(Onze heures trente minutes)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, bonjour, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission de la culture et de l'éducation ouverte.
La commission est réunie afin de procéder à
l'étude du volet Protection de la langue française des crédits budgétaires du portefeuille
Justice pour l'exercice financier 2021‑2022. Une enveloppe de
90 minutes a été allouée pour l'étude de ces crédits.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. M. Émond (Richelieu) sera remplacé par M. Lévesque
(Chapleau); Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré), par Mme Hébert
(Saint-François); Mme IsaBelle (Huntingdon), par M. Lefebvre
(Arthabaska); Mme Labrie (Sherbrooke), par Mme Ghazal (Mercier); et Mme Hivon
(Joliette), par M. Bérubé (Matane-Matapédia).
Protection de la langue
française
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la secrétaire. Donc, nous allons procéder aux échanges entre les groupes d'opposition et le ministre
par blocs d'environ 14 à 19 minutes pour permettre à chaque
groupe d'écouler graduellement son temps de parole. Le temps d'échange
inclut les questions et les réponses. Et la mise aux voix des crédits sera
effectuée à la fin du temps qui est alloué, soit une période... soit un peu
avant 13 heures aujourd'hui.
Discussion générale
Donc, je suis maintenant prête à reconnaître une
première intervention de l'opposition officielle pour un bloc d'échange de
19 minutes. Donc, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, la parole est à
vous.
Mme David : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. J'ai parti mon chronomètre. Ce n'est pas long, 19 minutes,
mais on va en profiter au maximum. Bonjour, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bonjour.
Mme David : Enchantée de vous
revoir. J'avais hâte, j'avais hâte. On a tous hâte de parler de langue
française. On a même de plus en plus hâte. Je me suis ennuyée un peu de vous.
On a eu des échanges importants pendant le projet de loi n° 21. Alors, on
va reprendre d'autres échanges. Je pense qu'on va passer beaucoup de temps ensemble,
et j'espère que ça va rester productif, serein, dans le plus grand esprit de collaboration
possible, vous me connaissez. Bonjour à vos collègues. Bonjour,
M. Poirier. Bonjour, les collègues. Bonjour, M. Boutet, président du Conseil
supérieur de la langue française. Bonjour, mes collègues députés. Bonjour, tout
le personnel.
Je commencerais en vous remerciant de peut-être
nous avoir entendus et puis d'annoncer, aujourd'hui même... vous qui êtes assez
impatient, justement, d'annoncer votre grand plan, bien, vous avez au moins
annoncé l'application de l'article 1 de la loi n° 104, qui était
notre proposition numéro 3 dans notre plan d'action
qu'on a déposé. Il en reste 26. Alors, c'est intéressant que vous ayez ça
aujourd'hui. Ce qui me surprend, c'est que vous donnez un an pour vous
permettre de l'appliquer. Alors, je me dis, si, pour un article d'une loi, ça
prend un an, je crains fort que pour une loi au complet que vous voulez
entièrement rénover, comme vous dites, ça prenne beaucoup plus qu'un an. Alors,
si on fait une règle de trois, ça risque de prendre bien des années. Alors, je
ne souhaite pas ça à personne, mais je pense que je m'inquiète un petit peu de
ça. Mais, quand même, félicitations pour cette annonce de l'application de
l'article 1 de la loi n° 104. Vous avez raison, je l'ai dit aussi, ça
fait 19 ans. Donc, ça va être quand même assez intéressant.
Je vais commencer tout de suite par quelque
chose que votre premier ministre a annoncé. Enfin, c'est le supplice de la
goutte, hein, alors on en sait un petit peu. Alors, il a prononcé deux
mots-clés. Le premier, c'est «dérogation», donc «disposition de dérogation», je
devrais dire trois mots, et l'autre mot-clé, c'est «affichage». Donc, je ne
suis pas surprise et je sens votre intense envie de réutiliser, probablement,
les dispositions de dérogation pour, j'en conclus avec les mots-clés que j'ai
eus, obliger un affichage. Est-ce que c'est extérieur? Est-ce que c'est
intérieur? Est-ce qu'on revient à certaines dispositions de certaines années,
dont peut-être 1988? Est-ce qu'on essaie de dire : Ça va frapper fort, on
va montrer les muscles, on va vraiment dire, là, au gouvernement fédéral :
Attention, on se tient debout?
Alors, le mot
«dérogation» n'est pas suivi par... enfin, est un peu complexe pour bien du
monde, mais ça fait très, très costaud. C'est peut-être pour garder vivant dans
l'actualité un certain nombre de... En fait, vous avez mis la barre tellement haute que le mot «dérogation» frappe fort,
mais la question de l'affichage n'est pas vraiment dans l'actualité, à moins
que j'aie vraiment mal lu. Donc, on frappe le plus fort là où les gens,
peut-être, s'y attendent le moins. Je me
suis demandé si ce n'était pas justement pour être dans un certain rapport de
force avec nos cousins fédéraux. Mais, diable!, pourquoi avoir choisi
l'affichage, ou que le premier ministre a parlé d'affichage et de dérogation?
La Présidente (Mme
Guillemette) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, bonjour, Mme la Présidente. Vous me permettrez quelques
remarques préliminaires. Salutations à la collègue de
Marguerite-Bourgeoys — et
moi aussi, je suis content de la retrouver et j'ai hâte de travailler de
nouveau avec elle, je sais que ça sera productif — Mme la députée de Mercier,
M. le député de Matane-Matapédia, également M. le fidèle député de Chapleau
qui nous accompagne dans toutes nos aventures. Alors, merci d'être là. Salutations également, Mme la
Présidente, à Me Juliette Champagne, qui est sous-ministre associée au
Secrétariat à la promotion et la valorisation de la langue française , à toute
son équipe, parce qu'ils ont travaillé extrêmement fort au courant de la
dernière année et demie, Mme la Présidente, M. Boutet, président du Conseil
supérieur de la langue française, Mme Ginette Galarneau, présidente de
l'OQLF. Alors, merci d'être présents aujourd'hui.
Dans
un premier temps, Mme la Présidente, vous noterez que la langue française
est une responsabilité historique du gouvernement. Le gouvernement,
hier, par le biais du Conseil des ministres, a posé un geste qu'aucun autre
gouvernement n'a osé effectuer, qu'il soit du Parti libéral du Québec ou du
Parti québécois. Après presque 19 ans d'attente, Mme la Présidente,
nous avons pris le décret concernant l'entrée en vigueur de l'article 1 de
la loi n° 104. Il s'agit d'un premier pas de la relance linguistique du
Québec.
Le bilinguisme
institutionnel qui s'est installé depuis deux décennies est le bilan du Parti
québécois et celui du Parti libéral du Québec. À cet effet, Mme la Présidente,
je dois noter le récent mea culpa que les partis ont fait sur cette mesure,
mesure qui est pourtant le strict minimum. Le respect de notre langue nationale
commande de corriger cette importante lacune, et c'est ce que nous avons fait
aujourd'hui, Mme la Présidente.
Donc, en complément
de la question de la députée de Marguerite-Bourgeoys, elle me dit :
Écoutez, vous prévoyez l'entrée en vigueur dans une année, effectivement, la
date d'entrée en vigueur est dans une année pour faire en sorte qu'on puisse
adopter le processus réglementaire, mais une année, Mme la Présidente, on
a une date, c'est bien peu comparativement aux 19 ans durant lesquels
l'article de loi n'est pas entré en vigueur. Et ça, c'est clair, c'est pour
faire en sorte que l'État québécois communique à l'écrit avec les personnes
morales en français. L'État québécois, il est de langue française et, avec le
gouvernement de la CAQ, ça va se matérialiser, Mme la Présidente. Trop
souvent on a entendu les différentes formations politiques qui nous ont
précédés dire à quel point c'était important, et je constate qu'il n'y a pas eu
d'action.
Je suis heureux, Mme la Présidente,
d'entendre aujourd'hui, par le biais de la députée de Marguerite-Bourgeoys,
que le Parti libéral s'est réveillé, s'est ressaisi. Et ça, je pense qu'on le
doit à la députée de Marguerite-Bourgeoys, qui fait avancer le dossier
linguistique dans son propre parti. Je le sais, que ce n'est pas un combat
facile pour elle. Je salue son initiative avec ses 27 propositions, et je
suis heureux que ce soit elle qui ait le dossier pour qu'on puisse faire
avancer ensemble le français, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci, M. le ministre. Mme la députée.
Mme David :
Bien, c'est tout? Ma question sur la dérogation?
M. Jolin-Barrette :
Ah! bien, écoutez...
Mme David :
Je suis sûre que votre ouïe est très, très, très bonne et que vous m'avez
entendue parler de dérogation. Je vous remercie de vos bons mots, mais je reste
sur mon appétit total. «Dérogation», «affichage», c'est deux mots, dans
l'espace public, de votre premier ministre, alors...
• (11 h 40) •
M.
Jolin-Barrette : Pour la disposition de dérogation, ça intéresse
beaucoup de gens, ça. Moi, ce que j'ai compris, c'est que la cheffe de
l'opposition officielle n'était pas intéressée à utiliser la disposition de
dérogation pour protéger la Charte de la langue française, et, Mme la
Présidente, je crois que nous aurons une discussion ensemble, les
parlementaires, sur la protection que nous voulons donner à notre langue
nationale, le français.
Et en matière
d'affichage, et ça, c'est un élément qui est important, et je sais que la
députée de Marguerite-Bourgeoys est au courant de l'enjeu, parce qu'en 2016 il
y a eu la publication par le Parti libéral d'un règlement, hein, suite à une
décision de la Cour d'appel relativement à l'interprétation de la Charte de la
langue française, et ce que le Parti libéral a fait, sous le précédent
gouvernement, sous la précédente législature, Mme la Présidente, c'est de faire
en sorte d'abaisser l'affichage au niveau de la langue française. On est
passés, Mme la Présidente, de la nette prédominance du français à la présence
suffisante du français. Mme la Présidente, on n'était jamais allés si bas dans
la défense de la langue française, notamment dans l'affichage, Mme la
Présidente.
Écoutez, Camille
Laurin a instauré une norme. Robert Bourassa a utilisé la disposition de
dérogation pour préserver cette norme-là. En 1993, sous la gouverne de Claude
Ryan, il y a des choix différents qui ont été faits par le Parti libéral. Le
Parti québécois n'a pas agi sur cette question-là. Et, lorsqu'est venu le
temps, Mme la Présidente, d'utiliser les leviers à la disposition de l'État
québécois, lorsque le Parti libéral était au pouvoir, ça aurait été possible
d'ouvrir la Charte de la langue française, bien, le Parti libéral a préféré
plutôt adopter un règlement qui faisait en sorte d'amoindrir le statut du
français comme langue d'affichage, ce que nous ne ferons pas, Mme la
Présidente.
Alors, en ce qui concerne
l'affichage, je peux vous annoncer que, oui, certainement, il y aura des
mesures dans le cadre du projet de loi, Mme la Présidente, pour s'assurer de la
pérennité de la protection de la langue française, notamment dans l'affichage.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. Mme la députée.
Mme David : Oui. Mais, quand même, à
l'époque... j'ai toute la revue de presse avec moi, et je cite juste un exemple
d'un chroniqueur de La Presse : «Ce règlement est
important. Il est censé venir clarifier les choses. Il est censé venir à la
rescousse de la langue française. Il est censé servir de rempart à notre
identité culturelle.»
Alors, je comprends qu'il y aura disposition de
dérogation. Je comprends qu'il y aura resserrement de l'affichage. Il y a-tu
d'autres choses qui pourraient être mises sous des dispositions de dérogation?
Est-ce qu'il y aura d'autres enjeux qu'on pourrait imaginer en disposition de
dérogation?
La Présidente (Mme Guillemette) : M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, Mme la
Présidente, à ce stade-ci, considérant que le projet de loi n'est pas déposé,
je ne peux indiquer aux parlementaires quel est le contenu du projet de loi,
mais, très certainement, nous aurons l'occasion de l'étudier ensemble. Mais il
y a une chose, Mme la Présidente, qui est fondamentale et très importante de dire, c'est qu'au cours des prochaines
semaines, au cours des prochains mois, on va avoir l'opportunité de
débattre en cette Chambre d'un projet de loi
fort important pour l'avenir de la nation québécoise, pour l'avenir de notre
langue, et là on va véritablement voir, Mme la Présidente, à quel point
ça importe aux députés des autres formations politiques, la défense, la
protection et la valorisation de la langue française.
Alors, j'ai
bien hâte de voir, Mme la Présidente, comment est-ce que le Parti libéral du Québec va se positionner.
