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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mardi 18 août 2020 - Vol. 45 N° 68

Ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, volet protection de la langue française


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Table des matières

Protection de la langue française

Discussion générale

Document déposé

Documents déposés

Intervenants

Mme Lise Thériault, présidente

M. Simon Jolin-Barrette

Mme Hélène David

Mme Ruba Ghazal

M. Pascal Bérubé

M. Gregory Kelley

Note de l'éditeur : La commission a aussi siégé en soirée pour l'étude des crédits du ministère de la Culture et des Communications. Le compte rendu en est publié dans un fascicule distinct.

               Les crédits du volet Immigration, francisation, diversité et inclusion du ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration ont été étudiés à la Commission des relations avec les citoyens le 17 août 2023.

Journal des débats

(Treize heures trente et une minutes)

La Présidente (Mme Thériault) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte, et je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Donc, la commission est réunie afin de procéder à l'étude du volet Protection de la langue française des crédits budgétaires du portefeuille Immigration, Francisation et Intégration pour l'exercice 2020-2021. Une enveloppe de 1 h 30 min a été allouée pour l'étude de ces crédits.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Émond (Richelieu) est remplacé par M Bélanger (Orford); Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré) est remplacée par Mme Hébert (Saint-François); Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis) est remplacée par Mme David (Marguerite-Bourgeoys); Mme Melançon (Verdun) est remplacée par M. Kelley (Jacques-Cartier); Mme Labrie (Sherbrooke) est remplacée par Mme Ghazal (Mercier); et Mme Hivon (Joliette) est remplacée par M. Bérubé (Matane-Matapédia).

Protection de la langue française

La Présidente (Mme Thériault) : Parfait. Donc, nous allons pouvoir procéder aux échanges entre les groupes d'opposition et le ministre par blocs, soit de 15 à 20 minutes. Les temps d'échange incluent les questions et les réponses. Je serai très vigilante aussi au respect des droits des parlementaires par rapport au temps. Donc, une question courte appellera une réponse courte, et une longue appellera une longue. Je note religieusement. Donc, vous n'avez qu'à me regarder et vous saurez. Je vous ferai des petits signes. Vous allez me voir bouger sur mon siège.

Donc, pour le prochain bloc, on commence avec l'opposition officielle. Ensuite, ce sera la deuxième opposition, on revient à l'opposition officielle, la troisième opposition et l'opposition officielle à nouveau. Donc, sans plus tarder, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, vous avez la parole pour un bloc de 19 min 33 s.

Discussion générale

Mme David : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Puis, comme moi, je parle trop longtemps, le ministre va être obligé de répondre longtemps. Alors, ça va me faire un grand plaisir. Je commence par quelques remarques introductives.

Cela me fait grand plaisir de revenir à d'anciennes amours et d'anciennes préoccupations, par ailleurs toujours présentes et d'actualité, que sont les enjeux liés à la protection et à la promotion de la langue française. Depuis toujours, Mme la Présidente, la langue française a été le ciment qui consolide nos racines et notre culture de nation francophone au sein de l'univers anglo-saxon. Il a été et il sera toujours de notre responsabilité de parlementaires de veiller à promouvoir, à chérir et à protéger cette langue commune, la langue officielle de la nation québécoise.

Il y a 101 ans exactement — comme la loi 101 — le premier ministre Lomer Gouin nommait mon grand-père, Athanase David, ministre responsable du Secrétariat de la province. C'était le 25 août 1919. Il sera responsable et créateur des bourses d'Europe, du prix David en littérature, des musées, du patrimoine, de la culture, et ardent défenseur de la langue française. Il sera aussi, en 1923, nommé directeur du club de hockey des Canadiens, pour faire sourire messieurs. Il a reçu, en 1948, la médaille de l'Académie française. Ouf! Difficile de ne pas parler... de ne pas porter l'amour et le respect de la langue française dans ses gènes.

Ce fut donc un grand privilège d'occuper, en toute humilité, vos fonctions, M. le ministre. Nous sommes, et depuis fort longtemps, chacun notre tour, et, on l'espère, avec le moins de partisanerie possible, des passeurs de protection de notre langue. Nous devons, chacun notre tour, veiller sur sa santé, sa vitalité et sur la qualité de sa présence. Parler français, ce n'est pas que prononcer des mots en français, ce qui est déjà un effort souvent difficile et louable des nouveaux arrivants que nous accueillons, mais c'est aussi une responsabilité de tous les Québécois, et c'est la qualité de ce français qu'il faut maintenir, préserver, protéger. C'est une responsabilité d'État, mais aussi une responsabilité individuelle, dans nos échanges oraux autant que dans nos écrits, que ce soit dans des courriels, dans des messages textes, dans des gazouillis, dans les réseaux sociaux, dans les travaux d'école, de collège et d'université.

Le ministre, Mme la Présidente, a une grande responsabilité. Je sais qu'il croit en cette importance de la langue française et je sais aussi qu'il s'intéresse beaucoup à l'histoire. C'est donc à son tour d'ajouter sa contribution à la longue liste de ceux et celles qui, depuis longtemps, ont tissé collectivement et successivement la trame de présence extraordinaire du français en terre d'Amérique. Et nous, les oppositions, sommes là pour lui poser des questions, celles que portent nos concitoyens et concitoyennes, dans un esprit que j'espère le plus productif et stimulant possible, afin que, tous ensemble, nous puissions partager et protéger la fierté que nous avons de notre langue commune et de nos racines.

Alors, mon premier sujet touchera la gouvernance, Mme la Présidente, la gouvernance de la responsabilité de la langue française. Alors, le gouvernement a fait plusieurs choix depuis deux ans. Au début, c'était la continuité, en gardant l'importante responsabilité de la protection et de la promotion de la langue française au ministère de la Culture et des Communications. Puis après, 4 septembre 2019, vous avez été nommé, M. le ministre, responsable de la langue française. Ce qui m'attriste, c'est qu'on a enlevé les mots «protection et promotion». C'est une question que je vous pose. Pourquoi ça a disparu de votre titre?

Et ensuite, dans le communiqué diffusé par le cabinet du premier ministre, on pouvait y lire : «[Le premier ministre] a rappelé que, déjà en 2016, le rapport [de la députée d'Iberville] préconisait de rapatrier les responsabilités liées à la langue française au ministère de l'Immigration afin de rendre l'action du gouvernement plus cohérente. Il s'agit donc d'un changement qui s'inscrit en continuité avec la vision du nouveau gouvernement du Québec en matière de francisation des immigrants et avec les réformes déjà entreprises par [le ministre] dans ce domaine.»

Jusque-là, une certaine logique et cohérence. Et, tout à coup, coup de théâtre, le 22 juin dernier, la langue française disparaît du ministère de l'Immigration, Francisation, Intégration et s'en va avec le ministre à la Justice. Donc, en moins de 10 mois, les responsabilités ont changé deux fois, pas de ministre mais de ministère, et trois ministères différents en moins de deux ans.

Alors, j'essaie de comprendre la valeur ajoutée. Non pas que le ministre ne soit pas compétent, mais j'essaie de trouver la valeur ajoutée de la cohérence que le premier ministre souhaitait, de lier la langue française, à l'époque, à l'immigration et tout à coup... Quelle est la cohérence de le mettre avec le ministère de la Justice? Est-ce qu'on doit conclure à une remise en question du rapport, fameux rapport de la députée d'Iberville que la CAQ, et le premier ministre, et le ministre responsable de la Langue française citent souvent? Est-ce que c'est un constat d'échec de cette vision? Qu'est-ce qui est passé par la tête du premier ministre pour vous garder la responsabilité de la langue française mais en allant à la Justice?

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Alors, bonjour, Mme la Présidente. Bonjour aux membres de la commission. C'est un plaisir de vous retrouver après deux mois d'intermission dans nos circonscriptions respectives.

Mme la Présidente, vous me permettrez quelques remarques préliminaires. Vous savez, l'exercice des crédits est un exercice qui requiert beaucoup de travail de la part des équipes gouvernementales. Donc, je tiens à remercier l'ensemble des membres de la fonction publique qui ont travaillé pour les crédits de la langue française, au premier titre l'équipe de Me Champagne, au Secrétariat à la promotion et à la valorisation de la langue française, l'équipe de Me Drouin également, à la Justice, qui est sous-ministre à la Justice, l'équipe de Mme Galarneau également, à l'Office québécois de la langue française, ainsi que l'équipe de M. Pierre Boutet, au Conseil supérieur de la langue française.

Donc, aujourd'hui, si on peut répondre aux crédits, c'est notamment grâce au travail des différentes équipes, également, qui nous accompagnent tout autour de la table.

Et on a des gens, également, qui sont à distance, vous comprendrez, Mme la Présidente, en raison de la distanciation sociale. Donc, on adapte notre Parlement à la réalité que nous vivons actuellement en raison de la pandémie. Alors, c'est apprécié.

Je tiens à remercier également les collègues d'être présents et surtout, aux autres leaders, d'avoir pu faire en sorte qu'on puisse tenir un exercice des crédits qui est fort important dans notre enceinte. Et on a réussi à s'adapter en faisant sûr d'avoir des mesures appropriées pour avoir une distanciation.

La députée de Marguerite-Bourgeoys nous disait, Mme la Présidente, en commençant son intervention... en citant son aïeul, en disant qu'il avait fait beaucoup de choses pour la langue française. Je tiens à souligner que la famille de la députée de Marguerite-Bourgeoys, effectivement, a le service public à coeur, si on peut le dire, par le biais de son grand-père, par le biais de son père également, qui s'est impliqué dans le domaine médical, elle-même aussi à titre d'ex-ministre de la Langue française, qui a décidé de faire le saut en politique mais qui a également fait du service public à l'Université de Montréal, également comme sous-ministre, aussi, dans la fonction publique québécoise, mais également sa soeur, également, qui a été députée durant près... quelques années pour une autre formation politique, mais elle nous manque, d'ailleurs. C'était agréable de l'avoir avec nous.

• (13 h 40) •

Tout ça pour vous dire que je reconnais l'apport de la famille de la députée de Marguerite-Bourgeoys à la protection, à la promotion et à la valorisation de la langue française, et je suis heureux de la retrouver dans ce dossier-là, parce que je vais avoir, Mme la Présidente, besoin notamment de sa collaboration à elle également, parce que, si on veut améliorer la protection, la promotion et la valorisation de la langue française, il va falloir travailler en équipe. Et on a déjà eu l'occasion d'y travailler dans un projet de loi précédent, sur un tout autre sujet, mais je pense que j'apprécie beaucoup la députée de Marguerite-Bourgeoys, sa façon de travailler et de pouvoir échanger.

Et ça sera intéressant, Mme la Présidente, parce que la langue française, elle appartient à l'ensemble de la nation québécoise. Et je crois qu'il est prioritaire de déposer un plan d'action prochainement pour s'assurer que, dans les prochaines années, la langue française redevienne la langue commune, la langue du travail, la langue qui permet d'interagir entre les personnes de toutes origines qui décident de venir au Québec, la langue de l'intégration, la langue de l'accueil. Alors, il y a beaucoup de travail à faire, et je compte sur les collègues des oppositions pour m'accompagner dans cette démarche-là.

Simplement vous dire qu'au cours des dernières années, Mme la Présidente, et je vais conclure le premier bloc d'intervention là-dessus... de dire que le gouvernement du Québec actuel prend ça extrêmement au sérieux, la protection de la langue française, la promotion également. Ça s'est manifesté dans le cadre des crédits budgétaires qui ont été octroyés par mon collègue des Finances et du Trésor. Et vous pouvez être certaine, Mme la Présidente, que le gouvernement va prendre des mesures concrètes pour s'assurer que le Québec s'exprime en français, et que la langue française soit mise de l'avant, et surtout qu'on s'assure qu'elle redevienne la langue commune, comme on s'est dotés, en 1977, de la loi 101, en s'assurant de faire en sorte que ce soit la langue normale et habituelle de la société québécoise.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme David : Je vais continuer sur le sujet qui me tient à coeur, mais je comprends que le ministre est quand même bien mal à l'aise d'expliquer pourquoi la langue est rendue à la Justice.

