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(Seize heures trente-huit minutes)
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail se réunit afin de procéder
à l'étude des crédits budgétaires du
ministère du Travail pour l'année financière 1991-1992.
C'est un ordre de l'Assemblée nationale du 27 mars 1991. Donc, nous
avons une durée de quatre heures, et il avait été convenu
que nous faisions les quatre heures consécutives. Donc, on se rendrait
jusqu'à 8 h 30 - ça veut dire 20 h 30, il faut toujours que je
les calcule, que je rajoute 12 - il n'y a pas de remplacement possible, nous
avons quorum. D'abord, je veux dire bonjour à M. le ministre et à
son imposante équipe. Ça nous fait plaisir de vous rencontrer.
Sans plus tarder, s'il y a des remarques préliminaires, M. le ministre,
la parole est à vous.
Remarques préliminaires M. Normand
Cherry
M. Cherry: Merci, M. le Président. D'abord, dans un
premier temps, je profiterai de l'occasion pour vous présenter,
j'espère bien, tous les gens qui ont été convoqués
ici. Puis le but qu'il y ait bien des gens... J'ai entendu la remarque de mon
collègue tantôt; il a utilisé le mot "aréopage", en
disant: Ce n'est pas peu dire, tellement il y a des gens. Je veux simplement
lui indiquer que je n'ai pas l'intention de changer, M. le Président, ma
façon de travailler. On pourrait se faire des discours puis utiliser
notre temps, 20 minutes, 20 minutes, mais j'aimerais mieux qu'on profite de
l'occasion, du temps, des quatre heures qui nous sont consacrées pour
qu'on puisse répondre à des questions puis à des
échanges qui amélioreraient vraiment les choses qu'on a besoin de
savoir ensemble. Dans ce sens-là, c'est pour ça que j'ai
demandé à tous ces gens-là d'être ici.
Vous me permettrez d'abord de les identifier pour vous, les membres de
la commission, puis mes collègues aussi en face. Donc,
évidemment, le sous-ministre du Travail, M. Marius Dupuis et, à
côté, M. Jean Des Trois Maisons, sous-ministre adjoint responsable
des relations du travail; M. Robert Labbé, sous-ministre adjoint
responsable de l'inspection; M. Jean Larivière, qui est au
secrétariat chez nous; et M. Yves Germain, directeur des ressources
financières et de la perception.
Au niveau de la Commission de la construction, M. Alcide Fournier,
président-directeur général; vous avez M. André
Ménard, directeur de la qualification; et M. Serge Major, directeur des
finances chez nous aussi.
La Commission de la santé et de la sécurité du
travail: M. Robert Diamant, président-directeur général;
M. Pierre Shedleur, vice-président aux finances; Mme Lise Langlois,
vice-présidente à la planification et à la programmation;
Mme Lise Thibault, vice-présidente aux relations avec les
bénéficiaires; Mme Linda Durand, vice-présidente aux
services; M. Pierre Lafrance, secrétaire; Mme Diane Gaudet, directrice
aux opérations pour le réseau; et M. Sylvain Gen-dreau, adjoint
à la vice-présidente aux services.
Au Conseil des services essentiels: Mme Madeleine Lemieux, la
présidente. Et à l'Institut de recherche et d'information sur la
rémunération: Mme Nicole Poupart-Gendreau, la
présidente-directrice générale, qui est assise... Alors,
ça fait le tour. Et comme je le disais, M. le Président, le but
de ça, c'est...
Le Président (M. Bélanger): II y a un monsieur qui
n'a pas été présenté, je pense.
M. Cherry: M. Labbé?
Le Président (M. Bélanger): M. Labbé,
oui.
M. Cherry: Oui. Il a été présenté
tantôt.
Le Président (M. Bélanger): Alors, c'est si... Non,
parce que...
M. Cherry: Oui. Alors, simplement pour vous dire que ces
gens-là sont ici pour qu'ils puissent compléter des informations,
parfois d'ordre technique, pour aider à une meilleure
compréhension de la situation des dossiers. C'est le but de ça.
C'est ça qu'on a voulu faire.
Le Président (M. Bélanger): Excellent. Alors,
bienvenue, mesdames et messieurs. On espère avoir beaucoup recours
à vos lumières pour que vous ne vous soyez pas
déplacés inutilement. Ça peut sembler fastidieux, ce genre
d'exercice qu'on fait ici pour quelqu'un qui n'est pas dans le système,
mais, croyez-moi, ça a une utilité très grande pour les
parlementaires. Ça nous permet de comprendre, en tout cas, de petits
méandres ou de petites frustrations qu'on a dans les bureaux de
comtés avec certains dossiers. Alors, dans ce sens-là, on
apprécie beaucoup votre présence. M. le député de
Pointe-aux-Trembles, vous avez des petites remarques préliminaires, je
présume?
M. Michel Bourdon
M. Bourdon: Oui, M. le Président. Je veux d'abord saluer
le ministre et sa suite nombreuse.
Les seules suites plus nombreuses sont celles d'Hydro-Québec, du
Conseil du trésor et du ministère des Finances. Ça atteint
des proportions où on se dit que M. Gérard 0. Lévesque va
finir par louer le Forum pour rencontrer une commission parlementaire. Je
souhaite la bienvenue à tous et chacun. Le député-ministre
de Sainte-Anne entreprend pour la première fois l'étude des
crédits alloués au ministère du Travail ainsi qu'aux
organismes relevant de sa responsabilité. Cette courte expérience
ne lui permettra sans doute pas de dresser le même bilan que l'Opposition
officielle qui, pour la sixième fois, procède à
l'étude des crédits du gouvernement du Parti libéral.
Comme l'année dernière, je peux déjà,
d'entrée de jeu, vous signaler que le constat auquel nous arrivons n'a
rien de très réjouissant pour ce qui est du ministère du
Travail. L'année 1990-1991, à bien des égards, fut une
copie conforme de l'année 1989-1990 en matière de relations du
travail et de santé et sécurité du travail: de la
gérance à la petite semaine, du balayage sous le tapis ou encore
du pelletage des problèmes rencontrés dans la cour des
autres.
Le Président (M. Bélanger): Pas de
méchancetés, là.
M. Bourdon: Mais, avant de pénétrer plus à
fond dans ce bilan de l'année qui vient de se terminer, permettez-moi de
souhaiter qu'on puisse, avec le ministre, trouver des solutions aux
problèmes trouvés, et, si on les trouve, il pourra dire que c'est
son prédécesseur qui n'était pas à la hauteur. Pour
le nouveau ministre du Travail, l'exemple le plus éloquent de
l'indécision dont il a hérité de la part de son
gouvernement concerne le rapport sur la stabilisation des revenus et de
l'emploi des travailleurs de l'industrie de la construction, mieux connu sous
le nom du rapport Sexton-Picard. Rappelons au ministre la promesse non tenue de
son gouvernement en ce qui a trait à la commission Sexton-Picard.
Rappelons qu'en avril 1959... 1989...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourdon: Vous voyez comme le temps nous paraît long avec
ce gouvernement-là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourdon: Ça fait à peine deux ans; nous,
ça nous a paru 22 ans.
Une voix: On a eu neuf ans et 17 jours avec vous autres.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourdon: II y a ça. Il y a ça. Et comme j'aime
à le citer souvent, comme dit Woody Allen dans un de ses films,
l'éternité, c'est long, surtout vers la fin
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourdon: En avril 1989, les organisations syndicales
acceptaient de prolonger pour un an le décret régissant les
conditions de travail dans ce secteur. Le gouvernement de l'époque
était soucieux de prolonger le décret de la construction parce
que les infirmières s'en venaient On sait que ce n'est toujours pas fini
avec elles Et, visiblement, le gouvernement, qui a une longue expérience
de ça, ne voulait pas affronter les infirmières et les gars de la
construction en même temps.
En retour de ce prolongement, le ministre du Travail de l'époque
mettait sur pied la commission d'enquête Sexton-Picard. Les recom
mandations de la commission, selon la promesse du ministre de l'époque,
devaient servir aux négociations de 1990. La suite n'a pas
été à la hauteur des aspirations des travailleurs de la
construction. Au mois de mai 1990, le rapport Sexton-Picard n'étant pas
prêt, le gouvernement décide, sans en attendre les conclusions,
d'imposer un nouveau décret de trois ans aux 110 000 travailleurs de la
construction. Le rapport sera finalement déposé en 1990. Et
depuis, rien. Le ministre étudie ledit rapport. J'ai entendu dire
récemment qu'il le faisait également étudier au caucus de
son parti, ce qui peut être un bon signe, parce que, parfois on voit que
la sagesse est plus grande dans les groupes plus grands que dans les groupes
plus restreints. Et il peut arriver qu'un caucus de 92 soit plus progressiste
qu'un Conseil des ministres de 30. En tout cas, je n'irai pas jusqu'aux 300
membres du conseil général et aux 3000 membres du parti au
pouvoir en congrès parce que, ta, il y a parfois des différences
importantes entre les conclusions des congrès et ce que le concile de
Trente, comme on l'appelle, décide. Pour les 110 000 travailleurs de la
construction qui attendent depuis deux ans et qui avaient fondé des
espoirs dans le rapport Sexton-Picard, la déception est vive comme en
témoignent leurs nombreuses manifestations publiques depuis juillet
dernier.
Un autre dossier qui est sous le tapis depuis 1987 concerne la fameuse
Commission des relations du travail, et, à cet égard, M le
Président, je voudrais dire au ministre que la Commission des relations
du travail, c'est presque quelque chose qui va devenir un exemple mondial de ce
qu'un Parlement ne doit pas faire. J'en parle à l'aise, mon
vis-à-vis n'y est pour rien, sauf peut-être comme
député à l'époque, mais il n'avait pas la
responsabilité ministérielle précise qu'il a aujourd'hui.
Et d'ailleurs, c'était avant l'élection qui l'a vu accéder
au poste de député de Sainte-Anne.
On fonde une Commission des relations du travail par une loi. On discute
la loi longtemps,
longtemps, longtemps, très longtemps, en attendant un consensus
entre les parties. En relations du travail, on connaît l'idée.
Quand on ne veut rien faire, on dit attendre un consensus entre les parties.
Déjà, faire se rencontrer les parties, ce n'est pas simple; les
amener à un consensus, c'est encore plus difficile. Mais, finalement,
ça donne lieu à une loi qui a des avantages, des
inconvénients et des mérites. Mais là, ça fait
quatre ans. La loi n'est toujours pas en vigueur. On a eu mieux. Un peu
après, le même ministre a formé un comité
chargé d'étudier la loi qui avait été
adoptée. Bon, c'a donné un comité de travail, le
comité Blain - ceux qui connaissent ça le savent - qui a
dépensé un peu des fonds publics - pas énormément,
ce n'est pas ça qui est important - pour étudier ce qu'on ferait
bien avec la loi que le Parlement avait adoptée. Après ça,
on a eu le rapport Blain. On a dit: Écoutez, une minute, on va aller au
Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre pour voir les parties
intéressées, pour savoir ce qu'elles pensent des recommandations
du comité qui a étudié la loi qu'on n'a jamais mise en
vigueur. Et la loi 30 qui créait la Commission des relations du travail
est toujours dans les méandres du Conseil consultatif depuis
l'époque.
Alors, je vais profiter des crédits pour demander au ministre
s'il a eu des appels, des nouvelles de la loi 30, et pour savoir si l'effort
considérable qui a été fait en commission parlementaire
pour entendre les parties et adopter une loi, si on jouait au
Parlement-école ou si on adoptait une loi susceptible d'être
appliquée. Vous savez, tout un chacun, sur ma rue à
Tétreaultville, pense que, quand on adopte une loi ici, c'est parce
qu'on veut faire quelque chose. Mais dans le cas de la Commission des relations
du travail, on a adopté une loi qui est devenue un mécanisme et
un document de base pour consulter les parties. C'est un peu particulier. Et je
pense qu'il faudrait savoir ce qui arrive à cet
égard-là.
L'autre domaine qui nous concerne énormément, et je vais
vous donner mon sommaire des questions que je vais aborder à la fin de
mon exposé, c'est la CSST, on l'aura deviné. Après 11 ans
d'existence dans cette forme-là, elle est devenue, selon le Protecteur
du citoyen, Me Jacoby, un monstre bureaucratique, un Etat dans l'État
qui a peut-être perdu le sens de sa mission première, soit l'aide
aux travailleurs accidentés et la prévention en matière de
santé et de sécurité du travail.
Je pense qu'à cet égard il ne serait pas utile d'accuser
la direction de la CSST et puis les gestionnaires de cette Commission qui sont
nombreux ici, de tous les maux de la terre. Il s'agit de voir une chose, c'est
que la CSST coûte cher et que les justiciables se plaignent, ceux qui
n'ont pas de possibilité d'avoir justice dans des délais
raisonnables et selon des normes raisonnables; le Protecteur du citoyen
consacre toujours à la CSST un rapport bien carabiné dans tous
ses rapports annuels à l'Assemblée nationale. Alors, il faut se
poser des questions sur les délais qui sont en cause, les façons
dont on administre la Commission, la manière d'indemniser les victimes
et l'efficacité finalement que ça dégage.
À cet égard, M. le ministre, je voudrais souligner que la
performance de la CSST peut s'évaluer à partir d'un organisme
comparable qui, à mon point de vue, est la Société de
l'assurance automobile du Québec. Il y a quoi? 4 000 000
d'automobilistes au Québec; il y a plusieurs centaines de milliers
d'employeurs. Or, avant la réforme de Mme Lise Payette en matière
d'assurance automobile, il y avait là une situation invraisemblable, un
fouillis dont les gens qui avaient des accidents souffraient. Qu'on se rappelle
de la solution qui a été trouvée. On a laissé la
ferraille à l'assurance privée, mais avec des règles plus
strictes pour que l'évaluation se fasse mieux. Et vous vous rappelez
à l'époque que les avocats, entre autres, nous prédisaient
la fin du monde. Pour eux, la réforme de Mme Payette était
l'équivalent d'une guerre nucléaire, parce qu'ils perdaient 45
000 000 $ d'honoraires. On est passés à travers. Le gouvernement
actuel se réjouit, dans le fond, des succès de la
Société de l'assurance automobile, parce que, quand il manque
d'argent, il y a un petit 625 000 000 $ qu'on va chercher aux dépens des
assurés. C'est des surplus, dans le fond, que la bonne administration de
la Société de l'assurance automobile a produits. Or, je pense
qu'on est en face de deux organismes publics qui se comparent bien. Il y a des
accidents d'autos et il y a des accidents du travail. En matière
d'assurance automobile - c'est le député qui parle - on n'est pas
toujours content des décisions que rend la Société de
l'assurance automobile, mais quand on va en appel de ces décisions, en
dedans d'un an, on a une décision.
Alors, pour le justiciable, l'élément temps a une
importance considérable. Or, je prétends que les médecins
et les procureurs syndicaux et patronaux sont les principaux
bénéficiaires de l'inefficacité actuelle de la CSST, que
j'attribue à deux causes: la "maladministration" de la Commission,
à certains égards; mais, à sa décharge, la loi est
complexe, trop ramifiée et dès le début, dès le
moment où il y a un accident, encombre la question. Je donne quelques
exemples, M. le Président et M. le ministre. On prévoit
dès le départ qu'entrent en scène trois médecins:
le médecin de l'accidenté, le médecin de la CSST et un
médecin privé retenu par l'employeur qui conteste l'accident ou
la maladie professionnelle de l'employé. À partir de là,
le système est fait pour les avocats et les médecins, mais pas
pour les gens en appel d'une décision de la CSST.
Je pense qu'il faudra éventuellement que les législateurs
regardent les mécanismes d'appel. Par
exemple, est-il utile et nécessaire qu'au bureau de
révision paritaire - et ce n'est pas la faute du président de la
CSST que je vois là - ça soit un conseil de trois? Est-il normal
que, dans l'arbitrage médical, le président, parfois, et le
médecin représentant l'employeur soient de la même clinique
privée? Est-ce qu'il n'y a pas là un conflit
d'intérêts? Est-il normal que, tant au bureau paritaire
qu'à l'arbitrage médical, la CSST nomme le président ou la
présidente qui va évaluer sa propre décision? Le
Protecteur du citoyen le dit avec raison: Quand on va en appel d'un organisme,
il ne faut pas trop que la personne de qui on appelle nomme le juge ou
l'arbitre qui va décider de sa décision.
Alors, tout ça fait qu'il y a un engorgement qui est chronique
dans les mécanismes d'appel de décisions de la CSST et, en plus,
quand la Commission d'appel en matière de lésions
professionnelles finit par rendre une décision, s'il y a 104 cas
semblables, on laisse les 104 cas traîner de trois à cinq ans.
L'autre élément que votre prédécesseur avait
souligné. Il n'y a pas à la CSST de reconsidération
administrative des décisions qui se prennent, de telle sorte que,
même quand on fait erreur, on continue pendant trois, quatre ou cinq ans
à s'acharner sur le justiciable à l'endroit duquel on a commis
l'erreur. On le sait par nos bureaux de comté, quand il arrive des
décisions de la CSST, ça ne se change pas autrement que par la
mécanique compliquée où on a judiciarisé à
l'excès, dès le départ, et médicalisé sous
l'empire d'une judiciarisation. Je veux dire que l'accidenté du travail
est pris en charge par trois médecins, deux avocats et un processus qui
dure de trois à cinq ans. Puis après ça, à la CALP,
ça se règle dans les corridors à la fin, comme ça
se faisait dans l'assurance automobile dans l'ancien système. Une
personne qui subissait un accident grave pouvait attendre la compensation
jusqu'à 10 ans. Son avocat et l'avocat de la compagnie d'assurances
étaient en contact, et on judiciari-satt, et on faisait des
délais, sans compter que, dans le cas de l'assurance automobile, je
viens de parler de conflit d'intérêts, à l'occasion, il y
en avait. Il y avait des dîners d'avocats des deux parties qui
s'échangeaient un nombre de dossiers suffisant pour pouvoir changer
d'auto, acheter une nouvelle maison ou aller en vacances au détriment
des gens qui avaient eu un accident d'auto. Or, l'Etat est intervenu dans le
cas de l'assurance automobile. Les avocats n'étaient pas contents.
Ça va être la même chose quand on va réformer
la CSST. Qu'est-ce que vous voulez? Je ne sais pas combien de médecins
au Québec gagnent leur vie grassement sans jamais soigner un patient. M.
le ministre, vous avez été syndicaliste vous-même, vous
savez de quoi je parle, de ces médecins dont la fonction est de donner
un avis d'expert sur. Est-ce que la personne a eu un accident ou non et est-ce
qu'elle est vraiment malade? Il y a des cliniques spécialisées
qui sont des entreprises de plus en plus considérables. Elles ne
soignent jamais personne. Elles sont là pour donner une opinion sur la
maladie d'une personne. Donc, il y a une bureaucratie patronale
considérable qui s'est développée. Et, pendant ce
temps-là, M. le Président et M. le ministre, la médecine
du travail ne va pas loin et ne joue pas fort au Québec
L'autre facteur qui joue en termes de prévention - et là,
je suis en train de faire le dossier à la décharge de la CSST -
l'État ne veut pas payer pour l'inspection que fait la CSST. On a une
situation tout à fait rocam-bolesque où la CSST est en train
d'ester en justice contre le Conseil du trésor pour se faire payer ce
qui est dû à la CSST. Je suis d'accord avec la position de la
Commission. Les contributions des employeurs dans ce qui est une espèce
d'assurance patronale contre les accidents, les cotisations sont payées
par les employeurs parce qu'ils sont responsables de la santé et
sécurité dans leur entreprise, leur bureau, leur
établissement, mais ça n'est pas aux employeurs de payer
l'inspection. Ça n'a aucun sens de le faire. Je pense à nos amis
de la Commission de la construction du Québec qui vivent la même
situation à l'égard de leurs exigences et de leurs
activités en matière de formation professionnelle et
d'apprentissage. Le gouvernement et le Conseil du trésor disent: Ils ont
les contributions des employeurs et des employés, qu'ils payent donc
pour ça. Mais les employeurs de la construction, les employés de
la construction paient des impôts. Les employeurs qui contribuent
à la CSST paient des impôts; ils paient des impôts sur le
revenu des particuliers, mais ils paient aussi l'impôt sur les profits
des entreprises Ils s'attendent à ce que l'État paie pour
l'inspection que ça nécessite.
Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais
à conclure, M. le député.
M. Bourdon: Alors, M. le Président, je vais conclure
là-dessus. On a eu une année en matière de relations du
travail, qui a succédé à une année difficile. Je
pense à la loi matraque contre les syndiqués de l'Hydro,
l'imposition des conditions de travail aux gars de la construction pour trois
ans, la perte d'ancienneté des 150 000 syndiqués de la
santé et des services sociaux; et là, ça se
télescope, on est en train de les geler et ils sont toujours en perte
d'ancienneté. Alors, il y a des jours assez difficiles, je pense, qui
s'annoncent. J'espère qu'on pourra, avec le ministre du Travail, trouver
des moyens et des solutions pour ce qui est de Sexton-Picard, pour ce qui est
de la CSST, pour ce qui est d'un bon nombre de questions. Je ne demanderai pas
au ministre de réformer la manière d'agir du Conseil du
trésor; ça sera l'oeuvre d'un prochain gouvernement, je pense
bien.
Je donne ma liste de sujets qu'on voudrait aborder. Donc, M. le
Président: le rapport Sexton-Picard; le rapport du Protecteur du citoyen
à l'endroit des accidentés du travail,; l'inspection à la
CSST et son financement; le programme de stabilisation économique et
sociale; la sécurité sur les chantiers de construction; les
articles 204 à 215 qui étaient censés, comme la Commission
des relations du travail, exister un jour, le programme de retrait
préventif pour les femmes enceintes; le financement de la Commission de
la construction du Québec à l'égard de ses mandats
publics; le trafic des cartes de compétence, juste pour se rassurer, la
Commission des relations du travail, juste pour savoir si elle existe encore;
le travail chez les moins de 14 ans, parce que, dans mon comté, il y a
un enfant de 14 ans qui est mort alors qu'il travaillait chez un
dépanneur, et je pense que c'est une question grave; le travail au noir
- je reviens donc à la construction, en passant par le vêtement et
d'autres secteurs - le rôle de l'Institut de recherche et d'information
sur la rémunération; et la question relative à certains
documents que l'Opposition officielle avait demandés. Bref, on n'aura
pas grand temps pour souper, M. le Président. (17 heures)
Le Président (M. Bélanger): Bon, alors, si je
comprends bien, vous ne voulez rien perdre. On laisse le varia ouvert au cas
où on aurait oublié quelque chose.
M. Bourdon: C'est cela.
Le Président (M. Bélanger): Bien.
M. Bourdon: À part ça, ça va.
M. Cherry: À part ça, c'est correct, Michel?
Oui?
M. Bourdon: Puis, à part ça, je n'ai pas de
question.
M. Cherry: O.K.
Le Président (M. Bélanger): On peut voir que tout
va bien.
M. Cherry: Mais, vous permettez, M. le Président, je
comprends mon collègue. Il a fait la lecture de sa liste
d'épicerie rapidement. Comme le but de l'exercice, c'est qu'on y
réponde et qu'on prenne le temps, j'aimerais ça s'il pouvait nous
la répéter un peu plus lentement pour qu'on prenne des notes. Et
après ça, si c'est son souhait, qu'on travaille ça dossier
par dossier, de façon méthodique. S'il y en a qui doivent
être regroupés, on les regroupera pour pouvoir les traiter comme
une entité. Et quand on aura eu le temps de vider ce sujet-là, on
pourra passer à un autre sujet. Alors, j'appré- cierais, Michel,
si tu voulais la reprendre, là, la liste, plus lentement, pour que les
gens de chez nous...
M. Bourdon: O.K.
M. Cherry: ...puissent en prendre note et se préparer en
conséquence. Ça te va?
M. Bourdon: Ça va. Et à cet égard-là,
j'ai oublié un point.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cherry: Je ne te la reposerai plus.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourdon: J'en avais avisé le ministre, hier. Vers la
fin, je voudrais parler du cas de la Bibliothèque centrale de prêt
de la Montérégie. C'est un lock-out, un conflit de travail assez
douloureux qui est vécu sur la rive sud de Montréal.
M. le ministre, si le secrétaire voulait la photocopier, j'ai la
table des matières. Il n'y a rien comme avoir un menu quand on s'assoit
dans un restaurant.
Le Président (M. Bélanger): C'est vrai. Ha, ha, ha!
Il faut quand même rester frugal.
M. Bourdon: Oui, oui, oui.
Le Président (M. Bélanger): La modération a
toujours meilleur goût.
M. Bourdon: Oui.
Le Président (M. Bélanger): Alors, ceci
étant dit, vous...
Discussion générale Rapport
Sexton-Picard
M. Bourdon: Le premier sujet que je voudrais aborder, M. le
ministre, dans le fond, en attendant qu'on fasse le travail, c'est le rapport
Sexton-Picard. Et je ne vous ferai pas l'injure de vous le résumer. Dans
le fond, ce qu'il nous tarde de savoir, M. le ministre, là, c'est...
Ça fait deux ans que le rapport, c'est commandé; ce sont deux
universitaires distingués qui l'ont fait avec beaucoup de rigueur, tout
le monde en convient, un de l'Université Laval et l'autre de
l'Université McGill. Les syndiqués et les syndicats
réclament à cor et à cri l'application des recommandations
du rapport Sexton-Picard qui ne traitait pas que d'un supplément
d'assurance-chômage. Le ministre a rencontré les parties et il a
même, je pense, fait rencontrer MM. Sexton et Picard par son caucus. Tout
ça
regarde bien. En fait, notre question est simple, c'est: Quand est-ce
qu'on l'applique?
M. Cherry: O.K. Dans un premier temps... Michel, si tu permets,
dans la liste des choses, il me semble que j'ai entendu tantôt que tu as
parié, par exemple, du travail au noir.
M. Bourdon: Oui.
M. Cherry: Mais, évidemment, le travail au noir, ça
fait partie de...
M. Bourdon: C'est sûr.
M. Cherry: On va regrouper tout ça ensemble juste pour
s'assurer... Bon.
M. Bourdon: Oui.
M. Cherry: O.K. Dans un premier temps, concernant Sexton-Picard,
je pense que la deuxième journée de la reprise de la session, au
mois de mars, là, à une question que tu me posais, il me semble
que ce que j'ai déclaré, c'est que durant la présente
session, qui est en cours, je déposerais au Conseil des ministres
l'ensemble des réponses sur les 62 recommandations. Juste pour rappeler
que, comme Sexton-Picard est un organisme qui découle d'une
décision du Conseil des ministres, je dois retourner là pour
m'assurer de la façon dont je suggère que l'exécution soit
faite.
Mon collègue, le député de Pointe-aux-Trembles, a
raison de dire que ça implique beaucoup de consultation. Et ça
continue. Évidemment, il connaît ça, là, la
façon avec laquelle on fonctionne, par phases. Et plus on approche de la
fin, plus, évidemment, les périodes sont difficiles. Je crois
comprendre qu'une partie intéressée au rapport Sexton-Picard a
également rencontré son caucus ou a l'intention de le faire.
Donc, il semble que, de part et d'autre, on se familiarise mieux avec le
processus.
