(Onze heures cinquante et une minutes)
Le Président (M. Bachand): Donc, le quorum étant constaté, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Donc, je vais vous rappeler le mandat de la commission: le mandat de la commission est de tenir les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 31, Loi modifiant le Code du travail.
Donc, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Descoteaux (Groulx) remplace M. Bernard (Rouyn-Noranda?Témiscamingue) pour la durée du mandat.
Le Président (M. Bachand): Merci, Mme la secrétaire. Donc, je vais vous donner l'horaire un peu de la journée, on va en convenir ensemble, il est déjà 11 h 50. Donc, nous entendrons ce matin, pendant une heure, la Fédération des chambres de commerce du Québec. Et, cet après-midi, à partir de 15 heures, nous entendrons dans l'ordre et pendant une heure chacun les organismes suivants: donc, il y aura la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec; il y aura la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante; la Confédération des syndicats nationaux. Et, ce soir, à partir de 20 heures, nous entendrons donc dans l'ordre et pendant une heure chacun aussi les organismes suivants: donc, la Centrale des syndicats démocratiques sera présente; la Centrale des syndicats du Québec; la Fédération indépendante des syndicats autonomes; et le Syndicat de la fonction publique du Québec. Donc, je vais vous demander évidemment de fermer vos cellulaires, s'il vous plaît.
Donc, je tiens immédiatement à vous rappeler un petit peu les règles de la période de présentation et de la période d'échange. Nous allons donc avoir 20 minutes pour la présentation de la délégation qui est présente aujourd'hui. Nous aurons aussi un 40 minutes d'échange. Et je vous rappelle tout simplement ça pour que ce soit clair pour tout le monde et je vais adopter... je vais essayer de le faire avec beaucoup de célérité aussi et de faire en sorte que les temps de parole soient respectés. Je pense que, ça, c'est de nature à faire en sorte que chacun puisse s'exprimer avec le plus de... de la meilleure façon qu'il soit. Donc, il y aura donc une période d'échange de 40 minutes, et ce 40 minutes là sera distribué en blocs de 10 minutes que nous allons nous appliquer à respecter, et ça, c'est fort important.
Auditions
Donc, je vais donc demander tout de suite... mais surtout souhaiter la bienvenue aux gens qui sont en face et sur vos côtés, à votre droite et à votre gauche, dépendant de votre position donc la Fédération des chambres de commerce. Donc, je salue dans l'immédiat le président du conseil, M. André Tremblay, bienvenue à notre commission; Mme Françoise Bertrand, présidente; M. Guy Tremblay, associé directeur ? et c'est bien comme ça que c'est inscrit; et M. Steeve Demers, économiste. Bienvenue, madame, bienvenue, messieurs, et je vous cède dans l'immédiat la parole.
Fédération des chambres
de commerce du Québec (FCCQ)
Mme Bertrand (Françoise): Bonjour. La Fédération des chambres de commerce du Québec tient d'abord à remercier les membres de la commission de l'économie et du travail de l'inviter à présenter ses commentaires sur le projet de loi modifiant le Code du travail par le projet de loi n° 31. Ce projet législatif comporte des dispositions qui auront une influence déterminante sur plusieurs entreprises membres de la Fédération oeuvrant dans tous les secteurs de l'économie et implantées dans toutes les régions du Québec.
La Fédération des chambres de commerce du Québec constitue en effet le plus grand réseau des gens d'affaires au Québec, regroupant environ 2 800 entreprises qui emploient près de 700 000 personnes. De plus, la Fédération réunit 180 chambres de commerce locales qui comptent plus de 50 000 membres.
La mission du réseau des chambres est de défendre la liberté d'entreprendre par l'exercice de son leadership, de son pouvoir de représentation et d'action. La Fédération défend les intérêts de ses membres en intervenant sans relâche auprès de l'opinion publique et des gouvernements afin de faire progresser les dossiers qui ont une incidence sur le développement économique et social du Québec.
C'est dans cette perspective que la FCCQ est intervenue à moult reprises depuis plusieurs années pour convaincre le gouvernement de procéder à un changement législatif qui assouplisse les règles de transmission de droits et d'obligations en matière de sous-traitance afin de permettre aux entreprises québécoises de maintenir et même d'accroître leur compétitivité.
M. Tremblay (André): M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, bonjour. Évidemment, on est très heureux d'être ici devant vous. Je vais faire une présentation sur l'aspect un peu plus technique, plus juridique du projet de loi, et Mme Bertrand complétera sur l'aspect plus économique et les raisons qui militent en faveur de la modification à l'article 45 que le gouvernement s'apprête à adopter.
Donc, lorsque nous avons commenté le projet de loi modifiant les articles 45 et 46 du code, au moment de son dépôt, le 13 novembre dernier, nous avons affirmé qu'il s'agissait d'un texte proposant des modifications empreintes de réalisme et de pragmatisme. Notre lecture est la même aujourd'hui, et ce, après une étude plus attentive des dispositions relatives à la concession partielle d'entreprise.
Il nous semble que l'objectif de ce projet de loi soit de nous mettre à niveau avec les autres provinces, comme nous le demandions au législateur depuis plusieurs années. Il est en effet inconcevable que, dans une perspective d'économie ouverte et mondialisée et à la suite de nombreux dérapages jurisprudentiels, les entreprises québécoises qui doivent recourir à la sous-traitance soient régies par un encadrement plus contraignant que leurs principales concurrentes, que ce soit au Canada ou ailleurs en Amérique du Nord.
Notre vision correspondait à ce titre à toutes les recommandations que de très nombreux comités d'experts avaient proposées aux gouvernements qui se sont succédé depuis quelques années, tant pour le secteur privé que pour le secteur public. Et on pense au rapport Mireault, on pense au rapport Lemaire ainsi qu'au rapport Bédard. Tous, nous étions d'avis qu'il fallait mettre un terme à la singularisation du Québec en cette matière, comme l'écrivaient d'ailleurs les auteurs du rapport Mireault lorsqu'ils disaient que «notre recommandation aurait [...] pour effet ? enfin, leur recommandation à l'époque, là ? de positionner les entreprises québécoises dans un cadre légal qui serait davantage en harmonie avec les règles et les pratiques en vigueur ailleurs au Canada et à certains égards aux États-Unis sans pour autant, croyons-nous ? c'étaient les auteurs, évidemment ? mettre en cause des droits fondamentaux reconnus aux salariés québécois».
Si on revient à l'objectif de ce qu'était l'adoption de l'article 45 à l'époque, lorsqu'il fut introduit dans notre législation du travail, le législateur québécois visait à protéger l'accréditation syndicale et la continuité de la convention collective dans un cas d'aliénation ou de concession totale ou partielle.
On sait tous, comme on le disait tout à l'heure, que c'est uniquement à la faveur des interprétations jurisprudentielles qu'ici au Québec la sous-traitance fut graduellement assimilée à de la concession partielle d'entreprise. Avec respect, nous étions d'avis que cette interprétation s'écartait de l'intention initiale du législateur et qu'en dépit même des termes de l'article 45, similaires aux textes édictés dans d'autres provinces, nos entreprises étaient confrontées à des règles beaucoup plus rigides qu'ailleurs et que leur développement, soumis plus que jamais aux impératifs des marchés concurrentiels, était restreint par cette entrave sérieuse.
C'est d'ailleurs cette clarification que nous réclamions, à la Fédération, à la FCCQ. Et jamais ? et ça, on tient à le souligner ? nous n'avons demandé que le texte de cet article soit abrogé et que la protection accordée par l'article 45 disparaisse évidemment en cas de concession véritable ou d'aliénation partielle ou totale. Le projet de loi n° 31 ramène donc le libellé de l'article 45 à l'économie générale du code en redonnant aux parties la maîtrise d'oeuvre de leurs négociations pour déterminer en équilibre les contours qu'elles voudront bien donner à leur organisation du travail, selon les particularités de leur entreprise et surtout selon la conjoncture du marché et de la concurrence. Il ne faut pas croire d'ailleurs que le projet de loi présenté fasse disparaître les clauses de sous-traitance qui existent dans la majorité des conventions collectives. Ce qu'il fera, toutefois, c'est qu'il ne donnera plus à l'une des parties un avantage législatif qui déstabilisait les rapports, en outre d'imposer un contrat négocié à un sous-traitant qui n'a généralement pas les capacités de le supporter.
Il est donc excessif de prétendre, comme le font certaines centrales syndicales, que le projet de loi n° 31 entraînera une catastrophe nationale. C'est d'ailleurs ce que le Pr Alain Barré écrivait récemment dans un article publié dans La Presse, où il mentionnait que les dispositions de conventions collectives demeuraient toujours en vigueur. D'autres défendent presque la thèse inverse et brandissent comme une menace la possibilité d'accroissement des clauses négociées limitant la sous-traitance et plaident que, pour y arriver, les syndicats radicaliseront leurs discours et leurs méthodes, fragilisant ainsi la paix industrielle chèrement acquise.
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(12 heures)
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Nous prétendons au contraire que les travailleurs sont parfaitement au fait de la conjoncture de leur entreprise et qu'il sera nettement préférable que les parties choisissent elles-mêmes ce qu'elles veulent négocier. Et nous sommes convaincus que, dans la foulée des grandes tendances qui se sont imprimées dans les relations de travail depuis plusieurs années au Québec, les parties souhaitent fonctionner de manière réaliste, selon la dynamique propre aux relations de travail, en souplesse et en fonction du type d'industrie, des marchés et des circonstances de chaque époque pour préserver la vie de l'entreprise et donc évidemment des emplois qu'elle génère.
Dans les cas où l'article 45 trouvera application et que la transmission des droits et obligations aura lieu, la négociation immédiate de la convention collective ne sera pas non plus, à notre sens, la mesure d'appauvrissement que craignent certains. Si inquiétude il y a, on pourra même s'étonner qu'elle n'ait pas été soulevée lors de la dernière réforme du code, en 2001, quand le précédent gouvernement avait édicté que la convention transmise ne pouvait durer au plus qu'un an. La proposition actuelle ne permet qu'un peu plus de souplesse pour adapter 12 mois plus tôt les rapports collectifs à la situation du sous-traitant qui n'a pas négocié le premier contrat. Il faut aussi mentionner que les dispositions de l'article 59 sur le maintien des conditions de travail continuent à s'appliquer.
Par ailleurs, il importe de préciser, notamment pour apaiser certaines craintes qui tiennent presque de la désinformation, qu'un sous-traitant peut difficilement recourir à un lock-out dans la mesure où il vient d'obtenir un contrat d'un donneur d'ouvrage parce que plus performant que le donneur d'ouvrage lui-même dans une activité donnée et qu'il doit évidemment s'acquitter de l'obligation de réaliser son contrat. Quel sous-traitant prendra le risque de ne pouvoir livrer la marchandise?
De façon plus spécifique, j'aimerais attirer votre attention sur le libellé du projet de loi, particulièrement sur l'article 2, où certains groupes ont suggéré que le ministre revoie le libellé de l'article, plus particulièrement l'expression «la plupart des autres éléments caractéristiques de la partie d'entreprise visée».
Nous ne partageons pas l'opinion que l'on devrait revoir ce texte parce que nous croyons que le législateur... ce que le législateur tente de faire en introduisant ce texte, c'est simplement la codification de la jurisprudence de la Cour Suprême qui est venue définir essentiellement qu'est-ce qu'était une entreprise. Ce texte d'ailleurs s'inscrit dans l'esprit des propos du juge Beetz, dans le célèbre arrêt de la Cour suprême dans Bibeault, où le juge Beetz s'exprimait en ces termes: «Au lieu de porter erronément sur un seul facteur, le test du maintien de l'entreprise suppose l'identification des éléments essentiels d'une entreprise, lesquels doivent se retrouver de façon suffisamment importante chez le nouvel employeur.» On voit donc naître la notion de plusieurs éléments d'une entreprise. Évidemment, cette décision du juge Beetz reprenait la décision du juge Lesage dans Mode Amazone, où le juge Lesage, du Tribunal du travail, avait défini l'entreprise comme étant « un ensemble organisé suffisant des moyens qui permettent substantiellement la poursuite en tout ou en partie d'activités précises. Ces moyens, selon les circonstances, peuvent parfois êtres limités à des éléments juridiques ou techniques, ou matériels, ou incorporels».
Donc, nous réitérons que les termes employés sont suffisamment clairs et qu'il n'est pas opportun de tenter de les préciser, de préciser quelles pourraient être les caractéristiques requises pour qu'il y ait véritablement concession partielle d'entreprise, puisque, évidemment, les entreprises possèdent toutes des caractéristiques différentes. Le texte proposé dans le projet de loi n° 31 a le mérite de préserver la souplesse dont les tribunaux se prévaudront pour adapter la définition aux réalités multiples des différentes entreprises. Et, comme le soulignait le juge Beetz dans l'arrêt Bibeault, «chaque cas est un cas d'espèce lorsqu'il s'agit d'additionner un certain nombre de composantes pour retrouver les assises de l'entreprise, en tout et en partie»».
Un autre élément sur la notion de transfert. Certains pourront prétendre que les textes des autres provinces qui traitent de la notion de concession partielle se contentent d'utiliser le terme «transfert» sans par ailleurs mentionner que la plupart des autres éléments caractéristiques de l'entreprise visée doivent être inclus dans ce transfert. Évidemment, ce que nous prétendons, c'est que l'état de la jurisprudence québécoise nécessite que le législateur soit plus précis que dans les autres juridictions où on n'a pas assimilé la simple sous-traitance à un transfert d'entreprise. Donc, il faut, je pense, venir qualifier la notion de concession tel qu'on l'a fait à l'article 2.
Le délai du recours. Évidemment, en vertu de l'article... On doit souligner notre étonnement de voir disparaître le délai qui avait été introduit lors de la récente réforme pour exercer un recours en vertu de l'article 45. On avait... Lorsque le législateur s'était laissé convaincre, au moment de cette réforme-là, de la nécessaire... qu'il était nécessaire d'introduire un semblable recours pour assurer la stabilité des relations entre les parties, évidemment la prévisibilité des conséquences d'une concession... Ce que nous vous suggérons... parce que nous croyons qu'il est toujours opportun que ce délai-là, qui était de 270 jours, de la concession ou de la connaissance de la concession, soit réintroduit dans le Code du travail pour permettre, dans le cas d'une véritable concession ou aliénation, que les parties... d'assurer une certaine sécurité de la relation qui existe entre les parties.
Ce sont essentiellement nos commentaires sur l'aspect plus juridique du projet de loi. Je demanderais maintenant à Mme Bertrand de nous dire pourquoi il est essentiel d'agir dans le cadre économique que le Québec vit aujourd'hui.
Mme Bertrand (Françoise): Merci, André. Nous sommes profondément convaincus que le gouvernement devait absolument donner un signal clair aux acteurs de l'économie québécoise. Bien que nous ayons, à plusieurs égards, nettement amélioré notre bulletin, certaines statistiques démontrent néanmoins que nous avons encore beaucoup de travail à faire, et nous croyons que les écarts qui demeurent sont des écarts structurels pour lesquels ce sont des changements structurels qui doivent être amenés. D'abord, un taux de chômage qui est toujours plus élevé au Québec qu'en Ontario. Durant le mois d'octobre 2003, le taux de chômage québécois était de 9,3 %, comparativement à 7 % en Ontario, un écart de 2,3 % au détriment du Québec. Cet écart entre les taux de chômage québécois et ontarien n'est par ailleurs pas nouveau. On sait bien qu'il existe des cycles économiques, mais il faut observer que, depuis 1983, l'écart moyen entre le taux de chômage québécois et ontarien est de 3,2 %. Cet écart, que l'on peut qualifier de structurel, peut découler d'un fardeau fiscal plus élevé, mais nous croyons qu'il est notamment induit par des normes et des règlements qui imposent une plus grande rigidité au marché du travail.
De plus, une croissance de l'emploi historiquement moins rapide. Entre 1983 et 2002, l'emploi a augmenté de 42 % en Ontario contre 33 % au Québec. Si l'emploi avait augmenté chez nous au même rythme qu'en Ontario, le Québec compterait aujourd'hui 237 000 emplois de plus. Bien qu'en 2002 le PIB québécois ait représenté environ 21,4 % du PIB canadien, le Québec par ailleurs n'a bénéficié que de 17,6 % des investissements privés. Cet écart représente annuellement plus de 6,2 milliards non investis chez nous.
Comme le démontre l'économiste Pierre Fortin dans une étude de janvier 2003, notre retard de productivité, conjugué à la faiblesse de notre taux d'emploi, maintient le niveau des Québécois à un taux inférieur de 12 % à celui des Ontariens et 30 % à celui des Américains. Il faut augmenter la productivité pour améliorer notre compétitivité. Selon la Financière Banque Nationale, le Canada a vu sa productivité croître de 13 % depuis 1995. Durant la même période, les États-Unis ont fait croître la leur de 26 %. Selon une autre étude de Pierre Fortin, toujours en 2002, la productivité globale de l'économie québécoise était inférieure de 13 % face à celle des États-Unis.
Depuis 2001, la forte hausse du dollar a par ailleurs réduit significativement la compétitivité de nos entreprises et accru la nécessité d'augmenter leur productivité. Si on en est réjoui comme touristes lorsqu'on va au États-Unis, du point de vue manufacturier, c'est vraiment un poids de plus. Cette concurrence prend désormais un visage international. En un peu plus de 20 ans, la part du commerce international dans l'économie a doublé. En 1981, les exportations du Québec représentaient 19 % du PIB, alors qu'en 2002 elles atteignent plus de 38 %. De la même manière, les importations du Québec représentaient alors plus de 18 % du PIB, et aujourd'hui 33 % du PIB québécois provient de l'extérieur. Nos entreprises québécoises font donc face à une concurrence accrue sur leur propre terrain.
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(12 h 10)
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La sous-traitance: une façon d'être plus concurrentiels et d'accroître la productivité des entreprises. Pour préserver et même accroître cette compétitivité dans la mouvance économique et technologique actuelle, il faut donner aux entreprises la capacité d'évoluer et de s'adapter aux nouveaux contextes. Le développement du tissu économique et les impératifs induits par la concurrence obligent à raffiner les procédés et à réévaluer les méthodes. Les entreprises qui choisissent de recourir à la sous-traitance le font généralement pour se délester d'un processus, procéder à un transfert d'activités ou pour profiter d'une expertise qu'elles ne peuvent elles-mêmes rentabiliser et ainsi se consacrer à leur créneau d'excellence, appelé en chinois leur «core business». Dans certains cas, c'est la performance qui est en cause. Dans d'autres cas, c'est même la survie de l'entreprise.
Il est indéniable que la sous-traitance se pratique au Québec. Une étude du professeur Jalette, de l'Université de Montréal, soutient même que, tous les secteurs confondus, le volume de sous-traitance est très semblable à celui de l'Ontario. Mais, à partir des données de cette étude et en distinguant les secteurs où le recours à la sous-traitance est le plus fréquent, on constate plutôt qu'à ce chapitre le Québec se démarque significativement de l'Ontario. En effet, dans les secteurs de la gestion d'entreprise, des services administratifs et autres services qui font souvent l'objet de sous-traitance, les données récentes démontrent que la part de l'emploi du Québec a fortement diminué depuis 1988, comparativement à l'Ontario. Entre 1988 et 2002, dans ces seuls secteurs, cet écart est passé du simple au double, soit l'équivalent d'environ 14 000 emplois en moins. Or, on sait que ce sont des secteurs de prédilection ? oui, je me dépêche.
Le recours accru à la sous-traitance, selon nous, ne porte pas atteinte à la création d'emplois de bonne qualité. Et nous croyons que, même si on se base sur l'analyse empirique, réalisée en 2000 par le professeur Marc Van Audenrode, de l'Université Laval, la différence dans les salaires n'était que de 4 %, et, même s'ils devaient être un peu plus élevés, nous croyons que la performance générale des employeurs québécois et donc de l'économie québécoise n'en serait que fortifiée.
Je vais aller à la conclusion. Même si la réglementation trop rigide du travail ne constitue pas le seul frein aux initiatives mais un des facteurs, elle constitue néanmoins pour nous une variable qui peut souvent influencer des décisions d'affaires fondamentales, une implantation ou un agrandissement d'usine, un investissement additionnel ou, ce que nous déplorons tous, un départ. Le projet de loi n° 31 témoigne de l'intention gouvernementale de redonner aux entreprises québécoises des outils susceptibles d'influencer ces décisions et les moyens essentiels à l'accroissement de leur capacité de se mesurer à la concurrence afin qu'elles puissent continuer d'évoluer. Je vais m'interrompre ici, et, comme tout le monde a la copie du mémoire, nous serons heureux, au fil des questions, de ramener peut-être certains chiffres à l'appui de nos arguments.
Le Président (M. Bachand): Merci, Mme la présidente, et merci, M. Tremblay. Donc, nous allons permettre un échange, comme vous le souhaitez, Mme la présidente, donc un échange qui sera sûrement très intéressant sur ce que vous avez à répondre en ce qui a trait à votre présentation de mémoire. Et je vais vous indiquer un petit peu rapidement comment ça va se passer, même si on l'a déjà fait. On va fonctionner par blocs de 10 minutes. On va privilégier donc le côté ministériel en premier et terminer par l'opposition, et ces échanges-là vont permettre enfin de répondre à toutes les questions. Et je m'en voudrais de ne pas souhaiter la bienvenue à M. le ministre, et à toute son équipe, et à mes confrères aussi, à mes collègues de l'Assemblée nationale. Donc, nous allons ouvrir ce premier bloc, M. le ministre.
M. Després: Merci beaucoup, M. le Président. Mes premiers mots seront pour remercier la Fédération des chambres de commerce du Québec, Mme Bertrand et l'équipe qui l'accompagne. En lisant votre mémoire, je suis obligé d'avouer que, en termes d'objectifs, on se rejoint parce que l'objectif du gouvernement en déposant le projet de loi est effectivement de ramener 45 au sens qu'il était lorsqu'il a été écrit en 1961, où, lorsque l'article a été écrit, on ne faisait pas de distinction entre la sous-traitance interne et externe mais que des jugements, au fil du temps, sont venus glisser pour définir une différence entre la sous-traitance externe et la sous-traitance interne.
Et, bien souvent, le député des Îles-de-la-Madeleine nous demande toujours d'où on a pris nos informations, et, dans le mémoire que vient de présenter la Fédération de la chambre de commerce, ils le précisent très bien, à la page 2 de leur document, hein: Notre vision correspondait à toutes les recommandations de très nombreux comités d'experts qui avaient été proposées aux gouvernements qui se sont succédé depuis quelque années. C'étaient eux qui ont commandé le rapport Mireault et le rapport du Groupe de conseil sur l'allégement réglementaire connu sous le rapport Lemaire.
Donc, la même chose. Ils étaient au gouvernement, c'est des recommandations qui étaient déjà là, qui existaient. Et tout ce qu'on a fait, en partie, c'est de reprendre les rapports qui existaient, d'aller revoir toute la documentation, les écrits qu'il y avait là-dessus et pour s'apercevoir que, si effectivement on vit dans un monde de plus en plus concurrentiel, qu'on est à côté effectivement, qu'on a des voisins et que les choses se font de cette façon-là chez eux, pourquoi on ne peut pas le faire chez nous? Parce que, effectivement, il y avait eu glissement dans la jurisprudence et on avait dénaturé avec le temps le sens de l'article 45. Donc, ce qu'on fait aujourd'hui, c'est de ramener au sens de l'article 45. Donc, les objectifs que vous donnez, que vous définissez dans votre mémoire nous rejoignent très bien.
Ceci étant dit, j'ai posé la question, mais j'ai vu dans le commentaire de votre mémoire sur la définition de «la plupart des éléments caractéristiques de l'entreprise», vous faites un rappel justement sur l'affaire Bibeault et sur la jurisprudence. Et, nous ? même, je posais la question ? ce qu'on a regardé, au ministère, au gouvernement, c'était de quelle façon on pouvait le définir et c'était la meilleure façon qu'on a trouvée pour le définir. J'ai posé la question hier aux différents groupes et je vois que vous semblez d'accord avec cette proposition-là.
Ce que j'aimerais revenir, c'est à la page 7 de votre mémoire dans le délai du recours, l'avant-dernier paragraphe: «Nous suggérons au législateur de réintroduire le délai prescrit par le deuxième alinéa de l'article 45.1 actuel qui avait été adopté parce que conforme à la jurisprudence dominante à l'époque.» Nous, ce qu'on a voulu faire dans le projet de loi, c'est justement d'éliminer cette espèce d'insécurité là pour les employés et pour les employeurs, qui faisait qu'on pouvait attendre jusqu'à 270 jours pour savoir si les choses devaient s'appliquer.
Et je pense que ce n'est pas simple ni pour une partie ni pour l'autre. Ça a des avantages de venir, pour vous peut-être, s'appliquer automatiquement, mais, bien au contraire, on vient justement d'éliminer un flou, d'éliminer une espèce d'insécurité de savoir qu'est-ce qui arrive. Il y aura toujours la Commission des relations du travail qui pourra se prononcer là-dessus. Mais j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que, pour nous, c'est clair qu'au niveau de la protection des droits des travailleurs c'est quelque chose qui vient préciser pour les travailleurs, éliminer cette insécurité-là et pour l'entreprise aussi. Donc, j'aimerais que vous m'expliquiez, là, pourquoi vous êtes intéressés à réintroduire cette mesure-là.
Le Président (M. Bachand): M. Tremblay.
M. Tremblay (André): Oui. M. le ministre, peut-être qu'on a une mauvaise lecture du projet de loi. En fait, l'interrogation qu'on avait... Parce que, évidemment, vous avez introduit un recours en vertu de 46 dans un cas où on parle de sous-traitance, un recours pour éviter que le recours à la sous-traitance puisse avoir pour effet, là, d'entraver des activités syndicales, les activités d'un syndicat.
Mais, là où le questionnement se pose, c'est, dans la mesure où on est en présence d'une concession partielle, une véritable concession partielle, on ne voit pas le recours... on ne voit pas comment le recours devra... ou dans quel délai le recours devra être exercé à la Commission des relations du travail. Et la crainte qu'on avait, c'est qu'on revienne à la situation antérieure, avant l'adoption de l'ancien article 45.1 qui nous donne 270 jours pour que... Ce délai-là finalement a été fixé par la jurisprudence dans certaines décisions, mais, antérieurement, il n'y en avait pas, de délai.
Donc, on ne voulait pas revenir à une situation où le délai serait un délai qu'on ne connaîtrait pas, qui pourrait être... On pourrait revenir à une interprétation qui dirait: Bien, comme on a aboli le délai de 270 jours, on est maintenant en présence d'un délai qui n'existe plus. Donc, on pourrait avoir encore, comme c'était le cas à l'époque, plusieurs années avant que... Quelqu'un pourrait ressortir l'application de l'article 45 plusieurs années par la suite et déposer une requête en disant: Voici, la situation est changée, et, 45 étant d'ordre public, on l'applique, là. Et c'est simplement... peut-être que c'est une mauvaise lecture, mais c'est cet aspect-là de l'application de 45 qu'on voulait essayer de couvrir ou en tout cas sur lequel on s'interrogeait.
Le Président (M. Bachand): M. le ministre.
Mme Bertrand (Françoise): Guy, veux-tu compléter?
Le Président (M. Bachand): Oui?
M. Tremblay (Guy): Oui. Il faut comprendre que le 270 jours, c'est une retombée de l'arrêt de la ville de Saint-Hubert. C'était sous la plume du juge Lebel qui en était arrivé à la conclusion qu'il était déraisonnable de recourir à l'article 45 plus de neuf mois après le transfert des droits et activités.
Ce qu'on craint, c'est que cette modification-là ? elle a quand même vécu pendant un certain temps ? c'est qu'en la retirant, bien... on soit en mesure de penser qu'en retirant l'avis, bien, que 270 jours, ce n'est plus déraisonnable, alors, par le fait de la disparition. Alors, il est toujours bon d'avoir un délai parce qu'un délai, bien, ça crée une certitude. Au moins, on sait que, suite au délai, si le recours n'a pas été exercé, bien, on sait évidemment qu'il ne pourra pas être exercé. C'est évident qu'il y a toujours l'incertitude pendant le 270 jours, mais là on a eu des cas d'horreur, je dois vous le dire, où ça a pris deux, trois ans avant de faire un recours à 45, et il était toujours recevable par les commissaires du travail et le Tribunal du travail.
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(12 h 20)
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Le Président (M. Bachand): Merci, M. Tremblay. C'est bien ça, M. Tremblay? Oui?
M. Tremblay (Guy): Oui. C'est deux Tremblay, c'est fait comme ça. Ils viennent de la même région, mais ils ne travaillent pas à la même place.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bachand): M. le ministre.
M. Després: Merci beaucoup, M. le Président. Je vous remercie pour vos commentaires, c'est une suggestion qu'on va effectivement regarder. Ce qui nous préoccupait d'un côté, c'était cette insécurité-là pendant 270 jours. Mais effectivement il faut tenir compte de la possibilité qui fait que, dans le temps, on peut revenir à un recours... deux ou trois ans, comme vous expliquiez. On prend bonne note des commentaires et on va regarder ça.
En revenant par rapport à la page... à la page 8, c'est-à-dire en ce qui concerne la croissance ou la faiblesse des investissements privés, où vous dites qu'on va chercher 17,6 % des investissements par rapport à 21,4 % par rapport à la population qu'on représente, donc une perte annuelle de 6,2 milliards... J'ai vu les données, qui ne sont pas nécessairement dans votre mémoire, mais par rapport à l'Ontario. Est-ce que vous pensez...
Parce que je pense que c'est un ensemble de conditions qui fait que les investissements au Québec vont augmenter, de par sa législation, de par sa fiscalité. Il y a un certain nombre de facteurs. Est-ce que vous pensez qu'on contribue, en modifiant l'article 45, à être un des éléments, sûrement pas l'élément qui va faire augmenter les investissements, mais comme un élément qui permet aux investisseurs au Québec d'être plus ouverts à investir chez nous?
Le Président (M. Bachand): En deux minutes, Mme Bertrand, s'il vous plaît.
Mme Bertrand (Françoise): Oui. Vous êtes sûr? Deux minutes, oui. Nous sommes convaincus que c'est un des facteurs, que c'est le type de signal dont nous avons besoin pour intéresser des employeurs québécois aujourd'hui à investir davantage et à des employeurs d'ailleurs d'investir au Québec. Et, si on avait plus de deux minutes, on vous donnerait des histoires, parce que, évidemment, les deux M. Tremblay sont appelés, pour des clients, à examiner les conditions qui prévalent pour attirer des investissements, et il y a de ces témoignages très nets qui nous sont rapportés aussi par les employeurs que nous représentons.
Le Président (M. Bachand): Merci, Mme Bertrand. Donc, nous allons passer... Oui, M. le ministre.
M. Després: On y reviendra tout à l'heure.
Le Président (M. Bachand): Oui, à la suggestion effectivement de M. le ministre. Il faut bien comprendre que vous allez avoir un autre bloc de 10 minutes qui va vous permettre d'intervenir en présence de M. le ministre, donc il n'y a pas de problème.
Donc, je vais donner l'opportunité à M. le député des Îles-de-la-Madeleine de s'exprimer. M. le député.
M. Arseneau: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour de souhaiter la bienvenue à Mme Bertrand et MM. Tremblay, si je comprends bien, et aux gens qui l'accompagnent. Beaucoup apprécié la présentation de votre mémoire.
J'aimerais aller immédiatement du côté d'un des éléments que vous soulevez dans votre mémoire, entre autres à la page 4, lorsque vous parlez, là, que d'autres défendent une thèse inverse à celle que vous défendez en ce qui concerne les travailleurs et que ça pourrait aller, là, dans une radicalisation, tout ça, pour fragiliser ainsi la paix industrielle chèrement acquise. Et vous dites: Nous ne croyons pas qu'il faille considérer que ça va aller vers une détérioration du climat des relations de travail.
Il y a quelques instants, on avait peine à s'entendre ici. Je pense qu'on est déjà juste au début d'un processus, et de toute évidence il y a déjà un braquage, il y a déjà une manifestation. Je voyais aussi... Lors de la conclusion de votre mémoire, où vous abordez cet élément, vous dites, par exemple: «Le projet de loi envoie en fait un signal clair que le gouvernement du Québec veut instaurer un climat d'affaires plus souple et mieux adapté aux réalités contemporaines.»
Quand on parle de climat d'affaires ? et c'est là-dessus que j'aimerais vous entendre ? est-ce que, puisque les gains qu'on pourrait faire éventuellement en modifiant l'article 45... Et, là-dessus, il n'y a pas beaucoup de certitude à venir jusqu'à maintenant, et on pourra revenir plus tard, là, dans les éléments que vous abordez dans votre mémoire. Est-ce que les gains qu'on pourrait peut-être faire ne risquent pas d'être perdus en regard des impacts sur le climat de travail, affrontements? Est-ce que, ça aussi, ce n'est pas une décision ou un élément qui est pris en cause par les investisseurs lorsqu'il est question d'investir en quelque part, le climat de travail? Et j'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce que, par exemple, vous pourriez me donner un exemple d'une entreprise qui serait partie à cause de l'article 45?
Le Président (M. Bachand): Mme Bertrand.
Mme Bertrand (Françoise): Écoutez, d'abord, en écho avec l'écho que nous entendons, je pense qu'il est certainement normal que dans une démocratie comme la nôtre, tant qu'un projet de loi n'est pas adopté, qu'on ait des lieux de débats publics et la possibilité de s'exprimer. De la même façon que nous sommes invités ici, que d'autres parties seront invitées, là, hier, et aujourd'hui, et demain, je pense qu'on a le droit de manifester ici, au Québec, et, même si ça fait en sorte un peu d'écho, je pense que c'est sain et salutaire. Ceci ne met pas en péril, selon nous, par ailleurs, le climat des relations de travail dans son ensemble, et ce sera vraiment du cas, par cas dans chaque organisation, très lié aux conditions précises dans lesquelles une entreprise fonctionne.
J'aime à rappeler que 56 000 employeurs au Québec, que nous représentons, vivent partout au Québec, et essentiellement ils aiment quand leurs organisations fonctionnent bien, qu'ils ont beaucoup de ventes et qu'ils ont une bonne productivité, qu'ils ont un bon profit, mais ils aiment avoir une bonne entente aussi avec leurs employés, c'est crucial et important, parce que c'est comme ça qu'on vit de façon harmonieuse dans l'ensemble des collectivités au Québec.
Par rapport à: Est-ce qu'on a un exemple précis sur l'article 45?, je pense que, comme M. le ministre l'évoquait tantôt, c'est un ensemble de facteurs qui donnent les signaux aux investisseurs et aux employeurs. Puis à cet égard-là j'aime passer la parole à mon président et un ancien président de la Fédération parce qu'ils représentent les employeurs eux-mêmes, ils sont employeurs.
Le Président (M. Bachand): M. Tremblay.
M. Tremblay (André): Oui, merci. Écoutez, moi, au soutien de ce que Mme Bertrand vient de répondre, si on parle de la détérioration du climat de travail, on comprend qu'on est en train... Évidemment, l'article 45 est un symbole, autant d'un côté comme de l'autre, on le comprend, et je pense que ce qui se passe à l'extérieur nous démontre qu'effectivement 45 est un symbole. Bon.
Mais, au-delà du symbole, il faut regarder aussi la réalité, et le discours qu'on vous tient aujourd'hui... Et vraiment on n'a pas d'exemple d'entreprise, mais je peux vous dire, M. le député, qu'on a un comité aux relations de travail sur lequel siègent les représentants d'une vingtaine d'entreprises à la Chambre de commerce du Québec, et, dans le cadre de la préparation de notre participation ce matin, on a eu plusieurs rencontres, et il y a des... oui, il y a des exemples précis, pas de choses... d'entreprises qui nous ont dit qu'ils n'avaient pas accepté des contrats d'impartition ou de différente nature parce que, dans leur organisation de travail, ils ne pouvaient pas se voir transférer des accréditations d'entreprises donneurs d'ouvrage, bon, et il y a eu plusieurs témoignages à cet effet-là. Évidemment, vous comprendrez que c'est des choses privées dont on va taire les noms, mais, oui, on a eu des exemples concrets là-dessus.
Et l'autre élément qui est fondamental, puisqu'on... d'ailleurs, c'est ce qu'on souligne dans le mémoire, les grandes organisations ont tous des cas... Le Québec est la population la plus syndiquée en Amérique du Nord, hein, et, dans les conventions collectives, il y a des dispositions qui prévoient la possibilité d'aller en sous-traitance. Donc, ces conventions collectives là demain vont continuer à s'appliquer, les gens vont continuer à être régis par les conditions de travail qui sont prévues à leurs conventions collectives. Donc, si demain matin Alcan, Abitibi-Consol, ou «name it», ou n'importe quelle entreprise veut avoir recours à de la sous-traitance, elle devra se conformer aux dispositions de sa convention collective. Donc, pour nous, on ne pense pas que, demain matin, dans le quotidien des travailleurs, de l'ensemble de ces travailleurs-là, ça va changer beaucoup de choses.
Là où ça va changer, ça va être dans ce qui va... le message qu'on va lancer, qui va permettre à des entreprises de dire: Bien, peut-être qu'avec la nouvelle réalité qu'on vit, compte tenu du contexte concurrentiel dans lequel on est, on est capables de faire les choses différemment, puis on va s'en parler, puis on va établir les façons dont on va le faire avec nos gens, comme ça se fait dans le cas... autour de tables de négociation, puis on arrive à des consensus entre syndicats et patrons.
Le Président (M. Bachand): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.
n(12 h 30)nM. Arseneau: Oui. Merci, M. le Président. C'est intéressant, mais, quand même, nous, on est ici, autour de cette table, devant cette commission, pour entendre les gens qui viennent nous présenter des points de vue, des éléments. Bon, quand vous parlez de taux de syndicalisation ou des clauses dans les conventions collectives, moi, je n'ai pas vu encore de données dans votre mémoire en ce qui concerne le nombre de celles qui seraient vraiment blindées, là, pour les protéger contre la sous-traitance, parce qu'il se fait de la sous-traitance.
J'aimerais aborder avec vous la question de l'appauvrissement des travailleurs, puisque vous en parlez aussi à la page 4, dans le troisième paragraphe: «Dans cette même perspective, dans les cas où l'article 45 trouvera application et que la transmission des droits et obligations aura lieu, la négociation [...] ne sera pas non plus la "mesure d'appauvrissement des travailleurs".» On a eu hier soir devant nous un spécialiste du droit du travail, et, moi, je suis certain qu'il en savait plus que moi là-dessus, il n'y a pas de problème. Mais j'ai été impressionné par la démonstration. Et j'aimerais que vous vous exprimiez là-dessus, sur la démonstration qu'il nous a faite en regard de la sous-traitance interne et de la sous-traitance externe. Et, moi, j'ai vu, je vous le dis bien franchement, là, comme une démolition en règle de l'argument selon lequel le Québec serait plus concurrentiel avec ses voisins de l'extérieur du Québec en modifiant l'article 45. M. Barré, entre autres, nous a dit que l'article 45 ne s'appliquait à peu près jamais dans le cas de la sous-traitance externe et que c'était dans les cas de la sous-traitance interne dans certains secteurs. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Est-ce qu'il y a des entreprises vraiment dans les... Parce qu'on sait qu'il s'en fait, de la sous-traitance. Et, dans le cas, entre autres, des travailleurs spécialisés, c'est bien sûr qu'ils vont peut-être conserver des salaires intéressants et des choses comme ça. Mais, dans le domaine de la sous-traitance à l'interne, dans certains secteurs ? vous avez abordé le secteur public tantôt ? ne croyez-vous pas que ça va avoir pour effet d'appauvrir les travailleurs du Québec dans certains secteurs et qu'à ce moment-là les travailleurs ont raison de s'inquiéter?
Le Président (M. Bachand): Mme Bertrand, une minute et demie.
Mme Bertrand (Françoise): Une minute et demie? Me Guy Tremblay va répondre.
Le Président (M. Bachand): M. Tremblay.
M. Tremblay (Guy): Les exemples ne sont jamais aussi percutants qu'un employeur prend ses valises parce que l'article 45 va s'appliquer. C'est des occasions d'affaires qui sont souvent ratées. Et on n'a qu'à lire dans nos recueils jurisprudentiels pour la comprendre, l'application de l'article 45.
Lisez l'affaire de Sept-Îles, où une municipalité avait décidé de confier la cueillette de ses ordures en sous-traitance. Évidemment, on comprend que le sous-traitant a résisté, et il a fallu que la Cour suprême confirme que c'était de la sous-traitance. C'est quand même des personnes qui peuvent aussi à leur tour être syndiquées, avec un jeu de conditions de travail qu'elles auront négociées.
Prenez l'affaire de l'Université McGill. C'est une entreprise qui évidemment fait l'entretien de ses bâtiments, elle décide de céder un de ses bâtiments à un sous-traitant pour qu'il en fasse l'entretien, il n'y a personne qui est mis à pied, il n'y a personne qui est privé de son travail, et évidemment le sous-traitant se voit accablé de l'article 45 avec une convention qui a été négociée pour le secteur public. Ça ne veut pas dire que les personnes qui travaillaient pour cette entreprise de services ménagers sont au seuil de la pauvreté. Ils ont un jeu de conditions de travail qu'ils ont négociées avec leur employeur. Évidemment, ils ne veulent pas s'en faire imposer un autre. Il y a aussi celle de la ville de Saint-Hubert, il y a l'affaire Ivanhoé. Nos recueils de jurisprudence regorgent de ces cas-là, et c'est exactement, je pense, ce que le projet, l'article 2 cherche à corriger. Ce n'est pas une cible pour un appauvrissement, c'est d'éviter des... en fait, ce qu'on qualifie du côté patronal comme étant des aberrations où jamais l'article 45 n'a eu ce dessein-là.
Le Président (M. Bachand): Merci beaucoup, M. Tremblay. Donc, je vais privilégier le côté ministériel. M. le ministre.
M. Després: Peut-être un simple commentaire. Parce que, lorsqu'on parle de la concurrence puis de la compétitivité des entreprises, on parle de l'ensemble de ces activités. Qu'on fasse de la sous-traitance interne ou externe, tant qu'on veut être concurrentiel, c'est l'ensemble de ces activités. Et ce qu'on a toujours visé, M. le Président, dans le cadre du projet de loi, c'est de revenir effectivement au sens de 45, comme il avait été écrit, parce qu'on l'a dénaturé au fil du temps, comme vient de dire Me Tremblay, par le cas de Sept-Îles ou le cas de l'Université McGill qui est une belle démonstration où effectivement ? parce qu'il y a des conventions collectives au-dessus de ça, il ne faut pas l'oublier ? le personnel, dans le cas de l'Université McGill, a été replacé, a été protégé. Mais, parce qu'on donne de la sous-traitance alors que le personnel ni les employés ne suivaient, on transférait les conditions... C'est l'institution qui a suivi, ce n'est pas... les travailleurs, ce n'est pas le droit des travailleurs, c'est l'institution qui s'est déplacée chez un sous-traitant. Et c'est ça qu'on veut corriger dans le projet de loi, puis c'est ça qui va permettre aux entreprises, dans l'ensemble de ces activités, d'être plus concurrentielles.
M. le Président, je voulais tout simplement faire un commentaire. Je sais que mon collègue de Saint-Jean est intéressé à interpeller les gens de la Fédération. Je le laisserais.
Le Président (M. Bachand): M. le député de Saint-Jean.
M. Paquin: Merci, M. le Président. Moi, le côté que j'aimerais apporter, c'est un peu... ça va un petit peu... ça approche un peu de ce que le député des Îles-de-la-Madeleine a parlé il y a quelques instants, mais plus complet ou plus en profondeur, de façon un peu modifiée.
Pour moi, qu'il y ait plus de création d'emplois au Québec, c'est d'une importance capitale, M. le Président. Et plus qu'il y a de Québécois et de Québécoises qui travaillent, et plus ça va, plus que le Québec va mieux, et plus qu'on progresse. Certaines personnes passent beaucoup de temps à mentionner que l'amendement, ou que le projet de loi n° 31, ou l'amendement à l'article 45 va créer du chômage plutôt que de créer de l'emploi. Dans votre mémoire, vous mentionnez très bien de façon ferme que cet article, ce projet de loi là va aider à créer plus d'emplois au Québec, donc à faire progresser le Québec et les gens de chez nous. J'aimerais que vous élaboriez un peu dans ce sens-là, que vous nous apportiez des arguments pourquoi que vous croyez que le projet de loi n° 31 va aider à créer de l'emploi chez nous.
Le Président (M. Bachand): Mme Bertrand.
Mme Bertrand (Françoise): Alors, en fait, ce que nous disons, c'est: On observe, au cours des 20 dernières années, un progrès net par rapport à la situation, soit-elle des investissements, la création d'emplois, mais nous remarquons qu'il demeure des écarts importants, des écarts que nous qualifions ? et nous ne sommes pas les seuls, les grands économistes les qualifient de la même manière ? comme des écarts structurels. Si ce sont des écarts structurels, forcément il n'y a pas de solution miracle, il n'y a pas une seule solution qui va venir vraiment faire foi de tout.
Nous disons par ailleurs: Compte tenu que l'esprit de l'article 45 n'était pas celui qui a prévalu dans l'exercice, dans l'application de cet article-là, voilà un facteur parmi d'autres, mais un facteur qui donne un signal net que, chez nous, on prend en compte le fait qu'aujourd'hui les entreprises, pour être plus compétitives, doivent absolument se consacrer à l'excellence dans leur «core business» et que, à partir de cette reconnaissance, il est très important que certaines autres fonctions, qui ont une incidence sur leur compétitivité, soient confiées souvent à des gens qui ont plus de savoir, plus d'expertise, plus de capacité d'innovation et les technologies les plus récentes.
Un bon exemple est dans le secteur professionnel et technique, si on pense à toutes les technologies de l'information, c'est définitivement un secteur où nous croyons qu'il y aura en effet une incidence très importante. Nous croyons qu'à cet égard nous avons un recul par rapport à l'Ontario, qui ne sera pas réparé à l'intérieur d'un mois, immédiatement après l'adoption de la loi, mais nous croyons que le signal qui est envoyé va d'une part corriger les choses avec le temps, dans ces secteurs-là, et envoie le signal aux employeurs du Québec et aux investisseurs à l'étranger qu'il y a une autre manière de regarder les conditions qui peuvent être gagnantes pour la création d'emplois. Je ne sais pas si...
Le Président (M. Bachand): Merci, Mme la présidente. M. le député de Groulx.
M. Descoteaux: M. le Président, ma question s'adresse plus particulièrement à Me Tremblay. Hier, mon collègue, ici, des Îles-de-la-Madeleine vous rapportait les propos d'Alain Barré comme étant presque une panacée. Je vous dirais que lui et moi hier avons peut-être plutôt croisé le fer sur une interprétation où on ne se rejoignait pas à tout le moins. Mais je voudrais faire appel à vos connaissances et à titre d'expert justement sur la proposition de l'article 45 où notre invité hier parlait du flou qui découlait de la proposition à 45, à la toute fin, où on indique que, pour qu'il y ait cession partielle au sens de l'article 45, la plupart des éléments caractéristiques de la partie d'entreprise étaient visés. Pour moi, ce texte est clair et, pour lui, il ne l'était pas.
n(12 h 40)n Et est-ce que je me trompe? Puis, surtout à la lumière de votre mémoire, si je m'en réfère, entre autres ? mais je ne veux pas mettre de paroles dans votre bouche, mais, pourtant c'est vous-même qui le dites ? à l'arrêt de la Cour suprême où le juge Beetz parlait justement de ce qu'est un transfert, puis je le cite à partir de votre texte: «Au lieu de porter erronément sur un seul facteur, le test du maintien de l'entreprise suppose l'identification d'éléments essentiels...» D'éléments essentiels, on ne les nomme donc pas tous, ça laisse place à l'appréciation. Donc, je poursuis: «...des éléments essentiels d'une entreprise, lesquels doivent se retrouver, de façon suffisamment importante...» Encore, ça laisse place à l'appréciation, ça laisse place à l'intelligence, mais on n'est pas obligé de tous les nommer. Et, à la lumière de cet arrêt de la Cour suprême, et rendu en partie sous la plume de l'honorable Jean Beetz, feu Jean Beetz, est-ce que le texte de la Cour suprême ne rejoint pas à toutes fins utiles la proposition du gouvernement, de 45, où on n'est pas obligés d'énumérer tous les éléments, mais le texte est suffisamment clair pour qu'il soit interprété de façon intelligente?
M. Tremblay (André): M. le député...
Le Président (M. Bachand): Oui, M. Tremblay.
M. Tremblay (André): Essentiellement, c'est ce qu'on dit dans notre mémoire. Je pense qu'il serait hasardeux et difficile de tenter de définir de façon exhaustive ce que sont les caractéristiques d'une entreprise parce que, d'une entreprise à l'autre, les caractéristiques principales vont varier. Si j'ai un marché d'alimentation où la localisation va être un facteur déterminant, bien, la caractéristique principale va peut-être être le bail de location. Mais, si j'ai un autre type d'entreprise, une entreprise manufacturière, ma localisation n'a plus aucune importance. Donc, ça va être la technologie de cette entreprise manufacturière là qui va être la caractéristique principale. Ce matin, on discutait, puis mon ami Guy parlait d'un taxi. C'est quoi, la caractéristique principale d'un taxi? c'est la licence, ce n'est pas la voiture, hein? Donc, c'est le permis de taxi qui devient la caractéristique principale. Donc, on voit dans trois exemples rapides, là, que chaque entreprise a à être définie avec une certaine intelligence et la perception, comme vous dites là, la perception de ce que sont ses activités puis ce pourquoi elle existe. Je ne sais pas si Guy veut compléter.
Le Président (M. Bachand): Oui, monsieur.
M. Tremblay (Guy): Donc, je trouve que c'est la rédaction la plus heureuse à laquelle vous pouviez en arriver. Et, comme André disait, essayer de décrire ce qu'est une entreprise, c'est comme essayer de décrire la vertu, c'est impossible. Quand on la voit, on la reconnaît, tout comme une entreprise.
Le Président (M. Bachand): Je vous remercie, M. Tremblay.
M. Descoteaux: Surtout quand on la pratique.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bachand): M. le député de Groulx, ça va comme intervention?
M. Descoteaux: Ça va. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bachand): M. le député de LaFontaine.
M. Tomassi: Merci beaucoup et bienvenue. Je vais m'y mettre, moi aussi. Et pour faire... suivre peut-être un peu le député des Îles-de-la-Madeleine, qui nous parlait d'un peu la manifestation qui a lieu présentement à l'extérieur, c'est à savoir si ces gens-là, ils viennent exactement défendre les intérêts des employés et non pas peut-être les accréditations syndicales.
Mais, au-delà de tout ça... Et hier on a entendu le chef de l'opposition en avant-première, on l'a entendu ce matin en Chambre et on a réentendu le député des Îles-de-la-Madeleine. Enfin, on parle de «cheap labor» et on revient toujours... parce que je pense que c'est peut-être le seul élément où ça accroche pour ces gens-là, à savoir que l'article 45 va permettre... va faire l'ouverture, en ce sens que la sous-traitance va apporter des emplois moins rémunérateurs, avec moins de conditions. Des fois, c'est à savoir si ces gens-là ont vécu dans le milieu de l'entreprise privée pour bien savoir les incidences que la mondialisation fait. On a eu le vice-président de Prévost Car, qui est venu nous voir hier et qui faisait mention du tableau de bord, où est-ce que l'importance de savoir s'ils vont le faire ici ou s'ils vont le faire à l'extérieur... Parce que, dans la mondialisation, le tableau de bord km/h, des chiffres, il peut bien être fait en Allemagne ou ici. S'il est fait ici puis on permet à une sous-traitance... c'est peut-être une autre entreprise qui va obtenir ce contrat-là, au lieu de dire: Bien, l'entreprise, bien, va quitter puis va aller le faire faire ailleurs. Et, en réalité, en bout de ligne, ce n'est pas non plus peut-être des pertes de conditions ou des pertes de salaires qu'on va avoir, mais c'est des pertes nettes d'emplois qu'on va avoir. Et je pense que, à la limite, l'article 45, les modifications qu'on apporte rouvrent un peu la porte à dire: On va en faire faire plus.
Mais, pour revenir au problème du «cheap labor», vous voyez ça comment, cette situation-là...
Le Président (M. Bachand): M. le député de...
M. Tomassi: Oui, excusez-moi.
Le Président (M. Bachand): Non, je suis désolé de vous interrompre, M. le député, c'est fort intéressant, mais malheureusement on ne pourra pas donner une réponse suite à cette question-là, compte tenu que le bloc est écoulé.
M. Tomassi: On va revenir.
Le Président (M. Bachand): J'en suis désolé.
M. Tomassi: Il n'y a pas de problème.
Le Président (M. Bachand): Donc, je vais céder la parole à l'opposition. Donc, Mme la députée de la Matapédia.
Mme Doyer: Merci. De Matapédia, et non de la Matapédia.
Le Président (M. Bachand): Excusez-moi.
Mme Doyer: Sinon, disons La Matapédia et La Mitis. Alors, je suis membre de la Chambre de commerce dans La Mitis d'ailleurs et, comme députée, je trouve que je suis une agente de développement économique, socioéconomique. Et vous le dites d'entrée de jeu et vous êtes... Moi, je vois les chambres de commerce comme défendant bien sûr les entreprises, et, souvent, les petites PME, vous êtes partout dans les régions du Québec. Mais, moi, j'ai une grande préoccupation, c'est qu'à un moment donné, là, si on amène à la baisse, on tire vers le bas au niveau des conditions de travail et des salaires des gens, eh bien, c'est les commerces aussi qui en subissent le contrecoup.
Alors, à la page 12 de votre mémoire, vous dites: Selon le chercheur... «Marc Van Audenrode [...] démontrait que la différence entre les salaires des emplois de sous-traitance et les emplois transférés n'est en moyenne que de 4 %.» En passant, 4 % de 25 000 $, c'est 1 000 $. «Selon le chercheur, le grand avantage de la sous-traitance se situerait donc sur le plan de l'organisation plutôt qu'au niveau des salaires ? de l'organisation, donc les conditions d'exercice du travail. Et nous ajouterons que, même si ce pourcentage de diminution des salaires était plus élevé, il nous semble que cela vaut encore mieux que l'exportation des emplois.» Puis là ma question, ce n'est pas là-dessus, c'est que M. Barré, hier, il nous a dit que ça n'amenait pas ça. Il nous l'a prouvé. Moi, je l'ai cru.
Prenons Bombardier. Bombardier, là, ce n'est pas une binerie, Bombardier, et, au niveau de leur cafétéria, ils ont amené les salaires de 19,50 $ à 7,75 $. Et, dans l'article... Puis ma question, c'est que: Comment vous pouvez concilier les objectifs que vous avez, dans le fond, de développement économique de milieux, de MRC, partout, et faire en sorte que, à quelque part, ceux-là qui sont venus nous présenter des choses, c'est toujours aussi pour abaisser les coûts? Pensons à l'UMQ.
Et, je termine là-dessus, si les syndicats s'opposent tant à l'ouverture... à la sous-traitance sauvage que permettra la modification de l'article 45 du Code du travail, ce n'est pas par corporatisme, c'est parce que cette ouverture va accroître l'insécurité des petits travaillants qui risquent d'aller grossir les rangs de ceux, déjà le tiers des employés du Québec, qui ont un emploi atypique au statut précaire et vulnérable. On est donc ? je n'aime pas ça utiliser «province» ? on est l'État, au Québec, où est-ce qu'on est le plus syndicalisé, on a un tiers des travailleurs qui ont des emplois atypiques au statut précaire et vulnérable. Donc, est-ce qu'on ne sera pas en train de créer, avec cette ouverture, pour les plus vulnérables, les plus démunis, des conditions de travail... Et vous le dites, c'est noir sur blanc ici, que vous êtes même prêts à aller vers des baisses salariales. Si c'est plus élevé en termes de pourcentage de baisses salariales, ce n'est pas grave, on sa sauver des emplois qui autrement s'en iraient ailleurs. Bien, moi, là, dans la MRC de La Mitis puis de La Matapédia, je ne suis pas convaincue de ça, que, si des emplois dans le réseau de la santé et des services sociaux, dans les épiceries, dans mes petites usines de deuxième et de troisième transformation passent de 15 $, 13 $, 12 $ à 8 $, 9 $, 10 $... Qu'est-ce qu'on gagne? Moins d'argent dans les épiceries, moins d'argent pour habiller les enfants puis 1 000 $. Ça, sur le chèque de paie.
Le Président (M. Bachand): À qui s'adresse votre question, Mme la députée?
Mme Doyer: Bien, c'est ça. Comment ils concilient ces objectifs...
Une voix: À qui s'adresse la question?
Mme Doyer: Ma question s'adresse à Mme Bertrand.
Le Président (M. Bachand): Mme Bertrand.
Mme Doyer: C'est à eux à répondre à ça.
Mme Bertrand (Françoise): Notre point de vue en est un de dire... Contrairement à ce que les syndicats semblent affirmer, où strictement une entreprise serait intéressée à aller en sous-traitance pour des questions de diminution de coûts au chapitre des salaires, nous disons: Très souvent, ce qui est recherché, particulièrement dans ce qui a trait aux services professionnels et administratifs, ce qui est recherché... C'est qu'à un moment une entreprise est limitée par sa capacité d'être à la fois un spécialiste, disons, en télécommunications et un spécialiste en matière de technologies de l'information, donc peut choisir, pour avoir l'expertise pointue dans certains domaines, de recourir à la sous-traitance.
Maintenant, au total, même si... Et c'est ça qu'on affirme, que la moyenne des écarts de salaires serait plus de 4 % puis, si en effet c'était 1 000 $ ou 2 000 $, il est vrai que c'est un impact négatif. Par contre, les fermetures d'entreprises sont bien plus sérieuses pour les régions, beaucoup plus sérieuses pour les commerçants, et ? au fond, c'est un peu le message qu'on fait ? on dit: Il y a des investissements qui pourraient venir au Québec si globalement certains facteurs se modifient, et nous croyons qu'il y a des employeurs au Québec qui feraient des investissements supplémentaires, des agrandissements d'usines, et que là, peut-être, si on a plus de travailleurs qui, dans une région donnée, encouragent les commerçants, il y aurait un effet à la hausse sur l'économie d'une région.
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(12 h 50)
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Ceci étant, un sous-traitant a avantage à faire en sorte qu'il est performant par rapport à ses clients et il aura lui aussi à aller de l'avant par rapport à avoir un équilibre entre ses coûts et le rendement qu'il cherche à obtenir. Et on sait bien que la productivité est liée à la valeur du capital humain et le salaire suit, c'est pourquoi, contrairement à ce qu'on affirme, il n'y a pas là le «cheap labor». D'ailleurs, certains disent qu'au Québec il n'y a pas vraiment de «cheap labor» parce qu'on a quand même un salaire moyen de base quand même plus élevé que dans le reste du Canada. Mais il demeure que, même avec un écart de 4 % ou 5 %, on a là une moyenne qui est quand même acceptable si, et c'est notre prétention, si ça constitue une occasion de créer de nouveaux emplois, et c'est ça, l'objectif qu'on poursuit.
Le Président (M. Bachand): Merci, Mme Bertrand. M. le député des Îles.