Parce que j'ai lu leur document, Mme la Présidente, et je tiens à saluer la
députée de Marguerite-Bourgeoys pour son travail, parce que, pour le Parti
libéral, entre aujourd'hui et Philippe Couillard, il y a une nette avancée, et,
pour citer La Reine des neiges, Mme la Présidente, on dirait que le
Parti libéral s'est libéré. La députée de Marguerite-Bourgeoys, elle est
libérée de l'emprise de Philippe Couillard, Mme la Présidente, parce que, sous
le règne de Philippe Couillard et des libéraux, il n'y avait pas de liberté
pour défendre la langue française, Mme la Présidente.
Or, on sent une avancée, quoique timide, Mme la
Présidente, mais nous aurons besoin de l'appui, Mme la Présidente, de tous les
parlementaires, peu importe les formations politiques, pour s'assurer de
pouvoir défendre notre langue, Mme la Présidente, pour s'assurer de pérenniser
le fait français, pour s'assurer de protéger notre langue, Mme la Présidente.
Et, vous savez, le français, il est à risque, tous les indicateurs, Mme la
Présidente, l'indiquent, que ça soit dans la région métropolitaine de Montréal
ou partout au Québec. Alors, il faut mettre en place des balises, des mesures,
notamment par voie législative, qui vont venir faire en sorte de protéger la
langue commune du Québec, le français.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Oui, je connais un peu
M. le ministre. Il aime parler longtemps, moi aussi, alors on va être obligés
tous les deux de se restreindre et de se discipliner. Parlant de psychologie,
peut-être, dans mon caucus, moi, je vais
parler de la psychologie dans votre caucus. Il y a... Ça fait longtemps qu'on
attend, là, ça fait trois ans, trois ans, le temps passe vite, je le
sais, aucun dépôt de plan, finalement. Les attentes sont rendues tellement
élevées que ou bien les gens sont frustrés parce que ça ne bouge pas assez vite
ou les gens sont très inquiets parce qu'ils se disent : Mais ça va être
monumental. Alors là, ça fait des insatisfactions de tous les côtés.
Ma question, c'est : Vous, là, qu'est-ce
qui bloque? Est-ce que c'est votre caucus? Est-ce que c'est le Conseil des
ministres? Est-ce que c'est le premier ministre? Vous êtes d'une telle
détermination qu'il y a quelque chose qui ne
marche pas. Alors, parlons de vous et de votre caucus, puisque vous avez parlé
du mien et de ma libération de La Reine des neiges. Alors,
est-ce que le roi du surf, ou je ne sais trop qui, est pris avec son caucus
aussi?
M. Jolin-Barrette : Mme la
Présidente...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. On s'adresse toujours à la présidence, s'il vous plaît.
M. le ministre, la parole est à vous. Des réponses courtes, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Mme la
Présidente, je peux vous assurer que tout fonctionne très bien. Et la députée
de Marguerite-Bourgeoys était en Chambre aujourd'hui, au salon bleu, elle a pu
constater que le premier ministre a dit : Nous avons une date, et ça sera
dans les prochaines semaines.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. Allez-y.
Mme David : Oui, ça fait très
longtemps, là, qu'on entend ça. Alors, ce n'est pas moi qui le dis, là,
c'est... lisez autour de vous, tout le monde trouve que ça prend vraiment beaucoup
de temps. Hier, vous avez... j'avais prévu la question, et je sais que le
collègue de Matane-Matapédia va probablement y revenir, et ça sera très bien,
mais je voulais justement parler du statut bilingue des municipalités, sujet
explosif s'il en est, mais elle a quand même dit assez clairement, la ministre des Affaires
municipales, que vous aviez discuté avec vos collègues de cette question-là.
Vous allez... Ce n'était pas clair, sa réponse, du tout, du tout. Alors, est-ce
que vous, vous pouvez être un peu plus clair? On a déjà eu l'occasion d'en
parler ensemble. S'il y a un sujet qui peut être divisif, c'est bien celui-là.
Ça vous intéresse, de retourner dans ce champ un peu complexe du statut
bilingue des municipalités?
La Présidente (Mme Guillemette) : M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, pour bien
expliquer, Mme, la disposition en lien avec ce à quoi fait référence la députée
de Marguerite-Bourgeoys, je crois, c'est l'article 29 ou 29.1 de la Charte
de la langue française qui confère à certaines municipalités un statut bilingue
si 50 % de sa population est de langue maternelle autre que le français.
Alors, ça s'est matérialisé avec la Charte de la langue française, en 1977, et,
depuis ce jour, il n'y a que très peu de municipalités qui ont demandé de
retirer leur statut. Alors, on se retrouve dans certaines municipalités qui
n'ont plus non plus le niveau de 50 % de citoyens ayant une langue maternelle
autre que le français. Alors, il y a une réflexion qui doit y avoir cours
relativement à tout ça, mais je suis convaincu qu'on aura l'occasion d'en
parler longuement dans le cadre de l'étude du projet de loi.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. Mme la députée.
Mme David : Quand j'entends
«longuement», ça veut dire qu'on va en parler. Alors, je prends bonne note.
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait,
Mme la Présidente, tout est sur la table, et je serais très ouvert à discuter,
dans le cadre de l'étude du projet de loi, avec mes collègues pour faire en
sorte d'avoir les meilleures mesures qui vont nous permettre de nous assurer
que le français soit notre langue officielle, notre langue commune, notre
langue d'intégration aussi. Alors, si la députée de Marguerite-Bourgeoys
souhaite qu'on modifie le statut bilingue des municipalités, bien, je vais
l'écouter.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme
David : On sait, on a carrément dit... dans notre plan, on parle
carrément de la question des 25-49 employés, de faire une
application qui soit souple et qui soit appropriée, évidemment, à la situation
de petites ou moyennes entreprises. Maintenant, je ne sais pas où vous êtes
rendu, parce que, là, vous avez souvent dit, et les questions vous ont été
posées par rapport au rapport sur le français de votre collègue d'Iberville...
Alors, la collègue d'Iberville, elle parlait d'une approche territoriale, d'une
approche de la grande région métropolitaine, que c'était là qu'il y avait des
problèmes, mais, en 2013, avec le PQ, vous n'étiez pas d'accord du tout
d'appliquer la loi 101 aux 25-49 employés, disant que ça serait trop
de redditions de comptes. Votre collègue, en 2016, dit : Grande région de
Montréal. Là, on est 2021. Alors, vous êtes de quel bord, 2013, 2016, ou autre
chose?
La Présidente (Mme Guillemette) : M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, Mme la Présidente,
la députée de Marguerite-Bourgeoys fait référence au rapport déposé par la
collègue d'Iberville : Une langue commune pour tous et pour tous :
Mieux réussir la francisation des néo-Québécois, excellent rapport, et je
souhaite rendre hommage à la députée d'Iberville, qui, à l'époque où nous
étions dans l'opposition, a présenté un plan qui est costaud, et, très
certainement, le projet de loi s'inspirera du rapport qui a été déposé. Mme la
Présidente, vous me permettrez de faire une incartade à notre règlement et de
l'appeler le rapport Samson, Mme la Présidente. Je crois qu'on va le dire.
Déjà, Mme la Présidente, avec ce que nous avons
annoncé aujourd'hui sur le fait que les personnes morales devront communiquer
avec l'État québécois en français, c'est une avancée. Et ce que l'on souhaite
faire, c'est donner les outils aux entreprises pour que la généralisation du
français se retrouve en entreprise. Il faut comprendre qu'un des meilleurs
facteurs d'intégration des personnes au Québec, c'est par le biais du travail,
et le travail, le marché du travail, ça doit se passer en français. Alors,
toutes mesures qui vont faire en sorte de permettre à ce que les Québécois puis
les Québécoises puissent travailler en français dans les entreprises vont être
privilégiées par notre gouvernement, Mme la Présidente, parce qu'il faut que la
langue du travail, ça redevienne le français.
Et on a vu les statistiques, et je sais que la
députée de Marguerite-Bourgeoys est au fait de ça, là, les études, notamment,
de l'OQLF relativement aux exigences d'une autre langue que le français pour
obtenir un emploi ou pour travailler, alors que ce n'est même pas nécessaire
dans le cadre de la fonction. Il y a un véritable enjeu, et il faut s'y
attaquer, et je suis d'accord avec la députée de Marguerite-Bourgeoys que ça
constitue un enjeu.
• (11 h 50) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. Donc, 30 secondes, Mme la députée.
Mme David : Bien oui, là, vous
devancez puis vous parlez d'un autre article, qui est l'article 46,
justement, c'est la langue autre que le français pour... à l'embauche. Alors,
ça, on aura l'occasion d'y revenir aussi, parce que c'est fort intéressant.
Mais je comprends que vous êtes quelque part entre les deux, mais clairement
plus près du rapport de la députée d'Iberville, qui parlait d'une approche
territoriale, ce qui ressemble pas mal à nos propositions par rapport au
centre-ville de Montréal. Alors, je suis très heureuse d'entendre ça.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme
la députée. Donc, je céderais maintenant
la parole à Mme la députée de Mercier
pour 14 min 30 s.
Mme Ghazal :
Très bien. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre.
Salutations à mes collègues et aux équipes de travail. Comme je n'ai pas beaucoup
de temps, je ne vais pas nommer tout le monde. Donc, je vais
commencer par ma première question. On apprenait cette semaine par la bouche de
la ministre de l'Immigration que, pour être plus compétitif, bien, le Québec
envisage de modifier sa grille de sélection pour abaisser le critère de connaissance du français pour les travailleurs qualifiés de certains secteurs. Ce que je comprends, c'est qu'on veut créer deux catégories
de gens qui viennent immigrer au Québec, de travailleurs, ceux qui sont qualifiés dans certains secteurs d'emploi, qui gagnent peut-être
de meilleurs salaires, et les autres, qui sont dans des secteurs
d'emploi où ils gagnent moins, peut-être moins de 56 000 $. Ce que je
comprends, c'est que c'est la façon que la CAQ a trouvée pour ne pas empirer le problème du premier ministre. Est-ce que le ministre de la
Langue française est d'accord
avec ça?
La Présidente (Mme
Guillemette) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Alors, dans un premier temps, Mme la Présidente,
c'est important de rectifier certains faits. La ministre de l'Immigration n'a
pas indiqué qu'elle allait modifier la grille de sélection pour être sélectionné par le Québec. Ce qu'elle a dit,
c'est qu'elle allait avoir recours à certains programmes pilotes, où est-ce qu'il y a une pénurie de main-d'oeuvre bien particulière, dans certains emplois, pour
sélectionner des personnes immigrantes qui vont pouvoir venir
répondre aux besoins du marché du travail. Et ça, vous le savez, ça a été...
c'est un défi de l'État québécois, d'arrimer
les besoins du marché du travail avec le profil approprié des compétences.
Parce que ce qu'on veut faire, c'est que, lorsque les personnes immigrantes
arrivent au Québec, elles ne soient pas déçues et que, déjà, elles aient un
emploi à la clé, lorsqu'elles arrivent, qui réponde à la hauteur de leurs
compétences. Et vous vous souviendrez le rapport de la Vérificatrice générale,
ce qu'il disait, c'était bien souvent qu'à l'étranger on nous disait :
Venez au Québec, vous allez pouvoir occuper un emploi, puis lorsque les gens
arrivaient ici, bien, ils étaient déçus, parce que leurs compétences n'étaient
pas reconnues, parce que l'emploi à la clé qu'on leur avait promis n'était pas
là et que ce n'était pas à la hauteur de leurs compétences.
Alors, le français
est extrêmement important dans la grille de sélection. Il le demeure. Je
comprends que ma collègue a mis en place
certains programmes pilotes pour répondre à certains besoins du marché du
travail, notamment en technologies de
l'information, notamment également par rapport aux préposés aux bénéficiaires,
mais le français demeurera toujours
une des priorités. Et surtout, ce qu'il faut s'assurer de faire, et c'est ce
que j'ai fait à l'époque où j'étais ministre de l'Immigration, c'est de
développer des ressources pour la francisation au Québec. On a investi
70 millions de dollars à l'époque où j'étais là. Mme la Présidente, les
taux, la première année où j'ai été là, en termes de suivi de cours de
francisation, ont explosé, je vous dirais.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci, M. le ministre.
Mme Ghazal :
Oui, parce qu'on essaie de respecter aussi, oui, l'égalité.
La Présidente (Mme Guillemette) : Le temps est très respecté, Mme la députée, je prends très religieusement les temps de parole.
