(Treize
heures trente et une minutes)
La
Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la culture et de
l'éducation ouverte, et je demande à toutes les personnes présentes dans la
salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
Donc,
la commission est réunie afin de procéder à l'étude du volet
Protection de la langue française des crédits budgétaires du portefeuille Immigration, Francisation et Intégration pour l'exercice 2020-2021.
Une enveloppe de 1 h 30 min a été allouée
pour l'étude de ces crédits.
M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Émond (Richelieu) est remplacé par M Bélanger (Orford);
Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)
est remplacée par Mme Hébert (Saint-François); Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis) est remplacée par Mme David (Marguerite-Bourgeoys);
Mme Melançon (Verdun) est remplacée par M. Kelley (Jacques-Cartier);
Mme Labrie (Sherbrooke) est remplacée par Mme Ghazal (Mercier); et
Mme Hivon (Joliette) est remplacée par M. Bérubé (Matane-Matapédia).
Protection de la langue française
La
Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Donc, nous allons pouvoir procéder aux échanges entre les
groupes d'opposition et le ministre
par blocs, soit de 15 à 20 minutes. Les temps d'échange incluent les questions et
les réponses. Je serai très vigilante
aussi au respect des droits des parlementaires par
rapport au temps. Donc, une question
courte appellera une réponse courte,
et une longue appellera une longue. Je note religieusement. Donc, vous n'avez
qu'à me regarder et vous saurez. Je vous ferai des petits signes. Vous
allez me voir bouger sur mon siège.
Donc,
pour le prochain bloc, on commence avec l'opposition officielle.
Ensuite, ce sera la deuxième opposition, on revient à l'opposition
officielle, la troisième opposition et l'opposition officielle à nouveau. Donc,
sans plus tarder, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, vous avez la parole
pour un bloc de 19 min 33 s.
Discussion générale
Mme
David : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Puis, comme moi, je parle trop longtemps,
le ministre va être obligé
de répondre longtemps. Alors, ça va me faire un grand plaisir. Je
commence par quelques remarques introductives.
Cela
me fait grand plaisir de revenir à d'anciennes amours et d'anciennes
préoccupations, par ailleurs toujours présentes
et d'actualité, que sont les enjeux liés à la protection et à la promotion de
la langue française. Depuis toujours, Mme
la Présidente, la langue française a été le ciment qui consolide nos racines et
notre culture de nation francophone au sein
de l'univers anglo-saxon. Il a été et il sera toujours de notre responsabilité
de parlementaires de veiller à promouvoir, à chérir et à protéger cette
langue commune, la langue officielle de la nation québécoise.
Il
y a 101 ans exactement — comme
la loi 101 — le
premier ministre Lomer Gouin nommait mon grand-père, Athanase David, ministre responsable du
Secrétariat de la province. C'était le 25 août 1919. Il sera responsable
et créateur des bourses d'Europe, du prix David en littérature, des musées, du patrimoine, de la
culture, et ardent défenseur de la langue française. Il sera aussi, en 1923, nommé directeur du club de hockey des
Canadiens, pour faire sourire messieurs. Il a reçu, en 1948, la médaille
de l'Académie française. Ouf! Difficile de ne pas parler... de ne pas porter
l'amour et le respect de la langue française dans ses gènes.
Ce
fut donc un grand privilège d'occuper, en toute humilité, vos fonctions, M. le
ministre. Nous sommes, et depuis fort
longtemps, chacun notre tour, et, on l'espère, avec le moins de partisanerie
possible, des passeurs de protection de notre langue. Nous devons, chacun notre tour, veiller sur sa santé, sa
vitalité et sur la qualité de sa présence. Parler français, ce n'est pas que prononcer des mots en français, ce
qui est déjà un effort souvent difficile et louable des nouveaux
arrivants que nous accueillons, mais c'est
aussi une responsabilité de tous les Québécois, et c'est la qualité de ce
français qu'il faut maintenir, préserver,
protéger. C'est une responsabilité d'État, mais aussi une responsabilité
individuelle, dans nos échanges oraux
autant que dans nos écrits, que ce soit dans des courriels, dans des messages
textes, dans des gazouillis, dans les réseaux sociaux, dans les travaux
d'école, de collège et d'université.
Le
ministre, Mme la Présidente, a une grande responsabilité. Je sais qu'il croit
en cette importance de la langue française
et je sais aussi qu'il s'intéresse beaucoup à l'histoire. C'est donc à son tour
d'ajouter sa contribution à la longue liste
de ceux et celles qui, depuis longtemps, ont tissé collectivement et
successivement la trame de présence extraordinaire du français en terre d'Amérique. Et nous, les
oppositions, sommes là pour lui poser des questions, celles que portent
nos concitoyens et concitoyennes, dans un
esprit que j'espère le plus productif et stimulant possible, afin que, tous
ensemble, nous puissions partager et protéger la fierté que nous avons de notre
langue commune et de nos racines.
Alors, mon premier sujet touchera la
gouvernance, Mme la Présidente, la gouvernance de la responsabilité de la langue française. Alors, le gouvernement a fait
plusieurs choix depuis deux ans. Au début, c'était la continuité, en
gardant l'importante responsabilité de la protection et
de la promotion de la langue française au ministère de la Culture et des Communications. Puis après,
4 septembre 2019, vous avez été nommé, M. le ministre, responsable de la langue
française. Ce qui m'attriste, c'est qu'on a
enlevé les mots «protection et promotion». C'est une question que je vous pose.
Pourquoi ça a disparu de votre titre?
Et ensuite,
dans le communiqué diffusé par le cabinet du premier ministre, on pouvait y
lire : «[Le premier ministre] a
rappelé que, déjà en 2016, le rapport
[de la députée d'Iberville] préconisait de rapatrier les responsabilités liées à la langue française
au ministère de l'Immigration afin de rendre l'action du gouvernement plus
cohérente. Il s'agit donc d'un changement
qui s'inscrit en continuité avec la vision du nouveau gouvernement du Québec en
matière de francisation des immigrants et avec les réformes déjà entreprises
par [le ministre] dans ce domaine.»
Jusque-là,
une certaine logique et cohérence. Et, tout
à coup, coup de théâtre, le
22 juin dernier, la langue
française disparaît du ministère de l'Immigration, Francisation,
Intégration et s'en va avec le ministre
à la Justice. Donc, en moins de 10 mois, les responsabilités ont
changé deux fois, pas de ministre mais de ministère, et trois ministères
différents en moins de deux ans.
Alors,
j'essaie de comprendre la valeur ajoutée. Non pas que le ministre
ne soit pas compétent, mais j'essaie de trouver la valeur ajoutée de la
cohérence que le premier ministre souhaitait, de lier la langue française, à
l'époque, à l'immigration et tout
à coup... Quelle est la cohérence de
le mettre avec le ministère de la
Justice? Est-ce qu'on doit conclure à une remise en
question du rapport, fameux rapport de la députée
d'Iberville que la CAQ, et le premier ministre, et le
ministre responsable de la Langue française citent souvent? Est-ce que c'est un
constat d'échec de cette vision? Qu'est-ce qui est passé par la tête du premier
ministre pour vous garder la responsabilité de la langue française mais en
allant à la Justice?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Alors, bonjour, Mme la Présidente. Bonjour aux
membres de la commission. C'est un plaisir de vous retrouver après deux
mois d'intermission dans nos circonscriptions respectives.
Mme la
Présidente, vous me permettrez quelques remarques préliminaires. Vous savez,
l'exercice des crédits est un exercice
qui requiert beaucoup de travail de la part des équipes gouvernementales. Donc,
je tiens à remercier l'ensemble des membres de la fonction publique qui
ont travaillé pour les crédits de la langue française, au premier titre
l'équipe de Me Champagne, au
Secrétariat à la promotion et à la valorisation de la langue française,
l'équipe de Me Drouin également, à
la Justice, qui est sous-ministre à la Justice, l'équipe de Mme Galarneau
également, à l'Office québécois de la langue française, ainsi que
l'équipe de M. Pierre Boutet, au Conseil supérieur de la langue
française.
Donc, aujourd'hui, si on peut répondre aux
crédits, c'est notamment grâce au travail des différentes équipes, également,
qui nous accompagnent tout autour de la table.
Et on a des gens, également, qui sont à
distance, vous comprendrez, Mme la Présidente, en raison de la distanciation sociale. Donc, on adapte notre
Parlement à la réalité que nous vivons actuellement en raison de la
pandémie. Alors, c'est apprécié.
Je tiens à
remercier également les collègues d'être présents et surtout, aux autres
leaders, d'avoir pu faire en sorte qu'on puisse tenir un exercice des
crédits qui est fort important dans notre enceinte. Et on a réussi à s'adapter
en faisant sûr d'avoir des mesures appropriées pour avoir une distanciation.
La députée de
Marguerite-Bourgeoys nous disait, Mme la Présidente, en commençant son
intervention... en citant son aïeul,
en disant qu'il avait fait beaucoup de choses pour la langue française. Je
tiens à souligner que la famille de la députée de Marguerite-Bourgeoys,
effectivement, a le service public à coeur, si on peut le dire, par le biais de
son grand-père, par le biais de son père
également, qui s'est impliqué dans le domaine médical, elle-même aussi à titre
d'ex-ministre de la Langue française, qui a
décidé de faire le saut en politique mais qui a également fait du service
public à l'Université de Montréal,
également comme sous-ministre, aussi, dans la fonction publique québécoise,
mais également sa soeur, également, qui a été députée durant près...
quelques années pour une autre formation politique, mais elle nous manque,
d'ailleurs. C'était agréable de l'avoir avec nous.
• (13 h 40) •
Tout ça pour vous dire que je reconnais l'apport
de la famille de la députée de Marguerite-Bourgeoys à la protection, à la promotion et à la valorisation de
la langue française, et je suis heureux de la retrouver dans ce
dossier-là, parce que je vais avoir, Mme la
Présidente, besoin notamment de sa collaboration à elle également, parce que,
si on veut améliorer la protection,
la promotion et la valorisation de la langue française, il va falloir
travailler en équipe. Et on a déjà eu l'occasion
d'y travailler dans un projet de loi précédent, sur un tout autre sujet, mais
je pense que j'apprécie beaucoup la députée de Marguerite-Bourgeoys, sa
façon de travailler et de pouvoir échanger.
Et ça sera
intéressant, Mme la Présidente, parce que la langue française, elle appartient
à l'ensemble de la nation québécoise. Et je crois qu'il est prioritaire
de déposer un plan d'action prochainement pour s'assurer que, dans les prochaines années, la langue française redevienne
la langue commune, la langue du travail, la langue qui permet
d'interagir entre les personnes de toutes
origines qui décident de venir au Québec, la langue de l'intégration, la langue
de l'accueil. Alors, il y a beaucoup de travail à faire, et je compte
sur les collègues des oppositions pour m'accompagner dans cette démarche-là.
Simplement
vous dire qu'au cours des dernières années, Mme la Présidente, et je vais
conclure le premier bloc d'intervention
là-dessus... de dire que le gouvernement du Québec actuel prend ça extrêmement
au sérieux, la protection de la
langue française, la promotion également. Ça s'est manifesté dans le cadre des
crédits budgétaires qui ont été octroyés par mon collègue des Finances
et du Trésor. Et vous pouvez être certaine, Mme la Présidente, que le
gouvernement va prendre
des mesures concrètes pour s'assurer que le Québec s'exprime en français, et
que la langue française soit mise de l'avant,
et surtout qu'on s'assure qu'elle redevienne la langue commune, comme on s'est
dotés, en 1977, de la loi 101, en s'assurant de faire en sorte que
ce soit la langue normale et habituelle de la société québécoise.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. le ministre. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme
David : Je vais continuer
sur le sujet qui me tient à coeur, mais je comprends que le ministre
est quand même bien mal à
l'aise d'expliquer pourquoi la langue est rendue à la Justice.
M. Jolin-Barrette : Est-ce que vous
me permettez...
Mme
David : Je sais que vous
aimez beaucoup la langue
française, mais de convaincre un premier ministre de partir avec la responsabilité,
c'est assez inhabituel.
M. Jolin-Barrette : Voulez-vous me
laisser revenir? Excusez-moi.
La Présidente (Mme Thériault) :
Allez-y, M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Donc,
écoutez, effectivement, il y a eu des remaniements ministériels. Le premier ministre
m'a confié, en septembre 2019, la responsabilité de la langue française. Effectivement, il y avait une logique à ce que ça soit jumelé à l'Immigration et à la Francisation. Vous
aurez noté qu'on a modifié également le nom du ministère
de l'Immigration pour nommément l'appeler le ministère de l'Immigration, de la Francisation et
de l'Intégration, parce qu'on veut s'assurer d'intégrer les
personnes immigrantes en français au Québec.
