes
réformes qu'on veut mettre en place en matière de droit criminel
aussi en collaboration avec le gouvernement fédéral qui a
juridiction sur ces secteurs, il est essentiel qu'on aborde la réforme
du Code civil comme on aborde toutes les autres réformes, en fonction
d'une nouvelle approche.
Je me permets simplement de dire, M. le Président, que la
question des délais, on en entend beaucoup parier présentement au
niveau des médias. On exagère à certains points bien des
aspects. Tout ça prenait naissance l'automne dernier avec l'affaire
Askov que j'ai ici. C'est une décision de la Cour suprême du
Canada qui nous dit qu'un délai raisonnable, c'est-à-dire du
moment de l'arrestation jusqu'au moment où l'accusé subit son
procès, doit se situer entre six et neuf mois. C'est très court.
Et je dois vous dire que ça nous a pris par surprise, comme ça a
pris par surprise toutes les provinces canadiennes et le gouvernement
fédéral.
Dans sa décision, la Cour suprême dit ceci, et je me
permets de la citer, M. le Président. "L'étude montre qu'au
Canada le Nouveau-Bruns-wick et le Québec sont les mieux placés
pour commencer le procès des accusés dans un délai de 30
à 90 jours. Et si on soutenait que les statistiques du Nouveau-Brunswick
ne constituent pas un point de comparaison valable, celles du Québec en
constituent sûrement un." Et nous avons, comme ça,
référence à la bonne administration de la justice, tel que
cité par la Cour suprême du Canada le 18 octobre 1990 dans cette
affaire Askov.
Je dois dire aussi, M. le Président, en conclusion, qu'il est
vrai que des juges ont donc libéré des prévenus en ce qui
regarde les accusations, par exemple, en matière sexuelle, ou d'autres
affaires qu'on considère comme des affaires graves et que, par
conséquent, nous avons décidé de porter cette
décision en Cour d'appel. Et ces décisions sont en appel
maintenant. Comme ministre de la Justice, je n'accepterai pas que des gens qui
peuvent être poursuivis, respectant leur présomption d'innocence,
mais où on a des preuves solides comme quoi ils ont commis des crimes
importants, ne soient pas poursuivis pour une question souvent de
tech-nicalité ou rie situation à laquelle on ne pouvait pas faire
face. Nous sommes en appel et je ne pourrai pas commenter plus longuement
étant donné que ces dossiers sont en appel
Voilà, M. le Président. Quant aux autres remarques
très intéressantes que fait Mme la députée, il me
fera plaisir, au fur et à mesure de notre discussion aujourd'hui, d'y
revenir.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M le ministre. Juste
avant d'appeler les programmes, vous avez quelque chose à ajouter?
Oui.
Mme Harel: M. le Président, d'abord, je voudrais remercier
le ministre pour ses propos obligeants à mon égard et je dois lui
dire, par ailleurs, qu'il me semble que l'histoire se répète.
L'an passé, j'avais été obligée de faire la
même remarque que je vais faire maintenant, à la suite de son
commentaire. Je lui avais demandé de ne pas être paternaliste dans
son ton et j'ai malheureusement l'impression que la leçon n'a pas
porté, parce qu'il est redevenu paternaliste
encore une fois, malheureusement, dans les quelques remarques qu'il a
faites. Je dois vous dire, M. le Président, que j'ai l'impression qu'il
n'a pas mentionné le sujet qui le préoccupe. Et je vais le lui
dire bien clairement et bien simplement. J'ai dit tout haut ce que toute la
communauté juridique pense tout bas, qu'il a déserté le
ministère de la Justice au profit des affaires constitutionnelles, et
s'il veut que je le lui répète ici en commission, je vais le lui
répéter, M. le Président.
D'autre part, je vous signale que la Cour suprême n'a pas fourni
de chiffres magiques, elle a fourni quatre critères que les juges
doivent prendre en considération et on aura l'occasion d'y revenir, M.
le Président.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Alors, je crois qu'il
y a entente pour aborder dès le début le secteur services de
soutien, en appelant le programme 7. C'est ça. Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Ça rend service, je pense, à un des
collaborateurs du ministre qui est avec nous aujourd'hui et qui, je pense, doit
nous quitter ce midi, pour participer à une importante rencontre, je
crois.
M. Rémillard: M. le Président, il s'agit du
congrès des avocats et notaires de la fonction publique qui a lieu
présentement, et Me Jean K.
Samson, sous-ministre associé, doit être à ce
congrès. Alors, je remercie donc l'Opposition pour sa collaboration pour
qu'on puisse procéder à l'étude de ce programme 7 en
priorité.
Le Président (M. Dauphin): Le programme 7.
Services juridiques du gouvernement
Mme Harel: II s'agit donc du programme Services juridiques du
gouvernement. Il y a une variation de crédits. J'aimerais
peut-être qu'on examine trois questions qui me préoccupent
particulièrement dans le cadre de ce programme 7, à savoir,
d'abord, l'administration de la justice en milieu autochtone, ensuite la
question de la médiation familiale et peut-être également
les mandats qui sont accordés à des avocats de pratique
privée. Mais on y reviendra.
Administration de la justice en milieu
autochtone
Alors, commençons donc, si vous le voulez bien, par
l'administration de la justice en milieu autochtone. Je crois comprendre qu'en
1988 le ministère avait préparé une demande de budget
supplémentaire déposée au Conseil du trésor pour
faire face à une augmentation du taux de criminalité chez les
autochtones. Je crois comprendre que cette demande avait été
écartée par le Conseil du trésor, écartée,
je dirais, momentanément en 1988 - ça fait quand même
déjà trois ans - tant qu'il n'y avait pas mise en place d'un plan
d'intervention, en fait, d'une politique d'ensemble de l'administration de la
justice en milieu autochtone par le ministère. De là,
semble-t-il, a découlé un plan d'intervention qui, au
départ, devait s'appliquer au Nord du Québec et qui, semble-t-il,
maintenant, s'étendrait à l'ensemble des communautés
autochtones.
J'aimerais que le ministre fasse le point sur la situation. Je sais
qu'il a créé un groupe de travail au sein de son
ministère, je pense, une direction de droit autochtone qui est de
création récente. Est-ce que c'est un ajout d'effectif, un ajout
d'effectif de huit réguliers, je pense, dans cette Direction de droit
autochtone? Quel est son mandat? Est-ce que la question est de mettre sur pied
des tribunaux autochtones à l'intérieur du système de
justice québécois, canadien, en fait? J'aimerais que le ministre,
qui rentre, nous a-t-il dit, d'un séjour au nord du 55e
parallèle, nous donne un aperçu de ce qu'entend être la
politique de son ministère sur cette question.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: Oui, M. le Président. Oui, justement,
au moment où Mme la députée disait que je ne m'occupais
pas du ministère de la Justice, j'étais dans le Grand-Nord,
j'étais dans la baie d'Ungava, ensuite la baie d'Hudson, quatre jours
à visiter les communautés inuit pour l'administration de la
justice. Il n'y a pas beaucoup de ministres de la Justice qui sont allés
là. Mais je me devais de le faire, visiter les palais de justice que
nous avons là, rencontrer les Inuit, voir comment on peut rendre la
justice la plus accessible pour eux. J'y suis allé et je peux vous dire
que je l'ai fait avec beaucoup de satisfaction, en collaboration justement avec
cette Direction de droit autochtone que nous avons créée au
ministère de la Justice, a la suite des crédits que nous avons
obtenus du Conseil du trésor.
Nous avons huit postes que nous avons créés à cette
Direction de droit autochtone, ce qui va nous permettre de recevoir des
conseils pour l'ensemble des autorités du ministère et aussi pour
les organismes publics, dans les dossiers les plus importants en ce qui regarde
le droit autochtone. C'est une direction qui va assurer aussi la coordination
juridique des actions gouvernementales et leur cohérence dans ce
domaine. C'est une direction qui va conduire les causes importantes du
ministère de la Justice et du gouvernement du Québec en
matière autochtone devant les tribunaux. Alors, c'est une
responsabilité très importante qu'on donne à cette
Direction de droit autochtone.
Nous sommes à élaborer une politique
générale d'administration de la justice en matière
autochtone. J'ai fait cette tournée dans le
Grand-Nord avec M. le juge Coutu de la Cour du Québec, qui est le
juge coordonnateur, qui fait d'ailleurs un travail remarquable, auprès
des Inuit à qui je veux rendre hommage de façon toute
particulière. Le défi que nous avons, c'est de faire respecter la
loi et de respecter les coutumes, les traditions de ces Inuit, de ces
autochtones d'une façon générale. (11 h 30)
II y a un premier problème que nous avons abordé en ce qui
regarde - c'est un problème que j'ai beaucoup discuté avec eux -
la décision, les règlements qui sont pris par leurs conseils
municipaux et qui, souvent, n'ont pas de sanctions, comme ils aimeraient qu'ils
aient des sanctions. Dans ce cadre-là, nous avons abordé
différentes possibilités, mais il y a une formule en particulier
que j'ai demandé à la Direction de droit autochtone du
ministère de la Justice de regarder attentivement et qui permettrait aux
autochtones eux-mêmes d'être impliqués en premier lieu dans
l'administration de la justice en ce qui regarde ces règlements
municipaux.
J'ai eu l'occasion aussi de me rendre compte d'une situation qui m'a
beaucoup touché en ce qui regarde les jeunes Inuit. On m'a
rapporté que dans les six derniers mois il y a eu huit suicides de
jeunes Inuit. Pour moi, ça m'a beaucoup touché de voir ces jeunes
qui sont souvent pris avec une situation difficile à différents
niveaux et qui ont souvent comme solution la délinquance; là
aussi, nous avons à travailler avec la commission de protection de la
jeunesse pour qu'on puisse en arriver aussi, à ce niveau, tout en
respectant les coutumes, les traditions des autochtones, à trouver des
moyens pour protéger ces jeunes, travailler ensemble.
Je crois qu'il est possible, dans l'administration de la justice, de
respecter les normes générales de droits et de libertés
qui gouvernent notre société. Les autochtones, les Inuit veulent
respecter ces droits et ces libertés dans leur fondement même;
leur application, à certains égards, peut être en fonction
de coutumes, de traditions qui sont leurs et qu'on peut respecter. J'ai donc
présenté un plan d'intervention qui, présentement, est
à l'étude au Conseil du trésor et qui a pour objet de
satisfaire aux besoins des autochtones, d'identifier les systèmes de
justice qui sont acceptables pour nous et pour eux, de déterminer les
réformes législatives qui sont possibles en fonction des choix
qu'on pourrait faire, de répondre à certaines critiques que nous
avons, d'améliorer des délais d'audition et de prévoir la
consultation directe des autochtones.
Ils doivent être directement impliqués et c'est pour
ça que j'ai fait ce voyage. Je peux vous dire que ce n'est pas facile
quand même de prendre le temps, d'avoir sur un agenda cinq jours et
d'aller dans une région aussi éloignée, fascinante,
remarquez; je l'ai fait avec plaisir. Lorsqu'on parle d'accessibilité
à la justice, un des défis que nous avons au Québec, c'est
l'immensité de notre territoire, pas toujours facile d'accès. On
en a la preuve lorsqu'on parle du Grand-Nord. Alors, il faut que nos autoch
tones, nos Inuit puissent être consultés directement pour qu'on
puisse en arriver à des formules qui puissent les satisfaire:
répondre, d'une part, à l'obligation que nous avons tous et
toutes de vivre dans une société de liberté, de
démocratie, de justice, d'équité et de vivre dans une
société qui est capable de respecter les différences,
surtout lorsqu'on se réfère à des cultures qui sont aussi
vivantes et qui ont autant de racines dans notre histoire et dans notre
réalité québécoise que celle des Inuit et celle des
autochtones.
Mme Harel: Alors, M. le Président...
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Mme la
députée.
Mme Harel: M. le ministre a fait l'éloge du juge Coutu et
je veux y souscrire également. Cependant, le plan de
développement des services judiciaires en milieu autochtone est,
à ma connaissance, devant le Conseil du trésor depuis octobre
dernier, peut-être bien avant, mais la confirmation que j'ai eue, il y a
maintenant six mois de cela, était que ce plan était
déjà soumis au Conseil du trésor et j'ai même eu des
numéros de C.T. relatifs à la demande de fonds
supplémentaires, C.T. 168360, C.T. 168532. Et je dois dire, M. le
Président, que, malgré tous les efforts que nous avons faits
auprès du ministère de la Justice, auprès du
Secrétariat du Conseil exécutif, nous n'avons pu obtenir copie de
ces demandes de fonds supplémentaires, ni également copie du plan
développement des services judiciaires en milieu autochtone. Mais nous
avons eu la confirmation que ce plan était devant le Conseil du
trésor le 26 octobre dernier. Faut-il comprendre que ce plan n'a pas
été approuvé puisque les crédits du
ministère, du moins pour l'année 1991-1992, n'en font pas
mention? Il n'y a rien dans les crédits qui nous permettent de croire
que ce plan sera mis en application. Alors, comment le ministre entend-il
procéder? Je dois dire que je souscris à la
nécessité d'une approche différente en matière
d'application de la justice en milieu autochtone.
J'ai moi même écrit au ministre, il y a de ça
quelques mois, pour lui rappeler de ne pas oublier de consulter les
communautés autochtones dans le cadre de la préparation du sommet
sur la justice. Et j'avais constaté, en rencontrant les
représentants et porte-parole des communautés autochtones, que
cela n'avait pas été le cas l'automne dernier. Alors, j'ai
écrit au ministre qui, affirmativement, m'a répondu en disant
qu'il avait l'intention de procéder à cette consultation sur
l'ordre du jour du sommet également auprès des communautés
autochtones. Et je suis très
consciente qu'il faut être extrêmement prudent quand on
parle d'égalité devant la loi puisqu'il s'agit, en fait,
d'égalité devant notre loi et qu'en matière de loi il n'y
a pas de loi universelle, à part, évidemment, les tabous
universellement proscrits d'inceste ou de crime, évidemment. Les lois
sont culturelles, essentiellement. Il y a des sociétés où
on peut marier quatre femmes et d'autres où cela est punissable de
crime. Alors, c'est là, donc, l'expression de culture. Et je dois
comprendre qu'il nous faut assurer à tous l'égalité devant
leurs lois, peut-être. C'est ce que, je pense, des sociétés
industrielles avancées comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande
ont compris bien avant nous, elles qui ont mis en place, depuis 10 ans dans un
cas, 20 ans dans un autre, des tribunaux bicul-turels. Mais là, je
voudrais plus précisément savoir ce que ce plan propose. Est-ce
que l'idée de juges de paix indiens nommés par Québec avec
des pouvoirs dans certaines juridictions est acquise? Je pense que les travaux
se sont poursuivis depuis deux ans et que le ministre peut nous donner une
indication des orientations qu'il entend adopter et de celles sur lesquelles il
a consulté...
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre. Mme Harel:
...dans le cadre de sa visite.
M. Rémillard: Oui. Alors, oui, M. le Président,
d'abord, je veux rappeler qu'en 1988, dès 1988, nous avons eu du Conseil
du trésor quatre personnes, quatre postes alloués qui nous ont
permis de créer une direction permanente des affaires nordiques à
Amos, qui fait un travail remarquable, qui était avec nous pour le
travail qu'on a fait. Et dans l'attente d'une décision du Conseil du
trésor, je dois vous dire que le Conseil du trésor attend, mais
d'une certaine façon nous sommes aussi à compléter, sous
bien des aspects, le mémoire, à la suite de vérifications.
Et je voulais faire ce voyage que j'ai fait pour aller voir sur place, entre
autres, quant à cette solution possible que soulève Mme la
députée, du juge de paix. Oui, c'est une possibilité, mais
il y en a d'autres d'étudiées aussi. Mais ça, c'est une
possibilité que je considère, moi, comme intéressante,
qu'il y ait un juge de paix président d'un comité de justice pour
l'application des règlements municipaux entre autres, avec la
composition d'autres personnes de la communauté qui travailleraient avec
lui. Ça m'apparaît très intéressant, ça
m'apparaît intéressant. Il y a d'autres solutions aussi qui
peuvent apparaître intéressantes, mais pour moi, ce qui importe,
c'est qu'il y ait une loi qui s'applique. La loi est la même pour tous,
nous sommes tous égaux devant la loi. L'égalité ne
signifie pas l'uniformité. Attention! Nous sommes tous égaux
devant la loi et c'est un principe, pour moi, qui est sacré.
Mme Harel: Devant notre loi.
M. Rémillard: Devant notre loi, nous sommes
égaux.
Mme Harel: Ce n'est pas la loi.
M. Rémillard: II y a dans l'application de la loi, en
fonction des chartes, les questions qui peuvent se référer
à des circonstances, à des perspectives sociales, culturelles,
entre autres, qui peuvent amener certaines administrations de loi qui peuvent
être différentes, dans certains cas, en fonction de certaines
fins. C'est évident. C'est comme ça qu'on doit en arriver
à pouvoir avoir une loi qui nous gouverne, peu importe où on est,
peu importe qui on est; on vit dans une société de justice,
d'équité, de liberté, de démocratie. On n'a pas le
droit de prendre ce qui ne nous appartient pas. On n'a pas le droit de tuer, on
n'a pas le droit de causer du tort à son voisin. Nos droits se terminent
où ceux du voisin débutent. Ce sont des règles qui sont au
fondement de notre droit et elles ne changeront pas, peu importe ce que vous
êtes culturellement ou ethniquement ou à tous les points de
vue.
Cependant, dans l'administration de ces lois, il y a possibilité
de voir à des différences qui se réfèrent à
des coutumes, à des traditions qui, en autant qu'elles respectent ces
balises générales, fondamentales, peuvent être prises en
considération. C'est là notre réalité qui est au
Québec comme elle est aussi dans d'autres parties du Canada ou dans
d'autres pays. Et le défi que nous avons, c'est d'être capable de
construire cette société en fonction d'un bien commun qui nous
anime tous, en fonction des mêmes principes de justice et en fonction du
respect aussi des identités culturelles.
Je n'aime pas, pour ma part, M. le Président, prendre le mot
"minorité". Le mot "minorité" se réfère à un
concept de majorité. Et ça, je n'aime pas ça. Nous sommes
tous des minoritaires par rapport à quelque chose. Parlons donc d'une
société qui veut poursuivre un bien commun dans lequel nous
croyons tous et toutes. Je n'aime pas plus parler de droit collectif et de
droit individuel. Je trouve que c'est une fausse perspective du respect des
droits et libertés de la personne. On crée de faux conflits. Pour
moi, il n'y a qu'une réalité comme ministre de la Justice et,
aussi, comme membre d'une collectivité québécoise. Mes
droits, mes libertés se terminent où ceux de mon voisin
débutent. C'est aussi simple que ça pour moi. Et tenter de faire
des conflits des relations droit collectif par rapport à droit
individuel, ça vient pour moi mettre en perspective des contradictions
qu'on ne retrouve pas dans une société de liberté et de
démocratie comme la nôtre. Donc, j'évite de parler de
minorité, je parle plutôt de droit, de personnes qui appartiennent
à des traditions, à des coutumes, à des
réalités sociales, culturelles,
qui font partie de la richesse québécoise et qu'on doit
respecter en fonction quand même du respect de nos droits et des
principes fondamentaux de notre société de justice et
d'équité.
C'est dans ce concept-là que je réponds à la
question en disant que les perspectives que nous avons actuellement pour
l'administration de la justice en milieu autochtone sont intéressantes.
Je continue mes consultations auprès des autochtones; je les fais en
étroite collaboration avec mon collègue, le ministre
délégué aux Affaires autochtones, qui, comme vous le
savez, est en consultation aussi très étroite avec le milieu
autochtone. Je suis convaincu, M. le Président, qu'on peut en arriver
à des solutions très intéressantes, respectant nos
principes de part et d'autre.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Mme la
députée.
Mme Harel: Quand, M. le ministre? J'ai reçu - j'en
remercie votre ministère - cette semaine différents rapports
assez passionnants qui ont été rédigés, soit sur
l'administration de la justice en milieu autochtone, en novembre 1986, soit
quant à l'évaluation de projets de création d'un
comité de justice dans le Québec nordique, en septembre 1986, ou
encore qui analysent en droit comparé des systèmes judiciaires
autochtones dans divers pays, en décembre 1986, ou qui portent sur la
problématique de la justice en milieu cri, en mars 1988, bien avant,
évidemment, les événements de l'été
passé.
Si je partage cette affirmation que vous faites que la justice est la
même pour tous, que le sentiment de la justice est le même pour
tous, évidemment, il ne faut pas confondre justice et loi.
M. Rémillard: Justice et?
Mme Harel: Et loi. Alors, si on peut se référer
à notre sens de la justice qui est le même, il faut comprendre que
notre système judiciaire... Prenons l'exemple de nos lois civiles et de
ce souci que nous avons eu de maintenir, ici, la coutume de Paris,
évidemment, tout cela se fait dans un contexte culturel et on sait
très bien que les lois sont tributaires d'une culture et d'une culture
juridique. Ce que je demande au ministre, c'est concrètement... Je fais
référence à des pays comme la Nouvelle-Zélande et
l'Australie, le ministre connaît certainement les expériences qui
se sont faites de mise en place de tribunaux biculturels à la fois au
sens ethnique et au sens juridique. Nous avons d'ailleurs examiné cette
question lors des travaux de la Commission Bélanger-Campeau. Je demande
au ministre quand il entend rendre public un plan d'interventions en ces
matières? (11 h 45)
M. Rémillard: Je vais le faire en coordination aussi avec
mon collègue, le ministre délégué aux Affaires
autochtones, et mon collègue, le ministre de la Sécurité
publique. Je me suis rendu compte dans cette tournée du Grand-Nord
québécois qu'on a aussi beaucoup de problèmes qui
relèvent de la Sécurité publique. Il faut que l'on puisse
trouver aussi des solutions au niveau de ces problèmes qui
relèvent de la Sécurité publique. Pour ma part, notre
réflexion est bien engagée. On ne pourra pas me reprocher de
faire ça d'une tour d'ivoire, je vais sur le terrain directement. Quand
j'étais professeur d'université, j'ai eu l'occasion d'aller
rencontrer beaucoup de ces groupes. Vous me parlez de l'Australie, je suis
allé en Australie comme professeur d'université, remarquez,
rencontrer des groupes autochtones là. Il y a certains exemples qu'on
peut retirer aux États-Unis aussi dans bien des domaines, mais ce que
nous avons comme situation ici est original et me permet d'aborder des
questions et des solutions qui pourraient être originales et efficaces.
Mais ma première préoccupation est une consultation
étroite avec les autochtones eux-mêmes. Je veux qu'on le fasse
dans un esprit de grande collaboration, en étroite corlaboration, sans
quand même exagérer les situations. Je voudrais qu'on puisse
demeurer dans un contexte qui est acceptable pour une société
libre et démocratique.
Pour ma part, je ne parle que de choses qui sont réalisables dans
la mesure où on respecte le principe de l'égalité de tous
devant la loi et de l'application de nos lois qui sont garanties pour une
société de liberté et de démocratie, de justice et
d'équité. Dans ce contexte-là, je pense qu'on a une marge
de manoeuvre importante qui nous permet de respecter les demandes des
autochtones en très grande partie pour, en tout cas, ces demandes
auxquelles j'ai pu être sensibilisé lors de mon dernier
voyage.
Mme Harel: Quel est l'échéancier de consultations?
Est-ce que vous entendez déposer à un moment donné cet
échéancier de consultations? Vous avez l'intention de
procéder à une consultation que vous dites la plus large
possible, mais sera-t-elle publique, cette consultation? Sera-t-elle
privée? Y aura-t-il un échéancier, un calendrier?
M. Rémillard: J'ai l'intention de nous arrimer, si vous me
permettez l'expression, aux consultations que mène mon collègue,
le ministre délégué aux Affaires autochtones, pour qu'on
puisse travailler ensemble le plus étroitement possible et qu'on puisse
donc situer l'administration de la justice dans le cadre des autres secteurs
d'activité qu'on doit aménager en fonction des revendications
autochtones. Donc, nous avons l'intention de travailler en étroite
collaboration, ce qui ne nous empêche pas,
entre-temps, de faire beaucoup de choses. Entre autres, sur
l'aménagement des locaux, j'ai eu l'occasion d'inaugurer, lors de mon
dernier voyage, des nouvelles salles d'audiences, par exemple, qui rendent plus
accessibles les services judiciaires; j'ai eu l'occasion de discuter avec le
juge Coutu et M. Jacques Auger, entre autres, du ministère de la
Justice, et M. Freddy Henderson, le sous-ministre.
Nous avons eu des discussions qui nous ont permis d'apporter des
solutions administratives bien concrètes à certains
problèmes qui existaient et nous allons continuer à le faire.
Moi, pour ma part, je veux visiter d'autres communautés autochtones
aussi, en fonction de certains problèmes qu'on m'a identifiés.
Mais je voudrais, d'une façon générale, qu'on puisse
s'arrimer au processus de consultation auquel procède
présentement mon collègue, le ministre
délégué aux Affaires autochtones, M. Sirros.
Mme Harel: Quelle est la participation que vous prévoyez
des porte-parole des communautés autochtones lors du sommet sur la
justice? Prévoyez-vous les intégrer au processus? Y a-t-il une
proposition pour que certaines de ces questions soient incluses à
l'ordre du jour?
M. Rémillard: C'est une question que je veux discuter avec
le comité orienteur dont vous faites partie. Je vous remercie d'ailleurs
d'avoir accepté de faire partie de ce comité orienteur. Vous
allez pouvoir peut-être avoir matière à beaucoup de
réflexion pour poser des questions en Chambre.
Mme Harel: Vous en voulez. Je vais essayer de vous
satisfaire.
M. Rémillard: Ha, ha, ha! Mais on pourra discuter de ce
sujet-là parce que c'est un sujet qui est très important, qui est
aussi complexe. Il ne faut pas... Je fais une différence, si vous me le
permettez, entre des gens qui sont représentants et des gens qui sont
représentatifs. Des gens représentants sont des gens qui viennent
avec des mandats et qui parlent donc comme mandataires et je ne crois pas qu'au
niveau du sommet de la justice on devrait avoir nécessairement, à
tous les niveaux, des gens qui sont mandataires et qui sont donc des
représentants. J'aimerais beaucoup avoir des gens représentatifs,
donc qui parlent parce qu'ils ont une expertise, parce qu'ils sont
considérés par un milieu comme des porte-parole, mais cet
élément de mandat en fonction de représentants me pose
quand même des questions importantes que j'aimerais discuter avec le
comité orienteur. Donc, à notre réunion du 15 avril, nous
aurons à discuter de cette question.