Mme Ghazal :
Très bien. Merci, Mme la Présidente. Donc, je comprends, ce qu'on avait
entendu, le projet pilote pour les gens du secteur de l'intelligence
artificielle, le fait qu'ils ne parlent pas français, eux, c'est correct, les
autres, dans d'autres secteurs moins payants, non. Je comprends que le ministre
responsable du Français est d'accord avec cela. Et donc, à cause du marché du
travail, on accepte d'abaisser les critères. J'ai une autre question.
M. Jolin-Barrette : Juste là-dessus, Mme la Présidente, la réponse,
c'est non, on n'accepte pas d'abaisser les critères.
Mme Ghazal :
C'est ce qu'elle a dit hier.
M. Jolin-Barrette : Non, ce n'est pas ça qu'elle a dit, la ministre de l'Immigration. Il y
a la grille de sélection au niveau de
l'immigration permanente et, de l'autre côté, vous avez certains programmes
pilotes. Dans le cadre des programmes pilotes, il n'y a pas la même
exigence que dans le cadre de l'immigration permanente au niveau des
travailleurs qualifiés. Ça, c'est fort important de le dire. Il y a aussi un
engagement, dans le cadre d'un programme pilote, qui est programme pilote
temporaire. Il ne faut pas mélanger des pommes avec des oranges. Un programme
temporaire, c'est pour répondre à un besoin du marché du travail spontané, et,
pour pouvoir accéder par la suite à l'immigration permanente, vous devez avoir
le niveau de français. Je vous donne un exemple, la personne qui vient...
Mme Ghazal :
J'ai une autre question qui y ressemble un petit peu, donc vous allez
pouvoir... le ministre va pouvoir continuer.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Parfait. Merci, M. le ministre.
Mme Ghazal :
En ce moment, la loi 101 s'applique, ça veut dire, pas qu'elle
s'applique... les entreprises de 50 employés et plus sont soumises à la
démarche de francisation. Moi, j'ai déjà fait partie d'une entreprise et j'ai
été, c'est-à-dire, sur le comité de francisation. Et ce que vous proposez, ce
que je comprends, c'est que c'est de rendre cette démarche-là obligatoire aussi
pour les entreprises de 25 employés à 49, mais vous ne voulez pas alourdir
le processus. Moi, j'ai déjà fait partie de ça, puis ce n'est pas si lourd que
ça. Ça se passe aux trois ans puis ce n'est vraiment, vraiment pas lourd. J'ai
rencontré des entreprises puis ce n'est pas la mer à boire, il y a des choses
plus lourdes que ça dans la vie. Pourquoi est-ce que vous voulez créer deux
catégories de démarches de francisation dans les entreprises? Pourquoi est-ce
que vous voulez, comme le Parti libéral, faire des courbettes devant le
patronat et ne pas plutôt vous tenir debout devant le patronat pour un
gouvernement nationaliste?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, moi, Mme
la Présidente, vous me connaissez, je vais travailler en collaboration avec
tous les acteurs, incluant les collègues des oppositions, puis je vais écouter
leurs suggestions. D'ailleurs, je les ai rencontrés, Mme la Présidente. Ce
qu'il est important de dire aussi, au niveau du Conseil du
patronat, hein, il y a un sondage qu'ils ont effectué eux-mêmes, et
68 % de leurs membres sont d'accord pour élargir la Charte de la langue
française aux entreprises de 25 à 49 employés. Alors, on en a pris acte.
On a surtout aussi la considération de faire
en sorte que, pour les entreprises, il n'y ait pas un alourdissement du fardeau
administratif, Mme la Présidente. Alors, on va s'assurer de franciser
davantage, de s'assurer que, dans toutes les entreprises, la langue de travail,
ça soit le français, et ça, je pense que, sous les gouvernements successifs qui
ont précédé, c'est ça qui a fait en sorte de la dérive que nous connaissons,
notamment, sur l'île de Montréal. Mme la Présidente, je veux être très clair,
on est à un point de rupture dans la région métropolitaine de Montréal. Il faut
corriger la situation et on va corriger la situation.
Mme Ghazal : Puis il faut la
corriger...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. Mme la députée.
Mme Ghazal : Merci, Mme la
Présidente. Donc, il faut la corriger en ayant des exigences auprès des employeurs,
auprès des entreprises, puisque, si on dit que c'est sur le milieu de travail,
on ne peut pas mettre toute la responsabilité
sur les employés. C'est compliqué. J'ai été dans une entreprise pendant
15 ans, et c'est difficile de lutter et de ramer à contre-courant. On a l'impression que c'est l'employé qui est
chialeux puis qui veut protéger la langue française parce qu'il y a
beaucoup de choses qui se passent, par exemple, en anglais. Ce qu'il faut,
c'est avoir des exigences.
Moi, je ne
comprends pas. Donc, vous, vous êtes d'accord de laisser ça lourd, selon ce que
vous dites — moi, ce n'est pas ça, mon expérience — pour
les entreprises de 50 employés et plus. Plus bas, on va faire une démarche
un peu plus... on va dire que ça s'applique aux entreprises de 25 employés
à 49, mais, en réalité, ça ne sera pas vraiment tout à fait sérieux comme
démarche. C'est ce que je comprends. Pourquoi créer deux catégories?
Nous, à Québec solidaire, on dit qu'il faut y
aller même jusqu'aux entreprises de 10 employés, parce qu'il y a beaucoup,
beaucoup de personnes issues de l'immigration qui travaillent dans des très
petites entreprises, et il n'y a pas toute cette démarche de francisation dans
leurs milieux de travail.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, ce
n'est pas ça que je dis, Mme la Présidente. Ce que je dis, c'est qu'il y a des
efforts qui doivent être faits à tous les niveaux, que ça soit par l'État
québécois, que ça soit par les employeurs, que ça soit par les employés. Et il
faut aider aussi en termes de francisation, Mme la Présidente, parce que, vous
savez, avant que j'arrive au ministère de l'Immigration, les cours pour les
temporaires n'étaient pas offerts. Le Parti libéral ne permettait pas aux
personnes avec un statut temporaire de bénéficier des cours de francisation. On
les a inclus. On a inclus les conjoints, les conjointes de ceux qui avaient un
permis de travail également. On a payé les frais de garde pour permettre aux
gens d'aller se franciser et de faire garder leurs enfants. On a payé les frais
de transport. On a augmenté l'allocation à temps plein. On a créé une
allocation à temps partiel aussi, Mme la Présidente.
Alors, voyez-vous, c'est une série de mesures
qui vont faire en sorte de franciser davantage, et on doit avoir comme politique
au Québec qu'au travail, c'est en français que ça se passe, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Jolin-Barrette : Et vous le
constaterez notamment dans la région métropolitaine de Montréal, ce n'est pas
ce qu'il y a présentement, et c'est un enjeu.
Mme Ghazal : Non. Bien, ça, je
l'ai vu.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. Allez-y.
• (12 heures) •
Mme Ghazal : En francisation,
le gouvernement a beaucoup investi, c'est vrai, et c'est l'État qui paye. Qu'allez-vous demander aux entreprises en matière de francisation dans leurs entreprises?
Est-ce que ces entreprises-là... Les entreprises
ont aussi un devoir et un rôle à jouer plus important qu'actuellement. Est-ce
que votre réforme va leur demander plus d'exigences qu'actuellement? Je
comprends qu'on a fait beaucoup d'argent... on a mis beaucoup d'argent. C'est
l'État qui fait cet effort-là : Qu'est-ce qu'on va demander de plus des entreprises,
puisque c'est dans les milieux de travail, puis vous reconnaissez que c'est là,
qu'il y a beaucoup de recul?
La Présidente (Mme Guillemette) : M. le
ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, Mme la
Présidente, tout le monde doit participer, incluant les employeurs, à l'effort
de francisation, et surtout... de valoriser notre langue commune puis la langue
de travail, le français, alors, très certainement, on va travailler avec les partenariats,
avec les entrepreneurs, avec les commerçants. Et, déjà, on a annoncé, on a
adopté certains décrets pour aider, notamment, les petits commerçants en termes
de francisation. Mais, moi, Mme la Présidente, je veux m'assurer que le
plan que nous allons déposer soit un succès, alors je vais collaborer avec les
commerçants, avec les entrepreneurs, avec les entreprises. Mais il faut savoir,
Mme la Présidente, qu'ils vivent des moments difficiles aussi,
présentement, alors il faut s'assurer de bien les accompagner, et l'État doit
être là aussi pour accompagner les entreprises. Mais, le ratio derrière ça,
Mme la Présidente, c'est qu'au Québec le marché du travail doit être en
français, et l'État québécois va prendre tous les moyens pour faire en sorte
que l'exigence d'une autre langue ne soit pas présente, si elle n'est pas
nécessaire.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. Mme la députée.
Mme Ghazal : Oui. On en convient, le
recul du français, c'est surtout beaucoup à Montréal et ça crée des inégalités
économiques.
Dans le livre blanc que M. Camille Laurin
avait présenté et que je suis sûre que le ministre connaît par coeur, il y
avait le quatrième principe, qui disait de la loi 101 que le statut
du français est une question de justice sociale. Et, en ce moment, ce que ça
fait, le recul du français, surtout à Montréal, pour les unilingues
francophones, qu'ils soient immigrants ou pas, ça crée de l'injustice sociale
parce qu'ils ne peuvent pas accéder à certains emplois.
Il y a un collaborateur de M. Laurin,
M. Robert Filion, qui avait dit, quand il faisait le tour des chambres de
commerce, trois ans après l'adoption de la Charte de la langue française, il
disait que les gens lui disaient : Je n'ai pas voté pour vous,
c'est-à-dire pour le Parti québécois à l'époque, je ne suis toujours pas de
votre avis, mais c'est extraordinaire, depuis que la loi 101 a été
appliquée, j'ai eu une promotion que j'attendais depuis 20 ans. Un autre
disait : Depuis la loi 101, j'ai été nommé directeur pour l'Est du
Canada. Puis, ce que disait le collaborateur de M. Laurin, ces gens-là
n'étaient pas des jeunes péquistes avec le drapeau, puis tout ça, là, on parle
de gens d'affaires.
Moi, ma question
au ministre : Est-ce qu'après votre réforme, les unilingues francophones,
immigrants ou pas, vont pouvoir dire
la même chose que ce que disaient les gens à Dr Laurin, et donc pouvoir
vivre et prospérer en français, parce qu'en ce moment, leur situation,
le fait qu'ils soient unilingues crée des inégalités économiques, et, si oui,
comment?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, je
l'espère sincèrement, Mme la Présidente, mais je ne suis pas un devin.
Mais, très certainement, on va prendre des actions, Mme la Présidente,
pour faire en sorte que, le français, ça soit la langue commune. Puis,
qu'est-ce que ça signifie, la langue commune? C'est, notamment, la langue de
travail. Alors, il faut être très clairs : au Québec, vous avez le droit
de vivre en français, ça signifie, Mme la Présidente, que vous avez le
droit de travailler en français. Et ça, c'est non négociable, Mme la
Présidente.
Et, durant des années, on a laissé un déclin du français
arriver, Mme la Présidente. Il faut cesser ce déclin, il faut se
ressaisir, et, avec le projet de loi, c'est ce qu'on va faire, Mme la
Présidente. On a trop attendu, le Parti libéral a trop attendu, et, heureusement,
c'est terminé, Mme la Présidente, cette époque-là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. Mme la députée, 1 min 50 s
Mme Ghazal : Combien? Une
minute?
La Présidente (Mme Guillemette) :
1 min 50 s
Mme Ghazal : Mon Dieu! Ça ne
marche pas, mon... O.K., je pensais que j'en avais plus.
Donc, j'entends beaucoup de principes, j'ai hâte
d'avoir les mesures, surtout pour les entreprises et les compagnies, qui sont
des amies du gouvernement de la CAQ.
J'ai lu, récemment, un article de M. Gérard
Bouchard du 30 avril dernier dans Le Devoir, une lettre, Refaire
le lien de confiance entre majorité et minorités. Ici, à l'Assemblée
nationale, le Parti libéral, le Parti québécois, la CAQ, Québec solidaire, il y
a un consensus qu'il faut que le français prenne la place qu'il mérite. Mais il
y a un... Moi, comme élue, je me sens une responsabilité que, quand je parle de
la protection de la langue française, on est en ce moment dans une atmosphère
qui n'est pas très... qui est plus à la polarisation et non pas au dialogue,
et, moi, comme élue à l'Assemblée nationale, je me sens une responsabilité et
j'aimerais entendre le ministre.