Au cours des
deux... bien, de l'année et demie où j'ai été ministre de l'Immigration, on
a été chercher un budget important,
en fait les montants de l'accord Canada-Québec rattachés à l'intégration et à l'accueil des
personnes immigrantes, qui n'avaient jamais
été octroyés pleinement au ministère
de l'Immigration, et, de ce 140 millions supplémentaire là, ce qu'on a fait, on a consacré la moitié du
budget pour des mesures en matière de francisation, donc augmentation du nombre
de cours de francisation, élargissement des clientèles admissibles.
Auparavant, vous aviez uniquement les immigrants
à statut permanent. Donc, les temporaires, les travailleurs étrangers
temporaires, les personnes avec des statuts précaires n'étaient pas admissibles
aux cours de francisation. Maintenant, ils
le sont. On a augmenté l'allocation des cours à temps plein. On a créé une
allocation à temps partiel. On a augmenté les frais de remboursement de
frais de garde aussi pour les personnes qui suivent des cours de francisation.
Et on a fait
en sorte d'avoir un parcours d'accompagnement personnalisé pour s'assurer que
la personne immigrante qui arrive au
Québec... Bien, dès l'étranger, on s'assure qu'elle suive des cours de français
en ligne, mais aussi, lorsqu'elle arrive
ici, on l'inscrit automatiquement à des cours de francisation. On fait le suivi
aussi pour voir son assiduité. Et, si jamais elle ne suit pas les cours de français, bien, on lui demande de... on
fait le suivi avec elle pour voir comment est-ce qu'on peut rendre le
cours disponible pour elle.
Tout ça pour
vous dire, Mme la Présidente, que j'ai commencé à travailler sur mon plan
d'action au ministère de l'Immigration
et j'en suis à finaliser le tout. Et donc c'est pour cette raison-là que le
dossier de la langue française m'a suivi. Mais je peux vous assurer que
je travaille en collaboration très serrée avec la ministre de l'Immigration
pour continuer les efforts en matière de francisation.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. le ministre. Mme la députée.
Mme
David : Bien, je dirais que c'est tellement lié à un ministre, une
signature que je ne sais pas qu'est-ce qui va arriver quand votre plan sera déposé, si les pauvres conseil supérieur,
OQLF vont retourner au ministère. Alors, ça fait un drôle de yoyo,
disons-le comme ça.
Mais je vais aller justement sur un parent que
je qualifierais très pauvre dans les responsabilités de la langue française et je nomme le Conseil supérieur de la
langue française. On a ici le
président, que je salue, parce que j'ai plusieurs vies dans ma... vous l'avez dit, et j'ai travaillé avec ce formidable
président qui préside le Conseil
supérieur de la langue française mais qui, pour l'instant... Et la députée
d'Iberville avait dit : C'est une coquille vide. Elle
avait dit ça dans son rapport puis
elle avait dit : Faites quelque
chose. Il y a eu Ouellon aussi, le
rapport Ouellon qu'à l'époque j'avais demandé de regarder toute la structure d'OQLF, conseil supérieur, etc. Et, quand
on regarde... photo actuelle du Conseil supérieur de l'éducation, je
serais déprimé si j'étais le président. Je sais qu'il a la couenne dure, mais
je serais très déprimé pour toutes sortes de raisons.
D'abord,
les effectifs, sept employés. Vous le savez, vous êtes habitué à des grandes responsabilités, sept employés puis, en
plus, trois postes vacants, ce n'est pas fort, fort, ça, quand on dit que 30 % de l'effectif est absent. Il n'y a
aucun employé de moins de 35 ans. Ça ne
fait pas bien, bien renouvellement. Je pense que c'est plus dans votre tranche
d'âge, ça, cet âge de 35 ans. Bien,
c'est plate, hein, quand il n'y a pas de votre génération dans... pour
réfléchir à la langue française. Il n'y
a aucune, zéro, comme zéro puis une barre, représentation de la diversité. Ça
aussi, c'est très, très, très plate. Il y a des chiffres sur le Conseil du trésor, qui dit : Ça coûte
420 000 $, cette masse salariale du conseil. Vous, vous répondez :
Non, c'est 770 000 $. Quel est le
bon chiffre? Est-ce que le conseil a périmé, en plus, des montants? Ça serait
rendu le comble.
Parlons de l'absentéisme. Le plus haut taux
d'absentéisme dans les ministères et organismes, savez-vous c'est où, M. le ministre? C'est au Conseil
supérieur de la langue française. Puis on vient de dire qu'il n'y a
quasiment personne.
11,5 %, le plus haut taux de tous les ministères et organismes. Donc, le
monde n'est pas là. Le monde est absent. Il y a des postes vacants,
puis, en plus, ils sont malades ou ils sont absents. Alors, on s'inquiète.
Plus que ça,
tous les mandats des membres, tous, tous, puis ils sont huit, tous sont échus
depuis au moins 2018. Ça, c'était ma
bête noire dans une autre vie, moi aussi, des postes échus. C'est vraiment
très, très moche, parce qu'ils sont assis sur des chaises échues. Deux
membres ont quitté sur les huit, ça, ça commence à faire pas mal de monde
aussi : M. Poirier en
octobre 2019, Guillaume Marois en mars 2019. Le mandat du président
lui-même, j'espère qu'il le sait, il vient à terme dans deux mois.
Alors, M. le Président, ça serait vraiment dommage qu'il quitte.
Alors, on se
demande ce qui passe... Combien d'avis demandés au Conseil supérieur de la
langue française par le ministre,
alors que, depuis 2002, la loi n° 104, tout ce qui reste au Conseil supérieur de la
langue française, c'est de vous donner
des avis, parce que l'OQLF a raflé tout le reste avec la loi n° 104? Je l'ai lu attentivement, puis on s'inquiétait de ça, c'est arrivé. Donc, ils sont là... Le conseil est
là pour s'occuper de vous, essentiellement. Zéro avis demandé par votre prédécesseur.
Zéro avis demandé par vous. En plus, quand l'OQLF a fait des consultations sur
l'exemplarité de l'État en matière
d'usage de la langue française, je sais que vous avez répondu à des questions
là-dessus, le conseil n'a même pas été consulté. Deux solitudes à
l'intérieur de vos responsabilités. C'est comme si ça ne se parle pas.
Alors, si on
résume tout ça... Je ne vais pas prendre le temps de le résumer, mais qu'est-ce
que... Vers où vous vous en allez avec ce conseil supérieur? Je crois
énormément en nos conseils. J'y crois beaucoup, au Conseil supérieur de l'éducation. Ce sont des créations de la
Révolution tranquille, des créations importantes qu'on rend complètement
sans pouvoirs, sans personnes qui y
travaillent, sans études qu'on leur demande. Alors, est-ce qu'on le laisse mourir par abandon,
par attrition? Est-ce que vous voulez lui redonner ses lettres de noblesse? J'aimerais
que ça soit la dernière réponse, mais je suis très inquiète.
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
• (13 h 50) •
M.
Jolin-Barrette : Oui, merci,
Mme la Présidente. Écoutez, on se retrouve dans une situation où je suis en
train de réfléchir par rapport au plan
d'action sur la langue française. Alors, je retiens vos commentaires par
rapport à l'intégration du Conseil
supérieur de la langue française. Vous souhaiteriez qu'on le dote davantage.
Actuellement, je crois qu'il y a sept
ETC, mais présentement il y a trois personnes, environ, qui sont
embauchées. Présentement, il y a quatre postes vacants.
Il faut dire que le Conseil supérieur de la
langue française a rendu un avis fort pertinent l'an passé, en 2019,
relativement à l'exemplarité de l'État, qui s'intitulait Pratiques
linguistiques des ministères et organismes publics du gouvernement du Québec,
qui a été rendu public le 4 novembre 2019. Or, le rapport a renseigné
adéquatement la population sur une
grande problématique qui existe présentement au Québec : l'absence
d'exemplarité de l'État québécois. Et je tiens à remercier le conseil supérieur de son étude à ce niveau-là, parce que
c'est fort problématique pour notre nation. Ça signifie que l'État québécois, incluant les municipalités...
On l'a vu la semaine dernière avec l'étude qui a été publiée par l'OQLF relativement au fait qu'à la fois les
municipalités et les ministères et organismes de l'État sont loin d'être
exemplaires. On se dit : On veut
défendre la langue française. L'État québécois doit en faire la promotion. Or,
il y a des lacunes dans les sociétés
d'État, il y a des lacunes au sein du gouvernement pour s'assurer de cette
exemplarité de l'État, pour faire en sorte que... Si on souhaite s'assurer que le français, ça soit la
langue commune, bien, au premier chef, l'État-nation du Québec devrait
faire en sorte d'assurer la promotion du
français, d'assurer, dans ses communications avec l'externe, l'utilisation du
français, d'assurer d'utiliser le français avec les citoyens aussi, d'assurer
d'utiliser le français avec les entreprises aussi. Alors, l'étude du Conseil
supérieur de la langue française nous a renseignés là-dessus et a donné un bon
son de cloche pour dire qu'est-ce qui doit être changé.
Sur votre
question à savoir est-ce que la structure organisationnelle du Conseil
supérieur de la langue française va demeurer
intacte, comme il l'est aujourd'hui, va-t-il être mieux doté, c'est un élément sur lequel je suis en train
de réfléchir présentement et ça fera partie de mon plan d'action. Je suis
ouvert aux suggestions, également, que vous avez. Je retiens que la députée de Marguerite-Bourgeoys nous dit qu'elle, elle doterait davantage
le Conseil supérieur de la langue française. Présentement, il y a
des postes vacants qui sont là. Alors, je réfléchis à votre... Je vais
réfléchir à votre proposition
puis je prends la suggestion, mais c'est une discussion que nous pourrons avoir
aussi.
Mme
David : Bien, j'insiste, parce que
c'est une discussion extrêmement importante, l'ensemble de la structure, l'ensemble de l'oeuvre, d'ailleurs, en langue française.
Et moi, je retiens de vous, M. le
ministre, qu'effectivement vous êtes ouvert à réfléchir. On ne peut pas laisser vivoter
des institutions qu'on a créées dans la joie et l'allégresse, peut-être, il y a 50 ans puis que, là, on dit : Bien, ils sont là, mais... Écoutez,
c'est presque rire du monde d'avoir sept personnes, trois absents. Ils ne peuvent plus rien faire. Puis je sais que
vous référez la question... Vous ne perdez rien pour attendre, là, parce que, ce rapport-là, je l'ai lu
attentivement...
La
Présidente (Mme Thériault) :
Ceci mettra fin au bloc d'échange, Mme
la députée de Marguerite-Bourgeoys. Je suis la gardienne
du temps. Donc, Mme la députée de Mercier, la parole est à vous pour
14 min 40 s.
Mme
Ghazal : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bien, tout
d'abord, je veux saluer M. le ministre, les membres des
organismes... des équipes qui travaillent avec le ministre
à la Protection de la langue française et aussi mes collègues. Je suis très
contente d'être ici aujourd'hui en remplacement à ma collègue la députée de Taschereau.
Moi, je ne
pourrai pas faire appel à mes aïeux pour parler de la protection de la langue
française, mais moi-même, je suis toujours
fière de dire que je suis une enfant de la loi 101. Quand je suis arrivée
au Québec, je ne parlais pas le français. J'ai appris ici, au Québec, à l'âge de
10 ans. Et donc j'ai un grand, grand attachement à la langue française, et
à son histoire, et
l'histoire en 1977, quand la loi 101 a été instaurée, et aussi à son renforcement aujourd'hui. Souvent... Moi,
j'ai peu de temps, ça fait que je ne
peux pas faire des longues introductions. Je vais essayer d'être courte dans
mes questions pour que le ministre aussi soit aussi court puis me donne
des réponses précises.
Quand on
parle de la langue, on la traite souvent sous un angle identitaire, de fierté,
etc., mais il y a un autre aspect dont on parle moins, c'est toute la question de la justice
sociale. Puis, quand je parle de la justice sociale, c'est... quand je parle, par
exemple... c'est l'emploi, la langue
qu'on utilise durant l'emploi. Et il
y a eu évidemment, la semaine
passée, tout le monde a vu ça, le rapport dévastateur de l'OQLF. On
n'est pas surpris, mais on est toujours déçus de constater à quel point, surtout sur le marché du travail, il y a un affaiblissement, si on veut, de la langue française,
n'ayons pas peur des mots, et
où 63 %... c'est énorme, 63 %, à Montréal, des employeurs qui
demandent le bilinguisme, qui demandent d'avoir les deux langues.