M. Arseneau: Oui, merci, M. le Président. C'est que je pense qu'on a des éléments de discussion qui sont extrêmement intéressants actuellement, parce que, dans le fond, ce que vous me dites, c'est... les salaires ont baissé, vous reconnaissez ça, vous le reconnaissez d'ailleurs dans votre mémoire et en réponse à la question de la députée de Matapédia. Alors, si je comprends bien... Vous allez me dire que j'ai tort, je le sais que vous allez me dire que j'ai tort, mais, quand je regarde pourquoi il fallait agir... Vous me parlez du taux de chômage toujours plus élevé au Québec qu'en Ontario. C'est historique, ça, madame, on peut remonter à des siècles puis on l'a ramené à un écart moyen il n'y a pas si longtemps. Au moment où il y a eu un changement de gouvernement, il était quand même, là... et ça, malgré l'article 45 avec les modifications. Faiblesse d'investissements privés. Prenez la croissance historique des emplois. Vous nous ramenez sur 20 ans, de 1983 à 2002. On aurait pu prendre cinq ans, par exemple, on aurait eu des données autrement différentes que celles-là, ou même 10 ans, vous auriez eu des statistiques encore plus intéressantes.
Si je comprends bien... Vous allez me dire que j'ai tort, mais, moi, en regardant ça, je vous le dis avec tout le respect quand même que je me dois de vous dire, en ce qui concerne le niveau de vie, tout ça avec l'Ontario, c'est très relatif, ça dépend avec quelle lorgnette on regarde ça, ça dépend où on est situé. Vous avez parlé du salaire minimum qui est le plus élevé au Canada, c'est vrai, mais pas le salaire moyen, parce que c'est un des arguments que vous nous donnez pour créer des emplois. Alors, la question de la productivité, moi, je vous le dis, on a eu des gens qui sont venus nous dire: Ce n'est pas pertinent en ce qui concerne la sous-traitance externe.
Alors, ma question, c'est la suivante. D'abord, je sais que vous allez me dire que j'ai tort, mais, moi, je vous le dis, actuellement, je prétends que vous n'avez pas de certitude et vous n'avez pas pu me donner un cas d'une entreprise qui serait allée ailleurs. Mais ne croyez-vous pas que les travailleurs du Québec... Je ne parle pas des sous-traitants spécialisés dans des entreprises, comme en Ontario. Vous nous donnez des chiffres pour l'Ontario, par exemple dans la sous-traitance en automobile, c'est bien certain, mais, de l'automobile aux Îles-de-la-Madeleine, je n'en ai pas, madame. Alors, est-ce que ces travailleurs-là n'ont pas raison d'avoir des craintes quant à l'ouverture qu'on est en train de faire avec la sous-traitance en modifiant l'article 45?
Le Président (M. Bachand): Mme Bertrand. Et vous avez une minute pour lui dire... pour dire au député des Îles-de-la-Madeleine qu'il a tort.
Mme Bertrand (Françoise): Je laisse la parole à mon président.
Le Président (M. Bachand): Une minute.
M. Tremblay (André): D'abord, non, et... Écoutez, vous avez raison aussi qu'on... Vous avez tort en ce qui concerne la baisse des salaires, parce que, évidemment, il y a l'étude de Van Audenrode, mais il y a aussi la nécessité pour les entreprises ? puis Mme Bertrand l'a souligné tout à l'heure ? de se consacrer... puis ça, c'est les grandes entreprises du Québec, là, qui sont partout dans nos régions. Moi, je pense aux papetières. Pensez seulement aux papetières dont c'est nécessaire de se consacrer à leur «core business», à délester des activités que, traditionnellement, elles faisaient parce que c'étaient des entreprises rentables, concurrentielles. Mais aujourd'hui la concurrence mondiale fait en sorte qu'ils ne peuvent plus... ils doivent se délester d'activités secondaires, hein, le traitement des boues usées, l'informatique. Et il y a des spécialistes qui se développent, il y a des firmes spécialisées, et c'est là que ça va être possible d'augmenter la compétitivité de nos entreprises.
Évidemment, essentiellement, c'est ça, et ça, ce n'est pas des plus bas salaires, là. Le technicien en environnement, qui contrôle la salinité du bassin de décantation d'une usine de papier, il ne baisse pas de salaire, lui, par rapport au papetier, mais il fait ça dans huit usines de papier, puis ça lui permet de donner un service qui permet à cette papetière-là d'être compétitive, d'abaisser ses coûts. Bon, essentiellement, c'est un exemple, mais... Bon, ça, c'est la première chose sur laquelle...
Deuxièmement, le secteur public. On a parlé des conventions collectives et évidemment on est tous conscients, dans toutes nos régions, qu'il y a beaucoup d'employés, hein, qui travaillent dans le secteur public, les hôpitaux, etc. Les conventions collectives, on donne la sécurité d'emploi, ne l'oublions pas. Demain matin, là, il n'y a personne qui va partir des hôpitaux puis qui vont passer des salaires prévus dans leurs conventions collectives, qui vont tomber à préposé à une cafétéria à 7,30 $ de l'heure, là. Ça, on est tous conscients de ça, je pense.
Le Président (M. Bachand): Je vous remercie infiniment, M. Tremblay. Malheureusement, nous avons terminé le bloc de 40 minutes. Je veux vous remercier infiniment, M. et Mme les présidents, ainsi que M. Tremblay et M. Demers, de vous être présentés ici, à la commission. Vous savez que ça enrichit grandement. Votre réflexion nous permet en somme d'avancer les travaux de la commission. Je veux aussi remercier tous mes collègues, et M. le ministre en particulier, et son équipe.
Et, compte tenu du temps qu'il nous reste, je suspends les travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi. Merci de votre présence.
(Suspension de la séance à 12 h 55)
(Reprise à 15 h 2)
La Présidente (Mme Lemieux): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons commencer les travaux de la Commission de l'économie et du travail. Je constate le quorum. Je vous souhaite la bienvenue à tous et à toutes. Je rappelle le mandat de la commission qui est de tenir des auditions publiques dans le cadre de consultations particulières sur le projet de loi n° 31, Loi modifiant le Code du travail.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Non, Mme la Présidente, il n'y a pas de remplacement.
La Présidente (Mme Lemieux): Alors, cet après-midi, nous entendrons la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et la Confédération des syndicats nationaux. Je demanderais à tout le monde de bien vouloir fermer leurs téléphones cellulaires et tout objet qui fait ce genre de bruit. Et j'inviterai les représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec à prendre place.
Alors, M. Massé, bonjour et bienvenue à l'Assemblée nationale. Je voudrais vous indiquer que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, que nous aurons des échanges de 40 minutes avec vous et vos représentants, que nous avons convenu de blocs, qui se succèdent, de 10 minutes des deux côtés, du côté ministériel et du côté de l'opposition. Je vous demanderais d'abord, avant de commencer, de bien vouloir présenter les gens qui vous accompagnent, et vous avez 20 minutes. La parole est à vous.
M. Massé (Henri): À ma droite, Pierre Dupuis, Syndicat canadien de la fonction publique, vice-président de la FTQ; Clément L'Heureux, du Syndicat... du SCEP et vice-président de la FTQ; à ma gauche, Jean-Pierre Néron, un avocat de la FTQ; M. Gaston Nadeau, avocat spécialisé en droit du travail; et René Roy, qui est le secrétaire général de la FTQ.
La Présidente (Mme Lemieux): Merci. Vous pouvez commencer.
Fédération des travailleurs
et des travailleuses du Québec (FTQ)
M. Massé (Henri): Je peux commencer? Écoutez, habituellement, quand on vient en commission parlementaire, la FTQ, on commence par les remerciements d'usage, mais je voudrais dire que, là, on n'a pas le coeur bien, bien à ça. Et on ne vous cachera pas, là, que... notre écoeurement d'avoir à intervenir à nouveau en commission parlementaire sur l'article 45. Les amendements de 2001 avaient déjà considérablement assoupli les effets de cet article. Il faut croire que ce n'est jamais assez pour le Conseil du patronat. Mais notre écoeurement vient surtout du fait ? si vous êtes capables de nous démontrer l'inverse, tant mieux ? vient surtout du fait qu'on est fortement convaincus que les dés sont pipés, et ça, ça ne passe pas chez nous. On était 7 000 tantôt, là. On aura eu ça en deux jours. On voulait avoir une petite délégation, on s'attendait à 500 personnes qui nous appuieraient, ils étaient 7 000, parce qu'il y a du monde qui sont écoeurés. Ils ont l'impression de se faire flouer.
On trouve que les dés sont pipés d'abord sur la question du temps. Le Conseil du patronat exige du gouvernement que ça passe absolument avant Noël, le gouvernement a de l'air à s'enligner là-dedans. Et, moi, je trouve absolument effrayant qu'une question aussi complexe, une question aussi cruciale pour le monde qu'on représente, une question aussi controversée, on puisse faire ça en deux semaines. Si on regarde, là, après les commissions parlementaires, quand elles vont être finies, puis on veut nous bulldozer avant les Fêtes, c'est deux semaines, ça. Ça, c'est du jamais vu, jamais vu, jamais vu au Québec. Jamais vu au Québec!
À chaque fois qu'on a réussi à amender le Code du travail, même de façon mineure, ça a pris des mois de discussions, quand ça n'a pas pris des années. La dernière Commission des relations de travail, là, qui a été votée ici, ce n'était pas un changement majeur dans l'économie des relations de travail, on n'a rien bouleversé, il n'y a pas de droits nouveaux là-dedans. Tout ce que ça faisait, c'est que ça permettait à une commission d'intervenir plus rapidement puis, bon, de gérer les problèmes plus rapidement. On n'a rien bouleversé au niveau de l'équilibre du rapport entre les parties. Deux ans de travail, deux commissions parlementaires, des études de toutes sortes, et, avant que le ministre dépose son dernier projet de loi, des semaines de discussions en aparté, en comités où il rencontre la partie syndicale, rencontre la partie patronale, puis il a essayé d'arriver avec une position qui se rapprochait de ce que pensaient les parties. Puis c'est vrai qu'après c'est au gouvernement de trancher.
Là, aujourd'hui, on nous présente un projet qui a été concocté dans les officines du ministère du Travail ? j'espère que ça a été concocté là, que ça n'a pas été concocté à l'Industrie et Commerce ? et sans aucune discussion préalable, sans aucune approche avec les parties. C'est du jamais vu. On n'est pas dans le droit civil, là, on est en relations de travail. Le lendemain de cette commission parlementaire là, le lendemain d'une législation, les parties continuent à vivre ensemble, puis il me semble qu'on doit tenir compte de ça quand on discute de ces questions-là.
Très inconfortables avec le bulldozage de la question de temps. Et, nous, on pense que, si on veut vraiment avoir une commission parlementaire... Puis on n'est pas des fous, à la FTQ, là, on le voit, puis on est pragmatiques, puis on a les deux pieds sur le plancher, on voit que le gouvernement s'est tassé dans le coin, puis s'est coulé dans le coin, puis qu'il va aller de l'avant avec les modifications à 45. Je suis pas mal convaincu qu'on ne sera pas capables de lui faire entendre raison sur... abandonner ça complètement.
Mais, entre abandonner complètement puis nous passer un projet de loi tout croche, puis qui va détruire l'équilibre entre les parties, puis qui va détruire 40 ans de jurisprudence, puis de jugements de commissaires-enquêteurs, puis de jugements du Tribunal du travail, puis de jugements de la Cour du Québec, puis de la Cour d'appel, puis cinq, six jugements de la Cour suprême, moi, il me semble qu'il faut avoir des études un petit peu plus sérieuses sur ce qu'on a vu à venir jusqu'à date puis il me semble que ça prend du travail un peu plus sérieux que ce qu'on a vu à venir jusqu'à date.
Et, au-delà des questions de temps, M. le ministre du Travail, on est très inconfortables avec vos allégués quand vous avez lancé ces travaux-là, vous avez déposé votre projet de loi. Premier allégué, glissement jurisprudentiel. Alors, tantôt, je demanderai à Gaston Nadeau d'y revenir un peu plus longuement. Mais ça, je sais, là, dans les coulisses, un peu partout, les employeurs ont toujours crié ça à travers le Québec, depuis des années, que, quand 45 avait été mis là, ce n'était pas supposé toucher la sous-traitance puis que c'est par des jugements, finalement, qu'on n'a pas couvert la... puis que c'est venu dans le début des années quatre-vingt, là, comme ça, là, puis un peu plus au niveau de quatre-vingt-dix. C'est complètement faux, complètement faux. Quand ça a été voté, en 1960, c'était pour couvrir aussi la sous-traitance. On va vous revenir là-dessus tantôt.
n(15 h 10)n Ramener le Québec dans la moyenne canadienne ? Gaston Nadeau va vous revenir aussi tantôt là-dessus ? nous, on est convaincus qu'on s'en va en bas de la moyenne canadienne et de loin. Vous prenez ce qui fait l'affaire, en tout cas... Le patronat surtout prend ce qui fait son affaire au niveau de l'Ontario, mais ce qui est meilleur en Ontario ou ce qui est meilleur dans les autres provinces canadiennes, on ne le retrouve pas dans ce projet de loi là.
Et, quand on nous parle de productivité, encore une fois, il n'y a aucune étude sérieuse qui vient dire qu'il y aurait plus de productivité au Québec, qu'il y aurait plus d'emplois. À la FTQ, on a mené une enquête à travers une étude universitaire pour sonder 840 entreprises, autant au Québec qu'en Ontario. Ça sous-traite autant au Québec qu'ailleurs. Et, dans le secteur de l'usinage, secteur industriel, secteur où il y a le plus de possibilités de développer des emplois dans la sous-traitance, on sous-traite 20 % de plus au Québec qu'en Ontario. Et je voudrais vous dire qu'à la FTQ on commence à connaître ça un peu, la sous-traitance, il y a 145 000... pas 145, 175 000 de nos membres à la centrale, un tiers de la centrale... c'est du monde de la sous-traitance... syndiqués, on sait de quoi on parle.
Au Fonds de solidarité, on travaille à l'heure actuelle sur la sous-traitance, on appelle ça... pour créer des grands assembliers ou intégrateurs. Parce qu'un des problèmes qu'on a au Québec dans la sous-traitance qui pourrait créer des emplois, là... Je vais donner un exemple dans l'avionnerie. Des trains d'atterrissage, par exemple, pour avions, on en fait, là, pour Airbus en France. Il n'y a rien qui nous empêcherait d'en faire pour Boeing, il n'y a rien qui nous empêcherait pour en faire pour d'autres entreprises, sauf qu'on a un problème, c'est qu'on a trop de petits sous-contractants. Les grands donneurs d'ouvrage ne veulent plus passer leurs commandes aux petits sous-contractants. Ils n'ont pas de temps à perdre avec ça. Ils passent par des grands assembliers qui, eux autres, s'en vont vers... On est en train de travailler là-dessus. Mais ça, c'est de la sous-traitance qui ne fait pas perdre nos emplois au Québec, ça, c'est de la sous-traitance qui amène une valeur ajoutée puis qui... où il y a des conditions de travail qui ont de l'allure puis qui ont du bon sens.
Mais, quand on vient essayer de nous faire accroire que, quand on prend le service de paie dans une entreprise, on le donne à une entreprise qui s'occupe des paies, ça, ça va créer des emplois... Vous prenez des emplois dans l'entreprise X, vous les transférez dans l'autre. Quand CGI, au Québec, pour ne pas les nommer, viennent chercher une entreprise d'informatique, sous-traiter l'informatique dans une entreprise, ils ne créent pas une maudite job là. Ils ramassent les jobs qui sont là puis ils les amènent à CGI. Ils n'ont pas créé une job là. Ça fait que, dans la sous-traitance, quand on en parle, là, il faut faire attention. Puis je vois le Conseil du patronat puis d'autres qui s'énervent, puis c'est pareil comme si tout ça était coulé dans le même moule, là. Il faut être capable de distinguer, il faut être capable de regarder ça, puis comme il faut, puis d'aplomb, parce que, autrement, on va faire des erreurs qui sont monumentales puis qui vont avoir des conséquences sur notre monde.
Et, nous, à l'heure actuelle, on est convaincus que, si on allait de l'avant avec le projet qui est là... On l'a faite, l'analyse, puis je ne l'ai pas faite tout seul. J'ai réuni l'ensemble des syndicats chez nous, le commerce, le secteur du bois, partout, le transport, on a regardé c'est quoi, la situation de la sous-traitance à l'heure actuelle, puis on en a, puis qu'est-ce qui arriverait avec le projet de loi. Le deux tiers des cas de sous-traitance qu'on a... on pense qu'au moins le deux tiers des cas de sous-traitance qu'on a échapperait complètement au Code du travail. Puis l'autre tiers, qui va être encore soumis au Code du travail, on va avoir de la difficulté parce que, là, les conditions de travail ne sont plus maintenues pendant un an. Avant, elles étaient maintenues pendant la durée de la convention puis peut-être à vie s'il y avait une clause de reconduction. À la dernière commission parlementaire sur la réforme du code, on a accepté de ramener ça à un an. Là, on nous l'enlève, on... complètement, plus rien. Ça veut dire... Bien, il n'y a plus rien, en tout cas, à moins qu'on ne fasse pas la même lecture. Nous autres, on fait la lecture qu'il n'y a plus rien. Et là, bien, on se ramasse avec une situation où on repart à zéro.
Nous, ce qu'on vous dit ? puis on est convaincus de ça ? c'est que c'est de la sous-traitance qui va créer des problèmes de «cheap labor» surtout dans les emplois les plus fragiles chez nous, les moins bien rémunérés, les emplois, je dirais, qui demandent moins de formation, des emplois qui requièrent moins de scolarité, les emplois qui sont moins technologiques. Puis, dans les 175 000 employés qu'on a en sous-traitance à la FTQ, on en a dans l'entretien ménager, on en a dans le gardiennage, on en a dans les buanderies, on en a dans les cafétérias, même là, les emplois vont être en danger, les conditions de travail vont être en danger parce que, en enlevant tout garde-fou au Code du travail, on s'en va dans une spirale à la baisse où ce monde-là, parce qu'ils ont une convention collective, leur entreprise ne sera plus capable de soumissionner à des prix concurrentiels, puis là on va se faire rouvrir les conventions puis diminuer les conditions de travail. Pas dans tout. Moi, je suis convaincu que, dans les emplois très spécialisés, puis tout ça, les employeurs qui vont vouloir avoir de la main-d'oeuvre, ils ne pourront pas les payer à 8 $, 9 $ de l'heure, mais, dans les emplois les plus vulnérables, on est convaincus que ce projet de loi là va créer des dommages assez importants.
C'est assez clair à notre esprit que, le projet de loi, le but véritable, ce n'est pas de créer plus d'emplois, mais c'est d'abord de diminuer les coûts de la sous-traitance. Puis, quand on diminue les coûts de la sous-traitance, à quelle place on les diminue? Habituellement, on les diminue dans les conditions de travail.
Je voyais le président du Conseil du patronat, là, dans Le Devoir du 18 octobre, c'est assez clair. On venait de sortir une étude, là, où on disait que ça sous-traitait autant au Québec qu'en Ontario. «Le CPQ ? bon, je le cite, là ? ne voit...» C'est lui qui parle: «Le CPQ ne voit "rien de nouveau" à l'étude universitaire. "On sait déjà qu'il y a beaucoup de sous-traitance au Québec", souligne Gilles Taillon, président de l'organisme. "On sous-traite massivement, même. Par contre, il y a un coût énorme que les entreprises doivent payer. Il faut acheter cette sous-traitance ici."» Ça fait que ça sous-traite en masse, mais elle nous coûte trop cher. La façon, bien, enlevons les garde-fous du code, on va baisser ça. Mais où on baisse, c'est des salariés qui vont payer la note.
Puis, encore une fois, on dit qu'il n'y a aucune étude sérieuse, là. Il y en a qui ont dit que ça créerait des emplois. Je lisais, l'autre fois, l'éditorial de M. Pratte. Pratte, d'habitude, ce n'est pas le gars qui nous appuie le plus souvent. Il nous passe bien plus des savons que d'autre chose. Et il disait: «Cependant, les arguments qu'ils évoquent ne sont pas concluants.» Par exemple, il cite une étude du Pr Marc Audenrode de l'Université Laval indiquant qu'un relâchement des conditions de sous-traitance permettrait de créer plusieurs milliers d'emplois, mais on oublie de citer ce passage de l'étude en question. Le passage, c'est le suivant: «La loi en tant que telle a peu d'effets directs sur la capacité des entreprises à recourir à la sous-traitance. L'élément clé dans la détermination, c'est les capacités de l'entreprise à sous-traiter.» Et le sondage qu'on avait mené, à la FTQ ? le Code du travail puis la convention collective ? on posait la question aux professeurs d'université, on a posé la question: Qu'est-ce qui vous empêche de sous-traiter? Le Code du travail puis la convention collective venaient aux sixième et septième rangs. Le premier élément, c'est la peur de perdre leur expertise.
Moi, je connais une grande entreprise à Montréal, à l'heure actuelle, puis je ne la nommerai pas, mais qui est au... qui a besoin d'informations, puis un peu partout dans le monde, puis qui a sous-traité à CGI son informatique. Puis le P.D.G. me disait il y a une couple de semaines: On a fait une erreur monumentale. Puis là je ne suis pas en train de dire qu'il ne faudrait jamais sous-traiter ça. Mais il a dit: On a fait une erreur monumentale parce que, nous autres, on a besoin d'informations, puis rapides, puis là c'est du monde de l'extérieur qui viennent nous traiter ça, puis le monde qui sont au coeur de l'entreprise ne sont plus là. Puis il pensait à réintégrer... à ramener ça chez eux. Ça fait que, ça, c'est bien plus que le Code du travail.
J'écoutais... Hier, là, on nous parlait, dans les services, l'ingénierie, puis tout ça, là, puis que le code empêchait... Aïe, dans la plupart de ces entreprises-là, il n'y a pas de syndicat, ce n'est même pas syndiqué à 2 %. Ce n'est toujours bien pas le code qui les empêche, ce n'est toujours bien pas les conventions collectives qui les empêchent, là. Ils peuvent sous-traiter puis ils peuvent faire ce qu'ils veulent. Ça fait qu'on ne vienne pas nous citer ces exemples-là. Ça fait que, moi, c'est pour ça que je dis: C'est un débat où on manque d'informations, où on met à peu près n'importe quoi dans le même panier, puis on dit à peu près n'importe quoi, puis c'est vraiment, là, moi, je pense, néfaste pour le débat.
Moi, je vous reviens sur la question de temps. Encore une fois, impossible qu'en deux semaines on puisse faire en sorte que ce projet de loi là, même si on s'y oppose à la FTQ... Mais, encore une fois, on dit toujours des affaires, des fois, qu'on peut travailler. Mais je regarde juste les questions qui se posent, là. Je suis convaincu qu'en deux semaines... impossible, impossible de passer à travers de ça. Ça prend plus de temps que ça. D'abord, ce n'est pas nécessairement un modèle de clarté, là. Le patronat se lamentait au bout là-dessus, dans les premiers temps, en disant: On va engorger la Commission des relations de travail. Là, ils n'en parlent plus parce qu'ils veulent absolument que le projet passe avant Noël. Ça fait qu'ils ne sont toujours bien pas pour dire qu'il n'est pas clair puis continuer à travailler dessus. Bonne stratégie, ils ne sont pas bêtes, c'est correct, ça.
Transfert de la main-d'oeuvre. Moi, j'ai discuté pendant deux ans avec le patronat sur la réforme du Code du travail. Trois quarts des discussions ont porté sur 45. Le patronat, là, quand il y avait un transfert de main-d'oeuvre, n'a jamais remis en cause, jamais remis en cause 45, jamais, jamais. Là, ce n'est plus là. Les autres provinces, elles auraient encore beaucoup de questions à se poser. On a des conventions collectives de signées, alors qu'on avait un Code du travail qui s'appliquait, puis on n'a pas mis de dispositions dans nos conventions collectives parce qu'il y avait certains bouts qui étaient couverts par le code. On a des conventions de longue durée. Toute une série de questions à se poser, là.
Et, pour finir, moi, je voudrais laisser Gaston Nadeau. C'est le plus grand spécialiste du Code du travail au Québec, le plus grand spécialiste qu'il n'y a pas aussi au Canada, parce qu'il travaille à la Commission des relations de travail au Canada, il travaille à la Commission des relations de travail en Ontario, il connaît très bien le dossier, il a les deux pieds dedans. J'aimerais qu'il nous explique la dérive de la jurisprudence puis aussi un peu ce qui se passe dans le reste du Canada.
n(15 h 20)nLa Présidente (Mme Lemieux): Alors, M. Nadeau, vous aurez un petit peu moins que cinq minutes pour le faire.
M. Massé (Henri): C'est-u possible de vous demander un trois, quatre minutes de plus? Tu sais, je voyais le prof d'université hier qui représente à peu près juste lui-même... une heure et demie. 30 minutes... Là, on est sur une question complexe qui n'a pas d'allure, c'est le coeur du Code du travail tant qu'à nous.
La Présidente (Mme Lemieux): Je sais. M. Massé, je peux comprendre...
Des voix: ...
La Présidente (Mme Lemieux): Non, je m'excuse... Alors, M. Massé, je peux comprendre votre frustration. J'ai été stricte avec tout le monde, je serai stricte avec tout le monde. Le cadre de ces discussions a été bien établi: 20 minutes de présentation, 20 minutes du côté du parti ministériel, 20 minutes du côté de l'opposition. Je sais qu'il y a beaucoup d'observateurs dans la salle, je comprends l'intérêt de ces questions, mais il y a une règle de base à l'Assemblée nationale: tous sont les bienvenus. Mais je vous demande d'ici...
Une voix: Cinq minutes.
La Présidente (Mme Lemieux): Oui. O.K. Je vais terminer quand même ma mise en garde, là. Je vous demande tout de même... vous pouvez avoir des opinions, et je le comprends, je vous demande de les exprimer en silence. Les députés doivent travailler en toute liberté et sans contrainte, et je veux qu'on s'entende immédiatement sur cette règle-là.
Maintenant, je comprends que, du côté ministériel et du côté de l'opposition, il y aurait un accord pour vous permettre quelques minutes supplémentaires qui seraient amputées sur le temps d'échange sur chacun d'entre eux. Alors donc, j'accorderai... Il restait ? rappelez-moi ? il restait trois minutes. J'accorderai, disons, à peu près huit minutes en amputant de chacune des enveloppes du côté ministériel et de l'opposition. Est-ce que ça vous convient, M. Massé?
M. Massé (Henri): Ça me va. Parce que Gaston, lui, on le paie à l'heure, je ne voudrais pas qu'il soit venu ici pour rien.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Lemieux): Et il semble très jasant. Alors, M. Nadeau ? je n'ose pas vous appeler Gaston, quand même ? la parole est à vous.
M. Nadeau (Gaston): Merci, Mme la Présidente. Je vais essayer de me concentrer le plus rapidement possible. Le premier volet de cet amendement à l'article 45, qui a été invoqué par le gouvernement et par le ministre du Travail, c'est ce prétendu glissement jurisprudentiel. Et, pour avoir plaidé à la fois l'affaire de Bibeault et l'affaire de Sept-Îles, je me sens particulièrement en bonne posture pour contester avec beaucoup d'énergie cette prétention qu'il y aurait eu un glissement jurisprudentiel au Québec au cours des dernières années, qui justifierait l'intervention du législateur. Bien au contraire, tant dans l'affaire Bibeault que dans l'affaire Sept-Îles qui est tout récente, la Cour suprême du Canada a confirmé que nos tribunaux au Québec ont interprété et appliqué l'article 45 de façon constante depuis son adoption en 1961 par le gouvernement libéral de l'époque. Et qu'est-ce qu'on visait en 1961? Nous avons des écrits très simples qui ne demandent pas d'avoir recours à une batterie de juristes pour les comprendre. Nous vous avons inclus dans notre mémoire deux de ces textes qui sont assez explicites.
Le premier est tiré de la toute première décision qui a été rendue par l'organisme qui appliquait le code à l'époque, la Commission des relations ouvrières, dans la fameuse affaire Théberge, la toute première décision sur l'article 45 qui s'appelait à l'époque l'article 10a, et c'était un cas de sous-traitance très simple, où la compagnie Alcan louait une grue et quelques camions de la compagnie Théberge. Et le débat évidemment s'est fait sur la question de savoir si on visait la sous-traitance avec cet article-là et la commission a dit oui. Et, quelques années plus tard, le juge Quimper, au Tribunal du travail, dans une affaire centrale de chauffage, est venu de nouveau préciser que l'article visait toute forme de sous-contrat. Le jugement en question est intéressant parce que le juge Quimper était le sous-ministre du Travail au moment... le sous-ministre adjoint du Travail au moment où l'article en question a été adopté. Et il allait devenir plus tard le sous-ministre en titre au moment où le Code du travail a été adopté en 1965 et où tous les partenaires ont jugé qu'il n'était pas opportun de rebrasser l'article 10a, ou l'article 45 maintenant, parce qu'on a toujours considéré que c'est une disposition qui constitue une pierre angulaire extrêmement importante de toute notre structure de relations de travail au Québec. Alors, quand on touche à l'article 45, c'est l'échafaudage au complet qu'on met en péril.
Alors, il y a eu à travers l'histoire, à travers les 40 ans d'histoire, quelques conflits évidemment sur la portée de l'article, mais il est complètement inexact de prétendre aujourd'hui qu'il y a eu un glissement jurisprudentiel. C'est un argument invoqué dans le rapport Mireault, mais, au moment où on a écrit le rapport Mireault, l'affaire de Sept-Îles et l'affaire d'Ivanhoé n'avaient pas encore été décidées par la Cour suprême. Et on avait interprété à ce moment-là que le Tribunal du travail glissait dangereusement, ce que la Cour suprême est venue corriger dans l'affaire de Sept-Îles en disant: Non, non, le Tribunal du travail n'a pas glissé, on continue d'appliquer l'article en question de la même façon qu'on le faisait autrefois. Alors, il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Il n'y a rien de nouveau sous le soleil et il n'y a pas eu d'évolution ni de glissement. Je regardais encore récemment les toutes dernières décisions de la nouvelle Commission des relations de travail, et c'est la même politique d'interprétation qu'on continue d'appliquer.
L'autre argument invoqué par M. le ministre, mettre le Québec au diapason des autres provinces. On a déposé avec notre mémoire des extraits de la législation de toutes les autres juridictions au Canada, à l'exception de l'Île-du-Prince-Édouard...
Une voix: ...
M. Nadeau (Gaston): Il est là aussi. Bon, alors vous avez toute la législation de toutes les juridictions. Et, dans toutes les juridictions au Canada sans exception, le régime qui correspond à 45, au Québec, est constitué de trois éléments. Il n'est pas constitué uniquement de la disposition équivalente à l'article 45 et qu'on appelle en anglais le «successor's rights», il est composé du «successor's rights», de la notion d'employeur unique et d'un régime de pratiques déloyales.
Et, très brièvement, il est important de vous souligner que notre article 45 vise essentiellement deux types d'opération. L'aliénation, qui est à toutes fins pratiques la vente d'une entreprise, et au sujet de laquelle on a dit: Il faut absolument qu'il y ait un contrat, une transaction, un lien de droit entre les deux employeurs, hein. Une vente, tout le monde sait ce que c'est, il faut qu'il y ait une vente, donc un vendeur, un acheteur. Et le deuxième volet, c'est la concession qui à toutes fins pratiques est la sous-traitance. C'est plus large que la sous-traitance, mais, en pratique, dans le quotidien, la concession, c'est la sous-traitance.
On est un petit peu plus avantagé que les autres en matière de sous-traitance, bien que la sous-traitance est couverte par la législation des autres provinces, mais on est nettement défavorisé au Québec par rapport aux autres juridictions au Canada sur le volet aliénation. Et vous pourrez consulter, dans le Code canadien du travail ou dans les lois de chacune des provinces, ce qui est couvert. Ce n'est pas uniquement la vente d'une entreprise, mais c'est tout transfert d'entreprise par quelque forme de disposition que ce soit. Alors, il y a quotidiennement, ailleurs au Canada, des centaines de situations qui, au Québec, ne peuvent pas entraîner une transmission d'entreprise, c'est-à-dire où il n'y a pas transfert de conventions collectives et d'accréditations, alors que partout ailleurs au Canada il y en a.
Et on vous a parlé cette semaine de l'affaire Ajax en Cour suprême, cette ville d'Ontario... C'est un cas patent, c'est un manoir Richelieu tout craché. C'est un manoir Richelieu tout craché et où on a carrément évidemment décidé qu'il y avait une transmission de droits et d'obligations. Au Québec, cette affaire-là aurait été absolument impossible. On n'aurait jamais pu faire appliquer l'accréditation et la convention collective, et ceci, en vertu de la jurisprudence établie et en vigueur au Québec. Alors, si on veut placer le Québec au diapason des autres juridictions au Canada, peut-être une question qui est discutable, mais, si on veut le faire, il faudrait à ce moment-là introduire dans le code la notion d'employeur unique, qui fait en sorte que, dans l'industrie de l'hôtellerie, par exemple... ? ailleurs au Canada, on ne joue pas au baseball comme on le fait au Québec ? introduire des pratiques déloyales en cas de sous-traitance qui visent à affaiblir la capacité de représentation d'un syndicat et surtout aussi modifier la notion d'aliénation pour couvrir tous les transferts d'entreprises encore une fois comme c'est le cas ailleurs. Alors, nous...
n(15 h 30)nLa Présidente (Mme Lemieux): Alors, M. Nadeau, en moins d'une minute, si vous voulez bien conclure.
M. Nadeau (Gaston): Ça conclut, Mme la Présidente. Si le projet de loi était adopté tel quel, le Québec se retrouverait très loin mais très loin derrière toutes les autres juridictions au Canada, il n'y a pas d'exception. Et, encore une fois, je vous invite, pour ceux qui seraient sceptiques, à parcourir les extraits de chacune des lois. On les a mis en annexe à notre mémoire dans leur version la plus récente. Je vous remercie, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lemieux): Merci, M. Nadeau, de ces explications, M. Massé, de votre présentation. Je crois que nous aurons l'occasion au cours des prochaines minutes d'aborder un certain nombre de sujets, et, si vous voulez ajouter certains éléments, je vous invite à le faire. Alors, on commencera donc par un premier échange de 10 minutes avec les députés du côté ministériel. M. le ministre.
M. Després: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Moi, je voudrais tout d'abord remercier les gens de la Fédération des travailleurs du Québec d'être présents en commission parlementaire et vous dire que, suite à vos commentaires, M. Massé, tout à l'heure, pour la présentation du Pr Barré, c'était la proposition de l'opposition. Ce n'était pas la nôtre.
Ceci étant dit, je veux vous dire que, suite aux commentaires que vous venez de faire... Vous avez dit vous-même: On a discuté pendant deux ans, on a eu deux commissions, il y a eu des études de toutes sortes. L'opposition nous a servi la même chose. Les documents auxquels on s'est servi, ce sont justement les études qui étaient faites au ministère du Travail, à l'intérieur du gouvernement. Vous en avez fait allusion tout à l'heure: le rapport Mireault entre autres, le Comité d'allégement réglementaire, la réforme du Code du travail renouvelée, le rapport Bédard, on peut vous les nommer. On n'a rien inventé, Mme la Présidente, on s'est servis justement de la littérature qui existait déjà à l'intérieur du ministère du Travail et du gouvernement. Et la même chose un peu pour vous, M. Massé. Je vous dirais que bien souvent vous présentiez M. Nadeau comme le grand spécialiste. Mais, voyez-vous, nous autres aussi, au ministère du Travail, nous avons notre Gaston Nadeau qui est le spécialiste au ministère du Travail depuis plus de 20 ans en matière de Code du travail.
Et, pour avoir regardé la situation puis les dossiers, il y a un certain nombre de choses sur lesquelles je ne suis pas tout à fait en accord avec vous, et pas du tout. D'abord, premièrement, c'est un bon projet de loi. Ce n'est pas un projet de loi qui...
Des voix: ...
La Présidente (Mme Lemieux): S'il vous plaît. J'ai été claire tout à l'heure. Vous pouvez avoir vos opinions, je vous demande de les exprimer en silence. Tous les députés, quels qu'ils soient, doivent pouvoir travailler librement et sans contrainte. Et, la prochaine fois, je devrai intervenir un peu plus sévèrement. M. le ministre.
M. Després: C'est un bon projet de loi. C'est un projet de loi qui n'est pas fait pour le patronat, comme vous aimez bien le dire. C'est un projet de loi qui est fait pour les citoyens du Québec. Le gouvernement a eu un mandat, celui de moderniser, celui qui a pris des engagements où clairement on avait identifié en campagne électorale, lors du discours inaugural, lors de notre première rencontre avec vous le 4 juin où clairement je vous ai dit: Vous n'aurez pas de surprise, je m'en viens avec des modifications. Et je me suis basé sur effectivement ? quand vous parlez des études ? des études qui existaient déjà.
Ceci étant dit, vous l'avez dit vous-même, vous l'avez abordé, plusieurs ? 175 000, si j'ai bien retenu ? de vos membres sont déjà des gens qui vivent d'entreprises au Québec, qui vivent de sous-traitance. Il y en a, M. Massé, plus de 71 % d'entreprises au Québec qui vivent, qui ont été créées ou qui vivent de contrats de sous-traitance, dont plusieurs sont syndiquées. Et vous les défendez, vous les défendez bien. Vous négociez des conventions collectives pour eux. Je suis certain qu'ils ont, dans toutes les régions du Québec, des bonnes conditions de travail. Donc, le projet de loi n'empêchera pas, et de loin, que les entreprises au Québec puissent continuer à se syndicaliser. Et, si jamais une entreprise décide de donner une activité, je suis certain que vous pourrez toujours aller voir le sous-traitant pour lui offrir d'être membre de votre syndicat, parce qu'il y en a déjà 175 000, vous l'avez dit vous-même. Et votre Fonds investit lui-même dans des entreprises qui existent au Québec et qui font, encore là, de la sous-traitance. Donc, de dire que les gens et les entreprises qui font de la sous-traitance n'ont pas de bonnes conditions... Je pense qu'elles ont justement de bonnes conditions parce qu'elles ont le droit à la syndicalisation, elles ont le droit à la négociation, et c'est les parties, comme vous le faites toujours, qui vont décider de ce qu'ils vont mettre dans les conventions collectives.
Par rapport aux amendements que nous avons déposés dans le projet de loi... il y en a deux, et je vais vous référer, pour éclaircir un point, à la page 1 de votre mémoire où vous dites: «Dans des rares cas où il y aurait transfert de l'accréditation chez le concessionnaire, le projet de loi mettra fin à la convention collective.» Nous, dans la loi, on utilise le mot «expirera» chez les concessionnaires. Mais il faut être clair, les travailleurs du Québec ne tombent pas du jour au lendemain sans aucune condition. Effectivement, vous l'avez mentionné, il y avait déjà eu une concession dans les modifications de 2001 où il pouvait rester trois ans, quatre ans à la convention collective, et ça a été ramené à un an. Nous, ce qu'on dit dans le projet de loi, c'est que le droit à l'accréditation continue toujours à exister, il se transfère, et la négociation continue. Puis, en fonction de l'article 59 du Code du travail, l'ancienneté, les droits puis le salaire continuent à exister, et vous recommencez à négocier une convention collective. Je voudrais juste, pour que ce soit clair... Ce n'est pas une fin, qu'il n'y a plus de convention collective. Dans les faits, vous renégociez une convention collective et les travailleurs, eux, continuent à obtenir au minimum pendant 90 jours, le temps de la négociation... parce que le code prévoit qu'il ne peut pas y avoir ni grève ni lock-out avant 90 jours.
Deuxièmement, en ce qui concerne le droit de... Oui? Excusez.
La Présidente (Mme Lemieux): Voilà, allez-y, monsieur...
M. Després: Excusez-moi, je pensais que vous m'adressiez...
La Présidente (Mme Lemieux): Mais je veux juste vous faire remarquer... Je ne sais pas si vous vouliez...
M. Després: Non, je pensais que vous...
La Présidente (Mme Lemieux): ...intercaler vos interventions de quelques remarques de la part de la FTQ. C'est votre choix, mais... Parce que le temps file.
M. Després: Oui. Nous aurons l'occasion de toute façon, et il reste encore du temps, de pouvoir échanger mais pour préciser un certain nombre de choses.
Deuxièmement, en ce qui concerne... et contrairement à votre juriste, M. Nadeau, au sens que l'article 45, ou l'article 10a sur la Loi sur les relations ouvrières, en 1958, dont il a été écrit... Je ne pense pas et nous ne pensons pas au gouvernement ni au ministère du Travail que, quand on a écrit cet article-là, on faisait une distinction entre la sous-traitance interne et la sous-traitance externe. Oui, des décisions de la Commission des relations de travail, oui, les jugements de la Cour suprême sont venus. Et on utilise le terme «glissement».
Puis je reviendrai au cas de Sept-Îles. Moi, comme payeur de taxes, je ne trouve pas normal, pas du tout, que, si la municipalité décide effectivement de donner ses ordures en sous-traitance à un sous-traitant qui, lui, va faire l'activité qui était concédée avec ses camions, avec son personnel, que l'accréditation de la convention suive. Je m'excuse, j'ai beau expliquer ça à tout citoyen que je rencontre, ce n'est pas normal. Ce n'est pas normal. Or, si on transfère du personnel, si on transfère des éléments caractéristiques dans l'entreprise, de l'équipement, c'est autre chose. Mais c'est un bel exemple... Puis, effectivement, tout dépendant du point de vue ou des juristes qu'on consulte et de la façon qu'on a fait l'analyse des choses, moi, je pense que ce n'est pas normal. Vous pouvez avoir l'opinion contraire, mais ce n'est pas de la protection des droits des travailleurs dans ce temps-là. La protection des droits des travailleurs, c'est quand effectivement il y a eu transfert de ressources. Et le sens de 45... Et, quand on dit qu'on revient, c'est exactement ça qu'on veut faire, de revenir au sens de 45, qu'on parle de la sous-traitance interne ou externe.
Ceci étant dit, Mme la Présidente, j'aurais tout de même quelques questions pour pouvoir échanger avec les gens de la Fédération des travailleurs. J'aimerais que vous m'expliquiez d'où vient... ou dans l'analyse que vous en avez faite, et je donne... À la page 1 de votre mémoire, lorsque vous dites que «la conséquence du projet de loi est que 70 % [...] risque d'échapper complètement à [...] 45», j'aimerais que vous m'expliquiez parce que tantôt vous avez parlé des deux tiers, c'est sensiblement la même chose ? comment vous avez évalué ça.
n(15 h 40)nLa Présidente (Mme Lemieux): Alors, M. Massé. M. le ministre, considérant qu'il reste à peu près 1 min 30 s, on va aborder tout de suite l'autre enveloppe de temps si ça vous convient, là.
M. Després: O.K., oui.
La Présidente (Mme Lemieux): Parce que ce serait un peu ridicule que l'échange soit aussi court.
M. Després: Après la réponse.
La Présidente (Mme Lemieux): Après la réponse, je considérerai qu'on utilise une autre partie de l'enveloppe de temps. M. Massé.
M. Massé (Henri): On l'a abordé de façon très pragmatique en faisant le tour du genre de sous-contrats qu'on représente dans nos entreprises. Et, quand vous dites qu'il faut que ce soit la plupart des caractéristiques qui soient transférées pour qu'il y ait transfert, dans nombre, mais nombre, mais nombre de nos sous-contrats, par exemple, il y a juste la main-d'oeuvre qui est transférée parce que l'autre sous-contractant qui est là a déjà sa technologie, il a déjà son équipement, puis tout ça. Auparavant, 45 suivait. Là, là, on va transférer juste la main-d'oeuvre. C'est une des caractéristiques sur trois, quatre, cinq ou six. Ça, ça vient de... Je vais attendre que vous ayez fini, je ne voudrais pas l'expliquer deux fois.
M. Després: J'ai fini. Allez-y.
M. Massé (Henri): Ça vient, dans ce cas-là, par exemple, de mettre une bonne partie de nos sous-contractants complètement de côté. Les clauses qu'on avait dans le code nous protégeaient là-dessus. Ça fait qu'on a fait le tour, que ce soit dans l'alimentation, que ce soit dans le transport, que ce soit dans le papier, on a fait le tour des contrats qu'on a. Quand je vous dis, là, 66 et 2/3, 70, bien, vous allez peut-être me demander: C'est-u... C'est empirique. C'est empirique, mais on en aurait long à vous dire là-dessus.
L'autre élément que je reviens, c'est quand vous citez des études qu'il y a eu au ministère du Travail. Oui, il y en a eu, des études, il y en a eu, des études, mais il n'y a jamais eu d'études, parce que... Moi, ce que je trouve, ce qu'il y a de pire à l'heure actuelle dans le débat public, c'est qu'on vient nous dire que, dans le fond ? puis, ça, c'était le patronat, c'est ça qu'il disait ? on sous-traite moins que l'Ontario et donc il faut avoir des allégements au Code du travail pour être capable de sous-traiter autant que l'Ontario. Ça, c'était la question de fond, c'est là-dessus que le patronat a bûché puis depuis quatre, cinq ans. Il n'y a aucune étude au Québec là-dessus, aucune étude, ni du ministère du Travail ni d'ailleurs. La seule qui a été produite, c'est la FTQ, avec un sondage auprès de 850 entreprises. Il n'y en a aucune, M. le ministre, aucune. Qu'on ne vienne pas nous le dire, là, il n'y en a aucune. Et, si on veut parler de ça, on est prêt à en parler, mais il va falloir le mesurer convenablement. C'est ça, notre problème.
Deuxième élément, on a dit: Bien, on est en retard. On en a plus de sous-traitance qu'ailleurs, on en a plus. Dans l'usinage, là, on a 20 %, l'usinage, c'est là qu'est l'avenir, c'est là qu'est l'avenir dans la sous-traitance parce qu'on est capables d'aller récupérer des emplois des États-Unis, on est capables d'aller récupérer des emplois du reste du Canada, on est capables d'aller récupérer des emplois de l'Europe, comme on fait avec les trains d'atterrissage, par exemple, à Mirabel, là, Messier-Dowty... on fait des trains d'atterrissage. Il y a moyen d'élargir ça, puis c'est là-dessus qu'on travaille à l'heure actuelle, nous autres. Mais ça, là, à l'heure actuelle, le code, il ne nous empêche pas de le faire. On est capables de le faire, on est capables de continuer à progresser dans ce genre de sous-traitance là puis ramener des emplois au Québec.
Nous autres, ce qu'on voudrait, c'est de parler des vraies affaires, pas mêler tout ensemble, les choux, puis les navets, puis les carottes, là, mais parler des vraies affaires. Si on parle des vraies affaires, moi, je pense qu'on est capables de faire avancer le débat. Quand vous dites: Bien là, à un moment donné, oui, il n'y a pas de transfert de personnel. Comment ça se fait, ça, que l'accréditation pourrait suivre pareil? Depuis 1960 que c'est la même chose, c'est l'érosion du certificat d'accréditation. Vous avez un certificat d'accréditation, vous couvrez un ensemble d'activités, et, quand l'employeur veut le sous-traiter, puis tout ça, il peut le faire, il n'y a rien qui l'empêche. Il y a soit la convention collective... Quand on veut empêcher la sous-traitance chez nous, on l'empêche dans la convention et, quand on ne veut pas l'empêcher, on ne se bâdre pas de signer, dans nos conventions collectives, une clause qui va dire: Bien là, s'il y a sous-traitance, ça se fera à telles conditions. On se fie sur le Code du travail qui est là. Et ça fait tout simplement dire ça. Le certificat d'accréditation peut être érodé, mais pas à n'importe quelle condition. Puis, comme on était capable de discuter avec l'employeur, puis comme on était capable de discuter avec le sous-traitant, au lieu de s'en aller dans une sous-traitance de «cheap labor» tous azimuts, bien, ça nous protège.
Puis, quand vous me dites que, ça, ces changements-là n'auront pas de conséquence sur nos travailleurs, là, moi, je vous dis que vous faites fausse route. On s'en reparlera dans cinq mois, on s'en reparlera dans six mois, on s'en reparlera dans un an. Je fais juste regarder, là, Wal-Mart qui est en train de s'implanter un peu partout en Amérique du Nord, qui paie ses salariés 3 $, 4 $ de l'heure de moins que les autres entreprises, et là, même dans des entreprises comme Loblaw's ou d'autres, là, les pressions sont féroces pour... On est dans une spirale à la baisse. Là, on permet une sous-traitance tous azimuts ou... Si on n'est pas capable de le faire directement, bien, on aura juste à sous-traiter. Puis une façon de sous-traiter en ne transférant pas la majorité des caractéristiques, puis bedang! on vient de régler ça. On est dans un monde, là, qui est en compétition, là, puis féroce, féroce. Mais, nous autres, on est capables de la prendre, la compétition. Moi, je pense que c'est sur la productivité qu'on devrait faire des débats par les temps qui courent, mais la vraie productivité, comment mieux travailler puis aller chercher les meilleures façons de travailler en Europe puis un peu partout, mais pas en s'enlignant vers une spirale à la baisse où on va toujours assommer.
Quand on parle de classe moyenne, là, la FTQ, on connaît ça, la classe moyenne, là, c'est à peu près 80 % de nos membres... 90 % de nos membres sont dans la classe moyenne. Puis pourquoi qu'ils sont dans la classe moyenne? C'est parce que, avec le temps, on a défendu les travailleurs puis les travailleuses qu'on représentait, on a créé des conditions de travail qui ont de l'allure, ils paient des impôts puis ils font avancer l'économie. Et là on va s'en aller dans le sens contraire. Parce que, si c'est vrai, ce que vous dites, qu'il n'y a pas de problème pour les travailleurs puis que les salaires vont rester la même chose puis... On sous-traite autant qu'ailleurs, là. C'est quoi, l'avantage de venir mettre la hache là-dedans à ce moment-ci si c'est pour pas grand-chose? Moi, je ne comprends rien, là.
La Présidente (Mme Lemieux): Alors, M. Massé, si vous me permettez, je donnerais la parole à l'opposition officielle, au porte-parole de l'opposition officielle. Ça va? M. le porte-parole.
M. Arseneau: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je veux, moi aussi, souhaiter aux gens de la Fédération des travailleurs du Québec la bienvenue à l'Assemblée nationale et à son président, M. Massé.
Je dirais tout simplement, au départ, Mme la Présidente, que j'aurai, je pense, facilement l'assentiment de ma formation politique à l'effet qu'on puisse prendre tout le temps qu'il faut pour discuter de ce projet de loi là, et faire toutes les études, et d'écouter abondamment tous ceux qu'il faut écouter. C'est pour ça qu'on est prêts à écouter tout le monde.
Mme la Présidente, je voudrais voir, puisque... Si je me réfère au communiqué de presse émis par le ministre au moment du dépôt de son projet de loi, il dit trois raisons pour ce projet de loi là. Corriger une lacune du droit québécois mise en évidence par un glissement de jurisprudence. Je pense que M. Nadeau vient de camper très clairement, et d'autres nous l'indiquent: glissement, ce n'était pas sûr. S'il y a un glissement, c'est à savoir s'il y a vraiment un glissement. Mais c'est glissant, ça. Et deuxième raison, il parle d'une clarification des règles sur les amendements de 2001. Ça, on peut comprendre que la loi soit toujours perfectible et qu'on peut toujours améliorer un projet de loi. Et la troisième raison, c'est parce que le Québec doit s'adapter à un environnement économique en constante évolution. Là, c'est l'aspect concurrentiel, compétitif du Québec. Et, là-dessus, M. Massé, vous venez de nous faire un plaidoyer, je pense, qui démontre qu'il se fait de la sous-traitance, qu'on est capable d'en faire, de la bonne sous-traitance, avec des bonnes conditions de travail. Et on avait un spécialiste hier soir qui nous a dit: C'est un faux argument que de prétendre qu'on va rendre le Québec plus concurrentiel au niveau de la sous-traitance, il s'en fait en masse.
Alors, ma question, ce serait la suivante. Comme le ministre dit à chaque fois qu'il veut revenir au fondement de l'article 45, qu'est-ce qui va rester dans l'article 45 pour assurer la protection des travailleurs et des travailleuses, tel que souhaité par le législateur en 1961? Y va-tu y en avoir assez pour protéger les travailleurs?
La Présidente (Mme Lemieux): Alors, M. Massé ou M. Nadeau, à votre choix. M. Nadeau?
M. Nadeau (Gaston): Il y a un premier problème qui est celui de la portée du texte. Nous partageons l'opinion de d'autres que le texte est extrêmement ambigu, va donner lieu à des litiges considérables. Tant mieux pour les avocats, mais je ne suis pas certain que ça va bien servir les relations de travail au Québec.
Alors, qu'est-ce que ça veut dire, la plupart des éléments caractéristiques de l'entreprise? Vous n'avez qu'à tout simplement ne pas transférer votre personnel, le mettre à pied, puis «that's it». Parce que, pour nous, on passe... L'élément important, c'est le travailleur d'abord, et c'est pour ça que l'article 45 a été mis dans le code. Ce n'est pas pour faciliter la concurrence. Le 45 a été mis dans le code pour protéger le travailleur.
Il est vrai que, dans le cas de Sept-Îles, il n'y a pas eu de transfert de travailleurs, mais, dans le cas de Sept-Îles, il y a des travailleurs de Sept-Îles qui n'ont pas été rappelés au travail, qui auraient été rappelés au travail par la ville de Sept-Îles, mais qui ont perdu leur job en n'étant pas rappelés au travail parce que la job a été donnée à un sous-traitant. Alors, quand vous donnez du travail à un sous-traitant, du travail qui est exécuté dans l'entreprise ou à la ville, vous éliminez des emplois chez le donneur d'ouvrage ou à la ville, c'est mathématique. Autrement, il n'y a pas de raison de faire de la sous-traitance. Et souvent vous éliminez des emplois de deux façons: vous éliminez parce que vous transférez des emplois existants ailleurs puis parce que le sous-traitant souvent va réduire ses effectifs. Et c'est ce qui fait que, derrière les camions d'éboueurs, quand c'est un sous-traitant, vous avez une personne qui court sans vêtements de protection et un chauffeur. Quand c'est la ville qui le fait, généralement, vous avez deux personnes en arrière du camion avec des équipements de protection, puis un salaire décent, puis des bénéfices sociaux décents. C'est ça, l'article 45. Et l'amendement qu'on apporte va vider l'article 45 de ses éléments les plus protecteurs et les plus importants pour les travailleurs au bénéfice des entrepreneurs de tout genre et de tout acabit.
n(15 h 50)n M. Massé l'a dit tantôt, au niveau de la haute technologie, 45 ne pose aucun problème. Généralement, les sous-traitants coûtent plus cher. Alors, ce n'est pas un problème. C'est au niveau de la classe moyenne, les emplois non spécialisés, où ça va faire extrêmement mal et où on va déqualifier nos emplois au Québec.
La Présidente (Mme Lemieux): M. le porte-parole... M. le député de Richelieu, je crois comprendre qu'il faut tout de même un consentement pour que vous puissiez poser des questions. Est-ce que ça va? Est-ce qu'il y a consentement? Je peux entendre un oui...
Une voix: Oui.
La Présidente (Mme Lemieux): ...ou un non? Merci. M. le député.
M. Simard: Mme la Présidente, merci. Dans un article ? vous savez, les journaux ont publié récemment des avis ? c'était dans Le Devoir, je pense, une chronique où quelqu'un était défenseur du projet de loi du gouvernement et quelqu'un qui s'y opposait. Alors, quelqu'un qui faisait la défense du projet de loi du gouvernement, c'était M. Claude Le Corre, qui jugeait nécessaire et utile le projet de loi, et il écrivait ceci. Et je m'adresse en particulier aux gens de la SCFP mais à tout le monde, parce que, avec les projets de réingénierie de l'État, je pense que ça se pose. Ce défenseur de la loi, du projet de loi du ministre disait: Pourquoi le gouvernement intervient-il maintenant avec le projet de loi n° 31? Il suffit de découvrir qui est l'employeur le plus paralysé par cette interprétation sur la sous-traitance. L'entreprise privée, par ce carcan, est nécessairement un donneur d'ouvrage dont le personnel est syndiqué et qui veut réduire ses coûts ou être plus performant en sous-traitant ce qui n'est pas essentiel à son entreprise. Or, le plus grand employeur syndiqué au Québec, c'est le gouvernement lui-même.
Est-ce que vous pouvez élaborer sur le fait que, en permettant... en abolissant l'article 45 à toutes fins pratiques, on va permettre aussi au gouvernement de sous-traiter dans des secteurs qui jusqu'à maintenant étaient essentiellement faits par des travailleurs syndiqués, des travailleurs qui ont fait jusqu'à maintenant, au Québec, un excellent travail?
La Présidente (Mme Lemieux): Alors, je comprends, M. Dupuis.
M. Dupuis (Pierre): Je pense que le projet de loi ici ouvre la porte à ça puis je vais vous l'expliquer de deux façons. D'une part, il y a d'autres projets de loi qui ont été déposés à l'Assemblée nationale, dans le secteur de la santé, pour isoler les travailleurs de bureau puis isoler les gens d'entretien. Et, dans nos conventions collectives, aussi bien dans le secteur de la santé que dans le secteur municipal ? on est aussi bien d'aborder les choses de front ? on a négocié plusieurs statuts temporaires, des gens sur appel, des auxiliaires qui travaillent d'une façon... quand les besoins sont là. On leur avait donné beaucoup de latitude pour s'assurer que l'employeur ne paie pas du monde à rien faire et là on se rend très bien compte qu'en introduisant ça ils n'auront pas à mettre ce monde-là à pied parce que ces gens-là travaillent sur appel et ils vont pouvoir confier ça à des sous-traitants à l'extérieur. Puis on sait qu'on a toujours du monde qui sont prêts à travailler pour 2 $, 3 $, 4 $ de moins de l'heure que les gens qu'on représente actuellement dans ces secteurs-là parce que c'est du travail non spécialisé. Donc, pour nous autres, c'est évident que le gouvernement fait ça.
Et ce qui est un peu épouvantable, c'est qu'on vit dans une société où les gens qui sont particulièrement visés par ça, ce n'est pas les plus nantis, c'est les gens qui ont des salaires de 25 000 $, de 30 000 $ par année et qui vont devoir baisser à 15 000 $ puis à 18 000 $, et ils vont redevenir à la charge de l'État parce qu'ils n'auront pas le moyen... ils ne pourront pas se négocier d'assurance médicaments, ils ne pourront pas se négocier de régime de retraite. Et on repousse le problème à plus tard, dans la société future, où on devra soutenir ces gens-là quand ils vont être malades ou quand ils vont être retraités. Et dans nos... Ce que disait M. Massé plus tôt, on a négocié nos conventions en mettant de la souplesse sur ce qu'on peut appeler le travail sur appel, le travailleur auxiliaire, justement pour permettre aux employeurs du secteur public et parapublic d'avoir la souplesse voulue. Et là on se fait tirer dans les jambes complètement
Et ces gens-là, qui déjà ont de la misère à arriver, vont être soumis à des contracteurs qui vont leur offrir le minimum. Puis ça, on n'invente pas, là. On vient de voir ce qui s'est passé chez Bombardier, dans les cuisines, où les salaires viennent de passer de 17 $ à 12 $ ou 13 $ de l'heure. On a vécu ce dossier-là, nous autres, au SCFP, de plein fouet, l'année passée, dans le dossier de Vidéotron où les conditions de travail étaient coupées de 40 %. Et ça, là, les chiffres sont là, on les a vécus. J'ai eu le plaisir de défendre ce dossier-là pendant des mois de temps, et donc, ce n'est pas de la théorie qu'on parle, c'est de la pratique.