Le Président (M. Dauphin): Merci. Mme la
députée.
Mme Harel: Oui, votre collègue aux Affaires autochtones
prévoit un processus de consultation qui va durer deux ans.
C'était la réponse qu'il faisait hier lors de l'examen de ses
propres crédits. Alors, vous arrimant à ces consultations, il
s'agit donc d'un processus qui, pour vous, ne pourra se terminer avant deux
ans. C'est bien le cas?
M. Rémillard: Non. Nous, on est quand même assez
avancés dans notre réflexion. Il n'est pas question pour moi
d'attendre deux ans. Non, non, il n'est pas question d'attendre deux ans. Quand
je dis: Nous arrimer avec la consultation, c'est que je pense qu'on peut faire
un bon bout qui nous permettrait de nous ajuster en fonction d'autres
éléments. J'ai parlé de Sécurité publique;
je vous ai parlé aussi du ministre délégué aux
Affaires autochtones, mais, non, pour nous, on n'attendra pas deux ans, avec ce
que ça comprend. J'ai des besoins immédiats en matière
d'administration en milieu autochtone et je compte bien y faire face dans un
avenir quand même pas très éloigné. Alors, dans ce
cadre-là, pour moi, deux ans, non, c'est trop long.
Médiation familiale
Mme Harel: J'aimerais aborder la question de la médiation
familiale.
M. Rémillard: Oui.
Mme Harel: L'an dernier, lorsque vous me répondiez, vous
étiez assez enthousiaste sur ce qui allait se passer durant la
dernière année en matière d'élargissement du
service de médiation familiale dans toutes les régions du
Québec. Cette année, vous avez l'air d'en être moins
certain. Qu'est-ce qui se passe, finalement, en cette matière?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: Oui. C'est un sujet très important.
Vous savez évidemment qu'il y a l'expérience de médiation
familiale qui existe à Québec et à Montréal et qui
est concluante. Je pense que la conclusion que nous en tirons tous, c'est que
l'expérience doit être étendue à l'ensemble du
territoire québécois. Donc, pour moi, ma volonté demeure
toujours très ferme de faire en sorte que cette médiation
familiale se fasse sur l'ensemble du territoire du Québec.
Nous avons eu des rencontres avec mon collègue, le ministre de la
Santé et des Services sociaux, et son sous-ministre, les gens
responsables de certains dossiers avec M. le sous-ministre Chamberland. Nous
avons eu des rencontres à quelques reprises et on en est venus à
une entente, on en est venus à, je crois, un programme d'application de
cette médiation familiale au niveau de l'ensemble du Québec
qui
serait très intéressante. Et je mets beaucoup d'espoir
dans ce processus de médiation, justement, dans cette perspective que je
disais tout à l'heure, de développer une approche
différente pour l'administration de la justice et chez les citoyennes et
les citoyens, qu'on ne voie pas simplement la justice en fonction des
tribunaux. Qu'on la voie aussi en fonction de conciliation, de
médiation, d'arbitrage. Et, en matière familiale, la question de
l'arbitrage et de la médiation, en particulier, est très
importante. Que le juge ou que les parties par elles-mêmes puissent
demander l'intervention d'un médiateur, on s'est rendu compte que
ça pouvait améliorer considérablement les conditions de
séparation, de divorce, à bien des niveaux, mais surtout au
niveau des enfants.
Tout à l'heure, je parlais de ces homicides d'enfants. On voit
des situations tragiques où un parent se suicide après avoir
tué ses propres enfants dans un geste de désespoir incroyable.
Ça existe, c'est ça. C'est une réalité. On a un
élément. Je ne vous dis pas que c'est la solution, mais je vous
dis que c'est une partie de solution qui peut aider une médiation
familiale bien faite avec des gens, des spécialistes, pas
nécessairement des avocats, des gens qui ont différentes
formations, soit par le juge, soit par les parties, qui sont appelés
à jouer le rôle de médiateur et qui, donc, en arrivent
à des solutions à proposer aux parties pour améliorer
considérablement les conditions de séparation.
C'est toujours pour moi une priorité.
Mme Harel: Heureusement.
M. Rémillard: Le mémoire est en discussion et
j'espère bien pouvoir le mettre en application dès l'automne
1991. Il y a des questions administratives, il faut faire des modifications au
Code de procédure civile, il faut aussi que je revoie certains
éléments administratifs parce que ça se fait dans le cours
d'un procès. Il y a différentes modalités, donc, qu'on
doit établir. Mais j'espère bien que, dès l'automne 1991,
on pourra mettre en application, d'une façon graduelle partout au
Québec, la médiation familiale. Et c'est toujours pour moi une
priorité.
Le Président (M. Dauphin): Mme la députée
(12 heures)
Mme Harel: Bon. Alors, M. le Président, tant mieux que ce
soit toujours une priorité pour le ministre. Mais je voudrais simplement
reprendre ce qu'il nous en disait l'an dernier. J'ai l'impression qu'à
son insu il a, mot pour mot, répété la réponse
qu'il me faisait l'an passé. Il me disait ceci: La médiation
familiale, de par l'expérience qui a été menée, une
conclusion s'impose très clairement, c'est que c'est un succès et
que ça répond à un besoin, c'est évident - je cite
au mot. Par conséquent, le désir que nous avons, la
volonté ferme que nous avons, c'est d'étendre ce service partout
au Québec. Nous avons eu une rencontre avec mon collègue, avec
les gens de mon ministère, le sous-ministre et les fonctionnaires
impliqués dans ce dossier. Nous avons eu une rencontre avec mon
collègue de la Santé et des Services sociaux et ses
sous-ministres et nous en sommes arrivés à la conclusion que la
responsabilité de cette médiation qui se déroulera
à l'intérieur d'une procédure judiciaire au palais de
justice sera sous la responsabilité du ministère de la Justice
Alors, le dossier est en train de se terminer dans les prochains jours. M. le
sous-ministre m'informe, à l'instant même, qu'il y a eu encore des
contacts tout récemment avec le ministre de la Santé et des
Services sociaux qui a les mêmes objectifs que nous. Tout semble bien
aller Ce qui veut dire qu'on devrait être capables, il reste à
trouver les ressources matérielles. Je vais retourner au Conseil du
trésor, mais je pense que c'est une cause qui en vaut vraiment le coup.
J'ai bien l'intention de faire tous les efforts qu'il faut faire pour aller
chercher les moyens matériels. On devrait le faire dans un avenir
prochain.
C'était au 1er juin 1990. Entre-temps, le projet de loi 120
propose de confier la médiation familiale aux centres de protection de
l'enfance et de la jeunesse et les CSS que nous avons rencontrés sont
absolument convaincus qu'ils vont obtenir la responsabilité de ce
dossier. Et, entre-temps, les crédits ne prévoient rien. Alors,
je demande au ministre: Est-ce que, l'an prochain, je vais devoir encore lui
répéter la même question? Parce que je pense, comme lui,
autant de bien qu'il pense de ce service de médiation que j'ai eu
l'occasion de visiter au palais de justice.
M. Rémillard: D'abord, je voudrais remercier Mme la
députée de me citer si bien au texte et de réaliser
à quel point je ne change pas d'idée. On ne pourra pas m'accuser
d'être une girouette, bien que ce soit le vent qui tourne de
côté, ce n'est pas la girouette, mais peu importe.
Mme Harel: On peut presque vous citer mot à mot cette
année par rapport à l'an passé.
M. Rémillard: Vous pouvez voir la continuité de mon
action. Ce n'est pas toujours facile. Je peux vous dire que des fois on se
lève le matin, on regarde ça et on dit: Bon Dieu! comment on va
prendre ça et qu'on va essayer de pousser? Il doit y avoir un moyen de
faire ça et de le réaliser. Ce n'est pas toujours facile. Les
obstacles administratifs, ça existe, c'est vrai Je vous parlais l'an
dernier d'aller chercher des ressources matérielles; ce n'est pas
facile. Il faut aller au Conseil du trésor et, au Conseil du
trésor, ils font leur travail, ils le font correctement, je dois dire,
il faut se battre, il faut aller le chercher. Ça fait cinq ans que je
suis minis-
tre, ça fait cinq ans qu'on se bat et qu'on va chercher ce qu'on
doit aller chercher. Ce n'est pas toujours facile. Dans le contexte
économique actuel, ce n'est pas facile, très difficile. Mais
notre idée est toujours la même. Nous sommes aussi toujours
déterminés.
Je voudrais quand même faire une précision. Attention! Il
ne faut pas confondre "counseling" familial, qui relève du MSSS, avec la
médiation familiale, dans le contexte d'une procédure judiciaire.
C'est deux choses différentes. Il ne faut pas confondre ça. Moi,
comme ministre de la Justice, je ne peux pas vous parler du "counseling"
familial, c'est-à-dire cette possibilité pour des gens, des
couples qui seraient en difficulté de référer à un
médiateur ou à un conseiller qui leur permet de régler
leurs problèmes de couple. Ça, c'est une chose. Moi, je ne vous
parle pas de ça. Moi, je vous parle de la médiation qui existe
lorsqu'une procédure de séparation, de divorce est en cours et
qu'on s'aperçoit, pour établir les modalités de cette
séparation, de ce divorce, qu'on doit avoir quelqu'un de
l'extérieur qui peut aider, sans le formalisme de la cour, sans la
présence des avocats, avec tout ce que ça peut comporter. Alors,
on dit: Voici, on a quelqu'un en qui on a confiance et puis il va nous aider.
Mais il ne faut quand même pas voir cette médiation familiale
comme du paternalisme, Mme la députée. Il ne faut pas voir
ça comme du parternalisme, la médiation familiale. C'est
important. Même si le paternalisme, c'est un terme sexiste. Vous savez,
dans le Code civil, on a éliminé toutes les expressions comme
"bon père de famille" et tout ça. On a tout enlevé
ça. Se référer au terme "paternalisme", je trouve que
c'est une vieille expression un peu sexiste. Il vaut mieux parler de
différentes expressions, d'élégance ou de choses comme
ça. Mais dans le contexte de la médiation familiale, il reste
que, pour nous, elle se situe au niveau d'une procédure judiciaire et
que, dans ce contexte-là, elle peut faire beaucoup. Maintenant, je
voudrais qu'elle soit accessible à des coûts les moindres
possible; c'est ça qu'est le problème. Je veux qu'elle soit, dans
le cours d'une procédure, accessible autant que possible. Qu'est-ce que
ça signifie, ça? Est-ce que ça signifie qu'il faudrait
augmenter les frais judiciaires au point qu'on serait obligé même
de les doubler pour payer? Ça veut dire des déboursés
importants. Je pense que, ça, vous l'avez vu, comme problème,
comme moi.
Alors, quelle est la solution possible? Vous savez, c'est évident
que nous vivons présentement, comme État, comme gouvernement au
Québec, comme les autres provinces canadiennes, comme le gouvernement
fédéral, comme tous les pays démocratiques, nos voisins du
Sud en particulier, aux États-Unis, ce que j'appellerais une
véritable crise des services publics. Pour moi, ce n'est pas une crise
des finances publiques qu'on vit, c'est une crise des services publics. Tous
ces grands services publics de santé, d'éducation, de justice, de
transport, d'énergie, tous ces grands services publics, on doit les
revoir en fonction des critères qui étaient les nôtres il y
a quelques années. Mais, maintenant, on se rend compte que l'État
ne peut plus faire face à ça. Moi, j'y fais face, comme ministre
de la Justice, à cette réalité-là, à cette
crise-là, je vous l'avoue. Tantôt, on va parler de l'aide
juridique. Je vais vous dire, j'ai un problème énorme parce que
je ne suis pas simplement ministre pour les plus démunis ou les plus
riches, je suis le ministre pour voir aux citoyens de classe moyenne, et
ça, c'est la très large partie de notre société,
qui ont des droits aussi.
Dans ce contexte-là, les décisions qu'on a à
prendre, lorsque vous parlez d'un service comme celui-là qu'on peut
qualifier de service public, c'est de parler de son accessibilité, de
son coût, son aménagement administratif, et c'est là que
ça me cause des problèmes. Si vous avez des solutions à me
proposer, je suis bien ouvert.
Le Président (M. Dauphin): Mme la
députée.
Mme Harel: Oui. Alors, M. le Président, il me semble que
le ministre se laisse enfermer dans une logique infernale qui est celle
d'autofinancer ce qui lui apparaît comme étant une sorte de
priorité dans notre société, compte tenu, comme il l'a si
bien exprimé, des difficultés rencontrées par les enfants
dont les parents divorcent et des conséquences, finalement, des
coûts sociaux qui peuvent en résulter. Il se laisse enfermer dans
cette logique, dans ce corset, j'ai l'impression, dans lequel l'emprisonne le
Conseil du trésor.
Mais je voudrais lui transmettre de la part de ma collègue, Mme
la députée Jeanne Blackburn, Mme la députée de
Chicoutimi qui, malheureusement, ne pouvait être des nôtres
aujourd'hui, étant retenue à Chicoutimi, mais qui m'a bien fait
promettre d'aborder la question avec le ministre... Je veux notamment lui faire
part d'un jugement rendu par l'honorable juge Claude Larouche, de la Cour
supérieure du district de Roberval, le 27 novembre 1990, donc il y a
à peine quelques mois, à l'effet... Je vais citer mot à
mot le jugement du juge Larouche: "II importe cependant de souligner que le
soussigné avait rendu, le 11 octobre 1989, une ordonnance d'expertise
psychosociale à laquelle le service d'expertise psychosociale n'avait pu
procéder plus d'un an après, ce qui affecte singulièrement
les objectifs visés par la création d'un tel service."
Évidemment, c'est dans un contexte où non seulement on assiste
à une crise des services publics, à une crise de la
nuptialité et où les divorces sont en augmentation vertigineuse.
J'avais quelques chiffres sur la situation prévalant dans la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean où les requêtes en
divorce et les autres requêtes
sont en progression. Alors, je veux bien comprendre qu'il s'agit
là d'un service d'expertise psychosociale, mais le service de
médiation familiale, celui-là même que le ministre
décrivait tantôt, au niveau des procédures judiciaires, ce
service-là, le service de médiation, on me dit que dans le projet
de loi 120, projet de loi dont le parrain est le ministre de la Santé et
des Services sociaux, les centres de services sociaux en deviendraient
responsables. Je veux savoir si tout ça découle d'une entente
avec son collègue.
M. Rémillard: Toujours en fonction du "counseling"
familial et toujours en fonction aussi de l'expertise psychosociale, qui ne
relève pas de nous, c'est ça qu'il faut comprendre. Mais quand
vous parlez du jugement du juge Larouche, comme vous l'avez mentionné si
bien vous-même, il s'agit d'une expertise psychosociale et ça,
ça relève strictement du ministère de la Santé et
des Services sociaux, ça ne relève pas du ministère de la
Justice. Alors, dans ce contexte-là, vous savez, Valéry qui
disait que la logique est une maîtresse bien cruelle...
Mme Harel: En matière de médiation familiale, je
reviens...
M. Rémillard: En matière de médiation
familiale.
Mme Harel: ...sur ce que prévoit la loi 120... M.
Rémillard: Oui, mais regardez...
Mme Harel: ...qui prévoit de confier la
responsabilité de la médiation familiale aux centres de services
sociaux.
M. Rémillard: C'est la médiation "counsel-ing", pas
à l'intérieur du processus judiciaire. C'est ça qui est
important. C'est qu'à l'intérieur...
Mme Harel: Es tu sûr?
M. Rémillard: ...du processus judiciaire, il s'agit d'une
responsabilité qui est du ministère de la Justice en
collaboration avec le ministère de la Santé et des Services
sociaux. On a eu nos réunions, on s'est entendu très bien. Par
conséquent, pour nous, il est très clair que lorsqu'on parle de
"counseling" familial, lorsqu'on parle aussi d'évaluation psychosociale,
c'est évident que ça ne relève pas du ministère de
la Justice. Lorsqu'on parle d'une instance judiciaire, ça relève
du ministère de la Justice.
Actuellement, ce que nous tentons de faire, c'est de trouver des moyens
que j'appellerais innovateurs, si vous me permettez l'expression, pour financer
le service de médiation; il faut trouver des moyens innovateurs.
À un moment donné, l'État a des limites de payer, il est
évident. On fait face à une situation économique difficile
qui pourrait être bénéfique dans la mesure où elle
nous fera prendre conscience que nos services publics doivent être revus
en fonction du rôle de l'État. C'est évident,
ça.
Alors, pour moi, comme ministre, ma responsabilité, c'est que je
suis devant un service public que je considère comme important, que je
dois mettre en place pour donner un service à la population, mais je me
dois aussi, comme administrateur de deniers publics et du rôle de
l'État, de trouver des moyens innovateurs qui pourraient me permettre de
financer ces services de médiation. C'est là qu'est le
problème et on y travaille pour trouver une solution; ce n'est pas
facile.
Mme Harel: La solution que vous avez envisagée, c'est
l'augmentation des tarifs, des timbres judiciaires en matière familiale.
Est-ce que c'est toujours cette solution-là que vous envisagez?
M. Rémillard: C'est une hypothèse. Mme Harel:
Quelles sont... M. Rémillard: C'est une hypothèse.
Mme Harel: ...les autres hypothèses?
M. Rémillard: Les autres hypothèses sont
envisagées à d'autres niveaux, mais j'aime mieux,
peut-être, les garder pour le moment, pour qu'on puisse plus les
travailler et les aborder, peut-être, à un autre moment, lors
d'une question en Chambre, par exemple. Mais dans ce contexte-là, est-ce
que ce serait une bonne chose de monter les frais judiciaires au niveau
où ça pourrait être accepté? Il s'agit d'une
dépense qu'on peut évaluer à près de 4 000 000 $.
C'est assez important si on veut donner le service convenablement partout au
Québec.
Mme Harel: C'est donc dire que le ministre a décidé
d'opérer dans le cadre de la logique infernale que lui dicte le Conseil
du trésor, c'est-à-dire qu'il dort lui-même financer soit
à même, des augmentations de tarif... En fait, l'hypothèse,
qui est toujours une hypothèse, ça reste celle d'augmenter les
timbres judiciaires, par exemple, pour une requête de divorce,
jusqu'à, je pense, 100 % ou 146 %. Alors, c'est bien loin d'imposer aux
justiciables le coût de l'indexation. C'est, évidemment, une sorte
de source de financement que le gouvernement cherche à trouver. (12 h
15)
M. Rémillard: Ce n'est pas la logique infernale du Conseil
du trésor, c'est ma logique C'est la logique du gouvernement. C'est la
logique du parti auquel j'appartiens. C'est une
logique qui repose essentiellement sur le fait que l'État a un
rôle à jouer, mais que l'État n'a pas à jouer le
rôle de soutien, de fournisseur, de pourvoyeur à tous les niveaux
pour les citoyens. L'État est là pour garantir les services
publics, leur qualité, leur accessiblité, leur
universalité, leur sûreté. C'est ça, le rôle
de l'État en matière de services publics. Mais ça ne
signifie pas que l'État doive les fournir dans leur
intégralité en fonction d'une gratuité ou en fonction
d'autres principes qui ne peuvent plus se situer dans le contexte actuel
économique, social, culturel et politique qu'on vit. Absolument pas. Ce
n'est pas une logique infernale pour moi, ça. C'est une
réalité implacable. C'est une réalité qui est
là, qui est devant nous. Moi, comme ministre de la Justice, je vous le
répète, c'est un service public qu'on doit rendre, qu'on doit
revoir dans beaucoup de ses aspects. Entre autres, sur cette médiation
familiale, il faut que ce service soit offert à l'ensemble de la
population du Québec, mais l'État n'a pas les moyens de payer
toujours intégralement l'ensemble des coûts de tous ces
services-là. Sans cela on n'arrivera plus. On ne peut plus. Et le
citoyen moyen qui est écrasé par les taxes, par les impôts
et qui ne peut plus s'en sortir, il faut arrêter ça. Ça n'a
plus de bon sens, ça.
Mme Harel: Certainement, parce que le problème, M. le
Président, c'est que le citoyen moyen est en train d'être
écrasé par les taxes indirectes étant donné la
faculté, la capacité de ce gouvernement de transférer son
propre déficit sur les municipalités, sur le transport en commun.
C'est des hausses de tarif dans à peu près tous les domaines. Et
ce que le ministre nous dit là, c'est une philosophie qui est bien moins
élégante que celle qu'il exprime. C'est que, finalement, c'est
une taxe indirecte régressive qui va financer ce service qu'il
prétend offrir à l'ensemble de la population. S'il veut augmenter
le tarif du divorce, il faut bien qu'il comprenne, au-delà de ce qui
serait raisonnable, pour y trouver une source de financement, qu'il va donc
répartir sur l'ensemble des personnes, des couples qui jugent
nécessaires de procéder à une requête en divorce, le
coût d'un service qu'il veut mettre en place. Et il n'y a rien qui
indique la capacité de payer uniforme des personnes qui divorcent. Ce
que le ministre vient de nous dire, c'est que lui-même et son
gouvernement préfèrent, à une politique de la
fiscalité qui soit équitable et qui repose sur les revenus, une
politique de financement des services publics, parce que c'est le même
service public qu'il veut offrir. Il dit que l'État n'a pas les moyens
de le payer, mais il veut le payer en répartissant indirectement, sur
des gens qui, eux, n'ont pas nécessairement la capacité de le
payer. Ce que ça peut amener dans notre société, c'est
tout simplement à fuir les règles du jeu parce que, si ça
devient trop cher et de divorcer et de se marier, il va arriver tout simplement
que l'on va constater que des personnes vont convenir de ne plus
institutionnaliser, étant donné que, dans un cas comme le mariage
ou le divorce, parce que, évidemment, tôt ou tard, j'imagine, on
n'en est pas là encore, mais les cérémonies viendront
certainement à connaître elles aussi la même philosophie,
j'imagine... Moi, je mets en garde le ministre contre un raisonnement
semblable. Il n'est pas du tout certain... Et j'imagine que son ministre de la
Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu qui, lui, oblige les
personnes démunies à procéder par voie de requête
avant de leur octroyer une aide de dernier recours parce qu'il les oblige, si
tant est qu'elles peuvent avoir accès à une pension alimentaire,
à procéder par voie de requête ou à engager des
procédures et, évidemment, étant donné, j'imagine,
que son collègue a fait lui-même le calcul de ce qu'il pourrait en
coûter aux services publics, ce sont des vases communicants malgré
tout. Le ministère de la Justice ne peut pas ignorer ce que le
ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu
paie pour les bénéficiaires dont il a la charge.
Cela dit, M. le Président, ce que je constate, c'est qu'on n'en
est pas à espérer que les services de médiation familiale
seront en bonne voie d'être offerts dans l'ensemble des régions du
Québec. On est bien loin de là.
M. Rémillard: On n'est pas nécessairement loin de
là. Tout d'abord, j'ai dit tout à l'heure qu'on cherche des
moyens innovateurs. Je dois dire que, pour moi, comme ministre, et ça
correspond profondément à ce que je pense, je considère
que c'est le rôle de l'État de voir à ce que les plus
démunis dans une société reçoivent des services
publics de la meilleure qualité possible. Ça, c'est le rôle
de l'État. Mais il faut bien s'entendre sur une chose: lorsqu'un service
est rendu au citoyen, le citoyen le paie, ce service-là. Qu'il le paie
directement parce qu'il doit payer lorsqu'il reçoit le service ou qu'il
le paie par ses impôts, d'une façon ou d'une autre, il faut bien
que l'État ait l'argent pour offrir ces services-là. On est
arrivé à créer une mentalité chez le citoyen qu'il
reçoit des choses gratuitement. Il n'a pas à payer, par
conséquent, ça lui est dû. Mais il doit se rendre compte
qu'il les paie par ses taxes et qu'à un moment donné il faut que
l'État augmente les taxes pour offrir les services. C'est comme
ça qu'on en arrive à des situations comme celle qu'on doit vivre
maintenant: calculez le budget de l'État en fonction du coût des
services publics qui sont rendus, ajoutez le service de la dette et vous allez
voir que la marge de manoeuvre qui reste au gouvernement dans un budget pour
appliquer des politiques qu'il veut favoriser, c'est extrêmement mince,
extrêmement limité.
Alors, il faut à un moment donné qu'on se comprenne! Les
services publics doivent se payer
et l'État doit trouver l'argent quelque part. Or, je vous dis que
j'essaie de trouver des moyens innovateurs pour financer ce service que je
considère comme très important. Quels seront ces moyens? Vous en
avez cité un qui était une possibilité que nous avons.
Mais je vous dis qu'il y en a d'autres que nous examinons attentivement. On va
en discuter aussi au niveau du Conseil du trésor et on va essayer de
trouver la meilleure solution possible. Il faut quand même bien
comprendre que le service qu'on offre doit, à un moment donné,
être financé par quelqu'un et ce quelqu'un, c'est une population
qui est là et qui reçoit ces services parce qu'elle a un
gouvernement qui est responsable de ces services.
Mme Harel: M. le Président...
Le Président (M. Dauphin): Oui, Mme la
députée.
Mme Harel:... le ministre n'a parlé que des taxes, mais ce
quelqu'un paie aussi des impôts et s'étonne qu'avec le niveau
d'impôts qu'il paie, l'ensemble des dépenses gouvernementales
augmentant de 6,9 %, le ministère de la Justice soit le
laissé-pour-compte. Le niveau des dépenses gouvernementales
augmente bien plus que l'inflation. Je ne sais pas si le ministre a eu
l'occasion de voir un peu l'ensemble du total des dépenses
gouvernementales qui ont été révélées lors
de la publication des crédits, mais c'est de l'ordre de 6,9 % et le
ministère de la Justice est en décroissance en regard simplement
du maintien des coûts à la consommation
M. Rémillard: À ce niveau-là, je fais appel
justement aux responsabilités de Mme la députée comme
critique aussi dans le domaine social. Ce que je veux dire, c'est que nous
vivons une période économique très difficile. C'est
évident, c'est très difficile pas juste pour le Québec.