Moi-même personnellement, dans tous les emplois
où j'ai travaillé, on demande constamment d'avoir les deux langues. Et, pour vrai, j'ai eu plusieurs emplois, il y a plein de
fois, ce n'était pas vraiment nécessaire. Souvent, on le demandait parce qu'il y avait un membre de
l'équipe, par exemple, qui ne parlait pas français et il fallait que les
autres lui parlent. Dans le rapport de
l'OQLF, aussi, on a dit à quel point il y avait des réunions qui se passaient
en anglais simplement parce qu'il y
avait une personne qui ne parlait pas le français. Ça, c'est des faits, c'est
des choses que j'ai moi-même pu expérimenter. Ça, c'est une expérience
personnelle, mais le rapport a pu en témoigner.
Moi, la question que j'ai pour le ministre,
c'est... J'aimerais savoir ce qu'il compte faire, s'il a l'intention de resserrer la loi 101, parce que c'est une
belle loi. On la défend, mais il y a quand même des angles morts, dont celui-là.
Qu'est-ce qu'il a l'intention de faire pour la renforcer?
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Oui, merci,
Mme la Présidente. Mme la Présidente, j'ai l'intention de déposer au cours
des prochaines semaines un plan d'action qui
traitera notamment de ces questions-là, parce que, la semaine dernière,
lorsque l'OQLF a publié son étude, j'ai pris
connaissance des résultats, des constats, et je suis choqué, Mme la Présidente.
Je suis choqué du point où on est rendus.
Vous savez,
je le disais tout à l'heure, c'est une responsabilité collective, la promotion,
la valorisation et la pérennité aussi
de l'utilisation de la langue française. Et ce qu'on constate au cours des
années... et le constat, les résultats de l'étude de l'OQLF sont troublants, à l'effet que 63 %
des entreprises de Montréal, lorsqu'elles affichent une offre d'emploi,
souhaitent ou exigent la connaissance de la langue anglaise ou d'une autre
langue que le français. Les Québécois ont le droit de travailler dans leur
langue, ont le droit de travailler en français. On peut comprendre que, dans
certaines situations, l'exigence ou la
connaissance d'une autre langue soit nécessaire pour le travail, lorsque vous
avez des relations, supposons, avec
les étrangers ou par la nature même du poste, supposons que vous faites affaire
avec des clients extérieurs au Québec. Mais
ce n'est pas vrai, Mme la Présidente, que tous les postes nécessitent la
connaissance d'une autre langue que le français.
Dans le cadre d'une entreprise, sur un milieu de
travail situé sur l'île de Montréal, les Québécois puis les Québécoises devraient pouvoir parler français au
travail. Ils devraient surtout pouvoir communiquer entre eux en
français. Et ça, c'est l'autre fait
troublant de l'étude qui a été publiée, c'est le fait que, dans près de
41 % des cas, l'autre langue est exigée
pour communiquer entre collègues ou avec son patron. Au Québec, en 2020, c'est
inacceptable. On va redresser la barre.
Et surtout je me demande comment ça se fait qu'on a glissé jusque-là. Il y aura
nécessité, tous ensemble, d'adopter des
mesures concrètes, costaudes pour corriger la situation si on veut s'assurer de
faire en sorte que le Québec redevienne la langue normale et habituelle du marché
du travail et de la société québécoise. Et là-dessus je crois que je vais pouvoir compter sur
vous, Mme la députée.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci.
Mme
Ghazal : ...convaincue
qu'avec les intentions nous sommes, tout
le monde, d'accord.
Les 125 députés, on est d'accord. C'est même écrit à l'article 46 de la loi 101 : Il est interdit
à un employeur d'exiger, pour l'accès à un emploi, la connaissance de l'anglais si ce n'est pas nécessaire. Et, je vous le dis, dans les faits, que moi-même,
mon expérience au début de l'année...
Maintenant, l'intention, tout le monde est d'accord
avec ça. Le changement... Je veux juste être sûre, le ministre... C'est un projet de loi pour renforcer la loi 101 ou c'est un plan d'action? Juste pour être sûre... Je l'ai entendu dire «plan d'action».
Est-ce que c'est une erreur ou c'est vraiment un plan d'action et il n'y aura
pas de projet de loi?
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Bien, en
fait, ça sera un plan d'action, Mme la
Présidente. Donc, un plan d'action peut comprendre plusieurs mesures, des mesures en termes de politiques ministérielles, des mesures réglementaires, des
mesures législatives aussi. Donc, il
s'agit de plusieurs mesures qui peuvent être prises dans le cadre d'un plan
d'action. Alors, je peux vous assurer,
Mme la Présidente, que ce sera un plan d'action global, qui pourrait notamment
inclure ces différentes mesures que je viens d'énoncer.
Mme Ghazal : Très bien.
M. Jolin-Barrette : Et l'autre point qui est important aussi, c'est que ça peut comprendre
également les crédits, de l'argent,
aussi, pour changer les choses. Puis vous aurez bien noté, Mme la Présidente,
que, l'augmentation que nous avons eue en termes de crédits budgétaires cette année,
on est passés de 29 millions, pour le portefeuille Langue française,
à 41 millions, presque
42 millions. Donc, on a augmenté de 5 millions les crédits au
secrétariat à la promotion à la langue française
et de 5 millions à l'Office québécois de la langue française. C'est la
première fois depuis des années qu'il y a une si grande augmentation. Et, si on veut être en mesure d'assurer le
rayonnement et la protection de la langue française, il faut s'assurer
d'avoir les moyens, et le 10 millions qu'on a consacré, c'est clairement
un message qu'on envoie.
Mme
Ghazal : Très bien. Moi, j'aurais aussi une autre question pour le
ministre sur le plan d'action. On n'aime pas dire ça, mais il y a quand même... Par rapport à la langue française, on
le sait, il y a la réalité à Montréal. Moi, je suis à Montréal. Il y a la réalité aussi à l'extérieur de
Montréal. Et on le constate, on le voit, et les rapports, aussi, qui sont
produits sur la langue en parlent, et même
la ministre... L'ancienne ministre responsable de la Langue française disait
elle-même, l'année passée, qu'elle avait constaté qu'il y avait une
problématique particulière sur l'île de Montréal... action, rien, il n'y a rien eu. Est-ce que le ministre va, dans
son... J'avais écrit dans ma question «projet de loi», mais finalement
je vais changer pour «plan d'action». Est-ce
que le ministre, dans son plan d'action, va avoir un plan spécifique pour le
français, pour le protéger, à Montréal?
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le ministre.
• (14 heures) •
M.
Jolin-Barrette : Bien, Mme la Présidente, il s'agit d'une excellente
question, parce qu'il faut regarder ça globalement.
La langue française est davantage sous pression à Montréal. Tout le monde le
constate. Un des éléments qui fait en
sorte que la langue française est sous pression à Montréal, c'est notamment par
rapport au nombre d'employeurs qu'il
y a à Montréal. Donc, il y a beaucoup d'employeurs, vous le voyez, qui exigent
la langue anglaise. Autre élément aussi,
c'est également la terre d'accueil de la majorité des personnes immigrantes qui
choisissent le Québec. Un des plus grands
défis que nous avons, c'est de s'assurer d'intégrer en français les personnes
immigrantes. Je vous racontais tout à l'heure
que j'ai tenté de faire ma part dans mon précédent ministère,
on a débloqué des sommes historiques en termes de francisation des personnes immigrantes. Et
d'ailleurs ça fonctionne parce que, l'an... en une année, là, entre
juin 2019 puis juin 2020, il y a eu
une augmentation de l'ordre de 27 %
aux inscriptions aux cours de francisation des personnes immigrantes.
Donc, les mesures qu'on a mises en place fonctionnent. Il faut continuer dans
cette ligne-là.
Où
il est important de ne pas isoler Montréal en termes de mesures de valorisation
de la langue française, c'est que, lorsque
vous prenez l'étude de l'OQLF qui a été publiée la semaine dernière, eh bien,
vous voyez qu'également, dans le reste
du Québec, il y a des taux qui sont moins élevés qu'à Montréal, où on exige
l'utilisation du français. Cela étant, si les entreprises de Montréal utilisent une autre langue... exigent une
autre langue, bien, ça va faire en sorte également que, dans les entreprises hors Montréal, il va y avoir
également une pression pour utiliser une autre langue que le français.
Alors, en traitant le dossier de Montréal,
on traite également le dossier des régions hors Montréal, mais il faut avoir
une approche cohérente et fédérative. Donc, oui, Montréal, un plan pour
Montréal, mais ça va être inclus dans l'ensemble du plan québécois, mais il y
aura une attention particulière portée à Montréal.
La Présidente (Mme
Thériault) : Merci.
17 933 Mme
Ghazal : ...contente d'entendre qu'il va y avoir des actions spécifiques
pour Montréal. Je comprends que ça va percoler après, peut-être,
ailleurs. Donc, juste pour être sûre, c'est un plan d'action. Il n'y aura aucun
projet de loi, dans ce mandat-là, sur la
question de la langue? C'est ce que... je veux juste... Réponse oui ou non.
Juste pour être certaine, parce que j'avais vraiment compris que c'était
un projet de loi.
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le ministre.
15 359 M.
Jolin-Barrette : En fait,
tout à l'heure, ce que j'ai dit, Mme la Présidente, j'ai dit : Il y aura
un plan d'action qui pourrait
notamment comprendre des actions en matière de politiques publiques. Les
politiques publiques s'établissent par décision
ministérielle, par rédaction réglementaire ou par rédaction législative. Donc,
il pourrait y avoir, dans le cadre du plan
d'action, une modification législative qui pourrait y avoir lieu, mais ça sera
dévoilé dans le cadre du plan d'action.
17 933 Mme Ghazal : Très bien,
merci. Ça fait qu'il pourra y avoir aussi un projet de loi.
Je voulais revenir
vous parler de l'exemplarité de l'État. Il y a une action, souvent... Parce
que, là, ça fait deux ans, c'est un
gouvernement nationaliste qui est ici, on s'attendait que... je veux dire, on
parle, on aime la langue, etc. Ça,
dans la rhétorique, tout le monde, on est bon là-dedans pour déclarer notre
amour pour la langue, mais, par exemple, les actions, jusqu'à maintenant, il y a peu eu d'actions. Je comprends qu'il
y avait beaucoup de choses, il y a eu la COVID, tout ça, mais, des fois, quand c'est gros pour agir
pour la langue, on voit ça trop gros, un plan d'action, un projet de loi, mais
il aurait pu y avoir une action très, très petite et très simple que le
ministre aurait pu mettre... aurait pu faire, c'est celle d'appliquer l'article 1 de la loi n° 104. Tout le monde est d'accord depuis belle lurette. Depuis 2002 que ça a été adopté, ce projet de loi là, qui, justement, aurait pu corriger une partie de l'exemplarité de
l'État. Tout simplement : obligation
de communiquer avec les personnes morales en
français, de l'État québécois. Pourquoi ça n'a pas
été fait? C'est tellement petit, et rapide, et simple.
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le ministre.
17 933 Mme
Ghazal : Et tout le monde est d'accord.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
15 359 M. Jolin-Barrette : Bien, je suis bien heureux, Mme
la Présidente, qu'on réitère que tout le monde est d'accord. D'ailleurs, on a voté une motion, à l'Assemblée
nationale, à ce sujet-là. J'en suis un promoteur, je peux vous assurer que ça
va être fait.
Cela étant,
avec égard pour la députée de Mercier, ce n'est pas si simple que ça, parce
qu'il y a plusieurs
ficelles à attacher, si je peux dire, mais,
très certainement, lors du dépôt du plan d'action, je peux croire
que vous ne serez pas déçue par rapport à votre intervention. Il est
dans notre intention d'assujettir, effectivement, les communications avec les entreprises,
conformément à l'article 1 de la loi n° 104.
Et d'ailleurs
c'est une loi qui existe depuis 2002, hein? La disposition n'est jamais
rentrée en vigueur. Alors, je comprends qu'aujourd'hui on me dit : Ça va faire un an que vous êtes ministre
responsable de la Langue française, bientôt, en septembre, vous ne l'avez pas encore mise en vigueur.
