Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Commission permanente de la Famille et Bien-Etre
social
Bill 26 - Loi de l'aide sociale
Séance du 11 septembre 1969
(Dix heures seize minutes)
M. PLAMONDON (président de la commission permanente de la Famille
et du Blen-Etre social): A l'ordre, messieurs! J'ai le plaisir de vous
souhaiter la bienvenue à cette première réunion de la
commission de la Famille et du Bien-Etre social, qui se réunit dans un
but bien particulier, à savoir, prendre en considération le bill
26: Loi de l'aide sociale.
Nous allons, aujourd'hui, faire un premier tour d'horizon. Le ministre
et les membres de la commission vont sans doute aimer discuter la portée
du bill, les considérations générales. Avant de
procéder de façon plus détaillée, je pense qu'il
sera souhaitable d'entendre les organismes intéressés qui ont
manifesté le désir de se présenter devant la
commission.
Plusieurs de ces organismes seront ici à la prochaine
réunion et, par la suite, nous aviserons. Alors, je vous
réitère mes souhaits de bienvenue, je vous engage à
participer à la discussion selon l'ordre qui est établi et la
coutume dans ce genre de réunion, et j'inviterai le ministre de la
Santé à nous dire quelques mots, relativement au projet de loi
numéro 26.
M. Jean-Paul Cloutier
M. CLOUTIER: M. le Président, j'ai compris que votre Invitation
s'adressait, également, au ministre de la Famille et du Bien-Etre
social.
M. LE PRESIDENT: Surtout.
M. CLOUTIER: M. le Président, d'abord au début de cette
première réunion de la commission parlementaire du
ministère de la Famille et du Bien-Etre social, première
réunion qui coïncide, on l'aura noté, avec la
première réunion d'étude du bill 26, je voudrais souhaiter
la bienvenue à tous les membres de la commission des deux
côtés de cette table et vous assurer, en leur nom, de notre plus
entière collaboration.
Des groupes ont manifesté le désir de se faire entendre
devant la commission parlementaire. C'est d'ailleurs une des raisons qui ont
porté l'Assemblée nationale à renvoyer ce projet de loi
extrêmement important à cette com- mission dès après
la première lecture afin d'entendre toutes les opinions et que
l'Assemblée nationale puisse apporter le meilleur projet de loi
possible.
Je ne sais pas si c'est un précédent, mais de toute
façon, j'avais dit à l'Assemblée nationale qu'il serait
préférable que ce projet de loi No 26, soit étudié
en relation très étroite avec le projet de règlement.
Evidemment, on ne peut pas concevoir qu'une loi comme la Loi de l'aide
sociale qui, dans son application, reposera dans une proportion assez
considérable sur des règlements, soit étudiée sans
que les membres de cette commission parlementaire et de l'Assemblée
nationale sachent en gros ce que seront les règlements qui l'appuieront.
C'est dans cette optique que je les al fait distribuer à tous les
membres de l'Assemblée nationale et aussi au public. Effectivement, les
journalistes aussi en ont reçu une copie et ils en ont publié de
larges extraits.
Je crois donc que le public sera en mesure de suivre de très
près les travaux de l'Assemblée nationale concernant ce projet de
loi particulier, que nous aurons, de la part de ceux qui viendront devant cette
commission, des suggestions très positives, et que le tout sera
discuté dans un dialogue extrêmement constructif.
Il s'agit, M. le Président et les membres de la commission
le savent depuis longtemps puisqu'ils sont députés dans des
comtés d'un projet de loi et de règlements qui traitent de
problèmes humains. Evidemment, dans ce secteur des problèmes
humains, où nous touchons de très près la pauvreté,
où nous touchons la maladie, où nous touchons des
difficultés et des problèmes de toute nature, il nous faut
certainement avoir l'approche la plus humaine possible.
Il y a aussi, dans ce projet de loi et dans ces règlements, une
partie technique importante. C'est pour cela que j'ai demandé
comme nous le faisons lors de l'étude des prévisions
budgétaires du ministère à un groupe important de
nos collaborateurs du ministère de la Famille et du Bien-Etre social de
venir ici àla commission afin de collaborer à ce travail
d'étude de la législation et afin aussi d'apporter des
éclaircissements, des réponses aux questions pertinentes que tous
les membres de l'Assemblée nationale ou ceux qui viendront devant la
commission jugeront à propos de poser.
Evidemment, ce projet de loi a fait, au ministère de la Famille
et du Bien-Etre social, l'objet d'études depuis de longs mois. Il a fait
l'objet de consultations nombreuses. Tous nos meilleurs effectifs, au
ministère et à l'extérieur du ministère, ceux qui
sont dans le champ du bien-être, de l'application des lois sociales,
ont
collaboré et ont travaillé à apporter au
ministère des suggestions de façon que nous ayons la meilleure
législation possible.
Je voudrais, avant que nous entrions dans des considérations plus
détaillées, faire quelques considérations d'ordre
général, bien que je désire réserver pour la
Chambre, lors de l'étude en deuxième lecture, un discours plus
complet. J'essaierai, dans ce discours, de faire un tour d'horizon assez
complet de la législation sociale et de la Loi de l'aide sociale et de
les insérer dans leur contexte actuel.
Ce matin, je voudrais cependant faire ressortir quelques remarques de
portée générale afin de non pas orienter les travaux de
cette commission, mais peut-être d'en souligner certains aspects qui me
paraissent plus importants.
M. le Président, il y a un aspect, dans ce projet de loi et dans
la réglementation qui le soutient, que je voudrais faire ressortir.
C'est que ce projet de loi est associé de très près
à des mesures de prévention et de réhabilitation sociales,
de façon à permettre aux individus qui sont en difficultés
de réintégrer une vie normale, une vie en société
qui a besoin de tous les citoyens productifs pour se réaliser,
croître et se développer harmonieusement.
A cet égard, mentionnons qu'en 1969, plus que jamais, chaque
assisté social apte au travail, a le devoir de faire tout en son pouvoir
pour redevenir productif, à la lumière des expériences
pilotes en matière de réhabilitation, de prévention. A ce
sujet, vous avez tous pris connaissance, plus ou moins récemment, d'un
volume publié par le ministère, volume intitulé «
Retour à la vie normale », dans lequel nous racontons les
premières expériences pilotes qui ont été
vécues. Ces expériences furent très fructueuses et elles
nous ont permis d'amorcer de façon assez encourageante d'autres
expériences qui ont cours actuellement et qui permettront à
plusieurs assistés sociaux de retrouver une vie normale et un emploi sur
le marché du travail.
Fort de ces expériences pilotes, le ministère est
d'ailleurs fermement déterminé à aider les assistés
sociaux dans la voie du retour au travail et à la vie normale.
J'ajouterai qu'une prise de conscience nouvelle du phénomène de
la pauvreté nous est demandée.
En déposant ce projet de loi de la Loi de l'aide sociale, le
gouvernement fait plus que reconnaître la nécessité d'une
rénovation des diverses pièces de législation
d'assistance-sociale actuellement en vigueur au Québec.
En effet, le gouvernement consacre, dans le titre même de ce
projet de loi, la disparition d'une ancienne notion d'assistance dont
l'expé- rience a révélé qu'elle était
entachée, dans son contenu, de données péjoratives. Mon
espoir est que les citoyens du Québec verront bientôt dans l'aide
sociale une institution digne et plus humaine. A cet égard, il faut dire
que ce projet constitue une sorte d'aboutissement positif en matière de
législation d'aide sociale, indispensable complément aux
dispositions gouvernementales de sécurité sociale.
Le caractère résiduaire de ce projet de loi est
explicitement reconnu aujourd'hui par tous pour marquer avec réalisme
qu'il ne s'agit pas ici d'un projet de loi qui, à lui seul,
prétend résoudre tous les problèmes sociaux relatifs au
phénomène de la pauvreté. En effet, l'aide sociale
n'interviendra qu'à défaut d'autres ressources existantes ou
ressources à créer, tant au sein du ministère de la
Famille et du Bien-Etre social qu'au niveau des mesures économiques ou
sociales de la compétence plus spécifique des autres
ministères. L'aide sociale dont II est ici question est destinée
aux familles et aux personnes seules qui sont privées de leurs moyens de
subsistance.
Ce projet de loi réflète une conception moderne et
renouvelée de l'assistance. Il permettra de donner droit à une
aide sociale qui réponde plus adéquatement à la
variété des besoins sociaux de 1969 vis-à-vis desquels le
gouvernement se doit d'intervenir sous forme d'aide en services, en
espèces, sous forme de prêts ou de garanties de remboursement d'un
emprunt, quelle que soit la cause des besoins.
Il me suffit de rappeler brièvement qu'au cours des
dernières années la conception même de l'aide sociale s'est
constamment transformée. Les questions qu'elle pose intéressent
désormais l'ensemble de la population qui ne devrait cependant pas
chercher dans l'aide sociale une solution miracle à tous les maux.