M. Jolin-Barrette : Est-ce que vous me permettez...

Mme David : Je sais que vous aimez beaucoup la langue française, mais de convaincre un premier ministre de partir avec la responsabilité, c'est assez inhabituel.

M. Jolin-Barrette : Voulez-vous me laisser revenir? Excusez-moi.

La Présidente (Mme Thériault) : Allez-y, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Donc, écoutez, effectivement, il y a eu des remaniements ministériels. Le premier ministre m'a confié, en septembre 2019, la responsabilité de la langue française. Effectivement, il y avait une logique à ce que ça soit jumelé à l'Immigration et à la Francisation. Vous aurez noté qu'on a modifié également le nom du ministère de l'Immigration pour nommément l'appeler le ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration, parce qu'on veut s'assurer d'intégrer les personnes immigrantes en français au Québec.

Au cours des deux... bien, de l'année et demie où j'ai été ministre de l'Immigration, on a été chercher un budget important, en fait les montants de l'accord Canada-Québec rattachés à l'intégration et à l'accueil des personnes immigrantes, qui n'avaient jamais été octroyés pleinement au ministère de l'Immigration, et, de ce 140 millions supplémentaire là, ce qu'on a fait, on a consacré la moitié du budget pour des mesures en matière de francisation, donc augmentation du nombre de cours de francisation, élargissement des clientèles admissibles.

Auparavant, vous aviez uniquement les immigrants à statut permanent. Donc, les temporaires, les travailleurs étrangers temporaires, les personnes avec des statuts précaires n'étaient pas admissibles aux cours de francisation. Maintenant, ils le sont. On a augmenté l'allocation des cours à temps plein. On a créé une allocation à temps partiel. On a augmenté les frais de remboursement de frais de garde aussi pour les personnes qui suivent des cours de francisation.

Et on a fait en sorte d'avoir un parcours d'accompagnement personnalisé pour s'assurer que la personne immigrante qui arrive au Québec... Bien, dès l'étranger, on s'assure qu'elle suive des cours de français en ligne, mais aussi, lorsqu'elle arrive ici, on l'inscrit automatiquement à des cours de francisation. On fait le suivi aussi pour voir son assiduité. Et, si jamais elle ne suit pas les cours de français, bien, on lui demande de... on fait le suivi avec elle pour voir comment est-ce qu'on peut rendre le cours disponible pour elle.

Tout ça pour vous dire, Mme la Présidente, que j'ai commencé à travailler sur mon plan d'action au ministère de l'Immigration et j'en suis à finaliser le tout. Et donc c'est pour cette raison-là que le dossier de la langue française m'a suivi. Mais je peux vous assurer que je travaille en collaboration très serrée avec la ministre de l'Immigration pour continuer les efforts en matière de francisation.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci, M. le ministre. Mme la députée.

Mme David : Bien, je dirais que c'est tellement lié à un ministre, une signature que je ne sais pas qu'est-ce qui va arriver quand votre plan sera déposé, si les pauvres conseil supérieur, OQLF vont retourner au ministère. Alors, ça fait un drôle de yoyo, disons-le comme ça.

Mais je vais aller justement sur un parent que je qualifierais très pauvre dans les responsabilités de la langue française et je nomme le Conseil supérieur de la langue française. On a ici le président, que je salue, parce que j'ai plusieurs vies dans ma... vous l'avez dit, et j'ai travaillé avec ce formidable président qui préside le Conseil supérieur de la langue française mais qui, pour l'instant... Et la députée d'Iberville avait dit : C'est une coquille vide. Elle avait dit ça dans son rapport puis elle avait dit : Faites quelque chose. Il y a eu Ouellon aussi, le rapport Ouellon qu'à l'époque j'avais demandé de regarder toute la structure d'OQLF, conseil supérieur, etc. Et, quand on regarde... photo actuelle du Conseil supérieur de l'éducation, je serais déprimé si j'étais le président. Je sais qu'il a la couenne dure, mais je serais très déprimé pour toutes sortes de raisons.

D'abord, les effectifs, sept employés. Vous le savez, vous êtes habitué à des grandes responsabilités, sept employés puis, en plus, trois postes vacants, ce n'est pas fort, fort, ça, quand on dit que 30 % de l'effectif est absent. Il n'y a aucun employé de moins de 35 ans. Ça ne fait pas bien, bien renouvellement. Je pense que c'est plus dans votre tranche d'âge, ça, cet âge de 35 ans. Bien, c'est plate, hein, quand il n'y a pas de votre génération dans... pour réfléchir à la langue française. Il n'y a aucune, zéro, comme zéro puis une barre, représentation de la diversité. Ça aussi, c'est très, très, très plate. Il y a des chiffres sur le Conseil du trésor, qui dit : Ça coûte 420 000 $, cette masse salariale du conseil. Vous, vous répondez : Non, c'est 770 000 $. Quel est le bon chiffre? Est-ce que le conseil a périmé, en plus, des montants? Ça serait rendu le comble.

Parlons de l'absentéisme. Le plus haut taux d'absentéisme dans les ministères et organismes, savez-vous c'est où, M. le ministre? C'est au Conseil supérieur de la langue française. Puis on vient de dire qu'il n'y a quasiment personne. 11,5 %, le plus haut taux de tous les ministères et organismes. Donc, le monde n'est pas là. Le monde est absent. Il y a des postes vacants, puis, en plus, ils sont malades ou ils sont absents. Alors, on s'inquiète.

Plus que ça, tous les mandats des membres, tous, tous, puis ils sont huit, tous sont échus depuis au moins 2018. Ça, c'était ma bête noire dans une autre vie, moi aussi, des postes échus. C'est vraiment très, très moche, parce qu'ils sont assis sur des chaises échues. Deux membres ont quitté sur les huit, ça, ça commence à faire pas mal de monde aussi : M. Poirier en octobre 2019, Guillaume Marois en mars 2019. Le mandat du président lui-même, j'espère qu'il le sait, il vient à terme dans deux mois. Alors, M. le Président, ça serait vraiment dommage qu'il quitte.

Alors, on se demande ce qui passe... Combien d'avis demandés au Conseil supérieur de la langue française par le ministre, alors que, depuis 2002, la loi n° 104, tout ce qui reste au Conseil supérieur de la langue française, c'est de vous donner des avis, parce que l'OQLF a raflé tout le reste avec la loi n° 104? Je l'ai lu attentivement, puis on s'inquiétait de ça, c'est arrivé. Donc, ils sont là... Le conseil est là pour s'occuper de vous, essentiellement. Zéro avis demandé par votre prédécesseur. Zéro avis demandé par vous. En plus, quand l'OQLF a fait des consultations sur l'exemplarité de l'État en matière d'usage de la langue française, je sais que vous avez répondu à des questions là-dessus, le conseil n'a même pas été consulté. Deux solitudes à l'intérieur de vos responsabilités. C'est comme si ça ne se parle pas.

Alors, si on résume tout ça... Je ne vais pas prendre le temps de le résumer, mais qu'est-ce que... Vers où vous vous en allez avec ce conseil supérieur? Je crois énormément en nos conseils. J'y crois beaucoup, au Conseil supérieur de l'éducation. Ce sont des créations de la Révolution tranquille, des créations importantes qu'on rend complètement sans pouvoirs, sans personnes qui y travaillent, sans études qu'on leur demande. Alors, est-ce qu'on le laisse mourir par abandon, par attrition? Est-ce que vous voulez lui redonner ses lettres de noblesse? J'aimerais que ça soit la dernière réponse, mais je suis très inquiète.

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre.

• (13 h 50) •

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, Mme la Présidente. Écoutez, on se retrouve dans une situation où je suis en train de réfléchir par rapport au plan d'action sur la langue française. Alors, je retiens vos commentaires par rapport à l'intégration du Conseil supérieur de la langue française. Vous souhaiteriez qu'on le dote davantage. Actuellement, je crois qu'il y a sept ETC, mais présentement il y a trois personnes, environ, qui sont embauchées. Présentement, il y a quatre postes vacants.

Il faut dire que le Conseil supérieur de la langue française a rendu un avis fort pertinent l'an passé, en 2019, relativement à l'exemplarité de l'État, qui s'intitulait Pratiques linguistiques des ministères et organismes publics du gouvernement du Québec, qui a été rendu public le 4 novembre 2019. Or, le rapport a renseigné adéquatement la population sur une grande problématique qui existe présentement au Québec : l'absence d'exemplarité de l'État québécois. Et je tiens à remercier le conseil supérieur de son étude à ce niveau-là, parce que c'est fort problématique pour notre nation. Ça signifie que l'État québécois, incluant les municipalités... On l'a vu la semaine dernière avec l'étude qui a été publiée par l'OQLF relativement au fait qu'à la fois les municipalités et les ministères et organismes de l'État sont loin d'être exemplaires. On se dit : On veut défendre la langue française. L'État québécois doit en faire la promotion. Or, il y a des lacunes dans les sociétés d'État, il y a des lacunes au sein du gouvernement pour s'assurer de cette exemplarité de l'État, pour faire en sorte que... Si on souhaite s'assurer que le français, ça soit la langue commune, bien, au premier chef, l'État-nation du Québec devrait faire en sorte d'assurer la promotion du français, d'assurer, dans ses communications avec l'externe, l'utilisation du français, d'assurer d'utiliser le français avec les citoyens aussi, d'assurer d'utiliser le français avec les entreprises aussi. Alors, l'étude du Conseil supérieur de la langue française nous a renseignés là-dessus et a donné un bon son de cloche pour dire qu'est-ce qui doit être changé.

Sur votre question à savoir est-ce que la structure organisationnelle du Conseil supérieur de la langue française va demeurer intacte, comme il l'est aujourd'hui, va-t-il être mieux doté, c'est un élément sur lequel je suis en train de réfléchir présentement et ça fera partie de mon plan d'action. Je suis ouvert aux suggestions, également, que vous avez. Je retiens que la députée de Marguerite-Bourgeoys nous dit qu'elle, elle doterait davantage le Conseil supérieur de la langue française. Présentement, il y a des postes vacants qui sont là. Alors, je réfléchis à votre... Je vais réfléchir à votre proposition puis je prends la suggestion, mais c'est une discussion que nous pourrons avoir aussi.

Mme David : Bien, j'insiste, parce que c'est une discussion extrêmement importante, l'ensemble de la structure, l'ensemble de l'oeuvre, d'ailleurs, en langue française. Et moi, je retiens de vous, M. le ministre, qu'effectivement vous êtes ouvert à réfléchir. On ne peut pas laisser vivoter des institutions qu'on a créées dans la joie et l'allégresse, peut-être, il y a 50 ans puis que, là, on dit : Bien, ils sont là, mais... Écoutez, c'est presque rire du monde d'avoir sept personnes, trois absents. Ils ne peuvent plus rien faire. Puis je sais que vous référez la question... Vous ne perdez rien pour attendre, là, parce que, ce rapport-là, je l'ai lu attentivement...

La Présidente (Mme Thériault) : Ceci mettra fin au bloc d'échange, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Je suis la gardienne du temps. Donc, Mme la députée de Mercier, la parole est à vous pour 14 min 40 s.

Mme Ghazal : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bien, tout d'abord, je veux saluer M. le ministre, les membres des organismes... des équipes qui travaillent avec le ministre à la Protection de la langue française et aussi mes collègues. Je suis très contente d'être ici aujourd'hui en remplacement à ma collègue la députée de Taschereau.

Moi, je ne pourrai pas faire appel à mes aïeux pour parler de la protection de la langue française, mais moi-même, je suis toujours fière de dire que je suis une enfant de la loi 101. Quand je suis arrivée au Québec, je ne parlais pas le français. J'ai appris ici, au Québec, à l'âge de 10 ans. Et donc j'ai un grand, grand attachement à la langue française, et à son histoire, et l'histoire en 1977, quand la loi 101 a été instaurée, et aussi à son renforcement aujourd'hui. Souvent... Moi, j'ai peu de temps, ça fait que je ne peux pas faire des longues introductions. Je vais essayer d'être courte dans mes questions pour que le ministre aussi soit aussi court puis me donne des réponses précises.