Soit, j'en prends la responsabilité, mais je vous dis que je suis en train de travailler là-dessus. Cependant,
2002, le PQ est au pouvoir, jusqu'en 2003, ils ne l'ont pas fait. Les
libéraux, 2003-2018, 15 ans, ils auraient pu le faire, ils ne
l'ont pas fait. Je peux vous assurer que ça va être fait, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) : Mme
la députée.
17 933 Mme
Ghazal : Moi, je l'avais mentionné, que c'était depuis 2002, mais on
ne veut pas regarder le passé. Peut-être que, le ministre, c'est depuis un an, mais, la CAQ, ça fait quand même
depuis deux ans, et là le ministre, il dit que c'est compliqué, alors que c'est une action où tout le monde est d'accord depuis très longtemps, puis c'est supposé
être l'action la plus simple. Donc, j'ai peur pour le reste, mais, bon...
L'autre question
aussi que j'avais : Dans son plan
d'action ou projet de loi, etc., est-ce qu'il va rendre obligatoire
l'application de la loi 101 pour les entreprises de juridiction fédérale
qui sont au Québec?
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
15 359 M.
Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. C'est une question qui est
intéressante. La CAQ s'est déjà positionnée
pour étant... en disant que, oui, on souhaitait que la loi 101 couvre
également les entreprises de juridiction fédérale. Vous avez certaines entreprises de juridiction fédérale qui le
font, actuellement, de leur plein gré, mais je pense que, lorsqu'on se dit, à la lumière du rapport de
l'OQLF de la semaine dernière, que les Québécois ont le droit de parler français, bien, effectivement, je crois que la
loi 101 devrait s'appliquer aux entreprises de juridiction fédérale. Je
pense qu'on est rendus là, il n'y a pas de
raison qui ferait en sorte que les Québécois ne puissent pas travailler dans
leur langue, et que la législation
québécoise ne s'applique pas sur l'intégralité du territoire québécois et sur
les différents objets qui la composent.
La Présidente (Mme Thériault) :
45 secondes.
17 933 Mme Ghazal : Donc, je comprends que c'est un
engagement que, dans son plan d'action ou peut-être son projet de... en tout cas, j'espère que ça va être dans le
plan d'action, parce que c'est lui qui va être déposé en premier, ça
sera écrit : Les entreprises de
juridiction fédérale qui sont au Québec, la loi 101 s'appliquera. C'est ce
que j'entends, parce que j'ai entendu : Je crois, je pense. Je veux
savoir : Est-ce que c'est un engagement ou le ministre aimerait?
La Présidente (Mme Thériault) :
...secondes, M. le ministre.
15 359 M.
Jolin-Barrette : J'aimerais, je pense et je crois que ça se retrouvera
dans le plan d'action.
17 933 Mme
Ghazal : Je n'ai pas entendu : Je m'engage à.
15 359 M. Jolin-Barrette : Sous réserve du dépôt du plan d'action dans les prochaines semaines, mais
c'est la volonté du gouvernement.
17 933 Mme
Ghazal : On va surveiller ça de très près.
La Présidente (Mme Thériault) :
Voilà. Ceci met fin au bloc d'échange avec la deuxième opposition. Nous revenons donc à l'opposition officielle. Mme la députée
de Marguerite-Bourgeoys, la parole est à vous pour une autre période de
19 min 33 s.
15 379 Mme David : Ça commence à être vraiment
intéressant. Je trouve qu'on va pas mal... on converge dans un très
grand nombre de sujets. Alors, je vais peut-être sauter par-dessus, moi aussi.
Ma question
était toute simple : Voulez-vous modifier l'article 46 de la charte?
Alors, on y est, dans l'embauche, dans
le rapport de l'OQLF, qui aurait pu être un rapport du Conseil supérieur de
l'éducation, mais ça, c'est une autre affaire, là. On s'en reparlera, de votre plan d'action, mais c'est parce que qui
fait quoi, là, c'est toujours un peu compliqué. Mais, quand vous dites que vous vous engagez, etc., on
sait très bien que vous ne pouvez pas annoncer ce qu'il va y avoir dans
un projet de loi, vous connaissez trop bien
la façon dont ça fonctionne. Alors, on comprend quand même, dans le sous-titre
ou dans les interlignes de ce que vous dites, qu'il y a quand même des choses
qui s'en viennent.
Mais parlons de quelque chose qui,
moi, m'attriste énormément en ce moment et qui est superurgent. Puis je
ne le vois pas venir dans votre plan
d'action, puis j'ai la confirmation qu'il y a un blocage total en ce moment
dans un programme que j'adore, et
sûrement que vous l'adorez aussi, puis vous ne le savez peut-être même pas,
mais ça m'étonnerait que vous ne le sachiez pas parce qu'il y a eu
beaucoup de communications avec le gouvernement : le programme de jumelage
linguistique J'apprends le français. On
parlait de Montréal, on parlait des petits commerçants, on parlait des petits,
petits commerces où les gens ne savent pas
parler français, et là aussi est né, avec une institution que je connais bien
et la chambre de commerce, il y a
plusieurs années, ce programme de jumelage linguistique où on envoie des
étudiants dans des petits commerces parler français deux heures par
semaine, des étudiants en enseignement du français, des étudiants en
littérature, etc. Donc, ils ont un petit salaire, les étudiants. C'est un
programme qui ne coûte rien, M. le ministre. Ça a commencé avec un 200... au début, 200 commerces et puis 200 000 $. Là, c'est rendu à 1,4 million,
puis ça a été augmenté, même, dans
les derniers crédits. Puis, depuis la pandémie, pouf! plus rien, plus rien. Ils
n'ont pas les crédits, on est au mois d'août,
ils ne peuvent pas engager d'étudiants pour faire le jumelage. C'est rendu que
tout le monde y contribue :
Concordia, l'Université de Sherbrooke,
l'UQAM, l'UdeM, etc., pour faire du jumelage, c'est rendu dans la grande région
de Montréal. Promettez-moi de faire quelque chose. Puis ce n'est pas dans les semaines à venir, c'est dans les jours à
venir qu'on... parce que vous voulez tous, le gouvernement dit : Bien, oui, c'est un programme formidable, mais les crédits
ne sont pas là.
Donc,
en ce moment, au moment où on se parle, j'ai vérifié encore ce matin, il n'y a
aucune embauche d'étudiants qui se
fait, alors que c'est supposé être un programme à grand déploiement. Parce que
tout le monde adore ce programme-là, il n'y a personne
qui peut être contre, et c'est suspendu. C'est entre ciel et terre, quelque
part dans un ministère. Les crédits ne sont
pas donnés. Donc, la chambre de commerce qui gère ça, je le sais de source plus
que sûre, ne fait rien en ce moment.
Puis, au mois de mai, ils ont dû mettre à pied beaucoup, beaucoup
de monde pour l'autre programme qui était Interconnexion, mais là, comme vous n'êtes plus à l'Immigration, je ne
peux pas aller sur ce sujet-là, mais je vais sur le sujet du jumelage
linguistique. Rassurez-moi, s'il vous plaît.
• (14 h 10) •
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le ministre.
15 359 M.
Jolin-Barrette : Alors, Mme la Présidente, je sais que la députée de Marguerite-Bourgeoys a une affection particulière pour ce projet-là parce
que je sais qu'elle a contribué à sa
mise sur pied à l'époque où elle était à l'université.
Écoutez,
le gouvernement est ouvert, toujours, à regarder les
différents programmes, les différentes initiatives pour assurer la francisation. Dans le cadre du
programme de la Chambre de commerce de Montréal métropolitain,
bonjour... J'apprends le français, c'étaient
des étudiants universitaires, notamment, qui allaient dans les petits commerces pour
avoir des conversations, des discussions pour faire pratiquer les personnes qui
n'avaient pas une connaissance de la langue française.
Le 4 mai dernier, la chambre de commerce a suspendu son programme, dû à
l'état de la pandémie, et puis on est en discussion avec eux, et on va
regarder la suite des choses pour voir la poursuite de ce programme-là. Donc,
on est en discussion avec eux présentement.
Une chose qui est
importante aussi, c'est : lorsqu'il y a de l'argent public qui est
investi, c'est important que l'argent soit prioritairement mis dans les
ressources pour s'assurer de l'exécution de la mission pour laquelle l'argent est investi. Également, ce qui est important
également, c'est d'avoir des mécanismes d'évaluation, à
savoir est-ce que le programme
fonctionne aussi. Donc, dans toute dépense publique, c'est important de
s'assurer qu'il y a un retour sur investissement, si je peux dire, pour s'assurer que c'est la
meilleure façon d'investir de l'argent pour s'assurer qu'il y a une retombée concrète au niveau,
dans ce cas-ci, de l'apprentissage du français. Mais, très certainement, la
Chambre de commerce Montréal métropolitain
est un partenaire du gouvernement du
Québec, et on est en discussion avec
eux pour voir les différentes modalités de prolongation de ce programme.
15 379 Mme
David : Je continue là-dessus,
parce qu'il y en a, des chiffres. Les
trois quarts des apprenants, au début, n'avaient
aucune connaissance du français ou ils étaient considérés comme débutants et,
au terme de l'intervention et du jumelage,
entre le tiers et la moitié d'entre eux avaient atteint un stade intermédiaire
ou avancé de compétence à l'oral.
Puis ça, je vais vous
donner un exemple bien concret qu'on m'a donné, je l'aime beaucoup : tu
vas chez un nettoyeur qui ne parle pas le
français, bien, il faut qu'il comprenne un certain mot lié au fait d'aller...
quand tu vas porter une robe :
Pouvez-vous refaire mon ourlet — ce qui est un mot un peu déjà
sophistiqué — mon bord
de robe? Bien, c'est sûr que tu vas
acheter une pinte de lait chez le dépanneur, tu n'as pas besoin de lui
enseigner : Pouvez-vous me recoudre mon bord de robe ou mon ourlet?, tu as besoin d'une pinte
de lait. Alors, ce programme-là de jumelage, il est jumelé pour la
fonction qu'exerce la personne qui ne parle pas français, et c'est pour ça que
c'est si efficace.
Puis
la question de la pandémie, et tout ça, ils ont dit : Au contraire, les
commerçants n'ont jamais été, un, aussi disponibles, puis, deuxièmement, tout ça existe en télé-enseignement.
Donc, ils sont capables de continuer le programme. Donc, ce n'est pas la pandémie, vraiment, qui
aurait fait arrêter le programme. Au contraire, ils étaient capables de
l'accélérer.
Alors,
j'aimerais ça que le ministre me promette d'entrer rapidement en contact avec
la chambre de commerce pour pouvoir
réactiver ça. Il y a 10 500 commerces
de proximité de moins de 10 employés dans la grande région de
Montréal, 4 000 employés non francophones qui y travaillent. Ça, là, c'est de
la politique qu'on devrait faire de proximité, mais, en francisation,
c'est un plateau d'argent pour vous, ce programme-là. Alors, je vous redemande
de ne pas abandonner, s'il vous plaît — est-ce qu'il faut
l'améliorer? Vous verrez — mais
de l'avoir dans votre tête.
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le ministre.
15 359 M.
Jolin-Barrette : Mme la Présidente, j'entends bien la suggestion de la
députée de Marguerite-Bourgeoys, j'en prends note. Simplement la rassurer
également que le Secrétariat à la promotion et à la valorisation de la langue française est déjà en discussion avec la chambre de commerce
métropolitain, alors je peux la rassurer à ce niveau-là. Simplement vous dire également qu'on a attribué
des crédits supplémentaires à l'OQLF justement pour accompagner aussi
les entreprises pour des mesures d'intervention. Donc, il y aura davantage de
conseillers, davantage de techniciens, également, attitrés aux entreprises de
50 employés et moins.
Et je tiens à
vous souligner également que l'État doit jouer un rôle dans la francisation des
personnes, jouer un plus grand rôle,
parce qu'il ne suffit pas non plus de faire en sorte... d'impartir cette
responsabilité de l'État. Parce que, si la situation linguistique au Québec est rendue où elle est rendue
présentement, c'est notamment en raison du fait que certains gouvernements ont fait le choix de dire :
Nous n'investissons pas à la hauteur de ce que nous devrions investir en
matière de protection et de valorisation de
la langue française, mais aussi : Nous ne prenons pas nos responsabilités
en tant qu'État et en tant que corps
public. Et, les Québécois et les Québécoises, leur gouvernement doit s'assurer
d'être l'agent fédérateur qui va faire en sorte de prendre la tête des actions notamment au
niveau de l'exemplarité de l'État,
mais aussi à titre de moteur pour
franciser les personnes, pour s'assurer d'avoir de la disponibilité de cours de
francisation, d'avoir de la disponibilité de cours de francisation
dans les différentes entreprises, d'aller les voir, que ce soit par le biais
que l'OQLF ou que le secrétariat joue pleinement son rôle. Mais, pour ce faire, il
faut pleinement doter l'État québécois des moyens, et c'est ce qu'on a fait dans
le cadre du récent budget avec une augmentation de 10 millions de dollars.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée.