Dans sa lettre, il dit qu'il y a une
«polarisation entre anglophones et francophones», il y a une «fracture qui se creuse au sein de notre société», «de jeunes
Québécois et Québécoises issus de la deuxième génération d'immigrants africains, nés au Québec,
disent ne pas s'y sentir chez eux», «ne pas se sentir Québécois. Ils
s'identifient plutôt au Canada.» Ils ont peu d'intérêt pour les
institutions publiques québécoises. «Le lien de confiance fait défaut.»
Moi, ça me fait peur, cette atmosphère dans
laquelle on vit aujourd'hui. Il faut protéger la langue française, et je vais
le faire de cette façon-là, en m'assurant que les jeunes Québécois, comme moi,
quand je l'ai été il y a plus de 30 ans, bien, qu'ils se sentent chez eux,
puis qu'ils aiment les institutions québécoises, et le Québec, et sa culture
comme je l'aime.
Comment est-ce que vous percevez ça? Est-ce que
vous ressentez la même chose que M. Bouchard et moi? Et comment vous
percevez votre rôle et votre responsabilité pour faire changer les choses
lorsque vous déposerez le projet de loi sur la Charte de la langue française?
La Présidente (Mme Guillemette) :
En 15 secondes, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Mme la
Présidente, nous devons rassembler. La langue française, elle appartient à tous
les Québécois, peu importe d'où on vient dans le monde, peu importe notre
origine, Mme la Présidente. C'est notre socle commun, c'est notre langue
commune, c'est la langue d'intégration. Et on va s'assurer d'inclure tous les
Québécois en français au Québec.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, M. le ministre. Donc, merci, Mme la députée. Je
céderais la parole à la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci beaucoup. Je
vais donner l'occasion au ministre d'en dire un petit peu plus, parce que la
question de ma collègue me semble fondamentale, et je partage ses inquiétudes.
Ma question, c'est : Avez-vous le goût
d'être un ministre divisif ou rassembleur? Et, si c'est rassembleur, comme je
le souhaite, évidemment, et comme j'imagine que vous allez répondre, bien, le
rassemblement va commencer par par ici, nous tous ensemble, qu'on réussisse à
forger ensemble le Québec de demain au niveau de la langue française, mais de
tout ce que ça implique au-delà de la langue française, la cohésion sociale.
Les gens sont en pleine pandémie, les gens
sont tannés, sont déprimés, on n'a vraiment pas besoin... On s'est divisés sur
la loi n° 21, est-ce qu'on veut encore se diviser puis arriver les
genoux à terre aux prochaines élections parce qu'on sera complètement polarisés
comme aux États-Unis? Est-ce qu'on veut quelque chose comme ça? Ou on se
dit : Est-ce qu'on est tous prêts, puis je nous inclus, tous prêts à
mettre un peu d'eau dans notre vin pour arriver à quelque chose où on se dira
tous ensemble : On a réussi? Ou, si vous voyez plus ça comme : Je
vais arriver, ça peut finir en bâillon comme
la loi n° 21, on va couper court, on va aller vite, étude détaillée à
toute vitesse, comme il est arrivé à la loi n° 21, tous les groupes ne sont pas entendus, etc.? C'est
arrivé pour la loi... Oui, oui, oui, c'est ça qui est arrivé pour la loi
n° 21, petit bâillon à la fin, je m'en souviens très bien. On s'est rendus
à l'article 4, je pense, ou 5. Mais c'est arrivé un peu aussi,
en 1977, le 27 août, quand ça a été voté, ça a été assez radical
aussi, comme étude détaillée, ça a été rapide, ça a été très rapide. Alors,
vous voyez-vous plus dans un rôle de rassembleur ou dans un rôle de division?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, Mme la
Présidente, écoutez, j'étais là, à l'étude du projet de loi n° 21, et je
me souviens qu'on a passé de nombreuses heures en commission parlementaire et
on a entendu de nombreux groupes. D'ailleurs, Mme la Présidente, le
leader, à l'époque, de l'opposition officielle avait consenti à la liste de
groupes. Alors, en tout cas, on peut refaire l'histoire, Mme la
Présidente, mais, très certainement, je pense que, la loi n° 21, il s'agit
d'une loi importante pour la société québécoise, puis le positionnement du Parti
libéral sur la loi n° 21, il amène la division. Alors, ça, c'est un enjeu.
Pour ce qui est de la loi 101, de la
réforme de la loi 101, Mme la Présidente, le français, c'est la
langue de la nation québécoise, il faut que tout le monde se rassemble autour
de notre langue commune. C'est fondamental, la nation québécoise doit continuer
d'évoluer en français, Mme la Présidente. Et je sais que, chez la députée
de Marguerite-Bourgeoys, il y a un désir de faire en sorte qu'on intègre les
personnes immigrantes en français au Québec. On s'assure, également, que la
langue de travail, la langue commune, ça soit le français. Alors, je suis
persuadé, Mme la Présidente, qu'on va se rejoindre sur cet objectif-là. Il
y a les moyens, Mme la Présidente, mon travail, mon rôle comme responsable
de la Langue française au Québec, c'est de m'assurer de la pérennité de la
langue française au Québec, et j'ai bien l'intention de le faire, Mme la
Présidente.
• (12 h 10) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. Mme la députée.
Mme David : Oui. Je vais peut-être
vous amener sur des choses dont certainement votre conseiller vous a parlé, puisqu'il m'a inspiré dans ces
questions-là, dans la conclusion de son livre sur la loi 101, 40 ans
après son adoption, que j'ai effectivement ici, Ce qu'il reste de la
loi 101. Il propose des choses sur lesquelles je voudrais vous
entendre.
Un des enjeux, quand on lit beaucoup depuis
40 ans sur cette loi-là, et, déjà à l'époque, Camille Laurin et René
Lévesque n'avaient pas nécessairement la même opinion, c'est de faire de la
Charte de la langue française non pas une loi d'exception, mais de lui donner
une portée quasi constitutionnelle. Ça a l'air compliqué, si j'ai fini par
comprendre, je pense qu'il y a bien du monde qui peuvent comprendre. Ça veut
dire que c'est comme la charte des droits et libertés, la charte québécoise des
droits et libertés de la personne. Ça, c'est une loi avec une portée quasi constitutionnelle. C'est une suggestion que fait
M. Poirier. J'aimerais vraiment ça entendre ce que vous en pensez. Ça ne
se peut pas que vous n'ayez pas eu l'occasion de discuter ça, un soir, à la fin
de la journée.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la ministre... Mme la députée. M. le ministre.
Mme David : L'ex-ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors,
Mme la Présidente, je suis heureux que la députée de Marguerite-Bourgeoys
reconnaisse que je me suis entouré, pour mener ce travail de la réforme de la
langue française, d'un des meilleurs experts au Québec en matière de langue
française, le Dr Poirier, qui est à ma droite. Et je tiens à le remercier
d'avoir fait ce choix-là, d'engagement public, tout comme l'équipe de
Me Champagne, du Secrétariat à la promotion, à la valorisation de la
langue française. Alors, je peux assurer que la députée de Marguerite-Bourgeoys
ne sera pas déçue du travail qu'on a effectué, du travail sérieux pendant un an
et demi, Mme la Présidente.
Et il faut s'assurer que notre langue nationale,
notre langue commune, le français, constitue le socle de notre nation. Et ça,
vous le savez, Mme la Présidente, aujourd'hui, là, je ne pense pas qu'il y
a beaucoup de gens qui remettent ça en question, que la langue française doit
nous unir, Mme la Présidente. Malheureusement, en 1977, Mme la
Présidente, vous le savez, le Parti libéral a voté contre la loi 101, tout
comme le Parti libéral a voté contre la loi
n° 21 en 2019. Probablement qu'avec le temps le Parti libéral va se
rallier à la loi n° 21, je le souhaite, tout comme ils l'ont fait pour la loi 101, Mme la
Présidente. Mais, sur des sujets aussi importants, aussi fondamentaux pour
l'avenir de notre nation, malgré le
pluralisme idéologique qu'il y a dans notre société, qui est une bonne chose,
il faut, pour certains dossiers comme
ceux-là, du vivre-ensemble, le l'accueil, de l'intégration, de la façon dont on
vit au Québec, pour faire
honneur à nos ancêtres, Mme la Présidente, mettre la partisanerie de côté,
faire corps ensemble pour défendre la langue française. Et c'est ce qu'on aura
l'occasion de faire ensemble au cours des prochains mois, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci,
M. le ministre. Mme la députée.
Mme
David : Oui. Disons que ça
nous laisse un peu sur notre appétit, on tourne un peu
autour des mots. Il y avait un
article 172 de la loi n° 1 — parce que la loi 101 ne
s'appelait pas la loi 101 dans son premier dépôt, elle s'appelait la loi
n° 1 — il
y avait l'article 172, en 1977, qui disait ça : il faut mettre
les deux lois, la charte des droits et libertés et la Charte de la langue
française, au même niveau. Ça a été rayé dans la version déposée le 15 juillet,
quelques mois après, après les audiences publiques, parce que la commission des
droits et des libertés de la personne avait tellement
protesté, alors... qui s'appelait Maurice Champagne, le président, à l'époque,
donc, 15 juillet, devient la loi 101, puisqu'il y a un
deuxième dépôt. Je le répète, c'était la loi n° 1, qui devait être la loi
n° 2. En tout cas, ce n'est pas important à ce point-ci, mais c'était
important pour Camille Laurin.
Donc, vous ne m'avez pas répondu : Loi
d'exception ou loi quasi constitutionnelle?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, Mme la
Présidente, il faut savoir que, déjà, dans la Charte de la langue française, au
début de la Charte de la langue française, il y a des droits fondamentaux qui
existent et qui ont le même statut que ceux qui sont dans la Charte des droits
et libertés de la personne, la charte québécoise. Alors, bien souvent, on les
oublie, mais, déjà, M. Laurin, à l'époque, avait prévu des droits
fondamentaux. Alors, ça, il ne faut jamais perdre ça, cette perspective.
Alors, je retiens de l'intervention de la députée
de Marguerite-Bourgeoys que c'est une avenue à envisager peut-être,
de donner un statut quasi constitutionnel à la Charte
de la langue française. Écoutez,
je vais réfléchir à cette proposition-là. Et, vous voyez, déjà, en discutant, en
suscitant le débat, Mme la
Présidente, il y a plein de bonnes
idées qui émanent de la députée de Marguerite-Bourgeoys, et je la remercie pour
sa contribution.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci,
M. le ministre.
Mme David : Je connais assez bien le
ministre pour savoir qu'il va retourner très, très, très souvent mes questions
en affirmations de ma part. Moi, je pose des questions à partir de positions de
son conseiller — et,
quand on s'appelle «conseiller», c'est parce qu'on conseille — alors
je prends les conseils, je vous pose la question. Vous avez dû avoir toutes ces
conversations. Et il y a un autre conseil qu'il vous donne, qui n'est pas le
mien, qui est le sien, que, justement, ce principe du français langue commune
soit inscrit dans toutes les lois. Il en nomme 24 dans sa page 228,
il nomme 24 lois, dont le Code civil, dont la charte des droits et
libertés, où vous pourriez inscrire le principe du français langue commune dans
toutes ces lois pertinentes, qui visent de près ou de loin ou qui incluent la
langue française, loi sur les établissements universitaires, loi sur les établissements
collégiaux, etc. Il propose, vous disposez, puis, moi, j'écoute.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, Mme la Présidente, comme on dit, je souhaiterais bien donner en
exclusivité à la députée de Marguerite-Bourgeoys ce qu'il y aura dans le projet
de loi, cependant je ne peux pas en raison des règles
parlementaires qui nous gouvernent, Mme la Présidente. Tout ce que je peux
dire, c'est qu'effectivement le français comme langue commune occupera une
place importante. Et je crois que c'est important de le dire, parce que c'est
la langue officielle du Québec, c'est la langue de l'État québécois, mais ça
doit, également, être notre langue commune. Puis, lorsqu'on dit «langue
commune», qu'est-ce que ça signifie, Mme la Présidente? C'est, notamment,
la langue sur le marché du travail, mais également la langue d'accueil et
d'intégration des personnes immigrantes.
Et ça, c'est un des plus grands défis que nous
avons, Mme la Présidente, de bien accueillir en français les personnes
immigrantes. Vous savez, les dernières statistiques démontrent que 50 %
des personnes immigrantes déclarent avoir une connaissance du français, on ne
connaît pas le niveau de connaissance. Alors, c'est vraiment important de faire
des efforts et d'envoyer un message très clair, Mme la Présidente, qu'au
Québec c'est en français, tout en protégeant les institutions de la communauté
anglo-québécoise, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Mme la députée.