Je suis content que Michel mentionne que le caucus, chez nous, a eu une
rencontre avec MM. Sexton et Picard, une rencontre que les gens ont
jugée trop courte, ou très importante. Ce n'est pas moi qui peux
qualifier ça, mais de mes collègues députés disent
qu'à leur connaissance, c'est probablement une des rencontres où
l'assiduité de l'assistance a été très
remarquée. Au-delà d'une quarantaine de mes collègues
étaient présents, et ils ont même déploré que
ça ait été trop court et que ça ne nous ait pas
permis de faire vraiment le tour comme ils le souhaitaient pour
présenter ça.
Donc, dans un court laps de temps, je veux juste assurer Michel que, tel
que convenu et tel qu'engagé devant l'Assemblée nationale, je
déposerai au Conseil des ministres durant la présente session -
et ça veut dire très prochai- nement - un rapport qui traitera
des 62 recommandations. Ça semblait important, et on me le rappelle
chaque fois que je rencontre des groupes impliqués. On fait un
parallèle avec un dossier qui est bien familier: lors de la commission
Cliche, qui avait siégé en 1975, certains des sujets qui
étaient traités, par exemple, traitaient du travail au noir. Ce
n'est pas nouveau, ça n'a pas été inventé
aujourd'hui, le travail au noir; ce n'est pas quelque chose de récent.
Et, par exemple, tous les groupes de travailleurs que j'ai rencontrés,
indépendamment de leur allégeance syndicale, disent. En 1975,
ceux qui étaient là à l'époque pariaient du travail
au noir comme d'un problème. 15 ans plus tard, ils disent que ce qui
était un problème en 1975 est devenu un fléau en 1990,
parce qu'ils disent: Les recommandations ou les choses qui étaient
prévues, qui devaient être faites pour corriger, enrayer ou
diminuer le travail au noir n'ont pas été faites. Alors, ils
disent: Assurez-vous que l'ensemble des recommandations de Sexton-Picard vont
s'appliquer. En d'autres mots, qu'il ne nous arrive pas, disent-ils, la
même chose qui est arrivée à l'époque: Sur une
série de recommandations qui constituaient l'ensemble du rapport de la
commission Cliche, quelques-unes seulement ont été
appliquées, et les autres ont été oubliées. Alors,
ils ont l'intention, cette fois-ci, et c'est l'engagement que j'ai pris envers
eux, de traiter ça comme un tout.
Et c'est une des conclusions - et ma mémoire est bonne - à
la page 200, le deuxième paragraphe dit que, pour que ça ait des
chances de fonctionner - on sait bien que ça ne corrigera pas tout - il
faut que ce soit traité comme un tout, cette affaire-là. Le
travail au noir, comment on en est arrivé là? Quelles sont les
conséquences aujourd'hui pour les travailleurs de la construction, pour
les vrais entrepreneurs de la construction? Eux aussi ont des choses à
dire là-dedans. Mais, en premier lieu, si vous me permettez, selon ma
préoccupation, c'est le client, celui qui reçoit le produit du
secteur de la construction, à cause de la façon dont ça
fonctionne. Je me permets une référence ou un exemple: le jeune
couple dont les deux travaillent et qui tente de se porter acquéreur
d'une première maison. Bien souvent, pour être capable de
rencontrer les engagements financiers, là, premièrement, au
départ, ça présuppose, presque dans tous les cas, que les
deux travaillent. Il faut que tu places les enfants en garderie, et enfin, on
sait comment ça marche dans le quotidien pour s'assurer que tu vas
être capable. Et quand tu prends livraison de ta première
propriété, ta neuve, il ne se passe pas des fois bien du temps
avant que tu aies des réclamations à faire ou des choses à
faire corriger. Ce que les gens découvrent très souvent, en
dépit de programmes d'assurances... Je ne conteste pas que ça ait
pu être un pas dans la bonne direction, mais de là à ce que
ça assure vraiment la
protection du consommateur, du citoyen, de celui qui achète sa
maison... Le problème, c'est que la sous-traftance est très
souvent un mode de fonctionnement là-dedans, et quand on parle de
sous-traitance, on sait comment ça marche. C'est souvent de la
sous-sous-sous-traitance, avec le résultat que, quand celui qui s'est
porté acquéreur de la propriété a des
réclamations à faire, trouver la vraie personne responsable ou le
vrai entrepreneur responsable pour être capable de lui donner
justification, ça n'arrive pas ou ça arrive difficilement ou
dépendamment.
Donc, je veux me préoccuper de ça, et c'est un de mes
filons premiers, pour protéger les consommateurs, bien sûr, et
pour protéger les vrais travailleurs de la construction, ceux qui ont
fait de ça leur profession, leur façon de gagner leur vie, pas
ceux qui entrent et qui sortent. Parce qu'on sait qu'il y a, dans ce
domaine-là, un mouvement annuel qui est loin de rendre justice à
ceux qui veulent faire de ça une vraie... Le nombre d'entrepreneurs qui
apparaissent et qui disparaissent presque avec la saison au cours de laquelle
ils ont décidé d'être entrepreneurs, si ma mémoire
est bonne - et je pourrais être corrigé là-dessus - il me
semble qu'on me dit qu'il y a à peu près 4000 entrepreneurs de la
construction qui apparaissent et qui disparaissent, bon an, mal an. Alors, il
est évident qu'il y a là un malaise. Il y en a qui essaient, mais
qui ne réussissent pas. Donc, il faut savoir pourquoi ils ont de la
difficulté à résister et, quand ils le deviennent, est-ce
qu'ils sont équipés pour le faire? Est-ce que la protection du
consommateur, celui à qui ils vont rendre service, est bien faite?
Alors, ça, c'est dans un premier temps.
Donc, les vrais entrepreneurs de la construction ont de la
difficulté parce que le système actuel permet une
compétition qui leur semble injuste. Souvent, j'ai rencontré des
entrepreneurs qui m'ont dit: M. le ministre, je ne comprends pas. Sur certains
travaux, j'ai soumissionné - leur jargon - à mon "cost", à
mon coût, simplement pour garder mon monde. J'ai une bonne équipe,
je suis capable de fonctionner. On est 15, 20, 25 soumissionnaires. Ceux qui
obtiennent le contrat par voie de soumission, comment ont-ils pu faire pour
l'obtenir à ce prix-là? Ça n'a pas de bon sens. Mais quand
ils suivent - et il y en a certains qui le font par la suite - comment
ça se déroule, ils réalisent: Qui est-ce qui a fait les
travaux? Et il "l'a-tu" sous-contracté à un autre qui, lui, l'a
donné à son beau-frère qui était son ancien
"partner"? Avec le résultat que celui qui reçoit ces
travaux-là - souvent, les travaux sont faits les fins de semaine
où la surveillance n'est pas toujours facile; vous savez, les tireurs de
joints, les peintres, enfin, on connaît tout ça, ces
métiers-là - avec le résultat que le citoyen et le
travailleur ont besoin d'être protégés, mais l'entrepreneur
aussi, celui qui a décidé d'en être un vrai et qui veut
appliquer et qui veut faire de ça son revenu et protéger le
revenu de ses salariés selon les vraies règles du jeu. Donc, le
travail au noir est une préoccupation extrêmement importante, sans
compter - et c'est un argument que font valoir très souvent les
travailleurs de la construction - les pertes de revenus qui sont
occasionnées à ça par tous les niveaux de
gouvernement.
Un des sujets préférés de mon collègue de
Pointe-aux-Trembles: les vraies heures enregistrées à la
Commission de la construction, les vraies heures enregistrées à
la Commission des accidents du travail. Tout ça, c'est important aussi.
Ça fait partie de tout ça. On me raconte des incidents où
quelqu'un pouvait travailler sur le chantier depuis un certain temps, et quand
il lui arrive un accident ou qu'arrive l'inspecteur: Ah bien! vous arrivez
juste à temps, il vient de commencer ce matin. C'est devenu presque le
mode de fonctionnement dans certaines régions ou dans certains types de
travaux. Donc, il est important qu'on s'attaque à ça, avec
l'objectif de l'éliminer complètement, mais je pense faire de
vrais vrais efforts. Et dans ce sens-là, je vous assure qu'on y
travaille de façon méthodique.
Je tiens à faire valoir aussi que, dans le cas de
Sexton-Picard... On dit que ça prend du temps. Je suis responsable de ce
ministère-là depuis cinq mois et quand je fais
référence à la commission Cliche, il s'est passé
à peu près 15 ans entre les deux. Alors, je pense que je ne
voudrais pas que du travail qui est sous ma responsabilité maintenant
puisse y être associé en disant qu'il n'y a eu que quelques
recommandations qui ont été appliquées. Donc, je veux
prendre le temps qu'il faut, mais dans des délais vraiment de
méthode de fonctionnement. (17 h 15)
Une des préoccupations principales des travailleurs de la
construction aussi, et ça fait l'objet de chapitres importants dans le
rapport Sexton-Picard, c'est la formation, le recyclage et le
réentraînement de la main-d'oeuvre. J'avais l'honneur, hier, avec
de mes collègues, d'annoncer des écoles de construction qui vont
s'occuper également, en partie, de recyclage. Mais, pour bien situer la
dimension de ce problème-là, les travailleurs de la construction,
ceux qui sont là-dedans depuis plusieurs années, ceux que vous
avez connus et que j'ai connus aussi, disent souvent: II y a des écoles
qui facilitent l'accessibilité à l'industrie de la construction
pour un jeune qui veut y adhérer. Mais le problème, c'est que si
ça fait six, sept, huit ou neuf ans que je suis dans cette
industrie-là, l'évolution de mon métier, les
matériaux avec lesquels je travaillais à l'époque ne sont
plus les mêmes aujourd'hui. Les méthodes de production, les
équipements nécessaires ne sont plus les mêmes. Très
souvent, il n'a pas eu de formation depuis ce temps-là. Il a appris sur
le tas au fur et à mesure, dans certains cas. Donc, entre ce qu'il a pu
apprendre à l'école pour lui permettre d'accéder - s'il
est
passé par là - contrairement à l'évolution
de son métier, il me semble que ça, là, ils se plaignent
amèrement de ça.
Les entrepreneurs aussi se plaignent de ça. Quand des gens
viennent travailler pour eux, Hs n'ont pas la formation nécessaire; et
quand on sait qu'à cause de la période cyclique, à cause
de la température, le climat dans ce coin-ci du globe a comme
résultat que le travail dans l'industrie de la construction, pour un
très grand nombre d'entre eux, est saisonnier. Alors, ils disent: Quand
je suis prêt à démarrer mes travaux, je les pars avec les
gens que j'ai. Le temps qu'ils deviennent plus productifs et aient
appris les roulements du métier, bien souvent, on est déjà
rendus à la saison où il faut commencer à penser à
fermer le chantier.
Donc, il va être important - ça, c'est une des pistes
à laquelle on consacre énormément d'énergie et
d'attention - de nous assurer qu'on va pouvoir profiter des périodes
creuses pour que ces périodes-là soient maximisées, que
leur utilisation soit faite pour mieux préparer les vrais travailleurs
de la construction et, dans certains cas, les vrais entrepreneurs de la
construction aussi pour que, la saison suivante, le printemps prochain, les
gens soient mieux préparés. Alors, dans ce sens-là, j'ai
touché au travail au noir; je touche à la formation de la
main-d'oeuvre, je pourrais toucher à l'ensemble des recommandations.
C'est pour vous dire qu'on ne prend pas du temps pour tuer du temps, mais qu'on
prend du temps pour bien se préparer et pour bien répondre.
Pour faire un sommaire de tout ça, dans les meilleurs
délais, dans les semaines qui viennent, j'ai l'intention de
répondre, tel que prévu, à l'ensemble du rapport
Sexton-Picard. Ça vous va?
Une voix: Oui.
M. Bourdon: M. le Président...
Le Président (M. Bélanger): Si vous permettez, il y
a des règles de 10 minutes, de 15 minutes. Là, je ne les applique
plus. On marche et on finit à 20 h 30 avec l'adoption de tous les
programmes. Ça va?
Une voix: C'est cela.
Le Président (M. Bélanger): O.K.
M. Bourdon: ...je voudrais d'abord dire au ministre que je trouve
son analyse des problèmes de la construction correcte; je vais lui faire
une confidence, elle ne restera pas entre nous. J'ai été...
Le Président (M. Bélanger): On va aller en
arrière; je peux suspendre cinq minutes.
M. Bourdon: Non, non.
M. Cherry: J'admire ta discrétion.
M. Bourdon: J'ai été président de la
CSN-Construction...
Le Président (M. Bélanger): On peut suspendre cinq
minutes.
M. Bourdon: ...sept ans et j'ai quitté en 1979 pour
m'essayer à une convention de mon parti politique, convention où
j'ai embrassé l'asphalte, comme on dit. À partir de là,
à la Confédération des syndicats nationaux, j'ai
été au secteur des communications, donc peu en contact, à
part la participation aux instances du mouvement, avec la construction. Et,
étrange ment, depuis que je suis député, comme j'ai le
dossier du travail, je me suis retrempé dans les dossiers de la
construction.
Je vais vous dire ce qui me trappe, c'est qu'il n'y a rien qui a
changé; même les chiffres sont restés les mêmes.
Bien, de 1979 à 1991, ça fait 12 ans et, entre-temps, il y a eu
un gouvernement du Parti québécois et un gouvernement
libéral, donc, ce n'est pas une question partisane, il n'y a rien qui a
changé et, si on ne fait pas ce qu'il faut, le rapport Sexton-Picard va
rejoindre le rapport Cliche sur les tablettes, parce que la construction est
quasiment un domaine de l'anthropologie pour les universitaires, où on
peut admirer le libéralisme économique dans toute sa splendeur,
avec un encadrement légal, quand même, un encadrement
législatif et des règles, mais deux économies. La
construction, c'est l'ancienne Europe de l'Est, d'une certaine manière,
dans le sens qu'il y avait un système officiel et il y avait un
système officieux. Il y avait l'économie officielle et il y avait
l'économie officieuse. Le travail au noir dans la construction,
ça ressemble au travail au noir qu'il y avait en Pologne, en Hongrie et
qu'il y a encore en Union soviétique.
Dans ce sens-là, il y a une réflexion à faire. Je
vous donne des exemples. Quand j'étais président de la
CSN-Construction, je disais: Ça l'air gros; le salaire horaire est
à peu près de 20 $ l'heure. Mais en moyenne, on fait 1000 heures,
donc, ça fait 20 000 $, et c'est insuffisant. Mais je vous le dis,
là, en 1975, 1976, 1977 et 1978, c'était 1000 heures. Maintenant,
c'est 1000 heures, et c'est toujours 1000 heures. Le ministre a omis de
mentionner ce qu'il va faire, et je vais lui demander tout à l'heure de
répondre. Il ne faut pas oublier que Sexton-Picard, à l'origine,
c'était pour avoir un supplément à
l'assurance-chômage dans la construction. Je sais les difficultés
nombreuses que ça comporte parce que c'est une industrie qui est
cyclique, qui est saisonnière, qui est instable et où il y a des
mesures qui n'ont pas été prises depuis nombre
d'années.
Dans ce sens-là, s'ils mettent un programme de supplément
à l'assurance-chômage, ça corn-
porte des difficultés importantes. Je donne deux exemples que le
ministre va sûrement reconnaître tout de suite. Quand on parle de
débardeurs du port, de la mi-décembre à la
mi-février, il y a moins de bateaux dans le fleuve, ça se
contrôle assez bien et ça se quantifie bien. Quand on parle des
Travailleurs unis de l'automobile à Boisbriand, il y a de la
différence entre l'assu-rance-chômage et 90 %. Un changement de
modèle de GM, ça se planifie assez bien, et d'ailleurs, en
passant, l'économie de Boisbriand s'effondrerait actuellement s'il n'y
avait pas le supplément à l'assurance-chômage.
Dans la construction, c'est une autre paire de manches. J'ai
rencontré récemment les entrepreneurs en construction, et le
ministre avait raison de le dire: Le 23 avril, l'AEQ rencontre mon caucus et le
30 avril, la CSN-Construction, le Conseil des métiers et peut-être
la FTQ vont nous rencontrer à leur tour. Parce que, des deux bords de la
Chambre, si on peut le mettre de même, on voudrait essayer de faire
quelque chose qui règle quelques problèmes dans la construction.
Moi, je pense que Sexton-Picard le soulignait aussi, les 1000 heures par
année, ce n'est pas qu'il manque d'heures à effectuer, c'est que
c'est mal réparti. Et l'AEQ est de plus en plus consciente que, dans les
10 dernières années, il y a à peu près 70 % des
travailleurs de la construction qui sont partis. Ça doit être
parce qu'ils ne gagnaient pas assez bien leur vie. Et, pour les 1000 heures, M.
le ministre, avant qu'on me le dise, je sais que dans les métiers
mécaniques, il y a des gens qui travaillent 11 mois par année et
puis c'est une moyenne de 1000 heures. Mais si la moyenne montait à 1400
ou 1500 heures... Je vois le sous-ministre à votre gauche, et je l'ai
entendu le dire il y a 15 ans, et je le disais. On le sait. 1500 heures
à 20 $ de l'heure, ça fait 30 000 $, plus
l'assurance-chômage, plus la partie du travail au noir qui est faite par
les vrais gars de la construction, ça, ça suffit pour faire un
revenu plus que suffisant.
Alors, ça, je pense qu'il faut le regarder, mais il ne faudrait
pas que le gouvernement se mette de côté parce qu'il est client
pour près du tiers de tous les travaux de construction au Québec.
Parmi les ordres de solution qu'on envisage, il y a l'étalement des
travaux. Et le changement technologique le permet. Les bri-queteurs aiment
quasiment mieux travailler l'hiver que l'été parce que l'hiver,
avec ce qui recouvre maintenant l'immeuble où ils posent la brique, ils
sont chauffés; des fois, c'est mieux d'être chauffé
à 70° Farenheit, à 20° Celsius à peu près,
que d'être à 30° Celsius en plein été.
Et l'État ne planifie pas ses travaux pour plusieurs raisons. Une
des raisons, c'est que le Conseil du trésor est lent et capricieux
à rendre des décisions. Bon. Ça, on le sait, là.
N'importe quel député va vous le dire et n'importe quel
gestionnaire de la CSST va vous le dire. Quand quelque chose entre dans le
Conseil du trésor, ça entre bien, mais ça ne sort pas vite
de là. L'autre aspect, c'est que, quand il s'agit de travaux routiers et
de grands travaux, il y a des "games" politiques qui se jouent. On est entre
députés, on peut bien se le dire. Et à cet égard
là, le député d'Anjou, quand on a voté à la
vapeur la loi pour qu'il y ait huit kilomètres de la route 30 qui se
fassent pour empêcher que les gens de Châteauguay passent chez nos
frères amérindiens, René Serge Larouche, le
député d'Anjou, citait un extrait du rapport Durham qui
était éloquent, qui disait à peu près
textuellement: Les habitants du Bas-Canada ont un goût
immodéré pour les travaux publics, qu'il s'agisse de routes ou de
ponts. Et pour les députés, ça revêt une grande
importance pour être élu et réélu. Alors, à
cet égard-là, la planification des travaux... Ce que j'entends
par là, c'est que l'État à lui seul pourrait assurer
l'étalement des travaux dans la construction en faisant en sorte
qu'à part les routes où je connais les inconvénients que
ça cause l'hiver, on pourrait faire en sorte d'étaler les
travaux, ce qui pourrait permettre aux gars de la construction d'approcher 1400
ou 1500 heures.
Le ministre a parlé de formation professionnelle, le retard
commence à être criant. On a déjà eu à peu
près la meilleure main-d'oeuvre de la construction de l'Amérique
du Nord et, en passant, la mobilité de main-d'oeuvre vers les autres
provinces, et les États américains est de moins en moins grande.
Je ne chanterai plus à mes amis des unions internationales l'affaire de
Beau Dommage: "Ça ne vaut pas la peine de laisser ceux qu'on aime pour
aller faire tourner des ballons sur son nez." Mais toujours est-il qu'il y a
moins de mobilité et on commence à être en danger si on ne
forme pas mieux la main-d'oeuvre. Mais pour la former, il faut la retenir.
Si elle s'en va, là... N'importe quel employeur va vous dire: On
ne met pas de l'argent sur quelqu'un qui est un "fly-by-night"; ça
rentre, ça sort, et... À cet égard-là, j'ai
été étonné de constater que les employeurs n'ont
même plus de vraie réticence à accorder à leurs
employés l'ancienneté, à certaines conditions, une forme
d'ancienneté qui pourrait s'appliquer à la construction. Parce
que, ancienneté veut dire rétention de la main-d'oeuvre. Il
faudra mettre en cause aussi la préférence régionale
d'emploi. J'en parle à l'aise; je viens de l'organisation qui l'a
imposée pour protéger ses membres et protéger les
employeurs avec qui elle faisait affaires.
Mais l'économie s'est mondialisée et l'économie
québécoise s'est interrégionalisée, de telle sorte
qu'un gros entrepreneur de Chicoutimi, maintenant, ça fait des travaux
à Rivière-du-Loup et à Québec. Et l'empêcher
artificiellement d'amener sa main-d'oeuvre avec lui, il y aurait des choses
à réfléchir à cet égard-là.
Et, de but en blanc, en terminant, je pose
la question au ministre. Comme ce ne serait pas simple d'appliquer tout
de suite, rapidement et de but en blanc un système de supplément
à l'assurance-chômage, est-ce qu'il serait prêt à
envisager - parce qu'il envisage déjà, si je regarde tous ceux
qui l'entourent il y a une imagination débordante de ce bord-là -
d'avoir un programme intensif, réel, de formation professionnelle,
d'adaptation de la main-d'oeuvre et de recyclage pour favoriser la polyvalence?
Mon étonnement... Quand je dis qu'il n'y a rien qui a changé, les
acteurs, je pense, ont changé. Les gens savent ce que c'est la
polyvalence parce que, si tu poses de l'asphalte l'été et que tu
enlèves de la neige l'hiver, tu as un peu plus de sécurité
d'emploi que si tu as juste une carte. Et ça, à cet
égard-là, il y a une évolution sensible. Est-ce que, M. le
ministre, vous seriez prêt à envisager d'instaurer un programme de
supplément à l'assurance-chômage pour ceux qui suivent des
cours, pour ceux qui se recyclent? Autrement dit, je vous dis tout de suite
l'avantage que ça comporterait. D'abord, ça lancerait un
programme, et comme les partenaires avec le gouvernement se seraient, par
hypothèse, entendus sur un nombre de personnes à former et
à recycler...
On s'entend bien. Il y a de l'apprentissage et il faut former. Mais il
faut aussi recycler le travailleur qui en a besoin et qui pourrait
acquérir plus qu'une carte s'il en a juste une, et pour favoriser la
polyvalence. Et, à cet égard-là, est-ce que le ministre
"discarte" du revers de la main ou s'il trouve qu'il y aurait de l'allure
à dire qu'un programme de supplément à
l'assurance-chômage pourrait s'adresser aux travailleurs en formation par
recyclage?
Parce que, je dis tout de suite, en termes de contrôle, l'avantage
que ça comporte. Si on ouvre, je ne sais pas, moi, 10 000, 11 000, 12
000 places pour des cours - j'exagère, là, avec la bureaucratie
qu'il y a quand on fait de l'enseignement de n'importe quelle sorte au
Québec, ce ne serait pas aussi simple - et que ceux qui les suivent ont
un supplément à l'assurance-chômage, on contrôle la
dépense, on dit: On en admet tant et ceux qui suivent... Et en passant,
on pourrait demander que, comme en Ontario, le fédéral contribue.
Ce n'est pas parce qu'on est francophones, pour le temps qu'il nous reste
à rester dedans, ils pourraient payer en partie pour...
M. Cherry: . notre tour d'être francophones... (17 h
30)
M. Bourdon: Oui. Ils pourraient payer en partie pour ça.
Alors, je pense que c'est une autre chose. Est-ce que le ministre a fait un peu
de réflexion, aussi - je déborde un peu de Sexton-Picard - sur le
problème de l'apprentissage, qui est grave aussi. Parce que, comme
l'apprentissage dans la construction comporte un pourcentage croissant du
salaire normal, mais qu'il n'y a pas de formation professionnelle en route, il
y a deux phénomènes Premièrement, l'employeur dit: Je veux
bien passer jusqu'à 80 % du salaire, mais il faudrait que le rende ment
de l'employé s'améliore; et pour ça, il faudrait qu'il
suive des cours. Et puis, ce n'est pas à l'employeur de lui donner des
cours. Ça, je suis assez d'accord avec les patrons à cet
égard Mais pour ça, donc, il faut entrer la dimension formation
professionnelle. Parce que l'idée du pourcentage, c'est de dire que le
pourcentage est croissant parce que l'habileté et la compétence
sont croissantes, donc il y a une certaine justice à payer mieux. Et
puis, en plus, dans la construction, quand on peut payer moins cher, on paie
moins cher.
Alors, je m'excuse, M. le Président, j'ai peut-être
été un peu long, mais moi, il me semble que sur
l'étalement des travaux par le gouvernement, j'aimerais ça avoir
un engagement du ministre quand il sera capable de le prendre Par ailleurs, le
supplément à l'assurance-chômage pour ceux qui suivent des
cours, si on veut vraiment faire quelque chose dans la formation
professionnelle, je pense que ça compterait. Puis, en tout cas, je vais
commencer avec ces deux-là, puis après ça, je reviendrais,
si le ministre me le permet, sur le travail au noir qui est comme un cas en
soi.
M. Cherry: O.K. Évidemment, là, comme je me dois,
je l'ai dit tantôt, de présenter l'ensemble de mes réponses
aux 62 recommandations au Conseil des ministres, c'est bien certain que,
là, si tu sors la 39 ou la 19 ou la 22, et puis je veux dire quoi...
Donc, O.K.
Mais, ceci étant dit, permets-moi, Michel, de dire que - et
ça, là, il n'y a aucun doute dans notre esprit, je pense que
ça va s'annoncer comme ça - la formation de la main-d'oeuvre, le
recyclage, le réentraînement, c'est une priorité. C'est une
priorité pour les travailleurs comme pour les entrepreneurs. Ils sont
rendus au stade critique.
Et un exemple que je n'ai pas abordé, mais qui se rattache
directement à ça, et que tu aurais pu également faire,
c'est que 85 % des entrepreneurs dans l'industrie de la construction ont cinq
travailleurs et moins. Donc, on ne peut pas s'attendre à ce qu'un
entrepreneur qui a cinq travailleurs et moins, et puis il y en a 85 %...
M. Bourdon: ...paie leur formation...
M. Cherry: ...dépense de l'argent pour faire la formation
de sa main-d'oeuvre. Il n'est même pas certain combien de temps il va
l'avoir, puis s'il va la garder l'année prochaine et l'année
d'après. Donc, à l'intérieur de ça, il est bien
évident, Michel, qu'on se dirige vers quelque chose qui va prendre soin
de ça.
Il y a également aussi, parmi l'ensemble des
métiers là, on aurait pu en faire la liste, mais on va
dire qu'il y en a tout près de 30, si on veut. J'ai découvert,
avec mes rencontres - on va prendre les gens de la CCQ, entre autres - qu'il y
a certains corps de métier où n'a jamais existé de type de
formation. Tu apprends ça sur le tas, au fur et à mesure que tu
fais la job.