15 379 Mme David : ...une autre, vraiment, qui m'inquiète beaucoup, vous n'êtes pas ministre de la Culture, mais vous êtes responsable de la langue
française, et puis il y a quelque chose qui revient souvent, puis on a des chiffres incroyables... Vous savez qu'il y a la politique
du 4 %, de faire de la
publicité, en région, de soutien aux médias, et on est supposés mettre chaque... un minimum de 4 % du budget de tous
les ministères et organismes en placement publicitaire dans le soutien
aux médias, particulièrement en région, que
vous affectionnez. Puis je suis sûre que vous êtes entièrement d'accord avec
ça, mais là il y a un organisme qui est sous
votre responsabilité, qui s'appelle l'OQLF, qui, quand on regarde où ils ont
mis leur investissement... dans la
note RG70 : Médias communautaires, zéro — 0,00 $ et 0,00 %; Internet,
75 % — puis on
sait avec les médias... le Facebook, etc.,
là, les enjeux; les médias sociaux, 0,4 %. Les médias communautaires :
zéro puis une barre, alors qu'on dit que c'est supposé aider les régions
tout en participant à la promotion de la langue française. Que c'est que vous
allez faire avec ça?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
15 359 M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, Mme la Présidente, c'est un bon
point que la députée de Marguerite-Bourgeoys amène. Oui, il faut s'assurer d'utiliser l'enveloppe en matière de
publicité sur l'ensemble du territoire québécois, et j'en suis. Relativement à l'accompagnement des entreprises, à
la promotion du français aussi, et vous l'avez noté tout à l'heure, Mme la Présidente, les membres de la commission
l'ont noté, qu'il y a un enjeu particulier avec la région de Montréal,
entre autres, il ne faut pas se le cacher, avec les entreprises, avec les
municipalités aussi.
Dans l'étude
de la semaine dernière publiée par l'OQLF, on disait : 50 % des
municipalités sur l'île de Montréal ou arrondissements exigent la
connaissance de la langue anglaise pour exercer un poste. Alors, il y a un
effort de sensibilisation, et ça a toujours été, là, ça a toujours été... la
région de l'Outaouais aussi, là, ça a toujours été où il y a certaines priorités régionales, si je peux dire,
en matière de langue française, qui doivent être mises de l'avant. Donc,
il est logique, notamment, que l'OQLF concentre ses efforts sur l'île de
Montréal, mais encore faut-il, Mme la Présidente, s'assurer d'avoir les moyens
pour le faire, et c'est ce qu'on a fait.
D'ailleurs,
si vous me permettez, Mme la Présidente, là, j'aimerais vous présenter un
tableau, au cours des dernières années,
en matière de langue française. Vous noterez l'augmentation qu'il y a eu au
cours des deux dernières années, plus 40 %
de budget en matière de langue française. Vous voyez les années libérales, en
rouge, et l'augmentation substantielle qu'il
y a eu depuis que la CAQ est arrivée au gouvernement. Donc, ce qu'on fait, avec
la CAQ au gouvernement, c'est qu'on
s'assure de mettre l'argent nécessaire afin d'assurer la protection et la
promotion de la langue française, Mme la Présidente. Si vous le
souhaitez, je pourrais vous déposer le tableau pour que l'ensemble des membres
en prennent connaissance, pour s'assurer également qu'on s'assure que les
mesures prises au fil des ans à travers les différents gouvernements... on adopte une approche qui est particulière pour la
langue française, pour bien doter les institutions de défense du
français au niveau des crédits budgétaires.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Merci, M. le ministre. Je vous prierais de transmettre le tableau à
cce@assnat.qc.ca, et je le regarderai, et j'accepterai le dépôt.
15 359 M.
Jolin-Barrette : Ça me fera plaisir, Mme la Présidente.
• (14 h 20) •
La Présidente (Mme Thériault) : Mme
la députée de Marguerite-Bourgeoys.
15 379 Mme David : ...O.K. Je peux-tu vous dire quand
même, en tout respect et gentiment, que c'est grâce à l'économie du
Parti libéral que, peut-être, vous avez tellement d'argent à dépenser? Et je
suis contente que vous en mettiez en langue française.
Alors, j'ai
un autre sujet que j'affectionne particulièrement, puis ça, c'est sous le
régime libéral, là, c'est plate pour
vous, mais c'était pas mal nous autres qui avons fait ça, je sais que vous avez
crié, vous avez dit que ce n'était pas bon, que ça n'allait pas assez loin :
l'affichage des marques de commerce. Je veux absolument vous en parler quand
même parce que, et je le précise, quand on
connaît notre histoire, l'histoire de la loi 101, depuis le début, depuis
l'entrée en vigueur de la Charte de la langue française, en 1977 — vous
n'étiez pas né — c'est
la première fois que des modifications réglementaires
sont apportées en ce qui a trait à l'affichage des marques de commerce. «Il
s'agit là d'une véritable avancée pour
accroître la présence du français dans le paysage linguistique...» Bon, la CAQ,
à ce moment-là, était vraiment... disait : Ça ne va pas assez loin, etc., mais ce règlement... On peut s'entendre
sur un fait, c'est la première fois qu'on renforçait la présence du
français dans l'affichage, et évidemment que tout le monde a réagi, chacun à sa
façon.
Mais, quand
même, je cite un communiqué qui me fait chaud au coeur, je devrais le mettre en
dessous de mon oreiller, je cite un
communiqué du Parti québécois daté du 22 novembre 2019, parce qu'ils
avaient trois ans pour le mettre en
vigueur, qui dit : «Le gouvernement de la CAQ a ici une extraordinaire
occasion de prouver que son "nationalisme" n'en est pas [un
que] de façade — "façade",
"affichage", je trouvais ça intéressant, comme choix de mots. Le
ministre doit s'assurer que l'OQLF sévit
rigoureusement contre les commerces récalcitrants qui, en trois ans, n'ont pas
cru nécessaire de s'ajuster [et] de prendre des mesures pour respecter
la loi.»
Alors, ma
question est simple. Je voudrais absolument savoir, donc, quel est le bilan, en
date d'aujourd'hui, des entreprises récalcitrantes, du nombre d'amendes
qui ont été données, du montant total des amendes. Même Impératif Français, qui n'est habituellement pas notre ami
tant que ça, au Parti libéral, qui affirme que ce règlement va un pas
dans la bonne direction et que certaines entreprises ne respectent pas les
critères de présence suffisante du français, donc ils ne prennent pas ça au
sérieux.
M. le
ministre, est-ce que vous prenez au sérieux ce nouveau règlement sur
l'affichage? Est-ce que vous avez des chiffres sur le suivi donné à ça?
C'est bien beau faire des règlements, vous allez en faire vous aussi, mais ce
qui est important, c'est : Est-ce que
les gens l'appliquent? Puis est-ce que l'OQLF fait sa job, après, de
vraiment... Elle va dire qu'elle accompagne, qu'elle accompagne, qu'elle
accompagne, mais elle a le droit de sévir aussi.
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
15 359 M. Jolin-Barrette : Si vous me permettez une intervention très courte relativement à votre
question précédente, je fais des vérifications relativement aux médias
communautaires. En fait, l'OQLF, dans le cadre d'un programme, a dépensé plus
de 100 000 $
pour six projets. Donc, tous les médias communautaires ont été invités à
déposer... Donc, il y a 100 000 $
qui ont été déposés... qui ont été dépensés pour l'accompagnement des médias
communautaires.
Puis le lien
aussi, également, avec le ministère de la Culture... Tout à l'heure, vous
disiez... vous faisiez le lien avec la
langue française, et tout ça. On a accordé 2 millions de dollars au
mouvement national des Québécois pour faire en sorte de tenir des activités organisées autour de la
culture et de l'histoire du Québec, et elles s'adressent aux nouveaux
arrivants. Alors, je pense que c'est une
somme qui est tout de même substantielle pour faire en sorte que, lorsqu'on
arrive au Québec, bien, les façons de
s'intégrer, c'est par le fait d'avoir un emploi, par le fait de parler une
langue commune, le français, mais aussi si on est immergé dans la
culture québécoise à travers les différents produits culturels, je pense que ça
aide notamment à apprendre le français. Alors, on a investi beaucoup d'argent à
ce niveau-là.
Bon, pour ce
qui est de votre question au niveau des marques de commerce, au niveau de
l'affichage, il faut se souvenir, là,
si on fait un peu un historique, là, lorsque Camille Laurin fait adopter la
loi 101 en 1977, c'est l'unilinguisme français au niveau de l'affichage. Ça faisait suite, également, à des
discussions qu'il y avait eu préalablement. Arrive la décision dans l'arrêt Ford en 1988 : la Cour
suprême indique que cette disposition-là de la Charte de la langue
française est invalide. Le premier ministre Bourassa invoque la disposition de
dérogation — gouvernement
libéral, par ailleurs, à l'époque — dans le cadre, également, des événements
constitutionnels que l'on connaît, avec l'accord du lac Meech, un an plus tôt. Et, en 1993, Claude Ryan, à l'époque où
il est, je crois, ministre de l'Éducation et ministre responsable de la
Charte de la langue française, ne renouvelle
pas, hein, la disposition de dérogation sur l'affichage unilingue francophone et intègre à l'intérieur de la charte les conclusions
de la Cour suprême du Canada.
Arrive 2016 avec l'arrêt Best Buy, où on indique
que l'interprétation de l'OQLF qui était donnée par rapport aux marques de
commerce est erronée, une décision de la Cour d'appel. Et, à partir de ce
moment-là, la députée de Marguerite-Bourgeoys
et son successeur, l'ancien député de Sherbrooke, M. Fortin, que je salue,
édictent un règlement pour faire en sorte qu'au lieu d'être la nette
prédominance du français c'est une présence suffisante du français, alors que
ça avait toujours été interprété comme étant la nette prédominance.
Donc, le gouvernement libéral qui nous a
précédés a fait un choix, hein, a fait un choix de ne pas rouvrir la loi 101 et a fait un choix d'avoir un critère
moindre que celui qui avait été historiquement mis en place et
opérationnalisé par l'OQLF entre 1993 et 2016.
Alors, entre 2016 et 2019, les entreprises se
sont conformées. Sur le bilan, au 31 juillet dernier, le traitement de 23 cas, de 23 entreprises qui
n'avaient pas encore complété leurs démarches. Alors, nous, on va... l'OQLF va
débuter les mises en demeure à partir du
1er septembre prochain pour la conformité de celles-ci. L'OQLF accompagne
les entreprises. On ne souhaite pas
arriver puis déboulonner l'affiche et tout de suite leur dire : Ça vous
prend une nouvelle affiche. On accompagne, on les sensibilise, mais je
suis d'accord avec vous, à partir d'un certain moment, l'OQLF sévira pour les
entreprises qui sont récalcitrantes.
La Présidente (Mme Thériault) :
Il vous reste une minute, Mme la députée.
15 379 Mme David : Bien, je précise qu'on a donné
trois ans à l'époque, en 2016, ils ont eu trois ans, et qu'à un moment
donné... je pense que vous serez d'accord avec moi qu'il faut agir et que, si
vous vous promenez de l'Ontario au Québec, vous alliez à un Costco avec «Costco»
seulement en Ontario, puis vous traversez au Québec, puis là il est
obligé d'y avoir... et ce que vous... Ce que
je tiens à préciser, c'est que l'affichage, la visibilité doit non seulement
être permanente, mais elle doit être
similaire à celle de la marque de commerce affichée. Si on comprend bien le
français, «similaire», c'est qu'il faut que ça soit aussi visible l'une
que l'autre.
Donc, vous
aviez, à l'époque, trouvé que c'était à rabais. Maintenant, on vous a posé la
question, les journalistes ont
dit : Bien oui, mais qu'est-ce que vous allez faire avec ça si vous
trouvez que c'est si effrayant, ce règlement-là? Puis, à date, la CAQ n'a pas répondu. Alors, ça, je trouve ça
assez intéressant. J'ai hâte de voir votre plan d'action, M. le
ministre.
La
Présidente (Mme Thériault) : Et il reste cinq secondes. Donc, je
vous invite à garder votre réponse pour le prochain bloc, peut-être?