Regardez ce qui se passe en Ontario, la province supposément riche qui
nous a foutu dans l'inflation, qui est une des causes de la récession
qu'on vit présentement. Bon! On n'élaborera pas trop, trop
là-dessus. Ce que je veux dire, c'est que, par conséquent, il y a
certains domaines, certains secteurs d'activité de l'État qui
coûtent beaucoup plus cher parce qu'on est dans une période de
récession économique. Le domaine, par exemple, des démunis
de la société qui ont besoin d'aide de l'État. Il y en a
beaucoup plus à ce niveau-là. Ensuite, les programmes de
l'État pour favoriser la reprise économique; elle est là
aussi! Alors, dans certains secteurs touchés particulièrement par
des questions de récession, c'est évident que vous avez des
augmentations substantielles de coûts, ce qui fait grimper, et on a 6,8
%. Mais il ne faut pas penser que 6,8 % est la norme pour tous les
ministères. Ce n'est pas ça; ce serait déformer les faits,
ça
Mme Harel: Ce ne l'est pas, du moins, pour la Justice Mon Dieu
que le temps passe vite, M. le Président!
Le Président (M. Dauphin): Effectivement.
Mme Harel: Je voulais faire appel au sens des
responsabilités sociales et des responsabilités politiques du
ministre pour justement l'inciter à sortir le Québec le plus
rapidement possible d'un système, comme ont pu le démontrer les
travaux de la Commission Bélanger-Campeau, où le Québec
arrive bon dernier au rang des provinces en matière d'investissements
fédéraux créateurs d'emplois. Évidemment, tout
ça n'est pas indifférent; il n'y a pas que l'augmentation des
taux d'intérêt. Il y a la combinaison de cette augmentation des
taux d'intérêt et surtout d'investissements qui ne sont pas
créateurs d'emplois, mais qui sont effectivement des prestations de
nature de la sécurité du revenu, transferts à
l'assuran-ce-chômage ou à l'aide sociale.
Je me permets cette intervention, M. le Président, parce qu'on
est à la veille de terminer nos travaux pour ce matin, mais je souhaite
que nous puissions faire l'effort de reprendre le plus tôt possible
à la fin de la période de questions pour que nous ayons le temps
d'examiner l'ensemble des programmes.
Le Président (M. Dauphin): Effectivement. M. le ministre,
est-ce que vous avez quelque chose à ajouter? Non? Ça va?
M. Rémillard: Non, sinon que, bien sûr, je constate
avec toujours beaucoup de plaisir l'intérêt de Mme la
députée et, aussitôt que possible, je serai de retour pour
continuer les travaux.
Mme Harel: Je vais essayer de vous satisfaire pour la
période de questions.
M. Rémillard: Oui? Mme Harel: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Dauphin): Si vous me le permettez, est-ce
qu'on adopte le programme 7?
Mme Harel: Ce n'est pas "adopte" On dit. Ah! Adopte?
D'accord.
Le Président (M. Dauphin): Adopte. À l'étude
des crédits, on adopte. Alors, nous adoptons le programme 7.
Nous allons suspendre pour reprendre nos travaux après la
période des affaires courantes, c'est-à-dire entre 15 heures et
15 h 30. Merci et bon dîner!
(Suspension de la séance à 12 h 28)
(Reprise 15 h 8)
Le Président (M. Dauphin): La commission des institutions
reprend ses travaux sur l'étude des crédits du ministre de la
Justice, et je vais reconnaître immédiatement Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, M. le Président. Nous souhaiterions,
compte tenu du peu de temps qui est imparti, procéder programme par
programme, à partir du programme 1, mais juste avant, M. le
Président, j'aimerais déposer, pour le bénéfice des
membres de la commission et évidemment pour le bénéfice du
ministre, copie de l'amendement que son collègue, le ministre de la
Santé et des Services sociaux, entend déposer à l'article
56 du projet de loi 120, simplement pour faire valoir qu'il est possible qu'il
y ait nécessité d'éclaircissement, mais si tant est que ce
soit le cas, il faudrait voir à ce que cet éclaircissement se
fasse dans la formulation de la disposition qui se lirait de la façon
suivante: Puisque les services en matière... On parle de services en
matière de placement d'enfants, de médiation familiale,
d'expertise à la Cour supérieure sur la garde d'enfants,
d'adoption et de recherche des antécédents biologiques. Et
puisqu'on parle nommément de médiation familiale dans la
formulation de cette disposition 56 du projet de loi 120, sans doute
faudrait-il voir à ce que clarification soit faite. Alors, je le
dépose, pour les fins de la suite de nos travaux.
Le Président (M. Dauphin): Est-ce que cet
amendement-là avait été déposé en commission
parlementaire?
Mme Harel: II semble que oui. On m'a dit que oui: Amendement au
projet de loi 120. C'est un des amendements qui auraient été
distribués parmi les 300 amendements et plus, je crois, qui l'ont
été. L'important, c'est de faire, de toute façon, les
vérifications et de voir avant l'adoption de la loi qu'évidemment
les clarifications soient faites pour ne pas qu'il y ait de confusion entre les
services psychosociaux et la médiation familiale, comme ce serait le cas
si le projet de loi était adopté tel qu'il est actuellement
examiné par la commission des affaires sociales.
M. Rémillard: Oui, M. le Président, je vais
prendre connaissance de cet amendement et je vais voir ce qu'on doit faire,
toujours en fonction des explications qu'on a données ce matin. J'en
prends bonne note.
Le Président (M. Dauphin): Si vous me permettez, j'en
prends connaissance, mais on va faire certaines vérifications avant d'en
accepter officiellement le dépôt ici, en commission.
Mme Harel: D'accord.
Le Président (M. Dauphin): Je vais en donner une copie au
ministre, de toute façon.
Mme Harel: D'accord. Alors, j'aimerais...
Le Président (M. Dauphin): Oui. Ah! Bon. J'en accepte le
dépôt à ce moment-là. Alors, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Formulation de jugements Magistrature
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je voudrais
débuter, tout simplement avec le programme 1 et puis inviter tout de
suite le ministre à nous indiquer si, contrairement aux crédits
qui ne prévoient pas une augmentation du nombre de juges, étant
donné qu'il n'y a pas dans les crédits d'information à cet
effet, il faut comprendre que le nombre de juges actuellement existant et pour
l'année 1991-1992 est considéré comme allant rester le
même?
M. Rémillard: Oui, M. le Président, il est
évident qu'il y a, surtout au niveau criminel et pénal, beaucoup
plus de causes maintenant qui sont entendues que depuis quelques années
et, souvent, des gens me disent: Écoutez donc, est-ce qu'on est plus
mauvais qu'il y a à peine trois, quatre, cinq ou six ans? Qu'est-ce qui
se passe? Qu'est-ce qui fait que nos tribunaux sont engorgés comme
ça? Comment se fait-il qu'on nomme des juges, on nomme des juges et on
ne parvient pas à trouver une solution?
Je dirais, M. le Président, qu'il faut bien comprendre qu'on est
un peu victimes de notre efficacité, dans le sens qu'on a mis en place,
dans les cinq dernières années, des programmes pour justement
contraindre la criminalité dans des secteurs, dans des domaines qui
n'étaient pas des secteurs très couverts par la justice
auparavant. Je me réfère, par exemple, à la violence
conjugale. La violence conjugale, M. le Président, il n'y a pas
tellement longtemps, on disait: Écoutez. Qu'ils ferment la porte et
s'ils veulent - vous me permettrez l'expression - se casser la gueule,
ça les regarde et on n'ira pas se mêler de ça. On entendait
ça régulièrement et c'étaient des affaires qui
regardaient les familles. On ne se mêlait pas de ça. Maintenant,
on sait que la violence conjugale, c'est criminel. Et c'est poursuivi devant
les tribunaux et nous avons une action concertée qui porte fruit. On
peut faire de l'amélioration encore et on pourra en reparler, mais on a
quand même des résultats tangibles et beaucoup de gens sont
poursuivis pour violence conjugale. Je regarde ensuite la conduite en
état d'ébriété. Là encore, on a mis l'accent
sur la conduite en état d'ébriété et les
résultats, c'est qu'on se retrouve avec beaucoup de causes de conduite
en état d'ébriété. Ça n'existait pas
ça, il y a cinq ans à peine. Tout ce qui regarde
l'environnement et la police verte, aussi, et il faut faire encore plus
d'efforts encore, en ce qui regarde l'environnement et la police verte.
Beaucoup à faire. Le transport routier qu'on est en train de mettre en
place. Beaucoup à faire dans ce domaine-là aussi et toute la
question de la drogue. La drogue chez nos jeunes. La drogue qu'il faut
combattre parce qu'elle amène des situations extrêmement
difficiles, chez nos jeunes en particulier, au niveau des écoles. Tout
ça a fait qu'on se retrouve maintenant, au niveau criminel et
pénal avec un engorgement qui n'existait pas il y a cinq ans.
Le juge en chef de la Cour du Québec, le juge Gobeil, m'a fait
une demande de nouveaux postes de juges. C'est à l'étude
présentement au ministère et je vais l'étudier. Je l'ai
rencontré déjà, le juge Gobeil, dernièrement. Je
vais le revoir prochainement. On va en reparler, on va en discuter ensemble.
Manifestement, il est évident que nos juges font un travail remarquable,
qu'ils doivent souvent travailler dans des conditions difficiles parce qu'il ne
faut pas simplement prévoir le nombre de juges, il faut penser aussi aux
salles qui sont là, il faut penser au personnel de soutien, il faut
penser aussi aux procureurs de la couronne. Il ne faut pas simplement qu'on
nomme des juges comme ça. Que je nomme des juges, mais ce qui vient avec
les juges, c'est les salles, c'est des secrétaires, c'est des procureurs
de la couronne qui travaillent pour amener des causes devant les tribunaux,
c'est tout un appareil judiciaire. Alors, on est en train de voir ça,
faire une étude systématique des besoins et, tout à
l'heure, probablement, si on aborde les services judiciaires, les palais de
justice, j'aurai à parler sur l'aménagement et les salles, etc.,
sur ce qu'on est en train de faire à ce niveau-là.
Mme Harel: Alors, ce sera immédiatement après.
Mais, d'abord, faut-il comprendre que pour l'année 1991-1992 le nombre
de juges sera le même, c'est-à-dire 285? C'est ce qu'on retrouve
dans les cahiers explicatifs. Cela nous indique, pour 1990-1991, 285 juges et,
pour 1991-1992, 285 juges, sans un crédit supplémentaire pour les
nouveaux postes qui ont été demandés. Je crois comprendre
que c'est six nouveaux postes: trois à Montréal, deux à
Saint-Jérôme et un à Joliette. Le ministre nous fait un
constat de situation. Moi, je ne veux pas surenchérir, mais on pourrait
le faire. C'est déjà dans les journaux. Moi, ce que je cherche
plus cet après-midi, c'est à identifier les solutions. Les
constats de situation, d'une certaine façon, je pense qu'on peut
renchérir. Le ministre peut, évidemment, surenchérir au
fait qu'il y a eu une augmentation du nombre d'accusés. C'est une
augmentation considérable. Je pense qu'uniquement à la Cour du
Québec à Montréal, c'est, depuis 1984, une augmentation de
89 %. On peut se dire ça cet après-midi, mais il serait plus
utile pour l'en- semble des personnes qui sont avec nous et pour
vous-même et pour moi qui sommes des gens très occupés,
tous les membres de cette commission, que nous puissions plus examiner les
solutions que vous comptez apporter à ces constats de situation que vous
nous faites. Vous nous dites donc que vous étudiez la question.
Entendez-vous soumettre une demande, donc, à ce moment-là, de
crédits supplémentaires au Conseil du trésor?
M. Rémillard: Oui. Alors, on se souvient que c'est l'an
dernier qu'on a eu six juges de plus, on a ajouté six juges. Ce
n'était pas prévu dans les crédits non plus. Alors, on est
allé... C'est parce qu'il faut une loi, il faut modifier la loi et,
à ce moment-là, on modifie la loi, on ajoute et on a les
crédits qui nous arrivent en conséquence.
Mme Harel: II faut avoir les crédits et après on
modifie la loi?
M. Rémillard: II faut, autant que possible, avoir les
crédits avant pour modifier la loi, mais il faut avoir la loi et les
crédits, les crédits et la loi. Mais tout ça veut dire que
même si ce n'est pas prévu dans nos crédits
présentement, ça ne veut pas dire qu'on n'aura pas plus de juges.
Pour moi, c'est une possibilité qui est là. Combien? Je ne peux
pas vous le dire présentement, mais on est en train de regarder
ça attentivement au niveau du ministère, de voir ce qu'on peut
faire et ça comprend aussi, comme je vous le mentionnais tout à
l'heure, l'aménagement des salles parce que, là, vous avez un
juge, une salle et un procureur de la couronne. C'est évident. C'est
ça que ça comprend. Alors, d'une part, évidemment, si on
veut être efficace, si on veut avoir une société de plus en
plus juste et équitable, si on veut avoir des programmes de
prévention pour contrer le crime, d'autre part, il faut qu'on permette
à nos juges, il faut qu'on permette à la justice d'avoir les
moyens de faire respecter la loi. Alors, c'est exactement ça qu'on va
faire, mais je peux vous dire que ça n'a aucune conséquence qu'on
n'ait pas les crédits prévus présentement à
l'étude des crédits. Ça n'a aucune conséquence sur
ce qui peut arriver.
Mme Harel: Non. Ce qui est évidemment plus significatif,
c'est l'intention du ministre.
M. Rémillard: C'est l'intention du ministre qui va
présenter ses recommandations au Conseil des ministres en temps
opportun.
Mme Harel: Évidemment, on prend en considération
l'augmentation des crédits de 1 723 300 $ pour ajouter des ressources en
termes d'augmentation du nombre de postes de procureur de la couronne
spécialisés dans les dossiers de drogues et de
stupéfiants. On constate, là, qu'il y aura un ajout de 32 postes.
C'est
au programme 9. Mais, évidemment, tout ça va avoir
certainement comme conséquence une augmentation du niveau
d'activités et l'augmentation des accusés, depuis 1984,
simplement à Montréal, est de l'ordre de 89 %. Évidemment,
l'engorgement se fait parce qu'il n'y a pas eu en conséquence une
augmentation similaire de juges. De toute façon, avant de terminer ce
programme, parce que là on va devoir un peu accélérer, je
souhaiterais entendre le ministre sur la sous-représentation des femmes
au niveau des postes de juge.
On me fait valoir qu'il y a, en tout et pour tout actuellement, 22
femmes. Est-ce là évidemment le nombre de femmes qui
siègent comme juges? 22 femmes sur un total de 285 juges, c'est une
sous-représentation chronique et on ne semble pas corriger la situation.
Le ministre a reçu certainement et a pris connaissance cette
année, le 31 janvier, d'une lettre signée par 16 avocates et
avocats du district de Hull qui faisaient valoir leur profonde, non pas
insatisfaction, mais déception. C'est encore évidemment beaucoup
plus profond parce que c'est un cri du coeur, cette lettre, et elle concerne
l'absence de nomination de femmes juges dans leur district, compte tenu
pourtant de l'expérience des femmes avocates qui y pratiquent. Cette
lettre nous rappelle que les comités de sélection qui ont
été formés pour cette occasion étaient
composés d'hommes. Et je souhaiterais que le ministre puisse ici
même, peut-être pas cet après-midi, mais le plus rapidement
possible, transmettre au secrétariat de la commission la composition des
comités de sélection qui ont siégé sur la
sélection des nouveaux juges.
M. Rémillard: Alors, vous voulez avoir les comités
de sélection, mais pour quel concours?
Mme Harel: Mon Dieu! pour les concours des six dernières
nominations qu'il a faites. M. le Président, simplement un extrait de
cette lettre.
M. Rémillard: Excusez-moi. Vous vous référez
à la lettre qui vient de Hull?
Mme Harel: C'est bien ça. M. Rémillard:
Oui.
Mme Pelchat: Est-ce que la députée aurait objection
à en déposer une copie?
Mme Harel: Avec plaisir, au contraire. Alors, M. le
Président, je souhaite en fait faire le dépôt de cette
lettre pour que les membres de la commission puissent en prendre
connaissance.
M. Rémillard: Peut-être que si vous déposez
la lettre je pourrais déposer... Ma directrice de cabinet, Mme
Lévesque, qui m'accompagne, a fait une réponse qui a
été publiée. J'aimerais aussi déposer la
réponse. Comme ça, on perd moins de temps. Je ne suis pas pour
commencer à lire la réponse que Mme la directrice a faite.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. J'accepte.
M. Rémillard: Qui est très bien faite,
d'ailleurs.
Le Président (M. Dauphin): J'accepte le dépôt
des deux lettres. On les fera distribuer aux membres de la commission dans les
prochaines minutes.
M. Rémillard: Maintenant...
Mme Harel: Alors, je vais garder par exemple copie de cet
éditorial que la bétonnière du Québec
écrivait sur cette question dernièrement en faisant valoir que,
bien que le Québec compte 30 % d'avocates, elles sont très peu
représentées au sein de la magistrature. Elle faisait valoir
évidemment la nécessité de remédier à cette
situation. Alors, ce qui m'intéresse, c'est de connaître ce que le
ministre entend faire. Puisque, l'an dernier, il m'avait indiqué son
intention, son souci d'équité en cette matière et que
ça ne s'est pas reflété quant à la composition dans
l'équipe des nouveaux juges qu'il a nommés, qu'est-ce qu'il
entend faire pour les prochaines nominations?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: Je crois que vous me demandiez tantôt,
parce que vous avez plusieurs demandes et je voudrais essayer d'y
répondre... Vous ne m'avez pas demandé tout à l'heure la
composition des comités de sélection pour les cinq
dernières nominations?
Mme Harel: Les six.
M. Rémillard: Les six dernières nominations. J'ai
ça ici, je pense. Vous savez, on va rappeler simplement comment
ça procède. Le ministre de la Justice n'a pas le choix parmi tous
les avocats et les avocates de prendre un avocat ou une avocate et de dire:
Vous êtes juge. Il y a un comité de sélection qui est
composé du juge en chef, du bâtonnier - je peux dire maintenant la
bâtonnière - et d'une personne représentant le public.
Alors, ces trois personnes vont recevoir et vont entendre, en entrevue, chaque
candidat, chaque candidate, et font une liste de personnes susceptibles de
remplir les fonctions. Il y a eu des fois où je n'ai eu personne;
quelquefois, j'ai eu un seul nom; des fois, j'en ai eu deux, des fois trois,
parfois même cinq, c'est arrivé rarement, mais c'est
arrivé, pas plus que ça. Donc, le ministre de la Justice regarde
et, ensuite, il y a les vérifications d'usage qui se
font à tous les niveaux, mais nous sommes limités par la
liste des personnes recommandées.
Si les personnes ne sont pas sur la liste, donc, après l'entrevue
passée devant ces trois personnes que j'ai mentionnées tout
à l'heure, le ministre de la Justice ne peut pas les recommander, c'est
terminé, là. Ça, beaucoup de gens ne comprennent pas
ça. Le ministre de la Justice, sa seule possibilité, c'est de
pouvoir recommander au gouvernement un avocat, une avocate qui est sur la liste
qui lui est fournie par le comité de sélection qui est
formé du juge en chef, du bâtonnier ou de la
bétonnière et de la personne représentant le public.
Alors, la marge de manoeuvre que nous avons au point de vue de la
sélection, elle est limitée. Je trouve que le processus va bien;
pour ce que j'ai pu le vérifier dans les trois dernières
années, il va bien.
Maintenant, vous nous dites qu'il n'y a pas beaucoup de femmes. C'est
vrai, je l'ai dit l'an dernier, je le répète, on a beaucoup de
travail à faire à ce niveau-là. Je vais vous donner des
statistiques. Attendez, je vais procéder par ordre, par exemple, vous
vouliez avoir... Je vais répondre tout à l'heure à
ça. Je vais vous donner les six derniers concours. Voici les
dernières nominations: Pour Québec, le jury était
composé de M. le juge en chef Yvon Mercier, Me Michel Caron et Mme
Marylène Reeves; ça, c'est le numéro de concours CQ-21.
Ensuite, le concours CQ-22, Rivière-du-Loup, juge Mercier,
bâtonnier Jean-Roch Landry et Mme Reeves, encore. Trois-Rivières,
CQ-23, M Mercier, Me Michel Richard, délégué du
bâtonnier, et Mme Reeves. Montréal, M. le juge en chef
associé Louis Vaillancourt, Me Jean Paquet, délégué
du bâtonnier et Mme Jacqueline Leduc. CQ-25, Montréal, M. le juge
Jean-Pierre Bonin, juge en chef adjoint, Me Jean-Guy Leduc, représentant
de la bétonnière, et Mme Odette Dick. CQ-26,
Saint-Jérôme, le juge Michel Jasmin, la bâtonnière
Lise Gaboury, M. Claude Beaulieu.
Mme Harel: Est-ce que M. le ministre a l'intention
d'élargir le champ d'application du règlement sur la
procédure de sélection des personnes aptes à être
nommées juges, en vertu duquel règlement se fait la
sélection des juges, de manière à ce que ce
règlement couvre la sélection des juges municipaux...
M. Rémillard: Oui.
Mme Harel:... qui ne sont pas des cours municipales de
Laval..
M. Rémillard: D'accord.
Mme Harel:... de Montréal ou de Québec? (15 h
30)
M. Rémillard: Me permettez-vous, avant de répondre
à cette question, de vous donner une statistique que je voulais vous
donner tout à l'heure? Alors, pour 33 postes à couvrir, il y a eu
600...
Mme Harel: Postes. De quelle nature sont les postes à
couvrir?
M. Rémillard: Des postes de juge. Je vous lis simplement
des statistiques que j'ai ici.
Mme Harel: 33 postes depuis les 33 dernières
nominations?
M. Rémillard: Excusez-moi. On me dit 35 postes. Pour 35
postes de juge... Regardez, 35 postes déjuge...
Mme Harel: D'accord. Depuis quelle date, s'il vous
plaît?
M. Rémillard: Du 10 mai 1989 jusqu'à la
dernière nomination Mme Paule Gaumond, 27 mars 1991.
Mme Harel: Voulez-vous dire par là qu'il y aurait eu 35
postes à couvrir...
M. Rémillard: Oui
Mme Harel:... déjuge?
M. Rémillard: Oui, oui, de juge.
Mme Harel: Depuis le 10 mai 1989?
M. Rémillard: Oui. 35 postes. J'ai eu 640 candidatures.
Regardez bien ça, je pense que c'est des chiffres qui sont assez
éloquents. 640 candidatures. Là-dessus, j'ai eu 527 hommes et 113
femmes. 113 femmes.
Mme Harel: Et vous en avez nommé combien?
M. Rémillard: Et on en a nommé 7 sur 33. Mais vous
aviez 113 candidates et non pas 527. Et là, il faut faire attention en
plus. Vous avez 113 candidates, ça ne veut pas dire qu'elles sont
jugées par le comité comme aptes. Alors, voyez-vous, la
réalité des choses, c'est ça. Regardez les chiffres. Il
faut sensibiliser les femmes à se présenter aux concours de juge.
Quand ça regarde les questions de jeunesse, par exemple, on a des
candidatures de femmes, beaucoup de candidatures de femmes. Mais dans les
autres secteurs les femmes ne sont pas assez présentes pour se
présenter et il faut les encourager à se présenter. C'est
ça, le problème.
Mme Harel: De quelle façon avez-vous l'intention do le
faire?
M. Rémillard: Je l'ai mentionné dans mes
interventions, j'ai rencontré dernièrement le
groupe des femmes, par exemple, lors de cette rencontre qui est
organisée annuellement par ma collègue, la ministre
déléguée à la Condition féminine, Mme
Violette Trépanier. Je l'ai mentionné. J'ai donné des
chiffres à tout le monde. Les gens ont dit: Ah oui! D'abord, on ne sait
pas comment ça se fait, la sélection. Les gens pensent que c'est
le ministre de la Justice qui choisit comme ça, parmi tous les avocats
et les avocates. Ce n'est pas comme ça que ça marche. Il y a un
comité de sélection qui existe. Ensuite, il y a les candidatures
qui sont là. Si les gens ne sont pas candidats, ne sont pas candidates,
on ne peut pas les nommer. Et, en plus, il faut qu'ils passent le concours.
Alors, il faut susciter des candidatures féminines.
Maintenant, à votre dernière question concernant les juges
municipaux, vous savez qu'il existe déjà un règlement sur
la sélection des juges municipaux. Et, à toutes fins utiles, il
est identique à ce que nous avons au niveau des juges des cours
ordinaires. C'est la même chose. Vous avez un comité de
sélection. Il y a des recommandations qui sont faites au ministre. Et le
ministre recommande au gouvernement. Mais il faut donc que le ministre, lui...
La marge de discrétion pour la nomination qui est laissée au
ministre, donc au gouvernement, c'est les personnes qui sont aptes.
Mme Harel: Est-ce que vous me signalez par là que le
comité de sélection est formé de la même
façon que pour la sélection des personnes aptes à
être nommées juges à la Cour du Québec?
M. Rémillard: Oui, de la même façon. Alors,
au lieu du juge en chef, ce n'est pas toujours le juge en chef, ça peut
être un représentant de la Conférence des juges.
Mme Harel: Alors, on m'indique là qu'on va me le procurer
immédiatement... J'ai, évidemment, le règlement quant
à la sélection des juges de la Cour du Québec qui
s'applique également aux cours municipales de Laval, Québec et de
Montréal.
M. Rémillard: Trois, oui.
Mme Harel: D'autre part, dans la Loi sur les cours municipales,
il était prévu évidemment l'adoption d'un règlement
quant à la sélection des juges. Mais je pense que pour
l'apparence d'indépendance des juges des cours municipales, il serait
certainement souhaitable que le même règlement de sélection
des juges soit finalement d'application. Puisque, à l'article 34 de la
Loi sur les cours municipales, il était prévu qu'un
règlement soit évidemment introduit pour déterminer la
manière de procéder à la sélection, il faudrait
qu'en aucun cas ça ne laisse à penser qu'il y a deux sortes de
règlements, parce qu'il y a deux sortes de nominations parce qu'il y a
deux sortes de juges et parce qu'il y a deux sortes d'indépendance.