Alors, il me semble que, tu sais, il y a des choses, là... Et
c'est pour ça que c'est un problème avec une dimension
très large, et j'ai l'intention d'y répondre dans ce
sens-là en disant, d'abord, ça fait partie... Et la formation est
une priorité dans ce sens-là: recyclage,
réentraînement, formation.
Quant aux jeunes travailleurs, ceux qui veulent y adhérer, on a
annoncé des programmes des écoles hier. En d'autres mots, ce qui
existait avant, les fameuses écoles des métiers de la
construction qui ont existé, tu as raison, les travailleurs s'en
rappellent. Ils disent que c'était la fierté à
l'époque. Quand tu parlais de quelqu'un qui était issu du milieu
de la construction de la province de Québec, ses services étaient
recherchés non seulement au Canada, mais souvent dans des États
américains. Et puis, on sait combien de Québécois ont fait
leur réputation, pour leur qualité de travail dans l'État
de la Floride, par exemple, ou ailleurs, puis ils ont même
été recherchés à l'étranger.
Donc, dans ce sens-là, c'est important qu'on le fasse et on va
s'y adresser de façon, je pense, très très
méthodique. Ça, là-dessus, on se rejoint de façon
très précise.
Tu voulais parler de quelque chose, du travail au noir, toi?
M. Bourdon: Du supplément à
l'assurance-chômage, est-ce que vous envisageriez de le donner à
ceux qui suivraient des cours, si vous ne le donnez pas à l'ensemble?
Moi, je pense que votre promesse, c'était de le donner à
l'ensemble, mais mettons que vous songeriez à modifier votre promesse
rétroactivement, ça s'est vu en politique...
M. Cherry: Ah oui! Comme quoi par exemple?
M. Bourdon: Bien, par exemple, des travailleurs qui se
recyclent...
M. Cherry: Un budget avant un référendum, et puis
un autre après, non? Pas quelque chose dans ce genre-là, non? Vu
qu'on...
M. Bourdon: Non, non, non. Mais écoutez, j'avance
librement cette idée, puis je ne m'attends pas à ce que le
ministre s'engage ce soir. Je dis que le supplément à
l'assurance-chômage, s'il ne s'applique pas à l'ensemble,
pourrait-on envisager qu'il s'applique aux travailleurs qui se recycleraient,
qui suivraient des cours de formation professionnelle? Je veux laisser au
ministre le temps d'y penser, je ne m'attends pas à ce qu'il dise oui
comme ça, de but en blanc. J'ajoute une chose, en formation
professionnelle, méfiez-vous du ministère de l'Éducation;
c'est une bureaucratie redoutable. C'est pire que le Conseil du trésor.
Tu entres un doigt là-dedans et tu te fais passer toute la main, tout le
bras.
Parce que je commence à connaître ça, la formation
professionnelle. Un gars de Vickers qui veut sa carte de soudeur et que le
ministère de l'Éducation veut empêcher de suivre le cours
pour la seule raison qu'il a passé l'examen d'équivalence en
mathématiques, qu'il a passé l'examen d'équivalence en
français, mais qu'en anglais, il a l'équivalent du secondaire III
et leur norme est le secondaire IV. Bien, jusqu'à temps que tu trouves
quelqu'un à la commission scolaire qui dit: Bien, bâtard! on va
mettre secondaire IV en anglais sur sa feuille et on va lui faire suivre le
cours.
Mais le travailleur en question qui avait subi la fermeture de Vickers,
M. le ministre, il voulait souder. Pour être honnête, je
préfère un soudeur avec qui ma galerie va rester là, mais
qui n'est pas parfait en anglais, qu'un parfait bilingue et avec qui la galerie
s'écroulerait. Mais essayer d'expliquer ça au ministère de
l'Éducation, c'est infernal parce que la norme existe par et pour
elle-même. C'est une norme. Et c'est la même logique que le Conseil
du trésor quand il parle de rémunération des
employés, c'est une logique bureaucratique classique. C'est qu'il y a
une boîte, et si un pied dépasse de la boîte, on coupe le
pied et on dit: À la longue, le propriétaire du pied va
s'habituer à l'absence de son pied.
En termes de formation professionnelle, vos écoles, je trouve
ça prometteur. Rapprochez-vous des parties pour que ça se fasse,
et pas sur le tas, l'idée n'est pas là. Il faut que ça se
fasse avec une formation théorique, une formation théorique et
pratique, avec toutes les ressources de la technologie moderne. Je ne veux pas
dire de faire ça à la mitaine, M. le ministre, mais
méfiez-vous du ministère de l'Éducation. Pas parce qu'ils
sont méchants, parce qu'ils sont 5000 à administrer, eux autres.
N'oubliez pas qu'en formation professionnelle au Québec, actuellement,
d'après M. Claude Béland au Forum pour l'emploi, il y a 12 000
fonctionnaires d'impliqués. 12 000 fonctionnaire d'impliqués
à un titre ou à un autre dans la formation professionnelle, c'est
un nombre de fonctionnaires bien trop élevé pour la santé
du secteur en question. Parce que ce n'est pas de la...
Ce que je veux dire, c'est qu'il ne s'agit pas d'administrer la
formation professionnelle, il faudrait qu'il y en ait. À cet
égard, je pose la question: Est-ce que vous avez sondé les
employeurs pour savoir s'ils seraient prêts à contribuer, parce
que, pour revenir à votre exemple de l'entreprise qui a cinq
employés, c'est une évidence que ce n'est pas une taille
d'entre-
prise où Hs peuvent payer la formation en emploi ou la formation
professionnelle à leurs salariés, sauf que je donne un chiffre
juste aux fins d'illustrer mon propos: S'ils devaient payer 0,20 $ de l'heure
pour la formation professionnelle en général et que ça
représentait 2000 $ par année pour un petit entrepreneur de cinq
salariés, il est certainement capable d'y faire face. Ce que je veux
dire par la, c'est que, s'il faut financer la formation professionnelle,
envisagez-vous de la faire financer en partie par l'ensemble des entrepreneurs
de la construction? Parce que l'État devrait mettre de l'argent aussi et
les salariés ne veulent pas en mettre. Je les comprends. Et les
employeurs aussi ont la même réticence. C'est que tout ce
monde-là paie des impôts. Mais si jamais ça accrochait au
Conseil du trésor, est-ce qu'il y a des possibilités à cet
égard-là?
M. Cherry: Encore un fois, l'habileté proverbiale de mon
collègue pour tenter de me faire sortir à la pièce un des
items...
Permettez, M. le Président, un parallèle concernant la
formation de la main-d'oeuvre, sur une expérience que j'ai bien
vécue avant de me joindre aux responsabilités que j'ai à
l'heure actuelle. Au mois de janvier dernier, le ministre de l'Éducation
est allé annoncer dans l'est de Montréal la première
école pour les métiers de l'aérospatiale au Québec.
Évidemment, c'est un secteur dans lequel j'ai oeuvré toute ma
vie. On cite ça comme modèle; on dit que c'est le CAMAQ, le
Centre d'adaptation de la main-d'oeuvre aérospatiale du Québec
qui a été le propagandiste de la nécessité de cette
école-là. Le CAMAQ est un organisme qui regroupe tous les
syndicats, tous les patrons, et qui s'allie à des gens sur des dossiers
bien particuliers, mais qui garde constamment la maîtrise de son
affaire.
J'ai eu l'honneur et le privilège d'être le premier
vice-président fondateur de CAMAQ de 1978 jusqu'en 1989. Je l'ai
quitté pour accepter les responsabilités qui sont les miennes
maintenant. C'est un succès, et le modèle de
l'aérospatiale qui a été annoncé en janvier a
maintenant été suivi. On est allés à l'école
Pierre-Dupuy en mars pour annoncer certains métiers de la
métallurgie, et tout ça, et hier, on annonçait les trois
écoles du secteur de la construction. Chaque fois, ça se fait en
très très très étroite collaboration avec ceux qui
sont impliqués dans l'industrie.
Ça va même, dans le cas de l'industrie aérospatiale,
jusqu'à être géré par les entreprises et les
syndicats. La Commission des écoles catholiques de Montréal a
fourni les locaux, il y avait une école qui était
sous-utilisée ou presque fermée et il y avait même... Je
veux dire que, pour le contenu des cours, les professeurs, ce sont les
même entreprises qui doivent libérer des gens compétents
dans certains domaines pour assurer qu'on va pouvoir donner du contenu qui va
coller à la réalité. En d'autres mots, quand le
travailleur va être passé là, il va pouvoir vraiment saisir
l'aspect pratique de ça.
M. Bourdon: Même chose pour la pétrochimie dans
l'est, le cégep Maisonneuve en fait.
M. Cherry: Oui, oui, Michel; ça va même plus loin
que ça. Je vais prendre un secteur que je connais bien, mais qui, je
pense, va illustrer jusqu'où on peut, quand on travaille ensemble,
accomplir des choses vraiment importantes. On se plaignait du taux de
chômage; on se souvient de la période 1977-1978 et du haut taux de
chômage au Québec. Et pendant ce temps-là, le secteur de
l'aéronautique devait aller recruter des compétences a
l'étranger. Et on avait des ingénieurs ici, au Québec, qui
se plaignaient de manquer de travail.
Ce qu'on a identifié, M. le Président, à
l'époque - et je le dis pour mon collègue aussi - c'est qu'au
Québec, quand on se plaignait dans l'industrie aéronautique qu'on
n'avait pas d'ingénieurs québécois dans ce
secteur-là et qu'on allait recruter à l'étranger, on s'est
aperçu qu'il n'y avait au Québec aucune université qui
donnait la formation nécessaire pour accéder à ça.
Donc, c'était bien clair que chaque fois que l'industrie de ce
secteur-là en avait besoin, il fallait qu'ils aillent recruter, ils
allaient en France, ils allaient en Angleterre, ils allaient ailleurs et ils
recrutaient.
Et s'ils passaient après Boeing qui avait passé
l'année d'avant, ils ramassaient ceux qui restaient et ils le faisaient
comment? Bien souvent, les gens de ces pays-là avaient l'obsession de
l'Amérique du Nord. Ils prenaient une job au Québec, au Canada,
mais il ne se passait pas bien bien de Noëls sans qu'ils aillent passer
leurs vacances à Seattle et se "pogner" une job dans ce bout-là.
On a modifié, aujourd'hui. Il y a cinq institutions de haut savoir au
Québec qui donnent de la formation. On va même dans certaines
spécialités où on a donné des bourses
d'études à des gens d'ici qui sont allés se parfaire en
Europe, par exemple pour les matériaux composés. O.K.? Parce que
c'est très important, pour revenir ici et l'enseigner.
Mais des gens du milieu, Michel, de l'en seignement, des gens du milieu
de l'entreprise privée, des ingénieurs dans cette
spécialisation-là sont allés là-bas parfaire leur
formation et sont revenus ici avec l'engagement de communiquer leurs
connaissances. Et c'est quoi, le résultat, aujourd'hui? À peine 3
% des ingénieurs dont on a besoin dans le secteur de
l'aéronautique doivent être recrutés à
l'étranger. Donc, il y a eu des moyens et c'est ce qui fait que
l'école d'aérospatiale a été suivie par celle de
chez Pierre Dupuy dans les métiers de soudure; et hier, on a
enchaîné avec les trois écoles de la construction. Tout
ça exige une implication des gens du milieu.
Ce n'est pas sous l'égide du ministère de
l'Éducation et des commissions scolaires. En d'autres mots,
permettez-moi, ce n'est pas un professeur de catéchèse qui va se
ramasser professeur, ce n'est pas ça "pantoute". On va avoir des gens
qui ont une connaissance et une compétence et qui vont la partager.
C'est dans ce sens-là qu'hier, on a annoncé les trois
écoles. Et, seulement ce qu'on a annoncé hier, les trois
écoles, ça crée 1700 nouvelles places-années, sans
compter le recyclage et le réentraînement dans le réseau du
Québec. Et ça s'est fait en étroite collaboration avec les
entreprises et les organismes syndicaux.
M. Bourdon: Ce que je voudrais demander au ministre à cet
égard, M. le Président, les écoles dont il parle, ce sont
des pas dans la bonne direction, mais si on définit que, par
hypothèse, il y aurait 60 000 travailleurs de la construction qui
devraient élargir leur champ de connaissances, acquérir plus
qu'un certificat, qu'une carte de compétence comme on dit encore,
ça représenterait 10 000 ou 12 000 personnes par année
à passer par des écoles ou en recyclage. Est-ce qu'il y a la
capacité physique et financière de la part du gouvernement de
faire un effort de cet ampleur-là? On parle des pays en avance sur
nous-autres, et, au Québec et au Canada, en matière de recherche
et de développement, on est en-dessous des États-Unis, de
l'Europe de l'Ouest et du Japon, mais en matière de formation
professionnelle, on a un retard très considérable. (17 h 45)
Vous me parlez, M. le ministre, de 1700 places; c'est
intéressant, mais c'est une goutte d'eau dans la mer. Dans le fond, ce
que je voudrais aussi savoir du ministre, c'est si on va avoir avant la
fête nationale - et donc, bien avant le référendum sur la
souveraineté qui a l'air de vouloir être retardé d'au moins
un an - un échéancier pour un programme complet de formation
professionnelle, de recyclage dans la construction pour faire en sorte qu'on se
requalifie à ce égard-là? Et le ministre n'a pas
répondu - il a dû l'oublier - est-ce que le gouvernement va faire
quelque chose pour ce qui est de l'étalement des travaux de
construction? Est-ce qu'il a des choses pratiques qui s'en viennent à
cet égard-là?
M. Cherry: Moi, j'ai la conviction, Michel, que de la
façon dont on va répondre à l'ensemble des recommandations
de Sexton-Picard, on devrait trouver là des réponses dans le sens
qu'on le souhaite.
Travail au noir
M. Bourdon: Et je voudrais, M. le Président, vous parler
du travail au noir. D'après une étude réalisée par
le Conseil du patronat, 31, 5 % des activités du secteur de la
construction, 17, 6 % des services de garde d'enfants et 10, 8 % des services
d'entretien domestique sont effectués de façon illicite. On dit
qu'au Québec, le travail au noir représente au moins 1, 4 % du
produit intérieur brut au Québec.
Alors, pour la construction, 30 % est un chiffre qui est dur à
valider d'une certaine manière, parce qu'on évalue la
clandestinité. C'est toujours dur de quantifier la clandestinité,
sauf qu'on sait qu'il y a une énorme propension au Québec
à déplacer la construction d'habitations neuves vers la
rénovation, et la rénovation, c'est le domaine par excellence du
travail au noir. Ça, c'est connu. Et à cet égard, j'ai une
couple de questions à poser au ministre. Est-ce qu'il y a des mesures
concrètes pour combattre le travail au noir? Ça, c'est une
première question. Est-ce que ces mesures-là prévoient
d'utiliser à la fois la carotte et le bâton? Parce que vous savez
qu'il y a des pays où il y a eu des maquis et, quand on veut en finir
avec la guerre civile et le maquis, on intègre les maquisards dans
l'armée régulière. C'est une façon de passer
ça. On ne peut pas penser que la répression à elle seule
va réussir à régler le problème parce que le
contrôle n'est pas facile.
Et, autre aspect qui intéresse beaucoup les syndicats de la
construction: Est-ce que le ministre va revoir la loi où les syndicats
ont fait une concession il y a quelques années? On a dit: O. K., quand
une personne seule travaille dans une maison qui n'est pas neuve, c'est exclu
du champ d'application de la construction. C'est rendu que les personnes seules
sont associées à 30 sur un édifice à bureau,
mettons. 30 personnes seules! On a beau dire que c'est tout seul qu'on est le
plus nombreux, il y a là comme un problème. Est-ce que le
ministre entend donner un peu de dents à sa loi? On a ouvert une porte
et la porte s'est ouverte comme plus grande. J'ai lu des communications
d'associations patronales régionales qui disaient: Appelle à tel
numéro et on va l'expliquer comment cette loi-là peut être
interprétée pour faire entrer un paquet de monde dans la
construction. Écoutez, soyons clairs, à l'égard du
travail au noir, la portée intentionnelle de la loi était:
Si le député de Sainte-Anne fait peinturer le sous-sol de sa
maison, il a le droit d'engager une personne à des conditions
mutuellement convenues. Mais là, c'est parce qu'à coup d'une
personne, on introduit ça sur les grands chantiers. Dans ce
sens-là, c'est une partie du travail au noir qui est dans un no man's
land légal, et on sait comment la Commission de la construction a du
plaisir quand elle doit naviguer dans des no man's land; ce n'est pas simple.
Est-ce que le ministre a l'intention de nous arriver avec des amendements
à la loi à cet égard-là?
M. Cherry: La façon dont on entend y
répondre... Encore une fois, je reconnais son amabilité et
son habileté, mais je vais résister à la tentation d'y
succomber. Je n'ai pas l'intention de... Mais il a raison, c'est une
préoccupation. Le travail au noir pour la rénovation, c'est vrai
que ça fait partie de ça. Si ma mémoire est fidèle
- elle pourrait être corrigée - on me disait que dans certains
cas, par exemple, était reconnu comme de la rénovation... Il me
semble que les gens se réfèrent à ça. Ils disent:
Bien, quand tu finis ton sous-sol de bungalow... Bien ça, c'est quand
toi, tu fais des travaux pour toi. O.K.? Mais quand il est question de...
Même si t'es propriétaire. Si t'es propriétaire d'une
maison à huit logements, c'est juste quoi? Là, je pense que c'est
tout ça, Michel, qu'il faut regarder, c'est toute cette
approche-là, pour définir les règles du jeu, pour
définir la qualification des entrepreneurs, et ceux de la construction
aussi. Je pense que ça fait référence un peu à ce
que tu expliquais tantôt, là. On veut s'y adresser de la
façon la plus globale possible, des deux côtés de la
médaille, pour donner une chance aux vrais travailleurs et aux vrais
entrepreneurs.
M. Bourdon: Maintenant, M. le Président, je voudrais
ajouter deux questions, dans le fond. Est-ce qu'on a étudié, au
ministère du Travail, récemment, le phénomène du
travail au noir? Je pense à la construction, mais on peut penser
à l'Industrie du taxi où il y en a un certain nombre. Puis, je
vois dans les crédits que vous avez du monde qui voyage en taxi,
là, et tant mieux pour les chauffeurs de taxi. Ce n'est pas ça,
l'idée, mais est-ce...
M. Cherry: T'es pas contre ça? M. Bourdon: Pas du
tout M. Cherry: Pas du tout.
M. Bourdon: Pas le moins du monde et...
M. Cherry: Ah! Je savais qu'on finirait par être d'accord
sur quelque chose.
M. Bourdon: Je suis partisan de la syn-dicalisation des
chauffeurs de taxi, puis j'ai espérance qu'un jour, vous convainquiez
votre collègue de la Santé et des Services sociaux de la
pertinence de permettre la syndicalisation des chauffeurs de taxi.
M. Cherry: Est-ce qu'il prend des taxis pour les
hôpitaux?
M. Bourdon: Non. C'est que je pense qu'il a des amis dans le
taxi, puis c'est un homme qui est fidèle en amitié. Mais sur le
travail au noir, est-ce que le ministère a fait ou entend faire des
études un peu plus pointues que ce qu'on a? Parce que je soulignerai au
ministre qu'il n'y a pas que la construction. Dans le vêtement, du
travail à domicile, il y en a en masse. Et je vais vous dire, il y a
comme une résistance des organismes officiels à intégrer.
Moi, j'ai eu une entrepreneure qui est venue me voir, dans mon comté, et
elle voulait cesser de faire faire du travail au noir dans le vêtement.
Son domaine, c'est le vêtement. Bien, quand elle a traité avec la
CSST, je m'excuse, ça n'est pas parce que... Le ciel lui est
tombé sur la tête dans le sens qu'elle prétendait qu'on
devrait trouver quelque chose, parce que ça n'avait pas de bon sens
d'assujettir à la CSST des gens qui travaillent chez eux et qu'en cas
d'accident, ça créerait des problèmes insolubles. Quand
les gens travaillent chez eux, me disait-elle, ça peut être la
femme qui, officiellement, est à l'emploi, mais ça peut
être le mari qui fait l'ouvrage pendant qu'elle est partie ailleurs, et
autre chose. Puis est-ce qu'on peut avoir beaucoup d'accidents chez soi? Bon.
Elle posait le problème.
Mais, ce que je veux dire, et je n'adresse pas de reproche
spécifique à la CSST: Est-ce qu'il y a quelque chose,
éventuellement, qui va être étudié pour permettre
aux gens qui travaillent en dehors de l'économie officielle de
réintégrer l'économie officielle? Et puis ça, ce
n'est pas simple. L'Australie a fait une expérience probante. Ils ont
annoncé que, pendant un an, ils donneraient l'amnistie à ceux qui
fraudaient le fisc, entreprises et individus, et qu'après un an,
ça revolerait. Ils ont ramassé des milliards, et ils les ont mis
en règle. Mais ils ont commencé par amnistier, parce que
l'amnistie, c'était la carotte, ce n'était pas le bâton.
Une entreprise où le comptable dit: Un jour, vous allez vous faire
"pogner" pour 500 000 $. Et on dit L'amnistie, et tu ne le fais plus jamais Et,
en se faisant amnistier, ils s'Inscrivent pour être surveillés
pour ne plus le faire. Est-ce qu'on envisage des mesures? Puis qu'est-ce que le
ministre pense des recommandations de Sexton-Picard qui traitent
spécifiquement du travail au noir?
M. Cherry: Parmi les pistes de solutions que je peux
déceler dans ce que tu soulèves, c'est que ça ne se limite
pas exclusivement, je pense bien, si je t'ai bien compris... Le travail au
noir, c'est important dans Sexton-Picard. C'est une partie importante. Je pense
bien qu'on l'a commenté, là, et on peut commenter davantage. Ce
que tu m'indiques, Michel, c'est que ça ne se limite pas uniquement
à l'industrie de la construction, mais que ça va dans d'autres
domaines. Et parmi les solutions qui sont envisagées, je suis bien
convaincu que, pas seulement la CSST, mais le ministère du Revenu aussi
pourrait être une façon d'identifier, de régulariser, tu
sais? Je pense que c'est l'ensemble de tout ça qu'il nous faut
regarder.
Commission de la construction
M. Bourdon: Maintenant, pour rester dans la construction, M. le
Président, j'adresserais une question au président de la
Commission de la construction du Québec, qui est une question directe,
là, parce que je ne veux pas convaincre le ministre de l'existence du
problème, je sais qu'il s'en occupe, mais des fois, ce n'est pas simple.
Alors, je demanderais à M. Fournier, avec la permission du
ministre...
M. Cherry: Tu me la donnes, si je commence, je commence...
O.K.?
Financement
M. Bourdon: O.K. Alors je voudrais savoir, en matière
d'apprentissage, de formation professionnelle, en vote d'allégeance
syndicale, à combien, à la Commission, ils estiment que le
gouvernement devrait verser à la Commission de la construction du
Québec pour que les employeurs et les employés de la construction
ne paient pas des impôts pour faire faire des choses, et des
contributions à la CCQ pour les faire faire une deuxième fois?
Alors, c'est la question que je vous avais...
M. Cherry: Oui. C'est un secret qui, à mon avis, est au
mérite des gens de l'industrie de la construction, des entrepreneurs et
des travailleurs. Ils sont prêts a prendre en mains de bonnes
responsabilités dans ce sens-là, et je pense qu'il ont besoin
d'être aidés, là, tu sais, encadrés, quoi.
M. Bourdon: Mais M. le ministre, ce sur quoi j'insiste, c'est que
je vois M. Des Trois-Maisons qui vous accompagne, il a déjà vu ou
supervisé ou entendu parler de vote d'allégeance syndicale.
Ça existe, ça, au Québec, et c'est payé à
même nos impôts. Pourquoi pas dans la construction? Ils paient des
impôts eux autres, les employeurs et les travailleurs. Le vote
d'allégeance qui représente une couple de 100 000 $, me dit-on,
si ce n'est pas plus, ils se le paient à même des contributions
qu'employeurs et employés mettent pour appliquer le décret qu'ils
ont négocié - ou qui leur a été imposé,
là, c'est la mode - n'empêche, pour appliquer leur conditions de
travail. Et les carnets d'apprentis, si je ne me trompe pas, c'est la
Commission de la construction. À combien - et si je peux passer à
travers le ministre pour m'adresser à la Commission de la construction
du Québec - je voudrais savoir, elle est de combien, la
réclamation? Ils ne sont pas rendus en cour comme la CSST, eux autres,
mais combien demandent-ils pour les mandats publics dont ils s'acquittent?
M. Cherry: Mais je pense, Michel, qu'il ne faudrait pas non plus
sous-estimer l'étroite collaboration qui existe entre le
ministère du Travail et l'organisme et tout le secteur de la
construction. Moi, je peux dire qu'on fait beaucoup beaucoup... En tout cas,
moi, ça fait un peu plus que cinq mois que je suis au ministère
du Travail et je t'avoue... Tu pourras me dire que c'est à cause de
Sexton-Picard et d'autres - et d'ailleurs, je le dis aux travailleurs et je ne
le leur reproche pas; c'est un constat que je fais - je dirais qu'au
moins-Même si c'est important, là, les travailleurs de la
construction représentent 5 % de la force globale de l'ensemble des
travailleurs du Québec. Mais moi, chez nous, depuis que je suis
là, j'y consacre au moins 50 % de mon temps. Tu sais, mon monde
travaille, et ça, ça fait partie d'une série de services
qu'on leur rend. Il y a des particularités qui leur sont propres,
même dans le Code du travail. Tu parles du Code du travail, et
après ça, tu parles du secteur de la construction. Je voudrais
dire aussi que, dans le cas de ce qui s'appelle le décret de la
construction, tu sais, une grande partie des choses sur lesquelles les parties
entre elles se sont entendues font partie, là... Le gouvernement publie
et ça devient le décret. Depuis que je suis là, j'ai eu
à quatre ou cinq reprises à modifier le décret à la
suite des ententes convenues entre les parties. Vous allez me dire: Tu sais, on
travaille en étroite collaboration...
M. Bourdon: M. le Président, tout ça est parfait,
mais ma question, c'est: Combien? Combien la Commission de la construction
réclame-t-elle du gouvernement pour les mandats publics dont elle
s'acquitte?
M. Cherry: Tu t'occupes de ça, Alcide, cet
aspect-là?
Le Président (M. Bélanger): Alors, si vous voulez
vous identifer, s'il vous plaît, pour les fins de transcription au
Journal des débats.
M. Fournier (Alcide): Alcide Fournier, président-directeur
général de la Commission de la construction du Québec. La
demande qu'on avait adressée au gouvernement était à
partir du budget de 1989. On avait prévu dépenser pour les
différents mandats d'ordre public, ce qui va au delà de la
formation et de la qualification de la main-d'oeuvre... On avait demandé
une somme de... (18 heures)
M. Bourdon: Avez-vous la liste des mandats publics, de
mémoire?
M. Fournier: C'est-à-dire que je peux vous donner la liste
des choses qu'on avait demandées.