Merci. Donc, nous allons maintenant au député de Matane-Matapédia, qui est le
chef de la troisième opposition. 14 min 40 s pour vous, M. le
député.
M. Bérubé :
Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, chers collègues de la commission. La
langue française, c'est un fondement de l'identité québécoise et c'est
certainement un fondement de l'engagement politique de milliers de Québécois
dans ma formation politique depuis 50 ans.
Le Parti québécois a fait adopter une des lois les plus nécessaires et audacieuses de
l'histoire du Québec,
en 1977, la Charte de la langue française. Et le ministre, qui a lu la biographie de
Camille Laurin cet été, je le sais, pourra s'inspirer certainement
de tout le courage dont a fait preuve le Dr Laurin et le gouvernement du Parti
québécois.
Je l'ai
entendu, tout à l'heure, dire qu'il aurait besoin du concours de tout le monde, voire même de l'assentiment de
tout le monde. Je lui dis que ça va être difficile. Aujourd'hui, tout le monde se réclame de la loi 101, mais, s'il
avait fallu écouter l'opposition en 1977, le
Parti libéral, en bloc, a combattu la loi 101, et aujourd'hui s'en réclame. Tant mieux, les temps
ont changé, mais il n'y avait pas unanimité. Et, s'il est sérieux dans ce qu'il
entreprend, il devra faire face à l'adversité et poser des gestes
concrets.
J'entends
qu'il y aura un plan d'action, je n'entends pas qu'on va ouvrir la
loi 101. Le ministre a bien pris soin de ne pas prononcer ces mots-là formellement parce qu'il ne le fera pas, et je vais vous dire pourquoi. On va valider
un certain nombre d'enjeux qui sont
fondamentaux et, dépendamment des réponses du ministre, on saura d'avance s'il
est sérieux ou pas ou si lui est
sérieux, mais son gouvernement ne l'est pas, parce que je sais qu'il est plus
nationaliste que la moyenne des caquistes.
Il y a certains caquistes qui trouvent que la langue, ça ne fait pas très
affaires, hein, ce n'est pas notre «branding», hein? La culture, ce
n'était pas pour ça qu'ils sont allés me chercher pour être candidat. Alors, ça
existe, là, on les connaît. Ils sont au Conseil des ministres, en plus, puis
ils sont plus nombreux que vous pensez, Mme la Présidente.
Alors, la
loi 101, c'est une loi si fantastique qu'on va l'ouvrir. Et je vais
demander au ministre, qui semble être préoccupé par le français au
travail... Je veux lui rappeler que le travail est un lieu de socialisation
important et je vais lui demander s'il est prêt à ouvrir la loi 101 pour
assujettir les entreprises de moins de 50 employés à la loi 101.
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
• (14 h 30) •
15 359 M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. C'est un plaisir de retrouver le député de
Matane-Matapédia, on a toujours beaucoup de plaisir à échanger avec lui
en commission parlementaire.
Bon, quelques
faits, Mme la Présidente. Les entreprises de 50 employés et moins sont
assujetties à la loi 101. Ce à quoi
elles ne sont pas assujetties, c'est la procédure de francisation.
100 employés et plus, il y a un comité de francisation. 50 et plus, bien, c'est la procédure de
francisation. Donc, ça signifie est-ce que c'est la langue généralement parlée
dans l'entreprise, les suivis avec l'OQLF, tout ça.
Depuis plusieurs années, différents membres de
la société civile, à la fois la formation politique du député de Matane-Matapédia, demandent à ce que la charte de
la langue 101, au niveau du volet de l'accompagnement en matière de
de francisation, les obligations en matière
de francisation, soit étendue aux entreprises de 50 et moins. Nous
souhaitons qu'il y ait davantage de français dans les PME. La question de savoir de
quelle façon est-ce que ça doit se matérialiser, c'est un questionnement. Est-ce que la Charte de la langue
française doit être appliquée intégralement aux entreprises de 50 et moins? Je me questionne. Je vais être ouvert à
avoir cette discussion-là. Très certainement, on doit avoir des mécanismes
qui vont s'assurer de la francisation des personnes. Est-ce
que c'est le mécanisme
actuel de la loi 101 qui doit être appliqué? Je me questionne. Une chose est sûre, il faut qu'il y ait davantage de français en entreprise
et il faut qu'il y ait davantage de francisation sur
les lieux de travail.
Alors, je
suis ouvert aux suggestions. Il faut être pragmatique. Il ne faut pas non plus
avoir trop de bureaucratie, parce que, dans une PME de 25 employés,
aussi, où il y a peu de départements de ressources humaines, bien, ça peut être
difficile.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. le ministre. On va aller au député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé :
...Mme la Présidente. Alors, un employé qui entre dans une entreprise de
50 employés et plus, c'est important,
la langue française, il faut l'appliquer. Mais, si c'est en bas de 50, 49, 48,
ça ne s'applique pas. Si vous souhaitez notre collaboration, vous allez
poser des gestes sérieux, pas un plan d'action qui va arriver avant une
élection en disant : On est nationalistes. Soyons clairs, ouvrons la
loi 101. Si c'est important, c'est bon pour tout le monde.
Lorsque le
gouvernement Marois était au pouvoir, j'en étais, on a proposé la loi n° 14. La CAQ, comme le Parti libéral,
a refusé d'adopter cette loi. Et, en ce qui a trait... Parce que les libéraux
ont été sanctionnés. Je parlais de la CAQ. La CAQ refusait d'appuyer cette loi — une loi, c'est un fondement important — parce qu'elle considérait que ça
allait trop loin. Et,
sur l'assujettissement des entreprises de moins de 50 employés à la
loi 101, le terme utilisé par la CAQ, c'était «harcèlement
bureaucratique». C'est comme ça qu'on a traité une mesure fondamentale pour le
français.
Je demande humblement au gouvernement de la CAQ
de ne pas confondre affairisme avec nationalisme. Ça rime, mais ce n'est pas la même chose. Alors, voici un test. Donc, je
vais poser ma question différemment cette fois. Est-ce que la
loi 101 sera rouverte notamment pour inclure cette mesure?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, Mme la Présidente, à ce stade-ci, je peux
vous dire qu'il y aura un plan d'action qui pourrait notamment comprendre des modifications législatives — qui pourrait — ou réglementaires. Cela étant, Mme la
Présidente, je tiens à vous souligner...
D'ailleurs, le Parti québécois a fait un communiqué, le 22 juin dernier,
où il disait : Nous souhaitons étendre l'application de la
loi 101 aux entreprises de 25 à 49 employés.
Alors, ce que
je dis au député de Matane-Matapédia, c'est : Qu'est-ce qu'on fait aux
entreprises qui ont entre un et 25 employés? Tout à l'heure, il me
disait : 50 et moins, la charte doit être appliquée. Or, dans son
communiqué, il dit : 25 à 49. Qu'est-ce
qu'on fait entre un et 25? Moi, je veux avoir des mesures qui vont faire en
sorte que, concrètement, les
personnes qui travaillent dans les entreprises, ça va se passer en français,
mais surtout, pour les personnes qui intègrent ces milieux de travail là et qui ne parlent pas français,
qu'on ait des outils pour les franciser. Et d'ailleurs je pense que l'OQLF peut jouer un rôle à ce
niveau-là.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le député.
M. Bérubé : C'est important de tester le sérieux de la
démarche. En matière de langue, on s'y connaît pas mal, au Parti québécois, et on a fait face à l'adversité. On a mangé des coups, mais on est
allés par profonde conviction, pas par calcul.
Alors, une loi, c'est important, la loi 101. Il peut commencer par 25
comme signe de bonne foi. S'il veut commencer par 25, ce sera déjà ça, mais
je doute fortement qu'il ouvre la loi 101 pour incorporer ça, fin de la
discussion là-dessus, parce que je n'ai pas senti... Je n'ai pas
d'engagement que la loi 101 est ouverte.
Alors, Mme la
Présidente, je veux que vous notiez, ainsi que les gens qui nous écoutent ici
et ailleurs, que la CAQ n'a pas l'intention d'ouvrir la loi 101, je
veux que ça soit clair, à moins qu'on me dise le contraire.
J'ai une autre proposition. J'ai déposé une loi,
moi, la loi n° 591 concernant l'exigence excessive de l'anglais
au travail, une autre façon d'y arriver, en
partie. Alors, si on veut être pragmatiques puis on veut être rapides, cet
automne on commence à siéger. Est-ce que le
ministre, qui est aussi leader parlementaire du gouvernement, est prêt à
appeler cette loi, et on l'adopte rapidement, un, deux, trois?
La
Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre. Et j'aimerais vous
rappeler qu'on n'a pas reçu encore votre tableau. Je dois le recevoir
durant la séance pour constater le dépôt.
M. Jolin-Barrette : Mme la
Présidente, il faudrait le numériser. Alors, je vais demander à mes équipes de
le numériser pour vous le faire parvenir.
La
Présidente (Mme Thériault) : ...vous dire qu'on peut faire une
photo aussi et l'envoyer au secrétariat. Oui, je vous invite à répondre
à la question du député.
M. Jolin-Barrette : Oui. Vous
avez des meilleures idées technologiques, Mme la Présidente.
Alors, comme
je le disais... Bien, écoutez, le projet de loi n° 591 du député de
Matane-Matapédia est intéressant. Pour
adopter un projet de loi, un, deux, trois, comme il propose, ça prend le
concours des autres formations politiques aussi. Alors, une chose est certaine, l'enjeu de l'article 46 dans la
Charte de la langue française, c'est un enjeu qui est intéressant. Et, à la lumière du rapport de l'OQLF qui a été
déposé la semaine dernière, je crois qu'il y a nécessité d'agir. De
quelle façon on doit agir? Le député de
Matane-Matapédia nous dit : On devrait adopter notre projet de loi n° 591, qui touche l'article 46. Je vais l'étudier
sérieusement, sa proposition, et puis il faudra voir avec les collègues s'ils
sont d'accord.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le député.
M. Bérubé :
On commence par ça. Alors, jusqu'à maintenant, pas d'engagement à légiférer sur
la loi 101, pas d'engagement à
rappeler ce projet de loi là. Toutefois, le ministre, il n'y a pas tellement
longtemps, était prêt à légiférer pour interdire
le «Bonjour! Hi!» à Montréal. Je ne sais pas s'il a toujours cette intention
législative. Il me semble... Dans l'ordre des priorités et du pragmatisme, je lui propose les deux premières avant
de légiférer sur le «Bonjour! Hi!». J'ai peut-être manqué un bout, mais
je pense que le premier ministre n'a pas retenu cette volonté-là, mais ça a été
exprimé.
En matière de langue, évidemment, on parle de la
protection. Il y a tout l'enjeu de la promotion de la langue également. Ça passe par la formation. Ça passe par
la qualité de la langue. Ça passe par la représentation de la langue
qu'on a dans notre société. Ça passe par les
études supérieures aussi. Moi, Mme la Présidente, je suis particulièrement
préoccupé par les transferts linguistiques qui
sont dans le domaine collégial. De plus en plus de francophones choisissent
d'aller dans les institutions anglophones. C'est une réalité, et qui est
encouragée par l'État, malheureusement. Depuis des années, certains cégeps
anglophones reçoivent des rallonges financières pour installer des rallonges
physiques pour avoir davantage d'étudiants, et, dans bien des cas, c'est les
francophones qui s'y rendent.
Le
premier ministre a beaucoup parlé du projet de loi n° 61,
hein? Il souhaitait qu'on l'adopte, mais une des raisons supplémentaires pourquoi moi, je n'ai pas voulu
l'adopter, c'est que, dans tous les projets qu'on y retrouve, il y a un
seul projet au plan collégial, et c'est
l'agrandissement du collège Dawson, qui est le premier en tête de liste pour
accueillir des francophones dans une institution anglophone. L'Action
nationale a fait un fantastique dossier là-dessus, Frédéric Lacroix
également, le chercheur.
J'aimerais
que le ministre m'indique s'il trouve que c'est une bonne chose d'encourager ce
genre de pratique là. De tous les
cégeps du Québec qu'on aurait pu encourager avec, disons, une accélération d'un
dossier, on a choisi le collège Dawson, qui est maintenant presque le
plus populeux au Québec et qui va contribuer encore une fois à des transferts linguistiques importants entre les francophones,
les jeunes francophones... et dans un collège anglophone. Est-ce qu'il
est d'accord... Est-ce qu'il a vu que le
collège Dawson était dans la liste? Est-ce qu'il est d'accord avec ce projet de
loi? Il n'est pas trop tard. Je sais qu'ils vont revenir avec une autre
loi. Moi, si j'étais eux, je l'enlèverais.