La Présidente (Mme Lemieux): Merci, M. Dupuis. M. le député de René-Lévesque, je crois. Il reste quelques minutes dans ce bloc.
M. Dufour: Oui, merci, Mme la Présidente. Alors, bienvenue à la Fédération des travailleurs du Québec. J'ai posé une question hier par rapport, je dirais, à l'inquiétude que j'ai. Premièrement, je suis extrêmement surpris à lire votre mémoire: 175 000 personnes au niveau de la sous-traitance. Alors, s'il ne se fait pas de sous-traitance au Québec, je me demande où est-ce qu'on va. M. le ministre parlait de l'article 59 tout à l'heure. Et j'ai posé des questions bien claires hier sur l'applicabilité actuelle, s'il y aurait des changements au code par rapport à 45. Et, le lendemain, quand l'accréditation ne suit pas, vous posez une série de questions à 14, troisième paragraphe: «Qu'arrive-t-il des emplois[...]. Doivent-ils subir une mise à pied, peuvent-ils revendiquer un emploi chez le sous-traitant, conservent-ils leur ancienneté?» Avez-vous fait une évaluation des éléments qui sont apportés là par rapport à l'inquiétude que vous avez, vous autres, par rapport au projet?
La Présidente (Mme Lemieux): M. Massé.
M. Massé (Henri): Bon, on a fait une évaluation rapide. C'est des questions qui demeurent sans... bien, on connaît déjà la réponse ou d'autres qui demeurent sans réponse. C'est pour ça que je reviens, moi, sur la question du temps, du temps. On ne peut pas faire ça en deux semaines de commission parlementaire puis dans une heure de débat. Il faut être capables de se parler des vraies affaires. Moi, je le répète, là, à la FTQ, on n'est pas des braillards, on est du monde de terrain puis, quand ça a été le temps de débattre, on débat. Mais il me semble, moi, que le gouvernement, en ne permettant pas vraiment cette expression, là, de maturité qu'on s'attend de nos partenaires habituellement, moi, je ne sais pas où on s'en va. Et ce n'est pas juste une question de courage, là, 45. Moi, je pense que c'est une question de lucidité aussi. Si, vous autres, vous êtes très lucides, parfait. Nous autres, on ne l'est pas encore en tout cas. Puis je pense que, quand on veut procéder dans une affaire de même, il faut le faire... que tout le monde soit sur la même longueur d'onde.
La Présidente (Mme Lemieux): Merci, M. Massé. Il reste deux minutes à l'enveloppe pour le parti ministériel. M. le ministre.
M. Després: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Juste pour vous dire, M. Massé, vous parliez tantôt d'études, vous avez vous-même dit dans votre première intervention qu'il y avait eu des études de toutes sortes. On s'est fiés, je le répète, sur les documents qui existaient au ministère du Travail, au gouvernement, entre autres le rapport Mireault, le rapport Lemaire, le Comité d'allégement réglementaire et bien d'autres qui existaient. Vous l'avez dit, il y a eu des études de toutes sortes.
Ceci étant dit, vous avez mentionné vous-même tout à l'heure le journaliste de La Presse. Je vais vous dire, vous n'avez peut-être pas l'habitude d'avoir de l'appui; nous autres, ça nous arrive dans le journal Le Devoir, dans l'éditorial de Jean-Robert Sansfaçon, et vous me permettrez de le citer: «En 1996, le gouvernement du Parti québécois avait confié à trois experts le soin d'étudier la question. Dans son rapport, la commission Mireault recommandait d'exclure de l'application de l'article 45 les cas de sous-traitance pour des "fonctions" secondaires au sein d'une entreprise. C'est ce que le projet de loi n° 31 veut permettre. En apportant ces changements comme le précédent gouvernement aurait dû le faire, le gouvernement Charest ne fait rien de plus que de rapprocher la législation québécoise de ce qui se fait ailleurs. Il n'y a rien dans ce projet de loi pour monter aux barricades!»
En terminant, M. Massé, je vous dirais, et vous l'avez dit, et je le répète, effectivement, il s'en fait de la sous-traitance au Québec. Vous avez 175 000 travailleurs, vous-mêmes, qui vivent d'entreprises, vous négociez vous-mêmes vos conventions collectives. Je le répète, ce sont les conventions collectives qui vont faire foi des conditions de travail. C'est vous qui allez être à la table avec les employeurs pour décider, comme vous l'avez toujours fait et comme vous allez continuer de le faire, j'en suis certain. Et je suis convaincu, en terminant, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Lemieux): Si vous voulez conclure.
M. Després: ...que les 175 000 membres qui font la FTQ, qui sont représentés par eux, ont sûrement, dans toutes les régions du Québec, de bonnes conditions de travail. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lemieux): Merci, M. le ministre. C'est tout le temps qui était alloué au parti ministériel. Il nous reste sept minutes du côté de l'opposition. Je comprends que ça se peut que vous ayez envie de réagir, alors vous pourrez le faire à l'occasion de l'échange avec l'opposition. Est-ce que je donne un droit de parole au député de... Matapédia?
n(16 heures)nMme Doyer: Je vais essayer d'être très brève. D'ailleurs, ma question, ça va être...Au Québec, le contexte, on a 40 % des gens qui sont syndiqués autour, au Québec. Et Michel Venne, dans un article, nous disait qu'on a à peu près un tiers des employés au Québec qui ont un emploi atypique, au statut précaire et vulnérable. Puis vous nous avez dit que la sous-traitance, qui fait qu'on est gagnant en quelque part en termes de travailleurs et employeurs, il s'en fait beaucoup au Québec, hein? Et, moi, je... Le Conseil du patronat nous a dit qu'on s'excitait pour rien, tout le monde, là, qu'il n'y avait pas péril en la demeure puis que normalement ça devrait améliorer la situation puis... Bon. Alors, oui ou non, on s'énerve pour rien puis on est inquiets pour rien, et là que ce soit dans le secteur privé ou public? J'arrête là.
La Présidente (Mme Lemieux): M. Massé.
Mme Doyer: Puis que vous êtes là... Excusez-moi. Parce que...
La Présidente (Mme Lemieux): Vous aviez dit que vous seriez très brève.
Mme Doyer: Oui, mais ça, c'est... Je vais être brève. C'est parce que ce matin nos amis d'en face nous disaient que vous étiez là pour protéger les accréditations syndicales mais pas les travailleurs.
Des voix: ...
La Présidente (Mme Lemieux): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît!
Mme Doyer: Alors, c'est ça.
La Présidente (Mme Lemieux): Mme la députée, s'il vous plaît!
Mme Doyer: Oui.
La Présidente (Mme Lemieux): Les travaux se sont bien déroulés jusqu'à maintenant...
Une voix: ...
La Présidente (Mme Lemieux): Les travaux se sont bien déroulés jusqu'à maintenant. J'en appelle aux députés d'abord. Mme la députée de Matapédia. Alors, j'aimerais que ça se termine correctement, sinon je suspends immédiatement, et on vide la salle. Est-ce qu'on se comprend?
Mme Doyer: Oui, certainement.
La Présidente (Mme Lemieux): M. Massé. Et ça s'adresse à tout le monde. M. Massé, s'il vous plaît.
M. Massé (Henri): Bien, en tout cas, s'il n'y avait aucune, aucune conséquence, s'il n'y avait pas de problème, on ne serait pas en train de crier au loup à l'heure actuelle. Pour une fois, à la FTQ, moi, je pense qu'on s'est comportés de façon très pragmatique dans le passé. Moi, je n'aime pas ça, crier au loup puis... quand ce n'est pas vrai, là, tu sais. Finalement, ce n'est pas ça qui fait qu'on bâtit des bonnes relations de travail puis ce n'est pas ça qui fait qu'on bâtit une crédibilité. Trouvez-moi un dossier, là, dans les cinq, six dernières années, là, où on est venus vous dire que c'était épouvantable, que ça n'avait pas d'allure puis que... Bon. Habituellement, on est assez modérés puis on est assez tempérés. Puis on prend la peine de vous dire aujourd'hui que, même si ça ne fait pas notre affaire puis qu'on n'a pas le goût de discuter bien, bien de 45, il faut prendre le temps de regarder ces affaires-là puis il faut prendre le temps de débattre. C'est ça qu'on vous dit, là. C'est ça qu'on vous dit, là.
Moi, il n'y a pas personne qui va me faire accroire qu'on est obligés de faire ça avant les Fêtes, là, en vitesse, là. Je veux bien croire que le gouvernement dit: Si je m'en débarrasse le plus vite possible, ça me fait moins de pression moins longtemps, là. Mais on n'est pas dans le domaine du politique, là, on est dans le domaine de la réalité concrète, de ce qu'on va vivre, des travailleurs puis des travailleuses au Québec. Y a-tu moyen qu'on prenne quelques mois de plus puis qu'on regarde ça comme il faut?
Je vous ramène à Mireault. Puis ça me met en maudit parce que je trouve qu'on y va avec des demi-vérités. C'est vrai que Mireault, il a fait un rapport en disant: La sous-traitance de fonction, là, ce qui n'est pas tellement important, là, on devrait... Mais, en même temps, il a assorti ça d'employeur unique puis il a assorti ça du lien d'emploi, parce qu'il a dit: Si on ne fait pas ça, on peut vider les accréditations puis on peut vider la substance de représentation puis du droit de négociation des travailleurs, des travailleuses. Pas un maudit mot dans votre projet! Pas un maudit mot! Moi, je suis tanné de ça. On devrait arrêter de se parler avec des demi-vérités puis des préjugés puis se parler des vraies affaires. Si vous voulez qu'on se parle des vraies affaires, il y a probablement des solutions à trouver.
Je vous reviens aux études, je vous reviens aux études. Tout ce maudit débat là qu'on est en train de faire à l'heure actuelle tourne toujours autour du retard qu'on a sur l'Ontario, qu'on sous-traite moins puis qu'on est moins productifs. Moi, n'importe quand, je suis prêt à relever le défi là-dedans, avec n'importe quelle étude, parce que c'est des faussetés monumentales. C'est de là que part le problème. C'est de là que part le problème. On n'est pas en train de dire qu'il y a eu quelques problèmes au Québec, puis tout ça, vous êtes en train de nous dire que ça sous-traite beaucoup plus ailleurs. Ce n'est pas vrai. C'est ça, la question, puis cette question-là n'a jamais été répondue ni par le gouvernement du Québec ni par aucune étude sérieuse.
Nous autres, on en a mené une, puis je ne dis pas, là, que c'est la meilleure étude en ville. On l'a faite vite, puis tout ça, mais on l'a faite honnêtement puis on l'a faite avec un sondage auprès de 850 entreprises, là, autant ontariennes que québécoises. C'est pas rien, là, 850, par une compagnie de sondage de Toronto ? on ne pourra toujours bien pas nous accuser de nationalisme dans ce cas-ci, là, de Toronto ? puis les conclusions, c'est: Ce n'est pas le code, ce n'est pas la convention qui nous empêchent de sous-traiter, ça vient au sixième puis septième rang. Puis la conclusion, encore une fois, dans le secteur industriel de l'usinage puis de l'assemblage: 20 % de sous-traitance de plus au Québec qu'en Ontario, 20 %. Il n'y a personne qui est venu nous dire le contraire. C'est ça, quand on parle d'études. On voudrait débattre des vraies questions, puis, après ça, s'il y a des changements qui s'imposent, on ferait les vrais changements puis les bons changements, M. le ministre, les bons changements.
La Présidente (Mme Lemieux): M. Massé, il reste quelques minutes. M. le porte-parole, il reste à peu près trois minutes.
M. Arseneau: Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. Vous dites, M. Massé, à la page 10 de votre mémoire, que «le gouvernement doit comprendre que, s'il persiste dans ses intentions de rompre le contrat social qui s'est établi au Québec, il doit s'attendre à ce que la rupture du contrat vaille pour les deux parties». Si on mettait dans la balance les gains, supposons, là, entre guillemets, que le ministre prétend que ça pourrait faire faire à l'économie du Québec en regard des coûts que pourrait engendrer la rupture du contrat social dont vous parlez, de quel côté va la balance d'après vous?
La Présidente (Mme Lemieux): M. Massé.
M. Massé (Henri): Moi, je pense que ça va être beaucoup plus négatif. Et juste vous dire, là, tu sais, les... C'est facile de dire: Allez négocier ça aux tables de négociation, là, pas de problème, c'est là que ça doit se régler, alors que, dans les autres provinces, il y a une bonne partie qui n'est pas réglée aux tables de négociation, qui est encore réglée à travers le Code du travail. M. Nadeau l'a expliqué comme il faut tantôt. Nous autres, on nous dit: Bien, allez tout faire ça aux tables, là.
Et vous savez que négocier la sous-traitance, c'est féroce, ça. Si le ministre du Travail ne le sait pas encore, c'est parce que ça ne fait pas assez longtemps qu'il est là. Il va le voir, là, quand on a des grèves sur la sous-traitance, là, puis quand il nous reste rien que ça à régler, là, c'est tough, c'est des longues grèves souvent. Et c'est là qu'on dit, là: Là, on prend un système où on était protégés sur certaines des dispositions qu'on n'a pas été mettre dans nos conventions parce qu'on était protégés par le code, on nous les enlève du jour au lendemain puis rétroactivement, dans le fin fond, puis là on dit: Allez négocier ça avec les employeurs, tu sais. Vous allez voir que ce n'est pas comique, ça, puis ça peut amener des conflits. Moi, j'ai vu des fois aller chercher des virgules après des grèves de deux semaines, trois semaines, quatre mois, cinq mois, puis aller chercher un petit comité sur la sous-traitance, puis on en discute plus avec l'employeur. C'est des droits de gérance, ils sont féroces là-dessus, féroces là-dessus. Ça fait que ne venez pas nous faire accroire que ça se négocie facile. Ils sont féroces pour protéger le droit de gérance de la sous-traitance, puis nous autres de l'autre côté... Ça fait que ce n'est pas, ce n'est pas, ce n'est pas... Ce n'est pas mineur, ça, là, là. Ce n'est pas mineur, ça. Quand on dit qu'il y a un petit danger pour la paix sociale, là, puis l'équilibre des relations de travail, là, ce n'est pas des menaces qu'on fait, là. Puis on n'est pas en train de dire qu'on va virer le Québec à l'envers, puis on va déchirer notre chemise, puis on ne parlera plus jamais aux employeurs. Mais il y a source, pas potentielle, il y a une source de conflits là assez importante dans les prochains mois puis dans les prochaines années, assez importante au Québec.
La Présidente (Mme Lemieux): M. Massé, il reste 10 secondes. M. Dupuis, alors...
M. Dupuis (Pierre): Juste un mot sur ça. Quand M. le ministre lit l'éditorialiste Sansfaçon pour parler des emplois, là, périphériques à l'entreprise, c'est les gens les plus... qui sont les moins bien payés, les plus démunis. C'est à ça qu'on s'attaque. Quand on dit que le projet, ça va juste favoriser le «cheap labor», c'est ça. Vous fessez sur les plus faibles, les plus démunis de la société, et ça, je trouve ça inacceptable.
Des voix: ...
La Présidente (Mme Lemieux): S'il vous plaît!
Des voix: ...
La Présidente (Mme Lemieux): S'il vous plaît!
Des voix: ...
La Présidente (Mme Lemieux): Qu'est-ce qu'on fait? Je suspends les travaux de la Chambre.
Des voix: ...
La Présidente (Mme Lemieux): Alors, M. Massé... Non, mais je tiens à redire... Je peux parfaitement comprendre que les gens veulent s'exprimer. Je tiens à redire qu'il est quand même important de voir au bon fonctionnement de l'Assemblée nationale et que cette règle-là, elle s'applique à tous les députés, elle s'applique aussi aux gens qui viennent observer les débats. Et j'aurai eu l'air stricte et j'accepte ce rôle, sinon on dérape collectivement.
Ceci étant dit, je veux vous remercier, M. Massé, ainsi que vos collaborateurs pour votre présence. Je crois que cette séance, comme les séances que nous avons eues jusqu'à maintenant, a été tout à fait pertinente et passionnante. Alors, je vous remercie et je vous demanderais de quitter dans l'ordre le salon rouge. Nous allons ajourner quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 9)
(Reprise à 16 h 20)
La Présidente (Mme Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Alors, nous allons entendre la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. M. Fahey, j'apprécierais que vous présentiez les gens qui vous accompagnent. Est-ce que j'ai massacré votre nom?
Fédération canadienne
de l'entreprise indépendante (FCEI)
M. Fahey (Richard): Un petit peu, mais vous n'êtes pas la première.
La Présidente (Mme Lemieux): Pardon?
M. Fahey (Richard): Vous n'êtes pas la première, ça fait que faites-vous-en pas.
La Présidente (Mme Lemieux): D'accord. Alors, vous me corrigerez, vous vous identifierez. J'en suis vraiment désolée.
M. Fahey (Richard): Il n'y a pas de problème.
La Présidente (Mme Lemieux): Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et qu'après il y aura des blocs simultanés... successifs, pardon, de 10 minutes d'échange avec le parti ministériel et le parti de l'opposition. Alors, la parole est à vous.
M. Fahey (Richard): Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, chers membres de l'Assemblée, écoutez, mon nom est Richard Fahey, je suis le vice-président, Québec, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Nous représentons les PME au Québec. Je suis accompagné d'André Lavoie, qui est analyste principal des politiques chez nous, et d'un de nos membres, et je suis très fier, M. Jean-Yves Archambault, du groupe ENICO, qui va vous parler comment se vit la sous-traitance de par le passé, actuellement et comment ça pourrait se vivre demain avec les modifications qui sont proposées.
Les 24 000 PME du Québec que nous représentons de même que les 105 000 à travers le Canada et qui emploient plus de la moitié des travailleurs vous remercient de l'opportunité que vous leur donnez de discuter de ce qui constitue pour nous l'enjeu économique principal du Québec contemporain.
Pour ceux qui ne nous connaissent pas, la FCEI est l'association patronale qui défend les PME. Organisme sans but lucratif, nous représentons des PME dans toutes les régions du Québec, dans tous les secteurs économiques, et il vaut la peine de rappeler qu'au moment où on se parle ces gens-là créent 80 % des nouveaux emplois annuellement. Elles l'ont fait cette année, elles l'ont fait l'an passé, elles l'ont fait il y a 20 ans et, au rythme que ça va là, elles vont continuer à le faire. Elles représentent 98 % des entreprises au Québec. Si plusieurs d'entre elles bénéficient quotidiennement de la sous-traitance, bon nombre n'auraient jamais vu le jour sans celle-ci.
Après une telle introduction, vous serez surpris de m'entendre dire que l'article 45 ou encore son ancêtre, l'article 10a de la Loi sur les relations ouvrières, n'ont jamais posé problème comme tel. C'est l'interprétation que les tribunaux... qui soulève les passions. En effet, ces derniers ont dénaturé l'intention du législateur et en sont venus à associer systématiquement le simple transfert de fonctions par sous-traitance à une concession partielle d'entreprise et ont imposé aux sous-traitants une convention collective qu'ils n'avaient même pas négociée. Le législateur ici ne vient que combler la lacune initiale en définissant ce qu'on entend par «concession d'entreprise». On est bien loin de défaire 35 ans d'application du code, puisqu'on n'a fait que corriger le glissement indu de la jurisprudence, qui avait d'ailleurs été souligné par la Cour suprême dans l'affaire Bibeault, tout en protégeant ? et c'est important ? les intérêts des travailleurs comme l'avaient voulu à l'époque les dirigeants syndicaux, patronaux et le gouvernement.
Le poids de contrats en sous-traitance ou encore la réalisation de ceux-ci constitue une stratégie d'affaires adoptée par 80 % des entreprises à travers le Canada. Ce sont 71,5 % des entreprises au Québec qui sont nées ou qui survivent à cause de la sous-traitance. L'octroi ou la réalisation d'un contrat de sous-traitance pour une PME a des effets bénéfiques tant sur l'emploi que sur le chiffre d'affaires. En effet, 96 % des entreprises québécoises affirment que l'octroi d'un contrat de sous-traitance ou la réalisation d'un contrat du genre s'est traduit par une augmentation du nombre d'employés, ou encore du maintien en emploi de leurs employés, parallèlement à l'augmentation du chiffre d'affaires. Dans un sondage réalisé il y a quelques semaines auprès de 2 535 PME québécoises, c'est dans une proportion de 73 % qu'elles souhaitaient des assouplissements aux règles entourant la sous-traitance. Seulement 7 % des membres s'opposaient au changement. Il est intéressant de constater que la tendance favorable tend à croître avec la taille de l'entreprise. Bien que l'appui à un assouplissement soit sensiblement le même à travers toutes les régions du Québec, ce sont dans les secteurs manufacturiers, de la construction, du transport et de la manutention où on assiste aux plus grands appuis pour la proposition gouvernementale. De plus, elles sont par centaines à avoir transmis au ministre du Travail une lettre dans laquelle elles l'incitaient à adopter la réforme et dans laquelle elles demandaient à leurs députés d'appuyer le gouvernement dans cette démarche qui a l'avantage de recentrer la position des PME dans un environnement économique similaire à ses compétiteurs tout en protégeant le droit des travailleurs.
Dans le cas de concession partielle, le gouvernement a réitéré sa volonté de respecter le droit d'association et leur capacité de négocier collectivement leurs conditions de travail tout en permettant au sous-traitant de les adapter à sa réalité. Bien qu'incomplet, le projet de loi n° 31, version 2001, avait d'ailleurs tracé la voie en tentant ? maladroitement, nous le croyons ? de rétablir le fragile équilibre entre les parties.
En dépit que la convention collective sera réputée expirée dès le premier jour de la concession, il n'en demeure pas moins que ses effets se poursuivront jusqu'à l'acquisition du droit de grève ou de lock-out. Le syndicat ne part donc pas les mains vides, puisque les salariés qu'il représente jouiront de la protection prévue à l'article 59 du code pendant une période pouvant aller jusqu'à 120 jours en fonction de l'avis de négociation.
Ce qui inquiète toutefois, pour les membres que nous représentons, qui sont généralement les receveurs de contrats de sous-traitance, bien qu'on ait plus de 3 500 manufacturiers, c'est que... la présence de clauses de prolongation des effets de la convention à l'intérieur des conventions collectives non seulement au-delà de la prise d'effet de la concession, mais aussi de l'acquisition du droit de grève. Comment croire qu'une PME puisse avoir le loisir de se payer un conflit de travail, à défaut d'accepter la convention antérieure, alors qu'elle vient de s'engager à la prestation d'un service, à la livraison d'un bien? La FCEI croit qu'une telle situation devrait être corrigée en prévoyant qu'à compter de la prise d'effet de la concession partielle le maintien des conditions de travail en vigueur chez le cédant ne sera assuré que pour la période la plus courte entre la conclusion d'une nouvelle convention ou l'acquisition du droit de grève, soit au plus de 120 jours. À défaut de procéder ainsi, il y a fort à parier que les discussions aux tables de négociation seront particulièrement intenses afin de limiter la prolongation de la convention dans les cas de concession partielle d'entreprise.
Au chapitre de la protection des travailleurs contre les manoeuvres déloyales, le gouvernement a lancé un message clair aux employeurs qui pourraient être tentés de contourner les buts de l'article 45. Tout comme on exige des employeurs un comportement dénué de pratiques déloyales, la FCEI croit qu'il devrait en être de même du côté syndical. On devrait exiger qu'il se plie à un test clair de son caractère représentatif avant qu'il ne discute avec le sous-traitant. Ainsi, l'article 45 a été adopté pour protéger le droit des travailleurs ? et c'est ce qu'il doit faire ? non pas pour favoriser la syndicalisation des employés du sous-traitant. Dans ce contexte, la tenue d'un vote secret et l'endossement de la représentativité syndicale chez le sous-traitant faciliteraient la négociation des nouvelles conditions de travail.
Il est faux de dire que les assouplissements à l'article 45 constituent une autoroute à la précarité ou un bar ouvert au «cheap labour». Quoi de plus insultant pour 90 % des PME qui ne sont pas syndiquées? Leurs travailleurs se disent, plus que partout ailleurs dans l'économie, satisfaits des conditions de travail qu'ils y trouvent. C'est d'autant plus insultant pour les créateurs d'emplois que sont les dirigeants de PME du Québec, qui ont à coeur l'essor de leur entreprise non pas pour augmenter leurs bénéfices, mais pour associer positivement leurs travailleurs à la croissance et à l'augmentation de leur qualité de vie de leur communauté, et qui contribuent à l'emploi régional. Il faut éviter de les caractériser comme des gens sans coeur qui ne cherchent qu'à exploiter leur personnel. C'est aussi faux que de dire... La sous-traitance devrait plutôt être vue comme une façon innovante de créer des emplois, de créer des nouvelles entreprises et d'offrir des conditions de travail raisonnables au plus grand nombre.
n(16 h 30)n Les leaders syndicaux sont bien malvenus de prôner à certaines tribunes l'inclusion des plus démunis sur le marché du travail et, dans la foulée du débat actuel, d'accepter que des milliers d'emplois, source de dignité à tous ceux et celles qui peuvent en occuper un, ne se créent dans les PME. Le choix est clair: vivre dans une société où on donne une chance à un plus grand nombre de travailleurs sur le marché du travail, et ce, à un salaire raisonnable ou ne faire place qu'au plus petit bassin de travailleurs plus largement rémunérés. À la FCEI, nous croyons aux solutions pragmatiques, équilibrées, qui ont l'avantage de bénéficier au plus grand nombre plutôt qu'à quelques choisis qui ne souhaitent que protéger le statu quo. Il est temps de recentrer la position des PME dans un environnement économique similaire aux compétiteurs d'ailleurs au Canada et aux États-Unis. Les modifications proposées au Code du travail permettent de revenir à l'essentiel, à la véritable intention des syndicats, des patrons et du gouvernement lors de l'introduction de cette disposition. Sur ce, Mme la Présidente, je passerais la parole à Jean-Yves Archambault, de l'entreprise... du groupe ENICO pour leur expérience.
La Présidente (Mme Lemieux): M. Archambault, bienvenue à l'Assemblée nationale. Alors, la parole est à vous, et je vous indique qu'il vous reste à peu près une dizaine de minutes au total.
M. Archambault (Jean-Yves): Excellent. Merci, Mme la Présidente. Je viens vous peindre une certaine réalité de terrain. Je suis un homme d'affaires, président-directeur général d'une PME. Je ne suis pas juriste, je ne suis pas avocat et malheureusement j'ai très peu de temps à suivre les différentes réformes et les lois. Tout mon temps est consacré, vous le comprendrez, à la survie de mon entreprise.
Dans ma carrière, j'ai eu l'occasion de travailler premièrement chez Lavalin, que tous connaissent; par la suite, chez ADS Associés ltée; et, en 1990, je suis parti en affaires pour un besoin que je voyais très présent à ce moment-là. Donc, depuis 13 ans, mon entreprise a évolué énormément. De cinq, six employés, nous sommes maintenant une trentaine de spécialistes, ingénieurs et technologues. Les secteurs d'activité que l'on touche sont principalement l'automatisation, l'instrumentation, le contrôle et l'électricité dans le domaine de l'ingénierie. Notre position actuellement sur le marché québécois est, je dirais, un leader en première position. Et, sur le marché international, plus on évolue, plus on prend de place. Un chiffre d'affaires initialement, en 1990, de 250 000 $, nous sommes rendus au-delà de 4 millions de chiffre d'affaires maintenant.
Pour illustrer, Mme la Présidente, qu'est-ce que le groupe ENICO fait dans son quotidien, je vais vous citer un dernier exemple, un dernier projet que nous avons réalisé, la modernisation de la ligne Cheese Whiz, chez Kraft, qui est un de nos clients. Alors, on ne fait pas de Cheese Whiz. Par contre, on fait des modernisations de procédés afin d'améliorer les situations des grandes entreprises et des PME. Dans le contexte de ce projet, notre responsabilité d'ingénierie était voir à la programmation, aux configurations et à l'ingénierie détaillée afin d'améliorer le procédé de réalisation du Cheese Whiz.
Les motivations qui m'ont été inculquées dès le départ de mon entreprise étaient principalement reliées à un changement de marché par la haute technologie principalement, besoin très pointu de plusieurs entreprises, et particulièrement le fait que je ne pouvais pas vivre chez mon employeur de l'époque, ADS, par un manque de contrats. Je voyais très clairement que mon entreprise, qui était constituée de spécialistes, avait avantage à pouvoir offrir ses services à plusieurs entreprises, ce que j'ai donc fait, en 1990, partir ma propre entreprise.
Les motivations que je voyais à l'époque, qui sont toujours les mêmes, pour mes clients à sous-traiter au groupe ENICO étaient principalement sur le fait qu'ils devaient nécessairement, par les nouvelles technologies, se reconcentrer sur leur vrai secteur d'activité ? comme, par exemple, la production de Cheese Whiz, l'exemple que je donnais tantôt ? et faire appel plutôt à des services spécialisés, des équipes de spécialistes pour des projets très pointus qui à l'occasion sont appelés à être exécutés dans la majorité des entreprises.
Notre clientèle actuellement est composée d'environ 50 % de clients syndiqués, 50 % de clientèle non syndiquée. Parmi les syndiqués, quelques-uns comme Hydro-Québec, le port de Montréal, Alcan, la Société de transport de Montréal, la ville de Laval, la ville de Montréal, toutes des entreprises syndiquées. Dans les entreprises non syndiquées, j'ai déjà mentionné Kraft, Boralex, SNC-Lavalin, qui est mon ancien employeur ? à l'époque, Lavalin ? et Dessau-Soprin, pour ne nommer que ceux-là, Dessau-Soprin, qui est aussi mon ancien employeur, ADS Associés ltée.
Ce que je vois sur le terrain comme bénéfices aux clients dans la favorisation de la sous-traitance, c'est principalement les partenariats en haute technologie, le partage des connaissances, le partage de la formation et évidemment pouvoir faire appel à des équipes spécialisées dans des créneaux spécifiques afin d'augmenter leur compétitivité sur les marchés.
Ce que je vois maintenant dans les bénéfices des sous-traitants, donc de ma PME et de mon personnel, à favoriser la sous-traitance, c'est des jobs, de l'ouvrage, de la main-d'oeuvre de très haute qualité. Mon personnel est hautement motivé. C'est un personnel d'explorateurs, un personnel qui aime les défis, qui aime la recherche, qui aime les modifications perpétuelles et si fréquentes en haute technologie. C'est aussi un personnel hautement qualifié, donc très bien rémunéré. Finalement, ce que mon personnel y retrouve comme bénéfices, entre autres, c'est... Ces gens-là sont dans leur zone de confort au niveau du travail, ils aiment la flexibilité de la PME, le travail non routinier, la formation nécessaire et continue et finalement, ce qui est le plus important, la conciliation travail-famille que la PME est capable d'apporter dans un contexte plus flexible de travail. Pour moi, sur le terrain, ce que je constate, c'est que les partenariats, et donc la sous-traitance, sont une question de survie pour les grandes sociétés comme les PME.
Je le répète, les ententes d'affaires, l'utilisation de services pointus, le partage de connaissances et de compétences sont essentiels à la survie des grandes sociétés au Québec de même que des PME. On doit cependant toujours garder en mémoire qu'une société ne peut vivre que par ses profits. Les PME sont comme les grandes sociétés, les profits sont un élément important non pas pour remplir les poches des présidents, mais bien pour former le personnel, acquérir des nouvelles compétences, acquérir des nouveaux matériaux et bien entendu traiter de meilleure façon ses employés. Merci.
La Présidente (Mme Lemieux): Merci, M. Archambault, de ce témoignage. Il vous reste un peu plus que deux minutes à votre intervention.
M. Fahey (Richard): Nous le remettons aux parlementaires. C'est rare qu'on est en avance sur notre temps, mais on est prêt à recevoir vos questions.
La Présidente (Mme Lemieux): Alors, vous êtes très généreux. Alors, M. le ministre, nous allons donc aborder une période d'une dizaine de minutes, M. le ministre, d'échange.
M. Després: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je voudrais d'abord remercier les gens de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante de participer à cette commission parlementaire. Je vous dirais que ce qu'il y a d'original jusqu'à date dans votre présentation, contrairement aux autres... Parce que chacun, naturellement, par rapport à l'article 45, a son point de vue, son analyse juridique, ou son analyse économique, ou son analyse par rapport aux droits des travailleurs, mais ce qu'il y a de différent dans votre cas, c'est que vous êtes venus avec un exemple d'entrepreneur qui vit effectivement de contrats de sous-traitance. Et je tiens à le rappeler parce que ça fait partie de la réalité, puis effectivement il s'en exerce. On le sait tous qu'il s'en exerce de la sous-traitance au Québec, 71 % des entreprises ont été créées ou vivent de contrats de sous-traitance.
Je le disais tantôt à la Fédération des travailleurs du Québec ? ils l'ont dit eux-mêmes ? 175 000 de leurs travailleurs vivent de sous-traitance. Je leur ai posé la question: Est-ce que vos membres ont des mauvaises conditions de travail? Je pense qu'ils ont d'excellentes conditions de travail parce qu'ils sont représentés par la FTQ et ils sont assis à la table pour négocier les conditions de travail. Et, dans l'exemple que vous me donniez, vous me disiez que 50 % des entreprises avec qui vous traitez sont syndiquées, un autre 50 % qui ne sont pas syndiquées, ce qui reflète quelque part, parce que 40 % des gens sont effectivement syndiqués au Québec, donc dans les clients que vous avez.
C'est intéressant parce que vous êtes dans un secteur... Ce n'est pas de même dans tous les secteurs, mais, dans votre secteur, vous êtes dans un monde spécialisé. Et effectivement le marché du travail s'en va de plus en plus dans un monde qui est effectivement très spécialisé, et vous êtes capables d'aller chercher des contrats, de faire travailler du monde qui... Je ne connais pas les conditions, mais vous m'avez dit qu'il y avait effectivement de bonnes conditions de travail parce que, bon, vous êtes dans le secteur de la haute technologie.
n(16 h 40)n Mais ce qu'on a voulu faire avec le projet de loi qu'on dépose, c'était effectivement de revenir ? parce que vous avez un ensemble, M. Fahey, d'entreprises que vous représentez, la majorité des PME au Québec ? l'objectif qu'on avait, c'était de revenir au sens 45. Il y en a qui ont un point de vue totalement différent, il y en avait avant vous, il va y en avoir après vous, mais l'objectif était celui-là, de revenir au sens réel de 45 et ne jamais oublier, ne jamais oublier que ce sont les parties... ce n'est pas le gouvernement qui est assis à la table, c'est les parties qui sont assises à la table. Peu importe la centrale syndicale, peu importe l'employeur, ce sont les parties qui sont assises à la table, et c'est eux qui vont décider de ce qu'ils mettent dans les conventions collectives. Ce n'est pas le Code du travail qui vient négocier, ce sont les parties.
Ceci étant dit, vous avez, dans votre mémoire, fait une proposition. J'aimerais vous entendre, parce que, nous, dans la proposition concrète par rapport à la modification... je crois très sincèrement que, lorsque 45 s'applique, naturellement, dans le droit des travailleurs, l'accréditation suive. Il y avait déjà eu des modifications en 2001 qui ramenaient... peu importe le temps de limite de la convention, de le ramener à 12 mois. Nous, au fond, ce qu'on dit, le mot «expiré» est utilisé, mais, dans les faits, dans les faits, les conditions de travailleurs sont maintenues. Que ce soit leur ancienneté, que ce soit leur salaire, elles sont maintenues. Ce qu'on permet, c'est immédiatement le renouvellement de la convention collective. Et, en fonction du Code du travail, en fonction de l'article 59, il ne peut pas, de toute façon, comme c'est déjà prévu au code, ni y avoir de grève ni y avoir de lock-out de part et d'autre avant le 90 jours. Et ils repartent sur un départ comme si la convention effectivement venait de se terminer, comme ça arrive dans tous les cas où, un jour ou l'autre, la convention collective se termine. Mais le droit des travailleurs, je tiens à le préciser, est maintenu, contrairement à ce que certaines personnes essaient de dire. Mais, vous, vous avez une vision différente, j'aimerais que vous vous expliquiez là-dessus.
M. Fahey (Richard): Merci, M. le ministre.
La Présidente (Mme Lemieux): M. Fahey.
M. Fahey (Richard): Mme la Présidente. En fait, on respecte cet équilibre, cet équilibre qui doit s'installer dans le cadre de la négociation, ça, on le respecte. La crainte qu'on a, c'est la capacité d'une PME qui vient de recevoir un contrat par sous-traitance, O.K., de pouvoir réaliser rapidement ce contrat-là dans la mesure où, après 90 jours, par exemple, l'entité, l'unité syndicale refuse, s'en va en grève et, donc, en quelque sorte... Et, dans bien des cas, là, on parlera d'une unité syndicale qui a une convention collective qui a une clause dedans qui prévoit déjà la prolongation jusqu'à la nouvelle convention collective. À ce moment-là, ce qu'on craint, nous, c'est que, pour la PME, pour l'employeur, le nouveau sous-traitant, il y ait là une prise d'otages, une prise d'otages où on lui empêche, soit par grève ou lock-out, de réaliser le contrat qu'il s'est engagé auprès du donneur d'ouvrage. C'est là la crainte qu'on a.
Bien sûr, il est important que les parties négocient entre elles ces nouvelles conditions de travail, mais ce qu'on propose, c'est en quelque sorte un genre de date limite, de date butoir où, après un certain temps, l'employeur serait relié en quelque sorte. C'est la crainte qu'on a de ce qu'on considère, nous, peut-être une prise d'otages pour le sous-traitant. Peut-être, André...
M. Lavoie (André): En fait, M. le ministre...
La Présidente (Mme Lemieux): M. Lavoie, je vous identifie pour les fins de transcription...
M. Lavoie (André): Merci, madame...
La Présidente (Mme Lemieux): ...puisque ce que nous disons va passer à l'histoire, et on veut savoir qui vous êtes.
M. Lavoie (André): Je suis très heureux de passer à l'histoire, Mme la Présidente. Ce que nous disons, M. le ministre, c'est que, pour bien des PME du Québec... Quand on dit que 90 % des PME du Québec ont moins de 20 employés, elles ne pourront pas supporter le coût d'une grève, pas plus qu'elles ne pourront supporter le coût d'un lock-out. Donc, en termes de négociation de convention, si, au bout de 90 jours, ils n'ont pas réussi à s'entendre et qu'il y a maintien des conditions de travail au-delà de 90 jours ? ou 120 jours, là, dépendamment quand est-ce que la négociation a été donnée ? on se retrouve à ce moment-là... le rapport, l'équilibre dans la négociation est beaucoup plus difficile du fait que les conditions de travail sont maintenues comme telles. Donc, il n'y a pas d'incitatif comme tel de la part du syndicat à accepter les conditions de travail que l'employeur pourrait lui proposer, et là ça met en péril, par la force des choses, ça met en péril l'exécution du contrat de sous-traitance, puisqu'il n'y a pas de possibilité, là, pour l'employeur de s'entendre avec son syndicat et donc d'exécuter, si vous voulez, là, le contrat de sous-traitance.
Donc, c'est en ce sens-là qu'on faisait la remarque, puisque, dans beaucoup de conventions collectives chez des sous-traitants... Je n'ai pas de pourcentage comme tel, mais ce qu'on nous dit, c'est qu'il y a beaucoup de conventions collectives chez les donneurs d'ouvrage, où on retrouve ce type de clause de prolongation là. Et c'est tout à fait légitime qu'il y ait une prolongation des conditions de travail jusqu'à la signature de la convention collective dans un cadre normal, mais, dans le cadre de concession comme telle, nous soulignons justement qu'il y aurait possibilité de faire un ajustement parce qu'il va y avoir grande difficulté de ce point de vue là pour les PME. Et, plutôt que de s'engager dans ce genre de dynamique là, il y a fort à parier que les dirigeants de PME plutôt refuseraient de prendre un contrat de sous-traitance à ces conditions-là. Peut-être que M. Archambault pourrait en témoigner.
La Présidente (Mme Lemieux): Alors, je veux juste... À moins que vous vouliez le faire maintenant, il reste à peu près une minute et demie dans ce premier échange.
M. Archambault (Jean-Yves): Bien, peut-être pour citer un exemple, dans un contrat avec la ville de Laval, les différents syndiqués ont voulu s'impliquer de façon concrète dans la réalisation d'un projet d'ingénierie. Alors, je me voyais forcé de prendre certains membres de l'équipe d'ingénierie, membres pour lesquels je ne connaissais pas leur motivation ni leurs compétences. Alors, j'ai tout simplement refusé de soumissionner dans ces contextes-là, voyant peut-être, là, le péril du projet par un manque de contrôle du personnel affecté à sa réalisation.
La Présidente (Mme Lemieux): M. le ministre, pour conclure ce premier échange.
M. Després: Oui, un court commentaire. Au fond, ce que vous me dites, c'est que le projet de loi ne va pas assez loin mais à cause du délai. Vous aimeriez, au fond, que le délai tombe.
M. Fahey (Richard): ...amélioration.
M. Després: Ce serait une amélioration, une bonification, mais je vous dirais que, dans les amendements... On a bien pesé les amendements toujours en respectant le fondement du code. Et je veux vous dire que, si on donne effectivement l'amendement à la législation de pouvoir dire que la convention expire, mais, dans les faits, que les conditions sont maintenues des travailleurs et en fonction de l'article 59, il n'est pas dans mon intention de laisser tomber ce délai parce que la protection des travailleurs se retrouve justement là, c'est le fondement du code. J'ai toujours dit que c'est les parties qui décideront, donc j'aime autant vous dire qu'on prend en note toutes les observations, mais que j'ai l'intention de conserver ça. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lemieux): C'est bien, M. le ministre. Alors, on va aller du côté de l'opposition officielle. M. le porte-parole.
M. Arseneau: Merci beaucoup, Mme la Présidente. À mon tour de souhaiter la bienvenue à M. Fahey, M. Lavoie et M. Archambault. D'entrée de jeu, je vous dirais que j'ai eu l'occasion de parcourir votre mémoire et que, dans la première partie, je trouve que c'est assez bien résumé comme évolution de l'article, du sens donné à l'article 45. Je pense que c'est assez bien campé comme analyse.
Mais, cependant, bien, bien respectueusement, j'aimerais quand même, d'entrée de jeu, vous dire que c'est drôle, mais, quand je me réfère à la page 4, puis un petit plus loin à la page 6, puis que je vais à la page 18, d'entrée de jeu, je me dis: Il y a comme une contradiction, là. Bien, on a, d'un côté, l'objectif de vouloir faciliter la sous-traitance, et l'objectif du ministre est très clair. Vous, vous partagez cet objectif-là. Ça voudrait dire que c'est comme si, au Québec, il ne se faisait pas de sous-traitance, ou qu'il ne s'en faisait pas assez, ou que vous voulez la faciliter encore davantage. Mais je ne comprends pas, là, parce qu'on n'a pas suffisamment d'études ? en tout cas, c'est ce qui ressort, là ? des impacts de ce que ça pourrait avoir si on veut aller plus loin dans la sous-traitance.
Parce que je vous ramène à la page 4, vous dites, par exemple: «...80 % des emplois créés annuellement dans la province [...] 98 % [...] sont [...] ? par ? des PME.» Tant mieux. «Si plusieurs d'entre elles bénéficient quotidiennement de la sous-traitance, bon nombre n'auraient même pas vu le jour sans la sous-traitance.» Ça veut dire qu'il s'en fait.
Et, après ça, vous êtes un peu moins gentil pour les tribunaux quand même, vous dites qu'ils ont étiré la sauce. Je pense que les tribunaux ne font pas de sauce, ils font du droit, puis ça coûte assez cher pour les juristes, là.
n(16 h 50)n Mais, à la page 18, vous dites, et je vous cite: «...outil de création d'emplois.» Vous parlez bien sûr de la sous-traitance, vous dites: «Près de la moitié des entreprises canadiennes ? et donc, 50 %, près de la moitié, même pas ? et 57,6 % des entreprises québécoises ont été créées suite à l'obtention d'un premier contrat de sous-traitance.» Je conclus de ça qu'il se fait à ce stade-là... au niveau de l'impact sur la création d'entreprises, plus d'entreprises au Québec qui se créent par la sous-traitance qu'en Ontario. Alors, je vois comme une contradiction.
Est-ce que, si on veut continuer à faire de la sous-traitance... Et je pense que ce n'est pas ça qui est l'objet. L'objet, c'est de préserver, je pense, la nature des emplois. Est-ce que vous avez des études ou vous avez des éléments qui vous amènent à croire, et à penser, et à affirmer que ces emplois additionnels qu'on pourrait, entre guillemets, créer vont être des emplois de la qualité dont parle M. Archambault?
La Présidente (Mme Lemieux): M. Fahey.
M. Fahey (Richard): Merci, Mme la Présidente, M. le député. La FCEI n'a jamais dit et ne dira jamais qu'il ne se fait pas de sous-traitance au Québec. Nos données de sondage, qui sont prises auprès des dirigeants de PME qu'on représente, le démontrent, vous les avez citées, 57 % en créent, 71 % non seulement la créent, mais doivent survivre ? M. Archambault est un cas patent. Donc, notre objectif ici, ce n'est pas de vous dire qu'il ne se fait pas de sous-traitance. O.K.?
Notre objectif ici est de deux ordres. Premièrement, il y a eu glissement jurisprudentiel au niveau de l'interprétation de l'article 45. Donc, les tribunaux ont associé à concession d'entreprise tout simple petit transfert de fonctions qui pourrait être fait à un sous-traitant. C'est là qu'il a fallu, en dépit d'une décision de la Cour suprême dans l'arrêt Bibeault... Il faut que le gouvernement intervienne parce que les tribunaux au Québec n'ont pas suivi la ligne donnée par la Cour suprême. Ça, c'est le premier élément. Donc, il y a une clarification nécessaire de ce que constitue une concession d'entreprise. Premier élément.
Deuxième élément, est-ce que ça va créer des emplois? Je vous donnerais deux statistiques. Le sondage de 2000, qu'on a réalisé, où 96 % des entreprises nous disent: Ça a contribué à créer de l'emploi dans une proportion de 60 %; et 36 % nous disent: Ça m'a permis de maintenir des emplois bien rémunérés ici, au Québec. Donc, c'est ça, des statistiques.
Donc, nous, on voit dans la sous-traitance... Et nos membres, ceux qui créent de l'économie, qui créent des emplois annuellement au Québec, plus de 80 %, nous disent: Si on facilite la sous-traitance au Québec, il va se créer plus d'entreprises, il va se créer plus d'emplois à la grandeur des régions du Québec ? parce que ça, c'est un autre élément, la sous-traitance se fait beaucoup en région ? et donc, dans ce contexte-là, ça va être bénéfique pour la société québécoise.
M. Lavoie (André): Et vous me permettrez...
La Présidente (Mme Lemieux): M. Lavoie, vous voulez ajouter quelque chose?
M. Lavoie (André): Oui. Vous me permettrez peut-être, M. le député, de vous mener à la page 19, la page suivante, là, de notre mémoire, où on invoque l'étude du professeur Van Audenrode, de l'Université Laval, qui parlait justement de la réduction du champ d'application de la disposition, donc de 45, qui pourrait entraîner une diminution de 5 % de ces clauses et une augmentation nette d'emplois de 13 000 $. La question que...
Une voix: De 13 000 emplois.
M. Lavoie (André): De 13 000 emplois, pardon. Donc, la question qui se pose, c'est: Est-ce que, effectivement, si... Selon l'étude du professeur Van Audenrode, est-ce qu'on peut véritablement faire une croix sur 13 000 emplois au Québec? Ce qu'on dit, c'est que, oui, il se fait de la sous-traitance, mais il pourrait s'en faire plus encore dans la mesure où on clarifiait la portée de l'entreprise ou la notion d'entreprise sous 45.
La Présidente (Mme Lemieux): M. le porte-parole.
M. Arseneau: Je comprends bien, Mme la Présidente. Et je m'étais rendu à la page 19, et c'est un peu là que je veux en venir aussi parce qu'on entend parler bien sûr... C'est certain que, peut-être, si on abolissait complètement l'article 45, il se créerait des emplois peut-être davantage, mais c'est la nature des emplois qui m'intéresse, et je... On a des gens qui sont venus nous dire que d'abord il n'y avait pas eu de glissement ou que la Cour suprême n'avait pas mal interprété nécessairement M. Bibeault. Et d'ailleurs il faudra peut-être l'inviter, M. le ministre, qu'il vienne nous expliquer qu'est-ce qu'il pense du projet de loi n° 31.
Mais les gens nous ont dit: Il faut faire attention, il se fait non seulement beaucoup de sous-traitance au Québec, il se fait de la sous-traitance à l'externe sans aucune difficulté, et l'article 45 ne s'applique à peu près jamais, ce qui fait que... Par exemple, M. Archambault pourrait peut-être nous expliquer, dans la sous-traitance externe, qu'est-ce qui l'empêche de sous-traiter. Est-ce que l'article 45 est un empêchement pour lui? Cependant, ce qu'on nous a dit aussi, c'est que c'est à l'interne où, là, il pourra y avoir... la sous-traitance à l'interne où, là, il peut y avoir des difficultés.
Moi, j'aimerais que vous me disiez si vous avez en main des études ou si vous avez des moyens d'infirmer la prétention à l'effet qu'il y aura des impacts. Parce que, des gens nous l'ont dit, il y aura des impacts négatifs sur les conditions de travail. Même le ministre l'a reconnu qu'il y aura des impacts négatifs sur les conditions de travail des travailleuses du Québec parmi les plus fragiles. Je ne parle pas des travailleurs spécialisés. Est-ce que vous avez des outils pour assurer et rassurer les travailleurs du Québec à l'effet que, dans la sous-traitance à l'interne, il n'y aura pas d'impacts négatifs sur les conditions de travail?
M. Fahey (Richard): M. le député, je vais commencer par rapport à la création d'emplois. Est-ce qu'il va y avoir des impacts négatifs sur les travailleurs? Les études qu'on a démontrent qu'il va y avoir une création d'emplois. Donc, moi, je peux difficilement vous dire qu'il va y avoir des impacts négatifs, parce que je pense que quelqu'un qui attend un emploi chez Emploi-Québec ou sur l'assurance emploi, ce qu'il veut, c'est un emploi. Si la sous-traitance favorise l'emploi, bien là je pense que c'est bénéfique pour tout le monde. Ça, c'est le premier point.
Le deuxième point, au niveau des conditions des travailleurs, la question que je vous soumettrais, c'est: S'il y a 10 personnes qui travaillent à 20 $ de l'heure et que, demain matin, on a 15 personnes qui travaillent à 15 $ de l'heure, est-ce que le Québec est mieux nanti?
M. Arseneau: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Lemieux): Normalement, on compléterait cette... En fait, il reste une toute petite minute. Je demanderais aux gens qui se sont joints à nous, qui sont observateurs... Vous êtes les bienvenus à l'Assemblée nationale, tout le monde a le droit d'y être, vous pouvez avoir des opinions, mais je vous demande de les exprimer en silence. Alors, M. le député, une dernière minute.
M. Arseneau: Oui. C'est parce que j'aimerais vous entendre sur la question de la sous-traitance interne et externe. Parce que ce qu'on nous dit, c'est que, dans la sous-traitance externe, dans le secteur manufacturier, dont vous parlez à la page 19, il n'y a aucun problème, l'article 45 ne s'applique jamais. Alors, ça, c'est différent dans la nature des emplois. Parce que la question que je vous retourne, c'est la suivante: Si on déplace seulement des emplois et que les emplois qui sont déplacés sont déplacés pour des conditions de travail moins intéressantes, moins avantageuses, moins bien protégées et qu'on a une spirale à la baisse, comme nous parlaient les intervenants précédents, on n'enrichit pas les Québécois, là.
La Présidente (Mme Lemieux): En quelques secondes, M. Fahey.
M. Fahey (Richard): Écoutez, en fait, moi, ce que je dis simplement, c'est que la sous-traitance permet de créer des emplois, créer des emplois, donner le droit aux gens de travailler, d'avoir un salaire raisonnable, d'avoir le respect associé à un emploi. Puis, si la sous-traitance fait juste créer un emploi, bien, pour le chômeur, cet emploi-là, il est important, et ça, il faut respecter ça aussi. La question, encore une fois, dans mes propos liminaires, je le mettais de l'avant, le choix, c'est: Est-ce qu'on veut bénéficier au plus grand nombre ou juste quelques personnes qui bénéficient d'emplois qui sont payés au-delà des conditions applicables dans le marché?
La Présidente (Mme Lemieux): Alors, merci, M. Fahey. Du côté ministériel, est-ce que je comprends que le député de Roberval voulait s'exprimer?
M. Després: Oui, le député de Roberval.
M. Blackburn: Si vous me donnez l'occasion de parlementer, Mme la Présidente, ça va être un grand plaisir.
La Présidente (Mme Lemieux): Ça me fera plaisir.
M. Blackburn: M. Fahey, M. Archambault, M. Lavoie, merci beaucoup d'être ici. Aujourd'hui, on a entendu beaucoup d'informations, on a entendu beaucoup de situations qui peuvent être souvent documentées, d'autres fois moins documentées mais sur la réalité de tous les jours. Puis aujourd'hui on a dans la salle des gens, des pères et des mères de famille qui sont aussi sensibilisés par la cause et qui ont besoin de recevoir l'information qui est pertinente et l'information qui est juste. Et je prends le temps de bien regarder tout le monde, parce que, en quelque part, je pense que le débat est en train de dévier sur, je vous dirais, des batailles de principes. Puis, vous le mentionnez très bien, ce qui est important, c'est que les gens puissent travailler.
n(17 heures)n J'ai rencontré des travailleurs, cette semaine, dans mon bureau de comté, à Roberval et effectivement j'ai eu l'occasion d'échanger avec eux. Et en quelque part je me suis rendu compte... je me suis rendu compte qu'il y a beaucoup de démagogie qui est en train de se faire actuellement sur l'article 45. Et on avait, dans un mémoire qui nous était déposé... Dans le fond, l'article 45, les propositions de changement qui veulent être apportées, c'est de permettre qu'on puisse avoir un assouplissement, un léger assouplissement à l'article 45, justement pour permettre aux entreprises québécoises de pouvoir être encore plus productives, être encore plus compétitives à l'intérieur de marchés mondiaux. La boule est de plus en plus petite, on n'est plus seulement sur nos territoires, on fait affaire... On est des compétiteurs contre la Chine, contre l'Asie, contre l'Europe, et c'est dans cette perspective-là qu'on se doit de regarder les modifications qui y sont apportées.
Et le résultat net de tout ça, peu importent les grandes batailles qu'on pourra y apporter, peu importent les grandes batailles de tranchées... Parce que je sais que, peu importe ce qu'on va dire, les gens de l'opposition ne seront pas d'accord, comme notre collègue des Îles-de-la-Madeleine le disait ce matin en intervenant. Mais ce qui est important là-dedans, et c'est ce que vous avez mentionné, c'est que les gens puissent travailler, les gens puissent s'exprimer et puissent aller travailler pour apporter du pain et du beurre sur la table. Et la meilleure manière d'aider quelqu'un, c'est justement de mettre des conditions favorables qui vont justement permettre à ces individus-là d'aller travailler. C'est comme ça qu'on va être capables de faire en sorte qu'on va s'en tirer tous gagnants là-dedans.
Et tout à l'heure on avait des gens de la centrale FTQ qui étaient ici et qui mentionnaient qu'en quelque part on allait avoir une apocalypse qui allait s'en venir dans les relations de travail au cours des prochains mois, suite à l'adoption du projet de loi n° 31 modifiant l'article 45. Et on a M. Archambault ici qui effectivement fait de la sous-traitance et fait travailler des gens qui font de la sous-traitance. J'ai mon voisin qui fait de la sous-traitance, et il y a une cinquantaine de personnes qui travaillent pour lui, qui ont des excellentes conditions de travail. Alors, ma question, elle serait peut-être pour M. Archambault: Est-ce que les modifications qui sont apportées actuellement dans le projet de loi n° 31, qui vont nous permettre justement d'assouplir l'article 45... Est-ce que vous appréhendez l'avenir aussi sombrement qu'il nous l'a été présenté tantôt par les gens de la FTQ?
La Présidente (Mme Lemieux): M. Archambault.
M. Archambault (Jean-Yves): Merci, Mme la Présidente. Je crois au contraire que l'avenir ne sera pas sombre, mais on parle, comme je l'ai mentionné en conclusion, d'une question de survie. La compétitivité des entreprises doit passer par la sous-traitance pour se concentrer sur ses affaires primaires.
D'autre part, est-ce que cet assouplissement va nous donner plus ou moins de travail? Honnêtement, c'est difficile de le savoir, je n'ai pas de boule de cristal. Ce que je peux vous dire, c'est que, durant les 13 dernières années, j'ai vu une cinquantaine de mes compétiteurs en haute technologie faire faillite par manque de contrats. Alors, je crois qu'effectivement, avec un assouplissement, les entreprises comme la mienne pourront voir à leur survie de façon un peu plus facile et puis créer des emplois, comme on mentionnait tantôt, bien rémunérés en aidant les grandes entreprises à améliorer leur processus primaire d'affaires.
La Présidente (Mme Lemieux): Merci, M. Archambault. M. le député de Roberval, vouliez-vous compléter ou ça va?
M. Descoteaux: Mme la Présidente.La Présidente (Mme Lemieux): M. le député de Groulx.
M. Descoteaux: Bien, une brève question peut-être pour M. Fahey. J'ai vu dans votre regard, même si la distance entre nous est bonne, que les propos du ministre, à l'effet que le délai resterait, vous plaisaient peut-être plus ou moins, mais ce délai-là, dans la proposition du gouvernement, des amendements, nos prétentions sont à l'effet qu'il y a des sauvegardes pour les travailleurs. Une de ces sauvegardes-là... Et d'ailleurs c'est un peu curieux parce que vos prédécesseurs de la FTQ nous disaient: Bien, ça prendrait ce genre de sauvegarde là. Pourtant, elle est dans le texte de la loi, c'est l'article 46 qui dit que, si au fond c'était pour des fins de manoeuvre qu'on procédait ainsi, tout ça pourrait être annulé.
Au niveau du délai, qui demeure dans la loi, est-ce que ce n'est pas une sauvegarde? Parce que vous nous avez bien indiqué que la sous-traitance en question... Et on ne parlera pas de la sous-traitance externe parce que, jusqu'à un certain point, ce n'en est pas nécessairement. Mais la sous-traitance dans son ensemble et interne est génératrice d'emplois, et nos amis d'en face nous disent: Oui, c'est peut-être générateur d'emplois, mais, d'un autre côté, c'est générateur de «cheap labor». Puis, moi, quand je regarde le délai qui est là et qui doit être respecté, je me dis ? puis corrigez-moi si je me trompe ? c'est que l'employeur qui va prendre un sous-contrat devra être conscient des conditions d'emploi des salariés, et il devra vivre avec, et il devra respecter ces conditions-là parce que le délai est là. Et est-ce que justement ce n'est pas une soupape de sécurité pour les travailleurs du fait qu'ils seront protégés là et le sous-entrepreneur ne pourra pas créer du «cheap labor», bien au contraire?
La Présidente (Mme Lemieux): M. Fahey.