M. Bourdon: O.K.
M. Fournier: Alors, il y avait les frais du
comité de formation professionnelle de l'industrie de la
construction, la mise à jour des devis de formation pour chacun des
métiers, la mise à jour ou la fabrication - dans les deux cas -
des devis d'apprentissage pour chacun des métiers, l'opération
d'estimation des besoins en main-d'oeuvre et de la main-d'oeuvre -
c'est-à-dire l'opération quantitative et qualitative -
l'organisation des cours et le suivi de l'apprentissage.
Alors ça, c'était la partie formation, qui faisait un
montant de 5 500 000 $. Dans la deuxième partie, identification des
salariés, la reconnaissance des formations - c'est-à-dire mettre
sur pied l'opération des acquis "expérien-tiels" -
l'émission des certificats de compétence, les carnets
d'apprentissage, la gestion du carnet d'apprentissage, la mise à jour
des fichiers du MMSR, la diffusion d'information, les salariés
occasionnels, la mise à jour des bassins de main-d'oeuvre, la
référence de main-d'oeuvre - ces deux items-là concernent
l'application du règlement de placement - et le vote d'allégeance
syndicale.
Alors, pour les dépenses réelles, la demande était
de 12 000 000 $. La dépense réelle en 1989 a été de
9 199 000 $.
M. Bourdon: Vous dites en 1989, 9 000 000 $, près de 10
000 000 $, c'est ça? Est-ce qu'on pourrait avoir le dépôt
de ces documents-là? Je ne sais pas si...
Le Président (M. Bélanger): Juste pour des
questions pratiques, on va avoir les galées. Comme il y a quatre
commissions qui siègent et qu'on est la plus lointaine, ça peut
prendre quelques jours de délai, au maximum une semaine, vous allez tout
avoir dans les galées.
M. Bourdon: O. K., ça va. Donc, c'est une facture de 17
500 000 $. Je voudrais savoir du ministre: Où en sont les
démarches avec le Conseil du trésor pour rembourser
ça?
M. Cherry: C'est en gestation.
M. Bourdon: O. K. Alors, je souhaite bonne chance à la
Commission de la construction. Mais M. le ministre, puisqu'on parle de
ça, pour rester sur le même sujet, avant de passer à
l'aspect spécifique de l'ensemble des mandats de la CSST, j'aimerais
vous poser une question similaire pour ce qui est de la CSST. Pour
l'inspection, est-ce qu'il va y avoir une entente à l'amiable entre le
gouvernement et l'organisme qui dépend de lui pour les sommes assez
appréciables qui sont réclamées par la CSST?
M. Cherry: On a eu un exercice, cet après-midi, en
Chambre, à cet effet-là. Vous comprendrez qu'à partir du
moment où une chose comme celle-là est devant les tribunaux, je
fais confiance au système judiciaire.
M. Bourdon: Mais, M. le Président, on ne
répétera pas la cachette de Norsk Hydro pour ce qui est de la
CSST dans l'étude des crédits Comme disait ma vieille grand
mère: Wo! les moteurs! La question est la suivante: Les
établissements industriels et commerciaux au Québec sont
visités par des inspecteurs pour s'assurer qu'il n'y a pas de gens qui
se tuent. La CSST a ce mandat public et ce n'est pas aux employeurs à
payer pour ça, c'est normalement payé à même le
fonds consolidé de la province. Moi, la question que je pose, c'est...
Je ne suis pas sûr, qu'à l'origine, c'était le meilleur
endroit où envoyer l'inspection, à la CSST, simplement sous
l'angle que, déjà, la compensation des accidents est quelque
chose de très considérable. Je soupçonne que les
gouvernements - j'inclus ceux du Parti québécois - avaient
l'arrière-pensée de confier l'inspection là, parce qu'il y
a de gros budgets et qu'on peut toujours se décharger de ses
responsabilités.
Au niveau de la philosophie que ça comporte, M. le
Président... Ça comporte des problèmes de demander
à un organisme entièrement financé par les employeurs -
dans le cas de la CCQ, c'est moitié par les employeurs, moitié
par les salariés, mais c'est de même nature - d'assumer des
fonctions qui sont des fonctions d'ordre public, des mandats publics, puis qui
devraient être payées. En plus, il y a un problème, je
pense, de conflit d'intérêts possible parce que les employeurs qui
financent la CSST se trouvent à financer leur propre inspection. Ce
n'est pas leur faire injure que dire que, dans un quartier
délabré de Montréal, on ne cotise pas les "pushers" pour
que la police vienne les arrêter, au besoin. Alors, c'est
là-dessus, M. le ministre, que je voudrais savoir si l'inspection qui,
quant à moi, pourrait se faire au ministère du Travail... Le
ministère du Travail, M. le ministre, regardons ça, il a perdu
des plumes depuis 10 ans, il a perdu énormément d'effectifs et de
moyens. Il a perdu la main-d'?uvre puis il a perdu plus ou moins... C'est
arrivé sous le Parti québécois... Ça, c'est
sûr...
M. Cherry: Ah bon! On constate ça comme une perte,
quoi?
M. Bourdon: Non, non, mais je n'étais pas là. Moi,
je pense que ça a été une perte, effectivement. Puis je ne
sais pas, dans mon parti, la décision qui se prendrait à cet
effet-là. Mais, je reviens au ministre avec une question pointue: Quand
le gouvernement va-t-il payer à la CSST l'inspection que la CSST fait?
Si on assimile l'inspection à de la police, au sens correct du terme,
pourquoi les employeurs paieraient-ils la police de leurs propres
activités? Ce n'est pas de même nulle part dans aucun autre
secteur. Puis à travers le ministre, c'est le Conseil du trésor
que
je voudrais convaincre, mais il est sûr que ça pose des
problèmes. Une autre question au cas où celle-là serait
très brève à répondre: Qu'ar-rive-t-il de l'entente
entre la CSST, les départements de santé communautaire et les
CLSC en matière de prévention, qui est échue, je pense,
depuis deux ans? Est-ce vrai qu'au lieu de s'intéresser aux conditions
de travail dangereuses qui occasionnent des lésions ou des maladies
professionnelles, on envisage un vaste programme de sensibilisation sur les
maladies cardio-vas-culaires? Mes questions sont posées, M. le
Président.
M. Cherry: II me semblait qu'on avait convenu qu'on finissait la
construction, puis après ça qu'on passait à autre
chose...
M. Bourdon: Non, mais M. le Président, j'ai terminé
la construction par son financement...
M. Cherry: O K. J'aimerais le savoir, O.K.
M. Bourdon: Là, pour ce qui est de la CSST,
écoutez, je ne me contenterai pas d'une réponse qui dit que c'est
sub judice, parce que l'organisme poursuit le gouvernement qui dépend de
lui. Une minute, là... L'organisme poursuit - je veux bien - parce que
la loi obligeait le gouvernement à financer l'inspection, mais ça
"va-tu" se régler bien vite?
M. Cherry: J'ai confiance, je sais que les pourparlers sont en
cours. Même s'il y a eu des choses de faites, j'ai confiance que
ça va cheminer dans le sens qui devrait être acceptable pour tout
le monde, dans ce sens-là. Si tu as fini là-dessus...
Tantôt, tu avais dit que tu souhaitais - pendant qu'Alcide est ici - tu
souhaitais aussi parler, tu as dit, je ne sais pas comment tu as phrasé
ça, les fausses cartes...
Trafic des cartes de compétence
M. Bourdon: Ah! Le trafic des cartes de compétence.
M. Cherry: Oui, bien...
M. Bourdon: J'ai ça quelque part.
Le Président (M. Bélanger): Si vous êtes
d'accord, on pourrait faire une section complète pour libérer les
gens qui sont concernés, en garder le moins possible, pas parce qu'on ne
vous aime pas...
M. Cherry: ...quand tu as donné la liste...
M. Bourdon: On pourrait faire le trafic des cartes, puis
libérer la CCQ pour aller souper, puis on se garde la CSST.
M. Cherry: Juste, Michel, puis Alcide complétera
là-dessus. Je me souviens que, récemment, on a eu des
déclarations à cet effet-là, mais les vérifications
immédiates des faits ont prouvé exactement le contraire. On ne
peut pas parler de trafic ni d'existence de ci, de ça. Il y a quelques
cas bien bien isolés, on parle de un ou deux ici et là. La
déclaration a été faite à Sept-îles.
Peut-être Alcide, parce que tu as réagi immédiatement, on a
envoyé des inspecteurs sur les lieux, veux-tu compléter dans ce
sens-là?
M. Fournier: On a vérifié. D'abord, je pense que je
peux vous rassurer, il n'y a pas eu de trafic de cartes de la CCQ. Je pense que
pour bien comprendre, il faut voir comment se fait rémission d'une
carte, en particulier pour les compagnons, parce qu'il s'agissait de
compagnons. Actuellement, la certification d'un compagnon ou la qualification
est donnée à un compagnon par le ministère de la
Main-d'oeuvre. Lorsque le ministère de la Main-d'oeuvre émet la
carte de compagnon, nous, à la CCQ, on émet une carte compagnon,
une carte de compétence. C'est la partie de la loi 119 qui n'est pas
encore transférée à la CCQ. Alors, dans le cas qui nous
préoccupe, des gens, une personne en particulier, ont utilisé le
fait que les monteurs-vitriers du verre plat - suite à une
décision d'un tribunal - étaient devenus assujettis au
décret de la construction. On avait convenu de reconnaître des
cartes de compétence - soit charpentier-menuisier, soit ferblantier. Ils
ont profité de la circonstance pour produire au ministère de la
Main-d'oeuvre des documents qui ne reflétaient pas la
réalité. C'est de cette façon que certaines personnes ont
obtenu des cartes légales - si je peux dire - du ministère de la
Main-d'oeuvre et que, par la suite, on a émis une carte de
compétence légale de la Commission de la construction.
Ces faits ont été connus, je pense, l'an dernier. Celui
qui avait trouvé le truc a été poursuivi et même
condamné. Les autres personnes impliquées sont actuellement sous
enquête de la Sûreté du Québec.
M. Bourdon: Dans cette question-là, il y avait quelqu'un
du Conseil provincial des métiers de la construction qui avait dit qu'il
y avait un trafic de fausses cartes depuis un moment et qu'il avait fait de
grosses pressions auprès de la Commission pour que ça
arrête. Est-ce que vous pourriez nous expliquer cette
déclaration?
M. Fournier: Dans l'industrie de la construction, j'ai
constaté qu'à peu près tous les trois ans, il y a des
déclarations de gens qui peuvent acheter des cartes. On a autant comme
autant tenté de vérifier toutes ces déclarations sans
jamais pouvoir parler à une seule personne qui était vraiment au
courant. Les seules personnes qu'on a pu rencontrer avaient entendu dire
que... Donc, dans aucun cas, du moins depuis les huit ans que je suis
à la Commission, on a pu constater un seul de ces cas-là.
L'émission des cartes de compétence à la Commission est
centralisée. Elles sont modifiées chaque année. Alors,
c'est très difficile pour une personne... Même si elle
réussissait une année à utiliser une fausse carte,
l'année suivante elle serait périmée. Donc, les risques
sont minimes à ce niveau-là.
M. Bourdon: Alors, M. le Président, j'en ai fini avec la
Commission de la construction. Je souhaite à la Commission bon courage
dans le travail qu'elle effectue pour que les mandats publics lui soient
remboursés mais...
M. Cherry: Elle en a un bon courage.
M. Bourdon: C'est ça.
M. Cherry: Elle a de l'espoir et du courage.
Le Président (M. Bélanger): M Alcide Fournier, on
vous remercie beaucoup de votre présence ainsi que les gens de votre
équipe qui vous accompagnaient. Si M. le ministre veut vous
libérer, c'est son privilège maintenant. On vous remercie
beaucoup. Bonjour.
Alors, on passe au dossier suivant?
Commission de la santé et de la
sécurité du travail
Rapport du Protecteur du citoyen
M. Bourdon: Oui, la CSST. Je voudrais faire quelques remarques,
des remarques que m'a inspirées la lecture du rapport du Protecteur du
citoyen.
Dans son dernier rapport annuel, le Protecteur du citoyen émet
une série de commentaires quant aux lacunes de la CSST. Il note tout
d'abord qu'en première instance, beaucoup trop de dossiers sont
réacheminés vers un deuxième palier. À cet
égard, il suggère à la Commission de mettre l'accent sur
la qualité du traitement des dossiers de première instance. Ce
faisant, il pourrait, selon lui, y avoir une décongestion des paliers
dits de révision.
Le Protecteur du citoyen croit également que, dans les 14
premiers jours après l'accident, la CSST pourrait déjà
simplifier le processus. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que le
Protecteur du citoyen soulève cette question.
En ce qui a trait à la preuve médicale, Me Jacoby croit
qu'elle est souvent trop coûteuse pour le travailleur. À cet
égard, je voudrais souligner que le syndicat des Métallurgistes
unis d'Amérique, à la compagnie Noranda, dans mon comté de
Pointe-aux-Trembles, vient de voter une cotisation spéciale pour payer
les expertises médicales dont les travailleurs ont besoin quand ils ont
affaire à la CSST parce que ça coûte, me dit-on, de 1500 $
à 2500 $, cette expertise médicale-là. Même si le
travailleur a gain de cause, ça ne lui est pas remboursé. Il y a
disproportion de moyens entre le groupe Noranda, propriétaire de l'usine
qui embauche un spécialiste pour contester l'accident de travail ou la
maladie professionnelle, et les moyens du travailleur individuel. Donc, ce
syndicat-là que je connais, qui a 1100 membres, a été
obligé de voter une cotisation spéciale pour payer ces expertises
médicales. (18 h 15)
Les coûts peuvent atteindre plusieurs milliers de dollars et le
Protecteur du citoyen s'interroge sur la capacité d'un travailleur
disposant d'un revenu réduit de s'offrir une telle expertise. À
cet égard-là, il faut rappeler qu'au Québec, à
peine 40 % des travailleuses et travailleurs sont syndiqués et que,
quand on tombe dans le secteur manufacturier à hauts risques, le
pourcentage de syndicalisation est de 20 %. A cet égard-là, donc,
il y a un problème. Me Jacoby, le Protecteur du citoyen, déplore
aussi que la reconsidération administrative d'une décision soit
difficile d'accès. Ça, c'est un euphémisme. On parle avec
les députés de tous les partis. La CSST doit être
infaillible parce qu'elle ne change jamais ses décisions.
Dans le cas des programmes de stabilitation économique et sociale
- c'est un autre sujet - le Protecteur du citoyen croit qu'ils sont devenus
trop complexes, trop judiciarisés et que cela rend la situation actuelle
périlleuse pour la stabilité financière de certains
bénéficiaires. Autres sujets traités par le Protecteur du
citoyen, les cas de rechute où les délais d'attente sont beaucoup
trop longs, la réadaptation sociale et professionnelle qui est parfois
difficile à exercer et, enfin, la difficile cohabitation des
régimes d'assurance automobile et de santé et de
sécurité du travail Alors, une question d'ordre
général: Qu'est-ce que la CSST a fait suite aux critiques
formulées par le Protecteur du citoyen dans son dernier rapport?
M. Cherry: Dans un premier temps, M. le Président, comme
mon collègue vient de le faire, d'entrée en matière, je
vais faire des remarques d'ordre général et, après
ça, je vais lister la chose plus spécifique.
Dans un premier temps, M le Président, je pense qu'on sera tous
unanimes, indépendamment de la formation politique dans laquelle on est
Quand entre dans nos bureaux de comté un cas de CSST, sur le plan
humain, sur le plan personnel, c'est quelque chose de difficile Bien sûr,
on n'est pas à l'aise avec ça On se sent parfois... On voudrait
aider et bon... Je l'ai dit et je le répète, un accidenté
du travail au Québec, ce serait un de trop. Donc, quand bien même
on en voit souvent ou pas souvent dans nos bureaux de comté, on a
toujours humainement la même réaction.
Je pense qu'en toute honnêteté pour l'organisme qu'est la
CSST, il faut dire que 97 % de toutes les décisions administratives
qu'elle prend ne font l'objet d'aucune contestation. Vous savez, je pense,
là, qu'on pourra... C'est ça notre objectif, c'est de travailler
à améliorer les 3 % qui font l'objet de nos
préoccupations. Mais je veux dire que - si je me trompe, on pourra me
corriger - de ces décisions administratives, le taux d'acceptation se
situe autour de 97 %.
M. Bourdon: M. le Président, le ministre me permettra.
C'est comme quand on dit qu'il y a 15 % de chômeurs à
Montréal. Avant que le congrès libéral dise que c'est
grave, le président du Conseil du trésor disait, en pratique:
Pensez donc aux 85 % qui travaillent. Tous ceux qui sont indemnisés
correctement, ils ne viennent pas nous voir. Tant mieux.
M. Cherry: Mais ce que j'ai voulu dire d'ordre
général, c'est que je pense qu'il faut rendre à chacun...
Le but de l'exercice, c'est qu'on puisse identifier des choses et les
correctifs qu'on peut apporter. Mais si on ne parle que de ça et ne pas
dire... Ça pourrait créer la perception que les gens qui sont ici
et dont leur association professionnelle quotidienne est celle de bien faire
marcher ça, ont l'impression qu'on ne parle que de choses qui ne vont
pas bien et qu'on ne le reconnaît jamais. Bon! Peut-être que c'est
une déformation ou une formation de celui qui vous parle, mais j'ai
passé ma vie à défendre des gens que je croyais
injustement attaqués. Alors, avant que je m'attaque à vouloir
améliorer ce qui doit être amélioré, j'ai un
réflexe instinctif qui me dit: Avant qu'on s'engage là-dedans, je
veux, dans un premier temps, établir les balises et dire que près
de 97 % de toutes les décisions qui sont prises par la CSST ne font pas
l'objet de contestation. Ça me semblait élémentaire de
dire ça.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, si vous
permettez que je vous interrompe une seconde. Je suis content que vous me
donniez ce chiffre-là parce que ceux qui viennent chez nous, c'est
sûr que ça a échoué dans le système chez
vous, moi, je vois 100 % de gens qui ont des troubles avec la CSST. Alors, la
perception qu'on a est toujours négative, c'est évident.
Qu'est-ce que tu veux? Des fois, c'est compliqué en maudit. Quand ils me
disent: C'est une entorse lombaire ou cervicale, je dis: Mon oeil! il n'y a pas
gros de zèle dans ces dossiers-là parce que je suis porté
à croire qu'il y a bien des gens qui exploitent le système
là-dessus. Mais il y a des cas qui me semblent assez évidents. Le
type est en recours, puis on se fait dire: Là ça va passer en
recours. Ça passe dans trois ans. Tu dis à ton gars: Bon, bien,
tu vas passer dans trois ans. Là, tu te sens un peu plus mal. C'est
peut-être plus là que... Qu'il y ait 90 % des cas de
réglés, je trouve ça fantastique, mais, comme je vous le
dis, ma perception, moi, ce n'est pas ça que je vis, et je pense que mes
collègues vont vous dire la même chose.
Une voix: Exact.
Délais d'appel
M. Bourdon: Ce que j'ajouterais à cet
égard-là, c'est que l'assurance automobile aussi c'est 3 %.
L'ensemble de la mécanique de révision prend un an. Alors, on
écrit à la Société de l'assurance automobile et on
obtient ce qu'on n'obtient pas de la CSST, c'est-à-dire qu'on obtient
une vraie réponse. À la CSST, je pense que c'est un ordinateur
qui nous répond. Ça dit: Mme Unetelle va passer au bureau de
révision paritaire en juillet 1992. Bravo! Mme Unetelle fait
peut-être partie juste du 3 %, mais, pour elle, c'est le drame de sa
vie.
M. Cherry: Je pense, Michel, que tu avais aussi parlé dans
un deuxième temps des BRP. C'est ça, hein? O. K. Ton commentaire
c'est que c'est long, que ça prend bien du temps là-dedans et
encore une fois pour celui qui souffre, qui attend une réponse, c'est
toujours long. O. K. ? Alors, il y a eu la mise en place d'un plan de
redressement. En 1989, M. le Président, juste pour se donner une date de
référence, le délai moyen était de 15 mois.
Ça, c'est en 1989. Au mois de novembre 1990, ce délai-là
était réduit - temps toujours trop long - à neuf mois.
Donc, de 15, on est passé à 9 mois. En avril de cette
année, au moment où on se parle, le délai moyen de
convocation est de sept mois. Donc, de 15 en 1989, on est rendu à 7
à 8 mois à peu près, ça joue dans les fractions.
L'objectif que s'est donné l'organisme, c'est que ce soit 3 mois
d'attente dans toutes les régions du Québec. Cet
objectif-là est fixé pour décembre de cette année.
Comme vous voyez là, on y va, et je dois vous dire que dans certaines
régions du Québec... Évidemment, à cause de
l'achalandage qui peut être moindre dans certains cas, on est
déjà rendu à trois mois. Donc, ce qui était une
moyenne de 15 mois est maintenant rendu à 7 et une fraction, et
l'objectif pour la fin de cette année est de 3. Ça me semble
quand même une indication de données que, dans le plan qui avait
été déposé, les efforts que les gens de la CSST
font commencent à porter fruit. Mais, encore une fois, je le dis
toujours pour reconnaître les efforts des gens qui ont fait
ça.
La réduction des délais entre l'audition et la
décision. Avant, en moyenne, ça prenait 53 jours. Au moment
où on se parle, c'est devenu 35 jours. Il faut le dire, il y a une
amélioration. C'est pour ça que les gens sont confiants que, dans
cette foulée, dans la poursuite de ça, on va continuer à
s'améliorer. Pourquoi peut-on y arriver? Évidemment, il y a eu
toutes sortes de
mesures administratives. Entre autres, pour faciliter le mode de
fonctionnement, il y a eu un manuel d'opération qui a été
confectionné et qui est distribué dans l'appareil au fur et
à mesure que se prennent des décisions. En d'autres mots, tout le
monde travaille de plus en plus de façon méthodique et
coordonnée. Évidemment, il faut mettre ça sur pied,
ça prend du temps. Après avoir pondu ce manuel-là et qu'il
est approuve, il faut que tu formes les gens, les utilisateurs de ce
manuel-là, puis tu le raffines, tu le rajustes, mais c'est ce qui donne
la sorte de résultats que j'annonce aujourd'hui. Dans ce sens-là,
on y va.
Le Président (M. Bélanger): Je trouve les
résultats très intéressants parce que je dois vous avouer
que ma perception, ce n'était pas ça pantoute. C'était le
fouillis et le bordel. Qu'est-ce que vous voulez? Je vois juste ceux pour qui
ça ne marche pas. Ceux pour qui ça va bien, ils ne viennent pas
me voir et je n'en entends pas parler. Je ne sais même pas qu'ils sont
allés chez vous. Comment ça se fait que cette
perception-là persiste? Je suis convaincu que, si vous faites le tour
des bureaux, ils vont tous avoir la même perception, autant d'un bord que
de l'autre.
M. Bourdon: M. le Président, on écoute les
chiffres, c'est à peu près comme une expression que M. Parizeau
aime utiliser de temps en temps. Il dit: Je ne connais pas la
température moyenne d'un corps dont la tête est dans un frigidaire
puis les pieds dans un fourneau. Ce que je veux dire, c'est que les chiffres,
ça a une importance toute relative. Je vais prendre juste un cas, juste
pour montrer au ministre ce qui se passe à la CSST. Un policier à
la retraite - ce n'est pas un pauvre, il n'est pas mal pris, il a une pension
de 32 000 $ indexée - lui, les deux années
précédant sa retraite, il était agent de liaison à
la cour. Un matin, il est sorti de l'ascenseur - il y avait eu une fuite d'eau
dans le toit - il est tombé puis il s'est fait mal au genou. Il n'a
jamais perdu un seul jour de travail, mais il a vécu des
péripéties nombreuses. Ça lui a pris deux ans pour se
faire soigner le genou. Ça, ça ne regarde pas la CSST. À
un moment donné, il y a quelqu'un qui lui a dit: Tu devrais
réclamer ce que ça t'a coûté pour finir par te faire
opérer le genou puis avoir une physiothérapie. Il a
adressé à la CSST une réclamation de 1238 $, il y a deux
ans. Ce n'est pas réglé encore. La CSST a commencé par
dire: Tu es hors délai. C'est de même qu'elle traite le monde: Tu
es hors délai. S'il manque un papier, on ne le dit pas à la
personne, puis, trois ans après, elle apprend qu'elle avait
oublié de fournir un papier ou que le certificat du médecin
n'était pas signé. Ça, M. le ministre, les statistiques ne
montrent pas ça, mais le monde vit ça. 1238 $. La
Fraternité des policiers - parce qu'il était rendu
retraité - lui a fourni un avocat. L'agent de réclamation de la
CSST lui a dit: Si tu te penses fin parce que tu as un avocat, on va te planter
au bureau de révision paritaire. Il a gagné au bureau de
révision paritaire. Ça n'est qu'une étape quand tu gagnes
quelque chose contre la CSST, parce que, après, on a dit que, son genou,
ça venait de sa condition personnelle. Là, lui, il a l'intention
de dépenser 12 000 $ s'il le faut pour avoir son 1238 $. Il a
payé des impôts pendant 30 ans, le Service de police de la CUM a
payé la CSST pour lui pendant 30 ans et il fait une réclamation.
Sa façon à lui de prendre l'attitude de la CSST, M. le ministre,
c'est de trouver qu'on l'accuse d'être malhonnête. Il est policier,
puis il est honnête. Alors, on "va-tu" dépenser 123 000 $ pour ne
pas lui donner ses 1238 $? "C'est-u" un fraudeur, lui? Il n'a même pas
perdu une journée d'ouvrage. Je le prends parmi d'autres, pas pour que
la CSST me le règle, c'est de même que le système
marche.
Autre point qui nous est rapporté par les centrales syndicales,
M. le ministre. Quand un cas se règle à la CALP puis qu'il y en a
104 semblables, on ne veut pas régler les 104 autres. J'aimerais
ça un jour qu'on me réponde là-dessus autrement que pour
me dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, comme dans Le
Château de Kafka. Ce n'est pas vrai que ça va mieux. Ce n'est pas
vrai que ça s'améliore. C'est puant comme système, puis le
monde n'est pas traité avec justice. M. le ministre, moi, je vous pose
des questions précises. C'est bien beau le délai pour aller au
bureau de révision paritaire. Pourquoi ils sont trois aux bureaux de
révision paritaire? Ça ne serait pas mieux de payer l'expertise
médicale puis la défense des gens qui s'en vont au lieu d'en
avoir trois? Pourquoi il y en a trois à la révision
médicale? Ça ne serait pas mieux d'en avoir juste un, puis
l'argent épargné, de le donner à ceux qui se
défendent puis qui font valoir qu'ils ne sont pas d'accord avec la
décision de la CSST? Pourquoi est-ce que l'employeur, automatiquement,
peut envoyer le salarié qui a un accident chez son médecin? Si je
vous frappe, M. le ministre, en automobile, je vous "envoie-tu" chez mon
médecin, en plus, vérifier si c'est vrai? C'est la
Société de l'assurance automobile qui décide ça
toute seule. Alors, ce que je veux dire, c'est que c'est de la "bullshit" -
pardonnez-moi l'expression - de nous dire: C'est rien que 3 %, que le diable
les emporte. La Société de l'assurance automobile fait bien mieux
que la CSST, elle règle les cas plus vite. Il y encore des litiges, mais
ça se règle. (18 h 30)
L'autre problème qui est posé depuis 1931, ce n'est pas
d'hier: Comment se fait-il que la CSST se comporte comme une compagnie, une
mutuelle d'assurances patronale, hostile aux travailleurs? C'est ça,
qu'elle est. C'est ça, qu'elle manifeste. Quand elle peut trouver un
moyen de ne pas payer puis d'embêter, elle le fait. Ça, M. le
ministre, je regrette, là... En plus,
y aurait-il moyen qu'on obtienne ceci de la CSST: considérer que
le Parlement a le droit de poser des questions sur ses activités? Ce
n'est pas vrai que c'est privé, ce n'est pas vrai qu'elle administre
toute seule. Moi, les gens du milieu syndical et pas les moindres - je vous les
nommerai en privé - me disent que les avocats et les médecins de
la CSST sont tellement hostiles aux requérants qu'il n'y a pas moyen de
réformer ça. Il faudrait qu'ils partent. "C'est-u" clair
ça? C'est ça qu'on a dans nos bureaux de comté, des
gens... 3 % de 200 000 cas par année, ça fait juste 6000
personnes qui n'obtiennent pas justice. Là, le président de la
CSST va nous dire: Le délai moyen, le délai moyen. C'est quoi la
température moyenne d'un corps dont la tête est dans le frigidaire
et les deux pieds dans un four? J'aimerais ça... Un exemple, je vais
poser une question au président de la CSST.