Mme David : Alors, oui, j'admire les
contournements, les détournements, les cônes orange un peu partout. Alors, on ne sait plus trop sur quel chemin on
est, mais vous réussissez quand même à dire un certain nombre de choses.
Il est allé loin, votre conseiller, il parle
même d'inscrire le français langue commune officielle dans une constitution du
Québec. Mais là je vous dis d'avance, il y a les pour puis il y a les contre,
il y a les pour puis il y a les contre, il n'est pas sûr trop, trop, qu'il veut
ça à ce point-là, mais peut-être que vous? C'est parce que, vous savez, les
mots «disposition de dérogation», «principe du français dans plusieurs lois»,
«Constitution du Québec», ça fait tellement fort que, là, les gens vont
dire : Wow! Wow! Il agit vraiment, là, de façon forte ou, etc. Il y a
quand même trois provinces qui ont déjà une constitution, ceci dit, les
gens ne le savent pas, mais... Alors, et il vous propose ça, mais là, il est
pas mal moins sûr, là. Je ne sais pas quelle sorte de conversation que vous
aurez, mais, d'après moi, il ne penche pas pour ça trop, trop, parce qu'il
dit : C'est bien beau, mettre ça dans une constitution, mais, après ça,
c'est les juges qui décident de la constitution. Vous le savez, vous aimez
beaucoup les rapports avec Ottawa, donc les juges de la Cour suprême, etc., qui
appliquent une charte aussi, canadienne, alors je me suis demandé, quand même,
si vous aviez eu ce genre de conversations sur des sujets d'aussi haut niveau.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien,
Mme la Présidente, vous voyez toute la richesse et l'expertise des gens
qui m'accompagnent ici, en commission parlementaire, et qui ont contribué à
travailler avec moi sur projet de loi que j'ai l'intention de déposer,
Mme la Présidente. Et, vous savez, si la députée de Marguerite-Bourgeoys
cite le Dr Poirier comme ça, c'est pour démontrer la qualité de sa
recherche et la qualité de son expertise aussi.
Alors, vous savez, j'ai consulté beaucoup, dans
la dernière année et demie, j'ai consulté d'ailleurs mes collègues aussi et
j'ai entendu des gens de tous les milieux, de tous les groupes pour prendre
leur pouls, pour prendre, également, leur
opinion sur comment devrions-nous mieux protéger le français au Québec, comment
devrions-nous mieux valoriser la langue française, notamment, au niveau de
l'exemplarité de l'État, notamment, aussi au niveau de la qualité de la langue. Puis ça, je dois le
souligner, la députée de Marguerite-Bourgeoys l'a souligné, dans sa
proposition, au niveau de la qualité de la langue.
Alors, il faut être fiers de notre langue, il
faut être fiers de notre identité, Mme la Présidente. Et je peux vous
assurer que, dans le cadre du projet de loi que je vais déposer, toutes ces
considérations qui nous ont amenés à réfléchir pourront être analysées et
répondues.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. Mme la députée.
• (12 h 20) •
Mme David : Oui. Je vais sauter mon
plan officiel pour reprendre au bond un certain nombre de choses que vous dites
puis qui ne répondent pas du tout à ma question, malheureusement, mais ça a
l'air que vous n'êtes pas prêt à discuter de ça. Mais, quand vous parlez de la
qualité de la langue, je suis contente de voir que vous avez lu notre plan,
parce que je ne vous entends pas beaucoup sur ça.
Beaucoup, francisation : Oui, oui, oui, les
immigrants, là, c'est... ça a l'air... C'est comme si ça donnait l'impression
que c'était ça, le problème du français au Québec, c'est de franciser ceux qui
arrivent d'un autre pays. C'est évident que, quand ce n'est pas leur langue
première, oui, mais je ne trouve pas que vous appuyez très fort sur une
motivation de la qualité du français écrit et parlé de nous, autant
francophones, anglophones, allophones, de ceux qui sommes ici et qui allons
avoir besoin d'un sérieux coup de barre aussi, d'un sérieux coup de barre sur
la qualité du français écrit et parlé de tout le monde, toutes générations
confondues.
Votre collègue la députée d'Iberville proposait
de mettre ça, elle appelait ça le MIF, le «I» s'est ajouté après, d'une
politique nationale de francisation, hein, elle propose ça, politique nationale
de francisation qui serait quelque chose de très fondateur, etc. Mais elle met
ça au ministère de l'Immigration et de la Francisation, c'est ce qu'elle
propose en 2016. Arrive donc le MIFI, mais arrive un ouï-dire, que vous me
confirmerez ou pas, d'un ministère de la Langue française. Alors, vous ne
seriez plus seulement — je
dis «vous» parce que Martine Biron vous attribue la responsabilité de ce
futur ministère — donc
vous ne seriez plus seulement, je pourrais dire, responsable de la Langue
française, poste que j'ai eu le privilège d'occuper aussi, mais vous auriez un
ministère en bonne et due forme.
Grave question : Un ministre responsable,
un ministre de la Langue française, oublions le mot «responsable», un ministre,
dont c'est la seule fonction, il a un ministère complet, pas juste un
secrétariat, un ministère, vous risquez, comme dit
Mme Biron, de piler sur les orteils de beaucoup, beaucoup de collègues et
de faire peur à beaucoup de collègues, alors on est où? On est-tu à une
politique nationale de francisation au MIFI? Est-ce qu'on est à un ministère de
la Langue française? Est-ce qu'on est dans le statu quo? Qu'est-ce qui vous
tente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Alors, il y
a des nettes améliorations à faire au niveau de la qualité de la langue. Pour y
arriver, il faut redresser le statut de la langue, hein, il faut valoriser l'utilisation
de la langue française dans les milieux de travail comme langue commune, comme
langue d'intégration, tout ça va ensemble. Si on n'agit pas sur le statut qu'on
donne à la langue française, ça va être difficile de dire par la suite :
Bien, on agit sur la qualité. Comme on dit, tout est dans tout. Alors, c'est
une approche globale que j'aurai dans le cadre du projet de loi.
L'autre point qui est important aussi, c'est de
s'assurer que l'État lui-même soit exemplaire. Ça, ça m'apparaît fondamental.
On a eu des études de la part du Conseil supérieur de la langue française sur
ce volet-là. L'autre élément qui est important aussi au niveau de la qualité de
la langue... Et, je l'ai dit, là, l'idée du député de Sainte-Rose, qui a été
reprise par le député de Jacques-Cartier, le fait d'offrir à tous les Québécois
des cours en langue française pour améliorer, perfectionner leur langue, leur connaissance
de la langue française est une bonne idée, et j'envisage sérieusement mettre
cette suggestion-là en place, parce que, le fait d'avoir une bonne maîtrise de
la langue commune, du français, ça donne des outils sur le plan économique. On
a la chance, là, en Amérique du Nord, là, d'être le seul État à avoir le français
comme langue officielle, comme langue commune, on doit miser sur nos forces et
ça, ça ouvre le marché à des millions de locuteurs dans le monde aussi.
Alors, oui à la qualité de la langue, oui à l'amélioration.
Pour ce qui est des articles que l'on lit dans les médias, notamment,
Mme Biron, écoutez, on verra si elle est bien informée au moment du dépôt
du projet de loi.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. Mme la députée, 1 min 30 s
Mme David : Oui. Bien, je copie un
peu le ministre en disant : O.K. Je comprends, de ce que vous dites, que
vous êtes intéressé à autre chose que juste la francisation des immigrants,
comme on dit.
M. Jolin-Barrette : Tout à fait,
tout à fait.
Mme David : Vous êtes intéressé et
préoccupé par l'ensemble de la population qui doit s'approprier la qualité de
la langue que chacun de nous parlons. Il y a peut-être des mois de février sans
alcool, mais il pourrait peut-être y avoir un mois de mars sans faute d'orthographe,
et sans faute de français, et sans anglicisme, partout, y compris dans le salon bleu. Donc, vous pourriez être ministre
d'un ministère qui regarde bien au-delà de mettre tout
l'opprobre de la mauvaise qualité du français ou du non-apprentissage du français
sur les nouveaux arrivants, et que tout le monde s'approprie ça. Auquel cas, on
n'est pas dans le MIFI, on est dans un ministère, soit qui a la responsabilité,
soit vous faites comme Conrad Ouellon à l'époque le proposait, dans des
rapports qu'il a remis, de laisser la gouvernance, mais une fois pour toutes, là, d'arrêter de déménager le secrétariat à la langue française. À chaque fois que le ministre change, il
déménage, lui aussi. De ce temps-ci, c'est dur de se trouver des nouveaux
logements, même si... Enfin, on ne fera pas cette discussion-là. Donc, il
propose de le laisser au ministère de la Culture une fois pour toutes. Alors,
vous avez plusieurs choix : C'est quoi, votre envie, là-dedans?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. M. le ministre, vous pouvez garder votre question
pour le prochain bloc d'échange avec Mme la députée. Donc, je céderais maintenant
la parole au député de Matane-Matapédia.
M.
Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Salutations au ministre, à ses collaborateurs, à l'ensemble des parlementaires,
aux personnes intéressées par l'avenir de la langue française, qui nous
écoutent.
Mme la Présidente, il y a quelques heures,
au salon bleu, j'ai déposé la motion suivante :
«Que l'Assemblée nationale affirme que le
premier critère de sélection des nouveaux arrivants devrait être la
connaissance du français.»
Qu'est-ce qu'il s'est passé? Le ministre s'est
levé, il a refusé cette motion. C'est comme ça qu'a démarré notre journée
linguistique. C'est assez ironique. Comme on ne peut pas spéculer sur un plan
qui tarde à venir, on va juger sur les oeuvres actuelles.
Il se trouve que le gouvernement du Québec a
consacré, à travers un projet de loi, projet de loi n° 66,
des investissements importants dans des institutions d'enseignement supérieur
anglophones, notamment, le collège Dawson, mais également l'Université McGill.
Ces deux projets originent du Parti libéral du Québec. Il y a eu une élection.
On aurait pu croire que la CAQ n'est pas tenue de réaliser tous les rêves du
Parti libéral, mais non, non seulement ces projets se retrouvent dans un projet
de loi, mais un projet de loi pour accélérer leur financement. De toutes les
institutions collégiales au Québec, le gouvernement, avec l'appui du ministre,
a choisi Dawson, le collège le plus populeux, collège qui recrute les meilleurs
étudiants, collège le plus riche, qui a besoin d'une rallonge pour accueillir
encore plus d'étudiants et qui contribue au déséquilibre linguistique en
enseignement supérieur à Montréal. Ça a été dit par plusieurs experts. Ça a été
dit, notamment, par un des auteurs préférés du premier ministre, Mathieu
Bock-Côté, qui appelle ça une «trahison linguistique». C'est ses mots,
Mme la ministre.
J'ai une question très
simple pour le ministre, parce qu'il est au Conseil des ministres et il est
solidaire du Conseil des ministres : Pourquoi croyait-il opportun, pour
l'avenir de la langue française à Montréal, d'appuyer le projet du cégep
Dawson?
La Présidente (Mme Guillemette) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors,
salutations au député de Matane-Matapédia.
Moi, Mme la Présidente, je trouve que la
journée a plutôt bien débuté avec l'annonce de l'entrée en vigueur de
l'article 1 de la loi n° 104, Mme la Présidente — ce
que le PQ, entre 2002 et 2003, n'a pas fait, et, entre 2012
et 2014, qu'il n'a pas fait non plus — le fait que l'État québécois,
Mme la Présidente, communique exclusivement en français avec les personnes
morales.
M.
Bérubé : Ce n'est
pas ma question du tout, hein? Sur la question?
M. Jolin-Barrette : Alors, je
réponds à votre introduction. Moi, je trouve que la journée a bien débuté et je
pense que c'est un moment historique, après 19 ans, Mme la
Présidente, d'inaction.
M.
Bérubé : Dawson?
M. Jolin-Barrette : Pour ce qui est
de la question relativement au collégial, Mme la Présidente, sur l'île de
Montréal, Mme la Présidente, près de la moitié des étudiants
préuniversitaires étudient en anglais, ce qui est une nette augmentation,
Mme la Présidente, au cours des dernières années. On se retrouve dans une
situation où la langue normale des études doit redevenir le français, et, très
certainement, Mme la Présidente, je vais prendre des actions pour
m'assurer que les Québécois étudient en français.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. Allez-y, M. le député.
M.
Bérubé :
Mme la Présidente, ma question est très claire : Pourquoi le ministre
a accepté le projet de financement de
«Dawson College»? Pourquoi il trouve que c'est une bonne idée pour le Québec et
pour l'avenir du français?