Quand on parle de la langue, on la traite souvent sous un angle identitaire, de fierté, etc., mais il y a un autre aspect dont on parle moins, c'est toute la question de la justice sociale. Puis, quand je parle de la justice sociale, c'est... quand je parle, par exemple... c'est l'emploi, la langue qu'on utilise durant l'emploi. Et il y a eu évidemment, la semaine passée, tout le monde a vu ça, le rapport dévastateur de l'OQLF. On n'est pas surpris, mais on est toujours déçus de constater à quel point, surtout sur le marché du travail, il y a un affaiblissement, si on veut, de la langue française, n'ayons pas peur des mots, et où 63 %... c'est énorme, 63 %, à Montréal, des employeurs qui demandent le bilinguisme, qui demandent d'avoir les deux langues.

Moi-même personnellement, dans tous les emplois où j'ai travaillé, on demande constamment d'avoir les deux langues. Et, pour vrai, j'ai eu plusieurs emplois, il y a plein de fois, ce n'était pas vraiment nécessaire. Souvent, on le demandait parce qu'il y avait un membre de l'équipe, par exemple, qui ne parlait pas français et il fallait que les autres lui parlent. Dans le rapport de l'OQLF, aussi, on a dit à quel point il y avait des réunions qui se passaient en anglais simplement parce qu'il y avait une personne qui ne parlait pas le français. Ça, c'est des faits, c'est des choses que j'ai moi-même pu expérimenter. Ça, c'est une expérience personnelle, mais le rapport a pu en témoigner.

Moi, la question que j'ai pour le ministre, c'est... J'aimerais savoir ce qu'il compte faire, s'il a l'intention de resserrer la loi 101, parce que c'est une belle loi. On la défend, mais il y a quand même des angles morts, dont celui-là. Qu'est-ce qu'il a l'intention de faire pour la renforcer?

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, j'ai l'intention de déposer au cours des prochaines semaines un plan d'action qui traitera notamment de ces questions-là, parce que, la semaine dernière, lorsque l'OQLF a publié son étude, j'ai pris connaissance des résultats, des constats, et je suis choqué, Mme la Présidente. Je suis choqué du point où on est rendus.

Vous savez, je le disais tout à l'heure, c'est une responsabilité collective, la promotion, la valorisation et la pérennité aussi de l'utilisation de la langue française. Et ce qu'on constate au cours des années... et le constat, les résultats de l'étude de l'OQLF sont troublants, à l'effet que 63 % des entreprises de Montréal, lorsqu'elles affichent une offre d'emploi, souhaitent ou exigent la connaissance de la langue anglaise ou d'une autre langue que le français. Les Québécois ont le droit de travailler dans leur langue, ont le droit de travailler en français. On peut comprendre que, dans certaines situations, l'exigence ou la connaissance d'une autre langue soit nécessaire pour le travail, lorsque vous avez des relations, supposons, avec les étrangers ou par la nature même du poste, supposons que vous faites affaire avec des clients extérieurs au Québec. Mais ce n'est pas vrai, Mme la Présidente, que tous les postes nécessitent la connaissance d'une autre langue que le français.

Dans le cadre d'une entreprise, sur un milieu de travail situé sur l'île de Montréal, les Québécois puis les Québécoises devraient pouvoir parler français au travail. Ils devraient surtout pouvoir communiquer entre eux en français. Et ça, c'est l'autre fait troublant de l'étude qui a été publiée, c'est le fait que, dans près de 41 % des cas, l'autre langue est exigée pour communiquer entre collègues ou avec son patron. Au Québec, en 2020, c'est inacceptable. On va redresser la barre. Et surtout je me demande comment ça se fait qu'on a glissé jusque-là. Il y aura nécessité, tous ensemble, d'adopter des mesures concrètes, costaudes pour corriger la situation si on veut s'assurer de faire en sorte que le Québec redevienne la langue normale et habituelle du marché du travail et de la société québécoise. Et là-dessus je crois que je vais pouvoir compter sur vous, Mme la députée.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci.

Mme Ghazal : ...convaincue qu'avec les intentions nous sommes, tout le monde, d'accord. Les 125 députés, on est d'accord. C'est même écrit à l'article 46 de la loi 101 : Il est interdit à un employeur d'exiger, pour l'accès à un emploi, la connaissance de l'anglais si ce n'est pas nécessaire. Et, je vous le dis, dans les faits, que moi-même, mon expérience au début de l'année... Maintenant, l'intention, tout le monde est d'accord avec ça. Le changement... Je veux juste être sûre, le ministre... C'est un projet de loi pour renforcer la loi 101 ou c'est un plan d'action? Juste pour être sûre... Je l'ai entendu dire «plan d'action». Est-ce que c'est une erreur ou c'est vraiment un plan d'action et il n'y aura pas de projet de loi?

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, ça sera un plan d'action, Mme la Présidente. Donc, un plan d'action peut comprendre plusieurs mesures, des mesures en termes de politiques ministérielles, des mesures réglementaires, des mesures législatives aussi. Donc, il s'agit de plusieurs mesures qui peuvent être prises dans le cadre d'un plan d'action. Alors, je peux vous assurer, Mme la Présidente, que ce sera un plan d'action global, qui pourrait notamment inclure ces différentes mesures que je viens d'énoncer.

Mme Ghazal : Très bien.

M. Jolin-Barrette : Et l'autre point qui est important aussi, c'est que ça peut comprendre également les crédits, de l'argent, aussi, pour changer les choses. Puis vous aurez bien noté, Mme la Présidente, que, l'augmentation que nous avons eue en termes de crédits budgétaires cette année, on est passés de 29 millions, pour le portefeuille Langue française, à 41 millions, presque 42 millions. Donc, on a augmenté de 5 millions les crédits au secrétariat à la promotion à la langue française et de 5 millions à l'Office québécois de la langue française. C'est la première fois depuis des années qu'il y a une si grande augmentation. Et, si on veut être en mesure d'assurer le rayonnement et la protection de la langue française, il faut s'assurer d'avoir les moyens, et le 10 millions qu'on a consacré, c'est clairement un message qu'on envoie.

Mme Ghazal : Très bien. Moi, j'aurais aussi une autre question pour le ministre sur le plan d'action. On n'aime pas dire ça, mais il y a quand même... Par rapport à la langue française, on le sait, il y a la réalité à Montréal. Moi, je suis à Montréal. Il y a la réalité aussi à l'extérieur de Montréal. Et on le constate, on le voit, et les rapports, aussi, qui sont produits sur la langue en parlent, et même la ministre... L'ancienne ministre responsable de la Langue française disait elle-même, l'année passée, qu'elle avait constaté qu'il y avait une problématique particulière sur l'île de Montréal... action, rien, il n'y a rien eu. Est-ce que le ministre va, dans son... J'avais écrit dans ma question «projet de loi», mais finalement je vais changer pour «plan d'action». Est-ce que le ministre, dans son plan d'action, va avoir un plan spécifique pour le français, pour le protéger, à Montréal?

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre.

• (14 heures) •

M. Jolin-Barrette : Bien, Mme la Présidente, il s'agit d'une excellente question, parce qu'il faut regarder ça globalement. La langue française est davantage sous pression à Montréal. Tout le monde le constate. Un des éléments qui fait en sorte que la langue française est sous pression à Montréal, c'est notamment par rapport au nombre d'employeurs qu'il y a à Montréal. Donc, il y a beaucoup d'employeurs, vous le voyez, qui exigent la langue anglaise. Autre élément aussi, c'est également la terre d'accueil de la majorité des personnes immigrantes qui choisissent le Québec. Un des plus grands défis que nous avons, c'est de s'assurer d'intégrer en français les personnes immigrantes. Je vous racontais tout à l'heure que j'ai tenté de faire ma part dans mon précédent ministère, on a débloqué des sommes historiques en termes de francisation des personnes immigrantes. Et d'ailleurs ça fonctionne parce que, l'an... en une année, là, entre juin 2019 puis juin 2020, il y a eu une augmentation de l'ordre de 27 % aux inscriptions aux cours de francisation des personnes immigrantes. Donc, les mesures qu'on a mises en place fonctionnent. Il faut continuer dans cette ligne-là.

Où il est important de ne pas isoler Montréal en termes de mesures de valorisation de la langue française, c'est que, lorsque vous prenez l'étude de l'OQLF qui a été publiée la semaine dernière, eh bien, vous voyez qu'également, dans le reste du Québec, il y a des taux qui sont moins élevés qu'à Montréal, où on exige l'utilisation du français. Cela étant, si les entreprises de Montréal utilisent une autre langue... exigent une autre langue, bien, ça va faire en sorte également que, dans les entreprises hors Montréal, il va y avoir également une pression pour utiliser une autre langue que le français. Alors, en traitant le dossier de Montréal, on traite également le dossier des régions hors Montréal, mais il faut avoir une approche cohérente et fédérative. Donc, oui, Montréal, un plan pour Montréal, mais ça va être inclus dans l'ensemble du plan québécois, mais il y aura une attention particulière portée à Montréal.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci.

17 933 Mme Ghazal : ...contente d'entendre qu'il va y avoir des actions spécifiques pour Montréal. Je comprends que ça va percoler après, peut-être, ailleurs. Donc, juste pour être sûre, c'est un plan d'action. Il n'y aura aucun projet de loi, dans ce mandat-là, sur la question de la langue? C'est ce que... je veux juste... Réponse oui ou non. Juste pour être certaine, parce que j'avais vraiment compris que c'était un projet de loi.

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre.

15 359 M. Jolin-Barrette : En fait, tout à l'heure, ce que j'ai dit, Mme la Présidente, j'ai dit : Il y aura un plan d'action qui pourrait notamment comprendre des actions en matière de politiques publiques. Les politiques publiques s'établissent par décision ministérielle, par rédaction réglementaire ou par rédaction législative. Donc, il pourrait y avoir, dans le cadre du plan d'action, une modification législative qui pourrait y avoir lieu, mais ça sera dévoilé dans le cadre du plan d'action.

17 933 Mme Ghazal : Très bien, merci. Ça fait qu'il pourra y avoir aussi un projet de loi.

Je voulais revenir vous parler de l'exemplarité de l'État. Il y a une action, souvent... Parce que, là, ça fait deux ans, c'est un gouvernement nationaliste qui est ici, on s'attendait que... je veux dire, on parle, on aime la langue, etc. Ça, dans la rhétorique, tout le monde, on est bon là-dedans pour déclarer notre amour pour la langue, mais, par exemple, les actions, jusqu'à maintenant, il y a peu eu d'actions. Je comprends qu'il y avait beaucoup de choses, il y a eu la COVID, tout ça, mais, des fois, quand c'est gros pour agir pour la langue, on voit ça trop gros, un plan d'action, un projet de loi, mais il aurait pu y avoir une action très, très petite et très simple que le ministre aurait pu mettre... aurait pu faire, c'est celle d'appliquer l'article 1 de la loi n° 104. Tout le monde est d'accord depuis belle lurette. Depuis 2002 que ça a été adopté, ce projet de loi là, qui, justement, aurait pu corriger une partie de l'exemplarité de l'État. Tout simplement : obligation de communiquer avec les personnes morales en français, de l'État québécois. Pourquoi ça n'a pas été fait? C'est tellement petit, et rapide, et simple.

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre.

17 933 Mme Ghazal : Et tout le monde est d'accord.

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre.

15 359 M. Jolin-Barrette : Bien, je suis bien heureux, Mme la Présidente, qu'on réitère que tout le monde est d'accord. D'ailleurs, on a voté une motion, à l'Assemblée nationale, à ce sujet-là. J'en suis un promoteur, je peux vous assurer que ça va être fait.

Cela étant, avec égard pour la députée de Mercier, ce n'est pas si simple que ça, parce qu'il y a plusieurs ficelles à attacher, si je peux dire, mais, très certainement, lors du dépôt du plan d'action, je peux croire que vous ne serez pas déçue par rapport à votre intervention. Il est dans notre intention d'assujettir, effectivement, les communications avec les entreprises, conformément à l'article 1 de la loi n° 104.