Arbitrage médical
Est-ce que c'est normal qu'en révision, qu'en arbitrage
médical, le président et le médecin représentant
l'employeur soient de la même clinique médicale privée?
J'aimerais ça, juste voir quelle sorte de réponse on pourrait
avoir.
M. Cherry: Avant qu'il enchaîne là-dessus...
Ça fait déjà un bout de temps qu'on fait des commentaires.
Ça fait déjà deux heures, et on a réussi
jusqu'à maintenant à avoir un bon ton.
M. Bourdon: Ah oui! ça va bien.
M. Cherry: Mais je réalise que quand on parle de la CSST,
on devient rapidement émotif. C'est normal parce que ça nous
touche de près. C'est des gens accidentes, des gens qui souffrent, et,
bon, c'est toujours trop long pour ça. J'ai pensé qu'en
introduction, ça valait la peine qu'on établisse des choses qui,
à mon avis, rendent justice à l'organisme mais qui ne font en
aucune façon diminuer l'amélioration qui doit être
apportée et dont on aura l'occasion de parler. Je veux juste rappeler
à mon collègue, je sais qu'il le sait, mais il me semble que
c'est important qu'on dise ça. Quand il dit: Comment ça se fait
que dans tel type de bureau de structure, ils sont trois? Il ne pourrait pas
être rien qu'un à la place? Je pense que vous me l'avez dit
à l'interpellation ou à un débat de fin de séance,
si je me souviens bien. Je veux juste rappeler que la loi, toute l'orientation
de la loi concernant la CSST, tu sais, c'est le paritarisme tout le long. La
loi a été faite comme ça.
M. Bourdon: Oui, oui.
M. Cherry: Écoute, à l'époque, maudit,
j'étais dans le milieu syndical. Je me souviens, c'était Pierre
Marois qui a été ministre qui a rentré cette loi-là
et partout partout, on insistait pour impliquer, responsabiliser les partis,
les impliquer partout. Là, aujourd'hui, on me dit que c'est parce que,
justement, tous les partis sont représentés que ça prend
plus de temps. Il me semble qu'on remet en cause le fondement même de
tout le concept. Si c'est ça, j'ai besoin de l'entendre de ta part.
Là, on est en train de dire qu'il y a des places où - parce que
tout le monde est représenté - ça prend plus de temps. Tu
suggères quoi, en réplique à ça, Michel?
M. Bourdon: M. le Président, c'est une question...
M. Cherry: C'est ça que je veux savoir.
M. Bourdon: ...double que je pose. Est-ce qu'il y aurait moyen
d'assumer l'expertise médicale qu'une personne mécontente d'une
décision de la CSST utilise? Est-ce qu'il y aurait moyen d'envisager
ça et de l'aider à assumer sa défense? Le principe est
assez simple. Si l'employeur est une multinationale au chiffre d'affaires de 9
000 000 000 $, l'employeur a plus les moyens d'embaucher un témoin
expert, un médecin et un avocat que la personne qui requiert contre la
CSST. Bon, c'est ça. C'est la première chose.
M. Cherry: Je ne sais pas, Michel. Le paritarisme, remets-tu
ça en cause comme structure, comme fondement...
M. Bourdon: Écoutez bien, M. le Président... M.
Cherry: ...comme fonctionnement? M. Bourdon: ...je reviens... M.
Cherry: Je veux juste savoir.
M. Bourdon: ...à mon exemple de l'assurance automobile. Si
je frappe un piéton, pourquoi on entrerait dans une relation de
paritarisme lui et moi? Pourquoi je pourrais le traîner devant mon
médecin? C'est sûr que c'est au législateur de
décider si la loi est correcte. Mais je résumais ma question
à quelque chose de ciblé moins large parce que j'espère
que la commission aura l'occasion de revenir sur la façon dont la loi
ordonne les choses. Je pense que le paritarisme a été un
échec parce que le patron ne veut pas toujours payer. Il n'est pas
intéressé, et la CSST prend systématiquement le parti du
patron. Il y a même un temps, vous le savez, M. le ministre, où la
CSST contestait parfois à la place du patron même quand il
était d'accord qu'il y avait eu tel accident et que ça avait
telle conséquence. Or, ma question est claire, nette, simple et
précise. Est-ce que la CSST envisage de trower un moyen de payer les
expertises médicales dont le salarié, de son côté, a
besoin pour avoir une
défense pleine et entière, et de payer aussi son
procureur? Pourquoi est-ce qu'on obtiendrait justice ou pas selon qu'on a les
moyens de donner 2 500 $ pour un témoin expert ou pas?
M. Cherry: Oui, je pense Michel qu'on va convenir que, quand on
parle des gens équipés pour se faire représenter devant
les instances... Tu te référais tantôt aux Métallos
de Noranda, dans ton coin, bon. T'as raison quand tu dis que, quand tu fais
partie d'un gros syndicat ou si t'es un employeur important ou bien
structuré, t'as raison, il y a plus de facilité, je pense que
c'est ça que tu disais. Mais je pense que, quand on regarde la
composition des petits patrons aussi, tu sais, H y en a bien qui n'ont pas
grand monde qui travaillent pour eux là. Je ne suis pas certain Michel
que si on ne fait pas cette distinction-là de dire... On a l'air
à dire que aussitôt que tu es un boss, même si t'as deux
gars qui travaillent pour toi là, tu deviens une espèce de
méchant qui ne veut pas payer personne, qui ne veut pas prendre ses
responsabilités.
M. Bourdon: Tous les employeurs sont bons, M. le ministre. Je
veux savoir: La CSST qui a un budget de 1 500 000 000 $, envisage-t-elle qu'un
citoyen ordinaire qui conteste sa décision, se fasse rembourser
par la CSST au moins les frais de son expertise médicale? Je pose une
question claire, nette et précise... Pas son employeur qui pale. La
CSST, à même le 1 500 000 000 $ qu'elle reçoit chaque
année pour ça, est-ce qu'elle pourrait faire ça? À
titre de suggestion, est-ce qu'elle accepterait l'idée que s'il y avait
moins de médecins à l'arbitrage médical, ça ne
dérangerait que les cabinets privés de médecins qui font
de l'argent avec ça, puis ça coûterait moins cher et
à la CSST et aux employeurs? Un jour, je vais démontrer que les
employeurs paient très cher, eux aussi, pour refuser d'indemniser les
gens correctement, à l'occasion.
M. Diamant (Robert): Robert Diamant, président de la CSST.
Je ne sais pas si je peux ajouter... Je comprends très bien les propos
de M. Bourdon. Ceci dit, l'arbitrage médical est un mécanisme de
révision des décisions rendues par le médecin traitant.
À l'origine, le médecin traitant émet une opinion,
diagnostique une maladie ou une lésion, et ce diagnostic-là lie
la Commission. Dans la mesure où des doutes sont perceptibles quant
à la décision ou au diagnostic du médecin, à ce
moment-là, il est possible de contester. Puis, il y a trois parties qui
peuvent contester: l'employé lui-même, lorsque ça ne le
satisfait pas, l'employeur et la CSST.
Il faut savoir qu'au fil des ans, la CSST a joué un rôle de
contestation assez important en se substituant parfois à des
employés, parfois à des travailleurs, parfois à des
employeurs. Depuis quelques années, non, depuis peut-être un an ou
deux, la CSST ne conteste à peu près pas les
décisions.
Ce qui est évoqué par le député, c'est la
possibilité que les petits employeurs ou les travailleurs moins bien
nantis, non représentés par leurs instances syndicales, puissent
obtenir une subvention. Quant à nous, à la CSST, dans la mesure
où il s'agirait d'une volonté des parties, je vous dis que comme
organisme nous nous plierions à ça. Par ailleurs, je ne vois pas
comment une chose comme celle-là pourrait se gérer techniquement,
sans créer d'une façon ou d'une autre une certaine
distorsion.
C'est sûr et certain que les grandes entreprises vont toujours
conserver une capacité de se faire représenter, un moyen de se
faire représenter qui est plus grand. Bien sûr, il y aurait
probablement moyen de trouver des critères pour permettre l'assistance.
Mais la CSST, comme organisme... Je vous rappelle que l'arbitrage
médical, c'est un mécanisme qui est prévu par la loi, que
les modalités de fonctionnement du mécanisme n'appartiennent pas,
le contrôle de ça n'appartient pas à la CSST, ce
mécanisme-là étant la révision de décisions
prises ailleurs qu'à la CSST.
M. Bourdon: Une question au président de la CSST.
Estime-t-il qu'il y a conflit d'intérêts quand le président
d'un conseil d'arbitrage médical et le médecin de l'employeur
appartiennent à la même clinique privée?
M. Diamant: Le médecin de l'employeur et l'arbitre
médical?
M. Bourdon: Et l'arbitre médical.
M. Diamant: Oui, je pense que ça mériterait
d'être regardé. J'ai l'impression que oui, mais je n'ai pas
l'impression que c'est une chose qui arrive très souvent.
M. Bourdon: Comme ça arrive par-fols - d'après ce
que vous dites - en feriez-vous un mémo interne pour dire qu'il y a
situation anormale quand deux des trois membres viennent de la même
organisation?
M. Diamant: Je pense que les personnes qui sont là sont en
mesure de poser de telles... Il faut savoir aussi que le système
d'arbitrage médical n'est pas administré par la CSST. Je pense
qu'il est bon de savoir ça. Quand on parle des mécanismes de
révision et d'appel, le seul mécanisme qui est administré
par la CSST, ce sont les bureaux de révision paritaires qui conservent,
en raison même de leur statut, une indépendance par rapport
à l'administration de la CSST. Mais la gestion générale
relève du président de la CSST, dans une structure qui lui
conserve son indépendance. Mais les autres mécanismes ne sont pas
administrés par la CSST.
L'arbitrage médical est un mécanisme prévu par la
loi et le service d'arbitrage médical relève du ministre du
Travail, directement de son ministère. Les BRP sont encadrés par
une législation, une réglementation, et relèvent
administrative-ment du président de la CSST.
M. Bourdon: Oui.
M. Diamant: La Commission d'appel en matière de
lésions professionnelles relève du ministère de la
Justice...
M. Bourdon: Oui.
M. Diamant: ...et elle est financée par la CSST. Il faut
savoir que la CSST n'a aucune autorité sur ce
mécanisme-là. Elle ne fait que payer la facture dont elle apprend
l'existence et le montant quand elle lui est envoyée. Je pense que c'est
important de placer ces choses-là. Dans la foulée des
mécanismes de révision, le premier mécanisme de
révision, c'est celui de la reconsidération administrative. La
loi, l'article 369, décrit formellement le mécanisme de
révision administrative, de reconsidération administrative, et
décrit dans quelles conditions ce mécanisme-là, la
révision, la reconsidération, peut se faire. Il faut savoir que
les fonctionnaires de la CSST n'ont aucune possibilité de
reconsidérer leur décision à moins qu'il n'y ait un fait
nouveau qui soit porté à leur attention.
M. Bourdon: Oui.
M. Diamant: Dans ce contexte-là, il est vrai qu'à
certaines occasions, en révision de dossier, une fois que la
décision est rendue, nous pourrions modifier notre décision. Mais
nous en sommes empêchés par la disposition qui est là. Ceci
pour, je pense, à la demande des parties...
Le Président (M. Bélanger): Si vous permettez, il y
avait le député de Beauce-Nord qui avait une question.
M. Audet: Non, je dois quitter. En tout cas, on aura l'occasion
de...
Le Président (M. Bélanger): Bon, on s'excuse. Je
m'excuse, M. le président.
M. Diamant: Je pense que c'est important de revoir les
mécanismes de révision et d'appel des décisions de la
Commission dans leur juste perspective.
M. Bourdon: Mais, M. le Président, une question que je
poserais au président de la CSST. Je savais déjà que le
bureau de révision paritaire dépend de la CSST et fait
partie...
M. Diamant: Oui, du président de la CSST.
M. Bourdon: C'est ça. Le président fait partie de
la CSST, la Commission d'appel en matière de lésions
professionnelles dépend du ministère de la Justice et l'arbitrage
médical dépend du ministre du Travail. Alors, je vais demander au
ministre du Travail s'il ne pourrait pas émettre une directive
précise à l'égard des conflits d'intérêts
quand deux des trois médecins proviennent de la même clinique.
Mais à cet égard-là, sur le mérite, je connais les
contraintes, est-ce que le président de la CSST ne pense pas qu'on
pourrait trouver des mécanismes de révision et d'appel plus
rapides et plus efficaces que ceux qu'on a actuellement? Le justiciable, ce
dont il a à se plaindre, ça peut être de la
décision, mais une décision après un an, c'est moins
enrageant qu'une décision défavorable après cinq ans, pour
prendre juste cet exemple-là. (18 h 45)
M. Diamant: Moi je pense, au surplus, que la meilleure
décision... Quand les décisions sont bonnes au départ, il
y a moins de contestation possible. Un des objectifs de la CSST, c'est de faire
en sorte que les décisions originales soient les meilleures possibles.
M. le ministre parlait tantôt du nombre de décisions non
contestées. Je pense que c'est important de revenir là-dessus,
même si vous avez donné l'exemple de la tête au frigo... Il
me semble que quand on considère qu'il y a, bon an, mal an, entre 240
000 et 250 000 réclamations par année et que, pour chaque
réclamation, il y a en moyenne quatre décisions qui se prennent,
ça fait autour de 1 000 000 de décisions. Qu'il y en ait 15 000
ou 16 000 qui sont contestées, je pense qu'à ce moment-là,
on peut parler d'une bonne performance générale de
l'organisation. Ceci dit, on n'empêchera jamais - c'est pour ça
qu'il y a des mécanismes de révision et d'appel - les
contestations. Pour les contestations, quand on regarde chacun des
mécanismes, au niveau de l'arbitrage médical, il me semble qu'on
peut constater des problèmes dans la mesure où 50 % des
décisions prises par les arbitres médicaux sont portées en
appel à la CALP et que 60 % et même plus, je crois, que ces
décisions sont renversées, je pense qu'il y a un problème.
Il y a un problème de qualité de fonctionnement du
mécanisme, et là-dessus, le ministre du Travail s'est
intéressé à cette question-là. Disons, qu'il est
à la recherche de moyens pour bonifier le mécanisme dans la
mesure où il est possible, comme vous me le dites, d'assurer un meilleur
traitement des dossiers d'arbitrage médical. Je pense qu'on
éviterait d'engorger par la suite les structures de révision du
mécanisme d'appel.
M. Bourdon: Maintenant, une autre question qui me vient à
l'esprit. Pourquoi faut-il que le travailleur soit astreint à
l'expertise du médecin de l'employeur alors qu'en matière
d'assurance automobile, la seule expertise médicale qui est
requise par la loi à la Société de l'assurance
automobile, c'est la propre expertise de la Société. Ce que je
veux dire, là, ce n'est pas simpliste de le dire de même. Si je
frappe un piéton, je n'aurai pas mon mot à dire dans son
indemnisation. Pourtant, je paie autant que les employeurs paient pour faire
vivre la CSST. C'est mon certificat d'immatriculation qui fait vivre la
Société de l'assurance automobile. Je dis ça parce que...
Est-ce que M. Diamant conviendrait que la manière dont les appels sont
prévus fait que le processus est comme judiciarisé dès le
départ? Les parties prennent des positions, et il y a des avocats et des
médecins qui embarquent dans le processus pour aboutir à une
révision. Est-ce que vous ne trouvez pas que c'est judiciarisé
à l'excès?
M. Diamant: La loi est ainsi faite. La loi reconnaît
à l'employeur, comme à l'employé, le droit de contester la
décision du médecin traitant. De ce point de vue-là, bien,
à l'origine, le régime lui-même reconnaît le choix du
médecin, on le dit, c'est le seul... Tous les régimes, je pense,
reconnaissent le choix du médecin. Le seul régime qui, au Canada,
reconnaît que le diagnostic médical lie l'organisme, c'est le
régime québécois. Il y a des raisons, j'imagine, je
n'étais pas là quand la discussion s'est faite pour faire ce
choix-là. J'imagine que c'était important de permettre cette
chose-là dans la législation, dans la mesure où, au
Québec, l'accessibilité aux services ou au choix du
médecin est importante. Aussi, le rôle reconnu à la
profession médicale dans ce type de régime-là est
particulier.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. À
l'écoute de mon collègue de Pointe-aux-Trembles, il a
mentionné une figure qui était peut-être un réflexe
du passé qui allume une lumière. Il a mentionné, M. le
ministre, que le budget qu'avait administré la CSST était de 1
500 000 000 $. Ça m'a allumé une lumière en me disant:
Bon, l'année financière est probablement terminée à
la CSST, est-ce qu'on pourrait avoir une idée de l'évaluation des
performances de la CSST versus les revenus et dépenses?
M. Cherry: Je ne veux pas oublier ta question, Jean-Guy, je vais
y arriver tout de suite. Juste pour permettre d'enchaîner sur un aspect
que notre collègue de Pointe-aux-Trembles a soulevé concernant
les règles d'éthique par rapport aux professionnels. Je pense que
si j'ai bien saisi, c'est dans ce sens-là. Pendant qu'on en parlait, le
Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre a émis un document
à l'intention des professionnels de la santé. "Les professionnels
de la santé qui sont intéressés à agir comme
arbitres en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles..." Je m'en vais tout de suite à l'aspect qui nous
préoccupe. Il y a des règles d'éthique applicables aux
professionnels de la santé qui acceptent d'agir de la façon dont
tu le dis. Dans le préambule, c'est bien clair, on dit que le Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre détermine certaines
règles d'éthique applicables aux professionnels de la
santé qui acceptent d'agir comme arbitres pour les fins de l'article 216
de la loi sur les maladies professionnelles. Toute personne dont le nom
apparaît sur la liste"... Il faut savoir que la liste des médecins
est confectionnée, en totalité, à partir de noms qui nous
sont fournis par les corporations intéressées. C'est comme
ça que ça vient, c'est comme ça que la liste est
bâtie, ce n'est pas nous qui choisissons les intervenants, donc c'est
bien à partir de cette liste-là. Dans la description de
l'impartialité, Michel, ça dit: "L'arbitre doit être libre
de toute attache permanente ou contractuelle avec un employeur ou une
association d'employeurs, avec un syndicat ou une association de travailleurs,
et refuser de faire des évaluations médicales à la demande
de la Commission. L'arbitre doit agir, se comporter dans l'exercice de ses
fonctions de façon impartiale et objective. L'arbitre doit... " Mais
l'aspect que tu viens de soulever, ou vous deux ensemble, en tout cas, à
la première lecture, je ne le retrouve pas là-dedans. Je vais me
permettre de demander un avis, d'attirer l'attention du Conseil consultatif,
Michel, pour leur demander un avis là-dessus.
M. Bourdon: C'est ça. Mais, M. le ministre, je pense aussi
que même indépendemment du Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre, le ministre devrait, par écrit, définir que deux
personnes sur trois dans un conseil d'arbitrage médical, qui oeuvrent
ensemble dans la même clinique, c'est un conflit d'intérêts.
Ce que je veux dire, c'est que c'est une disposition d'ordre public.
Un des problèmes qu'on rencontre s'agissant de la CSST, c'est
dans le fond la prétention non écrite que ça ne regarde
que les membres du conseil d'administration de la CSST. Ce que je veux dire,
c'est que j'y crois beaucoup à la concertation patronale-syndicale au
sein de la CSST mais ça regarde les députés aussi. C'est
d'ordre public, ne serait-ce que parce que les centrales ne représentent
pas 60 % des victimes d'accident, qui ne sont pas syndiquées. Je ne fais
pas reproche aux centrales, c'est un état de fait Alors, il faut que les
parlementaires s'interrogent sur comment ça devrait marcher. Moi, je
vais vous dire ce qui m'apparaît incroyable. Y a-t-il une mesure de
justice si on établit que, dans tel cas, telle personne a perdu en
révision paritaire ou en arbitrage médical - plus souvent en
arbitrage médical - pour la seule raison qu'elle n'avait pas 1500 $,
2000 $ ou 2500 $ pour se
payer une expertise médicale. Peut-on dire qu'il y a une mesure
de justice là-dedans? Mes collègues libéraux ont
introduit, quand ils étaient au pouvoir, la Cour des petites
créances pour éviter que tu te fasses laver, parce que tu n'as
pas les moyens de te payer un avocat. Or, si on n'y prend garde, quelqu'un qui
n'est pas syndiqué doit se trouver un procureur, que ce soit un avocat
ou pas, un procureur. Il y a la FATA puis d'autres organisations qui le font
contre rétribution maintenant, parce que ça coûte assez
cher. Il y a la question de l'expertise médicale. Autrement dit, est-ce
qu'on peut dire dans ce cas-là que la personne a le droit - pour prendre
un principe de droit - à une défense pleine et entière?
C'est sûr qu'au niveau des procureurs, ceux qui sont admissibles à
l'aide juridique peuvent par ce biais-là se faire aider. Dans la plupart
des cas de comté que j'ai à cet égard-là, il y a un
travail qui est fait par l'aide juridique. Il me semble, M. le ministre - c'est
une suggestion que je vous fais - que sur la question de conflit
d'intérêts, la prise de position devrait venir de vous, être
communiquée, puis que ça règle le cas. Je n'ai pas besoin
des délibérations du Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre là-dessus. Il s'agit d'un conflit d'intérêts,
puis c'est d'ordre public. Les autres questions que je voudrais poser au
président de la CSST et au ministre, c'est: En termes d'inspection,
est-ce qu'on estime qu'il y en a assez? La façon la plus simple de ne
pas avoir tous les problèmes qu'on mentionne, c'est encore qu'il n'y ait
pas d'accident. C'est sur le sens commun, ça, que la question se pose.
À cet égard-là, est-ce que la Commission estime qu'elle a
les effectifs nécessaires, qu'elle a les ententes nécessaires
avec les DSC et les CLSC pour aider les employeurs aussi à
éliminer les dangers à la source? Est-ce que l'inspection est
satisfaisante?
Je vais vous dire, moi, si ça coûtait 300 000 000 $ au lieu
de 1 500 000 000 $, il y a bien des employeurs qui seraient contents et, comme
législateurs, on serait bien contents. En fait, si ça coûte
bien cher, c'est parce qu'il y a bien des accidents, et l'accident le moins
coûteux, c'est... Excusez-moi, M. le ministre, mais l'accident qui n'a
pas lieu, il coûte zéro à personne. Alors,
là-dessus, j'aimerais ça, si vous le permettez, entendre la
Commission. Est-ce qu'elle estime que l'inspection... J'oublie le contentieux
financier avec le gouvernement, les tribunaux décideront. Mais est-ce
que la Commission estime qu'elle a les effectifs nécessaires pour faire
l'inspection qui est requise?
M. Cherry: Juste parce qu'on avait convenu qu'on
procéderait par ordre et tout ça... Dans un premier temps, il y a
aussi, Michel, là-dedans un code d'éthique qui dit que, quand il
y a des plaintes sur le comportement, il y a une façon de
procéder. Mais je prends note de ça et je vais regarder.
M. Bourdon: En passant, l'en ai fait à l'Ordre des
médecins, par exemple, au sujet d'un psychiatre qui était
là comme expert, qui faisait du harcèlement à
l'égard de la personne en voulant connaître tous les
détails de sa vie sexuelle, ce qui n'avait pas un rapport évident
avec l'accident que la personne avait subi. M. le Président, vous savez
comment fonctionne l'Ordre des médecins, ça se passe à
huis clos, et ils ne sont jamais coupables. Ça aussi, un jour, II va
falloir s'interroger ià-dessus. Le cas que je vous mentionne, c'est un
psychiatre qui faisait des affaires invraisemblables.
M. Cherry: Quand tu as mentionné, tantôt, et je
pense que tu viens de le dire, quand tu parles de sommes d'argent
allouées, si on faisait ci, ça coûterait moins cher, et
tout ça, tu as dit: Un budget, je pense, de 1 500 000 000 $, tu as
parlé de quelque chose comme ça... C'est ce qui a fait
l'intervention d'un autre membre de la commission, le député de
Drummond, mon collègue Jean-Guy, qui dit: Bon bien, c'est quoi?
Rephrase-moi ta question. Tu dis: C'est quoi le...
Performance, revenus et dépenses
M. St-Roch: Bien, M. le ministre, en d'autres mots, j'imagine que
la CSST a son budget. Alors on prévoyait un budget alentour de 1 500 000
000 $ pour l'année qui vient de se terminer à la fin de mars,
alors j'aimerais savoir de vous quelle est la performance financière
versus les prévisions budgétaires?
M. Cherry: Les états financiers de la CSST viennent
d'être adoptés le 25 mars dernier. Donc, on est dedans. C'est
ça? C'est l'année civile, c'est comme ça que ça
marche? L'année 1990. Alors, le conseil d'administration de la CSST a
présenté, pour cette année-là, des revenus,
Jean-Guy, de 1 848 400 000 $. Donc c'est beaucoup d'argent et quand mon
collègue, tantôt, disait: La CSST fait tout pour ne pas payer...
En tout cas, ils en collectent un paquet.
Les dépenses pour la même période, M. le
Président, pour le même exercice, c'est 2 110 700 000 $, ce qui a
comme résultat, Jean-Guy, un déficit d'opération pour
cette année-là de 262 300 000 $. Ça, c'est le
déficit de l'année passée, un peu plus de 250 000 000 $.
Ça, c'est pour l'année passée. Par rapport à 1989,
si on fait un peu de comparaisons, en 1989, l'organisme avait eu un surplus de
213 000 000 $ et si je peux présumer des questions qui vont suivre
là-dessus...
M. St-Roch: Oui, ce que je pourrais vous poser, M. le ministre,
c'est comment peut-on expliquer...