La Présidente (Mme Guillemette) :
M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Alors,
comme je vous le dis, Mme la Présidente, l'important, c'est que la langue
normale des études, notamment, au niveau collégial, ça soit le français.
Pour ce qui est des projets énoncés par le
député de Matane-Matapédia, Mme la Présidente, ils ont été inscrits au PQI
sous l'ancien gouvernement. Ils s'y retrouvent dans le projet de loi n° 66,
Mme la Présidente, mais ce sont des projets qui peuvent bénéficier d'une
accélération dans le cadre du projet de loi, Mme la Présidente.
Mais je vous réitère que ma priorité, c'est de
faire en sorte que la langue normale des études, Mme la Présidente, au
niveau collégial, ça soit le français, et on va prendre les moyens pour y
arriver.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. M. le député.
M.
Bérubé : Mme la Présidente, veuillez noter que le
ministre refuse de répondre. Le gouvernement libéral avait ses...
Une voix : ...
M.
Bérubé : Ah!
commencez pas ça, là, vous allez avoir de la misère avec moi, là.
M.
Lévesque (Chapleau) :
...donc c'est important que le ministre donne la réponse, et le député doit
accepter la réponse du ministre. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, tout le monde.
M.
Bérubé : Je ne leur
conseille pas de jouer à ça.
La Présidente (Mme Guillemette) :
M. le député, je vous cède la parole.
• (12 h 30) •
M.
Bérubé : Merci,
madame. Le collège Dawson, là, vous aviez l'option de ne pas faire la même
chose que les libéraux. Vous l'avez fait,
c'est un choix volontaire, vous avez choisi la liste des projets. Il aurait pu
y avoir des cégeps de partout au
Québec, vous en avez pris un, Dawson. Donc, vous n'étiez pas tenus d'y aller,
vous aviez cette option, vous avez
choisi de le faire. Et le ministre refuse de dire que, lui, il est en faveur — moi,
je sais pourquoi, parce qu'il était contre, c'est reconnu — alors
il a avalé cette couleuvre-là, malheureusement. Au moins, qu'il me dise
pourquoi il était contre. Mais, au même titre que sa ministre collègue
de la Capitale-Nationale, qui jamais ne va nous dire qu'elle est pour le
tramway, j'ai l'impression que jamais le ministre ne va concéder qu'il était en
faveur du projet de Dawson.
La Présidente (Mme
Guillemette) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, Mme la
Présidente, je travaille et j'ai l'intention de travailler dans les prochains
mois pour faire en sorte que la langue normale des études, Mme la Présidente...
M. Bérubé : C'est épouvantable.
M. Jolin-Barrette : ...ça soit le
français. Parce que, vous savez, hein, il y a un glissement du français,
particulièrement dans la région métropolitaine de Montréal.
M. Bérubé : On le sait, ça.
M. Jolin-Barrette : Et surtout, Mme
la Présidente, il faut faire en sorte de redonner la fierté d'étudier en
français et surtout il faut indiquer que c'est possible de travailler et de
réussir en français au Québec. Et on va s'assurer de faire en sorte...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Jolin-Barrette : ...que cette
possibilité demeure.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre.
M. Bérubé : Mme la Présidente, il y
a...
La Présidente (Mme Guillemette) : M.
le député.
M. Bérubé : Oui?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Une question mérite d'être posée, elle mérite d'être répondue, et nous allons
attendre la réponse de M. le ministre. Je vous cède la parole.
M. Bérubé : Mme la Présidente, le
ministre n'a pas à me convaincre de ça, je suis un député du Parti québécois.
La langue, là, ça nous connaît pas mal. Les gens les plus courageux de
l'histoire du Québec, c'est notre formation politique. Quand le ministre parle
de Camille Laurin, il n'indique jamais que c'est quelqu'un du Parti québécois.
Une belle récupération, mais c'est notre formation politique qui a posé des
gestes. Et, quand j'entends son premier ministre dire, à la période des
questions : Vous n'avez pas adopté de nouvelles mesures. Savez-vous pourquoi, Mme la Présidente? Parce qu'on était un
gouvernement minoritaire, et la CAQ disait que c'était trop pour eux autres. C'était trop, ils se sont écrasés. Alors,
de se faire faire la leçon par la nouvelle mouture de la CAQ, c'est fort
de café.
Alors, pour Dawson, je n'aurai pas de réponse.
Notez, c'est enregistré que jamais le ministre ne prononcera les paroles
suivantes : J'étais en faveur du projet de Dawson. Il ne veut pas se
mettre en porte-à-faux avec le Conseil des ministres. C'est dommage pour lui.
C'est un symbole très fort, et plusieurs observateurs l'ont fait remarquer.
Je veux passer à un autre sujet, si vous le
permettez, Mme la Présidente. Hier, on a appris de la part de sa collègue des Affaires municipales qu'il y a eu des
échanges sur les municipalités bilingues. Je la remercie de sa candeur,
ça me sert aujourd'hui. Il existe au Québec
84 municipalités à statut bilingue et six arrondissements, qu'on retrouve
à Montréal, à Longueuil et à Sherbrooke, qui détiennent ce
droit depuis 1977. Or, il se trouve que l'évolution du nombre
d'anglophones ou de francophones a évolué, et, selon les dernières données dont
on dispose, celles du recensement de 2011,
on pourrait avoir des surprises si on appliquait cette règle. Bien sûr, les
municipalités, d'elles-mêmes, vont
rarement demander de révoquer ce
statut. Nous, on souhaitait le faire dans le projet de loi n° 14. Le
gouvernement trouvait qu'on allait trop loin.
Alors, je soumets au ministre... Bien, d'abord,
j'aimerais obtenir la liste des municipalités et du pourcentage de francophones
qu'on y retrouve, les 84 municipalités, les six arrondissements. On fait
une demande formelle d'un document, que j'aimerais avoir, convaincu que
quelqu'un a ça ici. Je lui pose la question suivante : Trouve-t-il normal,
en 2021, que des municipalités qui, parfois, n'ont que 20 % d'anglophones
maintiennent un statut bilingue?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. M. le ministre, est-ce que ce sera possible de déposer
ledit document?
M. Jolin-Barrette : Oui. Alors,
nous prenons l'engagement, Mme la Présidente, de déposer le document au
secrétariat de la commission.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Je vous remercie.
M. Jolin-Barrette : Pour ce qui
est des municipalités à statut bilingue, ça intéresse également la députée de Marguerite-Bourgeoys. Et, ce que j'ai dit tout à
l'heure, ça mérite réflexion, effectivement : Il y a peu de
municipalités qui ont demandé le retrait de leur statut bilingue.
M. Bérubé :
C'est évident.
M. Jolin-Barrette :
Mais on se retrouve dans certaines situations, effectivement, où le taux de
citoyens ayant une langue maternelle autre que le français est moindre que
50 %, et ils n'ont pas demandé le retrait du statut. Donc, c'est quelque chose à laquelle je vais
réfléchir. Peut-être que le député de Matane-Matapédia me suggère de
retirer le statut. Si c'est sa suggestion, j'en prends note. Mais, pour ce qui
est de son commentaire sur le fait que le Parti québécois était minoritaire
entre 2012, 2014...
M.
Bérubé :
Oui.
M. Jolin-Barrette :
...l'entrée en vigueur de l'article 1 de la loi n° 104,
vous n'aviez pas besoin d'être majoritaire pour le faire.
M. Bérubé :
Ça, ça n'a rien à voir. Ce n'est pas ça que j'ai dit.
M. Jolin-Barrette :
C'est une décision du Conseil des ministres. C'est une décision par décret. Ça
demande du courage politique, et vous ne l'avez pas fait.
M. Bérubé :
Aie!
M. Jolin-Barrette :
Aujourd'hui, nous, on le fait, on le met en vigueur.
M. Bérubé :
Ce n'est même pas ma question.
M. Jolin-Barrette :
Alors, Mme la Présidente... Bien, moi, je trouve que de dire : Bien,
écoutez, on était minoritaires... Non. Il s'agit de convaincre les gens. Il
s'agit de convaincre ses collègues. Et moi, j'ai convaincu mes collègues au
Conseil des ministres, ce que, j'imagine, la précédente ministre de
l'Immigration, Mme De Courcy...
M.
Bérubé :
C'est incroyable.
M.
Jolin-Barrette : ...n'a pas réussi à faire au Conseil des ministres.
J'aurais aimé ça que le député de Matane-Matapédia...
M.
Bérubé :
Mme la Présidente...
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci.
M.
Jolin-Barrette : ...l'appuie à cette époque-là, Mme la Présidente.
M. Bérubé :
...on s'éloigne des questions.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci, M. le ministre. Et je demanderais à
tout le monde de ne prêter d'intention à personne...
M.
Bérubé :
On s'éloigne.
La Présidente (Mme
Guillemette) : ...et de garder...
M. Bérubé :
On s'éloigne.
La Présidente (Mme Guillemette) : M. le député. ...et de garder un ton respectueux
pour la suite de nos échanges.
M. Bérubé :
Il n'y aura...
La Présidente
(Mme Guillemette) : M. le député, la parole est à vous.
M. Bérubé :
Il n'y aura qu'un seul Camille Laurin, Mme la Présidente. Sur les enjeux
linguistiques, le temps que ça prend pour amener son plan, c'est le temps que
ça prend pour convaincre des gens, qui ne sont pas venus en politique pour le
nationalisme, que la langue est importante.
Je
poursuis sur les municipalités bilingues. À Montréal, uniquement, je vais vous
en nommer quelques-unes qui n'ont pas ce statut, si on regarde les
chiffres. Pierrefonds-Roxboro, Côte-Saint-Luc, Dollard-des-Ormeaux, Dorval,
Kirkland, ville Mont-Royal. Si le ministère... le ministre pouvait appliquer la
règle, ces municipalités perdraient leur statut bilingue avec raison parce
qu'ils n'ont pas une majorité d'anglophones.
Mais je vous
soumets un autre cas plus près de vous, Otterburn Park. C'est dans votre
circonscription. Savez-vous combien
il y a de pourcentage d'anglophones dans cette coquette municipalité du
Richelieu, dans votre comté? 6,8 %.
Alors, ma question, parce
que vous connaissez mieux Otterburn Park que les autres : Trouvez-vous ça
normal que cette municipalité, avec 6,8 % d'anglophones, ait le statut de
ville bilingue?
La Présidente (Mme Guillemette) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, je
pourrais poser la même question au député de Matane-Matapédia. Parce que je
crois que dans sa circonscription, également, Mitis, je crois, il me
corrigera...
M. Bérubé : Oui. Absolument.
M. Jolin-Barrette : ...il a
également un arrondissement qui a un statut bilingue, Mme la Présidente.
Alors, je note que c'est une suggestion du
député de Matane-Matapédia de réfléchir relativement au statut des villes bilingues. J'en prends note puis je
m'engage à y réfléchir. Mais il y a une chose qui est sûre, Mme la
Présidente, c'est qu'au Québec il faut s'assurer que l'État, qui inclut les
municipalités, soit exemplaire. Et je peux vous assurer que mon plan va prendre
en compte le fait que les municipalités font partie de l'État québécois...
M.
Bérubé : O.K.
M. Jolin-Barrette : ...comme les
ministères, les organismes, et ils se doivent d'être exemplaires.
La Présidente (Mme Guillemette) : M.
le député.
M. Bérubé : Je vais rebondir
là-dessus. J'aimerais que le gouvernement du Québec soit exemplaire. S'il avait
été exemplaire, il aurait voté en faveur de notre motion de ce matin. S'il
avait été exemplaire, il aurait renoncé au projet de Dawson et de McGill. S'il
avait été exemplaire sur l'ensemble des mesures en français, il ne renoncerait pas en disant que c'est radical. Le premier
ministre, tout à l'heure, dit : Le cégep en français, c'est radical. Je
demande au ministre de se tourner à sa droite et de demander à son conseiller,
qui a déjà écrit là-dessus, si c'est une mesure acceptable, le cégep en français.
En 2015, dans un document qu'elle a écrit avec l'avocat indépendantiste
Guillaume Rousseau c'est assez clair que ça ne cause pas tant de problèmes que
ça. Je pourrais fournir le texte également.
Le ministre lui-même était prêt à aborder cette
question-là, mais il a été rabroué quelques heures après dans la même journée.
D'ailleurs, moi, je salue son volontarisme. C'était la même chose pour le
«Bonjour! Hi!», il était prêt à légiférer.
Encore une fois, le premier ministre est venu contrecarrer sa réflexion. Moi,
je vous invite à poursuivre votre réflexion, c'est important. Puis moi,
je crois au nationalisme du ministre. Le problème, c'est que je ne crois pas
que le reste de son groupe l'est, et ça explique bien des choses.