M. Rémillard: Regardez, le règlement a
été fait et il est en application, il faudrait que je le fasse
vérifier pour savoir depuis combien de temps, mais de mémoire, je
pense que c'est cinq ou six mois; il est en application depuis cinq ou six
mois. Le processus qu'on suit... D'ailleurs, on s'était entendu... Vous
savez, quand on avait fait cette Loi sur les cours municipales, la question
m'avait été posée par votre prédécesseur et
on s'était entendu à ce moment-là sur le règlement
comme tel, sur le contenu et le mode de sélection. On pourra le faire
venir pour vous le donner pour votre information. Et on avait convenu ce qu'on
a fait par règlement, c'est-à-dire: vous avez un juge municipal
qui préside, un représentant du Barreau et un représentant
du public; même composition qu'au niveau civil, la Cour du Québec,
même chose.
Mme Harel: Alors, vous n'auriez donc pas objection... Je pense
qu'il serait important qu'on puisse se référer à la Loi
sur les tribunaux judiciaires et à la Loi sur les cours municipales pour
bien faire comprendre qu'il s'agit d'un même mode de sélection,
impliquant les mêmes exigences et les mêmes critères.
M. Rémillard: Les exigences et les critères sont en
fonction de la loi qu'on a faite sur les cours municipales. Vous savez, on fait
cette Loi sur les cours municipales qu'on a votée unanimement et on l'a
faite en prévoyant qu'il y aurait un règlement qui suivrait les
mêmes principes qu'en ce qui regarde la loi sur les juges, donc la Cour
du Québec, nomination des juges du Québec, mais en fonction des
cours municipales. Comme vous l'avez mentionné tout à l'heure,
vous savez qu'il y a la ville de Laval, il y a Québec, il y a
Montréal qui ont des chartes particulières, donc leurs juges sont
nommés par le processus régulier des juges parce que ce sont des
juges à temps plein qui sont là et qui ont une fonction
complète de juges à temps plein. Les autres juges municipaux, ce
sont des juges qui demeurent aussi avocats. Alors, le processus de nomination
doit respecter les mêmes critères ou les mêmes
barèmes de qualité, de compétence, mais ils se fondent en
fonction d'une loi, parce qu'ils découlent d'une loi qui est la Loi sur
les cours municipales.
Mme Harel: M. le Président...
Le Président (M. Dauphin): Mme la
députée.
Mme Harel:... je souhaiterais qu'on puisse peut-être tout
de suite examiner cette question des cours municipales. C'est au programme 2,
mais on pourrait peut-être le faire rapidement.
M. Rémillard: Est-ce qu'on adopte ce programme qu'on vient
de faire?
Mme Harel: Dans le programme 1, à ce moment-là, je
souhaite entendre le ministre sur toute la question du perfectionnement des
juges.
M. Rémillard: Du perfectionnement des juges?
Mme Harel: Oui
M. Rémillard: Pourquoi ne fait-on pas le perfectionnement
des juges...
Mme Harel: C'est que le perfectionnement des juges... Oui, c'est
ça.
M. Rémillard: Et, après ça, on pourrait
aller aux cours municipales, parce qu'à un moment donné on va
d'un côté et de l'autre.
Le Président (M. Dauphin):... adopter le 1 pour...
Mme Harel: C'est ça
Le Président (M. Dauphin):... le 2 par après.
Perfectionnement des juges
Mme Harel: Comment le ministre... Je constate qu'il y a une
augmentation de crédits pour le perfectionnement des juges, mais c'est,
malgré tout, relativement peu compte tenu de tous ces bouleversements
qu'on sait devoir se produire suite à la réforme du Code civil,
notamment
M. Rémillard: D'abord, M. le Président, il faut
bien mentionner que le perfectionnement des juges passe par le Conseil de la
magistrature. C'est le Conseil de la magistrature qui est l'administrateur du
perfectionnement des juges. C'est lui qui fait des choix. Le ministre n'impose
pas les moyens ou les méthodes ou les secteurs dans lesquels il aimerait
que les juges se perfectionnent. Il y a une indépendance de la
magistrature et elle se reflète certainement à ce
niveau-là d'une façon la plus complète possible.
C'est au Conseil de la magistrature de mettre sur pied des programmes de
perfectionnement, de faire qu'il puisse y avoir l'argent nécessaire pour
que soit fournie aux juges la documentation juridique nécessaire
à l'exercice de leurs fonctions et le juge Tellier, qui est le
secrétaire du Conseil, est ici dans la salle, il peut en
témoigner. Si on veut l'entendre, on peut l'entendre. Moi, comme
ministre de la Justice, je me suis fait un devoir de pouvoir accorder le mieux
possible les crédits, les plus importants possible pour que ce
perfectionnement se fasse.
Bien sûr, lorsqu'on parle de perfectionnement, je peux me
permettre comme ministre de dire, sans mettre en cause cette
indépendance judiciaire, que certainement avec la réforme du Code
civil, ça implique pour les magistrats, pour les juges, comme pour tous
les juristes, une formation adéquate, ça implique qu'on retourne
à nos tables de travail. Alors, à ce niveau, il y a un travail de
concertation qui se fait entre le Conseil de la magistrature, le Barreau, la
Chambre des notaires, les universités et le ministère de la
Justice. Nous sommes à mettre au point les mécanismes qui vont
nous permettre, comme juristes, à tous les niveaux, de retourner aux
tables de travail et d'apprendre le nouveau Code civil. Ça, c'est une
formation dont je peux parler. Mais, tous les autres programmes de formation,
il s'agit de programmes qui sont à l'entière discrétion du
Conseil de la magistratu re.
Mme Harel: Alors, M. le Président, compte tenu du peu de
temps - je le déplore certainement comme le ministre lui-même -
nous allons devoir procéder immédiatement à l'étude
du programme 2.
Le Président (M. Dauphin): Alors, est-ce que le programme
1 est adopté?
Mme Harel: Ce n'est pas "adopté", le terme.
Le Président (M. Dauphin): Oui, oui, c'est
adopté.
Mme Harel: Oui, c'est adopté Bon!
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Hull.
M. LeSage: Oui, M. le Président, merci. Avant de
procéder à l'adoption, j'aimerais revenir sur la nomination des
juges à Hull. Lorsque la députée de Hochelaga-Maisonneuve
a fait allusion à une lettre qui avait été transmise par
des avocates de Hull, si vous me permettez, j'aimerais faire allusion à
un des paragraphes qui est cité dans la réponse du
ministère et qui dit ceci: "De plus, je vous rappelle que dans le
district judiciaire de Hull 4 avis ont été publiés depuis
1980 pour la sélection de juges nommés par le gouvernement du
Québec. Ces 4 avis ont suscité 40 candidatures, dont celles de 8
femmes seulement. Il faut également préciser que 2 de ces avis
n'avaient suscité aucune candidature féminine"
Mme Harel: M. le Président, un correctif
immédiatement à ce que vient de dire le député de
Hull, je crois.
M. LeSage: Exact.
Mme Harel: II ne s'agit pas d'une lettre signée par des
avocates. Il s'agit d'une lettre signée conjointement par des avocats et
des avocates. Je pense qu'il est intéressant de le mentionner; sinon,
ça laisserait croire justement vrai ce que l'on peut trouver dans cette
lettre, à savoir que lorsqu'il y a des plaintes on prétend que
les femmes sont frustrées. Alors, vaut mieux signaler que les 16
signataires étaient tout autant des avocats que des avocates.
M. LeSage: Vous avez raison, Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve, mais vous devez quand même reconnaître
l'existence du manque d'intérêt qu'il y a eu par les années
passées des candidatures féminines aux postes de juges.
Mme Harel: Moi, je souhaite que le député de Hull
n'aille pas trop loin sur ce terrain glissant puisqu'on reconnaît - le
président de la Commission des droits de la personne pourrait nous en
parler - l'existence de barrières qui constituent ce qu'on appelle une
discrimination systémique et qui peuvent expliquer ce que d'autres
appellent le manque d'intérêt. Alors, on y reviendra
peut-être en échange avec la Commission des droits de la personne,
si on se peut se rendre jusqu'au programme 8. (15 h 45)
M. LeSage: Très bien. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): D'accord, Mme la
députée et M. le député. Alors, le programme 1 est
adopté. J'appelle le programme 2.
Soutien administratif à l'activité
judiciaire
Mme Harel: Je reprends l'échange que nous avions sur la
nomination des juges aux cours municipales. Le ministre a certainement pris
connaissance de la réaction du Barreau du Québec. Les titres
étaient assez spectaculaires. On lisait que les juges-avocats
annoncés par Rémillard font grincer des dents au sein du Barreau.
On faisait valoir que la Cour suprême n'avait pas encore
énoncé ses motifs quant à la validité des cours
municipales et qu'il ne fallait pas, de façon prématurée,
conclure qu'il n'y aurait pas de conditions à remplir pour assurer la
validité de ces cours. Je pense qu'en général les
réactions étaient beaucoup plus prudentes venant du milieu
juridique que celles du ministre lui-même, faisant valoir qu'on
n'était pas encore en terrain connu, tout au moins. Est-ce que le
ministre entend, à l'égard des standards de
sécurité, aller au-delà de ce qu'il avait mis en place,
notamment quant à l'exercice par des juges-avocats, un exercice qui
peut, dans les faits, prêter à controverse? Est-ce qu'il entend
examiner cette question ou si, pour lui, elle est réglée?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: Oui, M. le Président, pour moi, le
rôle d'un ministre se situe en fonction de trois phases importantes. La
première de ces phases, c'est la négociation. Il faut discuter,
négocier, entendre, écouter, prendre en considération les
commentaires des uns et des autres et trouver un juste équilibre pour
ensuite en arriver à la deuxième phase, qui est la
décision. Nous sommes des élus et nous devons décider.
Quand nous avons en main toutes les données, on doit décider, et
ce que j'ai fait dans ce dossier, M. le Président, c'est après
avoir consulté.
Tout d'abord, il y a eu un groupe de travail qui a été
formé; j'ai eu le rapport du groupe de travail; ensuite j'ai
consulté tous les intervenants moi-même, les rencontrant, recevant
leurs commentaires, et j'ai pris ma décision. Ma décision a
été de faire en sorte qu'on puisse se référer
à des juges qui peuvent aussi demeurer avocats, cependant, garantissant
l'impartialité, l'indépendance de ces juges, même s'ils
peuvent être avocats, avec des règles de déontologie bien
précises.
Le troisième aspect du rôle d'un ministre, c'est celui de
communiquer sa décision. C'est ce que j'ai fait. J'ai communiqué,
j'ai rencontré des groupes et je les ai informés de ce que
j'avais décidé comme ministre. C'a été
contesté jusqu'en Cour suprême. Mme la députée, vous
vous référez à un article signé par un avocat qui
croyait bien qu'on était pour perdre en Cour suprême, mais on a
gagné. La Cour suprême en est arrivée à la
conclusion que notre loi était tout à fait constitutionnelle,
conforme à la Charte et qu'elle respectait l'indépendance
judiciaire, qu'elle respectait le fait que les tribunaux et que les juges
municipaux tels que pensés dans cette Loi sur les cours municipales
étaient des juges indépendants et impartiaux. Par
conséquent, pour moi, c'est réglé.
Il y a eu un règlement qui a été fait aussi, un
règlement qui a été fait, comme je vous l'ai
mentionné tout à l'heure, pour la nomination de ces juges; c'est
un règlement qui est en application depuis déjà un bon
bout de temps, depuis quelques mois, un règlement dont nous avions
discuté la teneur lorsqu'on a eu une commission parlementaire ici, dans
cette salle, pour l'étude article par article de la Loi sur les cours
municipales. Nous nous étions entendus sur les critères qui nous
guideraient et on a convenu que ce seraient les mêmes critères que
ce que nous avons au niveau de la Cour du Québec. C'est exactement
ça qui se passe. Si vous me dites, en fonction de ça: Est-ce que
vous êtes encore en train de discuter, de voir d'autres modalités?
Je vous dis non. Je vous dis que, pour moi, c'est un cas réglé.
Hormis qu'on m'amène des cas de difficultés majeures qui
m'amèneraient
à revoir la situation, pour ma part, au moment où nous
nous parlons, je considère que c'est réglé.
Mme Harel: Est-ce que ça peut être
réglé avant même que soient connus les principes qui ont
inspiré la décision sur l'indépendance et
l'impartialité des juges-avocats? Cette décision qui Intervient
avant même que soient connus les motifs de la Cour suprême
peut-elle ne pas être justement modifiée du fait des
critères qui pourront être énoncés?
M. Rémillard: L'essence même du jugement nous est
parvenue; il a été rendu, ça n'a pas pris beaucoup de
temps, comme vous le savez. Nous savons donc que la loi respecte les normes
d'indépendance et d'impartialité telles que les voit la Cour
suprême en fonction de nos chartes, charte fédérale comme
charte québécoise.
Si, dans ses énoncés, dans son jugement écrit, la
Cour suprême devait élaborer des motifs qui nous
amèneraient à nous ajuster, on s'ajustera. Pour moi, ça ne
me pose pas de difficulté majeure. Je ne vois pas de difficulté
majeure parce que l'essentiel, on le sait, c'est de dire que notre loi est
constitutionnelle.
Mme Harel: Où en sont rendues présentement les
négociations avec les municipalités quant au transfert de
responsabilités? Je crois comprendre qu'il y avait un comité.
Est-ce que ce comité se réunit toujours? Un comité dans
lequel étaient représentés à la fois des
représentants de municipalités et du ministère de la
Justice, non? Il n'y a ni comité, ni négociation, ni rencontre,
ni échange?
M. Rémillard: Non. Au sein du ministère, nous avons
un comité d'implantation, et ça, ce sont des fonctionnaires, pour
voir à l'implantation des cours municipales. Mais on n'a fait aucune
démarche jusqu'à présent parce qu'on est encore à
réfléchir sur tout ce qu'on pourrait donner aux cours
municipales.
Vous savez, quand je parle d'accessibilité à la justice,
pour moi, les cours municipales sont très importantes. C'est souvent au
niveau des cours municipales que le premier contact et souvent le seul contact
du citoyen se fait avec la justice. C'est aussi pour des infractions à
une vie communautaire qui se fait au niveau, donc, d'une municipalité,
d'un village, d'une ville et c'est pour ça que j'ai exigé - c'est
dans la loi - qu'au moins 50 % des sessions de ces cours municipales se
tiennent après 18 heures pour que les gens n'aient pas à perdre
un avant-midi, un après-midi de travail pour aller contester un billet
de stationnement ou un billet de vitesse ou toute autre infraction à un
règlement municipal Pour moi, c'est un aspect important mais nous n'en
sommes pas a un comité formel qui comprendrait des gens des affaires
municipa- les. Nous avons un comité d'implantation des cours municipales
qui est composé d'un représentant du ministère des
Affaires municipales qui siège avec les fonctionnaires, ici, du
ministère de la Justice.
Mme Harel: Je crois comprendre, M. le Président... Est-ce
que le ministre a quelque chose à ajouter?
M. Rémillard: Bien, ce que je pourrais ajouter, pour
pouvoir répondre aux responsabilités nouvelles qu'on peut donner
en fonction des cours municipales, un service aux cours municipales qui serait
composé de trois effectifs permanents et d'un occasionnel a
été créé et il a débuté
officiellement ses opérations le 2 avril 1991. Et ça, les
municipalités le savent très bien. Ce service est là pour
les aider à implanter leur cour municipale et à voir toutes les
conséquences que ça peut vouloir dire, toutes les significations
que ça peut avoir. Et le ministre responsable des municipalités a
communiqué avec ce service et nous avons donc une très bonne
relation pour que ce service soit le plus effectif possible pour les
municipalités.
Mme Harel: M. le Président, je souhaiterais que l'on
puisse tout de suite examiner les compressions budgétaires puisque les
plus importantes compressions du ministère vont se faire, je pense,
à ce programme Soutien administratif à l'activité
judiciaire, en fait, ce qu'on appelle les services judiciaires. Par exemple, ce
qu'on appelle au ministère les mesures de réduction de
dépenses, qui sont finalement des coupures et qui sont exigées au
ministère actuellement, sont de l'ordre de 7 658 000 $ pour l'ensemble
du ministère, comparativement à 1 000 000 $ l'an dernier. C'est
évidemment une progression absolument vertigineuse et ça
correspond à une réduction de 31 postes, dont 17 sont
attribués, en termes de réduction, aux services judiciaires.
J'essayais, M. le Président, de comparer le plan de redressement
que le ministre nous annonçait l'an dernier avec les coupures de postes
qui lui sont exigées à chaque année par le Conseil du
trésor, 15 l'an dernier, 31 abolitions de postes cette année, et
ainsi de suite, en craignant que d'ici à quelques années à
peine on ne se retrouve à avoir presque annulé l'effet
bénéfique qu'avait pu avoir le plan de redressement. Compte tenu
du peu de temps à notre disposition, j'aimerais qu'il me fasse à
la fois le bilan de la situation, compte tenu des coupures de postes qui lui
sont exigées. On va clore de cette façon l'examen du programme
2.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: M. Ie Président, tout d'abord, il
faut bien comprendre qu'il y a eu un plan de redressement, tel que je l'ai
mentionné ce matin,
qui a été accordé par le Conseil du trésor
au ministère de la Justice, pour 234 postes permanents, soit 172 en
1990-1991 et 62 postes en 1991-1992. Alors, c'est dans ce contexte-là
quand même qu'il faut comprendre les coupures et je pourrais dire
même les réorganisations administratives que nous avons faites
pour nous ajuster à certains niveaux, bien sûr, pour rendre
conforme notre administration à une situation qui n'est pas toujours
facile, mais je dois dire que le service à la clientèle n'est
absolument pas affecté parce que les compressions que nous avons faites
sont vers le soutien administratif et la gérance et non pas les services
à la clientèle. Je me suis assuré que, pour tout ce qui
regarde le service à la clientèle, on conserve le même
personnel, on respecte nos normes. Mais en ce qui regarde le soutien
administratif et la gérance il y a les coupures que vous pensez, mais
toujours en fonction du plan de redressement. Il faut bien comprendre que le
plan de redressement était là. Ce qu'il faut comprendre, c'est
qu'il y a quand même cinq postes de plus. C'est ça, en net, il y a
cinq postes de plus, parce que c'étaient 22 qui nous étaient
accordés par le plan de redressement.
Mme Harel: Mais il faut comprendre que vous n'aviez pas
attribué 17 postes permanents l'an dernier et 17 postes du plan de
redressement que vous abolissez cette année. L'an dernier, vous
indiquiez qu'il y avait 17 postes permanents du plan de redressement, pour
1991-1992, qui n'étaient pas assignés, une étude,
disiez-vous, étant présentement en cours. Et là, vous nous
avertissez cette année que ces 17 postes qui étaient
prévus pour 1991-1992 sont abolis.
M. Rémillard: Dans le plan de redressement, on nous a
donné 22 postes. Au départ, c'est...
Mme Harel: Pour les services judiciaires.
M. Rémillard: Pour les services judiciaires, on avait 22
postes, dans le plan de redressement, qu'on a obtenus du Conseil du
trésor. En fonction de ça, on doit faire des
réaménagements administratifs pour se conformer aux compressions
budgétaires. Notre règle, c'est de protéger la
qualité des services qu'on rend à la population. Donc, les 17
postes qui sont coupés cette année sont des postes occasionnels,
pas les postes permanents. Alors, on demeure quand même avec 5 postes
supplémentaires, de plus, mais il est vrai qu'il y a 17 postes
occasionnels qu'on aurait pu avoir et qu'on n'a pas.
Mme Harel: Sur les 22, vous restez avec 5. M.
Rémillard: Pardon?
Mme Harel: Sur les 22, vous restez avec 5. (16 heures)
M. Rémillard: On reste avec 5.
Mme Harel: Donc, sur les 22 qui vous étaient
attribués dans le plan de redressement, il vous en reste 5.
M. Rémillard: Mais ce sont les 5 permanents. Les 17 postes
sont 17 postes occasionnels, ce qui nous a permis, quand même, de ne pas
toucher au service à la clientèle.
Mme Harel: Finalement, dans ce programme, services judiciaires,
le total, c'est 66 postes occasionnels. Il y en a 49 qui disparaissent dans le
cadre du projet de récupération des retards dans la perception
des amendes, qui sont évidemment des postes qui vont disparaître.
Il y en a 17 qui sont éliminés pour équilibre
budgétaire, toujours des postes occasionnels. Donc, c'est 66 au total,
plus 20 postes qui appartenaient à ce programme et qui sont
transférés au Soutien à la magistrature. Alors, ça,
c'est un transfert, c'est un déplacement. On se comprend?
M. Rémillard: Oui, oui.
Mme Harel: Mais il reste qu'au total il y aura 66 postes
occasionnels de moins, les 17 que vous deviez avoir en 1991-1992... En passant,
ce n'étaient pas des postes occasionnels, c'étaient des postes
permanents que vous deviez avoir en 1991-1992. Je vois que votre
sous-ministre...
M. Rémillard: C'est ce qu'on a eu. Mais, regardez, je vais
prendre un exemple que vous me donnez, en ce qui regarde les
récupérations des amendes. À un moment donné, on
manquait vraiment de personnel et on était en retard pour la perception
des amendes. Et c'était beaucoup, ce sont des milliers de dollars,
finalement, qu'on ne percevait pas. Et ce n'est pas juste la question d'argent,
ce sont des gens qui ont à payer une amende, il faut qu'ils la paient.
Ils ont fait quelque chose, ils ont été condamnés à
payer une amende, il faut qu'ils paient cette amende-là. En plus des
sous qu'on ne perçoit pas... Je me souviens, entre autres, d'une visite
au palais de justice de Québec aussi. J'étais allé visiter
leurs services et on m'avait dit: Écoutez, voici la pile qu'on a
à faire et on n'y parvient pas. On a trouvé des postes
occasionnels pour dire: On va donner un coup et, dans les trois, quatre
prochains mois, avec des travailleurs occasionnels, on va faire un programme
pour reprendre le terrain perdu, se mettre à jour. On l'a fait. Alors,
c'est ce genre de sujets là qui fait qu'on s'est rajusté, qu'on a
fait des réaménagements administratifs et qu'on se retrouve avec
la situation que vous connaissez maintenant.
Mme Harel: II y a vraiment deux systèmes en surchauffe, le
système criminel et jeunesse. Qu'est-ce qui leur arrive, en termes
d'effectifs?
M. Rémillard: Cette année, il n'y a pas de
changement. Criminel, pénal et jeunesse, il n'y a pas de changement
comme tel, si ce n'est des améliorations. Il va falloir parler,
tantôt, probablement, des locaux aussi.
Mme Harel: On va parler aussi de la salle de
télétémoignages, de la vanne, comme on l'appelle
communément dans le milieu.
M. Rémillard: De la quoi?
Mme Harel: La vanne. On dit "la vanne", communément, c'est
le nom que porte cette salle de télétémoignages. Certains
la cherchent, d'ailleurs. Je ne sais pas où elle est rendue. Est-ce
qu'elle est bien utilisée?
M. Rémillard: Quoi? La salle? Mme Harel: Oui
M. Rémillard: Bon. Voulez-vous qu'on aborde ça tout
de suite ou...
Mme Harel: Oui, d'accord. C'est le dernier aspect, de même
que l'agrandissement, la réfection des palais de justice. Je sens que
vous brûlez d'envie de nous en parler. Il n'y aura peut-être pas
d'ajout de personnel et le plan de redressement, qui était prévu
à 25, se retrouve à 5, mais il y aura des
aménagements.
M. Rémillard: Ce que je peux vous dire sur cette
discussion sur les personnels, c'est que, de fait, il y a eu des compressions
administratives - j'en ai donné un exemple tout à l'heure - c'est
réel, c'est vrai, mais ça ne se reflète pas sur la
qualité des services offerts à la population. Ça, je me
suis fait un devoir de bien faire en sorte que les services à la
population ne soient pas touchés directement par ça. On a
coupé ailleurs; on a fait des réaménagements
administratifs ailleurs.
En ce qui regarde la salle de télétémoignages, ce
n'est pas une salle... D'abord, on sait que cette salle est là pour
permettre des témoignages d'enfants en dehors de la présence des
victimes, etc. Ce n'est pas une salle qui est utilisée très
souvent. Elle est prête, elle est là, mais elle n'est pas
très très utilisée. Vous savez, il y a différentes
théories sur cette salle-là, on va voir par l'usage ce qu'on va
en faire. Ce n'est pas la grande panacée, ce n'est pas la grande
solution. D'ailleurs, on le savait au départ, ce n'est pas une surprise;
des expériences avaient été faites et on disait: Bien, on
va tenter l'expérience parce qu'il ne faut rien négliger quand on
parle du droit des enfants. Mais il faut dire que, maintenant, ce n'est pas une
salle qui est très souvent utilisée et il y a bien des critiques
qui sont faites en fonction de cette salle-là. À un moment
donné, moi, je me réserve la possibilité de dire. On va
faire le point là-dessus.
Mme Harel: Je voulais vous l'entendre dire parce que, l'an
dernier, d'une certaine façon, vous étiez dithyrambique. Vous
veniez d'inaugurer la salle et vous disiez - je vous cite - "J'ai eu le plaisir
d'inaugurer une première salle de télétémoignages
il y a quelque temps à Montréal et d'en rappeler alors tous les
bienfaits." Évidemment, vous étiez assez loquace sur l'usage de
cette salle. Mais je vous comprends de vous mettre au diapason du milieu parce
que le milieu a l'impression que c'est là, finalement, un appareillage
électronique qui semble faire plus peur aux enfants qu'autre chose.
Est-ce que vous pouvez nous indiquer, soit maintenant, cet après midi,
ou tout simplement au secrétariat de la commission, quelle est,
finalement, l'utilisation, durant la dernière année, qui a
été faite de cette salle de
télétémoignages?
M. Rémillard: Je peux vous dire que j'ai fait l'ouverture
de cette salle avec plaisir, parce que, pour moi, lorsqu'il s'agit du droit des
enfants, c'est important qu'on puisse prendre tous les moyens
nécessaires. Nous savions qu'il y avait des éléments qui
pouvaient nous amener, à un moment donné, à revoir
l'expérience, que ce soit le fait que c'est intimidant pour les enfants
d'être face à un appareillage télévisuel, comme
aussi en ce qui regarde les droits de l'accusé; il ne faut pas
négliger cet aspect-là aussi. Il y a l'enfant et il y a aussi la
personne qui est accusée. À l'époque, le Barreau
était aussi très enthousiaste et maintenant, avec la pratique,
les gens s'interrogent. Je ne dis pas que c'est quelque chose sur lequel on
doit dire "c'est terminé, ce n'est pas une bonne expérience";
non, on n'en est pas rendu là, mais je crois qu'on peut quand même
se poser des questions.