Et d'ailleurs c'est une loi qui existe depuis 2002, hein? La disposition n'est jamais rentrée en vigueur. Alors, je comprends qu'aujourd'hui on me dit : Ça va faire un an que vous êtes ministre responsable de la Langue française, bientôt, en septembre, vous ne l'avez pas encore mise en vigueur. Soit, j'en prends la responsabilité, mais je vous dis que je suis en train de travailler là-dessus. Cependant, 2002, le PQ est au pouvoir, jusqu'en 2003, ils ne l'ont pas fait. Les libéraux, 2003-2018, 15 ans, ils auraient pu le faire, ils ne l'ont pas fait. Je peux vous assurer que ça va être fait, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme la députée.

17 933 Mme Ghazal : Moi, je l'avais mentionné, que c'était depuis 2002, mais on ne veut pas regarder le passé. Peut-être que, le ministre, c'est depuis un an, mais, la CAQ, ça fait quand même depuis deux ans, et là le ministre, il dit que c'est compliqué, alors que c'est une action où tout le monde est d'accord depuis très longtemps, puis c'est supposé être l'action la plus simple. Donc, j'ai peur pour le reste, mais, bon...

L'autre question aussi que j'avais : Dans son plan d'action ou projet de loi, etc., est-ce qu'il va rendre obligatoire l'application de la loi 101 pour les entreprises de juridiction fédérale qui sont au Québec?

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre.

15 359 M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. C'est une question qui est intéressante. La CAQ s'est déjà positionnée pour étant... en disant que, oui, on souhaitait que la loi 101 couvre également les entreprises de juridiction fédérale. Vous avez certaines entreprises de juridiction fédérale qui le font, actuellement, de leur plein gré, mais je pense que, lorsqu'on se dit, à la lumière du rapport de l'OQLF de la semaine dernière, que les Québécois ont le droit de parler français, bien, effectivement, je crois que la loi 101 devrait s'appliquer aux entreprises de juridiction fédérale. Je pense qu'on est rendus là, il n'y a pas de raison qui ferait en sorte que les Québécois ne puissent pas travailler dans leur langue, et que la législation québécoise ne s'applique pas sur l'intégralité du territoire québécois et sur les différents objets qui la composent.

La Présidente (Mme Thériault) : 45 secondes.

17 933 Mme Ghazal : Donc, je comprends que c'est un engagement que, dans son plan d'action ou peut-être son projet de... en tout cas, j'espère que ça va être dans le plan d'action, parce que c'est lui qui va être déposé en premier, ça sera écrit : Les entreprises de juridiction fédérale qui sont au Québec, la loi 101 s'appliquera. C'est ce que j'entends, parce que j'ai entendu : Je crois, je pense. Je veux savoir : Est-ce que c'est un engagement ou le ministre aimerait?

La Présidente (Mme Thériault) : ...secondes, M. le ministre.

15 359 M. Jolin-Barrette : J'aimerais, je pense et je crois que ça se retrouvera dans le plan d'action.

17 933 Mme Ghazal : Je n'ai pas entendu : Je m'engage à.

15 359 M. Jolin-Barrette : Sous réserve du dépôt du plan d'action dans les prochaines semaines, mais c'est la volonté du gouvernement.

17 933 Mme Ghazal : On va surveiller ça de très près.

La Présidente (Mme Thériault) : Voilà. Ceci met fin au bloc d'échange avec la deuxième opposition. Nous revenons donc à l'opposition officielle. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, la parole est à vous pour une autre période de 19 min 33 s.

15 379 Mme David : Ça commence à être vraiment intéressant. Je trouve qu'on va pas mal... on converge dans un très grand nombre de sujets. Alors, je vais peut-être sauter par-dessus, moi aussi.

Ma question était toute simple : Voulez-vous modifier l'article 46 de la charte? Alors, on y est, dans l'embauche, dans le rapport de l'OQLF, qui aurait pu être un rapport du Conseil supérieur de l'éducation, mais ça, c'est une autre affaire, là. On s'en reparlera, de votre plan d'action, mais c'est parce que qui fait quoi, là, c'est toujours un peu compliqué. Mais, quand vous dites que vous vous engagez, etc., on sait très bien que vous ne pouvez pas annoncer ce qu'il va y avoir dans un projet de loi, vous connaissez trop bien la façon dont ça fonctionne. Alors, on comprend quand même, dans le sous-titre ou dans les interlignes de ce que vous dites, qu'il y a quand même des choses qui s'en viennent.

Mais parlons de quelque chose qui, moi, m'attriste énormément en ce moment et qui est superurgent. Puis je ne le vois pas venir dans votre plan d'action, puis j'ai la confirmation qu'il y a un blocage total en ce moment dans un programme que j'adore, et sûrement que vous l'adorez aussi, puis vous ne le savez peut-être même pas, mais ça m'étonnerait que vous ne le sachiez pas parce qu'il y a eu beaucoup de communications avec le gouvernement : le programme de jumelage linguistique J'apprends le français. On parlait de Montréal, on parlait des petits commerçants, on parlait des petits, petits commerces où les gens ne savent pas parler français, et là aussi est né, avec une institution que je connais bien et la chambre de commerce, il y a plusieurs années, ce programme de jumelage linguistique où on envoie des étudiants dans des petits commerces parler français deux heures par semaine, des étudiants en enseignement du français, des étudiants en littérature, etc. Donc, ils ont un petit salaire, les étudiants. C'est un programme qui ne coûte rien, M. le ministre. Ça a commencé avec un 200... au début, 200 commerces et puis 200 000 $. Là, c'est rendu à 1,4 million, puis ça a été augmenté, même, dans les derniers crédits. Puis, depuis la pandémie, pouf! plus rien, plus rien. Ils n'ont pas les crédits, on est au mois d'août, ils ne peuvent pas engager d'étudiants pour faire le jumelage. C'est rendu que tout le monde y contribue : Concordia, l'Université de Sherbrooke, l'UQAM, l'UdeM, etc., pour faire du jumelage, c'est rendu dans la grande région de Montréal. Promettez-moi de faire quelque chose. Puis ce n'est pas dans les semaines à venir, c'est dans les jours à venir qu'on... parce que vous voulez tous, le gouvernement dit : Bien, oui, c'est un programme formidable, mais les crédits ne sont pas là.

Donc, en ce moment, au moment où on se parle, j'ai vérifié encore ce matin, il n'y a aucune embauche d'étudiants qui se fait, alors que c'est supposé être un programme à grand déploiement. Parce que tout le monde adore ce programme-là, il n'y a personne qui peut être contre, et c'est suspendu. C'est entre ciel et terre, quelque part dans un ministère. Les crédits ne sont pas donnés. Donc, la chambre de commerce qui gère ça, je le sais de source plus que sûre, ne fait rien en ce moment. Puis, au mois de mai, ils ont dû mettre à pied beaucoup, beaucoup de monde pour l'autre programme qui était Interconnexion, mais là, comme vous n'êtes plus à l'Immigration, je ne peux pas aller sur ce sujet-là, mais je vais sur le sujet du jumelage linguistique. Rassurez-moi, s'il vous plaît.

• (14 h 10) •

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre.

15 359 M. Jolin-Barrette : Alors, Mme la Présidente, je sais que la députée de Marguerite-Bourgeoys a une affection particulière pour ce projet-là parce que je sais qu'elle a contribué à sa mise sur pied à l'époque où elle était à l'université.

Écoutez, le gouvernement est ouvert, toujours, à regarder les différents programmes, les différentes initiatives pour assurer la francisation. Dans le cadre du programme de la Chambre de commerce de Montréal métropolitain, bonjour... J'apprends le français, c'étaient des étudiants universitaires, notamment, qui allaient dans les petits commerces pour avoir des conversations, des discussions pour faire pratiquer les personnes qui n'avaient pas une connaissance de la langue française. Le 4 mai dernier, la chambre de commerce a suspendu son programme, dû à l'état de la pandémie, et puis on est en discussion avec eux, et on va regarder la suite des choses pour voir la poursuite de ce programme-là. Donc, on est en discussion avec eux présentement.

Une chose qui est importante aussi, c'est : lorsqu'il y a de l'argent public qui est investi, c'est important que l'argent soit prioritairement mis dans les ressources pour s'assurer de l'exécution de la mission pour laquelle l'argent est investi. Également, ce qui est important également, c'est d'avoir des mécanismes d'évaluation, à savoir est-ce que le programme fonctionne aussi. Donc, dans toute dépense publique, c'est important de s'assurer qu'il y a un retour sur investissement, si je peux dire, pour s'assurer que c'est la meilleure façon d'investir de l'argent pour s'assurer qu'il y a une retombée concrète au niveau, dans ce cas-ci, de l'apprentissage du français. Mais, très certainement, la Chambre de commerce Montréal métropolitain est un partenaire du gouvernement du Québec, et on est en discussion avec eux pour voir les différentes modalités de prolongation de ce programme.

15 379 Mme David : Je continue là-dessus, parce qu'il y en a, des chiffres. Les trois quarts des apprenants, au début, n'avaient aucune connaissance du français ou ils étaient considérés comme débutants et, au terme de l'intervention et du jumelage, entre le tiers et la moitié d'entre eux avaient atteint un stade intermédiaire ou avancé de compétence à l'oral.

Puis ça, je vais vous donner un exemple bien concret qu'on m'a donné, je l'aime beaucoup : tu vas chez un nettoyeur qui ne parle pas le français, bien, il faut qu'il comprenne un certain mot lié au fait d'aller... quand tu vas porter une robe : Pouvez-vous refaire mon ourlet — ce qui est un mot un peu déjà sophistiqué — mon bord de robe? Bien, c'est sûr que tu vas acheter une pinte de lait chez le dépanneur, tu n'as pas besoin de lui enseigner : Pouvez-vous me recoudre mon bord de robe ou mon ourlet?, tu as besoin d'une pinte de lait. Alors, ce programme-là de jumelage, il est jumelé pour la fonction qu'exerce la personne qui ne parle pas français, et c'est pour ça que c'est si efficace.

Puis la question de la pandémie, et tout ça, ils ont dit : Au contraire, les commerçants n'ont jamais été, un, aussi disponibles, puis, deuxièmement, tout ça existe en télé-enseignement. Donc, ils sont capables de continuer le programme. Donc, ce n'est pas la pandémie, vraiment, qui aurait fait arrêter le programme. Au contraire, ils étaient capables de l'accélérer.

Alors, j'aimerais ça que le ministre me promette d'entrer rapidement en contact avec la chambre de commerce pour pouvoir réactiver ça. Il y a 10 500 commerces de proximité de moins de 10 employés dans la grande région de Montréal, 4 000 employés non francophones qui y travaillent. Ça, là, c'est de la politique qu'on devrait faire de proximité, mais, en francisation, c'est un plateau d'argent pour vous, ce programme-là. Alors, je vous redemande de ne pas abandonner, s'il vous plaît — est-ce qu'il faut l'améliorer? Vous verrez — mais de l'avoir dans votre tête.

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre.

15 359 M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, j'entends bien la suggestion de la députée de Marguerite-Bourgeoys, j'en prends note. Simplement la rassurer également que le Secrétariat à la promotion et à la valorisation de la langue française est déjà en discussion avec la chambre de commerce métropolitain, alors je peux la rassurer à ce niveau-là. Simplement vous dire également qu'on a attribué des crédits supplémentaires à l'OQLF justement pour accompagner aussi les entreprises pour des mesures d'intervention. Donc, il y aura davantage de conseillers, davantage de techniciens, également, attitrés aux entreprises de 50 employés et moins.