Ce projet de loi d'aide sociale, qui est unifié, simplifié
et articulé, s'avérait nécessaire pour le bien-être
des familles et des personnes seules dans le besoin. Il répond à
l'attente des assistés sociaux eux-mêmes, comme à celle de
tous ceux qui sont voués à leur venir en aide. C'est dans cette
optique d'ailleurs que nous avons déjà obtenu dans
l'élaboration du projet, comma je l'ai dit tout à l'heure, des
avis confidentiels et des expertises de la part de certains groupes, notamment
les travailleurs sociaux et professionnels et les autres chefs de file
expérimentés dans ce domaine, aussi bien que de nos effectifs qui
sont dans le champ des agences sociales et du ministère de la Famille et
Bien-Eire social.
Le processus d'examen en commission parlementaire du projet de loi
ce que nous com-
mençons ce matin devrait permettre l'expression d'autres
opinions éclairées en la matière. Les diverses lois
sociales plus ou moins éparses ont déjà fait l'objet de
déclarations publiques quant à leur caractère touffu et
trop complexe, caractère de nature à rebuter et à
décourager le public touché par celles-ci. C'est peut-être
pourquoi, dans un passé encore récent, certains
bénéficiaires ont renoncé à comprendre quoi que ce
soit qui dépasse le plan du versement d'une quelconque prestation qu'ils
attendent et dont ils ont un réel besoin. L'obligation pour l'agent
gouvernemental de mieux faire connaître les dispositions d'aide sociale
aux intéressés suppose des attitudes respectivement responsables
à la fois pour l'individu qui requiert une aide quelconque que pour
celui qui, en conformité avec la loi, a le devoir de la lui faire
obtenir.
C'est dans cet esprit que le ministère répandra une
information dynamique et utile en la matière, alors qu'il avait, en
raison du caractère complexe des anciennes lois, des difficultés
à en diffuser les avantages et les obligations pour ceux qui s'en
prévalaient.
On peut dire que ce projet de loi vise à réorganiser, dans
un tout cohérent et renouvelé, les anciennes dispositions
législatives jugées fragmentaires et éparses. C'est sans
nul doute avec la plus vive satisfaction que tous ceux qui s'intéressent
à la question de l'aide sociale verront dans ce projet un texte aussi
simple que possible et aussi compréhensible par ceux-là
mêmes qui déploraient qu'il y ait une source de conflits entre les
anciennes mesures sociales et ceux qui s'en prévalaient.
Il a été représenté au gouvernement,
à diverses occasions, que les bénéficiaires étaient
astreients à des formalités qui ont déjà
été qualifiées de tatillonnes et formalistes et qui
entraînaient, pour les usagers, un excès de complications
administratives dont ils ne comprenaient ni la nécessité ni le
sens.
C'est en première étape à cette sorte
d'inconvénients que nous avons voulu commencer de remédier en
instituant un programme intérimaire d'aide sociale qui, tout en
préconisant la mise en vigueur des nouvelles normes, a contribué
à définir les ordres de responsabilités et les charges de
travail aux différents échelons de l'administration.
En seconde étape, c'est aujourd'hui le projet de loi que nous
étudions. Le nouveau projet affirme implicitement les droits
fondamentaux suivants;
Premièrement, le droit à l'aide sociale pour toute
personne privée de ses moyens de subsistance.
Deuxièmement, le droit à l'aide sociale, quelle que soit
la cause du besoin.
Troisièmement, le droit à la personne ou à la
famille qui présente une demande, de recevoir du fonctionnaire
désigné l'information requise pour l'obtention de l'aide
sociale.
Quatrièmement, le droit à la révision et à
l'appel pour tout requérant ou bénéficiaire qui pourrait
se croire injustement traité.
Cinquièmement, le droit d'égalité de tous devant la
loi.
Sixièmement, le droit au respect de la confidentialité des
renseignements obtenus aux termes de la loi.
Concuremment à cette reconnaissance des droits sociaux des
familles et des personnes seules qui sont en difficulté, l'Etat se doit
d'assumer l'obligation de contribuer à enrayer le
phénomène de l'assistance par le truchement de mesures de
prévention et de réhabilitation dans ce projet, comme avec le
concours d'autres organismes ou programmes gouvernementaux. Cette
énumération des droits fondamentaux contenus dans le projet de
loi qui est soumis à l'Assemblée nationale se présente
comme un tout intégré, unifié, simplifié et
rajeuni. Tous les principes sociaux consignés implicitement dans ce
projet de loi renvoient à la nécessité de rapprocher
l'aide sociale des familles et des personnes qui y ont droit, qu'elle soit en
services, en espèce ou sous forme de prêts. L'aide sociale repose
donc sur une politique sociale consciente de ce qu'elle est d'abord au service
de la famille et de la personne seule qui y a droit.
Pour donner un sens véritablement concret à cette
orientation de services, tout en assurant l'efficacité administrative de
l'aide sociale, il convient d'en élaborer et d'en expliciter, par voie
de règlements, les modalités d'application. C'est donc au niveau
des règlements relatifs à l'aide sociale que sont définies
et préciséees les données d'application de ces mêmes
principes. Les tâches sociales et la mise en application de ces principes
renvoient à la définition d'un mécanisme administratif
efficace, humain et adapté.
Désormais, toute famille ou personne seule qui aura droit
à l'aide sociale ne sera plus aux prises avec les tracas qu'occasionnent
une législation et une réglementation compliquées. La
simplification opérée dans le texte même du projet de
l'aide sociale serait nulle si elle n'avait comme corollaire un assouplissement
du projet de règlements afférants au bill 26 et des
modalités de son application par rapport au règlement actuel de
l'assistance publique.
Cette tâche clef d'une définition souple des
règlements suppose, de la part de l'administration responsable,
des préparatifs de mise en vigueur d'une extrême importance.
Déjà, des travaux considérables permettent la formulation
d'un projet de règlements qui revêt encore un caractère
provisoire et non définitif. C'est, pour une bonne part, à la
lumière d'analyses qui sont encore en cours, du résultat des
travaux de cette commission parlementaire et de l'expérience empirique
que le ministère enregistre tous les jours qu'il sera possible de les
améliorer et de les compléter.
Au point de vue de l'efficacité administrative, ce projet
arrivera à un moment particulièrement propice. Qu'il me suffise
de souligner la nécessité d'une loi qui rende possible
l'établissement de contrôles efficaces, la mise sur pied d'un
système d'information disponible aux différents niveaux de
gérance, comme au gouvernement, et la prise de décisions
éclairées et contrôlables aux échelons
administratifs qui sont le plus près des besoins de la population.
Voilà, M. le Président, quelques remarques de portée
générale que je voulais faire au début de l'étude
de ce projet de loi devant la commission parlementaire.
M. LE PRESIDENT: Merci. Le Dr Goldbloom a manifesté le
désir de prendre la parole.
M. Victor-C. Goldbloom
M. GOLDBLOOM: M. le Président, avant d'entamer la discussion sur
le projet de loi et ses règlements, je me permets de vous dire que, au
moment même où vous avez déclaré cette séance
ouverte, j'ai été avisé que le député de
Jonquière, M. Gérald Harvey, qui avait l'intention d'être
présent ici aujourd'hui, est retenu à Jonquière parce
qu'il doit assister aux funérailles d'un proche ami. Alors, je vous
exprime ses excuses. C'était bien son intention d'être avec nous
aujourd'hui.
Je pense, M. le Président, que, si le consentement unanime est
accordé par les membres de la commission, nous pourrions demander que le
nom de M. Georges Tremblay remplace celui de M. Gérald Harvey pour la
séance d'aujourd'hui.
M. LE PRESIDENT: Très bien.
M. GOLDBLOOM: Merci, M. le Président. Nous sommes
convoqués ici pour la prise en considération du bill 26, Loi de
l'aide sociale et de ses règlements. Même si le but principal de
cette rencontre était d'entendre des témoins et des opinants qui
auraient voulu s'exprimer sur ces textes, Je me dois, au nom des
députés de l'Opposition, de faire quelques remarques
préliminaires au sujet du projet de loi et surtout au sujet des
règlements.
Au départ, nous ne pouvons que déplorer les lenteurs du
gouvernement à nous présenter un projet de loi qui est en
préparation depuis plus de trois ans, et qui, ayant été
inscrit au feuilleton vers la fin du mois de mars ou au début du mois
d'avril si ma mémoire est fidèle a été
finalement lu, la première fois, le 20 mal 1969.
C'est un projet de loi dont tout le monde connaît l'importance et
l'urgence et qui est attendu par, non seulement les assistés sociaux
eux-mêmes ou par ceux qui sont en danger de devenir assistés
sociaux, mais aussi par les professionnels de l'aide sociale qui administrent,
au nom du bien commun, notre régime actuel, qui en connaissent les
déficiences et qui voudraient voir des améliorations qu'ils ont
souvent suggérées publiquement au ministre par la voix des
journaux, des postes de radio et de télévision.