M. Cherry: Là, je te vois venir.
M. St-Roch:... un changement de 475 000 000 $?
M. Cherry: D'abord, les revenus ont subi une baisse
réelle. L'argent de moins qui est rentré, c'est presque 118 000
000 $, 117 900 000 $. Évidemment, ça, ça résulte
principalement de la diminution, de la réduction du taux moyen des
cotisations, et il y a une diminution - on peut l'ajouter parce que ça
fait partie de la justesse des propos, mais pas dans un ordre bien important -
des revenus sur les placements. (19 heures)
Selon les informations que m'a transmises la CSST, on observe au
chapitre des dépenses - mon collègue disait tantôt qu'ils
font tout pour ne jamais payer - une augmentation substantielle des coûts
de l'assitance médicale. Peut-être que le président pourra
compléter tantôt et y aller dans les chiffres. Les prestations
versées pour le remplacement du revenu aussi, vous savez, le programme
de retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite. Les
dépenses sont moins élevées au chapitre de
l'administration et des programmes de prévention.
Durant l'année 1990, Jean-Guy, le nombre d'accidents a
diminué. Les chiffres, ils vont te les donner, c'est une diminution.
Mais, tu dis: Comment ça se fait que les accidents diminuent, qu'on a
moins d'accidents qu'avant, et que ça coûte plus cher qu'avant?
Comment ça se fait qu'on arrive avec un déficit? Ça semble
un peu invraisemblable, mais on dit que, par ailleurs, c'est la gravité
des accidents qui change. Tu dis: II y a moins d'accidents, mais ceux qui
arrivent sont plus graves.
Le Président (M. Bélanger):... il tombe du
cinquième.
M. Cherry: Pardon? Au lieu de tomber du deuxième...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cherry:... il tombe du cinquième. Bon, là, on
peut se dire: Comment ça se fait qu'ils sont plus graves? La
façon de mesurer ça...
M. Bourdon: II faut quand même qu'il regarde, M. le
ministre, que la prévention et l'inspection diminuent. Ça se peut
que, quand il y a moins d'inspection et moins de prévention, il y ait
plus d'accidents.
M. Cherry: La façon dont on mesure la gravité,
parce que c'était la question que j'ai posée, j'ai dit: Comment
vous arrivez à ça? "C'est-u" parce qu'avant, il avait une
fracture simple et que, là, il en a une double ou une triple? Qu'est-ce
qui fait que ça arrive comme ça? On me dit: Ça se mesure
par le nombre de jours que l'accidenté est à l'extérieur
de son emploi. Donc, on se dit: C'est comme ça que la CSST arrive
à la conclusion que c'est plus grave parce que ça prend plus de
temps avant qu'il revienne travailler. Quand on parle aux travailleurs, eux
autres... Je vous donne un exemple Supposons que tu as besoin de subir une
opération et que tu attends six mois ta place à l'hôpital,
bien. en attendant, tu reçois des prestations hebdomadaires quand
même Ça ne veut pas dire que ton accident est plus grave.
Ça veut dire que ç'a pris plus de temps a obtenir des soins. On
parlait tantôt des médecins - je suis certain qu'on va y revenir -
Jean-Guy, je pense qu'il faut répondre à ça, aussi. Le
médecin, il sait que le patient qu'il a devant lui même si c'est
lui le médecin traitant, si jamais son patient n'est pas satisfait de
son diagnostic il peut contester ça. L'employeur peut contester le
travailleur peut contester et même, à l'occasion, comme disait
Michel, la CSST peut con tester. Donc, si tout le monde se "brace" pour
être certain de ne pas se faire contester et jouer plus "safe", est-ce
que ça se peut, et là, je me pose la question devant ça,
que ça ait comme résultat - parce que normalement, si
c'était un autre cas, il serait traité en dedans de x temps -
toujours pour se prémunir contre ça, le monde est absent plus
longtemps de leur travail, de là, comme quand on lit les statistiques,
on assume que c'est plus grave? Ce n'est peut-être pas plus grave. C'est
peut-être la façon dont on répond à leurs besoins et
dont on les traite qui fait que c'est ça comme résultat.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, ce
n'est pas pour vous mettre en boîte, mais il y a une image qui me vient
dans la tête et ça me fatigue. Moi, je viens du réseau de
la santé. J'ai été administrateur là-dedans pendant
des années..
M. Cherry: Oui
Le Président (M. Bélanger): et j'ai vu une chose.
Même si la clientèle baissait, jamais les coûts
d'opération ne baissaient. Ça, c'est une constante. D'ailleurs,
la population du Québec augmente à peu près de 1 % par
année et les dépenses de santé augmentent de 7 % à
10 %. On est parti avec une machine qu'on ne contrôle plus. On essaie par
tous les moyens, mais. Alors, y a-t-il du danger qu'on soit pris avec une
bebite comme ça avec la CSST? Ça va toujours augmenter et
ça va toujours grossir? Il va arriver quoi? Il va falloir arrêter
quelque part, à un moment donné.
M. Cherry: J'attire ton attention sur le chapitre que ç'a
coûté moins cher que ce qui avait été prévu
en frais d'administration. Donc, on ne peut pas, pour cet organisme-là,
dire que ça coûte plus cher parce que les frais d'administration
ont coûté plus cher que prévu. Ce
n'est pas là que sont arrivées les affaires.
M. Bourdon: M. le Président, là-dessus, moi, je
voudrais dire que l'Opposition officielle s'était opposée,
à l'Assemblée nationale, à la baisse des cotisations des
employeurs. On croyait et on croit encore qu'une ristourne aurait
été préférable parce qu'on sait qu'il y a des
cycles dans l'économie et que bonne année, mauvaise année,
année de vaches grasses, année de vaches maigres, c'était
très imprudent de baisser la cotisation des employeurs. D'ailleurs, les
votes ont été serrés au conseil d'administration sur cette
question-là. Ce que j'entends par là, c'est que si on avait dit:
On a un surplus de 213 000 000 $ - et la loi le permet, à ce qu'on me
dit - et on donne une ristourne aux employeurs, bien, ils l'ont une fois
là. L'année d'après, on n'est pas obligé de
réaugmenter la cotisation, parce que ça, c'est un sujet qui est
"touchy".
Dans mon comté, j'ai commencé à recevoir des
lettres d'employeurs qui ont entendu dire qu'il y a un déficit à
la CSST, donc que les contributions vont augmenter. Moi, M. le ministre, je
vais être clair là-dessus. Le coût pour les employeurs est
aberrant. Maintenant, il y a une partie qui est de leur faute et il y a une
partie qui n'est pas de leur faute. La partie de leur faute, c'est les mesures
de prévention. S'il n'y a pas d'accident, ça coûte moins
cher. La tarification qui a été faite, est-ce qu'elle a
été un facteur qui a contribué à diminuer le nombre
d'accidents? On nous dit qu'il y a peut-être une diminution relative,
mais que les accidents sont plus graves. Est-ce que le nombre d'accidents a
diminué ou le nombre de rapports entrés a diminué? La
tarification, ça comporte un inconvénient: l'employeur peut avoir
intérêt à tricher et, sur le lot - 1 %, 2 % ou 3 %, pas
plus - il y en a qui peuvent, à un moment donné... Il y a un
triptyque qui ne revient pas, il me semble, dans le bilan qu'on fait, M. le
ministre, c'est: prévention, inspection et réparation.
La réparation est partie à monter. À cause d'un
fléchissement de l'activité économique, il n'y a pas un
accident de plus et la récession fait que les revenus de la CSST
diminuent. L'inspection: on est à zéro pour l'inspection cette
année, c'est encore en discussion avec le Conseil du trésor. Il y
a deux ans, c'était 23 000 000 $; l'an passé, on a baissé
à 13 000 000 $ et là, on est à zéro. Si je
comprends bien, c'est ce que le gouvernement donne pour l'inspection. M.
Diamant me corrigera sur l'inspection qui se fait quand même. Quant
à la prévention, bien, l'entente-cadre avec les CLSC et les DSC -
j'aimerais ça avoir des réponses là-dessus parce qu'on met
des fonds aussi là-dedans - est échue depuis deux ans. Il y a des
équipes à pied d'oeuvre dans tout le secteur de la santé
à cet égard. Est-ce vrai qu'on parle d'un grand programme de
sensibilisation aux maladies cardio-vaculaires?
M. Cherry: Michel, pour être bien certain qu'on ne perdra
pas le fil conducteur des choses qu'on a a traiter... On s'est
déjà entendus tous les deux là-dessus, même si on
est de formation politique différente, on a bien d'autres affaires dont
on peut diverger d'opinion. Entre nous autres, on n'essaiera pas de faire de la
politique sur le dos du monde qui est accidenté; on va essayer de les
aider du mieux qu'on peut à l'intérieur de nos cadres
respectifs.
Mais il y a eu des années où le déficit de la CSST
était à ce point grave que ça mettait même en danger
la sécurité du revenu et les prestations du monde qui
était là. Tu sais, il y a des espèces de normes
actuarielles qui font qu'à un moment donné, quand tu
dépasses de plus que tant, que tu n'y fais pas attention et que tu
accumules ça trop longtemps, tu vas te ramasser avec comme
résultat que ça va devenir prohibitif, ce ne sera pas viable,
actuariellement parlant. Donc, quand on a modifié l'aspect de la
tarification au niveau de la CSST - on pourra compléter ou corriger ce
que je vais dire là - les travailleurs ont identifié quelque
chose de rassurant pour eux autres, soit de savoir que, quand il y aura des
surplus, ils appartiendront aux employeurs et, quand il y aura des
déficits, l'étalement ne pourra pas se faire sur plus de cinq ans
pour éviter une situation comme celle qui a été
l'héritage vers le milieu des années quatre-vingt où - il
me semble, si ma mémoire est bonne - on parlait de 500 000 000 $ de
déficit et on s'en allait gaiement. Si on n'avait pas fait attention, on
allait plus loin que ça.
Alors, les travailleurs ont dit: Quand il y aura un surplus, ça
appartiendra au boss. On pourra discuter si ça devrait être une
ristourne ou si ça devrait être une diminution. La loi ne le
permet pas, à ce qu'on m'indique. Donc, il fallait leur donner.
Évidemment, ils voient bien ce qui va leur arriver aussi dans ça.
Il y a des correctifs à apporter de différentes façons. Il
y a des correctifs de mesures administratives qui font partie de ce que j'ai
décrit tantôt, qui vont en s'accélérant, en
s'améliorant dans ce sens-là, qui vont avoir comme
résultat, par exemple, qu'on va améliorer la prestation des
services médicaux et qu'on va réduire les délais de
transmission des informations. Quand je parlais, tantôt, de la
gravité des accidents, ce n'est pas nécessairement parce que
ça prend plus de temps que c'est plus grave. Mais si ça prend
plus de temps pour que les informations soient communiquées à
tous les niveaux responsables, bien, ça a comme résultat bien
direct que, tant que la paperasse n'est pas toute communiquée -
permettez-moi l'expression - que tous les fils ne sont pas attachés, le
résultat bien direct, c'est que le patient, le client est chez lui, il
attend, puis il reçoit ses prestations toutes les semaines.
Évidemment, en ce qui concerne la cotisation, et je vais terminer
avec ça, Michel... Pardon?
M. Bourdon: Ça ne sera pas populaire de l'augmenter.
M. Cherry: S'il fallait gouverner seulement en fonction des
gestes de popularité...
M. Bourdon: Si c'était en fonction de la
popularité, vous ne seriez plus là.
M. Cherry: Non, mais il y a eu des expériences qui ont
été vécues et je le disais tantôt: budget avant
référendum et budget après. Tout le monde se souvient des
expériences qu'on ne veut pas revivre. On est mieux de prendre des
décisions courageuses au fur et à mesure qu'elles sont
nécessaires, puis on fait confiance à l'ensemble de la population
pour le jugement qu'elle aura à porter.
Parmi les choses, il va y avoir des mesures d'ordre administratif. J'en
ai décrites, je viens d'en nommer d'autres, puis il va y en avoir
également... Que veux-tu? C'est prévu pour le mois de juin, je
pense. Il va falloir qu'ils regardent la tarification. Populaire ou pas
populaire...
M. Bourdon: C'est ça.
M. Cherry:... il faut faire face à tes
responsabilités, puis garantir les choses que tu as prévues.
Prévention, inspection et
réparation
M. Bourdon: Oui, mais ce que j'aimerais savoir, entre autres,
c'est qu'on ne sort pas du triptyque: prévention, inspection,
réparation. Sur l'inspection, je vais essayer de citer une
autorité plus probante que la mienne. La vice-présidente aux
opérations de la CSST, le 31 août 1989, disait au deuxième
paragraphe d'un rapport intitulé "Besoins d'inspecteurs en santé
et en sécurité du travail à la Commission de la
santé et de la sécurité du travail". Elle disait: "Or,
depuis 1981, malgré un accroissement du nombre d'employeurs et du nombre
de travailleurs, donc de la clientèle à desservir par les
services d'inspection, on assiste à une diminution des ressources
affectées à ces tâches. Nous croyons essentiel, si l'on
veut atteindre des résultats probants de diminution permanente des
lésions professionnelles, d'augmenter sensiblement la présence
des inspecteurs dans les établissements et les chantiers au
Québec. " Alors, ça date du 31 août 1989. Puis-je savoir du
ministre combien d'inspecteurs ont été ajoutés depuis ce
temps-là?
M. Cherry: Veux-tu, Michel, on va parler de tout l'aspect de
l'inspection?
M. Bourdon: Non. Moi, c'est plus pointu que ça, M. le
ministre.
M. Cherry: Pas juste par le nombre. Tu prendras les points qui
font ton affaire.
M. Bourdon: Je prends un rapport de la CSST de 1989 et je dis que
le verdict que la CSST pose elle-même, par sa vice-présidente aux
opérations, c'est qu'il n'y a pas assez d'inspecteurs. Je ne connais pas
du tout la réponse mais je pose la question. Depuis le 31 août
1989 combien y a-t-il d'inspecteurs de plus ou de moins à la CSST''
M. Diamant: Depuis le 31 août 1989, on a essentiellement le
même nombre d'inspecteurs Ceci étant dit, je pense qu'il faut
considérer les choses dans leur ensemble: le lien entre la
prévention, l'inspection, la réparation. La CSST, depuis quelques
années et de façon très intense - je peux le dire depuis
un an parce que je ne peux pas parler beaucoup de ce qui s'est passé
avant - met une emphase énorme là-dessus Ce qui nous a
amenés à faire justement de ia prévention et de
l'inspection, une des dimensions majeures de nos objectifs prioritaires. En ce
qui concerne l'utilisation des inspecteurs, effectivement, on pourrait dire -
il y a plus ou moins 300 inspecteurs qui oeuvrent à l'intérieur
de la CSST - et démontrer, compte tenu du nombre d'établissements
à visiter, du nombre d'activités problématiques
observées, qu'il faudrait le double, le triple ou le quadruple des
inspecteurs dans la mesure où on pousse à la limite
l'opportunité d'utiliser ce type d'intervention - qui est l'intervention
du bâton - pour s'assurer qu'il y a une réduction du nombre
d'accidents.
Le dosage actuel peut être revu, mais, me semble-t-il, a priori,
il faut que les ressources actuelles soient de mieux en mieux utilisées
Et c'est ce à quoi on s'est adonné la dernière
année. Avec le même nombre d'inspecteurs, on a augmenté de
façon considérable le nombre d'interventions dans les
établissements et dans les chantiers. On les a sortis des bureaux, on
les a arrêtés de faire des rapports, puis on les a envoyés
sur les chantiers. On les a arrêtés de pitonner sur des...
M. Bourdon: Juste pour me donner une idée il y en a
combien sur les chantiers de construction?
M. Diamant: Juste pour une idée générale,
entre 1989 et 1990, on est passés de 43 900 interventions à 47
100 interventions avec le même nombre d'inspecteurs. On a choisi de faire
intervenir les inspecteurs dans les entreprises ou les risques étaient
les plus grands, c'est-à-dire les entreprises où il y avait une
moins bonne performance. On a ciblé ces entreprises-là, et on a
fait une opération pour s'assurer que les
interventions ou les mesures prises vis-à-vis de ces
établissements et de ces chantiers soient plus nombreuses. Les
résultats sont importants parce que, au chapitre des dérogations,
par exemple, on est passés en dérogations constatées entre
1989 et 1990 de 44 500 à 51 500. C'est quand même important, c'est
quand même majeur, nous semble-t-il. On a fermé des lieux
où il y avait des risques, qui présentaient des risques, selon
nos inspecteurs; on est passés de 790 à 1022 fermetures. On a
augmenté le nombre d'avis d'infraction et on a augmenté le nombre
de poursuites engagées. Avec les ressources qu'on a, je dis que ce n'est
pas fini. On essaie d'aller à la limite de la productivité et de
l'efficience de nos ressources. Idéalement, M. Bourdon, si on pouvait
avoir 200, 300 inspecteurs de plus, on serait contents.
Le Président (M. Bélanger): Si vous permettez, il y
aurait une demande pour une pause sanitaire de cinq minutes...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): ...la nature
étant ce qu'elle est.
(Suspension de la séance à 19 h 17)
(Reprisée 19 h 30)
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
Je demanderais à chacun de prendre sa place pour que la commission
puisse poursuivre ses travaux. Nous entendons présentement le
député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: M. le Président, je voudrais parler de deux
sujets, assez rapidement, pour savoir les intentions du ministre. D'abord, le
programme de stabilisation économique et sociale et la question du
retrait préventif des femmes enceintes.
Pour ce qui est du programme de stabilisation économique et
sociale, depuis que je suis député que je l'attends puis qu'il
nous est promis, c'est-à-dire la revalorisation des rentes qui sont
versées à des travailleurs généralement
âgés. On a dit qu'il y en avait près de 7000. La
dernière décision dont on m'a fait état remontait à
1985 ou 1986, mais excluait de facto ceux qui ont été exclus du
programme, parce qu'il a été gelé depuis 1982, si je ne me
trompe pas.
Alors, j'aimerais savoir, M. le ministre, où on en est quant au
programme de stabilisation économique et sociale? Est-ce que ça
prend une législation pour corriger la situation? Est-ce que la
législation va être déposée avant la fête
nationale?
M. Cherry. J'ai signé, si ma mémoire est bonne,
Michel, au mois de janvier, tout ce qu'il fallait. On appelle ça, pour
nous autres: J'ai mis ça dans la machine. C'est parti. C'est
"slotté" sur un mémoire que j'ai signé pour le Conseil des
ministres, qui suit le cheminement normal qu'on connaît tous et qui
devrait connaître un aboutissement. Comme tu le dis, ça fait
longtemps que tu attends, mais ça devrait aboutir prochainement,
Michel.
Le Président (M. Bélanger): J'appelle, sur le
même sujet, M. le député de l'Acadie.
M. Bordeleau: Ce n'est pas sur le même sujet, mais sur le
sujet dont il était question avant. On a parlé tout à
l'heure de la question des inspections. Je voyais qu'en 1989, il y avait eu 251
000 dossiers ouverts. En 1990, il y a eu une diminution, selon ce qu'on disait
tout à l'heure aussi.
M. Diamant: Quelque 240 000. M. Bordeleau: 240...?
M. Diamant: On parle de 241 000 en 1990. 10 000
réclamations ou ouvertures de dossier de moins.
M. Bordeleau: Malgré ce qu'on a mentionné tout
à l'heure sur toute la question des inspecteurs et l'utilisation que
vous avez faite des inspecteurs, on voit quand même, depuis 1988, une
baisse, annuelle de 10 000 cas.
M. Diamant: C'est un ensemble d'activités en
matière de prévention; ce n'est pas juste de l'inspection. Quand
on parle de prévention, on parle aussi des activités qui sont
conduites avec les départements de santé communautaire. On parle
aussi des activités qui sont conduites par les associations sectorielles
paritaires. Pour l'ensemble des activités en prévention, il faut
aussi parler de la recherche et de la programmation à l'IRSST. Il y a 84
000 000 $ là-dedans, plus les 24 000 000 $ de l'inspection.
Tantôt, je pense - ça me donne l'occasion de rétablir - M.
Bourdon nous disait ou nous laissait sous l'impression que, parce que les
subventions gouvernementales avaient été réduites ou
coupées, il n'y avait plus d'inspection. Je pense qu'il ne faut pas voir
ça comme ça. C'est une baisse heureuse. C'est un manque à
gagner dans les revenus, mais le budget, les dépenses ont
été effectuées entièrement comme prévu. Le
budget a été maintenu pour l'inspection, strictement pour
l'activité des inspecteurs, dans l'ordre de 24 000 000 $, et c'est
maintenu pour l'année en cours, même s'il y a eu...
Une voix: C'est dans le budget.
M. Diamant: Oui. C'est ça. C'est dans le
budget de dépenses
M. Bourdon: M. le Président...
M. Bordeleau: Pardon. J'aurais une autre question. En fait, je
voulais revenir sur la question des délais dont on a parlé tout
à l'heure. Disons que j'apprécie, comme député, les
chiffres que vous nous avez donnés où il y a une diminution des
délais au bureau de révision et aussi pour les arbitrages. Je
pense effectivement qu'il faut rendre justice à l'organisme, qu'il faut
être capable de voir l'ensemble de tout ce qui se fait. Tout à
l'heure, on utilisait des qualificatifs avec lesquels je ne suis pas
nécessairement d'accord parce que, au fond, quand un système
s'améliore et qu'il y a des objectifs, prévus... On pourra
évaluer, à ce moment-là, en décembre, la
performance pour voir si, de fait, les délais prévus sont
réalisés. Je pense qu'il faut apprécier le travail qui est
fait de ce côté-là. C'est évident qu'on est plus
sensible aux 3 % qui viennent dans nos bureaux se plaindre, mais pour
être équitable, il faut aussi voir ce qui est fait et non pas
seulement les 3 % qui se présentent.
Dans cet ordre-là, je voulais juste savoir... Vous donniez tout
à l'heure des chiffres moyens de temps pour qu'une révision soit
faite ou qu'un arbitrage soit fait, est-ce que vous avez la moyenne ou des
indices sur la moyenne de la région de Montréal par rapport
à l'ensemble? Est ce qu'il y a une différence? Là, on a
donné un taux moyen sur l'ensemble des dossiers. Comme on est de la
région de Montréal, et qu'à Montréal, il y a
évidemment plus de cas que dans les autres régions de la
province, est-ce que ces délais-là moyens sont plus longs
à Montréal qu'ailleurs en province? Est-ce qu'ils sont
supérieurs à la moyenne provinciale que vous avez donnée
tout à l'heure.
M. Cherry: Là, on entre dans la mécanique, dans le
technique, je vais demander au président de la CSST, M. Diamant, de
répondre à ces aspects-là, de besoins, de délais,
d'inspection, puis tout ça, vas-y donc
M. Diamant: Effectivement, on a pu observer qu'il y a des
différences dans la longueur des délais d'une région
à l'autre. Je n'ai pas ici la liste, mais pour s'assurer qu'on arrive
à une réduction des délais qui sort la même - notre
objectif est de trois mois, décembre 1991 - on a mis sur pied des
équipes qui vont en "backup", qui vont en relève, qui vont
assister les équipes permanentes dans chacune des régions. Alors,
s'il y a une région où il y a effectivement des délais
plus longs, que la moyenne est plus longue, on a des équipes volantes
qui vont dans ces régions-là. De mémoire, une
région comme Hull par exemple ou Rimouski, ils sont presque à
zéro de délai. Donc, ces gens-là vont aider la
région de Montréal par exemple où... Je suis pas mal
sûr que dans la région de Montréal - je ne les ai pas, les
chiffres - pour compenser, on a aussi plus de BRP actifs en moyenne qu'on en a
dans les régions.
M. Bordeleau: Excusez. BRP, c'est quoi ça?
M. Diamant: Bureau de révision paritaire.
M. Bordeleau: O.K. À Montréal, les délais
seraient probablement plus longs que..
M. Diamant: Au début là, quand on a mis le plan de
redressement en marche, ils étaient plus longs à Montréal
que dans le reste de la province parce qu'il y avait un volume plus grand.
Disons qu'on a pris un certain nombre de mesures. entre autres, plus de bureaux
de révision, on en a ajouté. On a des équipes qui viennent
supporter ceux qui sont en place.
M. Bordeleau: Ce sont les mêmes objectifs que vous avez
pour Montréal?
M. Diamant: On va arriver exactement en même temps aux
mêmes objectifs.
M. Bordeleau: Parfait, merci.
Le Président (M. Bélanger): M le
député de Pointe-aux-Trembles.
M. Cherry: O.K.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre,
d'abord.
Création d'un bureau des plaintes
M. Cherry: Oui, oui. Je veux juste enchaîner sur quelque
chose concernant le service à rendre à la clientèle, les 3
%. puis ce dont on parlait tantôt. Michel a aussi cité à
quelques reprises le Protecteur du citoyen puis la façon dont il
décrit les plaintes. T'as raison, on en entend parler tout le temps.
Moi. il ne se passe pas une journée sans qu'un collègue de
l'Assemblée nationale... Des lettres, j'en signe, des cas... J'ai du
personnel de cabinet chez nous qui de façon constante voit à
faire ça.
Dans cette optique-là, j'ai demandé à la CSST qu'on
mette sur pied pour l'automne, l'automne qui vient là, un bureau des
plaintes à la CSST comme ça se fait ailleurs. Puis je veux que
ça réponde efficacement aux plaintes formulées tant par
les travailleurs accidentés que par les employeurs. S'il y a quelque
chose qu'on doit constater là-dedans c'est que, les travailleurs si on
en entendait parler et si on décide de généraliser
à partir des 3 %, il semble que personne qui travaille n'est satisfait
des services de la CSST. Si on se fie à certaines
déclarations
des employeurs - on dit toujours bonnes nouvelles pas de nouvelles, ce
qui fait la nouvelle ce sont les choses négatives - t'aurais
l'impression que tous les travailleurs sont mécontents de la CSST et que
tous les employeurs sont mécontents de la CSST. Donc, j'ai
décidé de demander à la CSST, que, pour l'automne, il y
ait un bureau des plaintes où les deux parties pourraient faire part de
leurs doléances et travailler avec eux autres. Tu sais, chacun son
dossier, comment ça chemine, pourquoi il est là, quelqu'un qui va
s'occuper de lui en particulier, de son cas. Puis la responsabilité,
c'est d'effectuer un nouvel examen des dossiers et puis des recherches de
solutions.
Je souhaiterais, et puis je pense bien que là-dessus... Tu sais
ce n'est pas fait pour remplacer les recours à l'heure actuelle, mais je
veux que le bureau des plaintes agisse en collaboration avec le Protecteur du
citoyen. Je veux que, finalement, on fasse travailler ce monde-là
ensemble, qu'on identifie des problèmes, qu'il y ait des suggestions de
part et d'autre et qu'on établisse un lien. Il me semble qu'au niveau de
la CSST, avec un bureau des plaintes, qui, lui, aurait la responsabilité
de travailler avec le Protecteur du citoyen, on peut faire marcher tout ce
monde-là ensemble. J'ai demandé qu'ils fassent ça pour
l'automne, même si on me dit que c'est déjà fait dans
certaines régions. On parlait des régions tantôt, avant il
y en avait 14 et on est passé à 21, je pense qu'il faut le dire
aussi. Pour aller porter le service plus près du citoyen qui en a
besoin. Ça s'est fait dans certaines régions, mais là je
veux que ça se fasse au niveau de l'ensemble des régions.