Alors, pour les municipalités bilingues, ça en prend,
du courage. Quand qu'il évoque le courage, je l'attends dans le détour. Nous,
on l'aura, ce courage, y compris dans ma circonscription. Je suis capable de
l'exercer. Mais Otterburn Park, je vais aller faire un tour puis je vais aller
voir si c'est vraiment si nécessaire que ça — j'avertirai le ministre avant — d'avoir
un statut bilingue. On va s'en reparler. Puis il y en a d'autres, hein?
Greenfield Park à Longueuil. Il y a une élection municipale à Longueuil qui
suscite de l'intérêt. Moi, j'aimerais ça entendre les candidats là-dessus.
Greenfield Park, Lennoxville, près de Sherbrooke. Il y en a une trâlée en
Outaouais également. Bien, on va revenir avec cet enjeu-là, donc, à titre
préventif, je vous en fais part.
Autre enjeu... On n'a pas beaucoup de temps
encore, hein?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Une minute, M. le député.
M. Bérubé : Une minute. En matière
de langue, on parle d'un plan costaud, tout ça. Bon, je ne reviendrai pas sur
les délais, et tout ça, on jugera les oeuvres, mais, si on est vraiment sérieux
en matière de langue, il y a la question de la protection puis il y a la
question de la promotion de la langue aussi. Et là-dessus on a un travail
collectif à faire pour rendre plus attrayante la langue, pour faire en sorte
qu'elle soit considérée comme étant une langue de prestige, ce qu'elle est, notamment
chez les jeunes.
Et je soumets une suggestion. On a des
délégations du Québec un peu partout. Est-ce qu'on pourrait s'imaginer un bureau qui ferait la promotion des
oeuvres québécoises, des oeuvres filmiques, documentaires, pour
aider à ce qu'elles se retrouvent sur les grandes plateformes du monde, que
sont Netflix, par exemple, que sont Amazon? Moi, je rêverais d'un genre de
bureau du cinéma remanié, qui travaillerait beaucoup à établir des liens entre
nos productions, pour s'assurer qu'elles se retrouvent là où il y a beaucoup de
trafic.
Alors, je
termine avec une proposition, à la considération du ministre.
Je trouve que cet enjeu-là, il faut y travailler pour qu'on ait aussi promotion de la langue positivement, au même titre
que certains commerces pourraient afficher...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député.
M. Bérubé : ...à la positive :
Nous servons en français, positivement.
La Présidente (Mme Guillemette) :
C'est tout le temps que nous avions.
• (12 h 40) •
M.
Bérubé : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, merci, M. le député. Je céderais maintenant
la parole à la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David :
...ma question est majeure parce que, dépendant de votre réponse, ça donne
toute une orientation ou toute une autre orientation. Et c'est le député de Matane-Matapédia
qui y fait implicitement référence, sans la nommer — et Dieu sait que je
veux vous entendre — et
ce n'est pas parce que j'endosse, c'est le livre de Frédéric Lacroix, et toute sa théorie porte sur le concept de complétude
institutionnelle. C'est simple, tout porte là-dessus, toutes ses statistiques, toutes ses études
démographiques. C'est simple, tu as 8,1 % d'anglophones dits de souche,
enfin, les anglophones historiques, aucune institution anglophone ne devrait
avoir plus que 8,1 % de financement. Je le résume vite, là, mais
l'équation mathématique est pas mal simple. Ça, ça veut dire, tu fermes
littéralement... là, ce n'est pas seulement les cégeps anglophones, c'est les
universités anglophones, c'est les hôpitaux, parce que ça s'applique aux hôpitaux, les hôpitaux qui ont été
construits, gérés et auxquels... Un certain premier ministre, à
l'époque, péquiste était... avait fréquenté
et avait vanté les mérites de cet hôpital-là très, très, très fréquenté. Je
veux vous entendre sur ce concept-là, parce que c'est majeur comme vision
d'un certain nationalisme, disons, assez particulier. 8,1 % égalent
8,1 % de financement, point à la ligne.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci, Mme la députée. M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Alors, Mme la Présidente, dès que j'ai été nommé ministre
de la Langue française, j'ai indiqué que je n'étais pas dans une logique, Mme
la Présidente, d'affrontement. Ce qui s'est passé dans le passé, d'une langue
contre l'autre, d'opposer les communautés, d'opposer les gens en fonction de
leur langue maternelle, moi, je ne suis pas du tout là-dedans, Mme la
Présidente. Ce que j'ai comme mandat, c'est de renforcer le statut du français
au Québec parce que c'est notre langue commune.
On
va toujours, Mme la
Présidente, respecter les institutions de la communauté anglophone au Québec, Mme la Présidente. Il n'y a pas d'enjeu à
ce niveau-là. Puis ça, je peux rassurer déjà la députée de Marguerite-Bourgeoys,
Mme la Présidente, la communauté anglophone du Québec fait partie du Québec, ce
sont des Québécois, Mme la Présidente. Leurs institutions font partie des institutions
québécoises, Mme la Présidente, et on est fiers de cette diversité, Mme la
Présidente.
Alors, dans le cadre
du projet de loi que je vais déposer, Mme la Présidente, et des politiques que
je vais mener, je n'ai pas l'intention de diviser, Mme la Présidente, comme ça
s'est fait dans le passé. Il faut rassembler tous les Québécois autour de notre langue commune qui est le
français, Mme la Présidente, en tout respect de notre minorité
anglophone, Mme la Présidente, qui a ses propres institutions. Et ça va
continuer de demeurer, Mme la Présidente.
Mais
c'est très clair, et je sais que ça l'est également pour la communauté
anglophone du Québec, que la langue commune au Québec, c'est le
français, et tous les Québécois y adhèrent. Et on va travailler tous ensemble
pour faire en sorte d'améliorer le statut du français, d'améliorer la qualité
de la langue. Et le député de Jacques-Cartier le soulignait, il veut donner des outils à la communauté anglophone du Québec
pour mieux maîtriser la langue
française, et je le salue. Et le député de Sainte-Rose, l'adjoint parlementaire
du premier ministre en matière de la communauté d'expression anglaise,
travaille sans relâche depuis le 1er octobre 2018, Mme la Présidente, avec
les membres de la communauté anglophone pour améliorer leur situation au Québec,
et je peux vous dire qu'il fait un très bon travail.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci, M. le ministre. Mme la députée.
Mme David :
Oui. Le ministre a employé le bon mot. Je tiens à dire que je suis rassurée de
ces propos-là, que... et je vous en remercie. Vous êtes là, il me semble, nous
sommes là, nous devrions tous être là pour rassembler et non diviser. Et un de
nos principes, d'ailleurs, dans notre plan d'action, le quatrième principe, qui
est celui du partenariat avec les communautés d'expression anglaise, nous
disons : Nous devons travailler main dans la main et non pas en
confrontation. Ce que nous notons, c'est, probablement plus que jamais, un
souci, justement, de travailler ensemble, y compris par les communautés
anglophones. Les temps changent, les gens changent, les générations, et je
pense que ça fait partie en ce moment du momentum que d'avoir les communautés
anglophones, la nouvelle génération et tout ça, qui sont parfaitement bilingues
pour l'immense majorité et qui veulent travailler avec les autres communautés,
francophones, allophones, pour faire du Québec un Québec où ça se passe en
français dans le respect des droits des minorités, qu'elles soient anglophones,
allophones ou autres.
Alors, je vous
remercie de la façon dont vous m'avez répondu. Ce n'était pas un piège. C'était
vraiment pour vous donner l'occasion de dire des choses avec lesquelles... bon,
pour lesquelles vous êtes... vous avez vraiment des convictions assez
profondes.
J'aurais beaucoup, beaucoup
de choses à dire sur le supposé problème de Dawson, mais là je... on n'est pas
en enseignement supérieur ou je ne suis pas dans mes anciennes fonctions, mais,
vraiment, il y a des choses qui se disent qui ne sont pas tout à fait... loin
d'être exactes.
Maintenant, dans
la... Votre collègue à l'Enseignement supérieur a fait une proposition, qui est
plus qu'une proposition. C'est une règle budgétaire qui a l'air toute
simple comme ça, mais j'ai besoin de vous entendre là-dessus, parce que ça peut avoir des
conséquences. Vous savez, des fois, on passe des règlements puis on dit :
Ah! c'est bon pour telle chose, puis on n'a pas vu venir tout un ensemble de
conséquences. Celles-ci... Il va y avoir peut-être des conséquences qui ne sont
pas celles qu'on veut.
En 2025‑2026... non, 2026‑2027,
excusez, il y a une règle qui va rendre le seuil obligatoire d'étudiants
québécois qui vont fréquenter les baccalauréats et les maîtrises
professionnels... Dans toutes les universités, le seuil d'étudiants québécois, qu'ils soient anglophones, francophones,
allophones, passera de 50 % à 55 % minimum. Donc, toutes les universités devront avoir
obligatoirement au moins 55 % de Québécois et non pas... Et je comprends
l'idée, c'est... on ne veut pas que
des baccalauréats se remplissent d'étudiants internationaux, par exemple. On
voudrait donner la préférence aux étudiants d'ici. À première vue, ça a
l'air bien.
Deuxième réflexion, ça va être une opportunité
extraordinaire pour que des universités anglophones accueillent encore beaucoup
plus d'étudiants francophones. Ça ne sera certainement pas au grand plaisir du
PQ, ce que je dis là. Autrement dit, à
McGill, à Concordia, à Bishop, il pourra y avoir beaucoup plus d'étudiants
francophones puisqu'il faut atteindre un seuil de 55 %. Une fois qu'on a
fait le plein, je pourrais dire, d'étudiants... je n'aime pas du tout le mot,
là, mais de... qui sont plus anglophones par la permission de la loi 101
de fréquenter les primaire, secondaire en français... en anglais, excusez,
admettons qu'ils vont, dans les universités anglophones, monter à 55 %, ça
peut avoir comme effet collatéral que... pour remplir le 55 %, beaucoup
plus de francophones vont y aller.
Donc, qu'est-ce qui va arriver? Les universités
francophones, par exemple, de Montréal, UQAM, UdeM et toutes celles qui sont là
avec des... Sherbrooke, et autres, bien, ils vont avoir moins d'étudiants
francophones. Ce n'est pas tout à fait le souhait, je pense, de cette règle-là.
Mais je voulais savoir : Un, êtes-vous au
courant puis, deux, comment vous réfléchissez à cette question-là?
La Présidente (Mme Guillemette) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est une
mesure qui appartient au ministère de l'Enseignement supérieur, Mme la
Présidente. Mais ce que je peux vous dire, c'est que, plus on va rendre
accessibles les études universitaires aux Québécoises et aux Québécois... je
pense que c'est une bonne chose. Mais il faut envoyer aussi un message pour
dire que, si vous étudiez... vous pouvez au Québec étudier en français au
niveau collégial, au niveau universitaire et vous pouvez réussir également au Québec,
en français, sur le marché du travail, en français.
Alors, c'est le choix des Québécois de décider
de leur établissement d'enseignement supérieur, qu'ils décident d'aller dans
une université anglophone ou francophone. Cela étant, c'est un choix
individuel, mais il faut rappeler que la langue normale des études doit
demeurer le français. Et il faut également envoyer un signal clair aussi que
vous pouvez être un chercheur universitaire et faire vos recherches en français
et publier en français aussi. Il faut valoriser la recherche en français. Il ne
faut pas être pénalisé parce qu'on publie en français. Et ça, je crois que la députée
de Marguerite-Bourgeoys le sait, il y a du travail à faire au niveau des
établissements universitaires, au niveau de l'embauche des professeurs aussi.
Les universités doivent être exemplaires aussi en ce qui concerne l'embauche de
professeurs, en ce qui concerne les publications et de la façon dont le
pointage est effectué. Et ça je pense que,
comme nation québécoise, qui finance grandement les établissements
d'enseignement supérieur, il y a une réflexion
à avoir de la part des établissements d'enseignement supérieur aussi pour faire
en sorte que la science... toutes les
sciences puissent se développer en
français, et qu'on puisse partager nos connaissances, Mme la Présidente, en
français.
Il faut que la personne, Mme la Présidente, qui
a grandi à Saint-Jean-Baptiste, qui est allée à l'école primaire à
Mont-Saint-Hilaire, à Ozias-Leduc, qui décide d'aller au collège
Édouard-Montpetit, puisse aller à l'Université de Montréal, suive ses cours en
français, puisse devenir... obtenir un doctorat à l'Université de Montréal, qui
puisse enseigner en français à l'Université de Montréal puis puisse rayonner
internationalement en français. Ça, c'est mon désir, Mme la Présidente, puis je
suis convaincu que la députée de Marguerite-Bourgeoys va m'appuyer là-dessus.