Les membres de l'Opposition ont, à chaque occasion qui leur a
été fournie, souligné l'urgence d'apporter ce projet de
loi, non seulement de l'apporter pour études, mais de l'adopter. Chaque
fois que nous avons discuté les crédits du ministère, nous
avons demandé au ministre de bien vouloir faire diligence pour que nous
puissions étudier ce projet de loi et l'adopter à la
première occasion possible.
Nous sommes ici parce que nous attendions la présence d'un nombre
important de représentants d'organismes et de particuliers, notamment
des assistés sociaux qui auraient voulu s'exprimer. Pourtant, il n'y a
essentiellement personne ou presque personne, une situation pour le moins
étonnante. Je suis fermement convaincu que l'explication se trouve dans
le fait que les règlements qui, eux aussi, étaient censés
être connus vers le moment où le projet de loi a été
lu la première fois, sont enfin arrivés la première
semaine de septembre, avec la première séance convoquée
pour la deuxième semaine de septembre.
Il y a beaucoup de personnes sérieuses qui voudraient s'exprimer
sur la loi et les règlements. Etant des personnes sérieuses,
elles ont besoin d'un temps raisonnable pour pouvoir étudier et
apprécier à leur juste valeur les textes qui sont assez
complexes, pour pouvoir s'exprimer de façon utile, d'une façon
qui serait satisfaisante pour eux-mêmes et pour les membres de la
commission.
Donc, ceux qui ont déjà manifesté le désir
de s'exprimer ils ne sont pas encore nom-
breux, mais je suis convaincu qu'ils seront beaucoup plus nombreux
ont tous choisi de comparaître le 18 au lieu du 11, pour la raison
j'en suis convaincu que je viens d'exprimer.
Je passe à quelques remarques préliminaires sur les
règlements. Je constate que les règlements, qui, nous
l'espérions, étaient pour nous exposer avec précision le
régime de bien-être social que nous connaîtrions à
l'avenir, sont assez décevants dans cet aspect de leur texte. Nous nous
attendions à avoir, en appendice peut-être, si ce n'était
possible de les mettre dans les règlements, des tableaux de chiffres qui
nous auraient montré les montants qui sont offerts en allocation
à des familles, x familles d'une mère seule avec trois enfants,
par exemple, qui reçoit aujourd'hui, au maximum, tant, à l'avenir
ce sera, au maximum, tant. Nous avons des esquisses de façons de
calculer, nous avons surtout ici des restrictions et les seuls chiffres
précis qui paraissent aux règlements sont de nature de
restriction de maximums qui ne devront pas être dépassés
dans le calcul des allocations, des maximums de montants de $10 ou de $15 qui
seront versés où il n'est pas possible de calculer
précisément les besoins, et les maximums de biens qui ne devront
pas être excédés si le requérant peut espérer
être admis à notre système d'aide sociale.
Nous déplorons aussi la disparition de la commission des
allocations sociales. Nous croyons que cette commission a rendu de fiers
services, non seulement parce qu'elle a été, jusqu'à un
certain point, à l'abri des pressions politiques qui existent
inévitablement dans un système gouvernemental, mais aussi parce
que je dois dire avec franchise que l'efficacité de cette commission,
et évidemment, si Je dis l'efficacité de cette commission,
je veux dire l'efficacité des personnes qui sont membres et
employés de cette commission semble à nos yeux et à
notre expérience personnelle avoir dépassé de beaucoup
l'efficacité du ministère lui-même. Et nous regretterons
sérieusement la disparition de cet organisme.
Le ministre a parlé des principes qui sont consignés
implicitement dans le projet de loi et dans ses règlements. Nous avions
espéré voir étalé explicitement ce que serait
à l'avenir notre régime d'aide sociale. Nous avons devant nous un
cadre, un cadre qui est assez large pour permettre que soit dessiné
à son intérieur ce qui aurait dû être un
chef-d'oeuvre. Nous restons avec un cadre et nous trouvons à son
intérieur une image assez vague, une silhouette du régime que
nous avions espéré connaître aujourd'hui.
M. Emilien Lafrance
M. LAFRANCE: M. le Président, je voudrais tout simplement ajouter
un mot à ce que vient de dire, mon collègue, le
député de D'Arcy-McGee, pour bien illustrer l'urgence qu'il y a
de passer aux actes, de faire quelque chose. Je recevais hier, à mon
bureau, un père de famille, invalide depuis déjà une
dizaine d'années et dont l'épouse est bénéficiaire
de la pension des mères nécessiteuses. Cette famille
reçoit une allocation de $240. Le père est propriétaire;
évidemment, il est menacé de perdre sa propriété
parce qu'il ne peut payer ses taxes municipales, scolaires ou autres.
Depuis déjà deux ou trois ans, les responsables du bureau
lui disent: Bien, monsieur, on ne peut rien faire; la loi ne permet pas de
faire davantage. Attendez, un projet de loi doit être adopté,
incessamment, qui vous permettra peut-être de pouvoir augmenter le
montant que vous recevez. Ce père me disait: Est-ce qu'il va falloir
déposer une bombe sous le bureau du ministre pour le faire bouger?
Alors, j'ai dit: Mon cher monsieur, je connais les bonnes dispositions du
ministre; je sais qu'il n'a pas besoin de bombe, mais, je trouve que nous
sommes dans une situation absolument intolérable.
Voici un projet de loi qui est à l'étude depuis six ou
sept ans. Depuis quatre ans, le gouvernement actuel s'est engagé
à présenter devant la Chambre ce projet de loi et ce n'est
qu'à la dernière session qu'on l'a fait. A la fin de la session,
le ministre a dit: Les règlements sont prêts. Nous les soumettrons
incessamment à la commission parlementaire. Le ministre a attendu encore
trois mois.
Moi, je trouve qu'il y a des familles qui sont dans une situation
tragique. C'est presque une invitation à la violence que de toujours
attendre et de compter sur le temps. Le ministre et le gouvernement ont eu le
temps d'étudier le projet de loi et de consulter des groupes. Alors,
pourquoi attendre encore trois mois? Moi, je pense que le gouvernement actuel
est grandement responsable des actes de violence que nous connaissons à
l'heure actuelle dans la province de Québec. A Saint-Léonard,
c'est le gouvernement qui laisse pourrir les problèmes. On a
menacé de faire des marches sur Québec également. Les
indigents ont menacé de le faire. Est-ce que le gouvernement attend
cela?
Moi, je crois fort, M. le Président, que ce projet de loi ne soit
pas mis en application avant 1970, au train où vont les choses. Alors,
je voudrais, s'il y a possibilité, demander au ministre de ne pas
attendre des actes de violence pour agir. Maintenant que le gouvernement
est
décidé, qu'il prenne donc ses responsabilités au
lieu de toujours retarder, de compter sur le temps et de laisser pourrir les
situations.
Je regrette, M. le Président, de dire des choses qui sont
peut-être désagréables, ce matin, mais Je pense que ces
choses ont besoin d'être dites. Je déplore également les
retards inconcevables qui ont accompagné la présentation de ce
projet de loi et qui continueront après la réunion de ce matin,
malheureusement, si on n'accélère pas un peu la
procédure.
M. CLOUTIER: M. le Président, avant de répondre au point
soulevé par les membres de l'Opposition, j'aimerais savoir si d'autres
membres de la commission auraient des remarques à faire dans la
même veine, sur les mêmes sujets pour ne pas avoir à revenir
sur des points soulevés à plusieurs reprises. Je voudrais, de la
façon la plus objective et la plus sereine possible, répondre au
député de D'Arcy-McGee et au député de Richmond
qui, par ailleurs, sont des députés assez calmes.
M. Roch Gardner
M. GARDNER: Je voudrais, M. le Président, si vous me le
permettez, ajouter simplement quelques mots pour vous dire toute la
satisfaction que j'ai de voir arriver ce projet de loi. Depuis longtemps, il a
été attendu, il est vrai. Bien des personnes, dans chacun de nos
comtés, nous le disaient il n'y a pas longtemps. Les administrateurs des
bureaux d'assistance sociale des différents ministère, de
même que les contribuables ont hâte de voir une classification
meilleure que celle qu'il y a actuellement dans la question du bien-être
social.
Je souhaite qu'avec l'application de cette nouvelle loi les
procédures au ministère de la Famille et du Bien-Etre social
soient accélérées. Je trouve personnellement inconcevable
qu'on réponde à une demande après trois, quatre ou cinq
mois. Pendant ce temps, l'assisté social, lui, crève de faim,
s'endette de plus en plus et 11 est dans l'impossibilité de faire vivre
convenablement sa famille. J'espère que les procédures ne seront
pas aussi longues et qu'avec la décentralisation qu'il y aura dans les
différents districts les agents du bien-être social pourront
prendre localement les décisions les plus appropriées et ce, dans
le plus bref délai possible.