M. Fahey (Richard): M. le député, merci. Écoutez, vous avez tout à fait raison, l'article 45 a été mis dans le code pour protéger les travailleurs. Le point est... On parle de la philosophie du code ici, le code, c'est un équilibre, hein, c'est un équilibre entre les parties. On essaie de favoriser justement l'établissement de l'équilibre. Je pense que la proposition gouvernementale rétablit en bonne partie l'équilibre, mais, comme tout projet peut être amélioré, et c'est ça qu'on essaie de faire, c'est de dire: Bien, écoutez, pour assurer l'équilibre, que les PME ne soient pas prises en otages, il faudrait peut-être avoir un délai maximal au moment où... les conditions ne puissent pas perdurer pendant des mois, des mois, des mois, des mois de grève, alors que la PME, elle, a en main un contrat qu'elle doit réaliser. C'est dans ce contexte-là qu'on vous soumet une amélioration à l'article. Puis je demanderais peut-être à M. Lavoie de compléter.
La Présidente (Mme Lemieux): M. Lavoie.
M. Lavoie (André): En fait, ce qui risque en effet de se produire, c'est qu'au niveau des donneurs d'ouvrage... Et vous disiez vous-même, M. le ministre, que vous vouliez remettre la négociation entre les mains des parties, ne pas vous ingérer dans les conventions collectives. Ce qui va arriver, c'est que, dans les conventions collectives, chez les donneurs d'ouvrage, il appartiendra aux syndicats de négocier des clauses de protection, de prolongation justement de cette nature pour faire en sorte qu'il y ait un maintien des conditions de travail, nonobstant la concession partielle de l'entreprise ou quoi que ce soit. Donc, ce que nous disons tout simplement, c'est que, du point de vue... On ne se place pas du point de vue du donneur d'ouvrage, nous nous plaçons du point de vue de la PME qui va avoir une opportunité d'affaires, qui va approcher une entreprise et qui va... Dans un cas de concession partielle, il y a fort à parier... ce que nous vous disons, c'est qu'il y a fort à parier qu'une PME qui n'aurait de toute évidence pas les reins suffisamment solides pour maintenir un conflit de longue durée ou même... supporter un conflit de longue durée ou même supporter une convention collective négociée justement à son désavantage, qu'elle se retirera tout simplement, et là on perd des opportunités. C'était tout simplement la valeur de notre propos.
Et je rajouterais que justement, dans la mesure où le projet de loi prévoit que l'article 59.3 continue à s'appliquer à l'«integro», comme c'est le cas actuellement, les syndicats ne devraient pas craindre justement la détérioration des conditions de travail des travailleurs, puisque justement la prolongation va faire en sorte que c'est justement jusqu'à la signature d'une nouvelle convention collective. Je ne vois pas où est la désintégration des conditions de travail des travailleurs, puisque justement ça va être maintenu. Alors, je ne vois vraiment pas de problème de ce point de vue là.
La Présidente (Mme Lemieux): M. le député de Groulx, un tout petit 30 secondes.
M. Descoteaux: Oui, très bref. Bien, justement, vous rejoignez mes propos. En effet, c'est une deuxième sauvegarde pour les salariés et ce n'est pas créateur de «cheap labor», on se rejoint sur ça.
M. Lavoie (André): C'est exactement notre propos, et ce que nous disons...
La Présidente (Mme Lemieux): M. Lavoie, en conclusion.
M. Lavoie (André): En conclusion, ce que nous disons, c'est qu'au niveau des conventions collectives négociées chez les PME on doit tenir compte de la réalité économique des PME qui assument justement cette convention.
La Présidente (Mme Lemieux): Merci, M. Lavoie. Nous allons aller du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Matapédia, il reste environ neuf minutes à l'opposition.
Mme Doyer: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Moi, je... Vous nous avez parlé beaucoup de productivité et de compétitivité à travers votre écrit dans le mémoire et à la page 17 vous nous parlez de formation aussi, de formation reliée à la sous-traitance. Vous êtes les décideurs, là, vous avez à décider de c'est quoi, la priorité pour aller vers un objectif, une priorité que vous avez à choisir entre ces trois-là. Donc, la première, c'est d'apporter des modifications à l'article 45 du Code du travail; la deuxième, c'est de vous battre contre la hausse pressentie des tarifs d'électricité; la troisième, c'est d'avoir des budgets en formation. Parce qu'on a aboli, vous le savez, vous l'avez vécu, vous l'avez même peut-être probablement revendiqué et sûrement revendiqué, de l'abolir, la loi du 1 % pour la formation dans les PME, celles de moins de 1 million de masse salariale. Ça a enlevé 30 millions à peu près, 25 à 30 millions au niveau de la formation dans les PME, et, moi, ça m'apparaît important. Dans mon comté, j'ai une de mes entreprises qui a eu de la formation en anglais et en espagnol pour percer les marchés. Alors, vous êtes les décideurs, puis là je ne parle pas ? bien, là, je vais en parler ? de la baisse de 10 % des budgets dans les centres locaux d'emploi. Ça aussi, ça aide la productivité puis la compétitivité. Qu'est-ce que vous choisissez? C'est quoi, votre priorité à travers ces trois-là?
La Présidente (Mme Lemieux): M. Fahey.
n(17 h 10)nM. Fahey (Richard): Écoutez, ce n'est pas mes choix, c'est ceux des PME, c'est ceux des créateurs d'emplois qui trouvent actuellement que le régime à l'intérieur duquel ils vivent, que ce soit la loi du 1 %, que ce soit la sous-traitance, que là il y a des embûches à leur essor, qu'il y a des embûches à la création d'emplois, qu'il y a des embûches au développement du Québec. Donc, par sondage, ils nous font part de propositions.
Hydro-Québec, parce que vous y faites référence ? puis je pense que c'est un peu hors propos, mais la sous-traitance s'applique chez Hydro-Québec de la même façon ? Hydro-Québec s'est refusée de faire de la sous-traitance au niveau des services partagés. On a laissé sur la table 36 millions qu'on veut refiler aux consommateurs. Encore une fois, ce qu'on cherche, ce que les dirigeants de PME cherchent, c'est de l'efficacité. Si le gouvernement est plus efficace, il impose moins d'impôts. Si les PME sont plus efficaces, elles créent plus de jobs. Si les grandes entreprises sont plus efficaces, on vend plus à l'étranger. C'est ça, le débat dans lequel on est inscrits, c'est dans ce cadre-là que les PME veulent faire avancer les choses, veulent permettre un changement qui va bénéficier... qui va leur permettre de réinvestir dans la formation, dans leurs entreprises, auprès des employés, et, je pense, c'est de ça qu'on parle ici aujourd'hui.
La Présidente (Mme Lemieux): Mme la députée de Matapédia.
Mme Doyer: Juste une dernière remarque, là, je ne veux pas que vous réagissiez là-dessus. Mais est-ce que ça va être plus efficace de prendre des employés à 20 $ de l'heure, d'en avoir un peu moins puis d'en avoir plus à 15 $ de l'heure, en efficacité, en motivation? Ça va être quoi, le prochain pas, d'en avoir à 10 $, à 8 $?
M. Fahey (Richard): Poser la question...
Mme Doyer: Un petit peu plus encore?
La Présidente (Mme Lemieux): Oui. Non, vous pouvez. Même si la députée dit que vous ne pouvez pas vous exprimer, je vais vous donner le droit de vous exprimer.
M. Fahey (Richard): Merci, Mme la Présidente. Ma seule réponse à ça, c'est: Entre les cinq personnes qui restent sur le chômage puis en marge de la société versus les cinq personnes qui vont avoir un emploi digne et qui vont avoir un salaire raisonnable, je pense que ces cinq personnes-là souhaiteraient bien travailler.
La Présidente (Mme Lemieux): M. le député de Richelieu. Dans la mesure où j'ai le consentement, peut-être que nous pourrions convenir de la possibilité pour le député de Richelieu d'intervenir tout au cours de la séance? Ça vous va? M. le député de Richelieu.
M. Simard: Merci, Mme la Présidente. Moi, il y a une chose que je ne comprends pas du tout dans votre logique. Vous me dites d'un côté: Les conditions ailleurs au Canada, particulièrement en Ontario, sont meilleures, l'article 45 n'est pas là, les conditions sont plus faciles. Mais, en même temps, vous nous dites que vous créez plus de sous-traitance ici, que les entreprises sont créées... près de la moitié des entreprises canadiennes et 57 % des entreprises québécoises ont été crées suite à l'obtention d'un premier contrat de sous-traitance, plus de 65 % des entreprises canadiennes et 71 % des entreprises québécoises dans le cadre législatif, dans le cadre des relations de travail actuelles. Donc, ça va mieux qu'ailleurs, et vous nous dites: Changez ça. Moi, je ne comprends absolument pas. Là, j'ai bien de la misère dans votre affaire, là, à trouver une logique dans tout ça.
Vous ne nous donnerez pas des leçons de création d'emplois. On est partis de 14 % à 8,5 % pendant les neuf années où on a été au pouvoir, donc les leçons de création... On a justement redonné la dignité du travail à des centaines de milliers de personnes au Québec puis on a retiré des personnes de l'aide sociale. Je ne pense pas que vous ayez ici une base logique très forte à vouloir éliminer l'article 45 tel qu'il existe actuellement, alors que vous constatez vous-même qu'avec cet article vous avez plus de sous-traitance au Québec que vous n'en avez ailleurs.
La Présidente (Mme Lemieux): Alors, M. Fahey, je vois que le député de Richelieu est très convaincu, mais soyez très à l'aise, on n'est pas dans un tribunal.
M. Fahey (Richard): Écoutez...
M. Simard: M. Fahey, on le connaît bien, hein?
La Présidente (Mme Lemieux): Oui. Il peut vivre avec... Vous pouvez vivre avec ça, alors tant mieux.
M. Fahey (Richard): Tout à fait, tout à fait.
La Présidente (Mme Lemieux): Allez-y.
M. Fahey (Richard): En fait, premier élément, on n'est pas pour l'élimination de l'article 45, on va le dire clairement. Cet article-là est là pour protéger les travailleurs, et on n'est pas pour l'élimination. Ça, c'est le premier point. Deuxièmement, ce que dit la statistique, c'est qu'il y a plus de création d'entreprises au Québec liée à un contrat de sous-traitance. Ça ne veut pas dire qu'il se fait plus de sous-traitance au Québec que partout ailleurs au Canada. Deuxième élément. Troisième élément, la création d'emplois. Avec tout le respect que j'ai, ceux qui créent des emplois au Québec, c'est les dirigeants de PME.
La Présidente (Mme Lemieux): M. le porte-parole, il reste à peu près deux minutes.
M. Arseneau: Juste...
La Présidente (Mme Lemieux): Ça va, M. le député de Richelieu?
M. Arseneau: Oui, j'aimerais...
La Présidente (Mme Lemieux): M. le porte-parole.
M. Arseneau: ...revenir à une question. Parce que vous faites référence, au niveau de la création d'emplois, à une étude qui est l'étude de Marc Van Audenrode, Patrick Lefebvre et Royer, et, lorsqu'ils parlent de 13 000 emplois avec un changement législatif, il est question de l'abolition complète de l'article 45. Et, dans le journal Les Affaires du 1er novembre, on nous dit, lorsqu'il est question de cette étude, que ça pourrait aller d'un côté comme de l'autre. On n'est pas sûrs parce que le contraire serait aussi possible. «Par conséquent, M. Van Audenrode pense que l'abrogation de l'article 45 rendrait ces clauses plus difficiles à négocier pour les syndicats, les employeurs comprenant que, sans cet article, celles-ci deviennent le seul obstacle à la sous-traitance. Il en résulterait donc une diminution du nombre de conventions collectives comprenant de telles clauses. Mais le contraire est aussi possible. Ne se sentant plus protégés par l'article 45, les syndicats redoubleraient d'ardeur pour négocier des clauses restrictives...» Alors, est-ce qu'on a... Est-ce que ça vaut la peine? Est-ce qu'on ne serait pas mieux d'attendre, de regarder, d'étudier, d'avoir des vraies études avant de risquer de briser l'équilibre qui existe?
La Présidente (Mme Lemieux): M. Fahey.
M. Fahey (Richard): Deux éléments. L'idée d'attendre pour des études, là. L'an passé, sur la Loi sur les normes du travail, là, on en a fait des études. On est venus ici la défendre, elle est passée bien vite avant Noël. Premier élément. Deuxième élément, l'étude de Van Audenrode dit: S'il y a une simplification de 5 %, s'il y a une diminution du nombre de clauses de conventions collectives de 5 %, à ce moment-là, ça créerait 13 000 emplois. Donc, c'est au niveau de la clause, ce n'est pas au niveau de l'article 45 que fait le propos de Van Audenrode.
La Présidente (Mme Lemieux): M. Lavoie, et en conclusion.
M. Lavoie (André): Van Audenrode n'a jamais préconisé l'abolition de l'article 45, soit dit en passant, mais bien... Il fait une projection en disant: Si on réduit le nombre de clauses de conventions collectives qui interdisent ou limitent la sous-traitance, à ce moment-là on crée 13 000 emplois. C'est ça que Van Audenrode dit. Donc, il n'est pas question d'éliminer la... Et là justement ça rejoint le projet de loi n° 31 qui permet la négociation des parties. Les parties vont pouvoir continuer à négocier, par le projet de loi n° 31, des clauses qui limitent la sous-traitance ou qui la restreignent dans certains cas, mais il n'est pas question...
La Présidente (Mme Lemieux): Alors, sur ce...
M. Lavoie (André): Il n'est pas question justement, là, d'éliminer l'article 45 de quelque manière que ce soit dans l'étude de Van Audenrode. On n'en fait pas du tout la même lecture, respectueusement.
La Présidente (Mme Lemieux): M. Lavoie, sur ce, je vous remercie. M. Lavoie, M. Fahey, M. Archambault, merci de votre présence à l'Assemblée nationale et des échanges que nous avons eus. Nous allons maintenant accueillir la Confédération des syndicats nationaux. Merci beaucoup. Il faut s'installer, s'il vous plaît, parce que nous avons pris du retard. Nous suspendons donc quelques minutes. Et je demanderais tout de même aux gens de permettre aux représentants de la CSN de se préparer.
(Suspension de la séance à 17 h 19)
(Reprise à 17 h 21)
La Présidente (Mme Lemieux): Alors, à l'ordre! Nous allons reprendre nos travaux. Je vous demande, s'il vous plaît, d'être un petit peu plus disciplinés. Nous avons un peu de retard, nous allons donc terminer vers 6 h 20.
Nous accueillons donc la Confédération des syndicats nationaux. Mme Claudette Carbonneau, la présidente, bienvenue à l'Assemblée nationale. J'espère que les gens qui vous accompagnent ont tous fermé leurs téléphones cellulaires. J'aimerais vous indiquer que vous avez une période de 20 minutes pour nous présenter votre mémoire. J'apprécierais que vous présentiez les gens qui vous accompagnent avant de commencer votre présentation. Voilà.
Confédération des syndicats nationaux (CSN)
Mme Carbonneau (Claudette): Alors, merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, oui, je procède aux présentations. Donc, à ma droite, Marcel Pepin, adjoint au comité exécutif de la CSN; immédiatement à mes côtés, Roger Valois, vice-président de la CSN; et François Lamoureux, du Service juridique de la CSN.
Rarement, Mme la Présidente, un projet de loi aura-t-il soulevé autant d'indignation. Vouloir soustraire une majorité de travailleurs à la protection de l'article 45, c'est condamner des centaines de milliers d'hommes et de femmes à ne plus gagner dignement leur vie, c'est les laisser sur le carreau sans syndicat, sans voix pour faire valoir leurs droits, c'est en quelque sorte amener plusieurs de ces personnes à perdre leur emploi.
Mes collègues, d'ailleurs, présidentes, présidents de fédérations, du Conseil central de Québec, plusieurs militantes et militants de la CSN ont tenu aujourd'hui à nous accompagner pour porter haut et fort notre message. Partout, l'inquiétude est palpable. Partout, la colère gronde. Nous disons non à une société qui tourne le dos au droit d'association et qui oppose prospérité au partage de la richesse.
Le projet de loi n° 31 est composé de trois éléments majeurs. De loin la plus pernicieuse est celle qui vise à désyndiquer du monde, celle qui fait perdre des emplois décents et, il va sans dire, la convention collective quand la plupart des éléments caractéristiques de l'entreprise ne seront pas transférés au sous-traitant. Et là, soyons clair, le projet de loi prévoit la recette, la fournit au patronat pour contrer en quelque sorte la volonté des travailleuses et des travailleurs de maintenir leur syndicat.
Avant de les commenter une à une, je pense qu'un certain nombre de rappels s'imposent. D'abord, le Code du travail est là pour garantir l'exercice des droits collectifs, c'est sa spécificité. Quand on parle de droits collectifs, on parle de droit d'association, de négociation, droit de grève, et c'est ce qui distingue notamment du Code civil. La sous-traitance, au Québec, régit une part relativement importante de notre économie, et nous ne voulons pas d'un Québec avec des gens sans droits qui côtoieraient à l'avenir d'autres personnes de moins en moins nombreuses avec, elles, un minimum de droits. Ces droits collectifs sont consignés au niveau de l'Organisation internationale du travail. Et je rappelle que ça ne s'est pas fait au moment de la Première Guerre mondiale, là, c'est en 1998 que l'OIT réitérait les cinq conventions fondamentales, droit d'association, négo, grève. D'autre part, c'est aussi des dispositions qu'on retrouve dans la charte québécoise et la Charte canadienne des droits.
Maintenant, on peut revenir et s'interroger sur: Quel sens doit-on donner à l'article 45? Eh bien, le sens d'ailleurs qu'un gouvernement libéral a lui-même introduit dans la législation. Et je vous réfère au mémoire qu'on vient de vous déposer, aux travaux commandés par Jean Lesage, en page 6 où vous retrouvez de larges extraits. Je fais un commentaire rapide pour souligner à quel point le propos est limpide. Le droit à l'emploi, le droit de conserver son syndicat et sa convention collective ne doivent pas être mis en péril par la volonté de l'entreprise de recourir à la sous-traitance.
Aujourd'hui, c'est cet équilibre que vous vous apprêtez à bousiller. Seuls les employeurs auront des droits. Bien sûr, on s'est prêtés à un examen très serré des motifs invoqués par le ministre pour justifier un tel bouleversement. Or, à notre point de vue, ces motifs ne résistent pas aux faits, induisent la population en erreur ou encore sont en complète non-concordance avec les amendements qu'il nous propose.
Voyons voir. Le gouvernement invoque d'abord un supposé glissement de la jurisprudence. J'indique à cette commission qu'en cela il est contredit non pas par la CSN, mais par la Cour suprême du Canada dans ses arrêts les plus récents et les mieux étoffés. En 1988, la Cour suprême, dans l'arrêt Bibeault, avait conclu que le seul transfert des fonctions d'un donneur d'ouvrage vers un sous-traitant n'entraînait pas l'application de l'article 45. Avec cette décision, qui marque un tournant, on passe d'une vision fonctionnelle de l'entreprise à une vision dite organique qui implique le transfert d'un ensemble de moyens dont disposait le donneur d'ouvrage pour atteindre les fins qu'il recherchait.
Dès lors, c'est le Commissaire du travail qui est invité à juger au cas à cas, à porter une appréciation qualitative sur chacune des situations pour bien vérifier si les éléments essentiels de l'entreprise sont transférés chez le sous-traitant. La liste peut être longue. Dans d'autres cas, dépendant des secteurs d'activité, elle peut être plus courte. Mais, dans tous les cas, il y a un commissaire qui est appelé à porter un jugement qualitatif.
2001, décision récente, Cour suprême encore, cause Ivanhoé, ville de Sept-Îles, eh bien, la Cour suprême va décider que l'article 45 s'applique, bien que le personnel et l'équipement n'ont pas été transférés chez le sous-traitant. La Cour précise très clairement dans ses arrêtés ? vous avez les citations à l'intérieur du mémoire ? qu'elle n'a jamais, depuis l'arrêt Bibeault, retenu comme critère le transfert de tous les éléments de l'entreprise auprès du sous-traitant. Elle rappelle la nécessité, la pertinence d'avoir une vue qui n'est pas uniforme selon les situations, l'entreprise, les secteurs d'activité. Les composantes peuvent varier d'une situation à l'autre.
Ainsi, dans la décision de la ville de Sept-Îles, eh bien, oui, les fonctions, ramasser les ordures, ont été transférées, oui, le droit d'exploitation, le sous-traitant agit au nom de la ville, oui, la clientèle, qui sont en l'occurrence les citoyens, oui, le site d'enfouissement... Et partout, jusqu'à la Cour suprême, les tribunaux vont considérer que cela répond à la définition organique de l'entreprise. Alors, on combat, ce faisant, le mur-à-mur, on laisse place au jugement humain, on permet de distinguer entre les éléments signifiants et moins signifiants.
n(17 h 30)n Et le ministre du Travail voudrait nous faire croire qu'il y a là glissement, qu'on quitte le critère d'entreprise organique, alors que le plus haut tribunal du pays le contredit. Non, il n'y a pas de glissement. Il y a par ailleurs un gouvernement qui, lui, amène un détournement, lui, amène un dérapage et, je dirais même, quand il s'agit de défendre les droits des travailleurs, passe d'une conception organique de l'entreprise à des exigences, ma foi, tout à fait bioniques.
Le projet de loi n° 31 en effet ajoute aux critères de l'entreprise organique l'exigence que la plupart des autres éléments caractéristiques de l'entreprise soient transférés. Un, c'est un critère supplémentaire, deux, c'est un critère qui est quantitatif, non plus qualitatif, et c'est un critère qui peut s'avérer complètement absurde, puisqu'on pourrait voir une minorité d'éléments caractéristiques de l'entreprise transférés, mais que ce soient les éléments les plus signifiants, les plus cruciaux. Et, dans ces cas-là, quelle est la conséquence pour les travailleuses et les travailleurs? Perte du syndicat, perte des occasions de transfert, adieu, bien sûr, les conditions décentes de travail. En matière d'application des lois du travail, je pense que le jugement humain a toujours sa place. Et il est certainement intéressant d'envisager de le maintenir plutôt que de le remplacer par une calculatrice.
Ce faisant, ce projet de loi a pour effet de balayer deux pages et demie de références jurisprudentielles, toute la jurisprudence depuis 1988. Ça nous amène à autre chose que ce que prétend le ministre du Travail. Ce n'est plus de la sécurité juridique, ce n'est plus des décisions prévisibles. Au contraire, c'est un gros sac à chicanes qui s'ouvre pour les 10 prochaines années.
Quelles sont les conséquences concrètes pour les travailleuses et les travailleurs? Prenons un exemple: hôtel, école, hôpital, on a le choix. De quoi sera fait l'avenir au Québec dans un contexte de vieillissement? Attrition. Eh bien, dans le cas d'un hôtel, suite à des départs volontaires, dans un contexte où les gens ont même une clause qui les protège, ce qui n'existe que dans 50 % des cas, clause, par exemple, qui prévoirait qu'on ne peut pas procéder à de la sous-traitance si ça a pour effet d'entraîner des mises à pied ? il n'y a pas de mise à pied quand il y a de l'attrition ? alors on va tout simplement référer en sous-traitance un, deux, trois étages de l'hôtel, de l'école, etc. Et, à ce moment-là, évidemment, après leur avoir livré la recette, l'employeur sera soucieux de ne pas transférer une majorité des caractéristiques de l'entreprise et, en bonus, il pourra se débarrasser du syndicat. Alors, voilà là la première modification. Je pense qu'on est très, très loin des garanties que le ministre du Travail voulait donner au moment de la présentation du projet de loi quand il disait qu'il ne souhaitait pas s'attaquer au taux de présence syndicale et à l'institution.
Deuxième modification, apportée par le projet de loi, concernant le transfert de la convention collective, eh bien, c'est clair, on restreint le délai. Oui, la convention collective expirerait le jour de prise d'effet de la concession, oui, les délais de prolongation prévus au code sont là. Néanmoins, l'avis fourni au syndicat disparaît. Un beau lundi matin, on peut rentrer au travail, avoir changé d'employeur sans autre forme d'avis, la convention collective expire. Bien sûr, il y a les délais prévus à l'article 59. Et, croyez-nous, l'employeur, le sous-traitant aura probablement choisi la période où le rapport de force est le moins favorable au renouvellement d'une convention collective pour les travailleuses et les travailleurs concernés.
Dans le document de présentation du ministre, on lit qu'à la fois il souhaite protéger les conditions de travail des travailleurs et, en même temps, il garantit au sous-traitant que rapidement il pourra négocier des conditions mieux adaptées à sa réalité. Dire une chose et son contraire, c'est ce que je lis. Le ministre prétend que son opération en est une de mise à niveau par rapport à ce qui prévaut au reste du Canada. Je dirais ? et ça, il y a beaucoup de références dans notre mémoire ? que la portée actuelle des codes du travail dans les autres provinces canadiennes conduit à des résultats identiques que ceux qu'entraîne le Code québécois dans sa mouture actuelle. En ajoutant des critères pour limiter l'application de l'article 45, eh bien, on se range parmi les pires provinces canadiennes. J'ajoute en outre que, dans les autres provinces canadiennes, à tout le moins dans huit d'entre elles, on a une notion d'employeur unique qui évite de détruire inutilement des unités de négociation et d'affaiblir la présence syndicale.
Le gouvernement invoque beaucoup que son projet de loi présente des protections musclées contre les agissements antisyndicaux. Je rappelle que le texte actuel du Code du travail prévoit qu'il n'y a pas lieu de fragmenter ou de porter atteinte indûment au pouvoir de représentation. Le texte qui nous est présenté à cet égard est plus faible. On parle de poursuivre comme but principal. Quel employeur ne pourra pas invoquer avoir une quelconque intention économique? La preuve à fournir est irréaliste, inapplicable, et on se retrouve encore là en deçà de ce qu'on retrouve ailleurs avec, entre autres, des motifs ou des références comme interdiction de pratiques déloyales. Loin d'une mise à jour avec le reste du Canada, on se retrouve dans le peloton de queue parmi les provinces canadiennes. Je voudrais attirer l'attention de la commission, en page 16 de notre document, sur un document du CCTM, alors présidé par Yves Séguin, 1989, ministre du Travail, qui se refusait à de tels changements à l'article 45, alléguant qu'on serait complice d'un vaste mouvement de désyndicalisation.
Vous allez me permettre quelques brefs commentaires, qu'on pourra reprendre à l'occasion de la période de questions, sur la portée ou les mérites économiques à l'appui de ce que le gouvernement met de l'avant devant l'Assemblée nationale. Je pense que ce qui est intéressant pour le Québec, c'est de se réclamer d'une vision moderne de l'économie. Une vision moderne de l'économie, ce n'est pas le «cheap labor», ce n'est pas le nivellement vers le bas. La productivité, dans une société moderne, c'est recherche-développement, c'est formation professionnelle, c'est développement des régions. Bref, c'est tout autre chose que la chanson qu'on entend et du côté des employeurs et du côté du gouvernement. Et, de ce côté-là, on trouve assez inadmissible de travailler systématiquement à appauvrir les travailleuses et les travailleurs et à se refuser, au nom d'une prétendue création de richesse, à vouloir refuser de la partager en s'attaquant notamment au droit à la syndicalisation.
Je termine cette présentation en soulignant qu'en termes d'économie l'enjeu des prochaines années au Québec, c'est le vieillissement de la main-d'oeuvre, c'est des centaines de milliers d'emplois qui vont être vacants. Alors, qu'a-t-on besoin de rechercher du «cheap labor», du «cheap labor»? Au contraire, je pense que ce que j'entends, de la part des organisations patronales, m'amène à penser qu'il faudrait aussi beaucoup développer l'entrepreneuriat et surtout travailler à moderniser sa mentalité. Voilà.
La Présidente (Mme Lemieux): Mme Carbonneau, je vous remercie pour votre présentation et pour votre mémoire. Nous allons donc aborder une période d'échange avec le parti ministériel. M. le ministre, un premier bloc d'une dizaine de minutes.
M. Després: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je voudrais d'abord remercier les gens de la CSN de venir participer à cette commission parlementaire et d'émettre leurs opinions sur le projet de loi, et c'est l'objectif de la commission. J'ai bien dit que tout le monde attendait avec impatience, depuis un certain temps, parce que, dès que je vous ai rencontrée la première fois, après avoir été nommé par le premier ministre comme ministre du Travail, je vous ai dit dès le départ que j'avais dans mes mandats, dans un engagement gouvernemental qu'on avait pris, de vous dire que, oui, on regardait effectivement des modifications à l'article 45. Donc, ce n'est pas une surprise pour vous aujourd'hui que le gouvernement dépose un projet de loi.
n(17 h 40)n Ceci étant dit, moi, je vous dis, je vous ai écoutée dans vos commentaires, Mme Carbonneau, d'abord, c'est un projet de loi, je m'excuse, qui respecte les fondements du code, c'est un projet de loi qui respecte le droit d'association. Le droit d'accréditation n'est nullement remis en question dans ce projet de loi là. Deuxièmement, le droit à la négociation, et je le répète depuis le début, est effectivement toujours existant, parce que je répète que ce n'est pas le code qui va déterminer les conventions collectives, ce sont les parties. Ce que vous faites à tous les jours lorsque vous êtes assis à la table, lorsqu'une convention collective est terminée ou que vous négociez une première convention collective, vous êtes assis avec l'employeur et vous déterminez les conditions de travail. Et ce droit-là est tout à fait respecté, Mme la présidente.
Je vous dirais qu'on a essayé effectivement de maintenir... ? et c'est évident qu'on n'a pas la même vision des choses ? et c'est ce que j'ai fait dans le projet de loi, après consultation. Les gens parlent d'études. On s'est justement servis de tous les écrits, les documents, le rapport Mireault, le renouvellement du code du travail qui avait été fait en 2001, on s'est servis de tous ces documents avant de déposer une proposition. On n'a rien inventé, Mme la présidente, on est allés effectivement voir ce qui se passait ailleurs. Et je prendrai ce que vous avez parlé tout d'abord, le cas de sous-traitance interne que vous avez parlé. Et c'est là qu'on a une différence de vision qui est opposée, parce que, quand je prends le cas de Sept-Îles ou le cas d'Ivanhoé, je veux qu'on soit clairs, quand il n'y a pas transfert effectivement de ressources, d'équipements, de personnel, moi, je pense que ce n'est pas normal qu'effectivement le sous-traitant se soit ramassé avec la convention collective de la municipalité puis avec l'accréditation syndicale. Ce n'est pas normal. Et c'est ça qu'on veut corriger et c'est exactement ce qui est permis dans les autres provinces, c'est-à-dire de faire de la sous-traitance interne, que ce soit de la sous-traitance interne ou externe.
Et, au sens du législateur, quand on lit l'article, oui, la Commission des relations de travail est venue avec le temps interpréter et la Cour suprême est venue confirmer la décision de la Commission des relations de travail. Mais, au-dessus de ça, il reste des conventions collectives, comme il y en avait une à Sept-Îles, comme il y en a dans les municipalités, comme il y en a au gouvernement du Québec, et c'est toujours les parties qui ont décidé de ce qu'il y avait dans les conventions, et c'est eux qui continueront à décider de ce qu'ils mettent dans les conventions collectives, ce n'est ni le ministre du Travail, ce n'est ni le gouvernement, puis c'est ce que vous faites à tous les jours. Et ça, c'est respecté dans le projet de loi qu'on fait.
Peu importe ce que vous en dites, on peut avoir une vision, une interprétation juridique qui est différente, mais, nous aussi, quand on regarde ça... Je peux vous en sortir des avis juridiques qui font... ou des gens qui ont pris des positions, qui n'interprètent pas de la même façon que vous quand vous dites: Il n'y pas eu de glissement de la jurisprudence. Il y a eu effectivement glissement de la jurisprudence. On peut ne pas être d'accord, mais il y a eu glissement de la jurisprudence.
Et ce qu'on fait, c'est revenir au sens de l'article 45, c'est ça qu'on fait dans le projet de loi, mais toujours en respectant qu'effectivement les gens ont le droit d'être accrédités, d'être syndicalisés au Québec. On le dit, il y en a de la sous-traitance, il y en a partout au Québec. Vous avez raison, je le sais très bien, 71 % des entreprises vivent de sous-traitance. Êtes-vous en train de me dire ? parce que vous en représentez de ces entreprises-là ? que les gens que vous représentez ont de mauvaises conditions de travail? Moi, je pense que vous les représentez bien, puis vous les défendez sûrement, et vous essayez d'obtenir toujours les meilleures conditions de travail pour eux.
Quand la FTQ est venue tantôt, elle a dit: Moi, j'ai 175 000 membres qui travaillent dans les entreprises que je représente, qui font de la sous-traitance. Mais c'est les parties qui ont déterminé qu'est-ce qu'elles mettaient dans leur convention collective. Et, si jamais il y a des sous-traitants au Québec qui ne sont pas représentés, êtes-vous en train de me dire que vous n'irez pas les voir pour leur offrir d'être représentés? J'espère que vous allez le faire, j'espère sincèrement que vous allez le faire parce que c'est un droit fondamental, c'est un droit du Code du travail, c'est un droit qui vous appartient, qui appartient à tous les travailleurs du Québec. Donc, on ne remet pas ce droit-là en question, on ne remet pas le droit de négociation... loin de là.
Deuxième modification en ce qui concerne... lorsque 45 s'applique, le transfert. Il y avait déjà eu effectivement des modifications en 2001 qui faisaient que, peu importe le délai de la convention, maintenant on avait déterminé 12 mois. L'UMQ est venue, nous en a demandé encore plus. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante dit qu'on ne va pas assez loin justement dans le cadre de respecter les parties... Parce que, effectivement, il y a un environnement. À partir du moment où on a donné quelque chose en sous-traitance, l'environnement vient de changer. On n'est pas nécessairement avec le même personnel, on n'est pas nécessairement avec le même équipement. Mais peut-être qu'on est avec le même équipement, parce qu'on en transfère, ou avec le même personnel. Quand 45 s'applique, ce qu'on dit, nous, aux parties, c'est: Assoyez-vous. Puis ce n'est pas vrai que demain matin ? parce que je l'ai entendu à plusieurs occasions ? les travailleurs tombent sans droit. Je m'excuse, l'article 59 du code va s'appliquer, vous l'avez reconnu vous-même. Tout ce qu'on dit aux parties, c'est: Assoyez-vous puis entendez-vous. C'est ce que vous faites. C'est ce que vous faites à l'année longue soit pour des nouvelles entreprises ou pour des renouvellements de conventions collectives. Donc, je le répète, encore là, dans cette approche-là, on respecte toujours l'accréditation au Québec, le droit d'être syndicalisé et le droit de pouvoir négocier.
Sur les clauses de sauvegarde, j'aurais une question pour vous en arrivant à ce point-là. Je vous ai entendue en disant que ce n'était pas une protection qui était suffisante. Et, dans toutes les propositions d'amendement qu'on fait ? et je l'ai dit, il faut que ça respecte les fondements du code ? j'aimerais vous entendre si vous avez des propositions directement à nous faire, parce qu'on est en commission parlementaire, et c'est ça, l'objectif. On ne changera pas. Je veux être clair, l'objectif que le gouvernement s'est donné comme objectif, dans l'orientation qu'on a, c'est ce qu'on a déposé dans le projet de loi, c'est ce qu'on veut faire, mais on est ouverts à écouter puis à faire des propositions. Donc, si vous avez des clauses par rapport à la protection des travailleurs, j'aimerais bien aujourd'hui vous entendre là-dessus et nous les faire.
La Présidente (Mme Lemieux): Alors, Mme Carbonneau.
Mme Carbonneau (Claudette): Oui. Alors, Mme la Présidente, je vais reprendre un certain nombre de thèmes évoqués par le ministre pour qu'on se comprenne bien...
La Présidente (Mme Lemieux): ...parce qu'il reste à peu près trois minutes à ce volet-là.
Mme Carbonneau (Claudette): Bon. Bien, d'abord...
La Présidente (Mme Lemieux): Alors, si vous convenez, on va déborder, on va utiliser du temps d'autres blocs. Allez-y, Mme Carbonneau.
Mme Carbonneau (Claudette): D'abord, le droit d'association. Je ne pense pas qu'on puisse prétendre que ce projet respecte le droit d'association quand il limite l'application de l'article 45 au point de ne pas faire suivre l'accréditation. Je regrette, c'est de la pure désyndicalisation, et ce, indépendamment de la volonté des travailleurs et des travailleuses concernés. Ça, c'est un premier volet. Il y aura des compléments là-dessus.
Quand vous dites: On est en parfait respect des parties négociantes; j'admets. Par ailleurs, pour qu'il y ait des parties négociantes, il faut encore qu'il y ait un syndicat, et, encore là, je vous rappelle que l'effet le plus pervers de ce projet de loi là, c'est de faire disparaître l'accréditation. Alors, disons que ça pondère un peu. Quand vous revenez sur le rapport Mireault, en disant que ça avait été pour vous une source d'inspiration, je vous souligne qu'au moment où le rapport Mireault a été écrit il pouvait y avoir un questionnement: Est-ce que la jurisprudence va retourner vers une vision fonctionnelle de l'entreprise? Les arrêts de la Cour suprême, depuis ce temps, ont confirmé que ce n'était pas le cas, que les décisions continuaient de s'appuyer sur une conception organique de l'entreprise. Et pourquoi choisir à ce moment-là, avec l'ouverture dont vous prétendez témoigner à l'égard des travailleuses et des travailleurs, seulement certains éléments du rapport Mireault? L'employeur unique est là, la protection de l'emploi est là.
Quand vous parlez du transfert de la convention collective, le ministre n'est certainement pas en situation d'ignorer que le Commissaire du travail a une discrétion, même quand l'accréditation est transférée, pour transférer la convention collective. Et dans des causes célèbres, Ivanhoé entre autres, le commissaire a conclu que, oui, il fallait transférer l'accréditation mais pas la convention collective. Alors, ça, je pense que ça apporte un éclairage fort différent aux grands droits sur lesquels prétend s'appuyer le ministre.
Alors, peut-être Roger Valois, là, sur le droit d'association. Est-ce qu'on syndique chez les sous-traitants? Quelle est la réalité quotidienne?
La Présidente (Mme Lemieux): M. Valois.
n(17 h 50)nM. Valois (Roger): Merci. M. le ministre, vous voulez des cas? Je vais vous en donner, des cas. Dans le transport scolaire. Au Québec, présentement, le transport scolaire, sauf exception, est fait par les sous-traitants. Si on négocie une convention collective trop forte au goût du sous-traitant et qu'il y a grève, la commission scolaire va en appel d'offres, et on change le sous-traitant par un autre sous-traitant. Et la convention collective tombe, la grève est finie, les employés perdent leur emploi, puis il n'y a plus de convention collective. Ça se passe au Québec, ça. Et là vous voulez étendre ça un peu partout?
Les hôtels. Des fois, il y a du monde en sous-traitance qui viennent nous voir pour se syndiquer. On leur dit avec honnêteté: Si je te syndique, tu perds ta job parce que tu es syndiqué auprès d'un sous-traitant. Et, si je te syndique, ils vont changer le sous-traitant cette nuit pour un autre sous-traitant et tu vas perdre ta job. Des cas patents au Québec: Four Points, ça s'est passé chez Four Points, à l'Hôtel Four Points; ça s'est passé chez Garneau, les casques de bicycle; ça s'est passé chez Consomat Alma. On a déposé une requête en accréditation chez Consomat Alma. Il s'est avéré qu'il y avait six, six sous-traitants différents dans le magasin. Dans la nuit, il y en a deux qui ont fait faillite, quatre qui ont été transférés à 0084 Québec inc., puis il n'y avait plus de syndicat.
C'est ça qui se passe au Québec présentement. Et vous voulez étendre ça au reste, à tous les autres, même si on est accrédités auprès du donneur d'ouvrage? Le cas de CSRO, c'est ça, hein. On était accrédités auprès d'un sous-traitant et non auprès de la commission scolaire, et le sous-traitant a été changé pour un autre, on a perdu la convention, on a perdu la grève. Il n'y avait même pas de convention, c'était une première convention CSN.
C'est des cas comme ça. Et là vous leur donnez la recette. Vous dites: Voici un hôtel... Un hôtel... On prend un gestionnaire, le gestionnaire, il donne à sous-contrat le «front desk», la réception, il donne à sous-contrat le ménage des chambres, il donne à sous-contrat la «maintenance», il donne à sous-contrat les bars, il donne à sous-contrat le restaurant, puis mettez-en comme vous voulez et syndiquez-les à cette heure. Syndiquez-moi ça. Là, vous commencez à syndiquer le «front desk», il change dans la nuit pour un autre, 0088 Québec inc. Fini, l'accréditation tombe. Dallaire a essayé de nous faire ça, Dallaire, les croquemorts, il a essayé de nous faire ça pendant la période d'accréditation où il s'est transformé en trois sous-traitants. Il était ouvert à accréditer mes sous-traitants, pas moins, parce qu'il savait fort bien qu'en accréditant... sous-traitant tout tombait. Il changeait de sous-traitant, puis la convention collective, il n'y en avait même plus. Il n'y avait même plus d'accréditation.
Et là vous dites: Même si tu es accrédité auprès du donneur d'ouvrage, s'il ne transfère pas... s'il transfère la fonction mais pas les outils... Un exemple, un cégep, par exemple, qui fait sa tonte de gazon puis le déblaiement des entrées l'hiver. Il donne à sous-contrat la tonte du gazon puis il ne transfère pas la tondeuse, bien, la convention collective ne sera pas transférée. Mais quel niaiseux qui va transférer la tondeuse pour transférer le syndicat en même temps? C'est ça qui est en cause. Et là, je vous dis, on l'analyse peut-être mal, mais les résultats d'aujourd'hui, c'est ça qu'on a devant nous autres. Ça fait qu'on a raison un peu d'avoir peur, hein, un peu.
La Présidente (Mme Lemieux): M. Valois.
M. Valois (Roger): Oui.
La Présidente (Mme Lemieux): Est-ce que je peux vous arrêter quelques secondes? Respirez.
M. Valois (Roger): Ah, je n'ai pas besoin.
La Présidente (Mme Lemieux): O.K.
M. Valois (Roger): Je n'ai pas besoin.
La Présidente (Mme Lemieux): Vous m'avez fait peur.
M. Valois (Roger): Le projet n° 31 me fait manquer d'air, rien qu'à lui.
La Présidente (Mme Lemieux): Si vous le permettez, M. Valois, Mme Carbonneau, nous irions du côté de l'opposition officielle. M. le porte-parole.
M. Arseneau: Merci, Mme la Présidente. Alors, je veux aussi saluer les gens de la CSN, Mme Carbonneau, M. Valois, M. Pepin et M. Lamoureux.
Vous allez... ? c'est la réflexion qui me vient ? vous y allez fort dans votre mémoire. En tout cas, quand je regarde en introduction, au quatrième paragraphe, vous dites: «Les arguments du gouvernement et du patronat ne sont pas, malgré les apparences, de nature économique...» Donc, ils seraient de nature... J'aimerais vous entendre sur la nature que vous leur prêtez et quels sont les objectifs, à ce moment-là.
Et, en plus, à la page 5, je crois, ou deux pages plus loin ? mon document n'est pas paginé ? vous dites: «Le projet de loi n° 31, déposé le 13 novembre 2003 et destiné à amender le Code du travail du Québec, prévoit des dispositions qui cherchent à rendre inopérants le droit de se syndiquer et le droit de négociation. C'est pourquoi il est inacceptable.» Alors, quel est l'objectif à ce moment-là, selon vous, du gouvernement? C'est quoi qui est visé par le gouvernement avec ce projet de loi, la nature des arguments, et quels sont les objectifs? Je ne sais pas, là.
La Présidente (Mme Lemieux): Mme Carbonneau.
Mme Carbonneau (Claudette): Je dirais... Ce qui est à la fois le plus manifeste, le plus pernicieux, le plus inavouable par ailleurs pour un gouvernement, c'est de vouloir diminuer le taux de présence syndicale au Québec. Et après ça on peut bien prétendre, pour ceux qui demeureront syndiqués, si tant est qu'ils ne sont pas placés dans des conditions où ils peuvent encore avoir un minimum de rapports de force, oui, le reste s'ensuivra, ils pourront négocier. On ne marche pas devant cet argument-là.
Écoutez, dans les modifications qui sont présentées, on prend vraiment, là, d'un point de vue patronal, le danger à la source. Le danger à la source, c'est la présence du syndicat. Et on s'assure que l'article 45, il y aura un déclencheur qui va nous placer en bas de toutes les autres conditions qu'on connaît ailleurs au Canada et qui fera en sorte que ça s'appliquera le moins possible, avec comme première sanction: le syndicat ne sera pas transféré. Et on voudrait en même temps nous faire croire que ça va donner lieu à des conditions de travail décentes. Bien, si on est à ce point convaincu, je ne vois pas pourquoi on fait une telle chasse aux sorcières à la présence d'un syndicat.
La Présidente (Mme Lemieux): M. Valois, vous voulez ajouter quelque chose?
M. Valois (Roger): Oui, en complément, parce que le ministre du Travail nous cite de façon régulière M. Sansfaçon du Devoir. Le problème de Sansfaçon dans Le Devoir, quand il écrit son éditorial, c'est qu'il n'avait pas lu Le Devoir. Parce que, dans Le Devoir, il y avait un article qui disait... qui citait un fonctionnaire du ministère du Travail, à la page 8, qui disait: Si on ne transfère pas... si on transfère seulement la fonction et qu'on ne transfère pas l'équipement ou on ne transfère pas les ressources, la convention collective tombe, le syndicat tombe, l'accréditation tombe. Et Sansfaçon finissait en disant: Il n'y a pas de quoi monter aux barricades.
Et, si on veut regarder les journaux, ce matin, dans Le Soleil: «Le président du CPQ a désapprouvé la rhétorique syndicale associant la sous-traitance au cheap labor. "Dans certains cas, il peut y avoir une diminution des bénéfices pour les travailleurs", a-t-il déclaré au Soleil. "Des gens vont s'étonner de passer d'un salaire de 20 $ l'heure à quelque chose comme 13 $ ou 14 $ [...] ? ils vont être étonnés de notre étonnement, je vous dis ça, moi. Il faut comprendre que c'est le prix du marché pour certains titres d'emploi. Pendant des années, des travailleurs ont été placés dans une situation très favorable, une situation que le marché ne permet plus aujourd'hui."» Puis on dit: On n'a pas de raison de s'inquiéter, il n'y a pas de raison de monter aux barricades. Bien, voyons donc! On part de 44 000 par année à 28. Accoutume-toi! Bien, voyons donc! C'est quoi qu'on nous dit? Ça, c'est Gilles Taillon, ça. Il est ministre de quoi, lui?
La Présidente (Mme Lemieux): Mme Carbonneau, je crois que le porte-parole voudrait compléter aussi, là.
Mme Carbonneau (Claudette): Oui. Je souhaiterais juste ajouter un complément par rapport à votre question sur les intentions réelles. Prenons-le a contrario. Si ce sont vraiment des motifs économiques, pourquoi, s'il vous plaît, s'attaquer au transfert de l'accréditation alors que, dans la majorité, l'immense majorité des situations visées par les amendements qui sont en débat, c'est l'accréditation qui va disparaître. Et ça... de ce côté-là, j'aimerais entendre le ministre défendre sa logique.
La Présidente (Mme Lemieux): Alors, il pourra peut-être le faire tout à l'heure. M. le porte-parole.
M. Arseneau: Merci, Mme la Présidente. Il y a un autre élément qui est important, parce qu'on nous a servi l'argument... c'est le ministre qui dit qu'il faut rendre le Québec compétitif, il faut être concurrentiel avec les autres marchés, et tout. Et certains nous disent, pour la sous-traitance externe, que l'article 45 ne s'applique à peu près jamais, qu'il n'y a pas de problème avec ça et que ça va bien. Et là, vous, l'autre argument qu'on nous sert, c'est la question de l'Ontario, on ne dit pas... ou de l'ensemble canadien, pour ramener le Québec à l'équivalent de ce qui se passe ailleurs au Canada.
Vous, vous prétendez dans votre mémoire que le Québec va être ramené dans le peloton de queue des provinces canadiennes. J'aimerais que vous nous expliquiez qu'est-ce que vous entendez par là. Ça veut dire que ça fait vraiment reculer le Québec, c'est ça que je comprends, là, selon vous.
La Présidente (Mme Lemieux): Mme Carbonneau.
Mme Carbonneau (Claudette): Tout à fait. Alors, je vais demander à François Lamoureux d'ajouter quelques précisions.
La Présidente (Mme Lemieux): M. Lamoureux.
M. Lamoureux (François): Alors, pour expliquer, M. le député. Dans l'ensemble des autres provinces canadiennes, on n'a pas défini le terme «concession», mais des termes qui sont tout à fait ressemblants comme «transfert», comme «lease». Et, dans l'ensemble des provinces canadiennes, on y donne une interprétation aussi, la même interprétation que les tribunaux du Québec. Lorsque, par exemple, on a à décider s'il y a transfert d'une entreprise, on va décider si les éléments caractéristiques de l'entreprise sont transférés de l'entreprise A à l'entreprise B évidemment et en tenant compte aussi de la question du lien de droit, parce que, dans les autres provinces canadiennes, sur la question du lien de droit, on va être beaucoup plus souple dans la mesure où on constate qu'il y a transfert des composantes essentielles de l'entreprise A à l'entreprise B. Mais tout en rappelant aussi que, dans l'ensemble de ces provinces canadiennes, hormis le Québec et le Nouveau-Brunswick, on a des déclarations d'employeur unique et on a aussi également, dans certaines dispositions, des pratiques déloyales... par exemple, des dispositions concernant les pratiques déloyales qui peuvent s'appliquer.
n(18 heures)n Dans le cas d'espèce, ce qu'il est intéressant de soulever par ailleurs... Dans le cas d'Ivanhoé et de ville de Sept-Îles, on revient sur ces deux dossiers-là, où la Cour suprême a décidé qu'un transfert du droit d'exploitation et des fonctions était suffisant pour rencontrer les caractéristiques principales de l'entreprise, alors, dans ces deux situations-là, la Cour suprême, à ces deux occasions-là, elle a dit: Nous ne revenons pas sur le concept organique de l'entreprise que nous avons développé dans l'affaire CSRO. Pour nous, les éléments essentiels d'une entreprise... parce qu'il faut regarder, dans le cadre de CSRO... On parle de l'affaire Bibeault. L'affaire Bibeault a été analysée dans le cadre d'une aliénation et d'une concession. Quand tu aliènes une entreprise, quand tu la vends, les critères, à ce moment-là, pour considérer s'il y a vente... il va y avoir beaucoup plus d'éléments caractéristiques de l'entreprise si tu as à décider, par exemple, s'il y a eu réellement une vente. Mais, dans le cas d'une concession qui est faite de façon temporaire, par ailleurs, qu'on concède un droit d'exploitation de façon temporaire pour l'entretien ménager, ou pour le déneigement, ou pour la cueillette des ordures, les caractéristiques vont être plus limitées pour décider, pour identifier les parties essentielles de l'entreprise, et c'est ce que la Cour suprême finalement dit. Dans ces cas de figure, le commissaire a toute la latitude évidemment pour analyser les éléments essentiels. Donc, il faut faire une distinction importante de ce qui s'est passé à l'époque dans CSRO et dans Sept-Îles et Ivanhoé.
Par ailleurs, nous allons être dans une drôle de situation au Québec. C'est-à-dire que, dans l'ensemble des provinces canadiennes, avec le nouveau libellé qu'on ajoute de «la plupart des autres éléments caractéristiques de la partie d'entreprise visée», dans les autres provinces canadiennes, nous allons pouvoir plaider que, s'il y a transfert du droit d'exploitation et de fonctions, ça suffit à ce moment-là pour que les dispositions similaires à 45 dans les autres provinces s'appliquent, tandis qu'au Québec nous allons être la seule province à ne plus pouvoir plaider Ivanhoé et ville de Sept-Îles parce qu'on ajoute «la plupart des éléments caractéristiques», alors qu'on fait une confusion totale des cas de sous-traitance et de cas de vente d'entreprises.
La Présidente (Mme Lemieux): Merci, M. Lamoureux. Il reste une petite minute, là, dans... M. le député de René-Lévesque.
M. Dufour: Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, bonsoir aux gens de la CSN, à tous ceux que je connais. On parle beaucoup de glissement jurisprudentiel. J'aimerais ça que vous m'expliquiez, pour le bien de la commission, quelle différence il y a entre la conception fonctionnelle et la conception organique.
La Présidente (Mme Lemieux): M. Lamoureux.
M. Lamoureux (François): Oui. Alors, pour expliquer, le fameux glissement jurisprudentiel qu'on parle a eu lieu avant 1988 et où il y avait deux thèses au Tribunal du travail qui s'affrontaient. Est-ce que, à ce moment-là, c'était la conception fonctionnelle de l'entreprise? Ce que ça veut dire, ça veut dire: Les fonctions qui étaient couvertes par la portée d'une accréditation, est-ce que l'ensemble de ces fonctions-là, qui avaient été transférées de l'employeur A à l'employeur B, on pouvait les identifier? Si oui, 45 s'appliquait. Par ailleurs, la conception organique de l'entreprise a été développée par le juge Lesage dans Mode Amazone en disant: Ça prend les éléments essentiels, les caractéristiques essentielles de l'entreprise. Et les deux courants se sont affrontés jusqu'en 1988, à la Cour suprême, dans CSRO.
Et, dans CSRO ? j'ai expliqué tantôt ? on a fait un débat aliénation versus concession d'entreprise. Le juge Beetz, de la Cour suprême, n'a jamais dit que, s'il y avait eu concession de l'entretien ménager, il n'y aurait pas eu à ce moment-là application de l'article 45. Et le juge Lesage s'est fâché un peu quelques années après, en 1992, dans Luc Construction. Et là on a dit: «On me fait dire et on fait dire au juge Beetz de la Cour suprême dans CSRO que, s'il y avait à ce moment-là transfert des éléments essentiels d'une entreprise d'entretien ménager, il n'y aurait pas d'application de 45; c'est faux.» Et je vous dis ce que le juge Lesage disait...
La Présidente (Mme Lemieux): ...là-dessus, M. Lamoureux.
M. Lamoureux (François): Oui. Alors, que dit le juge Beetz? Et c'est le juge Lesage, il dit: «Il n'affirme jamais dans CSRO, ce qui aurait mis un terme immédiatement à tout débat, que l'entretien ménager n'est pas un élément caractéristique de la finalité de la commission scolaire, laquelle est l'éducation. Il n'affirme jamais non plus que l'entretien consistant essentiellement en du travail effectué par des salariés, ce ne pouvait faire l'objet d'une transmission d'entreprise, bien qu'il ait répudié plus avant la définition fonctionnelle de l'entreprise. Non, il s'attache à examiner l'autorité de la commission scolaire sur le travail concerné, il déclare que la commission scolaire n'est pas l'employeur parce qu'elle n'a jamais fait exécuter elle-même le travail d'entretien par ses salariés. Si elle avait assumé elle-même l'entretien de ses édifices, il est évident, suivant la logique du juge Beetz, que cette entreprise partielle aurait pu être concédée avec les effets habituels prévus par l'article 45. Ne pas voir cette évidence, c'est affirmer que le savant juge a pris deux ans, écrit 75 pages de rapport judiciaire alors qu'il aurait pu se limiter à affirmer qu'il ne serait jamais question de concession partielle.»La Présidente (Mme Lemieux): Alors, M. Lamoureux, c'était une question qui en apparence était simple, mais la réponse est assez costaude. Je vous remercie de ces explications. Alors, il reste environ sept minutes du côté du parti ministériel. M. le ministre.
M. Després: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vais bientôt faire... ? une parenthèse au député des Îles-de-la-Madeleine ? bientôt faire une demande. Je ne sais pas si je dois passer par l'accès à l'information, là, je viens de m'apercevoir que son document, un, n'est pas paginé. Hier, son document n'était pas boudiné, avec M. Barré. On va lui faire une demande pour avoir accès aux documents en même temps que lui. Mais ceci...
M. Arseneau: Il s'agit d'être bien équipé...
La Présidente (Mme Lemieux): Bon. Alors, s'il vous plaît, on ne va pas embêter les gens avec vos petits dilemmes. Alors, M. le ministre, allez-y.
M. Després: Ceci étant dit, Mme la Présidente, je veux... J'écoutais les affirmations encore du groupe qu'on entend. Loin de là, il n'est pas question de désyndicaliser des gens au Québec. Ça, c'est votre opinion. Loin de là. Notre projet de loi, je répète, respecte les fondements du code, respecte le droit d'accréditation. Vous avez le droit de représenter tous les travailleurs au Québec, qu'ils soient dans la grande entreprise, dans la petite entreprise, qu'ils soient dans n'importe quel secteur d'activité de sous-traitance au Québec, parce que plusieurs sont déjà représentés par les organisations syndicales. Ils peuvent l'être, ils ont tous le droit de l'être.
Ceci étant dit, Mme la Présidente, je reviendrai... Et c'est là où on a une opinion qui est différente. Lorsqu'on parle du cas de Sept-Îles, c'est exactement ce qu'on veut effectivement corriger. Parce que je vais vous poser la question: Lorsqu'on a écrit la loi ? vous avez votre légiste ? est-ce qu'on faisait une différence? Je comprends que la Commission des relations de travail a interprété, mais est-ce que, quand le législateur a écrit la loi, il faisait la différence, que ce soit de la sous-traitance interne ou de la sous-traitance externe, dans la façon dont l'article de loi était écrit?
La Présidente (Mme Lemieux): Mme Carbonneau.
Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, je suis très attentive aux propos du ministre et je lui demande formellement: Est-il prêt à retirer cet ajout de critères pour déclencher l'application de l'article 45? Je pense qu'il y aurait là une démonstration probante que ces motifs... On peut avoir des réserves sur les motifs, mais ça fait quand même un autre débat. On aurait une démonstration probante qu'il ne souhaite pas en soi s'attaquer à la présence syndicale.
La Présidente (Mme Lemieux): M. le ministre.
M. Després: Bien, c'est justement, c'est là où les opinions divergent. Je répète, on veut revenir au sens de l'article 45. Que nous soyons en position de sous-traitance interne ou de sous-traitance externe, on veut que ce soient les mêmes règles et que la situation du cas de Sept-Îles effectivement ne se répète plus. Et c'est ça que l'article vient corriger, et c'est là, lorsqu'on se compare à nos voisins puis qu'on parle de concurrence, oui, c'est là où on vient s'assurer qu'effectivement on est capables de faire, et on va faire les choses au Québec comme elles se font dans les autres provinces. Et, moi, je vous dis que, quand l'article, avant même les jugements, le législateur l'a écrit...
La Présidente (Mme Lemieux): M. Lamoureux?
M. Després: ...on n'avait pas...
La Présidente (Mme Lemieux): Pardon.
M. Després: ...on ne faisait pas, Mme la Présidente, de distinction. Et je suis certain qu'au sens du législateur l'objectif, lorsqu'on voulait protéger les droits des travailleurs, était dans le même sens qu'on traite de sous-traitance interne ou de sous-traitance externe.
La Présidente (Mme Lemieux): M. Lamoureux.