Et je tiens à vous souligner également que l'État doit jouer un rôle dans la francisation des personnes, jouer un plus grand rôle, parce qu'il ne suffit pas non plus de faire en sorte... d'impartir cette responsabilité de l'État. Parce que, si la situation linguistique au Québec est rendue où elle est rendue présentement, c'est notamment en raison du fait que certains gouvernements ont fait le choix de dire : Nous n'investissons pas à la hauteur de ce que nous devrions investir en matière de protection et de valorisation de la langue française, mais aussi : Nous ne prenons pas nos responsabilités en tant qu'État et en tant que corps public. Et, les Québécois et les Québécoises, leur gouvernement doit s'assurer d'être l'agent fédérateur qui va faire en sorte de prendre la tête des actions notamment au niveau de l'exemplarité de l'État, mais aussi à titre de moteur pour franciser les personnes, pour s'assurer d'avoir de la disponibilité de cours de francisation, d'avoir de la disponibilité de cours de francisation dans les différentes entreprises, d'aller les voir, que ce soit par le biais que l'OQLF ou que le secrétariat joue pleinement son rôle. Mais, pour ce faire, il faut pleinement doter l'État québécois des moyens, et c'est ce qu'on a fait dans le cadre du récent budget avec une augmentation de 10 millions de dollars.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme la députée.

15 379 Mme David : ...une autre, vraiment, qui m'inquiète beaucoup, vous n'êtes pas ministre de la Culture, mais vous êtes responsable de la langue française, et puis il y a quelque chose qui revient souvent, puis on a des chiffres incroyables... Vous savez qu'il y a la politique du 4 %, de faire de la publicité, en région, de soutien aux médias, et on est supposés mettre chaque... un minimum de 4 % du budget de tous les ministères et organismes en placement publicitaire dans le soutien aux médias, particulièrement en région, que vous affectionnez. Puis je suis sûre que vous êtes entièrement d'accord avec ça, mais là il y a un organisme qui est sous votre responsabilité, qui s'appelle l'OQLF, qui, quand on regarde où ils ont mis leur investissement... dans la note RG70 : Médias communautaires, zéro — 0,00 $ et 0,00 %; Internet, 75 % — puis on sait avec les médias... le Facebook, etc., là, les enjeux; les médias sociaux, 0,4 %. Les médias communautaires : zéro puis une barre, alors qu'on dit que c'est supposé aider les régions tout en participant à la promotion de la langue française. Que c'est que vous allez faire avec ça?

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre.

15 359 M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, Mme la Présidente, c'est un bon point que la députée de Marguerite-Bourgeoys amène. Oui, il faut s'assurer d'utiliser l'enveloppe en matière de publicité sur l'ensemble du territoire québécois, et j'en suis. Relativement à l'accompagnement des entreprises, à la promotion du français aussi, et vous l'avez noté tout à l'heure, Mme la Présidente, les membres de la commission l'ont noté, qu'il y a un enjeu particulier avec la région de Montréal, entre autres, il ne faut pas se le cacher, avec les entreprises, avec les municipalités aussi.

Dans l'étude de la semaine dernière publiée par l'OQLF, on disait : 50 % des municipalités sur l'île de Montréal ou arrondissements exigent la connaissance de la langue anglaise pour exercer un poste. Alors, il y a un effort de sensibilisation, et ça a toujours été, là, ça a toujours été... la région de l'Outaouais aussi, là, ça a toujours été où il y a certaines priorités régionales, si je peux dire, en matière de langue française, qui doivent être mises de l'avant. Donc, il est logique, notamment, que l'OQLF concentre ses efforts sur l'île de Montréal, mais encore faut-il, Mme la Présidente, s'assurer d'avoir les moyens pour le faire, et c'est ce qu'on a fait.

D'ailleurs, si vous me permettez, Mme la Présidente, là, j'aimerais vous présenter un tableau, au cours des dernières années, en matière de langue française. Vous noterez l'augmentation qu'il y a eu au cours des deux dernières années, plus 40 % de budget en matière de langue française. Vous voyez les années libérales, en rouge, et l'augmentation substantielle qu'il y a eu depuis que la CAQ est arrivée au gouvernement. Donc, ce qu'on fait, avec la CAQ au gouvernement, c'est qu'on s'assure de mettre l'argent nécessaire afin d'assurer la protection et la promotion de la langue française, Mme la Présidente. Si vous le souhaitez, je pourrais vous déposer le tableau pour que l'ensemble des membres en prennent connaissance, pour s'assurer également qu'on s'assure que les mesures prises au fil des ans à travers les différents gouvernements... on adopte une approche qui est particulière pour la langue française, pour bien doter les institutions de défense du français au niveau des crédits budgétaires.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Merci, M. le ministre. Je vous prierais de transmettre le tableau à cce@assnat.qc.ca, et je le regarderai, et j'accepterai le dépôt.

15 359 M. Jolin-Barrette : Ça me fera plaisir, Mme la Présidente.

• (14 h 20) •

La Présidente (Mme Thériault) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

15 379 Mme David : ...O.K. Je peux-tu vous dire quand même, en tout respect et gentiment, que c'est grâce à l'économie du Parti libéral que, peut-être, vous avez tellement d'argent à dépenser? Et je suis contente que vous en mettiez en langue française.

Alors, j'ai un autre sujet que j'affectionne particulièrement, puis ça, c'est sous le régime libéral, là, c'est plate pour vous, mais c'était pas mal nous autres qui avons fait ça, je sais que vous avez crié, vous avez dit que ce n'était pas bon, que ça n'allait pas assez loin : l'affichage des marques de commerce. Je veux absolument vous en parler quand même parce que, et je le précise, quand on connaît notre histoire, l'histoire de la loi 101, depuis le début, depuis l'entrée en vigueur de la Charte de la langue française, en 1977 — vous n'étiez pas né — c'est la première fois que des modifications réglementaires sont apportées en ce qui a trait à l'affichage des marques de commerce. «Il s'agit là d'une véritable avancée pour accroître la présence du français dans le paysage linguistique...» Bon, la CAQ, à ce moment-là, était vraiment... disait : Ça ne va pas assez loin, etc., mais ce règlement... On peut s'entendre sur un fait, c'est la première fois qu'on renforçait la présence du français dans l'affichage, et évidemment que tout le monde a réagi, chacun à sa façon.

Mais, quand même, je cite un communiqué qui me fait chaud au coeur, je devrais le mettre en dessous de mon oreiller, je cite un communiqué du Parti québécois daté du 22 novembre 2019, parce qu'ils avaient trois ans pour le mettre en vigueur, qui dit : «Le gouvernement de la CAQ a ici une extraordinaire occasion de prouver que son "nationalisme" n'en est pas [un que] de façade — "façade", "affichage", je trouvais ça intéressant, comme choix de mots. Le ministre doit s'assurer que l'OQLF sévit rigoureusement contre les commerces récalcitrants qui, en trois ans, n'ont pas cru nécessaire de s'ajuster [et] de prendre des mesures pour respecter la loi.»

Alors, ma question est simple. Je voudrais absolument savoir, donc, quel est le bilan, en date d'aujourd'hui, des entreprises récalcitrantes, du nombre d'amendes qui ont été données, du montant total des amendes. Même Impératif Français, qui n'est habituellement pas notre ami tant que ça, au Parti libéral, qui affirme que ce règlement va un pas dans la bonne direction et que certaines entreprises ne respectent pas les critères de présence suffisante du français, donc ils ne prennent pas ça au sérieux.

M. le ministre, est-ce que vous prenez au sérieux ce nouveau règlement sur l'affichage? Est-ce que vous avez des chiffres sur le suivi donné à ça? C'est bien beau faire des règlements, vous allez en faire vous aussi, mais ce qui est important, c'est : Est-ce que les gens l'appliquent? Puis est-ce que l'OQLF fait sa job, après, de vraiment... Elle va dire qu'elle accompagne, qu'elle accompagne, qu'elle accompagne, mais elle a le droit de sévir aussi.

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre.

15 359 M. Jolin-Barrette : Si vous me permettez une intervention très courte relativement à votre question précédente, je fais des vérifications relativement aux médias communautaires. En fait, l'OQLF, dans le cadre d'un programme, a dépensé plus de 100 000 $ pour six projets. Donc, tous les médias communautaires ont été invités à déposer... Donc, il y a 100 000 $ qui ont été déposés... qui ont été dépensés pour l'accompagnement des médias communautaires.

Puis le lien aussi, également, avec le ministère de la Culture... Tout à l'heure, vous disiez... vous faisiez le lien avec la langue française, et tout ça. On a accordé 2 millions de dollars au mouvement national des Québécois pour faire en sorte de tenir des activités organisées autour de la culture et de l'histoire du Québec, et elles s'adressent aux nouveaux arrivants. Alors, je pense que c'est une somme qui est tout de même substantielle pour faire en sorte que, lorsqu'on arrive au Québec, bien, les façons de s'intégrer, c'est par le fait d'avoir un emploi, par le fait de parler une langue commune, le français, mais aussi si on est immergé dans la culture québécoise à travers les différents produits culturels, je pense que ça aide notamment à apprendre le français. Alors, on a investi beaucoup d'argent à ce niveau-là.

Bon, pour ce qui est de votre question au niveau des marques de commerce, au niveau de l'affichage, il faut se souvenir, là, si on fait un peu un historique, là, lorsque Camille Laurin fait adopter la loi 101 en 1977, c'est l'unilinguisme français au niveau de l'affichage. Ça faisait suite, également, à des discussions qu'il y avait eu préalablement. Arrive la décision dans l'arrêt Ford en 1988 : la Cour suprême indique que cette disposition-là de la Charte de la langue française est invalide. Le premier ministre Bourassa invoque la disposition de dérogation — gouvernement libéral, par ailleurs, à l'époque — dans le cadre, également, des événements constitutionnels que l'on connaît, avec l'accord du lac Meech, un an plus tôt. Et, en 1993, Claude Ryan, à l'époque où il est, je crois, ministre de l'Éducation et ministre responsable de la Charte de la langue française, ne renouvelle pas, hein, la disposition de dérogation sur l'affichage unilingue francophone et intègre à l'intérieur de la charte les conclusions de la Cour suprême du Canada.

Arrive 2016 avec l'arrêt Best Buy, où on indique que l'interprétation de l'OQLF qui était donnée par rapport aux marques de commerce est erronée, une décision de la Cour d'appel. Et, à partir de ce moment-là, la députée de Marguerite-Bourgeoys et son successeur, l'ancien député de Sherbrooke, M. Fortin, que je salue, édictent un règlement pour faire en sorte qu'au lieu d'être la nette prédominance du français c'est une présence suffisante du français, alors que ça avait toujours été interprété comme étant la nette prédominance.

Donc, le gouvernement libéral qui nous a précédés a fait un choix, hein, a fait un choix de ne pas rouvrir la loi 101 et a fait un choix d'avoir un critère moindre que celui qui avait été historiquement mis en place et opérationnalisé par l'OQLF entre 1993 et 2016.

Alors, entre 2016 et 2019, les entreprises se sont conformées. Sur le bilan, au 31 juillet dernier, le traitement de 23 cas, de 23 entreprises qui n'avaient pas encore complété leurs démarches. Alors, nous, on va... l'OQLF va débuter les mises en demeure à partir du 1er septembre prochain pour la conformité de celles-ci. L'OQLF accompagne les entreprises. On ne souhaite pas arriver puis déboulonner l'affiche et tout de suite leur dire : Ça vous prend une nouvelle affiche. On accompagne, on les sensibilise, mais je suis d'accord avec vous, à partir d'un certain moment, l'OQLF sévira pour les entreprises qui sont récalcitrantes.

La Présidente (Mme Thériault) : Il vous reste une minute, Mme la députée.

15 379 Mme David : Bien, je précise qu'on a donné trois ans à l'époque, en 2016, ils ont eu trois ans, et qu'à un moment donné... je pense que vous serez d'accord avec moi qu'il faut agir et que, si vous vous promenez de l'Ontario au Québec, vous alliez à un Costco avec «Costco» seulement en Ontario, puis vous traversez au Québec, puis là il est obligé d'y avoir... et ce que vous... Ce que je tiens à préciser, c'est que l'affichage, la visibilité doit non seulement être permanente, mais elle doit être similaire à celle de la marque de commerce affichée. Si on comprend bien le français, «similaire», c'est qu'il faut que ça soit aussi visible l'une que l'autre.

Donc, vous aviez, à l'époque, trouvé que c'était à rabais. Maintenant, on vous a posé la question, les journalistes ont dit : Bien oui, mais qu'est-ce que vous allez faire avec ça si vous trouvez que c'est si effrayant, ce règlement-là? Puis, à date, la CAQ n'a pas répondu. Alors, ça, je trouve ça assez intéressant. J'ai hâte de voir votre plan d'action, M. le ministre.