Je suis très heureux de voir que c'est là, aussi, un
début concernant le revenu minimal garanti. C'est un début et
j'espère que l'on continuera dans cette ligne-là. Il y a
actuellement des différences de classes très grandes à
cause, justement, de ces revenus qui ne sont pas ajustés à
l'augmentation du coût de la vie qu'il y a actuellement. Il est vrai que
les assistés sociaux coûtent énormément cher au
gouvernement et aux contribuables, mais il faudrait qu'une amélioration
soit apportée de ce côté-là pour que ceux qui en ont
réellement besoin aient l'argent nécessaire pour vivre et que
ceux qui n'en ont pas besoin n'en reçoivent pas. Avec des
enquêteurs appropriés, on pourrait éviter le patronage qui
très souvent est fait par des agents de bien-être social locaux et
non pas par les politiciens.
Alors, ce revenu minimal nécessaire à la survie de ces
gens, il est à espérer qu'il sera accepté le plus
tôt possible. Il faut également souhaiter que les assistés
sociaux aient réponse à leurs demandes le plus tôt possible
et qu'ils aient également un montant suffisant pour leur permettre de
vivre convenablement, non pas au niveau de ceux qui gagnent $100 ou $200 par
semaine, mais au moins pour être capables de suffir à leurs
besoins essentiels, dans chacun de leurs foyers.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que d'autres députés
désirent prendre la parole?
M. Noël Saint-Germain
M. SAINT-GERMAIN: Je veux dire simplement, M. le Président, si
vous me le permettez, que je suis complètement d'accord avec mes
collègues au sujet de l'urgence de cette loi et d'accord aussi
lorsqu'ils énumèrent les désavantages qui ont
été causés par le retard qu'on a mis à
légiférer dans le sens de la sécurité sociale.
Ce que je trouve, personnellement, de pire relativement au statut
actuel, c'est que, premièrement, ceux qui ont réellement besoin
et qui doivent vivre de sécurité sociale vivent dans une misera
noire et sans espoir; deuxièmement, avec nos lois actuelles, on taxe
pratiquement à 100% le revenu que les assistés sociaux peuvent
acquérir de par leur propre travail ou leur propre initiative
personnelle. De ce fait, on a enlevé aux assistés sociaux ce
désir de vivre et d'améliorer leur sort. Dans un système
de libre entreprise comme celui que nous avons, taxer à 100% le
résultat du travail et des initiatives des individus est une invitation
à la paresse, et à l'irresponsabilité. De plus, ce
système complexe a permis le versement d'allocations à des
personnes qui, nécessairement, n'en avaient pas besoin et a permis aussi
une inefficacité administrative qui, comme on l'a appris par la voie des
jour-
naux, a certainement coûté à la province des
millions. Alors, dans le contexte actuel, c'est important, vu que les finances
provinciales sont dans une situation excessivement difficile.
Ce projet de loi ne vient pas trop tôt. Nous avons tous hâte
d'en faire une étude aussi rapide et aussi efficace que possible.
M. Georges Tremblay
M. TREMBLAY (Bourassa): M. le Président, je vous remercie de
m'avoir accepté comme membre de votre commission, ce matin. La seule
chose qui arrive, c'est que la moitié de mon comté, disons, est
desservie par le bien-être social de Montréal et l'autre
moitié, par Montréal-Nord.
Ce que je ne comprends pas, c'est que les normes ne sont pas les
mêmes.
Assez souvent, des gens qui vont demeurer dans une partie de mon
comté et, à un moment donné, déménagent un
peu plus loin, changent de bureau du Bien-Etre social et les normes ne sont pas
les mêmes.
Maintenant il y a un problème. J'espère que votre loi va
améliorer la situation. C'est un fait que, surtout à
Montréal et dans plusieurs comtés, nous avons des personnes qui
sont réellement dans la misère et qui ont de la difficulté
à obtenir leur allocation de bien-être social. Ce n'est pas de la
lenteur. Dans mon comté, je crois que ce n'est pas tellement de la
lenteur. Par contre, il y en a qui reçoivent des prestations et les
investigateurs devraient approfondir leur enquête, parce qu'il y en a qui
en reçoivent. Ce n'est pas, je crois bien, au député de
faire le policier dans le comté. Mais je vous le dis sincèrement,
je crois qu'il y a plusieurs milliers de dollars. Est-ce qu'avec cette nouvelle
loi, les enquêtes seront plus approfondies? H faudrait en être
sûr. Je ne sais pas comment cela pouvait être avant, mais depuis
que je suis député, je m'aperçois qu'il y en a qui
reçoivent des allocations et ne le devraient pas, et il y a des familles
de trois ou quatre enfants qui ont réellement de la difficulté.
Elles reçoivent $145 ou $160 par mois et paient un loyer de $100. Est-ce
que, grace à votre nouvelle loi excusez-moi, je ne l'ai pas
étudiée vous allez avoir des enquêtes un peu plus
approfondies pour voir à ce que celui qui en a réellement besoin
reçoive plus?
M. Jean-Paul Cloutier
M. CLOUTIER: Le député pose une question précise et
qui demanderait évidemment une réponse assez
élaborée. Mais, brièvement, nous aurons l'occasion d'y
revenir au cours de l'étude, ici ou en Chambre.
Je dirai que ce n'est pas la loi, comme telle, qui peut
accélérer le processus des réponses à donner. Une
réponse à une demande d'assistance sociale sera efficace, sera
rapide parce que le député insiste surtout sur la
rapidité du système l'urgence de répondre à
certains cas. Cela dépendra, à ce moment-là, beaucoup plus
des mécanismes administratifs. Et une loi et là, je
rejoins une observation que je voulais faire et qui répondra aux
remarques faites par le député de D'Arcy- McGee et le
député de Richmond cette loi d'aide sociale doit s'appuyer
sur une administration moderne et décentralisée. C'est ce que
nous faisons depuis plusieurs mois au ministère. Nous nous sommes rendu
compte, à l'expérience, qu'il ne servirait à rien d'avoir
dans nos statuts la meilleure loi d'aide sociale, qui remplacerait la dizaine
de lois que nous avons actuellement, qui ont de l'âge évidemment
la première, la Loi de l'assistance publique date de 1921
lois qui ont été apportées à certains moments de
l'histoire, dans des contextes différents et pour répondre
à des besoins différents. Le seul fait d'avoir maintenant une
loi, une loi générale, avec une réglementation
générale, au lieu de toutes ces réglementations qui
appuyaient toutes ces lois qui existent actuellement, c'est déjà
une amélioration considérable sur ce qui existe dans le moment.
Parce que les assistés sociaux, d'une part, qui constituent la
clientèle de ceux qui demandent des services, et, d'autre part, les
travailleurs sociaux et le personnel qui est dans le champ du bien-être,
nos fonctionnaires du ministère qui vont administrer cette loi, vont
avoir en main un outil beaucoup moins compliqué, de beaucoup
simplifié, un instrument unique qu'ils vont pouvoir utiliser, de sorte
que ces différences que l'on retrouve actuellement entre deuxpersonnes
qui sont dans la même situation de besoin...
Vous avez deux familles qui peuvent avoir les mêmes besoins
actuellement, qui reçoivent des allocations, mais non en vertu de la
même loi. Une famille peut recevoir des allocations en vertu de la Loi
des mères nécessiteuses, l'autre en vertu de la Loi de
l'assistance publique et qui auront des traitements différents, et dans
le service qui leur est donné et dans le niveau des allocations qui leur
sont versées. Ces situations sont inexplicables pour le public, mais on
sait qu'elles ont été créées, ces situations, par
des législations différentes qui ont été
apportées à des moments différents, sans assez de
coordination entre toutes ces pièces législatives.
C'est pour cela que la législation actuelle sera certainement un
outil nettement supérieur à ce qui existe actuellement. C'est une
loi-cadre. Mais cela doit s'appuyer je reviens à mon observation
du début sur des mécanismes administratifs, sur des
bureaux locaux, des bureaux régionaux qui sont près de la
population.
C'est pour ça que, depuis quelques mois, nous sommes en train
d'implanter dans tout le territoire du Québec, nous basant sur la carte
administrative de la province la carte du ministère de
l'Industrie et du Commerce des bureaux locaux. Il y aura aussi des
bureaux régionaux. Il y en aura dix dont un dans chacune des grandes
régions de la province. Ces bureaux locaux et régionaux seront en
communication directe avec le ministère de la Famille et du Bien-Etre
social. Mais une décentralisation s'impose, une décentralisation
des décisions et des effectifs. Tenant compte des organismes de gestion
centrale, de la fonction publique évidemment, tenant compte du
ministère des Finances, tenant compte de toute autre
considération, le ministère de la Famille et du Bien-Etre social
a fait accepter par l'ensemble du gouvernement un plan de
décentralisation, d'implantation de bureaux, de recrutement et de
formation du personnel, de sorte que nous ayons un outil qui soit le meilleur
possible et que nous ayons aussi, pour l'administrer, des gens qui sont
préparés et qui sauront utiliser au maximum les
possibilités de cette loi. Alors, c'est ce vers quoi nous nous sommes
dirigés depuis quelques mois. Nous nous sommes appliqués à
installer, dans les territoires, des bureaux décentralisés et
à recruter des effectifs de qualité.