M. Lamoureux (François): M. le ministre, à votre question, il s'agissait de sous-traitance interne autant dans le cas de ville de Sept-Îles, autant dans le cas d'Ivanhoé. Lorsque la ville de Sept-Îles a décidé de confier en sous-traitance à un tiers, par exemple, la cueillette des ordures, c'était à l'intérieur de son territoire, de sa municipalité. Évidemment, le sous-traitant avait ses camions, avait ses employés, mais il oeuvrait à l'intérieur d'un territoire de la municipalité, à l'intérieur d'un site d'enfouissement dont les permis étaient détenus aussi par la municipalité. Et, dans le cas de ville de Sept-Îles, c'est la raison pour laquelle la Cour suprême... Et, je vous réitère, la Cour suprême dit: Quand les commissaires ont décidé qu'il y a eu transfert de fonctions et du droit d'exploitation, nous ne sommes pas revenus à la conception organique de l'entreprise. Alors, c'est un cas clairement de sous-traitance interne dans le cas de ville de Sept-Îles et autant dans Ivanhoé.
n(18 h 10)n Et je veux expliquer au ministre que le glissement jurisprudentiel... la Commission des relations de travail en Ontario, dans l'affaire Ajax, en 2000... Avant 2001, la ville d'Ajax a décidé de confier l'exploitation de son réseau en transport en commun à la compagnie Charterways, et il y a un syndicat qui a déposé une requête en accréditation auprès de la compagnie Charterways avec... comprenant chauffeurs, mécaniciens. Et la ville a décidé, un bout de temps après, de dire: Je mets fin à mon contrat avec la compagnie Charterways. Et, sur la base de l'article 69.1 de la loi de l'Ontario, pas l'article 45 du code, la Commission ontarienne a décidé qu'il y avait un transfert du droit d'exploitation, un transfert de fonctions et a décidé, même si le syndicat n'était pas accrédité auprès du donneur d'ouvrage, d'appliquer l'article 69.1 et en Ontario.
La Présidente (Mme Lemieux): M. Lamoureux, je vais donner un dernier moment d'échange avec le ministre. Il reste quelques minutes.
M. Després: Disons, Mme la Présidente, que je connais bien les cas que le maître vient de définir, et ce n'était pas le but de... ce n'était pas la question comme telle. Je veux être clair. Effectivement, c'est ce qu'on veut corriger. Je dis: Au sens... Lorsqu'on a écrit l'article 45, en 1961, est-ce que, lui, le législateur faisait une différence entre la sous-traitance interne et externe? Moi, je vous répond que non. Oui, la Commission des relations de travail en a fait une interprétation. Si on est rendu à définir une municipalité par son site d'enfouissement, on a un problème au Québec, je vous le dis bien franchement. Puis, quand je parle au citoyen, moi, que je rencontre sur la rue, il ne comprend pas ça. Et, moi, ce que je viens de vous demander, ma question, c'est: Quand l'article 45 a été fait dans la protection des droits des travailleurs, est-ce qu'on faisait une distinction en matière de sous-traitance interne et de sous-traitance externe?
La Présidente (Mme Lemieux): Mme Carbonneau, il reste une toute petite minute.
Mme Carbonneau (Claudette) : Oui. Vous me permettrez de revenir avec cette question, parce que disons que les lieux d'échange, y compris dans les forums sur les relations de travail, sont complètement disparus au Québec ces derniers temps. Je réitère la question fondamentale, on traite du Code du travail, protection des travailleurs. Le ministre est-il prêt à retirer cet article qui désyndique du monde?
Et, d'autre part, ce n'est pas une réponse, ça, que de dire: Bien sûr, les gens, après avoir perdu le certificat d'accréditation, pourront se syndiquer auprès du sous-traitant. Ça, ça vide la possibilité de conduire, avec un certain rapport de force, une négociation et ça amène au fond les personnes rapidement à perdre leur emploi. Alors, en termes de droit, je souhaiterais avoir une réponse de la part du ministre. Est-il prêt à retirer cet article-là? Sans quoi, je considère que le discours tient difficilement la route quand on prétend ne pas travailler à la désyndicalisation.
La Présidente (Mme Lemieux): Alors, je dois interrompre l'échange avec la partie ministérielle immédiatement. J'en suis désolée, là, il n'y a plus de temps, mais vous aurez peut-être l'occasion au cours des prochaines minutes... M. le député de Richelieu.
M. Simard: Oui. Merci, Mme la Présidente. En plus de cette loi n° 31, de ce projet de loi n° 31, qui est une attaque frontale contre les droits des travailleurs, nous avons aussi dans le paysage depuis quelques mois des projets du gouvernement, dans ce qu'il est convenu d'appeler la réingénierie de l'État, où, traduit en termes très simples, des fonctions essentielles de l'État pourraient être sous-traitées, privatisées, transférées par forme de partenariats, toutes les formes imaginables. Est-ce que la CSN, qui est très présente dans le secteur public, a une réflexion, fait un lien entre l'article... la loi n° 31 et ces projets gouvernementaux?
La Présidente (Mme Lemieux): Mme Carbonneau.
Mme Carbonneau (Claudette): Définitivement et non seulement entre les velléités, par exemple, de privatisation, mais avec d'autres projets de loi qui sont actuellement en débat devant l'Assemblée nationale. La critique la plus fondamentale que nous faisons au projet de loi n° 30, c'est de travailler à la désyndicalisation. Les projets de loi nos 7 et 8 vont exactement dans la même direction. Quand vous posez la question d'une référence possible avec le comportement d'un État-employeur, il est bien évident que le projet de loi, qui vise spécifiquement le secteur de la santé et des services sociaux, est placé pour faire, au nom, là, du regroupement des accréditations... simplifier la représentation syndicale. Ça a pour effet de faire voler en éclats de vastes syndicats généraux et curieusement d'isoler des groupes que les commissaires du travail ont toujours refusé d'isoler, de fractionner, de scinder. Ça s'appelle l'entretien ménager, ça s'appelle les services auxiliaires, les métiers, les gens des services administratifs, des bureaux. On sait que c'est là que sont les principaux projets de privatisation de ce gouvernement. Alors, il est bien évident qu'il y a plein de liens entre cet objectif de réingénierie, et la condition du gouvernement comme État-employeur, et, plus largement, avec les projets de loi qui sont actuellement en débat.
Il y a peut-être une chose ? je le soulignais rapidement en présentation ? où la réingénierie pourrait être utile, c'est peut-être de moderniser notre conception, particulièrement au niveau des entrepreneurs, sur c'est quoi, une économie moderne, c'est quoi, la prospérité, c'est quoi, l'avenir. Ça, c'est un chantier avec lequel la CSN pourrait être fortement d'accord avec le gouvernement si tant est qu'il décidait de l'investir plutôt que le désinvestir.
La Présidente (Mme Lemieux): Merci, Mme Carbonneau. Alors, je vais du côté de la députée de Matapédia ou du porte-parole? M. Le porte-parole.
M. Arseneau: Bien, écoutez, Mme la Présidente, je ne vous cacherai pas, on a un dilemme. La députée de Matapédia a une excellente question, peut-être que...
La Présidente (Mme Lemieux): ...que vous avez un dilemme, oui, j'ai vu ça.
M. Arseneau: Mme Carbonneau pourrait peut-être répondre de façon succincte. Et, si vous souhaitez laisser le temps, Mme la Présidente, au ministre, peut-être une demi-minute ou 45 minutes pour répondre à la question précise de Mme Carbonneau, on est prêts à céder ce temps-là.
La Présidente (Mme Lemieux): Alors, Mme la députée.
M. Arseneau: Il reste trois minutes.
La Présidente (Mme Lemieux): Je ne peux pas, de mon propre chef, accorder du temps au ministre.
M. Arseneau: Non, il appartiendra à Mme Carbonneau.
La Présidente (Mme Lemieux): Il n'y avait plus de temps dans son enveloppe, alors il s'agit de voir si vous voulez utiliser votre propre temps. Alors, Mme la députée de Matapédia?
Mme Doyer: Est-ce que les gains potentiels que certains nous ont fait valoir ici, est-ce qu'ils valent le coup que nous compromettions la paix industrielle? Voilà ma question.
La Présidente (Mme Lemieux): Mme Carbonneau.
Mme Carbonneau (Claudette): Vous avez parfaitement raison d'insister sur la dimension de la paix industrielle. Déjà, dans nombre de conflits de travail, la protection à l'égard de la sous-traitance est un enjeu. Sans les protections générales prévues à la loi, ça devient doublement et triplement un enjeu, et j'ai démontré tantôt, à travers l'exemple de l'hôtel, de l'école ou de l'hôpital, comment même des clauses substantielles de sous-traitance ne permettent pas une protection adéquate le jour où l'article 45 disparaît.
J'ajoute à cela que, à une table de négociation, il n'y a pas que les syndicats qui ont des revendications, les employeurs aussi. Et, à partir du moment où l'article 45 disparaît, eh bien, moi, je pense qu'il va y avoir une volonté féroce, de la part des employeurs même, de réouvrir les clauses de conventions collectives qui prévoient quelques balises en cas de sous-traitance. Alors, de ce côté-là, alors qu'on a une situation de paix, on va se trouver de façon éclatée, pour les 10 prochaines années, avec des conflits de travail qui vont nécessairement durcir parce qu'on joue sur des essentiels, la job du monde, le droit de se faire représenter, d'avoir un syndicat pour améliorer leur sort. Alors, ça, c'est une chose.
Sur les avantages économiques, bien, je pense qu'il n'y a pas d'études sérieuses de ce côté-là. On nous promet une situation de plein-emploi, on nous dit: Pour y arriver, il faudra peut-être consentir à baisser les conditions de travail. Bien, écoutez, à budget égal, là, quel genre d'emplois on va créer et pourquoi est-ce qu'on en a besoin de tant pour faire sensiblement le même volume d'ouvrage, là? Il y a quelque chose qui ne tient pas là-dedans, à moins de vouloir distribuer énormément de cadeaux à un camp très particulier qui est celui des employeurs.
La Présidente (Mme Lemieux): Mme Carbonneau, je vous interromps parce que je crois que le porte-parole voudrait conclure. Rapidement.
M. Arseneau: Bien, moi, Mme Carbonneau, je vous propose ? il reste une minute, un peu plus ? de reposer votre question au ministre peut-être pour une réponse.
La Présidente (Mme Lemieux): Alors, je comprends que le porte-parole fait preuve de grande générosité et qu'il donne de son temps à la partie ministérielle. C'est ce que je comprends.
Mme Carbonneau (Claudette): Alors, je la reformule autrement pour aider la réflexion du ministre. Est-ce que...
M. Després: ...Mme la Présidente, on va sauver du temps.
La Présidente (Mme Lemieux): Alors, Mme Carbonneau, le ministre dit qu'il est prêt à répondre, qu'il a bien compris la question. Est-ce que ça vous convient?
n(18 h 20)nM. Després: Très bien compris la question. Un, Mme la Présidente, on n'élimine pas, contrairement à ce que je viens d'entendre, l'article 45, loin de là. La deuxième chose, nous sommes en commission parlementaire justement pour entendre toutes les propositions et les suggestions. Mais je lui dis que l'objectif de la loi est de revenir au sens 45, et elle ne m'a pas répondu, et je lui repose la question. Lorsque que le législateur...
La Présidente (Mme Lemieux): Ah non, l'objectif, ce n'est pas ça, là, quand même.
M. Després: Non, non, non. Non, c'est important. Lorsque le législateur a écrit l'article, est-ce qu'il faisait une distinction entre la sous-traitance interne et externe? Parce que les deux centrales n'ont pas encore répondu.
La Présidente (Mme Lemieux): Alors, visiblement, nous devrions...
Mme Carbonneau (Claudette): Lorsque le législateur a introduit l'article 45 dans le Code du travail, là, il a pris très clairement un parti pris, celui de la défense des travailleuses et des travailleurs, malgré... Et c'était une question d'équilibre à rechercher entre le développement économique et la défense des personnes.
La Présidente (Mme Lemieux): Alors...
Mme Carbonneau (Claudette): Je vous réfère au texte de M. Pigeon, il y a des choses qui sont assez éloquentes sur le type de considérations qu'on doit avoir dans une société civilisée. Et j'allais reformuler ma question, M. le ministre, de la façon suivante...
La Présidente (Mme Lemieux): Merci, Mme Carbonneau...
Mme Carbonneau (Claudette): Si, pour vous, c'est un problème économique, pourquoi... ou avez-vous déjà songé à concentrer vos énergies sur le transfert de la convention collective?
La Présidente (Mme Lemieux): Alors, sur ce, Mme Carbonneau, vous savez, le salon rouge est encore ouvert. Si des gens veulent discuter encore sans le contrôle terrible de cette présidente de séance, vous pouvez le faire. Je veux vous remercier, M. Valois, M. Pepin et M. Archambault. M. Valois, vous respirez?
M. Valois (Roger): Ils vont s'apercevoir que ça respire pas mal fort à partir d'aujourd'hui.
La Présidente (Mme Lemieux): Nous allons, après cet après-midi ? tout à fait un après-midi qui a été passionnant, je dois le dire ? nous allons suspendre les travaux, reprendre à 8 heures avec la Centrale des syndicats démocratiques. Je vous remercie.
(Suspension de la séance à 18 h 22)
(Reprise à 20 h 10)
Le Président (M. Bachand): Donc, Mme la secrétaire, ayant constaté le quorum, la Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. Je vous rappelle donc que le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques sur le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 135, Loi modifiant la Loi sur les transports.
Donc, je vais vous demander évidemment de fermer vos cellulaires, s'il vous plaît. Et, compte tenu que l'organisme que nous accueillons ici ce soir a déjà pris place, je vais vous rappeler rapidement la règle du temps alloué. Vous êtes familiers à la façon dont on procède, mais je vais quand même vous le rappeler. Donc, nous allons fonctionner pour des blocs de 20 minutes, 20 minutes pour la présentation de la délégation. Et je vous rappelle aussi qu'il y aura donc des blocs, quatre blocs de 10 minutes répartis sur un temps de 40 minutes pour chacun des partis, le côté ministériel et le côté de l'opposition.
Je vais vous demander, pour la transcription des travaux, s'il vous plaît, de vous présenter. Et je vous souhaite la bienvenue, merci infiniment d'être venus ici. Donc, M. le président, je vous cède la parole et je vous prierais de vous présenter, chacun d'entre vous, pour le bénéfice des personnes qui participent à la commission. Merci.
Centrale des syndicats démocratiques (CSD)
M. Vaudreuil (François): Alors, merci, M. le Président, mesdames, messieurs. Alors, je voudrais vous présenter à ma gauche Me Robert Toupin, qui est conseiller juridique à la CSD; à ma droite, Normand Pépin, qui est responsable du Service de recherche à la CSD.
Alors, contrairement à mes habitudes quand je me présente en commission parlementaire, aujourd'hui, je vais vous lire des extraits du document que nous avons préparé, du mémoire, puisque, étant donné le court délai que nous avons eu pour produire un tel mémoire, vous n'avez pas eu l'occasion de le lire auparavant. Donc, je vais citer des extraits du mémoire.
Alors, dans un premier temps, jamais, depuis la fondation de la CSD en 1972, nous n'avons été confrontés à un projet de loi aussi destructeur que le projet de loi n° 31. Jamais non plus, à notre connaissance, un ministre du Travail n'a proféré autant d'inexactitudes dans la présentation d'un projet de loi. Nous sommes tout simplement estomaqués non seulement du contenu du projet de loi, mais aussi de la désinvolture avec laquelle le ministre a justifié son projet de loi aussi bien devant l'Assemblée nationale que dans les documents accompagnant le dépôt du projet de loi. Il tente de minimiser l'effet de son projet de loi en parlant de rééquilibrage, alors que les législateurs qui ont veillé à l'adoption de l'article 45, eux, avaient compris que les relations du travail étaient au départ déséquilibrées en faveur du patronat. Ils ont donc agi de manière à ce que les protections assurées par le Code du travail produisent le rééquilibrage nécessaire à ces relations. Aujourd'hui, le ministre du Travail raie tout ça d'un trait de crayon en prétendant en plus que ce sont les employeurs qui sont désavantagés dans leurs rapports avec les travailleurs au Québec. On croit rêver. Malheureusement, c'est la triste réalité de la visée de ce projet de loi inique.
Le Code du travail protège les droits fondamentaux de se syndiquer et de négocier collectivement ses conditions de travail. Il protège aussi, par son article 45, l'accréditation et la convention collective une fois celles-ci acquises pour éviter que les salariés se retrouvent sans protection aucune parce qu'un employeur en a remplacé un autre. L'article 45 protège donc les salariés dans les cas de faillite, de vente ou d'aliénation, de concession totale d'entreprise ou de sous-traitance. Autrement dit, l'article 45 n'interdit pas la sous-traitance, comme le disent faussement les associations patronales, il l'encadre seulement en assurant aux salariés que leur accréditation syndicale continuera d'exister et que leurs conditions de travail seront maintenues, malgré que l'entreprise initiale ait cédé ses activités à une autre entreprise, nouvelle ou déjà existante. Ce faisant, le législateur a mis les accréditations à l'abri des aléas de la négociation et du rapport de force entre les parties. Sinon, il suffirait qu'une entreprise cède des activités à une autre pour qu'elle puisse se débarrasser du syndicat et dicter les conditions de travail de sa main-d'oeuvre. Que seraient en effet la liberté d'association et le droit à l'accréditation sans ce garde-fou pour éviter qu'ils ne soient continuellement remis en question par les nombreux changements dans le mode d'opération des entreprises? L'article 45 du Code du travail est une disposition d'ordre public visant la protection des droits des travailleuses et travailleurs syndiqués. Il est affligeant qu'un gouvernement libéral tente de le travestir en disposition de promotion de bonnes occasions d'affaires.
Les porte-parole du patronat se font fort de citer toutes sortes de chiffres pour tenter de démontrer que l'article 45 est responsable de l'écart de productivité entre l'économie québécoise et celle de ses voisins. L'étude du Pr Alain Halley, des HEC, est probablement celle parmi celles qui sont le plus souvent citées bien partiellement. D'abord, une plus grande proportion d'entreprises qu'ailleurs au Canada sont nées d'un premier contrat d'un donneur d'ouvrage: 57,8 % contre 43,9 % pour l'ensemble du Canada. Ensuite, une plus grande proportion des répondants du Québec estiment que leur entreprise n'aurait pas pu voir le jour ou survivre sans sous-traitance qu'ailleurs au Canada: 71,5 % contre 65 %. Près de 40 % du chiffre d'affaires des PME au Québec proviennent de la sous-traitance, une part plus élevée que dans le reste du Canada, où il est établi à 33 %. Près d'un répondant sur deux du Québec estime que la part du chiffre d'affaires réalisé en sous-traitance s'est accrue au cours des trois années précédentes, contre seulement quatre répondants sur 10 dans le reste du Canada. Enfin, dernière conclusion que nous retenons, et non la moindre, les contrats réalisés par les entreprises québécoises leur sont donnés très majoritairement par d'autres entreprises québécoises, en plein terrain d'application de l'article 45. On se serait attendu à ce que les entreprises du Québec se tournent vers l'étranger pour y donner des contrats de sous-traitance si l'article 45 était l'empêcheur de sous-traiter rondement que certains décrivent.
Il est donc clair que l'article 45 n'a jamais empêché le recours à la sous-traitance. Il a simplement empêché qu'il se fasse n'importe comment et notamment sur le dos des travailleurs. Bien sûr, l'étude de M. Halley contient d'autres résultats qui révèlent que les répondants du Québec perçoivent les législations comme des freins à l'expansion de leur entreprise plus qu'ailleurs au Canada. Nous ne doutons pas que les associations patronales exposeront ces autres résultats en commission parlementaire. Pour notre part, nous voulions souligner que même une étude commanditée par une association patronale révèle que la sous-traitance est florissante au Québec et, sous certains aspects, plus qu'ailleurs au Canada.
Enfin, ces mêmes porte-parole ne porteront certainement pas à votre attention que la principale cause du retard de productivité au Québec réside dans le fait que les entreprises d'ici, particulièrement les entreprises du secteur manufacturier, investissent souvent moins que leurs voisines dans la machinerie et les équipements de production, comme l'a démontré une vaste enquête réalisée à la fin de 2001 par le Centre de recherche industrielle du Québec.
Alors, l'ajout, par le projet de loi n° 31, du troisième alinéa à l'article 45 vient changer tout le sens de cet article, un ajout qui a l'air anodin, au point où la plupart des éditorialistes se sont laissé berner par la manoeuvre. Le troisième alinéa, tel que proposé par l'article 2 du projet de loi n° 31, se lit comme suit: «Le deuxième alinéa ne s'applique pas dans un cas de concession partielle d'entreprise lorsque la concession n'a pas pour effet de transférer au concessionnaire, en plus de fonctions ou d'un droit d'exploitation, la plupart des autres éléments caractéristiques de la partie d'entreprise visée.»n(20 h 20)n Il faudra donc que l'employeur transfère la presque totalité de la partie de son entreprise visée par la concession pour que l'article 45 puisse trouver application, c'est-à-dire pour que le nouvel employeur soit lié par l'accréditation ou la convention collective comme s'il y était nommé et devienne, par le fait même, partie à toute procédure s'y rapportant, aux lieu et place de l'employeur précédent. Il deviendra à toutes fins pratiques impossible de prouver que suffisamment d'éléments caractéristiques de la partie d'entreprise visée par la concession ont été transférés pour que l'article 45 trouve application. Aussi bien écrire que, dans les cas de sous-traitance, l'article 45 ne s'appliquera plus, mais le ministre préfère masquer ses intentions en faisant croire que c'est une modification mineure qui est proposée et que la réaction syndicale est exagérée. Il tente de nous faire passer pour des passéistes opposés à tout changement, et son subterfuge sert très bien cet objectif.
Avec une application très exceptionnelle de l'article 45 aux cas de sous-traitance, les clauses de limitation, voire d'interdiction, de la sous-traitance deviendront l'enjeu d'un rapport de force entre les parties. Les milieux de travail où ces clauses n'existent pas ou encore là où ces clauses ne protègent pas efficacement contre le recours à la sous-traitance, des conflits majeurs surgiront dont l'enjeu sera le maintien du lien d'emploi.
Le ministre a mentionné qu'il abrogerait l'avis de changement dans le mode d'opération de l'entreprise, que l'employeur doit, depuis la dernière refonte du Code du travail, déposer à l'association accréditée en vertu de l'article 45.1, dit-il, pour mettre fin à l'incertitude qui touche les milieux de travail quand un tel avis est déposé. Le ministre a-t-il seulement une petite idée de l'incertitude qui frappera les milieux de travail quand les salariés réaliseront que leur employeur refuse de négocier une clause de limitation de la sous-traitance? Ne seront-ils pas amenés à penser que c'est parce que l'employeur veut se lancer dans la sous-traitance tous azimuts et que leur emploi ne tient plus qu'à un fil?
Parce qu'il faut bien réaliser que ce qui arrivera, si l'article 45 est modifié comme le souhaite le ministre... D'une part, l'article 45 ne trouvera qu'une application exceptionnelle parce que prouver que presque tous les éléments caractéristiques de l'entreprise visée ont été transférés deviendra une tâche quasi impossible. Dans ces situations, les conditions de travail des salariés se détérioreront. Les salariés insatisfaits seront mis à la porte, alors que les autres n'auront d'autre choix que d'accepter les conditions dictées par le sous-traitant, puisqu'il n'y aura plus d'agent négociateur. D'autre part, dans les rares cas où l'article 45 pourra être appliqué, c'est-à-dire quand il y aura transfert de l'accréditation et de la convention collective, dès le premier jour de la prise d'effet de la concession, les parties devront renégocier les conditions de travail. Cette situation placera les salariés en position intenable, car, dès le premier jour, les parties seront précipitées dans un conflit dont l'objet sera justement le maintien des conditions de travail, dont on veut pourtant abaisser substantiellement la barre par la transmission d'entreprise.
Le ministre a fait plusieurs interventions, qui se sont répercutées dans les médias, à l'effet que l'assouplissement proposé à l'article 45 allait tout simplement mettre notre législation du travail au diapason des autres provinces. Une manière de dire qu'au Québec il y a systématiquement transfert des droits et obligations d'un employeur à l'autre, alors qu'ailleurs au pays tel n'est absolument pas le cas.
Or, rien n'est plus inexact. Dans d'autres législations provinciales, il existe une protection de l'accréditation et de la convention collective contre la sous-traitance, mais aucune n'est aussi facile à contourner que celle qui est proposée par le projet de loi n° 31. Ce que dit ce projet de loi est ceci: Le nouvel employeur, dans les cas de sous-traitance, sera lié par l'accréditation et la convention collective seulement lorsque la concession partielle aura pour effet de transférer au concessionnaire la plupart des éléments caractéristiques de la partie d'entreprise visée, y compris les fonctions ou le droit d'exploitation.
Les jugements de 2001 de la Cour suprême, dans les cas Ivanhoé et ville de Sept-Îles, ont confirmé qu'il fallait prouver, pour que l'article 45 s'applique, le transfert d'un droit d'exploitation, ceci afin de s'assurer que l'article 45 conserve les effets recherchés de protection des droits des travailleuses et des travailleurs syndiqués. Par son projet de loi, le ministre du Travail écarte cette protection reconnue par le plus haut tribunal du pays en exigeant désormais la preuve du transfert du plus grand nombre des éléments caractéristiques de la partie d'entreprise visée dans lesquels le droit d'exploitation est réduit au rôle de simple élément parmi d'autres.
Le ministre a aussi assuré que la modification proposée ne remettrait pas en cause les grands principes à la base du Code du travail, le droit d'association et le droit de négociation, ou encore que les modifications proposées respectaient les fondements du Code du travail et la protection des droits des travailleurs du Québec. Or, faut-il le répéter, sans la protection de l'accréditation, que valent les droits d'association et de négociation? Si, une fois la bataille de la syndicalisation d'un milieu de travail gagnée, l'employeur n'a qu'à se retourner et donner une partie de ses activités en sous-traitance pour se débarrasser du syndicat dans la partie d'entreprise visée, comment prétendre que le droit d'association n'est pas remis en cause? La protection de l'accréditation est le deuxième pilier au Code du travail, et le ministre en dénature complètement sa portée en la réduisant à une peau de chagrin. La Cour suprême du Canada a statué qu'en toute justice et pour l'ordre public l'article 45 doit s'appliquer, même dans les cas de transfert d'un droit d'exploitation.
Plus grave encore, le ministre a prétendu que les salariés affectés pourraient se retrouver chez le sous-traitant et leurs conditions de travail seraient protégées. Les conditions de travail ne sont protégées que si l'accréditation lie le nouvel employeur de la même façon qu'elle liait le précédent. Or, ce n'est qu'exceptionnellement que ça se produira, puisque le donneur d'ouvrage n'aura qu'à déménager son entreprise en prenant bien soin de ne pas tout transférer à son sous-traitant pour que le tour soit joué et que l'accréditation ne suive pas. Si l'accréditation ne suit pas, les conditions de travail ne suivront pas non plus. Et, s'il n'y a plus de syndicat pour représenter collectivement les travailleurs, les quelques chanceux qui garderont un emploi se verront offrir de moins bonnes conditions de travail à coup sûr. Sinon, pourquoi avoir recours à la sous-traitance si c'est pour payer de meilleurs salaires que ceux négociés avec le donneur d'ouvrage? Les autres travailleurs seront évacués, puisqu'il n'y aura plus de lien entre les salariés et le nouvel employeur, ce dernier ne gardant à son service que ceux qu'il lui plaira bien de garder. Dans les cas exceptionnels où l'article 45 s'appliquera encore, l'accréditation et la convention collective passeront effectivement chez le concessionnaire, mais la convention devra être négociée le jour un de la concession.
On a aussi prétendu qu'il fallait agir pour corriger une lacune du droit québécois mise en évidence par un glissement de la jurisprudence, qu'il s'agissait d'un travers du droit québécois. Ça fait 40 ans que l'accréditation et les conditions de travail sont protégées par l'article 45 du Code du travail. Cette disposition a même été introduite en 1961, soit trois ans avant l'adoption du Code du travail. Et, depuis ce temps, c'est avec une certaine constance que les tribunaux ont jugé que l'article 45 doit s'appliquer même dans les cas de sous-traitance. Même le plus haut tribunal au pays, dont les principes jurisprudentiels s'appliquent à toutes les provinces, a statué en ce sens. Le gouvernement change la loi pour enlever des droits reconnus aux travailleurs par les tribunaux.
Le ministre du Travail tente de rassurer lorsqu'il dit: «Il est important qu'une mesure musclée de sauvegarde est introduite dans le Code du travail. Cette mesure vise à permettre l'application intégrale de l'article 45 dans les cas où la concession cache une manoeuvre déloyale de l'entreprise envers l'association accréditée ou en voie de l'être.» Or, nulle part dans le projet de loi n° 31 ne peut-on lire que l'article 45 s'appliquera en cas de manoeuvre déloyale envers l'association accréditée ou en voie de l'être. Les déclarations publiques démontrent qu'il refuse d'exercer son rôle d'arbitre des revendications syndicales et patronales pour prendre fait et cause en faveur de ces derniers. Considérant que le projet de loi n° 31 vise en fait le démembrement de l'entreprise syndiquée en sous-entreprises non syndiquées, la CSD en réclame le retrait pur et simple.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Vaudreuil. Donc, si vous le permettez, je vais céder la parole à mes collègues du côté de l'opposition et du côté ministériel. Donc, bienvenue, messieurs. Bienvenue, M. le ministre et à son équipe. Sur une base, donc, de quatre blocs de 10 minutes, on va permettre les échanges sous forme de questions. Donc, je vais privilégier le côté ministériel. M. le ministre.
n(20 h 30)nM. Després: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais d'abord remercier les gens de la CSD, M. Vaudreuil, M. Toupin, M. Pépin, d'être ici, en commission parlementaire, parce que l'objectif de faire des consultations particulières est justement d'entendre des parties. Je me rappelle très bien, lorsque j'ai rencontré, dès le début de mon mandat, les organisations syndicales comme les organisations patronales, je leur ai dit très clairement qu'effectivement le gouvernement avait comme objectif... en avait parlé dans le cadre de la campagne, en avait pris, dès le discours inaugural, un engagement qu'il y aurait des modifications à l'article 45. Donc, qu'il y ait dépôt de projet de loi aujourd'hui, à l'automne, il n'y a rien de surprenant parce que j'avais dit clairement qu'on déposerait un projet de loi.
Maintenant, pour revenir à votre mémoire, je vous ai écouté attentivement, c'est sûr qu'on a un point de vue qui est différent, parce que c'est clair qu'on ne remet pas le droit d'association en question, on ne remet pas en question le droit que les gens soient membres d'un syndicat, soient accrédités au Québec. Vous avez le droit, comme organisation syndicale, de solliciter tous les employés de toutes les organisations au Québec. Et, comme vous le faites toujours lorsque vous vous assoyez, vous négociez des conventions collectives, donc le droit à la négociation dans ce qu'on fait existe aussi. Vous pouvez tenir votre discours, mais je suis convaincu que le projet de loi qu'on dépose respecte ces fondements du code, de un.
De deux, ce qu'on fait dans le projet de loi, on fait trois modifications. On fait une modification. Puis, encore là, je reprendrai l'exemple du cas de Sept-Îles. Vous avez parlé de la jurisprudence. Il ne faut pas oublier que cette jurisprudence de la Cour suprême vient de s'appliquer à la province. Nous, ce qu'on fait, c'est de revenir au sens de l'article 45. Quand je vois des situations comme Sept-Îles, où il n'y a eu aucune perte d'emplois, où la ville a décidé, oui, de donner une activité en sous-traitance et que ce sous-traitant l'a faite avec son personnel, avec ses équipements, quel droit des travailleurs a été brimé dans cette situation? J'aimerais bien le savoir. J'aimerais bien le savoir, parce que, quand j'explique ça aux gens à qui je parle, aux citoyens, eux, ils ne comprennent pas.
Et je vais vous poser une question. On pourra continuer le débat par la suite, M. Vaudreuil. D'après vous, lorsqu'on a écrit justement l'article 45... Effectivement, la Commission des relations de travail est venue interpréter ce droit d'exploitation. Mais, quand on a écrit l'article 45, en 1961... Parce que, effectivement, on traite la sous-traitance interne et externe de façon différente. Au Québec, comme chez nos voisins, on traite ça d'une façon différente, c'est-à-dire qu'on traite de la même façon la sous-traitance interne et externe. Oubliez, là, un instant, là, les décisions de la Commission des relations de travail, le jugement de la Cour suprême. Est-ce que le législateur ou ceux qui ont écrit la loi pensaient que la sous-traitance, ou lorsqu'on cédait une activité pour protéger les droits des travailleurs, serait traitée différemment que si on faisait de la sous-traitance interne ou de la sous-traitance externe?
Le Président (M. Bachand): M. Vaudreuil.
M. Vaudreuil (François): Oui. Quelques commentaires, M. le ministre, sur votre intervention. Je voudrais reprendre certains points. Première des choses, je voudrais vous rappeler que, même en 2003, même en 2003, même si les principes sont reconnus, les droits sont reconnus dans le Code du travail, il est encore excessivement difficile d'organiser des syndicats. Alors, évidemment, les employeurs utilisent toutes sortes de stratégies, toutes sortes de stratagèmes pour empêcher la fondation, la création de syndicats. Donc, l'acquisition du droit à la syndicalisation pour un groupe, même en 2003, au Québec, ce n'est pas quelque chose qui est simple, il faut que ça se fasse dans... Souvent... pas souvent, ça se fait tout le temps dans la clandestinité, puis il faut qu'ils soient capables d'agir assez rapidement pour être capables de surprendre l'employeur. Donc, il y a encore cette réalité, au-delà du droit qui existe dans la loi. L'exercice n'est pas facile, l'exercice est compliqué.
L'autre élément que je voudrais aussi apporter à votre attention, c'est que pour nous, ce qui est très important, comme l'article 45, ce que je disais précédemment, est le deuxième pilier du Code du travail, ce qu'on trouve sage, c'est que le législateur, en 1961, ait décidé de protéger les travailleurs des aléas de la conjoncture économique ou du pouvoir de négociation et de faire en sorte que la protection de l'accréditation devenait un fondement même de notre code pour lequel on ne devait pas toucher à l'accréditation parce qu'il n'y avait rien de plus sacré que l'accréditation, et c'est de cette philosophie que les juges ont retenu.
Il est évident que toute l'organisation du travail, au cours des trois dernières décennies, a changé considérablement. Moi, ça fait près de 30 ans que je milite syndicalement, et puis, en trois décennies, on a vu des changements incroyables. J'ai négocié la première décennie dans le secteur privé, principalement dans des PME, la deuxième, j'ai agi comme vice-président de la Centrale et maintenant comme président de la Centrale, et, oui, l'organisation du travail a considérablement changé. C'est la crise du début des années quatre-vingt qui a contraint les entreprises à modifier substantiellement leur organisation du travail.
Et, dans la modification de l'organisation du travail, l'élément de la sous-traitance est devenu un facteur très important. Comme je vous l'ai mentionné ? les statistiques un peu plus tôt ? il y a beaucoup de sous-traitance qui se fait au Québec, il y a une économie de sous-traitance qui se fait, malgré que l'article 45 existe. Et l'application que les juges du Tribunal du travail en ont faite au cours de ces années et l'interprétation que la Cour suprême du Canada en a faite ont toujours été dans le sens de protéger l'accréditation, de protéger les rapports collectifs. Les salariés ont fait un choix démocratiquement. À plus de 50 %, ils se sont exprimés en faveur de se donner des rapports collectifs dans leur entreprise. Et les juges, dans leur sagesse, pour ne pas faire en sorte que ces gens-là se retrouvent dans des rapports individuels, où on se retrouve avec le syndrome du loup dans la bergerie, hein, ils ont fait en sorte de protéger l'accréditation.
Or, que la jurisprudence ait évolué depuis trois, quatre décennies, c'est heureux, c'est heureux. Ils se sont adaptés à cette nouvelle réalité qui est nécessaire pour protéger les travailleurs contre des stratégies pour se débarrasser des syndicats. Et, quand je vous dis ça, M. le ministre, je ne vous dis pas que tous les employeurs au Québec sont des mauvais employeurs, sont des mécréants, ce n'est pas ça que je vous dis. C'est qu'à partir du moment où il y en a un dans un secteur d'activité, qui va décider de choisir le modèle de la sous-traitance avec l'application que vous donneriez à 31 pour démembrer son entreprise, pour se débarrasser du syndicat, ça devient, à ce moment-là, un modèle de développement et de croissance pour l'ensemble du secteur parce que les autres entreprises de ce même secteur vont utiliser la même stratégie pour être capables de garder la même marge de profit.
L'autre problème qu'on a en 2003, qui n'existait pas voilà 40 ans nécessairement, c'est qu'aujourd'hui on est confrontés souvent avec des grandes entreprises qui ont des conseils d'administration, qui ont une gestion à courte vue, qui ne demandent pas des résultats financiers excessifs sur une base annuelle, c'est par trimestre. Il faut donner des profits par trimestre. Et ça fait en sorte que, quand on arrive à l'interne sur l'organisation du travail... Parce qu'à tous les jours, depuis 30 ans, on les a relevés, les défis de productivité dans les usines au Québec, on les a relevés, on a trouvé des solutions, on a innové, mais, ça, on n'a jamais fait ça au mépris du monde puis en faisant en sorte que ces gens-là diminuent leurs conditions de travail. Les travailleurs de la base, là, ils ont de l'imagination, puis ils sont capables de trouver des solutions, puis ils sont capables, à l'intérieur de leur syndicat, de faire les débats démocratiques pour être capables de trouver les solutions au niveau de la productivité. Ça fait 30 ans qu'on le fait, ça fait 30 ans qu'on réussit. Mais la façon de répondre aux impératifs de la productivité, ce n'est pas de charcuter les droits qui sont reconnus au Code du travail, ça, là-dessus, M. le ministre, on n'est pas de ce voyage-là.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Vaudreuil. Compte tenu que le bloc, c'est épuisé, je vais donner la parole à l'opposition. Je vais donc céder la parole à M. le député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais aussi, à mon tour, souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale et remercier les gens de la CSD de s'être déplacés, M. Vaudreuil, M. Toupin, M. Pépin, pour qu'on puisse échanger ce soir sur le projet de loi n° 31.
n(20 h 40)n Écoutez, le ministre nous parle parfois ? le ministre du Travail ? des changements, comme il l'a fait il y a quelques instants, en disant: Vous savez, on maintient les fondements. C'est comme si ces changements-là n'étaient que cosmétiques. Mais, moi, je vais vous dire, à la présentation de votre mémoire, là, la CSD, vous n'y allez pas de main morte dans votre critique que vous faites de ce projet de loi. Vous dites que jamais, depuis sa fondation, la CSD n'a été confrontée à un projet de loi aussi destructeur. Et en plus, avec le ministre, vous n'êtes pas très gentils, vous dites: «Jamais non plus, à notre connaissance, un ministre du Travail n'a proféré autant d'inexactitudes dans la présentation d'un projet de loi.» Vous êtes estomaqués, et c'est un projet de loi inique. Si je vais à la page 3, la page suivante, vous dites... je pense que vous campez bien que 45 n'interdit pas la sous-traitance, qu'il l'encadre. Ça nous a été démontré en quantité, et je sais que la CSD, vous avez parlé de votre expérience dans le secteur privé, dans le secteur manufacturier beaucoup, et ce qu'on nous dit: L'article 45 n'empêche absolument pas, là, la sous-traitance dans ce secteur-là. Je me rends à la page 4, et là le paragraphe qui est là, il est lourd: «L'article 45 du Code du travail est une disposition d'ordre public ? donc, vous faites appel à la paix, à l'ordre public ? visant la protection des droits des travailleuses et travailleurs syndiqués. Il est affligeant qu'un gouvernement libéral tente de le travestir en disposition de promotion de bonnes occasions d'affaires.» Bon. J'aimerais vous entendre sur le fait que vous voyez... Moi, je vois dans cette phrase-là, là, qu'il y a des bonnes occasions d'affaires, donc qu'il y a comme une volonté de la part du gouvernement de privatiser, de libéraliser toute la question du travail. Est-ce que vous voyez plus de difficultés, ou de problèmes, ou de malheurs dans le secteur public ou dans le secteur privé?
Le Président (M. Bachand): M. le président.
M. Vaudreuil (François): Bon. Un commentaire avant de répondre à votre question. Quand vous affirmez qu'on n'est pas gentils avec le ministre, c'est plus qu'on veut engager un débat démocratique. Je veux dire, on s'est présentés ici, puis on veut faire un débat démocratique, et, quand on est en désaccord avec des principes, je veux dire, on les exprime, et tout le monde a le droit d'exprimer ses principes. C'est dans ce cadre-là, c'est dans le cadre d'un exercice démocratique qu'on se présente ici et qu'on veut le faire, et on espère que le litige qui nous oppose actuellement va trouver une solution qui va passer par un fonctionnement démocratique pour ne pas qu'on se retrouve dans d'autres situations.
Pour répondre à votre question, que ce soit... Parce que la CSD, on représente aussi des gens dans le secteur notamment du réseau de la santé et des services sociaux, et je vous dirais que, au moment où on se parle, si on conjugue d'autres projets de loi qui sont actuellement sur la table, comme le projet de loi n° 30 par exemple, qui reconfigure les accréditations syndicales, avec le projet de loi n° 31, qui faciliterait l'exercice de la sous-traitance, il y a beaucoup d'insécurité, il y a beaucoup d'inquiétude actuellement qui existe, autant dans le réseau de la santé et des services sociaux que dans le secteur privé. Il n'y a plus personne aujourd'hui qui peut prétendre être à l'abri de perdre son emploi ou de voir ses conditions de travail diminuer de façon substantielle, c'est-à-dire d'être projeté dans la spirale de l'appauvrissement en raison d'un employeur qui veut réaliser plus de profits dans le secteur privé ou d'un gouvernement qui, pour assouvir sa vision comptable, va jeter à la rue des gens et puis va les projeter dans la spirale de l'appauvrissement. Alors, il y a beaucoup d'inquiétude au moment où on se parle, au Québec, beaucoup d'insécurité, il y a des gens qui angoissent. Et, quand on retrouve des gens qui nous disent: Bien là, regarde, nos projets de famille, nos projets de vie sont perturbés, l'achat de la maison, le changement d'auto, on va attendre, on va voir ce qui va se passer, il y a beaucoup d'inquiétude actuellement qui se passe.
Et ce qui me préoccupe au plus haut point, parce que ça fait 30 ans que je milite syndicalement... je n'ai jamais vu au Québec... Et je viens de faire une tournée, au cours de la dernière semaine, des régions, des syndicats de la CSD, je n'ai jamais vu autant d'insécurité, autant d'inquiétude et je n'ai non plus jamais autant vu de grogne, de mécontentement, de révolte de la part d'un grand nombre de personnes. Et l'ensemble des projets qui sont actuellement sur la table, que ce soit 7, 8, 30, 31, tout ça porte les germes de nombreuses tensions dans les milieux de travail, et j'irais même jusqu'à vous prédire les germes d'un désordre social. Ce qui se passe actuellement, je ne sais pas si vous vous en rendez compte, il y a 1 132 000 syndiqués au Québec et il y a beaucoup de gens qui sont très inquiets, qui sont très insécures. Allez sur le terrain, vérifiez, allez voir ce qui se passe et puis vous allez peut-être changer d'avis, parce que, moi, je le l'ai fait, le terrain, la semaine passée. J'ai vu mes gens à matin, on est partis mercredi matin, la dernière réunion qu'on a faite, c'est dimanche matin, puis on avait près de 1 500 personnes ce matin. Puis, dans les 1 500 personnes qu'on avait, j'ai vu des dirigeantes puis des dirigeants de syndicats qui provenaient de petites unités, de petits syndicats, où on compte moins de 50 salariés, qui ont pris, en vertu de la convention collective, une libération syndicale et qui n'ont aucun remboursement parce que leurs syndicats n'ont pas les moyens de les rembourser. Ils sont venus à leurs frais pour signifier au gouvernement leur mécontentement et de dire qu'ils sont allés beaucoup trop loin, on ne peut pas aller dans ce sens-là.
Et, si vous me permettez, je conclurai en disant: Le problème qu'on a, depuis le 14 avril dernier, au Québec ? et là je m'adresse principalement au ministre du Travail ? le grand problème qu'on a, c'est qu'il n'y a plus de dialogue social. Sur un débat de société aussi important que ça, on ne s'est jamais rencontrés, on n'a jamais discuté, ça n'a été jamais amené au CCTM. C'est comme s'il y avait une commande qui venait des lobbys patronaux, que vous êtes à la solde du patronat puis que vous décidez de nous faire la job. On ne peut pas fonctionner comme ça dans la société. Puis, au Québec, ce qui est bien important, hein... Parce que souvent, au cours des dernières années, il y a des gens qui nous disaient: Oui, les syndicats, on ne vous voit pas, vous ne brassez pas, ça ne bouge pas. Quand on est dans une dynamique de concertation, les relations sont différentes, mais il n'y en a plus de concertation, il n'y a plus de dialogue social. Il n'y a plus de dialogue social. Donc, en l'absence de dialogue social...
Parce que tous les impacts sociaux, les impacts humains qu'une telle décision a comme ça, jamais personne n'a parlé de ça. Il n'y en a pas d'études comme ça. Bon, on peut... Le Conseil du patronat s'est gargarisé de prétendus modèles d'expansion où on créerait 60 000 emplois, des emplois à 15 $ de l'heure. C'est de la foutaise. Quand les décrets de convention collective dans l'industrie du vêtement ont été abolis, on nous avait promis 8 000 nouveaux emplois, on ne les a jamais eus. Regardez, là... Puis on est tous des majeurs et vaccinés ici, là, puis on sait tous que ces projections-là, ça vaut ce que ça vaut. Mais ce qu'on sait, par exemple, ce qu'on sait, par exemple, c'est que, quand quelqu'un risque de perdre son emploi, quand quelqu'un risque, après 15 ans, 20 ans, 30 ans dans une entreprise, d'être obligé de recommencer à zéro parce qu'il y a une disposition du Code du travail qui permet à son employeur de faire de plus en plus de profits d'une façon de plus en plus indécente sur le dos de plus en plus de monde, ça c'est indécent, c'est inacceptable.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Vaudreuil. Ça conclut donc le bloc qu'il y avait de 10 minutes du côté de l'opposition. Je vais céder donc la parole au côté ministériel. M. le ministre.
n(20 h 50)nM. Després: Merci, M. le Président, Je vais vous dire, M. Vaudreuil, il y en a eu un débat au mois de mars, au mois d'avril. Et le gouvernement a fait clairement valoir, depuis 2002, ses intentions, entre autres par rapport au Code du travail. Et l'État, c'est les citoyens, et le gouvernement va agir pour les citoyens. Les citoyens, c'est les travailleurs du Québec, c'est tout le monde. Mais, je vais vous dire, je diverge encore d'opinion avec vous. Au bout de la ligne, là ? vous faites ça à tous les jours, négocier ? c'est les parties qui vont décider, ce n'est pas le Code du travail. Les conventions collectives en traitent de clauses de sous-traitance, vous les négociez, vous allez continuer à les négocier, vos conditions de salaire, vos plans de retraite, les clauses de sous-traitance, les congés annuels, vous allez continuer à négocier ça. Vous le faites à tous les jours, vous allez continuer à le faire. C'est les parties qui vont décider ce qu'elles mettent dans leur convention collective. Je l'ai dit, ce seront les parties qui décideront entre elles, ce n'est pas nous. Et, à ce niveau-là, on respecte... je reviens à ça, au principe puis au fondement du code. C'est vrai que de la sous-traitance, il s'en fait au Québec, il s'en fait beaucoup. La preuve, vous l'avez donnée, 71,5 % des entreprises sont nées ou survivent de contrats de sous-traitance.
J'ai dit, quand j'ai entendu la centrale de la FTQ: Êtes-vous en train de me dire... Puis vous en avez sûrement de ces entreprises-là où vous êtes syndiqués. Moi, je pense qu'elles ont de bonnes conditions de travail, elles sont représentées par leur syndicat, elles ont négocié des conventions collectives, elles ont des clauses. Êtes-vous en train de me dire que ces entreprises-là, ces employés-là ont de mauvaises conditions de travail? Non. Vous êtes là pour les représenter. Je suis certain que vous les défendez bien, puis je suis certain que vous essayez d'obtenir les meilleures conditions de travail pour eux parce que c'est ça, le mandat que vous vous êtes donné, puis c'est ça que vous allez continuer à faire, puis c'est ça qu'on va vous permettre de faire. Et ce n'est pas vrai qu'on désyndicalise le monde. Vous avez le droit d'approcher toutes les entreprises où il y a des employés pour leur demander d'être membres chez vous ou d'être membres d'une autre organisation syndicale. On n'enlève pas ce droit-là. Ce sera à vous à négocier.
Quand, dans l'objectif du projet de loi, on a sur la table, effectivement, je vous l'ai dit, de corriger la situation de Sept-Îles... Moi aussi, j'en rencontre du monde, j'en rencontre à tous les jours. Je suis élu depuis quatre mandats, j'en rencontre à tous les jours. Je fais mon bureau de comté régulièrement, je l'ai fait encore deux fois dans les 10 derniers jours. Vous, vous êtes d'accord avec ça, la situation de Sept-Îles, où la sous-traitance a été donnée, où il y a des clauses dans les conventions ? parfait ? qui sont là pour protéger les employés de la municipalité. C'est parfait, on ne remet pas ça en question, puis encore là, c'est les parties qui vont décider. Mais le contrat s'est donné, il n'y a eu aucun transfert de personnel, aucun transfert d'équipement puis 45 s'est appliqué? Je m'excuse, ce n'est pas normal, ce n'est pas normal. Et ce qu'on vient faire par la modification, c'est exactement ce qui est permis...
Une voix: ...
M. Després: M. le Président, juste pour être sûr qu'on se comprenne...
Le Président (M. Bachand): Allez-y, s'il vous plaît.
M. Després: On permettra aux collègues d'intervenir, ils auront un bloc de 10 minutes.
Une voix: ...
M. Després: Merci beaucoup. Donc, ce qu'on vient faire, M. le Président, c'est que la sous-traitance interne puis la sous-traitance externe soient traitées de la même façon, comme ça se fait aussi ailleurs chez nos voisins qui sont en concurrence avec nous. C'est ça qu'on vient faire. En ce qui concerne... Il ne faut pas oublier que la Commission des relations de travail sera là. Si effectivement des démesures... des situations déloyales par rapport aux entreprises, on pourra faire appel toujours à la Commission des relations de travail.
En ce qui concerne la protection des travailleurs, on a mis une clause. Si vous avez des propositions à me faire, faites-les. Moi, je vous dis que l'objectif du gouvernement est de ramener et de traiter, comme le législateur l'avait prévu au sens quand il l'a écrit... la sous-traitance interne, externe soient traitées de la même façon. Dans la définition de «la plupart des éléments caractéristiques», je vous le dis, quel est l'objectif que nous visons. Si, dans la définition, c'est la meilleure façon qu'on a trouvée de le définir... Et on est ici pour ça, justement, pour en débattre, c'est pour ça qu'il y a une commission parlementaire. Dans la clause de sauvegarde, s'il y a des propositions, faites-moi-les, et, si vous en avez dans la définition de «la plupart des éléments caractéristiques», bien, présentez-moi-les ce soir, je suis là pour vous entendre. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bachand): M. Vaudreuil.
M. Vaudreuil (François): Bon, évidemment, différents commentaires. Quand vous parlez que le débat a eu lieu en mars et avril... Moi, quand je vous parle de dialogue social, puis je vous parle de concertation, je fais une distinction entre une campagne électorale, une campagne électorale où, par exemple, on va nous parler de justice sociale, puis comment on va vivre la justice sociale à tous les jours. Alors, évidemment, il y a des marges qui sont très grandes. Puis, évidemment, quand il y a une campagne électorale, ce qu'on se dit... Bon, il y a des choses, il y a des promesses qui ont été faites, il y a des engagements qui ont été pris. Mais, quand le gouvernement se retrouve dans une situation de concertation, il y a des éléments qui n'avaient pas nécessairement été portés à sa connaissance. Les éléments n'avaient pas été étudiés. Et d'ailleurs, depuis le mois d'avril, on n'a pas eu l'occasion d'échanger sur le fond là-dessus, tu sais, sur tout le fait des impacts. Ça, c'est un problème qu'on a, on manque de temps, on manque de temps, là. Tous les impacts que ça a, les impacts humains, les impacts sociaux, ça, on ne discute pas de ça. On ne discute pas de ça. C'est comme si les êtres humains étaient des marchandises, ce n'est pas plus important que ça, ça fait partie du kit de la sous-traitance. Alors donc, là-dessus, l'absence de dialogue social, là, qu'on ne vienne pas nous dire, nous raconter qu'une campagne électorale, ça remplace le dialogue social dans une société. Regardez, en termes de fonctionnement démocratique de société, là, je veux dire, on va entreprendre un autre débat puis un débat sérieux.
Je vous rappellerais que les principales organisations syndicales au Québec, on représente quand même 1 132 000 personnes. Ce n'est toujours pas négligeable sur un marché du travail qui compte environ 4 millions. La population active est autour de 4 millions. Alors, quand vous parlez de négociation des parties, voyez-vous ce que vous faites dans la proposition de votre projet de loi n° 31? Le syndicat qui vient de négocier une convention collective de bonne foi avec son employeur, puis qui vient de signer sa convention collective voilà 15 jours, puis qui a signé une convention collective de cinq ans avec le code qu'il y avait là... Il y a 13 jours exactement, vous avez proposé de modifier unilatéralement les règles qui avaient été définies. Et là vous allez affaiblir pendant six ans de temps, si la convention est de six ans... Cet employeur-là a une passe gratuite où il peut démembrer son entreprise, où il peut faire perdre des droits aux gens. Quand vous me parlez de négociation, ça, c'est le premier élément.
Quand vous me parlez de négociation, le deuxième élément... Pour en avoir fait de la négociation, on sait très bien que le rapport de force, ce n'est pas toujours la même chose. Et, à toutes les fois que le gouvernement a décidé qu'un élément était important, il a protégé les travailleurs contre les aléas puis il a inscrit ça dans la loi. Prenez, par exemple, au niveau de la santé et sécurité, au niveau des programmes de prévention, au niveau... ça a été mis dans la loi. Au niveau du Code du travail, il a fait la même affaire avec la protection de l'accréditation. Donc, parce que la vie fait en sorte qu'on n'est pas toujours capable de négocier en fonction de la conjoncture. Et la protection de l'accréditation, M. le ministre, là, c'est aussi important que le droit d'association, parce que le droit d'association ne veut plus rien dire si on n'est pas capable de protéger l'accréditation. Puis, au Québec, vous le savez, actuellement, c'est à peu près 50-50, les conventions collectives qui ont des clauses de sous-traitance. Et celles qui possèdent des clauses de sous-traitance ne sont pas toutes égales puis ne protègent pas toutes les gens d'une façon très grande. Bon. Alors donc, il faut aussi pondérer là-dessus. Mais toutes les conventions collectives qui existent actuellement, là, elles ont été négociées par les syndicats de bonne foi dans le cadre des dispositions actuelles du Code du travail, et ces gens-là vont avoir, du jour au lendemain, de façon unilatérale... se voir imposer un autre modèle. Alors, vous comprendrez que, ça, on ne peut pas accepter ça.
Or, quand vous, après ça, nous parlez, vous nous demandez si, dans Sept-Îles, on accepte ça, bien, encore là, hein, je vous renvoie à l'élément de la négociation que vous nous avez transmis. J'ai déjà négocié dans des municipalités, j'en ai fait quelques-unes des municipalités, puis j'ai déjà négocié avec des syndicats de cols bleus dans les municipalités, et je sais comment que ça fonctionne, des négociations, quand on fait ça avec les villes. Et évidemment c'était à ce moment-là à la ville de l'amener en négociation. Il y aurait possiblement eu des ententes avec le syndicat plutôt que, du jour au lendemain, arriver sournoisement puis décider de confier en sous-traitance sans que le syndicat le sache, sans qu'il y ait eu de discussions. Alors, écoutez, moi, je ne comprends pas que vous me posiez cette question-là. En même temps, vous venez de me dire juste avant que vous favorisez la négociation. Votre réponse pour Sept-Îles, ça devrait être la négociation.
Le Président (M. Bachand): Je vous remercie, M. Vaudreuil. Donc, ça met fin au bloc. M. le ministre, peut-être... Il nous reste 10 secondes, donc, si vous voulez intervenir.
M. Després: Parce que, dans le cas de Sept-Îles, il y avait eu entente. Il y avait eu entente avec le syndicat. Il y avait eu entente. Ils avaient été replacés. Ça fait que j'aimerais savoir, dans le cas de Sept-Îles, au fond, qu'est-ce que...
M. Vaudreuil (François): Une entente sur quoi?
M. Després: Il y a eu une entente, c'est-à-dire que ça s'est fait, il y a eu entente, il y a eu négociation avec le syndicat, les employés ont été replacés. Il n'y a pas personne qui a perdu son emploi. Ils ont donné le contrat en sous-traitance, et là la convention d'accréditation a suivi. Ça fait que je veux savoir, dans le cas de Sept-Îles, qu'est-ce que... qu'est-ce que ça... qui a été protégé?
Le Président (M. Bachand): Donc, je vous remercie, M. le ministre. Mais, malheureusement, je suis...
M. Després: Sûrement pas les travailleurs...
Le Président (M. Bachand): Donc, je vous remercie infiniment. Je vais donc... Donc, le bloc étant terminé, je suis désolé, on ne pourra pas répondre à la question, mais vous aurez peut-être l'occasion de le faire de façon plus informelle. Donc, on dispose d'un dernier bloc. Je vais céder la parole à l'opposition.
M. Dufour: Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Bachand): Donc, M. le député de René-Lévesque.
n(21 heures)nM. Dufour: Alors, je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale aussi. Vous avez, en page 7 de votre mémoire... vous parlez d'une association patronale qui relève que la sous-traitance est florissante au Québec. Et, dans le paragraphe plus bas, vous dites que «la principale cause du retard de la productivité au Québec réside dans le fait que les entreprises d'ici, particulièrement les entreprises du secteur manufacturier, investissent souvent moins que leurs voisines dans la machinerie et les équipements de production, comme l'a démontré une vaste enquête réalisée» en 2001. Est-ce que je pourrais avoir des précisions supplémentaires par rapport à cette enquête-là, surtout dans ce secteur d'activité là?
M. Vaudreuil (François): Oui, je vais demander à Normand de vous les apporter. Alors, Normand Pépin.
Le Président (M. Bachand): Oui, M. Pépin.
M. Pépin (Normand): Oui. Bon, cette étude-là a été rendue publique par monsieur...
Une voix: Serge Guérin.
M. Pépin (Normand): ...le président-directeur général du CRIQ. Sa grande conclusion de cette vaste étude là ? puis ils ont interrogé... ils ont fait ça auprès de 1 200 entreprises manufacturières: «Les entreprises québécoises n'investissent pas suffisamment dans la machinerie et les équipements de production, et c'est là la principale cause du retard de productivité du Québec par rapport aux autres économies nord-américaines.» Ce n'est pas nous, là, qui avons inventé ça, là, ça a paru dans le... M. Guérin a résumé son étude dans Le Soleil et dans Le Devoir du mois de juin 2002. Donc, ça a été fait auprès de... Le CRIQ vend son expertise dans les milieux de travail, puis c'est auprès de ces entreprises-là qu'ils ont fait leur enquête, puis ça a été leur grande constatation.
Le Président (M. Bachand): M. le député de René-Lévesque.
M. Dufour: C'est beau.
Le Président (M. Bachand): M. le député de Richelieu.