La Présidente (Mme Thériault) : Et il reste cinq secondes. Donc, je vous invite à garder votre réponse pour le prochain bloc, peut-être? Merci. Donc, nous allons maintenant au député de Matane-Matapédia, qui est le chef de la troisième opposition. 14 min 40 s pour vous, M. le député.

M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, chers collègues de la commission. La langue française, c'est un fondement de l'identité québécoise et c'est certainement un fondement de l'engagement politique de milliers de Québécois dans ma formation politique depuis 50 ans.

Le Parti québécois a fait adopter une des lois les plus nécessaires et audacieuses de l'histoire du Québec, en 1977, la Charte de la langue française. Et le ministre, qui a lu la biographie de Camille Laurin cet été, je le sais, pourra s'inspirer certainement de tout le courage dont a fait preuve le Dr Laurin et le gouvernement du Parti québécois.

Je l'ai entendu, tout à l'heure, dire qu'il aurait besoin du concours de tout le monde, voire même de l'assentiment de tout le monde. Je lui dis que ça va être difficile. Aujourd'hui, tout le monde se réclame de la loi 101, mais, s'il avait fallu écouter l'opposition en 1977, le Parti libéral, en bloc, a combattu la loi 101, et aujourd'hui s'en réclame. Tant mieux, les temps ont changé, mais il n'y avait pas unanimité. Et, s'il est sérieux dans ce qu'il entreprend, il devra faire face à l'adversité et poser des gestes concrets.

J'entends qu'il y aura un plan d'action, je n'entends pas qu'on va ouvrir la loi 101. Le ministre a bien pris soin de ne pas prononcer ces mots-là formellement parce qu'il ne le fera pas, et je vais vous dire pourquoi. On va valider un certain nombre d'enjeux qui sont fondamentaux et, dépendamment des réponses du ministre, on saura d'avance s'il est sérieux ou pas ou si lui est sérieux, mais son gouvernement ne l'est pas, parce que je sais qu'il est plus nationaliste que la moyenne des caquistes. Il y a certains caquistes qui trouvent que la langue, ça ne fait pas très affaires, hein, ce n'est pas notre «branding», hein? La culture, ce n'était pas pour ça qu'ils sont allés me chercher pour être candidat. Alors, ça existe, là, on les connaît. Ils sont au Conseil des ministres, en plus, puis ils sont plus nombreux que vous pensez, Mme la Présidente.

Alors, la loi 101, c'est une loi si fantastique qu'on va l'ouvrir. Et je vais demander au ministre, qui semble être préoccupé par le français au travail... Je veux lui rappeler que le travail est un lieu de socialisation important et je vais lui demander s'il est prêt à ouvrir la loi 101 pour assujettir les entreprises de moins de 50 employés à la loi 101.

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre.

• (14 h 30) •

15 359 M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. C'est un plaisir de retrouver le député de Matane-Matapédia, on a toujours beaucoup de plaisir à échanger avec lui en commission parlementaire.

Bon, quelques faits, Mme la Présidente. Les entreprises de 50 employés et moins sont assujetties à la loi 101. Ce à quoi elles ne sont pas assujetties, c'est la procédure de francisation. 100 employés et plus, il y a un comité de francisation. 50 et plus, bien, c'est la procédure de francisation. Donc, ça signifie est-ce que c'est la langue généralement parlée dans l'entreprise, les suivis avec l'OQLF, tout ça.

Depuis plusieurs années, différents membres de la société civile, à la fois la formation politique du député de Matane-Matapédia, demandent à ce que la charte de la langue 101, au niveau du volet de l'accompagnement en matière de de francisation, les obligations en matière de francisation, soit étendue aux entreprises de 50 et moins. Nous souhaitons qu'il y ait davantage de français dans les PME. La question de savoir de quelle façon est-ce que ça doit se matérialiser, c'est un questionnement. Est-ce que la Charte de la langue française doit être appliquée intégralement aux entreprises de 50 et moins? Je me questionne. Je vais être ouvert à avoir cette discussion-là. Très certainement, on doit avoir des mécanismes qui vont s'assurer de la francisation des personnes. Est-ce que c'est le mécanisme actuel de la loi 101 qui doit être appliqué? Je me questionne. Une chose est sûre, il faut qu'il y ait davantage de français en entreprise et il faut qu'il y ait davantage de francisation sur les lieux de travail.

Alors, je suis ouvert aux suggestions. Il faut être pragmatique. Il ne faut pas non plus avoir trop de bureaucratie, parce que, dans une PME de 25 employés, aussi, où il y a peu de départements de ressources humaines, bien, ça peut être difficile.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci, M. le ministre. On va aller au député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : ...Mme la Présidente. Alors, un employé qui entre dans une entreprise de 50 employés et plus, c'est important, la langue française, il faut l'appliquer. Mais, si c'est en bas de 50, 49, 48, ça ne s'applique pas. Si vous souhaitez notre collaboration, vous allez poser des gestes sérieux, pas un plan d'action qui va arriver avant une élection en disant : On est nationalistes. Soyons clairs, ouvrons la loi 101. Si c'est important, c'est bon pour tout le monde.

Lorsque le gouvernement Marois était au pouvoir, j'en étais, on a proposé la loi n° 14. La CAQ, comme le Parti libéral, a refusé d'adopter cette loi. Et, en ce qui a trait... Parce que les libéraux ont été sanctionnés. Je parlais de la CAQ. La CAQ refusait d'appuyer cette loi — une loi, c'est un fondement important — parce qu'elle considérait que ça allait trop loin. Et, sur l'assujettissement des entreprises de moins de 50 employés à la loi 101, le terme utilisé par la CAQ, c'était «harcèlement bureaucratique». C'est comme ça qu'on a traité une mesure fondamentale pour le français.

Je demande humblement au gouvernement de la CAQ de ne pas confondre affairisme avec nationalisme. Ça rime, mais ce n'est pas la même chose. Alors, voici un test. Donc, je vais poser ma question différemment cette fois. Est-ce que la loi 101 sera rouverte notamment pour inclure cette mesure?

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Alors, Mme la Présidente, à ce stade-ci, je peux vous dire qu'il y aura un plan d'action qui pourrait notamment comprendre des modifications législatives — qui pourrait — ou réglementaires. Cela étant, Mme la Présidente, je tiens à vous souligner... D'ailleurs, le Parti québécois a fait un communiqué, le 22 juin dernier, où il disait : Nous souhaitons étendre l'application de la loi 101 aux entreprises de 25 à 49 employés.

Alors, ce que je dis au député de Matane-Matapédia, c'est : Qu'est-ce qu'on fait aux entreprises qui ont entre un et 25 employés? Tout à l'heure, il me disait : 50 et moins, la charte doit être appliquée. Or, dans son communiqué, il dit : 25 à 49. Qu'est-ce qu'on fait entre un et 25? Moi, je veux avoir des mesures qui vont faire en sorte que, concrètement, les personnes qui travaillent dans les entreprises, ça va se passer en français, mais surtout, pour les personnes qui intègrent ces milieux de travail là et qui ne parlent pas français, qu'on ait des outils pour les franciser. Et d'ailleurs je pense que l'OQLF peut jouer un rôle à ce niveau-là.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. M. le député.

M. Bérubé : C'est important de tester le sérieux de la démarche. En matière de langue, on s'y connaît pas mal, au Parti québécois, et on a fait face à l'adversité. On a mangé des coups, mais on est allés par profonde conviction, pas par calcul. Alors, une loi, c'est important, la loi 101. Il peut commencer par 25 comme signe de bonne foi. S'il veut commencer par 25, ce sera déjà ça, mais je doute fortement qu'il ouvre la loi 101 pour incorporer ça, fin de la discussion là-dessus, parce que je n'ai pas senti... Je n'ai pas d'engagement que la loi 101 est ouverte.

Alors, Mme la Présidente, je veux que vous notiez, ainsi que les gens qui nous écoutent ici et ailleurs, que la CAQ n'a pas l'intention d'ouvrir la loi 101, je veux que ça soit clair, à moins qu'on me dise le contraire.

J'ai une autre proposition. J'ai déposé une loi, moi, la loi n° 591 concernant l'exigence excessive de l'anglais au travail, une autre façon d'y arriver, en partie. Alors, si on veut être pragmatiques puis on veut être rapides, cet automne on commence à siéger. Est-ce que le ministre, qui est aussi leader parlementaire du gouvernement, est prêt à appeler cette loi, et on l'adopte rapidement, un, deux, trois?

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre. Et j'aimerais vous rappeler qu'on n'a pas reçu encore votre tableau. Je dois le recevoir durant la séance pour constater le dépôt.

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, il faudrait le numériser. Alors, je vais demander à mes équipes de le numériser pour vous le faire parvenir.

La Présidente (Mme Thériault) : ...vous dire qu'on peut faire une photo aussi et l'envoyer au secrétariat. Oui, je vous invite à répondre à la question du député.

M. Jolin-Barrette : Oui. Vous avez des meilleures idées technologiques, Mme la Présidente.

Alors, comme je le disais... Bien, écoutez, le projet de loi n° 591 du député de Matane-Matapédia est intéressant. Pour adopter un projet de loi, un, deux, trois, comme il propose, ça prend le concours des autres formations politiques aussi. Alors, une chose est certaine, l'enjeu de l'article 46 dans la Charte de la langue française, c'est un enjeu qui est intéressant. Et, à la lumière du rapport de l'OQLF qui a été déposé la semaine dernière, je crois qu'il y a nécessité d'agir. De quelle façon on doit agir? Le député de Matane-Matapédia nous dit : On devrait adopter notre projet de loi n° 591, qui touche l'article 46. Je vais l'étudier sérieusement, sa proposition, et puis il faudra voir avec les collègues s'ils sont d'accord.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. M. le député.

M. Bérubé : On commence par ça. Alors, jusqu'à maintenant, pas d'engagement à légiférer sur la loi 101, pas d'engagement à rappeler ce projet de loi là. Toutefois, le ministre, il n'y a pas tellement longtemps, était prêt à légiférer pour interdire le «Bonjour! Hi!» à Montréal. Je ne sais pas s'il a toujours cette intention législative. Il me semble... Dans l'ordre des priorités et du pragmatisme, je lui propose les deux premières avant de légiférer sur le «Bonjour! Hi!». J'ai peut-être manqué un bout, mais je pense que le premier ministre n'a pas retenu cette volonté-là, mais ça a été exprimé.

En matière de langue, évidemment, on parle de la protection. Il y a tout l'enjeu de la promotion de la langue également. Ça passe par la formation. Ça passe par la qualité de la langue. Ça passe par la représentation de la langue qu'on a dans notre société. Ça passe par les études supérieures aussi. Moi, Mme la Présidente, je suis particulièrement préoccupé par les transferts linguistiques qui sont dans le domaine collégial. De plus en plus de francophones choisissent d'aller dans les institutions anglophones. C'est une réalité, et qui est encouragée par l'État, malheureusement. Depuis des années, certains cégeps anglophones reçoivent des rallonges financières pour installer des rallonges physiques pour avoir davantage d'étudiants, et, dans bien des cas, c'est les francophones qui s'y rendent.

Le premier ministre a beaucoup parlé du projet de loi n° 61, hein? Il souhaitait qu'on l'adopte, mais une des raisons supplémentaires pourquoi moi, je n'ai pas voulu l'adopter, c'est que, dans tous les projets qu'on y retrouve, il y a un seul projet au plan collégial, et c'est l'agrandissement du collège Dawson, qui est le premier en tête de liste pour accueillir des francophones dans une institution anglophone. L'Action nationale a fait un fantastique dossier là-dessus, Frédéric Lacroix également, le chercheur.