Il est évident qu'avant que la loi ne soit votée par
l'Assemblée nationale, avant qu'elle n'entre en vigueur, il est
important que nous ayons cet appareil. Je n'insisterai pas ce matin, mais j'y
ai fait allusion à différents moments lors de l'étude des
crédits, j'y ai fait allusion en Chambre lorsque j'ai apporté des
réponses aux questions posées par l'Opposition. J'ai dit combien
il nous apparaissait important, au ministère, que l'on ait des
mécanismes de contrôle et de gestion modernes. Parce qu'en
apportant une loi plus généreuse, en apportant une loi qui peut
à certains points de vue constituer une incitation pour certains
éléments de la population à réclamer des
prestations, à venir grossir les rangs des assistés sociaux, il
était important que l'on ait d'associés à cette
législation des mécanismes de prévention et de
réhabilitation. Si, d'une part, nous voulions donner des services
à la population assistée, si nous voulions lui donner les
avantages que les lois actuelles ne comportent pas, si nous voulions simplifier
toute cette législation, il nous fallait, d'autre part, nous assurer que
ces avantages n'amènent pas sous l'autorité de ces lois des
bénéficiaires qui n'ont pas à être là. Il
fallait que nous puissions d'abord prévenir qu'ils tombent dans un
état de dépendance. Cela est important, la prévention.
S'ils tombent sous le coup des lois, si la prévention n'a pas
été suffisante, si les autres mécanismes gouvernementaux,
si les autres législations, si l'économie, à certains
points de vue, ne peut pas répondre à tous les besoins, à
toutes les demandes d'emploi, à ce moment-là, c'est de la
réhabilitation pour ceux qui tombent sous le coup de nos lois. Il faut
avoir des mécanismes de réhabilitation et de retour à la
vie normale. Donc, il nous fallait associer à cette loi des
mécanismes de prévention et de réhabilitation. J'aurai
l'occasion au cours de cette législation d'expliquer les efforts
spéciaux que nous avons faits au ministère de la Famille et du
Bien-Etre social dans ce secteur de la réhabilitation et du retour
à la vie normale des assistés sociaux, efforts que nous avons
faits avec tous les ministères.
Brièvement, je dirai ce matin qu'un des premiers comités
de formé l'a été en collaboration avec le ministère
du Travail et le ministère de l'Education pour le recyclage, la
formation professionnelle des chômeurs non suffisamment
spécialisés. C'est un objectif que nous poursuivons.
Deuxièmement, en collaboration avec le ministère des
Terres et Forêts, nous aurons des programmes qui sont de plus en plus
considérables pour ramener au travail des assistés sociaux qui,
après une certaine période de travail et d'observation de la part
de ceux qui sont chargés de le faire, pourront, eux aussi,
peut-être acquérir un métier et retourner sur le
marché du travail. Coordination que nous avons faite avec d'autres
ministères, avec le ministère de l'Agriculture et de la
Colonisation pour la réhabilitation de certains fermiers qui exploitent
des fermes marginales. Coordination avec le ministère de l'Industrie et
du Commerce dans le domaine des pêcheries, particulièrement en
Gaspésie et aux Iles-de-la-Madeleine, afin que les revenus du travail,
les revenus de la pêche, les revenus de l'agriculture, les revenus de la
forêt permettent à plus de gens possible de se subvenir à
eux-même sans qu'ils deviennent des assistés sociaux.
La prévention et la réhabilitation étaient donc
dans l'optique du ministère et, de plus en plus, je crois que c'est
accepté de la population. Je crois que c'est aussi accepté de la
part des individus, des groupements sociaux, de ceux qui
ont des responsabilités dans le secteur privé, de la part
des industries qui comprennent qu'elles doivent Joindre leurs efforts à
ceux du gouvernement afin de créer des emplois pour les chômeurs
ou les assistés sociaux qui sont aptes au travail.
C'est donc de cela qu'il nous a fallu nous assurer. Il a fallu nous
préoccuper de tout cela avant d'appliquer une nouvelle
législation, par ailleurs plus généreuse, afin de ne pas
inciter à commettre des fraudes des gens qui ne sont pas actuellement
bénéficiaires d'allocations sociales mais qui pourraient le
devenir si des moyens de prévention et de réhabilitation
n'étaient pas suffisants ou n'étaient pas mis en place.
Pour revenir précisément à la remarque du
député de Bourassa, je dirai qu'il a constaté des
différences de rémunérations ou des différences de
prestations entre des régions voisines. C'est exact que les lois sont
éparses et diversifiées. D'autre part, il y a un manque de
coordination entre tous les services qui administrent ces lois: 11 y a des
services municipaux qui administrent ces lois, il y a des agences de service
social, il y a le ministère, par ses bureaux. Il y a donc trois
organismes bien identifiés qui administrent ces lois d'aide sociale. Ces
trois organismes pourraient même se retrouver dans le même
territoire pour administrer nos lois d'aide sociale.
Il est donc facile de comprendre qu'il y ait eu un manque de
coordination, et les lois ne s'y prêtant pas facilement,
évidemment, il arrive que les assistés sociaux eux-mêmes et
les travailleurs sociaux et ceux qui administrent ces lois aient pu trouver
très difficile de rationaliser tout le secteur du bien-être
social. Non seulement très difficile, mais Je crois que dans la
situation actuelle il est nettement impossible de rationaliser tout ce
secteur.
En attendant que cette loi ait été apportée, tout
de même, Je dois dire pour l'objectivité de la discussion que
d'autres législations ont aidé à soulager les
problèmes dans le domaine social. Il y a des familles qui sont aux
prises avec des problèmes difficiles, problèmes de maladie,
problèmes de pauvreté. En toute objectivité je dois dire
que notre loi d'assistance médicale a aidé
considérablement les assistés sociaux. Elle a été
apportée par le gouvernement précédent, en avril 1966
Depuis ce temps, les soins médicaux qui ont été
procurés aux assistés sociaux ont tout de même
allégé, de façon appréciable, leur fardeau.
En 1967, le gouvernement a apporté la loi des allocations
familiales qui a été, entre autres, par sa distribution d'une
somme impor- tante annuelle d'environ $80 millions, une mesure importante de
redistribution du revenu entre les familles; de sorte que les familles
nombreuses ont vu là une façon importante d'alléger leur
fardeau fiscal et de faire face à certaines de leurs obligations.
Ce sont deux lois importantes qui ont tout de même permis aux
assistés sociaux, pendant ce temps, même s'il n'y a pas eu
élévation considérable des barèmes
là-dessus, pour le bénéfice de la discussion, Je dois dire
aux membres de cette commission parlementaire, d'ailleurs ils le savent fort
bien, que par arrêté ministériel, il y a eu soulagement de
ces cas particuliers par des mécanismes d'assistance spéciale et
d'urgence.
On ne peut donc pas dire, de façon générale, que
depuis quelques années les familles aux prises avec des problèmes
extrêmement difficiles n'aient pas trouvé, à un moment ou
à l'autre, même s'il y a eu des retards inévitables £
cause de tout ce que Je viens d'énumé-rer, la possibilité
de soulager, peut-être pas entièrement, mais partiellement, des
difficultés de tout ordre.
Je dois dire également que les normes intérimaires que
nous avons apportées au mois de février dernier et qui ont
été mises en application le 1er avril 1969, si ma mémoire
est exacte, ont commencé à mettre un peu plus d'ordre dans ce
secteur du bien-être social. Il y a eu là une première
décentralisation des décisions administratives; les bureaux
locaux et régionaux ont été habilités à
prendre certaines décisions plus rapides. Je crois que cela a
amélioré le système et permis tout de même une
expérience de laboratoire extrêmement précieuse pour la
législation que nous présentons dans le moment.
M. le Président, le député de D'Arcy-McGee a aussi
mentionné qu'il regrettait la disparition de la Commission des
allocations sociales. Il est évident que nous n'avons pas voulu, par ce
geste, mettre en doute la compétence et la qualité des
commissaires qui sont en fonction. D'ailleurs, tout le monde sait et tous les
députés savent que la Commission des allocations sociales a
toujours apporté à la solution des problèmes une attention
et une diligence qui sont tout à son honneur.
Mais on comprendra facilement ce que j'ai mentionné tout à
l'heure à l'effet qu'il y avait non seulement du bicéphalisme,
mais qu'il y avait trois administrations dans le champ du bien-être: il y
avait le secteur municipal, le secteur des agences sociales et le secteur du
ministère de la Famille. On a compris que cela créait des
inconvénients au niveau du ter-
ritolre et au niveau de l'administration de la loi parce que les trois
secteurs manquaient d'une coordination nécessaire. Il est évident
aussi, je crois, que ce bicéphalisme se retrouve au ministère de
la Famille; que, d'une part, le ministère lui-même administre une
série de lois et que la Commission des allocations sociales administre
une autre série de lois. Je pense qu'il y a là aussi des
difficultés, en pratique, de sorte qu'il est préférable
d'avoir un seul responsable de l'administration de la Loi d'aide sociale.