M. Simard: Oui, merci, M. le Président. D'abord, dire à M. Vaudreuil et à ses collaborateurs le plaisir que nous avons de les recevoir ici. Vous avez raison, l'heure est grave. C'est pas... nous sommes à quelques semaines de la possible passation d'une loi qui va changer de façon radicale les relations de travail au Québec. Pouvez-vous nous dire, vous, que je connais depuis longtemps comme des gens de terrain, près d'entreprises qui sont souvent des entreprises qui versent des salaires tout à fait moyens dans des secteurs traditionnels, comment ça va se vivre concrètement le lendemain de l'adoption de ce projet de loi? Qu'est-ce qui va se passer sur le terrain, selon vous?
Le Président (M. Bachand): M. Vaudreuil.
M. Vaudreuil (François): Bien, la crainte évidemment qu'on a, en raison de la philosophie, que j'ai expliquée, de gestion à court terme qu'on retrouve dans les entreprises, c'est que les conseils d'administration vont demander des résultats financiers plus grands, et là les gestionnaires vont être obligés de développer des modèles de sous-traitance. Et évidemment les modèles de sous-traitance vont se développer de manière à ce qu'il n'y ait pas de transfert des conventions collectives et des accréditations, c'est-à-dire qu'on ne transférera pas ? et là je reprends, là, l'expression ? tous les «éléments caractéristiques de la partie de l'entreprise visée» pour faire en sorte qu'on va pouvoir réduire les salaires, ce qui va faire en sorte... C'est qu'on va retrouver beaucoup de personnes qui vont être à la rue, qui vont perdre leur emploi, qui devront recommencer à zéro. Et le drame, c'est que, quand ça arrive, comme j'ai expliqué tantôt, dans une entreprise, bien, les autres entreprises, pour s'ajuster vont faire la même chose. Dans le fond, là, ce qu'on va vivre, ça va être un phénomène aussi pernicieux, aussi insidieux, par exemple, que ce qu'on a vécu avec les clauses orphelin, puis, s'il n'y avait pas eu d'intervention de l'État pour empêcher ça, aujourd'hui ce serait carrément catastrophique.
Il y a Robert qui voudrait ajouter un élément.
Le Président (M. Bachand): Oui, M. Toupin.
M. Toupin (Robert): Je voudrais également, à la question posée... Ça fait 20 ans que je pratique, moi, en milieu syndical, j'entends, pas rien que dans l'application, dans les plaidoyers des articles 45, l'article 25 aussi. Quand on parle tantôt que vous ne voulez pas nuire au droit d'association... il est là, puis on va pouvoir l'exercer, aller chercher le sous-traitant. Il ne faut jamais oublier ? oubliez-le pas, parce que c'est des souffrances, ça ? chaque fois qu'une requête en accréditation est déposée courageusement par des travailleurs dans un milieu de travail, c'est des congédiements pour activités syndicales, c'est de l'insécurité. C'est un droit qui s'exerce durement au Québec comme ailleurs. Il n'est pas facile. Et, si, au lendemain du dépôt d'une requête en accréditation, où des gens se sont compromis, des gens ont eu du courage pour une dignité puis des conditions de travail, l'entreprise n'a fait que démembrer et sous-contracter ses activités, le message va être clair, non seulement ceux qui ont déposé, de dire: On n'a été rien chercher parce que nos emplois, il les envoie chez le sous-traitant sans que notre requête en accréditation... l'accréditation et la convention collective suivent. Plus, si on va chez le sous-traitant, il va dire: Regarde bien, il va me l'enlever, le sous-contrat, puis il va le donner à un autre si vous venez vous mettre le nez là. C'est ça, le danger de votre projet de loi, jusqu'à la base, en partant à zéro. C'est clair, sûr, certain. Ça, c'est dans la pratique.
Puis, quand les juges ont écrit, dans Sept-Îles ou ailleurs, ils ont écrit pour protéger ces droits-là. Parce que, quand vous nous dites: En quoi qu'ils ne sont pas protégés, ces droits-là? c'est... Pourquoi vous ne demandez pas à la partie patronale: Assurez-moi que les droits d'accréditation, d'association seront protégés avec cette modification-là? Ils vont dire: Bien, ce n'est pas ça qu'on veut, qu'ils soient protégés, on veut le champ libre. Alors, on ne parle pas de la même chose du tout, du tout ou 45 ne les protège plus, ces droits-là. Puis, depuis le début, on parle d'aliénation, on parle de concession totale ou partielle, puis il n'y a pas un juge qui a dit: Ça n'a pas de bon sens. Ils ont tous compris, tous les juges, que c'était essentiel de les protéger, ces droits-là. Ils le savent. On les gagne durement.
Le droit de l'accréditation. C'est une province, ici, qui est ouverte, tant mieux, des gens avec des bons esprits, assez civilisés. Mais chaque requête en accréditation ? puis le ministère du Travail les a, les statistiques ? chaque requête en accréditation est contestée par les employeurs. Ça dure longtemps, ça a pris une commission des relations de travail pour éviter des délais incommensurables. Il y a des congédiements pour activités syndicales. Il y a des mesures de rétorsion qui sont prises également. C'est clair, il se défend, l'employeur. Si, en plus, quand il fait cette bataille-là, il dit: Ah, ah! votre job à sous-contrat, elle ne suit pas l'accréditation; pas de problème, allez, vous êtes bons, vous faites votre job, allez accréditer le sous-contrat. Bien, le sous-contrat va dire: Si vous venez ici, là, faire signer les cartes puis une convention collective, je ne l'aurai pas longtemps, le sous-contrat, c'est l'autre. Puis ça, sans oublier que l'employeur qui va faire ça, démembrer, va pouvoir créer ses propres corporations puis se donner à sous-contrat. Ça, c'est un hold-up tant qu'à moi. Alors, je voulais vous dire ça, c'est le bout que je voulais dire. Puis, comme praticien ? il y a des gens dans le Parti libéral qui le savent ? j'ai pratiqué une vingtaine d'années dans le milieu syndical, je me la suis fait aller, la bouche, comme je la fais aller ce soir. Et les rapports ne seront pas égaux, du tout. Or, c'est une carte blanche pour rentrer dedans les syndicats. Parce que, encore une fois, et je termine là-dessus, en quoi... Puis demandez-leur: Pourriez-vous m'assurer que le nouveau texte de loi va protéger ce que vous avez dit? Ils vont vous dire: Ce n'est pas ça qu'on veut protéger; l'inverse. Alors, c'est ça, le but, clair, net puis précis. Clair, net et précis.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Toupin. M. le député des Îles-de-la-Madeleine, il nous reste deux minutes... trois minutes, pardon.
M. Arseneau: Trois minutes. Merci, M. le Président, de votre générosité. Je pense que la démonstration qu'on vient d'avoir est assez claire.
Si on revient aux pages 8 et 10 de votre mémoire, vous parlez d'une manoeuvre habile pour vider 45 de sa substance, vous avez parlé des craintes dans les régions ? vous venez d'une tournée en région ? vous avez parlé de qui allait payer le prix, en grande partie, de ces modifications si jamais elles sont adoptées. Je vous ramène aussi à la page 14 de votre mémoire. Vous avez une phrase, là, qui va dans le sens de la démonstration magistrale qui vient de nous être faite par un praticien. La dernière phrase, elle dit: «Les déclarations publiques du ministre du Travail démontrent qu'il refuse d'exercer son rôle d'arbitre des revendications syndicales et patronales pour prendre fait et cause en faveur de ces dernières.» Ce que vous nous dites, dans le fond, c'est qu'il refuse de jouer son rôle et il prend partie pour le patronat. C'est ce que vous nous dites.
Moi, j'aimerais vous poser la question suivante, puisque le ministre répète souvent, sans cesse même, que c'est le cas de la ville de Sept-Îles, qu'il donne comme exemple des abus des tribunaux et finalement du déséquilibre que ça aurait créé. Admettons que, sa volonté, ce soit d'empêcher une répétition d'un tel cas, disons de Sept-Îles, vous ne jugez pas que son projet de loi va quand même plus loin qu'un règlement pour le cas de Sept-Îles?
Le Président (M. Bachand): À qui s'adresse votre question?
M. Arseneau: À monsieur...
Une voix: Certainement.
Le Président (M. Bachand): À qui s'adresse votre question?
Une voix: Je vais la donner à Robert parce que...
M. Arseneau: C'est comme au Conseil des ministres, ce n'est pas moi qui choisis qui répond, M. le Président.
Le Président (M. Bachand): Non, mais vous pouvez choisir... poser la question, monsieur.
Une voix: Robert. O.K., Robert.
Le Président (M. Bachand): Donc, M. Toupin.
n(21 h 10)nM. Toupin (Robert): Je m'excuse, M. le ministre, respectueusement, c'est un faux débat, c'est de la poudre, ça, tout simplement pour nos yeux. Si la situation factuelle, la situation factuelle, parce que c'est celle qui donne un exemple ad vitam aeternam, de ville de Sept-Îles devait être corrigée, si et seulement si elle devait être corrigée, c'est ça qu'on devrait voir dans le projet de loi, cette correction-là, précise, nommément visée. Non, on rouvre complètement. Ce n'est pas compliqué. C'est... De façon générale, dans les cas de sous-contrats, l'article 45 ne s'appliquera pas; ce n'est qu'exceptionnellement. C'est à partir d'un cas, qu'on nous dit, d'abus ? qu'on dit. On peut bien en argumenter, le jugement de la Cour suprême, écoutez bien, il n'y a personne qui a dit qu'il n'est pas fondé, ils ne l'aiment pas, ce n'est pas pareil. Ils ne l'aiment pas. Ils ont facilité ce qui est dur. Il n'y a pas de 45 qu'on ne plaide pas sans se battre avec l'employeur. Chaque fois, c'est un débat devant la Commission des relations de travail pour savoir si, à un sous-contrat ou à tout autre type de concession, il y a, oui ou non, application de l'article 45. La Cour suprême qui dit: Moi, si je comprends bien le Code du travail, puis qui doit protéger ça... On va arrêter de faire des définitions d'«entreprise organique», «entreprise fonctionnelle». Dès le moment où il y a le transfert du droit d'exploitation, il me semble que c'est un autre qui exploite l'activité syndiquée, elle doit être protégée. Alors, s'il y avait de quoi à corriger là, à ville de Sept-Îles, qu'on l'écrive. Ce que le ministre ou ce que le gouvernement veut faire, c'est de dire: Maintenant, écoutez, pour que 45 s'applique à tout type de sous-contrat, tout type de situation factuelle... Puis, ne perdez pas de vue, une entreprise au complet...
Le Président (M. Bachand): Je m'excuse, M. Toupin, je sais que vos propos...
M. Toupin (Robert): ...peut se démanteler en partie, hein, au complet.
Le Président (M. Bachand): Je sais que vos propos vous transportent, M. Pépin, mais je suis obligé de vous arrêter.
M. Toupin (Robert): Si je comprends bien, vous êtes le maître après Dieu ici, dans l'enceinte.
Le Président (M. Bachand): Non, pas du tout, mais simplement pour que finalement il y ait de l'équité dans l'exercice du droit de parole. Ça termine ce bloc et ça termine aussi l'ensemble des interventions. Moi, je tiens à vous remercier, M. Vaudreuil, M. Toupin et M. Pépin, de votre présence, c'était fort intéressant. Merci infiniment de vous être présentés à la Commission de l'économie et du travail.
Et je vais demander immédiatement à la Centrale des syndicats du Québec de venir se présenter, s'il vous plaît.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Bachand): Donc, nous allons procéder, chers collègues. Donc, je vais profiter des brefs moments, le temps que les gens s'installent, pour vous souhaiter... Vous savez avec quel plaisir, M. Parent, ça me fait plaisir de vous accueillir ici. Et bienvenue à l'ensemble des représentants de la Centrale des syndicats du Québec.
Je vais donc rappeler rapidement les consignes. On a un bloc de 40 minutes, et 20 minutes pour votre présentation et des blocs de 10 minutes interreliés entre les participants de cette commission-là. Donc, je vous cède immédiatement la parole, M. le président.
Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
M. Parent (Réjean): Merci, M. le Président. Si je peux me permettre de vous demander un service, à savoir, après 15 minutes, de me faire...
Le Président (M. Bachand): Ça va être un plaisir.
M. Parent (Réjean): ...un signe tangible. D'abord, évidemment, et je suis convaincu que je ne parle pas pour les députés et le ministre présents dans cette salle, mais rappeler que la Centrale des syndicats du Québec représente des membres dans les réseaux, éducation, réseau santé, centres de petite enfance, dans le loisir et dans les communications, et tout type de personnel, tant soutien, professionnel que personnel enseignant. Donc, dans ce sens... Des fois, des gens se demandent si l'article 45 nous touche. Je pense que, avec le portrait que je viens de vous donner, vous serez en mesure d'expliquer à vos collègues que ça nous touche.
Pour faire un résumé assez rapide en termes de... pour situer le point de vue de la Centrale, d'abord, pour la Centrale, l'article 45, ça correspond... ça, c'est une pièce à travers le Code du travail, mais un code qui se veut finalement une espèce de règle d'organisation entre les parties, qui assure, je dirais, un certain équilibre entre l'employeur et les salariés. Finalement, c'est une espèce de trêve sociale ou de paix sociale qui est assurée par ce consensus qui s'est installé entre les parties. Et, généralement, chaque fois qu'on a modifié le Code du travail ou une de ses parties, vos prédécesseurs ont cherché ou ont recherché le plus large consensus possible pour assurer cet équilibre puis assurer la paix industrielle.
Déjà, en 2001, il y a eu de toute façon des modifications qui avaient été apportées à 45, il y avait déjà une première atténuation, et à notre avis on n'a même pas... les effets de cette atténuation-là ne sont même pas ressentis. Je pense que, de ce côté-là, le projet de loi n° 31 nous apparaît prématuré. Pour la CSQ, je dirais, la lecture rapide qu'on fait du projet, c'est que, dans le fond, on parle de sous-traitance, mais ça nous apparaît comme une cession, je dirais, d'État, un renoncement du gouvernement à assumer certaines missions, à assumer, je dirais, les devoirs qui sont impératifs à une institution publique, et c'est ce qu'on s'emploie à essayer de démontrer dans notre mémoire tant par l'analyse, les impacts. Et, aussi, vous aurez compris qu'on ne pouvait pas passer à côté de l'environnement législatif dans lequel se situe le projet de loi n° 31.
Comme j'avais mentionné déjà, déjà, dans le Code du travail actuel, au niveau des éléments qui avaient été apportés en 2001, il y avait déjà des restrictions qui étaient apportées par rapport à la durée de la convention collective, il y avait déjà une certaine limitation qui pouvait rejoindre les préoccupations d'un éventuel preneur d'ouvrage. Déjà, il y avait la possibilité pour les parties de déroger à l'application de 45, donc cette possibilité de pouvoir s'entendre, et, dans ce sens-là, on pense que ces dispositions-là auraient le mérite de continuer d'exister et être en mesure de pouvoir en apprécier toute leur valeur au cours des prochains mois, des prochaines années.
n(21 h 20)n J'arrive immédiatement à l'article 2 puis je pense qu'à ce niveau-là, là, pour la Centrale, c'est assez évident que l'article 2, dans son libellé actuel, a pour effet effectivement d'éclater le 45 ou de le rendre à peu près inapplicable. Dans son libellé même, quand on parle du transfert de «la plupart», donc «la plupart», comment ça se traduit, à quoi ça correspond? Il peut même y avoir du transfert de personnel et pas de cession d'entreprise au sens de 45, on casse l'accréditation, on brise le syndicat et on éclate les conditions d'emploi qui sont applicables à ces gens-là. Et c'est particulièrement troublant et ça semble être une pratique du gouvernement actuel. On l'a vécu avec le projet de loi n° 7 puis le projet de loi n° 8, même dynamique. Quand les tribunaux, je dirais, viennent expliciter des droits qui sont consacrés par le législateur, on reproduit une nouvelle loi. Et, autant 7, autant 8 et 31 dans la même lignée, c'est une entrave, c'est un frein pour la syndicalisation et même briser les syndicats. Et l'article permet même, je dirais, un certain éclatement, ou de démonter, ou de démanteler une entreprise à la pièce, donc se soustrayant à l'application de 45.
Évidemment, sur la convention collective, qui expire avec la cession de l'entreprise, à notre avis, en faisant expirer la convention collective, on crée une pression à la baisse sur les conditions de travail, une pression, je dirais, en termes de négociation et là aussi un déséquilibre ou un désavantage, je dirais, pour les salariés.
Quant à l'article 6, supposément la mesure qui pourrait permettre de démasquer le mauvais employeur qui oserait céder une partie ou son entreprise avec le méchant dessein de tasser les syndicats, définitivement, là, on a manqué d'imagination pour se donner un article qui aurait eu un peu plus de muscle et qui effectivement aurait permis aux salariés, aux travailleurs d'avoir une réelle protection, alors que tout simplement, dans cet article-là, il s'agit de démontrer que la raison principale d'un employeur qui cède une partie de son entreprise, c'était à des fins de casser l'accréditation ou de faire entrave à la syndicalisation. Donc, le but principal... Si c'est un but secondaire, ce serait même excusable. Donc, définitivement, s'il y avait une volonté de rassurer les salariés, l'objectif est non atteint.
L'autre mythe qu'on voudrait, je dirais, casser, c'est celui de la perception qu'il n'existe pas de sous-traitance dans le secteur public. Déjà, passablement de sous-traitance, à différents niveaux qui touchent différentes catégories d'emploi, tant du personnel de soutien, du personnel professionnel, et je dirais même au niveau collégial ou universitaire... On voit aussi de l'enseignement qui est sous-traité. Donc, on a eu un discours gouvernemental... Le fait de dire: Aïe! il faut être concurrentiel, il faut se mettre à l'échelle du reste du Canada, la compréhension qu'on en a, c'est que déjà nous étions à l'échelle du Canada, que nous étions concurrentiels, qu'il y autant de sous-traitance au Québec qu'il s'en fait ailleurs dans les autres provinces. Et, avec le projet de loi n° 31, c'est plutôt le fait qu'on se met, sur le plan des droits des travailleuses et des travailleurs, en arrière du Canada. Pour ce qui est, je dirais, de livrer les entreprises ou la syndicalisation à la jungle du patronat, là, effectivement le patronat, au Québec, serait en avance. Donc, dans ce sens-là, je dirais que, en termes d'appréciation, de croire que le discours de la concurrence et de la saine concurrence... Au contraire, moi, je pense qu'on vient de mettre les salariés du Québec à l'arrière des salariés du reste du Canada.
Et l'autre facteur, je dirais, en termes de soulèvement de la colère dans nos rangs, cette espèce de perception ou de discours gouvernemental répétitif, à l'effet que des partenariats privé-public... ? puis ça, on peut le faire à moins cher; puis ça, on peut le faire avec plus d'efficience ? et laissant entendre que finalement, quand c'est des salariés du secteur public, le travail serait moins bien fait, serait moins efficace, coûterait plus cher, alors que nos expériences ont plutôt tendance à démontrer que le travail qui est fait par des salariés du secteur public est très bien réalisé, très bien fait et souvent mieux fait dans un contexte où il y a un sentiment d'appartenance aux institutions puis un engagement dans l'institution de la part de ces salariés-là.
C'est sûr que les effets appréhendés des modifications annoncées à 45, dans le contexte qui nous est présenté actuellement... et on peut en donner des exemples, hein, en termes de, je dirais, d'éclater les unités d'accréditation à la pièce, rendant difficile la syndicalisation. Strictement donné, dans le milieu scolaire ou dans une école primaire, le concierge s'en va, ah, on cède à la sous-traitance, on fait un appel d'offres. Le quatrième voisin présente son offre de service à des conditions en deçà de ce qui est général, avec une implication... Pour arriver à rendre le devis, il va travailler avec sa femme, ses enfants, à des conditions qui sont... qui nous ramènent, je dirais, de l'ordre... je ne parlerai pas du Moyen Âge, mais qui nous reculent de plusieurs années.
Donc, c'est sûr qu'en affaiblissant, pour ne pas dire en rendant à peu près caduque l'application de 45, on appréhende que, dans le secteur public, ça va devenir la course ou la livraison de grands pans de services, de parties de services. Et, déjà, ça fait un lien avec le projet de loi n° 30, quand on sépare en cinq catégories. On voit déjà, là, qu'on est en train de préparer un plat pour les entrepreneurs privés pour s'approprier, je dirais, ce qu'on appelle les services auxiliaires, qui sont perçus comme des services accessoires par le gouvernement actuel. Mais, en fait, des gens qui rendent de précieux services à l'organisation puis à l'institution, déjà on les cible. Et il faut faire des liens, quant à nous, entre le projet de loi n° 31, le projet de loi n° 30 et ? encore là, je rappelle ? le projet de loi n° 7, le projet de loi n° 8, toujours dans une dynamique qui s'inscrit de privatiser de plus en plus, de céder des parties de missions de l'État au nom, je dirais, du capital, du profit, des entreprises. Quand on parle de la satisfaction du patronat, c'est les gros sous pour une certaine catégorie de personnes sur le dos des travailleuses, des travailleurs, avec réduction de leurs conditions de travail, de leurs conditions de vie.
Et, pour toutes ces raisons, c'est évident qu'au niveau de la Centrale des syndicats du Québec on ne peut que demander, d'exiger le retrait de ce projet de loi là et d'inviter le gouvernement à plutôt s'investir dans un dialogue avec les organisations pour tenter, comme ses prédécesseurs le répètent, de constituer un nouveau consensus si effectivement des modifications sont nécessaires, mais un peu comme ça a été fait précédemment, dans un contexte où les gouvernements ont cherché un équilibre entre les travailleuses, et les travailleurs, et les employeurs. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Parent. Donc, je vais passer la parole, pour l'étape des échanges, au côté ministériel. M. le ministre, pour une période de 10 minutes.
M. Després: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais tout d'abord remercier les gens qui sont ici, M. Parent, M. Meunier, de la Centrale des syndicats du Québec, de venir présenter ce mémoire. Et c'est l'objectif justement, dans le cadre de la commission parlementaire, de venir faire valoir son point de vue. J'avais dit dès le départ à Mme Richard, qui était là à l'époque, lorsque je l'avais rencontrée, quels étaient les objectifs du gouvernement et qu'effectivement, il y aurait éventuellement des modifications à l'article 45.
Effectivement, il y a trois mesures dans le projet de loi que nous déposons, comme je l'ai dit à d'autres groupes avant vous. On peut avoir effectivement une vision différente des choses, mais, au bout de la ligne, on ne remet pas le droit à la syndicalisation au Québec en question, on ne remet pas le droit de négociation en question non plus. On va... Les conventions seront la prérogative des parties. C'est eux qui détermineront les règles du jeu, qui négocieront ce qu'il y aura dans les conventions collectives. Et ces principes-là, qui sont les fondements du code, sont respectés.
n(21 h 30)n Dans le cas de la modification effectivement, où on vient modifier l'aspect de la concession partielle dans le cas de sous-traitance interne, ce qu'on veut faire, et l'objectif qu'on s'est donné, c'est de faire exactement ce que nos voisins font. Et, quand le législateur a écrit la législation, en 1961, je ne pense pas qu'il faisait de distinction. L'interprétation de la Commission des relations de travail, la Cour suprême qui est venue confirmer la décision de la Commission des relations de travail, mais, nous, on pense que le sens qui avait été donné à 45 n'était pas ce sens-là. Quand je regarde le cas de Sept-Îles, je l'ai posé, je l'ai exposé souvent aujourd'hui, il n'y a pas personne qui m'a encore répondu, parce que, dans le cas de Sept-Îles, depuis 1968... parce qu'il y a... Il ne faut pas jamais l'oublier, les conventions collectives sont au-dessus du code, les employés étaient protégés si on donnait des activités ou de la concession en sous-traitance. Dans les clauses, il est bien dit qu'il était... En conséquence, aucune mise à pied, baisse de salaire ou perte de bénéfices pour les salariés syndiqués, c'est-à-dire qu'il n'y a pas eu de perte d'emplois, la convention collective protégeait les employés, ils ont été replacés ailleurs. C'est bien dit: Aucune mise à pied. On a donné une activité en sous-traitance, les employés qui faisaient cette activité sont allés dans d'autres postes, et le sous-traitant, qui faisait ça avec ses équipements, avec son personnel, s'est ramassé avec l'accréditation et la convention.
Ça va être ma première question, M. Parent. À qui... Je vois le député dire: Ça semble correct. Moi, j'ai de la difficulté à comprendre, puis il y a bien du monde qui ont de la difficulté à comprendre. Parce que les employés avaient des protections dans leur convention collective, c'est tout à fait normal, ça s'est appliqué. Mais pourquoi est-ce que la définition d'un site municipal est rendue que... c'est le site d'enfouissement qui fait qu'on doit transférer les droits des travailleurs. Dans ce cas-là, il n'y a pas eu absolument aucun transfert. Ce qu'on veut faire, par la modification du projet de loi qu'on dépose, c'est de rectifier ce genre de situation là. Je vous demande si c'est normal, d'après vous, que dans ce cas-là, dans le cas de Sept-Îles, les droits ont été transférés alors que les droits des travailleurs étaient protégés dans la convention, mais que ces droits-là ont suivi chez le sous-traitant qui, lui, faisait ça avec son personnel et ses équipements.
Le Président (M. Bachand): M. Parent.
M. Parent (Réjean): Moi, je présume, M. le ministre, que cette question-là a dû être posée par d'autres ministres à des juges émérites de la Cour suprême, et ils en sont venus à la conclusion que c'était normal. Ça fait que je ne voudrais pas me substituer aux juges de la Cour suprême. Ça, c'est un.
Deux, sans parler de Sept-Îles, je vais parler du terrain que je connais et je pense que vous êtes en mesure d'apprécier les résultats. Je vous donnais l'exemple tantôt dans une commission scolaire, avec une école où, à un moment donné, les personnels quittent, le personnel d'entretien. En général, dans une école primaire, on va retrouver un concierge ou deux. On en relocalise un, par le mécanisme d'affectation, dans une autre école et là on offre l'entretien de cet établissement-là en sous-traitance, avec des conditions qui sont déterminées par l'école, par la commission scolaire, avec des exigences qui sont posées, avec une pression accrue, donc en faisant chuter les prix, en faisant chuter les conditions de travail et en créant une pression sur les autres établissements scolaires, et donc une espèce de généralisation, que ça risque d'entraîner, de conditions à la baisse dans l'ensemble des autres établissements, une espèce de concurrence déloyale où il n'y a aucune responsabilité de la part de l'employeur, de l'école X qui finalement a concédé ou cédé l'entretien de son école à un faiseur d'ouvrage avec toutes les insécurités que ça comporte et dans un contexte de difficulté de syndicalisation aussi.
Parce que ça, là, on est au Québec, c'est vrai, 2003, mais, encore aujourd'hui, on sait à quel point c'est compliqué, se syndiquer. Et, même quand on y parvient et même quand vos tribunaux nous autorisent, vous arrivez à amener des nouveaux projets de loi comme le 7, comme le 8, puis on dit: Woup, un instant! Vous vous faites le champion de la syndicalisation, mais ce que j'en entends, c'est qu'à chaque fois qu'il y a une espèce de fenêtre ou une ouverture pour que des travailleuses, des travailleurs puissent accéder à des droits puis vivre dignement, bien on a un gouvernement qui actuellement place une entrave après l'autre, et le projet de loi n° 31 se situe dans la même lignée. Et, si j'allais plus loin sur votre projet, si c'était strictement ce que vous visez, de casser Sept-Îles ou d'éviter que Sept-Îles se produise, définitivement, là, pour un mal de lapin, vous avez trouvé un remède de cheval puis vous allez tuer l'animal, c'est sûr.
Le Président (M. Bachand): M. le ministre.
M. Després: Moi, je vous dis, au-delà, il y a le cas de Sept-Îles, mais il y a le fait aussi que ce qu'on fait effectivement chez nos voisins, c'est qu'on permet et on traite la sous-traitance interne de la même façon qu'on traite la sous-traitance externe. Il y en a qui n'aiment pas l'entendre dire, mais, tant qu'à nous, il y a eu de ce côté-là effectivement un glissement du côté de la jurisprudence.
Ceci étant dit, connaissant bien maintenant le projet de loi et l'objectif qu'on vise par rapport au traitement de la sous-traitance interne ? je l'ai posé tout à l'heure et je n'ai pas eu de proposition au groupe qui était avant vous ? vous avez fait une critique en ce qui concerne la définition dans «la plupart des éléments caractéristiques». Ça, ce serait ma première question. Vous l'écririez... Avez-vous une suggestion à faire? Je vous le dis, toujours en gardant l'objectif qu'on s'est donné qui est déposé dans la loi, dans la définition, parce que vous ne semblez pas à l'aise avec ça, je vous demande si vous avez des suggestions.
Le Président (M. Bachand): Donc, M. Parent, en une minute et demie, si vous pouvez résumer.
M. Parent (Réjean): En une minute et demie, M. le Président, je dirais que... Vous voyez, le temps est tellement court. Je pense que ce serait prématuré que de vouloir régler le dossier en l'espace d'une minute et demie. Et, à mon humble avis, si les intentions du ministre sont à un point tel pures qu'il veut régler des problèmes plutôt que d'en créer, je pense qu'il n'y avait pas de presse à déposer à toute vapeur un projet de loi dans les dernières semaines de la session, de recevoir des organisations à 9, 10 heures, 11 heures le soir. Et la première suggestion que je lui ferais, c'est de suspendre son projet, d'étendre ça dans le temps, de donner une chance aux parties de se parler, de rencontrer les organisations et de tenter justement de faire cet arbitrage dans les quêtes de l'employeur et des organisations syndicales puis de trouver, je dirais, un projet qui fera consensus. Et, à mon humble avis, si les intentions sont si sincères, je pense qu'il n'y avait pas de presse puis encore moins de nécessité de travailler en catimini.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Parent. Donc, le bloc étant terminé, désolé, M. le ministre.
M. Després: Il n'y a pas de problème.
Le Président (M. Bachand): Sans problème. Donc, je vais céder la parole à l'opposition. Donc, 10 minutes, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour de remercier les gens de la Centrale des syndicats du Québec de s'être déplacés pour venir nous rencontrer et permettre les échanges que nous avons ce soir. M. Parent, bienvenue, M. Meunier.
D'abord, je vous dirais qu'on peut comprendre que, évidemment, la CSQ, compte tenu de vos membres et des endroits où vous vous retrouvez, où on trouve la majorité de vos membres, on peut comprendre que vous êtes principalement dans l'éducation, mais je comprends qu'avec la réponse que vous avez donnée dans le cas de Sept-Îles que vous avez un peu de vos membres aussi dans le secteur de la santé quant au remède que vous suggérez pour le cas de Sept-Îles. Je connais bien la CSQ parce que j'ai été enseignant pendant assez longtemps et j'ai travaillé dans le milieu scolaire assez longtemps.
Mais vous parlez quand même, en introduction, à la page 5 de votre mémoire... Vous êtes le premier groupe devant nous qui abordez de façon systématique la question du secteur public principalement, de façon très large, de façon très dense. Et ma première question serait par rapport justement au dernier paragraphe... l'avant-dernier paragraphe, lorsque vous dites: En conclusion, nous situerons le projet de loi n° 31 dans un ensemble de projets de loi déposés par le gouvernement au cours de l'automne 2003, lesquels s'inscrivent dans la perspective de la réingénierie. Je crois même que c'est la première fois qu'on entend ce mot depuis le début de nos audiences. Vous parlez de l'esprit qui anime l'action gouvernementale. Il est clair, il s'agit de soumettre cette action aux impératifs du marché. M. Parent, il y en a qui prétendent que le marché, ce n'est quand même pas si mal, là, que ça peut avoir des vertus.
Alors, ma question, ce serait: Selon vous, ces impératifs du marché ou la loi du marché, où ça s'arrête? Où ça devient dangereux? Et, bon, à quelle place que vous placeriez la balise?
Le Président (M. Bachand): M. Parent.
n(21 h 40)nM. Parent (Réjean): Une grande question de placer la balise du marché puis des institutions, mais je pense que la Centrale seule ou le président de la Centrale, de poser la balise... Je pense qu'il faut plutôt se référer aux choix qui ont été faits collectivement par les Québécoises et les Québécois en termes d'institutions publiques que nous nous sommes données, et c'est ça, les balises auxquelles on doit se référer. Et je pense que nos lois, nos institutions sont le reflet, je dirais, de ces arbitrages qui, au fil des ans, ont eu lieu. Et autant, là, le Code du travail actuel, autant les conventions qui existent, autant les institutions et les missions que l'État a, ce sont des missions qui ont été, je dirais, le fruit d'un consensus social pour s'assurer d'une juste redistribution de la richesse pour l'ensemble des citoyennes et des citoyens.
Et la balise, je pense qu'elle se situe dans un contexte où chaque travailleuse, chaque travailleur a un accès à la syndicalisation ? volontaire, mais a un accès ? est en mesure d'avoir des conditions de travail qui sont décentes, est en mesure de vivre en sécurité et de ne pas se voir, du jour au lendemain, potentiellement cédé avec la mission de l'État et voir ses conditions de vie, ses conditions de travail détruites, ses possibilités d'association rendues plus ardues, plus difficiles. Je pense que c'est dans ce cadre-là qu'on doit situer les balises, dans un contexte d'un État qui est responsable et qui fait vivre un projet collectif plutôt que d'abandonner, je dirais, l'État à l'initiative des individus avec une espèce de devise à l'américaine: Que chacun se prenne en main, et la société s'en portera mieux. Je pense que l'État québécois, ça a été plutôt: À partir du projet collectif, on s'est assuré du bien-être des personnes.
Le Président (M. Bachand): M. le député des Îles.
M. Arseneau: Oui. Merci, M. le Président. Si j'ai posé la question... Je sais que ce n'était pas une question simple, là, ce n'est pas une question facile, mais, quand même, le débat se fait. Puis, vous-même, dans votre mémoire, à la page 10, vous parlez, là, qu'il se fait, là... ou ne je sais pas si c'est à la page 10, mais il y a un endroit où vous dites qu'il s'en fait aussi dans le secteur public de la sous-traitance, que c'est quelque chose qui est possible. À la page 10, justement, vous parlez, là, et dites: «Il nous semble clair, malgré les dénégations du gouvernement...» Puis vous citez aussi M. Claude Lecorre. Vous savez, on l'avait vue, cette citation-là. On trouve qu'elle est très intéressante parce que dans le fond ce devrait être, M. Lecorre, un de ceux qui semblent d'accord ? il n'y en a pas beaucoup, vous savez ? avec le projet de loi du ministre du Travail actuellement. Et, même s'il se dit d'accord, il nous informe quant aux intentions réelles du gouvernement avec cette citation que vous nous donnez à la page 10.
Alors, ma question, ce serait: Lorsque vous dites qu'il est «clair, malgré les dénégations du gouvernement, que le secteur public est visé», j'aimerais que vous nous disiez dans quel sens et que vous puissiez expliciter davantage quelles sont vos craintes en regard de ces intentions que vous prêtez au ministre du Travail en regard du secteur public.
Le Président (M. Bachand): M. Parent.
M. Arseneau: Parce que, je vais vous le dire tout de suite, vous allez avoir de la misère avec certains groupes de vos travailleurs des centres de la petite enfance parce qu'il y a des projets de loi qui leur interdisent de se syndiquer, là.
Le Président (M. Bachand): M. Parent.
M. Parent (Réjean): Le projet de loi n° 8, je l'ai mentionné tantôt. D'abord, un, en quoi... Je pense qu'on a des raisons d'avoir effectivement des appréhensions. Le premier ministre lui-même, dans son discours, était en cession d'État, annonçant... Pourquoi qu'on empêcherait nos hôpitaux de pouvoir sous-traiter? Pourquoi on empêcherait nos municipalités de pouvoir sous-traiter? Il manquait seulement que le bout éducation, mais ce n'est pas parce qu'il ne l'a pas dit qu'on ne pense pas qu'il ne l'a pas pensé. Et, dans ce sens-là, le terrain lui-même nous démontre qu'il y en a des possibilités de sous-traitance et qu'il en existe tant dans le secteur de la santé, services sociaux, tant dans le secteur éducation. Et je dirais qu'il y a, jusqu'à un certain point, un certain équilibre dans le contexte de la législation actuelle avec les conventions qui existent, mais, à partir du moment où, je dirais, on écarte ces protections-là, ça peut entraîner tellement de libéralisation que, là, effectivement, on peut avoir des appréhensions pour de larges pans de membres qu'on représente.
Dans une première vague, les gens ont toujours le réflexe de penser au personnel de soutien qu'on représente tant en milieu hospitalier, en santé et services sociaux, tant en éducation, mais déjà on a aussi des appréhensions par rapport aux services professionnels, éventuellement, l'employeur commission scolaire qui, plutôt que d'obtenir des salariés orthophonistes, cède ça à une firme sur le coin de la rue: moins d'engagement, moins de sécurité, moins d'obligations, tout en posant des obligations, donc rendant inégale la relation entre les travailleurs et l'employeur. Ça fait que c'est dans ce sens-là qu'on a des appréhensions, M. le député.
Le Président (M. Bachand): M. le député de René-Lévesque ou des Îles.
M. Arseneau: Bien, peut-être...
Le Président (M. Bachand): M. le député des Îles.
M. Arseneau: Je ne sais pas il y a combien de temps, M. le Président.
Le Président (M. Bachand): Vous avez amplement le temps.
M. Arseneau: D'accord. J'aimerais vous amener sur... à la page 11. Parce qu'il est très dense, votre mémoire, là, je pense que c'est à la page 11 où vous nous dites que, bon, «cela pourrait permettre aux établissements du secteur public de concéder non seulement le droit d'exploitation ou les fonctions, comme cela s'est fait jusqu'à présent, mais également le personnel, dans la mesure où la convention ne comporterait pas de protection contre la sous-traitance». Alors, vous nous dites ça à la page 11. À la page 13, on revoit, là... puis c'est la question de la réingénierie de l'État, puis vous voyez enfin tout ce que c'est qui est possible. Il y a comme... Puis vous parlez d'un casse-tête, là. Alors, la question que je voudrais vous poser... C'est principalement donc le secteur public qui serait visé, selon vous. Et est-ce que vous pouvez nous identifier des groupes ? bien, vous en avez parlé un peu, mais peut-être élaborer là-dessus ? des groupes en particulier, soit des groupes de travailleurs ou des groupes de citoyens qui pourraient être visés davantage par le projet de loi du ministre du travail? Qui va payer le prix de ça, là?
Le Président (M. Bachand): En deux minutes, M. Parent, si c'est possible.
M. Parent (Réjean): Qui va... D'abord, un, quand vous parlez que la réingénierie est un casse-tête, là, vous avez essentiellement raison, c'est un gros casse-tête. Qui va payer le prix, là? Il ne faut pas être devin puis il ne faut pas chercher de midi à quatorze heures, c'est les travailleuses et les travailleurs. Ça, c'est tout du même côté, le prix à payer. Ça ne sera pas du côté des petites entreprises, ça ne sera pas du côté du Conseil du patronat ou du patronat, ça va être du côté des travailleuses et des travailleurs. Et je dirais que, dans le cadre législatif actuel, avec ce qu'on nous annonce, on peut prévoir, là, que, si on se garde sur le même élan, la situation pourrait aller en s'empirant. Qui va payer le prix? Il n'y a pas personne dans notre réseau qui pourrait se dire à l'abri d'intentions comme celles-là. Quand on est prêt à céder des éléments qui, à notre avis, sont de l'ordre de l'essentiel dans les missions de l'État, tout le monde peut potentiellement payer le prix. Quand on est rendu qu'on sous-traite de l'enseignement quand on est dans le réseau de l'éducation, c'est une grosse renonciation, ça. C'est ce qu'on appelle de la cession d'État, là. Là, ce n'est plus de la cession d'entreprise, c'est de la cession d'État, laissé au libre marché. Et là le libre marché, on pense qu'il n'a pas sa place parce que c'est à l'État d'avoir des responsabilités institutionnelles.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Parent. Alors, je vais céder la parole au côté ministériel. M. le ministre.
M. Després: Merci beaucoup, M. le Président. Je veux vous rassurer, M. Parent, parce que vous faites ça probablement à tous les jours, vous, et les gens de votre organisation, représenter les travailleurs et négocier, et c'est ce que vous allez continuer à faire. Et, là vous êtes dans le secteur public, qui a des conventions collectives, vous êtes assis avec les parties, vous les négociez, vous les négociez serré, vous aller continuer à le faire, vous allez continuer à bien représenter vos membres.
Donc, vous ne me ferez pas dire aujourd'hui que, dans les modifications que l'on dépose dans le Code du travail, on vient changer ou qu'on ne respecte pas les fondements du code. Le droit à l'accréditation va exister. Les sous-traitants... Êtes-vous en train de me dire qu'il n'y a aucun sous-traitant au Québec qui n'est pas syndiqué? Il y en a dans toutes les régions du Québec. Êtes-vous en train de me dire que ces gens-là, qui ont le droit à la syndicalisation, qui sont syndiqués, qui négocient des conventions collectives, ont de mauvaises conventions collectives, ont des mauvaises conditions? Moi, je ne pense pas. Je ne pense pas ça du tout. Puis, quand vous me donnez vos exemples, êtes-vous en train de me dire que l'employeur qui sous-traite... c'est comme si les sous-traitants n'étaient jamais syndiqués? Je m'excuse, ils le sont, à l'occasion, sous-traités. La FTQ est venue elle-même venir dire qu'il y avait 175 000 de ses membres qui vivaient de sous-traitance.
Donc, oui, vous avez le droit de représenter les employés, oui, vous avez le droit de demander à tous les employés au Québec d'être représentés par vous ou une autre centrale puis de négocier, et c'est ce qu'on va toujours vous permettre de faire et c'est vous, les parties assises à la table qui allez décider de ce que vous mettez dans les conventions. Ce n'est pas le ministre du Travail, ce n'est pas le gouvernement, c'est vous. C'est vous qui allez être assis là, c'est vous qui allez décider. C'est ce que vous faites à tous les jours et c'est ce que vous allez continuer à faire, et je suis certain que vous allez bien le faire. Mais, de là à commencer à dire que, demain matin, ça va être la désyndicalisation au Québec, je m'excuse, M. Parent, ce n'est pas l'objectif qui est fixé du tout, du tout, et vous allez avoir ce droit-là. Et, vous le savez très bien, dans le secteur public, il y en existe des clauses, et vous les négociez, et vous allez continuer à les négocier, et c'est correct que vous continuiez à les négocier. Et ce qu'on veut pour les travailleurs du Québec, c'est que ce soient les parties qui décident. C'est ce qu'on va leur permettre de faire.
M. le Président, suite à mon commentaire, je pense qu'il y a d'autres collègues qui apprécieraient pouvoir questionner.
M. Descoteaux: M. le Président.
Le Président (M. Bachand): Oui. M. le député de Groulx.
n(21 h 50)nM. Descoteaux: Merci, M. le Président. M. Parent, j'apprécie énormément votre approche quant à 45, par rapport aux tribunaux et surtout la Cour suprême, lorsque vous dites: Bien, on n'est pas pour se substituer à la Cour suprême et aux autres tribunaux dans leur sagesse. Et je vous suis parfaitement de ce côté-là. D'un autre côté, même si je mettais un bémol sur notre approche vis-à-vis le glissement de 45 et même si je vous disais: Vous avez raison, l'interprétation des tribunaux, et jusqu'à la Cour suprême, ne découle pas d'un glissement mais découle tout simplement d'une interprétation de 45 tel qu'il était rédigé, tel qu'il est rédigé, il n'en reste pas moins qu'ici ça a été bien démontré, et je pense que, lorsque vous avez parlé de mythe qu'il n'y avait pas de sous-traitance, on est à ce stade-ci convaincus, de part et d'autre de cette salle, qu'effectivement de la sous-traitance, au Québec, il y en a amplement et il y a amplement de sous-traitance au niveau de la sous-traitance externe. Et on n'entend pas, je n'ai pas entendu les représentants syndicaux s'offusquer de cette sous-traitance là, au contraire. Mais il y a ce problème de la sous-traitance interne. Et je pense que vous avez bien entendu le ministre, il l'a répété à plusieurs reprises qu'un des problèmes fondamentaux qu'on cherchait à corriger, c'était au niveau de la sous-traitance interne, justement l'interprétation qui fut donnée, entre autres, dans l'arrêt de Sept-Îles.
Où j'ai de la difficulté à suivre la logique, c'est que je ne comprends pas, à ce stade-là, qu'il n'y ait aucune... qu'on ne s'offusque pas sur le fait qu'il y ait autant de sous-traitance externe. Et je comprends difficilement, lorsque le ministre dit clairement qu'il n'est pas question d'attaquer les accréditations, que, en essayant d'arrimer la sous-traitance interne à la sous-traitance externe, là, les colonnes du temple tremblent et toute la structure va s'écrouler. Et, lorsque le ministre dit: Moi, j'aimerais ça que vous apportiez une solution, vous dites: Bien, on n'a pas de solution. Mais pourquoi est-ce qu'on n'aborde pas la question ? parce que, au fond, c'est le troisième alinéa de 45, le problème ? pourquoi est-ce qu'on n'aborde pas la question sous l'angle: Empêchons les colonnes du temple de trembler, mais réglons le cas de la sous-traitance interne de façon à l'arrimer à l'autre, de façon à avoir un seul principe au Québec au niveau de la sous-traitance?
Et on a entendu toutes sortes de doléances mais jamais une seule proposition disant: Votre texte, il faudrait peut-être le resserrer un peu de façon à ce qu'il s'arrime avec la sous-traitance externe. On nous dit, on nous mentionne... puis vous abordez les projets de loi nos 7, 8, 30, 31, mais, au problème bien précis qui nous est soumis... et on est là pour avoir votre opinion, on n'en a aucune, et ça me chagrine un peu. Je trouve que votre rôle, en tant qu'experts, et tant vos collègues qui ont précédé, ce serait de dire: Vous avez compris, vous, messieurs du gouvernement, le problème, c'est Sept-Îles non pas comme jugement, mais comme façon d'appliquer le Code du travail au niveau de 45 et de la sous-traitance interne, bien, voici la solution qu'on vous aborderait. Et on est rendus à la deuxième journée complète, et je n'ai entendu rien de cela. Je ne sais pas si vous pouvez m'indiquer, sans que ce soit une recette miracle, pourquoi on n'approche pas la question, qui est pourtant très claire, sous cet angle-là.
Le Président (M. Bachand): M. Parent.
M. Parent (Réjean): Je vais essayer de conserver mon calme, là. Je trouve assez spécial que le député trouve qu'on manque d'imagination dans les solutions et qu'il nous demande, à 10 heures, un mercredi soir, 26 novembre, avec un projet rédigé en catimini, à la noirceur, je veux dire: Vous n'avez pas de solution, messieurs? Moi, je pense que, si le gouvernement avait souhaité élaborer des solutions conjointement, il y aurait eu un travail, il y aurait eu des allers-retours, comme ça s'est fait avec les gouvernements précédents, et toutes couleurs confondues, soit dit en passant, soit dit en passant. Donc, en termes de solution, je pense qu'on ne peut pas parler du Code du travail, de prendre un article, de prendre un alinéa dans l'article et dire: Vous n'avez pas de solution, vous n'avez pas de solution. Moi, je pense qu'il faut regarder l'ensemble de la loi puis l'organisation des parties, se mettre à table, avoir des échanges, avoir des consultations, identifier clairement les problèmes, pouvoir faire un inventaire. Et identifier clairement les problèmes, c'est qu'au moment où on se parle, c'est: Quelle est l'ampleur du problème que le ministre veut régler? Quelle en est la vraie nature du problème et quels sont les effets recherchés?
Ça fait que, dans ce sens-là, les solutions... Je pourrais vous dire qu'à la CSQ, pour ce qui est de réfléchir, penser, écrire, je veux dire, on est pas mal, on est pas mal. Ça, là, définitivement, là, le crayon, on est capables de le tenir, puis de réfléchir, puis d'imaginer. On est encore pas mal bons, mais faut-il le faire dans des conditions qui sont respectueuses des parties. Et, dans ce sens-là, là, c'est... je trouve difficile à prendre qu'à 10 heures du soir on me dise: Bien, là, là, vous ne nous avez pas répondu à notre question. Moi, je pense que, si le gouvernement était sérieux, bien, avant, il aurait dit: Oups! là, on a des problèmes, voilà la nature des problèmes, comme on l'a fait dans des rondes précédentes, et on regarde. Et, quand on commence à toucher à une pierre de l'édifice, ça peut ébranler l'ensemble de l'édifice. Et, à chaque fois, les gouvernements précédents ont eu, je dirais, un soin scrupuleux à s'assurer de maintenir cet équilibre entre les parties de façon justement à assurer cette espèce de paix sociale ou de paix industrielle qu'on connaît au Québec depuis 40 ans. Ça fait que, dans ce sens-là, ce n'est pas en deux minutes et quart, dans le cadre d'une commission parlementaire... Je pense que, tout au mieux, ce qu'on peut faire aujourd'hui, c'est dire: Oui, vous avez des problèmes, on est prêts à les entendre, vos problèmes. On est prêts à discuter sérieusement avec la partie gouvernementale, mais dans un contexte qui est respectueux des parties puis qui fait qu'on va identifier correctement, clairement la nature des problèmes, on va amener des remèdes conséquents. Mais je vous dirais que ne sommes pas dupes.
Et finalement la définition caractéristique... on tire tous azimuts. C'est vrai qu'on va continuer à négocier demain matin, puis après demain. C'est vrai qu'on va continuer à travailler, à organiser du monde, puis, même quand vous allez poser des lois pour les empêcher de se syndiquer, on va continuer de les organiser, on va continuer de les associer pour faire en sorte que les citoyennes du Québec et les citoyens du Québec puissent avoir des conditions de vie décentes plutôt que de s'être soumis à un quasi-régime d'esclavage avec un patronat qui en salive de votre projet de loi. Ça fait que, dans ce sens-là, moi, je pense que l'intérêt... Si vous souhaitez vraiment des solutions, il y a des moyens de le faire, puis je pense que ça pourrait se faire très bien à l'hiver puis au printemps 2004 plutôt qu'à la sauvette en novembre 2003.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Parent. Donc, je vais céder la parole, pour le bloc de l'opposition, à Mme la députée de Matapédia.
Mme Doyer: Merci, M. le Président. Alors, moi, à la page 8 de votre mémoire, vous parlez de la mesure prévue à l'article 6 du projet de loi. Est-ce que vous pourriez m'expliquer votre conception de l'aspect juridique du fardeau de la preuve? Parce que ça, c'est quand même extrêmement important, hein? Bien, moi, je trouve ça important.
M. Parent (Réjean): Je vais laisser l'avocat en parler du fardeau juridique.
Mme Doyer: Parce que comment on fait ça, là, le fardeau de la preuve?
Le Président (M. Bachand): M. Meunier.
M. Meunier (François): Essentiellement, ce qu'on a souligné, c'est qu'«il appartiendra à l'association accréditée de démontrer qu'une concession a été faite "dans le but principal" ? c'est les termes mêmes du projet de loi ? de nuire à l'exercice du droit d'association». Et c'est un fardeau de preuve... D'ailleurs, c'est une remarque qui avait même été soulignée par certains auteurs ? je pense, entre autres, à Me Pierre Grenier ? en marge du projet de loi n° 31, en 2001, quant à l'importance du fardeau de preuve qu'on retrouve aujourd'hui au premier paragraphe de 45.2.
Mais, au-delà de ces considérations et pour revenir un peu sur la question qui était soulevée tantôt, ce qu'il faut bien réaliser et ce qui est en cause, c'est que le fondement... On parlait du droit à la syndicalisation. Au niveau de l'accréditation, ce que 45 consacre, depuis à tout le moins 1964 et même un peu auparavant, sur la Loi des relations ouvrières, c'est un droit de suite. L'accréditation est rattachée non pas à la personnalité de l'employeur, mais rattachée à l'entreprise.
Or, la politique d'interprétation du Tribunal du travail, au lendemain de l'arrêt Bibeault ? et je dis bien ? la politique d'interprétation de tous les membres du Tribunal du travail et qui a été cautionnée par la Cour suprême trouve application dans le contexte d'une concession partielle d'entreprise. Et je pense qu'avant de remettre en cause la caution de la Cour suprême... Parce qu'il faut au moins réaliser une chose, c'est que, depuis 2001, il y a une stabilité qui a vu le jour avec l'interprétation... avec la caution de la Cour suprême. Et ce qu'on remet en cause aujourd'hui, c'est cette stabilité de 2001, non seulement une stabilité découlant de l'arrêt de la Cour suprême dans Ivanhoé et ville de Sept-Îles, mais également une stabilité qui parallèlement trouvait... a vu le jour avec les assouplissements introduits en 2001 au chapitre de la concession partielle d'entreprise, les deux éléments qu'on a déjà évoqués.
n(22 heures)n Ce qu'on vous invite fortement, avant de remettre en question cette stabilité, c'est de penser aux conséquences sur les relations de travail au Québec. Et je suis persuadé que l'avenue que vous préconisez au plan des relations de travail, c'est la mauvaise direction. Puis, on va se rappeler, à une époque, il n'y avait pas tellement de consensus au Québec ? les années soixante-dix ? et les relations de travail étaient particulièrement tendues. Si c'est l'avenue qui est préconisée pour les quatre prochaines années, bien, vous risquez... À vouloir attiser des conflits, bien, il y a sûrement un prix à payer.
Mais, moi, j'en reviens à la stabilité découlant de l'arrêt ville de Sept-Îles. Une interprétation... La politique d'interprétation dégagée par le Tribunal du travail entre 1988 et 2001 a été cautionnée par la Cour suprême. Et cette situation qui prévaut aujourd'hui... Et on vit aujourd'hui avec la réforme de 2001. Et la réforme de 2001, il faut le reconnaître, ce sont des pans du Code du travail qui ont été modifiés, mais où les différents acteurs y ont trouvé leur compte. Ce que vous proposez, c'est un amendement à la pièce, puis un amendement à la pièce au Code du travail, notamment l'article 45, c'est bien malheureux, ça ne passera jamais.
Le Président (M. Bachand): Mme la députée de Matapédia.
Mme Doyer: Ça va aller, mais je vous remercie, messieurs.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Bachand): M. le député de Richelieu? M. le député de Richelieu.
M. Simard: D'abord, remercier les gens de la CSQ pour cette présentation qui a été mûrement réfléchie et témoigner à mon tour du fait que la CSQ a toujours cherché à contribuer à une solution de négocier. C'est parfois long, c'est parfois difficile. Nous avons résolu ensemble il y a quelques mois un dossier qui durait depuis trois négociations collectives. On finit par régler quand on veut s'asseoir et respecter les parties.
Mais je voudrais vous faire part, M. Parent, de l'inquiétude d'un certain nombre de vos membres. J'aperçois la présidente du Syndicat des enseignants du Bas-Richelieu, qui est ici ce soir, dans la salle, et j'ai rencontré les enseignants, les membres de votre Centrale et d'autres centrales dans mon comté lundi dernier, et ils m'ont fait part de leur très grande inquiétude de voir ces lois antisyndicales qui sont actuellement devant l'Assemblée nationale être d'abord là pour paver la voie à ce que le gouvernement appelle son grand projet, c'est-à-dire la réingénierie de l'État, c'est-à-dire... vous parliez tout à l'heure de cession d'État, mais une réorganisation complète des services et programmes offerts à la population. Est-ce que vous avez réfléchi à l'effet réel que peut avoir, notamment cette loi-ci, la loi n° 31, sur les projets gouvernementaux?
Le Président (M. Bachand): M. Parent.
M. Parent (Réjean): Oui. Je vous dirais, M. le député, qu'à l'intérieur de notre mémoire on a situé le projet de loi n° 31 dans la lignée de l'ensemble des autres projets de loi, que ce soit le projet de loi n° 25, le projet de loi n° 30, le n° 32, le n° 34, on... Je pense qu'il y a un fil conducteur qui traverse l'ensemble des projets de loi, c'est de moins en moins d'État, ou un État de plus en plus déresponsabilisé, ou de moins en moins d'institutions publiques, et pour céder... Je dirais, ce qu'on appelle la réingénierie, là, au nom de la prospérité des Québécoises, des Québécois, c'est céder, je dirais, nos joyaux, notre trésor national à des entrepreneurs. Et ça, c'est la réflexion.
Puis l'environnement législatif dans lequel on se situe actuellement effectivement nous alarme, nous inquiète. Ça explique qu'on était devant l'Assemblée nationale aujourd'hui. On y reviendra, et on y reviendra, et on y reviendra parce qu'on n'en veut pas, de ces cadeaux-là. On ne le croit pas, le premier ministre, quand il nous dit qu'il a pris le parti de la classe moyenne, parce qu'on pense qu'on est la classe moyenne. On ne le croit pas quand il dit qu'il n'en a pas contre les syndicats parce qu'on est les syndicats puis on se sent drôlement attaqués. Puis on ne le croit pas quand il dit qu'il pense à la prospérité des Québécoises, des Québécois, parce qu'il me semble que le vent est plutôt à l'appauvrissement. Ça fait que, dans ce sens-là, oui, on a réfléchi et on voit le projet de loi n° 31... je dirais que le titre est révélateur: Une clé pour la déconstruction de l'État. C'est comme ça qu'on le reçoit.
Le Président (M. Bachand): Terminé? Très rapidement, monsieur...
M. Arseneau: Très rapidement, M. le Président. Je voudrais vous laisser du temps, M. Parent, pour que vous puissiez élaborer votre proposition, puisqu'on sait que les collègues, même d'en face, sont prêts à faire évoluer, là, ce projet de loi, cette situation. Vous avez fait une proposition au ministre tantôt à l'effet de retirer du menu législatif, qu'on en parle plus. Je vous laisse le temps pour faire votre proposition au ministre encore une fois.
Le Président (M. Bachand): En deux minutes, M. Parent, s'il vous plaît.
M. Parent (Réjean): Vous connaissez plus le ministre que je ne le connais, mais je présume qu'il a compris la proposition. Mais, si vous me dites qu'il faut lui répéter deux fois, je vais le faire. Je vais le faire. Je pense que le projet de loi n° 31 est un projet tellement sérieux, tellement grave dans le contexte, je dirais, des lois qui régissent les relations entre les parties qu'on ne peut pas se payer le luxe d'adopter un tel projet à la sauvette sans faire les efforts, tous les efforts utiles pour cueillir le plus large consensus possible. Et, dans ce sens-là, l'invitation qui est faite au ministre de placer son projet au réfrigérateur pour quelques semaines, quelques mois et de donner une chance à un processus, je dirais, à un dialogue ? je vais reprendre l'intervention de mon prédécesseur ? une ouverture à un dialogue social qui permettra de rechercher une solution qui pourrait être convenable, à la fois pour le patronat et à la fois pour les syndicats, donc pour les employeurs comme pour les salariés. Et, à ce stade-ci, il semble que le gouvernement ferait preuve de maturité et de moins de soumission à l'égard du patronat et serait le gouvernement de toutes les Québécoises et tous les Québécois.
Le Président (M. Bachand): Je vous remercie infiniment. On termine ce bloc-là. Je veux vous remercier particulièrement, compte tenu de l'heure tardive. M. Parent, M. Meunier, merci infiniment de votre présence ici, et vous savez que vous êtes toujours les bienvenus à la Commission de l'économie et du travail.
Nous allons suspendre les travaux pour deux minutes.