J'aimerais que le ministre m'indique s'il trouve que c'est une bonne chose d'encourager ce genre de pratique là. De tous les cégeps du Québec qu'on aurait pu encourager avec, disons, une accélération d'un dossier, on a choisi le collège Dawson, qui est maintenant presque le plus populeux au Québec et qui va contribuer encore une fois à des transferts linguistiques importants entre les francophones, les jeunes francophones... et dans un collège anglophone. Est-ce qu'il est d'accord... Est-ce qu'il a vu que le collège Dawson était dans la liste? Est-ce qu'il est d'accord avec ce projet de loi? Il n'est pas trop tard. Je sais qu'ils vont revenir avec une autre loi. Moi, si j'étais eux, je l'enlèverais.

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, vous savez, lorsque Camille Laurin a fait adopter la Charte de la langue française, pour eux... Et je pourrais le dire de source sûre, j'ai discuté avec un des rédacteurs, il nous disait : Pour nous, la Charte de la langue française... L'école, à l'époque, normale, c'était le primaire, le secondaire. Le collégial était moins visé parce qu'à l'époque ce n'était pas tout le monde qui y allait, et les rédacteurs... et la demande de la société à l'époque n'était pas au niveau du réseau collégial.

Le député de Matane-Matapédia souligne, à juste titre, que le collège Dawson est le plus gros cégep au Québec. On est le seul État en Amérique du Nord, Mme la Présidente, à avoir la langue officielle... à avoir le français comme langue officielle. On est la seule nation en Amérique du Nord, Mme la Présidente, à avoir l'opportunité et à avoir la chance de parler français, et ça, ça doit se répercuter, Mme la Présidente, à tous les niveaux, notamment dans le milieu de l'éducation, notamment dans le milieu académique.

Ce que soulève le député de Matane-Matapédia, à juste titre, au point de vue de la recherche universitaire... Et je rejoindrai la députée de Marguerite-Bourgeoys à ce niveau-là, si on veut doter les établissements d'enseignement supérieur d'une clientèle qui étudiera en français, qui fera de la recherche en français, qui fera rayonner le Québec en français, il faut s'assurer qu'au niveau du choix de l'établissement académique collégial la norme demeure le français.

Alors, je retiens la suggestion du député de Matane-Matapédia et je vais être ouvert aux suggestions pour s'assurer que la norme du réseau collégial demeure le réseau collégial francophone.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. M. le député.

• (14 h 40) •

M. Bérubé : Mme la Présidente, vous comprenez que ma demande est formelle. Dans la liste des 201 projets, je crois que c'est 201, se retrouve nommément le plan du collège Dawson. Et son directeur l'a dit, là, l'a dit, qu'il accueillait un certain nombre... un grand nombre d'étudiants francophones. On n'envoie pas un bon message. Je sais qu'il est sensible à ça, le ministre. Il n'est pas trop tard. Il y aura une nouvelle loi qui va venir. Je trouve que ça envoie un bien mauvais message.

En matière de langue, il y a également l'application des lois sur l'affichage, on en a parlé tout à l'heure, beaucoup plus présent, beaucoup plus proactif là-dessus. Je pense que l'État qui doit être exemplaire, c'est l'État qui applique les lois aussi. Donc, en ce sens-là, moi, je vais souhaiter qu'on soit plus vigilants sur l'affichage. Ça, c'est clair.

Quant à l'exemplarité de l'État, ça, ce n'est pas supposé être une politique, c'est supposé être une normalité. Présentement, là, puis on va le faire vérifier, est-ce qu'il y a encore des factures d'Hydro-Québec en anglais uniquement qui sont envoyées au Québec? Moi, je pense que oui, puis ça se peut que je le découvre d'ici la fin de l'après-midi. Alors, je vous invite à le vérifier avant que je le trouve, parce que c'est le cas chez Hydro-Québec, qui rit de nous. Ils sont bien drôles, là, sur Twitter, quand ils nous répondent, puis les réseaux sociaux, mais là-dessus ils ne répondent pas. Alors, moi, j'aimerais ça que ça cesse. Ça peut se régler en cinq minutes. Il y a l'étude des crédits d'Hydro-Québec, je pense, qui est bientôt, là. C'est passé? Bon, ajoutez ça à la liste. Alors, ça, c'est un exemple, parmi d'autres, très important.

Et le français, aussi, c'est de s'assurer qu'au plan international, quand notre premier ministre se rend ailleurs, il ait toujours des allocutions en français. Je ne crois pas que ça soit un problème jusqu'à maintenant, mais c'est arrivé dans le passé. Alors, c'est aussi à l'échelle internationale qu'on affirme...

La Présidente (Mme Thériault) : Et je dois mettre fin à l'échange.

M. Bérubé : J'avais une autre question.

La Présidente (Mme Thériault) : Vous n'avez plus de temps, M. le député. Donc, sans plus tarder, je vais passer au député de Jacques-Cartier pour le dernier bloc de l'opposition officielle. Désolée.

M. Kelley : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, tout le monde. Bonjour, M. le ministre. J'ai écouté les débats dans mon bureau. J'ai trouvé ça tout intéressant. Comme la députée de Mercier, je suis aussi un enfant de la loi 101, mais, quand même, je pense, plusieurs députés qui sont ici, le député de Beauce-Sud et, quand même, le ministre lui-même. Puis je pense qu'on peut parler un petit peu des choses un petit peu positives. Et, si je regarde la communauté d'expression anglaise, c'est une communauté qui a fait des efforts, depuis des années, de valoriser la langue française et de faire plus, et les chiffres le démontrent.

Quand la loi 101 a été mise en place... excusez-moi, la loi n° 22, en 1971, 88,5 % de la population du Québec était capable de parler en français, avoir une discussion en français. Si on regarde le chiffre d'aujourd'hui, c'est 94,5 %. Alors, faire juste le calcul qu'environ, dans toute notre histoire, plus que 80 % de la population du Québec était francophone, alors ça dit qu'un effort a été fait par la communauté anglophone d'être plus bilingue. Puis il y a d'autres chiffres qui démontrent ça aussi. On peut juste regarder les chiffres directement de la communauté. En 1971, 37 % de la communauté était capable d'avoir une discussion et de parler en français, alors d'être bilingue, puis le taux est maintenant, en 2016... parce qu'on n'a pas tous les chiffres de 2020, mais, les derniers chiffres de 2016, c'est rendu à environ 70 %. Et, pour les anglophones de moins de 24 ans, c'est environ 82 % qui sont capables de parler en français. Je pense, ça, c'est des chiffres qu'on peut peut-être être capables de dire qu'il y a un succès, un gros succès de la communauté anglophone, mais il y a toujours plus de travail à faire pour nous et pour le Québec.

Mais ce n'est pas arrivé par hasard que les chiffres ont changé depuis plusieurs années. Si je regarde... Et je veux juste citer, par exemple, le programme d'immersion qui existe dans nos commissions scolaires, un programme qui a été mis en place par un ordre du gouvernement, qui étaient souveraines, parce que c'est les commissions scolaires qui ont élu leurs propres élus, qui ont décidé : Bien, pour les communautés anglophones, d'être plus bilingues, bien, ça prend un programme qui existe. Puis, si on regarde les chiffres depuis que ce programme a été mis en place, dans les années 80, c'est environ 80 % des étudiants qui sont dans un programme d'immersion dans une école anglophone au Québec. Ce n'est pas à 100 %, mais c'est quand même un chiffre qui, je trouve, est très impressionnant et très important. Si on regarde, quand même, le succès de nos enseignants et enseignantes dans les commissions scolaires anglophones, des deux plus grandes commissions scolaires sur l'île de Montréal, les élèves anglophones ont scoré mieux sur les tests de français que les élèves dans le réseau public des deux écoles... le réseau des commissions scolaires francophones.

Alors, ça dit qu'il y a vraiment un effort qui est fait par les parents de s'assurer que leurs élèves et leurs enfants comprennent très, très bien la langue française. Mais ça, c'est une chose qui est quand même un bac... excusez-moi, un diplôme de l'école secondaire qui a... un étudiant a fait l'immersion en français. Ça ne dit pas que quelqu'un est prêt à travailler dans le milieu du travail, de prendre une job où il faut travailler tout le temps en français. Ça prend de plus... C'est un effort de plus.

Alors, pour certaines personnes, elles trouvent qu'elles manquent un petit peu de confiance en langue française, et ça, c'est une des raisons qu'on a vues depuis plusieurs années, un petit peu d'un «brain drain» avec les jeunes. Nos jeunes anglophones ont quitté. C'est sûr qu'il y a toujours des opportunités dans le reste du monde, et on dit : C'est des... je ne sais pas si je suis capable de travailler ici, au Québec, parce que, oui, je suis bilingue, mais de travailler en français, c'est une autre chose.

Alors, pour moi, je pense que c'est très important d'avoir une autre discussion sur comment on peut mieux équiper des anglophones, des allophones et peut-être, quand même, des francophones d'améliorer leur français, d'être plus prêts de prendre une job dans un autre coin du Québec ou, quand même, dans une autre profession. Et ça, c'est pourquoi j'ai décidé, après des discussions que j'ai eues avec la communauté depuis que j'ai été élu et un petit peu avant, de présenter un projet de loi qui va modifier la Charte de la langue française pour rendre l'accès à des cours en français gratuits pour tout le monde sur le territoire du Québec. Alors, je pose une question au ministre. Est-ce qu'il est prêt à adopter mon projet de loi ou, au minimum, de commencer à faire l'étude pendant la rentrée parlementaire?

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Salutations au député de Jacques-Cartier. Je trouve que l'idée du député de Jacques-Cartier, elle est très bonne, et je tiens à le remercier d'avoir déposé son projet de loi. D'ailleurs, le député de Sainte-Rose, qui est l'adjoint parlementaire du premier ministre pour la communauté d'expression anglaise, a fait une tournée au Québec et est arrivé avec la même idée, et le député de Jacques-Cartier a déposé un projet de loi. Alors, je pense qu'il y a une convergence au niveau des idées pour faire en sorte de, oui, mieux outiller la communauté anglophone pour leur permettre d'apprendre davantage le français.

Et j'apprécie le commentaire du député de Jacques-Cartier, qui dit : Il y a des efforts significatifs qui ont été faits par la communauté anglophone au Québec entre les différentes années où il y a un plus grand apprentissage de la langue française. C'est vrai. On n'est pas du tout au même point de 1977, où le français pouvait être vu parfois comme une menace, où il y avait, je vous dirais, deux plus grandes solitudes. Maintenant, au Québec, tout le monde sait que la langue officielle du Québec, la langue commune, c'est le français. Ça ne signifie pas pour autant que les gens sont contre l'anglais. Je pense que c'est une richesse d'avoir le français comme langue commune, que, les personnes immigrantes, on puisse les intégrer en français.

Et d'ailleurs le député de Jacques-Cartier disait : Moi aussi, je suis un enfant de la loi 101 comme la députée de Mercier. J'imagine que le député de Jacques-Cartier disait que c'est un ayant droit issu de la minorité anglophone, disposant des droits conférés par la Charte de la langue française, d'aller à l'école en anglais. Je dois dire que ça a été un équilibre, un compromis qui a été fait à l'époque, qui a permis de s'assurer que les personnes immigrantes soient accueillies en français au Québec. Et, si ça n'avait pas été de ça, je n'ose croire... de l'anglicisation du Québec.

Et aujourd'hui je suis fier d'entendre des gens comme le député de Jacques-Cartier dire : Je suis heureux de parler en français, je suis heureux de pouvoir m'exprimer dans les deux langues. Et je suis heureux de l'entendre dire qu'il adhère au fait que le français, c'est la langue commune, et qu'on doit continuer à donner des ressources pour que les différentes communautés puissent être mieux outillées pour travailler un peu partout au Québec.

Alors, nous reconnaissons tous ensemble qu'il y a un enjeu au niveau de Montréal et que... ayons une approche positive pour faire en sorte d'outiller la population que le vecteur de communication, l'expression de la culture québécoise se passe en français, et que les personnes immigrantes soient dirigées, soient accueillies en français pour faire en sorte d'assurer la pérennité de la langue française. Alors, je vous rejoins, M. le député de Jacques-Cartier, sur ce point-là et j'apprécie le dépôt de votre projet de loi. Et d'ailleurs je l'étudie très sérieusement et je trouve qu'il s'agit d'une très bonne idée.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley : Alors, si c'est une bonne idée, est-ce qu'on peut commencer l'étude de ce projet de loi à la rentrée, commencer ça? Moi, je suis disponible. Je suis disponible, Mme la Présidente, pour commencer ça la première journée de notre rentrée scolaire. On peut travailler ensemble sur une liste des personnes à consulter. Moi, je suis prêt, là, «let's go»!