Nous n'avons qu'une seule loi. Que le ministère de la Famille en
soit le responsable! De toute façon, la loi prévoit un tribunal
d'appel et d'autres mécanismes que l'on connaît aussi, d'abord un
bureau de revision et un tribunal d'appel. Il y aura aussi, comme dernier
recours, évidemment, le Protecteur du citoyen qui, dans des situations
qui seront portées à sa connaissance, pourra intervenir et rendre
une décision. Je crois que dans tous ces mécanismes de revision
et d'appel les citoyens du Québec qui apportent des problèmes
d'ordre social aux bureaux du ministère de la Famille verront une
réponse peut-être pas toujours une réponse
affirmative si la Loi et les règlements ne le permettent pas
suffisamment explicite et dans un style qui satisfera l'assisté social.
Je dis dans un style, c'est-à-dire avec toute la dignité et la
politesse qui doivent accompagner une réponse à un assisté
social qui soumet un problème humain.
M. le Président, il y aura donc cette coordination avec la
Commission des allocations sociales; d'ailleurs, elle était
commencée depuis fort longtemps entre le ministère et la
commission. Pour ma part, comme titulaire du ministère depuis trois ans,
Je n'ai qu'à me féliciter des relations que nous avons
entretenues entre la Commission des allocations sociales, celui qui vous parle
et nos fonctionnaires.
Le député de D'Arcy-McGee a mentionné
également que les principes n'étaient pas suffisamment
explicités dans la loi. Dans un court texte que l'ai
présenté au début de cette séance Je les ai
énumérés.
Même s'ils sont contenus implicitement dans la loi, Je crois
pouvoir dire qu'ils sont énoncés de façon assez explicite
et que, tels que Je les ai énumérés tout à l'heure,
on peut facilement les repérer dans la loi qui est soumise
actuellement.
Le député a également parlé des tables. Il a
dit et Je l'interprète en ce moment que la
réglementation actuelle ne contenait que des maximums et des minimums.
Est-ce que J'interprète bien le député? Il aurait voulu
voir dans cette loi, en annexe, des tables qui auraient, à ce
moment-ci...
M. GOLDBLOOM: Qui auraient précisé les
bénéfices et les augmentations dont le ministre vient de nous
parler au cours de ses remarques. Je prends l'exemple de l'article 3.01 des
règlements qui dit, comme plusieurs autres articles, d'ailleurs: «
Le coût mensuel de la nourriture, du vêtement, des
nécessités domestiques et personnelles d'une famille ou personne
seule vivant autrement qu'en chambre et pension est celui
déterminé de temps à autre par le lieutenant-gouverneur en
conseil en fonction du nombre d'adultes et du nombre et de l'âge des
enfants ».
Sûrement, M. le Président, c'est ce qui se fait depuis
toujours, mais nous aurions voulu en savoir beaucoup plus que cela. Quels
seront les montants offerts? Et de quelle façon les enquêtes
seront-elles faites, si cette façon diffère de la façon
que nous connaissons déjà? Nous savons que le
lieutenant-gouverneur en conseil déterminera de temps à autre des
montants. Quels montants? Et de quelle façon? C'est ce que nous
voudrions savoir.
M. CLOUTIER: Bon, je dirai au député de D'Arcy-McGee que
certains montants sont déterminés dans les lois actuelles entre
autres, celle des mères nécessiteuses. Notre législation
d'aide sociale est unique et il y a un règlement unique; il n'y aura
donc qu'une seule série de tables et de rémunérations. La
loi est bien explicite là-dessus. A partir du moment où la loi
sera adoptée, toutes les personnes feront des demandes en vertu de cette
nouvelle loi, même si elles ne peuvent pas perdre des privilèges
appelons cela des privilèges, M. le Président, pour fins
de discussion acquis en vertu des anciennes lois.
Je m'explique, en disant que personne, en vertu de la nouvelle loi, ne
pourra voir diminuée l'allocation qu'il retire actuellement en vertu
d'une ancienne loi. Mais, pour répondre précisément
à la question du député de D'Arcy-McGee, il comprendra que
ces tables de prestations et d'allocations ont une incidence budgétaire
assez considérable. Cela fait partie de la politique budgétaire
du gouvernement.
J'aurai l'occasion, au cours de ces discussions à la commission,
après avoir entendu les opinions de ceux qui viendront devant la
commission, probablement dans une séance subséquente, de traiter
avec vous de cette question précise des coûts et des tables. A ce
moment-là, Je vous donnerai des chiffres que nous étudions
actuellement. J'ai dit, dans mon introduction du début, que ce projet de
règlement n'était pas définitif. C'est un projet de
règlement qui a, tout de même, fait l'objet d'études
très sérieuses et très longues de la part du
ministère. Ce projet de
règlement pourra s'Inspirer des discussions que nous avons ici,
à la commission parlementaire, en Chambre. A la suite des remarques qui
nous seront faites par les groupes qui viendront devant cette Chambre, le
projet de règlement sera approuvé par le lieutenant-gouverneur en
conseil. Mais j'aurai l'occasion, au cours de ces études en commission,
de vous donner des chiffres que nous proposons pour les tables.
J'aurai l'occasion de vous situer ces chiffres dans le contexte
québécois actuel, ce que cela représente au point de vue
du budget global. J'aurai l'occasion de vous dire aussi quelles sont nos
contraintes, pourquoi il nous faut forcément nous limiter dans ce
domaine des allocations que nous versons, comme nous devons nous limiter dans
certains autres secteurs du gouvernement, parce qu'il y a aussi des
priorités qui sont établies. C'est dans tout ce contexte que nous
apportons la législation d'aide sociale. On sait que les
priorités du gouvernement dans les quelques années... Eli je
remonte à une dizaine d'années en arrière, il y a eu des
priorités qui existent encore dans le domaine de l'éducation. Il
y a eu des priorités dans le domaine de la santé, à
l'avènement de l'assurance-hospitalisation. On sait qu'il y aura
bientôt un régime d'assurance-maladie. On sait qu'il y a des
priorités du côté économique. C'est dans tout ce
contexte et avec les contraintes que l'on connaît qu'il nous faut
étudier les implications budgétaires d'un régime d'aide
sociale.
Il faut nous rappeler aussi que la Loi d'aide sociale comme je
l'ai dit tantôt, je reviens là-dessus, c'est extrêmement
important est une loi de caractère résiduaire. Ce n'est
pas une loi qui va résoudre tous les problèmes d'ordre social. Il
y a d'abord des régimes de sécurité sociale qui doivent
résoudre ces problèmes; l'assurance -hospitalisation, l'assurance
-maladie, les allocations familiales, le régime de rentes,
l'assurance-chômage, la sécurité de la vieillesse sont
toutes des mesures qui tendent d'abord à résoudre sur une vaste
échelle, sur un plan général, ces problèmes dans le
domaine social. La Loi d'aide sociale n'a qu'un caractère
résiduaire, c'est une loi de supplément. Non seulement y a-t-il
des législations générales qui doivent résoudre les
problèmes, mais il y a aussi d'autres ministères qui doivent
résoudre les problèmes. Ce n'est pas au ministère de la
Famille et du Bien-Etre social à résoudre les problèmes
d'ordre économique. Nous avons à nous préoccuper des
malades, des chômeurs, de ceux qui ont besoin de l'assistance
gouvernementale. Mais ce n'est pas en priorité au ministère de la
Famille et du Bien-Etre social, même s'il prend des initiatives, par
ailleurs fort louables, dans des domaines comme la réhabilitation des
assistés sociaux, la coordination avec tous les autres
ministères, la formation, ce n'est pas d'abord à notre
ministère d'établir les politiques qui vont résoudre les
problèmes d'ordre économique.
Nous avons donc une législation d'un caractère
résiduaire. C'est dans cet esprit qu'elle a été
conçue au ministère par toute notre équipe, qui a
travaillé pendant de longs mois et c'est dans cette optique, je pense,
qu'il nous faut en discuter aussi devant cette commission et devant
l'Assemblée nationale.
J'aurai aussi, au cours de l'étude, l'occasion de situer nos
chiffres par rapport à d'autres provinces. Je crois que même si je
ne l'avais pas fait, certains membres de la commission nous auraient
certainement demandé comment se comparent nos taux avec la province de
l'Ontario et comment se comparent nos taux avec certains Etats
américains qui sont plus près de nous et qui peuvent plus
facilement se comparer avec le Québec. Je voudrais dire, comme remarque
préliminaire, que même si nous avons des propositions pour des
tables, nous n'avons pas la prétention que notre régime
d'allocations soit le plus généreux en Amérique du Nord,
parce que je crois bien que tout le monde est d'accord pour dire que nous
n'avons certainement pas ici les moyens au Québec de payer des
allocations qui se situent au plus haut niveau du continent
nord-américain. Mais, par ailleurs, tenant compte de tout le contexte,
je crois que nous pouvons dire que nos projets de tables dont je pourrai vous
parler dans des séances subséquentes, sont tout de morne
raisonnables. Ils permettront, je crois, si nous les joignons à d'autres
mécanismes, un niveau de rémunération raisonnable qui
n'incitera pas ceux qui ont actuellement des emplois à venir grossir le
rang des assistés sociaux et à délaisser leur emploi. Il
nous faut donc garder à l'esprit cette relation avec d'autres secteurs,
comme celui du salaire minimum, comme celui de l'activité
économique dans des régions défavorisées.