Alors, je pourrais déposer auprès de la commission,
éventuellement, en demandant à mes gens de faire des recherches.
Alors, y y a l'équipement fixe et l'équipement mobile, mais, pour
les deux, on va vous donner l'utilisation. Je pourrais vous donner de
l'information.
Mme Harel: Pouvez-vous nous rappeler le coût de
l'unité mobile de télétémoignages? On m'a
donné un coût astronomique, mais je préférerais
avoir une idée plus exacte...
M. Rémillard: On va voir ça.
Mme Harel: ...venant de vous-même.
M. Rémillard: Alors, je pourrais vérifier, vous le
donner aussi, par la même occasion, si vous voulez.
Mme Harel: On m'a parlé de 1 000 000 $.
M. Rémillard: Combien? Mme Harel: De 1 000 000
$.
M. Rémillard: De 1 000 000 $! Ça
m'ap-paraîl... Je ne peux pas le commenter, ça me paraît
beaucoup, on verra, pour le mobile que vous me dites.
Mme Harel: J'imagine qu'un de vos fonctionnaires
compétents ici présent pourra peut-être nous indiquer quel
en a été le coût.
M. Rémillard: Alors, on le vérifie. Mme Harel:
D'accord.
M. Rémillard: II faudrait faire les
vérifications.
Mme Harel: Quand on est dans une période de
récession, comme celle que nous traversons, évidemment, chaque
dollar est scruté et vous le comprendrez.
M. Rémillard: Oui. Et quand il s'agit du bien des enfants,
je pense qu'il ne faut pas lésiner.
Mme Harel: Oui.
M. Rémillard: II ne faut pas lésiner à ce
niveau-là.
Mme Harel: Surtout en matière de médiation
familiale.
M. Rémillard: Pardon?
Mme Harel: Surtout en matière de médiation
familiale.
M. Rémillard: Pas juste en matière de
médiation familiale. Quand les enfants sont abusés, je pense que,
là aussi, c'est important. Là aussi, c'est important.
Mme Harel: Et puis on termine ce programme sur...
M. Rémillard: Et vous savez que, d'une certaine
façon, il faut dire qu'on n'avait pas tellement le choix. Parce que la
loi fédérale était là, il fallait s'y adapter,
à la loi fédérale. Or, la loi fédérale
permettait des témoignages hors de la présence de l'accusé
et ça, c'est à l'article 486.21 du Code criminel.
Mme Harel: C'est sûr. Mais ça peut se faire avec un
paravent. Un paravent, ça peut permettre d'entendre un témoignage
hors la présence de l'accusé. En fait, il y a bien des moyens qui
ne sont pas trop sophistiqués et qui peuvent valoir tout autant. Mais,
de toute façon, j'aimerais vous entendre sur l'agrandissement. Je pense
à des bonnes nouvelles que vous allez nous apprendre.
M. Rémillard: Sur l'agrandissement de? Mme Harel:
De certains palais de justice.
M. Rémillard: C'est des bonnes nouvelles. La nouvelle,
c'est qu'on se préoccupe beaucoup de cette situation-là, de la
grande activité judiciaire de nos palais de justice. On a construit de
nouveaux palais de justice, d'autres seront en opération prochainement.
Vous avez mentionné dans vos commentaires de ce matin, à la suite
des miens, le cas de Saint-Jérôme, qui est un cas dont on a
beaucoup parlé dans les médias et, je dois dire, avec raison.
Pourquoi on en a tant parlé? Bien, Saint-Jérôme, avec son
palais de justice qui ne date pas quand même de très, très
longtemps, son palais de justice est devenu très achalandé avec,
par exemple, tout ce que comprend comme conséquences au niveau de la
justice la présence d'un aéroport comme Mirabel dans le coin et
aussi tout ce que nous avons eu comme problèmes avec la crise d'Oka de
l'été dernier. Bien, maintenant, les conséquences, nous
les avons au niveau du palais de justice de Saint-Jérôme. Or, ce
n'est pas parce que les gens du pays d'en haut sont plus mauvais que les
autres, c'est parce qu'il y a des gens qui viennent de partout et qui peuvent
avoir affaire à la justice québécoise et qui, par le fait
même, se retrouvent au palais de justice de
Saint-Jérôme.
Alors, il y a le palais de justice de Laval qui sera ouvert dans un
avenir quand même prochain, qui sera un palais de justice très
important. À Laval, on prévoit qu'il sera en opération
à l'été 1992 et il va permettre probablement à
certains égards d'aider beaucoup la congestion qu'on peut avoir au
niveau de Saint-Jérôme. Au niveau de Saint-Jérôme, il
faut que l'on puisse faire des modifications importantes, mais,
déjà, je peux vous dire qu'il y a trois nouvelles salles qui sont
en opération. Il y a trois salles qui sont en opération et ces
salles permettent de pouvoir procéder à l'audition des causes
d'une meilleure façon que ce n'était le cas il y a à peine
quelques mois. Ça ne veut pas dire que tous nos problèmes sont
réglés à Saint-Jérôme, mais du moins, pour le
moment, la justice peut être bien rendue dans toutes les circonstances et
ces trois salles, dont la dernière devrait être en
opération fin avril, dans les prochains jours, nous permettent donc de
dire que les salles à Saint-Jérôme sont passées de
trois salles à six salles. Alors là, déjà, on a un
bon bout de fait. (16 h 15)
Mais il y a d'autres problèmes ailleurs, par contre, et il y a
des problèmes à régler à d'autres endroits. On
essaie de les régler aussi dans bien d'autres endroits où on
trouve des
salles à l'extérieur des palais de justice pour le moment,
quitte à revenir ensuite avec des constructions de palais de justice qui
s'imposent.
Mme Harel: Faut-il comprendre que, puisque nous ne retrouvons pas
dans les crédits à ce programme des sommes substantielles, il y a
une sorte de moratoire sur les travaux pour la présente année
1991 - 1992?
M. Rémillard: Absolument pas, absolument pas. Au
contraire, pour nous, notre plan qu'on a présenté au Conseil du
trésor s'applique toujours et le palais de justice de
Rivière-du-Loup, le palais de justice de Saint-Jean-sur-Richelieu,
Cowansville, les aménagements à Valleyfield, ce sont des choses
qui vont se faire dans la perspective qu'on avait décidé de les
faire.
Mme Harel: Les crédits pour l'exercice financier 1990-1991
étaient de 88 000 000 $; ils seront de 91 000 000 $ en 1991-1992. La
variation de crédits s'explique essentiellement, dit-on au Conseil du
trésor dans les feuillets explicatifs qui nous sont soumis, par la
majoration régulière des traitements du personnel. En fait, cette
variation n'est que de 4, 2 %, c'est-à-dire l'équivalent de la
hausse de traitements. C'est donc dire qu'il n'y a pas d'argent neuf là
qui est prévu en tout cas à ce programme, pour procéder
à ces réfections, entretien... Vous me partez de Cowansville et
des cinq palais de justice annoncés; celui à
Saint-Jérôme est en voie d'être réalisé. Mais
qu'arrive-t-il pour les autres?
M. Rémillard: Mais on a toujours... On a l'argent.
L'argent est dans la section des loyers, pour le paiement des loyers; on a
toujours une marge qui est là et dont on se sert pour faire ces
aménagements.
Mme Harel: C'est dans quel programme?
M. Rémillard: On m'informe que c'est dans 5. 2, pour ce
qui regarde le loyer.
Mme Harel: On y reviendra alors, très bien.
M. Rémillard: Oui.
Mme Harel: Je vous remercie. On peut adopter le programme 2.
Le Président (M. Dauphin): Le programme 2 est
adopté. J'appelle le programme 3.
Protection des droits et libertés de la
personne
Mme Harel: M. le Président, ce programme s'intitule
Protection des droits et libertés de la personne.
Commission des droits de la personne
Nous souhaiterions évidemment interroger le ministre sur le
retard apporté à renouveler les mandats des membres de la
Commission des droits de la personne. Vérification faite, M. le
Président, tous les mandats sont échus sans exception, de tous
les commissaires, certains depuis 1987; d'autres n'y siègent plus, ils
ont donné leur démission depuis 1988. Le président est
lui-même en sursis depuis deux ans, son mandat étant
renouvelé. Je reprends, je pense, non pas le titre mais le qualificatif
qu'en donnait la journaliste dernièrement. J'aimerais savoir quand vous
avez I'intention de procéder.
M. Rémillard: Je pense que, Mme la députée,
vous connaissez aussi bien que moi la situation puisque, à deux
reprises, on a eu des rencontres, c'est-à-dire des gens chez vous, des
gens du leader de l'Opposition, des gens du cabinet du premier ministre, des
gens chez moi pour essayer de s'entendre tant au niveau de la présidence
de la Commission qu'au niveau des membres de la Commission elle-même.
À deux reprises, on n'a pas pu s'entendre complètement. Je ne
crois pas qu'il y avait des conflits majeurs, mais...
Mme Harel: Entre vous et moi, non.
M. Rémillard: Pardon?
Mme Harel: Entre vous et moi, non?
M. Rémillard: Non.
Mme Harel: Ça se situait à d'autres niveaux.
M. Rémillard: II n'y a jamais de conflit entre vous et
moi. Mais il fallait, paraît-il, et de votre côté et de
notre côté, compléter des discussions. Moi, je veux bien
qu'on complète des discussions, mais à un moment donné il
faut décider, il faut qu'on arrive à des conclusions. Alors, il
faut être en session parlementaire aussi. Alors, là, il faut que
ça se règle à cette session-ci. Il ne faut pas attendre
les deux derniers jours pour dire: Bon, tout à coup, on va s'asseoir et
là on règle ça, vite, vite. Ce n'est pas une affaire qu'on
règle vite, vite.
Mme Harel: Je suis contente de vous l'entendre dire parce que ce
n'est pas moi qui ai ce pouvoir de régler, c'est vous.
M. Rémillard: Bien oui, bon! En fait, ce n'est pas une
question qu'on règle, même si on peut avoir les deux tiers de la
Chambre et qu'on dit "On vote ça!". Non, je pense qu'il faut que ce soit
voté avec l'Opposition et que tout le monde soit d'accord. Je voudrais
que le nouveau prési-
dent de la Commission... Je dis "le nouveau" en présence de M.
Lachapelle non pas parce qu'il est en sursis, mais parce qu'il a
mentionné à plusieurs reprises et tout le monde sait qu'il
voudrait continuer sa carrière dans d'autres fonctions, mais j'en
profite pour lui rendre hommage et le remercier pour le travail qu'il a fait.
Il est déjà à la tête de la Commission depuis de
nombreuses années. De nombreuses années, c'est cinq ans,
maintenant, M. Lachapelle?
M. Lachapelle (Jacques): Six ans et demi.
M. Rémillard: Six ans et demi. Ainsi va le temps! Alors,
six ans et demi qui vous ont amené quand même, M. Lachapelle,
à faire face à des situations pas toujours faciles et la
Commission a acquis beaucoup de maturité et aussi de compétence
dans ces six dernières années, six ans et demi où vous
l'avez dirigée.
Maintenant, il est évident qu'il faut qu'on puisse s'entendre et
il me semble qu'il faut, quant au président ou à la
présidente, qu'on puisse s'entendre et aux mandataires, donc, comme
membres de la Commission comme tels, qu'on puisse s'entendre le plus tôt
possible. Alors, j'ai bien l'intention d'activer les choses et au niveau du
cabinet du premier ministre et au niveau du leader de l'Opposition, du chef de
l'Opposition. Je demande la collaboration de ma collègue, la
députée de Hochelaga-Maisonneuve, pour qu'on pousse et qu'on leur
dise qu'il faut qu'on en arrive à une décision cette fois-ci,
qu'on ne soit pas à la dernière minute, au mois de juin, et que,
tout à coup, on essaie de trouver des noms pour remplir ces
fonctions.
Mme Harel: Alors, le ministre sait que je souscris aux propos
qu'il vient de tenir, mais ces deux rencontres auxquelles il fait allusion ont
toutes deux eu lieu, il y a déjà quatre mois, dans la même
semaine. Là, ce que je souhaite, c'est que son gouvernement
réactive le dossier. Peut-être sera-t-il plus intéressant
que nous nous entendions lui et moi et que nous proposions par la suite
à nos dirigeants respectifs ce qui peut être l'objet des
recommandations du milieu. Mais il n'en reste pas moins - là-dessus, je
veux souscrire à vos propos - que le président de la Commission
l'a dirigée dans une période absolument cruciale de son histoire.
Certainement que les événements, pas simplement les
événements de l'été dernier, mais les
événements qui ont eu lieu durant ces années ont
catapulté la Commission comme étant l'une de nos institutions les
plus importantes. C'est avec, je pense, beaucoup de doigté qu'il faut en
garantir une sorte de pérennité. Évidemment, je pense
qu'il est assez malsain que, dans une institution aussi importante que
celle-là, l'ensemble des personnes qui y siègent n'aient aucune
confirmation de leur mandat. Moi, je trouve ça malsain. Je suis certaine
que le ministre de la Justice est d'accord avec moi. Je pense qu'on ne peut pas
retarder le règlement de cette question.
D'autre part, je constate que la Commission a eu pour 372 700 $ de
crédits périmés durant le dernier exercice financier et,
mon Dieu, ça équivaut à peu près au montant que la
Commission souhaitait obtenir pour procéder à cette enquête
sur les relations entre les corps policiers et les communautés
autochtones. Je me demande si ces crédits périmés lui ont
été exigés par le ministère, en fait, suite
à une directive, j'imagine, du Conseil du trésor. Si le
président de la Commission a définitivement mis de
côté cette enquête qu'il voulait mener, le ministre de la
Justice, en réponse à une de mes questions il y a peu de temps,
ce qui prouve que je lui en pose de temps en temps, m'avait dit que c'est
momentanément qu'il écartait la possibilité d'une telle
enquête.
M. Rémillard: Oui, alors, M. le Président... Le
Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: En ce qui regarde, donc, cette demande que
m'avait faite la Commission au mois de mai dernier, donc avant les
événements d'Oka... On m'avait fait cette demande de faire une
enquête et la réponse que j'ai faite, après consultation
auprès du ministre de la Sécurité publique et du ministre
délégué aux Affaires autochtones, on en est arrivés
à la conclusion que, s'il y avait eu des manquements à la Charte
des droits et libertés, en fonction de la règle de
l'égalité entre autres, en fonction de la discrimination, il y
avait des moyens qui étaient offerts, et surtout avec le nouveau
tribunal, avec les nouveaux rôles de la Commission, il y a toujours
possibilité d'y avoir recours. Cependant, pour le moment, j'ai dit: Je
ne vois pas comment la Commission pourrait aborder cette enquête, surtout
si on ne sait pas dans quel contexte des commissions royales d'enquête,
comme on en entend parler présentement au niveau fédéral,
et aussi sur tout le processus de consultation qui est mené par mon
collègue, M. Sirros, ministre délégué aux Affaires
autochtones. Alors, voir comment tout ça va évoluer.
Alors, c'est dans ce contexte-là que j'ai dit que, pour le
moment, je ne voyais pas la nécessité de procéder à
une telle enquête. Cependant, on pourra l'évaluer si on en voyait
le besoin. Je peux laisser à M. Lachapelle le soin de compléter
en ce qui regarde les crédits périmés et la question que
vous avez posée plus précisément à ce
niveau-là puisque la Commission des droits de la personne est un
organisme qui est autonome et qui s'administre en fonction de ces
critères administratifs. Alors, je vais laisser à son
président le soin de répondre à votre question.
Mme Harel: Oui, mais si vous me le permet-
tez, je vais peut-être lui reformuler les questions, à la
fois concernant les crédits périmés, à la fois
concernant cette décision qui avait été prise par
l'ensemble, je pense, à l'unanimité des membres de la Commission,
de procéder à cette enquête et, sans doute aussi, en lui
demandant si les motifs invoqués, soit des motifs de recours devant les
tribunaux, amènent la Commission à croire que cette enquête
qui portait de toute façon sur des incidents qui n'ont pas fait l'objet
de poursuites devant les tribunaux est encore nécessaire. J'aimerais
peut-être également l'entendre sur la proposition qu'il faisait au
ministre de la Justice concernant un commissaire aux affaires autochtones,
cette proposition qui lui a été faite à l'automne dernier,
je pense, dans une lettre que le président de la Commission faisait
parvenir au ministre de la Justice et qui a été tout simplement
reprise dans un mémoire devant la commission des institutions lors de
l'étude de l'examen du Protecteur du citoyen.
Le Président (M. Dauphin): Me Lachapelle.
M. Lachapelle: Merci, M. le Président. C'est bien
évident que, pour la Commission des droits de la personne, la question
autochtone est éminemment importante. Déjà, M. le ministre
l'indiquait au mois de mai dernier, nous avions demandé des
crédits parce qu'il était bien évident que mener une
enquête de cette envergure, nous en avions mené une dans le cas
des relations avec la police et les minorités visibles et ethniques,
c'était une enquête d'envergure, c'était des consultations
d'envergure qui avaient coûté près de 500 000 $ et, forts
de cette expérience, nous savions bien que nous ne pouvions entreprendre
une telle enquête sans ces crédits supplémentaires. (16 h
30)
Vous avez invoqué le fait qu'il y avait tout de même eu
à la fin de l'année 372 000 $ qui auraient pu peut-être,
bien sûr, servir à cette enquête, sauf que, comme vous le
savez, il y a une période comme ça dans l'année où
surviennent malheureusement des gels et, bien sûr, les gels pendant ces
années budgétaires reviennent de plus en plus vite, on n'attend
pas l'hiver et le gel nous prend même quasiment au milieu de
l'été, ces temps-ci. Alors, ces crédits-là sont
passés dans le gel et dans la péremption de crédits.
Je reprends ensuite l'autre question que vous souleviez. Il est bien
sûr que les plaintes que nous avons reçues à la Commission
des droits de la personne seront toujours existantes à la Commission des
droits de la personne, nous n'en avons pas disposé. Nous allons tenter
de faire des enquêtes cas par cas, comme nous en faisons avec
probablement moins de résultats parce que nous n'avons pas une vision
globale de la situation de la question autochtone et des relations avec la
police. Nous en avons une aux Escoumins, nous en avons une autre dans la
région de Hull, nous en avons plusieurs encore sur le territoire de
Oka-Kanesatake et nous les ferons à la pièce. Ça n'aura
pas, bien sûr, le même résultat.
D'autre part, nous avons profité de l'invitation du ministre
délégué aux Affaires autochtones pour nous
présenter devant lui, aller le rencontrer. De fait, nous avons
déjà fait des démarches auprès du ministre afin de
lui faire part de nos appréhensions et des quelques
éléments que nous pouvons lui soumettre à l'effet que ces
relations entre les services de police, particulièrement la
Sûreté du Québec, sont extrêmement tendues
actuellement avec les communautés autochtones. Je ne porte pas de
jugement, à savoir quelles sont les causes justement parce que nous ne
les avons pas analysées, mais le résultat net et clair est
là, il y a des relations extrêmement tendues et, bien sûr,
la Commission continue à croire qu'une telle enquête devra avoir
lieu, mais nous ferons tout de même des représentations devant le
ministre, M. Sirros, qui a d'ailleurs répondu à notre demande.
Nous devrons le rencontrer dans les prochaines semaines.
Le Président (M. Dauphin): Mme la
députée.
Mme Harel: Est-ce que la constatation que la Commission fait est
que la situation s'est encore envenimée en regard de la demande que la
Commission formulait l'an dernier à donner une telle enquête?
Est-ce que ça s'est envenimé ailleurs que dans les
communautés qui étaient affectées par la crise de
l'été dernier?
M. Lachapelle: À l'époque, nous ne parlions pas de
la crise à Oka. Évidemment, Oka et Kahnawake sont deux endroits
où, effectivement, nous avons encore des contacts dans les
communautés. Il est bien évident que les communautés
autochtones ne veulent pas voir les membres, entre autres, de la
Sûreté du Québec ou de la GRC sur le territoire. Alors, la
situation, dans ce sens-là et dans cette circonscription, s'est
envenimée Par ailleurs, je pense que.. Je ne pense pas pouvoir dire que
la situation est plus grave ou moins grave qu'elle ne l'était dans les
autres communautés.
Mme Harel: En fait, ce qu'on peut peut-être simplement
constater des propos que vous nous tenez, c'est que le malaise est plus profond
et commanderait plus que simplement des recours individuels qui sont possibles
devant la Commission. C'est ce qu'on doit donc... Est-ce que c'est bien ce
qu'on doit conclure des propos que vous tenez?
M. Lachapelle: Oui, oui. Effectivement, c'est ce que je
pense.
Mme Harel: Dans l'examen des crédits, on se rend compte
que les délais augmentent entre la recevabilité d'une plainte et
le traitement de la plainte à la Commission. C'est presque 70 jours
maintenant. Est-ce que j'ai raison de le constater?
M. Lachapelle: Oui. Tout à fait. Bien, non seulement les
délais augmentent, les délais augmentent parce que le nombre de
plaintes a augmenté. Entre 1989 et 1990, le nombre de plaintes a
augmenté de 30 % et il a augmenté encore de 30 % en 1990. Bien
sûr, les délais s'en ressentent, malgré l'ajout de quelques
effectifs l'année dernière. Nous espérons qu'avec la
nouvelle procédure, suite à l'instauration du tribunal qui a
amené des modifications au mécanisme de traitement des plaintes
à la Commission, nous pourrons raccourcir les délais parce que
si, par ailleurs, le délai d'ouverture des dossiers a augmenté,
il a quelque peu diminué pour ce qui est de l'enquête. Le nombre
de dossiers ayant augmenté lors de l'ouverture du dossier, il s'est
inscrit un délai que nous avons pu résorber un peu plus loin dans
le processus. Nous pensons que le mode d'enquêtes inquisitoires
instauré par la loi 140 devrait nous permettre de raccourcir un tant
soit peu les délais.
Mme Harel: Est-ce que ces augmentations... Pouvez-vous nous faire
un profil des motifs pour lesquels, principalement, les plaintes sont
déposées?
M. Lachapelle: De mémoire, mais je pense que c'est
vérifiable dans les dossiers...
Mme Harel: Est-ce que c'est toujours autour du travail?
M. Lachapelle: L'augmentation en matière de
harcèlement sexuel, par exemple, l'augmentation au niveau de la
discrimination fondée sur le handicap, particulièrement
l'intégration scolaire des jeunes handicapés intellectuels. Nous
avons connu dans les derniers mois un nombre important de demandes. Les
plaintes en matière de discrimination raciale, particulièrement
dans le domaine du logement, parce que depuis quelques années nous avons
fait une certaine publicité autour de ces questions, donc ça a
amené, bien sûr, une augmentation des plaintes dans ces
secteurs.
Mme Harel: En matière de harcèlement sexuel, en
prenant connaissance des crédits explicatifs du ministère, je
constatais que vous n'aviez pas recommandé que, dans le cadre de la
modification apportée à la Loi sur les normes du travail, la
Commission des normes ait une responsabilité nouvelle en cette
matière. J'aimerais bien retrouver... J'y arrive. Vous écriviez,
en date du 4 mai l'an dernier, une attachée politique du cabinet du
ministre, c'est Me Nicole Fournier...
M. Lachapelle: Quelle page?
Mme Harel: C'est à la page 45 des renseignements
généraux et particuliers requis par l'Opposition officielle. Il y
a deux cahiers explicatifs, alors c'est le plus gros. C'est aux pages 45 et
suivantes. Il y a à la fois copie de la position que vous faisiez
valoir. Finalement, ce que je constate, c'est que vous mentionniez qu'il y
avait une possibilité de duplication de recours et que vous souhaitiez
que la Commission continue d'avoir la juridiction sur ces questions et que ce
ne soit pas partagé avec la Commission des normes. Est-ce que vous
considérez que ça suppose à ce moment-là qu'il y
ait ajout de personnel s'il y a, comme ça semble être le cas, une
sensibilité accrue à cette réalité du
harcèlement sexuel? Est-ce qu'il ne faut pas s'attendre, comme vous
venez de me le confirmer, qu'il y ait une augmentation des plaintes qui sont
déposées devant la Commission?
M. Lachapelle: On constate, en matière de
harcèlement sexuel, bien sûr, une augmentation. D'autre part, s'il
y a une augmentation en termes de plaintes, on constate également que,
pour toutes sortes de raisons, il y a beaucoup de règlements rapides
dans ce domaine. Je pense que les entreprises sont de plus en plus conscientes
des dommages qui sont causés aux personnes qui subissent du
harcèlement sexuel.
Deuxièmement, elles sont de plus en plus conscientes de la
responsabilité de l'entreprise depuis le jugement de la Cour
suprême, bien qu'on n'en ait pas eu besoin au Québec puisqu'on
avait l'article 1054. Les entreprises sont de plus en plus conscientes de leurs
responsabilités. Et je dois vous dire que je constate à chaque
jour des règlements, et des règlements de plus en plus
importants. J'en voyais un la semaine dernière qui s'est
réglé en l'espace de quelques semaines où l'entreprise a
payé, comme ça, rapidement, 10 000 $, alors qu'à
l'époque, quand on donnait 500 $ ou 600 $, c'était passablement
réglé. On voit quand même la proportion et les montants qui
augmentent et les règlements de plus en plus rapides.
Bon, je pense que c'est parce que la Commission a
développé une expertise dans le domaine. C'est la raison pour
laquelle nous disions qu'il y aurait peut-être lieu d'éviter des
duplications. D'autre part, ce que nous préconisons est peut-être
beaucoup plus que des remèdes qui sont des poursuites et des
enquêtes, c'est que chaque entreprise se dote de politiques contre le
harcèlement sexuel. Alors, ça sert énormément, bien
sûr, à dissuader les auteurs éventuels, à rassurer
peut-être les victimes qui, rapidement, peuvent porter plainte, suivant
un
mécanisme institutionnel. Et je dois dire que, de plus en plus,
de nombreuses entreprises, des universités - peut-être
qu'éventuellement le gouvernement du Québec en adoptera une
aussi, sait-on jamais - ont une politique en matière de
harcèlement sexuel. Nous croyons que c'est probablement un moyen
éducatif qui permet de contrer le harcèlement et qui est
peut-être plus efficace, finalement, que des enquêtes
systématiques.