• (12 h 50) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. Mme la députée.
Mme David : Bien, justement, je suis
non seulement d'accord, mais on a une belle proposition dans notre plan
d'action, puis ça, évidemment, ça porte un petit peu ma signature,
l'article 88.3 de la Charte de la langue française. Vous irez le lire si
vous ne l'avez pas lu attentivement. Il y a moyen de le bonifier. Il y a
tellement moyen de le bonifier, que je propose... Ça, c'est l'article qui avait
été créé en 2002 suite à la commission des états généraux sur la langue
française, présidée par Gérald Larose. C'était la loi n° 104, que vous
aimez bien. On en a changé un article, mais on avait autre chose dans cette
loi-là. On avait d'obliger les établissements collégiaux et universitaires
d'avoir une politique linguistique. C'est beau, ça, mais moi, quand je suis
arrivée vice-rectrice à l'Université de Montréal, je n'avais aucune idée
qu'elle existait, cette politique-là. Alors, je me suis dit : Si moi, je
ne le sais pas puis je suis rendue vice-rectrice, hi! il y a bien des profs qui
ne le savent pas.
Or, dans ces politiques-là... Bien, il peut y
avoir du bon dans ces politiques-là, par exemple qu'un professeur soit
francisé, on lui donne un trois ans pour qu'il puisse tout à fait enseigner en
français dans ses cours de baccalauréat ou de maîtrise ou de doctorat, ce qui,
des fois, est un peu difficile et qui n'est pas toujours suivi. Alors, je me
suis dit : Comment faire pour le suivre? Bien, voilà, on a un ministre
déterminé. Voilà, il y aura peut-être, on ne le sait pas, un ministère de la
Langue française, mais il y aura une ministre, aussi, responsable de
l'Enseignement supérieur, tout ça, qui devrait pouvoir surveiller ça.
Or, dans
l'article 88.3, ce n'est pas ça qui est écrit. Allez, le lire, le libellé,
c'est : Le ministre qui... s'il juge à un moment donné, parce que ça
aboutit sur son bureau, que la politique, il a des questions par rapport à ça,
il peut poser des questions. Bien, il ne pose jamais de questions, le ministre,
là, sincèrement. Il ne le sait même pas qu'il y a ça, l'article 88.3.
Donc, moi, je propose que... et là ça m'amène à
la gouvernance, que, justement, les collèges, les universités doivent
obligatoirement, annuellement.... non, je pense, c'est aux trois ans, ça,
donner au Commissaire à la langue française, qu'on suggère de créer, qui n'est pas le même, ceci dit, que
votre collègue d'Iberville. Il ne traite pas les plaintes, nous. Le collègue d'Iberville, il traitait les plaintes. On ne
va pas répéter l'erreur de l'OQLF d'avoir les deux en même temps, les
études, les plaintes... Ça, c'est l'erreur de 2002, d'après moi, qu'on a faite
quand on a revu l'OQLF.
Mais donc ce Commissaire à la langue française,
élu aux deux tiers de l'Assemblée nationale, qui est indépendant, qui regarde le statut de la langue française et qui fait un
rapport annuel, bien, que ça soit à lui qu'on fasse rapport, entre
autres, des politiques linguistiques des collèges et des universités. Puis je
pense que vous aimeriez beaucoup lire ces rapports-là, parce que là ça les
obligerait à vraiment d'abord suivre leur politique, parce qu'il y a des
critères bien précis, puis voir si c'est bien appliqué.
Alors, on le suggère dans notre projet de loi.
Peut-être que je peux vous demander ce que vous pensez — je
vais faire un deux dans un — un,
d'un commissaire à la langue française, et, deux, de mettre l'article 88.3
avec un peu plus de redditions de comptes.
La Présidente (Mme Guillemette) : M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, bien
entendu, on est en accord avec le commissaire parce qu'on a voté une motion à
l'Assemblée, mais ça fait partie du rapport Samson, qu'il a été proposé pour la
première fois d'avoir un commissaire à la langue française. Alors, je
comprends...
Mme David : Mais ce n'est pas le
même commissaire, il n'a pas les mêmes fonctions.
M. Jolin-Barrette : ...que le Parti
libéral a repris l'idée de la députée d'Iberville, ce qui est bien.
Pour ce qui est de la suggestion, je vais
l'étudier, mais ça m'amène une question avec 88.3. Est-ce que la députée de
Marguerite-Bourgeoys, à l'époque où elle était ministre de l'Enseignement
supérieur, a demandé aux établissements d'enseignement d'avoir leurs
politiques, de voir les rapports sur l'application de leurs politiques
linguistiques à l'époque où elle était là?
Mme David : Vous avez raison. Ce
n'est pas moi qui suis en étude des crédits. J'ai eu le plaisir de faire ça
pendant deux ans, être responsable de la langue française. Mais je vais vous
répondre parce que je suis une femme transparente et honnête. Non, je ne l'ai
pas demandé à cette époque-là. Et l'eussé-je bien su que je l'aurais demandé.
Et c'est pour ça qu'on est toujours là pour
améliorer les choses et que, quand on regarde ça, je dis : Voilà une amélioration
qui rendrait plus transparentes les politiques des collèges, des universités et
qui ferait honneur à cet ajout en 2002 de l'article 88.3. Tout comme aujourd'hui,
on fait l'article 1 de la loi n° 104, bien, il y a cet article-là qui
a été intégré éventuellement à la Charte de la langue française.
Alors, c'est la question du commissaire qui ne
ferait pas les plaintes. Le rapport Samson... puisque vous le permettez au ministre,
j'imagine, vous allez me le permettre de la nommer par son nom, parce qu'elle
mérite quand même, effectivement, d'avoir
travaillé très fort là-dessus. Mais on parlera gouvernance... mais mettre étude
et traitement des plaintes à un commissaire qui serait comme un
vérificateur général, je ne suis pas sûre que c'est la bonne idée.
Alors, on propose un OQLF renouvelé,
avec une nouvelle façon... qu'on renomme, d'ailleurs, pour mettre plus le côté
promotion, valorisation, accompagnement et pas seulement de la protection, mais
aussi de la protection, qui veut dire recevoir des plaintes, et tout ça.
Alors, ça, c'est une question de gouvernance
importante, mais à laquelle peut-être va se greffer, puis là moi, je ne sais
pas où le mettre trop, trop, ce ministère, dont on parle peut-être, peut-être
pas. Donc, ça fait un changement de
gouvernance majeur, mais tant qu'à changer, bien, réfléchissons à tous ces
aspects-là. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Jolin-Barrette : Bien, je suis
d'accord avec la députée de Marguerite-Bourgeoys. Déjà, la réflexion, elle est
entamée, et on va la continuer ensemble, Mme la Présidente.
Mais juste vous dire que, dans le cadre du
budget, le ministre des Finances nous a accordé 104 millions de dollars en
matière de langue française, donc on aura les moyens de nos ambitions, Mme la
Présidente. Et je tiens à remercier le ministre des Finances et le premier
ministre d'avoir consacré une somme aussi importante en matière de langue
française. Et on l'a vu, hein, le budget en matière de la langue française est
en constante augmentation depuis que le
gouvernement de la CAQ est présent. On notait certaines diminutions, Mme la
Présidente, à certaines époques du Parti
libéral, du Parti québécois. Pour nous, on en fait une priorité. C'est pour ça
qu'on se donne les ressources pour le faire.
Mais je retiens la suggestion au niveau de
l'exemplarité des établissements universitaires, Mme la Présidente, et je pense
ça va par l'embauche également des professeurs. Je serais curieux de savoir si
la députée de Marguerite-Bourgeoys trouve que dans la plus grande université
francophone d'Amérique du Nord, la plus grande université au Québec, on
dit : Le français peut être un atout dans le cadre d'offres d'emploi.
Bien, est-ce qu'elle est d'accord avec ça, le français peut être un atout?
Mme David : Je ne l'ai pas vue,
celle-là, alors on en reparlera. Je voudrais savoir...
La Présidente (Mme Guillemette) :
2 min 10 s, Mme la députée.
Mme David :
Oui. Je voudrais savoir... parce que je ne voudrais pas qu'on termine sans
parler du Conseil supérieur de la langue française. Son président est ici, que
je salue, que j'ai déjà salué et que je resalue. Est-ce que le conseil a été mis à contribution dans votre réflexion sur le
plan de la langue française? Son mandat est de conseiller le ministre. Je sais
que vous avez un conseiller, mais vous avez un conseil, qui coûte quand même un
certain nombre de... et qui est là pour son expertise. Est-ce qu'il a été
conseillé?
M.
Jolin-Barrette : Bien, le conseil peut rendre des avis à sa propre initiative,
Mme la Présidente. D'ailleurs, le conseil a rendu un excellent rapport en 2019
relativement à la situation du français dans l'administration publique, Mme la
Présidente.
Mme David :
Oui, mais je vous arrête tout de suite, il y a eu zéro, depuis 2019, avis, et
le ministre a le droit de demander. Le
conseil, en 2002 — oh!
grave erreur — on
l'a à peu près dépouillé de toutes ses fonctions, et il
restait quoi? Conseiller le ministre. Mais conseiller le ministre... le ministre
peut demander d'être conseillé aussi. Il n'attend pas juste comme ça, là,
d'avoir un avis.
Or, je trouve que
c'est un peu dommage. Il est sous-investi, dans tous les sens du terme, je
dirais, presque émotivement, et tous les mandats des membres du Conseil
supérieur de la langue française, y compris le président que vous avez ici, ils
sont échus. Bien, je pense que vous êtes en train de signer, implicitement, là,
son arrêt de mort. Vous allez le mettre d'une autre façon. Nous, on propose que
ça soit, justement, le Commissaire à la langue française, et que les gens
soient rapatriés dans cette organisation-là, mais, au moins, que ces gens-là se
lèvent le matin puis qu'ils ont l'impression qu'ils sont importants pour quelqu'un.
La Présidente (Mme
Guillemette) : ...secondes, M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Bien, je note la suggestion de la députée de Marguerite-Bourgeoys
de faire en sorte que le Conseil supérieur de la langue française devienne partie
du Commissaire à la langue française. Alors, on aura certainement l'occasion de
discuter de sa proposition au cours des semaines à venir, Mme la Présidente.
Mais il y a une chose
qui est sûre, c'est que le conseil peut émettre des avis. Et je crois que
vous-même... Mme la Présidente, la députée de Marguerite-Bourgeoys n'a pas
demandé d'avis à l'époque où elle était ministre responsable de la Langue
française. Mais très certainement...
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci, M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : ...on va prendre en compte les avis de tout le monde.
Adoption
des crédits
La Présidente (Mme
Guillemette) : Donc, le temps alloué à l'étude du volet Protection de
la langue française des crédits budgétaires du portefeuille Justice étant
écoulé, conformément à l'entente du 13 avril 2021, nous allons maintenant
procéder à la mise aux voix de ces crédits par appel nominal.
Mme la secrétaire, pour
la mise aux voix du programme 7, intitulé Direction, administration et
gestion des programmes.
La Secrétaire :
Veuillez répondre pour, contre ou abstention. Pour les membres du groupe
parlementaire formant le gouvernement, M. Lévesque (Chapleau)?
M. Lévesque
(Chapleau) : Pour.
La Secrétaire :
Pour les membres de l'opposition officielle, Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Ghazal (Mercier)?
Mme Ghazal :
Contre.
La Secrétaire :
M. Bérubé (Matane-Matapédia)?
M.
Bérubé :
Contre.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Le programme 7 est adopté.
Adoption
de l'ensemble des crédits
Donc,
finalement, je mets aux voix l'ensemble des crédits budgétaires du portefeuille
Justice. Mme la secrétaire.
La
Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant
le gouvernement, M. Lévesque (Chapleau)?
• (13 heures) •
M. Lévesque
(Chapleau) : Pour.
La Secrétaire : Pour les
membres de l'opposition officielle, Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David : Contre.
La Secrétaire :
Mme Ghazal (Mercier)?
Mme Ghazal : Contre.
La Secrétaire : Et
M. Bérubé (Matane-Matapédia)?
M.
Bérubé : Contre.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, les crédits budgétaires sont donc adoptés.
Documents déposés
En terminant, je dépose les réponses aux
demandes de renseignements de l'opposition. Et je vous remercie de votre
collaboration.
La commission ayant accompli son mandat, nous ajournons
les travaux sine die. Merci, tout le monde.
(Fin de la séance à 13 h 01)