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Mme la
Présidente, vous savez, lorsque Camille Laurin a fait adopter la Charte de la
langue française, pour eux... Et je pourrais
le dire de source sûre, j'ai discuté avec un des rédacteurs, il nous
disait : Pour nous, la Charte de
la langue française... L'école, à l'époque, normale, c'était le primaire, le
secondaire. Le collégial était moins visé parce qu'à l'époque ce n'était pas tout le monde qui y allait, et les
rédacteurs... et la demande de la société à l'époque n'était pas au
niveau du réseau collégial.
Le député de
Matane-Matapédia souligne, à juste titre, que le collège Dawson est le plus
gros cégep au Québec. On est le seul
État en Amérique du Nord, Mme la Présidente, à avoir la langue officielle... à
avoir le français comme langue officielle.
On est la seule nation en Amérique du Nord, Mme la Présidente, à avoir
l'opportunité et à avoir la chance de parler français, et ça, ça doit se
répercuter, Mme la Présidente, à tous les niveaux, notamment dans le milieu de
l'éducation, notamment dans le milieu académique.
Ce que
soulève le député de Matane-Matapédia, à juste titre, au point de vue de la
recherche universitaire... Et je rejoindrai la députée
de Marguerite-Bourgeoys à ce niveau-là,
si on veut doter les établissements d'enseignement supérieur d'une
clientèle qui étudiera en français, qui fera de la recherche en français, qui
fera rayonner le Québec en français, il faut s'assurer qu'au niveau du choix de
l'établissement académique collégial la norme demeure le français.
Alors, je
retiens la suggestion du député de Matane-Matapédia et je vais être ouvert aux
suggestions pour s'assurer que la norme du réseau collégial demeure le
réseau collégial francophone.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le député.
• (14 h
40) •
M. Bérubé :
Mme la Présidente, vous comprenez que ma demande est formelle. Dans la liste
des 201 projets, je crois que
c'est 201, se retrouve nommément le plan du collège Dawson. Et son directeur
l'a dit, là, l'a dit, qu'il accueillait un certain nombre... un grand nombre d'étudiants francophones. On
n'envoie pas un bon message. Je sais qu'il est sensible à ça, le ministre. Il n'est pas trop tard. Il y aura
une nouvelle loi qui va venir. Je trouve que ça envoie un bien mauvais message.
En matière de langue, il y a également
l'application des lois sur l'affichage, on en a parlé tout à l'heure, beaucoup
plus présent, beaucoup plus proactif là-dessus. Je pense que l'État qui doit
être exemplaire, c'est l'État qui applique
les lois aussi. Donc, en ce sens-là, moi, je vais souhaiter qu'on soit plus
vigilants sur l'affichage. Ça, c'est clair.
Quant à l'exemplarité de l'État, ça, ce n'est
pas supposé être une politique, c'est supposé être une normalité. Présentement, là, puis on va le faire vérifier,
est-ce qu'il y a encore des factures d'Hydro-Québec en anglais
uniquement qui sont envoyées au Québec? Moi,
je pense que oui, puis ça se peut que je le découvre d'ici la fin de
l'après-midi. Alors, je vous invite à
le vérifier avant que je le trouve, parce que c'est le cas chez Hydro-Québec,
qui rit de nous. Ils sont bien drôles,
là, sur Twitter, quand ils nous répondent, puis les réseaux sociaux, mais
là-dessus ils ne répondent pas. Alors, moi, j'aimerais ça que ça cesse.
Ça peut se régler en cinq minutes. Il y a l'étude des crédits d'Hydro-Québec,
je pense, qui est bientôt, là. C'est passé? Bon, ajoutez ça à la liste. Alors,
ça, c'est un exemple, parmi d'autres, très important.
Et le
français, aussi, c'est de s'assurer qu'au plan international, quand notre
premier ministre se rend ailleurs, il ait toujours des allocutions en
français. Je ne crois pas que ça soit un problème jusqu'à maintenant, mais
c'est arrivé dans le passé. Alors, c'est aussi à l'échelle internationale qu'on
affirme...
La Présidente (Mme Thériault) : Et
je dois mettre fin à l'échange.
M. Bérubé : J'avais une autre
question.
La
Présidente (Mme Thériault) : Vous n'avez plus de temps, M. le député.
Donc, sans plus tarder, je vais passer au député de Jacques-Cartier pour
le dernier bloc de l'opposition officielle. Désolée.
M. Kelley :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, tout le monde. Bonjour, M. le ministre. J'ai
écouté les débats dans mon bureau. J'ai trouvé ça tout intéressant.
Comme la députée de Mercier, je suis aussi un enfant de la loi 101, mais, quand même, je pense, plusieurs députés qui
sont ici, le député de Beauce-Sud et, quand même, le ministre lui-même. Puis je pense qu'on peut parler un petit peu des
choses un petit peu positives. Et, si je regarde la communauté
d'expression anglaise, c'est une communauté
qui a fait des efforts, depuis des années, de valoriser la langue française et
de faire plus, et les chiffres le démontrent.
Quand
la loi 101 a été mise en place... excusez-moi, la loi n° 22, en 1971, 88,5 % de la population du Québec était capable de parler en français, avoir une
discussion en français. Si on regarde le chiffre d'aujourd'hui, c'est
94,5 %. Alors, faire juste le
calcul qu'environ, dans toute notre histoire, plus que 80 % de la
population du Québec était francophone, alors ça dit qu'un effort a été fait par la communauté anglophone d'être plus
bilingue. Puis il y a d'autres chiffres qui démontrent ça aussi. On peut juste regarder les chiffres
directement de la communauté. En 1971, 37 % de la communauté était
capable d'avoir une discussion et de parler
en français, alors d'être bilingue, puis le taux est maintenant, en 2016...
parce qu'on n'a pas tous les chiffres
de 2020, mais, les derniers chiffres de 2016, c'est rendu à environ 70 %.
Et, pour les anglophones de moins de
24 ans, c'est environ 82 % qui sont capables de parler en français.
Je pense, ça, c'est des chiffres qu'on peut peut-être être capables de
dire qu'il y a un succès, un gros succès de la communauté anglophone, mais il y
a toujours plus de travail à faire pour nous et pour le Québec.
Mais ce n'est
pas arrivé par hasard que les chiffres ont changé depuis plusieurs années. Si
je regarde... Et je veux juste citer,
par exemple, le programme d'immersion qui existe dans nos commissions
scolaires, un programme qui a été mis en
place par un ordre du gouvernement, qui étaient souveraines, parce que c'est
les commissions scolaires qui ont élu leurs propres élus, qui ont décidé : Bien, pour les communautés
anglophones, d'être plus bilingues, bien, ça prend un programme qui existe. Puis, si on regarde les chiffres
depuis que ce programme a été mis en place, dans les années 80, c'est
environ 80 % des étudiants qui sont dans un programme d'immersion dans une
école anglophone au Québec. Ce n'est pas à 100 %,
mais c'est quand même un chiffre qui, je trouve, est très impressionnant et
très important. Si on regarde, quand même,
le succès de nos enseignants et enseignantes dans les commissions scolaires
anglophones, des deux plus grandes commissions scolaires sur l'île de
Montréal, les élèves anglophones ont scoré mieux sur les tests de français que
les élèves dans le réseau public des deux écoles... le réseau des commissions
scolaires francophones.
Alors, ça dit
qu'il y a vraiment un effort qui est fait par les parents de s'assurer que
leurs élèves et leurs enfants comprennent
très, très bien la langue française. Mais ça, c'est une chose qui est quand même
un bac... excusez-moi, un diplôme de
l'école secondaire qui a... un étudiant a fait l'immersion en français. Ça ne
dit pas que quelqu'un est prêt à travailler
dans le milieu du travail, de prendre une job où il faut travailler tout le
temps en français. Ça prend de plus... C'est un effort de plus.
Alors, pour
certaines personnes, elles trouvent qu'elles manquent un petit peu de confiance
en langue française, et ça, c'est une
des raisons qu'on a vues depuis plusieurs années, un petit peu d'un «brain
drain» avec les jeunes. Nos
jeunes anglophones ont quitté. C'est sûr
qu'il y a toujours des opportunités dans le reste du monde, et on
dit : C'est des... je ne sais pas si je suis capable de travailler
ici, au Québec, parce que, oui, je suis bilingue, mais de travailler en
français, c'est une autre chose.
Alors, pour
moi, je pense que c'est très important d'avoir une autre discussion sur comment
on peut mieux équiper des
anglophones, des allophones et peut-être, quand
même, des francophones d'améliorer
leur français, d'être plus prêts de prendre
une job dans un autre coin du Québec ou, quand
même, dans une autre profession. Et
ça, c'est pourquoi j'ai décidé, après
des discussions que j'ai eues avec la communauté depuis que j'ai été élu et un
petit peu avant, de présenter un projet de loi qui va modifier la Charte de la langue française pour rendre l'accès à des cours en français
gratuits pour tout le monde
sur le territoire du Québec. Alors, je pose une question au ministre. Est-ce
qu'il est prêt à adopter mon projet de loi ou, au minimum, de commencer à faire
l'étude pendant la rentrée parlementaire?
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Merci, Mme
la Présidente. Salutations au député de Jacques-Cartier. Je trouve que l'idée
du député de Jacques-Cartier, elle est très bonne, et je tiens à le remercier
d'avoir déposé son projet de loi. D'ailleurs, le député de Sainte-Rose, qui est l'adjoint parlementaire du premier
ministre pour la communauté d'expression anglaise, a fait une tournée au Québec et est arrivé avec la même
idée, et le député de Jacques-Cartier a déposé un projet de loi. Alors,
je pense qu'il y a une convergence au niveau
des idées pour faire en sorte de, oui, mieux outiller la communauté
anglophone pour leur permettre d'apprendre davantage le français.
Et j'apprécie
le commentaire du député de Jacques-Cartier, qui dit : Il y a des efforts
significatifs qui ont été faits par la communauté anglophone au Québec
entre les différentes années où il y a un plus grand apprentissage de la langue
française. C'est vrai. On n'est pas du tout
au même point de 1977, où le français pouvait être vu parfois comme une
menace, où il y avait, je vous dirais, deux
plus grandes solitudes. Maintenant, au Québec, tout le monde sait que la langue
officielle du Québec, la langue commune,
c'est le français. Ça ne signifie pas pour autant que les gens sont contre
l'anglais. Je pense que c'est une
richesse d'avoir le français comme langue commune, que, les personnes
immigrantes, on puisse les intégrer en français.
Et d'ailleurs
le député de Jacques-Cartier disait : Moi aussi, je suis un enfant de la
loi 101 comme la députée de Mercier.
J'imagine que le député de Jacques-Cartier disait que c'est un ayant droit issu
de la minorité anglophone, disposant des
droits conférés par la Charte de la langue française, d'aller à l'école en
anglais. Je dois dire que ça a été un équilibre, un compromis qui a été
fait à l'époque, qui a permis de s'assurer que les personnes immigrantes soient
accueillies en français au Québec. Et, si ça n'avait pas été de ça, je n'ose
croire... de l'anglicisation du Québec.
Et aujourd'hui je suis fier d'entendre des gens comme le député de
Jacques-Cartier dire : Je suis heureux de parler en français, je suis heureux de pouvoir m'exprimer
dans les deux langues. Et je suis heureux de l'entendre dire qu'il adhère au fait que le français, c'est la langue commune, et qu'on doit
continuer à donner des ressources pour que les différentes communautés
puissent être mieux outillées pour travailler un peu partout au Québec.
Alors,
nous reconnaissons tous ensemble qu'il y
a un enjeu au niveau de Montréal et que... ayons une approche positive pour faire en sorte d'outiller la
population que le vecteur de communication, l'expression de la culture
québécoise se passe en
français, et que les personnes immigrantes soient dirigées, soient accueillies
en français pour faire en sorte d'assurer
la pérennité de la langue française. Alors, je vous rejoins, M. le député de
Jacques-Cartier, sur ce point-là et j'apprécie le dépôt de votre projet
de loi. Et d'ailleurs je l'étudie très sérieusement et je trouve qu'il s'agit
d'une très bonne idée.
La Présidente (Mme
Thériault) : Merci. M. le député de Jacques-Cartier.
M.