Mme Harel: Je constate qu'il y aura réduction d'un poste
occasionnel, mais que les crédits qui vous sont alloués sont
à peu près les mêmes, avec une augmentation pour les
traitements, que l'année dernière. Et là, la question
s'adresse au ministre. Le président de la Commission vous faisait
parvenir, en date du 12 octobre 1989 - ça fait déjà
presque un an et demi maintenant - une proposition à l'effet de nommer
un commissaire autochtone permanent spécialement chargé de ce
mandat à la Commission. Nous en avons fait l'examen lors de
l'étude du mandat du Protecteur du citoyen. Mon collègue, le
président, se rappellera cette réflexion des membres de la
commission, à savoir: Quelle était l'institution qui pouvait ou
est-ce que c'étaient de toute façon les deux institutions, celles
du Protecteur et de la Commission, ou l'une des deux qui devait principalement
avoir cette responsabilité? Est-ce que le ministre entend donner suite
à cette proposition de la Commission des droits?
M. Rémillard: C'est une suggestion qu'on considère
beaucoup. Je pense que c'est un élément qui est important et
qu'on peut prendre en considération. Je ne m'engage pas formellement
aujourd'hui, mais je peux vous dire que c'est une recommandation de la
Commission qui m'apparalt particulièrement intéressante.
Mme Harel: Évidemment, ça devrait se traduire dans
les crédits, et ce n'est pas le cas. On le voit, il n'y a ajout d'aucun
poste. Mais vos pouvoirs vous permettent d'aller chercher des crédits
supplémentaires. Peut-être serait-il opportun de reprendre, par
ailleurs, cette... Je ne sais pas, je n'ai pas eu la réponse que vous
avez faite à cette lettre qui était datée du 12 octobre
1989. Si tant est que cela était possible de la déposer
aujourd'hui ou éventuellement, je l'apprécierais.
M. Rémillard: Peut-être que ça me
permettrait... Vous m'avez dit, avant que je l'oublie... En ce qui regarde les
télétémoignages, j'ai des informations. Tout à
l'heure, on parlait de cette salle de télétémoignages pour
les enfants, au palais de justice de Montréal. Mme la
députée soulevait la question, à savoir combien ça
a coûté. Elle soulevait même le chiffre, à un moment
donné; elle aurait entendu dire que ça coûtait 1 000 000 $.
J'étais sceptique. Je viens d'avoir les chiffres ici, de mon
ministère. On me dit que l'unité mobile a coûté
environ 50 000 $ et la salle à Montréal, l'équipement a
coûté 50 000 $ et l'installation et l'aménagement 110 000
$, ce qui veut dire que le total est de 210 000 $ pour et le mobile et ce qui
est là. 210 000 $ pour faire une expérience pareille pour le
droit des enfants, je pense que c'est quelque chose qu'il s'imposait de faire.
Et il n'est pas dit, de fait, que ce n'est pas une bonne expérience. Je
voudrais être bien clair là-dessus. Je ne dis pas que ce n'est pas
une bonne expérience, je dis que c'est une expérience qui est
toujours en évaluation.
Mme Harel: Alors, M. le Président, je vais terminer ici
cet examen beaucoup trop rapide, mais compte tenu du temps qu'il nous reste...
Et je vais profiter de l'occasion qui m'est donnée pour remercier le
président de la Commission des droits. M. le ministre nous a fait savoir
tantôt qu'il était vraisemblable que Me Lachapelle ne soit pas
avec nous l'an prochain et qu'il serait éventuellement appelé
à de nouvelles fonctions...
M. Rémillard: Mais c'est vous qui dites qu'il est en
sursis. C'est vous qui dites qu'il est en sursis.
Mme Harel: Je veux qu'il sache que nous sommes conscients que
ça demande un courage certain, dans une société, pour
occuper un tel poste qui a un statut qui, par définition, ne plaît
pas au gouvernement en place, quel qu'il soit. Je veux l'assurer de tous nos
voeux de succès dans ces nouvelles fonctions dont parle le ministre.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: Oui, je veux confirmer ce que Mme la
députée vient de dire. Évidemment, j'ai eu l'occasion de
mentionner tout à l'heure l'excellent travail fait par M. Lachapelle.
C'est un travail qui n'est pas facile. M. Lachapelle a pris la succession de
Mme Fournier; on connaît dans quelle circonstance et tous les
événements qui ont entouré cela. Mme Fournier, comme
présidente - je veux lui rendre hommage, d'ailleurs, elle est à
l'UNESCO, elle fait un excellent travail...
Mme Harel: On souhaite que ça ne se répète
pas
M. Rémillard: Alors, exactement. Comme protecteurs du
citoyen, ils ne sont pas là pour plaire ni à l'Opposition, ni au
gouvernement, ni à quiconque autre, mais pour faire un travail qui est
essentiel pour le respect de notre démocratie, notre liberté,
notre justice. Par conséquent, il faut qu'on en soit conscient lorsque
ces mandats sont terminés. (16 h 45)
Le Président (M. Dauphin): Si vous me permettez - merci,
M. le ministre - je vais me reconnaître pour 30 secondes, comme
président de la commission des institutions. Je pense qu'au nom de tous
les membres, ces dernières années, nous avons eu l'occasion de
travailler étroitement avec Me Lachapelle, notamment sur le mandat
d'initiative relativement à la Commission des droits de la personne, ce
qui a résulté à des recommandations proposant, notamment,
la création du Tribunal des droits et libertés de la personne.
Alors, j'aimerais lui rendre hommage et, également, pour sa
collaboration avec l'autre mandat que nous nous sommes donné sur le
Protecteur du citoyen. Alors, on lui souhaite de beaux jours à venir.
Félicitations.
Mme Harel: Alors, j'aimerais, M. le Président, que nous
puissions aborder maintenant la Commission de protection des droits de la
jeunesse.
Commission de protection des droits de la
jeunesse
Le Président (M. Dauphin): Mme la
députée.
Mme Harel: Alors, je vais souhaiter la bienvenue à M.
Dowie et lui dire que c'est avec plaisir que nous avons consenti, en fait,
à ne l'aborder que cet après-midi, et à modifier notre
horaire pour qu'il en soit ainsi avec lui. Nous souhaitions cet échange
compte tenu du rapport d'activités 1989-1990 de la Commission de
protection des droits de la jeunesse qui a été
déposé à l'Assemblée et dans lequel rapport annuel
la Commission rapporte un manque de ressources flagrant pour les jeunes du
Nord.
M. le ministre rentre d'un court séjour au nord du 55e
parallèle. Dans le rapport annuel, M. Dowie, vous faites mention d'un
bureau régional à l'ancien Poste-à-la-Baleine, qui dessert
le Nord du Québec. Vous nous dites que la Commission a observé un
problème généralisé de drogues, sans qu'il n'y ait
aucune ressource spécialisée dans ce domaine. Vous mentionnez
également que la Commission a observé qu'il n'y avait aucun lieu
de détention provisoire disponible pour les jeunes de la baie d'Hudson,
en fait, de ces régions. Vous avez fait des recommandations au
ministère sur cette question.
Alors, la première question, étant donné
l'importance que vous avez fait valoir, à juste titre, dans votre
rapport annuel: Quel est le sort que le ministère entend réserver
aux recommandations que vous avez faites? Dans les crédits, du moins il
n'apparaît pas de modification aucune. Le personnel, à part
évidemment l'augmentation pour les traitements... L'ensemble, je pense,
des crédits de la Commission est resté le même cette
année que l'an passé. Dans votre rapport annuel, vous vous
plaignez de ne pas disposer de ressources suffisantes au chapitre du
déplacement du personnel pour couvrir ces régions du Nord.
Vous vous plaignez également - je veux insister sur ce
deuxième aspect pour que vous puissiez répondre en faisant un
tour d'horizon plus complet - de l'absence de traduction des documents qui sont
remis à la population. Par ailleurs, quant aux jeunes des
communautés culturelles, vous aviez fait mention, lors de nos
crédits l'an passé, que vous meniez une enquête, une
recherche d'envergure pour connaître le nombre de jeunes des
communautés culturelles qui se retrouvent dans le système de
protection et qui viennent des milieux ethnoculturels et vous nous disiez
procéder à ce recensement pour identifier les facteurs qui
permettraient d'expliquer une présence plus importante dans le
système que celle dans la population et pour en comprendre les causes.
J'aimerais vous entendre également là-dessus.
Et, finalement, vous avez fait valoir qu'il y avait à l'occasion
une interdiction aux jeunes d'utiliser leur langue maternelle dans les centres
d'hébergement et vous en avez fait des recommandations précises
au ministère. Alors, est-ce que vous avez pu constater qu'il y a des
changements ou des directives qui ont été apportées?
Le Président (M. Dauphin): Si vous me permettez, juste
avant, juste pour les fins du Journal des débats, il s'agit du
président de la Commission de protection des droits de la jeunesse, M.
Vaughan Dowie. Allez-y, M. Dowie.
M. Dowie (Vaughan): Sur le premier volet de votre question, Mme
la députée, on a saisi le ministère de la Justice et le
ministère de la Sécurité publique et le ministère
de la Santé et des Services sociaux d'un certain nombre de
problèmes qu'on a vus suite à l'ouverture de nos bureaux à
Kuujjuarapik ou Poste-à-la-Baleine, il y a un an et demi. Et,
effectivement, on fait rapport dans nos rapports d'activités de la
situation de détention, par exemple, mais aussi d'un certain nombre de
situations liées au transport des jeunes pour comparaître devant
les tribunaux, surtout sur la côte de la baie d'Hudson, et
également d'un certain nombre de problèmes en termes de groupes
rivaux.
Il y a eu, le mois de février passé, une réunion
entre nos représentants pour la région de Kuujjuarapik avec des
responsables pour les dossiers autochtones des différents
ministères concernés, soit le ministère de la Justice,
soit le ministère de la Sécurité publique, soit le
ministère de la Santé et des Services sociaux, une réunion
qui, je dois dire, j'espère, amorce l'étude du problème.
Je sais - je ne veux pas parler pour le ministère de la Justice - par la
nature de nos travaux, qu'il y a du travail qui a été fait en
regardant un certain nombre de recommandations qu'on a faites, mais
effectivement, au moins, il y a eu une réunion à cette
fin-là entre
les différentes personnes responsables pour parler de ce
problème-là, entre autres sur les questions de notre
capacité dans cette région-là de voyager. Comme vous le
savez, les frais de voyage entre les différents villages en haut, dans
le Nord du Québec, sont très dispendieux. Effectivement, cette
année, le Conseil du trésor nous a accordé un
supplément, je pense, d'à peu près 50 000 $ pour nous
aider à servir un peu mieux la population du Grand-Nord. Et comme
ça, il y a un acquis pour l'année 1991-1992 à ce
niveau-là.
Sur la question de la recherche amorcée par la Commission sur la
présence des communautés culturelles dans les différents
centres d'accueil, cette recherche est terminée au niveau de la
cueillette des données et je dois juste souligner qu'on ne fait pas
ça tout seul, qu'on fait ça conjointement avec l'Association des
centres d'accueil du Québec. Et la cueillette des données est
terminée. Nous sommes maintenant avec l'Association des centres
d'accueil du Québec en phase d'analyse de ces données-là
pour essayer de comprendre un certain nombre de phénomènes qu'on
a vus.
Je dois vous dire qu'aujourd'hui, à ma connaissance, il y a une
conférence de presse à Montréal, effectivement, sur ce
sujet-là, menée par la communauté noire, le Conseil de la
communauté noire du Québec qui a utilisé, je pense, un
certain nombre de nos données. En gros, on a trouvé, comme on le
soupçonnait, une sous-représentation des minorités
visibles, soit la communauté noire, soit la communauté
amérindienne, dans un certain nombre de centres d'accueil dans un
certain nombre de régions du Québec. Notre défi maintenant
est d'essayer d'expliquer ça et je n'ose pas donner d'explications avant
que l'analyse soit terminée. Nous espérons publier le
résultat de cette recherche vers le mois de septembre prochain.
Nous pensons que cette recherche-là, premier volet, va nous
amener à une recherche, deuxième volet, pour, après
ça, examiner le processus de décision pour le placement de ces
enfants-là en centre d'accueil pour voir s'il y a en soi une
discrimination institutionnelle ou systémique. Je dois vous dire
également, liée à ce dossier-là, qu'on a
reçu une demande officielle de la part du Conseil de la
communauté noire de Québec pour une enquête sur la
situation. Ce n'est pas clair, dans le communiqué de presse que j'ai
reçu ce matin, si on nous demande de faire enquête ou de faire
enquête conjointement avec la Commission des droits de la personne. Et on
a déjà amorcé les discussions entre les deux organismes
pour regarder comment on peut faire face à ça. Eux autres parient
surtout de la situation dans les centres d'accueil qui desservent surtout la
population anglophone de Montréal. C'est un dossier à suivre
à ce même niveau-là.
Sur le dossier de l'interdiction d'utiliser les langues maternelles,
dont on a fait rapport également dans notre rapport d'activités
de l'année passée, effectivement, la Commission a trouvé
que, dans un certain nombre de centres d'accueil, il y a eu interdiction
d'utiliser différentes langues autres que le français. La
population la plus souvent ciblée par ça a été
surtout la population créolophone, la population haïtienne. Par
exemple, on a vu, dans un certain nombre de centres d'accueil, l'interdiction
du créole; dans un autre, on a vu l'interdiction de l'inuktitut et, dans
quelques autres, l'utilisation de l'anglais. La Commission - juste pour vous
corriger un peu - n'a demandé absolument rien au ministère de la
Justice. On a envoyé un avis à tous les centres d'accueil en
disant que, pour nous, cette interdiction était illégale et que
si nous sommes saisis de la continuation de cette pratique-là, selon
nous, c'est une lésion de droit et ça finit là.
Jusqu'à date, depuis le dépôt de cet avis-là, avec
les centres d'accueil, on n'a pas eu de plaintes à cet
égard-là. Je ne peux pas vous garantir que cette
pratique-là est terminée, mais jusqu'à date on n'a pas eu
de plaintes.
M. Rémillard: M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: ...si vous permettez, sur deux points que
vient d'aborder M. Vaughan Dowie, à la suite des questions qui ont
été posées par Mme la députée de
Hocheiaga-Maisonneuve. En ce qui regarde d'abord un sujet qui nous est
arrivé aujourd'hui par la voie des médias. Moi, je l'ai appris ce
matin par une question que Mme Karen Gross, de CBC, m'a posée; je
n'avais jamais entendu parler.. Tout à coup, on me dit Qu'est-ce que
vous allez faire avec cette demande du Black Committee Council of Québec
sur une demande d'enquête auprès de la Commission de protection
des droits de la jeunesse et auprès de la Commission des droits de la
personne sur une situation de discrimination? Comme ministre de la Justice, je
n'ai pas reçu de demande d'information ou quoi que ce soit. Je tiens
à le préciser, je l'ai appris tout simplement par une question
qu'une journaliste m'a posée; je n'ai pas été
informé de ça. J'aurais apprécié. Je vois que M.
Vaughan Dowie n'a pas plus été informé non plus - donc, il
n'a pas reçu de lettre - que M. Lachapelle, le président de la
Commission; il n'en a pas reçu non plus. Alors, on va certainement... Je
sais qu'ils vont étudier ça très attentivement. Ce que je
veux dire, c'est que, comme ministre de la Justice, je n'ai pas
été informé, on n'a pas cru bon de m'envoyer une lettre ou
demande de quoi que ce soit à ce niveau-là. (17 heures)
En ce qui regarde maintenant la situation dans le Grand-Nord, j'ai eu
l'occasion dans mon voyage à Poste-à-la-Baleine, entre autres, de
rencontrer Mme Michèle Morel, qui est une jeune
femme très dynamique, qui est représentante donc de la
Commission de protection des droits des jeunes, la Commission de protection de
la jeunesse, et qui me racontait les grandes difficultés qu'elle peut
avoir: immensité du territoire; difficultés de couvrir tout
ça, immensité de la tâche. Et c'est là que quand on
me racontait, vous savez, huit suicides en six mois, de jeunes Inuit, c'est
inouï. C'est dur, c'est extrêmement dur. On me racontait, je me
permets de le dire à cette commission, entre autres, qu'un jeune qui
utilisait un fusil et qui n'était pas décédé sur le
coup, l'infirmière lui demandait: Pourquoi t'as fait ça? Il a
dit: C'est le seul moyen que je voyais de m'en sortir. Bon, c'est très,
très dur. Il y a une situation très difficile. Ce qui m'a le plus
touché probablement de ce voyage dans le Grand-Nord, c'est à ce
niveau-là, pour les jeunes. Donc, je trouve ça très
intéressant, la réponse que fait M. le Président et je
veux l'assurer de notre collaboration pour qu'on puisse rendre la justice la
plus accessible et avoir une meilleure administration en ce qui regarde le
droit des jeunes au niveau du Grand-Nord québécois. Voilà
ce que je voulais comme commentaire à ce sujet-là.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Mme la
députée.
Mme Harel: Oui, une des façons de rendre la justice plus
accessible serait de réactiver la cour itinérante qui ne se
déplace plus, faute de moyens et de locaux adéquats, la cour
itinérante de la jeunesse à l'égard de l'application de la
Loi sur les jeunes contrevenants. Je crois comprendre que vous aviez fait
mention, M. Dowie, dans votre rapport annuel des coûts qui sont
extrêmement élevés simplement pour comparaître. Ces
coûts, vous les avez chiffrés dans le cas de jeunes qui doivent
utiliser l'avion comme moyen de transport pour comparaître à des
centaines de kilomètres loin de chez eux, en vertu de la Loi sur les
jeunes contrevenants. Est-ce que le ministre entend donner les moyens
adéquats de façon à ce que la Cour itinérante
puisse reprendre finalement son travail et faciliter évidemment que
justice soit rendue?
M. Rémillard: M. le Président, c'est justement un
sujet que j'ai pu aborder avec le juge Coutu. Dans notre visite, on en a
beaucoup discuté; à certains endroits, nous avons pu
améliorer grandement la situation des locaux. Donc, à
Poste-à-la-Baleine, entre autres, l'amélioration des locaux est
maintenant opérationnelle et c'est très bien; c'est bien fait,
c'est amélioré. D'autres améliorations devraient
être apportées aussi à d'autres niveaux. Il s'agit de
pouvoir couvrir le plus de territoire possible. Ce territoire, il est immense
et difficile à couvrir dans toutes les communautés qui existent.
À un moment donné, il va falloir qu'on s'entende. Il faut
rationaliser et trouver des moyens aussi pour que tout ça soit faisable
dans des contextes budgétaires acceptables. Il ne faut pas non plus
exagérer. Il faut trouver des moyens. On en a fait un bon bout parce
qu'il y a des locaux qui ont été améliorés. On a
trouvé aussi des solutions sur certains autres locaux, j'aurai
l'occasion d'en discuter avec mon ministère à la suite des
visites que j'ai faites. On n'a pas perdu notre temps. Je peux vous dire qu'on
arrive avec des projets et des solutions bien concrètes à des
problèmes. De là à trouver une route pour couvrir
l'ensemble de toutes les communautés inuit, partout où elles se
trouvent, bien là, c'est certainement beaucoup plus difficile.
Le Président (M. Dauphin): Mme la
députée.
Mme Harel: II faut bien comprendre, M. le Président, que,
justement, l'immensité du territoire et la difficulté de le
couvrir ne doivent pas être imputées au justiciable. Il ne doit
pas y avoir une sorte de fardeau plus accablant justement compte tenu de cette
réalité-là. Si c'est une réalité pour les
services publics, ça doit en être une pour le justiciable
également.
M. Rémillard: Vous avez parfaitement raison. Ce n'est pas
parce que des gens sont éloignés qu'ils ne peuvent pas
bénéficier d'une qualité de services; c'est ça, le
défi que nous avons. Mais c'est bon à ce niveau-ci de faire la
relation justement avec ce dont nous parlions ce matin, les possibilités
que nous sommes à élaborer pour rendre la justice plus accessible
mais sur place. Par exemple, que ce soient les autochtones eux-mêmes par
un juge de paix qui serait autochtone et qui pourrait présider un
comité de justice formé d'autochtones, ça, c'est quelque
chose que nous étudions très sérieusement. J'en ai
parlé avec les chefs inuit là-bas, les maires de village; j'en ai
parlé longuement, de cette solution-là en particulier, et ils ont
été unanimes pour me dire: Oui, ça nous apparaît
très intéressant. Mais là, ça implique qu'il faut
former certaines personnes pour être juges de paix. On a
déjà des personnes qui sont susceptibles de faire le travail.
Quand je dis juge de paix, je ne veux pas dire simplement formé en
fonction d'un juge, ce n'est pas facile, dans ces villages-là, pour
quelqu'un d'accepter un tel travail parce que la communauté vit
tellement près, tellement reliée, qu'il faut qu'il prenne des
décisions qui affectent souvent des gens qu'il connaît très
bien et qui sont proches de lui. Alors, c'est tout un défi. Très
souvent, on se retrouve avec des gens qui acceptent le travail pour un an ou
pour deux ans et, tout à coup, qui doivent quitter parce que c'est trop
difficile, et je les comprends. Je l'ai vu, j'ai vu ce que c'était.
Alors, c'est pour ça qu'on pense peut-être à
un conseil de cinq personnes, pour essayer de prendre des personnes d'un
peu partout dans le village, dans la communauté. C'est une des solutions
qu'on envisage. En faisant ça, ça nous permettrait de rendre la
justice sur place, en respectant les coutumes et les traditions, en respectant
aussi nos lois québécoises et on pourrait, à ce
moment-là, peut-être atteindre nos objectifs dans un contexte
budgétaire qu'on doit respecter quand même.
Mme Harel: Alors, je veux remercier M. Dowie et inviter, si le
ministre le permet, le président de la Commission des services
juridiques puisque nous pourrions procéder à l'examen du
programme 4, Aide aux justiciables.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. Dowie. Alors...
Mme Harel: Programme 3, adopté sur division.
Le Président (M. Dauphin): Le programme 3, adopté
sur division Alors, j'appelle le programme 4.
Aide aux justiciables
M. Rémillard: M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
Commission des services juridiques
M. Rémillard: On a donc le plaisir d'avoir M. Moreau, qui
est le nouveau président de la Commission des services juridiques. M.
Moreau a quand même l'habitude de cet exercice d'étude des
crédits parce qu'il était avec moi, l'an dernier, aux
crédits, comme président de l'Office de la protection du
consommateur, et j'en profite pour lui rendre hommage pour le travail qu'il a
fait à ce titre, un travail exceptionnel, et je veux lui en rendre
hommage. Il est maintenant dans ses nouvelles fonctions, prenant la place de M.
Lafontaine; il est donc en place depuis maintenant... Combien de mois?
M. Moreau (Gilles): Trois mois.
M. Rémillard: Depuis trois mois, comme président de
la Commission des services juridiques.
Mme Harel: Alors, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue
également à Me Moreau. Il a déjà, malgré le
bref délai, participé, je pense, à plusieurs commissions
parlementaires depuis sa nomination à la présidence de la
Commission des services juridiques.
Juste une question, M. le ministre, avant d'aborder la question des
crédits périmés à la
Commission des services juridiques. Vous mentionniez le départ de
Me Lafontaine. La Commission des services juridiques est également une
des institutions, au même titre que le Protecteur du citoyen ou au
même titre que la Commission des droits de la personne, dont le statut
des présidents demande une considération particulière,
compte tenu, comme vous le mentionniez si bien, que remplir leurs
responsabilités signifie ne pas nécessairement plaire au
gouvernement qui est en place à ce moment-là. Je souhaite
évidemment que Me Lafontaine, dont je n'ai pas écho de nomination
récente à son sujet, puisse poursuivre le travail, compte tenu de
son expertise connue maintenant dans le domaine.
M. Rémillard: Ce que je peux dire, M. le Président,
à ce sujet-là, c'est que M Lafontaino a une longue route comme
fonctionnaire, qu'il a fait un travail remarquable au service de l'État
puisque, si ma mémoire est bonne, il a débuté sa
carrière en 1974. Il a été longuement président de
la Commission des services juridiques, a fait un travail remarquable, tout
à fait exceptionnel et ça, c'est unanime, le constat que nous
pouvons faire sur le travail de M. Lafontaine. Par conséquent, c'est
certain que nous avons, face à M. Lafontaine, une très grande
considération et nous sommes à discuter à
différents niveaux pour les possibilités de nouveau poste de M.
Lafontaine dans une perspective d'évolution de carrière.
Mme Harel: Qu'en termes élégants tout cela est dit!
M. le Président, on en apprendra sûrement plus prochainement.
J'aimerais savoir si le vice-président de la Commission des
services juridiques - je pense que c'est Me André Saint-Jean - est avec
nous.
M. Rémillard: Pouvez-vous demander à..
Mme Harel: Oui. Est-ce que Me Saint-Jean, qui a été
nommé pour une période de cinq ans, je pense, depuis le 27
novembre 1989 jusqu'en 1994, est en exercice depuis votre nomination, Me
Moreau?
Le Président (M. Dauphin): Me Moreau.
M. Moreau: Me Saint-Jean n'est pas au bureau en exercice. Il est
vice-président de la Commission des services juridiques. Cependant,
lorsque je suis arrivé à la Commission, il n'était pas en
service à ce moment-la à la Commission des services
juridiques.
Mme Harel: Est ce que vous avez repris contact avec lui?
M. Moreau: Je n'ai pas eu l'occasion de lui parler puisqu'il
n'est pas au bureau de la Commission depuis mon arrivée.
Mme Harel: Le ministre peut il nous expliquer la situation
qui semble perdurer à la Commission des services juridiques avec la
nomination, depuis le 27 novembre 1989, d'un vice-président qui n'y
siège pas et qui est nommé jusqu'en 1994? Je pense que
lui-même souhaiterait voir clarifier la situation sûrement.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: Oui. Ce qui s'est passé dans le cas
de M. Saint-Jean qui était au ministère du Revenu, je crois,
auparavant, qui a été nommé à la
vice-présidence de la Commission des services juridiques, il y a eu des
allégations de possibilité de conflit d'intérêts
faites par les gens mêmes de la Commission des services juridiques
à différents niveaux. On a allégué
différents problèmes dans la nomination. Donc, le Conseil
exécutif a étudié la situation. Il étudie la
situation et on m'a confirmé encore très récemment que M.
Saint-Jean devait avoir d'autres affectations. Il devrait être
affecté à de nouvelles fonctions. C'est ce qu'on m'a
confirmé encore très récemment.