(Suspension de la séance à 22 h 7)
(Reprise à 22 h 15)
Le Président (M. Bachand): Donc, nous allons reprendre les travaux.
Nous allons accueillir la Fédération indépendante des syndicats autonomes. Donc, bonsoir, messieurs. Bienvenue à la Commission de l'économie et du travail. Je vais vous demander, compte tenu du nombre que vous êtes, de vous présenter, s'il vous plaît.
Fédération indépendante
des syndicats autonomes (FISA)
M. Beauchemin (Réjean): Oui, bonjour. Je vais... Mon nom est Réjean Beauchemin, président de la FISA, la Fédération indépendante des syndicats autonomes. Alors, je vais vous présenter le vice-président du secteur municipal, M. Jacques Gagnon, ainsi que Marc-André Lessard ici, à ma gauche, qui est secrétaire à la FISA. Et M. Gagnon est également président du Syndicat des fonctionnaires de la ville de Thetford Mines. Moi, je suis également président du Syndicat des fonctionnaires municipaux de la ville de Sherbrooke. À ma droite, je vais vous présenter Jacques Nadeau, qui est directeur à la Fédération. Jacques va vous présenter le mémoire.
Le Président (M. Bachand): M. Nadeau.
M. Nadeau (Jacques): Alors, bonsoir. Alors, j'ose penser que tout le monde a une copie du mémoire. Alors, nous allons débuter par la page 5: Projet de loi n° 31, Loi modifiant le Code du travail.
Examinons d'abord quelques titres qui ont paru dans les journaux au cours des dernières semaines. Et je me suis inspiré, j'ai regardé... Je n'ai pas pris tous les titres, mais j'ai essayé de prendre ceux qui étaient les plus éloquents. Alors: Ce gouvernement veut nous briser; La CSN accuse Jean Charest de vouloir réduire le taux de syndicalisation; Une modification «odieuse et inique»: La CSD en guerre contre le projet de loi 31 du gouvernement Charest; Projet de modification de l'article 45: Manifestation houleuse contre la sous-traitance à Montréal; Sous-traitance: Pas une priorité pour l'Association des hôpitaux; Une volonté de diminuer le taux de syndicalisation? Article 45: la CSN et les chambres de commerce s'affrontent; Projet de loi modifiant le Code du travail: L'Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles du Québec appuie l'intention du législateur de clarifier l'article 45 tout en soulignant le besoin de précisions additionnelles; L'article 45 ? Les économies se feront aux dépens des travailleurs; Modification de l'article 45 du Code du travail ? Révolte syndicale, satisfaction patronale; Toutes portes ouvertes vers la sous-traitance; Le ministre Michel Després dépose sa controversée loi du travail; Article 45 du Code du travail: Pour la Fédération des chambres de commerce du Québec, des modifications empreintes d'équilibre et de pragmatisme; Assouplissement de l'article 45: Une décision qui va dans le sens du contexte international dans lequel nous évoluons ? Manufacturiers et exportateurs du Québec; Le projet de loi 31 sur l'article 45 relatif à la sous-traitance ? A priori un bon projet, de l'avis du Conseil du patronat du Québec; L'assouplissement de l'article 45 est devenu un symbole; Modifications de l'article 45 du Code du travail: Pour l'UMQ, un geste qui répond en partie aux préoccupations des employeurs municipaux; Modification de l'article 45 sur la sous-traitance: Plus de contrats de sous-traitance et amélioration de la compétitivité pour des PME selon la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. On constate donc que beaucoup d'encre a coulé depuis le dépôt du projet de loi.
Pour bien comprendre la portée de ce projet de loi, il est important d'examiner l'article 45 du Code du travail. L'article 45 se lit comme suit: «L'aliénation ou la concession totale ou partielle d'une entreprise n'invalide aucune accréditation accordée en vertu du présent code, aucune convention collective, ni aucune procédure en vue de l'obtention d'une accréditation ou de la conclusion ou de l'exécution d'un convention collective.
n(22 h 20)n«Sans égard à la division, à la fusion ou au changement de structure juridique de l'entreprise, le nouvel employeur est lié par l'accréditation ou la convention collective comme s'il y était nommé et devient par le fait même partie à toute procédure s'y rapportant, aux lieu et place de l'employeur précédent.» Le premier but de cette disposition est de protéger les rapports collectifs et les structures juridiques qui les sous-tendent. Comme le soulignait le juge Beetz dans l'affaire Bibeault, «l'article 45 vise incontestablement la protection des avantages qui découlent de l'accréditation et de la convention collective». Cet article existe depuis 1961 et a été incorporé dans le nouveau Code du travail qui, lui, a été évidemment sanctionné en 1964.
Qu'en est-il de la sous-traitance? Les modifications apportées par le gouvernement à l'article 45 du Code du travail visent le phénomène de la sous-traitance dans le monde du travail. Par contre, l'article 45 n'utilise pas le terme «sous-traitance». L'article 45 fait plutôt référence aux termes «concession» et «aliénation» d'une entreprise. Il est important de souligner que, dès d'entrée de jeu, l'article 45 du Code du travail n'interdit pas la sous-traitance, contrairement à ce que plusieurs peuvent penser. Ce sont plutôt les conséquences qui découlent de l'application de l'article 45 qui semblent problématiques pour les employeurs et les sous-traitants.
Quelles sont donc les conséquences? Le deuxième alinéa de l'article 45 stipule, comme nous l'avons vu, que «le nouvel employeur est lié par l'accréditation ou la convention collective comme s'il y était nommé et devient par le fait même partie à toute procédure s'y rapportant, aux lieu et place de l'employeur précédent». Cette disposition a comme objectif de faire reconnaître que l'accréditation et la convention collective subsistent lors d'une aliénation ou une concession totale ou partielle d'une entreprise. Il faut se rappeler que la Cour d'appel du Québec avait, en 1958, statué, dans l'affaire Syndicat des travailleurs de la pulpe et du papier de La Tuque contre la Commission des relations ouvrières de la province de Québec, que l'accréditation et la convention collective se trouvaient invalidées lors d'une aliénation ou d'une concession d'entreprise. Et, à cette époque, on se basait sur les principes civilistes qui existaient. C'est à la suite de cette décision que l'article 10a des relations ouvrières fut adopté, qui est aujourd'hui devenu l'article 45 du Code du travail.
Faut-il penser qu'à cette époque le législateur visait toutes les situations juridiques applicables, sauf celles de la sous-traitance? Nous ne le croyons pas. Nous sommes plutôt d'opinion que le législateur visait toutes les situations, qu'elles soient concession, aliénation, acquisition, vente, contrat de services, incluant la sous-traitance. L'article 45, nous l'avons souligné antérieurement, n'invalide aucune accréditation ou convention collective conclue ou en voie de l'être. Lors de l'octroi d'un contrat de sous-traitance, le sous-traitant demeure donc lié par l'accréditation. Pourquoi en serait-il autrement aujourd'hui?
Il nous semble important de souligner que le Code du travail a pour objet d'établir un régime de rapports collectifs du travail. Évidemment, ce régime ne s'applique pas à tous. Il est réservé à ceux qui sont considérés comme des salariés au sens du Code du travail. La définition de «salarié» est définie à l'article 1l du Code du travail et se lit comme suit: «Une personne qui travaille pour un employeur moyennant rémunération...» Pour établir ce régime de rapports collectifs du travail, le législateur reconnaît la liberté d'association à tous ceux qui répondent à la définition de «salarié» au sens du Code du travail. La Charte des droits et libertés de la personne du Québec reconnaît comme liberté fondamentale le droit d'association. À cet effet, nous vous référons à l'article 3 de la Charte qui stipule: «Toute personne est titulaire des libertés fondamentales, telles que la liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté d'opinion, la liberté d'expression, la liberté de réunion pacifique et la liberté d'association.» Le Code du travail reconnaît évidemment cette liberté d'association et permet à tous les salariés de se regrouper en association de salariés.
L'article 3 du Code du travail stipule que «tout salarié a le droit d'appartenir à une association de salariés de son choix et de participer à la formation de cette association, à ses activités et à son administration.» Un syndicat est donc une association de salariés au sens du Code du travail. Une fois formé en association ou en syndicat, un groupe de salariés dépose une requête en accréditation afin d'être reconnu comme le représentant exclusif et collectif de tous les salariés compris dans l'unité de négociation, qu'ils soient membres ou non. À cet effet, il faut se référer à l'article 1b du Code du travail qui stipule que le terme «association accréditée» signifie «l'association reconnue par décision de la commission comme représentant de l'ensemble ou d'un groupe des salariés» de l'employeur. La recevabilité de cette requête en accréditation est soumise à de rigoureuses règles édictées dans le Code du travail. Une fois accrédité, l'association ou le syndicat entreprend habituellement des démarches de négociation en vue de conclure une première convention collective.
C'est lors de l'aliénation ou d'une concession que l'article 45 prend tout son sens, puisque «l'aliénation ou la concession totale ou partielle d'une entreprise n'invalide aucune accréditation [...] ? ni ? aucune convention collective, ni aucune procédure en vue de l'obtention d'une accréditation ou de la conclusion ou de l'exécution d'une convention collective». L'article 45 vise donc à assurer que les rapports collectifs de travail soient protégés et transmissibles.
Comme nous l'avons déjà souligné, l'article 45 ne fait pas référence à la sous-traitance mais réfère plutôt aux notions de concession et d'aliénation. Chacun de ces termes évoque l'idée d'une transmission de droits qui se rapportent à l'entreprise. C'est dans l'interprétation de la notion de concession que la Cour suprême est venue établir que l'article 45 s'appliquait au phénomène de la sous-traitance. La sous-traitance équivaut donc à une concession d'entreprise au sens de l'article 45 du Code du travail.
Mais qu'est-ce que de la sous-traitance? La sous-traitance peut être définie comme la participation d'un tiers, ou de ses salariés, ou employés à l'exécution généralement partielle d'une activité de l'entreprise couverte par l'accréditation. En d'autres termes, il s'agit d'un contrat par lequel un employeur confie la production de biens ou la fourniture de services à un tiers, appelé sous-traitant, qui s'engage à fournir le travail à ses propres risques, avec ses propres ressources financières, matérielles et humaines. L'employeur rémunère le sous-traitant selon le travail réalisé ou les services rendus et non selon le nombre de personnes employées ou le nombre d'heures de travail effectuées.
Certains spécialistes font référence à deux types de sous-traitance, la première étant la sous-traitance interne. Cette sous-traitance vise des situations où le travail est effectué dans les établissements de l'employeur ? à titre d'exemple, pensons à l'entretien ménager, aux services de cafétéria, aux services de garde, aux services de garderies ? ou sur les territoires qui relèvent de sa compétence, et pensons, par exemple, au déneigement, à la tonte de gazon, la cueillette des ordures ménagères. Le deuxième type de sous-traitance est la sous-traitance externe. Dans ce cas, le travail est effectué à l'extérieur des établissements de l'employeur ou du territoire relevant de sa compétence.
Examinons un cas qui illustre cette notion de sous-traitance interne, il s'agit évidemment de l'affaire ville de Sept-Îles. Les faits de cette affaire se résument sommairement comme suit. La cueillette et l'enlèvement des ordures ménagères dans certains secteurs de la ville de Sept-Îles étaient effectués par des salariés syndiqués cols bleus de la ville. Ces salariés étaient représentés par un syndicat qui avait négocié et conclu une convention collective. La ville de Sept-Îles a décidé de confier le travail de cueillette et d'enlèvement des ordures ménagères à un sous-traitant. Le sous-traitant s'était donc engagé à faire la cueillette et l'enlèvement des ordures ménagères sur une partie du territoire de la ville aux lieu et place des salariés de la ville de Sept-Îles en utilisant son équipement et sa main-d'oeuvre. Cependant, ce sous-traitant ne voulait pas reconnaître que l'article 45 s'appliquait à lui. Le syndicat s'est donc vu dans l'obligation de déposer une requête afin de faire reconnaître l'application de l'article 45.
Faut-il penser que ce sous-traitant ignorait l'existence d'un syndicat? Faut-il penser qu'il ne savait pas qu'il y avait une convention collective? Faut-il penser qu'il ignorait l'existence de l'article 45 du Code du travail? Nous ne le croyons pas. Après avoir analysé l'article 45 du code, la Cour suprême est venue à la conclusion qu'il y avait eu transmission de droits et d'obligations au sous-traitant et que celui-ci était lié par l'accréditation et la convention collective aux lieu et place de la ville de Sept-Îles.
n(22 h 30)n Cette sous-traitance équivaut à un droit d'exploitation, droit d'exploitation qui a été concédé par la ville parce que ce droit d'exploitation portait non seulement sur les fonctions de cueillette et de transport des ordures, mais aussi sur l'entreprise elle-même, puisqu'elle autorisait les entrepreneurs, c'est-à-dire les sous-contractants, à mener leurs activités sur les terrains de la municipalité. On constate donc que le seul droit d'exploitation suffit à déclencher l'application de l'article 45 du Code du travail. L'article 45 crée donc des droits et des obligations non pas pour l'entrepreneur ou le donneur d'ouvrage ? dans notre exemple, c'est la ville de Sept-Îles qui est le donneur d'ouvrage ? mais pour le sous-contractant. Le sous-contractant est lié par l'accréditation ou la convention collective existante. Il est important de se rappeler qu'une convention collective avait été négociée pour et au nom des salariés cols bleus qui auparavant faisaient ce travail de cueillette et d'enlèvement des ordures. L'article 45 vise donc à assurer le transfert du régime des rapports collectifs qui existe entre les parties.
Premier constat: on est à même de constater que rien n'empêchait la ville de Sept-Îles à confier en sous-traitance la cueillette et l'enlèvement des ordures ménagères sur son territoire. Deuxième constat: c'est le sous-traitant qui s'oppose à la recevabilité de la requête déposée en vertu de l'article 45. Troisième constat: c'est la ville de Sept-Îles qui prend fait et cause du sous-traitant dans ce dossier. La problématique vient donc du fait que les sous-traitants ne veulent pas être liés par l'accréditation et la convention collective. Les sous-traitants et les employeurs connaissent les obligations créées par l'application de l'article 45, mais ceux-ci veulent l'abolition de cette disposition qui pourtant existe depuis 1961. Les sous-traitants ne veulent pas être liés par l'accréditation à la convention collective. Les employeurs souhaitent, quant à eux, réduire leurs coûts de main-d'oeuvre. Comment se fera cette réduction?
Puisqu'il est maintenant clairement établi que l'article 45 s'applique à la sous-traitance interne, les acteurs patronaux font des pressions afin que l'article 45 ne s'applique pas à la sous-traitance. Le législateur a répondu aux attentes des employeurs et des sous-traitants en déposant le projet de loi n° 31. Advenant l'adoption de ce projet de loi, ce seront les salariés qui seront les plus pénalisés. On ne s'interroge jamais sur le sort réservé aux salariés qui risquent de perdre leur emploi ou qui risquent de se retrouver du jour au lendemain avec une diminution de salaire ou une diminution des conditions de travail qu'ils ont négociées de bonne foi. C'est cette situation que l'on veut créer par les modifications proposées dans le projet de loi n° 31.
Nous savons que l'article 45 s'applique à la sous-traitance interne, mais qu'en est-il de la sous-traitance externe? Le problème de la sous-traitance externe n'a pas été soulevé devant la Cour suprême. Par contre, le Tribunal du travail a eu à se prononcer sur ce sujet. Selon le Tribunal du travail, pour déterminer s'il y a sous-traitance externe, il faut vérifier ce qui fait l'objet du contrat de sous-traitance afin de s'assurer que les moyens caractéristiques permettant la production de biens et de fourniture de services aient été transférés. En d'autres termes, il faut que le cessionnaire transfère les moyens de base et les moyens caractéristiques permettent au sous-traitant de réaliser l'objet du contrat. Mais quels sont les moyens caractéristiques nécessaires à la sous-traitance externe? Les tribunaux spécialisés considèrent comme moyens caractéristiques l'expertise, le savoir-faire, les équipements, les employés. Dans le cas de la sous-traitance externe, l'article 45 ne trouve pratiquement jamais d'application. C'est donc essentiellement à la sous-traitance interne qui est visée dans le projet de loi n° 31.
L'entreprise. L'article 45 fait également référence à la notion d'entreprise. C'est principalement l'identification de cette notion d'entreprise qui a alimenté les discussions, la doctrine et la jurisprudence au cours des 40 dernières années. Le législateur n'a malheureusement pas défini le terme «entreprise». La Cour suprême a statué que l'entreprise se présente comme l'élément le plus important du cadre tripartite postulé par le législateur. La continuation de l'entreprise est la condition essentielle de l'application 45. Il faut donc que le nouvel employeur poursuive la même entreprise. Donc, dans le cas où le nouvel employeur ne continue pas la même entreprise, l'article 45 ne trouve pas application.
Pour définir l'entreprise, la Cour suprême a retenu l'interprétation du juge Lesage du Tribunal du travail qui statuait que «l'entreprise consiste en un ensemble organisé suffisant des moyens qui permettent substantiellement la poursuite en tout ou en partie d'activités précises. Ces moyens, selon les circonstances, peuvent parfois être limités à des éléments juridiques ou techniques, ou matériels, ou incorporels. La plupart du temps, surtout lorsqu'il ne s'agit pas de concessions en sous-traitance, l'entreprise exige pour sa constitution une addition valable de plusieurs composantes qui permettent de conclure que nous sommes en présence des assises mêmes qui permettent de conduire ou de poursuivre les mêmes activités...»Le Président (M. Bachand): Excusez-moi.
M. Nadeau (Jacques): Oui.
Le Président (M. Bachand): Excusez-moi, M. Nadeau, je vais devoir vous interrompre. Il vous reste 30 secondes. Si c'est possible de conclure, s'il vous plaît.
M. Nadeau (Jacques): Alors, oui. Je vais attirer l'attention, plutôt, aux pages... Peut-être à la page 13, rapidement.
Le Président (M. Bachand): Bien sûr.
M. Nadeau (Jacques): Je vais l'expliquer en mes termes. À la page 13, je pense qu'il y a d'autres moyens pour régler la problématique soulevée aujourd'hui. Les autres moyens se retrouvent particulièrement à l'article 45 et 46 du code, parce que n'oublions pas que l'article 45 parle: Le sous-traitant est lié par l'accréditation ou la convention collective. Ce n'est plus, depuis 2001, «et la convention collective». L'article 46 permet à la Commission de régler toute difficulté pouvant naître. Et les tribunaux ont dit que, dans certaines circonstances, le facteur économique pouvait être une des difficultés.
Deuxième élément que je souligne ? puis je vais être bref ? deuxième élément que je souligne, c'est: dans les modifications proposées, on voit que les conventions collectives transférées viendraient à échéance à la date de prise d'effet. Or, si les conventions collectives viennent à échéance à la date de prise d'effet, ça veut dire que les parties renégocient une convention collective, ce qui laisse une latitude aux parties de négocier la convention. Alors, je vais fermer, parce que mon temps est expiré.
Le Président (M. Bachand): Je vous remercie, M. Nadeau. De toute façon, vous allez avoir la chance de vous exprimer...
M. Nadeau (Jacques): Effectivement.
Le Président (M. Bachand): ...puisque nous allons entamer la période d'échange en quatre blocs, en alternance. Donc, je vais privilégier, du côté ministériel, M. le ministre.
M. Després: Merci beaucoup, M. le Président. Je vous remercie, M. Nadeau, de votre participation ici, à la commission, et je remercie aussi les gens qui vous accompagnent.
Je vais vous dire, je vous ai suivi attentivement, et c'est intéressant parce que vous allez justement dans une situation sur laquelle on veut corriger, donc on va pouvoir en débattre. Je vais vous dire, j'ai lu attentivement... et je vous ai suivi au début avec les titres d'articles de journaux. Je vais vous dire, j'en ai quatre pages de 81/2 X 14 ? en attendant toujours la période de questions avec mon ami le député des Îles-de-la-Madeleine ? de citations que je pourrais vous citer, mais je vais vous en citer seulement une de l'éditorial du journal Le Devoir, Jean-Robert Sansfaçon qui disait: Corrections souhaitables.«En 1996, le gouvernement du Parti québécois...»Des voix: ...
M. Després: Le député des Îles-de-la-Madeleine pourra venir demain à la période de questions, on... «En 1996...»Des voix: ...
M. Després: M. le Président, est-ce qu'ils ont le droit de parole? Oui?
Le Président (M. Bachand): Allez-y, M. le ministre. Vous avez toute la latitude.
M. Després:«En 1996, le gouvernement du Parti québécois avait confié à trois experts le soin d'étudier la question. Dans son rapport, la commission Mireault recommandait d'exclure de l'application de l'article 45 les cas de sous-traitance pour des "fonctions" secondaires au sein d'une entreprise. C'est ce que le projet de loi n° 31 veut permettre. En apportant ces changements, comme le précédent gouvernement aurait dû le faire, le gouvernement Charest ne fait rien de plus que de rapprocher la législation québécoise de ce qui se fait ailleurs. Il n'y a rien dans ce projet de loi pour monter aux barricades!»n(22 h 40)n Ce qui est intéressant, M. le Président, c'est justement le cas dont vous venez de parler et c'est justement cette situation-là, dans le cadre du projet de loi, qu'on veut venir corriger. Dans le cas de Sept-Îles, on va s'entendre, il y avait une convention collective. La convention collective n'empêchait pas la sous-traitance. Troisièmement, la convention balisait la sous-traitance de façon stricte et précise, avec de nombreuses conditions qui exigeaient que les employés ne soient pas pénalisés. On disait qu'il ne devait y avoir aucune mise à pied ou baisse de salaire. La convention collective a été respectée, c'est-à-dire que les employés ont été relocalisés. La ville de Sept-Îles a procédé à un contrat de sous-traitance pour un secteur de la ville, pour les ordures, en respectant la convention collective, et, lorsqu'ils ont transféré au sous-traitant ? il faut bien le dire, là, M. Nadeau ? le sous-traitant l'a fait avec son personnel, avec ses équipements, en protégeant ses employés, qui étaient avec des règles qui étaient fixées dans la convention collective. Nonobstant le respect intégral de la convention, le syndicat a demandé que l'article 45 s'applique.
Nulle part ailleurs, M. Nadeau, ce genre de situation n'existe chez nos voisins. Et l'objectif du projet de loi, je veux être franc avec vous, c'est de venir corriger ce genre de situation. Je l'ai dit depuis le début, que les conventions collectives étaient au-dessus du code. Vous négociez constamment des conventions collectives, vous le faites sûrement bien, vous représentez vos travailleurs, vous êtes habitués de négocier serré, et j'espère et je suis certain que vous allez continuer à le faire. Mais, dans le cas de Sept-Îles, j'ai de la difficulté à comprendre. Vous m'amenez justement cet exemple-là. Même les autres centrales ne sont pas très, très à l'aise avec ce dossier-là. Mais, je vais vous dire, on a respecté... le droit des travailleurs a été respecté, il y avait des clauses dans la convention collective. Qui on a protégé?
Moi, comme payeur de taxes d'une municipalité, si ma municipalité décide de donner une activité en sous-traitance puis qu'elle y trouve son profit... Parce que, effectivement, vous payez vous-même des taxes, puis je suis certain que vous voulez payer le compte de taxes... le meilleur compte de taxes en ayant les meilleurs services possibles puis en respectant les gens qui travaillent dans cette municipalité. Et, si la ville a décidé qu'elle y trouvait son profit en protégeant ses travailleurs d'un côté par le respect de ses conventions collectives mais en donnant une activité en sous-traitance, où en est rendue l'économie possible pour cette municipalité-là, tout en respectant, il faut bien le comprendre, le droit des travailleurs? Moi, j'ai de la difficulté à comprendre jusqu'où ça doit aller. J'aimerais que vous me donniez des explications.
Le Président (M. Bachand): M. Nadeau.
M. Nadeau (Jacques): Merci. Je pense... Ce qui est important, M. le ministre, je pense qu'il faut faire une distinction entre deux principes qui semblent ne pas être compris et je vais m'expliquer.
L'article 45 est une disposition prévue au Code du travail, disposition qui, avec certaines réserves, est une disposition d'ordre public. Bon, évidemment, il y a eu des modifications qui font en sorte que les parties, là, peuvent y renoncer, mais il n'en demeure pas moins qu'avant les modifications c'était une disposition d'ordre public, donc, qui est prévue dans le Code du travail, une législation québécoise. De l'autre côté, on a un régime de négociation, et ça, le régime de négociation, c'est complètement autre chose. Il ne faut pas faire une équation directe entre article 45 et régime de négociation. Les parties à une convention collective sont libres de négocier les clauses qui leur conviennent en autant que celles-ci ne sont pas contraires aux dispositions législatives.
Donc, le cas de Sept-Îles est exact. Les parties avaient négocié des dispositions dans leurs conventions collectives, mais il n'en demeure pas moins... Qu'il y ait eu ce genre de négociations et de dispositions dans la convention collective, ça n'a pas pour effet de modifier la portée et l'applicabilité de l'article 45. Reprenons le même exemple à l'inverse, reprenons la même situation, ville de Sept-Îles, la même situation où, malheureusement, les parties négociantes auraient omis de négocier des dispositions sur la sous-traitance, dispositions de l'envergure que celles que vous venez de mentionner, à savoir: protection, plancher d'emploi, et ainsi de suite. Que se passe-t-il dans une situation comme cela? Vous utilisez ville de Sept-Îles, et je la comprends, c'est celle que la Cour suprême a décidée, mais il n'en demeure pas moins que la situation contractuelle aurait pu être différente. Et là on ne négocie rien. Que se passe-t-il dans une situation comme cela?
Et là, avec le projet de loi... Parce que vous dites: Les parties ont négocié, libre à eux. À moins que vous disiez, M. le ministre: On va amender le projet de loi et on va mettre une disposition dans le projet de loi pour assurer qu'il n'y ait pas de mise à pied, qu'il n'y ait pas de baisse de salaires, et ainsi de suite. Et là vous négociez pour et au nom des parties, ce qui n'est pas prévu dans le projet de loi. Alors, c'est pour ça que je dis qu'il faut effectivement dissocier... la liberté contractuelle est une chose, avec les moyens qui sont mis à la disposition des organisations patronales et syndicales.
Alors, c'est une situation, ville de Sept-Îles, convention collective, mais qu'on ne doit malheureusement pas associer à l'article 45. Parce que l'article 45, ce qu'il vise, lui, c'est, comme je vous dis, de transférer. C'est ça que la Cour suprême nous a dit. C'est ça que la Cour suprême nous dit. Elle ne se préoccupe pas... La Cour suprême, même dans son jugement à ville de Sept-Îles, a dit: Effectivement, ils sont conscients que ces dispositions-là étaient dans la convention collective, mais ça ne lie pas la Cour suprême. La Cour suprême, ce qu'elle a comme organisme judiciaire, c'est de décider la portée et le sens, l'interprétation de l'article 45 qui est là depuis 1961. Elle est consciente, mais ça n'a pas d'effet, ça n'a aucun lien. Il ne faut pas regarder ça en disant: Ah! voici, il devrait y avoir des liens. Ça n'a pas de lien. C'est mon opinion, avec respect pour l'opinion contraire. Alors, c'est pour ça que je ne vois pas du tout de lien.
Le Président (M. Bachand): Peut-être en réplique, M. le ministre, pour une minute ou deux.
M. Després: Bien, je dirais, M. le Président, très rapidement pour permettre... et revenir à un bloc, on part de loin, M. Nadeau. Parce que, effectivement, il y a deux ordres. Il y a l'ordre du cadre public, qu'on donne dans le Code du travail, et, à ce que je sache, dans ce qu'on propose, le droit d'association puis le droit de négociation vont continuer à exister. Là, vous êtes en train de nous dire que, dans certaines situations qu'on veut essayer de corriger, tout ce qu'on veut faire, c'est permettre effectivement ce qui se fait chez nos voisins et traiter la sous-traitance interne comme la sous-traitance externe. C'est ça, l'objectif du projet de loi. Moi, ce que j'aurais aimé que vous me donniez ce soir, c'est si vous avez des propositions à me faire par rapport aux amendements qu'on fait. Je n'en ai pas entendu. C'est l'objectif de la consultation qu'on fait en commission parlementaire.
Mais, pour revenir au cas de Sept-Îles, je vais vous dire, je ne sais plus qui on a protégé dans ce cas-là. Et ce que je vous dis, vous représentez bien les gens qui sont vos employés, vos membres, mais vous négociez serré vos conventions collectives, et c'est à vous de le faire, vous le faites, vous le faites tous les jours, vous allez continuer à le faire, vous allez négocier des clauses. Mais, quand on arrive dans une situation comme celle-là, j'ai beaucoup de difficultés à comprendre, parce que le sous-traitant le fait avec ses équipements, avec son personnel et je me demande pourquoi effectivement l'accréditation de la convention suivait, d'autant plus qu'il y avait des conditions qui étaient très bien établies dans les conventions collectives. Dans plus de 50 %, dans le monde municipal, 57 % environ de clauses de sous-traitance sont traitées dans le monde municipal et avec des conditions, des conditions qui sont différentes, mais où on établit des conditions.
Mais c'est très difficile, je vais vous dire, à défendre quand on arrive dans une situation comme dans le cas de Sept-Îles. Quelle est la marge de manoeuvre pour une municipalité qui a réussi à y trouver son profit, c'est-à-dire de respecter la convention collective, de respecter le droit des travailleurs, de maintenir... de donner une activité en sous-traitance? Il fallait qu'elle réussisse, même à ça, à y trouver son profit. Mais là l'accréditation des cols bleus, les conditions, alors que le sous-traitant le faisait avec ses équipements, avec son personnel, ont suivi. Je dois vous dire, très, très difficile à comprendre. Et je pense que ce qu'on veut faire dans le projet de loi, c'est de revenir justement au sens de 45, qui ne faisait pas de différence entre le traitement de la sous-traitance interne et externe, et de faire exactement ce qui se fait chez nos voisins.
Le Président (M. Bachand): Je vous remercie, M. le ministre. Donc...
M. Nadeau (Jacques): Petite réplique?
Le Président (M. Bachand): Nous aurons l'occasion d'y revenir, M. Nadeau. Puisqu'on est en alternance, je vais favoriser l'opposition. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.
n(22 h 50)nM. Arseneau: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais, à mon tour, souhaiter la bienvenue à M. Nadeau et aux gens de la Fédération indépendante des syndicats autonomes et les remercier pour la présentation de leur mémoire et qu'on puisse échanger. Vous excuserez ma voix, j'ai un peu de misère. On a beaucoup parlé, mais on a beaucoup écouté aussi, M. le Président. J'ai écouté attentivement votre présentation, M. Nadeau, et je pense que le ministre du Travail aurait dû être content aussi, puisque vous avez très bien expliqué l'article 45. Vous avez parlé amplement du cas de Sept-îles, qui est le cas qui nous revient constamment comme étant le cas d'espèce qu'il faut régler, et M. le ministre vient de dire encore que l'objectif de ce projet de loi, c'est de faire en sorte que les cas de Sept-Îles ne puissent pas se représenter.
Vous savez, personnellement, la Cour suprême, j'ai souvent trouvé qu'elle avait des jugements qui penchaient d'un côté qui ne me plaisait pas trop, mais là le ministre ne semble pas du tout avoir digéré cette décision de la Cour suprême. Et ce qu'on nous a dit abondamment, c'est que cette décision de la Cour suprême, finalement, elle allait dans le sens de... le sens profond, je dirais, de l'article 45, tel que donné par le législateur il n'y a pas loin de 40 ans.
Alors, vous connaissez bien les villes, à ce que je comprends, puisque votre syndicat... et même, avec vous, là, vous avez des gens de la ville de Sherbrooke, vous avez des gens de la ville de Thetford Mines, et Sept-îles, c'était une municipalité, c'est une ville, aussi. Alors, voilà la situation suivante. Si on disait que le projet de loi du ministre est adopté et qu'il n'y aura plus de Sept-Îles, avec les dispositions qu'on a actuellement, dans le projet de loi n° 31, est-ce que vous pouvez nous indiquer qu'est-ce qui, dans la ville, ne pourrait pas faire l'objet d'une concession partielle? Autrement dit, serait-il possible que nous ayons dans les villes et cités du Québec un maire et des sous-traitants?
Le Président (M. Bachand): M. Nadeau.
M. Nadeau (Jacques): Auriez-vous la gentillesse de reformuler? Je vous ai perdu dans le dernier bout, là.
Le Président (M. Bachand): M. le député des Îles.
M. Arseneau: Si on prenait pour acquis que le projet de loi, tel que déposé actuellement par le ministre du Travail, entrait en force avec les dispositions qu'il contient, qu'est-ce qui, dans une ville, ne pourrait pas faire l'objet d'une concession partielle? Autrement dit, pourrions-nous avoir, au Québec, des villes où on aurait un maire élu et des sous-traitants?
Le Président (M. Bachand): M. Nadeau.
M. Nadeau (Jacques): Évidemment, si le projet de loi est adopté tel qu'il est et en prenant pour acquis... Et c'est pour ça que je vous dis qu'il faut faire une distinction entre la convention collective, O.K., prenons ça comme... En fait, s'il n'y a pas de disposition dans la convention collective qui vient limiter le droit, O.K. Prenons comme hypothèse ce que je vous ai indiqué tout à l'heure: aucun chapitre, malheureusement, aucun chapitre qui traite de la sous-traitance. Donc, il n'y a que l'article 45 qui s'appliquerait, puisqu'il n'y a pas de limitation. J'ai dit tout à l'heure, au début de mon mémoire: L'article 45 n'interdit pas la sous-traitance. Et là, avec le projet de loi n° 31, ne fait, non seulement pas l'interdire, il reconnaît... il dit aux gens: Allez-y, c'est Noël, on vous donne un cadeau. Et là on commence à donner tout à sous-traitance. On pourrait commencer... Je vous ai parlé d'exemples. L'interne, bon, ce qu'on voit le plus souvent, le déneigement, l'enlèvement des ordures ménagères. On pourrait aller maintenant chez les cols blancs, donner à sous-traitance le traitement des paies, par exemple, tout le service de secrétariat, la comptabilité à l'extérieur, le système informatique. Si c'est ça que vous voulez savoir, effectivement, c'est clair. C'est tout à fait précis.
Et c'est pour ça que le ministre, il dit: Il faut négocier. Bien, il va falloir négocier certain et négocier. Et c'est pour ça que je disais au ministre tout à l'heure: M. le ministre, s'il n'y avait pas de disposition dans la convention collective... Parce que M. le ministre, il nous dit: Bien, voici, il y a des dispositions dans la convention collective. S'il n'y en a pas, on fait quoi? Elle est là, la situation. Et, s'il y a des situations ou des conditions dans la convention collective à Sept-Îles, pourquoi tout le monde crie au meurtre? C'est pour ça que je vous dis: Ce n'est pas les employeurs, c'est le sous-traitant, là, qui crie au meurtre à Sept-Îles, parce qu'il se voit retrouver... il se voit transférer une convention collective qui possiblement ne fait pas son affaire. Et pourquoi ça ne fait pas l'affaire du sous-traitant? Parce qu'il y a des taux de salaire à payer, il y a des conditions de travail à respecter, et ça, ça ne fait pas son affaire. Et pourquoi ça ne fait pas l'affaire de l'employeur? Parce que l'employeur, lui, quand il sous-traite, il espère baisser son salaire, sa capacité. Et là il dit: Ça ne me coûte pas moins cher. Ça, c'est le premier phénomène. Et c'est ça qu'il faut retenir de la sous-traitance. Elle est là, la problématique.
L'autre problématique, M. le ministre, il dit: Voici. Il y avait... Je l'ai même cité. Le sous-traitant arrive avec sa main-d'oeuvre, ses équipements. L'article 46, ce n'est pas une nouveauté, ça existe depuis de nombreuses années. Je l'ai écrit et je l'ai souligné, s'il y a des difficultés d'application, on a un ministère du Travail avec des gens compétents qui sont là pour régler les problèmes qui sont soulevés lors d'un transfert d'accréditation, et, on le sait, la Cour suprême nous a dit: C'est aussi large que d'aller dire que, possiblement, le facteur économique, on peut en tenir compte. Alors, c'est excessivement large. Pour dire: Bien, écoutez, on a peur, les sous-traitants, parce que les conventions, elles sont... elles ont été trop bien négociées. Mais, mon Dieu, trop bien négociées... À ce que je sache, lorsqu'on négocie, on négocie avec... Il y a deux parties à une négociation, et le législateur est lui-même, le gouvernement du Québec, partie à une négociation.
Alors, pour répondre à votre question, effectivement, on pourrait petit à petit tout démanteler, non seulement le système municipal, non... le secteur municipal, tout le secteur, tout l'État au complet. Je ne veux pas m'emporter, là, excusez.
Le Président (M. Bachand): M. le député des Îles.
M. Arseneau: Oui, merci, M. le Président. C'est extrêmement intéressant. Ce que je comprends, c'est que le ministre du Travail actuellement ouvre large. À la limite, on pourrait même avoir un ou deux sous-traitants des États-Unis qui auraient tous les services des municipalités du Québec, mais je vais revenir à des... Je ne veux pas m'emporter, moi non plus, parce que l'heure est tardive. Mais le ministre du Travail n'aurait-il pas pu circonscrire davantage ou limiter le cas de Sept-Îles autrement que d'ouvrir de cette façon aberrante... Parce que, là, ce que vous nous dites, c'est que la sous-traitance, c'est vraiment, là, ouvert, s'il n'y a rien dans les conventions collectives, et on sait que tout le monde n'a pas des conventions collectives qui prévoient cette mesure.
Le Président (M. Bachand): M. Nadeau.
M. Nadeau (Jacques): Évidemment, c'est un petit peu le pendant de ce que j'ai dit tout à l'heure. Le cas de Sept-Îles, selon le ministre, il est odieux parce qu'il y avait une convention collective qui avait des dispositions qui en quelque sorte limitaient... je ne dirais pas limitaient le droit de sous-traitance, mais assuraient aux travailleurs et travailleuses qui travaillaient pour la ville de Sept-Îles une espèce de sécurité, pas de mise à pied, et ainsi de suite. Donc, il faudrait prévoir, si c'est ça, de dire: Écoutez, il pourrait y avoir sous-traitance à ces conditions-là. Je ne pense pas que le ministre... C'est pour ça que j'ai posé la question au ministre.
Mais, deuxième élément, et même dans une situation comme celle-là, ça devient périlleux, périlleux pour les organisations syndicales, et je vais vous expliquer pourquoi. Et ça, c'est l'exemple que l'on vit et c'est ces exemples-là qu'on a vécus comme organisation syndicale depuis les dernières années. Souvent, il y a, dans les conventions collectives, des dispositions similaires à celles qui avaient été négociées à ville de Sept-Îles. Le phénomène de la sous-traitance prend force dans les situations où les gens, les travailleurs quittent. Vous savez, prenons l'exemple de l'entretien ménager, par exemple, services de garde, l'exemple de l'entretien ménager dans une commission scolaire, dans les édifices municipaux, ici. Prenons l'hypothèse que mon président est le concierge et il décide de prendre sa retraite de même que trois autres de ses collègues. Et c'est là souvent que le phénomène de la sous-traitance arrive. Donc, on concède en sous-traitance plutôt que d'engager des travailleurs et travailleuses qui auparavant étaient représentés par le syndicat. Et donc, on donne en sous-traitance. Et là l'argument est: Il n'y a pas eu de diminution de main-d'oeuvre. C'est vrai, mais il y a eu perte, O.K.?
Et ce qui est important de souligner, M. le ministre, c'est que souvent les gens que nous représentons, à la Fédération indépendante des syndicats autonomes, sont souvent des employés de soutien. Alors, prenons, dans les commissions scolaires, dans les villes, ces employés de soutien, c'est souvent eux qui ont, ce que j'appellerais, moi, construit le syndicat. Et là, quand ces gens-là quittent, on dit à ces gens-là: Vous avez travaillé fort, et là maintenant vos jobs ? excusez l'expression ? vos jobs, là, ils s'en vont à l'extérieur. Et c'est ça. Et ces gens-là ont travaillé fort pour obtenir des conditions de travail satisfaisantes, ont travaillé. Il y en a même qui ont vécu des mouvements qui sont des périodes difficiles pour eux, pour leurs familles et pour leurs enfants. Et là on vient leur dire aujourd'hui: Bien, c'est un petit peu ça.
n(23 heures)n Nous, là, ce qu'on dit à nos gens, dans le quotidien, avec le projet de loi n° 31, c'est de dire: Écoutez, si vous n'avez pas de garantie dans vos conventions collectives, nous, on ne peut pas vous garantir malheureusement que demain matin vous allez avoir un emploi. C'est ça, la réalité, M. le ministre.
Le Président (M. Bachand): Je vous remercie, M. Nadeau. Donc, le bloc étant terminé, je vais céder la parole à M. le ministre, côté ministériel.
M. Després: Juste un court commentaire, M. le Président, après quoi je pourrai passer la parole à mes collègues qui voudraient intervenir. Juste pour vous dire, M. Nadeau, au moins pour... peut-être même, si vous n'êtes pas rassuré avec le projet de loi n° 31, que l'UMQ est venue, et l'Union des municipalités dit qu'elle n'a aucune marge de manoeuvre d'aucune façon que ce soit. Ils ont fait des demandes pour même exclure les clauses de sous-traitance des conventions collectives à même le Code du travail, et je leur ai répondu que ce sera toujours les parties qui décideront ce qu'elles mettront dans leurs conventions collectives. Donc, entre ce qu'on fait là et bien d'autres demandes qu'on a eues, je vais vous dire, je pense qu'on réussit à maintenir un équilibre parce que les fondements du code vont être respectés, le droit d'association va exister, le droit de négociation va exister, et ce sera aux parties à déterminer quelles sont les règles du jeu. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. le ministre. M. le député de Roberval.
M. Blackburn: Merci, M. le Président. Merci, M. Nadeau, ainsi que vos collègues, de prendre le temps de venir nous rencontrer à une heure aussi tardive mais productive. Pour revenir juste un peu sur le cas de Sept-Îles, ça peut-u arriver... ? parce que je trouve qu'on en gratte large pas mal, là, sur le fait qu'on va diminuer les possibilités des employés au niveau de leur masse salariale. Ça peut-u arriver que, dans le cas de Sept-Îles, l'intérêt de la municipalité était de ne pas nécessairement racheter un camion qui était rendu désuet? Donc, pour éviter de faire porter un fardeau encore plus important aux citoyens et aux citoyennes de sa ville, elle a décidé d'y aller avec un projet de sous-traitance. Et ce n'est pas un intérêt... Et ce n'est surtout pas l'intérêt des travailleurs qui était menacé, mais il y aurait peut-être une économie qui était extrêmement importante pour les contribuables de la ville de Sept-Îles. Si c'était dans cette perspective-là que ça s'est fait, pour avoir une économie, pourquoi qu'on essaie de faire un tollé à ce niveau-là?
Et je vais vous poser une situation, puis vous me répondrez tout à l'heure, M. Nadeau. Je vais vous poser un problème. Hier, j'ai eu l'occasion de le proposer, et on m'a donné une réponse, mais ce n'est pas une réponse qui a été tellement satisfaisante pour moi. Je vais vous poser une situation. En 1989, un magasin d'alimentation ferme. Cinq ans plus tard... Puis il ne ferme pas parce qu'il y a eu une faillite, là, il ferme parce qu'il y a eu une cessation de ses activités. Cinq ans plus tard, la propriétaire de la bâtisse regarde un projet pour redynamiser cette bâtisse-là en voulant créer à l'intérieur de celle-ci un genre de halle alimentaire avec différentes petites boutiques, une boulangerie, une poissonnerie, une boucherie, des services... de la cuisine fine. Est-ce que 45, dans ce concept-là, s'applique? Hier, un professeur d'université était prêt à me faire une recommandation sur-le-champ à l'effet que 45 ne s'appliquait pas. À l'époque, le propriétaire de l'immeuble, il n'y a pas un avocat qui était en mesure de lui garantir que 45 ne s'appliquait pas, et c'était un projet de 1 million, là. Alors, vous, qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que 45, dans ce cas précis là, s'applique?
Le Président (M. Bachand): M. Nadeau.
M. Nadeau (Jacques): Oui. Je vais répondre aux deux questions. Le problème... le premier élément, ou la première question, ou la première situation que vous m'avez présentée, à savoir: Est-ce qu'il est possible qu'une ville, pour question d'économie de... ? un camion, vous avez dit ? bon, plutôt que d'acheter un camion ou de la machinerie, préfère aller en sous-traitance? Je vais être d'accord avec vous, ça peut être un des objectifs d'une ville. Mais le problème, il n'est pas là. Ce n'est pas grave, ça, on n'a rien contre ça, il n'y a rien contre ça. Le problème vient du fait qu'ils donnent donc en sous-traitance. Jusque-là, on va bien. Achetez vos camions, on est content. N'achetez pas de camions, on comprend votre situation. Allez en sous-traitance, libre à vous. Mais maintenant le sous-traitant... Et là, là, vous, monsieur le sous-traitant, là, il y a une convention collective, il y a une accréditation, c'est ça que l'article 45 dit. Moi, je vis bien avec votre situation et je la reconnais. C'est ce qu'on se fait dire régulièrement. Et je ne dis pas que ce n'est pas légitime en soi, mais le problème, il n'est pas là. L'article 45, ce qu'il nous dit, c'est que l'accréditation suit, ou la convention collective. Donc, pas de problème, je suis d'accord avec ce que vous dites sans toujours partager, mais je suis d'accord puis je comprends cette situation-là.
Pour ce qui est de la... Je ne sais pas si ça répond un petit peu à la question. Donc, je vous dis que le problème, c'est la transmission de droits. C'est pour ça que, dans notre mémoire, je vous parlais que la problématique venait des sous-traitants. Mais, comme habituellement les sous-traitants n'ont pas le pouvoir économique des villes, c'est pour ça que mon troisième constat, c'est la ville qui prend fait et cause des sous-traitants. Bon, c'est un petit peu curieux, hein, un petit peu curieux. Parce que, quand on voit les procureurs qui représentent la ville de Sept-Îles venir faire des représentations devant la Cour suprême pour et au nom de la ville de Sept-Îles, alors que c'est le sous-traitant qui est visé, ça peut paraître un petit peu curieux, hein? Et, mettez, nous, du côté syndical, ce sont nos taxes et ce sont des gens qui sont payés par nos taxes qui viennent défendre les intérêts d'un tiers. Je referme la parenthèse.
Pour ce qui est de votre exemple, O.K., pourquoi à l'époque... Probablement, vous m'avez dit, c'est 1989. À l'époque, la Cour suprême ne s'était pas encore prononcée, et c'est pour ça probablement... Ça doit être Alain Barré qui est venu... ? professeur au Département des relations industrielles, que je connais bien ? qui est probablement venu dire hier: Bien, voici, la situation, elle est différente parce que la Cour suprême a défini ce que c'était que l'entreprise ? comprenez-vous? ? et la finalité.
Donc, lorsqu'on regarde les textes de la Cour suprême, tant dans ville de Sept-Îles que dans Ivanhoé et même dans Bibeault, on constate que la notion d'entreprise, la finalité, si vous lisez même les extraits que, moi, j'ai cités, on voit que ce n'est pas la même finalité dans le cas que vous parlez, marché d'alimentation, alors que l'autre, c'est une halle et c'est probablement pour ça que M. Barré vous a indiqué aussi... ? aussi, il a dû en mettre un petit peu, là ? mais en vous disant: Bien, voici, ça ne s'applique pas. Et je partage l'opinion de M. Barré là-dessus. O.K.? Mais possiblement qu'en 1989 ce qu'on dit, quand les gens nous consultent: Écoutez, il y a un flottement, on n'est pas certain, la Cour d'appel ne s'est pas encore prononcée et même la Cour suprême ne s'est pas encore prononcée. Et même, lorsque la Cour suprême s'était prononcée dans l'arrêt Bibeault, il y a eu ce que j'appellerais une petite accalmie, et, après ça, les juges du Tribunal du travail sont revenus à la charge pour essayer de dire que la Cour suprême, dans son approche organique, voulait en quelque sorte parler aussi de l'approche fonctionnelle qui avait existé pendant plusieurs années. Et là on change un petit peu. Et là la Cour suprême vient de clarifier la situation. C'est pour ça qu'on n'aurait probablement pas dit ça en 1989, alors qu'aujourd'hui on peut le dire.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Nadeau. En réplique rapide, peut-être, M. le député de Roberval.
M. Blackburn: Non, si vous me dites qu'on n'a plus le temps, M. le Président, je vais respecter les règles de l'art.
Le Président (M. Bachand): Je reconnais là votre... et votre sagesse, M. le député. Donc, je vais céder la parole à Mme la députée de Matapédia.
Mme Doyer: Merci, M. le Président. Alors, tantôt le ministre avait une citation. Je vais en avoir une autre. Parce que je vous dirais que, dans ce qui nous a caractérisés, je dirais même au-delà des 10 dernières années, c'est la capacité qu'avaient les Québécois, dont les gouvernements, autour d'une même table, pour faire consensus sur des problématiques qu'on vivait au Québec, je dirais, plusieurs personnes représentant différents intérêts. Et, dans un article de Michel Venne tiré du Devoir, le 24 novembre 2003, on nous dit... on fait une comparaison entre deux anciens ministres conservateurs. On parle de «Lucien Bouchard, qui prit les commandes de l'État québécois en 1996 et qui, le temps d'une paix, convoqua à deux sommets les groupes représentant divers intérêts et les amena à adopter avec lui des mesures qui, à la fois, ont permis de mettre de l'ordre dans les finances publiques et d'améliorer les conditions des travailleurs». Et il cite plein d'autres exemples. Et il dit: On arrive avec «Jean Charest, qui fait tout le contraire [...] qui renie ce que Bouchard avait si bien compris comme étant l'une des grandes forces du Québec moderne: la concertation entre les différents secteurs de la société. Au lieu de faire travailler ensemble, sans nier leurs divergences et leurs conflits, patrons, leaders syndicaux, organisateurs communautaires, artistes, étudiants et agriculteurs, Jean Charest a choisi un camp. Il a choisi le camp de ceux qui sont déjà les plus puissants. Les autres, à ses yeux, défendent des intérêts "corporatistes" et, au lieu de les inviter à sa table, les incite à prendre la rue.»n(23 h 10)n Puis on a entendu cet après-midi les klaxons, et tout. Ils étaient dans la rue, les gens. Et vous êtes des syndiqués, mais, moi, je suis une parlementaire puis j'essaie... Vous savez, la force d'un État, la force d'un gouvernement, c'est d'être capable de faire un équilibre des forces en présence, et d'être capable de tourner les différents groupes d'une société vers des intérêts communs, et de faire en sorte que... Oui, on n'a pas nécessairement les mêmes objectifs, mais est-ce qu'on peut avoir une situation où on est gagnant-gagnant? Alors, moi, ça fait... On est dans notre deuxième journée, est-ce qu'il y a... Et on a entendu le Conseil du patronat, l'UMQ. J'avoue que le Conseil du patronat, je ne suis pas trop souvent de leur côté. J'ai entendu des choses, là... des fois, ça me fait dresser un petit peu les cheveux sur la tête, mais, en tout cas, on essaie d'être quand même à l'écoute.
Et, moi, je dis: Est-ce qu'il y a des cas où on pourrait être gagnant-gagnant avec toute cette question de sous-traitance? Et est-ce qu'on est légitimés d'avoir des craintes pour nos travailleurs? Et l'UMQ qui est venue nous dire hier... Des fois, on a comme le goût d'être compatissant avec eux quand ils disent que ça n'a comme pas de bon sens, puis qu'ils n'ont plus les moyens, puis que c'est toujours... Hier, je parlais du même mouton qui se fait toujours tondre puis que la laine, elle n'a pas le temps de repousser, puis on l'a déjà presque tout tondu. Alors, et je suis sûre que, de l'autre côté, c'est ça aussi. Alors, comment on fait pour retrouver une situation où on va pouvoir continuer d'avoir des conditions de relations de travail, je dirais ? malgré ce qu'ils veulent faire, les gens d'en face ? où on va avoir des situations de gagnant-gagnant ou si... C'est ça, ma question.
Le Président (M. Bachand): M. Nadeau.
M. Nadeau (Jacques): Bon, évidemment, vous parlez des nouveaux modes de négociation qui ont été mis de l'avant, des nouvelles tendances qui existent dans les milieux universitaires, la négociation gagnant-gagnant, la négociation basée sur des intérêts communs. Alors, la problématique que nous avons ici est souvent, là, ce qu'on appelle les nouveaux modes de négociation basés sur de la coopération, sur un consensus, mais encore faut-il que les acteurs aient une approche commune. O.K.? Parce que souvent on se retrouve, vous savez, dans le monde des relations industrielles, avec des approches qui peuvent être différentes. Or, une approche basée sur la négociation, basée sur des intérêts communs, il faut qu'il y ait une transparence, une honnêteté parmi les acteurs, et ça, par expérience, ça ne se fait pas, ce que j'appellerais, moi, du jour au lendemain, ça ne se fait pas comme ça, madame.
Évidemment... Et là ce qui est un petit peu étonnant, c'est que, de mémoire, le projet de loi a été déposé le 13 novembre; convocation dans les jours qui suivent, parce qu'on sait que Noël s'en vient. Alors... Et là on peut se poser la question: Disposition qui existe depuis de nombreuses années, depuis 1961, pourquoi sommes-nous... Y a-t-il urgence? C'est ça qu'il faut se poser. Y a-t-il urgence? Et moi et l'organisation que je représente... C'est un petit peu le sens que vous avez: Quels sont nos intérêts comme travailleurs? Quels sont les intérêts comme employeur? Et c'est là-dessus qu'il faut tenter de discuter et trouver des solutions où les gens vont réussir ensemble à trouver la solution. Mais encore faut-il... il faut connaître les intérêts qui peuvent être légitimes d'un côté comme de l'autre et trouver des solutions, et ça, ce n'est pas nécessairement facile, alors que, actuellement, j'ai plus l'impression que nous avons fait... que nous avons mis... les parties sont en mode conflictuel. On fait un petit peu marche arrière, et ce n'est pas...
Et d'ailleurs, soit dit en passant, tout le système de relations industrielles est basé sur cette notion de conflit. Qu'on ne vienne pas me dire, moi, aujourd'hui, Jacques Nadeau, que ça n'existe pas, le conflit, dans les relations industrielles, c'est faux, là. Quelqu'un qui me dit ça aujourd'hui, là, je vais dire: Malheureusement, là, on a des problèmes. On peut trouver... On peut coopérer. On peut avoir des intérêts divergents, mais on peut coopérer tout en ayant des intérêts différents, mais ce n'est pas facile, et ça ne se fait pas comme ça, alors que là on joue... Là, c'est des enjeux fondamentaux du côté des syndicats et probablement du côté des employeurs aussi. Je peux comprendre ça, mais on y va assez rapidement, merci.
Le Président (M. Bachand): M. le député des Îles, bien sûr. Deux minutes, M. le député des Îles.
M. Arseneau: Combien?
Le Président (M. Bachand): Deux minutes.
M. Arseneau: J'avais compris 10 minutes, je me disais, ça ne se peut pas. Je voudrais terminer... Ma dernière question...
Le Président (M. Bachand): Je veux ménager votre voix, M. le député des Îles.
M. Arseneau: Merci beaucoup, oui, il y a un autre groupe encore. J'aimerais revenir sur ? vous avez abordé ça un peu ? toute la question des décisions et la prévisibilité ? ça, je pense que c'est le terme, là ? en ce qui concerne 45, l'interprétation qu'on en fait. Maintenant, ça va assez bien, on est assez... Mais là, avec ce qui est proposé dans le projet de loi, il risque d'y avoir une guérilla juridique à tout le moins assez importante, assez intéressante pour les avocats.
Ma question est simple. Quand on met dans la balance les avantages, les inconvénients, en regard des objectifs du ministre, qui nous parlait de rendre plus concurrentiel le Québec, faire en sorte... qu'on avait pas le choix, là, on était tournés vers la mondialisation, et tout ça... Vous pensez qu'on va avancer avec le projet de loi n° 31?
Le Président (M. Bachand): Rapidement, M. Nadeau.
M. Nadeau (Jacques): D'accord.
M. Arseneau: Ça peut se répondre facilement, ça.
M. Nadeau (Jacques): Le phénomène de la mondialisation, de la globalisation qui existe aujourd'hui, je dirais, là, c'est un prétexte. D'accord? Et je suis relativement surpris lorsque je constate, dans les lectures de certains auteurs, que... la mondialisation, un phénomène nouveau. Ce n'est pas un phénomène nouveau, c'est un phénomène qui a toujours existé et qui existera toujours. Et ça, moi, c'est ma perception, on n'est pas obligé de la partager. Or, de dire qu'il faut être plus concurrentiel, alors que l'on sait que la problématique vise... On a entendu les experts dire: C'est de la sous-traitance interne. Le phénomène de la mondialisation, si vous pouvez me dire, dans tous les cas qu'on a vécus et qu'on revoit... Sept-Îles, en quoi la mondialisation va venir corriger le problème des ordures ménagères... J'ai de la misère à voir ça. Les cafétérias, l'entretien ménager, ce n'est pas là... elle n'est pas là, la problématique. Elle n'est pas là. Alors c'est pour ça que je pense que ? avec respect, là, pour l'opinion contraire ? que ce phénomène de la mondialisation n'est qu'un prétexte au moment où on se parle. Et ce n'est pas ça, là, moi, je n'ai pas vu de cas, je n'ai pas vu de décisions tant du Tribunal du travail, Cour d'appel, Cour suprême qui traitaient de ce grand phénomène là, là, tu sais, de dire: Voici, ça, c'est un cas de mondialisation. On ne l'a pas, ce n'est pas concret. C'est beaucoup plus terre à terre, et ça vise beaucoup plus les travailleurs et travailleuses, ce que je dirais, là, classe moyenne et en bas. O.K.? C'est ces gens-là qu'on vise.
Le Président (M. Bachand): M. Nadeau, merci infiniment. Vous êtes toujours le bienvenu. Messieurs, M. Gagnon, M. Beauchemin, M. Lessard.
M. Nadeau (Jacques): ...bienvenue.
Le Président (M. Bachand): Merci infiniment, M. Nadeau.
(Changement d'organisme)
n(23 h 17 ? 23 h 24 )nLe Président (M. Bachand): Donc, messieurs, mesdames, nous allons reprendre les travaux. Et je souhaite la bienvenue aux représentants du Syndicat de la fonction publique du Québec. Ça me fait plaisir d'accueillir une dame représentante, on n'a pas eu la chance d'en accueillir beaucoup aujourd'hui. Donc, soyez la bienvenue, Mme Martineau.
Je vais donc rappeler rapidement qu'il y a des blocs, et c'est quatre blocs en alternance. Vous avez 20 minutes pour exprimer votre point de vue, et ensuite on va entreprendre la période d'échange. Donc, bienvenue, et je vous cède la parole, M. Sawyer. Je vais vous demander de vous présenter pour fins de transcription, s'il vous plaît.
Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ)
M. Sawyer (Michel): Et vous nous souhaitez également la bienvenue bien sûr, puisque vous l'avez fait de façon particulière pour Mme Martineau. Alors, mon nom est Michel Sawyer, président général du Syndicat de la fonction publique du Québec.
Mme Martineau (Lucie): Alors, Lucie Martineau, je suis vice-présidente du Syndicat de la fonction publique du Québec.