Kelley : Alors, si c'est une bonne idée, est-ce qu'on peut
commencer l'étude de ce projet de loi à la rentrée, commencer ça? Moi, je suis disponible. Je suis
disponible, Mme la Présidente, pour commencer ça la première journée de notre rentrée scolaire. On peut travailler
ensemble sur une liste des personnes à consulter. Moi, je suis prêt, là, «let's
go»!
M. Jolin-Barrette : C'est une rentrée, comme le député de Jacques-Cartier dit, scolaire,
l'équivalent. Moi, je pense que ça
pourrait faire... Ce serait une bonne mesure, dans le plan d'action à être
déposé par le gouvernement, d'une façon globale. Alors, on devrait peut-être l'analyser tous ensemble, mais je
comprends que... Moi, je suis très ouvert, Mme la Présidente. Alors...
M. Kelley :
Appelez le projet de loi, mettez ça sur le feuilleton, là.
• (14 h 50) •
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, Mme la Présidente, on est présentement en négociation
avec les autres leaders en vue de la rentrée parlementaire. Ça pourrait
faire l'objet de nos discussions, mais je sens que vous souhaitez qu'on
l'appelle rapidement. Il faudrait voir au niveau du deuxième et du troisième
groupe d'opposition. Mais, vous savez, lorsqu'on
a des consentements, tout est possible ici, en cette enceinte. Alors, si on
peut y aller dans la joie et l'allégresse, c'est une possibilité qu'on
peut regarder.
Document
déposé
La Présidente (Mme
Thériault) : Je suis convaincue que tous les leaders entendront
l'appel du ministre. Seulement pour préciser
que j'ai bien reçu le tableau et qu'il est conforme. Il sera versé au site.
Donc, M. le député, la parole est à vous.
M.
Kelley : Et, concernant le tableau puis le plan d'action,
est-ce qu'il y a l'argent, dans votre plan d'action, pour les cours en français pour les anglophones? Est-ce
que c'est partie du plan de dépenses de votre gouvernement de trouver l'argent pour faire la francisation, entre
guillemets, ou des cours de francisation pour les anglophones? Est-ce que
c'est dans le plan, présentement, qui est presque prêt à être déposé?
M. Jolin-Barrette : Bien, très certainement, si, dans le cadre du plan d'action, il y avait
une telle mesure, je pense que, pour être cohérent, le gouvernement
devrait mettre de l'argent pour assurer des cours de français aux personnes anglophones du Québec. Et là vous
constaterez, Mme la Présidente, la réalité qui est soulevée par le député de
Jacques-Cartier. En matière de francisation des personnes immigrantes,
vous avez accès à des cours de français gratuits. En plus, lorsque j'étais ministre de l'Immigration, on
a mis 70 millions pour ouvrir les cours aux personnes en situation temporaire pour leur donner une
allocation, temps plein, temps partiel, et également une allocation pour faire
garder les enfants.
Par contre, comme le
souligne, à juste titre, le député de Jacques-Cartier, si vous êtes un citoyen québécois
né au Québec et que vous vous
exprimez uniquement en anglais, vous n'avez pas eu l'opportunité d'apprendre le
français, vous voulez vous inscrire à un
cours de francisation, bien, vous n'êtes pas admissible parce que
vous n'êtes pas une personne immigrante.
Il y a une problématique, puis je pense que le député de Jacques-Cartier met le doigt sur un élément qui doit être modifié. Alors, je
retiens très certainement sa suggestion.
La Présidente (Mme
Thériault) : Merci. M. le député.
M.
Kelley : Et, juste
rapidement, j'espère que la discussion autour de la langue française va
continuer d'avoir un ton positif
comme ça, parce que je sais que, sur plusieurs... dans vos
interventions, vous avez mentionné Montréal, mais je reviens... des symboles officiels
de la ville de Montréal, de notre histoire, nous avons le pin blanc pour la
présence autochtone, la fleur de lis, la
rose de la maison d'Angleterre, le chardon qui représente l'origine écossaise
puis aussi le trèfle d'Irlande.
Alors, c'est juste une réalité qu'il
y a plusieurs communautés qui ont
bâti la ville de Montréal. Je sais que c'est une ville francophone,
mais j'espère qu'on va avoir une discussion sur comment on peut continuer de
mieux vivre ensemble, et ne pas avoir un débat qui est une communauté contre
l'autre, puis faire des choses d'une façon positive.
Alors, je vais céder
la parole maintenant à ma collègue pour terminer le bloc.
La Présidente (Mme
Thériault) : Donc, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, il reste...
Une voix :
...
La Présidente (Mme
Thériault) : Oui, excusez-moi, M. le ministre, allez-y.
M.
Jolin-Barrette : Si je peux
répondre, Mme la Présidente, je suis d'accord avec le député de Jacques-Cartier. Montréal
s'est construite à travers les différentes communautés linguistiques qui sont
arrivées au Québec, Mme la Présidente. Cela
étant, cette diversité doit s'exprimer en français. Vous savez, Montréal est la
métropole du Québec, la plus grande ville d'Amérique du Nord francophone. Dans la Charte de la Ville de Montréal,
c'est en français. Il faut que Montréal soit la locomotive du français
au Québec.
Vous savez,
c'est quasiment la moitié de la population qui habite dans la région
métropolitaine de Montréal, mais, lorsqu'on
voit les chiffres qui ont été publiés par l'OQLF la semaine dernière, bien, on
voit qu'il y a certaines lacunes sur l'île
au niveau des entreprises. Et je suis convaincu que le député de
Jacques-Cartier va être d'accord avec moi à l'effet qu'il faut mettre davantage de mesures de francisation
pour s'assurer que, dans le temps, Montréal demeure Montréal, une ville
française, et ne soit pas Houston, ne soit pas Milwaukee, et qu'on ait notre
caractère particulier, nos spécificités et nos valeurs distinctes qui assurent
les spécificités du Québec.
La
Présidente (Mme Thériault) : Merci, M. le ministre. Donc, Mme
la députée de Marguerite-Bourgeoys, il vous reste un peu moins de sept minutes.
Mme David : Quatre minutes?
La Présidente (Mme Thériault) :
Sept.
Mme David : Sept minutes?
La Présidente (Mme Thériault) : Oui.
Mme David : Bon, je viens d'en
gagner trois.
La Présidente (Mme Thériault) : Six
et quelques, même.
Mme
David : Ça
serait formidable si c'était comme ça au Conseil supérieur de la langue française, de gagner des postes comme
ça. Je vais revenir, d'ailleurs, sur un rapport du Conseil supérieur de la langue française, on en a parlé tout à l'heure, sur les pratiques linguistiques des ministères
et organismes. Vous avez eu le loisir justement de réagir, mais le rapport vous dit bien qu'il est temps qu'il y ait une nouvelle politique
linguistique gouvernementale, que ça date de 2011.
Vous savez,
des politiques linguistiques, là, il y en a
dans les... C'est obligatoire par la loi n° 104 — on
y revient, 2002 — que
toutes les universités, par
exemple, aient des politiques
linguistiques. Je peux vous témoigner qu'une politique linguistique dans
une université, d'habitude, là, ce n'est pas au premier rang de la surveillance.
Est-ce qu'on suit une politique linguistique? Alors, j'ai eu en charge cette responsabilité-là pour une certaine université. Personne n'avait jamais lu ça, tu sais.
Tu sais, c'est le genre d'affaire que...
Alors, moi,
j'essaie de vous intéresser à ça parce
qu'il y a un rapport qui vous
dit : Là, il est plus que temps de revoir ça. Et puis il y a une présidente du syndicat qui vous dit,
elle : Bien, il faut déployer les ressources nécessaires, par contre. Donc, ce n'est pas juste de dire : Je vais faire une nouvelle politique
linguistique — ça,
c'est formidable — à
court terme. Ça fait neuf mois que le Conseil supérieur de la langue
française vous a demandé d'en élaborer une. Il a dit : À court terme.
Bien, neuf mois, d'habitude, on a déjà accouché après neuf mois.
Alors, on est
capables d'accoucher d'une politique linguistique si on est capables, nous, les
femmes, d'accoucher d'un bébé. Alors,
ça fait neuf mois. Le syndicat des professionnels du gouvernement dit : Bon, écoutez, on est très troublés par ça, on ne savait même pas que les politiques
existaient dans nos propres ministères.
Problème d'information, problème de formation aussi. Alors, où sont les
ressources? Où est la nouvelle politique? Ça aussi, j'aimerais ça que vous ne
l'oubliez pas.
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui, Mme la
Présidente. Bon, pour ce qui est de la question des ressources, je pense qu'on
y répond. C'est justement pour ça qu'il y a eu 5 millions de dollars supplémentaires
qui ont été consacrés au Secrétariat à la
promotion et valorisation de la langue française, 5 millions de plus à
l'OQLF. Donc, 40 % d'augmentation depuis qu'on est là, par rapport
au dernier budget libéral.
Pour ce qui
est de la politique linguistique gouvernementale, il y a un problème, et le
Conseil supérieur de la langue française
a bien identifié quelle était la problématique. Il y a une obligation qui
était, pour chacun des ministères, d'adopter une politique linguistique qui s'insère à l'intérieur de la
politique-cadre. Certains ministères n'avaient pas de politique, premier enjeu. Certains ministères avaient une
politique. Elle était dans le fond du tiroir, puis il y avait bien de la
poussière dessus. Certains avaient une
politique linguistique, l'appliquaient à géométrie variable. Certains
fonctionnaires n'étaient pas au
courant qu'il y avait une politique linguistique, et ça allait, excusez-moi
l'expression, à la va comme je te pousse. C'est un enjeu, et, si on veut
que l'État québécois soit exemplaire, bien, il va falloir se doter d'une
politique linguistique qui est forte, qui est cohérente et qui va couvrir
l'ensemble des acteurs de l'État québécois.
Alors, ça pourrait faire partie de mon plan
d'action pour s'assurer que l'État québécois montre l'exemple. Lorsqu'on parle,
là, avec le... L'étude qui a été sortie la semaine dernière par rapport aux
entreprises, au niveau de l'exigence de la
connaissance de l'anglais, bien, comment fait-on pour dire aux
entreprises : N'exigez pas l'anglais, alors que des corps publics eux-mêmes le font, alors que
ce n'est pas nécessaire? Ça doit faire partie d'une politique
linguistique. On doit s'assurer qu'au Québec
l'État québécois, comme étant le foyer de la langue française en
Amérique du Nord, comme étant un vecteur, comme étant l'outil qui va
assurer la protection et la promotion de la langue française, soit l'entité qui
va faire en sorte de montrer l'exemple et de mettre les balises par rapport à
l'utilisation de la langue française.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Mme la députée.
Mme
David : Alors, écoutez,
vous vous êtes mis beaucoup de pain sur la planche. Vous pourriez être à
temps plein dans cette responsabilité-là. Je
sais que vous avez quelques autres occupations, mais je sais que vous êtes
jeune, vous avez plein d'énergie.
Nous, ce à quoi on s'attend, je pense, les oppositions, c'est qu'il y ait ce
plan d'action ou ce... appelez-le comme
vous voulez, mais, dans ça, il y a des ouvertures de loi. Moi, je suis moins
certaine que le député de Matane-Matapédia
qu'il n'y a pas de réouverture, mais, en tout cas, on verra.
Mais j'espère
que tous les sujets, en tout cas, que moi, j'ai abordés, mes collègues
aussi, on allait pas mal tous dans le
même sens, vont faire l'objet d'études, et d'analyses, et de gestes rapides.
Vous êtes quelqu'un de pas trop patient, des fois. Vous devez piaffer d'impatience. Alors,
essayez de gagner vos paris sur des collègues. Il ne vous reste que deux ans. C'est une course contre la montre quand on est rendus
à mi-mandat. Alors, comment vous allez faire pour vous insérer dans le peloton de tête, comme on dit? Et vous êtes en
même temps leader. Alors, vous allez être juge et partie de ce que vous
mettez à l'avant-plan. On a hâte de voir.
La Présidente
(Mme Thériault) : Et je vais
vous donner 30 secondes pour répondre, parce qu'après ça je dois
conclure, M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Je
travaille sur ma patience, Mme la
Présidente, mais, dans un dossier
comme celui-là, je suis d'accord avec la députée de Marguerite-Bourgeoys
que ma patience est limitée.
Documents déposés
La
Présidente (Mme Thériault) :
Donc, en terminant, je vais déposer les réponses aux demandes de renseignements
de l'opposition.
Et, compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à
19 h 30, où elle entreprendra l'étude du volet Culture et communications.
Merci à tous. Merci aux gens qui vous accompagnaient, M. le ministre.
(Fin de la séance à 15 heures)