Je pense que ce sont là des considérations parfaitement
raisonnables et dont il a fallu tenir compte dans l'établissement de
notre projet de taux. M. le Président, je ne sais pas si cela
répond, essentiellement, aux observations qui ont été
faites ce matin par des membres de la commission. De toute façon, je
suis disposé à répondre à d'autres questions, si on
m'y invite.
M. LAFRANCE: Une simple question. Nous n'aurons peut-être pas
l'occasion, au cours de
cette commission, de discuter du sort de la Commission des allocations
sociales. Il est évident qu'on devait changer un peu le rôle
qu'avait à jouer cet organisme. Je crois que le ministère s'est
surtout inspiré du rapport Boucher pour préparer sa
législation. N'y avait-il pas une recommandation dans le rapport Boucher
à l'effet que cette commission devait servir comme tribunal de
dernière instance? Je trouve un peu malheureux la disparition de cette
commission. Je connais l'expérience de ses membres, et, en passant, je
voudrais ce matin, si vous me le permettez, rendre hommage à l'un des
commissaires qui vient de disparaître, Me A.C. Bernier, qui était
commissaire depuis déjà, peut-être, quinze à vingt
ans. Il est décédé ces jours derniers, alors qu'il
était encore à la tâche. Pardon?
M. CLOUTIER: C'était un fils de Montmagny.
M. LAFRANCE: N'était-ce pas une des recommandations du rapport
Boucher, le changement de vocation de la commission? Ne devait-on pas donner au
président le statut de juge?
M. CLOUTIER: Le député a certainement lu le bill 26. Il
est dit, à l'article 30, qu'il y a un organisme d'appel
d'institué sous le nom de Commission d'appel de l'aide sociale, qui est
composée de six membres nommés par le lieutenant-gouverneur en
conseil, dont un président et un vice-président. Je crois que
nous avons, substantiellement, en nombre et en statut, une équivalence
de la Commission des allocations sociales. Je crois bien que nous pouvons
retrouver, à l'intérieur de cette législation et de ce
futur mécanisme, la suite logique de la Commission des allocations
sociales.
M. LAFRANCE: Nous en reparlerons.
M. CLOUTIER: Le député a fait allusion au rapport Boucher.
Evidemment, nos officiers sont en train de consulter le rapport, pour voir
à quelle recommandation précise faisait allusion le
député.
M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier avait
demandé la parole?
M. ST-GERMAIN: Selon l'ancienne législation, il y avait des
allocations versées aux invalides qui étaient payées
à 50% par le gouvernement fédéral. Il y avait beaucoup de
lois conjointes comme cela, et le taux de paiement du gouvernement
fédéral variait. Lors de l'étude de cette nouvelle
législation, y a-t-il eu, avec le gouvernement d'Ottawa, certains
pourparlers ou certains accords?
M. CLOUTIER: Le coût des lois actuelles du ministère est
partageable à 50% avec le gouvernement fédéral, et il
l'est, maintenant, en vertu du nouveau régime que l'on connaît, le
régime d'assistance publique du Canada. Le coût de cette nouvelle
loi qui remplace les lois actuelles est aussi partageable avec le gouvernement
fédéral à 50% en vertu du régime canadien de
l'assistance publique.
M. ST-GERMAIN: Qu'est-ce qui arrive, par exemple, dans le cas des
mères nécessiteuses? Je crois que l'argent versé
était exclusivement déboursé par le fédéral,
25% ou...
M. CLOUTIER: C'était remboursable à 50% par le
gouvernement fédéral.
M. ST-GERMAIN: II y a, dans le rapport Boucher, un tableau qui indique,
selon les lois, la cote payée par le fédéral. Cette
portion-là n'est pas uniforme pour toutes les législations.
M. CLOUTIER: Cela a été remplacé par le
régime canadien de l'assistance publique?
UNE VOIX: Oui.
M. CLOUTIER: Le député fait allusion au document qui est
à la page 39. Le partage se fait, maintenant, en vertu du régime
canadien d'assistance publique, qui a été signé en 1966.
Il se fait à. 50% avec le gouvernement fédéral.
M. ST-GERMAIN: Alors ce tableau là est tout à fait
désuet.
M. CLOUTIER: Oui, le tableau est désuet.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, nous de-demeurons convaincus que
le ministre n'exploite pas au maximum les avantages de cette loi
fédérale. Nous avons l'impression, à la lecture,
préliminaire évidemment, du projet de loi et des
règlements qu'il y a des éléments d'aide sociale qui
pourraient être ajoutés et qui pourraient être
financés en moitié par le gouvernement fédéral,
dont on ne fait pas mention, dans les règlements surtout,
particulièrement dans le secteur de l'aide à domicile.
Il y a dans la profession du service social beaucoup de gens qui nous
disent que les régimes de soins à domicile pourraient être
financés davantage.
M. CLOUTIER: M. le Président, voici une énumération
générale des besoins spéciaux, à l'article 306. On
y lit: « L'aide sociale, au titre des besoins spéciaux, peut
couvrir en tout ou en partie les frais se rattachant à l'état de
santé des personnes, entre autres les médicaments requis, les
soins dentaires, les prothèses, les appareils orthopédiques
nécessaires. » Donc, c'est dans le domaine de la santé.
C'est un complément à ce qui existe actuellement de la Loi de
l'assistance médicale. « Deuxièmement, le coût des
services d'auxiliaires familiales ou d'une aide ménagère ».
Il ne faut pas oublier que, dans le domaine de la santé, il y a un autre
programme qui complète celui-ci. C'est celui des soins à
domicile, qui est financé en vertu des ententes les subventions
à l'hygiène fédérales-provinciales. Il est
financé à 100% par le gouvernement fédéral.
Troisièmement, vous avez les frais requis pour le retour au
travail ou la conservation d'un emploi.
Quatrièmement, les frais de transport pour fins
d'hospitalisation.
Ce sont là des titres généraux sous lesquels
peuvent se retrouver une foule de besoins spéciaux qui ont
été identifiés et qui peuvent être acceptés
en se basant sur l'expérience de ceux qui administrent les lois,
l'expérience qu'ils ont acquise et aussi l'expérience que le
ministère a acquise. De la sorte, nous pouvons rejoindre là
l'article du bill, un article plus général, qui dit que peuvent
être satisfaits les besoins spéciaux d'une famille qui voit sa
santé compromise ou qui tombe dans un état qui risque de la
conduire au dénuement total. Je crois que le régime canadien
d'assistance publique est tout de même assez souple pour permettre
d'identifier une foule de besoins qui peuvent être satisfaits.
M. GOLDBLOOM: C'est pour cela, M. le Président, que j'ai dit
qu'il s'agit ici d'un cadre plutôt que d'une représentation
précise de ce que sera le régime. Nous serons donc obligés
de questionner le ministre, au fur et à mesure que nos discussions se
dérouleront, sur les précisions que nous aimerons avoir.
Alors, il me semble que cela suffit pour le moment.
M. LE PRESIDENT: Alors, s'il n'y a pas d'autres questions, nous allons
ajourner. Je comprends que tout le monde a exercé son droit de parole,
s'il l'a désiré.
M. LACROIX: M. le Président, naturellement, toute
législation qui a pour but d'améliorer la situation actuelle me
satisfait et me réjouit.
Mais je me demande s'il n'y a pas de négligence dans
l'application des lois actuelles. J'espère que, pour cette nouvelle loi,
on va procéder beaucoup plus rapidement. Il y a des choses qui
m'étonnent. Par exemple, des familles qui sont réellement dans la
misère éprouvent beaucoup de difficulté à obtenir
de l'aide. Par contre, d'autres familles, qui semblent dans une situation un
peu moins pénible, semblent recevoir de l'aide plus facilement. Ce n'est
certainement pas la faute du ministre ni de ses hauts fonctionnaires, mais je
pense qu'on manque de personnel compétent dans les différents
services ou dans les différents centres de décision.
Je sais qu'actuellement il y a beaucoup de difficulté. Je
reçois de nombreuses lettres à cet effet-là.
J'espère que l'on pourra très bientôt passer à
l'adoption de cette loi pour que les familles qui sont dans la
nécessité puissent recevoir l'aide dont elles ont besoin. Aux
Iles-de-la-Madeleine particulièrement, les mères
nécessiteuses se trouvent dans des situations vraiment pénibles.
Nous espérons que, le plus tôt possible, cette loi pourra
être inscrite dans les statuts de la province pour que nous puissions
arriver à quelque chose qui nous permettra de soulager la misère
réelle.