M. Jolin-Barrette : C'est une rentrée, comme le député de Jacques-Cartier dit, scolaire, l'équivalent. Moi, je pense que ça pourrait faire... Ce serait une bonne mesure, dans le plan d'action à être déposé par le gouvernement, d'une façon globale. Alors, on devrait peut-être l'analyser tous ensemble, mais je comprends que... Moi, je suis très ouvert, Mme la Présidente. Alors...

M. Kelley : Appelez le projet de loi, mettez ça sur le feuilleton, là.

• (14 h 50) •

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, Mme la Présidente, on est présentement en négociation avec les autres leaders en vue de la rentrée parlementaire. Ça pourrait faire l'objet de nos discussions, mais je sens que vous souhaitez qu'on l'appelle rapidement. Il faudrait voir au niveau du deuxième et du troisième groupe d'opposition. Mais, vous savez, lorsqu'on a des consentements, tout est possible ici, en cette enceinte. Alors, si on peut y aller dans la joie et l'allégresse, c'est une possibilité qu'on peut regarder.

Document déposé

La Présidente (Mme Thériault) : Je suis convaincue que tous les leaders entendront l'appel du ministre. Seulement pour préciser que j'ai bien reçu le tableau et qu'il est conforme. Il sera versé au site. Donc, M. le député, la parole est à vous.

M. Kelley : Et, concernant le tableau puis le plan d'action, est-ce qu'il y a l'argent, dans votre plan d'action, pour les cours en français pour les anglophones? Est-ce que c'est partie du plan de dépenses de votre gouvernement de trouver l'argent pour faire la francisation, entre guillemets, ou des cours de francisation pour les anglophones? Est-ce que c'est dans le plan, présentement, qui est presque prêt à être déposé?

M. Jolin-Barrette : Bien, très certainement, si, dans le cadre du plan d'action, il y avait une telle mesure, je pense que, pour être cohérent, le gouvernement devrait mettre de l'argent pour assurer des cours de français aux personnes anglophones du Québec. Et là vous constaterez, Mme la Présidente, la réalité qui est soulevée par le député de Jacques-Cartier. En matière de francisation des personnes immigrantes, vous avez accès à des cours de français gratuits. En plus, lorsque j'étais ministre de l'Immigration, on a mis 70 millions pour ouvrir les cours aux personnes en situation temporaire pour leur donner une allocation, temps plein, temps partiel, et également une allocation pour faire garder les enfants.

Par contre, comme le souligne, à juste titre, le député de Jacques-Cartier, si vous êtes un citoyen québécois né au Québec et que vous vous exprimez uniquement en anglais, vous n'avez pas eu l'opportunité d'apprendre le français, vous voulez vous inscrire à un cours de francisation, bien, vous n'êtes pas admissible parce que vous n'êtes pas une personne immigrante. Il y a une problématique, puis je pense que le député de Jacques-Cartier met le doigt sur un élément qui doit être modifié. Alors, je retiens très certainement sa suggestion.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. M. le député.

M. Kelley : Et, juste rapidement, j'espère que la discussion autour de la langue française va continuer d'avoir un ton positif comme ça, parce que je sais que, sur plusieurs... dans vos interventions, vous avez mentionné Montréal, mais je reviens... des symboles officiels de la ville de Montréal, de notre histoire, nous avons le pin blanc pour la présence autochtone, la fleur de lis, la rose de la maison d'Angleterre, le chardon qui représente l'origine écossaise puis aussi le trèfle d'Irlande. Alors, c'est juste une réalité qu'il y a plusieurs communautés qui ont bâti la ville de Montréal. Je sais que c'est une ville francophone, mais j'espère qu'on va avoir une discussion sur comment on peut continuer de mieux vivre ensemble, et ne pas avoir un débat qui est une communauté contre l'autre, puis faire des choses d'une façon positive.

Alors, je vais céder la parole maintenant à ma collègue pour terminer le bloc.

La Présidente (Mme Thériault) : Donc, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, il reste...

Une voix : ...

La Présidente (Mme Thériault) : Oui, excusez-moi, M. le ministre, allez-y.

M. Jolin-Barrette : Si je peux répondre, Mme la Présidente, je suis d'accord avec le député de Jacques-Cartier. Montréal s'est construite à travers les différentes communautés linguistiques qui sont arrivées au Québec, Mme la Présidente. Cela étant, cette diversité doit s'exprimer en français. Vous savez, Montréal est la métropole du Québec, la plus grande ville d'Amérique du Nord francophone. Dans la Charte de la Ville de Montréal, c'est en français. Il faut que Montréal soit la locomotive du français au Québec.

Vous savez, c'est quasiment la moitié de la population qui habite dans la région métropolitaine de Montréal, mais, lorsqu'on voit les chiffres qui ont été publiés par l'OQLF la semaine dernière, bien, on voit qu'il y a certaines lacunes sur l'île au niveau des entreprises. Et je suis convaincu que le député de Jacques-Cartier va être d'accord avec moi à l'effet qu'il faut mettre davantage de mesures de francisation pour s'assurer que, dans le temps, Montréal demeure Montréal, une ville française, et ne soit pas Houston, ne soit pas Milwaukee, et qu'on ait notre caractère particulier, nos spécificités et nos valeurs distinctes qui assurent les spécificités du Québec.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci, M. le ministre. Donc, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, il vous reste un peu moins de sept minutes.

Mme David : Quatre minutes?

La Présidente (Mme Thériault) : Sept.

Mme David : Sept minutes?

La Présidente (Mme Thériault) : Oui.

Mme David : Bon, je viens d'en gagner trois.

La Présidente (Mme Thériault) : Six et quelques, même.

Mme David : Ça serait formidable si c'était comme ça au Conseil supérieur de la langue française, de gagner des postes comme ça. Je vais revenir, d'ailleurs, sur un rapport du Conseil supérieur de la langue française, on en a parlé tout à l'heure, sur les pratiques linguistiques des ministères et organismes. Vous avez eu le loisir justement de réagir, mais le rapport vous dit bien qu'il est temps qu'il y ait une nouvelle politique linguistique gouvernementale, que ça date de 2011.

Vous savez, des politiques linguistiques, là, il y en a dans les... C'est obligatoire par la loi n° 104 — on y revient, 2002 — que toutes les universités, par exemple, aient des politiques linguistiques. Je peux vous témoigner qu'une politique linguistique dans une université, d'habitude, là, ce n'est pas au premier rang de la surveillance. Est-ce qu'on suit une politique linguistique? Alors, j'ai eu en charge cette responsabilité-là pour une certaine université. Personne n'avait jamais lu ça, tu sais. Tu sais, c'est le genre d'affaire que...

Alors, moi, j'essaie de vous intéresser à ça parce qu'il y a un rapport qui vous dit : Là, il est plus que temps de revoir ça. Et puis il y a une présidente du syndicat qui vous dit, elle : Bien, il faut déployer les ressources nécessaires, par contre. Donc, ce n'est pas juste de dire : Je vais faire une nouvelle politique linguistique — ça, c'est formidable — à court terme. Ça fait neuf mois que le Conseil supérieur de la langue française vous a demandé d'en élaborer une. Il a dit : À court terme. Bien, neuf mois, d'habitude, on a déjà accouché après neuf mois.

Alors, on est capables d'accoucher d'une politique linguistique si on est capables, nous, les femmes, d'accoucher d'un bébé. Alors, ça fait neuf mois. Le syndicat des professionnels du gouvernement dit : Bon, écoutez, on est très troublés par ça, on ne savait même pas que les politiques existaient dans nos propres ministères. Problème d'information, problème de formation aussi. Alors, où sont les ressources? Où est la nouvelle politique? Ça aussi, j'aimerais ça que vous ne l'oubliez pas.

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui, Mme la Présidente. Bon, pour ce qui est de la question des ressources, je pense qu'on y répond. C'est justement pour ça qu'il y a eu 5 millions de dollars supplémentaires qui ont été consacrés au Secrétariat à la promotion et valorisation de la langue française, 5 millions de plus à l'OQLF. Donc, 40 % d'augmentation depuis qu'on est là, par rapport au dernier budget libéral.

Pour ce qui est de la politique linguistique gouvernementale, il y a un problème, et le Conseil supérieur de la langue française a bien identifié quelle était la problématique. Il y a une obligation qui était, pour chacun des ministères, d'adopter une politique linguistique qui s'insère à l'intérieur de la politique-cadre. Certains ministères n'avaient pas de politique, premier enjeu. Certains ministères avaient une politique. Elle était dans le fond du tiroir, puis il y avait bien de la poussière dessus. Certains avaient une politique linguistique, l'appliquaient à géométrie variable. Certains fonctionnaires n'étaient pas au courant qu'il y avait une politique linguistique, et ça allait, excusez-moi l'expression, à la va comme je te pousse. C'est un enjeu, et, si on veut que l'État québécois soit exemplaire, bien, il va falloir se doter d'une politique linguistique qui est forte, qui est cohérente et qui va couvrir l'ensemble des acteurs de l'État québécois.

Alors, ça pourrait faire partie de mon plan d'action pour s'assurer que l'État québécois montre l'exemple. Lorsqu'on parle, là, avec le... L'étude qui a été sortie la semaine dernière par rapport aux entreprises, au niveau de l'exigence de la connaissance de l'anglais, bien, comment fait-on pour dire aux entreprises : N'exigez pas l'anglais, alors que des corps publics eux-mêmes le font, alors que ce n'est pas nécessaire? Ça doit faire partie d'une politique linguistique. On doit s'assurer qu'au Québec l'État québécois, comme étant le foyer de la langue française en Amérique du Nord, comme étant un vecteur, comme étant l'outil qui va assurer la protection et la promotion de la langue française, soit l'entité qui va faire en sorte de montrer l'exemple et de mettre les balises par rapport à l'utilisation de la langue française.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Mme la députée.

Mme David : Alors, écoutez, vous vous êtes mis beaucoup de pain sur la planche. Vous pourriez être à temps plein dans cette responsabilité-là. Je sais que vous avez quelques autres occupations, mais je sais que vous êtes jeune, vous avez plein d'énergie. Nous, ce à quoi on s'attend, je pense, les oppositions, c'est qu'il y ait ce plan d'action ou ce... appelez-le comme vous voulez, mais, dans ça, il y a des ouvertures de loi. Moi, je suis moins certaine que le député de Matane-Matapédia qu'il n'y a pas de réouverture, mais, en tout cas, on verra.

Mais j'espère que tous les sujets, en tout cas, que moi, j'ai abordés, mes collègues aussi, on allait pas mal tous dans le même sens, vont faire l'objet d'études, et d'analyses, et de gestes rapides. Vous êtes quelqu'un de pas trop patient, des fois. Vous devez piaffer d'impatience. Alors, essayez de gagner vos paris sur des collègues. Il ne vous reste que deux ans. C'est une course contre la montre quand on est rendus à mi-mandat. Alors, comment vous allez faire pour vous insérer dans le peloton de tête, comme on dit? Et vous êtes en même temps leader. Alors, vous allez être juge et partie de ce que vous mettez à l'avant-plan. On a hâte de voir.

La Présidente (Mme Thériault) : Et je vais vous donner 30 secondes pour répondre, parce qu'après ça je dois conclure, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Je travaille sur ma patience, Mme la Présidente, mais, dans un dossier comme celui-là, je suis d'accord avec la députée de Marguerite-Bourgeoys que ma patience est limitée.

Documents déposés

La Présidente (Mme Thériault) : Donc, en terminant, je vais déposer les réponses aux demandes de renseignements de l'opposition.

Et, compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30, où elle entreprendra l'étude du volet Culture et communications. Merci à tous. Merci aux gens qui vous accompagnaient, M. le ministre.

(Fin de la séance à 15 heures)

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