Mme Harel: Voulez-vous reprendre? Je m'excuse, je n'ai pas bien
compris.
M. Rémillard: On m'a confirmé que M. Saint-Jean
serait nommé à de nouvelles fonctions dans un avenir qu'on me dit
très prochain. On m'a confirmé ça il n'y a pas très
longtemps.
Mme Harel: Oui. Il y a déjà un an et demi, en fait,
que cette nomination a eu lieu, pour un salaire qui, sur une base annuelle,
totalise 90 562 $. Je pense que l'intéressé lui-même
souhaite apporter une contribution à notre société
équivalente au salaire qu'on lui verse. Alors, faut-il comprendre que la
Commission des services juridiques sera consultée quant à la
nomination d'un remplaçant de M. Saint-Jean?
M. Rémillard: La Commission sera consultée, comme
elle est toujours consultée.
Mme Harel: Le président, entre autres.
M. Rémillard: La loi elle-même nous oblige à
faire des consultations.
Mme Harel: Avait-elle eu lieu dans le cas de la nomination de M.
Saint-Jean?
M. Rémillard: Oui. Oui. Elle a eu lieu. Il y a eu des
consultations informelles, comme ça se fait dans ces cas-là. Il y
a eu une consultation. Les difficultés, comme je vous dis, qui ont
été rencontrées... En fait, d'abord, ces
nominations-là relèvent du Conseil exécutif, donc
directement. Ça ne relève pas du ministre de la Justice. Le
ministre de la Justice est là pour administrer la loi. Et, à
partir de là, ensuite, les nominations appartiennent au Conseil
exécutif. Je me suis assuré que ce ca.s puisse se régler
le plus tôt possible à la satisfaction de tout le monde. Ce que
ça signifie, c'est que M. Saint-Jean aura d'autres fonctions. (17 h
15)
Mme Harel: Alors, on constate que la Commission des services
juridiques a dû périmer l'an dernier presque 500 000 $, 450 000 $.
Mais c'est rien en regard des compressions budgétaires qui lui sont
réclamées cette année. Pour 1991-1992, c'est 3 335 800 $.
C'est évidemment sévère comme compressions
budgétaires, dans un contexte où pourtant l'ensemble des
intervenants de la communauté juridique a peine à comprendre que
de plus en plus de démunis soient exclus de la ressource de l'aide
juridique, compte tenu qu'une simple participation à un programme de
supplément de revenu de travail comme celui que verse le
ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et
de la Formation professionnelle dans le cadre du programme APPORT, ou encore
une participation à un programme de réintégration à
l'emploi comme le programme PAIE, ou encore une indexation, dans le cas des
personnes âgées, de leur revenu de pension, tout simplement pour
l'ajuster à l'indice du coût de la vie, les rend inadmissibles
à l'aide juridique, compte tenu de la non-indexation des seuils
d'admissibilité depuis juillet 1985, il y a maintenant six ans.
Faut-il comprendre, M. le ministre, compte tenu des crédits que
vous nous présentez, que vous n'avez pas l'intention de corriger la
situation et d'y remédier durant l'exercice financier 1991-1992?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: Tout d'abord, je dois dire que malgré
tous ces réaménagements administratifs dont vous faites part, il
y a une augmentation de plus de 4 000 000 $ dans le budget. Ça, on va
avoir à faire des aménagements administratifs comme, par exemple,
il y a des bureaux d'aide juridique qui étaient temporaires qui seront
fermés. C'étaient des bureaux satellites, des bureaux
régionaux. Mais il y aura toujours 141 centres ou bureaux de l'aide
juridique qui seront en opération. Alors, on coupe dans certains aspects
accessoires. C'était vraiment temporaire, c'était pour faire face
à des situations souvent qui n'existent plus. Alors, il y a eu donc des
réaménagements administratifs qui ont été faits et
qui nous permettent de faire ces coupures sans toucher quand même
à l'essence de la qualité de service que nous offrons. Et
ça, c'est important de bien le comprendre.
Il y a aussi le principe du libre choix entre prendre un procureur du
privé et un procureur du gouvernement. C'est un principe qu'on veut
conserver, attendant de voir ce que le rapport
McDonald, dans sa phase finale, va nous donner, nous faire valoir. Mais
il y a aussi l'article 4 du règlement sur l'admissibilité
à l'aide juridique qui donne une discrétion importante, parce que
c'est un article qui permet, par exception, qu'une personne soit admise
à l'aide juridique bien qu'elle ne le soit pas en fonction des normes
juridiques. Ce que je veux donc dire, c'est qu'il n'y a pas actuellement - et
on me l'a assuré - de situation qui serait un déni de justice ou
une injustice grave de quelqu'un qui pourrait être privé d'un
droit parce qu'il ne rencontre pas des seuils, tels qu'ils sont
présentement en opération. Il y a une discrétion qui est
accordée par l'article 4 et cette discrétion est
utilisée.
Maintenant, M. le Président, si Mme la députée veut
aborder toute la question des seuils d'admissibilité à l'aide
juridique, je suis prêt à en discuter immédiatement. Je ne
sais pas si c'est ça qu'elle veut discuter. Oui, c'est ça qu'on
pourrait discuter?
Mme Harel: Oui.
M. Rémillard: Elle m'a cité, dans un article qui
est paru dans le journal Les Affaires, elle m'a cité ce matin.
Elle rapportait mes propos dans cet article lorsque je dis que ce n'est pas
"la" solution. Ce que je veux dire, c'est que majorer les seuils
d'admissibilité, ce n'est pas la solution magique pour régler le
problème de l'aide juridique. Et je m'explique. Actuellement - prenons
l'exemple d'une personne seule - le seuil d'admissibilité, c'est 170 $
de revenu; ce n'est pas beaucoup, ça. Mais si on l'indexait, mettons que
ça donnerait que je devrais probablement monter ce seuil à 245 $,
250 $. Mais même si j'en arrivais à cette conclusion de 250 $ pour
avoir accès à l'aide juridique, pour une personne seule, est-ce
que ça règle le problème de ceux qui gagnent 300 $,
même 400 $, même 550 $ et je dirais même 1000 $ par semaine?
Ça ne règle pas plus le problème. Ça ne
règle pas plus le problème, et même, ça peut empirer
ce problème, si vous me permettez l'expression, en ce sens que ça
peut créer une injustice encore plus flagrante.
Je reçois, comme ministre de la Justice, des centaines de lettres
de gens qui subissent des injustices évidentes avec le système
d'aide juridique tel qu'on l'a présentement. Je vous donne des exemples.
Je pourrais vous lire des lettres. J'aimerais ça vous lire des lettres.
Est-ce qu'on a apporté quelques lettres? Pas toutes ces lettres, je ne
veux pas prendre trop de temps, mais je vais vous donner des passages, si vous
voulez. Vous allez voir que ça illustre très bien ce que je veux
dire.
Mme Harel: Évidemment, j'espère que nous allons
pouvoir procéder un peu plus rapidement, compte tenu de tous ces
programmes que nous n'avons pu examiner.
M. Rémillard: Oui, mais juste une. Je vous demande la
permission de vous en lire juste une, pas toute la lettre. Je vais essayer de
voir. Je ne donnerai pas les noms. Est-ce que vous me permettez, M. le
Président? Me permettez-vous?
Le Président (M. Hamel): Certainement, M le ministre.
M. Rémillard: Voici. "M le ministre, permettez-moi de vous
communiquer mon indignation à l'endroit de la loi qui oblige le
salarié à faible revenu à payer les frais de son avocat
pour solutionner ses problèmes légaux. Mon cas en est un exemple
frappant. Mariée pendant 22 ans à un type violent, mère de
deux adolescentes, divorcée depuis un an, ayant fait un retour aux
études intensives après être demeurée 18 ans au
foyer, me voilà prête à affronter le monde du travail en
secrétariat. Cependant, sachant que pendant deux ans, et même
davantage, j'aurai à défrayer les services d'une avocate afin de
régler certaines questions financières en rapport avec la maison
attribuée en copropriété avec mon exmari, un
caractériel qui a usé de la patience des quatre avocats
jusqu'à maintenant, je n'ai vraiment pas le choix. Si je veux
éviter la violence sous mon toit et pour régler l'assurance,
maison, taxes, réparations, je dois communiquer avec mon ex-conjoint par
l'entremise d'une femme de loi. Alors, dès que je commencerai à
travailler à un salaire supérieur à 240 $/semaine, je
serai dans l'obligation de payer ces frais essentiels à notre survie.
Croyez-vous qu'il est juste de travailler pour régler ce coût,
alors que je n'ai même pas de quoi avoir une qualité de vie
acceptable? Maintenant âgée de près de 53 ans, des jeunes
de 18 et 13 ans présentement aux études, pensez-vous que cette
loi doit s'appliquer pour nous et à tous mes semblables? Je ne
reçois pas de pension alimentaire. Mon exmari ne travaille pas,
d'ailleurs, et il n'a pas travaillé pendant plus de huit ans durant nos
années de mariage. Comment feriez-vous, avec un maigre salaire, pour
assurer la nourriture, les vêtements, le coucher..."
Je pourrais continuer comme ça. Je pourrais vous en donner des
exemples comme ça, j'en ai des dizaines, des centaines. C'est ça,
le problème que j'ai. Je pourrais vous donner d'autres exemples, celui
d'un petit propriétaire qui a travaillé toute sa vie avec sa
femme et ils ont, à un moment donné, une maison avec deux logis.
Tout à coup, quelqu'un qui est sur l'aide juridique les poursuit; ils
peuvent tout perdre. Vous êtes députée, comme moi. Des cas
de comté comme ça, on en a eu, mais des dizaines; on en a tous
les jours. Alors, ce n'est pas en augmentant les seuils d'admissibilité
à l'aide juridique qu'on va régler le problème. Moi, je
suis ministre pas simplement pour les démunis ou les très riches.
Je suis ministre pour le citoyen moyen qui est la grande couche de la
population et qui
se retrouve pénalisé, dans des cas comme ça, d'une
façon incroyable, inacceptable.
Ce que j'ai demandé à la commission McDonald - on s'est
rencontré et j'ai vu le rapport préliminaire - j'ai dit:
Donnez-moi des solutions qui vont permettre d'avoir une justice accessible
autant pour le citoyen moyen que pour le citoyen pauvre; il faut voir à
ce qu'il ait ses droits, bien sûr, mais pas au détriment du
citoyen moyen. Ça n'a pas de bon sens.
Mme Harel: Oui. Pendant ce temps-là, M. le
Président, depuis trois ans que le ministre nous fait ses discours
éloquents, la situation ne va qu'en empirant. La situation se
détériore, M. le Président, parce que, voyez-vous, une
travailleuse ou un travailleur au salaire minimum, qui gagne 5,30 $ l'heure et
qui travaille ses 42 heures, fait exactement 220 $, M. le Président, et
n'a pas accès à l'aide juridique. Moi, je n'en peux plus
d'entendre le ministre. Je peux lui citer encore mieux parce que, l'an
passé, c'était encore plus tôt dans le début de nos
travaux, et il était encore plus éloquent, il avait encore un
brio, sa philosophie ressortait encore plus clairement.
M. le Président, quand est-ce que le ministre va comprendre qu'en
matière de justice le mieux est l'ennemi du bien et qu'à force de
vouloir régler tous les problèmes il finit par tous les empirer?
M. le Président, je regrette là, mais ce
problème-là va en empirant. La situation se
détériore, quand on pense que des personnes qui
bénéficient de programmes de réinsertion à l'emploi
ne sont plus admissibles à l'aide juridique. Je pense, entre autres, aux
personnes qui ont le programme PAIE; je pense aussi à celles qui,
âgées, n'ont plus accès du fait de l'indexation de leur
pension.
M. le Président, je suis un peu scandalisée des propos que
tient le ministre, parce que je suis en contact régulièrement, je
dirai deux fois par semaine, les lundi et vendredi, à mon bureau de
comté, et ce que je demande au ministre...
M. Rémillard: Demandez, madame.
Mme Harel: ...c'est: Pourquoi avoir exigé une compression
de 3 355 800 $ à la Commission des services juridiques? Cette
augmentation à laquelle vous faisiez référence
tantôt, vous savez que ce n'est que pour réviser le traitement de
la tarification des avocats qui ont des mandats d'aide juridique
essentiellement, et aussi pour indexer les rémunérations, point.
Il n'y a rien pour bonifier, ou relever le seuil d'admissibilité.
M. Rémillard: Écoutez, ne mêlons pas les
choses. Je comprends que vous vouliez vous scandaliser là, mais ne
mêlons pas les choses. D'une part, vous avez l'administration qu'on doit
faire en fonction d'une restriction budgétaire qui est là, qui
est là pour tout le monde, et on fait nos devoirs comme on doit les
faire comme administrateurs publics, et je vous ai dit de quelle façon
ça s'est fait, sans toucher le droit des contribuables, avoir une
qualité de services. D'autre part, vous avez les seuils
d'admissibilité.
Et ce que je vous ai dit, je vous ai dit deux choses. Vous me dites que
vous êtes scandalisée parce que ceux qui ont des revenus bas n'ont
pas d'aide juridique. Je vous dis que c'est faux parce que vous avez les
articles de discrétion qui existent. Et savez-vous qu'on me donne des
chiffres ici? On me dit qu'il y a 24 700 nouveaux dossiers de plus qui sont
ouverts parce qu'on a utilisé justement cette discrétion.
Bon.
Mme Harel: Savez-vous pourquoi, actuellement, on maintient le
volume des dossiers à l'aide juridique? Parce que l'aide juridique
couvre les réfugiés. N'eut été cela, II y aurait eu
diminution. Il y a des requérants au statut de réfugié
dans notre société, et ils sont très nombreux. À la
commission de la culture qui a étudié cette question, on les
évalue à 35 000, et un très grand nombre d'entre eux ont
fait appel aux services de l'aide juridique et, n'eut été cela,
il y aurait eu une diminution substantielle du volume des dossiers à
l'aide juridique.
M. Rémillard: Écoutez, qu'est-ce que vous
êtes en train de me dire? Mais qu'est-ce que vous êtes en train de
me dire? Vous me dites que des gens ne font plus de demande pour l'aide
juridique. On n'est quand même pas pour forcer le monde à faire
des demandes d'aide juridique. Voyons donc! Écoutez...
Mme Harel: Je dis, M. le ministre, que les gens ne sont plus
admissibles à l'aide juridique.
M. Rémillard: ...tout simplement, laissez-moi vous
répondre.
Le Président (M. Dauphin): Un instant, s'il vous
plaît, c'est parce que le monsieur...
M. Rémillard: Laissez-moi vous répondre. Ce que je
veux vous dire, c'est que les normes d'admissibilité sont là et
qu'il y a une norme de discrétion. Quand les gens se présentent,
leur cas est discuté et on l'a fait pour 24 700 nouveaux cas, justement,
on a utilisé la discrétion. Ce que je ne veux pas comme ministre,
moi, c'est emmener une solution de plâtrage tout simplement. Ce que je
veux, c'est apporter une solution au problème que nous avons, parce que
l'aide juridique, c'est un problème. Et ce problème-là, je
ne le réglerai pas en montant seulement les seuils juridiques. C'est
faux, ça. Ne venez pas me dire que je vais régler mon
problème en montant les seuils d'admissibilité à l'aide
juridique, c'est complètement faux. On reste avec un problème
énorme pour le citoyen moyen, parce que la réalité des
choses, c'est que le citoyen moyen,
hormis d'être très, très riche, n'a pas les moyens
de se payer un procès. C'est aussi clair que ça. (17 h 30)
Le système ne fonctionne plus pour permettre aux gens d'aller
devant la justice formelle. Alors, j'ai créé une commission avec
le rapport McDonald. Vous me dites que ça prend du temps. Ils m'ont
demandé un peu plus de temps. Je les ai rencontrés. Je vais avoir
un rapport d'à peu près 500 pages. Ça vous démontre
qu'ils ne font pas 500 pages juste sur l'admissibilité à la
justice. Il y a 500 pages pour faire en sorte qu'on puisse avoir une
véritable politique qui nous permette de rendre la justice accessible.
Et ça, ça veut dire autant des normes d'admissibilité que
ça veut dire aussi une approche nouvelle pour la justice en ce qui
regarde la médiation, la consultation, l'arbitrage, les petites
créances, l'assurance de frais préacquittés. D'autres
moyens qu'on peut arriver... Contribution en fonction aussi des salaires qu'on
peut recevoir pour avoir l'aide juridique. Mais ne venez pas me dire que je
vais régler le problème de l'aide juridique en montant simplement
les seuils d'admissibilité. C'est complètement faux, ce que vous
dites là. Complètement faux!
Le Président (M. Dauphin): Mme la
députée.
Mme Harel: Ce qu'on dit au ministre, c'est ceci: Qu'il cesse de
dire et qu'il commence à agir. Et qu'il commence quelque part. Alors, on
ne lui dit pas qu'il va tout solutionner, mais on lui dit qu'à force de
ne pas apporter des correctifs simples et pratiques, je lui
répète ce que je lui disais ce matin, il discrédite ses
grands principes. Il ne convainc personne avec les 24 000 nouveaux dossiers
à la Commission des services juridiques. Depuis un an, malheureusement,
M. le Président, il y a 40 000 nouveaux ménages prestataires de
l'aide sociale et il y a un vieillissement de la population qui fait qu'il y a
de plus en plus de personnes retraitées ou préretraitées
qui ont à peine des revenus leur permettant de faire face à leur
situation. Alors, M. le Président, le ministre peut tout à fait
envisager de moduler les services en fonction des revenus, mais qu'il agisse.
Qu'il fasse quelque chose. C'est ça qu'on lui dit.
M. Rémillard: C'est ce que je fais J'ai créé
ce groupe de travail qui est là et tout le monde est
représenté à ce niveau-là. Je vais avoir les
recommandations. On va étudier et on va agir.
Mme Harel: Oui, vous l'avez créé...
M. Rémillard: Mais je pense que vous comprenez comme
moi...
Mme Harel: ...le 1er juillet 1989, juste avant...
M. Rémillard: ...si vous me permettez de terminer...
Mme Harel: ...le début de la campagne
électorale.
Le Président (M. Dauphin): Un instant, s'il vous
plaît.
M. Rémillard: Permettez-moi de terminer ce que je vous
dis. Vous comprenez très bien Qu'est-ce que ça nous donnerait de
mettre un diachylon sur une plaie béante comme ça? Qu'est-ce que
ça donnerait? Ce n'est pas ça la solution. Si on veut apporter
une véritable solution, c'est tout le concept d'aide juridique qui est
à revoir. C'est aussi clair que ça. Et ça, on ne fera pas
ça à la sauvette comme ça. Pendant ce temps-là, je
m'assure... J'ai rencontré à plusieurs reprises le
président de la Commission. Je l'ai reçu à plusieurs
reprises. Je m'assure que les droits sont respectés, utilisant cette
discrétion qui est là. Ça, c'est mon devoir de ministre et
je le fais. Mais je ne viendrai pas apporter une solution temporaire. Je ne
viendrai pas apporter simplement une solution de cosmétique qui
viendrait simplement maquiller la réalité du problème
qu'on a devant nous. Et la réalité du problème, c'est la
travailleuse et le travailleur qui gagnent 20 000 $, 25 000 $ même 30 000
$ et qui sont poursuivis par quelqu'un qui peut avoir l'aide juridique et qui
perdent tout et qui se retrouvent dans la rue. C'est un problème
ça aussi, Mme la députée. Ça, c'est un
problème. Comme moi, comme ministre de la Justice, les centaines de
lettres que je reçois des gens qui sont traînés devant les
tribunaux. On les voit, nos cas de comté, nos gens qui viennent nous
voir. Vous voulez que je néglige ça, vous? Vous voulez que je ne
m'occupe pas de ça? Voyons donc! Voyons donc! Si c'a du bon sens,
ça! Ce n'est pas comme ça qu'on va régler le
problème.
Mme Harel: M. le Président...
Le Président (M. Dauphin): Mme la députée,
je voulais tout simplement vous signaler que deux qui parlent en même
temps, ça enregistre d'une drôle de façon. Simplement
ça.
M. Rémillard: Ça fait une chorale
Le Président (M. Dauphin): Chacun son tour. On va vous
reconnaître.
Mme Harel: Alors, M. le Président... M.
Rémillard: L'hymne à la joie. Mme Harel: ...c'est
évidemment... Une voix: Ça vaut pour les deux.
Mme Harel: M. le Président, ce qui est décevant,
c'est que, d'année en année, le ministre nous
répète exactement, mais mot pour mot, la même chose. Alors
là, il a cette compassion dont il fait état pour les plus
démunis de notre société et cette compassion lui permet de
reporter sa solution à plus tard.
M. le Président, l'an dernier, le ministre nous avait
annoncé pour les jours qui suivaient, là, le rapport McDonald.
Alors là, il nous l'a annoncé pour dans quelques semaines. L'an
dernier, le ministre avait pris l'engagement de tenir une commission
parlementaire dès la publication du rapport McDonald. Cet engagement, il
l'avait pris lors de l'étude des crédits, en signalant combien il
était important de faire un débat public sur cette question.
Est-ce qu'il entend maintenir cet engagement de tenir une commission
parlementaire sur l'accessibilité à la justice dès la
parution du rapport de la commission McDonald?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, tout d'abord, je
dois mentionner qu'on me dit que je crée des groupes de travail.
Savez-vous, on m'avait dit ça, il y a deux ans, quand je suis
arrivé comme ministre de la Justice il y a deux ans et demi, quand j'ai
eu le rapport, quand j'ai créé le groupe pour les cours
municipales. On a eu le rapport finalement des cours municipales, un rapport
volumineux et j'ai fait la Loi sur les cours municipales. Quand on a eu le
rapport de la commission parlementaire qui a été
créée pour la commission des droits et des libertés
fondamentales, finalement, je l'ai faite, la loi pour avoir un tribunal des
droits. Quand j'ai créé mon groupe de travail qui m'a
donné mes dernières recommandations pour mon Code civil, j'ai
fait le groupe de travail, j'ai pris mes décisions et j'ai
présenté la réforme du Code civil, 3144 articles, au mois
de décembre dernier.
M. le Président, quand je prends mes décisions, j'aime
avoir toutes mes données et je n'aime pas régler les
problèmes à moitié. Comme ministre, qu'on me
réfère aux décisions que j'ai prises, aux groupes de
travail que j'ai créés et aux suites que j'ai données. En
ce qui regarde tout le critère de l'accessibilité à la
justice, le rapport McDonald, quand il me sera donné, probablement dans
les prochaines semaines qu'on me dit, très bien, je vais
l'étudier. Une commission parlementaire est certainement une grande
possibilité, mais je crois que la députée sait très
bien que, depuis ce temps-là, on a décidé d'avoir un
sommet de la justice et que le sommet de la justice va être l'occasion
pour en discuter.
Si on arrive à la conclusion qu'en plus il faut avoir une
commission parlementaire, moi, je suis bien prêt à regarder
ça de très près, parce qu'il s'agit d'un problème
fondamental, très complexe et difficile. Qu'on ait une commission
parlementaire pour l'étudier, je n'élimine pas ça du tout,
même si, en plus, on a un sommet. Mais il ne faut quand même pas
doubler nos efforts, il va falloir s'entendre à un moment donné.
Ce que je veux, c'est des solutions concrètes, définitives, qui
vont régler ce problème et qui ne seront pas simplement un petit
"plaster" sur une plaie qui est comme ça.
Mme Harel: Écoutez, M. le ministre...
Le Président (M. Dauphin): Mme la
députée.
Mme Harel: M. le Président, M. le ministre avait
annoncé lui-même la tenue de la commission parlementaire l'an
dernier, sachant très bien qu'il allait y avoir un sommet sur la justice
qui devait avoir lieu l'automne passé, qui a été
reporté et qui devait avoir lieu cet hiver et qui, là, est
reporté à dans un an. Si, maintenant, après avoir mis sur
pied la commission McDonald, une semaine ou deux avant le déclenchement
de la campagne électorale pour essayer d'évacuer le débat
public sur l'accessibilité à la justice pendant la campagne
électorale, en argumentant qu'il avait mis sur pied un groupe de travail
sur la question... Là, s'il prétend encore reporter au sommet sur
la justice, dans un an, le débat essentiel et les correctifs, s'il est
si pressé d'apporter les correctifs et de remédier à la
situation, il n'attendra pas après le sommet, il va procéder
dès la réception, dans quelques semaines, du rapport de la
commission. Il va mettre en place les conditions pour la tenue d'un
débat public et la tenue, évidemment, de ces audiences qu'il
entendait tenir l'an dernier.
M. Rémillard: Je vous l'ai dit tout à l'heure, je
vous le répète, je n'élimine absolument pas la
possibilité d'une commission parlementaire, mais ce que je veux, c'est
qu'on puisse en arriver à des solutions très concrètes. Le
temps presse, je suis parfaitement d'accord, mais il ne faut quand même
pas en arriver à des solutions partielles. Il faut voir le
problème dans son ensemble. Mais, moi, je n'accepterai pas, M. le
Président, comme ministre de la Justice, qu'on vienne à un moment
donné favoriser un groupe de citoyens au détriment d'autres
groupes de citoyens. Il y a le citoyen moyen qui paie ses taxes et qui en a
par-dessus la tête, beaucoup, qui paie pour des services qu'il a et qui
veut avoir des services de qualité. Alors, c'est notre devoir, M. le
Président, de prendre en considération cette
réalité-là aussi quand on prend nos directives et quand on
fait nos politiques.
Il y a le citoyen qui est démuni et qui doit avoir toute notre
attention. Il y a le citoyen moyen aussi qui est là et il faut le
prendre en considération. Parler d'aide juridique, c'est parler de ces
deux réalités ensemble, pas que l'une l'emporte sur l'autre.
C'est ça, la justice, c'est l'équilibre.
Mme Harel: Pourquoi l'égalité...
Le Président (M. Dauphin): Mme la
députée.
Mme Harel: ...dans la malchance, M. le Président? Ce que
le ministre nous propose de façon simple, ça se résume en
ceci: II y en aurait qui seraient plus chanceux que d'autres, alors il faut que
tout le monde soit égal dans la malchance. Ne haussons pas les seuils
d'admissibilité et faisons qu'il y ait de moins en moins de gens qui
aient accès à ce service qui a été mis sur pied en
1972. Alors, M. le Président, malheureusement, je vais devoir terminer
cet examen de la Commission des services juridiques à cause du peu de
temps à notre disposition.