Même si on me dit que ça s'est déjà fait, je veux
que ça se refasse dans ces coins-là, qu'il y ait des
réunions entre les services de la CSST, les députés et le
personnel politique des députés. En d'autres mots, ceux qui les
reçoivent les 3 % dans leurs bureaux, je veux qu'ils aient une
familiarisation, une sensibilisation, une façon de mieux établir
des liens et des contacts. Savoir comment ça marche? Que des questions
puissent être posées autrement que par des lettres et ces
affaires-là, qu'on puisse se parler et établir des liens. C'est
débuté, mais, à mon avis, c'est important que ce soit
publicisé. Je profite de l'occasion pour le dire, je veux que ce soit
fait à la grandeur du territoire du Québec et que les
députés, comme les attachés politiques, soient
accessibles. C'est fait pour eux parce qu'ils sont un rouage important qui
identifie des problèmes et des pistes de solution en même temps.
Donc, je profite de l'occasion pour vous dire ça, et ça,
ça me vient de tous vous autres qui m'envoyez périodiquement des
lettres, ça germait. Donc, je profite de ton ouverture, Yvan, pour
répondre à ça.
Le Président (M. Bélanger): C'est sur le
modèle de celui qui avait été fait à Hydro-
Québec. Est-ce que c'est une mauvaise image que je donne
là?
M. Diamant: Disons que ce n'est pas tout à fait ça,
mais c'est plus du genre du ministère du Revenu.
M. Bourdon: Est-ce qu'il n'y a pas déjà une
vice-présidente aux bénéficiaires?
M. Diamant: Aux relations avec les
bénéficiaires...
M. Cherry: Oui.
M. Diamant:... sauf que le mandat de la vice-présidente
aux relations avec les bénéficiaires s'adresse davantage à
bonifier les relations avec les bénéficiaires déjà
dans l'organisation, ceux qui sont admis et qui vivent des
difficultés.
M. Bourdon: Oui.
M. Diamant: Pour ça, la vice-présidence tient des
réunions régulières dans toutes les régions, tous
les mois, avec tous les bénéficiaires qui sont dans nos
programmes tandis que le bureau des plaintes, ça va être une
organisation qui va strictement traiter les plaintes acheminées.
Le Président (M. Bélanger): Dans votre
organigramme, il va être rattaché à qui?
M. Diamant: Au président.
Le Président (M. Bélanger): Directement?
M. Diamant: Directement.
Le Président (M. Bélanger): Excellent.
M. Diamant: C'est une recommandation qui nous a été
faite par tous les organismes qui en opèrent.
Le Président (M. Bélanger): Excellent. M.
Diamant: Pour compléter...
Le Président (M. Bélanger): Je vous ai
interrompu... Il y avait Mme la députée de
Kamouraska-Témiscouata, auparavant. Je vous reviens. Madame.
Réadaptation et réinsertion au
travail
Mme Dionne: Oui, M. le Président, j'avais une question sur
la réinsertion au travail. Tout d'abord, en vous écoutant parler,
ça m'a fait penser que j'ai déjà travaillé à
la Commission des accidents du travail. Oui, il y a quelques
années, c'était en 1972, c'était mon premier
travail, trois mois, au bureau du pourvoyeur. Alors, ça fait longtemps,
je sais que les méthodes ont bien changé depuis le temps.
D'ailleurs, à ce moment-là, c'était déjà une
grosse équipe qui travaillait à la CSST. Mais pour parler de
réinsertion de façon particulière, chez nous, quand je
vois des gens de mon comté qui viennent me voir, plusieurs ont des
problèmes parce qu'au moment où il y a un programme de
réinsertion, où on aide les gens, on leur dit. Prenons un
exemple, un bûcheron ne peut plus aller en forêt, on lui dit:
Cherchez-vous donc un travail léger. Pendant cette
période-là, en même temps qu'on leur dit ça, je
pense qu'il sont dans un programme qui leur permet d'avoir des
indemnités. Sauf que les pauvres bonhommes, c'est très difficile
dans la région de se trouver un travail léger quand tu as
été bûcheron et que tu a des fois une sixième ou une
septième année. Ils sont vraiment frustrés de ça,
parce qu'ils se disent: Écoutez, on ne semble pas avoir certains
avantages que la Société de l'assurance automobile donne, des
fois, un incitatif à une formation additionnelle ou quelque chose comme
ça. En tout cas, c'est ce qu'on me dit. Alors, j'aimerais vous entendre
là-dessus au niveau de la réinsertion, parce que bien des
accidentés, qui après leur accident ont de la difficulté,
se retrouvent sur le bien-être social. Certaines fois, ils ont des
indemnités pendant un temps, d'autres fois, ils peuvent avoir un montant
forfaitaire, je pense, et tout ça. Alors, j'aimerais vous entendre un
peu là-dessus, parce que ça n'est pas clair et c'est
difficile.
M. Cherry: Oui, allez-y donc M. Diamant.
M. Diamant: En ce qui concerne... C'est parce que quand je pense
à Mme Dionne, je pense à mon lieu d'origine et au fait que sa...
(19 h 45)
Mme Dionne: À Saint-Pascal...
M. Diamant: ...mère était mon institutrice quand
j'allais à l'école. Je ne peux pas faire autrement que de penser
à ça.
Mme Dionne: Ha, ha, ha!
M. Diamant: La loi présente, la loi de 1985,
prévoit que, quand une personne ne peut pas, pour des raisons, soit de
sa lésion, soit des conséquences de sa lésion, reprendre
son travail, on y retourner, à ce moment-là, il y aura, bien
sûr, la reconnaissance d'un déficit personnel et il y aura une
compensation pour ça. Mais ça, c'est un problème à
part. Il peut être admis par la suite, ce qu'on appelle, à la
réadaptation. C'est un des droits consentis par la loi de 1985, qui est
le droit à la réadaptation, ce qui est nouveau par rapport
à ce qui existait antérieurement. Quand on parle de
réadaptation, on parle, bien sûr, de réadaptation
professionnelle, on parte de réadaptation sociale, et on parie de
réadaptation physique. Donc, ce sont trois aspects qui.
généralement, sont couverts par les programmes de
réadaptation. Alors, un individu qui est dans cette situation-là
se verra proposer une façon de se réinsérer au
marché du travail en suivant un programme de formation. Il faut
comprendre que, dans beaucoup de cas, c'est difficile, c'est pénible.
Quand les gens ont peu de scolarité, que les emplois sont rares dans la
région, à ce moment-là, il faut véritablement faire
des tours de force pour pouvoir trouver des programmes de formation qui leur
conviennent. Par ailleurs, on détermine à ce moment-là
avec lui, quel serait le genre d'emploi qui lui conviendrait, ce qu'on appelle
l'emploi convenable. La loi ne fait pas obligation, bien sûr, à la
Commission, de fournir du travail à la personne. Mais à partir du
moment où la personne est devenue ou est rendue apte à exercer un
emploi détermine, à ce moment-là, le programme
prévoit que nous allons verser - si l'emploi en question est disponible,
s'il rapporte moins d'argent - la différence entre le salaire qu'il
gagnait précédemment et le salaire de son nouvel emploi. Si, au
bout d'un certain temps, il n'y a pas d'emploi disponible, à ce
moment-là, les prestations seront terminées. Il y aura
strictement une indemnité minimale qui sera versée à la
personne. C'est comme ça que les programmes sont faits, c'est ce que la
loi prévoit. Mais je suis très conscient avec vous de la
difficulté de certains cas. En général, on fait beaucoup
de progrès avec nos activités dans le domaine de la
réadaptation. Les travailleurs qui sont admis en réadaptation -
on ne réussit pas tout le temps - mais quand ils s impliquent beaucoup
dans l'affaire, je pense que ça permet de les faire avancer.
Actuellement, on a develop pé des outils que l'on appelle les tableaux
de connexités d'emplois, ce qui permet à ce moment-là, de
trouver assez rapidement quelque chose qui est proche de ce que la personne
faisait avant et d'avoir un minimum d'efforts pour le rendre apte à
faire son nouvel emploi. On est en train de développer des programmes de
support à la recherche d'emplois. Il est bien entendu que ce n'est pas
notre rôle de nous substituer aux organismes existants qui, eux, ont
comme mandat d'assister les personnes à se trouver des emplois, ce sont
des organismes bien connus.
Mme Dionne: Est-ce que ça veut dire, M. Diamant, que vous
avez quand même des ententes avec les centres Travail-Québec, les
centres d'emploi...
M. Diamant: Oui...
Mme Dionne: Est-ce qu'il y a des ententes signées pour
dire qu'il y a un travail commun fait pour la réinsertion des
accidentés sur le marché du travail?
M. Diamant: II n'y a pas nécessairement d'entente, mais il
y des activités conjointes qu'on réalise avec eux. Par exemple,
ce que je viens de vous citer comme outils qu'on a déjà. On l'a
développé en collaboration avec ces organismes-là.
Mme Dionne: D'accord.
M. Diamant: Bien sûr, nous-autres, on pousse pour nos
clientèles.
Mme Dionne: D'accord.
M. Diamant: Mais on sait qu'on n'est pas les seuls qui frappent
à la porte.
Mme Dionne: En fin de compte, c'est vraiment difficile. Quand un
bûcheron se retrouve à se faire offrir, à se faire dire:
Bien, allez donc vers un travail léger, à cause de sa condition
physique, et que, dans la région, vous savez des gardiens
d'hôpitaux, là, du travail léger, on n'en a pas à
tous les coins de rue, c'est très difficile.
M. Diamant: Mais...
Mme Dionne: Mais je suis contente de vous entendre
là-dessus, ça veut dire qu'il y a un travail d'équipe qui
se fait dans chacune des régions.
M. Diamant: Définivement. Je dois dire que pour la
réadaptation, comme c'est quelque chose quand même de complexe
à développer, ce sont des services nouveaux. On est porté
à penser aussi que le régime de santé et de
sécurité au travail au Québec c'est une vieille histoire.
Mais je peux vous dire que l'application de la nouvelle loi, en 1986, ça
ne fait pas longtemps. Les institutions qui ont cinq ans d'existence et qui
sont arrivées au maximum de leur développement, c'est assez rare.
Je pense qu'on est porté à oublier ça. C'est un droit
nouveau, la réadaptation, dans cette loi-là. Avant qu'on ait
réussi à mettre en place toutes les infrastructures, tous les
programmes, toutes les procédures, je pense qu'il faut donner la chance
au régime. J'aurais envie de dire autre chose. Je le dirai à la
fin, M. le ministre, si vous me le permettez.
Des voix: Ha, ha, ha! Mme Dionne: Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député, vous m'aviez parlé de deux programmes que vous
vouliez regarder encore, les retraits préventifs et le travail des
mineurs.
M. Bourdon: Le travail chez les moins de 14 ans.
Le Président (M. Bélanger): Chez les moins de 14
ans. Alors, est-ce qu'on pourrait régler le retrait
préventif...
M. Bourdon: Oui, j'ai la Bibliothèque centrale...
Le Président (M. Bélanger):... pour permettre aux
gens de se retirer.
M. Bourdon:... de prêt de la Montérégie aussi
et des questions sur les documents fournis.
M. Cherry: Dans...
Le Président (M. Bélanger): Alors, on y va.
M. Cherry:... le cas des mineurs...
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'on pourrait
régler tout ce qui touche la CSST pour permettre aux gens de se
retirer?
M. Bourdon: C'est pour ça que je voulais prendre
d'abord...
Le Président (M. Bélanger): Ils ne sont pas
obligés de partager nos horaires de fous.
M. Bourdon:... le projet de...
M. Cherry: Les mineurs, ça touche eux autres aussi.
Le Président (M. Bélanger): Oui, bon. M.
Bourdon: Oui, oui, oui. M. Cherry: Les jeunes, je veux dire... M.
Bourdon: C'est vrai. Alors...
M. Cherry: C'est pour ça que ça enchaîne
mes...
M. Bourdon:... prenons...
Le Président (M. Bélanger): Vous allez veiller avec
nous autres. J'ai une bonne nouvelle à vous annoncer.
Retrait préventif de la travailleuse enceinte
ou qui allaite
M. Bourdon:... le programme de retrait préventif, M. le
Président, M. le ministre. En 1989, la CSST a consacré 54 000 000
$ au programme de retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui
allaite; 18 043 travailleuses ont bénéficié du programme
comparativement à
16 111 pour 1989. Selon une étude récente, la CSST
prévoyait qu'elle aurait à débourser 83 000 000 $ cette
année, soit une augmentation de 34 % par rapport à 1989. Cette
forte augmentation serait due au fait que la réaffectation est peu
souvent retenue comme solution aux dangers que la mère ou l'enfant
à naître peuvent courir et que l'on recourt plus souvent
qu'autrement au retrait pur et simple. Alors, mes questions sont les suivantes:
D'abord, est-ce que la prévision de 83 000 000 $ pour cette année
était exacte? Est-ce qu'elle va se réaliser? D'autre part,
qu'est-ce que la CSST entend faire à l'égard des
réaffectations? Est-ce qu'on va continuer à avoir tendance... Ce
que me disent les femmes qui vivent le problème, c'est que, bien que la
loi soit formelle que c'est sur avis du médecin traitant et qu'on doit
présumer que le médecin traitant a posé le bon diagnostic
et a prescrit un retrait préventif ou une réaffectation, selon le
cas, dans un premier temps, on a insisté pour que des médecins
des départements de santé communautaire soient associes à
la décision et que, de plus en plus, ce seraient des médecins de
la CSST qui prendraient la décision. On m'a décrit ça
comme une tendance. Maintenant, |e ne demande qu'à...
M. Diamant: Je vais peut-être reprendre vos questions l'une
après l'autre.
M. Bourdon: Oui.
M. Diamant: Concernant le nombre de retraits préventifs,
le nombre de retraits préventifs acceptés, effectivement, au
cours de l'année 1990, on l'estime - parce que je n'ai pas les derniers
chiffres - à 18 300, ce qui est 24 % de plus qu'en 1989. On a aussi des
dépenses estimées de l'ordre de 77 600 000 $. C'est un peu moins
que ce qui avait été annoncé comme possibilité au
mois de novembre, je crois. Votre chiffre se réfère au mois de
novembre, j'ai l'impression.
M. Bourdon: Mais le chiffre que j'avais, M. le Président,
pour 1989, c'était 18 043...
M. Diamant: Oui, mais ça, c'est...
M. Bourdon: ...bénéficiaires du programme.
M. Diamant: 18 043, ça comprend des retraits
préventifs acceptés et celles qui avaient été
acceptées l'année d'avant.
M. Bourdon: O.K.
M. Diamant: Comprenez-vous? Il faut additionner les deux chiffres
Donc, on parle effectivement d'une augmentation budgétaire,
c'est-à-dire de dépenses de l'ordre de 40 % pour l'année
1990 par rapport à l'année 1989. D'ailleurs - on l'a
indiqué tantôt lorsqu'on a parlé du déficit - c'est
un des postes ou la prévision a été beaucoup en
deçà des dépenses réelles. Vous avez parlé
de la nécessité ou du problème de l'affectation. Il faut
toujours rappeler, je pense, les objectifs prévus à la loi. Ce
sont des objec tifs très précis qui devraient normalement
reconnaître le droit à la travailleuse d'être
immédiatement affectée à d'autres tâches qui ne
comportent pas de danger pour elle et quelle serait raisonnablement en mesure d
accomplir. C'est là qu'on parie d'affectation. Mais, avant de parler
d'affectation, le programme prévoit un certain nombre de moyens que
l'employeur peut utiliser. Il doit les utiliser préférablement
avant de faire l'affection et avant de faire le retrait préventif. Le
premier moyen, c'est de travailler ou d'intervenir pour éliminer le
danger à sa source. S'il le fait, à ce moment-là, bien
sûr, il y a des chances que le risque disparaisse ou diminue. Le
deuxième moyen, c'est qu il doit travailler à la modification de
la tâche de la travailleuse Le troisième moyen qui lui est fourni,
c'est d'adapter le poste de travail. Le quatrième moyen, c'est à
ce moment-la qu'on parle d'affectation à d'autres tâches. À
la fin. lorsque tout ça n'est pas possible, c'est là qu'on
intervient avec le retrait préventif. Mais on constate que, même
si c'est le cinquième moyen, le plus bas dans la liste, c'est, de tous
les moyens, celui qui est presque automatiquement utilisé par les
employeurs. On a examiné cette problématique-là et on a
proposé au conseil d'administration du mois de juin 1990 une approche
pour essayer de ramener le programme à ses objectifs et de permettre
justement que les employeurs et les travailleurs se concertent pour appliquer
successivement les moyens déjà prévus. Pour ça, ce
qu'on a convenu de faire, c'est de travailler d'abord sur... Vous avez
évoqué tantôt l'histoire du médecin traitant, du
médecin du département de santé communautaire.
Actuellement, la pratique est claire: lorsqu'il y a entente entre le
médecin traitant et le médecin du département de
santé communautaire, la Commission accepte le retrait
préventif...
M. Bourdon: Mais est-ce que...
M. Diamant: ...ça, c'est la politique. Sauf.
M. Bourdon: Est-ce que M. Diamant pourrait me lire l'article de
la loi qui traite du diagnostic du médecin traitant parce que, moi, ce
qu'on me dit, c'est que...
M. Diamant: Dans le cas du retrait préventif, bien
sûr, le diagnostic qui se pose, ce n'est pas un diagnostic, à
savoir- Est-elle enceinte. elle n'est pas enceinte? Dans le fond, le
médecin traitant dit: Est-ce que, d'après moi, sa condition
particulière, qu'elle me décrit, présente un danger pour
elle ou pour le bébé? Le programme prévoit que le
département de santé communau
taire est censé faire un rapport ou une évaluation des
risques potentiels. Quand les deux le confirment, nous, à la Commission,
on accepte à moins qu'on considère - ce n'est pas arrivé
souvent dans la dernière année - que les deux médecins
sont complètement dans les pommes. Mais, à mon sens, c'est
excessivement rare...
M. Bourdon: Est-ce que vous pourriez m'expliquer ce que vient
faire la notion de grossesse normale? Ce qu'on me dit, c'est qu'on introduit
graduellement l'élément qu'une grossesse normale permettrait de
faire telle ou telle chose et qu'on ne tiendrait pas compte...
M. Diamant: De la condition personnelle. M. Bourdon:... de
la condition personnelle.
M. Cherry: Michel, j'ai un chiffre qui est peut-être
intéressant et qui peut peut-être aider à éclairer
tout le monde. Au départ, l'orientation - ce qu'on me dit - concernant
le retrait préventif, c'était suite à la
possibilité de danger des produits chimiques. Pourtant, aujourd'hui,
pour montrer comment ça a évolué, aujourd'hui, 64 % des
dangers appréhendés ne sont pas de nature chimique mais de nature
ergonomique. Alors, on voit là qu'on a dépassé
l'orientation originale d'être exposé à des matières
chimiques qui peuvent mettre en danger ou la mère ou l'enfant, parce
que, aujourd'hui, 64 % - deux sur trois - de tous les retraits
préventifs sont de nature ergonomique. Donc, de ce
côté-là, il y a du cheminement à faire. Je reviens
à ce que M. Diamant disait tantôt. Même s'il y a cinq
conditions dans le cas des travailleuses enceintes, ils se
réfèrent toujours à la dernière. Clac! pas
d'affaire là. Ils ne l'assignent pas à d'autres tâches
ailleurs. Pourtant, ils pourraient. Ce n'est pas une maladie d'être
enceinte, hein?
M. Diamant: Pour faire référence justement à
l'intervention du médecin du département de santé
communautaire, je n'ai pas l'article exact de la loi, mais la loi fait
obligation de consulter.
M. Bourdon: Mais M. le Président, je suis frappé.
La loi fait obligation de consulter mais ce que le président de la CSST
disait, c'est qu'il fallait qu'ils se mettent d'accord pour que la CSST
accepte. (20 heures)
M. Diamant: Mais nous autres, dans la mesure où les deux
sont d'accord, on ne refuse jamais.
M. Bourdon: Mais est-ce que ça veut dire, dans les
faits...
M. Diamant: Mais le diagnostic qui est posé, c'est le
diagnostic du danger pour la maternité.
M. Bourdon: Mais est-ce que le médecin du DSC a un droit
de veto ou si c'est le médecin traitant qui rend la décision?
M. Diamant: C'est le médecin traitant, c'est toujours le
médecin traitant, parce que c'est un avis qu'il demande au
département de santé communautaire.
Travail chez les moins de 14 ans
M. Bourdon: Je voudrais passer, M. le Président, au
travail chez les moins de 14 ans. En fait, il y a le magazine
L'Actualité qui a révélé l'état de la
question. Le magazine a eu une réponse assez laconique au
ministère du Travail, je ne sais pas par qui, selon laquelle il n'y
aurait pas eu de plainte. Moi, si ça prend une plainte, j'en fais une,
parce qu'il y a un jeune d'une douzaine d'années qui s'est tué
dans mon comté. Il travaillait chez un dépanneur, dans le
sous-sol, avec un convoyeur à moteur. Il est monté avec et il
s'est tué.
Moi je pense, d'après ce que je peux vérifier de mes
collègues, en 1979, quand l'âge minimum légal pour
travailler a été biffé de la loi, il n'y a pas eu de
débat, il n'y a personne qui s'en est comme rendu compte. Dans le fond,
je voudrais avoir deux éclairages, celui du président de la CSST
dans le cas du jeune qui s'est tué dans mon comté - il
travaillait pour un dépanneur sur la rue Notre-Dame... M. le
Président, je pense que ce qu'il faut dire, c'est qu'on s'attend
à ce que des jeunes soient affectés à de menues
tâches qu'on appelle, du genre... Bon, pour les camelots, il n'y a jamais
personne qui a trouvé matière à scandale, mais comme on
vit une récession économique assez sévère, il y a
de plus en plus de jeunes qui font des emplois industriels et dans des
conditions parfois assez inacceptables.
Alors, je voudrais savoir, dans le cas de mon comté, les gens se
posent encore des questions, et j'imagine que la CSST a fait enquête sur
les circonstances de l'accident. Du ministre, je voudrais savoir s'il est
prêt à s'engager à introduire un amendement à la loi
pour mettre un âge minimum pour travailler, comme ça a
déjà existé.
M. Cherry: Pour ce qui concerne la partie, Michel, que tu diriges
à moi, d'abord, je tiens à dire que, quand Michel Arseneault, qui
est journaliste, a appelé chez nous, c'était la première
fois que c'était porté à mon attention. Tu te dis: Bien,
c'est la première fois que quelqu'un l'apporte à part ça.
Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problème, là,
ça veut dire que c'est la première fois que quelqu'un porte
ça à ton attention.
Donc, j'ai demandé de vérifier, pour dire: Tu sais, c'est
quoi, il me semble... Je me souviens, moi, quand je suis entré sur le
marché du
travail, je n'avais pas 16 ans, j'avais 15 ans. Ça m'avait pris
un permis pour dire que je continuais mes études le soir. Donc, je
savais, par expérience personnelle, qu'il y avait quelque chose
là-dedans, mais je me demandais comment ça se faisait que
c'était disparu. D'ailleurs, je demanderais au président... Il y
a une série de listes d'emplois pour lesquels, la CSST, il faut qu'elle
intervienne là-dessus. Ce n'est pas complètement le
néant.
Pourquoi c'est comme ça? En 1980, c'est le gouvernement de
l'époque qui a décidé de transférer à la
CSST la responsabilité qui, avant 1980, appartenait au ministère
du Travail. Ça a eu comme résultat que ça a
créé un peu ce que tu décris, une espèce de vide
juridique. Tu sais, ça n'appartient pas à nulle part et on... Si
ma mémoire est bonne, on me dit qu'à quelques reprises, durant la
même période et dans les années qui ont suivi, il y aurait
eu des tentatives de vouloir... En 1981, la CSST a proposé un projet de
règlement visant à déterminer l'âge minimum pour le
travail à 16 ans, avec la possibilité d'obtenir un permis pour 15
ans. Le gouvernement de l'époque n'a pas adopté ce projet,
préférant aborder la question par le biais d'une autre loi.
Il y a eu quelque chose de tenté à l'époque, et il
y a eu des raisons. On me dit que c'était Mme Payette qui à
l'époque, avait un type d'objection. Je ne pourrais pas t'indiquer quoi,
mais on me dit que c'est elle qui avait fait que ça n'avait pas pu
être inclus. Alors moi, une fois que ça a été
porté à mon attention, que j'ai suivi le dossier, j'ai
demandé chez nous, dans un premier temps: Je veux voir c'est quoi le
problème, s'il y en a un, c'est quoi sa véritable dimension? J'ai
demandé au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre...
Quand les Affaires sociales, la Famille, les Normes du travail m'auront dit,
eux autres, ce qu'ils ont constaté là-dessus, puis la CSST. S'il
y en a un, c'est quoi sa dimension réelle, est-ce que ça
nécessite de la législation, si oui, dans quel type, ils me
donneront un avis, et je procéderai dans ce sens-là. C'est
ça que je fais dans le moment.
M. Bourdon: Est-ce qu'on peut s'attendre à des
études qui concluraient assez vite? Je vais dire franchement au
ministre: Quand j'ai appris la tragédie dans mon comté, je suis
resté renversé, peu importe à cause de quel gouvernement
la disposition est tombée. C'est qu'au début du siècle, un
des signes de civilisation qu'on a vécu, c'a été
d'interdire le travail des enfants. On se rappelle l'époque où il
y avait des enfants de 10, 12 ans, qui travaillaient dans les mines. Là,
on vit une récession qui est relativement grave, et même sans
récession, le principe est le suivant: qu'on mette l'âge minimal
à 16 ans avec une possibilité d'exemption à 15 ans. Moi,
j'ai des souvenirs d'adolescent. Je voulais travailler l'été et
j'avais 15 ans. J'étais allé au ministère du Travail.
J'avais expliqué l'emploi que j'avais obtenu dans une banque et on
m'avait donné l'exemption, mais on m'avait posé des questions sur
ce que je ferais. Mais sur une chaîne de montage, des enfants de 10 ans,
12 ans, 13 ans, 14 ans... La récession fait qu'il y a des gens mal pris
et qu'il y a des familles qui recourent à ça. Je ne sais pas
l'âge exact qu'avait l'enfant qui est mort dans mon comté,
happé par un convoyeur, mais c'est évident qu'à 13 ou 14
ans, en matière de sécurité, on comporte un plus grand
risque, j'ai l'impression.
M. Cherry: li en existe, Michel, de la réglementation
là-dessus parce que... Par rapport à 1980, quand on a
passé cette responsabilité-là du ministère du
Travail à la CSST, il en existe. Ça vaudrait la peine qu'on
regarde, évidemment, basé sur l'aspect
sécurité-santé. On a dit: C'est ça, par rapport au
travail. C'est porté à ton attention.
M. Bourdon: Je prends l'exemple de..
M. Cherry: Je prends l'article, par exemple, du jeune chez vous.
Ça, là, on pourrait regarder ça. Mais si tu prends, par
exemple - l'article le reproduisait bien - le père de famille qui
opère un dépanneur et pour qui les enfants travaillent, je ne
suis pas certain qu'il va aller demander un permis pour ça, mais, dans
le fond, ce que tu me dis, c'est: Est-ce qu'on pourrait avoir une espèce
de loi minimum ou quelque chose, quand quelqu'un serait pris en...