M. Bouchard-Boulianne (Érik): Érik Bouchard-Boulianne, conseiller au Service de la recherche.
M. Sawyer (Michel): Alors, M. le Président, le Syndicat de la fonction publique du Québec représente plus de 40 000 personnes à l'emploi du gouvernement du Québec. Je le précise immédiatement, là, on a fait un résumé du mémoire parce que je sais que le 20 minutes est absolu et j'ai déjà eu antérieurement, dans d'autres commissions, des problèmes avec mon 20 minutes. Alors, ces personnes oeuvrent principalement dans la catégorie d'emploi du personnel de bureau, techniciens et ouvriers. Le SFPQ représente également environ 3 500 personnes oeuvrant au sein de ce que nous qualifions d'unités hors fonction publique, dont la liste est jointe en annexe au mémoire.
Le SFPQ considère que... le projet de loi n° 31 modifiant le Code du travail comme une grave atteinte aux droits des travailleurs et des travailleuses québécois et comme un projet néfaste pour l'économie et la population du Québec. En 2001, une importante réforme du Code du travail avait rajeuni cette loi régissant les rapports collectifs de travail au Québec. Les modifications actuellement proposées par le projet de loi n° 31 ne visent donc pas à actualiser le Code du travail, puisque cela vient d'être fait, mais plutôt à répondre à une demande du lobby patronal. L'article 45 est un élément central, un point d'équilibre des relations industrielles au Québec. Pour les raisons qui sont étayées dans le mémoire, le SFPQ s'oppose fermement à l'adoption de ce projet de loi et demande son abandon à l'Assemblée nationale.
D'entrée de jeu, précisons que le SFPQ dénonce vigoureusement l'attitude du gouvernement qui semble vouloir adopter à toute vitesse le projet de loi n° 31. L'heure à laquelle notre organisation a été convoquée en est pour nous une certaine forme de démonstration mais également les délais suite au dépôt, ainsi de suite, tout ça. Nous questionnons le gouvernement sur les motifs d'un tel empressement à adopter une loi modifiant une disposition qui constitue l'un des équilibres essentiels de notre société. Qu'y a-t-il de si urgent pour justifier l'adoption du projet de loi n° 31 avant la période des fêtes? Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas procédé à une consultation publique générale sur une question d'une telle importance, une question qui interpelle l'ensemble des travailleuses et des travailleurs et l'ensemble de la société? Pourquoi n'a-t-il pas donné aux intervenants une période de temps décente pour se préparer à la consultation? Pourquoi si tard? Pourquoi cette urgence? Le SFPQ ne comprend pas. Est-ce que le gouvernement actuel croit réellement qu'une démocratie moderne se limite au droit du peuple de s'exprimer uniquement le jour des élections? Le SFPQ croit que non et invite le gouvernement à revoir ses façons de faire et à permettre un plus large débat sur ses projets et ses politiques. Pourquoi le gouvernement désire modifier l'état actuel du droit, toucher directement les travailleurs et les travailleuses et remettre en question l'équilibre des relations industrielles au Québec? Notre mémoire aborde trois motifs invoqués par le gouvernement. Nous désirons ici répondre à deux en particulier.
Le premier, c'est l'harmonisation des règles concernant la sous-traitance avec celles des autres provinces. La position du SFPQ à cet égard est simple. Nous questionnons cette impérieuse nécessité d'harmonisation des normes et des règles applicables au Québec. N'est-ce pas notre législature qui édicte les règles applicables dans ces champs de juridiction constitutionnels comme celui du droit du travail? Est-ce dans un souci d'harmonisation avec les politiques conservatrices de l'Ontario de Mike Harris, de l'Alberta de Ralph Klein ou même des États-Unis de George W. Bush que le gouvernement poursuit son projet de réingénierie de l'État et de modification de l'article 45?
Ce que le SFPQ comprend de l'argument du gouvernement, c'est que les Québécoises et les Québécois ne possèdent plus réellement le pouvoir de mettre en place des règles propres à leur société. Au nom de la mondialisation et des échanges commerciaux, allons-nous devoir tout harmoniser, le plus souvent à la baisse? Devrons-nous diminuer notre réglementation environnementale, nos normes du travail au nom de l'harmonisation des règles? Devrons-nous également harmoniser notre langue, notre culture avec celles des grandes puissances de la planète? S'il s'agit réellement du motif menant à la présentation du projet de loi n° 31, le gouvernement a le devoir d'informer la population que son autorité s'effrite et que les décisions sont prises ailleurs qu'au Québec. De l'avis du SFPQ, cet argument de l'harmonisation des règles ne tient pas la route. Nous croyons qu'il ne s'agit pas du motif fondamental des modifications proposées par le projet de loi n° 31.
n(23 h 30)n Ce motif fondamental et deuxième motif dont nous désirons traiter, c'est l'argument voulant que la sous-traitance est nécessaire pour une question de compétitivité et est bénéfique pour l'économie. Puisque c'est le fondement du projet de loi n° 31, nous donnerons ici le point de vue du SFPQ sur la sous-traitance des services publics. De par son expérience passée avec les cas de sous-traitance au sein du gouvernement, il appert que la sous-traitance comporte des vices majeurs et qu'en plus, dans la majorité des cas, elle n'entraîne pas de réduction des coûts à long terme.
Le SFPQ soutient que, dans le cas de la sous-traitance des services publics, si l'on tient compte de l'ensemble des coûts, les prétendues économies qu'elle engendrerait s'évanouissent entièrement dans la majorité des cas.
À cet effet, le gouvernement peut-il nous présenter des études démontrant l'avantage du secteur privé sur le secteur public dans la fourniture de services gouvernementaux à la population? Jamais n'a-t-on réussi à démontrer cette prétendue supériorité du privé. La raison est fort simple, dans la plupart des cas qui nous concernent, lorsque l'on tient compte de tous les facteurs et de tous les coûts, il n'y a aucun avantage à la sous-traitance. Ainsi, les coûts de la préparation des appels d'offres, de la négociation des contrats, de l'évaluation et du contrôle des services rendus par le sous-traitant sont des coûts qui doivent être inclus dans la facture de la sous-traitance. Si l'on additionne ces coûts à la marge de profit que se réserve l'entrepreneur, l'octroi des services publics en sous-traitance n'est plus une question d'économie mais d'idéologie.
Au-delà de la question des coûts accessoires de la sous-traitance, coûts qui sont généralement sous-estimés ou ignorés par les décideurs, la sous-traitance pose également plusieurs autres problèmes de diverses natures. D'abord, la question de la qualité des services. Comment raisonnablement penser que les entreprises privées, dont la mission première est la recherche du profit, peuvent offrir un service de qualité comparable à celui rendu par les employés des services publics soumis à un code d'éthique et dont la principale préoccupation est de rendre ces services dans le respect des normes édictées par le gouvernement tout en respectant des valeurs d'accessibilité, d'équité, de confidentialité, d'égalité de traitement des citoyennes et des citoyens?
Est-ce que les entreprises privées seront réellement en mesure de fournir un service de qualité aux régions éloignées, gratuit, à tous les citoyens, et ce, même lorsque ses activités ne sauraient être rentables? Nous ne le croyons pas. Dans le but de maximiser leurs profits, les entrepreneurs risquent de couper les coins rond et d'éviter de rendre les services là où ils ne peuvent faire leurs frais. L'accessibilité des services, l'équité envers tous les citoyennes et citoyens et la gratuité des services seraient alors compromises.
Les idéologues du marché répliqueront sûrement que la concurrence est une garantie de la qualité des services. Selon eux, si les services ne sont pas à la hauteur des attentes, le sous-traitant perdra le contrat à la faveur d'un autre. Eh bien, prenons le temps de parler de cette concurrence. Parlons des Ontariens et des Ontariennes et demandons-leur ce qu'ils pensent de la concurrence dans le secteur de l'électricité par une augmentation moyenne du prix de 23 % et bien plus dans certains cas. Est-ce là l'efficacité promise par la concurrence?
Parlons aussi des contribuables de Montréal et de Québec qui ont subi la collusion des entrepreneurs en déneigement dans l'un des pires fiascos modernes de l'administration publique au Québec. Le 15 janvier 1999, le juge Louis de Blois condamnait divers entrepreneurs en déneigement à une amende de près de 3 millions de dollars après que ceux-ci aient plaidé coupables ? ils ont plaidé coupables ? à l'accusation d'avoir illégalement comploté dans le but de réduire la concurrence et d'augmenter les coûts. Ce complot a provoqué une hausse vertigineuse des coûts du déneigement.
La corruption et la collusion ont été les facteurs à la base de la création d'une fonction publique permanente et indépendante. Le SFPQ doit-il comprendre, de la politique de l'actuel gouvernement, que ce dernier croit sincèrement que notre société a changé au point de ne plus retomber dans la corruption et la collusion du passé?
La sous-traitance pose aussi le problème majeur de la perte de l'expertise avec toutes les conséquences qui en découlent. À cet égard, l'expérience du SFPQ en matière de la sous-traitance au ministère des Transports est éloquente. Depuis 20 ans, le nombre d'ouvriers de ce ministère est passé d'environ 10 000 à un peu plus de 2 500 personnes en 2003, dont 42 % ne bénéficient que d'emplois précaires. Le ministère des Transports sous-contracte maintenant la majeure partie des constructions, des infrastructures routières et des activités de déneigement et d'entretien des routes. Une conséquence de la perte de l'expertise est la tendance à la hausse des prix demandés par les sous-contractants lorsque l'expertise interne vient à disparaître. Ainsi, les réductions de coûts permises par la sous-traitance, lorsqu'il y en a, s'évanouissent rapidement par la suite lorsque l'État devient captif des entrepreneurs sous-contractants.
Le Vérificateur général du Québec, dans son rapport 1999-2000, fait deux observations intéressantes qu'il convient ici de rappeler. D'abord, le danger de créer une dépendance de l'administration gouvernementale à l'égard des fournisseurs du secteur privé. Le deuxième élément que nous retenons de ce rapport, c'est le faible nombre de soumissionnaires dans la plupart des projets. Ainsi, comme l'écrit le Vérificateur général, dans un contexte où le nombre de soumissionnaires est relativement restreint, l'application du principe visant l'obtention des biens et services requis de façon économique est grandement compromise. En d'autres mots, dans bien des cas, la prétendue concurrence n'existe même pas.
La menace à la protection des renseignements personnels est un autre aspect négligé de la sous-traitance. Les fuites de renseignements personnels survenues à quelques reprises dans les dernières années chez les mandataires de la SAAQ, Société de l'assurance automobile du Québec, ne sont qu'un exemple parmi d'autres de la vulnérabilité en matière de protection des renseignements personnels à laquelle nous expose la sous-traitance.
En somme, sans être infaillibles, les principes de reddition des comptes et de responsabilités ministérielles prévalant dans l'administration publique sont un gage plus sérieux d'efficacité, de transparence, d'éthique et de qualité que la foi aveugle en vertu de la concurrence. Les expériences vécues directement par le SFPQ ou celles survenues au sein de d'autres administrations publiques devraient mettre la population et le gouvernement en garde contre le prétendu bienfait de la sous-traitance et plus largement de la privatisation.
Le SFPQ vient de présenter de sérieuses limites aux vertus de la concurrence et de la sous-traitance, limites qui, selon nous, remettent en question le bien-fondé du projet de loi n° 31. Cependant, d'autres considérations plaident également en faveur d'un abandon du projet de loi. Nous en voyons principalement trois: la détérioration du climat de travail au Québec, l'atteinte à l'efficacité de la Loi sur l'équité salariale et l'effet néfaste dirigé vers les femmes.
Il ne fait aucun doute pour le SFPQ ? et nous espérons que les membres de l'Assemblée nationale et du gouvernement en sont conscients ? que l'adoption du projet de loi n° 31 mènera à une détérioration du climat de travail au Québec et à une rupture de la paix industrielle. Cette paix est pourtant essentielle à la croissance économique du Québec, au développement des entreprises québécoises et au bien-être des travailleurs et des travailleuses. Si le gouvernement persiste avec son intention et adopte le projet de loi, le Québec connaîtra inévitablement une hausse de conflits. Labatt, les concessionnaires automobiles de Québec, la Station du Mont-Sainte-Anne sont des exemples de conflits liés à la sous-traitance. Tous en sortiront perdants: les entreprises, les travailleurs et les travailleuses, l'économie québécoise et la population en général.
L'atteinte à l'efficacité de la Loi sur l'équité salariale est un autre effet pervers des modifications proposées à l'article 45. En effet, la facilité du recours de la sous-traitance permettra plus aisément aux employeurs de contourner cette loi qui, nous le rappelons, a été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale en 1996. Les événements qui se sont déroulés à la Station du Mont-Sainte-Anne sont une preuve éloquente de cette menace réelle. Cette affaire est un bon exemple de la possibilité d'utiliser la sous-traitance pour éluder les effets de la Loi sur l'équité salariale et contrer les droits des travailleurs et des travailleuses. Dans le dossier du Mont-Sainte-Anne, l'employeur a mentionné que la cession du service de la restauration était expressément effectuée dans le but de ne pas procéder aux ajustements salariaux exigés par la Loi sur l'équité salariale. Cet aveu a permis de mettre en application l'article 15 de la Loi sur l'équité et de sauvegarder les droits des travailleuses et des travailleurs. D'ailleurs, actuellement, je rajouterai, ils sont en lock-out expressément à un conflit relié à ça.
Cependant, les employeurs auront bien compris la leçon et se garderont dorénavant de jouer franc jeu de cette façon. L'application de l'article 15 deviendra plus difficile, la preuve de mauvaise foi étant une preuve lourde et difficile à faire lorsque les employeurs sont moins transparents. Les modifications proposées à l'article 45 du Code du travail, en limitant les cas d'application du droit de suite de l'accréditation et de la convention élective, permettront plus facilement aux employeurs de se soustraire aux résultats du processus d'équité salariale et aux ajustements salariaux auxquels ils devraient se soumettre.
Finalement, l'autre argument sur lequel le SFPQ désire attirer l'attention des membres de la commission est l'effet particulièrement sévère du projet de loi à l'encontre des femmes. En effet, la sous-traitance de coût visée par l'assouplissement proposé à l'article 45 touche plus spécifiquement les travailleuses. Le secteur d'activité qui sera le plus touché est le secteur des services, surtout les activités périphériques et non spécialisées telles que l'entretien ménager, la restauration ou la comptabilité. Or, la main-d'oeuvre utilisée dans ces activités est majoritairement féminine, ce qui permet d'affirmer que les grandes perdantes de ce projet de loi seront les femmes. Le SFPQ dénonce vigoureusement ce projet de loi qui contribue à maintenir les femmes dans des emplois faiblement rémunérés et précaires, le tout contrairement aux belles promesses faites par le passé par l'actuel gouvernement.
À titre de représentants des employés du gouvernement du Québec, nous désirons également faire quelques commentaires au sujet de la place du projet de loi n° 31 dans le cadre de la réingénierie de l'actuel gouvernement.
n(23 h 40)n En déposant le projet de loi n° 31 modifiant le Code du travail et le projet de loi n° 34 sur le ministère du Développement économique et régional, le gouvernement actuel prépare son projet de régionalisation. Tel que le gouvernement le décrit, le projet de loi n° 34 a pour objet d'instituer les instances régionales qui se verront, dans une étape ultérieure, déléguer des fonctions et des pouvoirs actuellement sous la responsabilité de ministères et d'organismes gouvernementaux. Celles-ci pourront alors librement céder à leur tour ces activités en sous-traitance au secteur privé sans se soucier du transfert des accréditations et des conventions collectives. La SFPQ réitère que, dans la plupart des cas et sur une longue période, la cession des activités en sous-traitance dans la fonction publique ne permet pas de réduire les coûts totaux, et ce, pour toutes les raisons que nous avons évoquées plus haut.
Si l'on considère strictement les coûts salariaux, les dernières données de l'Institut de la statistique du Québec de 2002 démontrent que les salaires des fonctionnaires et des ouvriers à l'emploi du gouvernement accusent un retard sur la rémunération globale de 9,7 % par rapport à l'ensemble des salariés québécois. En conséquence, le SFPQ s'opposera vigoureusement à toute tentative visant à réduire les conditions de travail de ses membres, comme cela semble être le cas avec le processus de la régionalisation. C'est là une mission syndicale d'ailleurs, entre parenthèses, et c'est loin d'être dans une vision corporative.
À titre de conclusion, je vous dirai et nous vous dirons que nous formulons qu'une seule et unique recommandation concernant le projet de loi: son abandon pur et simple. Nous croyons avoir amplement démontré au cours des dernières 20 minutes et dans notre mémoire, de façon plus précise, les lourdes conséquences qu'impliquerait l'adoption de ce projet de loi. Il causerait inévitablement l'effet contraire de celui escompté par le gouvernement. Il entraînerait le Québec sur la voie de l'affrontement patronal-syndical, une perspective qui n'augure rien de bon pour l'économie québécoise et la population du Québec. Le dépôt du projet de loi n° 31, avec son objectif presque avoué ? en tout cas, avoué tout au moins hier et réitéré cet après-midi de la façon que j'ai pu voir, notamment par le Conseil du patronat hier ? de diminuer les salaires et les conditions de travail, affiche clairement la voie sur laquelle le gouvernement engage le Québec: la réduction des salaires et des conditions de travail, la précarisation des travailleurs et des travailleuses et l'approfondissement des écarts de richesse. Nous sommes d'avis que cette décision est une grave erreur stratégique. Nous nous y opposons fermement et réclamons conséquemment le retrait de ce projet de loi rétrograde.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Sawyer. Donc, je vous rappelle que nous allons utiliser quatre blocs de 10 minutes en alternance. Donc, je vais céder tout de suite la parole au côté ministériel. M. le ministre du Travail.
M. Després: Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais remercier d'abord les gens du Syndicat de la fonction publique, M. Sawyer, Mme Martineau, M. Bouchard-Boulianne, d'être venus en commission parlementaire pour émettre leur point de vue sur le projet de loi n° 31.
Je vous dirais d'entrée de jeu que je m'attendais à voir les propositions... Je pense que la position se résume en une phrase, vous l'avez bien dit à la fin, le retrait pur et simple du projet de loi. Je vais vous dire qu'il n'est pas question de retirer le projet de loi que nous avons déposé parce qu'on croit fermement que le projet de loi est bénéfique, est bénéfique pour les citoyens du Québec, est bénéfique pour les travailleurs du Québec et est bénéfique pour l'économie du Québec.
On croit, M. le Président, que, oui, une concurrence saine, c'est une bonne chose. On croit que les parties, comme ils l'ont toujours fait, comme vous le faites, M. Sawyer, lorsqu'est le temps de négocier avec le gouvernement, comme votre syndicat l'a toujours fait... que les conventions collectives sont et resteront la prérogative des parties. Je sais qu'aujourd'hui vous êtes venus parler pour vos membres. Vous êtes venus parler, d'après ce que j'ai compris, dans votre... pour l'ensemble des travailleurs aussi qui existent. Vous avez, dans votre cas, un contexte qui est un peu... pas différent parce qu'il s'exerce de la sous-traitance dans la fonction publique comme il s'en exerce partout au Québec, ce qui est tout à fait normal. Mais vous avez des clauses, dans vos conventions collectives, qui vous donnent des droits et auxquels le gouvernement a des obligations. Et, lorsqu'il décide de faire ou de sous-traiter une activité, vous avez des clauses qui vous disent que les employés doivent être replacés. Et je vous dis qu'en ce qui vous concerne les conventions collectives sont la prérogative des parties. Vous les avez négociées, vous les avez obtenues, elles sont inscrites. Donc, elles vont continuer.
En ce qui concerne... Pour l'ensemble des travailleurs du Québec ? je le répète souvent, ce n'est pas une donnée que, moi, j'ai trouvée, que des études disent ? 71 % des entreprises au Québec vivent ou sont nées de sous-traitance. Plusieurs de ces entreprises-là sont syndiquées ou deviendront syndiquées demain, ont des conditions de travail. Je n'ai pas l'impression, M. Sawyer, qu'ils ont nécessairement de mauvaises conditions de travail. Mais ils les ont gagnées, ces conditions de travail là, parce qu'ils les négocient, ces conditions de travail là, parce que le droit à l'accréditation est reconnu, parce que le droit à la négociation existe, puis parce que vous défendez vos membres, puis parce que les autres centrales font la même chose. Vous le faites bien, puis je suis certain que vous allez continuer à bien le faire. Et ça, dans ce qu'on propose, les fondements du code, on les respecte. Et, on l'a dit, ce n'est pas les modifications au code qui viennent changer vos clauses dans vos conventions collectives, parce que vous les avez négociées.
Vous disiez tout à l'heure... Vous avez nommé un certain nombre de dossiers dans lesquels effectivement on a traité de sous-traitance. Vous savez, dans une convention collective, il y a bien des choses. Il y a les fonds de retraite, il y a les congés annuels, il y a le salaire, il y a un bon nombre de facteurs. Puis, à chaque fois, vous recommencez à négocier ces éléments-là, ce qui est tout à fait normal, ce que vous allez continuer à faire aussi.
M. Sawyer, je vous dirais que l'objectif du gouvernement, dans le cadre de ce projet de loi là, est de venir ? oui, quand on parle de concurrence ? rétablir et permettre chez nous exactement ce qui se fait ailleurs et de traiter de la même façon la sous-traitance interne que la sous-traitance externe, autrement dit, qu'elles soient sur le même pied.
Vous demandez le retrait du projet de loi. Je vous dis: On ne retirera pas le projet de loi. Je vous dis par contre: Si vous avez ? c'est pour ça qu'on est ici ce soir ? des observations par rapport... ou des amendements à proposer, elles sont bienvenues, que ce soit dans les mesures de sauvegarde par rapport à l'objectif, oui, dans le cas d'une concession du droit d'exploitation, concession partielle de l'entreprise, comme dans le cas de Sept-Îles où j'ai de la difficulté à m'expliquer ce genre de situation là alors que les conventions prévoyaient très bien la protection des travailleurs, où la municipalité y trouvait son profit, oui, en protégeant ses travailleurs, en donnant ça en sous contrat, réussissait effectivement à y faire une économie.
Vous êtes en même temps un travailleur puis vous êtes en même temps un payeur de taxes, exactement comme moi et les 4 millions de personnes qui travaillent au Québec. Et on va permettre et on va continuer à reconnaître, comme je le disais, M. le Président, ce droit-là. Et je le disais aux centrales syndicales qui sont venues cet après-midi, ils peuvent aller voir les sous-traitants. Ils ont le droit de leur demander s'ils veulent être syndiqués, puis il y en a un bon nombre. Juste à la FTQ, elle a reconnu qu'elle avait 175 000 membres sur 500 000 qui vivaient dans les entreprises qui font de la sous-traitance. Je suis certain qu'elles ont de bonnes conditions parce qu'elles sont bien représentées puis elles négocient serré. Puis elle peut continuer à en syndicaliser d'autres au Québec.
Donc, après les commentaires que j'ai faits, M. le Président, je comprends que la position est de retirer le projet de loi. Je vous demande quand même... Il y a trois modifications comprises dans le projet de loi. Je ne les représenterai pas puis je pense que vous les connaissez très bien. Vous avez pris le temps probablement et sûrement de regarder le projet de loi avec vos membres. Donc, moi, je vous demande, si vous avez des suggestions... parce que l'objectif de la commission parlementaire est justement d'avoir des propositions, des suggestions. Si vous en avez, c'est le temps. Si vous n'en avez pas d'autre, je permettrai au député des Îles-de-la-Madeleine, à ce moment-ci, de pouvoir prendre la parole.
Le Président (M. Bachand): Bien sûr. M. Sawyer, s'il vous plaît.
n(23 h 50)nM. Sawyer (Michel): Oui. C'est évident, je vais vous faire part de commentaires, hein? En premier lieu, je dirai qu'il y a un élément important dans le cadre des relations de travail. Je vous dirai que, actuellement, de la façon que, nous, à titre de fonctionnaires de l'État, là, puis ailleurs aussi... il me semble que l'approche que le gouvernement actuel a n'est pas véritablement de bon augure pour un cadre de relations de travail et un équilibre entre l'ensemble des relations patronales, syndicales et gouvernementales. Je vous dirai, entre parenthèses également, je ne suis pas non plus un adepte des grands consensus globaux. Je pense qu'à certains égards c'est bon de s'entendre sur des choses. On peut avoir des différences, puis ainsi de suite, tout ça.
Il est évident que nos conventions collectives... Je vous dirai qu'on n'a pas attendu le projet de loi. Notre projet de convention collective a des dispositions beaucoup plus sérieuses que ce qu'on avait antérieurement dans les conventions collectives de la fonction publique pour protéger les gens qu'on représente. Parce que, actuellement, la protection qui existe pour les travailleurs et travailleuses de la fonction publique se limite au niveau des catégories des employés permanents. Également, je vous dirai que, dans nos propos, il faut faire une... et il me semble qu'on l'a faite également, là, entre la convention existante, et ainsi de suite, tout ça, et ce qu'amène le projet de loi. Je veux dire, tantôt, d'ailleurs, j'ai trouvé les gens de la FISA très intéressants sur leurs propos, sur justement l'évolution de l'article 45.
45, là, et Sept-Îles surtout, là, je vous dirai, puis vous devez le savoir encore mieux que moi... Sept-Îles n'est pas tombé du ciel, là. Quand la Cour suprême l'a eu, là, il y a eu plusieurs étapes préalables, hein? Et je dois avouer que, si... Tantôt, le député des Îles-de-la-Madeleine disait que souvent la Cour suprême, ils ne donnaient pas des jugements qu'il aimait, mais il y en avait eu au moins une fois, là. Disons que, en bout de ligne, il y a eu différents jugements qui ont amené une évolution, et ça a été une confirmation. La Cour suprême, en tout cas, je dois vous avouer, je ne pense pas qu'ils étaient là pour donner plus de droits ou d'autres, ils ont regardé ce qui en était. Mais, des cas de Sept-Îles, il y en a combien par milliers? C'est quoi qui presse aujourd'hui ? il a été déposé le 13 ? qu'on ne puisse pas établir un dialogue entre les organisations syndicales, entre le monde patronal et le gouvernement, le ministre du Travail pour être en mesure de voir qu'est-ce qu'on vise exactement. Y a-t-il des éléments véritablement qui font en sorte que c'est invivable? Le jugement de Sept-Îles n'est pas tombé avant-hier. Et je vous dirai que je ne suis pas un expert juridique non plus, mais, dans la préparation de tout ça, il y a eu également le jugement de la Cour suprême dans la cause d'Ivanhoé, où on a décidé autre chose, d'autres éléments. Alors, c'est dans ce contexte-là.
Il semble que ça arrive urgent, de façon urgente. Et, je vous dirais même, ce n'est pas le seul projet de loi, il y en a deux autres qui seront étudiés quasiment, presque sur le bras. Il y a une commission parlementaire de prévue la semaine prochaine ? un groupe restreint ? sur le secteur de la santé, qui va avoir une répercussion sur les négociations du secteur public, dont je représente... qui risque d'intervenir directement parce qu'il y a des paramètres. Mais là je ne veux pas déborder parce que je sens que le président va me remettre à l'ordre.
Ça, c'est comme la concurrence. On amène cette notion de la concurrence. Moi, l'exemple que je donne, je dois vous avouer, j'ai... Parfois, pour me reposer, j'écoute Radio-Canada. J'aime la télévision d'État, je pense qu'ils donnent de la bonne information. Et il y avait un reportage sur les bicycles CCM. Quand on l'achète, c'est marqué «Made in Canada» sur la boîte. Mais je dois vous avouer que la seule chose qui est «Made in Canada», c'est la boîte puis l'assemblage. Tout le restant des pièces vient de l'extérieur. Ils ne viennent pas de l'Ontario, ils ne viennent pas de l'Alberta, ils ne viennent pas de la Saskatchewan ni de la Colombie-Britannique, ils viennent de Chine, et ainsi de suite.
Qu'est-ce aujourd'hui... Et, c'est comme hier, au niveau du président, du directeur général... en tout cas, du Conseil du patronat, on dit: Ça va créer 66 000 emplois. Ah, en donnant en sous-traitance, ça va créer 66 000 emplois. Écoutez, moi, là, je suis de l'époque où les vases communicants... on disait toujours: Si j'enlève quelque chose là, il peut se transférer là. Mais ça ne tombe pas du ciel. Je peux comprendre qu'il y en ait une couple, peut-être des chefs de service, quelque chose comme ça, mais les emplois nouveaux, où sont-ils? C'est dans ce contexte-là, M. le ministre. Il me semble et il nous semble qu'on pourrait sûrement établir, je dirais, un dialogue, hein, parce que ça, je pense que c'est important, puis, en plus, vous êtes un nouveau gouvernement...
Le Président (M. Bachand): M. Sawyer, je vais être obligé de vous arrêter, même si vos propos sont fort intéressants et vos envolées fort intéressantes aussi. Et vous allez avoir la chance de vous exprimer, puisque je vais céder la parole à l'opposition. Donc, M. le député de Richelieu.
M. Simard: Oui, oui, vous allez pouvoir continuer, M. Sawyer, immédiatement parce que je vais vous poser quelques questions mais en rafale, très larges, et vous pourrez entre vous décider qui y répond.
D'abord, vous avez beaucoup parlé, dans votre exposé, de la question de l'équité salariale, de cette loi de 1997, votée il y a sept ans, donc, à l'unanimité de cette Chambre, et vous semblez y voir un danger, dans cette suppression de l'article 45, enfin son remplacement par la loi n° 31, pour l'équité salariale. Vous avez parlé du Mont Sainte-Anne, mais j'aimerais que vous nous donniez, nous présentiez peut-être un portrait un peu plus détaillé.
Maintenant, tout ça, ce dont on discute aujourd'hui, vous l'avez mentionné à quelques reprises dans votre exposé, vient se situer dans une volonté de ce gouvernement de délester l'État d'un certain nombre de ses responsabilités de sous-traiter, privatiser, aller en partenariat, donc transformer la façon de livrer les services, quand ce n'est pas en supprimant un certain nombre de ces services. Alors, comment vos membres sentent le projet de loi n° 31 dans ce dispositif de la réingénierie de l'État?
Le Président (M. Bachand): M. Sawyer.
M. Sawyer (Michel): Merci. Alors, sur la question de l'équité salariale... ? je vais reposer également ma voix pour ne pas la perdre d'ici l'heure de ? je vais donner la parole à Lucie qui connaît bien le dossier et qui a travaillé très proche sur ce dossier-là.
Le Président (M. Bachand): Mme Martineau.
Mme Martineau (Lucie): Alors, merci, M. le Président. Et, M. le Président, dans le cas du Mont Sainte-Anne, en 2001, quand ils sont venus à la conclusion des travaux de l'équité salariale et des gens du service de la restauration, et on parle ici de personnes à 60 % féminin gagnant des salaires de 9,19 $, alors ce n'est pas des 20 $ qui diminuent à 13 $, là, comme le disait M. Taillon, c'est réellement des personnes qui gagnent 9,19 $ par heure... Et les travaux de l'équité salariale leur auraient donné 11,65 $ de l'heure, et, pour cette raison ? et il l'a bien écrit ? le Mont Sainte-Anne est allé en cession, a pris un concessionnaire qui s'appelle Compass. Et les gens, les femmes, gagnent encore 9,19 $ de l'heure et sont présentement en lock-out. Pourquoi? Et, en passant, on a une demande d'arbitrage de faite, alors j'en profite parce que le ministre du Travail est là. Pourquoi? Parce que le sous-traitant ne veut pas appliquer la décision de la Commission de l'équité salariale. Alors, le Mont Sainte-Anne, ne voulant pas l'appliquer, a cédé. Le sous-traitant ne veut pas signer une convention collective parce qu'il a toujours une décision de la Commission de l'équité salariale inscrite au Tribunal du travail.
Et c'est évident... Et il y a 52 % des PME au Québec, selon les derniers chiffres de la Commission de l'équité salariale, où elle n'est pas faite, l'équité salariale. Alors, que seront les résultats de ces autres entreprises et que seront les conséquences? On pense qu'il va y avoir plusieurs cessions.
Le Président (M. Bachand): M. le député de... M. Sawyer.
M. Sawyer (Michel): Oui. Sur la réingénierie et les répercussions de 31, je vous dirai que c'est loin de nous rassurer. Déjà, la réingénierie est loin de nous assurer... ou elle nous assure quelque chose, mais, en tout cas, pour le moment, il y a tellement peu de transparence. Je dois vous avouer que c'est loin d'être jojo, comme je pourrais dire de façon imagée.
Si on regarde 31, puis on l'a indiqué tantôt également, il est évident que la réingénierie a un aspect... Et il y a toujours le projet de loi qui prévoit la régionalisation, décentralisation-régionalisation, et, lorsqu'on voit certaines dispositions, je dois avouer que... Et, à chaque fois qu'il y a des rencontres ministérielles, on nous parle toujours des gens qui vont partir. Ils ont toujours le nombre exact. Ça, je vais vous avouer, là-dessus, je n'ai pas... on n'a pas de problème, j'ai toujours le nombre. Dernier ministère, 291 qui allaient partir, là, à la retraite, tout ça. Ils sont déjà encadrés en tout cas, tout ça. Alors, ce qu'on se dit, c'est: Comment ils vont s'enligner? Est-ce que 31 ne s'inscrit pas là-dedans, dans le fond? Parce que, là, on comprend que 31, si je cède quelque chose, bien, je cède... Dans le fond, je dis: Vous vous occupez de ça, mais je garde les employés s'il en reste. S'ils sont à la retraite, je peux bien les garder, je ne peux pas les donner, alors... Puis je ne donne pas de machinerie, rien. Eh bien, je donne une juridiction.
n(minuit)n Et je vous dirai que, par rapport au monde municipal ? et tantôt les gens de la FISA puis fort probablement d'autres intervenants au niveau de la commission ont abordé ce sujet-là également ? c'est loin de nous rassurer de voir dans quel monde ou dans quel bout qu'on va se retrouver.
Vous savez, la réingénierie ou ainsi de suite... L'exemple que je vais vous donner, là, c'en est un cas qui dans le fond peut être interpellé par la réingénierie, puis, à bien des égards, ça peut ressembler à de la sous-traitance, puis ainsi de suite, tout ça. Mais, moi... c'est les pépinières publiques. Puis, quand on parle de la concurrence, puis ainsi de suite, puis le rendement, puis les meilleurs coûts, au Québec, il reste six pépinières publiques. Globalement, là, je vous dirai que c'est là qu'il se fait de l'expertise, une diversité de production de plants, ainsi de suite, et tout ça. Ce n'est pas le privé. Le privé, il produit des plants qu'il peut revendre pour être rentable, puis ainsi de suite, et tout ça. Et, dans le cas des pépinières, il est clair ? et les directives ont été données, même sous l'ancien gouvernement ? qu'il ne fallait pas concurrencer les pépinières privées.
Bien, je vous dirai, quand je regarde ça, puis on dit: Vous savez, il faut avoir de la concurrence, bien, je veux dire, les bouts qu'on peut garder dans la fonction publique, qu'on pourrait défendre, quand les directives, c'est de dire: Écoutez, ne faites pas une pleine production parce qu'il faut laisser le marché, puis qu'est-ce qui reste, on le ramassera. Donc, ils produisent environ 65 % ou 70 % de leur taux de productivité. Alors, je vous dirai que, lorsqu'on regarde globalement, actuellement, là, au niveau de la fonction publique, on est loin d'être rassurés. Ça, ça nous est clair.
Et, je le répète, par rapport au projet de loi qui est sur la table, quelle est l'urgence de vouloir absolument adopter ces amendements-là avant Noël 2003 et ne pas tenter d'essayer de trouver... de voir où sont les problématiques, et d'élaborer des solution, auxquelles le monde syndical, le monde patronal et le gouvernement pourraient adhérer pour trouver une solution? Ou peut-être les évaluations que l'on fait sont inexactes ou peut-être les évaluations que vous faites de votre côté également peuvent être inexactes.
Des cas de Sept-Îles, je dois vous avouer, je regardais à un moment donné et j'ai dit: Il doit y en avoir qu'on ne voit pas. Il doit y en avoir à la tonne. Hier, à la radio de... à la télévision de Radio-Canada, Québec, les gens qui s'occupent des parcomètres, là, à Montréal, ils ont des problèmes, mais, à Québec, ils sont privatisés. Bien, dans ce cas-là, il y a une baisse de salaire de 19 $ à 12 $, puis ça a été négocié avec le syndicat, puis ainsi de suite, tout ça. Puis, quand j'ai écouté ça, j'ai dit: Pourquoi qu'il faut absolument amender le Code du travail? Pour dire: Il faut être plus concurrentiels? Dans ce cas-là, il y a eu une entente. Les parties ont convenu, compte tenu de x circonstances que je ne connais pas toutes, mais le résultat, il y a eu une entente entre le syndicat pour accepter une baisse de salaire de 19 $ à 12 $ environ.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Sawyer. M. le député de René-Lévesque, en deux minutes et demie, si c'est possible.
M. Dufour: Merci. Combien?
Le Président (M. Bachand): Deux minutes et demie.
M. Dufour: Alors, merci, M. le Président. Alors, je tiens à vous saluer, moi aussi. Ça fait deux jours qu'on est ici, et je vous dirais que ça fait plusieurs fois qu'on parle de Sept-Îles, et, à ma connaissance, on a eu la réponse sur Sept-Îles. Ce n'est pas compliqué, la convention a été transférée au sous-contractant avec les conditions qu'il y avait dans la convention.
Ce que je comprends des débats qu'on a, même si M. le ministre dit que la FTQ est venue ici aujourd'hui, puis qu'ils ont annoncé qu'il y avait 175 000 membres, ça ne veut pas dire que la FTQ est d'accord avec le projet de loi qui est déposé à l'heure actuelle. On s'entend là-dessus. Ce que je décortique, c'est l'après, le vide qui va se retrouver. On a beau dire que la table de négociation va régler, mais, à ma connaissance, la table de négo, il y a effectivement 30 jours plus 90 jours, qui fait 120 jours, puis, après ça, bien, bon, là, c'est l'article 59 sur le maintien des conditions de travail qui s'applique.
Mais, si on va virer jusque-là puis que ça ne veut pas s'entendre, sauf les municipalités, c'est le rapport de force, c'est le droit de grève ou le droit de lock-out. Et je regarde ce que M. Taillon de la CPQ disait aujourd'hui dans les médias: «"Dans certains cas, il peut y avoir une diminution des bénéfices pour le travailleur", a-t-il déclaré[...]."Des gens vont s'étonner de passer de 20 $ l'heure à [...] 13 $ ou à 14 $ l'heure."» Alors, c'est ça, là, l'enjeu, là. L'enjeu, c'est ça. Alors, dans votre secteur d'activité, quelle activité justement pourrait être assujettie à être privatisée ou à sous-traiter?
M. Sawyer (Michel): Écoutez...
Le Président (M. Bachand): M. Sawyer, je suis désolé. Malheureusement, je ne peux pas vous donner le droit de parole, compte tenu du fait qu'on a épuisé le bloc. Peut-être que mes confrères... Donc, si vous voulez poser...
M. Després: Si le député veut finir son intervention. Le bloc total est le même.
Le Président (M. Bachand): M. le ministre...
M. Després: Ah! O.K. Excusez.
M. Dufour: C'est juste qu'il n'y a plus de temps, là.
Une voix: Il n'a plus de temps pour répondre.
M. Després: O.K. Mais on peut laisser le... Moi, je n'ai pas d'objection à laisser finir la réponse.
Le Président (M. Bachand): Donc, je vais statuer, M. le ministre, si vous me permettez. Donc, si vous voulez poser la question, M. le ministre, libre à vous. M. le ministre.
M. Després: Mon collègue le député de Groulx va... avait une question.
Le Président (M. Bachand): Si, M. le député de Groulx, vous désirez permettre à M. Sawyer de continuer, vous pouvez y aller.
M. Descoteaux: Oui. Bien, effectivement, j'aimerais entendre M. Sawyer sur sa réponse et je reviendrais avec une question par la suite. M. Sawyer.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. le député de Groulx. M. Sawyer.
M. Sawyer (Michel): Je vous remercie de votre question, elle est très pertinente. Qu'est-ce qui peut être privatisé? Je vous dirai, dans le passé ? vous avez juste à regarder l'annexe ? les organismes hors fonction publique, ils ont tous été, règle générale, assujettis à la Loi de la fonction publique. Aujourd'hui, quels sont les autres organismes qui peuvent l'être? Je vous dirai qu'il n'y a rien qui est à l'abri. Je ne peux pas être plus clair que ça.
Voilà un an, si vous m'auriez rencontré, j'aurais dit: Écoutez, il y a au moins deux places que je ne pense pas qu'il y ait de danger que la fonction publique abandonne ou qu'elle crée. Il y a le Revenu, je ne pense pas qu'on veuille se délester du Revenu, et là il y a un projet d'agence, puis ainsi de suite, tout ça. On verra, mais que la transparence vienne, voir quel type d'agence. Puis l'autre, c'était l'aide sociale. Puis ça, à l'aide sociale, je l'ai toujours dit, je ne vois pas une entreprise ou un organisme qui ramasserait l'aide sociale.
Je dois vous avouer que, au niveau de l'aide sociale, il y a actuellement, pour l'emploi, il y a une réflexion assez importante qui se fait, à savoir: Est-ce qu'on ne devrait pas en créer une agence? Et ce qui m'interpelle encore un petit peu plus dans les dernières semaines et, je vous dirai, dans la dernière semaine, c'est que le gouvernement a reconduit trois ententes avec la ville de Montréal sur le réseau de l'aide sociale pour être administré par la ville, et pas la nouvelle ville, l'ancienne ville, ce qui veut dire que, à Outremont, c'est des agents d'aide socioéconomique du gouvernement du Québec, tandis qu'à ville Saint-Michel, dans l'arrondissement Saint-Michel, c'est des fonctionnaires municipaux. Alors, je dois vous avouer que je peux comprendre qu'il peut y avoir tout un contexte particulier, mais qu'est-ce qui peut être non privatisé? Je serais presque porté à vous dire, de façon ironique avec un sourire et non malin, le Syndicat de la fonction publique, il n'y a plus rien qui est en protection actuellement, compte tenu de tout le processus qu'on veut amener. Mais il est évident qu'il y a des organismes, puis ainsi de suite, tout ça, qui peuvent sortir.
Nous, c'est évident, il y a un élément clé, c'est la Loi de la fonction publique. Et on pense qu'elle donne de la latitude avec la Loi de l'administration publique. Cependant, lorsqu'on voit les dispositions qui sont amenées là, ça va faciliter les choses. Vous savez, il y a bien des endroits, là, où la précarité, même s'il y a eu beaucoup d'employés occasionnels, saisonniers qui travaillaient depuis cinq ans, six ans, sept ans, qui sont devenus permanents, la notion des employés occasionnels est encore importante. Donc, à partir du moment où je ne transfère pas les employés, je les conserve, je les conserve juste une couple de jours puis je donne l'activité, il n'y a plus rien, là, on se retrouve complètement dans le vide comme tel. Alors, c'est dans ce contexte-là.
C'est pour ça que je dis, le projet de loi, je reviens toujours à cette même question puis je sais que, peut-être, je suis tannant, mais ce n'est pas dans ma nature, M. le ministre, mais je ne vois pas l'urgence de dire et d'adopter avant le 21 décembre ou le 24 décembre ? je ne sais pas à quelle date vous terminez exactement, je sais que ce n'est pas le 25 ? cet amendement-là. Il me semble qu'on part pas mal mal, globalement, dans le cadre, parce qu'il me semble qu'on monte le ton de part et d'autre. J'ai un ton naturellement élevé, mais il me semble que, globalement, là, on part mal.
Moi, vous savez, je ne suis pas un juriste, puis tout ça. Je connais les jugements, je connais les grandes règles. J'ai des gens qui me secondent, qui s'y connaissent de façon juridique, mais je suis un... j'ai toujours été dans l'organisation syndicale. Je suis un représentant de travailleurs et de travailleuses. J'ai toujours été dans ce cadre des relations de travail, et il m'a toujours semblé qu'il était possible, lorsqu'il y a de la bonne foi et de la transparence, qu'on peut trouver un terrain qui permet à part et d'autre d'arriver à des compromis. C'est là, les conventions collectives, et on l'a réussi, même lors de notre première convention collective, quand M. Lesage, à l'aube de la Révolution tranquille, avait dit: La reine ne négocie pas avec ses sujets. Puis je ne sais pas qui c'est qui l'a dit, c'est parce que ça me fait plaisir de le dire. Eh bien, je veux dire, il a dit ça en 1962, mais, le 28 mars 1966, on a signé une première convention collective dans le secteur de la fonction publique. C'était un précédent, et, depuis, il y a eu un ensemble... Ah, ça a été houleux avec les gouvernements, peu importent même les gouvernements, je dirais, à travers cette période-là, mais on est toujours arrivé à des terrains d'entente conventionnels.
n(0 h 10)n Mais il est évident d'une chose, on avait une priorité dans notre prochaine négociation, c'était la sous-traitance. Eh bien, je dois vous avouer, c'est évident que, si elle était déjà priorité numéro un, elle est rendue au «top 10», comme on pourrait dire, parce qu'il est évident qu'il faut absolument... il va falloir encadrer, ainsi de suite, tout ça. La seule chose que je dois vous avouer, puis je profite du forum que j'ai ici pour le dire, mon inquiétude est de savoir quand auront lieu véritablement les négociations de la fonction publique, compte tenu, encore là, qu'on est en train de réaménager un ensemble d'un secteur hospitalier où les grands paramètres des négociations sont intersectoriels, notamment sur la rémunération, les régimes de retraite, les droits parentaux, pour se retrouver quand et en bout de ligne.
C'est pour ça, dans le fond, au niveau du mémoire, c'est sûr qu'on aurait pu dire: On peut faire ci, ça. Mais pourquoi pas essayer de développer ensemble, avec les organisations, pas juste avec nous, là, mais avec l'ensemble des organisations, développer un consensus et développer une façon de voir les choses. Quels sont véritablement les problèmes? Sept-Îles est un problème, je le comprends, pour le sous-traitant de Sept-Îles, mais ce n'est pas évident que, pour l'ensemble du Québec, ce soit actuellement véritablement le problème. Et, même au niveau du Conseil du patronat, lorsqu'il amène 66 000 emplois supplémentaires, où les prend-il? Fort probablement... Et l'exemple de Compass, au Mont-Sainte-Anne, en est véritablement un bel exemple. Eh bien, ordinairement, quand la sous-traitance met la main, ce n'est pas pour améliorer les conditions de travail, c'est plutôt, règle générale, pour les rendre plus compétitives.
Et la compétition, et tout ça, et la concurrence ne se limitent pas au Québec, ne se limitent pas à l'Ontario, au Canada et aux États-Unis. Voilà quelques années, on pensait que c'était le Mexique. C'est maintenant la Chine. Il y a de nouveaux marchés qui vont s'ouvrir de plus en plus, et la compétition va se faire à ce niveau-là. Et, si on veut être véritablement compétitifs, est-ce qu'il faudra baisser l'ensemble de nos conditions de travail, les salaires, et ainsi de suite? C'est là, le questionnement.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Sawyer. Il nous reste une minute et demie. M. le député de Groulx.
M. Descoteaux: Oui, et il n'est pas 23 h 55, il est 0 h 10. M. Sawyer, une très brève question. Et j'ai bien compris vos propos à l'effet que vous voyez ça de la façon suivante, à savoir que vous voudriez avoir un peu de temps pour la négociation et en même temps, pour l'instant, le retrait pur et simple. Mais ce qui m'amène à vous poser une question, c'est... Vous avez bien dit que les propos de vos prédécesseurs, de la FISA, avaient été intéressants. Et, comme vous demandait M. le ministre, si on avait des pistes de solution, eux, vers 23 h 15, nous en ont proposé une à toutes fins utiles. Et j'aimerais simplement savoir si vous êtes en accord avec celle-là. Et c'est peut-être trop pointu, parce que, évidemment, leur mémoire n'est pas votre mémoire, mais la FISA nous disait: Bien, une autre modification pourrait exister sans qu'on soit obligé de l'article 45. Et ils se replient, à ce moment-là, sur l'article 45.2, proposé par le gouvernement, à savoir que, dans tous les cas, on pourrait ramener ça au fait que, lors de la session en question, le jour de la prise d'effet, on doive négocier la convention collective dans le sens qu'elle prend fin à ce moment-là.
Est-ce que, jusqu'à un certain point, M. Sawyer, sans vous piéger ou sans vous peinturer dans un coin, vous êtes en accord avec la proposition de vos collègues de la FISA?
M. Sawyer (Michel): Bon, je vous remercie de me dire que ce n'est pas pour me piéger, me peinturer dans le coin. Ce que j'ai dit, moi, je pense actuellement, et on pense ? ce n'est pas juste moi, là, qui pense ça, on a fait une démarche en groupe, là, le syndicat, là, ce n'est pas une seule personne ? ce qui est sur la table, par rapport aux problématiques soulevées, ne semble pas répondre aux besoins. Et donc, je n'ai pas dit: À partir... Alors, le retrait, ils disent: On fait table rase, puis là on regarde la problématique. Et je dois avouer que, si la seule problématique est Sept-Îles, j'ai un problème ? puis je vais vous l'indiquer pourquoi ? parce que le danger de vouloir solutionner un seul et unique problème ou quelques petits problèmes fait en sorte qu'on ouvre d'autres champs qui peuvent compliquer d'autres éléments.
En d'autres termes, et ça, je dois avouer que je l'ai constaté souvent en pratique, même dans le cadre de certaines négociations, on a tel problème, on prévoit telle disposition, mais sans le savoir, de bonne foi également, eh bien, avec la piste qu'on a amenée, on s'est retrouvés à creuser deux autres petits trous à côté après puis là on se retrouvait. Il faut avoir un ensemble global, et je le répète, et c'est dans ce sens-là. Donc, par rapport à la proposition de FISA, je dois vous avouer que, nous, lorsqu'on l'a regardée, on n'a pas vu de possibilité à ce niveau-là. Mais, ce soir, là, notre intention était d'indiquer tout simplement, très clairement, sans équivoque: On pense que le monde du travail et le ministre du Travail ont un rôle essentiel à jouer dans le cadre des relations de travail au Québec, et ce rôle-là doit éviter de façon la plus absolue possible, quand c'est possible ou en tout cas majoritairement possible... c'est de créer un lien. Dans le fond, M. Després, vous êtes notre ministre, ministre du monde ouvrier, hein, ministre des relations de travail et de l'harmonie. Et il me semble qu'actuellement on part sur de mauvaises bases, et c'est dans ce contexte-là.
Donc, par rapport au niveau, à savoir, on aurait-u une ouverture, ou par rapport... ainsi de suite, tout ça, je vous dirai, au moment où on se parle, je ne peux pas vous l'indiquer. Puis vous m'avez dit que vous ne vouliez pas me piéger, je vais être transparent. De toute façon, je pense que c'est la meilleure façon d'être. Et, nous, l'évaluation... On peut tout regarder, mais il me semble qu'en quelque part il a manqué un dialogue, et, même au niveau des amendements ? puis ce n'est pas un reproche, c'est un constat ? les amendements sont arrivés comme ça mais sans consultation préalable, et ainsi de suite, tout ça. Et j'en profite. Il me semble qu'il y a d'autres projets de loi qui auraient pu également avoir des prémisses, des étapes avant, pour essayer d'arriver globalement à des éléments et des pistes de solution qui auraient pu faire un consensus, qui auraient permis qu'à ce moment-là l'ensemble des organisations syndicales mais également patronales et également gouvernementales, incluant l'opposition, qu'on puisse se donner une façon de faire où l'ensemble des gens se retrouvent adéquats.
Et, je dois vous avouer, notre position, je sais qu'elle est... elle semble... elle est absolue. On dit: Vous le retirez. Mais vous le retirez pour établir un dialogue, qu'il me semble, qui n'a même pas eu une flamme. Je ne fais aucun reproche, c'est un constat. Il me semble qu'il n'y a pas eu de cette forme de dialogue là, ainsi de suite, tout ça. Et, je pense, tantôt, la FISA, quand ils prenaient les articles de journal, en tout cas tout au moins les titres... Il me semble qu'on part bien, bien mal comme tel.
Alors, c'est dans ce contexte-là. Je vous dirai, par rapport au projet de loi n° 31, véritablement, ce soir, si vous attendiez qu'on ait une suggestion d'amendement, bien, vous allez être malheureux parce qu'on n'en a pas. On a plutôt une solution plus globale: on le retire puis on se donne des chances d'établir un consensus le plus large possible pour assurer que les objectifs du Code du travail et cette paix industrielle qui a été atteinte, comme les derniers amendements en 2001, peuvent être réalisés.
Le Président (M. Bachand): M. le député de LaFontaine. M. le député de Groulx, vous aviez demandé la parole.
Une voix: Ça va.
Le Président (M. Bachand): Ça va. M. le député de LaFontaine, rapidement en...
M. Tomassi: Oui, ce ne sera pas...
Le Président (M. Bachand): Deux minutes.
M. Tomassi: Deux minutes. Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais seulement revenir à votre préambule dans la lecture de votre mémoire, quand vous dites... quand vous parlez de fuite, et les mandataires de la SAAQ et autres. Il faut dire que des gens qui prennent le chemin à côté du droit chemin, ce n'est pas seulement nécessairement les gens qui ne font pas partie de la fonction publique. Même eux des fois ont tendance des fois à prendre un chemin qui n'est pas celui qui doit être le bon chemin.
Je vais revenir un peu... Vous avez en annexe, ici, des unités hors fonction publique et vous avez des fonctions publiques... On a entendu l'UMQ qui est venue nous voir hier, si je ne me trompe pas, et les autres centrales syndicales qui sont venues nous dire que, dans la majeure partie de leurs conventions collectives, il y a des éléments qui protègent, qui encadrent la sous-traitance. Or, vous, dans vos unités hors fonction et ceux de la fonction publique, nécessairement, vous devez avoir des clauses qui protègent concernant la sous-traitance ou est-ce que, si on prend l'article 45 et on le met de côté ou on le rentre en dedans, vous avez des éléments qui sont protégés par votre convention collective, n'est-ce pas?
M. Sawyer (Michel): Je vous dirais que...
Le Président (M. Bachand): M. Sawyer, je vais vous interrompre, parce que vous pourrez peut-être avoir la chance de répondre. Compte tenu qu'il ne reste plus de temps pour le côté ministériel, je vais donner la chance au côté de l'opposition de terminer ce bloc-là. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau: Très brièvement, M. le Président. Parce que je sais que M. Sawyer a encore beaucoup de choses à dire, mais j'aurais aimé que vous abordiez le volet du danger qui peut exister pour la qualité des services rendus aux citoyens du Québec. Parce que vous parlez de beaucoup d'inquiétude au ministère des Transports, à la CAI, là, l'information des renseignements personnels, ces choses-là, la qualité des services. C'est bien beau, là, le ministre, lui, il dit: La concurrence, on aime ça, là, mais...
Le Président (M. Bachand): On a une minute et demie, et je vais vous arrêter, M. Sawyer, quand...
M. Sawyer (Michel): Ah, vous allez voir, je vais rentrer dans la minute et demie. Bon. À votre question, je vous dirai que les clauses que l'on a dans les conventions collectives sont relativement assez limitées comme telles, parce que ce n'est pas nécessairement des secteurs qui sont toujours très solides, à titre d'exemple, là. Alors, c'est cet aspect-là.
n(0 h 20)n Sur l'autre, notre questionnement par rapport à la qualité des services publics, puis ainsi de suite, tout ça, je vous dirai oui, on a des préoccupations importantes, compte tenu qu'à certains égards l'État, une des missions de l'État est de donner des services de première ligne, d'aide. Il n'y a pas de notion de profit. Et, à partir de là, je vous dirai qu'à certains égards on peut se retrouver à une problématique.
Les renseignements personnels, je vous dirai, c'est vrai qu'au ministère du Revenu ? je ne peux pas vous le cacher, vous devez lire les journaux ? il y en a, là, des fouineux qui aiment aller voir en tout cas le salaire, je ne sais pas, moi, de telle chanteuse ou du président du SFPQ, en tout cas quelque chose comme ça. Il y en a, bon, puis il y en a qui se font coincer, c'est dans la loi de la moyenne. Mais ce que je veux dire, c'est toute l'accessibilité à l'ensemble de ce réseau.
Et on est préoccupés, oui, parce que, actuellement, dans le cadre de la réingénierie et de l'étude gouvernementale globale, on est en train d'envisager de centraliser le plus possible l'ensemble de ces informations-là. Alors, ça, c'en est un élément. Puis ça, là, ce n'est pas une question de c'est une mission essentielle de l'État, ça ne doit pas être accessible à qui que ce soit en dehors des règles gouvernementales. Comme on disait tantôt, c'est important, le rôle ministériel, d'être redevable à l'Assemblée nationale, et ainsi de suite, tout ça, ça rentre dans ces mêmes lignées là.
Au niveau, je vous dirai, de la qualité des services, comment qu'on peut établir la productivité dans le réseau de l'aide sociale? Est-ce que c'est comme on a déjà vu à Montréal. Puis j'ai été 27 ans à Montréal où, à un moment donné, on trouvait qu'il y avait trop de prestations qui n'étaient pas refusées dans tel bureau local, puis on a envoyé une note pour dire: Pouvez-vous regarder un petit peu plus proche c'est quoi qui ne marche pas parce que ça n'a pas l'air d'être la loi de la moyenne? C'est-u ça, la notion de la productivité? C'est dans ce cadre-là.
On a un ensemble de services d'intervention au niveau de l'environnement, à titre d'exemple. Et on n'a pas été chanceux, même avec le gouvernement précédent. Là, je ne suis pas là pour taper sur tout le monde, là, mais, je veux dire, je vous dirai qu'il y a des effectifs qui ont été coupés. Tout le monde parle des départs en 1996. Ça a touché tout le monde de la fonction publique, sauf que, nous autres, on n'est pas à la Santé, hein, puis on n'est pas à l'Éducation. Alors, je veux dire, la charge de travail a continué à augmenter, puis le personnel n'a pas été renouvelé. Puis, je veux dire, dans le cadre de la dernière négociation, les 6 000 personnes qui sont devenues permanentes, eh bien, je vous dirai que, dans la moyenne, elles avaient six, sept et huit ans d'ancienneté. Alors, c'est toute cette problématique-là qu'on a globalement.
Je sais que ce n'est peut-être pas le meilleur forum, ici, là, mais on est disponibles par exemple. Ça, si vous voulez nous entendre, on est disponibles, on est pour la transparence. Mais c'est sûr que 31, tel qu'il est là, nous interpelle puis nous questionne surtout. Et je dois vous avouer qu'en tout cas je me sens privilégié, on se sent privilégiés d'être ici, hein, ce soir. Mais il me semble que ça aurait été bien, là, M. le ministre, d'avoir également l'ensemble des autres visions des syndicats de la fonction publique et d'ailleurs et les citoyens, les citoyennes, comment qu'ils voient ça globalement. Il me semble, là, que ça aurait été un apport important. Je ne me plains pas. En nous invitant, vous avez fait un très bon choix, je tiens à vous le souligner, mais on aurait pu le bonifier.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Sawyer. Nous sommes privilégiés de vous avoir reçus. Donc, M. Sawyer, Mme Martineau, M. Boulianne, merci infiniment de nous avoir permis de vous écouter.
Donc, j'ajourne les travaux au jeudi 27 novembre, après les affaires courantes, à la salle Louis-Joseph-Papineau. Merci et bonne soirée!
(Fin de la séance à 0 h 24)