M. Chevrette: Je voudrais prendre juste une minute sur votre
discours, M. le ministre. Vous avez failli me faire pleurer si je ne vous
connaissais pas.
M. Rémillard: Je vous connais bien.
M. Chevrette: Le citoyen moyen, vous lui avez flanqué une
augmentation de 21 % d'hydroélectricité, vous lui avez
flanqué une TPS et une TVQ, vous lui avez flanqué une
augmentation des plaques d'immatriculation, vous lui avez flanqué une
surtaxe au permis de conduire, vous lui avez flanqué le double de taxes
scolaires, vous vous apprêtez à pelleter 500 000 000 $ en taxes
municipales. Vous allez nous faire brailler sur le citoyen moyen? Arrêtez
de le taxer, il va peut-être être capable de se payer des
avocats.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: Si vous aviez été ici depuis
le début, vous auriez peut-être compris nos discussions et vous
auriez compris que tout ce qu'on a discuté ce matin, c'est toute cette
crise des services publics. Et si vous aviez pris vos responsabilités
quand vous étiez au gouvernement pendant 10 ans, si vous aviez pris vos
responsabilités, vous auriez fait en sorte qu'on re se retrouve pas dans
cette situation-là, maintenant, de véritable crise des services
publics. Vous avez engorgé l'État de responsabilités et,
maintenant, le citoyen en a par-dessus la tête parce que vous n'avez pas
pris vos responsabilités. Maintenant, il faut régler vos
problèmes. Pendant 10 ans, vous avez laissé pourrir des
situations, c'est ça que vous avez fait. Pendant 10 ans, c'est ça
que vous avez fait. Dites-moi ce que vous avez fait, vous, pour les services
publics. Dites-moi ce que vous avez fart pour la contribution du citoyen
à la qualité des services, pour l'accessibilité, la
qualité, la sûreté des services. C'est ça que vous
avez fait. Alors, maintenant, on est devant cette situation-là. On vit
une situation économique difficile, elle pourra avoir l'avantage de nous
permettre de nous réajuster, mais qu'on ne vienne pas nous dire ce que
vient de nous dire le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Petites taxes!
M. Rémillard: Qu'on ne vienne pas...
M. Chevrette: Robert la taxe!
M. Rémillard: On a maintenant à payer pour des pots
qui ont été cassés pendant 10 ans où on aurait
dû faire ces choses-là.
Mme Harel: M. le Président, avant de terminer...
Le Président (M. Dauphin): Est-ce qu'il y a d'autres
interventions sur le programme 4?
Mme Harel: Terminé, le programme 4 qui s'intitule Aide aux
justiciables. Je voudrais savoir ce que le ministre entend faire en
matière de réforme des tribunaux administratifs puisqu'il y a bon
nombre de justiciables qui sont en situation d'attente dans des délais
qui s'étirent. Je pense à la Commission d'appel en matière
de lésions professionnelles, notamment, où les délais
d'attente sont de 20 à 25 mois, presque 2 ans. À l'égard
de la Commission des affaires sociales en matière des accidents du
travail, les délais sont de 15 à 20 mois; en matière
d'accidents d'automobile, de 15 mois et en matière de rentes, de 12
mois. Ce sont là des chiffres qui nous ont été
communiqués la semaine passée par les secrétariats de ces
Commissions. Évidemment, sans aborder toute cette question fondamentale
de l'indépendance, de la transparence, de l'encadrement des tribunaux
administratifs, avant que l'on termine ce programme, le ministre peut-il nous
indiquer ce qu'il entend faire, lui qui nous annonçait la réforme
pour l'an passé?
M. Rémillard: M. le Président, il y a
déjà près d'un an et demi que je travaille sur cette
réforme. On sait qu'il y a eu le rapport Ouellette et on s'est mis
à la tâche pour donner suite à ce rapport. On s'est
aperçu que des problèmes majeurs se posaient en ce qui regarde
les qualificatifs qu'on doit apporter de nos organismes administratifs;
c'est-à-dire que c'est assez facile d'identifier des tribunaux
administratifs, mais il ne faut pas demeurer simplement au niveau de ces
tribunaux qui peuvent se situer entre 5 et 10 tribunaux, c'est-à-dire
des organismes qui ont des juridictions bien déterminées, bien
spécifiques pour rendre la justice administrative dans les relations,
donc, de l'État avec les citoyens. Mais, en plus de ces tribunaux, il y
a tout le problème des organismes quasi judiciaires, c'est-à-dire
des organismes qui prennent des décisions en ce qui regarde les droits
des citoyens, qui affectent les droits des citoyens. Ça aussi, c'est un
très grand problème. Or, le
rapport Ouellette parlait des tribunaux. Moi, pour ma part, je
considère qu'une véritable réforme de tout le
système administratif doit se situer non seulement au niveau des
tribunaux, mais aussi au niveau du quasi judiciaire, du véritable quasi
judiciaire. On a abordé ce problème; on a eu plusieurs rencontres
et, avec le comité exécutif, avec des organismes quasi
judiciaires, on a rencontré des gens et il y a plusieurs questions qui
se posent. Ce n'est pas facile, ce n'est pas facile. Je dois vous avouer que je
rencontre des obstacles importants. Il va falloir mettre beaucoup
d'énergie. (17 h 45)
J'ai l'intention d'y mettre de l'énergie et j'ai l'intention d'en
arriver à un projet de loi. J'espère toujours qu'à
l'automne prochain, ou même cette année, on pourra faire un bout
de chemin, c'est-à-dire à cette session-ci faire un bout de
chemin et, l'automne prochain, arriver avec quelque chose de bien
précis, mais, là encore, je veux avoir une réforme qui va
être la plus complète possible et qui va apporter des solutions.
Alors, le projet est déjà en marche, il est en discussion
à bien des niveaux. On est en discussion avancée. Mais ce n'est
pas facile. J'avoue que j'ai des problèmes importants.
Le Président (M. Dauphin): Mme la
députée.
Mme Harel: Je ne demande pas mieux que de compatir si vous me les
dites. De quelle nature sont les problèmes que vous rencontrez? Vous
avez déjà présenté un mémoire au Conseil des
ministres. Est-ce que vous étiez satisfait du mémoire que vous
aviez présenté? Est-ce que vous avez cru nécessaire d'y
apporter des modifications? Tout le milieu est prêt à cette
réforme. Je pense, entre autres, à la conférence des
membres des tribunaux. J'ai eu l'occasion d'ailleurs, avec le président
de la Commission, de rencontrer leurs porte-parole qui nous ont fait savoir
leur impatience à l'introduction d'une telle réforme.
La revue Maîtres du mois de janvier de cette année,
d'ailleurs, consacrait un reportage extrêmement exhaustif sur toute cette
question. Pourtant, le rapport Ouellette a clairement indiqué quelles
orientations devaient être prises. Alors, quels sont... Moi, ce que je
crains, c'est qu'encore une fois le même phénomène, le
mieux étant l'ennemi du bien, le ministre, cherchant la réforme
la plus complète, passe à côté de celle qu'il doit
faire et, d'une certaine façon, fasse gagner du temps à son
gouvernement, mais en fasse perdre au système de la justice du
Québec. Alors, je veux comprendre qu'est-ce qui est différent par
rapport à l'an passé où il nous annonçait, mais
d'une façon très affirmée, qu'il entendait procéder
par voie de législation dans l'année.
M. Rémillard: Des difficultés que j'ai
rencontrées, par exemple, avec des consultations avec d'autres
ministères, d'autres collègues, d'autres ministères. Parce
que ça implique tous les organismes quasi judiciaires des autres
ministères. Il ne faut pas oublier ça. Vous me dites que le
rapport Ouellette était clair; le rapport Ouellette était un bon
rapport, bien fait, c'est évident, mais il retenait 12 organismes, 12
organismes seulement, et ça portait sur des tribunaux qu'on appelait des
tribunaux administratifs. Mais attention! Comme je le mentionnais tout à
l'heure, pour notre part, il ne s'agit pas simplement de se limiter aux
tribunaux administratifs que, moi, je situerais plus au niveau de cinq ou de
huit tribunaux, mais aussi des organismes quasi judiciaires. Je ne veux pas
laisser en plan des organismes quasi judiciaires. Et là, ça nous
a amenés à des commentaires qui nous sont venus autant du Barreau
que de la Chambre des notaires, de la Conférence des membres des
tribunaux administratifs qui ont dit: Bon, d'accord, vous avez raison. Il faut
voir les organismes quasi judiciaires. Mais là, la discussion a
recommencé et je dois vous avouer qu'elle n'est pas facile. Il va
falloir, à un moment donné, qu'on fasse le point
là-dessus, mais je n'ai pas encore terminé tout à fait la
discussion. Ça implique bien des ministères qui nous font valoir
leur point de vue, donc qui préparent leurs commentaires, qui nous les
font valoir, qui rencontrent les gens du ministère, et ça, c'est
un petit peu plus long. C'est un petit peu plus long et je dois vous dire que
c'est un des sujets les plus difficiles que j'aie eus depuis que je suis
ministre de la Justice depuis trois ans, un des plus difficiles. Je le
connaissais, ce sujet-là, parce que j'ai été professeur de
droit administratif. J'ai pratiqué comme avocat dans ce
secteur-là. Je connais les problèmes; j'essaie de les
régler, mais je peux vous dire que je rencontre des difficultés
importantes à bien des niveaux.
Mme Harel: Mais, M. le ministre, si on se parlait clairement,
est-ce que, finalement, la principale revendication des personnes qui oeuvrent
dans ces tribunaux administratifs ou quasi judiciaires, est-ce que ce n'est pas
principalement d'obtenir des garanties accrues d'indépendance et
d'impartialité? Et est-ce que, parmi ces difficultés que vous
rencontrez, il n'y a pas cette longue pratique de considérer ces
tribunaux comme des lieux où on peut nommer des amis? Et est-ce que les
résistances auxquelles vous vous confrontez ne sont pas accrues du fait
qu'il faille cesser de telles pratiques pour introduire un régime de
sélection, de rémunération? On me fait valoir que, dans le
même tribunal administratif, il peut y avoir des différences de
salaire qui sont de l'ordre de 30 000 $ puisque la rémunération
est ad per-sonam. Est-ce que, finalement, ce n'est pas la
crédibilité même de ces tribunaux administratifs qui est en
cause du fait qu'on n'ait pas réussi à
moderniser au sens d'objectiver, d'institutionnaliser hors les
conjonctures partisanes leur composition?
M. Rémillard: Oui. Mais, voyez-vous, c'est un aspect que
vous soulignez là. C'est un aspect et quand vous dites "nommer ses
amis", il faut se comprendre. D'abord, pour notre part, ceux qu'on nomme, c'est
des gens qui sont compétents. On a nommé, encore
dernièrement, renouvelé un mandat de l'ancien attaché de
presse de M. René Lévesque. On a nommé des gens qui ont eu
des affinités politiques qui ne sont pas nécessairement les
nôtres. Ce n'est pas pris en considération, d'aucune façon.
Absolument pas. C'est tout simplement en fonction des compétences et de
la façon dont ils s'acquittent de leurs responsabilités. Et
ça, vous pouvez le vérifier à bien d'autres niveaux. Je
viens de donner un exemple. Je peux vous en donner d'autres. Tout
dernièrement, ça vient de se faire. Cette dame est
compétente, elle fait un bon travail et elle est renommée. C'est
tout. Simplement.
Mais, vous savez, oui, il faut qu'il y ait l'impartialité,
l'indépendance. Mais on n'est quand même pas pour donner la
permanence d'emploi à toutes les personnes qui occupent des fonctions
quasi judiciaires. Ça n'a pas d'allure. Pour les tribunaux
administratifs, comme je l'ai dit tantôt, en fonction du rapport
Ouellette, ceux qu'on peut identifier, huit tribunaux, ça va très
bien. On peut y penser, on peut élaborer ça. Mais quand vous
arrivez dans du quasi judiciaire, toute personne qui décide en fonction
des droits des personnes en ce qui regarde les définitions
apportées par la Cour suprême, on n'est quand même pas pour
donner la permanence à tous ces gens-là parce que là, vous
en avez, mon Dieu! je ne sais pas trop combien. Alors, il faut se comprendre.
Mais c'est simplement un aspect du problème.
L'autre aspect du problème qui me préoccupe aussi
beaucoup, c'est toujours en fonction de l'accessibilité à la
justice. Souvent, ces organismes quasi judiciaires, ces tribunaux
administratifs sont dans des domaines de services publics. Par
définition, ils existent pour administrer la justice en ce qui regarde
la relation entre l'État et les citoyens. Donc, souvent, c'est en
matière de services publics. Et là, le citoyen arrive, lui,
devant ces organismes-là qui sont rendus comme des véritables
tribunaux, avec tout le formalisme que ça implique, des avocats. Il faut
prendre un avocat pour se retrouver devant ces tribunaux-là. Ça
coûte tellement cher que personne ne peut s'y retrouver. Or, finalement,
on a perdu la vocation première qu'on voulait de ces
tribunaux-là. On voulait quelque chose d'informel, d'accessible pour les
gens, pour qu'ils puissent aller revendiquer leurs droits face à
l'État.
L'État est un appareil qui est souvent complexe, difficile, puis
on peut lui reprocher bien des choses. Qu'on laisse la possibilité au
citoyen d'avoir accès à ces tribunaux administratifs avec un
maximum de possibilités de le faire, avec un minimum de frais. Qu'on lui
donne les moyens de le faire et ça, je voudrais le garantir dans la loi
que je voudrais faire aussi. Je dois garantir ça. C'est un autre aspect
important, ça. Moi, je me souviens, quand j'étais avocat à
la Régie des services publics, pour la Régie des services
publics, on avait des citoyens qui voulaient se plaindre dans le temps qu'on
avait juridiction sur le câble. Ils voulaient se plaindre de leur
téléphonie ou des compagnies de téléphone. Puis ils
arrivaient devant la Régie. Aie! ce n'était pas facile parce que.
là, vous aviez toutes les grandes compagnies avec leurs avocats, leurs
comptables, leurs actuaires, tout ce que vous voulez. Il faut qu'on donne la
possibilité aux citoyens d'avoir des droits et qu'on soit capable de
prendre ça en considération. Donc, s'il vous plaît, ne
considérons pas la réforme des tribunaux administratifs seulement
en fonction des personnes qui veulent avoir des permanences. Oui, on doit voir
à ce que ces gens soient indépendants du pouvoir exécutif.
Oui, je suis d'accord, mais il n'y a pas juste ce problème-là. Il
n'y a pas juste ce problème-là, il y a le citoyen aussi qu'on
doit prendre en considération.
Le Président (M. Dauphin): Mme la
députée.
Mme Harel: Je constate, M. le Président, que le ministre a
annoncé qu'il pourrait y avoir une législation ce printemps ou au
plus tard à l'automne. C'est bien le cas?
M. Rémillard: Je dis qu'on travaille. C'est toujours mon
objectif et je vous dis que j'ai des problèmes, que j'y fais face, qu'on
essaie de les aborder, comme dans bien d'autres circonstances. Ceux-là
ne sont pas faciles, ils impliquent beaucoup de ministères, beaucoup
d'organismes, mais je pense qu'on est sur une bonne piste, on est sur une bonne
voie.
Mme Harel: Sur division, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Le programme 4, adopté
sur division. J'appelle le programme 5.
Mme Harel: Juste avant, M. le Président, le service de
recherche de ma formation politique a tenté d'obtenir copie du
règlement sur les procédures de nomination des juges des cours
municipales. Ils ont même contacté le greffe du Conseil
exécutif. Et au greffe du Conseil exécutif, on dit ne pas
retrouver ce règlement. Alors, est-ce qu'on peut nous en faire le
dépôt?
M. Rémillard: On le dépose. Il vient de me
parvenir. C'est surtout l'article 8, ici, que je souligne, l'article 8 qu'on
peut déposer.
Le Président (M. Dauphin): J'accepte le
dépôt.
Mme Harel: Et le règlement a été
publié dans la Gazette officielle?
M. Rémillard: Le 5 juillet 1989. Administration
Mme Harel: Merci. Un mot seulement, compte tenu du peu de temps
qu'il nous reste, quant au programme 5 pour constater qu'il s'agit du programme
intitulé Administration et que c'est le seul programme qui
bénéficie d'une si forte augmentation des crédits. Le
budget varie de 107 464 000 $ en 1990-1991 à 113 659 000 $, une
augmentation, selon les cahiers explicatifs qui nous ont été
remis, de l'ordre de 24,7 %. Excusez-moi, non, je fais erreur. C'est une
augmentation de 5,8 %. Mais ça reste, si on compare ce programme 5,
Administration, à tous les autres programmes, que ce soit Aide aux
justiciables ou Protection des droits et libertés de la personne ou
Soutien administratif à l'activité judiciaire ou le programme qui
s'intitule Formulation de jugements, ça reste le programme où la
variation de crédits est la plus élevée. Alors, il faut
comprendre que l'administration ne s'est pas servi de la médecine
qu'elle a servie au programme que nous venons de voir. C'est la seule remarque
que je voulais faire.
M. Rémillard: Tout simplement, là-dessus, je pense
que ça se comprend très bien, M. le Président. C'est que
là-dedans vous avez tous les loyers, par exemple, les baux où il
est prévu des augmentations dans les baux qu'on a signés des fois
sur une période de 10 ans, de 15 ans, de 12 ans. Alors, les baux, c'est
une augmentation. Qu'est-ce que vous voulez, c'est prévu dans les baux.
En très grande partie, on est des locataires, il faut payer nos loyers.
Ce qui veut dire qu'on se retrouve avec des dépenses et on ne peut pas
faire de compression tellement là-dedans. D'ailleurs, au niveau du
ministère de la Justice, on a une grande partie comme ça
où on ne peut pas faire de compression, parce que ce sont des
coûts fixes à cause de ces éléments strictement
administratifs auxquels on doit faire face.
Mme Harel: Surdivision.
Le Président (M. Dauphin): Alors, le programme 5 est
adopté sur division. J'appelle le suivant, le programme 6.
Indemnisation des victimes d'actes criminels
Mme Harel: II s'agit d'Indemnisation des victimes d'actes
criminels. J'aimerais que le ministre nous indique comment il entend utiliser
le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels pour compenser les compressions
budgétaires qu'il entend exiger de cette indemnisation. Il s'agit donc
d'une compression de 2 000 000 $ pour indemniser les victimes d'actes
criminels. On me dit que cette compression, cette coupure de 2 000 000 $ serait
compensée par l'indemnisation qui viendrait du Fonds. Il y aurait un
surplus accumulé du Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels.
M. Rémillard: Oui. Alors, M. le Président, il faut
bien comprendre que la loi demeure ce qu'elle est, c'est-à-dire que les
victimes ont toujours droit à ce qui est prévu dans la loi
présentement, et on ne change pas ça, ça existe. J'ai
demandé des avis juridiques pour l'utilisation du Fonds. Mais j'ai dit
aussi que j'avais désigné au sein du ministère de la
Justice des fonctionnaires qui vont me faire un rapport pour voir comment on
pourrait ajuster cette loi-là peut-être à notre
réalité. Moi, à la suite des événements
tragiques de la Polytechnique, j'ai fait le point là-dessus, sur
l'application de cette loi, et je me suis dit: Peut-être qu'il va falloir
revoir cette loi-là. Alors, j'ai demandé à un groupe de
fonctionnaires qu'on fasse le point là-dessus. C'est Mme Couture, de la
CSST, Mme Christine Viens et M. Richard Gauvin qui sont là-dessus et qui
vont me faire un rapport. Mais ce que je veux dire, c'est que la loi, elle,
existe toujours comme ça. Et les victimes ont toujours le droit qu'elles
ont selon la loi.
Mme Harel: En fait, ce que je veux savoir... Vous savez qu'il
s'agit de la plus importante compression de votre ministère; c'est 10,9
% du programme, en regard de l'an passé, qui est coupé cette
année. Et ce qui est évident, c'est qu'à moins de modifier
la loi à la baisse ou de modifier la nature du Fonds, parce que ce Fonds
d'aide aux victimes a été constitué, à ma
connaissance, pour assurer le financement des activités du bureau et
aussi de l'aide aux victimes et l'aide financière aux organismes
communautaires... Je ne pense pas que le Fonds, dans sa constitution, ait
été mis en place pour financer l'indemnité comme telle aux
victimes. Alors, il y a un certain nombre d'organismes communautaires qui ont
pu bénéficier du soutien financier du Fonds, dont SOS Violence
conjugale, l'association québécoise Plaidoyer-Victimes et les
Centres d'aide aux victimes d'actes criminels, dont le huitième que vous
avez ouvert à Laval. Mais là, il s'agit d'un financement
d'activités communautaires. Et l'on sait à quel point il y a une
demande accrue, notamment en matière de ressources de thérapie
pour les hommes violents. Il va falloir comprendre, à un moment
donné, que ce qu'on investit dans l'hébergement des femmes et des
enfants violentés, en contrepartie, il va falloir à un moment
donné consacrer
également des ressources pour offrir des thérapies aux
hommes violents; sinon, c'est un perpétuel recommencement. Alors, ce
Fonds avait été, à ma connaissance, constitué pour
soutenir l'activité communautaire.
On nous signale, en tout cas dans les cahiers explicatifs, que le
ministère entendrait utiliser le surplus accumulé du Fonds d'aide
aux victimes d'actes criminels en date du 31 mars 1991 pour financer
l'indemnité des victimes. Ça, c'est dans le cahier explicatif des
crédits, programme 6, élément 1, page 4. On nous signale
qu'il s'agit donc d'un tranfert de 1 900 000 $ ou 18,8 % du programme
d'indemnisation. Et on dit: "Ajustement découlant de l'utilisation du
surplus accumulé du Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels en date
du 31 mars 1991." Est-ce qu'il faut comprendre qu'il y avait un surplus de 1
900 000 $? Est-ce qu'il va falloir une législation pour modifier
évidemment le Fonds d'aide? Et j'informe immédiatement le
ministre qu'il ne semble pas que le Fonds ait été conçu
pour remplacer ou pour venir compenser les coupures du ministre et de son
gouvernement en matière d'indemnisation des victimes d'actes
criminels.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, tout d'abord,
j'insiste sur un point que je veux clarifier, c'est une fiction comptable, il
n'y a pas de coupures à l'IVAC comme telles. Il n'est pas question pour
nous de restreindre les critères d'admissibilité, puis la Loi sur
l'indemnisation des victimes d'actes criminels demeure inchangée. Alors,
toute personne qui est victime peut s'en prévaloir, et ça,
ça ne cause pas de difficultés. En plus, je dois dire que les
prestations sont indexées annuellement au coût de la vie et vont
continuer d'être versées selon les besoins réels des
victimes. Ça, ça ne change absolument pas.
Ce qui s'est passé, c'est que le Fonds, donc ce qui n'a pas
été utilisé des autres années, parce que ça
n'a pas été réclamé... Ça peut l'être,
remarquez, demain ou après-demain, je ne le sais pas, on verra, mais
ça ne l'est pas. J'ai demandé une opinion juridique
là-dessus pour justement vérifier, juridiquement, quelle
était la situation, quelle était la latitude que nous pouvions
avoir. Alors, je vais attendre ces avis juridiques que j'ai demandés
à mon ministère pour voir comment on peut composer avec
ça.
Mais j'ai ouvert encore un CAVAC dernièrement à Laval, on
va en ouvrir d'autres encore dans un avenir prochain, on va en ouvrir, dans la
région des Laurentides et de l'Estrie, deux autres. Alors, on poursuit
quand même la mise en place de nos CAVAC, et je dois dire que ça
va très bien, que les personnes qui s'occupent de ces CAVAC et qui se
réfèrent, on se réfère souvent au
bénévolat, des gens bénévoles, ils font un travail
remarquable. De plus en plus ces CAVAC sont reconnus maintenant, et le travail
qui se fait est de plus en plus efficace.
Alors, dans ce contexte-là, il ne faut quand même pas
exagérer la situation parce qu'il s'agit d'une fiction comptable.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Mme la
députée.
Mme Harel: Est-ce que le ministre compte modifier le Fonds pour
lui permettre de faire cette ponction comptable de 2 000 000 $?
M. Rémillard: Je ne veux pas modifier le Fonds et, comme
je vous dis, j'ai demandé des avis juridiques pour pouvoir agir en toute
connaissance de cause.
Mme Harel: Les avez-vous reçus? M. Rémillard:
Pas encore.
Le Président (M. Dauphin): Ça va? Est-ce que le
programme 6 est adopté?
Mme Harel: Sur division.
Le Président (M. Dauphin): Sur division Alors, c'est tout
le temps qui nous était alloué. Est-ce que les programmes, le
programme 8, dis-je, est adopté?
Mme Harel: M. le Président, évidemment, vous allez
me permettre simplement un mot pour signaler que nous avons encore
manqué de temps cette année et que je vais devoir demander
à mon leader d'ajouter une autre heure à celle qu'il m'avait
ajoutée cette année à celle qui nous était
attribuée l'an dernier. Je veux quand même remercier les personnes
qui sont venues et l'ensemble des collaborateurs du ministre également,
et le ministre, pour cet examen que nous n'avons malheureusement pu
compléter.
Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme la
députée. M. le ministre, pour le mot de la fin.
M. Rémillard: Oui. M. le Président, je voudrais moi
aussi vous remercier, M. le Président, le secrétariat de la
commission, remercier les membres députés de cette commission qui
ont été présents et m'ont posé des questions, et
remercier, bien sûr, Me Chamberiand et toute l'équipe du
ministère de la Justice et des organismes qui sont ici présents,
et Mme Lévesque, de mon cabinet, et tous les membres de mon cabinet qui
ont fait un travail aussi remarquable et pas souvent facile. Alors, je vous
remercie et j'espère que toutes ces discussions auront apporté
plus d'éclaircissements et nous permettront de faire avancer la cause de
la justice.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M le ministre. Alors, au
nom de tous les membres de
la commission, nous tenons à vous remercier ainsi que tous vos
collaborateurs et collaboratrices pour cet exercice d'étude des
crédits de cet après-midi.
Est-ce que les programmes 8, 9 et 10 sont adoptés?
Mme Harel: Sur division.
Le Président (M. Dauphin): Adopté sur division. Je
vous signale que l'ensemble des crédits sera adopté lors de
l'étude du programme 11, Protection du consommateur, le 25 avril
prochain.
Alors, j'ajourne donc les travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 10)