M. CLOUTIER: Revoyons le processus dont nous avons parlé,
à certains moments, au cours de cette discussion. Il y a des groupes qui
désirent se faire entendre devant la commission. Je comprends que, comme
le président et le député de D'Arcy-McGee l'ont dit
tantôt, pour certaines raisons, on veut davantage se préparer
à venir devant une commission. Une fois que nous aurons entendu tous
ceux qui ont communiqué avec le président de cette commission, la
commission pourra faire une revue de ces opinions qui nous auront
été apportées. C'est à ce moment-là, je
crois, qu'il serait le plus opportun de discuter des niveaux de barèmes.
En effet, je crois qu'il serait prématuré, à ce moment-ci,
sans avoir entendu ceux qui veulent venir devant la commission, de discuter
d'un paquet de chiffres. Je crois que nous pourrons avoir une meilleure
orientation dans la discussion un peu plus tard.
De toute façon, je crois que nous pourrons procéder assez
rapidement. Sans vouloir presser ou bousculer la commission, je crois qu'avec
quelques séances chacun des membres de cette commission et tous ceux qui
voudront venir pourront disposer de tout le temps voulu pour faire leurs
réflexions sur ce projet de loi. Ainsi, lorsque nous retournerons
à l'Assemblée nationale, la tâche sera de beaucoup
simplifiée; une foule de choses auront été
déblayées ici, en bas, et nous pourrons avoir une vue beaucoup
plus
complète de la réglementation et de la législation
proposées.
M. LE PRESIDENT: Le député de Laurier aimerait dire un mot
avant l'ajournement.
M. LEVESQUE (Laurier): Juste trois questions. Je crois bien que ce n'est
pas le moment de discuter de détails; il s'agit plutôt de fond. Je
ne voudrais pas répéter les mêmes choses. La prochaine
séance, c'est le 18?
M. LE PRESIDENT: Le 18 septembre prochain. La semaine prochaine.
M. LEVESQUE (Laurier): Quels sont les groupesiInscrits?
M. LE PRESIDENT: Pardon?
M. LEVESQUE (Laurier): Quels sont les groupes inscrits? Est-ce qu'il y a
des mémoires d'arrivés?
M. LE PRESIDENT; Je ne crois pas que des mémoires soient
entrés jusqu'à maintenant.
Il y a la Fédération des services sociaux, je crois. Il y
a le Montreal Diet Dispensary. Il y a...
M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que la liste a été
donnée? C'est parce que je ne voudrais pas avoir de surprise.
M. GOLDBLOOM: Il n'y en a que quatre.
M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce qu'on pourrait avoir les noms exacts?
M. LE PRESIDENT: Oui, c'est ce que je vous donne, là.
M. LEVESQUE (Laurier): La Fédération...
M. LE PRESIDENT: Jewish Community Services of Montreal.
M. LEVESQUE (Laurier): S'il y en a seulement quatre, je les ai
manqués. Etes-vous sûr des noms?
M. LE PRESIDENT: The Montreal Diet Dispensary. Il y a quelqu'un ici, qui
vient au nom d'un groupe non identifié, M. Mike Keyes, dont nous n'avons
pas l'adresse; le Conseil des oeuvres de Montréal; et la
Fédération des services sociaux. Jusqu'à maintenant ce
sont des organismes qui nous ont manifesté leur intention...
M. LEVESQUE (Laurier): Avez-vous parlé d'une organisation juive?
Laquelle?
M. LE PRESIDENT: Oui, Allied Jewish Association Community Services of
Montreal.
M. LEVESQUE (Laurier): Puis-je poser seulement deux questions...
M. LE PRESIDENT: Oui.
M. LEVESQUE (Laurier): Les barèmes qui sont établis
là, sans les discuter, est-ce que le ministre pourrait nous dire,
à peu près, par rapport aux études qui ont
déjà été faites, remontent à peu près
à quelle date? Autrement dit, par rapport au niveau de vie. Ça
dû être calibré par rapport au niveau de vie, et il y a eu
tellement de temps qui s'est écoulé...
M. CLOUTIER: Ils ont été revus constamment,
évidemment il y a eu beaucoup de discussions, il y a eu aussi
sans entrer dans les détails plusieurs discussions au niveau des
ministres, il y en a eu, forcément, au ministère. Les tables ont
fait l'objet de revisions continuelles de sorte que celles que nous allons
proposer, dont je parlerai à" une séance subséquente de la
commission, ont fait l'objet de considération récente.
M. LEVESQUE (Laurier): « De considération récente
», est-ce que ça implique, que ça été
basé sur le coût de la vie, si on tient compte de 1966-67, sur le
coût de la vie tel qu'il se présente en 1969 par rapport au
chiffre ancien?
M. CLOUTIER: L'épreuve la plus concluante qui a été
faite je pense que c'est la comparaison qui a été faite
actuellement avec les barèmes appliqués dans des provinces
canadiennes et dans certains Etats américains qui nous touchent de plus
près. Alors c'est l'épreuve, je pense, la plus concluante qui a
été faite, tenant compte du contexte...
M. LEVESQUE (Laurier): Quelle province?
M. CLOUTIER: L'Ontario en particulier, les Maritimes sont les provinces
qui nous touchent des deux côtés. Pour ce qui est des Etats
américains, il y en a plusieurs. Disons que nous avons fait une moyenne
des Etats américains les plus...
M. LEVESQUE (Laurier): Cela ne doit pas comprendre New York?
M. CLOUTIER: Pardon? Non.
M. LEVESQUE (Laurier): Plutôt la ville que New York.
M. CLOUTIER: II y a la ville de New York qui est un secteur
important.
M. LEVESQUE (Laurier): Juste une dernière question, parce que
ça nous aide à voir venir un peu. Est-ce que le ministère
prévoit parce que c'est une loi qui demande passablement
d'interprétation, je crois, parce qu'il y a des principes qui sont
essentiellement une sorte de garantie en tous cas de niveau minimum
décent si c'est bien administré une
décentralisation véritable, pas seulement une
déconcentration? Est-ce qu'il va y avoir des décisions
déléguées vers des régions? Est-ce qu'on est en
marche pour le faire?
M. CLOUTIER: Oui. Essentiellement il y a tous les bureaux qui ont
été implantés sur le territoire, dans tous les postes de
services. Je dirai qu'au cours des...
M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce qu'on pourrait avoir ça nous
aiderait parce qu'autrement on retomberait dans le fouillis qui arrive souvent
au moment des crédits un tableau de la structure
régionale, un aperçu, qui va sous-tendre l'administration de
cette loi-là? Si possible les noms des hommes principaux?
M. CLOUTIER: D'accord. Essentiellement c'est la carte administrative de
la province, les dix régions, un bureau régional dans chacune des
régions et des bureaux locaux qui sont postés aux endroits les
plus stratégiques du territoire de façon qu'il n'y ait pas de
distance trop considérable entre la clientèle et le bureau.
H y a aussi le recrutement d'effectifs importants. Le
député est au courant du nombre de techniciens, du nombre de
fonctionnaires qu'il nous a fallu recruter par les mécanismes ordinaires
de la fonction publique. Il y a aussi un programme important de formation de ce
personnel, du personnel déjà en place et du personnel nouveau,
programme sur lequel j'au- rai probablement l'occasion de parler au cours de
l'étude du projet de loi.
H y a aussi des réformes au ministère: gestion moderne,
mécanisation, tout cela étant très étroitement
relié. Mais il y aura également pour répondre à la
question du député, décentralisation importante des
décisions. Ce sera évidemment plus facile avec cette loi unique
qui est moins complexe, cette réglementation unique, de façon
à ce que tout soit accéléré sur le territoire. Il
restera cependant que plus on décentralise, plus les contrôles
doivent être complets.
M. LEVESQUE (Laurier): C'est-à-dire que les normes, les
objectifs, etc., devront être fixés au ministère mais enfin
on va décentraliser...
M. CLOUTIER: Nous allons décentraliser les décisions.
M. LEVESQUE (Laurier): Pour éviter des débats inutiles
je crois qu'au fond, ce n'est pas un domaine où on a besoin de se
déchiqueter; au contraire, c'est un domaine auquel tout le monde peut
être intéressé de façon non partisane, ne demandant
pas mieux que ça s'améliore y aurait-il moyen d'avoir un
aperçu aussi détaillé que possible parce
qu'autrement, une loi, c'est du papier, ainsi que les règlements
de cette tendance que le ministre décrit vers la
décentralisation, mais avec une carte, sinon une carte en tout cas une
liste de ces bureaux, un aperçu de la façon dont ils sont
prêts à fonctionner et du personnel supérieur qui a
été mis en place?
M. CLOUTIER: Nos collaborateurs vont préparer, pour la prochaine
réunion de cette commission, un document sur la décentralisation
et la régionalisation.
M. LEVESQUE (Laurier): Merci.
M. LE PRESIDENT (M. Plamondon): Messieurs, je vous remercie de votre
collaboration. La commission ajourne ses travaux à jeudi prochain, le 18
septembre 1969, dix heures.
(Fin de la séance: 11 h 44)