M. Bourdon: Admettez, M. le Président, qu'il...
M. Cherry: J'aimerais ça que le président donne la
liste des...
M. Bourdon: ..y a un paradoxe. Il y a un âge minimum pour
consommer de l'alcool dans un bar et...
M. Cherry: Mais celui qui passe les journaux, Michel?
M. Bourdon: Je le sais, mais avant, quand la loi existait
à 16 ans, il y avait des camelots, et ça devait être par
tolérance ou par amendement au règlement que c'était
admis. Je ne dis pas qu'il y a moyen de tout, mais qu'il y ait un âge
minimal pour consommer de l'alcool dans un bar et pas d'âge minimal pour
travailler, il me semble qu'il y a quelque chose qui ne va pas là.
Le Président (M. Bélanger): Sous toute
réserve, M. le ministre...
M. Cherry: M. le Président, quand ils ont enlevé
ça, quand c'a été enlevé en 1980, c'était en
connaissance de cause. Ils savaient qu'en
faisant ça, c'avait ça comme résultat, mais ils ont
préféré ne pas le faire pour des raisons de respect de je
ne sais pas trop quoi. On pourrait fouiller les débats de
l'époque. Mais ce n'est pas quelque chose qui a été
oublié dans la nuit des temps comme si personne n'en avait eu
connaissance. Il y a eu un pourquoi à ça.
M. Bourdon: M. le Président, ils ont peut-être mal
fait. C'est peut-être pour ça qu'on a perdu le pouvoir en 1985.
Ça fait six ans que vous êtes là. Quand allez-vous
réparer la gaffe, si c'était une gaffe?
Le Président (M. Bélanger): C'est qu'il y a des
prescriptions dans la Loi sur la protection de la jeunesse...
M. Cherry: On a une liste longue de même de gaffes à
réparer.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourdon: Si vous saviez comment la liste qu'on fait, nous,
commence à être longue. Les municipalités, il y a quelqu'un
qui va devoir reprendre ça, à un moment donné.
M. Cherry: On a au moins 5 à 10 ans à continuer
à réparer vos gaffes.
Une voix: On va vous laisser ça en bon ordre.
Le Président (M. Bélanger): Simplement pour revenir
sur le sujet des jeunes au travail, il y a des prescriptions qui existent dans
la Loi sur la protection de la jeunesse qui empêchent les jeunes de
travailler avant 16 ans, qui les obligent à fréquenter
l'école, mais qui permettent des travaux mineurs, style camelot, livrer
des journaux, travailler dans les dépanneurs, quelques heures par
semaine, etc., mais ça existe dans la Loi sur la protection de la
jeunesse. Ça, je suis sûr de ça.
M. Diamant: Je pense qu'on pourrait, comme dit M. Cherry,
débattre longuement la question parce qu'il y a toutes sortes de
tendances qui s'expriment quand on discute de ça, entre autres, quand on
se réfère aux responsabilités des parents, aux Chartes des
droits, des histoires de même. Finalement, il y a toutes sortes de
tendances qui s'expriment. Il existe, effectivement, des dispositions dans la
Loi sur la protection de la jeunesse, mais les gens nous disent que ces
dispositions-là sont à revoir parce qu'elles ne sont pas
étanches parfaitement. Il existe aussi certains secteurs prohibés
où travaillent des jeunes actuellement. Dans le domaine de
l'agriculture, il y a des choses, il y a des prescriptions. Je sais qu'il y a
des dispositions dans les codes de sécurité ou les codes de
construction pour différents travaux très précis, mais,
encore là, une fois qu'on a fait le tour de ça, on
n'épuise pas la question. C'est pour ça que le débat est
sur la table. Je veux quand même préciser qu'en ce qui concerne la
CSST, malgré tout ça, même s'il n'y a pas de
règlement concernant l'âge minimum de travail, tous les
règlements qui concernent les conditions sécuritaires du travail
s'appliquent pour tous les travailleurs, y inclus les jeunes. Les jeunes sont
couverts par la Loi sur la santé et la sécurité du
travail. Le cas que vous avez cité fait l'objet d'une enquête. Je
n'ai pas les conclusions de l'enquête, mais il ne faut pas oublier qu'il
y a des obligations qui sont faites aux employeurs dans nos lois. Je ne sais
pas ce que ça va donner au bout, mais dans la mesure, par exemple,
où nos lois font obligation à l'employeur de donner l'information
lorsqu'il y a un danger, si ce n'est pas fait, qu'il s'agisse d'un jeune ou
qu'il s'agisse d'un vieux, il y a un problème, là. Effectivement,
je crois avec vous que cette question-là - et M. Cherry l'a
mentionné - mérite d'être...
M. Cherry: Oui, on le regarde. C'est quelque chose qui est
porté à notre attention et qu'il faut corriger.
M. Bourdon: Pour ce qui est du cas qui est dans mon comté,
quand il y aura des conclusions à l'enquête, est-ce qu'on pourra
avoir copie du rapport?
M. Cherry: Oui, Michel.
Institut de recherche et d'information sur la
rémunération
M. Bourdon: M. le Président, j'ai' un autre sujet
dans les renseignements demandés par l'Opposition officielle pour
l'étude des crédits. C'est à la page 12 du document,
où l'Institut de recherche et d'information sur la
rémunération répondait aux renseignements demandés
par l'Opposition officielle. On a demandé des renseignements, et, en
page 12, ça s'intitule: Contrats de moins de 25 000 $ octroyés
pour des services professionnels. Il y en a un dont l'objet est la conception
et la réalisation d'un logo pour l'IRIR avec toutes ses applications, 11
349,13 $.
Le Président (M. Bélanger): On parle de la page 12.
J'ai un document, mais je n'ai pas la page 12.
M. Cherry: Michel, pour la CSST, peut-on libérer les
gens?
M. Bourdon: Oui, oui.
Une voix: Est-ce que vous nous souhaitez bonne chance aussi?
M. Cherry: Bien sûr.
M. Bourdon: On vous souhaite bonne chance nous autres aussi.
Le Président (M. Bélanger): On voudrait vous
remercier de votre participation efficace à nos travaux et aussi de
votre patience. L'étude des crédits, c'est l'occasion de toutes
les questions et de toutes les choses. Ce n'est pas juste une question de
piastres, c'est les autres préoccupations qui y passent. Alors, on vous
remercie de votre patience et de la pertinence de vos réponses.
M. Cherry: Une autre question, Michel?
M. Bourdon: Non, ça va. On vous remercie beaucoup.
M. Cherry: Le fait qu'il les libère, c'est sa façon
de leur dire merci.
M. Bourdon: Alors, j'avais une question à la page 12 du
document que l'Institut nous a remis. La conception et la réalisation
d'un logo a coûté 11 349 $. Alors, ma question est la suivante.
N'est-ce pas un peu cher pour un logo? Est-ce qu'il était beau au point
qu'il justifiait largement le prix?
M. Cherry: Si on me le permet, je vais demander à la
présidente, madame, de répondre à ça
Mme Poupart-Gendreau (Nicole): Je peux vous dire, effectivement,
qu'il est très beau, pour commencer.
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse.
Pouvez-vous vous identifier pour les fins du Journal des
débats?
Mme Poupart-Gendreau: Oui, Nicole Poupart-Gendreau,
présidente-directrice générale de l'IRIR. Le prix de 11
000 $, effectivement, si ça comprenait exactement la conception, je
serais d'accord avec vous que ce serait un peu cher. Ce que ça comprend,
c'est non seulement la conception du logo comme tel, mais toutes les
implications au niveau des rapports de l'Institut, la papeterie, les cartes,
les cartes de visite, etc. Alors, c'est pour ça que c'est 11 000 $.
C'est beaucoup plus que la conception du logo
M. Bourdon: Écoutez, ma surprise, M. le Président,
c'est qu'immédiatement après, on voit un bureau d'avocats connu -
contestation de taxes municipales - et c'est la moitié moins cher. Je
pense que c'est la première fois que je vois des avocats coûter
moins cher que quoi que ce soit.
Le Président (M. Bélanger): On va les citer en
exemple.
M. Cherry: Dis-le pas
M. Bourdon: Vous savez I histoire du député de
Labelle, l'hiver passé, qui nous racontait qu'un citoyen
âgé de son comté - c'est Jacques Léonard, le
député de Labelle - lui a dit Jacques, il fait tellement froid ce
matin que j'ai vu un avocat qui avait les mains dans ses propres poches
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourdon: Finalement, M. le Président, je voudrais
remercier la présidente de l'Iinstitut Ça nous avait
frappés. On a un souci d'économie On se dit que si on
économise assez, ça va peut-être donner au président
du Conseil du trésor ce qu'il faut pour ne pas geler les salaires de vos
employés. Je vous remercie de vos explications. Et je voudrais, en
terminant, M. le ministre, vous soulever le cas de la Bibliothèque
centrale de prêt de la Montérégie. (20 h 15)
Bibliothèque centrale de prêt de la
Montérégie
Le 28 novembre 1990, la direction de la Bibliothèque centrale de
prêt de la Montérégie décrétait un lock-out
contre ses 11 employés, après six séances de
négociations, dont trois en conciliation. Alors qu'aucun moyen de
pression n'avait été engagé, l'employeur a
décidé d'un lock-out mettant ainsi en péril un service
important pour 174 000 citoyennes et citoyens de la Montérégie.
La Bibliothèque centrale de prêt, c'est une organisation
financée par les municipalités, mais surtout par le
ministère des Affaires culturelles, pour envoyer des livres sur demande
à des personnes bénévoles dans les municipalités
qui administrent de petites bibliothèques. Il y a 11
bibliothèques centrales de prêt au Québec.
L'attitude pour le moins étrange du directeur
général, M. Richard Borvin, est vivement dénoncée
par les employés en cause. Ce dernier exigerait d'ailleurs le
congédiement du commis de la Bibliothèque centrale pour des
motifs assez nébuleux, ce à quoi se refuse le syndicat qui est en
cause. Entre autres choses, il semble que les problèmes de santé
de l'employé en question qui l'ont forcé à s'absenter du
travail soient pour quelque chose dans l'attitude de l'employeur. M
André Richard, le commis en question, a d'ailleurs porté plainte
auprès de la CSST pour ce qui est de ses problèmes physiques. Par
ailleurs, le ministère du Travail, par un commissaire enquêteur,
toujours dans le même dossier, celui de Mme Louise Daigneault, a rendu un
jugement à rencontre de la Bibliothèque centrale de prêt.
Il s'agit d'une syndiquée qui est allée déposer le
premier grief depuis deux ans au directeur de la Bibliothèque
centrale et, en représailles, il a fait enlever la porte de son bureau
pour qu'elle ne puisse plus travailler tranquillement, ce qui est un
comportement un peu spécial.
Je voudrais aussi vous dire, M. le ministre, que si vous parlez à
votre collègue des Affaires culturelles, vous devriez peut-être
l'informer que les gens trouvent un peu spécial que M. Boivin fasse la
promotion d'un logiciel pour toutes les bibliothèques des 70
municipalités abonnées, qui est produit par la firme où
travaille sa femme. Ce n'est pas parce qu'on est des Canadiens français
jaloux que d'autres Canadiens français réussissent, mais disons
que ça, c'est un petit peu fort. Alors, je voudrais savoir si le
ministre a été saisi de ce conflit de travail, s'il y a une
démarche possible pour essayer de mettre fin au lock-out, et, à
cet égard, je voudrais - parce que je l'ai reçu du syndicat -
déposer un ensemble de pièces qui résument le conflit et
qui donnent les dates.
Le Président (M. Bélanger): Documents
déposés.
M. Cherry. M. le Président, hier mon collègue m'a
informé qu'on aurait à traiter de ça aujourd'hui.
Effectivement, il y a eu séance de conciliation. On me dit qu'il y avait
même eu à un moment donné un accord de principe qui
était presque intervenu. Il y aurait eu changement de personnel. Alors,
j'ai demandé à des gens qui sont familiers avec le dossier - les
responsables du service de la conciliation - d'être présents. Qui
veut répondre à ça? Jean Des Trois Maisons.
M. Des Trois Maisons (Jean): Jean Des Trois Maisons,
sous-ministre adjoint aux relations du travail. Juste pour donner un
éclairage un peu plus grand sur le dossier. Toutefois, je dois souligner
que c'est en conciliation. Donc, je pense que le député de
Pointe-aux-Trembles qui connaît aussi bien que moi les relations du
travail va comprendre qu'on ne peut pas aller tellement dans le détail
de l'intervention, puisque ça pourrait, comme conclusion,
peut-être nuire au règlement du dossier si on a une
possibilité de le régler à court terme. Mais tout ce que
je peux dire dans les grandes lignes, c'est qu'au mois de mars, le service de
conciliation a relancé le dossier - ça fait déjà un
petit bout de temps que ce dossier-là... Oui, j'ai ici ia date, le 28
novembre 1990. On a fait une relance, et le directeur de la conciliation a
rencontré les porte-parole des parties avec la conciliatrice au dossier,
puis il s'est dessiné, dans le cadre de ces discussions-là, une
voie de règlement. Je ne pourrais pas élaborer sur le contenu
comme tel, mais le processus était enclenché pour arriver
à un règlement. Malheureusement, il y a eu des
événements qu'on ne contrôle pas puis qu'on n'a pas
à juger, il y a eu un changement de per- manent, c'est-à-dire le
représentant des travailleurs, puis je ne porte pas un jugement
négatif envers lui, loin de là. Effectivement, il y a eu un
changement. Alors, quelqu'un d'autre est arrivé au dossier pour
représenter les travailleurs. À ce moment-là, il y a eu
une nouvelle analyse de la situation. Il aurait fallu un peu reprendre la
démarche d'évaluation du dossier, compte tenu de son contenu. Ce
qui est arrivé, c'est que ça a remis un peu le cadre de la
démarche du règlement en cause. Donc, après cette
démarche-là, on est resté en contact avec les parties. M.
Normand Gauthier, qui est directeur du service de conciliation, est
resté en contact avec les porte-parole. On a eu une dernière
démarche téléphonique, hier, le 16 avril. Il y a une
discussion avec les porte-parole pour tenter de relancer l'affaire et voir
à organiser peut-être une nouvelle rencontre avec les
porte-parole. Il y a un certain nombre de points - je n'entrerai pas dans le
détail des points en litige - vous avez déjà
énoncé des choses, entre autres devant le commissaire. Je ne suis
personnellement pas informé de ce détail-là, mais vous
avez fait le dépôt de l'ensemble des documents. Je suis bien
convaincu que M. le ministre va me charger de regarder ça tout
particulièrement.
Alors, c'est un peu ça. C'est un syndicat qui est affilié
à la CEQ. Il y a 11 salariés dans le dossier. Comme je vous le
dis, hier M. Gauthier a parlé avec (es porte-parole, puis on va mettre
tous les efforts, c'est bien sûr, pour tenter de relancer la
négociation.
M. Bourdon: M. le Président, je voudrais remercier le
sous-ministre adjoint aux relations du travail de ses explications. Je ne
discuterai pas longtemps avec lui comment se fait la conciliation parce qu'il
m'a déjà concilié dans des dossiers, à
l'époque. Je ne veux pas, en aucune manière, entrer dans le
détail du dossier, mais qu'il suffise de dire qu'il s'agit d'une petite
boîte; il y a 11 syndiqués en cause. La boite fonctionne pareil
parce qu'il y a quatre cadres pour 11 syndiqués, ce qui est beaucoup de
chefs par rapport au nombre d'Indiens victimes d'un lock-out. La boîte
marche tant bien que mal quand même, et je soulève le
problème parce que c'est l'application d'une des tâches
essentielles du ministère qui est la conciliation, la médiation,
qui n'est pas toujours spectaculaire, mais qui est très essentielle
parce que c'est les relations entre les parties, et je pense que le
ministère fait une tâche assez imposante à cet
égard-là. C'est un petit syndicat et ça étonne un
peu, dans le péripublic, d'assister à un lock-out comme ça
qui n'avait pas été précédé de moyens de
pression, ni de déclenchement de grève, ni même d'un vote
de grève des syndiqués en cause. Maintenant, chacun sait qu'une
des caractéristiques des petites boîtes, c'est que, des fois,
c'est un peu comme une famille, puis on sait comment c'est quand les relations
se détériorent dans une
famiHe. C'est André Gide, je pense, qui disait: "Familles, je
vous hais!" Disons qu'il y a des problèmes dans cette
boîte-là, et je suis heureux de voir que le ministère a
l'intention de prendre les moyens pour essayer de tenter de rapprocher les
parties.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Drummond.
Relations du travail
M. St-Roch: Merci, M. le Président. D'une façon un
peu plus générale, M. le ministre, est-ce que vous êtes
capable de nous dresser un tableau des relations du travail au Québec
les deux dernières années? Est-ce qu'on s'améliore?
M. Cherry: Je pense qu'une façon qui a, à mon avis,
toujours été utilisée, c'est le nombre de personnes qui
sont en situation de conflit ou de lock-out. Dans le moment, évidemment,
c'est la situation, si on peut dire, la meilleure, la plus basse, qu'on me dit.
Les derniers chiffres, il me semble que c'est 1100 personnes.
Évidemment, le contexte économique aussi contribue pour beaucoup.
Quand on est dans une situation économique telle qu'on la vit
présentement, inutile de dire qu'on observe des comportements qui
n'étaient jamais pensés avant. Je pense à un sujet qui est
bien d'actualité. Qui aurait pu penser au Québec il y a à
peine quelques années ou quelques mois, si on veut, que des centrales
syndicales représentant 400 000 travailleurs et travailleuses du secteur
public et parapublic auraient, dans une démarche avec le Conseil du
trésor, proposé l'acceptation d'un gel des salaires pour une
période de trois mois. Je pense que c'est un signe des temps, un
sentiment de reconnaissance du degré de la situation, et on me dit
qu'une prochaine rencontre est prévue pour vendredi de cette semaine,
après-demain, sur les mêmes sujets pour continuer entre les
parties. Donc, pour répondre à votre question, le
baromètre qui est, règle générale, utilisé,
c'est celui du nombre de jours perdus à cause de grève ou de
lock-out. Il est à son plus bas niveau là, depuis fort longtemps,
c'est 1100 personnes au moment où on se parle.
Le Président (M. Bélanger): M le
député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: M. le Président, juste ajouter que, dans le
cas du secteur public, c'est heureux qu'il y ait une tentative de
négociation qui se soit faite. Mon parti a appris que, dans cette
matière-là, la négociation est plus rentable politiquement
que l'imposition des conditions de travail. Disons qu'on a payé assez
chèrement.
Je voudrais cependant ajouter à ce que dit le ministre que. dans
le monde industriel, une des choses qui est survenue il y a un certain nombre
de mois, qui risque d'avoir des conséquences à long terme, c'est
la loi spéciale visant les syndiqués d'Hydro-Québec
affiliés à la FTQ Dans le sens qu'on a eu là un exemple
manifeste d'utilisation par le ConseH du trésor de moyens vraiment
très très agressifs à l'endroit de syndicats qui, à
mon point de vue, ne le méri talent pas. Ce que je veux dire, c'est que
vraiment on a vécu ça comme parlementaires, on sentait que, du
côté du Conseil du trésor, la plus grande crainte,
c'était que la paix éclate À cet égard-là,
ils ont réussi..
M. Cherry: Ha, ha, ha! T'as une façon de
décrire...
M. Bourdon: ...et on a imposé aux syndiqués des
conditions de travail inférieures à la dernière offre de
l'employeur. Je pense que c'est préoc cupant, M. le ministre, parce que
Hydro-Québec vit de nombreux problèmes, dont un problème
de productivité. Il faudrait que le gouvernement sache prendre un peu sa
distance vis-à-vis des purs et durs du Conseil du trésor qui sont
comme... Ils sont au gouvernement ce qu'un service du personnel est à
une entreprise. Des fois, il y en a qu'on transfère ailleurs, qu'on
invite à un départ, qu'on... Des fois, on trouve qu'un service de
cette nature-là devient un petit peu comme un boxeur qui a trop
boxé à un moment donné. À cet
égard-là - je le dis en toute amitié au ministre, c'est un
conseil politique que je donne - la manière forte avec les
syndiqués de Hydro-Québec, entre autres, ils en parient encore
partout, ils sont une quinzaine de mille et puis ils sont
mécontents.
Cela dit, M. le Président, je pense que le ministère fait
tous ces efforts pour réparer les pots cassés par d'autres et
puis essayer de faire qu'il y ait un bon climat dans les relations du
travail.
Le Président (M. Bélanger): Le problème au
Conseil du trésor, c'est qu'ils sont tous syndiqués.
M. Bourdon: Pas tous, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): On ne peut pas les
inviter.
M. Cherry: Non, je ne pense pas, non. En terminant, M. le
Président, juste pour renchérir sur mon collègue. Hier,
comme vous tous, on a pu prendre connaissance du budget dune province
canadienne, la cinquième consécutive. On a vu qu'encore une fois,
non seulement ils parlent de gel des salaires pour une période aussi
longue, et même plus longue qu'il n'est question ici, c'est la
cinquième province consécutive, si les informations que j'ai lues
ce matin... Puis, si ma mémoire est exacte avec des coupures, des
diminutions de postes, ce qui chez nous n'a pas été l'ap-
proche retenue. Ça, là, je pense qu'on doit le dire
même si parler de situation de gel n'est jamais agréable. Je suis
convaincu que la diminution envisagée au niveau du fédéral
et au niveau de chacune des provinces qui l'a fait à date, et le nombre
de diminutions ne fait pas l'objet ici, aucunement. Il n'est pas question de
ça. Ça n'a pas été présenté. Je pense
que ça démontre le souci du gouvernement du Québec,
à l'intérieur de la situation bien difficile, de ne pas prendre
ce genre de travers là.
Remarques finales
Comme c'est peut-être ma dernière intervention....
Le Président (M. Bélanger): Effectivement.
M. Cherry:... parce que je pense qu'on a atteint le but, vous
permettrez, M. le Président, dans un premier temps, de remercier non
seulement tous les gens qui sont venus nous assister, qui ont participé
ne serait-ce que de façon bien patiente, puis qui nous ont aidés
dans les informations, mais également l'ensemble de mes collègues
autour de la table qui - on avait d'autres activités tout le monde, puis
on va faire suite à ça - ont rempli le devoir pour lequel les
électeurs les ont choisis. Puis dans ce sens-là, je tiens
à les remercier aussi.
C'est ma première activité comme telle. J'ai trouvé
l'expérience intéressante et enrichissante. Elle nous permet de
prendre note, de donner le suivi de certains dossiers. Puis, encore une fois,
je me plais à le répéter chaque fois que j'en ai
l'occasion, il y a trop de gens qui pensent que, parce que des fois on origine
du milieu syndical, on n'a pas nécessairement nos places dans des
décisions. Mon confrère et moi, on vient du même secteur
d'activité économique, et je pense qu'on est capables de faire la
démonstration qu'on peut aider à contribuer au mieux-être
de l'ensemble de la collectivité québécoise.
Le Président (M. Bélanger): Vous pourriez avoir
été patron, ça ne mène nulle part, regardez.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourdon: Alors, M. le Président, juste dire au
ministre, parce qu'il a mentionné l'importante négociation entre
les 400 000 employés du gouvernement et le Conseil du trésor,
juste deux idées que je lui laisse pour en faire l'usage qu'il voudra
dans le fond. Avant la récession actuelle, on a connu cinq années
de forte croissance économique. De 1985 à 1990, l'économie
québécoise a grossi de 12 % après avoir soustrait
l'inflation. Les employés de l'État n'ont eu que l'inflation et
n'ont pas obtenu d'amélioration de leur pouvoir d'achat. Je veux juste
donner au ministre trois chiffres pour réflexion et pour comprendre
pourquoi l'élection de 1986 a été si défavorable au
gouvernement qui avait coupé les employés de l'État. Selon
les derniers chiffres disponibles de 1981 à 1991, les bas
salariés de la fonction publique ont perdu 6 % de pouvoir d'achat, les
salariés moyens ont perdu 29 % de pouvoir d'achat, et les hauts
salariés - enseignants, conciliateurs, professionnels du gouvernement -
ont perdu 48 % de pouvoir d'achat. Ce que je veux dire, c'est qu'il faut
comprendre que ces gens-là disent: Ne nous faites plus mettre d'argent
dans le coffre parce qu'on a déjà fourni au bureau pour la peine.
Cela dit, je remercie le ministre de sa coopération habituelle, mes
collègues ministériels aussi. Je pense que ça a
été un exercice important. Les gens nous élisent, entre
autres, pour savoir où va l'argent, pas juste en dollars et cents, mais
quelles sortes de programmes et ce qu'il y a derrière. Je remercie le
ministre et le président de la commission.
Le Président (M. Bélanger): Pour conclure
brièvement par une anecdote, morale: Ne travaillons pas dans le
parapublic, c'est trop dangereux.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cherry: Je me permets, M. le Président, en terminant...
Dans les remarques, les suggestions que m'a faites mon collègue
concernant les gens du secteur public et parapublic, on me permettra de dire
qu'à date - je suis convaincu que ça va continuer comme ça
- personnellement, je n'ai jamais eu la prétention que des gens
étaient trop payés en aucune façon. Quand l'État a
eu les moyens de les rémunérer, il l'a fait, et là, il
s'agit simplement de les convaincre de partager cette période difficile
mais temporaire. Je suis convaincu que même s'ils sont
présentement à la recherche de solutions, ils apprécient
grandement, à mon avis, le fait qu'en aucune façon, par aucun
commentaire, ni directement ni indirectement, on a mis en doute leur prestation
de travail, leurs qualités et leur compétence
professionnelle.
M. Bourdon: Encore une attaque contre Yves
Bérubé.
Une voix: II faut adopter les programmes.
Adoption des crédits
Le Président (M. Bélanger): Un instant. Est-ce que
le programme 1, Relations du travail, est adopté?
M. Cherry: Adopté.
Une voix: Adopté.
M. Bourdon: Sur division.
Le Président (M. Bélanger): Sur division? M.
Bourdon: Oui.
Le Président (M. Bélanger): Ça allait si
bien, vous voyez? Est-ce que le programme 2 est adopté?
M. Cherry: Adopté.
M. Bourdon: Sur division.
Le Président (M. Bélanger): Le programme 3 est-il
adopté?
M. Cherry: Adopté.
M. Bourdon: Surdivision.
Le Président (M. Bélanger): Le programme 4?
M. Cherry: Adopté.
M. Bourdon: Sur division.
Le Président (M. Bélanger): Le programme 5?
M. Cherry: Adopté.
M. Bourdon: Sur division.
Le Président (M. Bélanger): Le programme 6?
M. Cherry: Adopté.
M. Bourdon: Sur division.
Le Président (M. Bélanger): Dans le programme 7 il
n'y a pas de crédits, alors on n'a pas besoin de l'adopter.
M. Bourdon: S'il n'y a rien, on n'en fera rien.
Le Président (M. Bélanger): Donc, est-ce que
l'ensemble des crédits du ministère du Travail sont
adoptés?
M. Cherry. Adoptés.
Le Président (M. Bélanger): Adoptés. Alors,
ça termine donc pour les procédures. Je vous remercie tout le
monde. Bonsoir.
(Fin de la séance à 20 h 34)